B 200
Vaccinations
Bases immunologiques et microbiologiques, indications, contre-indications, accidents,
efficacité (calendrier et caractère obligatoire des vaccinations exclus)
Dr Sabine BARON 1, Dr Daniel LÉVY-BRUHL 1, Pr Jacques DRUCKER 2
1. Réseau national de santé publique, 94415 Saint-Maurice cedex.
2. Laboratoire de santé publique, CHU Bretonneau, 37044 Tours cedex 01
TABLEAU
Calendrier vaccinal de l’enfant
de 0 à 18 ans en France
dès le 1er mois BCG * La vaccination par le BCG précoce est réservée
aux enfants vivant dans un milieu à risque
à partir de 2 mois Diphtérie *, tétanos *, coqueluche, polio *,
Hæmophilus influenzæ b, hépatite B Le vaccin polio injectable est recommandé
(1re injection) (un délai minimal de 4 semaines est requis entre
3 mois Diphtérie *, tétanos *, coqueluche, polio *, chaque injection)
Hæmophilus influenzæ b, hépatite B
(2e injection)
4 mois Diphtérie *, tétanos *, coqueluche, polio *,
Hæmophilus influenzæ b, hépatite B
(3e injection)
à partir de 12 mois Rougeole-oreillons-rubéole (ROR) Chez les garçons et les filles
Vaccination contre la rougeole à partir de 9 mois
pour les enfants vivant en collectivité (ou menace
épidémique), suivie d’une revaccination ROR 6 mois
plus tard
16-18 mois Diphtérie *, tétanos *, coqueluche, polio *,
Hæmophilus influenzæ b, hépatite B
(rappel)
à 6 ans ou avant Diphtérie *, tétanos *, polio *, La vaccination par le BCG doit être pratiquée
(2e rappel à 6 ans) pour l’entrée en collectivité
ROR (2e dose entre 3 et 6 ans)
BCG * (avant 6 ans)
11-13 ans Diphtérie *, tétanos *, polio * (3e rappel) Un rappel tardif est recommandé avec le vaccin
Coqueluche coqueluche acellulaire, combiné avec le 3e rappel
diphtérie-tétanos-polio
ROR Rattrapage pour les non-vaccinés
Hépatite B 3 injections pour les non-vaccinés,
rappel si vaccination dans l’enfance
BCG Les sujets aux tests tuberculiniques (IDR) **
négatifs, seront vaccinés ou revaccinés
(pas plus de 2 BCG intradermiques si l’IDR reste
négative)
16-18 ans Diphtérie *, tétanos *, polio *
(4e rappel)
Rubéole Pour les femmes non vaccinées
* Vaccins obligatoires ; ** intradermoréaction.
Remarque : le libellé du programme de l’internat indique pour la question Vaccinations : « calendrier et caractère obligatoire des vaccinations
exclus ».
immunitaire congénital ou acquis. Chez les adultes infec- risque d’exposition très élevé) et l’indication du vaccin
tés par le VIH, seule la vaccination antitétanique est recom- ROR doit être posée avec une équipe spécialisée. Ces
mandée, les vaccinations anti-poliomyélite injectable et recommandations pourront évoluer avec les progrès des
anti-diphtérie sont possibles, la vaccination anti-hépatite B thérapeutiques anti-VIH.
n’est recommandée que pour les sujets susceptibles et à Le vaccin contre la coqueluche est contre-indiqué chez les
risque, les vaccins anti-grippe et anti-pneumocoque ne sont enfants atteints d’une affection neurologique évolutive ou
pas recommandés. Il faut éviter toute vaccination si les CD4 qui ont manifesté une forte réaction dans les 48 h suivant
sont inférieurs à 200 et (ou) si la charge virale est élevée. une injection antérieure (convulsions, choc, fièvre supé-
Chez les enfants infectés par le VIH, le BCG est contre- rieure ou égale à 40 °C, syndrome des cris persistants…).
