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LOGIQUE ET ONTOLOGIE

Alain Badiou (1996-1997)

[Notes de Daniel Fischer]

A. Aristote 1
B. Heidegger 3
THÉORIE DU LIEU 5
I. Le triplet localisation / apparaître / logique 5
II. Les Grecs - temporalité (ou non) de l’être-là 7
A. Aristote .......................................................................................................................................7
B. Platon ..........................................................................................................................................8
III. Le dire poétique 9
IV. Approche topologique 10

(Début : 1° mars 1997)

La question des rapports entre logique et ontologie s’inscrit historiquement entre deux pôles, dont les
noms propres sont Aristote et Heidegger. Le geste du premier est d’instituer la logique dans sa
corrélation avec la question ontologique. C’est ce noeud que le second a pour objectif de dénouer.
Notre propos va être de tracer une diagonale dans ce montage historial, ce qui suppose à la fois de
déplacer chacun des deux termes - logique et ontologie - et de les renouer autrement (mais en montrant
aussi qu’en un sens c’est de toujours qu’ils ont été noués autrement).
Voyons les choses plus précisément.

A. Aristote

Aristote - texte : le livre Gamma de la Métaphysique.

1. Il y a une science qui fait la théorie de l’étant en tant qu’étant, et de ce qui lui appartient en lui-même
(1003 a 21). Il est remarquable qu’Aristote débute son texte par une assertion d’existence : il y a une
science qui est telle que ce dont elle traite est l’étant en tant qu’étant. C’est en réalité, comme nous le
reverrons, une proposition semi-axiomatique.dans la mesure où la suite du livre Gamma s’emploiera à
légitimer cette assertion mais n’en apportera pas à proprement parler de démonstration.

2. L’étant se dit de façon multiple mais relativement à une unité (1003 a 33). Ce que B. Cassin et M.
Narcy traduisent par relativement à une unité est le προς εν (pros hen) d’Aristote qu’on pourrait rendre
aussi par “en direction de l’un” ou “faisant signe vers quelque chose d’unifié” (il s’agit de toute façon de
la phrase qui a sans aucun doute suscité le plus grand nombre de gloses dans toute l’histoire de la
philosophie). On peut reconstituer le lien avec la première thèse de la façon suivante : c’est parce que
l’étant en tant qu’étant peut avoir une signification univoque, alors même qu’il se dit dans l’équivocité,
qu’il est nécessaire qu’il y en ait une science.
Quoi qu’il en soit, cette deuxième thèse implique que la science dont parle la première n’est pas science
d’un objet donné ou expérimenté dans l’évidence de son unité : l’étant, comme tel, ne s’expose pas à la
pensée dans la forme de l’un, mais dans l’équivoque du sens. L’ontologie doit donc être conçue comme
une construction d’unité dont nous est seulement donnée la direction vers l’un. C’est ainsi qu’au terme
d’un raisonnement dont la subtilité demeure inépuisée, on se retrouve, et ce sera le troisième énoncé
d’Aristote, dans la logique. Car la logique c’est ce qui donne les règles - Aristote dit : les principes - de
cette construction.

3. Le meilleur connaisseur des étants en tant qu’étants dira aussi les principes les plus fermes de toutes
choses. Et c’est le philosophe (1005 b 10). Comme le point de départ est une irréductible équivocité de
l’être, il en résulte que tenir la direction de l’un (pros hen), s’engager dans la construction d’une unité de
visée de la science de l’être, suppose qu’on détermine les conditions minimales d’univocité, non de
l’objet, mais du discours. L’ontologie est la seule discipline qui ne peut commencer qu’en se soumettant
à un principe premier, un principe qui ne dépende d’aucun autre, et ce afin qu’il soit garanti qu’elle est
réellement pros hen. Les principes du discours sur l’étant en tant qu’étant sont donc les mêmes que ceux
du discours sur l’étant quelconque, i.e. ceux du discours en général. On peut donc soutenir (bien que cela
ne soit pas expressément dans le texte d’Aristote) que c’est parce que l’ontologie, la science de l’étant en
tant qu’étant, n’est qu’indicative (pros hen) quant à son objet (ou encore : c’est parce qu’il n’y a pas
d’intuition univoque de l’être, c’est parce qu’il y a une équivocité initiale de l’être) que l’exigence
1
ontologique s’effectue comme logique .
Aristote le redit en une variante : C’est à qui fait une théorie de l’essence première qu’incombera
également l’examen des axiomes. L’ontologue (i.e. le philosophe) est promu par Aristote comme le
spécialiste des axiomes en général, autrement dit comme logicien : le philosophe, précisément de ce qu’il
est ontologue, est le spécialiste des énoncés constituants d’une discipline rigoureuse quelconque. Par
conséquent le geste aristotélicien d’institution de la logique dans sa corrélation avec l’ontologie n’est pas
celui d’une équivalence des deux termes mais est celui d’une prescription qui met la logique sous la
juridiction de l’ontologie : le philosophe est en effet celui qui, parce qu’il pense l’étant en tant qu’étant,
est contraint d’être logicien - définition qui n’a pas fini de nous frapper par sa singularité ...

4. Des deux principes posés par Aristote dans le livre Gamma, le premier est le principe de non-
contradiction : Il est impossible que le même simultanément appartienne et n’appartienne pas au même
et selon le même (...) c’est là le plus ferme de tous les principes sans exception (1005 b 20). Autrement
dit : il n’est pas possible de dire simultanément de a qu’il a et qu’il n’a pas la propriété p; formellement
la question de la négation est réglée par la non conjonction : ∼ (p ∧ ∼ p). Le second est le principe du
tiers exclu : Il est nécessaire soit d’affirmer soit de nier, d’un sujet un, un prédicat un, quel qu’il soit (ou,
variante : on ne peut pas admettre qu’il existe un intermédiaire de la contradiction) qui, quant à lui, règle
la question de la négation de façon disjonctive : p ∨ ∼ p.
On voit donc que ces deux principes lient entre eux les trois opérateurs logiques que sont la négation, la
conjonction et la disjonction. Cette liaison est considérée par Aristote comme suffisante pour établir
l’impératif logique de l’ontologie. Ainsi l’implication (→) ne fait pas partie de ce trio pour Aristote qui
en renvoie le traitement à sa théorie du syllogisme, i.e. à la logique prise en son sens formel; pour
Aristote, la logique du raisonnement valide est une logique séparée de l’ontologie.

