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Loi n° 49-956 du 16 juillet 1949
sur les publications destinées à la jeunesse
EDITIONS DU FUTUR ©
ISBN : 978-2-36148-003-5
« Toute reproduction intégrale ou partielle fait de quelque procédé que ce soit sans le consentement
de l’auteur est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par la loi. »
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ECOLE PRIMAIRE INTERNATIONAL DE KEURAMDOR
74999 ANNECY CEDEX
Le 06 juillet 2008
Chers enfants,
Noèse O’Connor
Directrice
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Lettres de France :
Benjamin
Alice
Lettre du Koweït :
Mon père est très, très riche, il a des puits de pétrole par-
tout dans le pays. Chez moi, il fait très chaud et j’ai
une très grande voiture à moi avec un chauffeur. J’ai
trente dromadaires et deux avions. Je fais de
l’ordinateur, j’ai un téléphone, j’ai tout ce que je veux,
mais je n’ai pas d’étoile dans mon jardin. Mon père m’a
dit qu’il ne pourrait jamais m’en acheter une, même
avec tout l’argent du monde. Quand tu es venue dans
mon palais, j’ai tout de suite compris que toi, tu pour-
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rais m’en donner une, alors, je veux bien aller dans ton
école pour que tu m’apprennes.
Abdel
Lettres de Chine :
Lettres du Maroc :
Lettres de Russie :
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cosmonaute, j’aimerais visiter d’autres planètes,
d’autres étoiles mais mon père me dit que nous ne pou-
vons pas aller plus loin que la Lune ou Mars. Je ne veux
pas rester là, je veux partir très loin, très, très loin.
Lorsque j’ai vu les deux dames, elles m’ont dit que le
voyage que je ferai un jour pourra m’emmener plus loin
que les étoiles. Je veux aller avec elles.
Timofeï
Lettres du Brésil :
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sance. Ma tante m’a raconté que c’est moi qui le fais
briller, que j’ai le pouvoir de donner la lumière autour de
moi, et que ce morceau de cristal était avant ma nais-
sance un bout de charbon ; c’est ça qui est magique.
Lorsque tu es venue, le cristal s’est mis à luire plus en-
core, c’est là que j’ai compris que je te suivrai.
Moacyr
Lettres d’Israël :
Anate
Lettres de Suède :
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tion avait une réalité quelque part, alors, j’ai demandé
à la suivre.
Didda
Lettres d’Irlande :
J’aime pas l’école, j’aime pas obéir, j’aime pas les règles et
les lois, j’aime pas qu’on m’embête, j’aime pas les autres
et j’aime pas travailler. J’aime jouer, j’aime mentir,
j’aime voler, j’aime faire mal, j’aime me cacher, j’aime
embêter les autres. Mais j’aimerais qu’on m’apprenne à
aimer autre chose. T’es venue, tu m’as regardée, tu m’as
parlée, tu m’as souri et tu m’as aimée. Je ne sais pas ce
que je t’ai fait, mais je veux venir dans ton école.
Shanley,
Lettres de Madagascar :
Lettres d’Allemagne :
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trouve que c’est archaïque, moi j’en ai inventé un qui
n’a pas de souris ni de bouton, il marche tout seul, mais
c’est dans ma tête. J’ai plein d’idées, mais personne pour
m’écouter. L’autre jour mon père s’est fâché lorsque je
lui ai dit que ses moteurs sont trop polluants et qu’il
pourrait en inventer d’autres qui n’utilisent pas de pé-
trole. Je suis contente que tu aies réussi à convaincre
mes parents de me laisser partir dans ton école.
Oda
Lettres d’Espagne :
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sont pleins de soleil dans mon pays. Je suis comme eux,
je grandis avec la lumière du soleil, c’est lui qui me
donne du bonheur et de la joie. Mais pourquoi es-tu plus
brillante que lui ? j’ai besoin de toi pour grandir.
À bientôt,
Izam
Lettres d’Amérique
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LES ENFANTS
D’EPIK,
LES CLANS
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23 AOUT 2008
23
2 SEPTEMBRE 2008
⎯ Maman, j’ai peur, c’est qui tous ces enfants qui ar-
rivent, d’où viennent-ils ?
⎯ Ne t’en fais pas, ma chérie, ils sont tous exception-
nels, ils viennent de tous les coins de la Terre, ils sont
comme toi, ils ont tous quelques choses de bon à donner.
S’ils sont parmi nous aujourd’hui, c’est aussi qu’ils sont
très sensibles et très fragiles ; l’atmosphère est si lourde
depuis ces dernières années que s’ils ne venaient pas ici,
ils seraient en grand danger. C’est pour cela que j’ai déci-
dé de créer cette école. Mais c’est aussi ton école, avec
Céleste et Cléonisse. Tu sais, Axelle, ce n’est pas toujours
facile de vivre ensemble, mais tu verras, bientôt tu ne
comprendras plus que l’on puisse vivre séparé. Va les
accueillir, cours vers ces enfants, tu es leur aînée, tu
connais mieux que tous les lieux, montre leur la nouvelle
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école.
⎯ D’accord, maman, j’y vais.
La petite Axelle a bientôt sept ans et demi, elle dépasse
d’une tête tous les enfants ; on lui en donnerait presque
neuf. Elle est fine comme sa mère, ses cheveux sont roux.
Mais ses yeux sont redoutables, leur couleur émeraude
ressort étrangement sur son visage clair.
Tout a été organisé pour l’arrivée des enfants, Noèse a
fait appel à des hôtesses pour faire venir de tous les coins
de la planète les enfants sans moyens. Certains parents
ont préféré prendre leurs dispositions et les ont conduits
jusqu’ici ce matin et voici justement un hélicoptère se
posant sur la pelouse du parc. C’est la petite Didda que
ses parents accompagnent jusqu’à l’école. Céleste et
Cléonisse se précipitent vers l’engin pour accueillir la
petite fille. Axelle est avec les autres enfants, elle leur dit
bonjour, et les invite pour leur faire visiter l’école.
Noèse a décidé que la matinée sera libre afin que tous
prennent leurs marques et s’installent dans leur chambre.
Suivant Axelle, le groupe composé de 25 enfants se laisse
guider. Le personnel les suit veillant à ce que tout se
passe sans incident. Ils découvrent l’école…
Dominant un village, Keuramdor dresse ses flancs face au
lac d’Annecy. Devant le portail en fonte coulée représen-
tant des cercles concentriques, une allée de pavés rouges
circule à travers une pelouse bien verte. Au bout, le bâti-
ment. Devant eux, le grand hall dont l’entrée est une large
et haute verrière arquée accueillante. L’intérieur est amé-
nagé avec des bancs le long des murs avec des petites
cloisons de bois afin que les enfants puissent se retrouver
en intimité par petits groupes s’ils le souhaitent. Malgré
tout, l’espace de la salle reste préservé. La moitié des
murs sont en verre, le reste est peint en jaune. Au fond,
une autre cloison arquée donne sur un jardin intérieur, où,
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même en hiver, les enfants peuvent trouver un bout de
pelouse, des fleurs, des arbustes et une petite fontaine.
Arrangé un peu de façon sauvage et donne une impres-
sion de liberté, il est créé est pour la détente.
Maintenant, passant une porte sur le côté du grand hall,
les enfants arrivent dans les salles de classe ; au rez-de-
chaussée six classes, les sanitaires, à l’étage, six autres
classes. Le bâtiment est bien trop grand pour vingt-huit
enfants, mais au cours des années, il se remplira, espère-t-
on. Chaque salle est aménagée avec tableau vert sur les
trois murs, les fenêtres procurent beaucoup de lumière et
le bureau du maître est au centre, les tables autour afin
que tous les élèves puissent se voir. Un enfant demande :
⎯ Pourquoi autant de tableaux ?
⎯ Maman vous l’expliquera plus tard, lui répond
Axelle. Puis elle les guide vers un passage qui descend
vers un tunnel.
Tous s’étonnent de cet endroit, où les murs ne sont pas
faits de plâtre lisse et bien peint, mais au contraire leur
rugosité fait penser qu’ils sont dans une caverne natu-
relle ; l’humidité et le manque de lumière donnent un air
mystérieux et ils en ont la chair de poule. Au bout cela se
sépare en deux. Axelle passe sur la gauche, remonte et
pousse la porte, alors, ils arrivent dans l’observatoire.
Devant eux, c’est impressionnant, car ils voient tous
l’immense télescope dont la lentille centrale fait près de
trois mètres de diamètre.
Ça, c’est ma tante qui l’a construit, elle a poli la lentille
toute seule, elle a tout inventé. Elle m’a dit qu’avec cet
instrument, on peut voir plus loin que Hubble, elle m’a dit
que même en plein jour on peut voir les étoiles. Elle a un
secret, mais à vous, je peux le dire : Ce n’est pas fait avec
du verre, c’est du magnétum, un verre magnétique qu’elle
a inventé. Vous verrez, lorsqu’on pose l’œil sur
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l’appareil, c’est magique. Les enfants se regardent et l’un
d’eux, Abdel, demande :
⎯ Je veux en acheter un pour ramener chez moi, dis-
moi combien ça coûte ? mon papa peut le payer.
⎯ Mais, ce n’est pas à vendre, c’est le seul qui a été
fabriqué et la maman de Céleste et Cléonisse n’est pas ici
pour le moment.
⎯ C’est pas grave, mon papa te l’achète, dis-moi et je
lui téléphone tout de suite, je le veux.
⎯ Je ne peux pas, va voir mon papa, il te le dira.
Le garçon s’énerve, il commence à rougir. Il crie, et veux
donner un coup de pied à Axelle qui se recule. Puis,
voyant qu’il n’y arrive pas, il sort de sa poche un télé-
phone portable et commence à appeler son père. À ce
moment, le téléphone lui échappe des mains, il s’envole
et tombe dans une main de Noèse qui lui dit :
⎯ Mon garçon, ici, tu n’as pas besoin de ça, je prends
ton téléphone, je te le rendrais lorsque tu quitteras cet
établissement. Ici, on n’a pas besoin de ce genre de vieux
jouet pour communiqué. Je vais t’apprendre à ne plus uti-
liser le téléphone, tu verras, tu vas aimer. Ne t’inquiète
pas, cela ne te manquera pas, tu vas très vite oublier. Et si
un jour tu veux un télescope, nous t’aiderons à en fabri-
quer un comme ça.
Le garçon se calme, surpris de la façon dont lui a été
confisqué son appareil. Il n’avait jamais vu un téléphone
volant ainsi.
⎯ Tu n’as pas fini d’être surpris mon petit Abdel, ici
tu vas apprendre plein de choses comme ça.
Abdel a compris tout ce qu’a dit la grande dame, pour-
tant, il ne connaît que l’Arabe comme langue. Les enfants
ne se sont pas aperçus qu’ils comprenaient le langage
d’Axelle et de Noèse, pourtant 11 langues les mélangent.
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La journée se passe à visiter les lieux et à la fin, ils
s’installent dans leur nouvelle demeure. Les enfants par-
tageront ce soir les chambres par groupes de trois. Les
dortoirs sont dans un bâtiment séparé des classes, derrière
le grand hall d’accueil. Pour le rejoindre depuis le bâti-
ment principal, il faut emprunter un passage extérieur
protégé de la pluie et de la neige par un tunnel en verre.
L’hébergement est une grande bâtisse, sur trois niveaux.
Une partie des chambres ne donne pas sur l’extérieur,
mais dans un patio central où tous peuvent se voir par les
fenêtres, alors qu’une autre partie est face à l’entrée.
Chaque chambre est décorée de façon très gaie, pas un
mur n’a la même couleur, pas un rideau ne ressemble à un
autre. Chaque chambre est unique, comme le sont tous les
enfants constituant cette petite communauté. Au soir de
cette première journée, les enfants prennent un repas dans
le réfectoire et à la fin, Noèse prend la parole.
⎯ Bonsoir, les enfants, vous êtes tous installés, vous
découvrez notre école qui accueille pour la première fois
des enfants. Nous espérons que cette année scolaire sera
pour vous un bon moment et avec mon équipe nous fe-
rons tout pour cela. Je vais vous présenter vos éducateurs
et nos assistants. Vous pourrez nous appeler par nos pré-
noms. Voici à ma droite, notre intendant, éducateur et
médecin Steve O’Connor, il est aussi mon époux. À ma
gauche, Clara, mon autre sœur et Martin Vicaire, aussi
éducateur. N’oublions pas le personnel de service qui
vous sert ce bon repas, Marie et Joseph Zog, et notre cui-
sinier Paolo Lugzi qui adore la cuisine italienne ; si vous
aimez les pâtes et les pizzas, vous serez gâtés.
À ces mots, déjà beaucoup d’enfants sourient largement.
⎯ Je vois sur vos lèvres tous vos sourires, j’en suis
heureuse, car cela veut dire que malgré le mélange de na-
tions présentes ce soir dans notre établissement, vous
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nous comprenez tous. Je dis cela pour que vous sachiez
que nous employons un langage qui n’est pas issu de vo-
tre culture, mais de votre nature. C’est pour cette raison
que vous êtes avec nous maintenant. Demain, nous com-
mencerons les cours et nous vous parlerons de "La Lan-
gue", un langage qui n’existe pas encore sur Terre, mais
que vous comprenez déjà. Si l’un d’entre vous veut es-
sayer, qu’il s’approche de l’estrade. Vous allez de toute
façon tous prendre la parole.
Les enfants sont tous timides, mais une fille sort du rang.
Apparemment, elle semble avoir l’habitude de se montrer
en public.
⎯ Approche-toi ma petite, monte me rejoindre.
L’enfant escalade l’estrade.
⎯ Comment t’appelles-tu, dis-nous ce que tu penses de
l’école ?
⎯ Bonjour, je m’appelle Didda, je suis suédoise, mon
papa est un homme d’affaires important. Je parle le sué-
dois, l’anglais et je parle aussi la langue, je suis contente
d’être ici, si on parle tous la Langue.
⎯ Monte mon petit, c’est à toi.
⎯ Moi aussi, mon père est riche, il cultive le cacao et
le café. Je veux apprendre à devenir président, c’est pour
ça que je suis ici.
⎯ Mais comment t’appelles-tu monsieur le président ?
⎯ Bako, Bako l’invincible.
Tous se mettent à rire, sauf lui. Noèse le prend dans ses
bras pour le rassurer. C’est un enfant bien sûr, mais sont-
ils véritablement des enfants ? Alors, Clara l’éducatrice
fait venir un autre enfant :
⎯ Je suis Chad, je viens d’Irlande, les montagnes d’ici
me rappellent mon pays. Je viens dans cette école pour
écouter et chanter la musique qu’il y a dans mon cœur.
29
Écoutez ma chanson :
31
VISITE INATENDUE
32
t-elle chez toi, qu’est-ce qu’ils veulent ?
⎯ Cléonisse, cherche bien en toi, réfléchis.
⎯ Il est là à cause de papa et maman, ils les recher-
chent, ils viennent nous voir, ils veulent savoir où ils sont.
Il faut qu’on aide ta maman, elle a besoin de nous. Lève-
toi vite, on les rejoint.
Alors que les autres élèves sont encore dans leurs cham-
bres, les trois filles descendent l’escalier qui les conduit
dehors. Discrètement, elles se glissent entre les arbres et
se rapprochent de la maison de Noèse. Par la fenêtre, l’un
des hommes les aperçoit mais ne prend pas garde.
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prennent garde on les endort en court-circuitant leur cer-
veau, ils n’auront même pas le temps de s’en apercevoir.
⎯ Ok, et après ?
⎯ On verra.
⎯ Moi, dit Shanley, je peux les paralyser d’un coup.
⎯ Bon, alors il n’y a pas à hésiter, à nous trois on va y
arriver.
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⎯ Je ne sais pas, mais nous devons nous protéger et
surtout protéger l’école de Keuramdor. Si nous collabo-
rons avec eux, ils nous laisseront tranquille.
⎯ Moi je sais que papa et maman ont pris cette na-
vette spatiale, ils sont partis loin dans les étoiles, ils
avaient besoin de cet engin.
⎯ Peut-être, mais Cléonisse, tu dois les protéger et ce
n’est pas en paralysant ces deux policiers et en leur fai-
sant perdre connaissance que tu les aides. Bon ! mainte-
nant, retournez dans votre chambre et préparez-vous à
votre première journée d’école. Clara va s’occuper de
vous ce matin. Cet après-midi, c’est moi qui vous ferai
cours.
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1er COURS : "LA LANGUE"
43
de connaître maintenant toutes les possibilités que pourra
leur offrir leur nouvelle école. Tous ont des dons encore à
l’état embryonnaire, mais ils sentent qu’ici, ils pourront
s’exprimer sans les limitations des adultes. A midi, ils se
dirigent vers la cantine où ils prennent un excellent dé-
jeuner, puis ils se retrouvent dans la cour ou sous le préau
afin de jouer, la classe reprenant plus tard. Enfin ils sont
conduits au laboratoire. Là, dans ce grand espace, ils se
trouvent devant une succession d’activités consacrées à
tous les talents : c’est la salle des miroirs.
Kime et Scott trouvent un jeu, comme une maquette de
maison toute faite de miroirs, avec différentes pièces, où
ils peuvent se déplacer d’un espace à l’autre sans aucun
système mécanique ; des poupées apparaissant à leur
guise, soit dans la chambre ou dans la cuisine. C’est très
drôle, car les personnages restent sous leur contrôle
comme si c’était eux. Les deux enfants s’amusent bien,
on a l’impression qu’ils ont toujours fait ça, comme s’ils
savaient se déplacer à travers les murs en claquant des
doigts ; mais se reflétant sur tous les miroirs, ils ne savent
plus où se trouvent vraiment leurs poupées ; rêve ou réali-
té ?
Lala et Axelle sont devant un jeu de miroirs où assises
face à face, leur apparaissent des images. Ces miroirs sont
comme des réflecteurs qui font apparaître leurs idées,
leurs rêves. Chacun a l’impression de lire dans les pen-
sées de l’autre. Cette expérience est fantastique.
Oda, passe dans un tunnel, lui aussi couvert de miroirs,
elle se voit sur les cotés mais arrivée au bout, face au plus
grand miroir, elle sursaute, voyant la sortie derrière elle
se refléter sans que son image apparaisse, comme si elle
était devenue invisible. Elle se retourne, voyant l’entrée
bien lumineuse, et la lumière la traversant comme si elle
n’existait pas. Trop surprise, elle se précipite vers l’entrée
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et se retrouve contre Noèse qui la prend dans ses bras.
⎯ N’aie pas peur Oda, tu n’as rien à craindre, cette
grande boîte est un jeu de miroirs savants qui te donne le
reflet de ce que tu aimerais être. Tu n’es pas invisible,
c’est un jeu de miroirs. Mais tu as été attiré par ce qui est
le reflet de ton âme. Si tu veux, tu peux y retourner, tu
sais ce que tu peux y découvrir.
⎯ Mais, madame, ce que je vois de moi est vide, je ne
m’y vois pas.
⎯ Alors imagine ce que tu désires être.
⎯ Je voudrais être invisible.
⎯ Alors, n’ai pas peur de voir ici ton désir se refléter.
Le petit Abdel, fils de roi du pétrole, a trouvé lui aussi un
miroir, un unique miroir très haut et très large. Lorsqu’il
passe devant, regardant son image, il a l’impression
étrange de voir son reflet se déplacer moins vite que lui.
Regardant encore, il lève la main qui était dans sa poche
et voit son image rester fixe. Il se retourne, puis regarde
encore une fois le miroir et cette fois-ci, il se voit de dos.
Le temps du miroir n’est pas le même que celui où il est,
le miroir retarde.
⎯ Comment est-ce possible se demande-t-il ?
Noèse encore une fois, le voyant faire, lui demande :
⎯ Qu’as-tu trouvé devant ce miroir, Abdel ?
⎯ Le temps est ralenti devant ce miroir, est-ce moi qui
suis responsable ?
⎯ Ce miroir est placé sur un angle particulier qui te
donne l’illusion de te voir dans le passé, c’est par un jeu
de reflet avec l’autre placé sur le mur en face que cela est
possible. Changer le temps est un de tes rêves. Cet ins-
trument pourra t’aider à t’exercer à réaliser ce que tu es
venu chercher ici avec nous.
⎯ Tu veux dire qu’un jour, je pourrai me déplacer
45
dans le temps ?
⎯ Un jour, ça arrivera, c’est pour toi une question de
patience.
Benjamin et Alice ont trouvé un miroir circulaire sur le
sol, en le regardant, ils voient se refléter une multitude
d’étoiles, le ciel y est en entier représenté. Passionnés par
ces merveilles, ils s’en approchent et mettent les pieds
dessus. Aussitôt, ils sont aspirés par les astres et ils sem-
blent tomber dans le ciel infini ; ils ont peur, mais en
même temps, ce ciel leur parle et comprennent le langage
des étoiles. Puis d’un coup, ils ouvrent les yeux et se re-
trouvent au centre du disque brillant qu’est le miroir, les
étoiles ont disparu, le charme s’est arrêté. Noèse les sort
de leur rêve pour leur expliquer que c’est aussi pour eux
l’image de leur désir.
Moacyr pendant ce temps s’amuse avec un morceau de
miroir cassé ; le reproduisant, d’un il en fait dix, puis
cent. Enfin lorsqu’il a fait une multitude de morceaux, il
les prend dans ses mains et les assemble pour en faire un
grand miroir. Heureux il veut le montrer à Noèse, mais
lorsqu’elle se rapproche, le beau miroir se brise. Dans les
mains de l’enfant ne reste qu’un bout de miroir comme au
début de l’expérience. Déçu, il a des larmes aux yeux,
mais aussitôt, Noèse le console et lui montre que le mor-
ceau en question est un verre au reflet multiple et que le
grand miroir n’a été qu’illusion. Elle lui dit :
⎯ Je sais que tu seras capable bientôt de faire encor
mieux qu’avec ce miroir, tu dois apprendre à construire
avec une matière plus noble que ce bout de verre.
L’enfant lui sourit, il sait qu’en lui il est capable de faire
autre chose que rassembler des morceaux de verre cassés.
Cybèle, devant un grand miroir, s’amuse à le faire chan-
ger de teinte ; il passe du ton argent au noir, puis jaunit
avant de virer au mauve. Elle trouve drôle de pouvoir in-
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fluencer la matière qui se plie à son désir. Comme elle
aimerait le faire sur certains hommes, se dit-elle. Noèse
l’a vue, elle se rapproche d’elle et lui fait remarquer
qu’un miroir comme celui-ci peut se changer suivant les
idées qui nous passent dans la tête. Elle lui fait remarquer
qu’influencer l’esprit d’un homme n’est pas bien, mais
que parfois pour des raisons graves, cela pouvait être en-
visagé. Il faut être d’une grande sagesse pour avoir à ré-
aliser de telles choses. Elle l’apprendrait certainement.
Shanley se sent forte entre ces quatre miroirs qui reflètent
son image sur tous les côtés et qui la multiplient à l’infini.
Ce n’est plus une Shanley, mais des centaines prêtent à se
battre et d’un geste, frapper l’ennemi qui la guette. Shan-
ley est invincible, elle le sait, les miroirs lui montrent.
⎯ Shanley, l’invincibilité n’est pas dans les gestes et
par le nombre, c’est le fait de ne jamais plier sa cons-
cience à la volonté des autres, c’est garder en soi la liberté
de son esprit. Pour vaincre tes ennemis, plie-toi comme le
roseau, mais ne romps pas. Là, tu seras invincible. Mais
continue à jouer, les images que tu vois, tu les domines et
tu restes toujours plus rapide qu’elles.
La petite fille lui sourit.
Céleste connaît depuis longtemps la salle des miroirs, il
l’a vue se construire. Il sait comment ses parents ont ins-
tallé les miroirs, mais, il est devant une série de miroirs
en cercle dans un trou dont on ne voit pas le fond. Cet
ensemble l’effraie, car aucune lumière ne sort de ces mi-
roirs. Cela lui donne la peur du vide.
⎯ Pourquoi as-tu peur, Céleste, le vide est le reflet de
la mort. As-tu peur de la mort ?
⎯ Non, mon corps ne craint pas la mort, mais j’ai peur
de ce qu’il y a après la vie.
⎯ Être immortel n’est pas suffisant, il faut aussi
connaître la vie pour ne pas craindre le néant.
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⎯ C’est quoi connaître la vie, Noèse ?
⎯ C’est avoir part à tous les domaines visibles et invi-
sibles du monde, être sur Terre, sous la Terre et au-dessus
de la Terre au même moment. Tu vis déjà sur le monde
du dessus, apprends à connaître les deux autres mondes et
tes craintes seront oubliées.
Céleste connaît bien Noèse, c’est sa tante. Ses parents
sont plus que participants au monde dont parle Noèse, il
sait tout cela, mais il n’est pas encore prêt à tout connaî-
tre.
Des miroirs qui guérissent, c’est ce que Abbas aimerait
découvrir, mais il s’est arrêté devant un miroir qui pour
lui ne reflète que son image ; il tourne autour, se penche
dans tous les sens, mais contrairement aux autres qui
semblent magiques, celui-ci est d’une banalité déconcer-
tante. Le pauvre garçon est triste, il sait trop bien ce qui le
passionne, il aimerait trouver dans cette école l’éco de
son désir ; soigner les hommes. Des larmes lui coulent
presque, il est triste. Noèse s’approche de lui :
⎯ Pourquoi es-tu triste, mon petit Abbas, as-tu des rai-
sons pour verser autant de larmes ?
⎯ Ce miroir ne me parle pas, il reste froid alors
qu’autour de moi les autres trouvent ce qu’ils cherchent.
⎯ Mais qui te dit que ce miroir reste froid à ton
contact, que cherches-tu à travers lui ?
⎯ Je cherche à guérir les hommes malades, et ce mi-
roir n’agit pas comme je l’entends.
⎯ Je ne suis pas certaine qu’il reste neutre à ton
contact, un miroir ne peut apporter la guérison, mais toi,
tu le peux si tu prends confiance en toi. Regarde-toi en-
core dedans et dis-moi ce que tu vois.
Abbas regarde encore une fois le miroir, puis ferme les
yeux. Avant de les ouvrir, il sent en lui un fluide monter
48
dans tout son corps et ses mains et se mettre à chauffer et
rayonner. Il a le don de guérir, mais il est encore trop
jeune pour savoir ce qu’il peut en faire. Soudain un enfant
se met à pleurer. Tout le monde se retourne, c’est Sven
qui vient de se couper le bout du doigt avec un morceau
de verre. Aussitôt, Abbas se précipite vers lui et lui prend
la main blessée. Il frotte le doigt coupé et dit à Sven :
⎯ Tu es guéris, regarde.
Sven regarde sa main, suce les gouttes de sang collées
dessus. La coupure a disparu. Il regarde celui qui vient de
le soulager et il lui sourit. Abbas en fait de même. Noèse
se rapproche de lui :
⎯ Ce miroir t’a renvoyé l’image que tu attendais et fait
ressortir tes possibilités. Avais-tu déjà soigné comme ça ?
⎯ Non, j’ai toujours joué au docteur, mais c’est tout.
⎯ Alors, qu’en penses-tu ?
⎯ Je crois que le miroir m’a permis de voir ce que j’ai
en moi.
Sven dit :
⎯ Maîtresse, je me suis coupé car devant le miroir, je
voyais comme à travers et j’ai voulu ramasser le crayon
qui était par terre, mais ma main l’a cogné et je me suis
coupé. C’est étrange, devant lui, je voyais comme par
transparence.
⎯ Comme tous tes amis, ces miroirs sont l’écho de ce
que vous êtes. Tu découvriras que tu n’as pas besoin de
miroir pour être toi-même.
Au même moment, Noèse se retourne et surprend Chad à
faire vibrer avec sa voix les miroirs qu’il a devant lui.
C’est enfant qui chantait hier une si jolie chanson ; il
exerce son art devant des glaces qu’il fait résonner. Les
images qui s’y reflètent se déforment suivant les paroles
qu’il émet. Les images s’harmonisent au son de ses cor-
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des vocales. La lumière trouve son accord dans le son,
alors que les vibrations des deux ont toujours semblé être
de nature différente ; l’Hyperscience semble les réunir
avec beaucoup de facilité.
Maïsa pousse un cri. Devant son miroir elle ne voit pas
son visage, mais des images qui semblent venir d’un pas-
sé très lointain. Elle y voit, ses ancêtres vivants il y a des
millénaires. Elle le sait car même leur langage est diffé-
rent. Mais ce qui lui fait dire que c’est une vision du pas-
sé est la pyramide d’El Tajin qui lui apparaît comme ré-
cente et animée comme si elle venait d’être construite.
Les hommes et les femmes qui sont autour sont habillés
de vêtements typiques. Noèse la rassure. Puis tout
s’efface, et cette fois c’est une civilisation plus moderne
qu’aujourd’hui qui s’affiche, les maisons qu’elle voit
semblent reposer sur un des pilotis centraux, c’est en
pleine mer qu’elles se trouvent.
⎯ Ne vas pas si loin dans tes pensées Maïsa, contente
toi de ce que tu dois voir dans ce miroir.
Disant cela, l’image de la petite fille apparaît dans le mi-
roir.
⎯ Mais j’ai vraiment vu toutes ces choses !
⎯ Tu as vu juste ce que tu es capable de voir ; ce mi-
roir a ouvert en toi un don formidable, que tu apprendras
à contrôler en grandissant. Tu es avec nous pour appren-
dre tout cela. Aujourd’hui, c’est un jeu.
Tandis que Noèse parle avec Maïsa, le jeune York en est
à concentrer son regard au centre du miroir qu’il a choisi.
Sa maîtresse le fait reculer d’un coup, car il n’a pas vu
que le verre est maintenant percé et coule sur le sol. À
trois mille deux cent degrés, une brûlure serait grave. Dé-
jà, le miroir est troué et une tête pourrait y passer. Par
terre, la pâte commence à refroidir.
⎯ Je croyais que ton pouvoir était concentré sur le mé-
50
tal ?
⎯ Mais je voyais dans le miroir l’image d’une arme
que je voulais faire fondre.
⎯ Cette arme n’était que le reflet d’une de tes pensées.
Mais derrière le reflet il y a le miroir et il a absorbé toute
ta force. Je crois que ton don est plus important que tu ne
l’imagines. Tu dois apprendre à te contrôler. Ne t’inquiète
pas pour ce miroir, j’en ai d’autres.
Noèse se retourne étonnée du bruit qu’elle entend. Timo-
feï avec deux miroirs a reproduit la base spatiale de Baï-
konour. Dans les miroirs apparaît une fusée crachant
toute sa force depuis ses propulseurs. Le son des fusées
en sort même. D’un coup, les deux miroirs se mettent à
voler dans la pièce, effrayant les enfants. Noèse intervient
et par son regard puissant arrête l’expérience en neutrali-
sant les miroirs devenus dangereux. D’un coup, ils restent
immobilisés net au-dessus du sol. Les enfants admirent
l’exploit de leur maîtresse et Noèse se retourne face à
Timofeï :
⎯ Ici, ce n’est pas une base spatiale, fait attention à tes
gestes, tu es capable de faire des choses merveilleuses
avec tes dons, mais ils peuvent devenir dangereux. Tu
dois apprendre à contrôler tes désirs.
Noèse est surprise par les éclats de rires, elle lève les
yeux, Jia, Lina, Anate et Didda sont tous les quatre de-
vant un miroir sur lequel leurs yeux sont concentrés, des
faisceaux verts s’en dégagent et leur maîtresse leur de-
mande :
⎯ Vous riez aux éclats, nous avons envie d’en profi-
ter ; qu’est-ce qui vous fait rire ?
⎯ C’est rien, c’est juste que sur ce miroir nous voyons
nos images et que nous nous amusions à échanger nos
fluides, ça nous fait du bien, ça nous réchauffe, et ça nous
chatouille. C’est comme si on pouvait donner aux autres
51
notre force et c’est bien, lui répond Didda.
⎯ C’est super, vous comprenez que c’est une des meil-
leures choses que nous pouvons faire. Mais il faut ap-
prendre à donner avec son cœur, c’est ce que vous êtes
venus apprendre avec nous.
Et Guelia qui les écoute, dit :
⎯ Regarde ce que je fais avec mon miroir.
Noèse se penche et voit que la petite fille a reproduit dans
le miroir l’image d’une étoile si brillante que les yeux ne
peuvent la fixer. Guelia rajoute :
⎯ Au début, je pensais à un cœur, puis il m’est venu
l’idée d’une petite étoile solitaire et triste. J’ai vu apparaî-
tre la petite étoile dans le miroir, puis je me suis mise à
l’aimer, si bien qu’elle s’est mise à grossir jusqu’à ce
qu’elle devienne aussi brillante.
⎯ C’est formidable, car je peux te dire que c’est grâce
à cette étoile que tu fais briller nous sommes tous ici au-
jourd’hui. J’ai vu la même étoile s’embraser de cette fa-
çon, c’est l’astre le plus brillant de l’univers, et aussi le
plus puissant. Nous allons tous apprendre à faire briller
une étoile comme celle-ci dans notre école.
⎯ Je t’entends parler maîtresse, mais aussi, je crois
qu’à part donner et faire briller les étoiles, il faut partager,
chez moi c’est une coutume profonde. J’ai pris en main
un de tes miroirs et j’ai eu envie de partager avec les au-
tres la lumière qu’il rayonne. Je ne sais pas faire des cho-
ses extraordinaires comme mes autres camardes mais
j’aime donner aux autres le désir de partager. C’est ma
joie, ma raison d’être. Regarde dans mon miroir.
