Mois de la francophonie
La FÉUO manque
le bateau
FACEBOOK TWITTER WEB YOUTUBE
LaRotonde @LaRotonde www.larotonde.ca La RotondeVideo
section
Le défi omnivore
Il est donc indéniable que certains ani-
DIDIER PILON maux non-humains ont des capacités
cognitives plus développées que certains
Parler des droits des animaux en public, ILLUSTRATION MARINE DUMAS humains. L’intelligence mène donc à des
c’est se soumettre à un chaos d’opinions, conclusions problématiques : une com-
munauté morale qui inclut les cochons,
d’égos fragiles et d’arguments mal-songés. mais exclut les bébés! Aporie.
On parle d’apparence physique, de plaisir
culinaire, de santé publique, d’environne- Le potentiel
ment, de pauvreté humaine… Bref, on évite L’appel à la potentialité est particulière-
autant que possible la question centrale : ment populaire chez les groupes pro-vie.
Quelles vies comptent, quelles vies ne Selon cet argument, les êtres humains –
comptent pas? Quelle souffrance compte, embryons inclus – ont un potentiel plus
important que les animaux. Les grandes
quelle souffrance ne compte pas?
réalisations de la civilisation humaine,
La question n’est pas rhétorique. Au disent-ils, en témoignent.
contraire, végétariens et omnivores s’en-
Si l’argument est difficile à saisir, c’est
tendent que certaines vies ont une valeur
que le potentiel n’est jamais défini. Le
morale, d’autres non. Les enfants, par
potentiel de faire quoi au juste? De de-
exemple, comptent. Les betteraves et les
venir architecte, par exemple? D’accord,
spermatozoïdes ne comptent pas.
plusieurs enfants, même s’ils n’ont pas
Comment identifions-nous alors les vies déjà les compétences requises, l’auront
qu’on valorise? En autres mots : qu’est- un jour. Mais ce n’est pas le cas de tous.
ce qui fait qu’une vie compte?
L’argument se défait toutefois lorsque
Pour les végétariens, il n’y a rien de plus l’on prend conscience de tout ce qui a le
facile. Un être qui ressent de la douleur a bactéries. Ces différences se manifestent les perroquets, comme Irene Pepper- potentiel de devenir un être humain ac-
intérêt à ne pas en ressentir. Si un être a dans des traits qui peuvent avoir une im- berg, ont compris près d’un millier de compli. Ce n’est pas que les embryons,
la capacité de souffrir, il est immoral de portance morale ou non. concepts au point de pouvoir répondre chaque spermatozoïde et chaque ovule,
contribuer à sa souffrance. correctement à de nouvelles questions et dans des conditions contrôlées, ont ce
L’argument n’est pas qu’aucune diffé- tenir une conversation structurée; les ho- potentiel. Imaginez s’il fallait pleurer
Pour les omnivores par contre, la ques- rence génétique n’est à prendre en consi- minidés (bonobos, chimpanzés, gorilles chacun de ces morts! Mais ça n’arrête pas
tion est plus difficile. Quelle justification dération, mais qu’il faille argumenter et orangs-outangs – sans ici compter là. Avec les progrès scientifiques des der-
rationnelle peut-on utiliser pour inclure lesquelles et pourquoi. Il faut justifier la les êtres humains) ont démontré qu’ils nières années, on peut maintenant créer
tous les êtres humains dans la commu- valeur morale d’un être en fonction de peuvent apprendre la langue des signes. un être humain en laboratoire à partir de
nauté morale, tout en excluant l’en- ses traits et non en fonction d’une diffé- Koko, ce gorille célèbre, a obtenu un n’importe quelle cellule humaine. Cha-
semble des animaux? rente base nucléique ici et là. score entre 75 et 90 sur ses tests de QI. cune renferme donc le même potentiel.
La communauté morale prend des pro-
Génétique L’intelligence Les rats, les cochons et les pieuvres sont portions démesurées. Apagogie.
capables de résoudre des problèmes
La première avenue de réponse semble A priori, il peut sembler qu’une démar- complexes. Bien au-delà des chats qui Défi ouvert
évidente : si un être a de l’ADN humain, cation claire existe entre les humains et apprennent à ouvrir une porte ou des ra-
alors il compte. Mais cette réponse les animaux non-humains en fonction de tons laveurs qui défont le travail d’ingé- La question est vaste et difficile à navi-
est particulièrement problématique. leur intelligence. On pourrait donc dire guer. Plusieurs personnes, en fonction de
nieurs pour rentrer dans nos poubelles,
En effet, presque toutes les formes de que les êtres qui ont tel niveau intellectuel leurs expériences personnelles et de leur
les cochons sont parvenus à apprendre
discrimination – racisme, sexisme, comptent. Outre que la corrélation entre héritage culturel, ont sûrement d’autres
les règles de jeux vidéo afin de naviguer
homophobie, capacitisme – ont été jus- l’intelligence et la valeur morale n’est pas avenues de réponse.
ses labyrinthes avec une manette.
tifiées à un moment ou un autre en fonc- intuitive, cette vision humano-centriste a
tion d’un certain bagage génétique. La question est donc ouverte : envoyez
deux lacunes importantes. D’un côté, elle Du côté humain, il faut aussi trouver
vos réponses à redaction@larotonde.ca
néglige l’intelligence des animaux de ma- une place dans notre communauté mo-
Oui, il est vrai que tel chromosome dé- lors des deux prochaines semaines et elles
nière à ne plus concorder avec le savoir rale pour les enfants et les gens avec
termine le développement d’organes paraitront dans la dernière édition. Il n’y
scientifique actuel. De l’autre, elle oublie des troubles cognitifs sévères. Un jeune
sexuels. Il est aussi vrai que la pigmen- a qu’un critère à suivre : l’argument doit
qu’il y a un nombre important d’êtres enfant ne pourrait jamais démontrer
tation de la peau résulte de plusieurs être scientifique. Nier que les animaux
gènes. De même, différentes espèces ont humains qui n’ont pas cette intelligence la même capacité de créer des outils et ressentent de la douleur n’est pas un ar-
des codes génétiques différents. Mais la non plus. Plusieurs animaux sont plus résoudre des problèmes que bien des gument correct en 2016. Dire que les hu-
question demeure : pourquoi ces gènes intelligents que plusieurs humains. animaux. Les gens vivant avec une « mains ont une âme n’est pas un fait véri-
auraient-ils une pertinence morale? déficience intellectuelle profonde », se- fiable et ne saurait que convaincre les plus
Des animaux intelligents, il y en a plein. lon la définition médicale, ont un QI de spirituels.