indiqué (à discuter avec l’équipe spécialisée en cas de Les vaccins contre les oreillons, la fièvre jaune, et la grippe
sont contre-indiqués chez les rares sujets ayant une aller- nir essentiellement chez le nourrisson au décours d’une
gie vraie aux protéines de l’œuf. vaccination contre la coqueluche. Il s’agit le plus souvent
Toute réaction anaphylactique après un vaccin contre- de convulsions hyperpyrétiques, d’évolution bénigne (elles
indique les injections ultérieures de ce même vaccin. Les peuvent être prévenues par une prescription systématique
maladies allergiques (asthme, eczéma…) ne contre-indi- d’antipyrétiques). Le vaccin anti-coqueluche à germes
quent pas les vaccinations, mais chez les sujets ayant une entiers est également incriminé dans la survenue d’épisodes
maladie allergique sévère, il est souhaitable de faire un test d’hypotonie-hyporéactivité évoluant sans séquelles et d’en-
préalable (injection du vaccin dilué – méthode de Mande céphalopathies (< 1 à 10 par million de vaccinations) mais
Thérond). sur ce point les données épidémiologiques sont insuffi-
Enfin, rappelons que toute stimulation immunitaire com- santes pour conclure à une relation causale entre vaccina-
porte le risque d’induire une poussée chez les patients tion et séquelles neurologiques permanentes. Bien que la
atteints de sclérose en plaques. Le risque de la vaccination vaccination contre la coqueluche ne soit pas obligatoire en
chez ces sujets doit être pesé en fonction du risque d’ex- France, les accidents sévères sont susceptibles d’être
position à l’agent infectieux. indemnisés par l’État ;
• accidents vasculaires : ils s’expriment par la survenue,
rarissime, d’un choc anaphylactique dans les minutes qui
Réactions indésirables suivent une vaccination. Cet événément peut survenir à tout
aux vaccinations âge, quel que soit l’antigène vaccinal. Cependant, il s’agit
On peut classer ces réactions vaccinales en trois groupes, le plus souvent de sujets chez lesquels on note des antécé-
en fonction de leur sévérité. dents allergiques vrais, personnels ou familiaux. En raison
de ce risque, tout vaccinateur doit disposer d’adrénaline et
1. Réactions post-vaccinales simples de corticoïdes injectables. On a pu observer, également, de
Elles sont observées couramment et restent en règle rares cas de purpura thrombopénique au décours de la vac-
bénignes. Elles se résument le plus souvent à des mani- cination contre la rubéole ou contre la rougeole ;
festations locales, inflammatoires au point d’injection du • de nombreuses pathologies rares et sévères peuvent sur-
vaccin qui cèdent en 48 heures. Un nodule au point d’in- venir, en dehors de la vaccination, aux âges correspon-
jection survient fréquemment (5 à 10 % des cas) après l’ad- dant aux injections prévues dans le calendrier vaccinal. Il
ministration des vaccins adjuvés (Tétracoq, hépatite B). est le plus souvent très difficile de décider s’il existe une
Parfois, ces réactions simples sont générales sous forme de relation causale ou s’il s’agit d’une simple coïncidence
fièvre survenant dans les heures qui suivent la vaccination entre l’apparition des premiers symptômes de la maladie
(avec les vaccins tués et en particulier le vaccin anti-coque- et un antécédent de vaccination dans les jours ou semaines
lucheux à germes entiers) ou plus tardivement (5 à 10 jours) précédents. Des méthodes épidémiologiques permettent
avec certains vaccins vivants (ROR). Dans ce dernier cas, cependant de comparer l’incidence de ces manifestations
la fièvre peut être accompagnée d’une éruption cutanée après vaccination avec l’incidence naturelle de la maladie
fugace (rougeole, rubéole). au même âge. C’est ainsi que l’on a pu disculper les vac-
cinations (diphtérie, tétanos, coqueluche, poliomyélite :
2. Incidents post-vaccinaux Tétracoq) dans la survenue de la mort subite du nourrisson
Peu fréquents, ils sont habituellement résolutifs et d’ex- ou la vaccination contre l’hépatite B dans celle d’une sclé-
pression clinique variée selon les vaccins incriminés. Citons, rose en plaques ;
par exemple, la parotidite après vaccination contre les • enfin, rappelons que tout effet indésirable grave sus-
oreillons, les arthralgies après vaccination contre la rubéole, ceptible d’être lié à une vaccination doit être déclaré au
notamment chez l’adulte (15 % des femmes adultes vacci- Centre régional de pharmacovigilance.
