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Dali
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Ebook136 pages1 hour

Dali

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About this ebook

Tu aimes les témoignages? Tu adoreras ce livre! C’est un roman basé sur une histoire vraie.



«Je suis une hypersensible (surprise !), mais, parce que je ne suis pas très expressive, les gens ont tendance à penser que je ne suis jamais de bonne humeur ou que je me fous de tout. Ça leur semble inconcevable que certains d’entre nous ne passent pas leur vie avec un sourire étampé dans la face. À mes yeux, les gens toujours souriants sont suspects. J’ai l’impression qu’ils refoulent quelque chose de très laid. Un genre de monstre sournois, imprévisible, qui attend juste le bon moment, la bonne situation, pour sortir les griffes et attaquer. D’ailleurs à en croire Canal D, les assassins et les tueurs en série sont souvent très gentils… en apparence. Mais je m’égare, tout ce que je veux dire, c’est que les gens trop heureux me font peur. Comme l’animateur culturel de notre école, par exemple. On l’appelait tous Bon Jovial parce qu’il était fan de Bon Jovi (un groupe de rock poche des années 1980) et qu’il était d’humeur joviale au moins dix mois par année, mais ce que l’histoire ne disait pas, c’est: continuait-il à jouer les clowns hyperactifs même en vacances? Ça m’étonnerait.»
LanguageFrançais
Release dateSep 27, 2017
ISBN9782897583064
Dali
Author

Chloé Varin

Chloé Varin est connue des jeunes pour sa série Planches d’enfer (Les Intouchables) ainsi que pour ses romans Casting (Les éditions de la Bagnole) et Les ensorceleuses (Michel Lafon). Détentrice d’un DEC en Art dramatique et d’un bac ès arts (Création littéraire, communication, scénarisation cinématographique), elle se consacre désormais à l’écriture. Originaire de Laval, elle vit à Montréal.

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    Dali - Chloé Varin

    15

    1.

    Il y a une brèche en toute chose; c’est ainsi qu’entre la lumière.

    — Leonard Cohen, 1992

    Moi: Vous voulez vraiment savoir ce que je pense de cette citation?

    Elle: Oui.

    Moi: Je trouve ça un peu débile. Je veux dire… je comprends le sens, là. On est tous imparfaits. On a tous nos failles, nos faiblesses, nos bobos. Pis c’est ça qui nous rend plus humains. Mais il faut qu’il y en ait, de la lumière, pour qu’elle puisse entrer.

    Elle: Essaies-tu de me dire que ta vie manque de lumière?

    Moi: Interprétez ça comme vous voulez. C’est vous la spécialiste.

    Elle: Tu as bien fait de venir me voir.

    Moi: J’avais pas vraiment le choix.

    Elle: On a toujours le choix.

    Moi: Je comprends même pas ce que je fais ici.

    Elle: Tes profs s’inquiètent pour toi. Tes amis aussi.

    Moi: MES amis? Au pluriel?

    Elle: Disons un en particulier.

    Moi: Ouais, ben justement. De quoi il se mêle, lui?

    Elle: Je pense que tu comptes beaucoup pour lui.

    Je hausse les épaules en signe d’indifférence. J’ai l’air de m’en foutre, mais il ne faut pas se fier aux apparences. Je m’en fiche un peu moins que je voudrais le laisser croire.

    Elle: Il m’a dit, pour votre chicane. Et pour ton chien…

    Je sens tout mon corps se raidir.

    Moi: Je veux pas parler de ça.

    Elle: Très bien.

    La psychoéducatrice s’adosse contre le dossier de sa chaise de bureau en croisant les bras. Elle me regarde intensément, comme si elle cherchait à percer mon âme. Ses iris sont d’une couleur bizarre, un vert profond qui rappelle les forêts du nord de la province qu’on voit dans les vidéos de chasse que mon père regarde les après-midi de pluie. Je réprime un frisson. Et je ravale mes larmes. Pas question de me montrer vulnérable devant elle.

    Elle: Tu aimerais peut-être mieux qu’on parle de ce que tu as fait à tes cheveux?