Il y a une infinité de différences génétiques Des chiens ont maitrisé des centaines moins de 25, requièrent une supervision
entre les êtres humains eux-mêmes, sans de mots; les dauphins communiquent constante, ne communiquent pas ou très La question détermine une si grande
prendre en considération les autres ani- pour coordonner leurs actions et entre- peu et éprouvent de la difficulté à suivre partie de notre vie. On devrait pouvoir y
maux, les végétaux ou même les archéo- prendre des plans à plusieurs étapes; des directives élémentaires. répondre.
w w w. l a r o t o n d e .c a
section
Vox pop
Que pensent vraiment les étudiant.e.s
de la FÉUO
Le 15 mars dernier, la Fédération étudiante de l’Université d’Ottawa (FÉUO) organisait sa
quatrième Assemblée générale. Moins de 0,5% de la population étudiante était là. Pour la
4e fois, ce fut un échec. La FÉUO dit pourtant représenter et rejoindre tous les étudiant.e.s.
La Rotonde est allée voir sur le terrain ce qu’il en est vraiment.
CLÉMENCE LABASSE
Alanna Cunningham-Rogers
Claire Eldrington 2e année en Sciences politiques et Communication
4e année en Biochimie DE LA FÉUO : J’ai pas mal d’amis qui
travaillent pour eux, donc je sais que
DE LA FÉUO : Les clubs sont le fun. Ils ont la démocratie à l’interne n’est pas for-
des services très utiles. Personnelle- cement la meilleure. Ce n’est pas force-
ment, je ne comprends pas les gens qui ment très efficace, ou transparent. Mais
prennent le temps d’être tellement in- je sais qu’il y a quand même de bonnes
vestis. Moi, je me concentre sur mes personnes qui travaillent fort pour que
études, je participe à quelques clubs, et cela fonctionne pour les étudiants.
ça va. C’est le fun de voir des gens qui
DE L’AG : Oui je savais qu’il y avait l’As-
s’impliquent avec leur université mais
semblée générale mais je n’y suis pas
parfois je trouve ça beaucoup.
allée. Il pleuvait, j’étais déjà conforta-
de l’AG : Je savais que c’était l’AG la se-
blement installée dans mon lit.
maine dernière mais je n’y suis pas allée.
Je vais graduer de toute façon, alors les
changements potentiels ne m’affectent Retrouvez l’ensemble
pas. Et puis je ne connais pas assez ce des entrevues sur
qu’ils font, c’est pas quelque chose qui
notre chaine YouTube :
Hippolythe Gallot m’intéresse. Y’avait pas de gros pro-
blèmes qui m’ont poussée à participer Larotondevideo
3 e année en Science vraiment.
politiques et Économie
DE LA FÉUO : La FÉUO est très mal com-
prise par la plupart des étudiants. Ils es-
Mickaël Laliberté
saient très fort de faire des efforts pour 3 e année en Génie
inclure tout le monde, mais si quelque électrique
chose va mal, on les attaque et on les
diabolise. C’est dommage, mais bon, ils DE LA FÉUO : Qu’est-ce que je pense de la
ne sont pas parfaits non plus. FÉUO ? C’est une bonne… non, honnê-
Sur l’AG : J’étais à l’Assemblée générale, tement, j’ai aucune idée dessus. J’y suis
parce que je voulais participer aux dé- complètement indifférent. Je vois des
cisions et voter. Je connais beaucoup affiches sur les murs parfois, mais bon,
de gens qui y sont allés, mais en même il y en a tellement, ce n’est vraiment pas
temps je suis en Sciences politiques, ça qui va retenir mon attention.
c’est un peu normal. Si on n’a jamais DE L’AG : Je savais pas que ça se passait
eu le quorum, c’est qu’il y a un manque avant que tu me le dises. Mais bon, si
d’intérêt d’une part, et un manque de c’est notre fédération, et qu’ils veulent
communication entre la Fédération étu- que les étudiants s’impliquent, ils de-
diante, les corps fédérés et les étudiants vraient avoir des bénévoles dans les bâ-
de l’autre. Un maillon dans la chaine de timents, comme ici à SITE, pour venir PHOTO ANTOINE SIMARD-LEGAULT
communication est brisé. nous parler directement.
w w w. l a r o t o n d e .c a
4 ACTUALITÉS la rotonde le mardi 29 mars 2016
Matinée-conférences
Se désinvestir ou non, telle est la question sinvestissement pour l’U d’O. Voloaca quelle manière il est possible d’« utiliser membres du mouvement pour le désin-
BONI GUY-ROLAND KADIO a expliqué que le désinvestissement est l’énergie plus efficacement et ainsi pas- vestissement des universités. Rockarts
« un outil moral et politique », avant ser à une technologie verte pour réduire s’est indignée de la faible réactivité de l’U
Lundi 21 mars 2016 se déroulait la première mati- d’exprimer son souhait que l’Université le coût de l’écart ». d’O dans ce domaine.
née d’échange d’une série organisée par le Bureau réponde à ce défi. Berubé a prôné une
décarbonisation financière, car selon de Nathalie Chalifour, codirectrice du « Notre université doit faire face à ses
des gouverneurs (BdG) de l’Université d’Ottawa (U Centre du droit de l’environnement et responsabilités en prenant de réelles dé-
nouvelles recherches, il y aura un retour
d’O) pour repenser la place de l’institution dans la sur investissement important quand la de la durabilité mondiale a quant à elle cisions, en se désinvestissant totalement
lutte contre le réchauffement climatique. Beaucoup transition se fait. exposé qu’il existe d’autres solutions que de l’industrie fossile, et en investissant
le désinvestissement. Selon elle, il est dans l’énergie verte », a-t-elle insisté.