Noèse se penche et voit la salle se refléter naturellement,
sans aucune magie ou effet spéciaux. Juste la lumière de
la pièce et le reflet de chacun. Elle comprend ce que Lilo
veut lui dire. Il exprime que l’image de chacun est bonne
et que la prendre de façon simple est un don plus fort que
52
de briller avec des exploits surnaturels. Mais d’un coup,
toute la salle se trouve violemment éclairée par les rayons
du Soleil, les enfants en ont mal aux yeux et Noèse voit
qu’un des miroirs reflète dans toutes les directions la lu-
mière. Elle s’en rapproche, c’est Izam qui manipule
l’engin. Il dit :
⎯ J’ai trouvé que la salle était un peu sombre, alors,
j’ai capté les rayons du Soleil pour les concentrer dans le
miroir. Regarde, je peux prendre la lumière du Soleil pour
nous ; c’est bien elle semble m’obéir.
En effet, toute la lumière passant par les fenêtres s’est
concentrée sur le miroir, comme attiré magnétiquement.
Izam semble avoir le don de capter les rayons de lumière
et les diriger où bon lui semble.
⎯ Ton pouvoir est très impressionnant, mais je crois
que nos yeux y sont trop sensibles ; peux-tu arrêter ton
expérience ? Tu dois apprendre à te dominer, mais c’est
très bien. Nous aurons l’occasion de refaire avec toi cela
et d’apprendre comment utiliser ton pouvoir.
Le garçon arrête de se concentrer sur son miroir et d’un
coup, la pièce devient presque obscure, il fait un large
sourire.
Hélas, Noèse trouve Cléonisse pleurant devant son mi-
roir. Sur son instrument, l’image d’une petite fille de six
ans, le visage en larmes, apparaît. Aucun phénomène pa-
ranormal, n’en ressort, seulement une enfant remplie de
tristesse.
⎯ Ne pleure pas Cléonisse, je sais pourquoi tu es
comme cela. Ne t’inquiète pas, je pense que tes parents ne
sont pas en danger, même s’ils sont très loin. Ta maman
reviendra, mais elle compte sur toi pour que tu l’aides par
ta bonne humeur et ton sourire. Comme tu l’aimes, ta
force la soutiendra dans sa tâche et elle reviendra le mo-
ment venu. Elle est partie pour nous aider, tu ne dois pas
53
t’inquiéter.
⎯ Tu sais, elle nous a laissé un petit sifflet pour
l’appeler en cas de besoin, j’aimerais l’utiliser.
⎯ Tu fais comme tu veux, mais pense aux enfants qui
sont avec nous, ils ont tous laissé leurs parents, même à
l’autre bout du monde. Pourtant, ils ne pleurent pas.
⎯ Oui, peut-être, mais maman et papa sont partis bien
plus loin, tu ne peux pas me le cacher, je le sais comme tu
le sais, je le lis en toi comme tu peux lire en moi. Je n’ai
pas envie de jouer cet après-midi, tout ce que les autres
font, je sais le faire aussi, tu me connais, j’ai tout en moi,
comme maman ; je suis son image en plus petite. Tu me
dis qu’elle n’est pas en danger, mais je sais qu’elle n’est
pas bien et je peux l’aider, je veux la rejoindre.
⎯ Je ne pense pas qu’Aqualuce, souhaite ta présence
auprès d’elle, mais tu peux la soutenir parce que tu es
comme elle et qu’ici, tu la remplaces. Prends ton sifflet et
appelle là, demande lui si tu peux venir avec elle.
Cléonisse a les yeux qui brillent, dès qu’elle pourra, avec
son frère elle appellera sa maman, mais pour le moment,
elle reste avec tous les élèves, la leçon n’est pas terminée.
Mais le jeune Tom qui a entendu la conversation leur dit :
⎯ Regarde dans mon miroir, je vois ta maman. C’est
la dame qui est venue me voir chez moi, je la reconnais,
elle a un peu changé mais je la vois allongée dans un lit,
elle dort. Elle n’est pas en danger, mais elle a besoin de
toi pour se réveiller, fais quelque chose.
Anate qui les a entendus se rapproche et dis à Cléonisse :
⎯ Mon miroir me dit qu’il faut donner à ta maman
beaucoup d’amour. L’amour peut tout pour tous. Je le
sais, mon cœur me le dit au plus profond de moi.
Sur le miroir d’Anate, une image étrange se reflète ; il en
sort un soleil dont les rayons jaillissent en tournoyant de-
54
puis la glace, touchant les cœurs des ceux qui se trouvent
à côté. Noèse, Anate, Tom et Cléonisse sont frappés par
les faisceaux, une vibration étrange les inonde comme
pour les mettre en contact avec une autre dimension.
Cléonisse s’effondre sur le sol, comme inanimée ; son
frère, Céleste se précipite vers elle mais la petite fille se
relève et lui dit :
⎯ Vite, allons chercher le sifflet, il faut appeler ma-
man, elle a besoin de nous.
55
APPARITION, DISPARITION
57
Ayant avalé quelques tartines à la pâte de chocolat et un
verre de jus d’orange, Cléonisse remonte dans sa cham-
bre. Elle reprend le sifflet et souffle encore dedans. Il n’y
a toujours pas de réponse. Elle verse quelques larmes,
regarde l’instrument et s’apprête à le jeter loin d’elle,
mais très chagrinée elle essaie une dernière fois. Aussi,
elle souffle avec grande légèreté, et l’instrument se met à
vibrer de façon curieuse, la perle noire au bout se met à
luire et change de couleur, passant du noir au blanc pour
ensuite prendre toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. Cléo-
nisse comprend que ce sifflet attend qu’on le manipule
avec soin, et que la douceur est plus efficace que la force.
Elle reconnaît là sa maman et l’attention qu’elle a dû ap-
porter à fabriquer cet instrument. Elle s’arrête un instant
et d’un léger souffle, elle fait vibrer légèrement le sifflet.
Et d’un coup les murs se mettent à trembler. Un souffle
terrible tourne autour d’elle, elle ne sait plus où elle est,
mais soudain, Aqualuce et Cléonisse se retrouve face à
face. Aqualuce est dans la chambre de sa fille, elle la re-
connaît c’est elle qui avait posé les papiers peints sur les
murs. Voyant sa mère, n’en croit pas ses yeux. Elle a ré-
ussi à ramener sa mère dans sa chambre.
⎯ Maman, c’est toi ! je savais que tu ne m’avais pas
menti lorsque tu nous as dit que ce sifflet était magique.
J’étais inquiète tout à l’heure, je pensais que tu étais en
danger, c’est pour ça qu’avec Céleste nous avons décidé
de t’appeler. Mais tu es changée, que t’arrive-t’il ?
⎯ Oh ! Cléonisse, je suis heureuse que tu m’aies ap-
pelée, là où je suis, j’étais endormie depuis très long-
temps. Tu as commencé l’école depuis longtemps, cela
se passe bien avec les autres enfants, où est ton frère ?
⎯ Mais maman, la rentrée c’était hier, ça fait à peine
dix jours que tu es partie, mais avec Céleste nous nous
inquiétions, et je ne sais pas pourquoi, cet après-midi,
58
j’ai eu peur pour toi et j’ai senti qu’il faillait te ramener
ici. Céleste est retourné avec les autres enfants, nous
t’avions sifflée une fois mais tu n’as pas répondu.
Aqualuce comprend qu’elle avait entendu une première
fois le sifflet l’appeler lorsqu’elle dormait profondément,
et pourquoi la deuxième fois elle a compris d’où venait
cet appel. Grâce à sa fille elle a pu se réveiller de sa
grande léthargie. Elle doit lui en rendre grâce. Mais elle
est étonné que seuls dix jours se soient écoulés depuis
son départ. A-t-elle rêvé ? Est-elle vraiment partie avec
Jacques dans l’espace ?
⎯ Tu dis que je ne suis partie que depuis quelques
jours, mais quel jour sommes-nous ?
⎯ Mais maman, je crois que nous sommes le 3 sep-
tembre.
Pas de doutes pour Aqualuce, il s’est passé quelque chose
de curieux, là où elle était, plus de soixante jours s’étaient
passés.
⎯ Suis-je vraiment partie ?
⎯ Mais oui maman, tu ne rêve pas, il paraît même que
tu as volé un engin spatial aux américains.
Pas de doutes, elle se rappelle, c’était à Houston, elle était
avec jacques, son mari.
⎯ Mais, papa, où est-il maman, il n’est pas avec toi,
est-ce que tu dois repartir ?
⎯ Je suis venue parce que tu m’as appelé, mais je ne
peux rester avec toi bien longtemps, papa est très très
loin, il a besoin de moi, mais je suis contente d’être venue
te voir, car toi et ton frère me rappelez que je vous ai et
que je ne dois pas vous oublier. Votre appel avec le sifflet
m’a guéri d’une maladie étrange. Aujourd’hui, c’est moi
qui ai eu besoin de toi, mais les autres fois où tu
m’appelleras, je serai avec vous pour vous aider si vous
59
avez besoin de moi. Comme tu es rentré hier à l’école,
est-ce que ça s’est bien passé, raconte-moi un peu ?
⎯ Oh ! maman, les enfants qui sont arrivés sont tous
supers, on se parle tous avec la Langue, comme nous l’a
expliqué Noèse. Je crois qu’on sera tous amis, et déjà,
aujourd’hui Noèse nous a montré ce que nous avons en
nous d’extraordinaire. Je suis certaine que nous allons
bien nous amuser et travailler. Mais il ne faut pas que tu
restes car il y a les policiers, ce sont des agents améri-
cains qui sont arrivés ce matin. Ils vont revenir bientôt
pour nous interroger, ils cherchent à savoir si c’est toi et
papa qui avez pris leur fusée. Maman, j’ai peur d’eux.
Que dois-je leur dire ?
⎯ Dis leur ce que tu sais, soi sincère, ils ne sont pas
venus pour te mettre en prison, c’est moi et papa qu’ils
recherchent. Lorsqu’ils arriveront, j’aurai disparu et tu
auras oublié notre conversation. Si Noèse est dans la mai-
son, va la chercher, j’ai besoin d’elle.
⎯ Je crois qu’elle est là, j’y vais.
Cléonisse s’absente un petit instant et réapparaît suivie de
Noèse, fort surprise de trouver sa sœur devant elle.
⎯ Tu ne devrais pas me voir normalement, mais lors-
que je vais partir, souffle l’oubli sur Cléonisse, qu’elle ne
se souvienne plus de mon passage.
⎯ Ne t’en fais pas Aqualuce, je sais pourquoi tu me le
demandes et je sais tout de ton voyage, nos pensées se
rejoignent. Cléonisse est rassurée, tu peux partir, les poli-
ciers sont déjà dans la cour, il ne faut pas qu’ils te trou-
vent ici. Rejoints la planète d’où tu viens, rejoints tes
amis. Notre histoire n’est pas la tienne encore et toi tu ne
dois pas être ici. L’espace-temps a été bousculée, après ta
venue il va y avoir des changements dans la zone du tem-
porel. Prends soin de toi et occupe-toi de Jacques, les en-
fants sont pour le moment en sécurité avec moi.
60
Aqualuce prend son enfant dans ses bras et l’embrasse
tendrement. Sa fille lui fait un sourire. À ce moment,
Noèse pose une main sur la tête de Cléonisse et le temps
d’un éclair, Cléonisse se retrouve seule dans sa chambre.
Elle voit qu’elle a dans sa main le sifflet magique que sa
mère lui avait confié. Elle trouve que ce n’est peut-être
pas le moment pour l’utiliser et soigneusement, elle le
replace dans la tirelire de son frère. Noèse ouvre sa porte
et lui dit :
⎯ Peux-tu descendre dans le salon, les deux agents de
la police américaine veulent te poser quelques petites
questions au sujet de maman et papa.
Lorsque Cléonisse descend, elle trouve les deux grands
hommes qu’elle avait paralysés et mis à terre avec Axelle
et Shanley. Heureusement, ils ne se souviennent de rien,
Noèse a pu leur faire oublier cet incident, justement, elle
les a rejoints. Les policiers sont impressionnants, ils ne
paraissent pas armés, mais ils sont tous deux de grande
taille. L’un a les cheveux bruns coupés à la brosse.
L’autre les a blonds et plus longs, ils lui recouvrent les
oreilles et il a des lunettes. Justement, celui-ci se présente
en parlant français sans trop d’accent :
⎯ Bonjour, je suis l’inspecteur Christopher Leass et
mon collègue, l’inspecteur Harry Black. N’aie pas peur
de nous, nos intentions ne sont pas contre toi ou ta fa-
mille. Nous menons une enquête pour comprendre cer-
tains événements étranges qui se sont passés dans notre
pays. Il semblerait que tes parents soient au courant et je
pense qu’ils pourraient nous aider à comprendre. Nous
sommes venus les voir, mais il semblerait qu’ils aient
disparu. Nous aimerions savoir où les trouver.
La petite fille n’aime pas les policiers, elle en a peur. Elle
craint qu’ils emmènent sa maman et son papa s’ils les
trouvent. Elle-même ne sait pas où ils sont partis, mais
61
elle veut les protéger. Noèse sent les craintes de sa nièce
et veut intervenir à sa place :
⎯ Cette enfant est très jeune, elle n’a que six ans. Si
vous souhaitez savoir où sont ses parents, c’est à moi
qu’il faut le demander. Luce Brillant est ma sœur, nous
vivons ensemble ici.
Les policiers hochent la tête.
⎯ Ma sœur est partie avec son mari il y a dix jours. Ils
avaient une affaire importante à régler. Je ne sais pas
combien de temps cela prendra et nous avons convenu
que je m’occuperais de ses deux enfants pendant toute
leur absence.
⎯ Savez-vous où ils sont partis ?
⎯ Je suppose que vous le savez aussi, sinon vous ne
seriez pas ici. Ils sont allés à Huston.
⎯ Vous savez dans quel but ?
⎯ Absolument pas, même si nous partageons le même
toit, ils ont leur vie.
⎯ Pour tout vous dire, monsieur et madame Brillant
ont été vus au centre spatial de Houston, des vidéos les
montrent montant dans une des navettes réelle servant à
l’entraînement des astronautes. Juste après qu’ils aient
pénétré à l’intérieur, l’engin a disparu. Lorsqu’on sait
qu’un tel appareil pèse près de cent tonnes, vous com-
prendrez que cela est totalement inhabituel. Nous ne pou-
vons pas faire une enquête officielle et traditionnelle, il y
a trop de mystère dans tout cela, nous sommes dans les
domaines du surnaturel. Nous n’avons pas averti les auto-
rités françaises, cela ne les concerne pas. Je suis avec
mon collège spécialiste des "Affaires Etranges" ; chez
nous, c’est le département SF, The Strangs Facts. Nous ne
sommes pas habilitsé à arrêter les suspects, nous ne som-
mes pas armés. Notre rôle est de comprendre les événe-
62
ments mystérieux qui peuvent se passer sur notre terri-
toire. Au-delà de notre rôle, il y a derrière nous des agents
et des juges pour appliquer la loi. J’aimerais que vous
puissiez m’aider à comprendre ce qui s’est passé. Si vous
savez quelque chose, c’est votre devoir, pour le bien de
votre sœur et son mari. Peut-être courent-ils un danger. Si
vous savez où nous pouvons les trouver, il faut nous le
dire.
Noèse comprend bien ce qu’il veut dire, elle lit en lui des
pensées honnêtes. Cet homme présente pour elle un inté-
rêt étrange. Mais elle ne peut lui dire la vérité. Cléonisse
qui les a écoutés, les regarde et dit alors :
⎯ Même si je vous disais où sont papa et maman, vous
ne pourriez pas les attraper. Ils ont déjà beaucoup voyagé
dans l’espace. Votre fusée est pour eux un jouet. Ma ma-
man est très forte, autrefois elle était commandant, elle
allait partout dans le ciel et les étoiles. Elle est certaine-
ment très loin dans le ciel, et puis elle n’a pas peur de la
police.
⎯ Ne l’écoutez pas, elle est jeune, elle a beaucoup
d’imagination, son père lui raconte beaucoup d’histoires
le soir avant de la coucher, il en écrit même. C’est un pas-
sionné de l’espace. Ma sœur aime beaucoup l’astronomie,
je crois qu’elle avait l’idée de visiter la NASA à Houston,
c’est pour cela qu’elle est partie avec son mari. Je ne
pourrais vous en dire plus à son sujet.
⎯ Peut-être n’avez-vous rien de plus à nous dire à son
sujet, mais expliquez-moi pourquoi vous avez bâti cette
école, quel est votre but, qui sont ces enfants ?
⎯ Écoutez, messieurs, êtes-vous venus ici parce
qu’une de vos navettes a disparu, ou alors, menez-vous
une enquête sur l’école que je dirige juste depuis trois
jours. Ici, nous n’avons rien à cacher, vous n’y trouverez
pas ma sœur et mon beau-frère, car ils ont pris l’avion il y
63
a dix jours. Depuis, je ne les ai pas revus et ils ne m’ont
pas téléphoné ni adressé un Email. Je ne sais pas où ils
sont.
⎯ Madame, l’affaire est beaucoup trop grave pour
mon gouvernement pour que nous en restions là. Je com-
prends vos arguments mais nous avons aussi les nôtres. Je
vais mener une enquête sur votre sœur ici, ensuite, nous
nous reverrons. Ma petite, as-tu quelque chose à nous dire
encore sur ta mère et ton père ?
Cléonisse est un peu rouge, elle sait qu’elle en a déjà trop
dit. Elle détourne d’eux son regard mais au même instant,
l’agent pose une main sur elle et se brûle vivement à son
contact, comme s’il avait touché un fer à repasser. Sur sa
main apparaît aussitôt une brûlure vive et l’homme, saisi,
fait une grimace. L’enfant est déjà parti en courant pour
rejoindre les autres. Noèse se précipite avec une serviette
mouillée pour lui apaiser la brûlure. Il lui répond :
⎯ Laissez, je vais me soigner à l’hôtel. Voyez-vous,
c’est pour ce genre de chose que nous allons nous revoir.
Les deux hommes s’éloignent et regagnent leur voiture.
C’est alors que Steve, le mari de Noèse, la rejoint.
⎯ Que s’est-il passé, j’ai vu repartir ces deux hommes,
ils n’avaient pas l’air satisfaits.
⎯ Ce sont des agents américains du FBI, ils mènent
une enquête sur Jacques et Aqualuce. Ils pensent qu’ils
ont volé une navette à Houston. Ils voudraient en savoir
plus à leur sujet. Ils ont interrogé Cléonisse. Ils font partie
d’un service spécial, le SF, et enquêtent sur les affaires
étranges.
⎯ Je ne connais pas ce service, je n’en ai jamais en-
tendu parler.
⎯ Ils reviendront nous voir, Cléonisse s’est fait remar-
quer, l’un d’eux s’est brûlé en la touchant. Je sais qu’il a
64
un doute sur moi et Cléonisse, il pense que nous lui ca-
chons quelque chose. De plus il s’intéresse à notre école,
alors qu’elle vient d’ouvrir depuis hier. Ils vont revenir,
avec plus de questions. Nous devons nous y préparer. De
toute façon, je ne sais pas où se trouve Aqualuce, elle est
dans un autre espace, à des milliers d’années lumières.
Curieusement, j’ai trouvé dans ces hommes une profon-
deur peu commune, il a quelque chose qui me plaît.
⎯ Quoi qu’il en soit, Noèse, il ne faut pas que les en-
fants soient mêlés à cette histoire.
⎯ Je crois, Steve, que c’est trop tard. La nouvelle a dé-
jà fait le tour chez les enfants, notre rôle est maintenant
de les occuper à d’autres choses. Nous devons avertir
Clara et Martin pour qu’à nous quatre nous soyons vigi-
lants.
65
LES CLANS
67
cœur et notre seule raison, nous pouvons faire de choses
merveilleuses.
⎯ Tu as raison, Jia. Veux-tu te joindre à nous?
⎯ D’accord, je ne connais personne encore et je crois
que tu as toujours habité ici. Tu pourras me faire connaî-
tre l’école et ta région.
Plus loin, ils rencontrent Lina. Dans le jardin l’enfant est
en train de confectionner une couronne de fleurs de trèfle.
⎯ Qu’est-ce que tu fais ?
⎯ Je trouve ces fleurs très jolies, alors j’ai eu l’idée d’en
faire cette couronne. Approche toi, dit-elle à Cléonisse.
Elle couvre sa tête de son magnifique ouvrage de fleurs
qui accompagne joliment ses longs cheveux blonds.
⎯ Ça te va super bien lui dit Axelle.
⎯ Je peux vous en faire pour vous toutes, voulez-vous
que je vous apprenne ?
Toutes ravies, elles acceptent et elles commencent à
cueillir toutes les fleurs de trèfle qu’elles peuvent trouver.
C’est la fin de l’après-midi et avant le repas du soir elles
ont encore du temps libre. Tous les enfants jouent sous le
préau ou dans le jardin, sous la surveillance de leurs édu-
cateurs, Clara, Martin et Steve. Avant le repas, le petit
groupe de fille s’est adjoint de trois autres, Guelia, Maïsa
et Oda. Au moment où sonne le repas, c’est un groupe de
sept filles à la tête couronnée de fleurs qui pénètre dans le
réfectoire. Elles se font remarquer par Noèse qui leur dit :
⎯ Vous avez de jolies couronnes sur vos têtes, qu’est-
ce cela signifie ?
⎯ C’est le signe de notre clan, nous sommes les en-
fants de la couronne, cela signifie que nous sommes insé-
parables et que notre groupe défendra toujours la nature
et les choses simples. Nous laissons parler notre cœur, lui
répond Axelle.
68
Noèse connaît sa fille, elle sait qu’elle a en elle ses pro-
pres pouvoirs et elle connaît sa sagesse malgré son jeune
âge.
⎯ Allez-vous installer à table avec les autres, ne restez
pas toujours ensemble, il faut vivre avec tous, ici. Notre
communauté forme un tout.
Ce que Noèse ne sait pas encore, c’est que Céleste, de son
côté, a commencé à rassembler des enfants pour créer
aussi son clan. Après avoir quitté sa sœur, avec Didda, ils
n’ont eu aucun mal à réunir Abdel, Abbas et Timofeï,
Moacyr et Bako. Quoi que dise Noèse, deux clans se des-
sinent déjà au lendemain de la rentrée et ces deux petits
groupes se rassemblent autour du repas. Des regards
s’échangent entre les deux groupes, mais ils ne se font
pas remarquer.
Après le repas, Noèse a prévu une sortie dans la forêt
pour faire découvrir à tous les enfants le parc derrière
l’école. Tous préparés, ils partent, accompagnés de Steve,
Clara et Martin. Le groupe monte l’allée derrière le labo-
ratoire et rejoint la forêt. L’ombre de la montagne a déjà
caché le soleil, mais début septembre, la lumière est en-
core présente, ce qui leur laisse du temps pour cette pro-
menade.
Céleste a rassemblé ses nouveaux amis et il a l’intention
de leur montrer ses cachettes secrètes. Tout se passe bien
pour le groupe jusqu’à ce qu’on ne puisse plus voir les
bâtiments de l’école. C’est ce moment que choisit Céleste
resté en arrière pour faire signe à ses amis de sauter dans
le petit fossé sur le côté. Ils disparaissent d’un coup sans
qu’aucun adulte n’ait eu le temps de les voir faire. Lors-
que Noèse se retourne pour contrôler que tout se passe
bien, sept enfants ont disparu. Surprise, elle arrête tous les
enfants et demande à Steve de bien vouloir les recompter.
Pas de doutes, ils ne sont plus tous là et Céleste a aussi
69
disparu, ce qui laisse croire qu’il soit pour quelque chose
dans cette disparition.
Céleste est heureux, il aime courir dans les bois et dès
qu’ils se sont cachés dans le fossé, il a entraîné tous ses
nouveaux amis. Ils ont couru aussi vite qu’ils ont pu et il
les a dirigés dans une cavité sous des blocs de pierres
immenses. C’est un peu obscur ici, mais c’est tellement
plus sympathique lorsque l’on court après l’aventure.
C’est alors que Moacyr, attrapant un morceau de bois,
l’allume d’un simple regard et le transforme en une tor-
che flamboyante.
⎯ On voit plus clair comme ça !
Tous le regardent en ouvrant des yeux éblouis.
⎯ Mais comment as-tu fait cela ? lui demande Abbas.
⎯ J’avais besoin de nous éclairer, alors j’ai pris ce que
j’ai trouvé sous la main.
Le bout de bois qu’il a trouvé au sol s’est transformé dans
ses mains en une torche de magnésium. La lumière
qu’elle dégage est plus forte qu’un phare de camion. Les
amis sont émerveillés à la vue du pouvoir spontané de
leur ami. Mais c’est sans compter sur la vigilance de
Noèse qui de loin voit le faisceau anormal qui se dégage
du fond du bois. Sans hésiter, elle se dirige vers la source
de cette lumière et instantanément, elle se tient devant les
enfants. Elle attrape la torche des mains de l’enfant et
l’éteint d’un coup en la plantant dans la terre humide.
⎯ Mais qu’est-ce qui vous prend, les enfants ? Vous
avez envie de vous retrouver à l’hôpital. Moacyr, ta tor-
che au magnésium ne s’arrêtera que lorsque le métal sera
totalement consumé. C’est toi, Céleste, qui a eu cette
idée, je le sais. Ce n’est pas parce que tu connais la pro-
priété que tu peux te permettre ce genre de fantaisie.
Vous nous avez fait peur, nous rentrons.
Les enfants sont surpris d’avoir vu arriver aussi instanta-
70
nément la directrice. Par quelle magie a-t-elle pu faire
cela ? Noèse sait que ces enfants sont vraiment particu-
liers, ils ont tous des pouvoirs qui, mal employés, pour-
raient devenir dangereux. Pour éduquer des enfants
comme eux, il faut être comme eux. Noèse est un enfant
des étoiles, elle n’est pas née sur Terre, ses pouvoirs sont
équivalents à ceux de tous les enfants réunis et plus en-
core. Moacyr lui demande :
⎯ Tu fais comment pour te déplacer aussi vite ?
⎯ Tu fais comment pour transformer un bout de bois
en magnésium ?
⎯ Ça me vient naturellement, il me suffit d’y penser.
⎯ Moi aussi, il me suffit d’y penser, tu vois, je suis
comme toi, c’est pour cela que je suis ta maîtresse.
Les enfants un peu confus d’avoir voulu être plus fort que
tous, suivent Noèse qui les ramène vers leurs chambres.
La nuit commence à tomber. Tous les enfants se cou-
chent, mais ce qu’ils ont vécu aujourd’hui est sans aucun
doute la journée la plus fantastique de leur vie par tout ce
qu’ils ont pu voir et faire. Pourtant, ils n’en sont qu’au
tout début de leur année scolaire. À fond de son lit Cé-
leste pense à sa maman. Il sait qu’elle n’aurait pas été
contente de le voir faire le malin, mieux que les autres.
Mais que fait-elle en ce moment, où est-elle ? C’est sur
cette pensée qu’il s’endort.
71
VENDREDI
76
mètre, il doit être possible de voir très loin dans l’univers.
Pour regarder, il n’est pas nécessaire de grimper en haut
ou de se plier à quatre pattes en dessous. Une dizaine de
lunettes alignées face à des sièges permettent de voir à
plusieurs la même image que la lentille peut concentrer.
Le miroir peut se déplacer pour modifier son observation.
À la verticale de l’engin, autour de l’orifice dans le toi,
une couronne de petits appareils un peu étranges et bril-
lant semble faire le tour de la lentille. Un enfant de-
mande :
⎯ Maîtresse, c’est quoi les choses brillantes au des-
sus ?
⎯ Bonne question, Scott. Ce sont des déviateurs de
flux. C’est-à-dire que l’air de la terre et la lumière des
villes et du soleil polluent l’atmosphère et empêchent de
voir loin dans le ciel, les images que l’on reçoit sont dé-
formées, voire inexistantes. C’est pour ça que j’ai fabri-
qué ces appareils qui repoussent toute la pollution atour
de la lentille ; son effet dépasse la couche d’air de notre
planète. J’espère que vous m’avez compris ?
Certains enfants font un peu la grimace.
⎯ Ce n’est pas grave, Steve va vous faire une démons-
tration.
⎯ Les enfants, aimeriez vous voir la Lune, là où les
hommes se sont posés un jour ?
Cela semble peu original mais les enfants acceptent. À
partir d’une console, Steve manipule des boutons et le
grand miroir se met à bouger. L’appareil semble se caler.
Il invite un premier groupe d’enfant à prendre place dans
les sièges et à placer un œil dans la lunette. Avec grand
étonnement, les enfants voient le sol de l’astre et de façon
vraiment extraordinaire, observent les engins bien détail-
lés. Scott reconnaît le drapeau américain et demande :
⎯ C’est quoi les appareils par terre ?
77
⎯ Ce sont les traces de notre passage ; comme je vous
le disais : le socle de leur fusée qui les a amenés là et une
voiture lunaire pour se déplacer.
⎯ On peut vraiment aller partout dans le ciel ? de-
mande Maïsa.
⎯ Les hommes de la terre ne peuvent pas aller beau-
coup plus loin que la lune, voire La planète Mars. Mais je
crois qu’avec nous vous allez apprendre au cours des an-
nées que le ciel, comme tu dis, Maïsa, n’est pas une li-
mite.
Par la suite tous participent à l’observation, avec le plus
grand intérêt et de nombreuses questions. En fin d’après-
midi, ils quittent l’observatoire, c’est pour tous le week-
end. Deux jours sans école mais un long moment pour
jouer et se connaître.
78
WEEK-END
79
⎯ Je m’en fiche, ils ne savent pas comment je les vois,
j’ai bien d’autres idées en tête et j’aime mieux les filles.
⎯ Nous ne sommes pas contre les garçons, si tu en
connais d’autres qui veulent se joindre à nous, au
contraire, on veut bien.
⎯ Dans ma chambre, nous sommes trois et je
m’entends bien avec les deux garçons. Ils s’appellent
Kime et Lilo, regarde, ils sont justement là, à côté de la
fontaine.
⎯ D’accord, on les rejoint, si tu veux.
⎯ Salut, Kime, salut, Lilo. J’ai amené des amies avec
moi, voulez-vous vous mettre avec nous ?
⎯ Qu’est-ce que vous avez à nous donner ? leur de-
mande Lilo.
⎯ Nous n’avons rien à vous offrir, sauf notre sourire et
nos cœurs, répond Axelle.
⎯ Ça me va, marché conclu, je vous suis.
⎯ Eh ! tu ne vas pas me laisser tout seul, lui réplique
Kime.
⎯ Alors, viens avec nous.
⎯ Bon, d’accord, mais vous allez me laisser choisir
d’autres amis que j’aimerais avoir avec moi et que
j’apprécie beaucoup.
⎯ Si tu veux, à condition qu’ils ne soient pas préten-
tieux.
⎯ Je crois qu’ils vous plairont.
Kime les entraîne dans la serre derrière le préau. À
l’intérieur, deux enfants sont autour d’un garçon qui
chante, ils l’écoutent. Tous se rapprochent doucement
pour ne pas déranger. Ils s’assoient autour, le garçon est
un peu ému mais reprend sa chanson :
80
Ma musique est dans ma tête,
Si tu l’écoutes, t’es pas bête.
Je la chante pour mes amis,
Et c’est pour ça qu’ils sourient.
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d’Alice sont sous le préau, c’est là qu’ils les rejoignent.
Ils retrouvent Anate et Cybèle ensemble, ces deux filles
semblent s’entendre parfaitement, leur tempérament est
semblable et leurs idées paraissent se compléter. Anate a
connu la guerre dans son pays, elle vient de la Palestine et
son amour pour tous, même pour les ennemis de son peu-
ple, est tel qu’elle pourrait paralyser tous ceux qui leur
veulent du mal. Cybèle est rebelle de nature et elle vou-
drait pouvoir rendre les hommes bons autour d’elle. Elle
sent en son être la capacité de pouvoir un jour influencer
le tempérament des hommes, soit pour le bien, ou pour le
mal.
⎯ Tu viens me voir, Céleste. Je sais ce que tu veux,
mais je n’ai pas envie.
⎯ Je ne t’ai encore rien dit !
⎯ Si, tu penses que tu voudrais qu’on vienne dans ta
bande.
⎯ Mais je ne te l’ai pas encore dit, Cybèle.
⎯ Oui, mais tu le penses. Tu devrais savoir que je
n’accepte aucun chef, et que je fais ce que je décide.
Alors, j’ai pas besoin de toi.
⎯ Mais, je ne suis pas chef et je n’ai aucun plan en
tête. Si tu venais avec nous, c’est toi qui pourrais faire des
plans.
⎯ Je pense qu’on pourrait tenter de les suivre, il dit
vrai. En groupe, on est toujours plus fort. Moi j’ai envie
de suivre Céleste et ses amis.
Cybèle est fière, elle regarde Anate d’un mauvais œil,
mais celle-ci sentant la haine de son ami l’entourer, par sa
force, elle la neutralise. Sans prise sur elle, Cybèle est
désarmée et elle comprend combien son amie a raison.
⎯ Bon, d’accord, on les suit. Mais s’il ramène trop sa
fraise, je m’en vais.
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⎯ C’est d’accord, répond Anate.
Et curieusement, sans avoir rien demandé, Céleste voit les
deux filles s’accorder à leur groupe. Il est heureux de voir
qu’en peu de temps, son clan a grossi d’un bon nombre
d’amis. C’est à ce moment que la cloche du dîner retentit.
