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ANLAIOS Solstice d'éré 1994 MYSTERIA MITHRAE —————— Périodique crimestriel - juin 1994 300 £B Bureau de Dépoc 1050 Bruxelles 5 60 FE Revue trimestrielle éditée par l'association ANTAIOS 168 rue Washington bre 2, B 1050 Bruxelles, Belgique. Dirccteur et éditeur responsable : Christopher Gérard. Tout article n'engage que son auteur. La teproduction de textes publiés par ANTAIOS est strctement interdite sauf accord écrit de le ditection. La cotisition donne droit & des réductions sur les activités de association ainsi qu's Ix revue ‘Membre sympathisane : 900 FB/180 FE Membre de soutien : 1800 #B/350 FE Membte dhonneur : au baa phair Pout la Belgique, a versr sur ke compte "Générale de Banque” d'ANTAIOS 210-0477993-29. Pour la France, paiement en liquide ou par cheque al'orde de C, Gérard, Pout les autres pays : paiement en liquide ou par mandat postal adressé 4 C, Gérard. ‘OU SE PROCURER ANTAIOS? BRUXELLES LIBRIS 4042 Avenue de la Toison d Or, B-1060 Bruxelles CHEVREUILLE- RENARD, 71 Rue des Eperouniers, B-1000 Bruxelles THUILIER, 467 Arenue de la Corronne, B-1050 Birieslles 1.4 BORGNE AGASSE, 17 Rue deta Tipe, B-1050 Bruxelles PRESSES UNIVERSITAIRES DE BRUXELLES 42 Avenue P Héger, 3-1050 Bruxelles TROPISMES 11 Galerie des Princes, B-1000 Brusells: NAC City 2, Be 1000 Breccelles Bardit 106 Re dis Midi, B-1000 Bruxelles Univers Darticulier 194 Chausite de Charleroi, B-1050 Bricelles ‘Malpertuis 18 rue des Eperon ers, B-1000 Bruxelles Histoines Coudenberg 76, Be1000 Brevxelles METZ Librairie de ta Cathédrale, 11 Place de la Carhirale, La Corr St-Pienne, F-57000 Meta TA, 87.75.5783 PARIS Lea ible Emeraucle 21 Rac de la Huchette, P-75005 PARIS Librairie des Graal 15 Rue Joan-facques Ronsiea, 1-75001 PARIS Librairie Compagnie 58 Rue des Ecoles, F-75005 Paris Galerie Cybtte 65bit Rue Galande, F-75005 Pivis ®anTaios a besoin de votre soutien pour se développer. 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VERBAANDERT Le mystérieux troisiéme terme de la dialectique..... . B. DIETSEH 3. Les Kermesses de 'Etrange . . P, VERBAANDERT. Dumézil en Autriche ... Les Préraphaélites Lectures paiennes Faits et Gestes...... BA ip. G Gitk 168 rue Wishing, 1050 Brel: ANIAIOS Solstice d'été 1994 MYSTERIA MITHRAE imestriel - Juin 1994 300 FB ‘pot 1050 Bruxelles $ 60 EE Revue crimestrelle die par lassociation ANTAIOS 168 rue Washington bre 2, B 1050 Bruxelles, Belgique Dicccreur et éditeur ssponsable : Christopher Géracl. Tout article n'engage que son auteur Ls reproduction de textes publiés par ANTATOS est serctement inte ite sauf accond deve dela direction, La cotisation donne droit 4 des réduetions sur les activités de l'association ainsi qu’ Ta revue : Membse symapathisant : 900 8/180 FF ‘Membre de soucien : 1800 FB/350 FF Membie d'honneue : au bon plaisie. Pourla Belgique, 2 vere surle compte "Générale de Banque" d’ANTAIOS 10.0477993-29. Pourla France, paiement en liquide ou par cheque a onde de C, Gérard ous les autses pays : paiement en liquide ou par mandat postal adressé 4 C. Gérard. (QU SEPROCURER ANTAIOS? BRUXELLES LIBRIS 40142 Avenue de la Teton d'Or, B-1060 Brtceler (CHEVREUILLE-RENARD, 71 Rue des Eperonniers, B-1000 Braclles THULLIER, 467 Avenue dela Couronns, B-1050 Brulles LA BORGNE AGASSE, 17 Ree de la Tape, B-1050 Braxclles 5 UNIVERSITAIRES DE BRUXELLES 42 Avenue P Héger, B-1050 Braces TROPISMES 11 Galerie des Princes, B-1000 Biracelles ENAC City 2, B-1000 Bracelles Bards 106 Rue du Midi, B-1000 Brecelles Unisers articalier 194 Ohacasé de Charter, B-1060 B ‘Mealpertuis 18 rue des Eperonniers, B 1000 Bruclles Histores Coudenberg 76, B-i00 Bruxelles METZ Librairie de ke Carkédvale, L1 Place dela Cathédrale, La Cour St-Etienne, F-57000 Metz TE, 87.75.5783 PARIS La Table d Emeraude 21 Rue de ka Hchette, F-75005 PARIS Libnaive ds Graat 15 Rue Jean-feegues Rowse, [75001 PARIS Libnaiie Compagaie 58 Rue des Ecoles, F-75005 Paris Galerie Cybite 6Sbis Rue Gshende, U-75005 Faris @®aXiTatos DEO SOLI INVICTO MITHRAE EX PROVINCIA BELGICA SODALITAS VOTUM SOLVIT LIBENS MERITO | SOUL MITHRAE } M AVRELIVSA |EveRerrsynaca [riuissvis D>" | | SaceRpoTE-cautiiG) | TANVARIG-DEDICATA | VIKAL-MAIAS “IMP 1 SEPTiMO-SEVERG Pom tiisitraeatecrrite || os Salstice d'été 1994 | eg Ne cy Wy | « \f Se @anTaros ENTRETIEN AVEC LE PROFESSEUR R. TURCAN, DE LINSTITUT. Nous sommes ts heures dacensillir dans nos colonnes le profsscur Robert TURCAN, gui sest imposd comrae le meilleur connaisicur européen de mitbriaciime ancien. Né en 1929, ancien éleve de''Ecole Normale Supérieuve, ancien membye de Ecole Frangaise de Rome, ila dabord enseigné la langue et la bttbrarure lasines & (Université de Ion, avant d'y devenir professeur dantiquités rationales. Membre de UTastitut (Académie des Inscriptions ot Belles Tetres), il est actuellement profeseur d archéologie romaine et gallo-romaine a la Sorbonne (Universté de Paris IV). Depris (quarante ans, il conatere xs recherches it larcheologie rans religions de lFnpire romain en étudiant hnoxamment lee sarcophages, la menismatique, Ficonographie des diews et dee cultes dw monde méditerranten durant les quatre premiers siteles de Lere chrétionne: Ia publid, entre autres, «Les sarcophages romains ir veprésentations dionysiaques» (Paris, De Boccard, 1966), «Tes religions de Asie dans la vallde du Rhénes (Leyde, Brill, 1972), , écrivaic Fustel de Coulanges. Naturellement aussi, mon métier de professeur mincme Pobligation etre aussi clair, aussi explicite que possible, mais sans jamais rien simplifier des dossiers les plus difficiles ou les plus composites. QUEL EST VOTRE PLUS BEAU SOUVENIR EN TANT QU'ARCHEOLOGUE? Le déchiffrement de peintures o& j'ai reconnu des sctnes cultuelles du cycle dionysiaque [A ot les commentatcurs prétendaient ne rien pouvoir identifier. I] Sagit de fresques trowvées & Boscoreale et conservées au Metropolican Museum de New York, VOTRE PLUS BEAU SOUVENIR MITHRIAQUE? La contemplation du relief culeuel de Sarcebourg, si remarquablement présencé au Musée de Metz, ow la visite du Mithtacum fouillé sous Pézlise de S, Prisca, & Rome, sur !'Aventin. [ Entvesien réalisé par Daniel Aranjo le 9 mai 1994, ANIAIOS il MITHRA: UN DIEU INDO-EUROPEEN: (*) On sait que le nombre des dieux dont il est possible de reconstruire le nom en indo-européen est trés réduit, et qui sagit uniquement dencités cosmiques tels que le Ciel du jour “Dyew., ses deux fils les Jumeaux divin, sa fille Aurore. Wese done a prioti peu probable que le dieu indo-iranien *Mitra qui représente le «contra divinisé remonte & la période commune des Indo-Européens. «Contam est & prendre au sens large: il peut sagir d'accord passé entre chefs des «cercles Pappartenance» de la société, familles, villages, lignages, etc., comme dans 'hymne avestique & Mithra, Yast 10, aussi bien que de la loi du milieu qui unit les bandits: le vieux-perse hamigiya-, dérivé du nom perse du contrat, signifie «rebelle»; détail éclairant pour Vorigine du mithraisme gréco-romain, introduit par des pirates ciliciens. Assurément, ce nom du «contrat» est probablement hérité, encore que T'étymologie en soit incertaine: on hésite entre un dérivé en *-tro- dune racine *mey- ou *meF- ou un dérivé en *-ro- Pune racine *meyt- ou *meHt-, ce qui aboutit & un assez grand nombre de possibilités. Mais de toute fagon il ne sensuit pas que le dieu soit aussi ancien que le nom du contrat: Pexistence d’un nom du. «feu divinisé en Inde (Agni) n'implique pas celle d'un dieu correspondanta 'époque commune: il n'ya pas de dieu Ignis 2 Rome. La divinisation du contrat s'est réalisée a Tépoque indo-iranienne, dans le cadre de la ereligion de la vérités, quand sest constitué un groupe de dieux nouveaux dont la particularité commune est d’exiger @abord un culte négatif: ce sont les dieux qu’on chonore» (sens de la racine indo- iranienne “yaz-) en évitant de les offenser (sens originel de la racine, conservé dans le grec hag- one pas offensers), car ils représentent un engagement, une obligation, un lien social. C'est le cas de *Mitra ct de son associé *Varuna qui, en Iran, sera nommé Ahura Mazda «Seigneur sagessen et qui peut rep ou le «serment». sentet la «parole vraie» Solstice d'éré 1994 ee es Pourtant, ils forment un couple contrasté de dieux souverains d'un type conn par ailleurs dans le monde indo-curopéen: un souverain amical, paisible et «diurne>, Fautre terrible, violent ct enocturnes (c'est en ce sens figuré quil faut intexpréver la formule brahmanique «Mirra est le jour, Varuna la nui). Mitra a done pu prendze la place d'un Ciel du jour, dont Zeus, Jupiter, le *Tiwaz germanique, le *Deivas baltique portent le nom. Ce Ciel du jour sest dissocié du Ciel de la nuit (représenté par exemple par POuranos écoilé d’ Homére) eta changé de nature lorsque la notion de «ciel» a été séparée de celle de dour» (le latin dies ne conserve plus que cette valeur, alors que le vieil-indien div- présente encore les deux); un ciel unique 2 romplacé les cieux alternants de Pancienne cosmologic Clest dans ce sens que Mitra «représente» un dieu cosmique indo-curopéen, bien que sa nature soit toute différente: il occupe la méme place dans fe nouveau couple souverain, Ex, en Perse, il a méme fini par sen rapprocher, quand il a identifig au soleil. Jean HAUDRY | * Jaan PUHVEL, Mitra as an Indo-European divinity in eEtudes Mithriaguesy, ACTA IRANICA, 17, 1978, p.335-343. La formule west pas reprise dans « Comparative Mythology», The Jobn Hopkins University Press, 1987. Jean HAUDRY, agrégé de grammaire, docteur bs lettres, professeur de sanskris, ancien doyen de la faculté des lettres et civilisation de Puniversité Jean-Moulin (Lyon), | directeur d’éiudes a Ecole pratique des hautes études, est un des grands spécialistes conternpomins da monde indo-européen, Il a fondé en 1981 institut Etudes Itdo-Buropéennes de PUniverité de Lyon, lest laurews entre autres, de deux onvrages fondamentaus et aecesibles sur les Indo-Enropéens: «Les Indo-Européens», Que Saisje n° 19650, PUP 1985 (2éd.); et de «La religion cosmique des Indo- Enropéens», Arche/Les Belles Lettres 1987. @anTAaios MYSTERIA MITHRAE Une mystique au service de ‘Imperium In memoriam Alain Daniélou En guise d’introduction A issue d'un séminaice international, tenu au printemps 1978 & Rome et Ostic, capitales du Mithriacisme ancien, les chercheurs réunis publigrent un document final que nous considérons comme une base de travail commode: “Le mithraisme romain est une religion de type mystique, une structure & mysttres, fondée sur un dieu qui traverse une “histoire” et une vicissitude, bien gue non congu comme mourant mais comme INVICTUS, divinité qui établic pour Phomme une perspective intra-cosmique et une (perspective) extra-cosmique, exprimées par un symbolisme reliéau théme dela fertilicé, a Tintérieur d'une structure initiatique fonctionnant dans unc esptce particulitre de sanctuaite, sur la base du principe ésotérique. Cette structure & mysttres se déploie dans une perspective plus proprement mystériasophique, fondée sur Pidée d'une cartidre de l'ame, Pintérieur d'un cosmos congu non comme une prison, mais comme un escalier que P'ame doit gravir et dépasser, pour accédex, au-dela des sept sphres planétaires, au niveau transcendant @AETERNITAS (des étoiles fixes) auquel renvoie la huititme porte mentionnée dans le texte fameux de Celse. Cest done une mystériosophie qualifiée, non pas d'anti-cosmique, mais au contraire de cosmosophique, cest-a-dire une mystériosophic impliquant une vue positive du cosmos, bien que, comme dans toutes les especes de myssérivsophie, dans le contexte d'une carritre ou histoire de me. La manitre de vivre du mithriasce Solstice d'ésé 1994 4 Sexerce dans ce monde-ci, lequel & son tour se situe par rapport a un autre monde, de telle fagon que le mithraisme, sans étre un culte public, ni officiel, sans éue en continuité avec les viewx cultes natuiristes (Ositis, Attis, etc...) qui ont évolué vers le imysticisme, peut remplir, paradoxalement, une fonction publique et officielle, eréant une sympathie réciproque avec le pouvoir impérial ct le culte officiel du Soleil.” (1) Tous les termes utilises dans ce texte sont importants, 3 commencer par “mystique” (du gree mustikos: “qui concerne les mysttres". Muisterion étant le mysttre, la chose secrete, la ogrémonie religicuse secrére. Les Chrétiens utiliseront ce terme paien pour désigner leurs mystéres: Incarnation, sacrement du baptéme, ete..)» que Pon poutrait définir, pour 'Antiquité, comme une “expérience d'une interférence participée ct gradue des trois niveaux, humain, cosmique et divin”. (2) Mysttre est également fondamental dans le cadre de notre étude car le Mithriacisme comporte un rite initiatique, volontairement subi, et done résultat Gun choix strictement individuel, ayant pour bur datteindre, par lexpétience du Sacté, une transformation intéricure. Le Mithriacisme peut done étre qualifié de “mystérique”. En effer, il faut faire la distinction, dans PAntiquité paienne, entre les simples mystiques épisodiques et instirutionnelles (Dionysisme, Ménadisme) ot fa personne est “entheos”, clest-a-dire possédée par le Dicu, et les cultes mysrériques, comportant une initiation personnelle, un rituel ésotérique, concernant un Diew qui disparate et revient, le tout donnane licu a des espérances de salut post mortem (otétiologic). (3) Pour étre encore plus précis, nous définirons le Michriacisme comme une mystériosophie, cesta-dite qu'aus vicissitudes connues par Mithra correspondent celles vécues par Pme divine ou céleste (le pneuma des Gnostiques). Alors que chez les Orphiques, chez Platon, lime subit une chute dans la matidre - Cest le fameux séma/séma (le corps est un tombeatr pour Pame)-, dans le Mithriacisme, celle-ci doit gravir une échelle cosmique de sept portes (sept plandtes, sept grades). Le Mithriacisme est une cosmosophie puisqtie la doctrine congoit le cosmos comme créé et rgénété par Tacte salvateur de Mithra, kr Tauroctonie, et qu'il existe une possibilité de salut ascension dans 'acternicas). La pensée mithriaque rest par conséquent ni anti-cosmiquie, ni anti-somatique. Un Dieu venu d’Orient... Mithra est un Dieu indo-iranien, représentant Pamitié, l'accord tant social que costmique, le contrat. En indien védique, Mitra signifie “ami, alliance”, en persan avestique Mithra est le contrat, Notre Mithta est done une diviniré cosmique provenant de Vaire oriemtale du domaine indo-curopéen. Il semble peu probable @anTaios SS eee quil remonte a ke période commune des Indo. Jean Haudey (cfinfra). Dieu défenseur de la Bona Fides, de la vérité et du matin lumineux, Mithra est attentifaux créatures, velle sur les fiddle Ilest le garant de ordre social et cosmique, il soutient le ciel ct la terre. En Inde, Mitta est associé & Varuna, face anithétique et complimentaire de la souveraineté Mitra représente Paspect juridico-sacerdotal, bienveillant et coneiliant, luminewx, proche de tous: cest le Diew-ami. Hn Iran, Mithra est sauveur et solaire, Dieu du Bien, de Vaccord et du serment. Il est la divinité tutélaire des rois achéménides, associé Ahura-Marda.(4) Ce culte syncrétique se répand en Asie Mineure & Pépoque hellénistique. Il fait son entrée dans Empire romain grice aux 20.000 pirates ciiciens faits prisonniers par Pompée en 67 AC et répartis en Ttalie, Nous savons par Plutarque que ces pirates vaincus pratiquaient un culte secret, doi dériveraient nos mysteres. Le culte mithriaque est donc né dans un milicu hostile & Rome, cher, des “terroristes” organisés en groupes clandestins. La premigre allusion au culte constieué - et done distinct de celui des pirates comme de celui d’Asie Mineure - remonte au rgne de Domitien (81-96PC), ott des adeptes sont deja dans Pentourage impérial La transmission du culte (ct sa mutation) en Occident est done mal connue et controversée. R. TURCAN a publié un ouvrage fondamental sur Phellénisation philosophique de Mithra: il semble en effet qu'il y ait eu intégration, par des milieux platoniciens, de doctrines iraniennes, Il est vrai que Zoroastre et les Mages jouissaient d'un prestige certain aupres de PAcadémic et il est méme possible que Platon ait été influencé par la Perse. (5) ropéens: voir & ce sujet la note de Le mythe Le mythe de Mithra, fruit d’un syncrétisme gréco-persan, est abondammant repiésenté sous diverse formes: sculpture, gravure, peinture. I] est mieux connu par les représentations figurées que par la literavure, d’ot un certain nombre de lacunes @ On peut néanmoins le résumer comme sitit, A Porigine, émerge du Chaos le Dieu Saturne, puis apparaissent le Ciel et la Terre, portés par Atlas. Jupiter succtde A.son ptre Saturne et il recoit pour ce faire le foudre, arme qu'il utilise pour terrasser Jes Géants anguipédes, les agents du Mal qui veulent semparer du monde. Malgré la victoire de la Lumitre, l'esprit mauvais continue & memtte le cosmos en danger en le menagant de sécheresse et de soi Apparat alors un Dieu sauveur: Michra, miraculeusement surgi d'un rocher (pétrogene). Mithra est le responsable du cosmos qui, @’un jet de Aéche, fair jaillir la source pour les beigers. Le monde est menacé par absence d’humidiré - mythe agraire! Solstice d'tté 1994 16 passée dans la Lune, qui la transmet & son tour dans un taureau, désormais détenteur de la substance vitale (sang ct sperme). Mithra doit poursuivre le taureau, qui commence par lui échapper. Enfin, il parvient & le faire sottir d'une maison et le capture. Taurophore, Mitha vainqueur entraine sa victime dans une grovte pour la mettre A mort, sur Pordre des Dieux, ordre transmis par le corbeau, messager du Soleil. 1] immobilise Panimal en le tenant par les naseaux, enfonce le couteau sacrificiel (arpex) dans sa gorge et fac jaillir le sang, qui asperge univers et le revivifie, Un serpent et un chien se jettent sur le liquide vital, in scorpion ou: un ctabe sattaque aux testicules de la béte. Des épis de blé sortent de Is plaie et de la queue; la végétation, les animaux alentour renaissent... Durant la tauroctonic, Mithra fixe le Soleil, qui coopére & T'action, par le truchement d’un rayon solaire. Les Olympiens assistent au sacrifice, quils ontinspire, ct qui est done approuvé par ews. Ensuite, il y a “adoubement” par Sol de Mithra ils se serrent la main droite au-dessus de fautel ott grillent les viandes du repas partagé sur les déporiilles du taureaut, Cest la “dexidsis’, signe éternel dalliance, de contrat (en latin: dextrarum iunctio). (7) Limage Image centrale et constante du culte, la tauroctonie, immolation du taureau par Mithra, est 'aboutissement d'une “geste”. Franz CUMONT décrit icone mithriaque ak perfection: “Un jeune homme appuic le genou gauiche sur le garrot d'un taureau abattu sur le sol, tandis que du pied droit, posé sur le paturon, il maintient écendue en artitze la jambe droite postérieure de la vietime. De la main gauche, il lui saisit une core ou plus souvent les naseaux, et lui reléve la tte, et de ta droice, il lui enfonce un large coutelas au défaut de 'épaule.” (8) Mithra porte le coswume asiatique (pantalon perse, bonnet phrygien), il est souvent nimbé ou tadié (solaire!). Le pli de son manteau constellé d’écoiles est arrondi pour figurer le firmament. Uacte salvateur et régénérateur du cosmos est observé par Sol ct Luna (principe humide dont le raureau est détenteur). Sone dgalement figurés les quatre vents (quatre points cardinaux), les bustes planétaires et Torbe des constellations zodiacales. De part et d’aurte de Mithra, les dadophores Caurts et Cautopatis. Cautés porte la torche levée, il représente le Soleil ascendant, ha saison chauide et le solstice d’éré. Le coq et le buste solsite lui sont parfois joints. Cautopatés porte la torche baissée, il représente le Soleil descendant, la saison froide cc le solstice d’hiver. La chouerte et le buste lunaite lui sone parfois joints, Entre Jevant etcouchant, entre Cautts et Cautopatts, Mithra le Médiateur fixe Sol Invictus, GBANTAlOS i le regard ardent voire pathétique, dans le plus pure tradition hellénistique et orientalisance. Aién, Dieu éontocéphale ailé, enlacé par un serpent représence le Temps cyclique, PErernieé cosmique. Cette imagerie cohérente, cette “dogmatique ‘llustsée” (R. Tiarcan) est identique de P Ecosse 4 nde, dans tous les mithraea. La doctrine: Le propre des mystéres, outre le synerétisme, la notion de salut individuel accordé par un Dieu sauveur, Puniversalisme, est leur caractére dsotérique. Le néophyte préte un serment (sacramentuin) et subit initiation, précédée de jetine, de purifications. Au cours de son entrée dans la communauté des mystes (ceux qui savent), lui est révélé le hiéros logos, Phistoire sacrée, le mythe originel et fondateur dans ses deux interprétations, l'ésorérique et Pexotérique. Le rituel comporte une imitatio dei, une mise 4 mort du vieil homme avee résurrection, renaissance spitituelle: Pinitié est deux fois n Le secret est fondamental dans ce context et il a éé bien gardé: nous ne possédons aucun texte complet de premitre main sur T'initiation mithriaque. Religion initiarique “A temporalité cyclique et sensibilité panthéiste” (D.Aranjo), le Mithriacisme a