nées), le syndrome du cri persistant chez le nourrisson après
vaccination contre la coqueluche (probablement inférieur à
1 % des enfants vaccinés) ou les réactions locales après BCG Associations vaccinales
(ulcération prolongée) ou régionales (adénite).
3. Accidents post-vaccinaux Afin de simplifier le calendrier des vaccinations, il est inté-
ressant d’associer les vaccinations entre elles. On distingue
Il convient de faire la part entre les accidents imputables ainsi la vaccination combinée où les vaccins sont inoculés
aux vaccins et les événements survenant dans les suites avec la même seringue en un seul point d’injection [c’est
d’une vaccination, par simple coïncidence temporelle. Les le cas du ROR (rougeole-oreillons-rubéole) par exemple],
réactions vaccinales graves vraies sont devenues d’autant et la vaccination simultanée où les vaccins sont adminis-
plus exceptionnelles, si l’on respecte les contre-indications trés en même temps mais par des injections ou des voies
proposées, que l’on dispose aujourd’hui de vaccins plus d’administration différentes (par exemple, Pentacoq et anti-
purifiés et moins réactogènes que dans le passé. hépatite B, ROR et rappel de Tétracoq). Cette technique
Les accidents les plus sévères s’expriment par une symp- d’association vaccinale est indiquée lors du rattrapage d’un
tomatologie neurologique ou vasculaire : calendrier vaccinal en retard, ou lorsqu’un calendrier rapide
• accidents neurologiques : les convulsions représentent est souhaité notamment dans les pays en développement
la crainte principale du vaccinateur ; elles peuvent surve- ou en prévision d’un voyage imminent.
Cependant, une association vaccinale ne peut être recom- minées grâce aux vaccinations. D’autres comme la rou-
mandée que si elle ne nuit pas à la réponse immunitaire geole, les oreillons et la rubéole persistent encore à l’état
pour chacun des antigènes concernés tout en n’augmentant endémo-épidémique, de par l’insuffisance de la couverture
pas la fréquence ou la gravité des effets secondaires. vaccinale, alors que des objectifs d’élimination ont été fixés
Concernant les vaccinations pratiquées couramment en au niveau international.
France, aucune publication n’a mis en évidence l’aug- L’élimination est facilitée par le phénomène d’immunité
mentation des effets secondaires due à l’administration de groupe qui permet d’interrompre la transmission d’un
simultanée de plusieurs vaccins. En termes d’efficacité, agent pathogène sans atteindre une couverture vaccinale
seule l’association des vaccins contre la fièvre jaune et de 100 %. En réduisant la circulation d’un germe dans une
contre le choléra (ce dernier vaccin n’étant plus commer- population donnée, une vaccination systématique diminue
cialisé) est contre-indiquée. le risque de contamination des sujets non vaccinés. La fré-
quence de la maladie est ainsi réduite au-delà de l’effet pro-
tecteur chez les sujets vaccinés. Le niveau d’immunité
Efficacité des vaccinations nécessaire dans la population pour interrompre la trans-
Les vaccinations ont un double objectif de protection, indi- mission est d’autant plus élevé que la maladie est plus
viduelle et collective. Il s’agit d’une part, de protéger l’in- contagieuse.
dividu vacciné et d’autre part, de contrôler une maladie La plupart des vaccinations incluses dans le calendrier vac-
dans la population. cinal français du nourrisson, qu’elles soient recommandées
À ces deux objectifs correspondent deux mesures diffé- ou obligatoires, ont à la fois des effets de protection directe
rentes de l’efficacité des vaccinations : d’une part, l’éva- de la personne vaccinée et indirecte, de protection de la com-
luation de la protection clinique conférée par le vaccin au munauté. Ces effets indirects difficiles à prédire a priori jus-
sujet vacciné, d’autre part, l’évaluation de l’impact épidé- tifient le suivi de l’effet des programmes de vaccination.