Il faut se rendre au réfectoire. On verra plus tard pour
trouver d’autres enfants qui compléteront l’équipe. En
passant devant les tables, il voit sa sœur Cléonisse ac-
compagnée par d’autres enfants. Ils sont plus nombreux
qu’eux. Cela l’énerve, ces deux filles semblent toujours
avoir raison. Il repère trois enfants qui semblent faire
bande à part. Il pourrait peut-être les attirer à lui.
⎯ On verra ça après le repas, se dit-il.
Noèse remarque toutes les pensées qui s’agitent autour
d’elle. Voyant les clans se former, elle pense que
l’expérience pourrait être positive et elle décide de laisser
faire. L’essentiel est qu’aucun ne soit laissé pour compte
ou exclu. Elle voit bien trois enfants encore en dehors de
ces groupes, mais elle pense que bientôt ils auront trouvé
leur clan.
En effet, après le repas, elle dit aux enfants que la soirée
sera libre jusqu’à 21 heures en restant dans les bâtiments
ou le jardin sous la surveillance des éducateurs, à condi-
tion de ne pas s’aventurer dans la forêt. Au-delà, la nuit
sera tombé et il faudra se coucher.
C’est facile pour Céleste, il connaît bien les lieux, il en
profitera pour aborder les trois enfants qui se sont mis à
part au repas. Il parle un instant avec Didda, mais ne re-
marque pas que les trois enfants ont quitté la table avant
eux. Didda, tu n’as pas vu partir les deux filles et le gar-
çon ?
⎯ Tu me parlais, j’ai rien vu.
⎯ Il ne faut pas que ma sœur les attrape avant moi.
Viens, on va les chercher.
86
Didda emmène toute l’équipe. Une fois dehors, Céleste
constate que les trois enfants ne sont pas là.
⎯ Où sont-ils, Didda, il faut les trouver.
⎯ Pourquoi tant d’empressement Céleste ?
⎯ Je ne sais pas, c’est comme ça. Il y a quelque chose
en moi qui me dit que c’est important. Je sais qu’on a
quelque chose à faire ensemble, mais je ne sais pas quoi ?
⎯ On est tous comme toi, on est là, au fond de nous on
sait, mais on ne sait pas quoi. Pourtant, nous sommes en-
semble.
Matin, l’éducateur, s’approche de Céleste :
⎯ N’allez pas trop loin, dans une heure, il fera nuit.
⎯ D’accord, mais vous n’auriez pas vu deux filles et
un garçon qui sont sortis du réfectoire avant nous ?
⎯ Oui, je crois qu’ils ont rejoint Clara dans les cham-
bres.
Céleste est déçu, il pensait les retrouver et les emmener
dans sa bande. Attristé, il se dirige avec les autres au bord
de la forêt pour y attendre le coucher du soleil. C’est là
qu’il entend des pleurs qui résonnent dans les bois. Il n’y
a pas de doute, se sont bien des enfants. Il s’est passé
quelque chose.
⎯ Vous entendez ces pleurs ? Il faut faire quelque
chose, on a plus le temps d’avertir les grands, suivez-moi,
il ne faut pas perdre de temps.
Les enfants suivent Céleste qui connaît mieux que tous
cette forêt. Ils mettent moins de cinq minutes pour arriver
sur le lieu où ils trouvent les trois enfants. Le garçon a la
jambe coincée sous un tronc d’arbre et il pleure. Les deux
filles ne savent pas quoi faire, Shanley tente bien de la
dégager mais elle n’arrive pas à soulever la bille de bois
qui écrase la jambe de l’enfant. Lala ne parvient pas non
plus à l’aider. Timofeï intervient alors :
87
⎯ Écartez-vous, je crois pouvoir faire quelque chose,
j’ai dans ma tête une idée si forte qu’il faut que je
l’exécute.
Personne ne sait où il veut en venir. C’est alors qu’en re-
gardant le tronc écrasant la jambe du garçon, ses yeux se
mettent à rayonner un fluide de couleur jaune.
Le tronc d’arbre se met à bouger et se soulève douce-
ment. Timofeï la lève bientôt plus haut que la cime des
arbres et la laisse retomber plus loin. Tous sont impres-
sionnés par cette performance. Mais spontanément, Ab-
bas voyant la jambe écrasée par l’arbre, se rapproche de
Sven, le petit suédois qui pleure beaucoup.
⎯ Ne t’en fait pas, je vais te soigner, ça ne va pas être
long.
En effet, le petit Marocain s’installe au-dessus de la plaie
et pose une main sur la blessure. À son contact, la chair
semble se reformer instantanément et en quelques minu-
tes, la plaie est entièrement cicatrisée. Les enfants pré-
sents ont tous vu cela et restent admiratifs.
⎯ Comment te sens-tu maintenant ?
⎯ J’ai senti une chaleur intense mais elle me faisait du
bien. Je n’ai plus mal maintenant que tu as passé ta main
sur ma jambe. Je me sens très bien, je crois que je peux
me lever.
Pendant ce temps, Alice qui a tout vu, se concentre, ferme
les yeux et semble communiquer par télépathie.
⎯ J’ai tout raconté à la maîtresse, elle arrive.
Céleste réfléchit puis dit :
⎯ C’est pas plus mal, de toute façon, on y est pour
rien. Même, si nous n’étions pas arrivés à temps, ça aurait
pu être plus grave.
Noèse n’arrive pas instantanément comme la dernière fois
et les enfants restent seuls quelques minutes. Sven, Shan-
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ley et Lala racontent ce qu’il leur est arrivé.
⎯ Nous avions envie d’aller dans la forêt, parce que la
maîtresse nous l’avait interdit. La dernière fois, lorsque
vous êtes partis et que vous vous êtes fait gronder, on au-
rait voulu être avec vous. Nous, on aime bien l’aventure.
Tout à l’heure, nous sommes montés sur une bute et en
haut il y avait un tronc d’arbre. Sven a sauté dessus. Le
tronc s’est mis à rouler le long de la pente, Sven est tom-
bé devant et l’arbre lui a roulé sur la jambe. On ne pou-
vait rien faire et on avait peur de se faire gronder si on
nous trouvait ici. On est contents que vous soyez venus.
On aimerait bien rester avec vous, si vous voulez ?
⎯ Oh ! bien sûr, qu’on veut de vous dans notre
équipe !
⎯ Dans notre groupe, nous avons tous un don particu-
lier qui nous réunit. Il faut féliciter Timofeï d’avoir pu
soulever l’arbre qui était sur toi, Sven, et remercier Abbas
de t’avoir soigné. Je crois que si on est ensemble, c’est
parce qu’on a chacun le pouvoir d’aider les autres. Notre
tête est là pour réfléchir et notre pouvoir pour agir.
Après la remarque de Didda, les enfants se regardent tous
et échangent ensemble une pensée. Ils savent qu’au fond
d’eux, il y a un pouvoir particulier, et qu’en groupe, ils
pourront le mettre à profit pour les autres. Ensemble, ils
seront plus forts. S’ils arrivent à partager un jour leurs
qualités, ils deviendront invincibles. Ils savent qu’en res-
tant unis, leur intelligence et leur force seront multipliées.
Ils forment dès cet instant un groupe particulier capable
de résister à des forces ou des individus malveillants.
Noèse, s’est approchée d’eux, et elle s’est mêlée à leurs
pensées. Elle sait qu’ils se sont retrouvés dans la forêt par
nécessité. L’accident aurait pu être plus dramatique, mais
la chance était avec eux. Si noèse pense à la chance, elle
n’entend pas par là une source de hasard, mais plutôt des
89
circonstances nécessaires à l’union de ce groupe. Elle re-
garde Sven, Shanley et Lala, et leur sourit :
⎯ Tu viendras avec moi à l’infirmerie, dit-elle, Steve
examinera ta jambe pour voir si elle n’a pas de séquelles.
Bravo les enfants pour votre action. Vous avez fait preuve
de sang froid. C’est ainsi que nous arriverons tous à des
résultats formidables. Vous devez apprendre à rester en-
semble et s’il vous plaît, écoutez-nous lorsqu’on vous fait
des recommandations.
Noèse ramène les enfants vers leurs chambres où les au-
tres éducateurs les attendent. Elle est loin d’être étonnée
de leur aventure, "la chance", c’est elle qui l’avait provo-
qué en voyant les trois enfants solitaires dans le réfec-
toire. Si elle ne pouvait pas réellement contrôler les en-
fants, elle ne serait pas la directrice de cette école. Le
pouvoir de Noèse est grand, elle a la faculté de contrôler
la courbe du destin. Un jour, elle l’a fait pour son mari,
mais c’est une autre histoire. Elle accompagne Sven jus-
qu’à l’infirmerie, là, Steve regarde la jambe de l’enfant :
pas de cicatrice, pas de séquelles apparentes et l’enfant ne
ressent aucune douleur !
⎯ J’aimerais bien voir l’enfant qui l’a soigné, je crois
que nous pourrions partager ensemble nos connaissances.
⎯ Son père est médecin, je pense qu’il a hérité de ses
dons et d’autres aussi.
Il se fait tard maintenant pour les enfants qui se couchent.
C’est le week-end, deux jours libres pour eux, ils vont
pouvoir vraiment commencer à s’apprécier.
91
LUNDI 8 SEPTEMBRE
95
⎯ Je ne sais pas, mais tu sais que c’est à cause d’eux
qu’on a fait les clans. Tu étais avec nous lorsque ça s’est
passé. Ils sont à l’origine des découvertes qu’on a faites
dans nos groupes. Et puis, ne les appelons plus les poli-
ciers, mais Christopher et Harry, c’est mieux. Je ressens
qu’ils ne sont pas méchants, au contraire.
⎯ Moi, je crois qu’on va en faire des amis, ça serait
drôle d’avoir avec nous de très vieux élèves.
⎯ Je pense comme toi, Cléonisse, ce sont des amis, je
les sens comme ça. Allez, bonne nuit, à demain.
Le samedi matin, lorsque les enfants se retrouvent dans le
réfectoire, les deux agents se mélangent à eux. Une trans-
formation semble s’être effectuée en eux. Non seulement
ils ne ressemblent plus aux policiers du premier jour,
mais leur regard a changé. La semaine dans la classe avec
les enfants les a transformés. Comme c’est le week-end,
ils annoncent à tous dans la salle :
⎯ Les enfants, Harry et moi avons décidé de vous ap-
prendre ce week-end, à jouer au baseball. C’est un sport
typiquement américain, je pense qu’il est temps de vous
initier.
Tous sont surpris et enthousiastes, seuls Tom et Scott le
sont moins, car ils connaissent déjà ce sport, ils sont amé-
ricains. Noèse a été tenue au courant de cette initiative
qu’elle approuve et comme il fait beau aujourd’hui, la
grande pelouse sera toute disponible. Christopher et Har-
ry ont apporté l’équipement de baseball et à la sortie du
réfectoire, les enfants rejoignent les deux hommes. De-
vant les yeux de tous, ils ouvrent un grand sac et sortent
le matériel. Les enfants découvrent alors des accessoires
qu’ils ne connaissent pas.
Christopher sort un gant, qu’il nomme batting glove ; il
est énorme et à l’intérieur, une main d’enfant est minus-
cule. Ensuite, un manche en bois, c’est une batte, elle doit
96
faire près de quatre-vingt centimètres de long. Il y a des
balles, elles sont grosses comme des balles de tennis, puis
il sort encore des protections pour les jambes, des casques
et des gants plus fins que les autres.
⎯ Voyez-vous, les enfants, tout cet équipement est
pour jouer au baseball, nous l’avons acheté hier à Ge-
nève. Avec Harry nous allons vous faire une démonstra-
tion, ensuite nous irons nous entraîner pour vous appren-
dre à frapper. Tom et Scott, savez-vous y jouer ?
⎯ Mon père a commencé à m’apprendre, je sais frap-
per, dit Scott.
⎯ Moi, je sais lancer, répond Tom.
⎯ Bien, alors vous nous ferez aussi une démonstration.
Les enfants accompagnés de leurs nouveaux professeurs
marchent jusqu’à la pelouse où Steve est en train de tracer
au plâtre les contours du nouveau terrain de baseball. Ils
commencent à distinguer la forme d’un diamant.
Christopher et Harry prennent une balle et une batte et
s’écartent l’un de l’autre.
⎯ Voyez, les enfants, le baseball est un jeu assez sim-
ple. Il y a deux équipes, les attaquants et les défenseurs.
Les défenseurs sont neuf sur le terrain et les attaquants
sont en général quatre pour commencer. Pour l’équipe
attaquante le but est de marquer des points avec les cou-
reurs. Le jeu commence comme cela : le lanceur de
l’équipe des défenseurs lance une balle très précise, que
l’attrapeur tente de prendre. Mais l’attrapeur est derrière
le batteur qui est attaquant. Le batteur doit frapper la balle
pour l’envoyer le plus loin possible, car dès qu’elle est
partie il devient coureur et doit aller vers les bases. Les
bases sont trois plaques sur lesquelles il doit passer ou
s’arrêter s’il n’a pas le temps de faire le tour et de rejoin-
dre le marbre. Je vous expliquerai ce que font les autres
défenseurs plus tard. Harry et moi allons vous faire une
97
démonstration entre lanceur et batteur. Harry va me lan-
cer la balle, je vais tenter de la frapper et courir en faisant
le tour des quatre plots que nous avons posés pour figurer
les bases.
Les enfants sont tous très intéressés et regardent attenti-
vement les deux hommes se placer. Harry s’éloigne et se
place face à Christopher. Il a mis son baseball glove.
Christopher se concentre avec sa batte. Ils se regardent
dans les yeux et d’un coup, Harry lance de façon franche
et rapide la balle que Christopher rate.
⎯ Vous voyez, les enfants, dans le jeu, je n’ai droit
qu’à trois essais, ensuite, je suis éliminé.
Harry recommence, il lance une nouvelle fois la balle et
cette fois, Christopher la renvoie avec force à l’autre bout
du terrain. Il lâche la batte et se met à courir vite, touche
les trois cônes et revient sur le premier au départ. Il est
tout essoufflé :
⎯ Voilà comment on marque un point ! Vous avez sai-
si ? Tom et Scott, venez à votre tour faire une démonstra-
tion.
Les deux garçons se placent. Tom est lanceur, Scott est
batteur.
Tom se concentre et regarde son ami. Et d’un coup, la
balle part si vite qu’aucun œil ne peut la suivre. Mais
Scott a déjà frappé la balle et court si vite qu’il est déjà
revenu. Harry et Christopher n’en reviennent, l’action a
été si rapide qu’ils n’ont eu que peu de temps pour la sui-
vre. Mais ce qui les surprend encore plus, c’est que Tom
tien dans sa main la balle qui semblait être partie si loin et
si fort.
⎯ Mais comment as-tu fait pour rattraper cette balle ?
⎯ Je voulais la récupérer, ma main l’a attirée.
Christopher qui partage la vie de ces enfants depuis une
semaine n’est pas surpris. Je comprends qu’avec eux, il
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va falloir composer. Il s’est mis en tête de les initier au
baseball mais s’ils sont tous du même style, quel intérêt
vont-ils y trouver.
⎯ Bien, vous avez tous vu comment on débute le jeu.
Pour pouvoir y jouer, il faut savoir lancer, recevoir et
frapper. Donc, nous allons commencer à apprendre à lan-
cer et recevoir. Vous allez vous séparer en deux groupes,
les lanceurs et les catcheurs. Les catcheurs prendront un
gant de baseball pour attraper la balle et les lanceurs lan-
ceront la balle vers les catcheurs en respectant ce que
j’appelle la zone de strike, c’est-à-dire le carré de récep-
tion de la balle qui se situe sous les bras et au niveau du
genou, devant le batteur. Apprenez-vous à bien lancer la
balle comme ça, c’est important pour un bon jeu.
Juste après l’explication, les enfants se séparent en deux
groupes, celui de Céleste et celui d’Axelle, comme ils les
ont composés précédemment ; la rivalité se fait déjà sentir
au moment du partage, Christopher s’en rend compte :
⎯ On n’est pas en compétition, mélangez-vous tous, je
veux deux groupes de quatorze.
Alors les enfants se replacent et ils se trouvent tous face à
face sur le terrain, un groupe de catcheurs avec des gants
et un autre de lanceurs. Les enfants commencent à
s’entraîner. Les groupes alternent, tantôt lanceurs tantôt
catcheurs. La matinée se passe très bien et Christopher
voit que tous les enfants n’ont aucune difficulté, leurs
lancers sont d’une très grande précision, leurs balles très
rapides arrivent toujours dans le gant du catcheur. C’est
cent pour cent de réussite. Lorsque vient l’heure du dé-
jeuner, Christopher retrouve Noèse.
⎯ Je me doutais bien que ces enfants étaient différents
des autres ; le jour ou dans la classe j’ai vu voler une
chaise, je n’ai rien dit, mais il y avait des détails qui ont
conforté ce que j’ai vu ce matin. Avec eux, si je veux, je
99
ferai la meilleure équipe de baseball du monde.
⎯ D’accord, et vous allez avertir le FBI pour ça ?
⎯ Je ne sais pas, il se passe des choses curieuses ici,
c’est certainement en relation avec la disparition de la
navette spatiale.
⎯ Qui est devant moi, l’enquêteur ou l’homme
curieux ?
⎯ Un peu des deux.
⎯ OK et qu’est-ce qu’on fait ?
⎯ Je continue l’entraînement, vais réécrire les règles
du baseball pour eux, il leur faut un jeu à leur portée, je
crois comprendre de quoi ils sont capables.
⎯ Ah bon ? de quoi donc ?
⎯ De tout ; ces enfants ensemble n’ont pas de limite,
je suis certain qu’il suffit de diriger leur esprit pour leur
faire faire des choses démentielles.
⎯ C’est justement pour ça qu’ils sont là, pour leur évi-
ter les choses démentielles.
⎯ C’est pour cela que je vais faire de nouvelles règles
pour eux, le sport a toujours été la meilleure thérapie pour
apaiser les esprits. J’ai envie d’aller plus loin avec eux,
pour les aider.
⎯ Là, ce n’est pas le policier qui parle.
⎯ Faites attention, il est en sommeil, mais si je devais
trouver chez vous des traces de complicité en relation
avec le vol de la navette, il se réveillerait.
⎯ Alors, considérez-le comme mort.
⎯ Je le crois aussi, mais votre école a quelque chose
de spécial et je crois que j’ai mis le doigt sur quelque
chose de démentiel.
⎯ Et, j’ai à faire à quel homme, là ?
⎯ À l’homme curieux, celui que l’extraordinaire inté-
resse et passionne.
100
⎯ Alors, bienvenue.
Noèse a bien des pouvoirs, notamment celui de lire les
pensées et les influencer. Mais, avec Christopher Leass,
en aucun cas elle n’en profite. Elle ne sait pas pourquoi,
mais au premier instant où elle l’a vu arriver avec son
collègue, elle ne l’a pas craint, au contraire une confiance
s’est établie en elle et lui. Noèse sait que les enfants ré-
unis sont une véritable force à eux seuls. Leur présence
doit influencer tout leur environnement. Christopher en
est une victime, comme Harry. Mais avant tout, ils sont
consentants, ils aiment les enfants qui les entourent au-
jourd’hui. Ces deux hommes sont célibataires, rien ne les
attache à leur pays.
L’après-midi, l’apprentissage au baseball continue, cette
fois, c’est à frapper que tous s’initient. Les garçons et les
filles sans distinction frappent la balle que Harry leur en-
voie. Pas un ne rate une balle et tous l’envoient aussi loin
qu’ils peuvent. Mais le plus curieux c’est qu’aucune balle
ne s’est perdue car le jeune Timofeï s’est occupé à les
faire revenir dans ses mains. C’est ainsi que toutes les
balles faisaient d’étranges aller retours. Mais presque per-
sonne n’y a pris garde, c’est naturel…
101
LE MATCH
102
reur. Le joueur est éliminé s’il n’est pas parvenu à sauter
sur une base avant l’arrivée de la balle. Le jeu se pratique
sur un terrain de cent mètres de côté ; il est spectaculaire
car la balle tournoie pendant que les bases se déplacent
dans tous les sens en glissant au-dessus de l’herbe. Une
fois, Christopher avait voulu faire jouer les enfants de
façon conventionnelle au baseball mais le jeu était si par-
fait que les enfants s’étaient tout de suite lassés. Ce nou-
veau jeu les séduit car il leur demande de faire agir les
dons qu’ils ont en eux. Ce que Noèse apprécie, c’est qu’il
leur permet de contrôler plus justement leurs pouvoirs.
Elle avait craint au début le danger d’un jeu aussi rapide
qui les mettraient dans des positions dangereuses, surtout
lorsqu’ils sautent pour attraper la balle au-dessus d’eux,
mais les enfants les plus aptes au saut se sont démarqués
et comme pour la marche, ils contrôlent leur geste. Il
n’est pas commun de voir un être sauter presque sans élan
sur une hauteur de dix mètres et retomber sur ses pieds
tout naturellement.
Les deux équipes se sont formées simplement avec les
deux groupes déjà existants, le groupe d’Axelle contre
celui de Céleste. Filles et garçons sont mélangés. Au-
jourd’hui, en ce samedi d’octobre, le temps est couvert
mais il fait encore doux. Le terrain préparé par Léon,
l’homme qui s’occupe de tout l’entretien et des aména-
gements de l’école, est sur la partie la plus plane de la
propriété, derrière la piscine ; une grande surface de pe-
louse ressemblant à un green de golf sur quatre hectares.
La forme du diamant a été gardée, mais le champ inté-
rieur n’existe plus car tous sans distinction peuvent circu-
ler dans le champ extérieur.
Ce qui est dommage aujourd’hui, c’est qu’il y a peu de
spectateurs et supporters pour encourager les équipes.
Seul le personnel de l’école est admis sur le terrain car le
103
jeu dont il est question est loin d’être conventionnel. Si
d’autres le savaient, toutes les télévisions du monde se-
raient là.
Comme au baseball, sur le terrain deux équipes de neuf
plus les remplaçants. La première équipe est menée par
Tom et Axelle. Harry est leur coach, Tom est lanceur,
Axelle est batteur au démarrage, mais ils tourneront tous.
L’autre équipe est menée par Bako, batteur, et Scott, lan-
ceur. Céleste s’est mis en retrait depuis quelque temps, il
ne dirige plus comme au début l’équipe. Les deux me-
neurs de l’équipe sont très fiers de diriger les autres, au-
delà de ce sport, ils s’entendent tous les deux pour com-
mander la bande. Ils crient à tous "On va gagner, on va
gagner, on est les meilleurs. Tous son harnachés dans
leurs vêtements capitonnés aux couleurs vives. La pre-
mière équipe se fait appeler "les Ethernautes", ils ont les
maillots jaunes, leurs noms sont brodés en vert, les autres,
"les Maternautes", sont en rouge, brodés de jaune. Après
tirage au sort, c’est l’équipe de Maternautes qui va se po-
sitionner en attaque.
Bako, devenu meneur, fait le fière. Il joue contre une
équipe de filles en majorité. Il pense qu’elles ne feront
pas le poids devant lui et ses équipiers, cinq filles et qua-
tre garçons, alors que lui n’a accepté qu’une fille, Shan-
ley, et encore, elle, c’est un garçon manqué. Alors il se
voit déjà gagnant. Il n’y a qu’un garçon dans son groupe
qui n’a pas voulu jouer avec eux, c’est Sven, il n’aime
pas les jeux de compétitions, il préfère ceux où tous parti-
cipent suivant leur aptitude sans chercher à gagner. C’est
pourquoi Shanley, la rebelle était bien contente de pren-
dre sa place. Bako sera le premier batteur, s’il marque le
point, tous les autres le suivront.
L’autre équipe est toujours menée par Axelle. Dans leur
équipe les filles et les garçons ont appris à se partager les
104
tâches. Ils forment un groupe équilibré, entre chacun il
n’y a pas de compétition, ils sont réellement unis contrai-
rement à l’autre groupe. Ce sont tous des enfants calmes
et c’est aussi pour cela qu’ils sont ensemble. Leurs
concurrents ne semblent pas les impressionner et ils sa-
vent tous que contre huit garçons plus fort qu’eux, ils ont
peu de chance de réussir, d'autant plus que ceux-là ont
comme eux des pouvoirs aussi surprenants. Ensemble, ils
ont décidé que Tom sera lanceur, il a plus l’habitude que
les autres et il jouait au baseball avant d’arriver à Keu-
ramdor.
Tous prennent place sur le terrain, le lanceur se posi-
tionne sur le monticule, ses équipiers se répartissent sur le
terrain. Comme les règles sont changées, Tom est un peu
inquiet, il a l’habitude de lancer la balle, mais pour la
faire virer autour des mâts, il faut un peu d’astuce. Cela
dit, il sait qu’il peut y arriver ; à l’entraînement il s’est
fait remarquer comme le meilleur lanceur de tous les en-
fants.
L’arbitre contrôle que tous sont à leur place, il fait signe,
le match peut commencer. Tom ajuste son tir et lance
d’un coup la balle qui vire autour des mâts et fonce vers
le gant d’Axelle en réception. Mais Bako est plus rapide
et frappe sur la balle qui s’envole rapidement au-dessus
du terrain et ses coéquipiers la font tourner en l’air. Les
défenseurs sautent pour l’attraper, mais elle trop rapide.
Les bases glissent sur l’herbe pour piéger le coureur, mais
Bako arrive à les attraper les unes après les autres non
sans mal et retourne sur le marbre. Le premier point est
marqué pour les Maternautes.
C’est maintenant au tour d’Abdel d’être batteur. Axelle
va lancer car Tom a perdu confiance en lui après le point
laissé à ses adversaires. Pour lui, il n’est plus question de
lancer la balle, au moins pour tout le match. Tom pleure,
105
Cléonisse tente de le rassurer et le consoler mais toutes
ses forces l’ont abandonné, alors elle le convainc de se
replacer dans le jeu avec les autres.
Axelle se concentre, elle a en face d’elle Abdel qui a un
large sourire, il est bien sûr de lui, derrière lui, Lina, prête
à attraper la balle. Elle regarde devant elle. Les poteaux
sont alignés et par transparence elle voit Abdel dans sa
ligne de mire. Elle prend la balle et la serre très fort, elle
se concentre…
Abdel n’a pas le temps de voir arriver la balle. Partie
comme un boulet de canon, elle frôle les trois mats qui se
mettent à vibrer. Mais Lina a déjà dans sa main la balle.
Si Axelle recommence deux fois de suite ce coup-là,
Abas sera éliminé. Elle reprend la balle et la renvoie aussi
vite, et pour la deuxième fois, Abas ne la frappe pas. Plus
qu’un coup. Axelle voit de loin que Abas fait des contor-
sions curieuses, comme s’il exerçait un rituel étrange.
Elle n’y prête pas attention mais lorsqu’elle lance la balle,
elle sent qu’elle n’en est plus maître et la balle va
s’écraser directement sur la batte d’Abdel qui la tire haut
sur le terrain de jeu. Ses équipiers la font tourner très vite,
mais les défenseurs cette fois ne se laissent pas surpren-
dre et ils font tourner aussi vite que possible les bases que
Abas devrait atteindre. La première tourne presque aussi
vite que la balle, impossible de la rattraper. Si la balle est
attrapée avant qu’il ne se soit placé, se sera fini pour lui.
Les défenseurs bondissent de plus en plus haut pour blo-
quer la balle, mais elle tourne si vite qu’elle glisse entre
leurs mains. C’est alors que Tom saute très fort pour at-
traper la balle qui arrive sur lui et le percute en pleine
tête. Inconscient après le choc, il retombe lourdement sur
le sol après une chute de plus de dix mètres. Étalé sur
l’herbe, il reste inanimé. Cléonisse non loin de lui le re-
joint, tandis que tous sont surpris par cette chute brutale,
106
Abdel en profite pour franchir sans difficulté les trois ba-
ses et revenir sur le marbre. Noèse est auprès de l’enfant,
elle l’examine et constate qu’il a une jambe fracturée aus-
si elle demande à Steve de l’emmener à l’infirmerie. Les
enfants du groupe des Ethernautes sont écœurés du point
marqué par leurs adversaires et surtout de ce qui arrive à
leur ami, mais le match doit reprendre et pour l’instant les
deux premiers batteurs ont marqué le point. Le reste de la
reprise continue à l’avantage des Maternautes, les Ether-
nautes ne se sont pas remis de la chute de leur ami et
lorsqu’ils passent en attaque, ils marquent quatre points.
Le match se déroule normalement, arrivés à la fin de la
troisième reprise, les Maternautes semblent dominer la
partie et ils pensent que contre des filles, ils seront tou-
jours plus forts. Seulement la quatrième reprise semble
montrer que les Ethernautes reprennent courage. Le pre-
mier lancer est assuré par Céleste qui a face à lui sa sœur,
Cléonisse prête à frapper. Céleste lance la balle avec
force, mais elle rebondit sur le premier poteau. Il se sent
ridicule face à ses amis et cette fois il la renvoie entre les
mats. Cléonisse la rattrape aussitôt et la frappe de sa
batte. Elle l’envoie si haut et si fort que personne ne la
voit redescendre. À son habitude, Cléonisse marche tran-
quillement sur chaque base qui semble être immobilisée
comme par magie. Enfin, lorsqu’elle arrive sur le marbre,
dans un sifflement incroyable la balle retombe en percu-
tant le sol à vitesse si excessive qu’elle explose littérale-
ment. C’est ainsi qu’elle marque le premier point de la
reprise. Dans cette partie, les Ethernautes montrent qu’ils
sont capables de tenir tête aux autres, mais les six points
marqués ne peuvent faire la différence. C’est huit points
qui les séparent à l’avantage des Maternautes, dix neuf
contre vingt sept. Il leur faudrait un miracle pour gagner
la partie maintenant. C’est pendant les quelques minutes
107
de repos que fort surpris, tous voient Tom revenir en
marchant, accompagné de Noèse. Il a le sourire, c’est
comme un miracle de le revoir avant la fin de la partie
alors qu’au début, il avait une jambe cassée. Tom court
vers Harry pour lui demander de reprendre place dans
l’équipe. Le coach est fort surpris du rétablissement spec-
taculaire de l’enfant et regardant Noèse qui lui fait signe
que oui, il accepte de le remettre sur le terrain. Tous les
enfants de l’équipe sont heureux de le retrouver et se sen-
tent stimulés par son retour.
Pour cette dernière reprise, comme au début du match, les
Ethernautes se replacent en défense et Tom insiste pour
être le lanceur de cette reprise. Axelle qui avait pris cette
place depuis son départ accepte, bien qu’elle se sente tout
à fait capable d’assurer cette place.
Tom est face à Scott, le meilleur batteur de l’équipe des
Maternautes. Sa concentration est maximale, il sait que
pour que sa balle soit bonne, elle doit se situer dans la
zone de strike, son adversaire ne lui fera aucun cadeau. Il
le regarde dans les yeux et d’un coup, la balle part, elle
fait le tour de mat et passe juste sous la batte de Scott qui
rage de ne pas l’avoir frappée. Deuxième tir ; Scott est en
concentration maximale, vis-à-vis de ses coéquipiers il ne
doit pas manquer celle-là. Tom a compris la faille de son
adversaire, il va viser le bout du genou, car c’est là que
Scott ne place pas sa batte. Il lance pour la deuxième fois
et ça marche, car Scott rate encore la balle.
Cette fois, c’est le dernier lancer et Scott n’a pas le droit
de rater cette balle. Il a compris la stratégie de Tom et
place sa batte différemment. Pour Tom, c’est aussi le
moment de changer de méthode. Il ne se décourage pas
au contraire, il a pleinement confiance en lui. Curieuse-
ment, il tourne le dos au batteur et lance la balle en ar-
rière, sans élan. Sourires aux lèvres, l’équipe des Mater-
108
nautes voit la balle tourner autour des mâts en douceur, la
balle semble se sustenter dans l’air par un autre phéno-
mène que la vitesse. Arrivée sur le dernier mât, elle en
fait un tour complet, s’arrête un instant. Scott la voit face
à lui, mais ne comprend plus. Et, instantanément, elle
fonce sur sa batte, la fait voler en arrière. La balle finit sa
course dans le gant d’Axelle. Scott est éliminé et c’est lui
qui a les larmes aux yeux maintenant. Shanley et Bako
subissent le même sort et l’équipe est éliminée. Tom vient
de montrer à tous ce qu’il est vraiment, un garçon coura-
geux, capable d’affronter ses craintes ; dans sa simplicité,
il prouve que l’on peut compter sur lui. Les Ethernautes
passent en attaque. Pour eux rien n’est joué car pour ga-
gner il faudra faire un sans faute. Neuf points à marquer
et s’ils en ratent deux, ils ont perdu. L’équipe se prépare à
affronter pour la dernière partie leurs adversaires. Axelle
sera le premier batteur, Tom terminera le match.
Axelle est face à Bako, le plus battant de tous, et celui-ci
n’a pas l’intention de faire de cadeau à cette fille trop ef-
ficace. Il la regarde avec des yeux tueurs, sa balle sera
efficace, elle ne s’en remettra pas, se dit-il. Il vise avec
précision. Axelle se concentre, prête frapper la balle. Ba-
ko, ferme les yeux, les ouvre, tire. La balle rase les po-
teaux et frappe directement le visage d’Axelle. Elle a son
casque heureusement, mais elle s’effondre, choquée par
la puissance du projectile. Bako esquisse un sourire que
Noèse ne manque pas de remarquer. Elle fait arrêter le jeu
immédiatement. Elle se rapproche de sa fille qui se relève
en lui disant que tout va bien. Elle a malgré tout une belle
ecchymose à l’œil droit.
⎯ Ton œil n’est pas beau ma chérie, il va falloir le soi-
gner.
⎯ Après le match maman, laisse-moi terminer, ça va.