5. Reste à légitimer pour le principe de non-contradiction sa position de premier principe. Or comme une
telle position lui interdit d’être déduit d’un autre principe, cette légitimité ne peut être établie que par
l’absurde (ce à quoi s’emploie par la suite le livre Gamma, en montrant les conséquences épouvantables
qui découlent de sa non-admission). Mais qu’est-ce qui à son tour légitime l’usage du raisonnement par
l’absurde, si ce n’est le principe du tiers exclu ? Car il est évidemment nécessaire, pour conclure à p
après avoir montré les conséquences épouvantables de ∼ p, qu’il n’y ait pas de tierce possibilité en dehors
de p et de ∼ p. Il s’avère par conséquent que le deuxième principe est requis pour légitimer le premier.
Autrement dit il n’y a de légitimité du principe de non-contradiction comme premier principe que si le
dispositif logique est classique.
Je dirais volontiers qu’Aristote organise une ontologie classique. Je veux dire par là que son ontologie
prescrit une logique classique, qu’elle organise sa règle comme relevant d’une logique classique.
Mais, comme l’ont montré B. Cassin et M. Narcy, il y a un prix à payer dans le dispositif aristotélicien.
C’est que le destin de l’ontologie se trouve lié à celui du discours, car personne ne peut parler sans
utiliser les principes régissant la science de l’étant en tant qu’étant. La cheville de la réfutation de ceux
qui objectent au principe de non-contradiction réside en ce que dire c’est toujours signifier quelque chose
[“le principe de non-contradiction dans son énoncé canonique (...) se prouve (...) de cela seul qu’il est
impossible que le même (mot) simultanément ait et n’ait pas le même (sens)”]. Celui qui entend objecter
au principe de non-contradiction en se taisant, ou en se contentant de faire du bruit avec sa bouche (i.e.
en parlant sans signifier quelque chose) s’exclut purement et simplement de l’humanité, est comme une
plante (1006 a 15). En réalité si Aristote se trouve avoir à faire avec quelqu’un qui refuse de parler, cette
conclusion est un peu courte (il n’y a pas de muet ontologique) et la réfutation devient en fait impossible;
idem si ce quelqu’un se tait délibérément sur la question de l’étant en tant qu’étant en prétendant qu’en
cette matière le mieux est précisément de se taire, i.e. si Aristote se trouve rencontrer un antiphilosophe

1
Quelque chose du geste de Parménide se retrouve ici : pour cheminer sur la voie de l’Être (là aussi on est
pros hen) il est nécessaire de disposer d’une règle, d’un principe, qui en l’occurrence est un impératif : ne pas
prendre la voie du non-Être.
comme Wittgenstein. Ces adversaires se réfèrent en réalité à une autre logique qui est la logique
intuitionniste laquelle récuse le deuxième principe (le principe du tiers exclu).
Cette option est plus profondément liée à une thèse qu’Aristote refuse et qui est que l’être se dit non pas
de façon multiple mais au contraire univoque. C’est la thèse de Deleuze. La perspective platonicienne
établit également que l’être doit pouvoir se dire en un seul sens et que la mathématique est le paradigme
de tout accès à l’étant en tant qu’étant - on peut même dire que quiconque pense que la mathématique
touche à l’être est platonicien.

6. Kant, dans la préface à la deuxième édition de la Critique de la raison pure (1787), déclare que la
logique, depuis Aristote, n’a fait aucun pas en arrière (...) ni en avant et qu’elle doit de ce fait être
considérée comme close et achevée. Cette clôture est assigné par Kant au caractère formel de la logique,
c’est-à-dire au fait que la logique expose dans le détail et prouve de manière stricte les règles formelles
de toute pensée. Son succès est entièrement lié à ce qu’elle traite des règles pour la pensée en tant que la
pensée n’a affaire qu’à elle-même, indépendamment des objets empiriques et par conséquent ignore le
grand partage entre ce qui est transcendantal et ce qui est empirique. Or la thèse axiale de Kant, on le
sait, est précisément que la réalité nouménale des objets empiriques (leur en-soi) est foncièrement
inconnaissable, ou encore qu’il n’y a pas de science de l’étant en tant qu’étant, i.e. la thèse opposée à
celle d’Aristote. Que signifie alors son coup de chapeau à celui-ci ? Rappelons que pour Aristote la
logique en tant qu’elle est prescrite par l’ontologie concerne les principes qui règlent tout discours : le
discours sur l’étant en tant qu’étant mais aussi le discours sur tout objet possible - et ce pour autant qu’il
est pros hen, i.e. qu’il pense son objet selon son être.
Ce qui s’est passé c’est que la logique telle qu’Aristote en a fondé l’exigence a été détachée de la
prescription ontologique qui seule la justifiait à ses yeux. Si, selon Kant, rien n’a bougé dans la logique
depuis Aristote c’est parce qu’il la conçoit désormais comme formalisée. J’appellerai opération de
détachement toute opération consistant à détacher des thèses de l’impératif de pensée qui en a constitué
le motif; et je soutiens que, de façon générale, tout détachement promeut un formalisme. Aristote a crée
le motif logique sous l’injonction de ceci qu’il y a une science de l’étant en tant qu’étant (l’ontologie) et,
historialement, le motif logique s’est détaché et se présente à nous comme dispositif formel. C’est arrivée
à ce point que la question est à nouveau examinée par Heidegger.

B. Heidegger

Heidegger - texte : Introduction à la métaphysique 4ème partie Limitation de l’être § 3 être et penser.
Heidegger part du même constat que Kant, à savoir la clôture de la logique pensée comme dénuée de
toute historicité : Depuis toujours elle enseigne la même chose. Et comme Kant, il identifie la logique
comme formelle : Elle enseigne la théorie des formes de ce qui est pensé. Mais c’est, à l’inverse de Kant,
pour la stigmatiser : L’appel à la logique pour délimiter l’essence de la pensée est déjà une entreprise
douteuse du fait que la logique comme telle est quelque chose qui appelle question. Le seul événement
dont est crédité ce formalisme immobile qu’est aux yeux de Heidegger la logique, c’est son surgissement
et c’est donc vers lui qu’il dirige son investigation pour en déterminer l’essence; car si la logique est
quelque chose de nécessaire, ce qui ne l’est pas c’est l’événement inaugural qui l’a constituée dans son
apparence séparée et qui est la dicession de l’être et de la pensée.
Il y a une identité première de la physis comme éclosion de l’être et du logos comme accueil ou
recueil de cette éclosion, identité encore perceptible chez Héraclite ou dans l’énoncé parménidien Le
même, lui, est à la fois penser et être. Mais cette identité est aussitôt scindée et la logique est ce qui porte
la trace de cette dicession : La logique ne peut naître comme édification des formes du penser et comme
institution de ses règles qu’après que la scission de l’être et du penser eut été accomplie. La logique est
ce qui nomme l’autonomie formelle du logos au regard de l’éclosion de l’être comme physis - elle est
précisément formelle de ce que l’on a alors affaire à un logos évidé de l’être : la logique c’est le logos
quand l’être s’en est retiré. C’est pourquoi la poursuite de l’être que mène depuis lors ce reste misérable
laissé par la souveraineté de la logique, et qu’on appelle l’ontologie, est dérisoire et vaine; ce qu’elle
rencontre de l’être une fois qu’il s’est retiré ne peut que prendre la forme de cet étant particulier qu’est
Dieu (sa qualification véritable est pour cette raison d’être une onto-théo-logie). Les organisateurs de ce
primat logique du logos sont connus, il s’agit de Platon et d’Aristote. Le moment-pivot est l’installation
par Platon de l’Idée comme interprétation unique et déterminante de l’être.
L’être [dans son interprétation déterminée comme idée] n’est plus ce qui donne la mesure. (...) Car,
au titre de ce qui donne aux choses l’é-vidence, et ainsi est soi-même d’une certaine façon étant, l’idée,
en tant qu’elle est cet étant, exige de son côté une détermination de son être, c’est-à-dire, elle aussi, une
é-vidence unique.. L’idée des idées, l’idée la plus haute, est pour Platon l’ιδεα του αγαθον, l’idée du
bien. Or,[celle-ci] se trouve ετεκεινα τησ ουσιασ, au-delà de l’être. Ainsi l’être même, non pas
considéré en general certes, mais en tant qu’idée, se situe en face d’un “autre”, de quelque chose qui est
donc assigné à l’être lui-même comme référence. La plus haute idée est le prototype des modèles. (...)
C’est dans la mesure exacte où l’être même se durcit dans son caractère d’idée, qu’il s’efforce de
compenser la dégradation qui en résulte pour lui. Mais ceci ne peut plus désormais être atteint que
d’une seule façon : en posant au-dessus de l’être quelque chose dont on peut dire à tout moment que
l’être ne l’est pas encore, mais doit l’être (§ 4 Etre et devoir). La logique - l’assignation de valeurs,
l’institution d’un champ de valorisation - devient avec Platon une prescription séparable, qui va valoir
pour la question de l’être, désormais asservie à la logique et ainsi oblitérée.
La logique est un nihilisme car elle n’est en définitive rien d’autre que rature de l’être, au profit d’une
simple doctrine de l’exactitude (ce qui règle qu’une proposition est conforme avec ce dont il est question
dans cette proposition). Nous sommes donc convoqués à faire l’économie du temps logique, de dé-
construire l’ontologie et de désarticuler la connexion logico-ontologique au profit de la question de l’être
purement restituée à elle-même. C’est dans ce contexte polémique que sera promu le Poème, en tant que
le lieu où se donne à entendre quelque chose de non captif de la logique comme instance séparable et
asservissante, où le logos est pensable comme l’essence du langage, ce qui est le fond et le fondement de
l’être-là historial de l’homme au milieu de l’étant en totalité, lieu qui maintient encore “la tension de
l’ouverture et de l’éclosion voilée de l’être” (Manifeste pour la philosophie p. 31).
Je voudrais apporter ici deux modulations qui me paraissent fondamentales. 1) L’énoncé sur lequel Kant
et Heidegger sont tous les deux d’accord, à savoir que la logique a toujours dit la même chose, est à mes
yeux absolument faux : la logique a une histoire multiforme et tourmentée, elle a connu des divisions et
ce dès les Grecs (la logique des stoïciens n’est pas la logique d’Aristote); par conséquent prétendre
qu’elle a toujours véhiculé les mêmes énoncés relève d’une profonde méconnaissance de ses contenus. 2)
Le deuxième point d’accord entre Kant et Heidegger - la logique conçue comme prescription formelle de
la proposition et du jugement - est aussi faux que le premier : la prescription ontologique sur la logique
est, comme nous l’avons vu, principielle et elle continue d’habiter de part en part la logique tout au long
de son histoire mouvementée, sans pour autant que cela institue nécessairement une séparation.

