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Archipel des Bijagos, Septembre

2003

Chers tous,

Bubaque est notre base située au centre de


l’archipel. A partir du mouillage des
Dauphins, nous découvrons les îles l’une
après l’autre et revenons sur Bubaque entre
deux explorations pour faire le plein d’eau
et de nourriture.

L’île la plus proche de Bubaque qui nous


intéresse est Angourouma. A peine 3h de
route, en faisant un grand tour pour éviter
les hauts fonds qui menacent même à
marrée haute.
Le parcours en ligne droite ferait à peine 5
milles, mais la route sinueuse obligatoire
nous impose une quinzaine de milles.
Arrivés à Angourouma, Armen est déjà là
mais il occupe ce qui nous paraît être le
seul mouillage possible. La marrée est déjà
haute, l’endroit est agité, mal protégé et le
temps semble se dégrader. Retour à
Bubaque et nous reviendrons demain à
marée basse pour mieux juger du profil des
fonds.
Le lendemain nous nous rendrons compte
qu’il n’existe qu’une seule bande d’eau
profonde autour de l’île, et nous mouillons à
une centaine de mètres d’Armen qui nous
accueille enthousiasmé par la beauté
d’Angourouma.
Décrire Angourouma est assez facile, il
suffit d’imaginer un bouquet de forêt
tropicale, aux arbres immenses, bordé de
rochers sombres et de sable blanc. En
saison des pluies, la luminosité et la
visibilité sont telles que des îles éloignées
de plus de 10 milles semblent être à portée
de main. Les couleurs sont intenses et
varient avec l’état du ciel où les cohortes de
nuages gris laissent rapidement la place à
un soleil éclatant. Avec les marées le
paysage aussi change constamment. A
marée basse, les hauts fonds et les bancs
de sable se révèlent et notre îlot semble
émerger d’un désert de sable blond.
Nous nous retrouvons alors mouillés dans
un étroit chenal d’1.50m d’eau, enfin
l’ancre car Tchao est échoué sur un banc de
sable. Nous craignons de voir le bateau se
coucher et nous allons vite porter une ancre
au milieu du chenal en eau profonde pour le
retenir par le travers. Malheureusement
nous perdrons cette CQR dans un fort
clapot ( bout sectionné et pas d’orin ! ! !).
Le capital mouillage de Tchao
s’amenuise ! ! !

Balade à terre : à part les oiseaux, il semble


y avoir peu de vie, le coin est vraiment
désert. Nous découvrons une mine d’huîtres
sauvages implantées sur les roches. Elles
sont délicieuses, elles ont le goût des
Claires de Marennes. Nous en faisons une

ventrée. La plage regorge de coques, et les


limicoles ne sont pas les seuls à s’en
régaler car nous en ferons de magnifiques
spaghettis « con vongole ». Le soir, les
grands baobabs verdoyants du bord de la
plage sont le refuge de nuées de pélicans.

Un matin, un groupe d’homme sortis d’on


ne sait où, s’agitent sur la plage et nous
appellent à grands cris. Jean-François va
aux nouvelles, il s’agit de voyageurs qui
moteur en panne, ont vu leur petite pirogue
dérivée sur l’île. Jean-François croit
comprendre qu’ils n’ont plus rien à boire et
à manger et entreprend d’accueillir tout ce
petit monde. Les voyageurs ramènent leur
pirogue et leur moteur du côté de notre
mouillage et se construisent une cabane sur
la plage pour passer la nuit. Ils nous
demandent de les remorquer. Sortis de
l’âge de pierre et tombés dans la
civilisation du Yamaha, ils ne savent bien
entendu pas réparer leur moteur. Nous
organisons donc un cours de mécanique sur
la plage. Le moteur est réparé, mais la
pirogue est surchargée : « Air Bissau » est
une toute petite pirogue de transport inter
îles, remplie à raz bord de matériels
hétéroclites et de 5 personnes. Avec Armen,
nous pensons qu’il n’est pas raisonnable de
laisser partir cette petite pirogue, Jean-
François prend 3 personnes à bord et
remorque le reste de l’équipage. Et nous
voilà partis avec eux en direction de Uno,
au sud ouest d’Angourouma.

