Pour mener l'enquête, je me suis créé une identité adéquate. En inscrivant ensuite un
prénom féminin choisi au hasard dans le moteur de recherche d'amis, je tombe sur un
profil qui arbore la photo d'une femme aux mains liées.
Je clique pour jeter un œil à ses amis : tous sont nus et attachés. C'est un réseau
international de sadomasochistes qui se déroule devant mes yeux : groupes, pages,
photographies, vidéos, conseils, «tchats»... Ils sont Italiens, Turcs, Français,
Américains... Si les propos tenus, les images et les vidéos ne peuvent pas être
qualifiés de pornographie dure au sens strict du terme*, on peut les dire crues.
Certains profils mettent en lien des adresses d'autres sites plus radicaux.
Sur un réseau homosexuel, un profil féminin insiste pour que je lui envoie des images
et des vidéos de moi lors de relations sexuelles. Je réponds que je n'en ai pas mais je
reçois dans la minute des vidéos sur ma boîte mail.
Cachez ce sein !
Si ce type de pornographie n'est pas illégale, elle n'est pourtant pas autorisée sur
facebook qui spécifie dans ses règles d’utilisation : les contenus «obscènes,
pornographiques ou à caractère sexuel ; qui montrent de la violence gratuite ou
explicite menaçant de quelque manière que ce soit ; ou visant à intimider ou harceler
quiconque ; désobligeants, humiliants, malveillants, diffamatoires, abusifs, offensants
ou haineux» sont des contenus «inappropriés».
En décembre 2008, facebook était vivement décrié pour avoir supprimé l'image d'une
mère allaitant son bébé. L'entreprise avait jugé l'image obscène, le sein maternel
étant selon elle trop visible. Et pourtant, malgré ce coup médiatique, c'est avec une
facilité déconcertante que l'on y trouve des contenus pornographiques. Le réseau est-
il dépassé par son ampleur ? Ou manque-t-il d'une volonté de se sécuriser ? Le
service de presse de facebook n'a pas répondu à mes questions.
Dix jours après la création de mon profil, aucun de mes «amis» pornographes ne s'est
vu supprimé du site. Et même si cela arrivait, ils auraient tôt fait de renaître de leurs
cendres.
Facebook est officiellement ouvert aux mineurs. Il s'adresse aux ados dès 13 ans pour
autant qu'ils soient élèves d'une école secondaire ou supérieure, selon les règles
d'admissibilité du site. Un mineur surfant sur le réseau, comme il est autorisé à le
faire, connaît donc un risque non négligeable de rencontrer des images qui ne lui sont
pas destinées et qui ne seront généralement pas arrêtées par les filtres de contrôle
parental. En effet, la plupart de ces derniers bloquent les sites pornographiques qui
sont recensés comme tels, ce qui n'est pas le cas de facebook.
Pédophilie ?
Au bout de quelques jours d'enquête, je finis par rencontrer de la pornographie dure.
A un internaute sadomasochiste, je confie que mon profil ment, que je suis en réalité
mineure. Réponse : «Envoie-moi une photographie. Ton âge n'est pas un problème si
tu n'agis pas comme une petite fille.» Il enchaîne en confiant que la plus jeune fille
avec qui il a eu des relations sexuelles avait 16 ans. Il décrit des scènes de scatologie
et de zoophilie. Sur son profil, des liens conduisent à des vidéos illégales et il est
membre, sur facebook, de plusieurs groupes de fans de scatologie. Il est prêt à
organiser une rencontre et se révèle très insistant.
Je rencontre aussi un profil masculin qui compte 311 jeunes garçons d'Amérique du
Sud ou d'Asie, certains partiellement dénudés, dans sa liste d'amis. J'entame la
conversation sous l'identité d'un adolescent de 15 ans mais ne parviens pas à tirer au
clair la nature de ce réseau.
En février 2009, un Américain de 18 ans était condamné pour agression sexuelle sur
mineurs et possession de clichés pédophiles. Il avait repéré et séduit ses victimes
mineures sur facebook.