    Moi: Quoi, mes cheveux? Qu’est-ce qu’ils ont, mes cheveux?

    Elle: Des fois, on pose des gestes irréfléchis pour exprimer sa peine… ou pour l’extérioriser. Comme un genre d’appel à l’aide.

    Moi: Êtes-vous en train d’insinuer que j’ai besoin d’attention?

    Elle: Je n’insinue rien. J’essaie juste de comprendre.

    Moi: Y a rien à comprendre.

    Je fixe la citation encadrée au mur derrière son bureau. Tout pour éviter de la regarder, elle.

    Elle: Leonard Cohen souffrait de dépression chronique, tu savais?

    Moi: J’sais même pas qui est Leonard Cohen, alors non.

    Elle: Qui était. Il est décédé.

    Moi: Il s’est suicidé?

    Elle: Non. Il est mort dans son sommeil à l’âge de 82 ans.

    Moi: Ah.

    Elle: Qu’est-ce qui t’a fait croire qu’il s’était suicidé?

    Au secours. Je veux sortir d’ici.

    Moi: Ben… vous avez parlé de dépression chronique en faisant une face d’enterrement. C’est la première chose qui m’est venue à l’esprit.

    Qu’est-ce qui m’a pris de parler de suicide à une psy? Des plans pour qu’elle s’imagine que je veux en finir avec la vie alors que non, vraiment pas. L’idée ne m’a même jamais traversée, à part une ou deux fois, mais ça dure généralement juste quelques secondes. Comme tout le monde, non?

    Ou presque. Si elle savait pour mon père…

    Elle: C’est un des plus grands auteurs-compositeurs-interprètes de notre époque, à mon avis. C’était un homme très sensible. Il a accompli de grandes choses et il a eu une très belle vie, malgré la maladie.

    Moi: OK, je vois où vous voulez en venir. Mais je suis pas dépressive, et encore moins suicidaire, si c’est ce que vous voulez savoir.

    Elle: Il n’y a rien de honteux à être malade et à le reconnaître. Serais-tu gênée de dire que tu as la grippe?

    Moi: Non, mais je serais gênée de dire que j’ai l’herpès, par exemple.

    Elle esquisse un sourire.

    Elle: Tu as raison, l’analogie était mal trouvée. Ce que je veux dire, c’est qu’il n’y a aucun mal à aller chercher de l’aide. Tout le monde en a besoin à un moment ou à un autre de sa vie. Certains plus que d’autres…

    Moi: Et certains veulent juste qu’on leur foute la paix.

    Elle: C’est vrai. C’est justement pour cette raison que je veux te proposer un petit exercice à faire seule, à la maison.

    Moi: Est-ce que je suis obligée de le faire?

    Elle: Non. Mais plus tu attends avant de te prendre en main, plus long sera le suivi. L’année vient à peine de commencer. Je présume que tu n’as pas envie de la passer dans mon bureau.

    Touché. 1-0 pour la psychoéducatrice.

    Moi: Je vous écoute…

    Elle dépose devant moi un grand cahier rose gomme balloune qu’elle ouvre sur des pages vierges d’une blancheur immaculée.

    Elle: J’imagine que tu as déjà entendu parler de scrapbooking?

    Moi: L’espèce d’activité de matantes qui consiste à coller des photos de chats pis de cupcakes dans un cahier décoré avec des rubans?

    Cette fois, je lui arrache un vrai sourire.

    Elle: Ce n’est pas tout à fait comme ça que je l’aurais expliqué, mais c’est vrai que ça peut prendre cette forme-là si tu aimes les chats, les cupcakes et les rubans.

    Moi: Je préfère les chiens, le popcorn et les autocollants.

    Elle: Alors tu n’as qu’à découper des photos de chien, de popcorn et de tout ce qui te plaît pour les coller dans ton cahier. Mais je ne veux pas seulement que tu y mettes des choses que tu aimes. Je veux aussi que tu y consignes des images ou des mots qui te font pleurer, rager, réfléchir. N’importe quoi qui résonne en toi.

    Moi: Je trouve ça stupide. En quoi c’est censé m’aider?