N’ayant pas de cartes détaillées, nous


comptons sur le capitaine de la pirogue
pour nous guider. Erreur ! ! ! Car ces gens là
naviguent à vue et sans tenir compte des
hauts-fonds.
Ainsi nous voyons Armen s’éloigner dans
une direction où nous savons qu’il y a des
bancs de sable partout. Ces marins, comme
tous les bijagos, n’ont ni la notion de
distance, ni celle du temps. Impossible de
leur faire dire si l’arrivée est proche ou
lointaine ou combien il faut de temps pour
rejoindre leur campement. Ils ne savent pas
lire sur une carte, et sont incapables de
nous montrer notre destination. Nous
pensions arriver vers midi au port de Uno
par un chenal balisé, en fait nous
atterrissons à la tombée de la nuit au sud-
ouest de l’île dans un mouillage impossible,
ouvert à tous les vents et à une forte houle
avec juste assez d’eau (1.80m). A peine
mouillés, le capitaine « D’Air Bissau »
débarque le matériel, stocké sur Armen et
s’en va laissant à Jean-François et Karin
trois passagers qui seront contraints de
passer la nuit à bord. Au cours d’une petite
accalmie vers 2h du matin, je suggère à
Armen de débarquer au plus tôt ses
encombrants passagers et je prends
l’annexe de Tchao pour faire le transfert.
A 8h du matin le temps nous paraît assez
calme pour visiter les lieux. Il s’agit d’un
des innombrables camps de pêcheurs
guinéens (de Conakry) ou sénégalais qui
fleurissent dans les bijagos. « Nos »
naufragés nous accueillent avec chaleur,
nous font visiter le village, et nous offrent
poulet, citron, tomate. Les pêcheurs sur la
plage nous donnent un maquereau bonite .
Nous regagnons nos bateaux et prenons le
large vers Orango. Hors de question de
passer une nuit de plus part ici ! ! !

Après une heure de navigation, nous


arrivons à l’approche du mouillage
d’Orango. Pour être à l’abri, il nous faut
pénétrer à l’intérieur d’un bolon dont
l’entrée est défendue par un banc de sable
où se brise la houle. Nous mouillons d’abord
à l’extérieur et Armen explore la passe en
annexe plomb de sonde à la main. Il pénètre
dans le bolon avec seulement 20cm d’eau
sous la quille. Nous patientons un peu mais
pas assez. Nous avançons surtout trop
doucement et un violent courant traversier
nous déporte sournoisement. Quand nous
nous en rendons compte c’est déjà trop
tard, nous sommes sur le banc de sable où
se brise une houle de plus de 1.50m.
Chaque vague nous soulève les fesses.
Moteur à fond, nous avançons certes à
chaque vague mais très vite nous nous
apercevons que nous nous déplaçons en
crabe, toujours plus à l’intérieur du banc. Il
faut trouver une autre solution. Tout va très
vite. Anne est terrorisée par le bruit
infernal que Tchao fait en tapant sur le
sable. Je décide de porter une ancre au plus
loin à l’avant et de me déhaler dessus au
guindeau. Jean-françois vient avec son
annexe. Heureusement que nous sommes
trois à faire la manœuvre. Anne au
guindeau, Jean-françois pilotant son
annexe, je récupère le maximum de chaîne
dans le dinghy et nous nous éloignons pour
planter la CQR de 35kg.
La marée est montante. Anne reprend la
chaîne au guindeau. Comble de malheur, la
chaîne glisse. Je remonte sur Tchao qui
repart en crabe sur le banc. Je réussis à
maintenir la chaîne dans le barbotin du
guindeau. Anne reprend tout doucement le
mouillage et petit à petit Tchao se décide
enfin à partir dans le bon sens, moteur à
fond, poussé par les vagues, tiré par le
guindeau. Tchao se dégage, en une dizaine
de mètres nous sommes hors de danger, en
eaux calmes, ouf ! ! ! Nous avons passé le
brisant.
Remis de nos émotions, nous mouillons
dans le bolon par 4m de fond en eau
parfaitement calmes et protégées. Une
rapide inspection des fonds nous rassure :
pas de dégâts.