Qu’observons-nous dans la période contemporaine ? Nous avons d’un côté la philosophie anglo-saxonne
qui, prenant appui sur la mathématisation de la logique, conçoit la logique comme un contrôle général sur
la fiabilité de la langue. Et d’un autre côté l’herméneutique post-heideggérienne qui partage avec la
philosophie anglo-saxonne un même diagnostic concernant la logique, à savoir qu’elle est une instance
de la séparation d’avec l’ontologie. Cette séparation est jugée positivement par la philosophie analytique
(la logique conçue comme indifférente aux contenus de sens du jugement permet de ne pas s’encombrer
de la question de l’être et de ce que l’ontologie charrie d’impasses et d’absurdités) et négativement par
l’herméneutique post-heideggérienne (la logique est par elle condamnée comme oubli organisé de
l’éclosion originaire d’un dire vrai).
Le jeu de ces deux positions constitue un dispositif qu’on pourrait appeler “analytico-herméneutique”,
dispositif qui couvre de façon massive le champ de la philosophie actuelle au niveau planétaire, et dont la
solidité est réelle car elle est précisément fondée sur l’identité de leur diagnostic concernant la logique.
Je pense qu’il est essentiel aujourd’hui de contester ce dispositif dont l’hégémonie a selon moi pour
horizon ni plus ni moins que la disparition durable de la philosophie comme pensée vivante; et aussi de le
déplacer plutôt que de se placer dans l’alternative qu’il propose. Vous comprenez dans ces conditions
pourquoi l’identification de la logique, qui est ce qui met en jeu ce dispositif, est aujourd’hui à mes yeux
une question absolument centrale.

Je commencerai par deux questions.

1. Est-il exact que la logique est vraiment une affaire de principes (ce qui est incontestablement sa
qualification pour Aristote) ? Autrement dit : est-il requis que la logique soit identifiée comme
conformité de la proposition ou du jugement à des règles ? Je ne pense pas que la réponse à cette
question soit inéluctablement positive.

2. Est-il exact que la corrélation de la logique à la question du langage est essentielle ? Cette corrélation
est, rappelons-le, envisagée par Aristote à un niveau polémique : il y a recours pour établir que quiconque
refuse le principe de non-contradiction s’interdit de parler (le seul fait de parler pour signifier quelque
chose implique en effet de l’admettre). Mais pour Aristote la question de savoir si les principes logiques
sont des principes du langage ou des principes de l’être demeure ouverte au terme du livre Gamma. Les
modernes ont tranché là-dessus et ont identifié principes logiques et principes de la langue, faisant de
celle-ci le lieu d’un idéal de rationalité formelle. La formalisation de la logique, telle qu’elle a été
réalisée à partir de Boole et Frege, assume que la logique est construction de langages formels; elle
consolide l’idée que la logique n’est que le noyau dur d’une grammaire rationnelle généralisée. Elle
s’inscrit dans le tournant langagier de la philosophie.

Mon propos, pour opérer le déplacement dont j’ai parlé, sera, partant du fait que la logique est devenue
mathématique (sous le nom de “logique mathématique”, elle est même parvenue en ce siècle à une
complexité dense qui ne le cède en rien à celle de toute autre région vivante de la mathématique), de faire
question de ce fait, de prendre la mesure philosophique de son étrangeté. Car le destin mathématique de
la logique est finalement quelque chose de surprenant; il aurait beaucoup étonné Aristote, lui pour qui
l’objet mathématique est un pseudo-être qui n’existe qu’en puissance dans le sensible mais qui n’existe
nulle part en acte.
Si le destin mathématique de la logique paraît si évident aujourd’hui, c’est qu’il repose sur un certain
nombre de présupposés plus ou moins explicites : la logique est une discipline formelle; elle est
essentiellement indifférente au sens; mais le sens adhérant malgré tout subrepticement à ses énoncés, il
est “naturel” que, pour s’en débarasser, la logique ait eu recours à la puissance de la lettre, i.e. qu’elle se
soit “formalisée”; or, formaliser c’est mathématiser. Autrement dit : ce que la mathématisation de la
logique a ajouté à la logique ce n’est rien d’autre que l’effectuation de la forme comme forme.
Moyennant quoi on ne se demande pas : Qu’est-ce qu’une forme ? La lettre est-elle ce qui convient le
mieux à une forme ? La mathématisation est-elle identique à une formalisation ?
La conviction la plus commune aujourd’hui est précisément que la mathématique elle-même est une
activité théorique formelle : au sens où par exemple Carnap distingue les sciences formelles, soit la
logique et les mathématiques, et les sciences empiriques, dont le paradigme est la physique. Or, selon
moi, la mathématique n’a aucunement pour essence la formalisation. La mathématique est une pensée,
une pensée de l’être en tant qu’être. Sa transparence formelle résulte directement de ce que l’être est
absolument univoque. L’écriture mathématique est transcription, inscription, de cette univocité.