Noèse se retourne vers Bako et lui dit :
109
⎯ Je sais que tu l’as fait exprès, tu ne peux cacher tes
pensées. recommence encore et je te renvoie chez toi et je
ferai en sorte que tu perdes tous tes pouvoirs.
Bako ne s’était pas imaginé que son geste serait aussi
conséquent, il sait qu’il a des pouvoirs en lui qui peuvent
être destructeurs, la lute du bien et du mal fait déjà sur-
face à son âge. Il n’est pas fier de lui, il se demande pour-
quoi il doit toujours se montrer arrogant et méchant de-
vant les autres. Il n’a pas envie de rentrer dans son pays et
il se promet de faire les efforts nécessaires. En place pour
relancer la balle, il la renvoie. Sa balle n’est pas bonne, il
n’a plus que deux coups, après le point sera donné
d’office. La balle repart, et ne passe pas les mats. Au der-
nier essai, il se concentre, lance la balle qui rebondit sur
le premier mat. Bako a perdu, voulant trop en faire, il a
aussi perdu la confiance de ses équipiers. Honteux, il se
replace sur le terrain tandis qu’Axelle se place sur la pre-
mière base. Scott remplace Bako tandis que Lilo se place
en attaque, la batte entre les mains. Scott se rappelle la
ruse de Tom et tente de faire la même chose. Il tire aussi
près du joueur qu’il peut, en laissant sa balle dans la zone
de stricke mais Lilo la renvoie aussi vite. La balle vole
au-dessus du terrain et se met à tourner de plus en plus
vite, les défenseurs essaient de l’attraper, mais ils n’y
parviennent pas tandis que Lilo court pour rattraper la
première base car entre temps, Axelle a pu rejoindre la
deuxième et troisième base et marquer le point sur le
marbre. C’est alors que Lilo comprenant qu’il n’y arrive-
ra jamais en courant, il se met à voler lui aussi. Aussitôt,
il glisse comme emporté sur une vague et il rejoint la
deuxième, l’enjambe et continue sa course. C’est un vrai
champion, un surfeur, il fait le tour du terrain si vite qu’il
rejoint la troisième base, glisse encore dessus en se rap-
prochant du but. Pendant ce temps, les défenseurs ont ré-
110
ussi à rattraper la balle. Pas une seconde à perdre pour le
garçon et il saute d’un coup sur le marbre, juste avant que
la balle ne rebondisse dessus. Le deuxième point est mar-
qué. Lilo a réalisé l’exploit de faire du surf sur une pe-
louse, il est fantastique.
Maintenant, c’est Jia, la petite chinoise qui va frapper.
Les défenseurs rigolent, elle est vraiment plus petite que
tous. Comment avec des bras si court,pourra-t-elle attein-
dre la balle lorsque qu’elle arrivera à sa hauteur ? Scott,
se sent bien puissant devant elle. Avec assurance, il lance
la balle et avec surprise, Jia la frappe de sa batte et
l’envoie en l’air. Tout aussi surprenante, avec ses petits
pieds, elle court sur la première base, mais surprise, elle
ne peut continuer plus loin, car Abdel rattrape la balle et
la renvoye sur la deuxième base. Il faudra à Jia attendre le
prochain tir pour avancer. Maintenant, c’est au tour de
Benjamin, mais frapper dans la balle n’a jamais été sa
spécialité. Il préfère regarder les astres. Les étoiles sont
ses balles préférées, il est bien embarrassé d’avoir une
batte de baseball dans la main. Avant d’aller sur le ter-
rain, Axelle lui suggère d’imaginer d’être devant une pla-
nète inconnue et d’avoir pour mission de la mettre sur
orbite autour de son étoile. Benjamin trouve que c’est une
bonne idée. Scott est toujours lanceur pour son équipe,
Benjamin se place face à lui. Entre eux, sur une distance
de moins de vingt mètre, s’échelonnent trois poteaux gros
chacun comme des mats de bateaux. Benjamin imagine
devant lui avoir à faire aux bras d’une galaxie. La pauvre
petite planète est perdue dans l’azur du ciel étoilé, elle
voudrait rejoindre son étoile d’origine qui l’a abandonnée
lorsqu’elle est passée trop près d’un trou noir. Pour reve-
nir, la planète prend son élan avec l’aide d’une super no-
va. L’enfant est bien loin dans ses rêves lorsque Scott,
concentré, lance la balle qui fait le tour des mâts et arrive
111
exactement dans la zone de strike. Avec une force inouïe,
Benjamin frappe la balle qui prend son envol si rapide-
ment qu’elle disparaît définitivement aux yeux de tous.
La balle, d’après les règles, est bonne et les adversaires ne
pouvant la ramener, Benjamin prend tout son temps pour
passer les trois bases et regagner le marbre. Lorsqu’il voit
qu’il a gagné le point, il dit à Axelle :
⎯ Tu sais, la balle, je l’ai remise en orbite autour de la
Terre.
Certainement a-t-il raison car son imagination est toute sa
puissance, c’est là une de ses qualités.
Oda prend place, c’est une fille blonde aux cheveux
cours, elle a le visage rond, elle est grande pour son âge et
comme Didda, elle est couverte de taches de rousseur.
Dans sa tête, tout est carré et tout a sa place. Cette balle,
se dit-elle, doit faire partie du jeu autrement qu’en tour-
nant autour du terrain, c’est normal que tous jouent avec
elle. Scott commence à perdre confiance en lui, pourtant
jusqu’à présent il a bien lancé la balle, il hésite un instant
et finalement l’envoie sur son adversaire. Elle est bien
placée, mais Oda ne la touche pas, elle n’a même pas
bougé sa batte, par contre York la bloque dans son gant.
Elle devrait faire attention sinon elle sera éliminée.
Deuxième lancer. Scott se sent plus fort et lance encore.
Même chose, Oda regarde la balle dans les mains de
York. Mais que fait-elle se demandent ses coéquipiers.
Dernier lancer pour elle. Scott si sûr de lui maintenant la
lance sans prendre garde, mais Oda et rapide et renvoie la
balle. Directement aux pieds d’un défenseur qui la ra-
masse. Mais curieusement la balle lui saute des mains et
elle se met à rebondir comme une balle en caoutchouc
dur. Elle fait des bonds si impressionnant que lorsqu’un
défenseur pense l’avoir en main, elle s’échappe. Si bien
que personne ne pense à faire glisser les bases et qu’Oda
112
fait le tour du jeu sans aucune difficulté.
Izam est maintenant en piste, il se demande comment
marquer un point alors qu’à l’entraînement il n’est jamais
allé plus loin que la deuxième base. Il s’interroge sur la
stratégie à utiliser pour arriver au but. Mais pas le temps
de réfléchir, la balle est déjà partie et Izam la renvoie aus-
sitôt. Elle tombe au sol, un défenseur la ramasse. Izam
rejoint fort heureusement la première base et c’est Guelia
qui le remplace à l’attaque. Elle est aussi un peu comme
lui, son don principal est avant tout de faire ressortir
l’amour du cœur des hommes, alors lancer une balle et
courir est pour elle secondaire. Scott lance la balle qui
passe à côté de la zone. C’est une mauvaise balle. Scott se
questionne, il ne comprend pas pourquoi il l’a si mal lan-
cée. Curieusement, cette fille ne lui est pas antipathique,
il ressent une attirance. Son cœur vibre en la regardant.
Non, se dit-il, je ne te veux pas de mal, seulement jouer
avec toi. Guelia lui fait un sourire, et Scott lance encore la
balle aussi mal. pendant ce temps, Izam est passé de la
base un à trois. Scott, cette fois n’a pas peur d’être mal vu
par ses équipiers et lance encore la balle. Comme s’il
l’avait fait exprès, elle passe dans le dos de Guelia et
pendant ce temps, Izam a marqué le point pour son
équipe. Scott cette fois se dit que même s’il l’aime, il doit
jouer pour son équipe. Il relance, mais vraiment, il n’y est
pour rien, car la balle percute le dernier mât. Guelia,
trouve alors l’avantage de passer sur la première base
sans avoir frappé la balle avec la batte.
Cléonisse se retrouve à ce moment batteur. Pour elle, rien
ne lui fait peur, elle est comme sa mère. Elle a appris à
contrôler son environnement, ses émotions et sa force de-
puis sa naissance. Elle peut se mettre dans la peau d’un
joueur de baseball, d’un musicien ou d’un philosophe
suivant les situations. Elle trouve ses ressources dans les
113
forces du monde, à travers l’expérience de chacun, elle
les lit et les assimile comme des programmes informati-
ques.
Elle est batteur dans cet instant. Scott sent qu’elle sera
difficile à tromper. Il réfléchit avant de lancer la balle,
mais celle-ci lui échappe des mains et file droit vers la
batte de Cléonisse qui la frappe et la met en orbite autour
du terrain. Guelia s’est avancée d’une base, ce qui libère
la place pour Cléonisse. Hélas, les adversaires on comprit
que le seul moyen de l’arrêter est de faire glisser les bases
le plus vite possible. La première base est devenue inac-
cessible, comment la rattraper, la balle tourne et bientôt
un défenseur va la récupérer. La seule solution qu’il lui
vient en tête est de concentrer sa pensée sur la base. Elle
pense si fort que la base en marbre se met à rougir, fondre
et s’enfoncer dans le sol. Elle n’est même pas refroidie
que Cléonisse se jette dessus, se brûlant terriblement les
pieds. Elle a très mal mais ne dit rien pour ne pas arrêter
la partie. La balle est rattrapée, Guelia est sur la troisième
base, Cléonisse sur la première. C’est alors que Tom ar-
rive pour conclure le match. Il manque deux points pour
égaliser et un de plus pour gagner. Tout est encore possi-
ble, pas le choix pour lui. Pour faire avancer les autres, il
faut occuper la scène sans faire de faute. Entre Tom et
Scott, le regard est dur. Scott sait qu’il joue sa dernière
balle, il faut qu’elle soit bonne. La balle part comme un
coup de canon, la batte frappe si fort qu’elle se casse en
deux. La balle monte en l’air et tourbillonne autour du
terrain. Guelia comprend qu’elle doit rejoindre le marbre.
Mais Cléonisse semble paralysé sur sa base. Tom lui dit :
⎯ Vas vite sur l’autre base, laisse-moi la place.
⎯ Je ne peux pas, j’ai les pieds brûlés.
Alors Tom comprenant sa souffrance, par sa pensée la
soulève et la déplace vers l’autre base. Il peut alors se
114
placer sur la première. La balle tourne encore mais heu-
reusement elle n’a pas encore été attrapée. Cléonisse,
pour soulager Tom court pieds nus vers la troisième base
qu’elle arrive à attraper. Tom saute d’un trait sur la
deuxième et enfin Cléonisse court et s’effondre sur le
marbre. Bako vient juste d’attraper la balle, s’il s’apprête
à l’envoyer sur la troisième base ou le marbre, tous les
efforts de Tom seront perdus. Alors il bondit vers la troi-
sième base, la touche à peine des doigts. Bako, d’un tir
précis lance la balle sur le marbre, Tom bondit instanta-
nément, s’écrase sur le marbre, la balle le frappe dans le
dos. Le point est marqué. Il ouvre un œil. Sur le tableau
est affichés vingt-huit pour les Ethernautes, vingt sept
pour le Maternautes. L’équipe des Ethernautes a gagné.
Tous les enfants se retrouvent, équipes confondues. En
arrière, Cléonisse est allongée sur l’herbe, Noèse lui
donne quelques soins car elle la plante des pieds brûlée et
elle ne peut plus marcher. Elle a sacrifié ses pieds pour
marquer un point alors qu’elle pouvait l’abandonner.
Cette fille tient beaucoup de sa mère, Noèse le sait bien.
⎯ Cléonisse, je t’ai vu faire et je pensais voir ta ma-
man lorsque tu as fait fondre ce bloc de marbre. Tu n’as
que six ans et tu agis déjà comme certains adultes. Per-
sonne ne te demandait de te sacrifier, surtout pour un
match entre vous. Ce n’est qu’un jeu. Si je ne fais rien
pour tes pieds tu ne pourras pas marcher avant deux se-
maines.
⎯ Ce que tu dis est vrai, mais maman est partie d’ici
en se sacrifiant, elle donne toujours pour les autres et je
trouve ça bien. Je veux être comme elle plus tard. J’ai un
peu mal, mais c’est rien en comparaison du plaisir d’avoir
gagné. On aurait pu laisser un point et être à égalité, mais
certains de l’autre équipe méritaient une petite leçon.
Tant pis pour mes pieds, ça valait le coup. Et puis, je te
115
connais trop bien, tu vas m’arranger ça en quelques ins-
tants, lui dit-elle avec un petit sourire.
⎯ Bon, c’est vrai, tu as raison pour la leçon, mais fais
attention, je ne serai pas toujours auprès de toi pour te
soigner.
⎯ En attendant, tu l’a fais pour Tom, tu lui as ressoudé
la jambe en trois minutes et lorsqu’il est revenu, il avait
une confiance plus grande qu’à son habitude. Je te soup-
çonne de l’avoir stimulé à ta façon, ce qui n’est pas trop
régulier dans un match.
⎯ Le jeu en valait bien la chandelle et une leçon aussi.
Et puis, Tom avait besoin qu’on s’occupe de lui, le jeu lui
avait donné la nostalgie du pays.
⎯ Je t’aime comme ma deuxième maman.
⎯ Je ne suis pas ta maman, je suis ta tante et je t’aime
comme une nièce. Tu as fait un beau match avec tes amis,
même l’autre équipe était très bien. Je ne devrais pas,
mais je suis toujours étonnée de voir des enfants aussi
jeunes se défendre comme des grands. Je t’emmène à
l’infirmerie pour te soigner, ensuite nous ferons la fête.
À la sortie du match ils sont tous devenus amis. Mais ce
que le match a changé cher les enfants, c’est la vision
qu’ils ont des autres. Oh, bien sûr, les deux groupes exis-
tent encore, mais ils se sont rapprochés. Bako a rangé ses
ambitions de chef, il a pris peur et surtout commence à
comprendre que diriger n’est pas vouloir ni ordonner et
encore moins haïr. Pour Scott, c’est un air d’amour qui
flotte sur lui. Ce garçon, si sûr de lui avant le match, se
laisse aller à rêver. Il tient la main de Guelia avec qui il a
ressenti autre chose que l’agressivité et la haine. Cette
fille lui parle d’amour à sa façon et c’est curieux, car ça
lui fait du bien. Durant tout le jeu, chaque enfant a pu dé-
couvrir une possibilité nouvelle qu’il ignorait et chacun a
fait un pas l’un vers l’autre.
116
La fin de la journée se termine par une sortie organisée en
haut de la montagne qui domine le lac. Par chance, à
l’heure où ils arrivent, le ciel est dégagé et comme c’est
l’automne dans sa pureté, ils arrivent à voir toutes les
étoiles et les bras de la voie lactée. Noèse a réservé le res-
taurant situé à côté du sommet et tous les enfants mangent
une bonne tartiflette. Après la glace, fatigués, ils
s’installent dans l’autocar qui les ramène à Keuramdor.
117
ÉGARE ?
121
n’avez rien trouvé. Il y a une confusion avec d’autres per-
sonnes, ce ne sont pas eux que vous recherchez, la piste
n’est pas bonne. Ce sont des personnes ordinaires, ils
n’ont pas pu voler de navette. Ils étaient venus faire du
tourisme. Vous ne connaissiez personne, aucun enfant.
Puis elle rajoute :
⎯ Souvenez-vous de ce mot « Overbase », cela ravive-
ra votre mémoire s’il le faut.
Maintenant, vous vous êtes trompés de chemin, ressortez,
d’ici, il n’y rien à voir.
122
KIDNAPPÉE
123
sir, j’en ai jamais vu une aussi grosse.
⎯ Vous avez raison toutes les deux, je me demande
bien ce que c’est. Regardez, ça se rapproche, c’est pas
une étoile, c’est un avion sans aile, on le voit bien.
L’engin passe à basse altitude au-dessus de leur tête, fait
un virage et les enfants le voient se poser de l’autre côté
de la route, dans le bois face à la propriété. Hormis les
trois filles, personne ne l’a aperçu.
⎯ Crois-tu que c’est un vaisseau spatial, Cléonisse ?
⎯ Je ne crois pas, j’en suis certaine.
⎯ Je vais prévenir maman, lui répond Axelle.
⎯ Non, ne le fais pas, je veux aller voir de plus près.
Viens avec moi, on se rapproche, insiste Cléonisse.
Comme Axelle aime aussi l’aventure, elle accorde à son
amie de l’accompagner. La troisième fille, Shanley, n’est
pas de leur avis et préfère rentrer. Elles font le tour du
bâtiment afin de retrouver l’appareil qui semble échoué.
Les deux enfants marchent jusqu’au grand portail de la
propriété. Curieusement, la petite porte métallique est res-
tée ouverte, et elles s’y faufilent.
D’un coup deux enfants et deux adultes se retrouvent face
à face dans l’obscurité. Les gamines sont surprises, elles
ne s’attendaient pas à tomber nez à nez avec des person-
nes juste devant la porte de l’école. Sur le coup, elles ne
peuvent bouger, comme paralysées. L’homme attrape le
premier enfant qui est devant lui, la petite fille crie de
toutes ses forces et court, laissant dans les mains de
l’homme son blouson. L’autre enfant, recule et rentre
dans la propriété.
⎯ Néni, rattrape là, avant qu’elle ne donne l’alerte.
Mais la jeune femme ne bouge pas et laisse l’autre petite
fille se replier dans la propriété, alors que l’homme court
sur la route pour rattraper l’autre enfant.
124
⎯ Laisse cette enfant tranquille, lui dit Néni, la jeune
femme.
⎯ Non, suis-moi, rattrapons la.
Néni descend la route bitumée que l’homme dévale à vive
allure. La course dure près de dix minutes et dans
l’obscurité, il est bien difficile de repérer un enfant entre
les branches des arbres. D’un coup, il entend un craque-
ment de branche. Il se retourne et voit face à lui la fillette.
Cette fois, elle ne peut plus s’enfuir, il se jette sur elle et
l’attrape avec force, la plaque sur le sol, elle ne peut plus
s’échapper. Néni, sa compagne arrive à sa hauteur :
⎯ Bildtrager, laisse cette fille, n’insiste pas, il vaut
mieux rentrer.
⎯ Il n’en est pas question, c’est ma mission.
⎯ Ce n’est pas ta mission, tu en as une autre.
⎯ C’est faux, je suis venu sur Terre pour enlever cette
enfant. J’ai accompli ma mission, rentrons immédiate-
ment.
Néni n’est pas agressive, elle est avec lui pour tenter de le
raisonner, mais il ne veut rien entendre. Elle l’a accom-
pagné ici pour éviter qu’il ne fasse des actes irrémédia-
bles.
⎯ Maintenant, suis-moi jusqu’au vaisseau, il faut re-
partir.
Il attrape l’enfant qui pleure et la met sur ses épaules.
Pendant ce temps, l’autre fille qui s’est échappée est arri-
vée à l’entrée du bâtiment, elle est attendue par Noèse :
⎯ Cléonisse, dis-moi où est Axelle ?
⎯ Elle s’est fait attraper par l’homme qu’on a croisé à
l’entrée de l’école, je l’ai vue courir et descendre la route.
⎯ Shanley m’a raconté l’histoire de ce vaisseau qui
s’est posé dans le bois devant l’école. Steve, Léon et Mar-
tin sont partis voir.
125
⎯ Axelle est en danger, il faut la rechercher.
⎯ Cléonisse, elle n’est pas en danger pour l’instant,
l’homme avec qui elle est n’est pas dangereux, je le
connais très bien. Vient, monte avec moi dans la voiture,
j’ai besoin de toi pour la retrouver.
Dans la voiture, à la sortie de la propriété, Noèse, d’un
ton grave dit à Cléonisse :
⎯ Ce que je vais te dire est très surprenant, mais je
n’ai pas le choix, car tu peux vraiment m’aider à retrou-
ver Axelle. L’homme qui vient d’arriver avec le vaisseau
spatial est ton père. C’est Jacques. Je pense qu’il est venu
pour te chercher. Si nous le rejoignons, nous avons une
chance de le raisonner et de récupérer Axelle.
⎯ Mais pourquoi ferait-il cela ?
⎯ Dans son esprit, c’est très flou, je n’arrive pas très
bien à savoir pourquoi. Il y a deux consciences qui se mé-
langent en lui. Tout ce que je sais, c’est que ta mère n’est
plus avec lui. Il est avec une autre personne qui n’est pas
contre nous. Il semble qu’une puissante force le contrai-
gne à faire cela. S’il te voit et t’entend, il est possible
qu’il retrouve ses esprits et la relâche. Il ne faut pas per-
dre de temps. Il veut repartir maintenant avec Axelle.
La voiture descend rapidement la route et s’arrête quel-
ques instants plus tard.
Mais pendant ce temps, Jacques, le père de Cléonisse,
remonte dans le bois vers son engin qui l’a guidé jus-
qu’ici. Noèse descend de sa voiture avec Cléonisse et el-
les commencent à suivre leur trace. Hélas, elles ont quel-
ques minutes d’écart et bientôt, ceux qu’elles poursuivent
arrivent à la hauteur du vaisseau. Heureusement Steve,
Martin et Léon sont déjà sur place et il lui est impossible
de s’approcher de son appareil. Dès qu’il sera découvert,
les hommes lui tomberont dessus et reprendront l’enfant.
126
⎯ Néni, on n’a pas le choix, il faut s’éloigner d’ici, ils
vont nous rechercher. Nous devrons attendre qu’ils
s’éloignent de l’appareil pour le rejoindre et repartir.
⎯ Mais mon pauvre, tu rêves, ils ne vont plus nous lâ-
cher maintenant qu’ils ont retrouvé l’engin.
⎯ Ça va, grimpons, faufilons-nous entre les arbres.
⎯ Jacques, rends-toi à ceux qui te cherchent, ce sont
tes amis, ils t’aideront à retrouver ta vraie conscience. Je
suis aussi là pour t’y aider, tu le sais.
⎯ Arrête de m’appeler Jacques, je suis Bildtrager et je
ne veux pas entendre d’autre nom que celui-là.
Mais pour lui, ce n’est pas facile de chercher sa route et
porter l’enfant qu’il a sur le dos, d’autant plus qu’elle re-
mue de plus en plus. Elle ne peut crier car elle a un fou-
lard qui la bâillonne, mais elle lui donne des coups de
pied. Ils marchent pendant prêt de deux heures et pensent
être hors de portée de ceux qui pourraient les poursuivre.
Il s’arrête épuisé et repose l’enfant sur le sol. C’est la fin
de l’automne et ils ont tous froid. La petite fille pleure,
elle est terrorisée.
⎯ Je veux rentrer à la maison, ramenez-moi chez moi,
j’ai froid.
Dans l’obscurité, elle ne distingue pas les visages, mais
une voix douce lui répond :
⎯ N’aie pas peur, je ne te veux pas de mal, je vais
même te réchauffer. Donne-moi ta main. Je suis Néni,
une amie de tes parents.
La petite prend sa main. Aussitôt, elle sent une chaleur lui
envahir dans tout le corps et quelques minutes plus tard,
elle n’a plus froid. Elle sent sur elle, comme un manteau
protecteur invisible.
⎯ Ça va mieux. Comment t’appelles-tu ?
⎯ Je suis Axelle, ma maman c’est Noèse, la directrice
127
de l’école et mon papa, c’est Steve.
⎯ Moi, c’est Néni, je viens de la planète Elvy, nous
sommes arrivés tout à l’heure avec un mini vaisseau spa-
tial.
⎯ Et tu viens du ciel pour m’emmener ? Pourquoi ?
⎯ Ce n’est pas moi qui veux, c’est plus compliqué.
⎯ Taisez-vous, nous allons être repérés si on vous en-
tend.
⎯ Et t’es qui toi, je ne te vois dans le noir, mais ta
voix, je la connais.
⎯ Je suis Bildtrager, je suis le mari de l’impératrice
Maldeï et si tu ne m’obéis pas, elle pourrait te faire mou-
rir.
⎯ Bildtrager, ne dites pas cela à cette enfant, vous
n’en avez pas le droit De plus vous allez la rendre ma-
lade.
⎯ Néni, ne vous en faite pas, je n’ai plus peur. Je suis
comme ma maman, je peux lire les pensées des hommes.
Je sais qu’il n’est pas méchant. Mais j’ai du mal à savoir
ce qu’il y a en lui, c’est un homme sans passé, dans sa
tête, il n’a que trois mois d’existence. Mais il cache quel-
que chose en lui.
⎯ Tu as raison. Bildtrager, dites lui qui vous êtes, reti-
rez votre masque.
⎯ Taisez-vous pour la dernière fois, je n’ai pas de
masque. Je suis, je suis… Oh ! je ne veux plus vous en-
tendre.
À ce moment, il s’effondre et se masque les yeux pour
sembler ne plus exister. À peine se sont-ils tous tus, qu’ils
entendent des voix les appeler tout près d’eux :
⎯ Axelle, Jacques, répondez-moi, je sais que vous
n’êtes pas loin. Jacques, rejoignez-nous, on s’occupera de
vous. J’arriverai à vous soigner.
128
⎯ Papa, c’est moi, Cléonisse. Écoute-moi, reviens. Cé-
leste est resté à l’école, il t’attend. Tu nous manques, ça
fait trois mois que tu es parti. Reviens papa, reviens.
Le pauvre homme ne sait plus où il en est, il entend dans
sa tête des voix qui ne lui sont pas étrangères. Mais en
même temps, ce sont des inconnus qui l’appellent. Il est
prêt à se rendre, tous se liguent contre lui. Il voit dans
l’obscurité des bois deux ombres se détacher. Mais il ne
peut distinguer les visages, car la lune n’est pas au ren-
dez-vous, elle est noire à cette époque. Juste à ce moment
deux torches se dirigent sur lui et l’enfant et les éblouis-
sent.
⎯ Rejoins-moi, papa, on a retrouvé ton vaisseau, tu ne
peux plus repartir.
Alors, Bildtrager baisse les bras. Il doit admettre de de-
voir se rendre, s’il ne peut plus rejoindre Maldeï.
C’est à ce moment précis qu’un faisceau formidable de
lumière embrase toute la forêt. Noèse lève les yeux et dis-
tingue un autre vaisseau de bonne taille, descendant sur
eux. Elle comprend que c’est Cléonisse et elle-même qui
sont en danger maintenant. Il faut fuir, car des renforts
arrivent pour rechercher ceux qui sont venus enlever un
enfant.
Elle a raison car l’engin se pose aux pieds de Bildtrager.
Et deux hommes en sortent. De loin, elle peut distinguer
Jacques rentrer dans le vaisseau avec sa fille et la jeune
femme. Un instant plus tard, la porte se referme, le vais-
seau s’élève doucement au-dessus des arbres puis accé-
lère si fort qu’en moins de trois seconde, il disparaît.
C’est terminé.
Cléonisse et Noèse ne peuvent plus bouger, elles ne
s’attendaient pas à un repli si bien préparé. Peut-être Jac-
ques ne s’en doutait pas car il était convaincu dans les
derniers instants de devoir se rendre à eux. La petite fille
129
s’effondre en pleurs.
⎯ Je ne reverrai plus jamais Axelle, elle est partie trop
loin.
Noèse retient ses larmes, elle a la gorge serrée.
J’ai la promesse de Néni, la femme qui était avec eux,
qu’elle veillera sur elle et qu’il ne lui arrivera rien. Ce qui
se passe est peut-être un plan, je pense qu’Aqualuce pré-
pare quelque chose. Si Jacques n’est pas avec elle, c’est
qu’il y a une raison que je ne m’explique pas encore.
Mais, Cléonisse, je te fais une promesse. Je vais mettre
tout en œuvre pour retrouver Axelle et ton père. Et ils re-
viendront ici un jour.
Elle rentre avec Cléonisse à Keuramdor. Là, elle retrouve
Steve qui jusqu’à présent s’était toujours montré discret.
Elle lui annonce gravement qu’Axelle s’est fait enlever et
qu’un vaisseau l’a emportée dans le vaste ciel. Son mari,
au lieu de s’effondrer, la regarde droit dans les yeux :
⎯ Je pars dès que possible à leur recherche.
⎯ Mais comment vas-tu t’y prendre ?
⎯ Ils sont partis avec Axelle, mais ils ont laissé le
vaisseau. Je vais partir avec lui.
⎯ Mais tu ne sais même pas où, c’est de la folie ! As-
tu une idée de ce qu’est l’univers. Je peux t’assurer que
ton imagination ne peut s’en représenter qu’un milliar-
dième de milliardième.
⎯ Je pense que je le peux, j’ai confiance, comme Jac-
ques lorsqu’il était avec nous.
Noèse ne répond pas. Elle regarde sa montre, il est bientôt
une heure du matin. Elle rejoint son bureau, décroche le
téléphone et compose un numéro. Elle entend la sonnerie
alternée à l’autre bout de la ligne. Quelqu’un décroche :
⎯ Hello, Hello ?
Noèse laisse la voix s’exprimer, le temps de la reconnaî-
130
tre à coup sûr.
C’est bien lui se dit-elle
⎯ Hello, Christopher ?
⎯ Yes !
Alors, Noèse dit ce simple mot :
⎯ Overbase.
Un long silence à l’autre bout, mais la personne ne rac-
croche pas.
⎯ Noèse, c’est vous ?
⎯ Oui.
⎯ J’ai l’impression que je suis sorti d’un long rêve, je
ne sais plus où j’en suis. Il me semble maintenant que je
vous avais oubliée. Excusez-moi, j’ai très mal à la tête.
⎯ Je vous comprends, vous arrivez d’un grand voyage
et vous redécouvrez une partie de votre passé.
⎯ Lorsque nous sommes partis de chez vous, vous
nous avez fait oublier.
⎯ Oui, j’en suis désolé.
⎯ Vous vous mettez en danger. Pourquoi me réveillez-
vous alors ?
⎯ Si je vous appelle, c’est qu’il s’est passé quelque
chose de grave cette nuit à Keuramdor.
⎯ Vraiment ?
⎯ Oui, Axelle a été enlevé et ses ravisseurs sont partis
dans l’espace. Nous avons récupéré un vaisseau spatial,
Steve veut partir à leur recherche.
⎯ Noèse, je suis en vacances depuis deux jours, j’ai
trois semaines devant moi. Je prends l’avion demain, je
vous rejoins. Pensez-vous que Harry puisse venir avec
moi ?
⎯ Il n’y a pas de problème, mais il faudra le réveiller.
Dites-lui simplement "Overbase".
131
Leur conversation s’arrête là. Mais Cléonisse a qui Noèse
a demandé d’aller se coucher, s’est relevée. Elle rejoint
son frère pou le réveiller.
⎯ Céleste, lève-toi tout de suite, c’est très important.
Le pauvre garçon a du mal à faire surface, il est tard, tout
le monde dore. En ouvrant les yeux, il voit sa sœur :
⎯ Pourquoi me réveilles-tu en pleine nuit ?
⎯ J’ai vu papa, tout à l’heure et il a enlevé Axelle. Ils
sont partis dans un vaisseau spatial. Il faut immédiate-
ment prendre le sifflet, il faut appeler maman l’avertir.
Elle doit pouvoir les ramener.
⎯ Axelle est partie. C’est important, tu as raison, nous
devons y aller.
Les deux enfants, sans faire de bruit descendent les esca-
liers du bâtiment et rejoignent la maison où ils habitaient
avec leurs parents. Là, Cléonisse prend le sifflet qu’elle
avait déjà utilisé. Elle regarde son frère qui lui fait signe
et souffle doucement dedans. Le sifflet se met à vibrer et
une lumière se dégage des orifices d’où l’air ressort. Les
enfants attendent quelques minutes, puis une fumée de
lumière se met à grandir autour du sifflet et bientôt en-
toure les enfants.
Les murs se mettent alors à vibrer. C’est à ce moment
qu’Aqualuce, apparaît devant ses enfants avec son ami
Fil. Les enfants n’en reviennent pas, le sifflet magique
qui leur a été offert, fonctionne à merveille. Leur mère
était il y a un fragment de seconde plus tôt dans un im-
mense vaisseau spatial, maintenant, la voici dans le salon
d’un beau pavillon une nuit d’automne sur Terre. Le
paysage est bien différent pour Fil qui ne connaît pas
cette planète mais Aqualuce n’est pas surprise, elle est
chez elle.
⎯ C’est vous qui m’avez appelée, les enfants. Il se
passe quelque chose de grave pour que je vienne à vous
132
comme ça ?
⎯ Maman, nous sommes si heureux de te retrouver. Tu
nous manques beaucoup. Depuis trois mois tout allait
bien, mais ce soir il s’est passé une chose si grave que
nous devons t’en informer. Je le prends sur moi, maman,
mais je devrais avoir des larmes et me faire consoler plu-
tôt que de prendre ce sifflet.
⎯ Dis-moi ce qui te travaille, Cléonisse.
⎯ Ce soir, j’étais avec Axelle dans le parc, derrière le
bâtiment lorsque nous avons vu un vaisseau spatial passer
au-dessus de l’école et se poser. Nous nous sommes ap-
prochés et Axelle a été prise par un homme bizarre. On
l’a poursuivit avec Noèse, mais d’autres hommes ont at-
terri et ils sont repartis dans l’espace avec Axelle.
La petite fille ne tient plus et s’effondre en larmes. Elle
est véritablement choquée et il n’y a que les bras de ma-
man qui puissent la réconforter. Aqualuce la serre ten-
drement.