pour point central le sacrifice magique, dans une grovte symbolisant le cosmos, de passage des saisons, du passage de I'équinoxe de printemps (21 mars dans le calendrier solaire). La nature, menacée par Fesprit mauvais, est cégénérée, sauvée par un Diew mandé par les forces cosmiques: le sang dus taurcau, comparable au pneuma des Stoiciens, & ke vie divine qui irrigue tout, conde la terre. Comme le proclame une célebre devise mithriaque: “er nos servasti aecernali sanguine fuso”. Et nous, tu nous as sauvés en répandant le sang éternel... Il sagit done d'une religion optimisre et dynamique, oi justice coincide avec néoessiré, ec & la base de laquelle on trouve, sous influence de courants stoiciens, de Lasttologie et de docttines indiennes et iraniennes, 'Ftemel retour au régne de Saturne. Contrairement a [Orphisme, au Gnosticisme, la decttine mithriaque a eu tune conception positive du cosmos, créé ctfou régénéré par le Deus salutaris, transcendé par lnitié. $'il existe un dualisme mithriague, il agit en fair d’étre DU monde er HORS du monde. On peut parler d'un dualisme “social”, opposant les privilégiés (les iniciés) aux autres. (9} A cette opposition horigontale, il faut en ajouter une verticale, entre ce monde sublunaire du mélange et du changement et Paeternitas, augue! méne [échelle mithriaque. Cette échelle a sept portes permet 4 Fame de Vinisig de réintégrer graduellement la lumiere céleste, de redevenir feu divin apres Solstice d'ésé 1994 Be avoir refaic le cycle complet des ages dui monde & partic de Satuene. Le dualisme mithriaque n'est qu'une opposition verticale entre le niveau de la terre et des planétes une part et celui d'acternitas d'autre part. Tl ne faue y voir aucune opposition entre le ciel et la terre, aucune condamnation du cosmos ou de la matidte. On pourtait définir le Michriacisme comme un monisme vitaliste, comme un panthéisme initiatique: Mithta est solidaire de ce monde, en hatmonie avec ses éléments et en immolant le taureau, il anime le cosmos. Le rite Le Mithriacisme est une religion de la erypte: son culte se pratique dans ce que le facouche ‘Tertullien (“Quoi de commun entre Achénes et Jérusalem?") nommait plaisamment “castra tencbrarum” pout les opposer aux “castra lucis’ des Chrétiens. La grotte symbolise le cosmos (cf. Porphyre). (10) Le temple de Mithta est @ailleurs appelé spelaewm: la tanitre, Il sagira donc d'une grotte nacurelle ou reconstituée, qui servita de liew de réunion et de salle & manger aux initids. L. mithracum ou spelactim se différencie par-la des temples paiens: il est enterré alors que ces derniets sont surélevés (podium), l'autel se trouve & Pintérieur et non devant le temple, le sacrifice a lieu a lintérieur et non a Pextérienr et enfin, office et le repas se ptatiquent intra muros et non extra muros, C'est une véritable révolution sur le plan spirituel dans le monde antique. La liturgie consiste en sacrifices d’animaux (mais pas de taurocronie), en la consécration de pain, de viande, d'eau et de vin. Le repas sacrificiel couronne la cérémonie, il est prtoédé d’une séance d'instruction, dexplication du mythe: catéchése et ckne, ce que Lertullien appelaic des imitations blasphématoires, des “ingenia diaboli”! Le sacrifice a lieu le dimanche, jour du Soleil. Les fetes les plus importantes sont évidemment les équinoxes et les solstices. Les degrés d’initiation Ils sont au nombre de sept, trois inféricurs (serviteurs) et quatre supérieurs (participants), en spheres croissantes de responsabilité. Cet ordre est identique dans tout Empire: Corax, Nymphus, Miles, I.co, Perses, Heliodromos, Pater. Ce dernier est le plus haut dignitaire, représentant de Michra sur terre. Il défend la communauté, veille sur ses fréres, recrute et initie. Léthique Mithra est le Dieu de la fidéliré, de Pamici¢ et du contrat. ®aNDAos 12 IL symbolise "harmonie personnelle, sociale et cosmique. La morale iithriaque est une morale solaite, une éthique de la jumitre: amour de ka vérité, Adélité & la parole donnée sont centrales. II sagit aussi dune religion de Pénergic car Mithra vaine fe taureau grdce & si volonié inflexible et 3 la force de ses bras. Ce quit hui periaet de cestaurer l'ordre cosmique tn instant menacé par les forces du chaos, du non-éere et de la mort. Par la dexidsis, l'étreinte des mains droites, Mithra scelle son alliance avec Sol. La main droite symbolise dans de nombreuses traditions la puissance ec la volonté, Il Sagit aussi ici d'un engagement, d'une patole donnée, & laquelle une fidelité sans faille est de mise, Le suects du Mithriacisme dans les milicux militaires surtout, mais également dans la haute administration et les milieux d'affaires peut Sexpliquer par cette sactalisation du lien fratemel et indissoluble, gatanti par un serment et gage de salut. La loyauté, le fides romaine, source de bonheur et de salut dans un monde difficile, ne pouvait que séduire Fesprit juridique et moral des cadres de Empire romain. Il y aucait ailleurs des recherches & faire quant aux liens entre éthique mithtiaque et éhigue feodale ex/ou chevaleresque. Les points communs sont nombrews: cxaltation de la notion de service, morale de Paction et de Pénergie, lutte contre le mal, nécessté de Pobéissance ot d’ une discipline libremenc consentie au sein d'une higrarchie scricte, exaltation de Thonneur e: de Pamitié, non point amour abstrait et universel des Chrétiens (et qui a pour corollaire obligé Vingérence dans la vie de Pautre et la “correction fraternelle’) mais solidarité concréte 2 Pégard des membres de la phratrie Enfin, la dexisis est aussi la garantie du secret, indispensable au scin des “loges” mithriaques.(11} Mithra et ‘Imperium Un érudit a pu écrire que le Mithriacisme a joué un r6le comparable & celui de a Franc Maconneriec sous la Illéme République, En effet, les “loges” mithriaques ont été crs influentes dans T'armée, la finance, administration jusque dans Ventourage impérial. (12) Si Néron semble bien avoir été initié & des rites mazdéens lors de Ja visite du roi ‘liridate d’Arménie, si Commode a “patticipé” & des rituels mithriaques... mais & sa manitre, les seuls cas certains dempetents adeptes sont ceux d’Aurdlien, de Dioclétien-Calére-Licinius (inscription de 307PC) et de Julien. (13) Mais il est vrai quil faut éviter de tomber, comme le fit Renan en son temps, ans un “panmithriacisme” causé pat la confusion avec Sol [nvictus. Mithra, comme Apollon, Sérapis ou Jupiter, est un avatar de Sol dans ce Paganisme en mutation, caractérisé par ume tendance a [hénochéisme plutéc qu'au monothéisme. Toutes les inscriptions dédiées 4 Sol Invictus ne sont pas nécessairement mithriag ues mais Solstice d'éé 1994 eo Jes mithriastes sont adorateurs de Sol Invictus! En fait si Mithta est assimilé 3 Sol, Tinverse nlest pas toujours vrai, Il existe done plasicurs niveaux dans le culte solsire, En outre, lorigine perse du Mithriacisme - et la Perse est Fennemi géopolitique de Rome -, son caracctre individualiste ec initiarique (voire son absence d’oecuménismne), son ésotérisme - Mithra a toujours été un Dieu secret -, ont fait que les empereurs, sils ont discrétement appuyé les loges, sls ont fait preuved leur égard d'une neutralicé bienveillante, ne lui ont accordé qu'une reconnaissance officieuse. Mais les mithriastes en demandaientils davantage, eux qui célébraient leurs rites jusque dans le camp de la garde prétorienne, au centre de P Urbs? Le destin des mithriastes dans Imperium semble bien d’étre a la fois parcour et nulle pare, au centre et & le périphérie. La survie Mithra est toujours honoré de nos jours, du Rhin a I'Indus.Un prince russe de I Belle Epoque ne fit-il pas construire un mithracum & Lugano? Le marquis Folco de Baroncelli-Javon, poéte camarguais, félibre et ami de Montherlant ne voulutil pas célébrer un taurobole sur la plage des Saintes-Maries-de-la-Mer, au grand scandale des Catholiques locaux? Une Anglaise 2 méme publi¢ une étude fouillée sur les références mithriaques de ‘lolkien, qui aurait voulu faire du “Seigneur des Anncaux” une sorte d’Ancien ‘Testament michriaque destin & sa propre religion... (14) Er puis le cule est pratiqué, sans interruption depuis !Anciguité, par des Zoroastriens, notamment les KSHNUM, société initiatique zoroascrienne de Bombay...(15) Célebré par les écrivains, notamment par Alain Daniélou dont les “Contes du Jabyrinthe” sont un véritable bréviaire (!) mithriaque, le Dieu pétrogtne demeure fidéle & sa mission, sous le Soleil d'un éternel présent. Quand redeviendrons-nous mithriastes? Christopher GERARD Solstice d'ésé 1994 @BaNTalos 2) Notes: (1) U. BANCHI (éd.), “Mysteria Mithrae’, Brill, Leiden 1979, p.XVIXVI. Disormais cité M.M. A Mishratsme, mithratque ot mithraése, nous préferons Mithriacisoe, mithriaque et mithriaste. (2) MM,, p.873-879. ©) Sur ce passionnant suje lire W. BURKERT, “Les Culies & mystbves dans PAntiquize”, Belles Lerees, Paris 1992, p.13-22 et 81-103. (4) R.TURCAN, “Mishra et le mithriacisme”, Belles Lettres, Paris 1993, p. 11- 23. Ouwrage désormais cité TURCAN, (6) R.TURCAN, “Mithras platonicus, Recherches sur Vbellénisation ‘philosophique de Mithra’, Brill, Leiden 1975. Live aussi la discussion générale qui clét les M.M., p.849-870, oit Lérudit Gordon parle mime de “bricolage” myshico-religiews. (6) LAL CAMPBELL, “Mizhraic lconngraphy and Ideology”, Brill, Leiden 1968. (7) R. TURCAN, “Les Cults orientanse dans le monde romain’, Belles Lettres, Paris 1989, p.217-227. (8) TURCAN p47. (9) MM. p.873-884. (IO)H. LAVAGNE, “Importance de la grotte dans le Mithriavisme en Occident”, in Etudes Mitlriaques, Actes du Ileme congrés international de Téhéran (septerabre 1975), Brill, Leiden 1978, p.271-278. Ouvnage désormais cité EM. Gf aussi la groste de Zoroastre et celle oit Mitra attire le taurean avant de le er (L1)M. LE GLAY, ‘La Dexisis dans les Mystres de Mithra’, in EM, p.279- 302, (12)M. CLAUSS, “Cultores Mithnae. Die Anhangerschaft des Mithras- Kaltes” Sturigart 1992 (13)Nous ne suivons pas R. Tircan, gui nous semble hypercritique, Voir & ce sujet W.BELARDI, “Il Mithraisran occidentale e suei rapporti con il potere politico”, in MM, p.385-387. EtM. SIMON, “Mishra et es empereurs’, in MM, p411-428, Er enfin B AUHANASSIADL-FOWDEN, ‘Julian and Hellenism’, Oxford 1981, p.52-88. (IE. ALLEN, “Persian influences in J.R Tolkienis The Lord of the Rings”, in The Transcendlant Aventure. Studies of Religion in Science Fietion/ Fantasy Weseport, Londres 1985. (ISJE. ZOLLA, ‘Te Solei dans la crypte’, in FMR 14, 1988, p.58. Solstice d'té 1994 | ae : g RS re | e Ly fo BE ®anTalos Bibliotheca mithriaca U. BIANCHI éd,, “Mysteria Mithrae”, Brill, Leiden 1979. Une somme de 900 pages. Fondamental. N. BURRASCANO, “I Misteri di Mithra’, Basilisco, Génes 1979. W. BURKERT, “Les Cultes & mystéres dans 'Antiquité”, Belles Lettres, Paris 1992. Une approche résolument paienne des mystéres antiques, de 'aveu de auteur. ALL. CAMPBELL, “Mithraic Iconography and Ideology”, Brill, Leiden 1968. M. CLAUSS, “Mithras, Kult und Mysterien”, Munich 1990, Du méme, “Cultores Mithrae. Die Anhiingerschaft des Mithras-Kultes?, Stuttgart 1992. E CUMONT, “Textes et Monuments figurés relatifs aux Mystéres de Mithra’, LIL, Bruxelles, 1896-1899. Fondamental. Condensé dans “Les Mystéres de Mithra’, Bruxelles 1913 (3éd.). Rééd. anastatique collection “Les Introuvables’, Ed @Aujourd’hui, Plan de la Tour 1985. 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Lidée impériale romaine, dés ses debuts, pris une connotation solaire. Cicéron cen avai deja fourni les prémisves dans la République en désignanc le Soleil comme echef, prince et régulateur des autres corps lumineux, ame ordonnatrice du monde, sigrand quil éclaire tout de ses rayons>. A la suite de sa vieroire d’Actium (31 AC.) sur son rival Antoine, Octave, futur Auguste, se place Iui-méme ainsi que Empire, sous la protection «Apollon, censé lui avoir manifesté sa faveur au cours de la baraille, Il lui éléve en 26 A.C, un magnifique temple sur le Palatin, & proximité de sa demeure. En 9 A.C. Auguste fait réaliser au Champ de Mats un gigantesque cadran solaire servant aussi de calendrier. Son gnomon est un obélisque (2) amené A Heliopolis, sur lequel on grave une dédicace au Soleil: «Seli donum dediv», Ce cadean solaite indiquait en ouxce, par sa position avec Cautres monuments augustéens, tel TAutel de fa Paix, les équinoxes et le solstice cPhiver. Crest a la méme épogue qu’Ovide compose ses Métamorphoses, récies mythologiques mercant en scene le Soleil & plusieurs reprises, et en particulier dans le célebre mythe de Phaéton, ainsi que dans ses aventures avec la nymphe Clytié. Mais cest Horace qui traduit le mieux aspiration solaire impériale dans le Chant Séculaire: Soleil nourricier, qui sur ton char brillant fais surgir le four et le eache, qui renais nouveaw et pare, puisses-ta ne rien visitor de phas grand que a ville de Rome's Solstice d &é 1994 6 ‘Au ler sidcle BC., Néron détourne a son profit le culte solaire. Apparaissant sur ses monnaies en Apollon, Dieu de la musique, il sidentifie 4 fAstre du jour, auquel Je comparent Sénéque et Lucain. Il fai dlever pres de Pactuel Colisée une statue colossale - d’ott le nom attribué & cet amphithéatre - le représentant sous les traits du Dieu-Soleil a la couronne radi¢e. A proximité, sa cél@bre Domus Aurea se veut tun palais solaire comportant une salle octogonale dont la coupole tournante reproduit le mouvement de PAstre. En 125, lempereur Hadrien fait construise lextraordinaire coupole du Panthéon, sans doure le plus beatt temple paien encore conservé. Cetwe coupole, un diamécre de 43 meties, est pereée en son centre d'un oculus de 9 metres, par oft la lumidre solaire joue sur les caissons internes, créant une harmonie incomparable. Dédié & tous les Dieux, ce chef-d’oeuvre absolu de Parchitecture romaine semble bien traduire la prééminence de Sol, régnant sur la voate du Cosmos. La tradition pretend que Pempereut aimait A se placer au centre de ce puits de lumitte pour y rendre la justice. Heéliogabale, au début du Ill2me sitcle, sidentifie lui aussi au Soleil; mais en voulant imposer celui-ci sous sa forme syrienne, le Baal d'Emése, ainsi que par ses débauches, il choque les Romains. Sa tentative échoue, mais comme celle de Néron, elle prépare les esprits a Pidée d'une théocratie solaire. Cette évolution est trts sensible au cours du Ileme siécle. Une symbolique astrale sexprime alors sur les monnaies: avers, les empereurs portent la couronne soli radliée, les impératrices le croissant funaire, Au revers, Sol appatait tenant le globe dans une main et saluant de Paurres sur d'autres pitces, il conduit son guadrige bondissant. Les devises de ces monnaies sont éloquentes: SOL] INVICTO (Au Soleil Invaincu), ORIENS AUGUSTUS (Soleil Levant Auguste), LUX ABTERNA (Lumizre Fternelle). Nous cetrouvons cette évolution dans la littérature, reflet de la société. Ainsi Philosccace P’Athénien fait du Soleil la divinité supréme, dans sa «Vie d’Apollonius de Tyane>, qui passione les milieux liccéraites du temps. Au IVéme sitcle, un roman 4 succes, «Les Ethiopiques» d’Héliodore d’Emése, correspond Ini aussi aux idées del’époque par lesallusions solaires émuillant le récit, Certaines familles sétaient ‘youkes au culte solaite. C'était le cas de la gens Aurelia, dont desendait Aurélien, fils Pune prec du Soleil, Il revenait & cet empercur militaire @'officialiser ce culte toucen lui redonnant une pureté sromaines. En 274, Aurélien fait de son protecteur tutélaire celui de FEmpice et il ui consacte un temple magnifique & Rome. Celui- ci, doté d'un riche trésor, est desservi par un college particulier de prétres rectutés pari T'élite des sénareurs. Aurélien insticue des jeux quadriennaux en Phonneur du Dicu et le 25 décembre est désormais fété son anniversaire (Natalis Solis Invict. Crest Porigine de Noal. (3) @aNTalos Les monnaics d’Aurélien portent au revers Sol triomphant, tandis que les devises céltbrent le Dieu: PACATOR ORBIS (Pacificazcur du Monde), qui rappelle les vicwwires de lempereur; FIDES ET SOL (Eidélieé et Soleil), sur une monnaie de son épouse Séverine, Lapothéose est atteinte avec cette dernitre inscription: SOL DOMINUS IMPERIT ROMANI (Soleil Mature de [Empire Romain)... Dans le chef d’Aurélien, Fempereur occupe sur Terre le méme rang éminent que le Soleil dans le ciel; il participe de sa nature divine et étcrndle. (4) Cette conception du Soleil en tant que garant de l'autorité impériale se maintiendra jusqu’a Constantin compris, En 313 en effet, année oit le Christianisme est officiellement admis dans "Empire, certaines de ses monnaies portent encore la légende SOLI INVICTO COMITI (Au Soleil Invaincu Compagnon). Le culte de Mithra Paralltlement au culte solaire officiel que nous venons d’évoquer, se développait un culte solaire ésotérique: celui de Mithra. Ces deux cultes entretenaient des liens étroits, mais alors que le premier était centré sur la personne de lempereur et de ses proches, le second recrutait ses adeptes dans toutes les classes sociales, au terme Pune sélection sévere. Mithra est identifié au Soleil Invaincu par les nombreuses dédicaces des monuments: DEQ SOL] INVICTO MITHRAE (Au Dieu Invaincu Mithra). Le Mithraisme célébrait la lumigre dans des temples souterrains, car nulle part micux que dans un endroit obscur on ne mesure la valeur de ce miracle permanent quiest la lumidte solaire. Il exigeait de ses initiés une sévére discipline morale dont les termes ne nous sont pas directement connus. Mais, dans son discours «Contre Héracleios», Fempereur Julien, adepte de Mithra (dont il avait le grade d'Héliodromos, «courrier du Soleil), rapporte le code moral qu Helios lui aurait donné, et qui semble bien refléter certains commandements de Mithra: 1° Etre pieux envers les Dieux. 2° Bure fiddle en amiti¢. 3° Eve bienveillane & Pégard de ses subardonnés. 4° Bien se gouverner, sans céder a ses passions. La théologie solaire de \‘empereur Julien Julion, dernier empereur paien (361-363), descendair lui aussi d'une illustre famille P'adoratcurs du Soleil. (5) Mais le Christianisme avait déja été admis dans !Empite sous le rtgne de Constantin, et surtout sous celui de son fils Constance II, qui persécute les Paiens. Julien rérablir le Paganisme ct s'efforce de le rénover: on pourrait parler de Solstice d été 1994 enéopaganismes, Son assassinat en 363 fait avorter ces audacieuses réformes. (6) Se définissane lui-méme comme adepte ¢’Hélies-Rols, cor empereur mystique rendaie un culte 4 son Dieu dans le sanctuaize paarticulier de son palais de Constantinople. Fyalement initié aux principaux cultes & mystetes de son temps, Julien fut en outre un homme d’état ec un soldat remarquable. Il reste Pune des plus hautes figures du culte solaire européen et l'une des plus attachantes de son époque. Cost en partie dd au fait que sa personnalité nous est bien connue grace aux quatre volumes de cextes publigs par les Belles Lectres. Julien se situe dans la lignée des philosophes néoplatoniciens. Ceux-ci considtrent chaque divinité comme un aspect d'une Divinité supréme unique, dont fe Soleil apparatt comme le meilleur représentant, Zeus-Hélios-Hadés est un des noms de ce Dieu synerétique. (7) Cotte idée avait dja étillustrée par Platon dans la «Républiquen, avec la eelebre compataison entre Je Bien ct le Soleil. Elle est reprise au TIleme sigcle par Plotin, qui place Un au sommet du Cosmos: efoyer inextinguible faisant ruisseler une cataracte ininterrompue &’étincelles sur le monde» (Benoist-M échin). Chacune d’elles est une ame qui, apts avoir séjourné sur terte, retourne au foyer dont elle est issue. Cette théorie est perfectionnée par ses disciples Porphyre et ensuite Jamblique. Au sitele suivant, Julien, dans son «Discours sur Hélios-Roin, en propose une synth’se originale sous forme d'une trinité solaire. Certe théorie auraitelle une origine naturaliste, comme d'autres théologies paicnnes? Les annales romeines mentionnent plusieurs reprises, dés le IItme sitcle A.C, la présence de trois soleils dans le ciel. Les chroniques médiéveles rapportent ddes apparitions de méme type. (8) Nous savons aujourd'hui quiil s'agit d'un phénoméne méréorologique rare, nome pariélie, et qui des les origines frappa Pespric humain, Il est intéressant de noter qu’un des montants de ka chambre dolménique de Gevrinis (Bretagne) présente un motif inexpliqué pac kes archéologues, consistant en trois ouvertures circulaires communiquant entre elles par Pintéricur de la roche. [explication naturaliste pourrait-elle ainsi faire remonter Porigine de la «théorien des trois Soleils au Néolithique? A linverse, faut-il voir une réminiscence de cette théologie solaire dans cervains éléments du folklore? Ainsi une croyance bien établie dans les Hautes- Vosges assure que le jour de la ‘Trinité () on peut voir se lever trois Soleils du haut des Ballons vosgiens. De méme, on trouve parzout en Europe Vidée sclon laquelle le Soleil accomplit rrois bonds & son lever, le matin de Paques. Le Soleil visible qui éclaire le monde, le chauffe et lui donne vie, ne peut etre lui-méme le principe de la vie car il est, comme tout objet matériel, soumis au devenir, done a