Je formulerai de la façon suivante ma tentative d’établir une diagonale entre la philosophie analytique et
l’herméneutique. L’idée générale, qui fonctionne seulement pour l’instant comme idée régulatrice, est
que si l’on soutient, comme je le fais, que la mathématique est la science de l’étant en tant qu’étant, i.e.
qu’elle se confond avec l’ontologie (je vous renvoie là-dessus à L’être et l’événement), le mouvement de
mathématisation de la logique qui s’est effectué au cours de ce siècle n’est pas à interpréter comme une
accentuation de son détachement formaliste (ce qui est l’interprétation courante). Au contraire : que la
logique soit mathématisée est une figure immanente de la prescription ontologique qui l’habite (et qui
n’a pas cessé de l’habiter).

THÉORIE DU LIEU

I. Le triplet localisation / apparaître / logique

Il nous apparaît donc que la logique ne saurait être réduite à une théorie des règles du discours. Il lui est
essentiel d’être une théorie de la localisation de l’être et, pour cette raison, d’être une théorie de la
relation. Nous dirons, forçant le lexique heideggérien, que si tout être est être-là, la logique est la théorie
du là de l’être-là, ou encore qu’elle est la théorie de son apparaître.
Partons de la thèse (laquelle est en réalité un théorème qu’on peut déduire des axiomes fondamentaux de
la théorie des ensembles, et donc des principes de l’ontologie du multiple) selon laquelle il n’existe pas
d’ensemble de tous les ensembles. Ou : la pensée n’est pas en état de soutenir, sans s’effondrer, la
supposition qu’un multiple, donc un étant, soit la récollection de tous les étants possibles. Ce théorème
fondamental désigne l’inexistence du Tout de l’être.
Une conséquence cruciale de cette propriété est que toute investigation ontologique est irrémédiablement
locale. Il ne peut exister de démonstration ou d’intuition qui porte sur l’être en tant que totalité des
étants, ou même en tant que lieu général où se disposent les étants. Et cet impouvoir n’est pas seulement
une impossibilité de fait, ou une limite qui transcenderait les capacités de la raison (au sens kantien). Au
contraire, c’est la raison elle-même qui détermine l’impossibilité du tout comme une propriété
intrinsèque de l’étantité-multiple de l’étant. L’être ne s’expose à la pensée que comme site local (quand
bien même serait-il à l’échelle d’un infini d’infinis) de son déploiement intotalisable. Tout être est être-
là.
Ce qui, d’un étant, est lié à la contrainte d’une exposition locale, ou située, de son être-multiple, nous
l’appellerons l’apparaître de cet étant. Il est de l’être de l’étant d’apparaître, pour autant que le tout de
l’être n’existe pas. L’étant ne contient pas, dans son être, de quoi rendre raison des limites du site où il
s’expose. L’étant, en tant qu’étant, est multiple pur, multiple sans-un, ou multiple de multiples. Il ne peut
faire valoir son étantité qu’en un site dont le caractère local est ininférable de cette étantité comme telle.
Dès lors qu’insituable selon le tout (puisqu’il n’y a pas le tout des étants qui ont en partage la
détermination de leur être comme multiplicité pure), il faut que l’étant fasse valoir son être-multiple au
regard d’un non-tout, i.e. d’un autre étant particulier, le site - car le site pensé dans son être en tant
qu’être est un étant-multiple.
L’apparaître est une détermination intrinsèque de l’être. Et puisque la localisation de l’étant, qui est son
apparaître, implique un autre étant particulier, son site, l’apparaître est comme tel ce qui lie ou relie un
étant à son site. L’essence de l’apparaître est la relation. L’étant en tant qu’étant est, lui, absolument
délié (c’est une caractéristique fondamentale du multiple pur, tel que pensé dans le cadre d’une théorie
des ensembles, qu’il n’y a que des multiplicités et rien d’autre; aucune par elle-même n’est liée à une
autre). Cependant, pour autant qu’il appartient à l’être d’apparaître, et donc d’être un étant singulier, il ne
le peut qu’en s’affectant d’une liaison primordiale avec l’étant qui le situe. C’est l’apparaître, et non pas
l’être comme tel, qui surimpose à la déliaison ontologique le monde de la relation.
“Renversement du platonisme” en un sens ... Le platonisme semble dire que l’apparence est équivoque,
mobile, impensable et que c’est l’idéalité, y compris mathématique, qui est stable, univoque, exposée à la
pensée. Mais nous, modernes (et ce dès la Critique de la raison pure), nous pouvons soutenir l’évidence
contraire. C’est le monde immédiat, le monde des apparences, qui se donne toujours comme solide, lié,
consistant. C’est un monde de la relation et de la cohésion, où nous avons nos repères et nos usages, un
monde où l’être est en somme captif de l’être-là. Et c’est bien plutôt l’être en soi, pensé comme
mathématicité du multiple pur, ou même comme physique des quanta, qui est anarchique, neutre,
inconsistant, délié, indifférent à ce qui signifie, n’entretenant nul rapport avec ce qui n’est pas lui.
Cependant, Kant infère des conditions de cette logique de l’apparaître que l’être en soi nous demeure
inconnaissable, et pose en conséquence l’impossibilité de toute ontologie rationnelle. Pour nous au
contraire, l’ontologie existe comme science, et l’être en soi advient à la transparence du pensable dans la
mathématique. L’être en tant qu’être est pris dans la tâche infinie de sa connaissance qui est l’historicité
de la mathématique.
Posons que la mathématique est science de l’être en tant qu’être et que la logique, elle, est science de
l’apparaître comme dimension intrinsèque de l’être. Pour autant que l’apparaître, i.e. la relation, est une
contrainte qui affecte l’être, il faut que la science de l’apparaître soit elle-même une composante de la
science de l’être, donc de la mathématique. Il est requis que la logique soit logique mathématique. Mais
pour autant que la mathématique appréhende l’être selon son être, en deçà de son apparaître, et donc dans
sa déliaison fondamentale, il est aussi requis que la mathématique ne se confonde nullement avec la
logique.
Si nous reprenons la question dans les termes où nous l’avions laissée à l’issue de notre examen
d’Aristote - à savoir : la logique n’est pas séparée mais prescrite par l’ontologie - on dira que logique et
mathématique sont convoquées au même lieu (le lieu où se pose la question de l’être), et que ce lieu est
mathématique. Si vous voulez une analogie, c’est un peu comme chez Parménide chez qui l’énoncé “Le
même, lui, est à la fois penser et être” signifie que penser et être ne sont pas identiques au sens du
principe de l’identité, mais sont au même lieu, lieu qui est l’être.
On posera donc que la logique est, à l’intérieur de la mathématique, le mouvement de pensée par lequel il
est rendu raison de l’être de l’apparaître, i.e. de ce qui affecte l’être pour autant qu’il est être-là.
L’apparaître n’est rien d’autre que la logique d’une situation, qui est toujours, dans son être, cette
situation. Et la logique comme science restitue la logique de l’apparaître comme théorie de la cohésion
situationnelle en général. C’est pourquoi elle n’est pas science formelle du discours, mais science des
univers possibles pensés selon la cohésion de l’apparaître. La logique est avant tout une pensée
mathématique de ce que c’est qu’un univers de relations; ou de ce que c’est qu’une situation possible de
l’être, pensée dans sa cohésion relationnelle; ou encore une théorie générale de la cohésion de l’être-là.
La théorie des Topos est précisément une théorie contemporaine de la logique qui déploie une pensée de
ce qu’est un univers acceptable, ou possible, pour que s’y localise une situation mathématique
quelconque. Son nom indique clairement qu’elle est une théorie du lieu, illustrant une nouvelle fois la
pertinence inconsciente remarquable avec laquelle les mathématiciens choisissent les noms de leurs
inventions (même si, à leurs propres yeux, ce nom est quelque chose d’anecdotique et d’arbitraire).
Redonnons quelques traits remarquables de la théorie des Topos.
1) Alors que la théorie des ensembles relève de la décision ontologique (elle prescrit un univers
singulier, l’univers intotalisable de la pensée du multiple pur; mais elle ne contient pas le concept
d’univers, qu’elle ne fait qu’effectuer), la théorie des Topos est un protocole de description des univers
possibles (elle est comme l’inspection des univers possibles contenus, pour Leibniz, dans l’entendement
de Dieu); elle définit les conditions sous lesquelles il est acceptable de parler d’univers pour la pensée et
par conséquent de localisation d’une situation de l’être. La théorie des Topos n’est pas une mathématique
de l’être (la prescription ontologique - la décision d’existence - y est en un certain sens suspendue) mais
une logique mathématique.
2) Les opérateurs purement logiques ne se présentent pas, dans un Topos, comme des formes
langagières. Ils sont des constituants de l’univers, qui ne se distinguent en rien des autres constituants : la
négation, la conjonction, la disjonction, l’implication, les quantificateurs, universel et existentiel, ne sont
rien d’autre que des flèches, dont on donne la définition. La vérité elle-même n’est qu’une flèche du
Topos (la flèche V). Aussi la logique n’est-elle rien d’autre qu’une puissance particulière de localisation
immanente à tel ou tel univers possible (cf. 93/94 p. 28 in Ordre philosophique (1)).
3) La théorie des Topos rend raison de la pluralité des logiques possibles. Elle permet de comprendre à
partir de la mathématicité des univers possibles où et comment se marque la variabilité logique, qui est
aussi bien la variabilité contingente de l’apparaître, au regard de la stricte et nécessaire univocité de
l’être-multiple. Il peut y avoir par exemple des Topos classiques (qui valident le tiers exclu ou
l’équivalence de la double négation et de l’affirmation) et il peut y avoir des Topos non classiques qui ne
valident pas ces deux principes.
Autrement dit : il y a plusieurs nouages possibles entre logique et mathématique; et il y a par conséquent
la possibilité d’un choix entre ces différents nouages. L’idée implicite est que la mathématique elle-
même dans son effectivité (et il n’y a jamais qu’une seule mathématique) a toujours déjà décidé quant à
ce nouage. Le concept de Topos peut éclairer le pourquoi de ce choix mais non le faire.