miologique du programme de vaccination, c’est-à-dire sa Ce suivi est effectué en France à travers la surveillance de
capacité à réduire la morbidité et la mortalité des maladies routine des maladies transmissibles qui permet d’estimer
cibles du programme dans la population. les tendances évolutives de la morbidité des maladies cibles
d’un programme de vaccination. Elle est réalisée à travers
Évaluation de l’efficacité protectrice la déclaration obligatoire des maladies (tuberculose, diph-
clinique des vaccinations térie, tétanos et poliomyélite), des réseaux de cliniciens
Elle vise à s’assurer que le vaccin, utilisé dans des condi- (rougeole, oreillons, coqueluche et hépatite B) ou de labo-
tions de terrain, présente un taux d’échecs cliniques com- ratoires (infection rubéoleuse des femmes enceintes, com-
patibles avec ce qui est attendu. En effet, les données d’ef- plications de la rougeole, Hæmophilus influenzæ b). ■
ficacité obtenues lors des essais cliniques ne sont pas
toujours applicables pour plusieurs raisons : les vaccins Points Forts à retenir
sont testés dans des conditions idéales, l’efficacité est sou-
vent mesurée par la séroconversion qui n’est pas toujours
équivalente à la protection conférée, enfin le recul est insuf- • Les vaccinations représentent un élément majeur
fisant pour apprécier l’efficacité à long terme. La protec- de l’arsenal préventif du médecin. Bien que les
tion clinique doit donc être vérifiée par des enquêtes épi- vaccins modernes soient bien tolérés, très efficaces,
démiologiques, notamment au cours ou au décours d’une et faciles à administrer, la vaccination doit rester
épidémie. Ces enquêtes consistent à comparer l’incidence un acte pratiqué sous responsabilité médicale.
d’une maladie à prévention vaccinale (rougeole, coque- • Le programme de vaccination français constitue
luche…) chez des individus vaccinés et non vaccinés et à un enjeu de santé publique primordial, et il doit
estimer le degré de réduction de cette incidence chez les donc être soutenu et renforcé malgré la diminution
sujets vaccinés. Des méthodes d’enquêtes de cohortes ou spectaculaire de l’incidence et de la gravité des
cas témoins ont été élaborées et standardisées dans ce but. maladies transmissibles à prévention vaccinale,
car tout relâchement de ce programme
Efficacité épidémiologique entraînerait une recrudescence de la morbidité et
des programmes de vaccination des complications de ces maladies.
Les objectifs de prévention d’une maladie peuvent être plus
ou moins ambitieux. Il peut s’agir d’un objectif de contrôle :
réduction de l’incidence et de la mortalité. C’est le cas de POUR EN SAVOIR PLUS
vaccinations n’ayant qu’une efficacité partielle (BCG, Ajjan N. La vaccination. Lyon : Institut Mérieux, 6e édition, 1995.
Calendrier vaccinal 1996-97. Bull Epidemiol Hebd 1996 : 151-3.
pneumocoque) ou transitoire (grippe, méningocoque) ou Dabis F, Drucker J, Moren A. Épidémiologie d’intervention.
de vaccinations destinées uniquement à des groupes à Arnette 1992 : 449-63.
risque (ex. : typhoïde pour le personnel de laboratoire ou Guide des vaccinations. Direction générale de la Santé, Comité
technique des vaccinations. Édition 1995.
les voyageurs en zone d’endémie). Modélisation de la rougeole en France et conséquences pour l’âge
Il peut également s’agir d’objectifs plus ambitieux d’éli- d’administration de la seconde vaccination. BEH 1997 : 133-5.
Recommandations sanitaires pour les voyageurs. Bull Epidemiol
mination voire d’éradication de la maladie. En France, des Hebd 1997 : 119-22.
maladies comme la diphtérie ou la poliomyélite ont été éli-