la mort. Il doit donc exister un autre Soleil, invisible, éxeznel et @ aNDaios 2 fulgurant, qui est Porigine de touces choses. Ce principe premier, 'Un ou le Bien, cst tellement ineffable qu’il reste & jamais inaccessible a intelligence. Il est toutefois accessible par illumination mystique selon Plotin, Julien place entre ces deux Soleils un troisitme, Hélios-Roi, le médiateur, dont le Soleil visible mest que la manifestation dans le monde sensible, et qui lui-méme Pémanation du Bien. Hélios-Roi, «régnane sur toutes choses», est la plus haute représentation du divin que Pintellect puisse concevoir. II posséde un aspect personnel sous la forme de Mithra, également guide bienveillant des ames des adeptes apres la mort (Dieu psychopompe), comme le précise Julien dans «Les César», Le chant du cygne de la théologie solaire Apris a mort de Julien, quelques grands personnages tels Prétextat ou Symmaque, préfets du prétoire, ménent les derniers combats pour le Paganisme, Le premier est titulaire de plusieurs sacerdoces et Parer Patrum, Pére des Péres, du culze mizhriaque, Crest lui que Macrobe met en scéne dans ses «Satutnaleso: il donne une synthése du Paganisme en montrant comment toute la théologie pafenne se raméne alors au culte du Soleil. Nonnos, dans son «Hymne au Soleil», montre que sous des noms différents, c'est la méme divinité qui est adorée par les différents peuples. D’importantes inscriptions de Kaménius, un neveu de Julien, montrent son attachement au culte de Mithra. Au Véme sitcle on trouve encore quelques us beaux hymnes solaires, cels ceux de Martianus Capella et surtout celui de Proclus, Tun des derniers grands philosophes néoplatoniciens. Avec ce vaste synctétisme solaire, le Paganisme opérait en quelque sorte un retour 2 ses sources... mais en méme temps il jecait ses cerniers feux. Cette conception, «une des pointes extrémes de la pensée patenner (Lacombrade), n'était comprehensible que par une dlite intellectuelle. A Pinverse le Christianisme proposait, non point une philosophie ou une sagesse, mais une idgologie, beaucoup plus & la portée des masses. Le culte solaire Notons @abord un exemple de rite solaire dans Fancien culte domestique. Le ler mars de chaque année, le feu sacré de Fautel domestique devait étre renouvelé. Pour cette importante cérémonie, on le rallumait en concentranc les rayons solaires. Mais la vénération du Soleil se traduit surtout par ['usage immémorial de saluer Aste levant. Pareil saluc est attesté chez les légionnaires de Vespasien (Ter sitcle RC). Une clramique du Tle sitcle découverte & Bucarest représente un homme saluant le Soleil en levant un bras. Macrobe, 4 la fin du Véme sigcle, dans ses Saturnales, confirme que le Soleil est alors salué & son lever et i] nous transmet une Solstice d'té 1994 Oa bréve invocation en gree ancien, qui était en usage dans les sacrifices pafens: «Hélié pantocraror, kosmou pneuma, kosmou dunamis, kosmow phos», Cette formule paienne originale peut se traduire comme suit: «Soleil rour-puissant, ame du monde, force du monde, lumitre du monde. La ptitte au Soleil, rout aussi ancienne, est décrite par Ovide (ler sitcle) dans ses Métamorphoses (J, 770): Clymeén€ invoque le Soleil eles deux bras tendus au ciel et Jes yeux sur le disque lumineuxs. A la fin du Paganisme, le priére se fait jusqu’a trois fois par jour, les bras écactés et levés, paume des mains et regard orientés vers le Soleil. Quant au culte de Mithra, il érait particulier, du fait de son statur de religion & mystéres, Dans le mithraeum étaient figurés les principaux épisodes de la Kkgende de Mithra, en particulier le sacrifice du taureaus, sous les regards de Sol et de Luna, Ce sacrifice, commandité a Mithra par le Soleil, était destiné & régénérer le monde. Lantre du Dieu abritait un feu perpétuel ct on y trouvait aussi une vasque d’cau lustrale pour les purifications. La prigre avait lieu trois fois par jour aux lever, culmination et coucher du Soleil, le fidéle se tournant respectivement vers le levant, le midi et le couchant. La liturgic quotidienne comprenait de longues psalmodies et des chants accompagnés de musique. Elle se doublait fréquemment @offrandes, de sactifices et de libations. Le dimanche, jour du Soleil (9), Solis dies, avait Hew I office le plus important. Les initiés pouwvaient également pratiquer des rituels spéciaux, tels celui du papyrus magique de Paris. Monuments du culte solaire Citons en premier lieu Je Panthéon de Rome (piazza della rotonda), sans doute le plus beau temple paien (et solaire) conservé, grace & sa transformation en église chrétienne en 609. Parmi les temples spécifiquement consacrés au Soleil, trois sont particuliérement ¢élébtes: - le premier, toujours visible et aussi le plus ancien temple conservé de la Ville, est le Temple rond du Forum Boarium, au bord du Tibre et & proximité du Circus Maximus; - le second se trouvait sur le Palatin, a cdté du temple d’Apollon: le site est aujourd'hui occupé par un couvents «le plus ancien, dont nous avons déja par, se trouvait sur le Quirinal, Peut-trre est-ce lui qui fu remplacé par le grand temple d’Aurdlien, le plus récent de tons. Son emplacement correspondraic & I église San Silvestro in Capite (quelques vestiges seullement). Outre les temples du Soleil, Rome comptait également une centaine de mithraea. @anDatos r ‘Toutcomme les premiers, ceux-ci ont souvent été reeouverts par des édifices chrétiens: les plus connus sont les mithraea situés SOUS les églises Sainte Prisque et surtout Saint Clément, aisémenc visible car dépendant d'une congrégation de moines itlandais fort indépendants, Les autres sont «malheurcusement> cn testauration, inaccessibles «chiuso»). On doit aussi mentionner les dix-huit mithraea Ostia Antica, l'ancien port de 'Urbs, sur le Tibre, & une vingeaine de km en aval de Rome. Ils constituent avec ceux de la Ville Ecernelle la plus forte concentration de ' Empire. Leur écat de conservation est temarquable et leurs mosaiques sont célabres, notamment celle de Belicissimus représentant les sept grades de Tnitiation. Ajoutons quill est fort possible pour le touriste averti - et agile- de se glisser dans Tun de ces temples, a Pécarc de la foule profane, et d’y médicer, seul, sur le destin de co Diew mystéticu.. Parmi les nombreux obélisques de Rome, les principaux sont, par taille décroissante, ceux de: @ Ia Place Saint Jean de Latran (32m); © Ja place Saint Pierre du Vatican (26m): @ Ia place Navone (25m); @ /a Piazza del Populo (23mm); ces quatre proviennent du Circus Maximus; @ | place de Montecitorio (22m): le gnomon d’Augustes ete Jean-Christophe MATHELIN Notes: 1) Son destin rappelle a certains dgards celui d’Aton, dans lancienne Fgypte, of fa vieille divinsié du disque solaire éclipsa au Nouvel Empire tous les autres Dienx par la volonié d’Akbénaton. 2) Lobelisque, tout comme le menhir, symbolise le rayon solaire pét Contraivement d une croyance répandue, il érait conn en Europe avant les contacts avec Egypte, Par la suite, d'autres empereurs somains prélevérent des obliques ézypticns pour omer les places publiques de Rome av de Constantinople, Au sitele dernier, Paris - la place de la Concorde est un | superbe exernple de symboligue solaire! , Lond set New York reprivent cette mode: mais Rone reste de loin la ville au moorade comptant le plus grand nombre dobélisques. Solstice d'éé 1994 GI 3) Dont le nor signifie enouveat soleil, en gree néos hélios, en breton neo- Heals, 4) Cette conception du monangne solaire, bien que non spécifiquement romaine, remante a une tres haute antiguité (Age du Bronze). Ele connatrea des secc?s sardift anec Louis XIV, notamment. 5) Comme il le dit dans son Discours sur Hélias-Roi: «C'est un grand avantage pour us homme que d'étre soumis a ce dieu par une longue suite dancétres depuis plus de trois générations» 6) Assassinat revendique ubtériewrement par les Chrésiens, bien que leur responsabilité 'ait jamais pu ttre prouvee 7) Julieny ajoute Sérapis, remplacé chez Macrobe par Dionysos. Diautres inscriptions Cidentifient par ailleurs a Mithra (cf: Vermaseren). 8) Voird ce sujet C, FLAMMARION, Liarmosphire, méitorologie populaire, Hachette, Paris 1888. Ainsi que L.E SAUVE, Le folklore des Hantes-Vosges, Maisonneuve et Larose, Paris 1940. 9) Les langues du Nord de l'Europe en ons conservé le souvenir: anglais «Sunday, allemand «Sonntage, et... Bibliographie nom exhaustive JM, ANGEBERY, Les mystiques du Soleil, Laffont, Paris 1971. JLWARES et M. FORGET, Paradis perdu et tradition solaire, Atlantis, Paris 1984, audiocassete, J. BENOIST-MEGHIN, Lempereur Julien ou le réve calciné, Perrin, Paris 1977. ‘] BIDEZ, La wie de Pempereur Julien, Belles Lettres, Paris 1965 (2éd) P CHUVIN, Chromigue des dernier: paiens, Belles Lettres, Paris 1990. FCUMONT, Les religions ovientales dans le paganisme romain, Leroux, Paris 1909. Nombreuses rééditions ultérieteres, E CUMONT, La théologie solaire de paganisme romain, Mémeises preseniés Académie des Inscriptions et Beles-Letores de Uinstinut de France, Paris 1913 KE CUMONE Les mysttres de Mitla, Lamertin, Bruscelles 1913. Réédition récente chee Monfort. F CUMONT, Laos perperna, Geuthner, Paris 1949. 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C: Pour résumer, je me définis comme un heliolatze panchéisce, Apollon-Hélios-Michra est & la fois Dieu, |'Univers et le Soleil, forme tangible sous laquelle nous pouvons Padorer, Contrairement & ce que pensent les ignorants qui voient dans le culte solaire une régression vers une idokdcrie primitive, celui-ci débouche sur des conceptions rts dlevées, telles celles exprimées par Pempereuir Julien dans son au plafond Altamira (il faut avoir ka vue un peu longue, d’autant quill n'y a pas Behaut que des aureaux & surgir d'un fixe et ocre mouvement). Limplantacion de Mithra est tardive et superficielle en Hispanic, et le culte du Taureau, autrement archaique et autochtone. Curieux hasard tout de méme qua Mérida, le mithraeum se trouve sous les Arénes mémes. Je pense & ces mots de Bergamin dans son Art de Birlibirloque, et qui ne devair gure, lui, penser & Mithra... N’empéche: «le taureau meurt comme le Dieu berné dont le sang devient le Tinceul, tandis que la demizre hieur de Vintelligence, cause innocente de sa mort, s évanouit dans le mythe solaire (...). La pensées sa place. Les toreros ont leur place dans le jeu, car ils en sont les pitces et en quelque dérale de Dieu, c'est de garder les distances, de mettre toute chase sorte l'image sidérale. (..) Le torero est un ange visible et naturel, Tange gardien des distances (..), 8 la porte du patadis cerrestre.» LAct du Birlibirloque, chez Bergamin, cest Fart classique et magique du toreo (or le Mithriacisme peut comporter unc certaine dose de pythagorisme et d’orphisme) Solstice d'éeé 1994 #0. Jaune-of, rouge, couleurs vives, feu se retrouvent dans la cortida et cher Mithra, comme & $. Prisca, sur Aventin, & Rome. incidences? archétypes plus ou moins décoratifs? Bon... flanons vers ce Musée moderne, et qui était toujours fermé quand je vins par ici ces dernitres années. lrop moderne (je regrette le petit musée-couvent, ocreux ct ombreux, de Focreuse et claire Place Majeure: il y a tant de mithraea qui ont été transformés en caves d'églises - quon ne saurait trop se féliciter de voir quelque chose comme un coin noble et guenilleux d’Evéché devenir un réduit mithriaque)... Musée climarisé, a briquettes, creusé de fagons de niches latérales. Un écho minéral et froid partout résonne ici. Haut musée & niveaux Petite erypte de gauche: une statue mithriaque et une statue peut-etre mithriaque. ‘Touvé dans le mithracum.. figure masculine... possible Mithra, signé Démérriu Ileme sigcle de PEre... Je lis.. sur la seconde ligne... «Demetrios epoicis. Echo profond, minéral, longue chambre de tit. Er au-dessus de la base, on trouve... «lnvicto... sacrum... $a ~.. lt-.. te. salutis (011 82-,.eq ti.) 0 Tiens, a lire cela tour haut, j'ai presque un accentgrec de quartier.. Au fond de la ctype, Kronos, le Temps Infini, anthropocéphale, Mithraeum, deuxitme sicle de PFre... jeune Kronos... une effigie Kéonine & nu et a cru sur la peau, carrément... a ses pieds, sorte de boue barbu & regard presque humain. Echo, métal de pierre newve... Autre longue crypte: un Kronos ceint de serpents, décapité, visiblement Iéontocéphale... Mithraeum, deuxitme sitcle de I Ere... Sorve d’Ange, avec des ailes taigres dans le dos, dont on comprend sans peine quiil ait pu paraitre satanique aux Chrétiens... A gauche du Saturne ailé er décapité - une série de petits ex-voto, dont deux a Tévidence mithriaques... sur le premier: «Deo invieto pro salute», et puis on arrive plus & lire... ou seulement: «eo invieto... CC, AEmilius sperat ALL.» Non loin de Bi, un instrument de musique, le sistre, soutent par tine main de marbre ou de lourd albatre, et son culte silencieux & l'égyptienne Isis. Sperat.. Silence sableux d'un sistre quitun sicle a fond de sigele et de haut musée agite... Des pas, nos pas, clair écho de nos pas sous dabstraites voittes.. Nous avons & jamais perdu ce rituel - reléguds aux portes du sanctuaire en une rapeuse Elegie... Y cut-l jamais de femme-chair sous les plis de robe d’Isist Avune autre extrémite, un autel dédié au Dieu indigtne Edigénios, Voila nowe sang, le sang de pierre du bled... Isis vient de plus loin, et sa robe a plissures de moins loin que notre bure ibére... Mithra vient de plus loin (Ja Perse) et de moins BS aNTalos 4 loin que notre sang ibire... Mais pour ceux gui y croient, il nefface pas le panthéon, méme indigéne. I loriente dans le sens dune certaine unité et de sa propre prégminence, comme un matin divers éclate enfin et vaine & midi pile. Diailleurs, ce gros autel & Mithra (Mithracum, deuxigme sigcle de Fre) oit on lit: «Aram genesis. invict..invic-... Emeritae Secundus... Annio..o» je arrive plus & lire... on voit quand méme: «Aram genesise. Voix a fond d’écho, et cri absurde de perruche... un enfant mfaccompagne et me suit. Une téte de Sérapis, venue également du Mithracum, deuxitme siéele de P° Que Sérapis le secourable et le synerétique Aigure ici est tout naturel. Cri de perruche. Ce cri n'a pas changé depuis le temps de Sérapis et de Mithra. Dans la méme crypte: «personnage mithriaques. Avec les Cercles d’Eternité aux pieds. Peut-ttre un porteur de torche (levée? baissée? il y a des Sibylles de Michel-Ange dont on ne peut décider si elles prennent ou reposent le Livre du Destin sur le mur idéal que ce geste projette). «Personnage mithriaque»: un autre, & chlamyde ct lion a ses pieds. Environs des Artnes. Deuxitme sitcle de PEre. Relief: sctnes de «possible banquet mithriaquie» ‘Toujours erypte a briquettes neuves n°lV. Tiens! le Mithra de Masson ressemble étrangement au Mithra de Cabra, dans la province de Cordoue. «Les immigrants venus de la-bas, le trafic commercial, les déplacements le Armée romaine setont les vehicules de cette propagation. Les contacts que la Péninsule ibérique avait anciennement maintenus avec ces cerres intensifient pendant ki période romaine: d’ott un flux continu didées... Ample colonie d’Orientaux ici érablie... seconde centurie oi brille Iz puissante personnalité du grand prétre Caius Accius Hedrychrus... Fouilles prariquées durant la premigre dizaine du sidcle présent...» Mercure assis mais sur la lyre & inscription mithriaque de An 155 apres Jésus- Christ (An CLXXX de la Fondation d'EMERITA AUGUSTA, la cité-vézérans Hispanic). Hedrychrus, un affranchi, sans doute, @origine érrangére (gréco-orientale). Quelle téte pouvait-il avois, celui dont la lyre michriague de Mercure assis a garde jusqu’a nous le nom grec, comme elle avaic infiniment plus de chances de ne point nous le transmetrre, et dont Pépigraphie nous était inconnue jusqufa la «premigre dizaine du sitcle présents? Suistice d'été 1994 2 Des sidcles enriers d’indiffécence, de méptis chétien pout peu quon se fit mélé de deégager ces excavations (dehors, édicule du Dieu Mats a été transformé en chapelle 3 grille ct crmitage-trotioir de Féglise Sainte-Fulalie; le cierge y brile encor, est une halte & veuve, a pigton, comme ocs trains qui passent au pied méme dun couvent de steppe ou de faubourg plareresque en Espagne). De combien de fits paiens étige-t-on les colonnes trajanes de la Chrétienté? LEtang de Proserpine du moins, dans le bled blond et chauve d'alentous, porte encore le nom de Proserpine. C'est encote et toujours un barrage et une prise Peau. Et qu'un haut barrage de béton Jonge ce Pont ‘liajan d’Alcancara par ot je suis yenu me convient assez, Le ciment, le blocage, la pierre couche et armée, cest romain, tout cela. Et ce pourrait devenir érernel. (Crest en 1979 que je passai la nuit le long d'un écriteau: «Etang de Proserpine», sans pouvoir faire le détour seul - au coeur d'une steppe de nuit, comme sétire lentement un son dorgue archaique et cruel). Ce Musée nlexistair pas encore, tant sien faut. Sy promencr. Cippe funéraire du soldat ltalicus Zosimus, 37 ans, bénéficiaire de la Légion Septime Gémine. Br lui, que savaicil de Mithra? Zosimus, ce n'est pas ibére ni romain, ¢2.. Cait peut-ttre un idiot et un ivrogne: mais c - et jen fais le myste mithriaste qua sa place, jleusse cant aimé étre du cbté du Pone Romain qui jette encore Parche de ses arches fraiches et sableuses & la Province (sinatorial en face. Qui capore d'un mince tambourin & mes oreilles (en ce musée trop neuf, ott out se fait écho)? Fmetita Augusta, capitale de k province impétiale de Lusitanie, se trouvait sur lk limite méme de kk Bérique, comme ces capitales excentrées qui regardent de Paurte cdté du Hleve - qui regardent quoi? un bourg done on sait peut-érre le nom, dont on réve, oit finalemene Lon sVira jamais et qui est le premier du vaste Pays d’en face & lointaine, ts lointaine capitale clle aussi excentréc. La Rétigue (capitale: Cordoue) dépendait du Senet, candis que Lusitanie et Betique dépendaient, elles, de Padministration impériale. On a gardé quelques noms de gouverneurs, Sous fe Bas Empire, ces gouverneurs regurent le nom de pracsides nom est beau, plus beau que lui et consulates, comme le pracses Caius Opicius Rufis, Emerita, capitale de faic de toutes les Hispanies. Une sous-préfecture, de nes jours, Er-combien de régnes et de capicales réduits & la tombe d'un nom, et pis: que @aNLAIos B pait un mouton noi? Les Provinces de Pépoque étaient divisées en couvents juridiques: couvents de Santarem (Portugal actuel), Beja (Portugal actuel) et notre Mérida. Banos de Montemayor, dont afa toujours requis la rampe et le lacet thermal, Sappelait, je Papprends a Vinstant, Aquae Caperenses. Quand y ferai-je une cure thermale? Les thermes, Pun des rares faits géologiques qui aiene échappé, comme Fessentiel du sport, & la sanctification du Christianisme (encore que le pape inaugure parfois les stades d'une Coupe du Monde de Foot; mais le Foot nexistait pas du temps de Zeus!). Voix sonnant comme Pécho d'un tir Le Musée va fermer. On me jette dehors, Dehors, magasin «Mithta», souvenits, c€ramiquies cendrier ccint d'aspics et de boa? Mérida, liew de convergence, capitale excentrée et limitrophe au bord de toutes les Bétiques (ah oui, il y a du limes ici dedans) - done j'aime & retrouver de vieux axes, a fouler la gare routiéte, la gare & chemin de fer, ct le fer du columbarium le long de son stade inutile et desert. D’autres ont ici leur tombeau, Un fruic simple... Fombre étroite du fleuve... Jour de sagesse Cris du fleuve, Apres-midi dans les gros bourgs agricoles d'alentour: peut-ttce le Perse Mithra nestil point artivé jusquici, cantonné quiil était aux garnisons de la cité, Aprés-midi dans des villages bral. ¥ govirer la froide liqueur de gland indigene. Peut-étre Mithra n'est point parvenu jusqu’ici non plus (nous sommes trop loin Emerita; et cette liqueur de gland, trop indigene). Mais Mithra a charge de sauver ot de régénérer tout lordre végétal et animal du monde. cadeaux. Y trouverai-je un Prendre la route du Sud, jusqu’au limes de Empire. Mithra y tient encore sa chapelle, sa caserne et la torche (levée, baissée) de son myste. Cri du Hleuve. Fruit if Daniel ARANJO Solstice d'été 1994 Un mithrenm contemporain, celui ‘A. Danidlow a Zagarolo Photo J. CLOARFL &NDAlos LA SUERTE DE MUERTE ET LE SOLEIL NOIR DES TARAHUMARAS. “Songe guil n'y a que trois questions. Lhomme devant la mort. Lhomme devant Lamour. Lbomime devant la création. Tout le reste nest quéallées et venues & des fins bio-pratiques.” Marcel Moreau, Les Arts viscérae, 1. Impossible bilan. Jai vente-quatre ans. C'est lage de Maurice Barres lorsqu’il commence fa rédaction clandestine de ses “Cahiers” olt fon retrouve sa part la plus intime, la plus complexe, la plus attachante peut-érre, celle qui lui permet de ne pas étre un pantin condamné aux oubliettes de histoire littéraire. A trente-quatre ans, Michel Leiris écrit “Age d' Homme’, essai autobiographique d’une rigueur par laquelle Fintelligence se trouve mise nu. Par aprés, il réalisera pour ce livre une introduction dela plus haute importance: “De la littérature considérée comme une rauromachie”. Je nesais si cette époque de la vie estessentielle dans le déroulement de lexistence humaine. Souvent nous avons fimpression que dans un choix, un projet, une décision, un cravail, se joue la globalité de noce avenir. Pourtant au seuil de mon trente-cinguitme anniversaire, il me semble avoir parcouru ne série d’épreuves débouchane vers une aube incertaine, illuscite sans doute, I] patait alors nécessaire Aesquisser un bilan, tour en sachant qui sera vain d’y voir autre chose qu'un outil rudimentaire afin d'évicer la chute, entre panique et fascination, La quiétude est repoussée vers un furur mythique, et a maturité donc il devraic écre question demeure balburiante. Solstice d'été 1994 Méléa une méditation symbolique, voire ludique, sur leschiffres et la chronologic, cela peut inciter 2 croiser le fer avec la destinée, Que lembléme en soit le Taureau et le Soleil, puisquil nous faut ici suggérer ce qui excéde la raison, dans un domaine que dominent !'