Le lieu semble désert. Sur la carte satellite


figure cependant trois villages : Etiopa,
Eticoga et Anor. Au petit matin, un homme
est sur la plage, nous allons à sa rencontre,
c’est Eduardo qui pêche à l’épervier. Il nous
propose de nous guider jusqu’à Etiopa et
nous voilà partis machette en main prêt à
combattre serpents et monstres locaux, à
travers savanes, marais et forêt tropicale. A
la saison des pluies, le sol est inondé et
nous avançons avec de l’eau jusqu’aux
genoux. Nous sommes en chaussures de
marche mais Eduardo va devant pieds nus
ce qui nous rassure sur les risques de
morsures ou de piqûres d’animaux
inconnus.
Etiopa est un tout petit village qui n’est
occupé que lors du travail de l’arachide et
du riz. Là se trouvent quelques cases
rudimentaires inhabitées. Parmi elles une
case un peu spéciale, envahie de vieux
bidons d’essence recyclée, dégage une
odeur forte. C’est une distillerie sauvage de
pommes cajous. Ces fruits donnent un
alcool appelé localement sum-sum qui titre
facilement 60-70° et dont s’abreuvent sans
compter les bijagos lors de leurs libations.
Eduardo nous en offrira une bouteille
affreusement imbuvable.
Dans un champ d’arachides un paysan est
au travail. Muni d’une pelle rudimentaire, il
creuse des sillons parfaits. Nous ne
pouvons résister à prendre en photo son
corps musclé luisant de sueur.
Les champs sont couverts d’un duvet vers
tendre. Le riz a déjà deux mois et sera
récolté en décembre. Il est cultivé sur
brûlis, c’est une espèce locale bien adapté
au milieu. Les Américains ne sont pas
encore arrivés ici avec leur semence
transgénique ! Les champs sont de gestion
collective et mobilisent tout le village. Les
labours sont faits par les hommes, les
plantations par les femmes, lorsque les
premiers grains de riz apparaissent les
enfants montent la garde avec leur fronde,
chassant à coups de pierre les nuées de
tisserands qui viennent grappiller.
La récolte est le fait de tous. Tous les trois
ou cinq ans, les bijagos abandonnent leurs
champs et défrichent à la machette une
autre partie de forêt vierge, parfois même

sur une autre île. Tout le village se déplace


alors pendant la saison de culture, sur cet
autre lieu pour revenir au village source,
une fois le riz récolté.

Eduardo va donc endosser le statut de


guide officiel de Tchao et d’Armen. Il sait où
vivent les hippopotames. Nous organisons
donc une expédition. Il nous faut
auparavant aller à Eticoga, la capitale de
l’île où se trouve Honorio, responsable de la
gestion du parc naturel.
Eticoga est le village principal. Honorio,
rare bijagos parlant français, nous reçoit
dans la case des palabres. Pour éviter tout
bakchich, nous insistons sur le fait que nous
ne sommes pas des touristes, mais des
voyageurs. De plus nous détenons la carte
de résident en Guinée-Bissau. Jean-François
a la bonne idée de lui signaler sa nationalité
suisse, et c’est la Suisse qui finance la
réserve naturelle. Ainsi ces arguments nous
permettent de nous en sortir sans rien
payer des 100.000CFA réclamés au départ
par notre guide. Il faut dire que 100.000cfa
représentent trois mois de salaire local et
que n’importe quel habitant d’Eticoga
mettrait plusieurs années pour faire un tel
pécule. Eduardo nous a demandé cette
somme sans savoir ce qu’elle représente.
Car comme tout bijagos il n’a aucune notion
de chiffre, de distance ou de temps.
L’économie des îles reculées est basée sur
le troc et l’argent ne représente ici pas
grand chose de concret.
Honorio nous demandera seulement
d’apporter au chef du village d’Anor où se
trouve l’habitat des hippos, du tabac et de
la cana, alcool de canne à sucre. Il faut
préciser que dans les villages bijagos, toute
action, un tant soit peu inhabituelle, doit
être précédée d’une cérémonie. La
cérémonie honore l’Iran, esprit et dieu des
Bijagos. L’Iran est responsable de tout, que
se soit en bien ou en mal c’est toujours
l’Iran le responsable. L’Iran est adoré et
craint. C’est aussi une excuse facile pour
les bijagos, quand quelque chose ne va pas
bien, c’est l’Iran, quand quelque chose va
bien, c’est l’Iran. Pour s’attirer la
bienveillance de l’Iran, la cérémonie
consiste à s’asseoir en rond, autour d’une
figurine en bois représentant l’esprit. Le
chef du village, après avoir versé un peu de
cana sur la figurine, applique une petite
tape amicale sur la tête de l’Iran, et fait
passer le cana à tous les participants qui
s’abreuvent copieusement. Plus il y a de
cana, plus l’Iran est content.