⎯ Ne te retient plus mon bébé, je suis là, tu peux ver-
ser toutes les larmes que tu veux. Je te promets que nous
retrouverons Axelle, il ne lui arrivera rien.
⎯ Je pleure pour Axelle, mais il y a autre chose, tout
aussi important. Tu sais, l’homme qui a pris Axelle,
c’est…
Et la petite pleure encore plus, les mots ne peuvent sortir
de sa bouche.
⎯ Dis, je suis avec toi, tu n’as rien à craindre.
⎯ C’est papa qui a pris Axelle, c’est papa qui est arri-
vé en vaisseau de l’espace. Il l’a emmenée avec lui, mais
c’est comme s’il n’était pas dans sa tête. Je lui ai parlé,
mais il ne me reconnaissait pas, il se faisait appeler Bild-
trager. Il était accompagné d’une dame, mais celle-là
avait l’air gentil.
133
⎯ Avait-elle une couronne de serpent sur la tête ?
⎯ Non, elle avait les mêmes yeux que toi, j’ai réussi à
la voir dans la nuit. J’ai même entendu ses pensées, elle
était avec nous. Mais ils sont tous repartis et l’on a rien
pu faire.
Aqualuce se tait et réfléchit :
« Ce n’est pas rien. Si jacques est arrivé jusque
chez eux, c’est que Maldeï connaît maintenant la position
stellaire de la Terre. Elle a pu y envoyer Jacques à sa
place. Tout est à craindre aujourd’hui. Mais pourquoi
juste un enfant enlevé, quels sont ses motifs ? toute la
planète est en danger et mes enfants sont en première li-
gne. »
⎯ Est-ce que papa a dit quelque chose qui pourrait
nous aider ?
⎯ Non, il ne nous a rien dit, je l’ai juste entendu dire
qu’il était Bildtrager, le mari de l’impératrice. Papa n’est
plus marié à toi, il n’est plus notre père.
⎯ Si, il est encore ton papa mais il l’a oublié. Mais je
peux vous dire que je le ramènerai avec moi et qu’il se
souviendra de vous deux. Ce qu’il a fait, ce n’est pas lui
qui l’a voulu. Il y a des gens qui nous veulent du mal. Pa-
pa est avec ces gens pour mieux les attraper. Il vous aime
beaucoup et nous devons nous battre. Je crois que la
dame que tu as vue avec lui est de notre côté et qu’elle
protège papa et Axelle. Il ne leur arrivera rien, je te le
promets. Je ne suis pas seule, tu vois, j’ai amené un ami
avec moi. C’est Fil et il va aussi nous aider. Cléonisse,
Céleste, je vais repartir, car je ne peux rester longtemps
avec vous. Je ne suis pas autorisée à rester sur terre. Le
devoir m’appelle et il y a beaucoup de gens qui
m’attendent. Noèse s’occupe bien de vous, j’en suis cer-
taine.
134
⎯ Tu sais, papa n’est pas reparti avec le petit vaisseau
spatial avec lequel il est arrivé.
⎯ Alors, aie confiance en Noèse, elle sait ce qu’elle
devra en faire. C’est bien la preuve que papa n’est pas
devenu mauvais. Cléonisse, Céleste, je veux que vous
ayez de bonnes pensées pour papa. Ce qu’il a fait ce soir,
c’est de ma faute, c’est moi qui l’ai laissé partir sans dé-
fense. Ce que vous m’avez dit est très important, ayez
confiance, Axelle reviendra. Surtout, soyez vigilant et
dites à Noèse de faire attention aux gens qui voudraient
encore prendre d’autres enfants. Si d’autres choses arri-
vaient, appelez-moi tout de suite.
⎯ Maman, je comprends ce que tu dis, mais je sens
que tu n’es pas vraiment toi. Tu n’as pas les mêmes ré-
flexes, tu ne sembles plus avoir tes pouvoirs comme avant
; mes yeux le voient. Il faut que tu retrouves ta force, tous
les enfants et moi allons t’aider à retrouver ce que tu as
perdu. Je pense à toi tous les jours ; toi aussi pense à
nous. Ce n’est pas parce que nous sommes petits que
nous ne sommes pas importants. L’école que tu as cons-
truite, c’est ta force. Tu m’as consolé tout à l’heure, mais
c’est moi qui vais te donner du courage pour repartir. Ap-
proche toi de moi, je vais te faire un bisou.
Aqualuce, étonnée s’approche de plus près de sa fille.
Celle-ci, lui attrape les oreilles et lui tire dessus, et
l’embrasse sur le front. À ce moment, elle sent comme un
fluide étonnant l’envahir. Céleste, son fils lui attrape une
main et masque les yeux. Aqualuce se laisse faire, comme
si elle était portée par ses enfants. À ce moment, Aqua-
luce et Fil disparaissent comme s’ils n’étaient jamais ve-
nus. À cet instant, Noèse apparaît dans la chambre des
enfants.
135
MOACYR
136
Lorsque Shanley ouvre l’œil, il est encore tôt. Elle a passé
une mauvaise nuit. Noèse avait demandé à Clara de la
coucher juste après qu’elle soit venue l’avertir de la dé-
couverte étrange de ses deux amies. Mais elle sait qu’il
s’est passé quelque chose d’anormal. De plus, regardant
le lit d’Axelle et de Cléonisse et encore vide, cela ne fait
plus de doute. Elle est debout avant les autres et Clara la
retrouve seule, habillée, dans le réfectoire.
⎯ Que fait tu là ? tu devrais encore être au lit.
⎯ J’ai peur qu’il soit arrivé quelque chose à Axelle et
Cléonisse, elles n’ont pas dormi avec moi cette nuit.
⎯ Attends un peu, Noèse va arriver dans un instant,
nous partagerons un petit-déjeuné toutes le trois, elle va
t’expliquer.
Noèse s’installe avec elles devant sa tasse de thé,
⎯ Shanley, je sais que tu es très amie avec Axelle et
Cléonisse, vous partagez la même chambre et vous êtes
rebelles chacune à votre façon. Tu as vu avec elles une
chose étrange passer au-dessus de l’école. À la suite de
cela, des événements graves se sont produits hier soir.
La petite fille regarde sa maîtresse avec de gros yeux
étonnés.
⎯ Cléonisse dort encore à la maison, mais Axelle a été
enlevée par des gens venus de l’espace et ils sont repartis.
Je pense que nous ne verrons plus ma fille avant un long
moment. Mais je ferai tout pour la retrouver, je te pro-
mets. Ce n’est pas un secret, lorsque tu verras tes camara-
des, tu pourras leur dire, je répondrai à toutes leurs ques-
tions.
⎯ J’ai une question à te poser. Pourquoi avoir fait cette
école, si c’est pour nous mettre tous en danger ?
⎯ L’école vous met en danger, mais elle vous protège.
137
Si un vaisseau de l’espace venait te chercher chez toi en
Irlande, personne ne s’occuperait de te retrouver, tes pa-
rents te pleureraient en vain. Ici, nous sommes rassem-
blés, donc plus vulnérable dans un sens, mais bien plus
fort aussi et plus dangereux pour nos ennemis. Chaque
jour, vous comprendrez mieux pourquoi nous sommes
tous réunis. Vous êtes là pour éveiller vos pouvoirs et les
mettre au service de notre monde. Grâce à vous, nous
pourrons un jour retrouver Axelle. Toi et les autres, vous
êtes tombés du ciel avec vos pouvoirs et c’est une chance
pour tous les hommes. Je vous montrerai le film "Super
Man", c’est un peu votre histoire. Maintenant qu’Axelle a
été kidnappée, il faudra tous être sur nos gardes, car ils
reviendront, mais nous le savons et c’est un avantage. Il
faut retrouver les autres maintenant.
139
questions. À la fin de la récréation, Cléonisse et Céleste
reviennent parmi eux. Rapidement tous connaissent
l’histoire des événements d’hier soir. Ils ne sont pas terro-
risés, bien au contraire. Connaissant la vérité, ils se sen-
tent plus forts. Noèse savait que cette vérité
n’engendrerait pas de peur, au contraire.
Cet après-midi, c’est un moment au laboratoire qui les
attend. Après le repas, le jeune Moacyr qui est resté dis-
cret jusqu’à maintenant se rapproche de Cléonisse.
⎯ Il paraît que tu as vu ta mère hier ? j’aimerais bien
la retrouver, je me rappelle d’elle lorsqu’elle est venue
me voir dans le pays où j’habitais. Je l’aime beaucoup
même si je ne l’ai pas vue longtemps. La prochaine fois
qu’elle viendra, il faut que tu me le dises.
⎯ Mais maman ne vient pas comme ça, il faut que
nous ayons une bonne raison pour l’appeler.
⎯ Nous aurons une bonne raison de la voir prochai-
nement.
⎯ Pourquoi dis-tu ça ?
⎯ Comme ça…
Moacyr inquiète Cléonisse ; que voulait-il dire ? Le repas
terminé, les enfants jouent sous le préau avant de rejoin-
dre le laboratoire c’est le début du mois de décembre et il
fait froid.
140
trompez, car c’est ici que peuvent s’exprimer sans artifi-
ces vos dons. Vous ne remarquerez aucune fenêtre, même
la porte semble avoir disparu dans le mur. Nous sommes
ici, isolés du monde, de ses radiations, des ondes radio,
du bruit et des influences solaires et terrestres. Nous
sommes dans un autre monde, même les rayons de
l’univers ne pénètrent pas cette pièce, c’est comme si
vous étiez morts. Le monde ne vous compte plus parmi
ses habitants. C’est ici que libérés de toutes contraintes,
vos pouvoirs vont apparaître pour la plupart d’entre vous.
Remarquez déjà que vos pensées sont beaucoup plus lé-
gères.
En effet, les enfants sentent tous dans leur tête le grand
calme qui les habite. Pas un n’a de mauvaises pensées,
aucun ne semble neveux.
⎯ Je me sens bizarre ici, je n’ai jamais eu l’esprit si
apaisé qu’aujourd’hui. Il n’y a en moi que l’image de mes
amis tous présents ici, c’est comme si on m’avait enlevé
une partie de ma tête, je n’ai plus d’idées et presque plus
de pensées. Il me semble avoir été une autre personne de
l’autre côté de la porte, mais ici, je ne me souviens plus.
⎯ Tu as raison, Bako, ici, coupés du monde par des
murs faits d’un matériau très particulier, rien ne peut pé-
nétrer et encore moins les pensées, les influences du
monde. La première chose que vous en remarquez est que
votre tête semble ne plus répondre normalement à votre
tempérament. C’est parce que toute notre vie sur la Terre,
nous subissons les influences des astres, des planètes et
des étoiles. Tout cela nous donne notre caractère, cons-
truit nos pensées et sans elles, nous ne sommes que des
coquilles vides. Sans les courants magnétiques et électri-
ques, astraux et éthériques, nous sommes des êtres sans
vie. Mais aussi, sans ces forces, nous avons la possibilité
de ressentir autre chose ; les forces du dedans, celles d’un
141
autre univers et aussi les dons qui nous caractérisent. Ba-
ko, ressens en toi l’être qui t’habite à cette heure-ci, tu
n’es pas le même et pourtant tu te sens être. Regarde en
toi celui qui t’anime ?
⎯ Une force calme, mais elle est tout à l’intérieur de
moi. Je ne l’avais jamais ressentie. Cette force me cha-
touille comme si elle me faisait du bien, elle me force au
calme et en même temps, je ne me force pas, c’est un
bien-être.
⎯ Isolés, ici, nous ne pouvons percevoir que
l’influence du premier univers dont je vous ai déjà parlé
et qui s’appelle Eternité. Éternité n’est pas un lieu imagi-
naire, fait de Dieu et de dieux, non, pas du tout. Mais les
hommes qui en ont senti la présence n’ont eu que des di-
vinités à y placer car ce monde reste bien trop mystérieux
à leurs yeux. Éternité est un monde qui ressemble un peu
à vous, dans le sens où tous les éléments de votre corps
collaborent à vous rendre autonome en se donnant entiè-
rement à vous ; tous les muscles, les os et les neurones ne
forment qu’un. L’unité de votre corps est indéniable, par
exemple vos mains ne se sont jamais rebellées contre vos
pieds ou votre tête pour en prendre le pouvoir. Votre lan-
gue ne parle jamais sans que vous l’ayez décidé.
Tous les enfants se mettent à rire en imaginant une telle
révolte.
⎯ Ne riez pas, car dans le monde où nous vivons, tout
est comme ça. Nous sommes dans un corps où tout s’est
rebellé. Les mains veulent la place des pieds, les yeux
voudraient remplacer le cerveau, la langue a décidé
d’écouter et les oreilles ne veulent plus rien entendre. À
tel point que ce merveilleux corps s’est coupé en morceau
tout seul. On voit une oreille d’un côté, une bouche de
l’autre et chacun se croit plus fort que l’autre. C’est pour-
quoi l’univers avec toutes ses étoiles, planètes et galaxie
142
s’est formé. Et nous, les hommes, représentons ce que
l’univers devrait être. Hélas, nous sommes formés avec
la matière qui forme les planètes et les étoiles, c’est pour-
quoi nous vivons tous séparément, comme la bouche ou
l’oreille dont j’ai parlé. Vous êtes une bouche ou une
oreille, mais vous ne le voyez même pas. Il y a d’autres
univers qui ne se sont pas coupés en morceaux et ceux-là
veulent nous guérir. Ces univers qui ne sont pas malades,
ont envoyé dans ce monde des morceaux d’eux-mêmes
afin de guérir le monde et vous êtes ces morceaux. Vous
devez maintenant trouver votre fonction dans ce monde et
retrouver ce que vous êtes. C’est à cela que sert Keuram-
dor.
Dans cette pièce, vous êtes coupés du reste du monde et
c’est le seul endroit où vous puissiez retrouver vos raci-
nes lorsque c’est nécessaire. Je vous ai amenés ici au-
jourd’hui parce qu’il s’est passé quelque chose de grave
hier. C’est pour que vous puissiez faire la différence avec
l’autre monde, celui qui nous fait bouger et nous remue
toujours ; comprendre qui est votre ami et qui est votre
ennemi. Autant que nécessaire, je vous amènerai ici pour
qu’au fil du temps vous preniez conscience de vous-
mêmes.
144
⎯ Ta nature profonde s’installe en toi, cette pièce est
faite pour cela.
⎯ Mais, maîtresse, les murs que je regarde ne livrent
pas leur secret, je ne peux pas voir comment ils sont
faits ?
⎯ C’est normal, ils n’appartiennent pas à ce monde, ils
sont faits dans un matériau que je suis allée chercher dans
un autre univers, c’est pour cela qu’ils ne laissent rien
passer.
⎯ Et t’as fait comment pour les ramener ?
⎯ Ça, c’est mon secret.
tous se questionnent, même si certains n’y ont rien trou-
vé.
⎯ Les enfants, il n’est pas évident que la salle isolée
fasse effet sur chacun aujourd’hui. Si d’autres parmi vous
ressentent quelque chose en eux, n’hésitez pas à me le
dire.
⎯ Je n’ai pas plus de dons que les autres jours, mais je
sens en moi que je peux chanter sans limite. Je sens que
les harmonies me parlent et elles m’aident à communi-
quer. Je pourrais presque parler avec les notes de musi-
que, c’est étrange et vous devenez presque musique au-
tour de moi.
⎯ Ça va aller, Chad ?
⎯ Oui, maîtresse, je ne me laisse pas déborder par mes
impressions.
⎯ Tes pensées sont vides, comment tu fais, maîtresse,
je lis ton esprit, mais tu es vide alors que les autres sont
pleins de pensées et d’idées ?
⎯ Lala, la pensée est humaine, elle est le dégagement
de toutes les constructions de la vie que nous avons au
fond de nous, nos chagrins, nos haines, nos envies et tout
ce qu’on imagine. Tu ne vois rien en moi parce que mon
145
esprit ne charrie pas d’idées. Je dis ce que je fais, et je
fais ce qui m’est demandé. Tous mes actes sont comman-
dés par une force qui sort de mon être profond et celui-ci
est fait de la même matière que les murs de cette pièce.
⎯ Tes pensées viennent d’un autre monde ?
⎯ Tu peux dire cela, Lala.
Le silence s’installe entre les enfants, ici, ils restent bien
plus calmes qu’ailleurs.
⎯ Vous êtes tous très sages, personne n’a envie de dire
quelque chose ? Ne vous inquiétez pas s’il ne s’est rien
passé pour vous, nous reviendrons et chacun aura son
moment de découverte. Cela vient lorsqu’on est prêt.
Alors Noèse se rapproche d’un mur, et lorsqu’elle pose la
main dessus, la porte réapparaît. Pour que la pièce soit
vraiment isolée de tout, les murs ne devaient avoir aucun
défaut. Elle l’ouvre et en la passant on peut voir que la
porte est aussi épaisse que les murs.
Moacyr, impressionné par l’expérience qu’il vient de vi-
vre se rapproche de Céleste.
⎯ Lorsque je suis parti dans la spirale algébrique, j’ai
vu ta mère, je sens qu’elle a besoin de moi.
⎯ Mais que racontes-tu, je ne sais même pas où est
maman, elle est très loin et je ne sais pas ce qu’elle fait.
À cet instant, l’enfant s’effondre sur le sol, il est inanimé.
Noèse se précipite vers lui et comprend vite qu’il est en
train de se dématérialiser. Vite, Steve la rejoint et sans
tarder, ils emmènent l’enfant à l’infirmerie. Sur son lit,
Moacyr devient presque transparent. Déshabillé, son
corps est aussi clair que du verre, et l’on peut voir en
transparence ses os, ses viscères et son cœur battre sous le
drap qui le protège.
⎯ Mais, que se passe-t-il Noèse ?
⎯ Steve, il n’est plus vraiment dans notre monde. Je
146
l’ai emmené avec les autres dans la salle neutralisée, il
s’est pratiquement transformé et a franchi un nouveau
palier de conscience. Il a fait une découverte en lui-
même. Je ne sais pas où il se trouve, mais il n’est plus
dans notre monde, peut-être même plus dans notre temps.
Je constate une déformation arythmique de l’espace au-
tour de lui.
⎯ Qu’est-ce que tu veux dire ?
⎯ Qu’il y a créé un trou dans l’espace-temps autour de
lui. Je ne pourrai pas le ramener tant que ce trou sera pré-
sent.
⎯ Mais que devient sa conscience, vit-il encore ?
⎯ Il est bien vivant, mais il est ailleurs, il est probable
qu’il soit occupé sur une autre planète, dans un autre
monde, dans un autre temps.
⎯ Ça peut durer longtemps ?
⎯ Une heure, une vie, le reste du temps, qui sait ?
147
L’ENFANT DE CRISTAL
149
souffler dedans. L’engin comme à son habitude, se met à
vibrer et se teinter de couleurs étranges. La pièce entière
se met à passer du blanc à l’indigo, puis les couleurs
tournoient partout autour d’eux et du lit. En un flash, tout
s’ébranle. Aqualuce, Céleste, Cléonisse se retrouvent
dans un lieu qui n’appartient à aucun monde. Les enfants
qui étaient dans l’infirmerie de leur école n’y sont plus et
leur mère qui se trouvait dans un autre lieu bien étrange
n’y est plus non plus. Mais devant eux, un enfant rit aux
éclats, tous sont surpris à leur façon. Les deux enfants
reconnaissent leur camarade Moacyr qui était étrange-
ment malade lorsqu’ils l’ont rejoint à l’infirmerie. Aqua-
luce, qui était enfermée dans une pyramide trop curieuse,
ne sait plus vraiment où elle en est.
⎯ Mes enfants, que se passe-t-il, pourquoi êtes vous
là, je ne comprends pas.
⎯ Calme toi, madame, c’est toi qui m’as appelé, tu es
venu me chercher, tu as besoin d’aide.
Moacyr les regarde tous. Céleste et Cléonisse se ques-
tionnent et Aqualuce commence à comprendre.
⎯ Les enfants, je suis surprise de vous voir car je suis
à cette heure dans une pyramide infernale, c’est une sorte
de jeu dans lequel je me suis retrouvée enfermée et il est
très important que je puisse en sortir rapidement. Beau-
coup de choses pourraient être bouleversées si cela se
passait mal pour moi. J’ai, il y a peu, perdu connaissance
et j’ai aussi perdu beaucoup de temps mon adversaire a
presque gagné tandis que moi j’avance doucement. Ici, je
dois tenir compte des chiffres et avancer avec eux. Mais
je ne trouve pas la solution pour sortir de là. Je suis dans
un jeu où il faut prendre les nombres et en extraire leur
racine pour avancer. Les chiffres que je pourrai découvrir
me permettront d’ouvrir les bonnes portes. En extrayant
les racines carrées j’avance sur le même niveau en pre-
150
nant les racines cubiques, je monte.
⎯ Mais, maman, ce n’est pas pour jouer que nous
t’avons appelée, c’est parce que Moacyr était très malade,
Noèse nous a dit qu’il avait quitté notre monde et peut-
être notre temps. On pensait que tu aurais une solution.
⎯ Madame, ce n’est pas eux qui t’ont appelée, c’est
moi qui voulais te voir. J’ai quitté mon corps pour te re-
trouver. Mais j’avais besoin de tes enfants pour qu’on se
rejoigne.
⎯ Mais pourquoi tout cela, mon petit Moacyr ?
⎯ Madame, moi je sais, pourquoi tu n’avances pas
plus vite, tu sais, cette Pyramide est magique, c’est la
magie des chiffres qui peut tout. Pour avancer plus vite
encore, tu dois penser autrement. Qui t’empêche
d’imaginer une autre dimension pour aller là où tu veux.
Au-delà du volume, imagine la quatrième dimension ;
prends la puissance 4 pour trouver ta porte. Tu devrais
pouvoir ouvrir autre chose.
⎯ Tu as raison Moacyr, je dois faire ce que tu me dis.
J’ai ouvert 2197 portes, je me demande à quelle porte je
dois aller ?
⎯ C’est très facile, le prochain nombre, c’est 2 401, 11
à la puissance 4, ça te fait juste 204 portes à passer avant
d’arriver.
⎯ Tu es super mon garçon, je vais faire ce que tu dis.
Je vais devoir vous quitter, le temps presse. Allez retrou-
ver les autres, et dite à Noèse que je vais bien et que vous
m’avez redonné confiance, sans vous, je ne m’en sortirai
pas.
⎯ Maman, sois prudente, ne fais pas de bêtise. En tout
cas, je ne sais pas si c’est toi qui as fait quelque chose,
mais on est content de revoir Moacyr parmi nous, en
bonne santé. Ramène-nous Axelle et papa.
151
⎯ Cela viendra, croyez-moi.
⎯ Madame, viens me voir avant de partir,
Aqualuce se rapproche de Moacyr, celui-ci lui pose sa
main sur son front et ferme les yeux un moment.
⎯ Je t’ai donné beaucoup de ce que j’ai en moi des
chiffres et des mathématiques. En faisant cela, je perds
une bonne partie de mes pouvoirs, mais je te rends bien
plus forte. Tu en as plus besoin que moi, je crois que cela
te servira.
⎯ Je ressens en mon être que les chiffres et les formu-
les algébriques circulent comme mon sang ; c’est in-
croyable comme le mystère de cette pyramide s’ouvre à
ma conscience maintenant. Je te remercie, c’est un mer-
veilleux cadeau.
⎯ Le plus important, ce n’est pas ce que je fais, mais
ce que je donne. Partager, c’est encore penser à soi tout
donner est le meilleur des sacrifices.
⎯ Moacyr, c’est un don que tu ne perdras jamais, et tu
peux apprendre à le partager avec les autres. Ce partage
est un sacrifice sans limites. Je vous aime tous, mes en-
fants. Je vous embrasse de tout mon cœur. Cléonisse, Cé-
leste, vos dons je les ai en mon être aussi et je les garde
comme un trésor ainsi que celui de Moacyr. Je pars im-
médiatement, car notre monde est en danger.
La pièce dans laquelle ils se trouvent se met à vibrer, et
d’un coup, tout redevient normal. Les deux enfants se re-
trouvent dans l’infirmerie, devant le lit de leur ami. Mais
le jeune Moacyr est encore comme un bloc de verre, rien
n’a changé pour lui. Ils se demandent s’ils ont bien rejoint
leur mère ou si c’était un rêve ? Céleste, paniqué, sort de
la pièce et appelle Noèse, qui ne tarde pas à arriver.
⎯ Nous avons soufflé dans le sifflet, nous avons re-
trouvé maman prise dans un jeu bien étrange et Moacyr
152
était avec nous, il a même aidé maman. Il était bien vi-
vant, mais lorsque nous nous sommes séparés, nous avons
retrouvé tout ici, comme à notre départ. Rien n’a changé
et Moacyr est toujours une statue de glace.
Noèse regarde l’enfant et voit comme un petit détail qui
ne lui échappe pas.
⎯ Taisez-vous, regardez !
Les enfants suivent le regard de Noèse, observent Moacyr
et voient que les cheveux commencent à brunir. Petit à
petit, la transparence du corps décroît et sa peau réappa-
raît. Il faut près de deux heures pour que toute la trans-
formation s’achève.
Noèse s’approche du jeune enfant, le tâte.
⎯ Il est chaud, il est entrain de dormir. Laissez-le, il se
réveillera lorsqu’il aura récupéré. Je crois qu’il va très
bien. Revenez après le dîner.
⎯ On a gagné, il est revenu. J’ai hâte de le revoir de-
bout, avec nous.
⎯ Ne vous inquiétez plus, je crois que vous avez fait
du bon travail.
⎯ Et maman, qu’est-ce qu’elle fait si loin, pourquoi la
voit-on toujours par petits morceaux ?
⎯ Elle fait quelque chose de difficile et je crois que
vous tous lui donnez un grand coup de main. Lorsque tout
sera terminé, je suis certaine que vous comprendrez ce
que chacun aura apporté à son grand voyage. Revenez
tout à l’heure. Allez dire aux autres qu’il va bien.
Le repas du soir se passe très bien d’autant plus que
Christopher et Harry sont avec eux. Mais à la fin, alors
que les deux américains proposent aux enfants de leur
passer un film sur leur voyage de retour aux Etats-Unis,
Cléonisse et Céleste s’éclipsent pour retrouver leur ami.
Noèse les attend avec Moacyr, assis sur son lit. Il croque
153
à pleines dents un repas appétissant. Voyant ses amis, il
arrête tout.
⎯ Je savais que vous viendriez, je suis content autant
que d’avoir pu rencontrer votre maman. Vous m’avez
trop bien aidé à la trouver. Je suis heureux d’avoir pu lui
rendre service.
⎯ On peut te prendre dans nos bras ?
⎯ Allez-y, les enfants, il n’est pas fragile comme du
verre, il est bien en chair.
Alors, les trois enfants fêtent leurs retrouvailles sur un lit
bien plus étroit qu’une salle de fête, mais quel bonheur !
Moacyr, le jeune enfant brésilien, qui restait si discret,
leur apparaît comme un camarade exceptionnel.
154
INVISIBLES
155
⎯ Tous les enfants le savent.
⎯ Alors eux aussi risquent très gros.
⎯ Je pense que tu as raison et je crois qu’il faut le faire
disparaître.
⎯ Tu as une idée ?
⎯ Christopher, je ne tiens plus depuis qu’Axelle a dis-
paru. Je veux aller la rechercher dans l’espace. Je veux
partir avec ce mini-vaisseau. Je crois que j’ai une chance
de la retrouver, je m’en sens capable. Si j’y vais, je me
sentirai plus utile qu’ici. Là, à Keuramdor, je me sens
vraiment jouer un second rôle. Je me sens capable de par-
tir, j’ai dans mon sang quelque chose qui bout et je crois
que c’est le sang de mon père qui refait surface :
Un jour, il a inventé un prototype avec lequel il a emmené
ma mère ; c’était un petit engin un peu comme ça. Ils sont
partis, ils ne sont jamais revenus. Je suis orphelin depuis
ce jour. Mon père et ma mère sont partis faire un très long
voyage et je veux terminer ce qu’ils ont commencé. Je
vais partir, ça me trotte dans la tête depuis plusieurs jours.
Quelque chose m’appelle là-haut.
⎯ Qu’est-ce qu’en pense Noèse ?
⎯ Elle m’a dit que c’est normal et que je dois conti-
nuer ce que mon père a commencé. Elle m’a dit que partir
n’est pas une solution mais que si ça peut m’aider à ac-
complir un destin familial, il faut que je le fasse. Elle
pense que je trouverai en moi des choses nouvelles et que
ça pourrait nous aider. Elle n’est pas effrayée que je parte
aussi loin.
⎯ Que vas-tu faire ?
⎯ Je veux partir avant Noël, au moment où il fait froid
et que la lumière du soleil est basse à l’horizon, comme
ça, j’ai moins de chance de me faire repérer.
⎯ Tu ne vas tout de même partir seul ?
156
⎯ Je n’ai personne qui voudrait me suivre.
⎯ Si, Moi !
⎯ Mais Christopher, les enfants t’adorent, ils aiment
bien jouer avec toi !
⎯ Peut-être, mais il y a eu enlèvement d’enfant et je
dois mener l’enquête. Si Axelle est dans l’espace, je parti-
rai dans l’espace, je suis policier et mon métier est de ré-
soudre les mystères de ce type. Tu auras besoin de moi là-
haut. Je suis certain que Harry arrivera sans moi à
s’occuper de tous les enfants.
⎯ Et ton métier d’agent du FBI ; n’auras-tu pas de
problèmes avec l’agence, ne vont-ils pas se demander
pourquoi tu as disparu ?
⎯ L’affaire a été rangée dans les placards tous les
agents sont mobilisés car on craint l’arrivée de terroristes
sur le sol américain. Je ne sais pas pourquoi, cette affaire
s’est volatilisée le jour où je suis rentré, mes chefs ne
m’ont même pas demandé de rapport.
⎯ C’est bien étrange. Alors, nous pourrons partir sans
craintes. Comme tu es d’accord, il faut que tu vois
l’intérieur du vaisseau, viens voir, c’est impressionnant.
Céleste a tout entendu et les voit pénétrer dans l’appareil.
Il ne peut plus les observer, alors il décide de partir dis-
crètement. Mais à peine revenu, il informe les enfants de
son groupe :
⎯ Dans le grand garage, il y a un vaisseau spatial,
c’est Clara qui l’a ramené ici. Steve et Christopher vont
partir dans l’espace à la recherche d’Axelle. Ils partent
avant Noël, c’est génial. Il faut que je vous montre
l’engin, il est super.
⎯ Je suis pressé de le voir, mon père en fera une tête
lorsque je lui raconterai !
⎯ Eh ! je ne sais pas si ce serait bien de dire ça à tes
157
parents, c’est top secret, je ne devrais même pas vous
l’avoir dit, Timofeï.
⎯ Maintenant, c’est trop tard, il faut qu’on voit
l’engin.
⎯ Bon, d’accord, mais il nous faut un plan. L’appareil
est dans le grand garage à côté de la maison de Steve et
Noèse. Ils ferment toujours la porte à clef. C’est parce
qu’ils étaient dedans que j’ai pu m’en approcher.
⎯ Mais, c’est aussi ta maison, tu dois savoir où tes pa-
rents rangent les clefs ?
⎯ C’est juste, mais il faut que j’aille dans le bureau de
notre maîtresse et il n’y a qu’elle et mon oncle qui peu-
vent y pénétrer.
⎯ C’est foutu !
⎯ Peut-être pas. Il faudrait le lui dérober quelques ins-
tants. Pour cela, il faudrait voir Oda, elle peut se rendre
invisible.
⎯ Ouah ! c’est génial !
⎯ Attends un peu, c’est pas évident, elle n’est pas dans
notre groupe, il va falloir la convaincre.
Shanley, intervient, elle a une idée :
⎯ Je suis une fille comme elle, j’ai plus de chance que
vous de la mettre dans ma poche. Je vais me rapprocher
d’elle ; à force de discuter, j’arriverai à la persuader de
nous aider. Je lui donnerais une autre raison, elle ne se
doutera pas qu’il s’agit d’un vaisseau spatial.
Les enfants du groupe des Maternautes sont tous d’accord
pour l’idée de Shanley. Ils se quittent peu après et rejoi-
gnent Harry pour la partie d’Overbase.
La petite Irlandaise se sépare d’eux et discrètement se
rapproche de Cléonisse avec qui elle partage la chambre,
sachant que par elle ce sera plus facile de nouer un
contact avec Oda :
158
⎯ Toi non plus, tu ne joues pas avec les autres ?
⎯ Depuis qu’Axelle a été enlevée, je n’ai plus trop en-
vie, tu sais dans l’équipe, elle était un des piliers.
⎯ Mais, toi aussi tu joues très bien ; tu vas manquer à
ton équipe.
⎯ De toute façon, aujourd’hui c’est pour la détente.
⎯ Je peux rester avec toi ? j’aimerais mieux connaître
tes amis, tu sais, je trouve que c’est bête de se mettre par
groupe, on passe à côté de bons moments ensemble. Je te
connais bien, on s’apprécie beaucoup, mais avec les au-
tres le courant passe moins bien.
⎯ Reste avec moi aujourd’hui et les autres jours si tu
veux.
⎯ Oh ! c’est génial, t’es comme une sœur.
Les deux filles, ensemble, regardent le petit match jus-
qu’à la fin. Elles se connaissent bien, mais elles ne se fré-
quentent pas trop dans la journée. Le soir lorsqu’elles se
couchent elles ont des moments privilégié, mais jamais
autrement.
⎯ Cléonisse, pourquoi tu n’es pas dans notre groupe
alors que tu en as toutes les qualités ?
⎯ Et toi, pourquoi tu n’es pas dans le nôtre ?