de participant.e.s étaient présent.e.s pour ces trois Robert Gorman, analyste financier agré- plus important qu’il y ait au Canada une
premières rondes de discussion, et les échanges gé et ancien de l’U d’O, ne partage ce- reformulation du droit, reformulation Le recteur Allan Rock était présent tout
n’en étaient que plus tendus. Retour sur un bras pendant pas cet avis. « L’Université a dé- qui prendrait en compte la question de au long de l’évènement, contrairement à
veloppé ses propres mesures, ce qui est l’équité et de la « responsabilité clima- la plupart des membres du BdG. Inter-
de fer de quatre heures entre deux points de vue, pellé par l’assemblée sur ces absences,
un pas très important », a-t-il expliqué, tique », comme c’est d’ailleurs le cas au
désinvestissement d’un côté, solutions alternatives avant d’ajouter : « Le désinvestissement Danemark. il s’est montré hésitant, puis a rappelé :
à court et moyen termes de l’autre. est inefficace. » « Je ne suis pas venu pour parler, mais
Les étudiants convaincus de la pour écouter. » Puis, il a tenu à assurer
Comment l’U d’O peut-elle lutter? Le Canada face à la menace climatique marche à suivre que la transcription des échanges ainsi
que les documents et recherches pré-
Lors de cette première ronde de discus- Lors de la deuxième ronde de discussion, La dernière table de discussion a mis en sentées leur seraient acheminés, afin
sion, Misha Voloaca et Annie Bérubé, le professeur de droit spécialisé dans les vedette les points de vue étudiants de que, lors de la réunion d’avril du BdG où
membres de l’organisation Équiterre, affaires environnementales Stewart El- Kristen Perry de l’Université McGill et de seront présentés ces enjeux, les débats
ont présenté sur les avantages du dé- gie a examiné avec les participants de Chloe Rockarts de l’U d’O, toutes deux n’en soient que plus informés.
w w w. l a r o t o n d e .c a
actualités la rotonde numéro 22 5
w w w. l a r o t o n d e .c a
6 ACTUALITÉS la rotonde le mardi 29 mars 2016
Il fait son entrée dans le palmarès Globe and Mail des Canadiens les plus riches
Enquête
w w w. l a r o t o n d e .c a
actualités la rotonde numéro 22 7
Commissaire à l’interne William El Khoury Oui : 189 et près de 200 blessés. Dans les jours qui
ont suivi, de nombreuses interpellations
Non: 21 ont eu lieu. Les assaillants faisaient appa-
remment partie de la même cellule terro-
riste que ceux du 13 novembre. Vendredi
Commissaire à l’externe Lindsey Thomson Oui : 198 25, le président Hollande annonçait que
ce réseau était « en voie d’être anéanti ».
Non: 20
w w w. l a r o t o n d e .c a
8 ACTUALITÉS la rotonde le mardi 29 mars 2016
Portrait
Alexandre Baril, au-delà
des idées préconçues
Alexandre Baril est un chercheur, un activiste et une personne tout ce qu’il y a de plus ordi-
naire. Il est aussi l’unique professeur transgenre de la Faculté des sciences sociales (FSS). Ce
portrait est une reconstitution fictive d’une journée dans sa vie qui, en plus de dépeindre une
r e B a r il
lexand
personnalité importante sur le campus, cherche à informer des enjeux auxquels sont confron-
tés les personnes trans. A
YASMINE MEHDI
Alexandre Baril se réveille ce matin et, comme qu’une personne cisgenre ne se fera jamais po- fois que je dois déménager, ma plus grande an-
tous les matins, il se rase, enfile chemise et cra- ser… », se dit-il tout haut. Et pourtant, Alexandre goisse est de ne pas trouver de médecin. » Le droit
vate, avale son petit-déjeuner, sort de chez lui, et comprend cette curiosité. Il se fait un devoir de à la santé, pourtant assuré par toutes les chartes
marche jusqu’au campus de l’Université d’Ottawa répondre aux questions, mais surtout de les dé- et déclarations des droits de la personne, semble
(U d’O). construire et de profiter de ces interactions pour incertain pour les personnes trans.
sensibiliser ses interlocuteurs.
Alexandre est professeur remplaçant à l’Institut La journaliste demande un exemple de ce manque
d’études féministes et de genre. C’est un des rares Un cognement à la porte vient interrompre sa d’accessibilité. Alexandre lui explique qu’au Ca-
chercheurs francophones au monde à consacrer réflexion. Alexandre se souvient avoir accepté nada, seul un chirurgien est reconnu par les sys-
ses travaux aux enjeux de la communauté trans. d’accorder une entrevue à une journaliste de La tèmes de santé provinciaux pour mener à bien les
Ce n’est pas tout : Alexandre Baril est le seul pro- Rotonde. Elle s’installe un peu maladroitement, chirurgies de confirmation de genre. Les délais
fesseur trans que compte la FSS. « Difficile à croire enlève son manteau, sort un carnet et pose une
d’attente étant excessivement longs, il déclare que
», se dit-il en réfléchissant aux dizaines d’étu- première question : Pourquoi avoir accepté cette
la plupart des personnes trans paient leurs opé-
diants trans, non-genrés ou de genres non-bi- entrevue? La représentation, répond Alexandre.
rations de leur poche. La journaliste demande à
naires qui participent à ses cours et qui passent Il réitère un constat assez dérangeant : le manque
par son bureau pour lui demander conseil. de professeurs trans et la quasi-absence de cher- combien se chiffrent ces opérations. Alexandre lui
cheurs francophones sur les enjeux trans. Il passe donne une fourchette : entre 30 000 et 120 000 $.
Alexandre a fait son doctorat à l’U d’O. Si la re- de ce constat à un autre, celui de la discrimination Second haussement de sourcils. Décidément, cet
présentation trans au sein du corps professoral vécue par plusieurs étudiant.e.s. entretien se fait sous le ton de l’incrédulité.
n’a pas évolué depuis 2008, il se réjouit de l’aug-
mentation de la représentation médiatique des Bien que l’U d’O permettra aux étudiants, à par- L’entretien s’achève, la journaliste s’en va et
personnes trans, qui a contribué à encourager tir de septembre, de se faire appeler par leur nom Alexandre finit de travailler sur son dernier
une certaine acceptation sociale. « Les jeunes d’usage et de pouvoir changer leur mention de article. Un peu plus tard, il rentre chez lui et
d’aujourd’hui savent que c’est une possibilité », sexe sans preuve médicale, Alexandre dénonce le écoute la télévision en attendant que sa parte-
se dit-il. manque d’accessibilité des naire soit prête à aller au restaurant. Ce soir-là,
infrastructures sur le cam- en marchant dans la rue, Alexandre ne sera pas
Alexandre a mis du temps
avant de découvrir cette
Chaque fois que je dois pus. « J’ai des étudiants
qui doivent marcher des
insulté ou agressé. Au restaurant, on l’appellera
monsieur sans qu’il ait à le demander. « Tout ça
possibilité. S’il a toujours dizaines de minutes pour
désiré endosser la mas- déménager, ma plus sortir du campus et trou-
parce que je suis un homme blanc de la classe
moyenne dans une relation hétérosexuelle et que
culinité, ce n’est qu’à la ver des toilettes indivi- les gens considèrent que mon apparence phy-
maitrise qu’il a découvert
la communauté trans à
grande angoisse est de duelles ou tous genres. » sique correspond à mon genre », songe-t-il. Si
la transphobie existe, le sexisme, le racisme, le
travers la littérature et les
Drag Kings. Le voilà qu’il ne pas trouver de mé- La discrimination ne
s’arrête pas au campus.