Donc le jour choisi, nous voilà parti avec


Eduardo, en direction d’Anor, une dizaine de
kilomètres à pied dans les marécages, de
l’eau jusqu’aux genoux. La forêt tropicale,
à la saison des pluie, grouille de
vie :oiseaux, tortues terrestres. Des milliers
d’alevins frétillent dans les moindres
flaques qui jalonnent la route .
Contrairement à Eticoga qui est une
capitale tristounette, le petit village d’Anor
est très vivant. L’activité est intense. Les
femmes sont au travail, certaines font
l’huile de palme, d’autres trient le riz, une
autre la vannerie enfin une dernière anime
un atelier de pagne.

Pour notre expédition le chef du village


n’est pas satisfait , nous n’avons amené
qu’une seule bouteille de cana et un seul
rouleau de tabac. Néanmoins, après
palabres habituelles sous le manguier
sacré, tout rentre dans l’ordre.
Le chef du village nous désigne un
accompagnateur pour aller voir les hippos
qui se trouvent dans un magnifique étang
couvert de fleurs, et habité d’innombrables

colonies d’oiseaux. Mais pas un seul hippo


en vue. Notre guide se met soudain à
frapper sur sa lance avec sa machette. Le
bruit métallique résonne sur la surface de
l’étang. Très vite nous entendons des
souffles et des grognements dans les
fourrés. Le guide ne cesse de sonner. Petit à
petit les fourrés s’agitent et les hippos
apparaissent. Douze
hippopotames énormes forment ce
troupeau à l’apparence placide. Le
spectacle est époustouflant, l’émotion
intense. Nous sommes récompensés de nos
efforts. Nous restons un long moment à
contempler les animaux évoluer, puis sans
vouloir déranger plus longtemps cette
nature, nous reprenons le chemin vers nos
bateaux.

Au mouillage, le matin les singes sur la


plage nous observent et semblent nous
souhaiter le bonjour. Nous passons de
nombreuses journées à explorer les
alentours, à pied et en annexe, à pêcher le
requin sur la plage au surf casting, et à
glaner des souvenirs dans le sable. Ainsi
nous trouvons des ossements d’une
baleine. Nous emportons deux énormes
vertèbres. Malheureusement ces pièces
sont trop grosses pour être conservées sur
Tchao, elles feront d’excellents présents
pour l’équipe des Dauphin et pour le grand
Gilles.

Orango est un condensé des attraits des


Bijagos. Seul l’épuisement en fruits et en
légumes nous oblige à prendre la route vers
Bubaque, et nous souhaitons au passage le
bonjour aux brisants où nous nous sommes
échoués.
Après avitaillement nous quittons Bubaque
pour Joao Vieira à l’extrême sud de
l’archipel.

6h de navigation sépare Bubaque de Joao


Viera à condition de bien utiliser les
courants de marées qui sont complexes.
Vers 5h de l’après-midi, nous arrivons, au
campement de Claude Bossard marin breton
marié à Marie, une plantureuse sénégalaise.
Au départ spécialisée dans la pêche aux
requins pour le commerce des ailerons,
l’activité de Claude s’oriente maintenant
vers le tourisme écologique depuis
l’interdiction de la pêche industrielle dans
la réserve naturelle de Guinée-Bissau, au
cœur de laquelle se trouve l’île de Joao
Viera.
L’endroit est très isolé et les moyens de
communications et de transports sont
inexistants. Il faut 4h de pirogue pour aller
de Bissau à Bubaque et encore 2h de
pirogue pour aller de Bubaque à Joao Viera.
Au tant dire que les clients sont rares et
que les quatre cases du campement de
pêche « Tiline » restent le plus souvent
inoccupées. Claude et sa petite famille
végètent et il est souvent difficile de
joindre les deux bouts.
Aussi Claude est ravi de nous voir arrivés,
même si nous ne sommes pas de véritables
clients. Il nous accueille chaleureusement et
a prévu de sacrifier un petit cochon pour

notre repas qui correspond à l’anniversaire


de ses deux enfants, Marine 2ans et Teddy
6ans.