⎯ Tu sais bien que par affinités, je suis restée avec ton
frère. Mais, toi, pourquoi tu n’es pas comme lui ?
⎯ Céleste est un garçon, moi une fille et je n’ai pas la
même sensibilité que lui. Dans ton groupe, vous avez un
fort intérêt pour ce qui est les technologies et les mystères
de la science. Tu as trouvé chez les Maternautes ce qui
semble être un but pour toi.
⎯ Oui, mais j’ai envie de regarder ailleurs. Je veux
que tu m’apprennes à voir le monde comme tu le vois, tu
sembles ouvrir plus ton cœur que ta tête.
⎯ Ma maman m’a dit que tout ce qu’on fait, si ça vient
159
du cœur, c’est pour le bien de l’humanité. Alors, je fais ce
qu’elle m’a appris.
⎯ Tu peux m’apprendre à écouter avec mon cœur ?
⎯ Reste avec moi toute la journée, je suis certaine que
tu vas comprendre. Ensuite, lorsque tu auras compris, tu
pourras le dire aux autres de ton cercle.
Shanley accepte, elle se dit qu’en jouant le jeu, elle pour-
ra arriver à sympathiser avec tous les enfants du groupe,
ce qui lui permettra d’atteindre son but.
À la fin de la partie d’Overbase, les amis de Cléonisse la
rejoignent. Ils sont tous essoufflés, mais tellement heu-
reux d’avoir pu reprendre ce jeu qu’ils aiment tous.
⎯ Tiens, que fais-tu là, tu ne fais pas partie de notre
groupe, tu devrais être avec les autres !
⎯ C’est Cléonisse qui m’a invitée à partager un peu de
temps avec vous, elle veut m’apprendre à écouter mon
cœur.
⎯ Si tu l’écoutais, tu ne resterais pas avec nous.
⎯ Oh ! tu exagères de dire ça, Chad. Es-tu jaloux
qu’une de tes compatriotes soit avec nous ?
⎯ Non, mais je la connais, elle est difficile, elle n’aime
rien et elle se croit toujours la plus forte.
⎯ Mais si je suis comme ça, c’est que je suis sûr de
moi, essaies de me battre, tu n’y arriveras pas.
⎯ Oh ! ça suffit vous deux, je vous exclus immédiate-
ment de notre groupe si vous commencez comme ça. Tai-
sez-vous, je vous connais bien tous les deux. Shanley et
moi partageons la même chambre et nous nous entendons
très bien. C’est pour vous l’occasion de mieux la connaî-
tre et en même temps, nous rapprocher de l’autre groupe.
Venez tous, on va goûter, il faut rentrer car la nuit va
bientôt tomber. On se retrouve tous dans la serre.
Après avoir mangé une tartine de pain et de Nutella, toute
160
l’équipe des Ethernautes se rassemble. Shanley a bien
remarqué Oda, la seule fille qui ressemble plus à un gar-
çon que les autres garçons. Elle est toujours habillée en
jean et elle a des Adidas aux pieds. Avec ses cheveux
coupés très courts, on ne voit pas de différence. Hélas,
pour elle, cette jeune allemande ne l’a même pas encore
remarquée. Shanley se dit qu’elle devra aller de l’avant
pour que le contacte se fasse et c’est Cléonisse qui provo-
que l’occasion.
⎯ Si on faisait un jeu, quelqu’un a-t-il une idée ?
⎯ Oui, si on jouait à l’homme invisible ?
⎯ C’est une idée, mais comment tu vois ce jeu ?
⎯ C’est facile, Oda peut jouer le rôle de la femme in-
visible ; elle se rend invisible, elle se déshabille et l’on
doit la trouver.
⎯ Shanley, je ne sais pas si Oda est d’accord, explique
lui comment tu vois ça, je ne l’ai jamais vue se transfor-
mer. Tu devrais lui en parler.
⎯ Tu as raison. Voilà comment je vois le jeu, Oda.
Pour la première fois, la jeune enfant l’écoute avec inté-
rêt.
⎯ Je me souviens lorsque nous sommes allés pour la
première fois dans le laboratoire. Tu es presque devenue
invisible lorsque tu es passée entre les miroirs. J’ai été
impressionnée car j’étais à côté de toi. Je t’assure que tu
as disparu pour de bon. Je me demande si tu ne serais pas
capable, ici, de refaire la même chose ? Je pense que tu
n’as pas besoin d’une pièce particulière, si tu le fais dans
un petit coin tranquille, tu devrais y arriver. Tu sais, nous
avons tous des dons que nous ne savons pas encore mettre
en valeur.
⎯ Oh ! ça va, Shanley, je ne t’ai pas attendue pour le
refaire. Depuis ce jour, j’ai compris ce dont j’étais capa-
161
ble. Depuis, chaque nuit, lorsque vous dormez, je quitte
mon lit pour me promener dans tout le bâtiment. Je quitte
mes vêtements et je rentre dans ma peau invisible. Je
peux passer près de notre éducateur, il ne me remarque
jamais, même lorsque je fais du bruit ; il croit que c’est
un autre enfant. Une autre fois, en pleine journée, alors
qu’il faisait beau, je me suis mise toute nue et je suis sor-
tie alors que vous jouiez dans le parc à la balle au chas-
seur. Vous ne pouviez pas me remarquer, mais qu’est-ce
j’ai pu rigoler, car j’attrapais la balle et je la renvoyais
vers d’autres joueurs qui ne s’y attendaient pas. Une autre
fois, je suis entrée dans le bureau de notre directrice, mais
je crois qu’elle m’a sentie, alors je me suis sauvée. Ce
soir-là, elle est venue me dire bonsoir dans mon lit, alors
qu’elle ne le faisait jamais. J’ai eu peur et je suis restée
couchée toute la nuit.
⎯ Alors, tu peux vraiment devenir invisible ?
⎯ Depuis le jour où notre maîtresse nous a faits entrer
dans la chambre isolée, oui !
Tous sont surpris, c’est pour eux une révélation. Ils ne se
doutaient pas qu’ils vivaient tous auprès de la femme in-
visible. Et Stanley se félicite d’avoir pu mettre au grand
jour cette révélation ; elle se dit qu’elle pourrait arriver à
faire aller Oda là où elle le souhaite. Aujourd’hui, elle a
marqué des points.
⎯ Dis, tu peux nous montrer ? demande Lilo.
⎯ Je veux bien, mais pas ici dans la serre. Je le ferai
dans un endroit plus secret.
⎯ J’ai une idée, si on allait dans la salle de projection.
Je vais aller voir Clara pour lui dire qu’on va dans nos
dortoirs. Comme ça, on sera tranquille.
Ceci fait, tous se retrouvent dans la salle, qui contient
plus de cent sièges face à une scène. Oda monte et se
glisse derrière le rideau comme une artiste. Les enfants la
162
regardent disparaître. Là, elle se déshabille.
Dans la salle tous les enfants attendent, mais au bout de
quelques minutes, ils s’impatientent. L’un d’entre eux
dit :
⎯ Bon, alors, quand te montres-tu ? je vais venir te
chercher si tu ne viens pas.
À cet instant, à peine vient-il de parler, qu’il pousse un
hurlement.
⎯ Aie ! qui m’a pincé les fesses ?
⎯ C’est moi, entend-il derrière lui.
Il se retourne mais ne voit rien.
⎯ T’es trop impatient, tu me vois ?
⎯ Euh ! non.
⎯ Et là, tu me sens ?
⎯ Mais, arrête de me pincer, ça fait mal !
⎯ Je me demandais bien qui j’allais attraper le premier
et c’est toi, Tom !
Oda se déplace autour de ses amis qui ne la voient pas et
elle en profite pour pincer à chacun les fesses ou un bras,
mais jamais aucun ne peut la voir.
⎯ C’est formidable, comment tu fais, est-ce que tu
peux nous apprendre ?
⎯ Je ne sais pas, je le fais, c’est naturel. Donne-moi ta
main, Benjamin, je vais voir si je peux te le communi-
quer. Ne bouge pas, je t’attrape.
Le garçon sent qu’on lui prend la main et d’un coup, il
disparaît et sur lui il ne reste que les vêtements qui sem-
blent flotter. Alors, tous se mettent à rire de le voir dispa-
ru, invisible. Oda le relâche et d’un coup, réapparaît.
⎯ Ça fait quoi, Benjamin, de devenir invisible ?
⎯ Pardon, que voulez-vous dire ?
⎯ Qu’Oda t’a apparemment pris la main et nous
t’avons tous vu disparaître.
163
⎯ Je n’ai rien senti, je ne m’en suis même pas aperçu !
Alors, tous rient encore plus fort.
⎯ Pourquoi ne pas essayer de tous se tenir la main
pour former une chaîne invisible ? propose Oda.
Les quatorze enfants sont tous d’accord, alors ils montent
sur la scène et se tiennent la main. Oda toujours invisible
leur demande de se mettre en cercle. Shanley ne tient en-
core personne et sent sa main prise par surprise. C’est
Oda qui la lui tient et enfin elle prend celle de Cléonisse
pour fermer le cercle. C’est à ce moment que tous les en-
fants disparaissent progressivement. Oda applique toute
son énergie pour les maintenir transparents. Cette fois,
plus un rire, plus un mot. Sur la scène, une multitude de
vêtements semblent tous suspendus à un fil à linge
étrange. Mais, pour la petite fille, l’effort est trop impor-
tant et subitement, elle se met à apparaître par scintille-
ment toute nue. Effrayée de se voir, elle lâche toutes les
mains et devant tous, elle se retrouve aussi apparente que
le soleil en plein jour. Confuse, elle court se cacher der-
rière le rideau et se met à pleurer.
Cléonisse la connaît suffisamment pour la rejoindre et la
consoler.
⎯ Ne t’affoles pas Oda, personne ne t’a vue vraiment,
ça s’est passé trop rapidement. Rhabille-toi et rejoins-
nous.
⎯ J’aurais jamais dû vous écouter, c’est de la faute à
Shanley, c’est elle qui en a parlé.
⎯ Elle n’y est pour rien, il fallait bien qu’un jour tu
nous le montres. Je trouve ça super, bien au contraire. Tu
nous as fait découvrir ton don et tu l’as partagé avec nous
tous, ce qui est encore mieux.
⎯ Mais, ils m’ont vu toute nue.
⎯ Qu’est-ce que ça peut faire ? On est tous pareils.
164
Shanley entendant derrière le rideau la petite conversation
sent au fond d’elle que son idée n’était vraiment pas hon-
nête et elle s’en veut. Oda dans un sens a raison, c’est de
sa faute. Elle se dit qu’à vouloir tromper, c’est elle qui se
trouve trompée, elle n’est pas honnête et elle commence à
se haïr. Alors pour réparer son erreur, et confuse qu’à
cause d’elle Oda se soit trouvée humiliée, elle décide de
se mettre nue devant tous. Oda réapparaît à cet instant et
découvre la fille nue.
⎯ C’est sur moi que les rires et la moquerie doivent
porter, je t’ai sollicitée exprès pour que tu me montres ton
secret, j’avais un but en venant dans votre groupe. Dans
mon groupe, nous avions une idée et c’est moi qui l’ai
trouvé pour que l’on puisse utiliser ton pouvoir. Je devais
m’approcher de toi, pour que tu arrives à me faire
confiance. Si nous étions devenues bonnes amies, je
t’aurais demandé un service particulier ; dérober la clef
du garage.
⎯ Mais pourquoi voulais-tu la clef du garage, Shan-
ley ?
⎯ Cléonisse, c’est parce qu’il y a dedans le vaisseau
spatial que ton père a amené ici, tu le sais, tu étais avec
moi et Axelle lorsque c’est arrivé.
⎯ C’est bien embêtant, cela devait rester secret. Ma
tante ne voulait pas que tous les enfants sachent qu’il y
avait un tel engin parce qu’ils peuvent tous en parler à
leurs parents lorsqu’ils rentreront chez eux à Noël. Elle
pensait que cela pourrait encore attirer la police.
⎯ C’est ton frère qui nous a parlé.
⎯ Je vais lui dire ce que je pense.
⎯ Je ne peux plus rester avec vous, je vous ai trompés.
Je ne peux pas rejoindre les autres non plus, car j’ai trahi
leur confiance.
165
La pauvre fille se met à pleurer et à grelotter. Cléonisse la
recouvre de son pull qu’elle a abandonné.
⎯ Shanley, lorsque tu m’as demandé de rester avec
nous, tu m’as aussi demandé d’apprendre à écouter avec
le cœur. C’est ce que tu as fait lorsque tu as dévoilé tes
intentions. Tu as ouvert ton cœur et c’est nouveau pour
toi. Même si Oda nous a montré son secret, le plus impor-
tant, c’est que ton cœur ait pu prendre le dessus sur ta rai-
son. Moi, je veux que tu restes encore avec nous si les
autres sont d’accord.
⎯ Moi, je suis d’accord, même si tu m’as trompée et
que tu voulais profiter de moi. De toute façon je ne me
serais pas laissée faire. Je te trouve sympa et j’aimerais
être ton amie. Je vais même te montrer comment on de-
vient invisible, ensuite, nous irons faire une farce à ceux
du groupe qui t’ont envoyée vers moi.
Shanley n’en revient pas, elle pensait qu’Oda lui en vou-
drait pour le mauvais plan qu’elle avait eu. Mais, les voilà
amies maintenant. Elle sent son cœur vibrer, elle en est
émue et elle comprend les paroles de Cléonisse lorsque
tout à l’heure, elle s’est rapprochée d’elle.
⎯ Oda, pardonne-moi pour ce que je voulais faire.
Vous tous m’avez appris à écouter autrement les autres.
Je veux être ton ami, j’aimerais bien apprendre à devenir
invisible. Mais, les autres ?
⎯ Lorsque je l’aurai montré, tu m’aideras à
l’apprendre aux autres.
Shanley fini de se rhabiller. Elle a un peu honte de s’être
mise toute nue. Alors, Cléonisse demande à tous de re-
tourner vers le préau pour ne pas éveiller les soupçons.
Shanley est la dernière à sortir, alors Oda qui l’attend lui
dit :
⎯ Ce soir, lorsque tu seras couchée, ne t’endors pas je
viendrai pour t’expliquer.
166
Shanley adore lorsqu’on peut se faire des secrets. Elle
attend avec beaucoup d’impatience d’être à ce soir.
De retour vers le préau, les enfants sont rappelés pour al-
ler dîner. Comme c’est samedi soir, , ils vont ensuite à la
salle de projection où était le petit groupe pour regarder
un film. Ce soir, on y projettera Vingt Mille Lieux sous
les mers, le film de Walt Disney. Ce film n’est vraiment
pas récent, mais c’est Harry qui l’a ramené de son pays, il
l’adorait lorsqu’il était petit. Les enfants aiment, surtout
lorsque le capitaine Némo est attaqué par le calamar
géant. Shanley, elle, rêve toute la soirée à la visite pro-
mise d’Oda.
⎯ Les enfants, nous allons nous coucher, allez tous
vous préparer.
Les dents brossées, les pyjamas enfilés, tous vont se cou-
cher. Shanley s’enfonce sous sa couette, sa compagne de
chambre, Cléonisse en fait autant.
Les minutes sont longues, Shanley commence à avoir les
yeux qui lui pèsent lorsque tout à coup, elle entend un
bruit étrange au-dessus de ses couvertures. Elle ouvre les
yeux et voit au-dessus d’elle ses chaussures se promener
toutes seules. Elle comprend alors qu’Oda est dans sa
chambre.
⎯ Chut ! ne réveille pas Cléonisse, c’est notre secret.
⎯ Qu’est-ce qu’on fait, on reste là ?
⎯ Non, suis-moi, on va aller dans le garage des voitu-
res.
⎯ Mais, comment ça ? il est fermé à clef.
⎯ Oui, sauf que j’ai la clef qui l’ouvre.
⎯ Mais tu l’as eue où ?
⎯ Comme tu le proposais, je l’ai volée dans le bureau
de Noèse, c’est pour ça que je ne suis pas en avance.
⎯ Et tu es sortie malgré le froid.
167
⎯ Je n’ai pas eu le choix, sinon, j’aurais été repérée.
⎯ Tu veux dire que lorsque nous irons dans le garage,
nous devrons y aller nues ?
⎯ Oui, bien sûr, mais nous courrons pour ne pas nous
refroidir.
⎯ Oh ! tu me fais froid dans le dos.
⎯ T’es prête ou pas, renonces-tu à apprendre à être in-
visible ?
⎯ Non, non, pas du tout, je te suis.
⎯ Alors, comme tout à l’heure, donne-moi ta main.
Juste à son contact, Shanley devient invisible.
Toutes nues, les deux filles sortent de la chambre et pas-
sent devant celle de la surveillante qui ne dort pas encore.
Invisibles, elles ne se font pas remarquer. Une fois en bas,
elles sortent, mais il fait très froid. Sans vêtements, c’est
terrible car il gèle à cette époque.
⎯ Courons vite vers le garage avant qu’on se trans-
forme en glaçons !
⎯ T’as raison Shanley, le garage est devant la maison
de la maîtresse.
Les deux enfants se dépêchent d’arriver devant la porte.
C’est alors qu’Oda lâche Shanley et se met à pleurer.
⎯ Mais, qu’est-ce que tu as ?
⎯ Il faut retourner dans ma chambre, j’ai oublié la clef
dans mon pantalon.
⎯ C’est pas vrai, on a fait tout ça pour rien. Bon, ce
n’est pas grave, on y retourne.
Oda est si travaillée qu’en prenant la main de son amie,
elle n’arrive pas à se rendre invisible. Son esprit bloque le
phénomène et elles se retrouvent toutes deux aussi visible
que tous. La pauvre fille est si nerveuse qu’elle ne peut
même plus bouger. Sur le coup Shanley qui ne se laisse
jamais dominer par ses émotions ne sait quoi faire. Alors
168
elle commence à vouloir forcer la porte qui est bien fer-
mée. Elle secoue la poignée si fort que sa main passe à
travers la porte en acier. Elle se surprend elle-même, car
elle voit sa main traversant la tôle. Elle la retire et sur-
prise, constate elle-même qu’il n’y a pas de trou à la
place. Elle regarde sa main, se questionne. Alors, elle re-
commence l’opération :
Shanley traverse la feuille d’acier comme on pénètre dans
l’eau pour aller dans un bain. Alors, sans hésiter, elle
passe son corps en entier, découvrant qu’elle a la capacité
de traverser les obstacles lorsqu’elles le souhaitent. Aus-
sitôt, elle ressort, prend Oda par la main et de la même
façon que son amie avait transmis son don d’invisibilité,
elle lui fait traverser la porte du garage. Oda n’a que le
temps de comprendre ce qui se passe, elles sont toutes les
deux dans le garage.
⎯ Tu vois, Oda, tu ne dois plus te soucier, à nous
deux, on peut faire des choses vraiment formidables.
⎯ Tu m’as fait passer à travers la porte, je n’en reviens
pas.
⎯ Je ne savais pas que j’avais ce don, je n’ai jamais
essayé de passer à travers un mur ou une porte aupara-
vant, ça ne m’était jamais venu à l’idée.
⎯ En tout cas, ici, il fait plus chaud et c’est bien
mieux.
⎯ Oui, mais il faudrait que tu trouves un truc pour de-
venir invisible avec nos vêtements.
⎯ Je ne sais pas !
⎯ Moi, je crois qu’on va trouver. Apprends-moi com-
ment on devient invisible.
⎯ Oh ! c’est facile, il n’y a rien de compliqué. J’ai dé-
couvert qu’en fait, tout mon corps n’est pas vraiment vi-
sible. Si nous n’y mettions pas les couleurs, il resterait
169
transparent tout le temps.
⎯ Mais qu’est-ce que tu veux dire par là ?
⎯ Qu’au début, lorsque les premiers hommes sont ar-
rivés sur Terre, ils étaient tous transparents, ils flottaient
dans l’air et ils n’étaient que des idées, des pensées. Les
premiers hommes étaient bien plus légers que maintenant.
Ce n’est que lorsqu’ils se sont posés sur la planète qu’ils
ont pris leurs couleurs et, parce qu’ils ont vu la couleur
marron du sol, ils sont devenus marron. Tu sais, au début
les hommes n’étaient ni blancs ni roses, mais comme le
sol. Les gens qu’on dit noirs maintenant étaient les pre-
miers hommes. Ils ne savaient pas vraiment pourquoi ils
étaient là. Mais ils avaient beaucoup de pouvoirs. Plus
tard, ils se sont séparés par groupes et ils ont aussi choisi
leur couleur. C’est pour ça qu’il y a des noirs, des blancs
et des jaunes.
⎯ Que me racontes-tu, où as-tu appris cela ?
⎯ Il faut le dire à personne, mais je le sais parce que je
me rappelle qu’il y a très longtemps, j’étais comme ça,
j’ai en moi le souvenir d’un temps passé très lointain.
C’est inscrit en moi, je porte ça comme un don. Je sais
aussi que toute la technologie de ce monde ne sert à rien
et qu’il faut trouver la paix et la vérité dans les choses
naturelles. C’est pour ça que j’aime particulièrement la
nature, je sens qu’elle a beaucoup à nous donner. Je
m’accorde avec elle et elle me le rend. Pour devenir invi-
sible, c’est simple, il faut être en harmonie avec la nature,
ensuite se détacher de nos racines ancestrales, ne plus ac-
cepter de garder la couleur du début, celle que nos aïeux
ont toujours portée avec eux. Il faut se libérer de notre
passé, totalement. À partir de là, tu peux disparaître et
c’est ce que je fais lorsque je le souhaite. Si je voulais je
pourrais changer de couleur, devenir verte par exemple.
Tu veux essayer ?
170
⎯ Quoi, devenir verte ?
⎯ Verte ou invisible, c’est toi qui choisi !
⎯ Moi, je veux être rouge, c’est la couleur que je pré-
fère.
⎯ Alors, essaie !
Shanley se concentre de toutes ses forces, elle ferme les
yeux et retient presque sa respiration. Ça dure quelques
minutes, puis elle explose et râle.
⎯ Ça ne marche pas, pourtant, j’ai fait tout ce que je
pouvais.
Oda se met à rire aussitôt en voyant Shanley rouge de
concentration et d’avoir retenu sa respiration.
⎯ Je ne t’ai jamais dit de te concentrer, ni d’arrêter de
respirer. Au contraire, pour arriver à l’état primitif, tu
dois tous oublier, tu dois t’oublier complètement, presque
ne plus sentir que tu existes personnellement. C’est
comme si ton corps faisait partie de l’univers et des étoi-
les, mais autrement, comme si l’univers était en toi. Tu
dois voir une grosse étoile qui rassemble toutes celles du
ciel. Lorsque tu te sens comme ça, tu deviens invisible à
l’œil parce que tu n’es plus vraiment dans ce monde. Si tu
veux devenir rouge, tu penses juste au rouge.
⎯ Je commence à comprendre, je crois que j’ai fait la
même chose tout à l’heure pour passer à travers la porte.
Je pense pouvoir y arriver.
Shanley se détend, elle est différente, son esprit rejoint
son cœur, comme lorsqu’elle l’avait laissé parler quand
elle s’était aperçu de son erreur dans ses intentions. De là
elle arrive à se détacher de son être, sa personne et son
individualité, elle s’oublie, mais en elle une sensation, un
monde s’ouvre, comme si un univers nouveau l’invitait à
pénétrer au fond de son être. Elle pense à une couleur,
ouvrant les yeux elle voit la transparence de son corps
171
avec des reflets rouges et elle rigole.
⎯ T’as vu, j’y arrive, je suis comme toi, invisible !
⎯ Presque, parce que rouge, ça se voit.
⎯ Alors, transparente, c’est mieux.
Une pensée et la voilà totalement invisible.
⎯ Tu as raison, c’est facile. Regarde, je vais en même
temps passer à travers le mur et revenir.
⎯ Tu peux dire ce que tu veux, de toute façon, je ne te
vois pas.
⎯ C’est vrai, alors, je vais t’apprendre à passer à tra-
vers les murs. Ne restons pas invisibles, ce sera plus pra-
tique.
⎯ Et dire que ce matin je te trouvais vraiment pas
sympa, c’est fou ce qu’on peut changer !
⎯ Et dire que ce matin je te trouvais inabordable, pré-
tentieuse, c’est dingue de ne pas se connaître. Tu es ma
meilleure amie avec Cléonisse.
⎯ Toi aussi.
⎯ Bon, je vais te montrer comment je suis passée à
travers la porte. C’était la première fois mais, c’est bi-
zarre, je crois que j’ai toujours su le faire. En fait, c’est
comme toi pour devenir transparente. J’ai eu un déclic
lorsque nous nous sommes retrouvées dehors et que tu
pleurais. J’ai eu l’idée de pouvoir faire quelque chose
d’utile pour ne pas te laisser mourir de froid. Alors je me
suis dit « et si je pouvais passer à travers, nous serions au
chaud ». J’ai insisté, et j’ai vu ma main passer à travers.
Mais lorsque j’y suis arrivée, je pensais au cœur qui
s’ouvre, je pensais aux paroles de Cléonisse et je sentais
mon être si différent qu’il faisait partie d’un autre monde,
comme celui que tu me montrais pour devenir transpa-
rente. Je ne suis plus comme avant, c’est comme...
⎯ Comme des mots, des pensées et de l’amour qui
172
peuvent changer quelqu’un.
Les deux filles entendent une voix derrière elles qu’elles
connaissent bien. Mais elles ne voient personne.
⎯ Vous me cherchez, c’est étrange, je crois que je suis
invisible.
⎯ Cléonisse, si c’est toi, montre-toi, tu nous as fait
peur.
À cet instant, la fille se dévoile devant eux, tout habillée.
Elle porte dans ses mains un sac.
⎯ Comment as-tu fait pour nous retrouver, tu dormais
tout à l’heure lorsqu’on a quitté la chambre.
⎯ Je me reposais, mais je vous ai entendues. Vous
aviez dit que vous alliez dans le garage, il suffisait de
vous y retrouver. Vous n’avez pris aucun vêtement, c’est
pour ça que je vous en apporte. Dehors il fait encore plus
froid.
⎯ Mais, tu deviens invisible avec des habits, comment
tu fais ?
⎯ Vous le savez, il n’y a que la pensée qui met des li-
mites dans notre monde. Enlevez-les, le monde est bien
différent. Je vous observe depuis que vous êtes là et je
suis contente de vous trouver si amies. Tu vois, Shanley,
lorsque tu as voulu te mettre dans notre groupe, j’ai im-
médiatement vu qu’elles étaient tes intentions. Mais j’ai
vu aussi que tu avais un cœur pur. Tu caches ton jeu, je
savais que j’arriverais à faire sortir de toi le bien qui est le
moteur de ton être. Je ne pensais pas que ce serait aussi
rapide. Si tous nos amis sont aussi doués que vous, nous
allons faire très vite de grands progrès et le groupe
d’enfants que nous sommes sera bien plus à craindre que
le pire des tremblements de terre.
⎯ Tu sais passer à travers les murs de béton et d’acier
et en plus tu peux être invisible ?
173
⎯ Bien sûr, je suis comme ma mère, elle m’a donné
une grande partie de ses pouvoirs lorsque je suis née. Je
suis un peu comme elle.
⎯ On a remarqué, tu parles même comme une grande
personne. Bon, ce n’est pas fini, tu m’as dérangée alors
que j’expliquais à Oda comment passer à travers les murs.
Il faut qu’elle essaie.
⎯ Je crois que j’ai compris, ce ne devrait pas être dif-
ficile, je vais le faire. Je vais prendre une chose pas trop
épaisse pour commencer.
Alors, voyant une voiture elle s’avance devant et la tra-
verse en marchant. S’arrêtant au milieu, elle devient invi-
sible et ses deux amies ne savent pas si elle a traversé ou
si elle est restée dedans. Après une minute elles sont sur-
prises lorsqu’elles sentent qu’on les tient par les épaules
et se retournant, elles voient Oda, toute souriante.
⎯ J’ai fait le tour du garage, heureusement que j’ai mis
les habits que tu nous as apportés, il fait très froid dehors.
⎯ C’est super si toutes les trois on peut devenir trans-
parentes et passer à travers les murs. Mais comme on est
là, on peut voir le vaisseau spatial. Tu veux bien Cléo-
nisse ?
⎯ J’en ai autant envie que vous, je suis d’accord.
C’est alors qu’à ce moment les trois filles entendent
qu’on ouvre la grande porte du garage. Il n’y a rien pour
se cacher, alors, elles se camouflent à leur façon…
174
⎯ Pour ma part, Steve, je crois que ce type d’engin est
fait pour voyager en périphérie d’une étoile car il ne pos-
sède qu’un moteur gravitique. Jacques a dû déjà
t’expliquer que ce genre de moteur nous permet de nous
déplacer au dixième de la vitesse de la lumière. Tu ne
pourras jamais aller plus loin que Pluton, au-delà ce n’est
pas possible. Je pense que lorsque Jacques est venu, il est
parti d’un vaisseau spatial long-courrier qui devait être
autour d’une autre planète dans le système solaire. Il a pu
partir de Mars ou de Saturne et mettre une ou deux heures
avant d’arriver ici. Je ne vois pas trop l’intérêt pour toi de
partir, à part faire un petit tour pour le plaisir.
⎯ Je ne sais pas pourquoi, mais je sens qu’il faut par-
tir, je crois que je peux les aider. Tu peux regarder plus en
détail s’il n’y a pas un autre système caché qui nous per-
met de faire de plus longs voyages ?
⎯ Je veux bien le faire, mais ne te fais pas trop
d’illusions.
⎯ Permets-moi d’intervenir, Clara, mais Jacques et
moi, avons fui une planète dans un vaisseau encore plus
petit et pourtant en introduisant une clef particulière, il a
mis en route un système qui nous a permis de rejoindre
Aqualuce en moins d’une minute. Jacques a donné cette
Clef à Steve.
⎯ C’est juste, attends, je vais te la montrer.
Steve ouvre le col de son pull et sort la clef spéciale. Cla-
ra ne savait pas qu’il avait hérité de cette clef. Elle sait
qu’à une époque, elle avait appartenu à son père.
⎯ Tu as donc cette clef. Je me demande pourquoi ce
vaisseau serait équipé pour la recevoir, mais je vais re-
garder.
Clara et Steve entrent dans le vaisseau, ils commencent à
explorer le pupitre de commande mais ils ne voient rien.
175
Christopher les rejoint et cherche à son tour bien que le
cockpit ne soit pas bien grand ; il est expert, ce n’est pas
un policier pour rien.
⎯ Montre-moi ta clef, Steve, je veux la voir de près.
Elle est en or, un anneau est prolongé par une tige de dix
centimètres et au bout se trouve une sphère de deux cen-
timètres, étrangement percée de trous ronds, carrés, rec-
tangulaires, triangulaires ; dans l’anneau passe une très
fine chaînette faite d’un métal robuste et précieux.
⎯ Elle est bien curieuse, j’avoue, il n’y a pas beaucoup
d’endroit où l’on puisse l’introduire.
Il passe sa tête sous le tableau de commande, là où on al-
longe les jambes.
⎯ Il y a une fente, je me demande si ce ne serait pas
ça. Passe moi la clef.
Steve lui tend, il commence à l’introduire dans le loge-
ment qu’il vient de découvrir.
⎯ Stop, ne la mets pas dedans, tu risques de tous nous
tuer, si c’est bien ça, je te certifie que le vaisseau partira
immédiatement.
⎯ Ok, c’est bien son logement.
⎯ Vous voyez, j’en connais le fonctionnement, cette
clef vous emmène là où vous souhaitez aller. Si vous pen-
sez à Axelle, elle vous y conduira en un éclair, même si
vous devez traverser l’univers. Cet engin est un des vais-
seaux les plus rapides de l’univers.
⎯ Si Jacques est venu avec lui, crois-tu qu’il a utilisé
ce type de propulsion ?
⎯ Steve, il n’a pas pu s’en servir, c’est toi qui as la
clef.
⎯ Alors, si cet engin peut se déplacer partout dans
l’espace, il n’est plus impossible que je parte à la recher-
che d’Axelle ?
176
⎯ Bien sûr, mon chéri, mais si tu résous le problème
du voyage, tu ne règles pas celui de devoir reprendre no-
tre enfant à ceux qui l’ont enlevé. Devant cinq cents sol-
dats, voire plus, que feras-tu ?
⎯ Je ne sais pas, je verrai.
⎯ Ils peuvent t’avoir tué avant même que tu aies eu le
temps de la retrouver.
⎯ C’est décidé, je dois partir.
⎯ Je ne peux te retenir. Nous avons deux autres en-
fants qui ont besoin de leurs parents, mais je me débrouil-
lerai. Je ne sais pas encore comment je vais faire avec les
autres. Si Harry reste, il prendra ta place, s’il veut bien je
lui confierai la direction technique de l’établissement.
⎯ Je suis certain que mon collègue acceptera sans pro-
blème.
⎯ Noèse, je pense que je dois partir avec Steve, il a
besoin d’un pilote pour le vaisseau. Martin me remplace-
ra sans problème.
⎯ Bon, je vois que tous se sont ligués pour faire un
beau voyage. Je vous connais tous et vous savez que vous
ne pouvez rien me cacher. Je me doutais que vous alliez
partir. Heureusement j’ai avec moi des enfants qui vont
pouvoir m’aider. Steve, quand comptes-tu partir ?
⎯ Demain soir, le temps de préparer quelques affaires.
⎯ Ça me laisse juste le temps de le dire aux enfants.
Bon, ne perdons pas de temps, il faut préparer un mini-
mum d’affaires et un peu de nourriture. Ce vaisseau n’est
vraiment pas grand, vous devrez avoir des priorités.