évidence et le sacté. 2. L'Espagne, mystique et fiction. Dans un dialogue de PEspoir, André Malraux expose avec force Je mélange @héroisme exubéranc et de pudeur virile, caractériscique de cette civilisation espagnole qui parvint & hisser 'ément Je plus trivial dans le ciel de la sublimité, et ce par la grice du paradoxe et la vigueur du style... Deux hommes, adversaires de longue date, alliés pour la premiére fois dans une méme bataille, sont face 2 face. Puig, le militant anarchiste, et le colonel Ximénés, officier catholique qui par loyalisme reste fideéle 4 la République: “. Quiest-ce que vous faites des soldats prisonniers? Lanarchiste était a Yaise comme s‘ils cussent combactu ensemble depuis un mois - marquant imperceptiblement, par son actitude, quill venait demander des conseils, et non des ordres. Ximénés connaissait ses traits pour avoir examiné plusieurs fois sa fiche anchropometrique; il était éonné par sa petite taille de corsaire tapu. Bien que Puig fit un chef de second plan, jl Vintriguait plus que les autres, & cause de Paide aux enfants de Saragosse. ~ Les instructions du Gouvernement sont de désarmer les soldats et de les remeture en liberté, dit le colonel. Les officiers scront traduits en conseil de guerre. Cest vous qui étiez dans la Cadillac qui a permis de prendre les canons, sest-ce past Puig se souvint d'avoir vu, au bour de la rue, les bicornes de la garde civile qui passaient avec les casquettes plates de la garde dassaut... - Oui. - Clétait bien. Car sils étaient arrivés ici avec le canon, tout aurait peut-étre changé ~ Vous aver eu de la chance en craversant la place. Le colonel, qui aimait sauvagement I'Espagne, était reconnaissant 4 lanarchiste, non de son compliment, mais de montrer ce style donc tant d’Espagnols sont capables ct de lui répondse comme Fett fae un capitaine de Charles Quint. Cari étaic clair que pat “chance”, il entendait “courage”.” (1) Certains prétendent ne pouvoir aimer en méme temps I'Ttalie et Espagne, quientre ces deux pays du Midi un choix simpose. Je crois quil ya quelque vérité dans ce propos. Ft javoue une affection particuliére, une préférence pour Pralie, et singulidteient pour la Toscan. Quanta I Espagne, "approche est différente... Moins @aNTAos ae RN réfléchie, plus passionnelle, confuse, cyclique. elle couche aux tripes et produit & Foceasion une sorte d’éonnement que les podtes romantiques connaissaient déja bien, au-dela des malentendus créés par tin exotisme assez superficiel. La terre d’Hispanie sera toujours cette vicille maitresse qui sans cesse revient troubler un équilibre difficilement acquis, comme la Vellini, hétoine diabolique du roman de Barbey d’Autevilly, poursuit inlassablement Ryno de Marigny. [auteur rapporte qu’aux temps de leurs premidzes étreinzes, les amants voulurent boite le sang, l'un de lautte, insraurant de la sorte wn pacre d’envotitement mental et chamnel. Limporcance dune esthétique de Pexcts nous étonne surtout par la logique qui en découle. Imaginons la folie inventanc une exacte et implacable démonstration mathématique. Ces étranges épousailles ott les extremes se révelent et se dépassent dans une dialectique barbare, Barrés en transcrivit des bribes assez hucides dans le recucil de textes dont le titre claque comme une bannitre superhement brandie devant le tumulte et leffroi, “Du Sang, de la Volupté et de le More” “Les voluptés de ka tauromachie ec de Pautodafé, quand elles se wansforment en cérébralité, nous avons Fascétisme! Je soupgonne ces Espagnols d’avoir trouvé du plaisir dans la vue des souffrances du Christ. Sur route PEspagne, jfentends ce cri dur qui, dans Cadix desert, montait & travers Pair pur, du peuple pressé au cirque des taureaux ct Pheute en beure acclamant le sang qui jaillissait. Sur les dalles si fraiches de TAlcazar de Siville, j'ai respiré le sang, le jeune et vigoureux sang des amants et des ambitieux qui s'y assassinérent: et sur ces dalles encore, quelque chose de léger qui flotte men avertit, des tapis furent jetés pour quelles devinssent des chambres & coucher. Tant de fois lavées et si muettes, ces longues salles pourtant ne peuvent me refuser Faveu de le plus violente vie nerveuse quil ait été donné & Vhomme de vivre.” (2) Je voudrais bien sir éviter les généralisations qui réduisent la richesse et la diversité d'une culture et d'un peuple, mais ce gui souvent me stupétie lorsqu’on Evoque Espagne - et aussi nombre d’Fspagnols cliché peut non seulement recouvrir une impression de réalité, mais 'amplifier, la magnifier. Dans certains cas, cela aboutic 4 une caricature pour tourisme grégaires dans d'autres, on découvre, subjugue, ume véritable grandeut Ily a entre Pexhibition - est de constater comment un racoleuse d'un musicien mercenaire et Vexécution minutieuse d'un artiste inspiré, la méme différence qu'entre une poupée en plastique recouverte de poudre dorée et la pépite d'or brutalemene artachée & la terre. Exemplaire, Je chant qui arteindra dans la mélancolie des paroxysmes de beauté, rappelane telles complaintes russes ou Vexpressivité du tango argentin, Cependant Ii ott le Slave et le Sud-Américain Solsice d'tsé 1994 # r’échappenc que rarement & une tristesse lancinante, le chant espagnol garde fréquemment une parade ferme et rigoureuse: sila. souffrance traverse le cocur et le comps, i] subsiste la fiercé de ne pas en devenir esclave, En écrivant cela, je pense notamment & la Nina de los Peines, prodigicuse cantaora dont les enregistrements parfois anciens nous restituent cette affirmation vitale qui transcende méme la douleur. Ma connaissance de Espagne procéde de lordre de !Imaginaire. Mes rencontres se réalisérent sous es auspices de la litérarure, de la musique et de la peinture, Et aussi de Pamitié et de Pamour, ces fictions agissantes de notre personnalité, 'y inclus également ma premitre cortida, & Pampelune, dans I enivrante chaleur d’un mois de juillet qui marqua mon enfance... Les thises sur Porigine de la corrida sont nombreuses et contradicroires, Pet nfimporte ici de dérerminer une quelconque opinion & Jeur sujet. On se contentera dobserver une série de principes élémentaires: le jeu mortel, la fete tragique, le sactifice de la béte, Phéroisme de lofficiant, la présence du Solel, la communauté assemblée. Des ouvrages romanesques ow lyriques, considérés & juste titre comme des classiquues du genre, essaient de définir - mieux que de froides anlyses - comment et pourquoi la tauromachie développe une tradition immémoriale, passant par différentes strates de culture, ct magistralement incorporée a Tune d'elles. Rituel archaique dont on peut tenter de discerner les perpétuelles mutations, En effet, contrairement & ce quaffirment certains; la vraie tradition Sadapte, se modifie, semble méme se trahir afin de préserver son énergie fondamentale, Une tradition quit se fige devient dogme, idéologic ou folklore. Ce nest plus la edition, Cese pourquoi, malgré les scories de la vulgarité er derrigre les mascarades profanatrices, en un cérémonial issu des premiers vagissements de Phumanité sincarnent dans leur sanguinaire fusion les figures du matador et du taureau, On pourra découvrir des interprétations littéraires d'une belle subjectivité imaginative... D’abord, “Arénes sanglantes", de Vicente Blasco Ibanez, dont voici un extrait susceptible de donner le ton et quia la particularité de placer au centre de lh confrontation meurtrigre un personncge féminin & lélégance décidée: “(..) Comme dona Sol se prépatait & exécuter la méme passe que le marquis et faisaic obliquer son cheval pour planter la garrocha dans la croupe et terrasser la béte, celle-ci, devinant le péril, fit volte-face et se campa, menagante, devant les cavaliers qui la harcelaient. Le cheval de dona Sol dépassa le wureau, sans que Tamazone pat retenir sa monture, et la béte se précipica & ses trousses, de poursuivie devente pourstivante ®aNTaios 49 La dame ne songea pas un instant fair. | -bas, il y avait des milliers @’yeue qui la regardaient, et elle craignait les rires de ses amies, la compassion des hommes Elle tira done sur ses rénes et fit front a a bere, Comme un picador la garrocha sous le bras, elle enfonga le fer dans le cou du taurcau qui chargeait sur elle, téte baissée. Un torrent de sang ruissela sur le poitral blanc; mais dans son itésistible impulsion, ha brute continua davancer, sans se soucier de sa ble ure, et elle plongea ses cornes sous le ventre du cheval, le secouta, 'enleva de terre. L'amazone fut désargonnée, et une clameur d’émotion, jaillic de cent bouches, retentit prés de la palissade, Le cheval, déliveé des comes, était parti dans une course folle, le ventre maculé de sang, les sangles brisées, la selle ballocant sur les reins. Le taureau allait lui donner la chasse; mais un objet plus voisin attira son aitention, C’étaic dona Sol qui, au licu de rester immobile sur Pherbe, venait de relever, avait ramassé sa garrocha et l'avaic bravement mise en attét, pour affronter de nouveau la béte. Une folle témérité! Mais elle pensait a celles qui la regardaient, Un défi ks mort! Mais cela valait mieux que de composer avec la peur et Pencourir le ridicule” (8) Quant & Henry de Montherlant, il ne manqua pas de mettre en paralléle ke course de taureaus et [2 religion mithriague, Il faut lire les premigres pages du troisitme chapitre de son roman “Les Bestiaires”, pages dans lesquelles 'aureur nous offte une belle médication sur la valeur du sacrifice: “ Profonde était la nécessité du meurtre bienfaisane, du meurtre vraiment cxéateur Le culte de Mithra apparaissait toujours vivant, Adolescent vétu d’étoffes transparentes, coiffé du bonnet de Ganymede, Mirhra luttait d’abord avec le Sokel, et voici qulau fond de la lutte se modelait une sorte d'amour: Mithra nouait avec le Soleil une amitié merveilleuse, fortifige d'une alliance solennelle, I! était nommé “Tami”. puis avec Paide de son chien, il poursuivaic ke ‘Faureau sacré, le domprait, Ventratnait dans son anu, 12 i recevaic du Soleil, par la voix du corbeau, Pordre de le ter. Il en souffrait, car il Paimait, ce fauve. Combien Alban comprenait cet amour, et que pour Saccomplir il diit ruer, et Fexpression du jeune dieu - dans Ie bas-telief de Neuenheim, par exemple, - qui détoure la téte atu moment de férir avee un admirable geste de désespoit! Combien elle était le sienne propre! Mithra, malgré lui, auait done le Taureau, mais voici que de son sang sortait du vin, de sa_moelle le blé et tous les vegéraue, de son sperme toutes les bétes bonnes aux hommes. Llacte sanglant suscitait tous les biens de ke terre, la corne taurine devenait le symbole de Pabondance Et demain, & la fin des temps, Mithra viendra de nouveau crifier un Taurean divin, Er du sacrifice ne sortira plus cette fois la vic terrestve mais la résurrection des Solstice d'été 1994 OO ae es corps et des dimes, avec les chaiments et les flicités éeernelles.” (4) “More dans Vaprés-midi", d’Ernest Hemingway, fur traduit en frangais par René Daumal. L'ancien animateur du Grand Jeu considéra sans doute ce travail comme purement alimentaire, et il semble done vain d tablir des liens entre le théme évoqué dans le livre et ka pensde qui sous-tend “Poésie noire ct Poésie blanche”. Pour revenir au baroudeur américain, on lira avec plaisir son récit, excellente introduction qui va de Panecdote révélatrice & une philosophie générale de lexistence en passant par une minuticuse observation des faits et des sensations. Dts le début, il montre Fimportance de Vastte solaire et 'enjew tragique de événement: *(..9 Le soleil est tz8s importanc. Théorie, pratique et mise en scene de la course de taureaux ont été construites sur la supposition de la présence du soleil, et lorsquil ne brille pas, un tiers de la corrida manque. LEspagnol dic: “El sol es el mejor torero”, Le soleil est le meilleur corero, et, sans soleil, le meilleur torero est incomplet. I-est comme un homme sans ombre. La course de taureaux n'est pas un sport au sens anglo-saxon du terme, cest-d- dire que ce nfest pas un combat égal entre un taureau et un homme, C'est plutdt une cragédie, qui e joue plus ou moins bien, par le taureau et Phomme qui y participent, et ot il y a danger pour l'homme mais mort ()" 6) Enfin, je n’oublie pas le “Chant funebre pour Ignacio Sanche, Mejias”... Dans ce poeme, Frederico Garcia Lorca rend un hommage au torero, & homme exceptionnel, a ami - et parle de la more avec une maitrise des sentiments qui ctaine pour animal conjuguent la plus haute noblesse et Pémotion la plus profonde. “(ud Lautonsne revienddna avec ses congues, raisins de brume et montages en groupes, inais nul ne voudra plus revoir tes yeux (parce que tu es mort & tout jamais, Parce que tu es mort tout jamais, comme le sont sous les morts de la Terre, comme le sont tous les morts qu’on oublie enun monceas de chiens étints. €BaNTAtos Se ee Nal ne te connatt plus. Non. Mais mot je te chante. Je chante pour demain ton profil ea grice ola maturité de ton savoir insigne. ‘lan appéeit de mort et le gottr de sa bouche. La tristesse quisoaient ta joie et sa vaillance, U tandera longtemps a nattre, sil nabe un jour, un Andalow si elain, si riche d venture Je dis som dégance avec des moots gui pleurent comme une brisesrisse parmi les oliviers,” (6) Les mythes conduisent au partage généralisé d'une passion, tout en explorant Faspecr le plus trouble de notre érte, Ainsi Michel Leiris, insatisfuit d'un pale statat @écrivain veut puiser dans la tauromachie le gotir exigeant d'une beauté qui communie avec le risque de mort.. “Done, je tevais come de taureau, je me résignais mal A rétre qu'un littérateur. Le matador qui tire du danger couru occasion d'étre plus brillant que jamais ct montre route la qualité de son style a Pinstane qu'il est le plus menacé: vail ce qui mémerveillait, voila ce que je voulais étre.” (7) Podte, anthcopologue et aficionado, on lui doit parmi son oeuvre multiple “Miroir de fa ‘Tauromachic” et “La Course de Taureaux” (8). Avec Leiris, nous entrons dans la problémacique de Fexcts, de la transgression - de cette ‘part maudite” dont Georges Bataille s'est fait le théoricien et l'apprendi. Tauromachie et érotisme sont deux des manifestations de ce débordement existentiel de ka conscience qui nous fait entrevoir Hmpossible: “De méme quien tauromachie le caractére prestigieut de la passe tient & cette quasi-tangence, 4 ce quasi-contaet de homme avec le danger extéricut condensé par les cores, en ce qui concerne I'étreinte amoureu elle tire sa valeur bouleversante du fait quelle est le moyen par lequel un sujet pensant peut croire, durant un court laps tour au moins, sunir macériellement au monde, résumé en un seul etre vivant.” (9) Chez Bauaille, les textes ~ romans, essas, attcles - sone peuplés de références au dépassement, au sacrifice, au soleil, & la chance, au sexe et la mort. Dans “Histoire de POcil”- qui ouvee le premier des douze tomes composznt aujourd’hui ses Oeuvres Completes - une sctne rassemble ces diverses obsessions... Sit Edmond raconte & Simone “qu’a. une époque encore récente, cétait Phabitude de certains Espagnels virils, pour la plupare torcros amateurs & Yoccasion, de commander au concierge de Varene les couilles fraiches et grillées de Tun des premiets taureatse cuds, Ils se les faisaient apporter leur place, Cest-A-dire au premicr rang de Varene, et kes mangeaienc Salstice d'spé 1994 2 aussitét en regardant tuer les taureaux suivants, Simone prit le plus grand intérét & ce técit et comme nous devions assister le dimanche suivant & la premitre course importante de lannée, elle demanda a Sir Edmond de lui faire donner ainsi les cauilles du premier taureatt, mais elle y apporta une condition: elle voulait les couilles crues.” (10) Suit alors une narration de la corrida du 7 mai 1922 qui vit mourir Granero. Et le récit se termine dans une exaltation de violence sacrée “Le rayonnement solaite nous absozbait pew pen dans un ireéaliré bien conforme A notre malaise, cest-d-dire a Fenvie muette et impuissante d’éclater et de renverser les cubs, Nous faisions une grimace causée a la fois par 'avcuglement des yeux, la soif et le trouble des sens, ineapables aussi de trouver la désaltération, Nous avions éussi & parcager & trois la déliquescence morose dans laquelle iln'ya plus aucune concordance des diverses contradictions du corps. rps. A un tel point méme gue le retour de Granero ne réussit pas & nous tirer de cette absorption abrutissante. ailleurs le raureau qui se ttouvait devant lui éait méfiane et semblait peu nerveux: la course se poucstivait on fait sans plus dintérét qu'avant. Les événements qui suivirent se produisizent sans transition et comme sans lien, non parce quills étaient pas liés vraiment, mais parce que mon attention comme absente restait absolument dissociée. En peu d’instants je vis, premigrement, Simone mnordre & mon effroi dans une des couilles rues, puis Granero savancer vers le cauireat en hui présentant le drap écarlate - enfin, & peu prés en méme temps, Simone, le sang la téte, avec une impudeur suffocate, découvrir de longues cuisses blanches jusqu’a sa vulve humide ott elle fie enter lentement et stitement le second globule pile - Graneto renversé par le taureau et coincé conte la balustrade; sur cette balustrade les cornes frappérent trois coups & toute volée, au troisitme coup tne come défonga [oeil droit et toure la réze, Un eri @horreur immense coincida avec tun orgasme bref de Sisaone qui ne fue soulevée de Is dalle de pierre que pour comber 3 la renverse en saignant du nez. et toujours sous un soleil aveuglant; on se précipita aussitér pour transporter & bras d’homme le cadavre de Graneto dont l'oeil droit pendait hors de la t8te.” (11) Ce west Pailleurs pas la fin de Phistoire. Une nowrelle limite sera franchie lorsque, dans une église de Seville, Simone et ses acolytes accomplitont, obscEnes et blasphématvires, maintes actions d’une eruelle volupté allant jusqu’® la mise & mort ~ homvible et fascinante - du curé Don Aminado. Ces passions, ces agonies, ces exploits qui sexercent dans et autour de laréne, nous les retrouvons dans nos réves. Ils sont le reflet de nos désirs enfouis et de nos ddlires éphéméres, maquillés par les conventions sociales indispensables au bon @anTAatos fonctionnement de la cit , du groupe, de la vie commune. Ce savoir-vivee connait cependant des briches par ott sévadent des monstres qui ne sont pas sans heaué, est leur charme énigmatique, Par lz rencontre avec la mort, l'amour et la création - pour reprendre fa trilogie de Marcel Morcau -, seffectuent les grandes, tertibles et merveilleuses fractures spirituelles et physiques. Thanatologie, érotisme ct poctique apparaissent comme des disciplines inséparables pour quiconque choisit la voie du Guerrier, de k guerre que homme mtne en lui-méme contre la médiocrité, contre Tabsurde qui ronge le moindre sursaut héroique, contre la Laideue des soumissions et des compromis. Si Apollon guide nos pensées et nos actes, il y a aussi - et surtout - un bouillonnemenc irrépressible, commandé par Dionysos, quio nous faic natere, moutir et renaftre, en une succession indéfinie d'expétiences hallucinée Comme Hemingway, Leiris définit la tauromachie non comme sport, mais comme tragédie, Et poussant plus loin le questionnement, il précise: “Ainsi la tauromachie, plus qulun sport, est un art tragique, ol se «couve gauchie, par le soulévement de forces dionysiaques, !'harmonie apollinienne. La question gui se pose maintenant est la suivante: quiest-ce que cette félure par laquelle se manifeste [élément sombre? Qulest-ce que cetve crevasse d’oti montent les effluves d'un délire panique?” (12) Pour avancerdans cette quéte quaucune réponse définitive ne viendra sanctionner, jai pris ! Espagne en tant que symbole actif, producteur et produit de mystique er de fiction? Pourquoi? Comme Pécrit, dans sa bréve étude sur le Sacré, Colette Peignot - la Laure souveraine, compagne légendaire de Bamalle - “LEspagn vous souffle au visage: on ne choisit pas.” (13) est comme le vent qui 3. Artaud, le Sacrifié. Plus que le dépassemenc coral de intelligence humaine, c'est une transmutation globale de [Etre que se heurte le désir blessé, Pincantation visionnaire d’ Antonin Artaud, Pareille en cela a celle de Vincent Van Gogh, son oeuvre est impirayable