Rédaction
MP, PC, PSI
4 heures Calculatrices interdites
L’usage de tout système électronique ou informatique est interdit dans cette épreuve.
Remarques importantes
• Présenter sur la copie, en premier lieu, le résumé de texte, et en second lieu, la dissertation.
• Il est tenu compte, dans la notation, de la présentation, de la correction de la forme (syntaxe, orthographe),
de la netteté de l’expression et de la clarté de la composition.
• L’épreuve de Rédaction comporte obligatoirement deux parties : un résumé et une dissertation. Résumé et
dissertation ont la même notation et forment un ensemble indissociable.
I Résumé de texte
Résumer en 200 mots le texte suivant. Un écart de 10% en plus ou en moins sera accepté. Indiquer avec précision,
en marge de chaque ligne, le nombre de mots qu’elle comporte et, à la fin du résumé, le total.
On a dû te dire qu’il fallait réussir dans la vie ; pas de son salaire mais de ses joies ; il en trouve dans le
moi je te dis qu’il faut vivre, c’est la plus grande réus- fer, dans le bois, dans le cuir, dans le blé. Il en trouve
site du monde. On t’a dit : « Avec ce que tu sais, tu dans la possession de lui-même, dans l’obéissance à
gagneras de l’argent ». Moi je te dis : « Avec ce que sa nature d’homme. Sa science le rend clair et frémis-
tu sais tu gagneras des joies. » C’est beaucoup mieux. sant ; il la sent qui chaque jour s’affine et se complète
Tout le monde se rue sur l’argent. Il n’y a plus de place dans l’exercice de ce travail manuel où toutes les lois
au tas des batailleurs. De temps en temps, un d’eux de l’univers se mêlent sous ses mains. C’est alors, assis
sort de la mêlée, blême, titubant, sentant déjà le ca- près de l’âtre, que tu ne pourras plus lui contester la
davre, le regard pareil à la froide clarté de la lune, les compréhension des rythmes, quand il tressera peu à
mains pleines d’or mais n’ayant plus force et qualité peu la jarre avec des tourillons de sagnes 1. Il est beau
pour vivre ; et la vie le rejette. Du côté des joies, nul de savoir que le forgeron est un agrégé des lettres ; il
ne se presse ; elles sont libres dans le monde, seules à a un magnifique poème dans son atelier. Il est beau
mener leurs jeux féeriques sur l’asphodèle et le serpo- de savoir que le laboureur a des grades très élevés en
let des clairières solitaires. Ne crois pas que l’habitant mathématiques, la loi des nombres est dans les mon-
des hautes terres y soit insensible. Il les connaît, les tagnes, dans les forêts, le ciel de jour et le ciel de nuit.
saisit parfois, danse avec elles. Mais la vérité est que Direz-vous qu’il a réussi celui qui, s’étant gardé libre,
certaines de ces joies plus tendres que les brumes du amoureux de son travail, entouré d’armes et d’ailes
matin te sont réservées à toi, en plus des autres. Elles magiques, aura fait en pleine santé des enfants solides
veulent un esprit plus averti, des grâces de pensées qui avec une femme robuste et passé sa vie dans la paix
te sont coutumières. Tu es là à te désespérer quand tu des champs ? Ne fais pas métier de la science ; elle est
es le mieux armé de tous, quand tu as non seulement seulement une noblesse intérieure. Ne crois pas que, la
la science mais encore la jeunesse qui la corrige. possédant, tu te déconsidères en travaillant les champs
ou la matière. Je n’ai pas maudit la dureté des temps
Rien n’est plus agréable aux dieux que l’adolescent quand j’ai rencontré aux Carrières du col de Lus cet
qui sort des grandes écoles, la tête couverte de lauriers, étudiant en philosophie qui travaillait avec les ouvriers.
mais qui se dirige vers la forge de son père, l’atelier de J’ai fait dix fois le voyage pour aller passer des soirées
l’artisan ou les champs dans lesquels la charrue est avec lui. On ne pouvait rien lui souhaiter. Il avait une
restée en de vieilles mains. Au lieu de s’asseoir à la poitrine de héros ; une force joyeuse le portait avec
chaire, il forge tout le jour des fers pour les chevaux ; il élégance. Il faisait des mines dans le silex au sommet
construit des tables, des armoires, des crédences et des de cette épine rocheuse qui soutient la Montagne de
grands pétrins avec des bois dont l’odeur seule donne France. Sous lui vivaient la forêt et ses clairières puis
au cœur la quadruple force des chars de course ; il taille les champs et les villages. Il avait gardé ses livres. Il
et assemble le cuir pour les bottes du flotteur de ra- les lisait. Il s’en allait au bord du torrent avec Platon,
deaux et le soulier ferré du roulier. L’homme est assis Hésiode ou un petit Virgile. Il s’arrêtait parfois de lire
à côté de lui, le regarde faire, lui parle, le respecte dans pour pêcher des truites à la main. [ . . . ]
son travail. Il laboure, et sème, et fauche et foule. Déjà,
il est sensible à son libre travail, à la matière qu’il fa- Ne crois pas que ce soit tout ce que je désire pour
çonne, à l’utilité humaine qu’il a. Sa richesse ne dépend toi ; je te veux plus beau encore. Tu ne pourras rien
Jean Giono, Les Vraies richesses, éditions Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, Paris, 1988, p.253–255 (1ère
édition, 1937).
II Dissertation
Votre devoir devra obligatoirement confronter les trois œuvres et y renvoyer avec précision. Il ne faudra, en aucun
cas, juxtaposer trois monographies, chacune consacrée à un seul auteur. Votre copie ne pourra pas excéder 1200
mots, mais un décompte exact n’est pas exigé.
« Tu ne pourras rien posséder sans la pauvreté » : dans quelle mesure votre lecture des trois œuvres inscrites
au programme vous permet-elle de valider cette formule de Jean Giono ?
• • • FIN • • •