II. Les Grecs - temporalité (ou non) de l’être-là

A. Aristote
L’objectif d’Aristote est de comprendre le mouvement. Il faut bien voir que pour un Grec le mouvement
n’est pas par lui-même une vertu, alors que nous, modernes, faisons du mouvement comme tel une figure
normative (le mouvement, le changement sont bons en eux-mêmes; personne aujourd’hui, y compris les
conservateurs, n’oserait se présenter avec la volonté affichée de maintenir les choses en l’état) - c’est
peut-être sur ce point que nous somme au fond le plus loin des Grecs. La bonne question pour un Grec,
concernant le mouvement, c’est : quelle est l’immobilité sous-jacente, le principe d’ordre fixe, qui est le
vrai principe d’être du mouvement ? Tout mouvement doit pouvoir se penser comme un écart par rapport
à une immobilité.
Dans ce contexte commun à la pensée grecque, la construction aristotélicienne consiste à associer à tout
corps un lieu (qu’Aristote appelle son “lieu naturel”). Le lieu est destiné chez lui à penser la figure
d’ordre sous-jacente au mouvement. Autrement dit, le lieu naturel assigné à tout corps est son lieu
d’immobilité; tout corps a une place naturelle dans le cosmos et le lieu c’est le placement de ce corps
selon sa nature. Une telle distribution des places implique l’existence d’un ordre cosmique stable et par
conséquent des repères absolus (précisément ce qui sera aboli par la relativité post-galiléenne). A vrai
dire la détermination effective de cet ordre est assez pauvre - il se réduit en fin de compte à l’opposition
entre le bas (notre terre) et le haut (ce qui est au-dessus) - mais l’important c’est d’avoir un repérage
cosmique invariable.
Cette topo-logie (théorie du lieu) permet de classer les mouvements en termes d’écarts (selon le sens
dans lequel est parcouru l’écart). Soit vous avez un corps en train de regagner son lieu naturel (p.ex. une
pierre qui retombe après avoir été lancée en l’air) et le mouvement est dit naturel. Soit vous avez un
corps qui, livré à lui-même, reposerait dans son lieu naturel mais qui en a été écarté par une force
extérieure - et le mouvement est dit violent. Aristote, qui est un malin, sophistique ensuite tout cela dans
une théorie des mouvements complexes.
• Il y a là une intéressante théorie de la violence, conçue de façon tout à fait générale et abstraite
comme l’écart imposé à quelque chose par rapport à sa destination intrinsèque. S’agissant d’un
individu, on peut dire aussi qu’il a un lieu et même une multitude de lieux qui dessinent un réseau
(lieu de naissance, de résidence, lieux variés circonscrits par diverses appartenances ...); la
description de cet individu (au sens objectif, s’entend) se ramène en définitive à une description de
ce réseau, i.e. à une théorie de son lieu. Et il n’est pas absurde d’étendre à l’individu la définition
aristotélicienne de la violence; de fait le paradigme de la violence exercée sur l’individu est
aujourd’hui pour nous l’arrachement qu’il subit par rapport à son lieu : déportation, exil ...
• On voit ici à quel point le lieu aristotélicien est une catégorie fondamentalement différente de
l’espace dans son sens post-galiléen : l’espace post-galiléen est foncièrement abstrait, c’est lui dont
Kant fera une forme a priori de la sensibilité organisant l’intuition générique d’un objet quelconque.
Or, chez Aristote, le lieu n’est justement pas un espace dans lequel se disposent des objets ou des
structures; il est le placement d’un corps quelconque selon sa nature. Doctrine de l’immobilité des
corps, la théorie aristotélicienne du lieu véhicule la subsomption du mouvement par l’immobilité. Le
lieu, dans cette théorie, est la structure d’ordre idéale qui rend raison du mouvement; aussi n’est-il
pas exagéré de dire que la théorie du lieu est la mathématique de la physique aristotélicienne - elle
est la théorie de l’être-là du mouvement. Alors que dans le galiléisme il y a une auto-suffisance non
localisée du mouvement qui est très étrangère à la pensée d’Aristote.