classisme et tous ces –isme se superposent sou-
vent à celle-ci.
pense à toutes les fois qu’on Alexandre mentionne
lui a demandé quand il a «
découvert » qu’il était trans.
decin. les enjeux de violence et
d’accessibilité aux soins
Alexandre se sent privilégié. Même si près d’une
personne trans sur trois a déjà tenté de se suici-
Chaque fois, la même réponse : « Et toi, quand as- de santé auxquels fait face la communauté trans.
der. Même si plusieurs ont déjà été renvoyées à
tu découvert que tu t’identifiais au genre qu’on t’a Il rappelle que 80 % des personnes trans ont été
assigné à la naissance? » victimes d’une forme de violence dans la dernière cause de leur identité. Même si la discrimination
année. La journaliste hausse les sourcils. C’est dans le domaine de la santé est omniprésente.
Des questions, toujours des questions. Quand on dans ces moments que la réalité est si choquante Comment dit-on déjà? Au royaume des aveugles,
est professeur, chercheur et activiste, on s’en fait qu’elle semble fabriquée. les borgnes sont rois? Eh bien, au pays des trans,
poser chaque jour. Certaines dérangent plus que ceux qui « performent » le mieux leur genre sont
d’autres : « Est-ce que tu as eu une opération? », Alexandre mentionne également les délais inter- les moins discriminés. « Il reste tellement de tra-
« Comment se passent tes rapports sexuels? » ou minables pour avoir accès à un médecin. « Je me vail… », soupirera Alexandre avant de s’endor-
« Comment ont réagi tes parents? » Alexandre est suis déjà fait dire par un médecin : ‘J’ai rien contre mir. Il n’a pas tort, mais il se réveillera demain
habitué à ces questions plaçant un premium sur les gens comme vous, mais je ne traite pas ça’ », matin et continuera d’inspirer et de sensibiliser
la sexualisation des corps trans et le sensationna- confie-t-il. Lorsque la journaliste lui demande ceux qui croiseront son chemin. Finalement, c’est
lisme des drames familiaux. « Tant de questions comment cet enjeu l’affecte, il répond : « Chaque peut-être ça l’espoir.
w w w. l a r o t o n d e .c a
section
w w w. l a r o t o n d e .c a
10 A r t s e t c u lt u r e la rotonde le mardi 29 mars 2016
Cabaret Oh la la!
w w w. l a r o t o n d e .c a
A R T S e t C U LT U R E la rotonde numéro 22 11
Suivez-nous
Retrouvez tous
nos articles et
toutes nos vidéos
en ligne Service d’appui à l’enseignement et à
l’apprentissage
Centre d’innovation en technologies éducatives
FACEBOOK TWITTER
LaRotonde @LaRotonde Vous demeurez dans la région de Cornwall, Pembroke ou Hawkesbury et aimeriez
poursuivre Evos
D études
U C Apendant
T I O N l’été?
Contactez-nous pour en savoir plus sur les cours à distance offerts dans votre région.
Calendrier Culturel
Du 21 au 27 mars
w w w. l a r o t o n d e .c a
section
sports et bien-être
PHOTO COURTOISIE
hasard que Nkusi a été initié au saut en saison prochaine. « Entre temps, je fais conseils. Selon Nkusi, cette atmosphère
MARCEL ONDAKO hauteur et a entamé la saison 2014-2015 des entrainements avec mon équipe, je le pousse à vouloir gagner non seule-
avec les Gee-Gees. Le début de la pre- continue à jouer au basketball et à m’en- ment pour lui, mais aussi pour l’hon-
Étudiant en deuxième année en gestion, Steve mière saison en était un rempli d’espoir trainer dans la salle de musculation afin neur du Gris et Grenat : « Quand je suis
Nkusi est aussi un membre de l’équipe d’athlé- pour l’athlète, mais le destin en aura de rester en forme », explique-t-il en ré- capable de remporter des victoires, cela
voulu autrement, et Nkusi, pour cause férence à sa routine de préparation pour donne de la bonne publicité à l’univer-
tisme de l’Université d’Ottawa (U d’O). La deu-
de blessure, dût bientôt être confiné au la saison prochaine. sité et montre aux autres l’excellence
xième saison de Nkusi dans les rangs des Gee- rang de spectateur. « Je n’ai jamais per- des Gee-Gees. »
Gees remplie de hauts et de bas qu’il a traversé du espoir », ajoute-t-il cependant, « et une deuxième famille
avec une vive détermination. j’ai toujours eu confiance ». La saison prochaine
L’aspect unique du programme d’ath-
L’athlète a toujours démontré une pas- létisme de l’U d’O a encouragé Nkusi à Après un retour avec des hauts et des
Il ne fait aucun doute que la présence
sion pour l’activité physique, passion progresser au sein de l’équipe des Gee- bas cette saison, Nkusi a quand même
de Steve Nkusi, qui mesure pas moins
qui a commencé avec la pratique du Gees. Que ce soit pour l’esprit d’équipe bien performé, ce qui lui a permis de
de 6 pieds 2 pouces, se fait ressentir sur
basketball, qui le pousse à toujours al- ou l’atmosphère qui règne dans les se hisser jusqu’aux finales de la SIC,
le terrain lors des compétitions. Grand,
ler plus loin dans sa quête de la réus- couloirs du complexe sportif Minto, où il a terminé 5e avec un score de 2.04
élancé avec la carrure et la taille d’un
site. Pour Nkusi, il est aussi impossible il avoue que tous les éléments sont là mètres. « Pour l’instant, je me pratique
basketteur professionnel, Nkusi a ce afin de créer l’ambiance parfaite. « Les avec un club local afin de me préparer
de renoncer aux défis qui se présentent
qu’il faut pour dominer dans le saut en Gee-Gees, c’est devenu une famille pour davantage pour la saison prochaine.
