2. L’édifice de la Politique Agricole Commune et son application dans les Etats Membres
se sont bâtis progressivement par ajouts successifs de réglementations et de mesures.
A l’origine, celles-ci s’emboîtaient parfaitement les unes avec les autres, ce qui
donnait une cohérence à l’ensemble. Au fil des années et, en particulier, depuis la
réforme de 1992, des fissures apparaissent ici ou là dans l’édifice et le rendent
inopérant progressivement tout en alourdissant la gestion administrative des
entreprises agricoles. Les objectifs affichés et les pratiques deviennent incohérents :
on veut de la préférence communautaire et on achète du blé en Ukraine ! On veut
assurer un niveau de vie équitable pour les agriculteurs et on les accuse d’une
entente, ouvrant par là une nouvelle remise en cause des interprofessions. On veut
laisser jouer le marché du blé, mais quand le prix mondial est supérieur au prix
européen, on taxe les exportations.
3. Bref, alors que l’on va élargir l’Union Européenne, il est urgent de redonner des
perspectives et de la cohérence à la Politique Agricole Commune en la réformant en
profondeur et en lui donnant un nouveau souffle. Si le choix du calendrier appartient
aux politiques, une telle réforme ne doit pas se faire dans la précipitation. Elle doit
être précédée d’une déclaration politique claire sur le rôle et la place que doit
occuper l’agriculture dans l’économie de l’Union Européenne. Cet aspect politique
semble aujourd’hui marquer le pas au profit de discussions techniques sur tel ou tel
mécanisme. Cette situation est préjudiciable pour l’avenir du secteur agricole car il
s’agit bien là de l’essentiel.
4. A cette vision politique, il conviendrait d’y associer les Pays d’Europe Centrale et
Orientale (PECO). Comment en effet adopter un projet qui engage sur le moyen long
terme sans y faire adhérer ceux qui en seront les acteurs. Faire des PECO les
spectateurs de la réforme, c’est créer à terme des sources de frustration
génératrices potentielles de remise en cause profonde d’options qui aujourd’hui sont
partagées par une large majorité des 15 comme par exemple les quotas laitiers.
7. Dans cette perspective, le budget agricole a été fixé jusqu’en 2013, c’est une bonne
chose. Toutefois la répartition des dépenses au sein de celui-ci reste à déterminer
pour la période 2006 – 2013. En tout état de cause, les dépenses agricoles doivent
garder leur caractère obligatoire. Il faut se garder d’affecter ces crédits à des actions
non agricoles comme le développement des territoires ruraux. Les demandes de la
Société en matière d’environnement ou de bien être animal auront un coût qu’il ne
faut pas non plus sous-estimer.
10. Si découplage il y a cependant, il ne pourra être que partiel. Les primes seront à
rattacher au sol, seule possibilité dans ce cas de simplifier leur gestion et leur
transmission, même si ce système crée une rente sur le foncier. Les primes devront
bénéficier à l’exploitant. Elles pourront être soumises à des conditions de versement
déterminés en fonction des attentes de la Société : préservation de l’environnement,
des paysages, biodiversité… Il s’agit là du meilleur moyen de justifier et d’expliquer
le versement des primes. Les critères de conditionnalité des aides mériteront une
attention particulière et devront être les plus simples possibles. En effet, ces
obligations ont des coûts. Il ne s’agira pas avec ce principe de reporter sur des pays
qui ne les reconnaissent pas, pays en développement ou réputés comme tels, des
pollutions que notre Société refuse.
12. Dans le même temps la gestion des risques agricoles doit devenir une composante à
part entière de la Politique Agricole Commune. Des outils de gestion des risques sont
à développer comme de nouveaux contrats d’assurance, ou des mécanismes comme
le Plan Epargne Risque, proposé par la SAF-agriculteurs de France. Les marchés à
terme et marchés d’options sont aussi à développer. S’ils ne constituent pas des filets
de sécurité, ils permettent de mieux gérer le risque « prix ». La formation jouera ici
un rôle déterminant.
14. Immanquablement les années à venir seront des années de transition vers un nouveau
positionnement du secteur agricole. Comme toute période de transition elle
s’accompagnera d’une réorientation de bon nombre d’entreprises. Aussi faudra-t-il
prendre, tant à l’échelle européenne qu’à l’échelle nationale, les moyens
d’accompagner ce repositionnement.
15. Refuser tout changement de Politique Agricole, c’est subir, c’est accepter sans le dire
une restructuration silencieuse avec son cortège de drames humains. Proposer une
nouvelle PAC en amendant et en modifiant la proposition de la Commission
Européenne c’est être acteur de son destin, c’est prendre en charge son avenir, c’est
se donner le maximum de chances de réussite pour tous, quelles que puissent être les
stratégies individuelles développées.