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En ce mois de Ramadan

Une foi profonde mariée à une profonde


intelligence critique

samedi 13 septembre 2008, par Tariq Ramadan

• La plupart des enseignements religieux classiques concernant le mois de Ramadan


insistent sur les règles à respecter ainsi que sur la dimension profondément
spirituelle de ce mois de jeûne, de privation, d’adoration et de méditation.

En y réfléchissant de plus près, on s’aperçoit que le mois de Ramadan marie des


exigences apparemment contradictoires mais qui, au fond, constituent ensemble
l’univers de la foi. Méditer sur ces différentes dimensions relève de la responsabilité
de chaque conscience, de chaque femme, de chaque homme et de chacune des
communautés de foi, où qu’elle se trouve.

On ne répétera jamais assez l’importance de ce retour à soi pendant le mois du


jeûne. Le mois de Ramadan est un mois de rupture : cela est vrai dans nos sociétés
plus que partout ailleurs… au cœur des sociétés de consommation où nous sommes
habitués à l’accès facile aux biens et à l’avoir et où nous nous voyons emportés par
l’individualisme prononcé de nos quotidiens. Ce mois exige de chacun qu’elle/il
revienne au centre et au sens de sa vie. Au centre, il y a Dieu et son cœur comme le
Coran nous le rappelle « … Et sachez que [la connaissance de] Dieu se trouve entre
l’Homme et son cœur ». Au centre, chacun est appelé à renouer un dialogue avec le
Très-Haut et le Très-Rapproché... un dialogue d’intimité, de sincérité et d’amour.
Jeûner, c’est chercher… avec lucidité, avec patience, avec confiance… la justice et
la paix avec soi-même. Le mois de Ramadan est le « mois du Sens »… Pourquoi
cette vie ? Et Dieu dans ma vie ? Et ma mère et mon père… vivants ou partis déjà ?
Et mes enfants ? Et ma famille ? Et ma communauté spirituelle ? Pourquoi cet
univers et cette humanité ? Quel sens ai-je donné à mon quotidien, quel sens suis-je
capable de vivre ?

Le Prophète de l’islam (Paix et Bénédiction de Dieu sur lui) avait prévenu : « Certains
ne gagneront de leur jeûne que le fait d’avoir eu faim ou soif »… Il parlait de celles et
ceux qui jeûnent aussi mécaniquement qu’ils mangent. Ils se privent de manger avec
la même inconscience et la même légèreté qu’ils se sont habitués à consommer. En
fait, ils « consomment » le mois du jeûne et le transforment en tradition culturelle, en
mode festive, voire en mois de festins et de nuits de Ramadan. Le jeûne de l’extrême
aliénation… un jeûne à contre-"Sens" !

En même temps que, chaque année, ce mois nous invite vers ces horizons profonds
de l’introspection et du sens, il nous rappelle le sens du détail, de la précision et de la
discipline dans la pratique. Le jour précis du début du Ramadan, qu’il faut chercher
avec rigueur ; l’heure précise à laquelle il faut s’arrêter de manger avant l’aube ; la
prière « à des moments déterminés » ; l’heure précise de la rupture. À l’heure de la
méditation profonde avec Dieu et soi, on aurait pu penser qu’on pouvait se laisser
aller, que la quête de sens était tellement profonde qu’elle nous permettait de faire
l’économie des détails de l’heure et des règles. L’expérience du mois de Ramadan
nous dit exactement le contraire : pas de spiritualité profonde, pas de réelle quête du
sens sans discipline et rigueur quant à la gestion des règles à respecter et du temps
à maîtriser. Le mois de Ramadan marie la profondeur du sens et la rigoureuse
précision de la forme.

Il existe une « intelligence du jeûne » qui naît très exactement de ce mariage du fond
et de la forme : jeûner avec son corps est une école pour l’exercice de l’esprit. La
rupture qu’implique le jeûne est une invitation à une transformation et à une réforme
profonde de soi, de sa vie qui ne peut se réaliser que par une rigoureuse
introspection intellectuelle (murâqaba). Pour réaliser l’ultime but du jeûne, même
après le mois de Ramadan, la foi requiert un esprit exigeant, lucide, sincère, honnête
et capable d’une saine autocritique. Chacun doit en être capable pour soi, devant
Dieu, dans sa solitude comme dans son engagement parmi les êtres humains. Il
s’agit en somme de maîtriser ses émotions, de se regarder en face et de prendre les
décisions qui conviennent dans la transformation de son être et de sa vie afin de se
rapprocher du Centre et du Sens.

Les musulmans d’aujourd’hui ont plus que jamais besoin de renouer avec cette école
de la spiritualité profonde et de l’exercice de l’intelligence rigoureuse et critique.
Particulièrement en Occident. À l’heure où la peur s’installe, où la suspicion se
généralise, où les musulmans sont tentés par l’obsession d’avoir à se défendre et à
s’innocenter, le mois de Ramadan les rappelle à leur dignité autant qu’à leurs
responsabilités. Il est urgent qu’ils apprennent à maîtriser leurs émotions, qu’ils
dépassent leurs craintes et leurs doutes et qu’ils reviennent à l’essentiel avec
confiance et assurance. Il est impératif également qu’ils s’imposent la rigueur et
l’honnêteté quant à l’évaluation de leur manière d’agir individuellement et
collectivement : l’introspection collective et l’autocritique sont impératives dans toute
démarche de transformation des communautés et des sociétés musulmanes.

Au lieu de blâmer « ceux qui dominent », « l’Autre », « l’Occident », etc., il convient


de faire sien l’enseignement du mois de Ramadan : vous êtes, au fond, ce que vous
faites de vous-mêmes. Que faisons-nous de nous-mêmes aujourd’hui ? Quelle est
notre contribution dans les domaines de l’éducation, de la liberté, de la justice
sociale, dans la promotion de la dignité des femmes et des enfants ou encore de la
protection des droits des pauvres et des marginalisés ? Qu’offrons-nous comme
exemples de spiritualité profonde, intelligente et active ? Qu’avons-nous fait de notre
message universel de justice et de paix ? Qu’avons-nous fait de notre message de
responsabilité, de fraternité humaine et d’amour ? Toutes ces questions dans notre
cœur, en nos esprits… et une seule réponse inspirée du Coran et nourrie par
l’expérience du Ramadan : Dieu ne changera rien si tu ne changes rien.

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