dans sa carrière sportive : « Ce n’est pas
hauteur. C’est pourtant une passion qui moi. Je n’avais pas cru que cela allait Il faut s’attendre à un Steve prêt à 110
une blessure qui mettra un terme à mon
a commencé par le hasard de ses talents être le cas au début de ma première %. » Pour l’instant, il ne reste plus qu’à
parcours, j’ai commencé cette saison
: « J’ai commencé après le secondaire. saison, mais avec l’atmosphère qui est attendre la saison prochaine afin de sa-
avec beaucoup d’espoir. »
Avant, je jouais au basketball, je ne fai- créée par les autres équipes et les autres voir si Nkusi sera en mesure d’atteindre
sais de l’athlétisme qu’après la saison C’est très tôt le matin, avec le lever du so- membres de mon équipe, je ne pour- l’excellence qu’il a tant cherchée. Avec
de basket, pour passer le temps. C’est leil, que les gens peuvent apercevoir son rais pas demander mieux. » En effet, il une routine disciplinée et une passion
un gérant de l’équipe d’athlétisme des ombre passer comme un vif d’argent. y a aussi beaucoup d’entraide entre les toujours aussi forte, il ne fait toutefois
Gee-Gees qui m’a approché pour une En effet, l’athlète s’entraine avec achar- joueurs des Gee-Gees, qui s’entrainent aucun doute que la saison 2016-2017
place dans l’équipe. » C’est donc par nement à améliorer son cardio pour la souvent ensemble et se donnent des sera celle de Steve Nkusi.
w w w. l a r o t o n d e .c a
Sports et Bien-être la rotonde numéro 22 13
Hockey masculin
w w w. l a r o t o n d e .c a
14 Sports et Bien-être la rotonde le mardi 29 mars 2016
tawa, Dria Bennette, capitaine d’équipe, et Irene 2015-2016, avec un total de 30 points, ce qui a per-
EN BREF Patrinos ont été nommées étoiles du tournoi. mis à Victoriaville de terminer la saison régulière 11e,
avec une fiche de 33-28-3-4.
Rugby Les Gee-Gees ont aussi recruté quatre nouvelles
joueuses et une joueuse étoile. Football
Les Ottaviennes ont remporté le tournoi de rugby
de l’Université Laval même si le tournoi a débuté Hockey masculin En vue du Souper Touchdown qui aura lieu le mois
par une défaite des Gee-Gees face à Concordia. À prochain, l’Université d’Ottawa a décidé d’introniser
la suite de leur défaite, les Gee-Gees ont repris le Les Gee-Gees ont repêché un nouvel ailier pour la de nouveaux membres au Temple de la renommée
contrôle des choses pour battre Montréal et Laval. saison 2016-2017. Marc Beckstead, des Tigres de de football. Le 30 avril prochain au château Laurier,
En demi-finale, elles ont affronté Concordia une Victoriaville, a décidé de s’engager du côté du Gris et les accomplissements de Christopher Banton, recrue
fois de plus, mais cette fois se sont imposées, pour Grenat afin d’aider l’équipe à atteindre de nouveaux SIC l’année 1989, de Mike Fabiilli, et de Brad Sinopo-
ensuite remporter la finale contre Laval. Pour Ot- sommets. Beckstead a connu une très bonne saison li seront honorés. Un rendez-vous à ne pas manquer.
Station Campus
Fermeture le 24 avril
La station Campus fermera en vue de la construction
du nouveau service de la Ligne de la Confédération
de l’O-Train. Vous avez besoin de vous rendre sur le
campus? Utilisez la station Laurier ou le nouvel arrêt sur
l’avenue King Edward. Le service sera moins fréquent
au Campus Lees – utilisez les circuits 16, 85, 95 ou 98.
UTILISEZ LE PLANIFICATEUR
DE TRAJET
OCTRANSPO.COM
VERS UN NOUVEAU
ON TRACK SUR LA VOIE
TRAIN DE VIE
w w w. l a r o t o n d e .c a
section
Labyrinthes
Félix ou la recherche du Pollo Guisado
F
élix avait pour chambre une pièce La mère s’arma de la serpillère et se char- le pauvre garçon ne voyant plus aucune n’y avait plus grand-chose à faire pour
moderne avec des murs blancs, des gea de vilaines paroles vides de sens. Félix solution dut se rendre à l’évidence : une ses parents : « Ils se réifient, tu com-
meubles gris épurés et linéaires… n’y comprenait rien : appartement dis- seule personne pouvait l’aider. Son meil- prends ? Ils sont malades de la réification
le hall d’entrée, le salon, les chambres, la pendieux. Lâche ! Mettre à la rue ! Tapis leur ami ne lui serait d’aucune utilité. Non
! Ils se transforment l’un l’autre en valeur
cuisine, la table de la cuisine, les chaises, trop cher… ! Il devait parler à quelqu’un ayant de l’ex-
d’échange». Ainsi, l’industrialisation et
les verres carrés. Maman, papa et leurs périence et de l’expertise. Félix se leva de
souliers carrés. Ils ont le teint verdâtre, Divorce ! Décidément, les parents ne s’ai- table. l’américanisation les avaient perdus. Ils
sont trop minces. maient plus. Félix ne les entendait plus se concentraient trop sur la mode, leurs
faire l’amour depuis longtemps, contrai- - T’inquiète pas mon garçon, tu l’auras ta emplois et l’argent. Ils mettaient un prix
Grand-mère à table avec Félix. La télé rement à Fernando dont les parents, Ado- nouvelle console, l’encouragea son père aux gens qui les côtoyaient.
est ouverte : « L’élargissement du canal lphe et Adela se faisaient la bise constam- en voyant ses lèvres pincées.
avance à grands pas… tous espèrent que ment. Parfois, des mains taquines allaient Autrefois, les gens qui habitaient le Pa-
les travaux seront finis en 2016, permet- sous les chandails. Mais Fernando ne vi- Le garçon hocha la tête et partit. Il sentait
nama venaient du Panama, alors qu’au-
tant ainsi au canal de mieux rivaliser avec vait pas en ville. ses jambes faiblir, comme assaillies par les
les nombreuses arrivées de bateaux et de mêmes maux que ses parents. De vraies jourd’hui beaucoup arrivaientt d’ailleurs
cargos. » Chancelant lentement, grand-mère partit grandes boîtes de conserves vides. Comme pour y vivre leur retraite à l’ombre des
vers sa chambre. Félix curieux, resta pour cette gigantesque tour de 293 mètres de arbres sous le soleil cuisant des plages.