⎯ Noèse, Steve, il y a un gros problème !
⎯ Que se passe-t-il Clara ?
⎯ Venez vite, je crois que le vaisseau s’est mis en
route et si je ne me trompe pas, il y a un compte à rebours
en marche.
177
⎯ Moi quoi ?
⎯ Le vaisseau doit partir dans moins de quinze minu-
tes. Comment ce fait-il, Clara ?
⎯ C’est simple, Noèse, je crois que la clef de Steve est
magnétique et elle a dû déclencher le départ. Si nous ne
voulons pas voir le vaisseau partir sans nous, il faut mon-
ter immédiatement. Nous n’avons plus le choix.
⎯ Mais, je ne suis pas prêt !
⎯ Tu n’as plus le temps, Steve, installe-toi, et vous
aussi, Christopher. Je file à la maison vous chercher des
provisions et des vêtements. J’ai juste dix minutes. Clara,
j’ouvre la porte du garage, sors le vaisseau pour qu’il soit
prêt à décoller.
Sous les yeux des trois filles, l’engin sort avec les trois
passagers à l’intérieur, c’est la panique. Noèse n’avait pas
prévu ce genre de problème ; elle est très douée pour
comprendre la raison humaine, les hommes, leurs pen-
sées, leurs sentiments, mais les choses technologiques, ce
n’est vraiment pas sa partie. Elle ne peut déceler ce type
de situation par avance. Là, elle est comme le commun
des mortels : il faut faire avec…
Moins de dix minutes plus tard, elle revient avec un
énorme sac de provisions et de l’eau ainsi que des vête-
ments pour tout le monde. Comme Clara et Christopher
sont à peu près de sa taille et celle de son mari, elle a pui-
sé dans sa penderie.
⎯ Noèse, on décolle dans trois minutes, je pense que
c’est le moteur de la clef qui va fonctionner. Je décolle
immédiatement pour me dégager de l’atmosphère avant
qu’il ne se déclenche.
⎯ OK, partez, mais Steve, introduit ta clef dès que tu
es là-haut et surtout, pense de tout ton cœur à Axelle, il
n’y a qu’elle qui puisse te guider à travers ces milliards
178
d’étoiles.
Le temps d’un baiser, les portes du vaisseau se ferment, il
décolle immédiatement…
183
fants, la magie s’installe si fort que le monde matériel et
ses barrières tombent comme des quilles avec lesquelles
on joue. Et si ce monde dans lequel elle vit depuis qu’elle
est née n’était qu’un jeu immense ? Mais, qui joue ?
⎯ Tu es merveilleuse, Oda,
⎯ Ce n’est pas tout, donne-moi une main, je vais
t’offrir mon don pour qu’il te serve lorsque tu en auras
besoin. Moi, il ne me sert à rien tandis que toi tu pourrais
l’utiliser pour ramener Axelle. Je donnerais tout pour la
revoir.
Oda, fermant les yeux, semble transmettre un fluide en
elle, c’est le don de l’invisibilité ; elle paraît s’en séparer
totalement, comme pour lui donner ce qu’elle a de meil-
leur, mais l’amour de cette enfant de six ans semble bien
plus grand que tout. Aqualuce est si touchée que les mots
lui manquent.
⎯ Mais, que deviens-tu sans pouvoir, Oda ?
⎯ Les pouvoirs sont bien moins fort que l’amitié et
l’amour, le plus important pour moi, c’est de rendre les
autres heureux, et ce n’est pas en devenant invisible
qu’on le fait.
⎯ Moi aussi, madame, je peux te donner quelque
chose.
⎯ Rappelle-moi ton nom ?
⎯ Je suis Shanley.
⎯ Ah oui ! je me souviens de toi, je suis venu te voir
dans ton beau pays d’Irlande. Tu es une fille de caractère.
Essaie de t’approcher de moi, je vais tenter de te donner
aussi des couleurs.
Elle se guide de la voix pour se rapprocher, Aqualuce at-
trape sa main, sent son visage et prend le pinceau. Alors,
d’une main adroite, elle dessine sur elle la silhouette
d’une panthère noire, les yeux jaunes et effilés, le front
184
large et intelligent. Shanley est d’un noir brillant, en la
regardant ainsi, on comprend que cette fille peut devenir
dangereuse pour ceux qui voudraient lui faire du mal. Ses
nouvelles couleurs soulignent sa puissance.
⎯ Tu te plais ainsi ?
⎯ Comment sais-tu que j’aime les panthères noires ?
j’aimerais être comme elles.
⎯ Tu l’es par ta nature, je l’avais remarqué lorsque je
suis venu te voir la première fois, je me souviens.
⎯ Approche ta tête de moi, je vais te donner le don
que j’ai en mon être.
Aqualuce se tient devant Shanley qui attrape sa tête invi-
sible. Elle lui caresse les joues et lui embrasse le front.
Lui massant le visage, elle semble l’apprêter à la rendre
plus souple pour passer à travers les murs.
⎯ Je t’ai donné aussi mon pouvoir, tu pourrais en avoir
besoin. Tu en as pris toute ma force, franchis toutes les
barrières et reviens avec tous nos amis.
⎯ Vous me gâtez les enfants, je suis vraiment touchée,
vous vous dépouillez tous pour moi.
⎯ Tu vois, Aqualuce, tu ne peux plus baisser les bras,
il y a tant d’enfants qui t’aiment, tu es leur héroïne. Je t’ai
soutenu jusqu’à aujourd’hui et voyant ce qu’ils font pour
toi, je peux te quitter en paix.
⎯ Doora, je ne te décevrai pas, je porte avec moi
comme un message d’amour, tous les dons de nos en-
fants. Nous devons nous quitter maintenant. Mais avant,
ma petite Cléonisse, viens vers moi, je vais te donner tes
couleurs.
La petite fille se rapproche de sa maman et celle-ci, d’un
trait net lui zèbre le visage et lui dit :
⎯ Tu es un serpent capable d’avaler le plus grand des
serpents. Je veux que Maldeï te craigne si elle te prend
185
avec elle, c’est pour cela que je te donne ce visage.
L’enfant est d’abord effrayée de voir ce que sa mère a fait
de son visage, elle n’est plus qu’un reptile venimeux.
Puis, elle respire un peu, ouvre les yeux. Comme si elle
voyait à la manière un serpent. Elle peut lire toutes les
pensées, elle peut aussi se glisser derrière les autres sans
qu’ils s’en aperçoivent pour les attraper par surprise.
⎯ Que m’as-tu fait maman, je ne suis plus comme
avant. Tu as changé mon être avec ta peinture.
⎯ Non, j’ai juste fait ressortir de toi celle qui ne se
laisse jamais prendre. Je t’ai donné ton image telle que tu
es.
⎯ Ma nature est comme ça, tu es mon enfant. Ta na-
ture peut te protéger si un jour tu es en danger. Mais
vraiment, il faut nous séparer. S’il te plaît, Doora, peux-tu
rejoindre les enfants et Noèse, pour que tu puisses
t’arracher à notre monde, tiens-toi serrée aux autres, afin
qu’ils t’emmènent de leur coté.
⎯ Viens avec nous, Maman !
⎯ Je ne peux pas, je ne peux pas. S’il te plaît, Cléo-
nisse, range ton sifflet car il nous retient encore.
⎯ Maman…
Alors, une fois le petit sifflet remis dans une poche, l’air
se mettent à vibrer, bourdonnant comme de gros haut-
parleurs. Le sol semble se dérober sous les pieds de cha-
cune. Doora ressent sur elle des tiraillement terrible
comme si on était entrain de lui arracher tous ses mem-
bres. La séparation des deux espaces ne se fait pas si faci-
lement, une souffrance terrible torture la femme qui ac-
compagnait Aqualuce jusqu’à maintenant. D’un coup, un
éclair jaillit, créant une déchirure entre les deux mondes.
Comme si les lois de l’espace-temps avaient été violées.
186
DES NOUVEAUX SUR LA TERRE
187
⎯ Où suis-je, y a-t-il quelqu’un ici ?
Pas de réponse, c’est le silence total.
⎯ J’ai peur du noir, allumez la lumière.
⎯ Qui est-tu ?
⎯ Est toi ?
⎯ Je suis Doora, l’amie qui voyage avec Aqualuce.
⎯ Tu es vivante ?
⎯ Tu m’entends, donc je suis bien vivante.
⎯ Il faut allumer la lumière.
⎯ Oh ! j’ai mal à la tête, qu’est-ce qui m’arrive ? Tu es
Noèse ?
⎯ Oui, je suis Noèse. Tu es bien avec nous, alors que
je t’ai vue morte.
⎯ Mon esprit était bloqué entre deux dimensions. Le
temps me retenait, j’ai dû combattre pour m’en libérer.
⎯ Ne bougez pas, je vais au tableau électrique pour
remettre le courant.
La panique avait pris Noèse lorsqu’elle a cru voir cette
femme mourir dans ses bras. Mais ce n’était que la dé-
formation du temps qui avait créé ce phénomène. Elle
court maintenant au compteur électrique pour remettre le
circuit en fonction. Elle fait très vite, pourtant lorsqu’elle
revient, elle trouve déjà les enfants entrain d’écouter la
longue histoire de leur maman depuis qu’elle les a quittés.
⎯ Excuse-moi Noèse, je ne t’ai pas attendue pour leur
dire qui je suis, je vais reprendre pour toi. Je m’appelle
Doora, je suis une lunisse et Aqualuce nous a découverts
il y a plus de trois mois sur une planète s’appelant Trinita.
Ta mère, Cléonisse, a eu un accident en arrivant sur la
planète, elle est devenue aveugle un long moment.
Néanmoins, sa présence a changé les mentalités des
hommes et des femmes avec qui nous vivions. Avant
qu’elle n’arrive, nous n’étions que dix sur l’astre que
188
nous pensions sans aucune autre vie. Mais, avec le cou-
rage d’Aqualuce et mon intuition, nous avons trouvé un
vaisseau intact abandonné dans le sable. C’était une nef
gigantesque pouvant contenir des centaines de personnes.
Nous avons pu décoller et c’est alors qu’Aqualuce nous a
demandé de vérifier s’il n’y avait pas d’autres hommes
sur la planète. Elle avait raison d’insister car nous avons
découvert plus de cinq cents hommes et femmes empri-
sonnés dans la glace de la planète. Nous les avons sauvés
et nous sommes partis. Dans l’espace, Aqualuce a décidé
de quitter le groupe pour aller à la recherche d’elle-même
afin de s’apprêter à affronter Maldeï, notre ennemie. Je
suis partie avec elle et deux autres amies. Elle a voulu
retourner sur Lunisse, elle pensait avoir à y faire quelque
chose.
⎯ Je crois que c’est là que je l’ai revue. Elle était dans
une sorte de pyramide lorsque j’ai appelé avec mon sifflet
magique.
⎯ C’est cela. Ensuite nous sommes parties dans la di-
rection de la planète Monadis. Nous avons échoué sur une
autre planète étrange et c’est là que nous nous sommes
retrouvées. Ta mère et moi sommes très proches, nous
nous connaissons depuis dix ans. Elle m’avait rencontrée
pour la première fois à l’école de pilotage de Lunisse. Je
suis la sœur d’un de ses anciens amis et je suis aussi une
de ses sœurs. Nous avons le même père. Je suis votre
tante en quelque sorte. Et je suis aussi ta sœur, Noèse.
⎯ C’est incroyable ce que tu me dis, Doora, notre père
qui semblait être un saint homme, a fait des enfants par-
tout dans l’univers. Combien avons-nous de sœurs et de
frères dans la galaxie ?
⎯ Je ne sais pas mais je pense que nous ne sommes
pas les seules.
⎯ On peut t’appeler tata Doora ?
189
⎯ Si vous le souhaitez les enfants. Mais je suis avec
vous parce que d’autres sont partis et Noèse a besoin
d’aide pour s’occuper de son école. Je vais tâcher de
remplacer les absents, j’espère pouvoir compter sur vous
pour m’aider. Demain il faudra me présenter vos camara-
des et me faire visiter votre école.
⎯ Doora, dans notre grande maison, il y a un studio
pour Clara. Je vais ranger ses affaires, tu n’auras qu’à t’y
installer le temps qu’il faudra.
⎯ Je te remercie, Noèse, mais si tu n’as qu’un lit dans
un coin de ta maison, cela me suffira.
⎯ Pas question, je suis certaine que Clara aurait fait
comme moi.
⎯ Dis, tata Doora, tu es mariée ?
⎯ Oui, bien sûr, mon mari s’appelle Némeq, il est pi-
lote comme moi mais il est parti en mission, c’est ta ma-
man qui lui a demandé de faire l’inspection des planètes
de notre monde.
⎯ Il est loin ?
⎯ Très loin, tu ne peux pas imaginer.
⎯ Il est maintenant très tard, les enfants, je vous
conduis dans vos chambres, il faut dormir.
⎯ Mais, Noèse…
⎯ Non, non, au lit.
190
lui donnera les mêmes fonctions que Clara, elle pourra
l’assister à s’occuper des enfants. Elle pense que Doora
n’aura pas le temps de s’ennuyer, dans cette école « il y a
toujours à faire, pas le temps pour la déprime, même
pour s’amuser » pense-t-elle.
Le lendemain, Noèse trouve Doora debout avant tout le
monde, il fait encore nuit et malgré tout, elle marche dans
le parc de la propriété. Noèse la voit clairement car durant
la nuit il a neigé et tout est blanc. Peu de temps après, les
premiers rayons du soleil apparaissent, donnant des re-
flets rougeoyants, les arbres semblent tous illuminés
comme des sapins de Noël. Le sol n’est plus qu’un grand
drap blanc tiré aux quatre côtés. On ne voit plus les allées
ni la route devant l’école. Lorsque les enfants se réveille-
ront ils seront surpris. Noèse enfile un manteau et chausse
des après-ski pour rejoindre Doora ; celle-ci l’aperçoit et
la rejoins.
⎯ Je comprends pourquoi Aqualuce aime tant cette
planète, elle semble avoir en elle la diversité. Hier, avant
de me coucher, je voyais un sol noir, un ciel gris et au-
jourd’hui en me réveillant, tout a disparu, plus rien n’est
comme avant.
⎯ La diversité, c’est le plus grand cadeau que cette
planète peut offrir à tous les hommes, mais, c’est aussi
leur prison. Ici, il y a des hommes de différentes couleurs,
dans nos mondes nous avions presque tous la peau mate,
les yeux et les cheveux bruns. Ici, il y a des hommes
noirs, d’autres blancs, certains jaunes. Des hommes et des
femmes aux cheveux blonds, d’autres presque noirs.
Leurs langages sont mélangés, ils ne se comprennent pas,
ils se battent pour leurs nations et pour leurs religions.
Toutes ces différences les opposent et aucun homme sur
terre n’a encore réussi à trouver la paix absolue. Le com-
bat qui se prépare dans l’espace avec nos sœurs et nos
191
époux, a son alter ego sur cette planète. Tous les hommes
de la terre préparent chaque jour le combat du bien contre
le mal. Il n’y a que les enfants qui échappent à cette ten-
sion. Mais à l’école ils apprennent la concurrence et la
performance, c’est à partir de ce moment qu’ils devien-
nent de futurs compétiteurs, les écoles les rendent égoïs-
tes, ils ne se relèvent jamais. Chez nous, c’est le contraire,
on leur fait découvrir en eux-mêmes leurs pouvoirs, on
les met devant la compétition afin d’en démontrer la li-
mite et l’absurdité. Nos enfants apprennent à donner sans
rien recevoir en échange.
⎯ Y arrives-tu malgré la diversité et le caractère de
chacun ?
⎯ Je pense qu’en une année, sur les vingt huit enfants,
vingt huit auront donné ce qu’ils possèdent de plus cher
en eux. J’ai déjà des résultats remarquables grâce à Aqua-
luce ; bien que notre sœur soit à des milliers d’années lu-
mières, lorsqu’elle est en difficulté, il y a toujours parmi
un de nos enfants quelqu’un prêt à donner tout ce qu’il
possède pour elle. Tu en as été témoin cette nuit.
⎯ Tu veux dire que la création de cette école aurait
une relation directe avec ce qui se passe dans l’univers et
le grand affrontement que nous voyons se préparer ?
⎯ Oui, si cette école existe, c’est parce qu’il y a au-
jourd’hui de grandes possibilités pour chacun d’accéder à
une nouvelle conscience. Et comme les possibilités sont
là, le combat du contraire est présent. L’école est le résul-
tat d’un grand travail d’Aqualuce, son existence est son
atout personnel. Les enfants sont comme des membres
complémentaires d’Aqualuce, je pense qu’ils sont indis-
sociables. Veux-tu venir avec moi, nous allons préparer le
petit déjeuner des enfants ?
Doora est heureuse d’aider Noèse, ce grand changement
est tout à sa convenance. Elle découvre la cuisine et le
192
réfectoire des enfants, Marie Zog, cuisinière de service,
est toujours présente pour faire les bons repas des enfants,
Noèse, même si elle en est directrice, n’a jamais son mot
à dire car Marie connaît bien son travail.
Lorsque les enfants se lèvent, ils découvrent une nouvelle
dame qu’ils ne connaissaient pas, mais son visage les ras-
sure. À la fin du premier repas, Noèse annonce à tous la
venue d’une amie. Elle informe aussi que Christopher les
a quittés avec Steve et Clara, afin de retrouver Axelle.
Les enfants le pressentaient déjà, ils en avaient été infor-
més par Céleste. Doora s’avance vers les enfants et tous
veulent lui parler ou la toucher.
⎯ T’es magique comme Noèse, madame ?
⎯ Disons que j’ai certains pouvoirs, mais la plus
grande magie, c’est d’être avec vous et aider votre maî-
tresse à s’occuper de vous.
⎯ T’as des trucs à nous apprendre ?
⎯ On a toujours des trucs à apprendre de tous, j’espère
que vous me montrerez ce que vous avez appris ici.
⎯ On sait jouer à l’Overbase, c’est un jeu que nos mo-
niteurs ont inventé pour nous.
⎯ Ce doit être bien, vous me montrerez.
⎯ C’est quoi ton métier ?
⎯ Je suis pilote de vaisseaux spatiaux, je conduis de
grands engins qui traversent l’espace.
⎯ Ouah ! c’est génial, moi j’aimerais faire ce que tu
fais.
⎯ Si tu vas à l’école on peut t’apprendre !
⎯ Ça n’existe pas des écoles comme ça sur terre !
Doora doit apprendre la Terre, ce monde n’est pas comme
ceux qu’elle connaissait. Le premier jour elle apprend à
connaître tous les enfants, elle visite l’école. Comme c’est
dimanche, les petits n’ont pas de classe alors Noèse em-
193
mène Doora en ville pour lui montrer son nouveau
monde. Tout est enneigé et depuis le lac dans la ville, elle
peut contempler la montagne toute blanche. Rien n’est
comme dans son monde, les voitures ont des roues, les
avions ont des ailes et surtout tout est plus bruyant. Sur sa
planète, tous les vaisseaux et les engins pour se déplacer
ne faisaient aucun bruit. C’est bien étrange pour elle de
voir de la fumée sortir des moteurs, et surtout de respirer
les gaz d’échappement.
⎯ Le Terre semble bien polluée, les hommes trouvent-
ils normal de dégrader leur planète ? Pourquoi n’ont-ils
pas de moteurs gravitiques qui ne consomment absolu-
ment pas d’énergie et que mettent-ils dans leurs engins
pour faire de telles fumées ?
⎯ C’est juste, Doora, des hommes se battent pour que
les autres respectent la nature mais ce qui pollue la pla-
nète avant tout, ce sont les hommes qui possèdent
l’énergie. Ils la revendent cher et ne veulent pas que
d’autres substituts soient mis en place. Ils ont du pétrole à
vendre cher et n’ont pas intérêt à voir des moteurs non
polluants et surtout de l’énergie gratuite. Je fais en sorte
que nos enfants soient sensibles à leur environnement.
Tout se passe bien pour Doora et en l’espace de deux
jours elle s’adapte très facilement à son nouvel environ-
nement. Ce soir, comme à son habitude, elle apprécie de
se promener dans la neige. Certains diraient qu’elle est
folle car elle est pieds nus sur le sol gelé. Elle regarde le
ciel et soudain elle a une très étrange impression, comme
si elle s’attendait à voir quelque chose sortir de l’univers.
Elle ferme les yeux et secoue la tête pour chasser cette
idée, mais elle sent que quelque chose lui tire une manche
de son pull. Elle baisse les yeux et croise le regard de
Cléonisse.
⎯ Ils reviennent, tu le sens, tu es comme moi.
194
⎯ Que veux-tu dire ?
⎯ Je suis sortie car je sais que quelqu’un arrive du
ciel, je l’ai senti et je vois que ce sont eux.
⎯ De qui parles-tu ?
⎯ Je pense que tata Clara et Christopher arrivent mais
il y a quelqu’un avec eux, je ne sais pas qui ?
⎯ En effet,j’aperçois au loin dans le ciel le vaisseau,
c’est juste un petit point, mais c’est lui, regarde.
⎯ Ah ! oui, je le vois. Il faut avertir Noèse, elle nous a
dit d’être vigilent si on voyait quelque chose de bizarre.
⎯ Vas tout de suite l’avertir.
Cléonisse court chercher Noèse, celle-ci revient rapide-
ment avec Harry et voit l’engin grossir rapidement. Elle
comprend vite qui se trouve dedans, ce sont Clara et
Christopher comme le pensait sa nièce.
En haut dans le ciel le vaisseau semble arriver tranquil-
lement comme sortant d’une promenade de santé. Cette
fois, pour ceux qui sont restés au sol, ce n’est pas
l’affolement car ils connaissent ceux qui débarqueront.
De leur côté, dans le vaisseau, Clara et Christopher sont
rassurés de retrouver leurs amis. L’engin se pose enfin sur
le haut de la propriété derrière le gymnase et la piscine,
sur le terrain de sport de l’école des enfants. Leurs amis
les ont rejoints. Ils ouvrent les portes et sortent, accompa-
gnés d’une femme et deux enfants. Clara réconforté em-
brasse ses amis et sa nièce et présente immédiatement
Faguella et ses deux enfants.
⎯ En fait, Noèse, nous ne sommes revenus que pour
Dicam et Magann. Ces deux enfants sont en grand danger
et nous les avons trouvés en difficulté. Ils seraient morts
avec leur mère si nous n’étions pas intervenus. De plus,
Christopher a pris des risques et il a des révélations très
importantes à te faire qui ne peuvent attendre.
195
⎯ Clara, cache le vaisseau dans le gymnase et rentrons
tous à la maison, nous devons immédiatement discuter.
L’engin mis en sécurité, tous se retrouvent chez Noèse
qui présent à tous la nouvelle éducatrice :
⎯ Je ne vous ai pas présenté Doora, qui a pris ta place,
Clara. Je lui ai même donné ta chambre pour qu’elle
puisse se sentir chez elle ici. Doora est arrivée quelques
heures après ton départ. C’est Aqualuce qui a souhaité
qu’elle nous rejoigne. Elle est ici pour m’aider. Sans vais-
seau spatial, elle a réussi à faire un bon dans l’espace-
temps. Depuis les enfants l’ont adoptée. Elle m’a raconté
le parcours d’Aqualuce depuis qu’elle nous a quittés.
⎯ Excuse-moi, Doora, si je n’ai pas vraiment prêté at-
tention à toi depuis que nous sommes arrivés, mais je suis
très troublée par ce que Christopher a à vous dire car,
c’est très grave et j’aimerais que vous l’écoutiez tous.
Mais avant, il serait bon de coucher les enfants car ils
sont tous très fatigués.
Clara a raison,Cléonisse n’a rien à faire avec eux et leur
conversation pourrait encore entraîner les enfants à faire
fonctionner un peu trop leur imagination trop.
Noèse les couche dans sa maison, Cléonisse, dormira
dans son lit.
⎯ Je t’écoute, Christopher, que s’est-il passé ?
⎯ Sur Elvy, la planète d’où nous arrivons, il semble-
rait que Steve qui a voulu chercher Axelle de son côté, ait
été pris par Maldeï qui dirige Elvy et certainement
d’autres mondes. Nous n’avons pas de nouvelles de lui
depuis plusieurs jours. Mais le plus important ; j’ai appris
que Maldeï, qui impose sa loi à tous les humains qu’elle
croise, vient d’envoyer un commando vers Keuramdor
pour enlever tous les enfants. Ils devraient être ici dans
une dizaine de jours environs, il faut trouver une parade
le plus rapidement possible. Ça, c’est une première chose
196
car ensuite elle a annoncé que tous les enfants d’Elvy, la
planète d’où nous venons, vont être transférés dans un
camp très particulier qu’elle appelle Mines de Carbokan.
Elle veut les transformer en soldats dès qu’ils savent mar-
cher, c’est ignoble. Les femmes seront séparées de leurs
enfants, et seront emmenés sur une île particulière, je ne
sais pas ce qu’elles vont devenir. Les hommes de plus de
quarante ans vont devenir les éducateurs de ces enfants.
Une troisième chose, Maldeï est enceinte de Jacques, elle
doit accoucher dans cinq mois environ et pendant ce
temps, elle prépare l’invasion de la Terre à grande
échelle. Elle fait construire de nouveaux vaisseaux spa-
tiaux ainsi que de l’armement. Après la naissance de son
fils, elle partira pour la Terre. Là, Harry, il faut que dans
les cinq mois qui viennent tu vois les chefs de gouverne-
ments ; tu fais partie du BFI, et l’on doit faire remonter
l’information au plus haut au Pentagone. J’ai réussi à
m’introduire dans le palais, mais en sortant, je me suis
fait repérer. J’ai dû faire des choses très cruelles pour
pouvoir m’échapper, cela m’a vraiment retourné. J’ai ré-
ussi à les semer en plongeant dans l’océan et cela grâce à
un événement très particulier qui nous est arrivé. Dis leur,
Clara, car je n’en ai pas la force.
⎯ Noèse, Harry, vous savez que Christopher et moi
étions célibataires. Il y a des choses qui se passent dans
une vie comme la nôtre. Figurez-vous qu’en nous retrou-
vant dans le vaisseau, nous nous sommes découverts et
nous nous sommes unis. Nous avons découvert le vérita-
ble secret de la planète sur laquelle nous nous sommes
retrouvés. Elvy n’est pas qu’une planète maudite, sa qua-
lité est d’unir les esprits entre eux. Nous nous sommes
unis tous les deux, nous sommes comme mariés ; nos cel-
lules et nos âmes se sont mélangées, unies dans la force
de notre corps et de notre esprit, cela nous a donné une
197
invulnérabilité car nous avons cessé de vivre de la ma-
tière brute. Notre vocation est comme celle d’Aqualuce,
restaurer la lumière perdue dans ce monde. Nous sommes
appelés à repartir vers Elvy, des âmes ont besoin de nous.
De plus, Steve et Axelle sont là-bas. Nous pensons que
Faguella devrait rester avec vous pour s’occuper de ses
enfants. Qu’en penses-tu Faguella ?
⎯ Je n’ai pas vos pouvoirs, mais voyant tes amis et tes
sœurs, je suis rassuré. J’aimerais que mes enfants restent
ici ; même si des hommes sont en route pour venir cher-
cher vos enfants, je les sens plus en sécurité ici. Je pense
malgré tout que je vous serai utile sur Elvy, je connais
mieux cette planète que vous et vous ne vous en sortirez
pas seuls, vous aurez besoin de moi. De toute façon, j’ai
la maladie et un jour je disparaîtrai comme ça, et hop !
Doora en l’écoutant, comprend sa motivation, elle a aussi
d’énormes pouvoirs et lit en cette femme sa volonté de se
donner pour une cause juste. Elle lui répond ainsi, ne lais-
sant pas le temps à Clara de justifier son avis :
⎯ Faguella, si tu le souhaites, je pourrai prendre soin
de tes enfants durant ton absence. Noèse a les enfants de
l’école et les siens. Moi, je suis seule et je pourrai sans
problème m’en charger. Nous avons la place dans mon
appartement et je suis disposée à prendre avec moi deux
enfants. Je les ai vus tout à l’heure, ils semblent agréa-
bles. J’ai cru détecter en eux des pouvoirs importants, ils
seront bien ici à Keuramdor. Je les aimerais comme mes
enfants. Ils sont un peu jeunes pour aller avec les autres,
mais je veillerai à leur donner la meilleure éducation qui
soit tant que tu seras absente.
⎯ Je n’y vois aucun problème ; si Doora se sent prête,
tes enfants sont bien venus parmi les nôtres, ils ont pres-
que l’age des miens, ils joueront ensemble et je pense
pouvoir les faire inscrire à l’école maternelle de notre vil-
198
lage, je connais bien la directrice. Revenons au grave
problème qui nous attend dans quelques jours. Le com-
mando arrivera juste à la fin des fêtes de Noël et du jour
de l’an. À cette époque, de nombreux enfants seront chez
leurs parents. Je peux reculer la rentrée. Mais nous reste-
rons près d’une quinzaine. Il y a deux solutions ; soit nous
partons tous nous cacher ailleurs qu’en France ou alors
nous nous préparons à les recevoir. Dans ce cas, j’aurai
besoin de toi, Clara, ainsi que de Christopher. J’aurais
aimé qu’Aqualuce puisse nous rejoindre aussi. Il faut
trouver le moyen de la ramener ici le temps que nous
puissions repousser cette attaque. Je vais y réfléchir. Har-
ry, peut-être as-tu une idée ?
⎯ Peut-être comme le suggérait Christopher tout à
l’heure, mais si je fais intervenir mon gouvernement, je
crains que la tranquillité de Keuramdor soit ébranlée à
jamais.
⎯ Que comptes-tu faire Clara, quand penses-tu repar-
tir ?
⎯ Très rapidement afin de ne pas nous faire remar-
quer.
⎯ Je pense que vous pouvez rester une journée avec
nous, justement nous faisons la Noël avant que les enfants
rentrent chez eux. Cela les rassurera, ils vous aiment
beaucoup.
Tous sont d’accords, c’est ainsi qu’ils vont se coucher
après avoir discuté sur la meilleure riposte à donner
contre l’attaque de Maldeï.
199
⎯ Hier soir, j’étais avec Doora lorsque j’ai vu un vais-
seau spatial s’approcher. On est resté et devine qui il y
avait dedans ?
⎯ J’sais pas, des extraterrestres peut-être ?
⎯ Mais, non, t’es bête ! Clara et Christopher sont re-
venus sans le papa d’Axelle mais il y avait avec eux deux
enfants un peu plus jeunes que nous. Il paraît qu’ils vien-
nent habiter ici pour se protéger ; ils vont rester avec
nous. Clara a dit que Christopher avait des choses impor-
tantes à dire.
⎯ Et quoi ?
⎯ Je ne sais pas, nous sommes allés nous coucher.
⎯ Oh ! c’est dommage. Tu sais comment s’appellent
les enfants, ce sont des filles, des garçons ?
⎯ Oui, je crois que la fille s’appelle Magann et le gar-
çon Dicam. Tu sais, ils n’ont pas de cheveux sur leur tête,
ils sont complètement chauves.
⎯ La fille aussi ?
⎯ Oui, pas un cheveu.
⎯ Ils sont seuls ?
⎯ Leur mère est avec eux. Je ne sais pas s’ils vont re-
partir.
⎯ Il faut que je les voie, vite je m’habille et je fais ma
toilette, comme ça, on sera les premiers.
⎯ Tu sais, je crois que je peux encore devenir transpa-
rente. Si on passait à travers les murs et on allait écouter
ce qu’ils disent, on en saurait plus.
⎯ Shanley, ce n’est pas honnête, tu sais bien que
Noèse nous remarquerait tout de même.
⎯ C’est mon être naturel qui parle, je ne devrais pas.
C’est dommage qu’ils n’arrivent qu’aujourd’hui, c’est le
dernier jour d’école avant les vacances de Noël. Demain,
mes parents viennent me chercher.
200
⎯ Oh ! c’est vrai, beaucoup de nos amis vont rentrer
chez eux. Je vais être toute seule si tu pars. Demain ma-
tin, mon père vient me chercher et on ira prendre l’avion
à Genève. On va fêter Noël à la maison, mes parents ont
préparé une grande fête, ça va être génial.
⎯ T’as de la chance, moi, je n’aurai ni ma mère ni
mon père.
⎯ Tu as quand même commandé des cadeaux au père
Noël ?
⎯ Oui, bien sûr, mais s’est beaucoup moins drôle.
⎯ Moi, pour la dernière lettre que j’ai réussi à écrire
toute seule, j’ai demandé une peluche chat et une pano-
plie d’homme invisible.
⎯ Tu crois que tu vas l’avoir ?
⎯ Le chat, c’est certain, mais pour le reste, moins sûr.
⎯ J’ai demandé un bizou de ma maman et ça c’est en-
core moins certain car je pense qu’elle est vraiment très
loin.
⎯ C’est tout ?
⎯ Oui, mais Noèse m’a dit que le père Noël passera
pour tous les enfants et que j’étais sur sa liste. Allez,
viens, j’ai pas envie de parler de ça.
Aujourd’hui, tous les enfants qui vont passer Noël dans
leur famille préparent leurs affaires. Dans l’école, il ne
restera qu’une dizaine d’enfants, les autres ont la chance
que leurs parents puissent venir de loin pour les ramener à
la maison. Cléonisse et Shanley arrivent dans le réfectoire
les premières. La salle est bien décorée, comme tout
l’établissement. Noèse veut que la fête soit un très bon
moment pour tous, surtout pour les enfants qui resteront.
Un grand sapin a été installé sous le préau, et un grand
spectacle a été préparé. À la fin, le père Noël passera dis-
tribuer des cadeaux à chacun.