en ce qui conceme 'habituelle acception de la prérendue téalité objective. Son travail, son errance incessante, sa ferveur s'accordent avec la Cruauté, 4 savoir “dans le sens dappétic deve, de rigueur cosmique et de nécessixé implacable, dans le sens gnostigue de tourhillon de vie qui dévore les ténébres, dans le sens de cette douleur hors de la nécessité indluctable de laquelle la vie ne saurait sexercer; le bien est voulu, il est le résultar d’un acte, le mal est permanent.” (14) I invoque des bouleversements absolus dans un souffle de Magie. Parlant de son frére en souffranee, le “suicidé de la société”: Solstice d'tré 1994 x “Car ce nest pas un certain conformisme de mocurs que la peinture de Van Gogh attaque, mais celui des institutions, Er méme la nature exrérieure, avec ses climmats, ses marées et ses tempétes d’équinoxe, ne peut plus, apres le passage de Van Gogh sur terre, garder fs méme gravitation.” (15) Toute la vie d’Arcaud est un sacrifice du corps-esprie pour atteindse une impossible tégénération. Mais le sémoignage qu'il nous laisse demeure un exemple Cest un martyc.. dans le sens pris par ce mot afin de désigner celui qui a vu, quia cxpérimenté - au nom dun principe essentiel - une réalité différente de celle qu connaissent la plupart des humains, ct qui pour atteindre ce but doit combattre, soufirr, douer, avancer encore et toujours, jusquau tremblement et au supplice, ott les mots utilisés pour uaduire les sensations deviennent inadéquats, faibles, malades. Feil faudrait inventer un nouveau langage. Aussi un nouveau corps. Inventec un esprit vierge de toute souillure, une Ame qui consumerait dans un brasier intemporel les folies, es prigres, les craintes ct les serments. Cet individu surhumain atreindrait un étar de souveraineté, et pourrait alors vivre non pat les oeuvres, mais étre Iueméme le Grand Ocuvre en symbiose avec tunivers infini.. Celui qui réalisa de manitre sporadique ce projet grandiose fut Héliogabale - sinon Fempereur historique, du moins !'Anarchiste Couronné, décrit par Artaud dans un livre éconnant, fruit de recherches érudites et d'une extraordinaire passion, aboutissant au portrait d’un démiurge de impossible: * Tya dans Héliogabale le double combat: 1° De PUN qui se divise en restant UN. De homme qui deviene ferme et reste Fhomme a perpéruiré 2 Du Roi Solaire dont "homme qui accepte mal détre moi humain. Qui crache sur Phomme et finit par le jeter & Pégout Parce qu'un homme n'est pas un roi, et que pour lui et comme toi, roi solitaire, dieu incarné, vivre en ce monde est une chute et une étrange destitution. Heliogabale absorbe son dieus il mange son dieu comme le chrétien mange le sien; ct il en sépare dans son organisme les principess il érale ce combat de principes dans les cavités doubles de sa chain” (16) Apiés avoir quitté le mouvement surréaliste, aprés la destruction de ses espoits quant a linstauration d'un Theatre capable de conerétiser ses reves alchimiques, apris sere débattu frénétiquement dans la création littéraie, Artaud va temter de trouver un salut au Mexique, ches les Indiens ‘larahumaras, Et dans ce voyage érablit un renversement temporel et mythigue, tandis quiil croit itoite loineain et secret le Rite des Rois de PAtlancide: géographique s retrouver dans ce te @®anTaios “Platon raconte quiau coucher du soleil les rois de Arantide se réunissaient devant un taureau sactifi. Br tandis que les servants découpaient le eaureau morceau par morceau, d'autres recueillaient les morceaux dont ils versaient le sang dans des coupes. Les rois buvaient ce sang et senivraient en chantant une espace mélodie lugubze jusqu’a ce quil ne restét dans le ciel que la téte du soleil moribond et sur la verze rien C'autre que la ete du caureau sactifié, Alors les rois se couvraient ka tate de cendres. Br leur lugubre mélodie changeait de ton en méme temps quis resserraient le cercle qufils formaient. ‘Toute invocation au soleil en devenait une espéce de reproche amer, prenait Paspect (une contrition publique, la forme d'un remords que les rois exprimaient @un commun accord jusqu’au: moment oti la nuit était complétement tombée Tel est le sens du rite décrit par Platon. Or, un peu avant que le soleil se fae couché sur Norogachic, les Indiens conduisirent un bocuf sur la place du village et, apres lui avoir attaché les pattes, se mirent & lui déchiter le coeur. Le sang frais écait recueilli dans de grandes jarres. Je noublierai pas facilemene le riczus de douleur du boeuf pendant que le couteau de ’Indien Ini déchitair les entrailles. Les danseurs de “matachines” se rassembRrent devant le taurean et lorsque celui-ci fur bien mort, ils attaqutrene leurs danses de fleurs.” (17) Dans la vision d’Artaud la réalité sensible sincorpore & un ensemble d’éléments qui font éclater la temporalité et déforment la perception spatiale, La Cérémonie du Peyod en compose la phase la plus remarquable par la densité de cette danse apocalyptique. Andancissement et divinisation servent ici a Papothéose d’ Artaud le Sacrifie “Ein face du peuple qui fair manger & ses chevane, 4 ses boeuf erases dnes ls denidves tonnes cde morphine wraie qui peuvent lui rester pour la vemplacer par des ersatz de fue, Jaime miews le peuple qui mange & mérne la terre le cele lois i st nd, je parle des larahbumaras mangeant le Peyotl & méme le sol pentane quil nai, et qui tue le soleil pour installer fe ropaume dela nuit noire, et qui ertve la cru afin que les spaces de Lespace ne puissent plus jamais se renconsrer ni se criter.” (18) Soistice d'tté 1994 wb [Aprts quoi ce sea le retour désolf, la demnitre échappée on Irkande, valonté de découvris une conude seine et snctifige, assez ferme dans sa réalité cosmique pour accueillir un corps pournissant, iluminé pourtant. Ce sera Hinwernement, fase de Rodes, ky lberté surveliée & Jvry “Pour en finir avec fe Jugement de Dieu”, éernité de la mort... Le jugement d’Artaud ne doit pas devenir prétexve & de nouvelles mutilations, & la complaisante masochiste, & la fascination qu exerce la folie, a la haine morbide de la jouissance, Le Sacrifice n’a de sens que sil implique une libéracion. Dans une société de plus en plus nihiliste, de plus en plus inavouable, les voyages exemplaires 4’Antonin Arcaud, par le monde écartelé et pat le moi constellé de déchirures et de défis, ces voyages balisent notte détive, ils disent Phortible réalité des goufftes, mais aussi le courage, la lucidité, le retour inespéré du jour, et Pémerveillement silencieux dans un univets que le délire d'un homme a purifié. Mare KLUGKIST Notes: (1) A. MALRAUX, “LEspoir", Paris, Gallimard, 1989, p.39. (2) -M. BARRES, “Du Sang, de la Volupté er de la Mort”, Paris, UGE 1986, 1134. 3) {BLASCO IBANEZ, ‘hrtnes sanglantes”, Paris, Calmann-Lévy. 1964, 175. (4) ‘tice MONTHERLANT, "Let Beaie Pars, Gellonard, 1963, p71 (5) F HEMINGWAY, “Mort dans Lapros-miidi”, Parts, Gallimard, 1992, p.28. (6) GARCIA LORCA, “Ocswres complezes”, Paris, Gallimard, 1987, p.59!. (7) M.LEIRIS, ‘Lage d' Homme”, Paris, Gallimard, 1979, p.12. (8) Cetexte, disponible anc éditions Fourbis, eonssiait& Forigine lecommentaire di film de B Braunberger (1951). (9) M.LEIPIS, “Miroir de a tauromachie”, Fontfroide, Pata Morgana, 1989, St (10) G. BATAILLE, “Oeuvres compleses P, Paris, Gallimard, 1992, p.50. (11) Ibid, p55. (12) M. LEIPIS, op.cit, pAS (13) LAURE, “Ferits”, Paris, J.J. Pauvers, 1971, p.162. (14) A, ARTAUD, “Le Théatre et son double”, Paris, Gallimard, 1977, p.155 (15) A, ARTAUD, “Oewures completes XH”, Paris, Gallimand, 1990, p14, (16) A, ARTAUD, “Héliogabale ou VAnarchiste couronne, Paris, Gallimard, 1980, p.95. (17) AARTAUD, “LesTarabumavas”, Paris, Gallimard, 1993, p.94. (18) A. ARTAUD, “Oeuvres completes XH”, op.cit, p.74. @®anTAros DIES SANGUINIS Notre ami Jean-Louis Bastian est Paureur d'un singulier roman, “Chaque te du sang” (Denoal 1986), récit d'un séjour aur Maroc ott le personnage principal, «un jetune Erangais, connait une passion peu orthodoxe pour le blond Djami, homonyme du demier serviteur de Rimbaud au Harrar, Hymne solaire, ce livre est aussi un témoignage extraordinai sur la survie de cultes sanglants Nous reproduisons les pages consacrées au culte aissaoua, avec l'aimable autorisation de Tauteur, “Une forme humaine désarticulée, un homme agé tres maigre, dévalair la montagne en hurlant, Les hululements des femmes laccueillirent dans les temous soudains de kx foule qui, 4 mi-pente dgja, lui ouvraic un passage. Les hurlements rebondirent sur Pautre versant et la musique aigué, eromperte de cuivre, cornemuse et ram-tam, senfla tout & coup. Un gargon dépoitraillé apparut a son tour dans le paysage de pierre, hurlant aussi, sur les traces du vieil homme, puis une femme, dont la silhouette laneée & toute allure sur la pente me sembla familidre, inexplicablement. Du sein de ke foule je distinguais ka jupe large serrée & a taille, qui volait autour Helle, les cheveux crépus fusant en aurgole compacte autour de son visage sombre ct, au fur et & mesure de son approche, je reconnaissais le nez camus, les orbites creuses, et mon impression haletante s obscurcissait et sapprofondissait. Les trois formes hallucinges avaient rejoine larene étroite encerclée par les corps: elles se désarticulaient, se prosternaient et pirouctiaient en mesure devant les masiciens déchaings qui arrosaient le foule de leurs note . Les trois danseurs sembkient aspirés par la source sonore qui les repoussait aussitét dans le cercle. Ihs revenaient se réchauffer au rayonnement du cam-tam puis se jecaient sur les spectateurs arborant des vétements rouges, Ceux-ci, curieusement, jouaient des coudes, traversaient les rangées et venaient provoquer les danseurs avant de fuir devant leurs formes hondissantes. Solstice d'été 1994 oo eet eee Pres des musiciens, un taure attendair. 1 adolescent, paré de fleurs, taroué de henné, La foule en fete d’hommes, de fermmes ct d’enfants était saisie de mouvements de panique, mi-feinte mi-réelle, dont profitaient les Blles rieuses pour faire des signes aux gargons, Ceux-ci circulaient par groupes de deux ou trois, Pair indifférent, se tenant par la main, ct convoitaient les vierges du village, réumies i, routes, le visage découvert, les yeux cemnés de khal, les pommettes rougies, scintillantes de bijou, d’éxofles vives et de malice, Cézaicla fete de mars dans le pays berbtre, le culte alssaoua, ke ce du printemps. Le taureatt merveilleux allait mourir sous nos yeux, les peupliers allaient refleuri, les moissons se lever, les ventres sarrondir, es sortiléges de Thiver se calciner. Mes guides se rapprochaient d'un groupe d'adolescentes tts jeunes, enlacées et bavardes, qui pouffaient de rire & note intention, Des spectateurs peu 8 peut entraient dans le cercle, sabandonnaient aux transes cela danse, arrachaicnt leurs vétements que d'autres, des religicux ow leurs proches peut-étre, venaient réajuster lorsquils combaient a terre comme des cadavres, chaque arrét brutal de la musique. Malgeé le soleil qui dorair cette scéne, mon esprit se tournait vers une citconcision nocturne donc j'avais été le eémoin au sortir de mon adolescence, dans un faubourg de Tipasa, Certe fois-la aussi trois adolescents miavaient accompagné; il y avait eu également un cercle éclairé par les phares d'énormes camions & Pintérieur duquel hommes et femmes d'une secte, voisine sans doute des aissaouas, dansaient spasmodiquement avec leurs cheveux. ‘fous étaient armés de couteaux, de sabres et de rasoits quiils passaient sur Je Al de leur langue et dont ils se poignardaient les bras, la poitrine, le ventte. Un homme au crane rasé, a exception d'une méche immense qui pendaic du sommer de sa t@te et serpentait autour de lui, avait tranché le prepuce de Fenfant, avait mélangé sur le sol & de la semoule froide, avait malaxé la pite pendant que Penfant, sanglant, jeté sur leurs épaules, était emporté par les ferumes qui couvraient ses cris, puis dans le cumulte des tam-tams en avait extrait ke ptemitre boulette ct sétait dirigé vers moi sans un mot, Ne sichant sil mlavaic reconnu ou non comme écranger a cette religion et cette terte,javais avalé la semoule fade, au grand soulagement de mes trois amis et puis, bouleversé, jétais parti Aujourd’hui encore j'étais le seul écranger dans la foule ec chaque fois que Ja multitude frissonnait, que bronchaient les mules et les chevaux, que les meres saisissaient brusquement les enfants sur leurs épaules, je nlimaginais roulant sous les sabors ferrés, Mes guides, dans la morgue de Padolescence, tenaient & se faire voir en ma compagnie, a se faire photographier dans la foule, pour pouvoir capturer @anDatos suz Limage le profil ou la fossette de quelque proic furure. La gorge stche je mesurais a progression de la frénésie Ala difficulté des miliciens & maintenir un semblant d'ordre autour du cercle, Mes regards se rivaient & cette figure de femme qui mfavaic tout de suite semblé reconnaftre, décharnée, au front haut, seule, parmi les centaines d'autres coiffées décharpes jaunes ou de foulards multicolores, & montrer ses cheveux; seule aussi & se vétir 4 la mode haitienne, seule & disloquer ses membres aux yeux de tous et au soleil. Fr la Mort mfapparut alors, ses yeux creux, sa désarticulation obsetne, ses cheveux défaits et le trou de sa bouche. Des gatgons Sapprochaient pour lz provoquer. Menagante, elle se jerait sur eux a uavers la foule, et les miliciens se saisissaient d’elle pour la rejeter & Fintérieur du cetcle. Des spectateurs entraienc en transes, leurs voisins mi-ricurs mi-effrayes Faisaient le vide autour d’eux. Une onde nouvelle parcourait la foule, Un chemin souvrait devant le possédé jusquiau cercle. Ma peur se changeait en trouble “Approche, aproche, on va tuer le taureau,” Nous étions tour prés des jeunes filles & présent, et nous leur parlions. Dun de ‘mes guides me prit par le bras et me poussa au premier rang. “Prends des photos, naie pas peut!” La musique avait cessé. Deux vieillards entusbannés, vetus de blanc, avaient fait trébucher animal et inaintenaient ses jambes sur le sol. Armé d'une dague pointue un adolescent savanga. La Mort était & sa gauche, Je reconnus Yeux-Verts, mon ami de la rue du Pacha. Le nom du Diew retentit, Yeux-Verts Saccroupit prés de Panimal, lui trancha ke gorge ex ae releva. La Mort se jeta sur la blessure et les deus vieillards se relevérent, Le taureau était couché sur le flane. Ses jambes horizontales amorcaient un galop tégulicr et facile Ta foule était hors delle, les fllettes parées, les femmes aux joues rouges, les hommes turgescents se brilaient du regard, se frblaient de leurs corps dans cette bousculade chaude, haletante, & kaguelle nul ne pouvait échapper Le sang était le signe, le signal de 'amour, le sacte de Punion que promettait le crépuscule, Les religieux criaient lennom d'un dieu tard ven, les miliciens canalisaiont 4a foule tournoyant en onde imprévisible, Au centre, la More dispenisatrice brillait du sang de la jeunesse, Le taureau chamarré ne battait plus de ses cils courbes: les jambes raides, les yeux troubles, le front rejeré vers Pépaule, le cou béant, le sexe tenda, son sang poignant se mélait a la terre, La Mort se dressa ct fit face & la foule, v sage rutilant de soleil. Les autres Solstice d'été 1994 —— danseuts saccroupirent a la blessure. Certains sallongeaient sur la béte encore tressaillante. Miliciens et religieux tentaient dendiguer les hommes et les femmes qui se bousculaient pour tremper dans le sang des morceaux de chiffons et les mains des enfanss. () Mes guides miavaient rejoint. Jaloux de me garder pres d’eux ils m'entrainérent dans ka campagne. Ils affectaient de mépriser cette oérémonie ardente, non tellement a cause de Tislam mais parce quielle leur sernblait contraire & la culture européenne qui les fascinait et que je représentais a leurs yeux, Alors je leur parlai des rites de la Cite, des cultes de Minos, de Mithra, de lz beauré des cultes du Soleil. Le taureau de Civa, Pégorgement du Taureau-Dionysos, la mort et ke résurrection 'Attis, le jour de la fére du Sang.” ‘Jean-Louis BASTIAN, Chague fire du sang, Denoél 1986, 68FF | @anTaros or MILES MITHRAE “Lots de son passage & Bale, Julien avait offert un sacrifice & Bellone. mais il avait tenu a ce que cette cérémonie restat secréte, “car, nous dit Ammien, il n’était pas encore assuré de la religion de ses saldats", Depuis lors, son premier Edit de Tolérance Iui avait rallié tous les suffrages. Désormais, Chrétiens et Paiens, Catholiques et Aviens étaient libres de pratiquer ouvertement le culte de leur choix. Que Julien fit, en luiméme, un adotateur du soleil, r’était un secret pour petsonne, Cette certitude, propagée & travers les casernes, lui avait valu la sympathie dessoldats, dont une trts grande pactie pratiquaic le culre de Mithra. Mais la conduite ambigué quil avait adoptée depuis lors les dévoncertait. Fraitil paien, oui ou non? Exsi oui, qufartendaitil pour le proclamer au grand jour? Comme les légionnaites he trouwvaient aucune réponse a ces questions, leur attachement Julien commenga A diminue Oribase, Evhémére, PHigrophante d'Eleusis, d'autres encore, vinrent le trouver pout lui faire part de leurs appréhensions. - Prends garde, Julien! Iui dirent-ils & tour de réle. En agissant comme tu le ais, tu risques de valigner les meilleures de tes troupes. Eheute est venue de proclamer ta foi, Tu sas rien a y petdre et tout A y gagner. Ce ne sont pas les faux-semblants qui feront illusion a Constance! Il y a longtemps quill ese fixé sur ton compte. Puisque tu tes prononeé sur le plan politique, tu dois en faire autane sur le plan religicus. Julien écoura en silence les remontrances de ses amis. Come il avait envie de leur donner raison! Ni Oribase, ni Evhémre, ni Higrophante ’Eleusis ne pouvaient imaginer combien il avait have de laisset tomber le masque. Sil ne Tavait pas fait plus tt, ce nésait ni par peut, ni par opportunisme, mais simaplement par prudence, Avant de pouvoir lutter & visage découvert il lui avait fillu vassurer des réactions de Farmée, étre certain que Ja rupture avec Cunstance était inéluctable et réablie pat dlcret la liberte religicuse. A présent, toutes ces conditions se ttonvaient remplies, Solstice déré 1994 62 Plus rien ne lempéchait de franchir le pas decisif. IL fic venir au palais le Pontife de Mithsa et lui fic part de son désir de recevoir le baptéme. - Les dieux soient loués, lui répondit le Pontife. Voila longtemps que jattendais ce geste de toi! Mais cese un geste grave, qui t'engagera pour la vie. Il te faut subir auparavant une épreuve probatoire de vingt et un jours qui devront étre consacrés au jetine et & la pritre. Aprés quoi, je te conférerai moi-méme le bapréme du sang. Corie Parmée, le culte de Mithra comportait une higrarchie sévére, Ses adeptes devaient passer obligatoitemenc par une série de “degrés”, avant d’arriver aux grades supéricurs, Ces degrés étaienc désignés par des noms dont certains refléiaient leur origine asiasiquet le Corbeau, 'Occulte, Ie Soldzt, le Lion, le Detse, Le Messager duu Solcil, le Pere, En considération de sa qualité d’ Auguste et compte tenu du fait quill avait déja éé initié & Pergame, il fut convenu que Julicn serait élevé d’emblee a la dignité de “Messager du Soleil” (Héliodromos) et recevrait le méme jour les cing inidations préliminaires. ‘Apris avopir obsetvé la période de jetine obligatoire, Julien fut conduit au sanctuaire de Mithra, ott il fut accueilli par les grands prétres du culte, Cérait une nef allongge, soutenue par dew rangées de sept colonnes, portant chacune, sur son ft, les insignes et les couleurs d'un des sept degrés initiatiques. Le fond de la salle Giaic occupé par une statue de Mithra qui dépelgnait le Médiateur sous les traits d'un jeune homme, coiffé d’un bonnet phrygien, en train d’enfoncet un glaive dans lecou d'un taureau, L'assistance était composée uniquement de soldats et d’officiers. LA, Julien fut promu successivement Corbeau, Oceulte, Soldat, Lion et Perse, avant etre consacré Messager du Soleil. A présent était venut le moment solennel, celui du bapréme proprement dit, ou Taurobole. On conduisit julien dans une petive salle octogonale ob, apres lui avoir fait subir les ablutions rituelles, on lui rasa tout le comps & Pexception de la téte. Puis, on iui fit descendre les marches d'un petit escalier, menant & un cachot obseus, si bas de plafond quiil avaic tour juste ka place de sy tenir debout, Durant quelques secondes Julien ne distingua rien, Il sentir sculemens que le pavement sous ses pieds était pas horizontal, mais penchait Kégtrement vers un angle de la pitce. Lorsque sa vue se fut accommodée 2 la pénombre aumbiante, il constata que le plafond était & claire-voie et que de faibles rais de lnmitre lui parvenaient & travers ses interstices. BientOt, il entendit au-dessus de sa eéte un bruit de pas précipités, accompagné d'un halstement puissant, Plusicwrs hommes ¢affairaient autour d'une béte, qui semblai se débattre, Julien ne pouvait cien distingues, mais il savait qu'il devait Sagir d’un taureau blanc, baigné sept fois dans les eaux du Clitumne. @aNTatos i Le bruit de pas se ralentit; le halttement vacceléra, Soudain, le