- C’est génial tous ces bateaux regor- détailler ses parents. C’est qu’il avait l’œil haut. Félix l’avait appris à l’école. La Tru- À l’époque, on avait encore ce sens de la
geants de marchandises en provenance malin. À priori, ses parents se portaient mp Ocean Club International Hotel & culture. Elle lui dit que lorsqu’elle était
des quatre coins du monde, s’exclama la bien. Tower construite en 2011. Ses parents lui jeune, le Canal de Panama existait depuis
mère en lissant faiblement son tailleur de Très peu de graisse, plutôt grands. Ils faisaient penser à cela, deux grandes tours
un moment, mais que les gens s’entrai-
ses mains. ressemblaient à tous ces mannequins se promenant. Si hautes qu’elles perdaient
peuplant les magazines. Ils travaillaient de vue l’essentiel. daient encore et qu’ils festoyaient. Au-
Ils mangeaient sushis ce soir. tous les deux une cinquantaine d’heures jourd’hui, les parents de Félix ne se sou-
par semaine, mais s’efforçaient de ren- Félix longea les murs à grande vitesse, la venaient plus des carnavals, des fêtes de
- Mais maman, grand-mère n’aime pas ce trer le soir et de dîner avec Félix. C’était la maladie était à ses trousses. Une fois arri- la société, des musiques envoutantes et
genre de truc! se plaignit le jeune garçon mode que d’être occupé vé à destination, il tourna la poignée sans significatives. Évidemment, le Carnaval
de treize ans en interrompant sa mère. tout en étant socialement intégré. C’est hésiter. Une forte odeur le prit à la gorge. restait la fête la plus attendue au Panama,
très fashion. Le McDonald aussi était po- Quelque chose de familier lui rappelant mais regarde tes parents, lui dit-elle, ils
- Grand-mère ne sait pas ce qu’elle dit, fis- pulaire, même chose pour Beyonce… des souvenirs d’enfance. Les jupes affrio-
ne sortent plus dans les rues.
ton, c’est très tendance, répliqua le père. lantes et virevoltantes des danseuses du
Les parents de Félix étaient pourtant Carnaval, les mets régionaux, l’odeur de
La grand-mère regarde son petit-fils, malades, mais le jeune homme ignorait la terre mélangée à celle de l’eau salée. - Que dois-je faire alors ? Comment rame-
l’approuvant. Elle n’avait plus son jeune de quoi il s’agissait. Malgré son cours de ner mes parents ? Ils sont si tristes, ils ne
corps ferme, ses cheveux grisonnaient, science, le diagnostic qu’il posait sur ses - Grand-mère, les parents… ils vont mou- savent plus qu’ils s’aiment.
mais Félix reconnut en son regard le feu parents semblait peu prometteur. Une rir ! Je vous en prie aidez-moi ! Je ne sais
de la vie. maladie incurable. L’âme sensible, Félix pas ce qu’ils ont ! - Il y a très peu de remèdes efficaces, c’est
préférait ne pas y penser.
une maladie à lente évolution qui nous
Un bruit strident survint. Les remèdes derniers cris ne serviraient Le corps tout courbé de la vieille femme
à rien. Son père regardait la télévision, regardait par la fenêtre l’eau de l’océan ronge de l’intérieur sans qu’on s’en rende
- Argh ! Regarde ce que tu as fait ! s’écria comme fasciné par l’écran, la bouche se mouvoir. Il ferma la porte derrière lui compte. Comme un cancer ! Lorsqu’on
le père auprès de la mère en se levant vi- entrouverte, un filet de salive s’écoulant et s’approcha. La forte odeur s’accentua. parvient à l’éradiquer, ce cancer, les pro-
vement de table. Le tapis est en poil d’al- presque de sa bouche. Comme pris d’une Il posa sa main sur l’épaule de la bonne babilités de récidives sont importantes.
paga ! C’est bien toi ça, tellement tête en absence causée par le ralentissement sou- femme et la contourna. La vieille chouette
l’air. dain des activités cérébrales. tenait un bol de ragoût de poulet aux lé- C’est ce que le monde leur a légué. Mais
gumes. Pollo Guisado. Le tout assaison-
tu dois comprendre, petit Félix, que les
En effet, la mère avait renversé son vin - Ha ! Regarde, une nouvelle console Wii, né. Ça sentait bon les épices. La grand-
générations futures détiennent la clé de
rouge Italiano au sol. Félix, nous irons l’acheter la semaine mère resta quelques instants sans parler.
prochaine, dit son père qui sortait de sa l’avenir et qu’il ne tient qu’à vous de
- C’est de ta faute aussi, s’envenima la transe en pointant la publicité diffusée - Mais qu’est-ce que vous faites ? lui de- cesser ces échanges humains vides de
femme, le vin est si mauvais qu’il m’a sur son Iphone. manda-t-il. sens. Après tout, l’essentiel n’est visible
prise au dépourvu, je l’ai échappé ! Tu l’as que de par le cœur.
choisi en dessous des vingt balboas ou La mère fit volte-face : - Mais je mange, cela ne se voit donc pas !
quoi ! - Alors ce remède ? s’enquit-il.
- Et avec quelle promotion, Monsieur «ça - Mais si,… mais vous auriez pu man-
Félix détailla sa mère d’un œil étrange, fait six mois que je n’ai impressionné au- ger les sushis. Je sais bien qu’ils ne vous
comme si elle était atteinte d’une maladie cun patron » ! répliqua sa mère. plaisent pas, mais tout de même. Maman - Rien de mieux qu’un bon bol de Pollo
affectant les réflexes moteurs, les mus- les a pris d’un endroit huppé qu’elle Guisado pour remuer le bon vieux temps!
cles, provoquant ainsi des spasmes mus- - Tu peux bien parler, tu es peut-être la affectionne particulièrement. Votre refus
culaires. secrétaire d’un haut gradé, mais tu restes a dû lui faire de la peine. Et grand-mère Matilda lui tendit le bol.
une secrétaire, répliqua l’homme amère-
- Mais tu es folle, c’est toi qui ne sait pas ment. Félix prit peur. De jour en jour ses La grand-mère hausse des épaules avant
apprécier la vraie valeur des choses. parents se mouraient dans l’ignorance et de lui dire de s’approcher. Selon elle, il Beverly M.
16 l a by r i n t h e s la rotonde le mardi 29 mars 2016
La dernière maille
L
e 2227, rue François-Nobert était toute petite. Elle s’y était rendu demanda-t-il après deux heures de brune et doublé à l’intérieur d’un tri-
s’éloignait dans le rétroviseur. pendant des années après l’école, à route et pointant la tuque. cot de fausse fourrure.