Nous nous sentons vite ici comme chez


nous. Claude ne veut plus nous lâcher, il
nous amène tous les jours à la pêche et
nous apprenons enfin correctement à
pêcher aux Bijagos.
Les horaires de pêche, les lieux, les
conditions de mer et de vent, les marées,
tout est important pour assurer le succès
de l’entreprise. Nous faisons des pêches
miraculeuses. En moins d’une heure, la
pirogue est remplie de poissons énormes et
délicieux.
Mais là où le bas blesse c’est que Claude ne
dispose d’aucun moyen pour écouler sa
pêche. Le prix du poisson est ici inférieur au
coût du transport. Une seule espèce
l’intéresse : l’otolithe ou fausse morue. Il
fait sécher la chair et la revend à Bubaque.
Il fait sécher aussi les estomacs, vendus aux
japonais qui fabriquent avec des leurres
très prisés pour la pêche à la traîne. Les
autres espèces de poissons (carangue,
maquereau-bonite, dorade, carpe rouge,
mussolini, baracouda…), pourtant
succulentes, sont gaspillées et rejetées à la
mer. Nous nous régalerons quand même de
tous ces poissons. Cependant ces parties
de pêche nous laisseront une arrière goût
amer de gaspillage… Claude lui-même est
désolé mais il a absolument besoin de ces
otolithes qui sont sa seule et maigre source
de revenus. Toutefois il pêche dans des
zones très peu exploitées, de manière très
artisanale et la faune a largement le temps
de se renouveler.
La petite plage devant le campement est
très abritée, protégée par des barres de
rochers. Claude a balisé un chenal qui nous
permet de mouiller tout près de la plage où
les bateaux sont à sec à marée basse. Tchao
et Armen ont droit à un bon nettoyage de
coque et se trouvent allégés de quelques
bonnes dizaines de kilos de barbe verte et
de coquillages.

Claude, avec sa pirogue rapide nous


propose de nous amener visiter l’île de
Canhabaque. L’île abrite les populations les
plus rustiques des Bijagos. La faune y est
très riche. Beaucoup de singes, d’oiseaux,
de reptiles et surtout deux espèces
d’antilopes : céphalope bleu et Guib
harnaché. Le Breton aussi chasseur que
pêcheur compte bien mettre une antilope
sur notre table à l’honneur de notre menu
du soir.
Ménèque, que nous visitons est vraiment un
village bijagos typique. Les murs des cases
sont peintes de très belles peintures
rustiques. Malheureusement le village est
sale, l’hygiène est déplorable. Les enfants
grouillent. L’état de santé de la population
est mauvais. De nombreuses personnes
sont atteintes d’Eléphantiasis. Jocelyn a la
surprise de retrouver un petit bébé qu’il a
soigné à l’hôpital de Bubaque qui avait le
crâne enfoncé par une manœuvre
malheureuse de la matrone. Il le croyait
perdu et le retrouve en pleine santé. Les
parents sont ravis, ainsi que le capitaine. Il
reprend du service mais nous sommes très
vite submergés par les demandes de la
population. Nous avons un sentiment de
claustrophobie. Nous ressentons un besoin
impérieux de vite prendre une bonne
douche et de prendre l’air du large.
Claude a confié deux cartouches a un
bijagos qui ramène un singe et un
céphalope bleu. Nous n’emporterons que
l’antilope. L’idée de manger du singe nous
répugne. L’antilope servie le soir même, en
civet, sera délicieuse.