tauren poussa un beuglement terrifiant et Julien entendic la béte Saffaler de tout son poids sur Fesptce de claie qui servait de plafond. ‘Au méme insiang, il sentit un liquide chaud rulsseler sur sa téte: eétait du sang Tl cou sur son front, sur son visage, sur ses épaules, Bientér son corps entier fut comme envcloppé dans une tunique de pourpre. Bt le sang ruisselait toujours, splendide et écumant. Ce méait pas um liquide mort mais une substance vivante, ob semblaient s'tre concentrées toutes les puiissances de la vie. Le baptéme chrétien avait glissé sur lui sans laisser de traces. Cette fois-ci il se sentit envahi par une ivresse inexplicable, Frait-ce du sang qui ruisselai sur Iu, ou fe jus de la vigne? Il cendit ses bras vers cette source de vigueur et sentit son pouvoir mystérieux pénétrer chactin de ses pores, Il passa ses mains sur ses flanes qui étaient lisses ot glissants, et se mit a danset. Il était 3 la fois le bourreau et la victime, la vendange et le verdangeur, Ivre de bonheur, il se donnait, goffraie, impréghait de ce liquide vivifiant, de cet élixir de lumitre. Vainquieur du tanreau, Al Sidentifiait & Mithra et voyait exploser en. lui la clarté de mille soleils. En lui et autour de lui, tout était pourpre, et il sensait une énergie inconnue s'accumuler dans ses veines, Sa chair, ses tssus, ses os sen gorgeaient, Au cours de ses initiations préeédentes, il avair été terrassé par la présence de Dieu. Cette fois-ci, ce quill ressentait était un sentiment de triomphe. Les haléscments avaient cessé, La béte sacrée était morte, mais sa chair continuait a palpiter contre la claie de ciment, Le floc de sang se ralentit, puis cessa. Dewe hommes entrerent dans a cella et le conduisirent rapidement dans un atrium, oi ils le plongtrent dans une piscine remplie d'eau lustrae. Ils le lavecent des pieds d la téte, Pinvitérenc & se rincer ka bouche, les narines et les oreilks. Puis ils le lasstrenc se reposer pendane une demi-heure. Lorsgue Julien remonta au jour, il se sentit régéndrd.” Jacqites BENOISTMECHIN, LEmpereur fulien on le réve caleiné, Paris, Perrin 1977, 7.226-234, Forinait romanct du dernier empercur paien, cet owurage est une agréable introduction 4 Mude de Julien et de son temps, malgré quelques erreurs historiques. Sur Julien, on iva les textes mémes de Vauuocvate publies et traduits auce Belles lettres (4 volumes de la Collection Budd), Pexcellente bingraphie de J. BIDEZ, “La vie de Vempereur julien” Paris, Beiles Lettres 1965 (2éd.) ainsi que £. JERPHAGNON, ‘Julien dit TApostar’, Paris, Seuil, 1986. Solstice d'été 1994 ODE A MITHRA Mithra, Dieu du matin, tes trompettes éveillent les murailles! Rome domine les nations, mais toi tu damines tout! Maintenant que les consignes ont éré échangées, et que les gardes de la nuit se sont retirés, Mithva, toi qui es aussi un guerrier, donne-nous la force pour la journée! Mishra, Diew du miliew dv jour, la bruyere flotte dans la chalew, Nos casques blessent nos fronts, nos sandales britlent nos pieds, Voici Uhenre sanz fin, celle qui nous rend vides et somnolents, Mishra, toi qui est aussi un guervier, garde-nous fideles a nas vorne Mithnt, Dieu du Soleil couchant sur Vocéan occidental, Toi qui descend immortel, imraovtel tu renaitra, Maintenant que la garde est finie, maintenant que le vin est bu, Mithna, toi qui est aussi un guerrier, garde-nous purs jusqu'au matin! Micha, Diew du milien de la nuit, quand le grand taureau est mis & mort, Contemple tes enfants dans Vobseurisé. Ole, regois leur sacrifice! ‘Ta nows as montré beaucoup de voies: toutes conduisent vers la lumibre, Mithra, toi qui ext aussi un guerrien, enseigne-nous la manitre de mourin! Rudyard KIPLING (traduction C, Bouchet) @anTaios HYMNE A APOLLON O mi, Apollon, Toi qui as ee, toi qui es, toi qui seras pour Véternité O Apollon, ‘Toi qui engendires la lumitre et nous Poffies sur la tere nourvicire O Apollon, Ecoute notre voix, a présens, humblement, nous timplorans O Apollon, Apollon, maitre du destin, accucille-nous demain dans ta splendide demeure O Apollon, Allume pos nous les fo érincelants du ciel et donne-nans dentende la musique saerbe de tun temple O Apollon, Tai qui, pour notre joie, norris nos dimes des arts humains et divins O Apollon, Accepre ce laurier prophétique, temain de notre vénération O Apollon, A présent, nous nous raisons; & présent, entends-noust Hymne compost par notre contocur Corinne i lita et psalmodié par le thiase du Dieu an lanier, en son teraple de Delphes au mois d'avril 1994 de Vere vulgaire. ee ae ee ea Solstice d'été 1994 6 CHANT PAIEN Les Diews resident en toi, et est un grind mystre Que leur sagesce demeure, apres deux millénaives De vejets, négations et autres reniements Ih contrélent toujours Fensemble des éléments. Mais is ont tous horreur di fax et du mensonge, Ils inspirent le Beate dans le rfler des songes, Vidéal dans le grand, le divin dans le pur, Le respect du passé, garant des temps futurs. Méprise la laideur et son triste corttge Commie le venin moriel d'un exprie sacrilege, Fs maudis sans pitié Uoewore des mécréants Dont Lesprie a congu les horreurs de présent. Fratends ls dow accents decent foi palenne, Hérivage immortel de la crnyance ancienne Dons Vinsigne murmure, debappé de Voubli Siu les onddes du temps, te reviens enmobli Que son corps soit sacré, ta maison sanctuaire! Nip sonffie aucun ousrage a la loi stentaire. Le ginbole des Diews, ce pain d'or du estir, Recois-le comme offiande auc efforts de tes mains. @anTatos Sois bon, sos fork, soit juste en ton coeur secourable, Fais toujours une place, au milieu de ta table, A celui gui franchir le seuil deta maison, Car contrer Finfortune a toujours raison, Les bois sone fats pour toi. Si jamais tu redoutes La divection a prendie au crvixement des routes, Va médiser en paix an ceux des frondaisons: Tia percevras alors de sublimesoraisons, La terre attend ts pas, et selon ts efforts Céris te livrera ses imamenses tréars, Prendi-les sans revenue, comme sls tappartenaient, Matis ne la soumets pas aux lois ce la monnaie, La source ades merveilles dans ses ondes chantantes, Respecte som parcours au lang des dowces pentes: La fleur prend sa seve, et Voisean ses reflets; De te iroubles, en vain, nentends-ow ses regrets Le chien est ton veilleur; ton compagron fidele, Afféctuens, docile a la nix qui Lappelle; Les Diens te Vont donné jadis, awe temps naissants, Pour te garder la nuit des faves naenagants Pour te servix, encon, pour alléger ta peine, Limpétnencs cheval a déserté la plaine. Sois bon pour ces amis, au coeur si générew, Qui Zone sorti de Vomsbre en des temps dovulonrene. Respecte aussi la vierge et son front d insouciance; Honore toute mere et son cri de souffrance, Recois Penfint du cick, venu des bleus jours, Quelle portait en son flanc pour pric de tes armours, Rends grace & notre toile, en allumant la brande, Porte-lui aus oluices la symboligue offiande. Salstice det 1994 [re ee eee eee eee Les Dieu te donneront le souffle de Fespair Pour Vnoramage rendu qitilssavent recevoir Us veillerone sur toi pour t donner la joie, Ils guideront tes pas, en te montrant la voie, Pour surmonter lécueil dont ton coeur a soulfer La mort pourra venir, il ont désruit Fenfer. Jean VERTEMONT, solstice d'été 1991. @aNnTalos io HYMNES ET PRIERES Les éditions ARFUYEN *, dans leur superbe collection Ivoire, viennent de publier les Hymnes er pritres du néoplatonicien Proclus (8 février 412-17 avril 485): Touvrage contient le texte grec et Péléganve traduction frangaise de H.D. SAFFREY, sans doute l'un des meilleurs connaisseurs du néoplatonisme paien, avec I. et R HADOT, J. TROUILLARD, 1.G. WESTERINK er J. COMBES, Car, Dieux merci, le néoplatonisme, longtemps négligé, est & présent objet tudes systématiques ct les toxtes fordateurs (Plorin, Porphyte, Jamblique, Proclus et Damascius) sont en cours d’édition. Le métite des Gditions Arfuyen est précisément de nous livret les pridres pefennes des derniers néoplatoniciens de PEeule d’Athtnes, mais débarrassées des notes érudites, qui pourraient effaroucher le néophyte. Avec ce superbe livre, au prix fort intéressane (95EE), les amateurs, les “honnétes hommes” de cette fin de sitcle disposent ’un authentique “bréviaire? néoplatonicien. Proclus, aprés des études & Alexandrie, devint le chef de I'Ecole philosophique néoplatonicienne d'Athénes, et ce au moment ott le Ch religion officielle de Empire Tnitié aux rites théurgiques par Asclipégéneia, la fille de Plutarque d'Athtnes, son maitre avant Syrianus, Proclus est le dernier sage de Antiquité & connattre toutes les écoles philosophiques grecques sur le bout des doigts. En bute & Fintolérance des Chrétiens, il devra sexiler un an istianisme était devenu la Nous possédons encore sa “Théologie platonicienne’, publige aux Belles Lettres en cing volumes, par H.D. SAFFREY précisément (1968-1987). La pensée de Proclus et des derniers (2) néaplatoniciens récapitule un millénaire de pensée grecque... et nous connaissons des érudits qui ne sont pas loin de penser que TOUT se trouve chez Proclus et Dasascius! Tous les néoplaroniciens aprés Plotin ont composé des hymnes en Phonneut des Dieux et des Héros. Ce recueil était celul utilisé par lécole néoplatonicienne dans Solstice d'ésé 1994 2D ses dévotions quotidiennes. Alors que le culte public des Dieux était interdit (Loi du 8 novembre 392, promulguée par'Théodose), les familles pieuises continuent tres tard - jusqulan Vie sitcle -& pratiquer des licurgies clandestines: cultes domestiques avec chants, pritres, processions de statues, hymnes ancicns mais aussi nouveaux car la tradition était bien vivante. Sur ces millicrs d’hymnes, peu ont survécu: les Hynes “Orphiques’, les Hymnes Homériques, ceux de Callimaque... et ceux de Proclus aujourd'hui accessibles a tous, Lors des fouilles effectuées au pied de l’Acropole d’Athénes, les archéologues ont découvert la maison du philosophe Plurarque, oit enseignérent les imaicres néoplatoniciens Syrianus, Proclus, Marinus, Isidore, Zénodote et Damascius, ex ce jusqu’en 529, date faneste & laquelle Justinien ferma Técole et interdit route pensée non chrétienne (et non orthodoxe!). Ce sera alors Pexil en Perse pour Damascius et ses disciples, puis le repli sur Harrin, oft une école néoplatonicienne paicnne survivra jusqu’au XIéme sitcle au moins. Dans les ruines de certe maison athénienne, on a retrouvé une chapelle comportant des niches et dans Tune «elles, une statue de Cybéle, la Grande Mere des Dicus. On peut définir Proclus comme un moine paien: sa vie était réglée comme celle d'un cistercien ou d’un bénédictin, Jetines, prigres, veillées en Phonneur des Dieux, saluts quotidicns au Soleil (au lever, au midi, au coucher) alternaient avec le travail philosophique proprement dir; explications et commentaires des “auteurs du programme’: Platon, Aristote, “Pychagore” (en fait Jamblique, semble-t-il) ainsi que les podtes, considérés comme théologiens: Homére, Hésiode et kes Rhapsodies Orphiques. Vidéal dus philosophe néoplatonicien est en effet de célébrer le Bien- Un, qui est au-dela de l'Etre, et dont Pame est la “trace cachée”. Il sagie ici d'une religio mentis, d'une celigiosité rout intellectuelle: l'acte religieux par excellence est la lecture, du Parménide de Platon par exemple. Le Soleil joue un rdle important dans ces dévotions: chanté par Euripide (lon), Julien (Discours sur Hélios-Roi, tr’s lus dans les eénacles non chrétiens de Byzance), et enfin par Proclus, dont Hymne au Soleil est lexpresion d'une spiritualizé «rts raffinge et épurée. Pour les platoniciens, Hélios ese identiié au Bien (Platon, République V1), pour Proclus, “il tanscende d’ une unique supériorité tout ensemble ce qui se Voit et ce qui est vu". Rejeton du Bien, i rgne sur le domaine sensible comme le Bien sur le domaine intelligible: Bien et Soleil sont tous deux Rois. Le Corpus Hermericum (XII) nous livre un eémoignage sur adoration du Soleil: “Eh bien donc, mon enfant, tiens-toj debout en un lieu & ciel ouvert et, face au vent du Sud, au moment de la chute du Soleil couchant, fais adoration; et de méme encore, au lever du Soleil, en te tournant vers le vent d'est, Silence done, enfant.” Un oracle ®anDaios d’Apollon rendu & la cité d'Oinoanda est clair quant au ricuel de fa prigre au Sole “Vous dever lever les yeux vers Ether pout prienle matin, en regardant vers fOriem Le Soleil, relais de Paction de ?'Un, est identifié & Apollon par de nombreux auteu Euripide, Callimaque ec Héraclite le mythographe, dans ses “Allégories d’ Homer “QuiApollon soit identique au Soleil, que ce soit un seul Diew sous deux noms différents, cela resort nettement des révélations secrétes que Ton fait sur les Dieux dans les cérémonies des Mystéres, et du reftain populaire qui proctame sur tous les tons: Le Soleil, est Apollon, et Apollon, cest le Soleil.” Llouvrage, décicément trés précieux, contiens également des hymnes 3 Aphrodite, aux Muses, & Hicare, & Arhéna riche en ressoure Lus par Proclus au cours de ses dévotions personnelles, récicés par les Paiens clandestins 4 Athénes mais aussi a Mistra, dans entourage du philosophe Georges Geémiste Pléthon (aut XVeme sitclelt), ces textes sublimes, pourronc & nouveau sacraliser le quotidien des Paiens d firent il y a quinze sitcles, ils sont lus et intériorisés, wjourd’hui comme ils le Christopher GERARD “Hymnes et pridres”, Arfuyen, Paris 1994, 95 FE *ARFUYEN 35 rue La Marois, F-75016 Paris, tél: 46,51,80.39. Catalogue sur demande, se réclamer d’AN TAIOS, Solstice déié 1994 &anLaios PORTRAIT D’UN FILS DU SOLEIL. Il y a 1720 ans, Lucius Domitius Aurelianus imposait le culte de SOL DOMINUS IMPERII ROMANI. C'est le portrait de cet adorateur du Soleil, de cet empereur d'une envergure exceptionnelle que trace le professeur E, CIZEK, de TUniversité de Bucarest dans une belle biographie parue aux Belles Lettres *. Leculte solaire était une tradition dans la famille, fort modeste, du futur Auguste, né vers 214 dans les Balkans. Sa mére était en effet prétresse du Soleil, fort honoré dans la zone danubienne de I'Empite. Son pére, un vétéran, était lui aussi un adepte du culte solaire, Dura la peine, courageux, inflexible et point trop scupuleux, Aurélien gravit un a un les échelons de la hiérarchie militaire. Il appartient a la catégorie des officiersissus de P'lllyricum et sortis du rang: ces hommes font preuve d'un patriotisme romain trés fervent, de toutes les vieilles vertus romaines: énergie, endurance, sens du devoir. Ils fourniront & Empire ses meilleurs chefs, jusqu’a la fin. Aurélien artive au pouvoir & un moment crucial pour ! Empire: celui-ci vacille sur ses bases, miné par 50 ans d’anarchie militaire, d’invasions barbares, d'épidémies, de famines... ’Empite, incapable de se fédéraliser, traverse une grave crise f'identité: la mentalité traditionnelle , Pesprit de cité désertent les Romains usés par une trop grande centralisation. Face & ces tendances centrifuges, 'administration renforce le retrorisme des fonctionnaires, la fiscalité devient écrasante, le contrdle politique et financier érouffant, les restrictions deviennent la norme, 'Etat simmisce dans tous les domaines... Toutes ces mesures sont inefficaces méme & court terme et paralysent toute volonté de changement. Nihil novi sub Sole invicto. Dans ce systéme en décomposition, se constituent des micro-sociétés: cercles politiques et cultu(r)els - les circuli -, colleges (sodalités & vocation religicuse), associations professionnelles (futures guildes), qui sont tous les signes du besoin de solidarité effective, Le génie d’Aurélien sera précisément de percevoir ces cendances et dopérer un retour aux valeurs anciennes couplé A un nouveau systéme axiologique. Solstice d'été 1994 ees Le professeur Cizek montre bien que Vaffaiblissement de Empire est d& moins aux incursions barbares qu’aux tendances centrifuges, dont le corollaire est le multiplication des usurpations du pouvoir politique. La perte de prix de la Dignicas romaine est 4 Yorigine de cet affaiblissement, plus moral que militaire. Pépoque est Je thédcre dun traumatisme culeurel et de mutations religieuses: renaissance des traditions locales (celciques notammend), succts des culees sotériologiques et astraux d'origine orientale, tendance au monothéisme solaire gotit pour loccultisme, la magic... Tous ces éléments expliquent le succts des “loges” mithriaques, qui fascinent le corps des officiers, administration et les milieux affaires. Ils expliquent aussi le succts du Christianisme, ou plutdt des Christianismes: religion orientale trts souple, universelle, praziquant une fracernites interne et servie par un clergé remarquablement organisé et opportuniste. Et ce, malgré Popposition des milieux populaires paiens qui poussent & la persécution, qui ne sera jamais systématique. Crest dans ce contexte troublé qu’Aurélien prend le pouvoir en 270. ‘Tout de suite, il fait montre d'une poigne de fers il réunifie [Empire menacé par les sécessions (Empire Gaulois de Tétricus et Royaume de Palmyre de Zénobie), mane des campagnes victoricuses contre les Barbares, évacue la Dacie Son triomphe est total et se compltce de réformes administratives, monétaires... Mais Ausélien est aussi un réformateur religieux. Tits probablement membre Pune loge mithriague ou du moins fortement influencé par ces milicux, il instaure le culte officiel du Soleil, qui n'est pas ouvertement identifi¢ & Mithra, en raison de son origine perse et de l’ésotérisme de son culte. Le Dieu d’Aurélien, 2 titre officiel, est SOL COMES: il sgit d'un culte syncrétique et ouvert, “exotérique”. Existaiti un culte ésotérique, le mithriacisme, pour cimenter les élites impériales, la question mérite d'etre poste. Ce culte solaire fonde la restauration autoritaire de ’Empereur, son Herrscherideal. Le culte de Sol, préexiscant & ces réformes et fort en vogue dans llarmée, acquiert une position dominante en tant qu assise idéologique de la strarégle politique d’Aurélien. “Un Dieu, un Empercur” pourrait érre sa devise, dailleurs reprise par Constantin, qui r’avait pas compris que le dogmatisme catholique, créateur d'hérésies, diviserait !Fmpire et causerait sa perte. Péril que Julien avait parfaitement pers, Ini qui promulguera un Edit de Tolerance pour faire cesser cette guerte civile larvée entte sectes chrétiennes (Ariens, Catholiques, Donatistes, cttw Lite & ce sujet le livre remarguable de R. VANEIGEM, “La Résistance au Christianisme”, Fayard 1993, ec “Les Hérésies’ QS] 1994). Le culte solaire, “centre de gravité dun. paganisme revivifié et unifi’ est done le EBaNTAos 5, culte principal auxquels tous les autres sont subordonnés. Sol (Sol Invietus ow Conservator) est congut comme le Médiateur (cf. Mithral), signe le plus visible du ‘Trés-Haut, du Théos Hypsistos des Gnostiques; Aurélien est son vicaire sur terre et Empire est Empire du Soleil: nous ne sommes pas loin des Incast Sol a son temple & Rome, sur le Campus Agrippae. Les historiens anciens le décrivent comme somprueusement orné. Au Viéme sigcle, le temple en ruines sera dépouillé de huit colonnes de porphyre qui seront emportées 4 Constantinople, dans la cathédrale Sainte Sophie... oi elles se trouvent encore. Aurélien instaure aussi un Agon Solis: une série de jet qui ont lieu tous les 4 ans du 19 au 22 octobre; un collage de pontifes, issus de Varistocratie romaine, est er&é. ‘Toutes ces réformes survivront a Passassinat de ce grand empereur, restaurateur de unité impériale dont Pocuvre permettra & Empire de résister encore 200 ans aux forces du chaos. Mare CELS © “LE mpereur Aurélien et son temps Paris, Belles Lettres, 1994, 150FE Cet éditeur publiera bientét E GRAF “La magie dans UAntiquite”. Solstice d'été 1994 @aNTaios Zz HELIOS-ROI Fafin un ouvtage global traitant des mythes solaites selon notre coeur!" Lauteur est originaire d’Inde, celui de cous les pays indo-européens ott Ie culte solaire est de loin le plus pratiqué de nos jours. Cela donne sn ouvrage vivant, oi passion et érudition se conjuguent de la plus heureuse manitre, Le tout est servi par une iconographic magnifique et débordante, avec nombre de documents peu conaus. Louvrage comprend deux parties. Dans la premitre, M. SINGH tépertorie, commente ct relic entte elles, pour la premiére fois avec cette ampleur, le représentations symboliques et arcistiques du Soleil, Dans la seconde, des spé présentent les mythologies, spiritualités et rituels solaires propres & chaque société Cette histoire comparée des civilisations autour du théme solaire fait ressortir ressemblances et différences des cultures et religions du monde entier. Un index et ialistes un glossaire aident & se repéter dans cette information surabondante. Au chapitre des critiques, on peu regretter quelques coquilles et inversions de figure, mais surtout nous avons éé surpris de constater quaucun chapitre ne traicat du cule sokaire & Rome, alors que des chapitres sont consacrés a [Indondsie ou & Afrique subsaharienne, contrées pourtant peu intéressantes de ce point de vue. Cest ainsi que le Mithraisme et a théologie solaire romaine se trouvent éclatés en de nombreux endroits de Pouvrage , et en définitive superficiellement abordés. Lempereur Julien et son traité «Sur Heélios-Roin sont bien mentionnés, mais rapidement et au chapitte..str les Slaves! En définitive, ce gros album consacte la reconnaissance officielle des mythes solaires comme pattimoine cultu(*)el de Phumanité, et, de ce point de vue, le patronage de Unesco est significatif Ce livre apporte une lumitre dans cet age sombre en démontrant la vitalité extraordinaire des mythes solaites, enracin dans Pimaginaire humain. Message Cespoir, il nous montie Fexemple actuel de pays qui, comme Tnde ow le Japon, vivent encore une spiritualité solaire, Enfin i] est un hommage, et & ce titre, le Solstice d'été 1994 a Directeur général de ['Unesco rappelle, dans sa préface, la proclamation du Rig- Veda: Tout ce qui existe émane de Sdrya, le Dieu des Dicux». Jean-Christophe MATHELIN “M. SINGH etalii, Le Soleil, mythologies er représenrarions Bordas/ Unesco, Paris 1993. 