Ils prirent le boulevard Rigaud, la sortie de Keranna. Aujourd’hui,
puis celui des Chenaux. Dans quelques cela devait faire plus de 4 ans qu’elle Trut, trut, trut. Elle lui répondit que - Elle va être bien chaude ta calotte !
minutes, ils suivraient l’autoroute 40. n’avait plus mis les pieds dans l’un de celui-là était le vingt-septième bonnet Tu la fais pour quelqu’un de la tribu en
De ses mains, une jeune femme tri- ces lieux qui sent la mort. La maison sur une collection qui comptait en plus
particulier ?
cotait un bonnet. Le dernier de toute dans laquelle elle 30 paires de mitaines et 15 foulards.
la marmaille : 27 petits bonnets. Tric, avait vécue à Trois-Rivières sentait la Trut, trut, trut.
Tric, Tric. Ses doigts l’élançaient de- même odeur. - Ho… c’est pour la bénévole. Elle va
puis quelques mois. Elle s’attelait de- Surtout, ils ne devaient pas oublier de en avoir de besoin je pense.
puis l’été. D’abord, avec la chaleur Garry lui tapota la cuisse : passer prendre les productions de l’As-
d’août, ses mains avaient imprégné les sociation étudiante du Département de - Tu la connais, s’enquit-il.
confections de leur sueur, mais avec - T’as-tu aidé Ben avec ses devoirs ? français de l’Université d’Ottawa qui
l’hiver la peau avait fini par se craque- s’était affiliée à celle d’Aiyana pour le - Pas beaucoup. Elle se cherche je
ler quelque peu. La femme hocha la tête et entama de projet «Tricotons de l’amour pour les crois. Elle a un goût pour l’aventure,
monter les mailles à l’envers afin de gens du Nord». T’es tellement sensible mais quelle aventure ce sera !
La camionnette tangua et le véhicule créer un joli effet. Pendant qu’il était à la douleur du monde ! s’était excla-
qui suivait la rampe d’accès à l’auto- occupé à faire des heures supplémen- mé Garry en lui embrassant le front. Je
route accéléra. Aiyana rebondit sur taires, elle avait préparé des mets à suis très fier de toi ! Elle l’avait serré Ils descendirent de la voiture et elle
son siège, échappant une maille. Zut… congeler pour les deux semaines à ve- dans ses bras en retour. monta la fermeture-éclair de son
nir et dressé le calendrier des devoirs manteau avant de se dandiner avec
-J’ne comprends toujours pas com- et des études pour les trois jeunes La camionnette suivait la 417 Ouest, la jusqu’à l’arrière du véhicule. Puis, ils
ment tu peux rester assise à faire ça frères de Garry. Les lits étaient faits, la Transcanadienne, depuis bientôt trois chargèrent leurs bras et progressèrent
toute la vadrouille passée et la vaisselle rangée. heures lorsqu’ils descendirent du vé- jusqu’à l’appareil qui attendait déjà.
journée! hicule dans le stationnement entre la
- Oui, oui. Tu sais, ils sont de plus en résidence universitaire et Simard. Une - Faut quand même avoir le goût de
La jeune femme se tourna vers le plus autonomes, lui fit-elle remarquer odeur de poutine emplissait encore l’aventure pour aller passer même une
conducteur du «Super tuyau tout beau en observant sa réaction. l’air frais du mois de novembre. Ils
semaine dans des lieux si isolés ! an-
mobile». Elle détailla Garry de profil, descendirent au sous-sol de Simard.
lui et son chandail blanc taché d’une Trut, trut, trut. Il se gratta le crâne, Le café ALT battait son plein. Ils co- nonça Garry au pilote.
goutte de graisse sur son ventre. Elle perplexe. Il finit par sourire. gnèrent à la porte du 0036. Une jeune
avait rencontré Garry deux ans aupa- femme leur ouvrit. Il s’agissait de la - Je vous le fais pas dire Monsieur !
ravant, en sortant de l’une des cabines - J’sais bien que j’t’ai négligée derniè- Présidente de
des toilettes. Il était là, étendu au sol, rement. Je n’ai pas pu m’occuper de toi l’Association. Aiyana comptait les sacs de tricot. Les
regardant sous l’évier. Mam’zelle bon- Aiya. C’est pourquoi, j’suis bien étudiants de l’Université d’Ottawa, les
jour!, qu’il lui avait souri. content que l’on y aille ensemble. Elle - Vous pouvez me les donner, les sacs, mères et les grands-mères des étu-
se raidit. je vais les porter. Ça sera trop lourd diants avaient tant contribué qu’elle
Garry, avait appris à s’occuper des pour toi Aiya ! avait du mal à tenir le compte. Elle
autres, notamment de ses trois frères - S’t’un peu loin, par contre, concéda-
tapota l’épaule de Gary.
et deux sœurs. Il avait pris plusieurs t-il, mais ça sera ma bonne action de La mademoiselle chargea les bras
emplois, dès 14 ans, dans une compa- l’année! de Garry qui grimaça en les portant
gnie de plomberie et comme plongeur jusqu’à la voiture. Il y avait des di- - J’ai oublié un sac de tricot, sous le
pour une chaîne de restauration. Puis, - C’est vrai, je t’en remercie. Je sais que zaines de sacs. siège avant passager je crois ! Tu veux
avait fondé sa propre compagnie, la tu n’y gagne rien en retour. C’est bien bien aller le chercher ? Je vais refaire
généreux de ta part. - Coudonc ! Ils ont mis quoi là-dedans le compte !
«Tuyau tout beau», à l’âge de 22 ?
ans. Quant à Aiyana, ses parents, un La tricoteuse avait songé, lorsqu’elle Garry partit aux pas de course. Le ca-
homme révérencieux et une femme avait rencontré Garry, à prendre des Aiyana se pencha au-dessus de l’em- pitaine s’approcha de la jeune femme.
devenue mère à l’âge des vieilles filles, cours de conduite. Après tout, les au- bouchure du sac que Garry lui main-
l’avaient chérie. tobus de Trois-Rivières ne passaient tenait ouvert.