B. Platon
Pour Platon le lieu c’est le lieu des Idées, le topos noetos, le lieu intelligible. Penser c’est accéder à ce
lieu intelligible. Autrement dit, il y a une localisation de la pensée référée au fait qu’il y a un lieu
intelligible, qu’il y a un là de l’Idée. L’usage métaphorique de ce lieu est également proposé par Platon
selon l’opposition du haut et du bas - on “monte” vers le lieu des Idées. Mais cette topologie d’un
itinéraire qui va du sensible vers l’intelligible n’a aucune corrélation avec l’espace physique : “le haut”
n’est ici qu’une didactique métaphorique pour désigner ceci qu’il s’agit d’un lieu singulier et que ce lieu
n’est précisément pas un espace.
L’intuition grecque est que le lieu est autre chose qu’un espace - Aristote en fait une physique; Platon
quant à lui soutient que la pensée n’existe qu’à se localiser et que la topo-logie du lieu de la pensée est
une logique : ce qui fibre ce lieu c’est la relation des Idées entre elles (cf. le Sophiste 253 sq et le
Philèbe). Il y a un lieu de la relation dont les Idées sont les points en réseau (les Idées se localisent dans
le réseau relationnel constituant le lieu intelligible).
Regroupons les deux traits communs à Aristote et Platon sur cette question. 1) Le lieu n’est pas l’espace,
il n’est pas de l’ordre de l’expérience (comme il le sera pour Kant). 2) Le lieu concerne la relation et
l’ordre; foncièrement hors temps, il est une possibilité trans-temporelle - la théorie du lieu est une théorie
de l’être-là selon la relation et hors temps.
La question abordée ici est celle - essentielle - du caractère temporel ou non de l’être-là. Rappellons la
phrase fameuse de Hegel : “Le Temps est l’être-là du concept” (Die Zeit ist der Begriff da). L’alternative
est entre une chrono-logie (la pensée de Hegel) et une topo-logie (pensée non temporelle du là de l’être
telle qu’elle fonctionne chez Aristote et Platon). Si on opte pour Hegel, toute présentation de l’être
entraine une présentification (i.e. implique la convocation du Temps du biais du présent) : le Temps est
le moment où la pensée elle-même est là, présente de façon vivante dans l’élément du négatif. Si on y
renonce (voie topo-logique), il n’y a pas en un sens de devenir de l’être; ce à quoi on renonce c’est à la
présentification comme devenir de la présentation.
Ce que propose la théorie des Topos c’est précisément un topos sans chronos comme cadre possible du là
de l’être-là (c’est depuis longtemps que j’ai été frappé par la filiation aristotélicienne de la pensée
catégorielle). Le là de l’être-là est pensable mais hors temps (il ne se présentifie pas, il ne se présente pas
dans la nouveauté du présent), il est pensable comme là depuis toujours (et, en ce sens, on peut dire que
c’est de l’être parménidien dont il s’agit).
Mais alors comment penser l’apparition du nouveau dans le cadre d’une telle théorie non temporelle du
là de l’être ? Il faut aller jusqu’à soutenir que l’être est effectivement immuable (comme le soutenait
Parménide) et que ce qui change c’est la logique; qu’il n’y a de changement que dans l’apparaître (au
sens vu précédemment); ou encore que le changement est un parcours dans la localisation. Si on
maintient, comme je le fais, que le changement fait nécessairement intervenir une césure événementielle,
il faut alors admettre qu’aucun événement ne change l’être-en-tant-qu’être et que tout le changement dont
un événement est capable concerne l’apparaître, le dispositif de localisation : ce qu’un événement a
puissance de changer c’est la logique d’une situation.
L’événement vient quand la logique de l’apparaître n’est plus apte à localiser l’être-multiple qu’elle
détient; on est alors dans ces parages du vague en quoi toute réalité se dissout (Mallarmé - Le Coup de
Dés) - car, dans un effondrement local de la consistance de l’apparaître, et donc dans une résiliation
provisoire de toute logique, ce qui vient alors à la surface, c’est l’être même, dans sa redoutable et
créatrice inconsistance ... Mais on est là aussi là où il y a chance que surgisse aussi loin qu’un endroit
fusionne avec au-delà i.e. dans l’avènement d’un autre lieu logique UNE CONSTELLATION.
Une telle pensée a des implications politiques majeures. Il n’est par exemple plus possible de soutenir,
ainsi que le faisait Lin Piao pendant la Révolution Culturelle, que l’essence de la politique est “de
changer l’Homme dans ce qu’il a de plus profond”. Car il s’agit là d’une conception (largement répandue
en fait tout au long de l’histoire du mouvement révolutionnaire) pour laquelle l’objectif de la politique
est en fin de compte de changer l’être : ce que l’Homme a “de plus profond” c’est ce par quoi il participe
de l’être - il est d’ailleurs apparu que la volonté de changer cela pouvait coïncider avec l’élimination
effective de ce que l’individu a de plus profond, à savoir sa vie même ... Dire “l’être est immuable, l’être
est ce qui ne peut changer”, ce n’est pas une réserve de radicalité, mais un transfert de celle-ci : la
situation ne change pas dans son être comme multiplicité pure, seule peut changer la logique (i.e. les
relations portant sur des termes qui, quant à leur identité, restent les mêmes). La “pensée unique”
contemporaine veut nous convaincre du contraire : à savoir que la situation n’arrête pas de changer tout
le temps, qu’il faut lui courir après pour tenter de la comprendre, mais qu’à l’inverse la logique, elle, est
immuable et s’impose à tout le monde. Contre la pensée unique il faut dire la chose suivante : c’est
l’espace des possibilités logiques qui est ouvert, alors que les termes de la situation restent quant à eux
identiques - ils ne sont que les matériaux de la situation, i.e. ce qui permet d’étayer le réquisit matérialiste
minimal selon lequel ce qui arrive toujours avec ce qui est déjà là.
C’est en quelque sorte un retour aux Grecs : restauration de l’immobilité de l’être, prévalence d’une
théorie du lieu sur un dispositif temporel et même plus exactement sur un dispositif espace/temps qui
n’est plus ce dont on part mais qui, secondairement réintroduit, se trouve prescrit.