Joao Vieira est un bon tremplin pour se


rendre à Poilao à quelques milles au sud-
ouest. Poilao est une île sacrée inhabitée.
En cette saison, les tortues viennent y
pondre en masse. Nous sommes impatients
d’assister à ce spectacle que nous avons
maintes fois vu dans des reportages.
Le dinghy est à l’eau dès notre arrivée, la
plage semble avoir été labourée par une
horde de chars d’assaut. Un énorme varan
surpris par notre intrusion s’enfonce
rapidement dans les feuillages. En plein
jour, pas de tortues sur la plage. Par contre,
dans la mer aux alentours, nous voyons
quelques têtes sortir de l’eau. Pas de doute,
ces dames patientent pour venir pondre à la
nuit. Parfois une gerbe d’écume anime les
flots, c’est un accouplement.
Sur la plage de nombreux oiseaux piétinent
et dans les arbres les vautours palmistes
sont à l’affût d’une éclosion pour se remplir
l’estomac.
Soudain, les vautours palmistes s’animent,
plongent vers le sable quelques centaines
de mètres plus loin alors que nous sommes
en train de barboter. Nous nous précipitons
machettes en main (on ne sait jamais), mais
nous arrivons trop tard, nous ne sauvons
que cinq petites tortues minuscules, les
vautours nous regardent d’un seul œil ! ! !
A la tombée de la nuit, nous sommes sur la
plage pour observer notre première ponte.
Une énorme tortue émerge et se dirige
péniblement vers le fond de la plage, à la
limite de la forêt.
Par je ne sais quel mystère, elle choisit un
emplacement. Elle creuse patiemment et
méthodiquement un trou à sa taille avec ses
pattes avant. Au fond de ce grand trou elle
creuse avec ses pattes arrières un petit
trou très profond parfaitement excentré
dans lequel elle dépose ses œufs dans un
effort émouvant. La ponte finie, elle
rebouche soigneusement les trous et
camoufle astucieusement l’entrée du nid.
A note grande surprise, au lieu de repartir
vers la mer, elle s’en va quelques dizaines
de mètres plus loin pour creuser un autre
trou : les tortues ont donc bien compris
qu’il ne faut jamais mettre tous ses œufs
dans le même panier ! Nous ne la
dérangerons plus et nous allons faire un
petit feu sur la plage et boire un bière bien
fraîche pour fêter cet événement tant
attendu.

Le lendemain nous assistons au spectacle


surprenant de l’éclosion d’un nid. Au

départ, on repère une petite tête de tortue


qui sort du sable. Puis quelques tortues
apparaissent mais semblent inanimées.
Nous les poussons du doigt, elles restent
sans réaction. Nous sommes un peu
inquiets sur leur santé, (surtout le toubib! ),
puis soudain ça bouge vraiment et un
véritable geyser de petites tortues
minuscules s’échappent du sable et se
dirigent instinctivement vers la grève. La
première vague les repousse, entêtées,
elles replongent et s’éloignent vers leur
prochaines épreuves. Cette couvée a eu de
la chance. Les vautours sont restés sur leur
faim ainsi que les autres oiseaux et hordes
de milliers de crabes, tenus à distance par
notre présence. Mais nous savons que dans
les flots, l’armée des carangues est à
l’affût.

Nous restons quelques jours dans ce


mouillage de Poilao. L’eau est très
poissonneuse. Nous mettons en service le
petit bout de filet trouvé dans le Saloum. En
à peine deux heures le filet est plein de
poissons. Il faut le retirer promptement.
L’eau est si chaude (30/31°), que le poisson,
une fois mort, se gâte instantanément et
devient immangeable.
Le mouillage est très rouleur, à marée
haute. Le temps tourne, nous retournons à
Bubaque faire les courses avant d’aller nous
mettre au vert dans les bolons
d’Orangozinho.

Orangozinho fait partie d’un groupe de trois


grandes îles principales. Nous connaissons
déjà Orango et nous nous faisons le plaisir
d’aller explorer sa petite sœur. Pas facile le
chemin d’Orangozinho, toujours les mêmes
problèmes de courant, de banc de sable, et
une passe en double S difficile à négocier
avec notre char d’assaut en quille longue. Il
nous faudrait de la vitesse pour ne pas se
faire prendre par les courants, en même
temps il nous faudrait avancer tout
doucement pour ne pas se planter dans un
banc de sable. Sans ses dérives le bateau
vire mal. La solution c’est de rentrer dans
les passes contre le courant de marée de
manière à avoir une vitesse relative sur
l’eau élevée et une vitesse basse sur le
fond. De plus cela permet d’être
rapidement dégager en cas d’échouage.
Malheureusement nous arrivons avec le
courant de marée et bien entendu nous
nous offrons non pas un banc de sable mais
de boue très meuble où Tchao s’enfonce
comme un coin et prend ses aises.
Impossible de se tirer de là, l’eau descend
rapidement. Nous nous trouvons presque à
sec alors qu’à moins de un mètre du
bateau, il y a quatre mètres d’eau. Armen
est arrivé la veille, il a bien passé le chenal
et se trouve mouillé à deux milles à
l’intérieur de l’île. Nous voyons le bout de
son mât émergé des bancs de sable. Un
petit coucou à la VHF : nous le tenons au
courant de notre infortune et nous décidons
d’attendre la marée haute. Profitant de sa
trace gps, il viendra nous chercher à la nuit
tombée et nous guide jusqu’au mouillage.