- Alors cette bénévole, elle va venir
pas à chaque quart d’heure et comme
Ainsi, pour leur première sortie, Garry elle finissait sa maîtrise cette année-là, - Oui, oui. Une bénévole va être sur ? Je comprendrais qu’elle ai chan-
lui avait-il proposé de mijoter un pe- elle devrait se trouver un travail qui place, elle va embarquer dans l’avion. gé d’idée, car pour se rendre à un tel
tit plat dans son humble maison. nécessiterait peut-être des déplace- Elle voulait aller les livrer elle-même, endroit, ça va nous prendre plusieurs
Quelques semaines plus tard, alors ments sur de plus longues distances. histoire de s’assurer que le fruit de jours et plusieurs arrêts seulement
âgée de 24 ans, elle aménageait avec Elle avait apprécié son expérience tous nos efforts se rende bel et bien à pour faire le plein, puisqu’il s’agit d’un
lui. d’assistante professeure que l’univer- destination. petit appareil.
sité trifluvienne lui avait offerte. Son
Tric, tric, tric. Aiyana avait récupéré nouveau copain l’avait arrêtée dans Garry acquiesça et ils reprirent la - Ho, oui, oui, elle est là !
sa maille à l’aide d’un petit crochet et son mouvement. Tu manqueras d’ab- route pour descendre King Edward,
s’était mise à tricoter de nouveau. Tric, solument rien avec moi. Je te condui- emprunter l’autoroute 5 en direction
Lorsque Garry revint, il avait les mains
tric, tric. rai où tu voudras les weekends et pis la de Gatineau. Ils suivirent la voie ra-
semaine tu t’occuperas de Ben, Fred et pide jusqu’à la sortie de l’aéroport et vides. Il regarda avec incompréhen-
- Cela me distrait, répondit-elle. Jacob. T’es pas habituée de travailler prirent des chemins plus sinueux qui sion l’hélice du petit avion qui com-
et je te forcerai à rien ! Trut, trut, trut. aboutirent à un petit aéroport : mençait à effectuer quelques tours.
- C’est un bon passetemps pour toi, tu À l’intérieur de l’avion, Aiyana adres-
es si timide! - Ça me fait plaisir, ma petite fleur, tu « Aéroport Exécutif, Gatineau». sa un faible sourire à Garry avant de
sais que j’t’aime bin ! s’enfoncer le bonnet de fourrure sur la
Elle tricotait depuis toujours. Une pa- Aiyana venait tout juste de terminer tête.
tiente de l’hôpital où son père travail- Elle lui sourit. de placer la dernière maille du bon-
lait jadis le lui avait appris lorsqu’elle - Tu en es à combien avec celui-là, lui net qu’elle avait tricoté en grosse laine Beverly M.
w w w. l a r o t o n d e .c a
l a by r i n t h e s la rotonde numéro 22 17
Frédéric Lanouette
Au lion aux dents de sabre Aux picrates et chandelles intempérantes Des abords de cette mer douce J’incante alors ces assonances
Semonce à l'œillade Dans ce pantalon Je dégrade l’immaculé moniteur Je les emprunte à l’aléatoire
Semence à naïade Danse en pantelant Et j’imprime d’odieuses secousses Pour estomper les dissonances
Naïade qui se cambre La danaïde prégnante À ton infini dédit censeur Et quereller le péremptoire
w w w. l a r o t o n d e .c a
section
opinions
En réponse à « uOttawa : La francophilie de
convenance », de Flagada Jones
Premièrement, merci. Merci d’avoir mis dotent d’un opportunisme auprès des francophone naître en Ontario », et Franco-Ontariens. L’Université d’Ot-
en mots ce que je – et d’ailleurs plu- Franco-Ontariens. Cette institution et vous avez complètement raison. Mais tawa sera parmi les noms oubliés de
sieurs de nos collègues étudiants fran- son président, qui s’opposent ouverte- la motivation de M. Rock ne vient pas
ceux qui ont mis bâtons dans les roues
cophones – ressens depuis mes pre- ment à l’établissement d’une université de sa francophilie. Elle vient d’un dé-
du progrès du peuple Ontarois.
miers pas sur ce campus. Votre prose gérée par et pour les Franco-Ontariens, sir de protéger à tout prix les intérêts
et votre contenu sont splendides, et je ne sont pas des alliés de la francophonie de l’U d’O, intérêts qui ne sont plus
vous lève mon chapeau. ontarienne. convergents avec ceux de la commu- Monsieur Jones, merci encore de votre
Cependant, vous ne portez pas assez nauté franco-ontarienne. témoignage.
loin votre point. Au contraire.
Je l’ai dit en personne à Marie-France
L’Université d’Ottawa – et notre cher Monsieur Jones, vous dites à merveille Lalonde et je le dirai ici à M. Rock : le Monsieur Rock, if you really love us, let
Alan Rock – ne se contente pas d’une qu’un « véritable francophile se réjoui- bilinguisme institutionnel n’est pas, et us go
francophilie de convenance, ils se rait de voir une nouvelle institution n’a jamais été, un point positif pour les Lucas Egan
vidéo hebdomadaire
Découvrez nos
Lundi, 11 avril 2016 vidéos sur notre
chaîne YouTube
L LaRotondeVideo
Procrastination
Easy Sudoku Puzzles 1
www.printablesudoku99.com
1 4 2 9 5
7 4 8 9
8 5 2 4
2 4 8
3 1 2 6
8 7 2 9 4 1
5 2 6
2 8 9 4 1
7 9 1 8 5 3
par Madame Badroulbadour
8 1 5 6 7 3 4
US, c’est donner du pain à qui est into- dans lequel Mousseline n’est pas tom- votre vie. Ou jetez-les du bord d’une fa- treprises connaitre une évolution rapide
lérant au gluten. Méditez. bée. Pensez-y. laise, histoire d’inverser la roue. et inattendue… Ça pourrait être le cas
de votre point noir sur le dos. Dégueu.
8 1 7
Verseau – 21 janvier au 19 février Taureau – 21 avril au 20 mai Lion – 24 juillet au 23 août
5 6 4
Les quinconces d’Uranus et du Soleil
suggèrent que vous devrez confronter 9 2
Profitez du printemps pour dire ce que
vous pensez! Sauf si vous oubliez le mot
Saviez-vous que les bébés voient en noir
et blanc jusqu’à leurs trois ans? En avril,
Scorpion – 24 octobre au
22 novembre
les conséquences des choix que vous « cheville » et dites à votre médecin que cessez de croire tout ce que vous lisez Le corbeau crie toujours son propre nom.
4 6
avez faits cet hiver. Si vous ne rentrez
plus dans vos pantalons d’été, ne blâ-
mez pas la sécheuse.
9
vous « avez mal au poignet de pied ».
Malaise.
dans les journaux. Évitez de crier la même chose soixante-
cinq fois lorsqu’en présence d’alcool.
w w w. l a r o t o n d e .c a
Bonne poutine!