500 illustrations couleurs. €BaNDAios LE SIXIEME SOLEIL Signe ou coincidence? Voici qu'au moment de boucler le numéro spécial @ANTAIOS consacré - dans tous les sens du terme -& Michra, paratt en libraisie un roman conjuguant éologie, culte solaire et retour des Die Homero Aridjis, ambassadeur du Mexique en Europe et militant écologiste, est connu pour ses nombreux poémes et romans, dont une “Perséphone” (Gallimard 1970). il nous entraine cevte fois dans la puanceur d'une méyapole privée d’eau et arbres: la tentaculaire Mexico, on Pan de gree (?) 2027. Vietime @’une carastraphe Eologique, ravagée par les séismes, la cité va- prédictions ancestrales des Azitques? clle disparattre conformément aur. Nous vivons acwuellemnt sous le cinquiéme Soleil, quatre autres Fone précédlé, engloutis sous la fureur des éléments déchainés. Les “Annales de Cuavhtitlan’*, cosmogonie des anciens Mexicains, sone clair Je monde dépend du mouvement solaire et il est constamment menacé. Un pacte lie Phomme aux Dieux ctéateurs dont il doit arroser les autels de “T'eatt précieuse”, Cesta-dire le sang des victimes, La mort du cinquitme Soleil correspondrait 3 la fin dela race humaine, les tenbbres seraient étermelles er Pon vertait déferler les Tritzimine {au singulier ‘Tritzimir}), fomres repoussentes dévoreuses hommes. Pour Atidjis, es Dieux continuent & se liveer parmi nous leurs combats millénaites. José Huitilopochtli Urbina (comprendre: le Dieu de la guerre et du Soleil triomphant, Huitz., le grand Dicu tribal qui rgne sur Mexico) et le général Tezeatlipoca savoir le Dieu du ciel nocturne, d'aspect sombre et tettible, gui voit se dérouler A la surface de son mitoir d'obsidienne tous les événements du monde) saffrontent sans répit tout en maintenant un régime de terreur Le sinistre Tlaloc (antique divinité de la pluie et de Fabondance) sest reconverti dans la séquestration de jeunes filles. Quant & Notre Scigncur |'Ecorché, je vewx dire Xipe Totee, Diew du renouveau de la nature et du printemps, il nait & la fin du chapitre VIII de la jeune Mélibée, qui se revoit Déesse de bois vetue de bleu, aux Rvres enduites de sang frais. Solstice d &xé 1994 Pid Le mystérieux Cristobal Cuauchli traverse les sidcles pour aider le heros, Juan de Gongora, & récupérer une feuille du “Codex des Soleils”, dérobée par le général ‘Tercatlipoca, qui prépate la terreur nocturne. En compagnie de Juan de Gongora, nous participons & une série d’aventures tragico-comiques dans Mexico et ses apocalyptiques faubourgs, un monde soujours a la limite de la réalité et de la fiction (le héros a regu, en méme temps que sa mission, le don de passe-muraille). La prose exubérante, violente et pleine d’humour dAridjis (Ia description des Tziteimine est parviculigrement savoureuse) complete & merveille I'univers magique sud-américain, dgja dévoilé par G. Garcia Marquéz ou C, Fuentes. Le talens d’ Homero () Aridjis fera-cil nattre un sixiéme Soleil pour sauver le monde? PasealeVERBAANDERT H. ARIDJIS, “La Légende des Soleits”, Paris, Seuil 1994, LIOFE * Line & ce sujet Vexcellente synthése de A. DORSINFANG-SMETS, Les cueltes solaires aux Amériques, in “Le Soleil & la Renaissance”, Université de Bruxelles 1965, pp. 365-380. Pour des développements plus précis sur la succession des eves on Soleils, voir M. GRAULICH, “Mythes et rituels du Mexique ancien prébispanique’, Académie Royale de Belgique, Bruxelles 1982. @aNnTuios Bi LE MYSTERIEUX TROISIEME TERME DE LA DIALECTIQUE Sur afBrvile de UFmpire Ina ible» de Jean Parcuesco. Avec son troisitme roman publi, «l’Etoile de "Empire Invisible», Jean Parvulesco poursuit une itinétaire singulies, paraissant nous liver les clefs des deux précédents, «La servante portugaise> (Age d'Homme 1986) et «Les Myst@res de lk Villa Adantis» (Age d'Homme 1990). Des clef & manier avec précaution, cas, on le sait depuis Heidegger, Letre se voile en se dévoilant... Un beau soit, Raoul de Waldeck donne, dans son hotel particulier du pare Monceau, une réception pour annoncer ses fiangailles avec ba jeune Fliane David. Mais en liew et place «Eliane David parait uneinconnue, une certaine lady Jeanne Darlington qui, explique Raoul de Waldeck, a pris la place encoze chaude d'Eliane David, celle-ci hui ayant dramatiquement annoncé & Vienne sa rupture avec lui, inrévocable mais dont elle rretit pu dévoiler les raisons. Vassistance médusée encaisse le coup, et soffte des passe-temps diversionnistes. Par exemple, alors que Raoul de Waldeck, hui, fait en douce tine cour assdue &-une certaine Marie-Helene “Zdrojewski figuranc parmi les invités, David Monongo, un diplomate angolais, hypnotise Jeanne Darlington, qui semble assister médiumniquement & des sctnes insoutenables ott Raoul de Waldeck joueraie un role important, Qu encore, Pierre-André de Talien violente Jeanne Darlington sous les feux croi des regards stupéhits de Tony ’Entremont, le narrateur, et Charles-Antoine Zdrojewski, dissimulés dervitre deux miroirs sans tain se faisant vis-2-vis, Par la suite, David Monongo assassine Raoul de Waldeck, lequel offre étrangement peu de résistance, meurtre & connotations vaguement pédérastiques; puis le fantéme d'Fliane David portant encore des traces de strangulation, appara et fair face au cadavre de son ancien amant, Raoul de Waldeck. Pendant ce temps, d’Enuemone, que Raoul de Waldeck avait incité & concluce une Belle Alliance avec Jeanne Darlington, la connate Solstice d'ézé 1994 2 son cour bibliquement, A ka fin de la nuit, Renée de Talien se réconciliera avec son ex- époux Tony d'Entremont, jusce aprts une tentative de suicide, et aprés plusieurs années de séparation et divorce dont on connatra les dessous bien plus tard, et Charles-Antoine Zdrojewski commence 4 filer un parfait amour avec lady Jeanne. Au couts d'un gigantesque processus explicitsion des données inidales de cette nuit passablement mouvementée, il apparaltra que oe etait la que fe début d'une opération magicienne de groupe, qui, des trois épousées de ‘Tony <'Ensemont (car il aura connu, a son tour, Mari Haene Zdrojewski), fera naitre fa quatrigme, qui, elle, donnera asile dans sa chair & fEnvoyée du Pays des Hauteurs, laquelle sétablira, de par son incamation, [Tmpetiuum - eta urs-bréve échéance. A moins que tout ne soit qu une opération magique d’obtention illégale d'une nouvelle chair maniganeée de longue datz par Raoul de Waldeck et Eliane David, qui avaient &¢ imadiés au cours dlessais aucléaires en Chine? ‘Tel serait, parmi bien d'autres, un sésumé possible de «l’Etoile de ! Empire Invisiblen, ts pauvre apergur d'un técit qui n’est lui-méme que mise en question dialectique permanente du récit, au récie de la nuit de Phdtel Waldeck succédant une somme exégétique ott paraissent se diluer les prolongements du récit, exégtse assumant le passage 3 Texplicite de limplicite du récit, lequel réit rapparaitra & son tour plus que come illustration, dramatisation de Texégise. «Remplacer ks états du témoignage par cetn de Fexplicitation. Cela, sraitece deja trahir, échoir, fiir? (p.167). Sans parler des titres des chapites, qui, isolant tel détail, paraissent esquisser un roman poétique qui serait encore un récit autre. Une mise en question dialcetique parmi tant d'autres, tant de dialectiques de renversement, voire de renversement et de contre-renversement, [émergence successive ou simultange de trois moments dialectiques étant une figure majeure du roman, dont on comprendra dés lors que Faction se résume en définitive & éctire et aimer - écrite ce roman luisméme, aimer les trois épousées, figure d'une seule. «Eerite et aimer, seules occupations de f'universeln (Abellio). Ecrire et aimer, deux occupations dialectiques par excellence, ks dew setles occupations de ‘Tony d'Entremont, narateur d'un roman ait, la part faite de quelques enscignements non dialvctiquies (les propos cyclologiques, la conférence de d’Altavilla, le centre dis monde retiré en Mongolie, fa géographie sacrée des zemps de la fin, les pyramides) tour nest que dialectique Le roman n'y échappe pas. Le roman dénonce en permanence son dispositif en action, ety introduit, dans son dispositif maints émentsallogenes: discours théalogique, métapolitique, poésie, propesitions cinématographiques («mettons que...») analogues au enregistrements sur cassettes vidéo des ébats des protagonistes - procédé par lequel la teprésentation se dénonce en tant que telle, Mais le roman intégre le non-roman, @®axTaios pe eee comme dans l'opéra romantique ou misux le drame lyrique wagnérien ott tous les arts disparaissent pour renaftue autres - et tel est favenir du roman si le roman a un avenir métaphysique, poétique, théatral Ia littérarure n'y échappe pas. Elle perd face aux nécessicés pédagogiques explicitation répétitive, mais ce quelle y perd, elle le regagne sur le plan de ke métaphysique: da classe» (cf. Les Mystétes dela Villa Atlantis») Finalement, littérature gagne donc la partie en la perdant, car elle nest au meilleur d’elle-méme que quand elle a.son centre atideld Pelle-méme, dans une transcendance d'ordre méraphysique. Elle gagne aussi la partic en dénongant son impuissance («18 littérature 1éeablic nul pessage & lz chair, nul pastage au souffle de la bouche vivante et brilante sous le souffle) (p.218), car la lieéracure qui dénonce ses limites par -méme les repousse. Lécriture n'y échappe pas, Les métaphores sont poussées & bout, usées jusqu’au bout, pour accéder, au-del& de la métaphore, & Y'identification réelle, Phyperbole est constante, poussée jusqu’a Fautoparodie (je mfamuse, tous ga rest quitun jew apres tout, imag, ainsi poussée & bout, elle connaft son assomptien guand méme, assumeée quelle est jusqu'au bout par un extrémisme métaphysique. C'est pour la meme raison que admiration le plus haute ne peut gutte passer de la capacité & moquer son objet seule certaine race Phomme comprendra la moquerie comme moment dialectique nécessaire de Vadmiration, et, disait Nietzsche, on connait la qualité d’un homme & ki qualité de son admiration, Fécriture du roman dénonce done ct souligne ses prooédés pour mieux les mettre en chiffre, pour les faire renvoyer & aurre chose qui3 la douce illusion romanesque: ainsi de ks désignation implicire de la mise en abyme lle dans la GaronneIle des Moniales, au cours de la conférence dus commandeu d’Altavilla, Laveu d impuissance de Péctiture alle-méme est fe gage dune transfiguration de celle-ci, ct, Face & ces exigences, Pécriture tendue & rompre en vient & des débordements, & des ruptures symtaxiques dépassant encote Guer-Ricord: «c'est par cet interdit ritudlique d’amour concernant heute seule, et seule Phette, qu'il nous fillait donc faire amour aurrement quand de tant amour concentré, importé en nous, soudain nous ne parvinmes plus & empécher Famout quill Vienne & se faires - écrit Jean Parvulesco pour annoncer la sodomisation de Mari Helene par le narrateur. Le dite n'y échappe pas. Il est constamment déporté en-dehors de hui-méme. Il dénonce son autocensure, Par prétérition, évoquant des propositions non-retenues, nnon-non-retenues pour fa marche & suivre du roman en cours, il suggéte le non-dit, voire Lindicible, Le p s-tontdit, le presque-rourdit déplacent le centre gravitationnel du dire vers le non-dite, le je-aurre du dire, Les choses nly échappent pas. «Au-dela de Pévidence>, ily a ales choses derride les Solstice d'été 1994 ee eee eee choses. dévoilées par le gap in the curtain. Les choses ne sont tien en elles-mémes, mais par la réalité qui se tient derritre elles, elles sont tout. Parvulesco asa maniére & lui de planter le décor: Tétar des lieu Sachtve et se résume par un adjectif appartcnant 2 un champ sémantique radicalement différent (ainsi p.123 «les écumes blanches,hallcinées, FRIVOLES») -ce qui stme le doute dans Pesprit d’un leeceur décickément fort maltraité. Tout est autres estil di (p.268). Les perconnages nly échappent pas, piégés quiils sont dans la dialectique de Fétre et du paraitre, manipulateurs masqués cux-mémes surmanipulés, habités par les agents secrets du Cosmos quis abritent& leur insu ou non, Dventrée de jeu: Tony €’Entremont prétend que Renée de Talien serait une cousine de sa premitre femme et arbore tin masque dhostilité& son égard, Mais bien vite, il avoue son artirance, er meme beaucoup plus: ge nai pas un seul instant cessé de Paimer & en mouris, quiimportent les années» = et encore: «Un jour, Renée et moi, nous nous suiciderons ensembles. Quiest-ce que ga veut dire? C'est que, saurons-nous un peu plus tard, Renée est l'ex-ferme de 4 ntremont; et par la suite, nous en apprendrons de belles, sur Renée et ses relations avec Ini, Et les auttes, dés le début, ils ne sont tous préoceupés que de aire semblano», edonner le change». Renée, elle aussi, est masquée, mais son masque est tourné vers Pintétieur, «que veutelle ainsi se cacher ® elle-méme?». Mais par qui sont-ils hantés, tous, en définitive, question abyssale sil en fur. Les femmes, dabord: Dea Victoria, Sabina Pappea, 'Envoyée du Pays des Haureuts, Pinnommee des goutfres hyperboréens, de qui - & Qui - sont-el sles projections existentilles, vontlles donner chair de par lénergence parmi elles une chair nouvelle? Ke Tony d'Entremont qui demeure seul en face de toutes, qui est atedels de tous ses masques - sinon celui quil se révéle tre lors de sa «demascarea generale» (p.353), celui quil est depuis toujours on étant absent de son corps - absent de la chair jusque dans expression méme du désir chaenel, la Personne désinearnée, le corps masculin étant ailleurs absent du roman (sauf chez Monongo mais il sagie d'un corps d'animal des savanes, de lion ou de jaguat) - absent de fa chair, mais toujous projection d'un discours cenu en toutes circonstances, jusques et y compris les plis invraisemblables, je veux dire celles ott il parattraicinvraisemblable que l'on tint pareil discours - qui esti, projection du discours, instance langagidre, sinon Celui qui mit son corps en cetrait Jors de la rencontre avec Marie- Madeleine, amorgant par- si désincarnation, sa montée vers la mort, et qui retrouvera chair lors de sa renconare amoureuse avec Marie-Fene, «un amour comme il ny en a jamais eu en ce monde si ce west (.) lors de cette montée sommitale de Punique Amour oti Marie-Madeleine oignit le Christ de ses Huiles “Tianscendentales, et l'essuya ensuite avec Ses Cheveux> - et alors, ainsi, de nouveau ‘Verbum caro factum est, mais quelle chair sinon celle de diamant-foudre, de Vajra @anLaios je a rouge? En Tony d'Entemont et par lui le Verbe, absent de fa chair par le retait de Son Corps face a Tamour éperdit de Maric-Madeleine, Sappréte & rettouver tne chair ati- deli de la chair par Pamour non moins éperdu des diverses figures d'une méme instance Ercelle qui émerges de la DHF (Dernitre Haute-Blambéc} - Méridienne de PExernel Désir, ou Innommée des gouftes hyporbordens - ne sera-telle pas surtout elle-méme Eliane David? Car le temps non plus nly échappe pas, a ke dialectique ternaire, et le présent apparaissant comme projection du futur - de lTnconcevable avenir de fapparition de Tinnommeée - annoncenit poutéere quvun fawue present comme projection du passé, de Fentreprise de survieentamée par Raoul de Waldeck et Hiane Davi lors de ls nuit de Thiel Waldeck Non, assurément, Je temps ny éhappe pas, etsi dela mise en question dialectique clu temps linéaire émerge un temps sphérique, cyclique, et ce & chaque page ou presque de Uéeriture de ce roman, par le prooééé anticipation: les fangilles de Raoul de Waldeck sone dénoneées denteée comme de «soi-disant fiangsilles; p.40, Raoul de Waldeck, dans une admirable propheéie visionnaite, déclate & d'Entremont: weilez su Kane, ele sera tr prise cette nuit je le sai, anticipation de la triple possession physique de dy Jeannes et lorsque Jean Parvulesc, incgrant des proces treiionnels du roman, qui, de se voir intégrés & pateil emonste, prennent un relief nouveau, proctde & une allusion antcipatrce an intermpéries qui aménerone la catastrophe finale dont le compre-rendlt: comprendta Iui-méme tine allusion aux orages des jours pas, alors la sphécicité du temps investit le cours méme de léciture. Enfin, a pornographie n'y échappe pas. Pautear fat hii-méme Fexamen dilectique des pornographies intimes de son roman: justifies par des aprétentions comme Cexpétience surarurells, elles changent de statt, qualifies de «confision au premier degié ou presque clle-méme «divine vérisé plus vraie que la vétité qui esten elle». mas cette confession, Le mystérieux troisiéme terme Carte mise en dialectique de la coralité de l'ceuvre raura de sens que pat Pémergence d'un mystérioux rrisiéme terme encore voilé mais agissant, et qui déja se lisse pressentir quand auteur souligne que le roman investi en force par le non-roman, le roman de Timpossibilité de action est le seul qui correspond aux wrmes de Limpossibilité de Faction, de méme que le barrage ontologique faisant échouer la pensée heideggerienne sur les sables de son impuissance d’étre est le faic de son identification sacrificielle avec Pépoque qui est celle de Poubli de l'étre. Impossibilité, impuissance qui, de par leur prise de conscience d'elles-mémes, ne peuvent quiétre données pour provisoires, le Solstice déxé 1994 8 roman parvulescien en ses diakectiques d’ombre, en son renoncement tragique au récit, éant 3 Popposé de toute expérience de laboratoire, est fannonciation @un imminent retour aux temps de action, qui se veut, en Teccurence, action magique, ouverture sur oon ne sait quelles opérations égrégoriques dont la nuit révée & Phatel Waldeck nest que la préfiguration, D’ottimpoctance de ka déclinaison magique, perpétucllement réitéré, des identtés eécapitulatives ex des noms, - lide au caracttre opératoire, invacatoire de ce roman comme délingation du je auere et de Pautre du je ~jusqui’ inévitablement, celui de fInnommée, «ce nom de tous kes noms sans nom», Horizon du passage & Faction métapolitique qui éclare d'un jour singulier k victoire apparente de la vision rétrograde, celle de lopération tanttique de groupe commencée la nic de Photel Waldeck comme procédure d’cbtention dune nouvelle chair par le couple irradié, car par un renversement ultime, cette victoire sur Pirradiation renvoie mcaphoriquement & une vietoite sur Hiroshima, Hiroshima pris comme origine de la phase finale du Kali Yuga apres la terminaison tragique, fatale, du Yuga du Hécos, le yruga del Hé:oe done parle Miguel Serrano, et le destin du Japon, plus de vingt ans apres la mort de Mishima ese pris comme embleme de nos cyclologies avant-garde, Car est ici que saffirme héraldiquement la figure révée d'un retour du Japon & fui-méme, au sortir du néane de Pesprit. Retour du Japon & lui-méme, eque le Japon vive et revive di mille ans» dit un des po&mes majeurs de Jean Parvulesco, et retour au Japon, par un anti-Hiroshima aux di mille soles de I Esprit, qui estaussi retour aux Andes antérieures, recouvrance définitive de la ‘Toison d’Or toujours jusqulalors perdue & peine retrouvée (voit aussi, sur ce suet, la igure de Fanémone de mer), retour des Argonautes, victoire de Pécriture en auto-effacement devant la uds-sainte téalité régnant 4 nouveau 2 0% parut avoir régné Fintdel non-étre, ineffable beauré du. réel quand le wel est archétype. Jason, tu teviendras, Jason, tu es tevenu. nun sacté pavé dans la étide mare aux scribouillards de cette fin de sitele- de cette fin de cycle. Brum DIETSCH Apres La Serwante pormugaites et ales Mysbres de a Villa Atlantis, parus d VAge d’Homine, a’Ftvile de PE:mpireInuisibl» est le tisibve roman inisiatique de Jean Parvuleco, Ais Editions Guy Trtdaniel La Maisnie, ean Parvulesco a galement publié «La Spinale Prophésignes, «Le soleil rouge de Raymond Abello» et «Le ‘Manteau de Glace, Editions Guy Trane, 76 Rue Claude Bernard, 75005 Pars, 543 pages, L9SFE @aNTaios SUR LE FANTASTIQUE BELGE: “LES KERMESSES DE L’'ETRANGE” Prolongement dune thése de doctorat consacrée au “Fantastique dans les lettres. frangaises de Belgique au XXtme sitcle”, cet ouvrage monumental tente avec suuceds de delimiter la spécificité du Fantastique belge. étude couvte la période 1830- 1914, au cours de laquelle s épanouissent de grands courants littéraires: romantisme, naturalisme, symbolisme... Un second volume en préparation, “les Nouvelles