III. Le dire poétique

La poésie allemande, dans sa filiation hölderlinienne, s’est vouée à restituer poétiquement la trajectoire
du proche et du lointain, et tout particulièrement l’idée selon laquelle le proche ne se donne que dans le
retour. Il n’y a pas, dans le plus proche, une identité naïve qui serait pré-donnée, offerte en soi dès
l’origine; une telle identité est au fond ce qu’il y a de plus obscur. Le proche ne s’éclaircit que dans le
retour, ce qui suppose au préalable que du proche on ait été exilé. Retour - nostos en grec - qui alimente
la nostalgie; à condition, du moins ici, de ne pas l’entendre dans une tonalité de sentimentalité
douloureuse, donc de ne pas entendre d’algos dans cette nostalgie.
C’est une pensée qui est elle-même dans la descendance de l’Odyssée (n’a-t-on pas dit que toute pensée
est soit dans la descendance de l’Odyssée soit dans celle de l’Iliade ?). Car Ithaque, c’est le proche, c’est
la femme qui attend et c’est en ce lieu qu’Ulysse sera finalement reconnu (et que lui-même reconnaîtra)
mais seulement au terme d’un immense retour. Cet écart par rapport au proche est la condition pour que
l’identité d’Ulysse soit reconnue; mais elle ne le sera qu’à travers l’étrangeté dont il s’est revêtu au cours
de cet exil - c’est la raison pour laquelle il est essentiel que le roi d’Ithaque revienne habillé en mendiant.
C’est aussi le mouvement de la Phénoménologie de l’Esprit de Hegel : pour que la négation revienne au
coeur de l’être, il faut au préalable qu’elle se soit projetée dans une infinie variété de figures concrètes,
c’est-à-dire qu’elle s’en soit d’abord immensément écartée.
A l’inverse la pensée qui est dans la filiation de l’Iliade soutient que le lieu de la vérité est dans le
combat, l’antagonisme. Sa topologie est singulière, c’est une topologie de la prise, de la conquête (Troie)
avec ses questions spécifiques : qui est dedans et qui est dehors (cf. le cheval de Troie) ? à quelle
distance des murs est-on situé ? que voit-on des murs ? On pourrait appeler cela une poétique de la
muraille. Ces catégories (dehors/dedans; vainqueur/vaincu etc.) font de l’Iliade un puissant poème
étatique (au sein duquel sont cependant présentes, à l’état de poches, quelques magnifiques scènes qui
sont plutôt dans un élément de pitié et de douleur : Hector et Andromaque, Anchise demandant le corps
d’Hector ...). Sa figure centrale est celle de l’engagement dont la question axiale est : appartient-on ou
non à ce combat ? Ce qu’il y a de fascinant chez Hegel c’est que sa pensée n’est pas seulement dans la
descendance de l’Odyssée mais aussi dans celle de l’Iliade : il se demande comment être dans
l’expérience de l’antagonisme, comment s’abandonner au mouvement de l’être même qui est conflit, i.e.
comment ne pas être dans ce qu’il appelle le Rückfall, le pas en arrière, la retombée. Rappelons que le
sujet de l’Iliade est de savoir à quelles conditions Achille, qui s’est retiré sous sa tente, qui a fait un pas
en arrière, qui a préféré son orgueil à ce mouvement d’abandon en direction du conflit essentiel, va-t-il
revenir sur la scène du combat.
Lorsqu’à la fin de l’Odyssée les prétendants de Pénélope affirment qu’Ulysse est mort, ils ne font que
tenir un propos raisonnable : car en fin de compte il est parti depuis de nombreuses années et dans le lieu,
eh bien il n’y est plus. Les prétendants sont étrangers à la pensée du nostos : un lieu est un lieu, c’est
tout; et d’ailleurs de ce point de vue Ulysse est bien mort - mort au lieu. C’est Pénélope, de par sa fidélité
aveugle, qui tient un discours insensé : c’est qu’elle est la gardienne réelle du lieu, la gardienne de son
réel, celle qui laisse le lieu ouvert pour sa réappropriation. Il n’empêche que la scène du massacre des
prétendants par Ulysse est terrible et d’une brutalité complaisante. Pour moi elle signifie en réalité que
l’Iliade recommence : Ulysse redevient roi d’Ithaque, le lieu est réapproprié, on refait les murs (autour de
Pénélope).
Il est de l’essence de la pensée nostalgique de convoquer de façon singulière le Poème. Car il n’y a pas
de dire simple quant au couple de l’écart et du retour. Il faut dire l’exil incroyable, dire les Sirènes, dire
Polyphème, dire Nausicaa, dire Circé, mais si loin que cela soit il faut que cela dessine le retour, il faut
que, sur le lointain le plus magique, Ithaque se surimpose avec sa familiarité (car, entre nous, Ithaque
n’est rien d’autre qu’une grosse ferme où on garde des cochons). Il faut que le loin apparaisse en
courbure vers le retour - car ce lointain, y compris dans ce qu’il a de plus inimaginable, est ultimement
destiné au proche. Le Poème est précisément ce qui fait résonner l’écart le plus inouï dans la langue et
qui le fait simultanément entendre comme familiarité profonde avec celle-ci (sans cet élément de
familiarité, l’écart dans la langue que produit un grand poème ne sera jamais qu’une bizarrerie). C’est
pourquoi le poème est intimement approprié à dire cette surimposition.

IV. Approche topologique

La topologie générale est cette branche de la mathématique qui entend explorer les fondements d’une
doctrine du lieu qui soit au plus près de sa détermination intrinsèque. Elle entend ainsi aller plus loin, par
exemple en ce qui concerne les notions de proximité ou d’écart, que la simple approche métrique de la
question; l’approche par la mesure, en ce qu’elle fait en général intervenir un nombre, est en effet une
voie relativement extrinsèque par rapport à la topologie dont le propos est de se situer au plus près de
l’ontologie du multiple.
Soit S une situation, i.e. un multiple, et soit x un élément tel que x ∈ S. Comment formaliser l’intuition :
“être plus ou moins proche de x ?”. Les ressources de l’ontologie sont là-dessus inexistantes car dans
l’ontologie on n’a que la co-appartenance à S d’autres éléments que x, que leur dissémination
élémentaire dans S, mais aucunement le “plus ou moins proche de x”. Ce que la topologie entend
considérer, en effet, ce n’est pas le proche mais le plus ou moins proche, le processus vers le plus proche
encore. Il n’y a pas le proche, le seul proche c’est l’identité; une localisation c’est autre chose qu’une
identification. On s’approche du proche - tout proche est une approche (comme dans l’Odyssée).
L’élément x est le point limite de cette approche mais le processus du proche (l’approche) n’est pas
réductible à son point limite.
En réalité l’approche est infinie, la question du proche est intrinsèquement inachevable. Avec le risque de
ne jamais décider, de ne rien couper, par quoi on peut être conduit à une quasi-immobilité. L’autre
risque, l’autre tentation, est celle d’approximer : de tenir cette proximité pour une identité. Mais n’a-t-on
pas alors décidé trop tôt, peut-être aurait-on pu décider dans un serrage plus intime du proche ? Toujours
cette question viendra tarauder celui qui est dans cette logique, qui est la logique intuitionniste, la logique
qui ignore le tiers exclu et pour laquelle “l’encore plus proche” est toujours en droit praticable. Dans une
logique intuitionniste, Ulysse aurait pu se ranger parmi les prétendants et poursuivre encore - infiniment -
la reconquête de Pénélope. Mais non : il va massacrer sauvagement les prétendants et c’est pourquoi
cette scène, qui est en rupture avec tout ce qui la précède dans l’Odyssée, est là pour solder la question du
retour infini vers le proche. Elle relève en fait de la logique de la décision (une logique foncièrement
différente de la logique de l’approche) : une décision c’est toujours la décision d’arrêter une approche.