    Elle: Ça s’appelle de la scrapthérapie. Ça va t’aider à mieux te connaître et à mettre tes idées noires en images pour les rendre plus concrètes et mieux les combattre.

    Je pouffe d’un rire sec qui nous surprend toutes les deux, moi la première.

    Moi: Je les trouve déjà assez concrètes comme ça, mes «idées noires». (Je mime les guillemets). J’aimerais mieux les faire disparaître que de les voir apparaître dans un cahier rose bonbon.

    Elle: Fais-moi confiance.

    Moi: Facile à dire.

    Elle: Tu ne perds rien à essayer, non?

    Je hausse les épaules en feignant l’indifférence, encore.

    Moi: Si je vous dis que je vais essayer, vous me laissez partir?

    Elle: Oui.

    Moi: OK.

    Elle: Une dernière chose: comme tu as 15 ans, je ne suis pas tenue d’aviser tes parents. Sache que tout ce qui se dira ici restera confidentiel.

    Moi: Parfait.

    J’empoigne la courroie de mon sac d’école en me levant d’un bond. Je referme le grand cahier couleur paparmane et le coince sous mon bras pour aller ouvrir la porte du local de ma main libre.

    De l’autre côté, c’est la cacophonie générale. La dernière cloche de la journée — que dis-je? de la semaine! — vient de sonner. À nous la liberté! J’entends la psychoéducatrice dire «On se revoit lundi midi», mais je suis déjà loin.

    2.

    Je suis accueillie au loft par un silence de mort. Je suis chez ma mère cette semaine. En fait, je ne suis pas vraiment retournée chez mon père depuis que… Bref, je suis chez ma mère. Maman doit encore être à la galerie à essayer de convaincre un client que trois mille dollars, c’est peu cher payé pour une œuvre d’art. Je me demande si elle va rentrer à temps pour souper ce soir. Je n’y tiens pas tant que ça. J’ai envie d’être seule avec moi-même, sans personne pour me dire de faire mes devoirs ou de ranger ma chambre.

    Parlant de devoirs, mon regard s’égare en direction de mon sac à dos, où j’ai rangé le grand cahier rose qu’on m’a offert tantôt. Quoique «offert» soit un bien grand mot. Ça ressemble plutôt à un cadeau empoisonné…

    Je traîne mon sac jusqu’à la table du salon, puis je m’affale de tout mon long sur le divan. J’ouvre la télé. Je zappe un peu, totalement indifférente aux images qui défilent à l’écran.

    Il n’y a rien de bon qui passe à cette heure. J’arrête mon choix sur le moins débile: une émission où de jeunes entrepreneurs tentent de persuader de riches hommes et femmes d’affaires d’investir dans leur compagnie. C’est d’un ennui mortel, mais ça me change des séries pour ados dans lesquelles les jeunes ont tous des vies plus palpitantes que la mienne. Une sonnerie m’indique que j’ai reçu un texto. J’hésite à sortir mon cellulaire de ma poche parce que je sais déjà qui m’écrit et que je n’ai pas envie de lui répondre. Je pose quand même mon téléphone sur la table basse devant moi en tâchant de me concentrer sur les arguments de vente du duo d’entrepreneurs qui se targue d’avoir inventé une tapette à mouches révolutionnaire.

    Jeune barbu n° 1: Même plus besoin de se lever pour aller tuer les mouches. Flydrone le fait pour vous!

    Jeune barbu n° 2: En plus, on ne rate jamais sa cible grâce à la minicaméra intégrée.

    Franchement. Ce qu’il ne faut pas entendre… C’est du grand n’importe quoi, cette émission-là! Mes yeux se posent sur mon cellulaire qui clignote. Ça m’agace. Je suis un peu curieuse de savoir ce qu’il m’écrit, tout compte fait, mais je résiste. Qu’il mange de la mouche à marde! Sérieux, c’était quoi l’idée d’aller me stooler à la direction? Il se dit mon ami. Pffff! Quel genre d’ami dénonce sa best à de vieux croulants qui n’ont rien à faire de son bonheur? Toute une gang d’hypocrites. Avec un

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