Kermesses de I Etrange”, poursuivra Penquéte a cravers le XXtme sitele or Sattachera aux grands maitees: E. Hellens, J. Ray et T. Owen. Souhaitons & cee étude une prompte parusion: les qualités du premier volume présagent d'une suite passionnante, Ce premier volume est en effet rigoureusemenc structuré: Fric LYSOF. rappelle quelques postulats théoriques, la difficuleé de définir le genre fentastique er de le situet par rapport aun catégorics liteéraites taditionnelles. La Belgique, forcemenc influeneée par la vaste production de ses voisins, semble sétre distinguée dans ce genre, Lauteur nous démonite que les auteurs belges assimilérent les apports de Gauthier, Poe, Maupassant et propostrent & leur tour une vision personnelle di récit fantastique. La deuxitme partie, consacrée A Fanalyse des thémes et des procédes narratifs, regorge dexemples finement commentés. Le chapicte consacré 4 lespace-temps fantastique met en lumidte toute la force dune imagination puisanc aux sources dun récl sacralisé. Teaus, principe féminin depuis Porigine des temps, la forée impénétrable et secrdie, le nuit et ses mystdres deviennent les principaux acteurs de lz nouvelle funtastique. A lopposé de leurs voisins frangais, qui souvent rejertent la nature au profit de Partifice, les écrivains belges drigent de vérisables steles au végeral: arbres et fougdtes fascinent Macterlinck ct Rodenbach, le contact intime avec la nature inspite & Lemonnier ses phis belles pages. Limaginaire triomphe, Thomme retrouve la pharalité des eéments: Peau est pierre, elace, diainant, la terre est un giron maternel, La ttoisitme partie, consacrée A ,H. Rosny Ainé, dont la vie paristenne ne fit jamais renier ses origines helges, Solstice d'été 1994 &B développe le theme du fantastique fin-de-sitele et retrouve & travers les oeuvres de cet aurcur méconnu les origines de la science-fiction. Laconelusion générale montre & quel point M. Lysoe a pénétré 'authenticité de notre petit pays. Cest en effet grice asa double culture germanique et romane que la Belgique a pu imposer son rapport si particulier au réel. Son god du réalisme, omniprésent dans la peinture, sa propension au mysticisme, son penchant nacurel au réve donnent naissance & une prose ‘mi-prosaique, mi-poétique ott se conjuguent la matitre et Pesprit’, Une bibliographie colossale propose un choix de lectures .., pour plusieurs vies. Saluons au passage Pérudition de M. Lysoe et sa parfaite connaissance des langues européennes passées et présenies. Des centaines de références pour accéder & la face obscure de la réalité et aux sources de notre identixé! Paseale VERBAANDERT E, LYSOE, “Les Kermesses de Pétrange ou le Conte fantastique en Belgique du romantisome au srmbolisme”, Paris, Nizet, 1993, 590 pages, 200FE Les éditions NIZET, spécialistes dans les omumagesdtrudition et de critique Eintenaire, publient un magnifique catalogue ainsi que des listes d occasions, Derniers auteurs étudiés: Anauilh, Huysmans, Lorrain, la Chanson de Roland, le mythe et le Spmbolisme... Librairie A.G. NIZET his, place de la Sorbonne Paris (Ve). Se réclamer d'ANTAIOS. @aNTaios Dumézil en Autriche Aprés lesomptueux numéro spécial de ke revue italienne FUTURO PRESENTE ** , disciples du maitre de Pulcra-histoize peuvent consulter celui, tout aussi remarquable, que vient de publier TUMULT * , Dicigée & Vienne par Walter SEFTTER, TUMUIT (Schriften aur Vetlsehrswissenschaft) parait deux fois l'an. Parmi ses cortespondants €trangers, elle compte ou a compté Jean Baudrillard, Michel Foucault, Michel Sectes, Paul Viriio Le numéro 18 (126 pages) est entitrement consacré ® Georges Dumézil, “historien et visionnaire?. I comprend deux teztes du grand érudit, “La médecine et les trois fonctions", publié nagutre dans le Magazine litedraire (n°229, 1986) et un extrait de “Loki". On y lit également des études de B. Sergent (Le paradoxe gree), de EX. Dillmann (Les Diewx germaniques) parues elles aussi & la méme oceasion. Citons également un texte de M. Foucaule sur le “seructuralisme” de Dumeézil ct toute la polémique qui opposa ce demicr & ses détracteurs, du moins ceux qui eurent ke courage de Sattaquet 4 fui de son vivant: A. Momigliano et C. Ginzburg, Hessai de D. Etiboo, “Faut-il briiler Dumésil” (Flammarion: 1992), un modéle de rigueur et d’honnéteté intellectuelle, avait en son temps démonte les les mécanismes de fa rumeur, a savoir dans ce cas précis, la précendue fascination qu'aurait exercé sur Dumeéril le narisme (p.13-63 et 297-306 surtout), Walver Seitter rappelle quant 3 lui engagement autrichien de Duméz!l. Celui-ci fut en effet, dans les années 30, chroniqueur de politique étrangtre, sous le nom de Geoges Marcenay, au “Jour”, quotidien d'ebédience maurzassienne, Ce & grand journal, aucuel collabora Mautiac, étaic lors favorable & Fltalie fasciste - tout en précisant qu'un til modéle socio- politique n’était nullement exportable en France - et farouchemenc antinazi. Rejetant le regne des partis, Duméril/Marcenay était obsédé par le péril hitlérien, autane que par la menace bolchévique. On peut y voir Pinfluence de Maurras ot de Bainville, Ainsi, Je 15 février 1934, il écrit, alors que Mussolini: masse sex troupes a la frontigre du Brenner, que le réle de Ptalie est de “sauver Vienne de Berlin” Uartide de W. Seitter nous semble fondamental en tant que portrait philosophique de celui qui en mars 1985 ddclaraic: “Je suis Panti-Hegel”. Christopher GERARD. *TUMULT 2°18 (260M). Abonnement (2 numéros): 32DM. Se rédamer AANTAIOS. Venlag Tria && Kant, Weinbergguste 17, A-1190 Wien, Aurriche, ** FUTURO PRESENTE 2. Quattro Torri, I-06084 Ellera Sealo (Perugia), 20.000 ives. Voir ANTAIOS HL, p.74-75, 2 Les Préraphaélites (1848-1884). D. Beuckmuller-Genlot, professeur 2 PUniversité de Strasbourg, reprend danc ect ouviage son doctorut consacré aux “Gentses et gestions des images féminines Solstice d été 1994 préraphaélites”. Son étude retrace les différentes phases du mouvement depuis la naissance d'une conftérie préraphadlite, synonyme d’anci-conformisme et de scandele jusqu’ Ia reconnaissance nationale de Burne- Jones devenu Sit Edward. Des extraits de presse révélateurs de la crts purivaine critique dePépoque suivent Pévolurion du phénoméne qui sucita de véritables scandales nationaux. Laureur retrace avec un luxe de détails la carritze etles amours des trois grandes figures: Millais le pcécurseur, Rossetti et Burne-Jones. approche n'est pas purement esthétique mais une analyse de la société vietorienne, en particulier de la (lamentable) condition féminine vient enrichir 'interprétation du sujet pictural. Tout, dans cct ouvrage, nest qu’ctoffes sayeuse, ondoyantes chevelures et fleurs délicazes, Nous retiendrons focuvre du peintre ct pote Dante Gabriele Rossetti done les puissantes figures féminines essuscitent tantdt Astarte Syriaca, la Vénus syrienne, ou le charme ambigu d'une Petséphone & le grenade. Son amitié pour le potte Swinbuine, admiratcur de Poe et de Baudelaice, confirme ses préoccupations spitituelles de I'époque. Le sulfureux écrivain ne déploraitil pas dans son “Hyman to Prosexpine’: “Lu as gagné, 6 pile Gelilgen! Le monde est devenu gris sous ton soufle..”? Lesthétique médiévale et le merveilleux arthurien inspirerone & Rossetti des ceuvres au sombre symbolisme (Sir Lancelot in the Queen’sChamber, The Chapel hefore the ists). Lapogée de ce courant simpose dans “The Beguiling of Medlin’ de Burne-Jones. Puisse un courant contemporain sinspirer du génie d'un Rossetti ou d'un Burne-Jones pour redonner vie & nos Dicux! Pascal VERBAANDERT D. BRUCKMULLER-GENLOT, “Les Prévaphatlites 1848-1884", Paris, A. Colin, 1994, LECTURES PAIENNES J. CAMPBELL, ‘Les Mythes mavers les ges”, Ed, Le Jour, Montréal 1993. Ouvrage tres clair et crs synthétique, magnifiquement illuseré, car composé sur une interaction entre des images et leurs ‘commentaires pour une série telévisée intitulée “Tiansformations of myth through time”. Cet essai zeprend toute la sociogentse de "homme depuis les origines prchumaines et montre les tuaces du divin dans la longue histoize de ses représentations Lauteus t2ts marque par la sagesse perpétuelle deInde, offre & travers étude du symbolisme du yoga, du Bouddhisme, du tantrisme, de nombreuses mises en perspectives avec le Christianisme, le Tacisme, le Judaisme, TIslam, les mystéresde PAntiquité grecque, la tradition arthurienne, et enfin la tradition des écrits de Je Chevalerie et de la Quéte du Graal. ensemble acquicrt ainsi la valeur d'une voie tacée aux Paiens d’aujourd hui, qui avecVaide de la sagesse fondamentale conservée en Asie, pourront reconquétir l'Europe, comme Perceval séussit & reconguerir le Graal. Un précieux live initiatique & offrir autour de yous. |B SAVIGNAC, “Les Gaulois, leurs écrits resrouvés’, Le Difference, Paris 1994. @®aNTatos See ee) f Lauteura regioupé dans ce livre tous les textes gaulois connus, e¢ souligne qu'il pourrait en exister bien autres, si les musées ouvraient leurs caves et si les archéologues étaient plus atrentifs. Cette anthologic, composée principalement @inscriptions, couvre de nombreux domaines: dédicaces, lois ales, formules magiques, vie quotidienne, toutes traduices, annotées au moyen d'un thesaurus oit toutes les formes grammaticales sont expliquées. Un index des mots et une abondante bibliographic completent ce travail indispensable & tous ceux muni gui sone aujourd’hui dans la Résistance. J. FABRE, ‘Tes Reperes de UEmpereur jaune, “fondemenss de Facupunctre er léstaoises de la connaissance’, Parle, Patseaus 1993, Disciple de J.A, LAVIER, le restaurateur de lacupuncture des otigines en Europe, le docteur Fabre a non seulement produit un livre majeur pour la comprehension de la métaphysique du ‘Taoisme et de la médecine chinoise, mais aussi un travail passionnanesut la vision craditionnelle de Thomme dans le cadre dane philosophie perpéruelle telle quelle a été restaurée et revivifiée par cené Guénon et Julius Evola, Un livre a étudier et a méditer par tous les cherchcurs de verité. fean VERTEMONT .e, SOLARIA Notre ami Jean-Christophe Mathelin, faisent preuve d'autant de constance que le courage, viene de publier la croisitme livraison de la revue du Cercle Européen de Recherches sur les Cultes Solaires (CERCS). La présentation en est élégante ot le sommaite alléchant pour tous ceux qui ne considérent pas uniquement le Soleil sous son aspect matériel (cr mercantile), Le 17202me anniversaise de Vofficilisation, par 'empereur Aurélien, dus calte de Sol Inviceus y est dignement fete, On Jira aussi une étude sur le symbolisme de Ja roue solaireet la suite de la lumineuse réflexion de V, Decombis sur “La danse du Soleil chez les Humains”. Ainsi que les rubriques habituelles, consacrées & Helios. A lire et & méditer pour ne pas “bronzer idiot" SOLARIA IIT (6¢ 1994), 40FR 250FB (port compris). CERCS!Maison du Soleil 63 rue Principale, F-67260 Diedendorf, Absace. SF PERMANENCE DU DRUIDISME Nous avons regu deux publications qui témoignent, chacune 4 sa maniére, de la permanence ot de la richesse du courant celtique contemporain, A savoir le numéro 250 (!) d'AR GAEL, ke revue du College druidique des Gaules, fondé dans la clandestinicé en 1943 ec qui se voue a la transmission de ls Tradition Druidique, aux fonctions sacerdotales: cérémonies du calendtier celtique, initiations... Ce numéro comprend un rappel fort utile des érapes de fa renaissance du Druidisme moderne. et des Solstice d'éé 1994 a multiples péripéties du petit monde (gtandissant!) ngodruidique, quia pu parfois, hélas, sombrer dans les travers typiques des chapelles chrétiennes: conflits de personnes, scissions, excommunications, et caetera. ORDOS 1,618 ese le nom d'une jeune revue consacrée “aux mythes, aux mysttres et aux légendes de la tradition celtique” La présentation du numéro 1 (mai 1994) est tres soignée: les responsables ORDOS semblentambitieux, sans dogmatisme puisque Femblée, il nous est signalé qu’ Ordos “ne sera pas détenteur de la vérité impénétrable de ka tradition celtique.... Ordos ne préche pas, ne balise pas la métaphysique, ne Rgle pas la doctrine mais bat les anciens sentiers”, Ce numéro | contient Ja réédition Pune écude de D’Arbois de Jubainville sur les ps indo-curopéennes des nombres, une originale sur les chiffres 3, 5 et7 ainsi que de précicuses notes de leczue. Bonne route donc a nos amis celtest AR GAEL, 126FF labonnement. Calloge drwidigue des Gales. Monsieur A. LOGEAT 14, route de Bréval, F-78200 Mantes la Jolie. ORDOS 1,618. LI vive du Général Bua, F-44000 Nantes, Breiagne Abonnement annuel 100FE Se réclamer d/ANTAIOS. uF GRIPARI: NOTRE ANDERSEN. Maitre Pierre, sans doute l'un des grands conteurs du XXéme side, demeure présent parmi nous gidce & ses livres, traduits en de ombreuses langues, mais aussi price as travail inlassable des Amis de Pierre Gripaci. Lassociation compte parmi ses membres Phonneur des éditeurs - je veux dire des hommes qui éditent de vrais livres, pas des marchands de papier - comme Bernard de Fallois et Vladit imitrijevic, Jean-Claude Hasquelles elle élite un bulletin qui est une mine de renseignements sur Pautcur de “1'Evangile du Rien’ et des “Contes de la Rue de Broce’. Voil& une entreptise & soutenir! Amis de Pierre Gripari BP 329.16, F-75767 Paris CEDEX 16. Adhésion: 150FF Se réclamer dl’ ANTAIOS. we “Le latin, excellent élément de tri” Crest en ces termes que Madame G. ebringer, présidente dela Société des agré ges, commentait a forme de enseignement dans le Figaro du 11 féusier 1994, Elle rappelaic fort & propos que la sélection pratiquée & Ventrée des grandes écoles doit étre équitable ec démocratique. [in ce sens le latin peur aider 8 axTaios 4 sélectionner les écudiancs au méme les disciplines scientifiques, Mais les kangues anciennes sont aussi et surtout des instruments de formation 4 Pheure ott Penseignement est cre que de plus en plus réduit 4 une simple information. Il semble en effer que nombre de responsables (?) ignorent encate ce subtil distinguo... Madame Zehringer déctit justement le latin comme “favorisant la logique, le masonnemenr, la clarté du style et, par conséquent, la communication”, Les licératures latines et grecques, “réservoirs didées”, comme antidote a Paméricanisation. des moeurs, ala barbarie montante er la folie meurtriére des micto-nationalismes? <4 EPSILON ‘Touslesamoureux dela Grtce, celled’ Homére ct de Séfétis, doivent sans tarder pousscr la porte de la librairie Epsilon, sive rue de Vaugirard oit ils seront chaleurcusement accueillis par Stavros LENIS. Ce libraire ext un amoureux des livtes & Pérudition impressionnante, qui, en ce siéele barbare (barbawos signifiant “qui ne parle pas grec") et mécanisé, se livre & des passe-temps autrefois: la bibliophili, le philhellénisme, Phospitalité.. enfin ce genre de vieilleries. I pousse loutrecuidance jusqu'a pratiquer des prix corcects et & parler un frangais chati, ce qui est carrément suspect. A surveillerde pres! EPSILON 33, rive de Vanginarel B F-75006 Paris, tél: 45445300, Catalogue et recherches. Se réclamer d AN TAIOS. sa Philosophie antique Les éditions OUSIA de Bruxelles viennent de publier un remacquable recueil darticles du professcur Robert Joly consacrés a la philosophie ancienne. Robert Joly est professcur aux Universités de Mons et de Bruxelles. Ila publié de nombreux ouvrages chrétien de Pamour est- il original?” (Université de Bruxelles 1968), “Chuistianisme et philosophie” (Universicé de Bruxelles 1973),"Propos pour mal-pensants” (Union Rationaliste 1961), “Origines et évolution de Fincolérance catholique” (Université de Bruxelles 1986). Ila également taduit, aux Sources Chrétiennes, “Le Pasteur Heras” et plusicurs volumes d'Hippocrate aux Belles Lettres De Pythagore & Grégoire de Nysse, en passant dont “Le vocabul par Platon, Aristote, le stoicisme, le mayen platonisme, mais aussi Dion Chrysostome, Lucien de Samosate, Justin, et quelques themes philosophiques et théologiques majcurs, pari lesquels la charité et la saintecé paiennes, cest peu prts tout fe champ de la philosophie antique qui est évoqué avec brio dans cet ouvrage de 328 pages. RJOLK, "Glanes de philosophie antique’, Ousia 1994, 800EB (pore compris) jusqulan 15 septembre 1994 (an lew de 995EB) Verser cette some au CCP 000-0024326- Salstice d été 1994 76 d’Eurorgan, rne Bosquet 37, B-1060 Bruxelles. Pour la France, écvive a cette advesse en se réclamant d'ANTAIOS. x Le recours aux foréts Tel est le titre, tres jiingerien, de la remarguable revue culturelle alternative de Passociation “Nouvelle Ecologie”, Publication trimestrielle, Le Recours en est & son deuxitme numéro. Au sommaire du n°l: un dossier original sur Palimentation, acte culturel: de la gestro-nomie & la gastro-anomie. Les conduites alimentaires, de plus en plus aberrantes, de nos contemporains y sont analysées sans complaisance ni catastrophisme exapéré. La conclusion de C. Fischler est & citer: “identifiant mal les aliments qu'il absorbe, le mangeura de plus en plus de doutes sur sa propre identice™ Le numéro Il est consacré la crise de la ville et comporte un entretien avec Ancoine Waechter, qui serait & citer in extenso pour son intérét. Le responsable des Verts, disciple Edward Goldsmith, y fait quelques mises au point sur la citoyenneré, Ia laicité et les identités cultutelles, le eégionalisme comme contrepoids a Punification européenne, etc... Lalecture de e pétiodique impose pour tous ceux qui entendent penser Pécologie, hors des seatiuis batts. Le recours auc forkts 78bis avenue de la Republique F-78500 Sartrowville Tél: 39573637. LIOFE Cheques a lordre de, OZON. Se réclamer d’ANTAIOS, Chtons également lajeune assoctatian belge EUPHORBIA (Europe des fortts), qui vise a faire connaitre les traditions ancestrales, promonvoir la conservation des habitats rraturels, dela fasme er de la flove sawvages. Elle organise des périples forestiers dans toute lEurope, y compris a UEst. Elle se réclame des philosophes de la navure Jean DORS', Robert HAINARD, Oiio KOENIG, Konrad LORENZ, Roland de MILLER. EUPHORBIA Monsieur A. GUISSART Rouse de la Fagne 33 B-6460 Chimay Belgique. Se réclamer d’ANTAIOS. m8 @anTaios Solstice d'été 1994 rr Qu’est-ce qu’Antaios ? Aoccasion du 160008me anniversaire de !'interdiction par lempereur Théodose de tous Ies cltes paiens (B novembre 392) tin groupe d'universitaires brabangons a gondé un cercle curopéen de téflexion sur le Paganisme, ANTAIOS. Dans la mythologie grecque, ANTAIOS ‘ait un géant, fils de Poseidon (!'Océan) et de Gaia (la Tense), qui vivait en Lybie et Forgait tous les voyageurs hutter avec lui, Antaios remportait toujours victoire: ilétat invulnérable tant qu'il rouchait lelément primordial dont il érait issu, la Terte, Seul Hérakles parvine & le vaincre en I empéchant de reprendre ses forces. La symbolique de ce mythe est caire : est en gardant le contact avec notre sol que nous resterons nous-mémes, capables de relever tous les dais, d'affeonter toutes les tempétes. Fin revanche, si nous nous coupons de nos origines, si nous oublions nos traditions, xét ou tard nous scrans balayés, tls des fétus de paille, privés de force et de yolontt.. Ce socle protecteus, ce so] vivifiant, cest le Paganisme immémorial, Gest antique fiddlité & nos Dieux. Non point des Dieux personnels ec miséticordieus, jalou. et intolérants, image 6 combien dégradée et infantilisante du Sacré mais des principes intemporels, des modéles éretnels qui doivent nous permettre de nous projeter dans un avenit grandiose, digne de nos aieux. ANTAIOS est aussie nom d'une prestigieuse revue dirigée jadis par des Fumpéens selon notte coeur : Frnst Jiinger ct Mircea Fliade. Elle publia de grands espries du temps comme Borges, Cioran, Frola, Nelli ‘Antaios cst enfin le nom d'un jeune cerele de réflexion, enraciné en Brabant mais ouvert sur Eutopect le monde, qui entend, dias la mesuze de ses moyens, promouvoir es recherches sétieuses sut le Paganisme, cevivifier une conception paienne du Sacré et y sensibiliser nos contemparains, Pardes confécences, des voyages, par 'édition de livres rares ou inddics : mpus pensons publier tn essai sur "les morales négatives”, un autte sur les institutions de I'idande paienac, un texte de Friedrich Georg Jiinger sur les sagas, un ouvrage monumental sur les résistances pafennes en gaule du Jer au Tx8me site. ANTAIOS publie aussi une revue trimestrielle, qui se veut le forum oft sexprimeront tous ceux qui aspirent & une renaissance paienne. ‘lout texte formulant de manitre positive | Esprit du paganism, sa substantifique moelle, toute information intéessante sur des groupes semblables at: nétte setont les bienvenus. Nos traditions y seront étudiges sous un angle qui sau rien de passésce : nulle lamentation sur la "mort des Diewx", concept A nos yeux vide de sens. ANTAIOS se place sous la mouelle de JUPITERVTARANIS, le ttés bon et le trés grand, symbole d'écernité et de puissance, mais aussi de synerétisme + ZEUS, JUPITER, THOR ou ‘LARANIS représentent un méme principe... ANATAIOS travaille dans un esprit de tolérance et de refus du dogmatisme qui est le propre de la civilisation européenne @anTaios

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