***

Ce que la topologie va entreprendre, c’est de penser le proche de x “en changeant d’échelle”, i.e. en
considérant une partie de S dont on puisse dire qu’elle est “proche de x”. Le concept nodal est ici le
concept de voisinage. L’approche intrinsèque consiste à envisager que le proche de x ne se constitue pas
d’abord comme collection des éléments qui lui sont proches mais plutôt qu’est proche de x ce qui
appartient à son voisinage, voisinage qui est une partie de S.
Pour la topologie toute localisation selon x exige que la pensée se confronte aux sous-ensembles - c’est
pourquoi elle n’est pas une pensée algébrique, i.e. une pensée selon les éléments. Mais on sait en outre
que dès lors que l’on a affaire aux parties, on se trouve confronté à l’excès sans mesure par lequel la
cardinalité de l’ensemble des parties d’un ensemble surpasse la cardinalité de l’ensemble initial
(théorème de Cohen). Elle la surpasse, mais on ne peut savoir de combien; c’est ce que j’ai proposé
d’appeler un excès errant. Autrement dit, on ne peut savoir de combien la virtualité topologique d’un
ensemble, sa puissance de localisation, excède l’identité ontologique de cet ensemble, sa puissance
identifiante. Nous avons précédemment esquissé une connexion, qui a priori ne va pas de soi, entre lieu,
apparaître et logique; et nous avons dit que l’être d’une situation est ce qu’il y a d’immuable, le
changement ne pouvant concerner que la logique - ce qui se peut se dire aussi : une révolution c’est un
bougé du là de l’être-là, elle concerne les possibilités de transformation de l’apparaître. Poussons
maintenant cette idée encore plus loin et disons : la loi de l’excès errant est telle que les possibilités dont
une situation est porteuse sont au-delà même des possibilités identifiées. On n’est jamais assuré, dans
une situation quelconque, d’avoir fait le tour des possibilités qu’elle a en puissance : il reste toujours
possible que des possibilités non encore identifiées le soient un jour.

***

Vx(A) ⊆ S se lit : “A, voisinage de x, est inclus dans S”. Quatre axiomes règlent la question des
voisinages - lire : “Théorie du sujet” p. 237-239.

1. Tout voisinage d’un point contient ce point.


Que l’ensemble de ce qui vous est proche vous inclut peut paraître évident; mais cet axiome a
précisément pour fonction de formaliser l’évidence. On exigera en particulier que {x}, soit la figure
identitaire de x, qui est aussi son voisinage le plus immédiat, soit toujours inclus dans Vx(A); ce qui
revient à exiger que :
A ∩ {x} ≠ ∅ - en “langage naturel” : il ne saurait y avoir le vide entre vous et ce qui vous est proche; le
vide n’est jamais un voisinage (c’est cela que vise en réalité cet axiome).

2. L’intersection de deux voisinages d’un point est un voisinage de ce point.


“Si vous êtes de deux processus, vous êtes de leur croisement, du lieu que dessine ce qu’ils ont en
commun”. Voilà un axiome filtrant qui permet d’avoir une localisation plus fine que celle que fournit un
seul voisinage, la grille est plus fine, l’approximation plus serrée autour de x.

3. Toute partie qui contient un voisinage d’un point est elle-même un voisinage de ce point.
A l’inverse de l’axiome précédent, il s’agit ici d’une expansion à partir d’un voisinage de x, qui permet
notamment d’affirmer que S (la situation) est toujours un voisinage de x.
4. Etant donné un voisinage d’un point, il existe un sous-voisinage de ce point tel que le premier
voisinage (le “plus grand”) est voisinage de chacun des points du second (le “plus petit”).
Les éléments du sous-voisinage sont différents les uns des autres; néanmoins, parce qu’ils partagent la
même approche du proche, parce qu’ils ont le même là, ils ont, du point de vue topologique, presque le
même être. Le proche sera tenu, par cette approximation, pour une identification suffisante. On dira de
ces éléments qu’ils forment un point épaissi.
Nous parlerons dorénavant d’ensemble ouvert (et même plus brièvement d’ouvert) pour désigner ce qui
peut être tenu pour un voisinage de chacun des points de cet ensemble (les notions d’ensemble ouvert et
de voisinage seront “approximativement” considérées comme “proches”).
Si vous n’admettez comme ensembles ouverts que la situation elle-même et l’ensemble vide, vous avez
une topologie grossière : c’est une topologie limite en ce que x n’est localisé que par son appartenance à
la situation (puisqu’il n’y a justement rien d’autre que cette situation) - la localisation ne se décolle pas
de l’identification.
A l’inverse, si vous admettez comme ensembles ouverts toutes les parties de la situation, vous avez
également une topologie limite mais à l’autre extrémité : les mathématiciens l’appellent une topologie
discrète car, puisque toutes les parties sont ici admises comme ouverts, c’est entre autres le cas des
singletons - toute identification discrète fixe une localisation.
Vous voyez bien qu’il s’agit dans ces deux cas de topologies peu intéressantes; un véritable processus de
localisation est amené à discriminer certaines parties qui ont une puissance de localisation d’autres qui
n’en ont pas : ces topologies plus ou moins fines naviguent entre les deux limites que sont la prise en
compte comme ouverts de toutes les parties ou bien d’aucune, entre le discret et le grossier.

L’intérieur et l’extérieur
1. Soit une situation S et soit A une partie quelconque de S : A ⊂ S. Demandons-nous quel est l’intérieur
de A.
Si nous répondons “ce sont les éléments de A”, nous aurons une réponse de type algébrique (i.e. selon
une composition ontologique élémentaire). La réponse topologique, quant à elle, sera la suivante :
“l’intérieur de A c’est ce qui, dans A, a puissance de localisation”, autrement dit les ensembles ouverts.
La définition topologique de l’intérieur de A est : c’est la réunion de tous les ensembles ouverts contenus
dans A (O1 ⊂ A, O2 ⊂ A, etc.); cet intérieur est lui-même un ensemble ouvert (car toute union d’ouverts
est un ouvert) qui est seulement le plus grand des ouverts inclus dans A, l’ouverture immanente
maximale. L’intérieur de A sera noté : A°.
Cette réciprocité de l’ouvert et de l’intérieur a déjà été mise en avant par Bergson - thème de la
“perception pure” qui ne choisit plus, ne s’approprie plus rien : le pur ouvert c’est ce qui n’a pas de peau.
2. Quel est maintenant l’extérieur de A ?
La réponse ontologique serait : “c’est le complémentaire de A dans S”. Mais la réponse topologique sera
: “c’est le plus grand des ouverts inclus dans le complémentaire de A dans S”.
3. Et la frontière entre intérieur et extérieur de A ?
Il est nécessaire qu’un point situé sur cette frontière soit suffisamment proche de l’intérieur de A pour
que tout ouvert qui entoure ce point ait des éléments dans l’intérieur de A. On dit alors qu’il est adhérent
à l’intérieur de A

Et on dira qu’un point est sur la frontière de A s’il est adhérent à la fois à l’intérieur de A et à l’extérieur
de A.
Le concept de frontière d’une partie est purement topologique : d’un point de vue ontologique il n’y a en
effet pas de frontière (l’intersection de A et de son complémentaire est vide). Dessiner une partie d’un
ensemble en traçant un rond, comme nous n’arrêtons pas de le faire à des fins pédagogiques, c’est déjà se
mettre sous une hypothèse topologique : car ontologiquement ce qui sépare la partie de ce qui n’est pas
elle est infigurable; il n’y a pas de tracé de l’être, toute trace est topologique.
La topologisation est la possibilité de la trace, dont ultimement le concept est celui de frontière. Une
logique c’est une localisation, la possibilité d’une frontière, la possibilité de dire qu’il y a un intérieur et
un extérieur. Un changement de logique c’est donc un déplacement (ou une suppression) de frontière.
Un changement de logique, s’il relève de la pensée émancipatrice, consiste (a toujours consisté) à faire
reculer la borne. A faire en sorte que la borne qui sépare la logique de l’ontologie recule pour que la
logique se rapproche de l’ontologie (pour laquelle la frontière n’existe pas à proprement parler).
Toujours, néanmoins, il faudra en passer par le là de l’être-là ...
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