Orangozinho est un havre de paix. Pas le


moindre clapot, mouillage facile partout.
Cela ressemble un peu aux bolons de

Casamance avec en plus par place des


palmeraies qui marquent souvent les
villages.

Nous nous enfonçons dans la mangrove


vers le village de Uassa. Pour y accéder, il
faut prendre l’annexe et s’infiltrer au
feeling entre les palétuviers jusqu’à trouver
un emplacement qui semble être un
débarcadère. Un petit chemin serpente
dans les broussailles. Nous sommes sur nos
gardes car de nombreuses traces fraîches
d’hippopotames défoncent le terrain. Le
sentier s’élargit franchement, et nous voilà
dans un champs d’anacardiers, qui s’étend
jusqu’aux premières cases. Le village est
presque désert. Les quelques vieillards qui
somnolent sont tout étonnés de notre
apparition. Nous sommes pratiquement les
seuls blancs à avoir mis les pieds ici.
Le village est très propre, impeccablement
rangé. Très vite un homme jeune vient à
notre rencontre souriant et détendu. C’est
le fils du chef du village. Il nous explique
que tous les habitants sont au champ, seuls
restent les vieillards et Rébecca une
magnifique petite fille malade. Elle
présente tous les symptômes du palu et en
plus certainement d’une amibiase.
D’ailleurs d’autres personnes viendront
plus tard atteintes d’amibiase.
Malheureusement je n’ai pas les
médicaments adaptés. Je ne peux que
prescrire une ordonnance que les villageois
iront chercher à l’hôpital de Bubaque.
Avec Armen nous allons examiner le puits,
celui-ci est particulièrement bien fait et
entretenu. Je conseille au chef d’interdire
aux villageois de boire l’eau des ruisseaux.
Celle-ci doit être certainement la cause de
cette parasitose générale, d’autant plus
que de nombreux animaux : cochons,
bovins, volailles, caprins, vaguent en
liberté.
Nous avons droit à une visite guidée des
champs de haricots parfaitement cultivés.
L’organisation et la propreté de ce village
sont tout à fait exceptionnelles. Il y a même
des plantations de toutes sortes d’arbres
fruitiers : manguiers, papayers, bananiers,
corossol… Nous achetons des œufs, et on
nous offre un poulet.
Chose remarquable, c’est bien le premier
village Bijagos où on nous offre quelque
chose et où on ne nous demande rien. Ravis
de notre visite nous prenons le chemin du
retour en promettant de revenir le
lendemain amener des médicaments et des
vêtements.

Dans la mangrove d’Orangozinho, la pêche


est prolifique. Il suffit de prendre l’annexe
et de traîner quelques minutes au raz des
palétuviers pour capturer d’énormes
barracudas pouvant atteindre 14kg. Pas de

problème pour notre stock de protéines et


le choix des menus : barracudas en sushi,
barra en barbecue, barra en papillote, barra
à la sauce beurre citron, barra à…

La faune est très riche : martins pêcheur, de


martins chasseur, oie d’Egypte, aigrettes,
courlis, héron Goliath, hérons pourprés…
Le soir, une mangouste des marais pris
l’habitude de venir à marée basse, se
remplir le ventre de coques, les
décortiquant de ses petites « mains » avec
des gestes presque humains. La faune peu
sauvage, se laisse facilement approcher.
Orangozinho nous laissera un souvenir ému
de nature vierge, et le sentiment d’une
profonde sérénité. Seule l’imminence de la
grande traversée vers le brésil nous
arrachera à ce lieu envoûtant.
Il nous faut regagner Bubaque pour un
carénage approfondi, prendre la pirogue
pour Bissau, remplir la cambuse, consulter
notre courrier électronique abandonné
depuis quelques mois.

A bientôt, Anne et Jocelyn

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