En juillet prochain, la crise dite des «subprimes» aura déjà deux ans. Ses
conséquences pour les peuples sont dramatiques : 2008 a été une année de
«stagflation», c’est-à-dire de stagnation des PIB sur quasiment l’ensemble de la
planète, doublée d’une inflation massive des matières premières et des produits
agricoles ; 2009 sera une années de dépression marquée par une déflation liée à
la crise de la demande qui existe depuis septembre dernier et l’effondrement du
système financier mondial.
Après deux ans de crise, nous disposons aujourd’hui du recul nécessaire pour la
caractériser : loin d’être une crise d’adaptation, il s’agit en vérité d’une crise
dite « systémique » et « structurelle ».
Là est l’explication des couinements sans fin de nos dirigeants sur le thème : «
nous devons sauver les banques ! ». Sans les banques, sans la financiarisation,
le système est mort. Dans les faits, ce sauvetage des banques a été planifié
grâce à la panique née au moment de l’effondrement de Lehman Brothers. Pour
les tenants du libéralisme, cette faillite a été une « divine opportunité » pour
exiger des peuples plusieurs milliers de milliards et ainsi faire passer cette
gigantesque dette privée (générée par le système) vers une dette publique (c’est
à dire l’impôt payé par les citoyens !). Toute autre solution aurait détruit le
noyau vital du système qu’est la finance mondialisée, soit par la relocalisation
des organismes financiers (car une nationalisation éventuelle des banques
aurait été, comme aurait dit La Palice, nationale) ; soit par la destruction des
banques comme émettrices exclusives de la monnaie (par exemple en mettant
en place d’un système monétaire en réseau). Voilà pourquoi pour sauver le
système tel qu’il est, il faut le « criser » ! C’est à dire endetter encore davantage
les gens…
Bien sûr, cette conviction que nous avons de traverser une crise systémique
nous amène à penser que les solutions Keynésiennes classiques ne peuvent pas
avoir le moindre impact sur la réalité du capitalisme d’aujourd’hui. Car Keynes
a proposé dans les années trente des solutions qui avaient pour but de sortir de
la crise en accélérant justement l’adaptation du capitalisme moderne. Or, dans
une crise systémique, il ne s’agit pas d’adaptation mais de déconstruction.
D’ailleurs, pour éviter le débat rationnel, les keynésiens contemporains
induisent le plus souvent dans leurs propos que « la sphère financière est
devenue folle », bref que l’organisation financière et bancaire est réformable et
qu’elles est indépendante du capitalisme. Non Messieurs, Wall Street n’est pas
réformable, mais simplement arrivé au bout de sa logique matérielle, c’est-à-
dire exister, comme nous le disions plus haut, comme noyau vital définitif d’un
système d’exploitation.
Ainsi, nous considérons pour notre part que la crise dite des « subprimes », n’a
rien à voir avec celle de 1929. C’est même par certains côtés l’inverse de cette
dernière. Il suffit pour s’en convaincre de constater l’exemple anecdotique de
Général Motors, né du grand krach de 29 et justement mort (en tant que société
privée) dans la tourmente financière d’aujourd’hui.
Mais nous pensons également que cette crise paroxysmique, qui risque de
s’étaler sur une longue période, c’est-à-dire plusieurs années ou dizaines
d’années est l’ultime avatar d’un mode de production en fin de vie. Loin d’être
un simple problème de baisse du taux de profit, la crise financière actuelle n’est
que la pointe visible de l’iceberg de la crise de la définition de la Valeur elle-
même (c’est à dire comment évaluer ce que vaut un objet, un service, etc. ).
Comme au 16ème siècle, la crise de la Valeur commence d’abord par sa simple
définition. Comme à la Renaissance, nous sommes dans l’incapacité d’avoir
une vision comptable cohérente de celle-ci. Depuis plusieurs années, et en
particulier depuis le scandale Enron et Andersen Consulting en 2002, il est
impossible de simplement croire à l’existence d’une comptabilité réelle et
sincère. Ainsi : que valent vraiment les actions des multinationales ? Et réponse
: nul ne le sait ! Que valent les actions des banques monopolistes ? Réponse :
nul ne le sait !
Le second élément, qui révèle pour nous l’existence d’un pli historique, réside
dans le fait que les innovations les plus importantes, impliquant à terme des
changements dans les rapports sociaux, se font en dehors d’un quelconque
process de rentabilité et de création d’une Valeur quantifiable sur le plan
comptable. Nous voyons bien l’émergence de ce phénomène avec la création
de l’Internet qui est, par bien des côtés, hors de toute définition de la Valeur en
tant que rapport social. Le « libre », c’est à dire la coopération des individus
pour faire avancer et évoluer des produits ou des concepts accessible
gratuitement à tous (logiciels, ordinateurs, objets divers, etc. ) est en train de se
développer très fortement.
Il est donc essentiel de débattre entre les femmes et les hommes de progrès de
cette opinion que nous émettons, car comment trouver la voie de sortie de cette
engeance si nous nous contentons simplement d’envisager l’avenir comme la
continuation d’un passé révolu ?