201
Lorsque les enfants descendent au réfectoire, ils y décou-
vrent Clara et surtout Christopher. Tous lui font la fête.
Seul, Timofeï semble rester dans son coin, tout seul. Au
début, personne ne le remarque, mais Cléonisse voit ses
larmes et s’approche de lui.
⎯ Que t’arrive-t-il Timofeï, pourquoi pleures-tu ?
⎯ Tous sont contents, car ils rentrent chez eux ; je me
faisais aussi une joie de revoir mes parents et de leur ra-
conter tout ce qu’on fait ici. Mais Noèse a reçu un appel
téléphonique de mes parents qui ne peuvent venir me
chercher. Il y a beaucoup de neige chez moi et aucun
avion ne peut décoller. Ils ne savent pas quand ils pour-
ront venir. Je vais faire Noël tout seul, sans papa ni ma-
man.
⎯ Tu sais, mes parents sont partis et Céleste et moi
nous ne les aurons pas non plus. Mais Noèse va nous gâ-
ter à leur place. Je suis un peu triste comme toi, mais
lorsqu’ils reviendront, ce sera la fête. Je suis certaine que
Noèse va te gâter comme l’auraient fait tes parents. Tu
sais, tu ne seras pas le seul enfant à passer les fêtes sans
tes parents, ici. Il y aura avec nous, Moacyr et Maïsa, tu
sais, eux, ils n’ont plus leurs parents. Lala préfère rester
avec nous, Chad et Kime ont demandé à leurs parents de
passer Noël ici. Jia n’a pas le choix, ses parents travaillent
et n’ont pas les moyens de fêter Noël, en plus ce n’est pas
leur coutume. À nous tous, bien au contraire, on va vrai-
ment s’amuser. Ne t’en fais pas, dès que tes parents le
pourront, ils viendront te chercher.
⎯ Je suis content que tu me dises ça, je n’ai pas envie
de faire Noël tout seul.
⎯ Allez, viens avec moi, on va voir Christopher.
Le petit garçon sèche ses larmes, mais ne veut plus quitter
Cléonisse. Bako dit à ses copains :
202
⎯ Vous avez vu, Cléonisse a un amoureux.
Tous rient et cela l’énerve. La matinée passe vite, car ils
ont encore classe, mais on joue pour le dernier jour. Ce
midi, c’est repas de fête, Marie, Joseph Zog et Paolo
Lugzi ont fait vraiment très fort. Ce midi, on ne se met
pas à table, mais le réfectoire a été transformé en salle de
spectacle et les tables autours sont remplies de petits
fours salés et sucrés. Il y a des frites, du ketchup et de la
mayonnaise. Des bûches de Noël au beurre et plein
d’autres choses. Des bonbons et des chocolats et surtout
des Kinders. Tout ce que les enfants aiment pendant les
fêtes ce sont les chocolats. Enfin, Noèse annonce que le
spectacle va bientôt commencer.
⎯ Chers enfants, vous allez pour la plupart rentrer
chez vous, mais pas avant d’avoir assisté à la petite pièce
de théâtre que Doora, Harry et moi avons préparée. Ma-
rie, Joseph et Léon vont vous conduire à la salle de spec-
tacle pendant que nous nous préparerons.
Les enfants sont heureux et ils se regroupent pour sortir.
Pendant ce temps, Noèse et ses amis se préparent. Chris-
topher et Clara avaient déjà commencé à répéter pour
Noël et ils vont jouer aussi.
Tous sont installés devant la scène, dans le noir. Timofeï
est toujours à côté de Cléonisse, il s’est mis devant pour
bien voir. Un bruit curieux se fait entendre et tout le
monde écoute ce qu’il y a. c’est bizarre, on ne voit rien
pour le moment. C’est alors que la lumière s’allume dou-
cement pour montrer au centre du décor deux bébés…
203
CONTE DE NOËL POUR TOUS
205
⎯ Il fait froid ce soir, c’est l’hiver, entre mes seins il
n’y a qu’une seule place. Prends celui que tu veux, je n’ai
pas le courage de faire un choix.
⎯ Et toi, Joseph, que penses-tu de cela ?
⎯ Je suis un charpentier, je ne sais pas ce qu’est un
bébé, je ne peux m’en occuper.
⎯ Que décides-tu, Marie ?
⎯ Prends un de mes enfants, tout de suite et ne reviens
jamais.
⎯ Je prends Noël avec moi, Jésus sera ton fils, ce sera
un roi. Lorsque je disparaîtrai, les rois de toutes les na-
tions seront autour de toi et ils acclameront ton enfant.
⎯ Mais, personne ne sait que nous sommes dans cette
étable et qui es-tu pour savoir tout cela ?
⎯ Je suis Vaélia, la reine de l’amour ; l’enfant que je
te prends, j’en ferai un païen qui guidera tous les enfants
de la Terre, alors que toi, tu feras de ton enfant un fils Cé-
leste qui guidera tous les hommes.
À cet instant, la lumière de la scène s’éteint. Lorsqu’elle
revient, trois rois se tiennent avec des cadeaux tout autour
du berceau ; ce sont les rois mages. Vaélia disparaît à ce
moment avec l’enfant dans ses bras. Avec la lumière de
l’étoile qui brille au dessus, le décor de la crèche est for-
midable. La lumière s’éteint et la voix du début reprend :
⎯ Voici donc devant vous la véritable histoire de la
naissance de Jésus et de son frère Noël. C’est pour cela
que le 25 Décembre on fête Noël et la naissance de Jésus.
Car, l’histoire de tous les livres ne dit pas que Marie avait
eu des jumeaux. Vaélia emmena très loin de la Palestine
l’enfant ; elle monta vers le nord. Voici sa maison.
La lumière alors revient et devant tous les enfants, le dé-
cor est totalement changé. Maintenant l’enfant est plus
grand (Noèse, cette fois n’a pas pris un baigneur en plas-
206
tique mais un de ses jeunes enfants qui paraît être le petit
Noël). Ils sont dans une maison qui semble être très
froide car des glaçons semblent tomber des plafonds mais
elle est tout de même confortable. Il y a une grande table
remplie d’outils, de planches, de ficelles et de peintures.
⎯ Mon petit bonhomme, que voudras-tu faire lorsque
tu seras grand ?
⎯ Tu sais, tante Vaélia, je ne veux pas grandir, je veux
toujours rester enfant.
⎯ Mais pour quelle raison, Noël ?
⎯ Parce que les enfants rêvent, ils jouent, ils ne sont
pas méchants et ils voient les elfes. Dès qu’ils grandis-
sent, ils perdent tout cela, ils n’écoutent plus leur cœur et
ils deviennent des êtres coupés du monde de l’imaginaire.
Ils pensent que l’imaginaire n’existe pas, alors que c’est
la vie des grands qui n’est que leurre et un jour, ils ne rê-
vent plus et ils meurent…
⎯ Je voudrais que tous les enfants restent petits et
purs, ils découvriraient d’autres mondes plus beaux et
plus réels. Les grands ne connaissent pas le chemin de la
vie.
⎯ Qu’est-ce qui te fait dire ça, mon enfant ?
⎯ Je vois bien que ce monde nous fait grandir et ça
veut dire que le temps passe. Le temps est une invention
des hommes. Je n’aime pas le temps, je ne veux pas gran-
dir.
⎯ Mon enfant, tu as raison, la vie, il faut aller la cher-
cher dans le cœur de chacun et pas ailleurs. Le temps est
un espace où se bousculent les pensées de tous les hom-
mes. Si tu connais l’autre espace sans le temps, tu es un
bienheureux. Pour aider les enfants à le rester, je vais
t’apprendre à construire pour eux des jouets. Je vais aussi
te faire connaître le monde des elfes. Si ton cœur est pur,
207
tu resteras enfant pour toujours, même lorsque tu auras
une longue barbe blanche.
À ce moment Vaélia montre à Noël comment fabriquer
un jouet. Ensemble, ils en montent plusieurs et à la fin,
Noël dit :
⎯ Les jouets que nous avons fait sont si beau que je
vais les donner aux enfants du village.
⎯ C’est une très bonne idée.
Le petit garçon, aidé de sa mère prend un grand sac avec
les jouets, s’avance entre les sièges de la salle et com-
mence à les distribuer. Tous les enfants en ont un chacun.
Ensuite, il retourne sur la scène et la lumière s’éteint.
Alors la voix reprend :
⎯ Le petit Noël après avoir donné pour la première
fois des joués est très heureux ; son plaisir n’est pas d’en
recevoir mais d’en donner. Il est si content, qu’il décide
de donner des cadeaux aux enfants de son village à cha-
cun de ses anniversaires. Il prend cette habitude bien qu’il
grandisse, mais il n’est pas complètement heureux et il le
fait savoir à sa mère.
C’est à cet instant que les projecteurs éclairent les nou-
veaux décors ; un atelier rempli de jouets sur des étagè-
res. La pièce en est pleine. On ne sait pas quelle est
l’époque mais il y a des poupées et des nounours des voi-
tures radiocommandées des avions, des panoplies de
princesses et beaucoup d’autres choses. (Cette fois le fils
de Noèse a été remplacé par Céleste qui est plus grand.
⎯ Tu vois, tante Vaélia, j’ai fabriqué plein de jouets
mais les enfants du village ne sont pas nombreux pour
que je donne tout. J’ai envie d’aller plus loin pour les dis-
tribuer.
⎯ Tu grandis mon fils, c’est normal que tes idées aient
envie d’espace. Il faut que tu donnes les jouets que tu fa-
briques à l’extérieur du village, il faut sortir de chez nous
208
pour les distribuer aux enfants des villes environnantes.
Une idée lorsqu’elle est juste ne se garde pas pour soi,
mais elle se partage avec tous.
⎯ Mais comment tous les transporter, mes bras ne suf-
fisent pas !
⎯ Je vais te faire un grand panier que tu mettras sur
ton dos, ainsi tu pourras tout emporter.
On voit Vaélia prendre un peu d’osier dans ses mains,
puis, se retournant, elle sort d’un placard une grande hotte
et la montre à Noël.
⎯ Je l’ai terminée, comme demain c’est ton anniver-
saire, tu pourras la charger pour faire ta distribution.
L’enfant est content et sourit. C’est à ce moment que la
lumière s’éteint et la voix reprend :
Noël devient vraiment grand et la veille de son anniver-
saire, il est encore nostalgique. Il se pose bien des ques-
tions sur l’efficacité de ses actions, les enfants sont-ils
tous heureux ? Il y en a sur Terre bien plus que dans trois
villages et deux villes. S’il doit aller plus loin, aucun vé-
hicule ne pourra le transporter partout à la fois.
C’est à ce moment que la lumière se met à briller en dé-
couvrant le décor. Apparaît un paysage de neige où Vaé-
lia est avec son fils (L’enfant est de la taille d’un adulte,
on voit que c’est Harry qui tient le rôle).
⎯ Je suis seul pour fabriquer tous ces jouets et en plus,
je ne pourrai jamais en faire plus si je vais plus loin. Les
enfants de la Terre sont bien trop nombreux pour qu’à
moi tout seul je puisse partager mon anniversaire avec
eux.
⎯ Tu n’es pas seul, les elfes du pôle sont là pour
t’aider. Regarde, tu es encore un enfant, ils apparaissent
encore à tes yeux.
Alors, Vaélia claque des doigts et apparaissent autour
d’eux des dizaines de petits elfes (dessinés sur le font du
209
décor).
⎯ Regarde-les, ils sont là par centaines pour t’aider à
fabriquer tes jouets.
⎯ Oh ! c’est fantastique, je ne les avais plus remarqués
depuis un moment, avais-je trop grandi ? je les reconnais,
ce sont ceux qui me tenaient compagnie lorsque j’étais un
petit enfant.
À cet instant, une armoire qui se trouve sur le côté de la
scène semble craquer et laisser tomber une grande quanti-
té de jouets, ce qui surprend tous les enfants.
⎯ Oh ! avec tout ça, je vais pouvoir distribuer des
jouets à tous les enfants du monde…
C’est encore le noir dans la salle et la voix reprend :
⎯ Noël avec l’aide des elfes a fabriqué des quantités
incroyables de jouets pendant des années mais ils se sont
entassés dans tous les coins de sa fabrique et il pleure à la
veille de son anniversaire.
La scène s’éclaire devant un personnage vieilli, il a une
grande barbe blanche, il est bien plus gros et a une canne
dans la main et il est vêtu d’un grand manteau rouge et
une grosse ceinture. Des jouets sont tous empilés sur un
côté, ils paraissent très nombreux.
⎯ Tous ces jouets, fabriqués depuis des années et mal-
gré mes bottes, je ne peux faire le tour de la Terre pour
les distribuer. Ah ! si je pouvais, je volerais partout à la
fois pour les donner à tous les enfants. Mon cœur est
triste de ne pouvoir aller plus loin.
On voit la bonne fée apparaître à cet instant :
⎯ Mère, il y a bien des années que vous n’étiez venue
auprès de moi.
⎯ Des années, mon fils, tu exagères ! Je viens juste de
te quitter. Voyons un peu. Hum ! la dernière fois c’était il
y a huit cents ans, les gens du village t’appelaient Saint
210
Nicolas. Maintenant, tu as terminé ta formation et tu es
devenu prêt à répandre tous tes cadeaux sur la Terre, va
voir dehors ce qui t’attend.
Le vieil homme regarde vers la porte ; le décor se roule à
ce moment et laisse apparaître un traîneau attelé avec des
rennes.
⎯ Regarde, cet attelage t’a toujours attendu ici. Tu
n’as plus qu’à le charger et partir.
⎯ Regarde-moi, penses-tu qu’aussi vieux, je vais pou-
voir faire le tour de la Terre pour faire ma distribution ?
⎯ Mais, qui dit que tu es vieux ?
⎯ Regarde ma barbe blanche, regarde mon gros ven-
tre ; je ne suis plus l’enfant du début. Je ne voulais pas
vieillir afin de rester enfant. Pourtant, j’ai fait comme tout
le monde, je suis devenu un vieillard.
⎯ Un vieillard de deux mille ans ! Ne crois-tu pas
qu’au contraire tu es encore bien jeune. Tu n’es jamais
malade, jamais fatigué et tu es toujours aussi joueur. Tu
n’as jamais vieilli dans ton âme. Et même ton embonpoint
et ta grande barbe blanche font de toi un homme sage et
bon. Noël, il faut que je te dise, maintenant que tu es paré
pour faire ton grand travail, écoute-moi bien.
Ta mère est Marie, la mère de Jésus qui est ton frère ju-
meau. Jésus a été élevé et a grandi pour amener un mes-
sage d’amour sur la Terre. Son destin était d’ouvrir une
voie dans le cœur de chaque homme afin que tous puis-
sent retrouver le chemin de la liberté absolue. Les hom-
mes n’acceptent pas d’être changés comme ça, surtout
lorsqu’on leur demande d’écouter leur cœur et d’oublier
leurs désirs. Les hommes sur Terre ont toujours été mani-
pulés par les hiérarchies supérieures de Mars et de Venus.
De nos jours, c’est aux enfants que le message s’adresse
avant tout, avant que leur cœur ne soit étouffé par les
pensées corrompues des adultes. Jésus n’a plus de succès
211
mais il est présent dans le cœur de chacun. Ton rôle est de
la plus haute importance, car c’est à toi de faire vibrer en
eux la ressouvenance. En leur offrant un cadeau le jour de
ton anniversaire, tu leur rappelles que toi et ton frère êtes
nés pour donner à tous de l’espoir et de la joie. Recevoir
un cadeau ce jour-là, c’est fêter la venue de la lumière sur
la Terre. Tous les enfants doivent le sentir. Tu le sais, dé-
jà tu envoies tes elfes auprès des tout petits pour leur tenir
compagnie. Tes elfes les consolent et ils les guident au
pays des rêves. Tu le fais depuis bientôt deux mille ans.
Maintenant, il est l’heure pour toi de les faire rêver cette
nuit. L’autre jour, c’est moi qui ai influencé le dessinateur
Haddon Sundblom pour qu’il te dessine dans un joyeux
costume rouge et blanc. Coca-Cola t’appelle maintenant
le Père Noël et tous les enfants t’attendent. Leur monde
est sur une planète cachée aux adultes car ils perdent les
rêves lorsqu’ils apprennent à compter. Pour rester enfant,
mieux vaut conter que de compter. Les jouets en bois ou
les poupées sont de véritables rêves vivants si ceux qui
les ont fabriqués y ont mis tout leur cœur et leur amour.
Les mains qui fabriquent laissent la trace du créateur sur
l’objet. Si tu es bon, le joué sera bon ; si tu es mauvais, le
jouet sera mauvais. L’âme du créateur reste à vie sur les
objets. Il en est de même pour les hommes. Ils ont tou-
jours sur eux la trace de leur créateur.
⎯ Je sais tout ça depuis toujours, Vaélia. Je suis un
païen, contrairement à mon frère Jésus. Pour pouvoir tirer
les enfants vers la lumière, il faut être comme eux. Les
jouets ne sont que le support, c’est la lumière qui est à
l’intérieur qui est la plus importante et je sais que ce sont
les parents qui doivent aussi la donner avec moi. Les pa-
rents devront être comme moi des Pères Noël et je dois
aussi ne pas les oublier. Si les hommes du vingtième et du
vingt et unième siècle vivent Noël avec amour pour les
212
autres, je ne serai plus seul et même si je ne peux passer
dans leur famille, ils le feront à ma place.
⎯ Alors, Père Noël, pars maintenant.
Il charge sa grande hotte dans le traîneau et y prend place.
Le rideau devrait se baisser mais à cet instant un phéno-
mène imprévu dans le spectacle arrive :
⎯ Dis, Cléonisse, je n’ai pas envie que ça se finisse
comme ça.
⎯ Pardon ? Mais, Timofeï, comment tu vois ça ?
⎯ Bouge pas et regarde :
C’est à ce moment que le traîneau, les rennes en cartons
et Harry dessus avec les cadeaux se mettent à décoller.
L’attelage se tourne vers la salle et avance doucement en
passant bientôt au-dessus des spectateurs. Les enfants res-
tent tous émerveillés et pensent que c’est prévu dans le
spectacle. Mais pas du tout en fait car c’est Timofeï qui
par son désir et son don pousse à l’extrême la petite pièce
que Noèse avait montée pour les divertir. Noèse, encore
déguisée en Reine Vaélia ne panique pas, elle a repéré le
petit Timofeï qui manipule le traîneau ; alors elle dit à
Harry :
⎯ Père Noël, lance-nous tes jouets.
Harry pas trop confiant attrape les quelques joujoux qu’il
a avec lui et pendant ce temps, Noèse rejoint Timofeï.
⎯ Vas-y doucement, fait faire demi-tour à l’attelage et
pose le sur le devant de la scène.
Le petit garçon fait ça soigneusement et le traîneau se
pose enfin. À ce moment, tous les enfants applaudissent
et crient de joie. Les comédiens improvisés enlèvent leurs
masques et viennent tous saluer. Cette petite pièce imagi-
née par Noèse a plu à tous. Un goûter est prévu à la can-
tine et il faut ressortir. Les enfants commencent à longer
le chemin couvert jusqu’au bâtiment lorsqu’ils voient de-
213
vant l’entrée de l’école quelque chose de vraiment bi-
zarre. C’est un traîneau, mais vrai cette fois, et des rennes
y sont attelés. Un gros homme habillé de rouge et avec
une longue barbe blanche les attend, cette fois, ce n’est
pas un comédien mais ça semble être le vrai Père Noël, il
a des tas de cadeaux sur son traîneau. Les enfants accou-
rent dans la neige pour le rejoindre. Les adultes sont là
pour calmer l’excitation des enfants.
⎯ Calmez-vous, les enfants, le Père Noël est venu
pour chacun, il va vous écouter chacun votre tour pour
connaître votre désir afin de le réaliser s’il le peut le jour
de Noël.
C’est Chad le petit irlandais qui commence :
⎯ Cher Père Noël, je voudrais avoir dans ma chaus-
sure un jouet qui fait de la musique lorsque je chante,
quelque chose qui m’accompagne.
⎯ Hum ! ça me paraît difficile, mais je vais y réfléchir.
Moacyr se rapproche et demande à son tour :
⎯ Je n’ai pas de parents, pourrais-tu m’en amener à
Noël ?
⎯ Mon brave petit, vois-tu, même avec toute la magie
du monde, si tes parents ne sont plus ici sur Terre, je ne
pourrai jamais les refaire revivre. Mais par contre tu peux
un jour trouver des gens qui voudraient t’adopter. Il y a
sur cette planète de nombreux enfants sans parents, cer-
tain ont la chance de rencontrer une nouvelle famille.
Cette école est déjà un peu ta famille, les hommes et les
femmes qui la font t’aiment beaucoup. Tu as déjà de la
chance, mais je peux faire que la chance soit un jour en-
core plus forte et que tu aies la chance d’avoir des êtres
que tu pourras appeler Papa et Maman.
Tous les enfants passent un à un pour lui demander le
jouet de leur rêve, Cléonisse passe la dernière :
214
⎯ Tu as les yeux un peu rouges, ma petite, que
t’arrive-t-il ?
⎯ J’aurais tellement voulu que Maman soit là pour
Noël, mais elle est très loin et j’ai peur de ne plus jamais
la revoir, ni mon papa.
⎯ Ton frère me disait à peu près la même chose tout à
l’heure. Ne t’inquiète pas, elle va revenir, tiens-toi prête à
l’accueillir lorsqu’elle reviendra, j’y veille.
Les enfants, je crois que votre maîtresse nous invite à
prendre un bol de chocolat chaud et j’adore ça. Entrons
dans la salle prévue pour cette fête, je vous donnerai des
cadeaux qui vous feront patienter jusqu’à Noël.
⎯ Tu sais, tu ressembles vraiment au Père Noël, ta
barbe, elle est vraie ?
⎯ Tu t’appelles comment ?
⎯ Moi, c’est Shanley !
⎯ Oh ! j’ai déjà entendu parler de toi avant que tu
n’arrives ici. Je me suis toujours demandé si tu méritais
mes jouets. Mais depuis que tu es avec tous tes amis à
Keuramdor, je n’ai plus de doute, tu es une fille coura-
geuse et tu es en fin de compte méritante. Essaie, tire ma
barbe.
⎯ Je peux !
⎯ Va y…
⎯ Aie ! ça fait mal.
⎯ Tu sais quoi !
⎯ Non !
⎯ Tu es le vrai Père Noël.
⎯ Chut, c’est un secret.
Tous les enfants déballent les petits cadeaux que le Père
Noël leur a laissés. Et lorsque Céleste veut le remercier, il
a disparu. Il se précipite dehors mais il n’y a plus de traî-
neau, comme s’il s’était envolé…
215
Le soir, après avoir passé une journée merveilleuse, tous
les enfants vont se coucher. Sauf Cléonisse qui rejoint son
frère Céleste. Cachés dans un petit coin derrière les dor-
toirs, ils ont une conversation :
⎯ Tu sais, la nuit dernière, j’étais avec Doora et Noèse
et j’ai vu arriver Christopher et Clara qui ont amené avec
eux les deux nouveaux. Ils avaient l’air inquiets et je me
demande s’ils ne nous cachent pas quelque chose de
grave. Ils nous ont couchés pour qu’on n’entend pas ce
qu’ils avaient à se dire. Il faut aller voir dans le pavillon,
ils ne sont pas couchés. Il faut savoir, si c’est important, il
faudra prévenir maman.
⎯ Tu as raison allons-y, profitons que Marie s’est ab-
sentée quelques instants. Je vais m’habiller pour ne pas
prendre froid, vas en faire autant, on se retrouve ici dans
cinq minutes.
216
DÉPARTS
218
l’école quelque temps afin que les autres ne les décou-
vrent pas.
⎯ Je n’ai aucune raison de m’en faire, tu seras leur
mère lorsque je serai absente.
⎯ Excusez-moi, les amis, je m’absente un instant…
Les enfants écoutent avec attention la conversation, main-
tenant, ils ont compris que des hommes venus de l’espace
vont arriver jusqu’ici pour les prendre comme ils ont pris
Axelle. Ils se regardent tous les deux, inquiet. C’est à ce
moment que Noèse, montée sur la pointe des pieds les
surprend sur le bord de l’escalier.
⎯ Cléonisse, tu es toujours dans toutes les histoires et
encore une fois, voici que tu nous espionnes. Maintenant
que tu as tout entendu, alors, tu vas pouvoir dormir tran-
quille. Chaque fois que les grands parlent, tu veux tout
connaître. Si je ne te convie pas à nos histoires, ce n’est
pas pour le plaisir de faire des secrets, mais pour vous
protéger des problèmes que nous devons régler à votre
place. Tu devras attendre d’être grande pour faire comme
nous.
⎯ Mais j’ai vu arriver Clara, Christopher et les autres
hier, je me doutais qu’il se passait quelque chose. Il faut
que je sache, c’est moi qui ai le sifflet et je suis la seule à
savoir le faire fonctionner. Tu ne me le prendras pas.
Doora arrive à ce moment :
⎯ Noèse, je pense que les enfants qui restent avec
nous pendant les fêtes doivent être au courant. Tu sais, ils
ont tous des dons et si nous les conjuguons, nous pour-
rons faire face aux envahisseurs. Il ne faut plus mettre de
barrière entre nous, même si Cléonisse n’a que six ans et
demi, elle est une femme en miniature, son esprit comme
la plupart des enfants qui vivent ici est plus avancé que
leur corps. Je crois qu’elle a en elle un raisonnement et
elle sait où elle veut aller. Tu le sais, pense à ta fille dis-
219
parue, ne la prenais-tu pas pour toi-même, ne vivait-elle
pas avec ton image pour modèle. Ne crois-tu pas que
Cléonisse et Céleste vivent à l’image de leurs parents ?
Aqualuce est un être unique, je la connais, c’est ma sœur,
comme la tienne. Tu sais qu’être ses enfants et ceux de
Jacques, c’est unique et l’on fait et l’on devient comme
les parents.
⎯ Tu as raison, Doora, je voudrais les voir comme des
petits enfants, sans autre chose que leurs sourires et leurs
pleurs. Mais le sang d’Aqualuce et de Jacques coule dans
leurs veines.
220
sées avec leur mère depuis plusieurs mois. Ils
s’endorment ensuite.
Une main les réveille en les caressant, il est encore tôt.
⎯ C’est l’heure, Clara, Christopher et Faguella vont
partir, voulez-vous venir leur dire au revoir ?
⎯ C’est encore tôt, on est bien au lit.
⎯ Tu viens, Cléonisse, Céleste. Ils vont partir dans un
quart d’heure.
⎯ Dicam et Magann sont déjà debout ?
⎯ Bien sûr, ils sont avec leur maman et ils lui font un
câlin.
⎯ Alors, je me lève, je veux voir Christopher.
⎯ Et moi, Clara.
Tous bien couvert, ils sont devant l’engin spatial. Chacun
embrasse l’autre et Faguella se rapproche de Doora pour
lui dire des mots plus fort qu’aux autres :
⎯ Doora, je n’ai pas pris beaucoup de temps pour te
parler de mon mal qui est le fléau qui a contaminé toute
notre planète. Mais je suis toujours en sursis, la mort peut
me prendre n’importe quand et n’importe où. Il se peut
que je ne revienne pas la prochaine fois. Si c’était le cas,
mes enfants deviendraient les tiens complètement. Je sais
que je peux compter sur toi pour les élever.
⎯ Mais, Faguella, tu es en forme, on ne meurt pas
comme ça !
⎯ J’ai parlé avec Noèse, elle a vu un homme mourir
comme ça, c’était un de ses amis et même Jacques aurait
dû mourir de la maladie. Il a été sauvé, mais moi, je
n’aurai pas la chance d’avoir à mes pieds de l’herbe de
vie pour guérir. Tu seras une bonne mère, j’en suis cer-
taine.
Puis, Faguella fait un câlin à ses deux enfants, c’est pour
eux la première fois qu’ils la voient partir pour aussi loin.
221
Le court moment qu’ils passent ensemble est comme un
terrible déchirement pour les trois et Faguella leur répète
plusieurs fois :
⎯ Doora est une maman pour vous…
Tous grimpent dans le vaisseau. Ceux qui sont restés le
regardent décoller puis, d’un coup, disparaître.
Cléonisse et Céleste ont assisté au départ, ils ont le cœur
serré, il est encore très tôt et Doora prend les enfants pour
les recoucher.
222
groupe :
⎯ Personne ne reste dans les dortoirs, nous allons
chercher vos affaires, tout le monde vient s’installer dans
ma maison, elle est suffisamment grande, nous passerons
Noël ensemble, vous êtes tous un peu mes enfants.
Ils sont tous ravis, ils passeront un Noël comme en fa-
mille. Timofeï prend Cléonisse à part :
⎯ Pourquoi m’as-tu dit que j’aurai l’occasion de me
défouler, tout à l’heure ?
⎯ Moi, j’ai dit ça ?
⎯ Oh ! arrête, j’ai bien entendu, je crois que tu gardes
un secret et je n’aime pas ça.
⎯ J’ai le droit d’avoir des secrets, justement, c’est se-
cret.
⎯ Et tu ne trouves pas bizarre que ta tante nous prenne
chez elle ?
⎯ Non, c’est Noël, c’est bien d’être à la maison.
⎯ Moi, je ne serai plus ton copain si tu ne me dis pas
ce que tu sais.
Cléonisse aime bien Timofeï, même s’il est du clan des
Maternautes ; s’ils étaient plus grands, ils s’aimeraient.
Les propos de Timofeï la peinent, elle veut le garder
comme copain. Tant pis si elle dit ce qu’elle sait, de toute
façon il faudra que Noèse informe les enfants avant que le
commando arrive. Alors, elle se met à l’écart et lui expli-
que tout en détail. Son ami lui répond :
⎯ Et tu n’as pas averti ta mère ! Il faut qu’elle sache,
j’aimerais bien être là lorsque tu l’appelleras avec ton sif-
flet.
⎯ Viens avec moi, on va l’appeler.
⎯ Tu as ton sifflet sur toi ?
⎯ Il est bien caché, on va le chercher.
Cléonisse emmène Timofeï vers la maison sans se faire
223
remarquer. Dans l’entrée, il y a un grand miroir entouré
d’un cadre en bambou dont l’un des côtés a une petite
fente. L’écartant, Cléonisse arrive à en sortir le petit sif-
flet magique.
⎯ Viens, on rejoint les autres aux dortoirs, on y restera
pour appeler maman.
Ils se faufilent et rejoignent les autres, faisant mine de
rassembler leurs affaires. Lorsque avec Clara et Doora,
les enfants se regroupent pour repartir, Cléonisse et Ti-
mofeï s’enferment dans une chambre.
⎯ C’est bon, ils partent, je vais pouvoir utiliser le sif-
flet sans me faire remarquer.
Elle attrape son petit instrument et délicatement souffle
dedans. Une vapeur blanchâtre commence à en sortir.
Rien ne se passe et Cléonisse en est étonnée, elle com-
mençait à avoir l’habitude de le faire fonctionner du pre-
mier coup. Elle recommence ; cette fois, plus de fumée,
mais les murs se mettent à vibrer si fort que tout semble
tomber autour d’eux. Alors, Cléonisse se met à avoir peur
et elle appelle sa maman :
⎯ Maman, maman, je ne comprends pas, j’ai
l’impression que le sifflet ne marche pas. C’est moi,
Cléonisse. Est-ce que tu te caches, je ne te vois pas. Ma-
man, c’est important, je dois te dire des choses importan-
tes, très importantes. À Keuramdor, on a besoin de toi.
Noèse n’est pas certaine de pouvoir s’en sortir, dans les
jours à venir car nous attendons des visiteurs sans scrupu-
les qui veulent nous emmener dans l’espace avec les au-
tres. Il faut que tu viennes nous aider, j’espère que tu
m’entends, je ne peux pas te voir.
Madame, c’est vrai, si vous m’entendez, je suis Timofeï,
vous êtes venue me voir dans mon pays, je me rappelle de
vous. Si vous pouvez me comprendre, je veux vous aider,
j’ai des qualités qui peuvent vous servir, je voudrais vous
224
les donner. Je peux déplacer tous les objets dans l’air
comme je veux, prenez mon don, il peut vous servir. Je ne
sais pas où vous êtes, mais revenez, pour nous aider.
D’un coup, la magie du sifflet semble s’épuiser totale-
ment et tout redevient normal autour d’eux. Lorsque
Cléonisse comprend que tout espoir de contact avec sa
mère a disparu, elle est triste et inquiète. Ouvrant la main
dans laquelle elle tenait le sifflet, elle voit du sable qui en
coule sur le sol et elle comprend qu’il s’est passé quelque
chose. Et elle se dit :
« Et si c’était maman qui m’avait glissé ce sable dans ma
main, cela voudrait dire qu’elle m’a entendu. »
Timofeï ouvre ses mains et voit aussi qu’elles sont rem-
plies de sable. Les deux enfants se regardent et ils pensent
qu’un contact s’est fait avec Aqualuce. C’est à ce moment
que Noèse ouvre la porte de la chambre :
⎯ Ne restez pas seuls les enfants, il faut venir à la mai-
son, les autres sont déjà installés.
Cléonisse voit que ses yeux sont dirigés vers son sifflet.
⎯ Elle viendra, j’en suis certaine, elle m’a entendue.
⎯ L’espérance est un grand pouvoir, on l’oublie trop
souvent. Continue à espérer, tes rêves se réaliseront. Ve-
nez mes chéris, ne restez pas seuls, on va préparer Noël…
225
C’EST NOËL
226
tous de se coucher mais avant, il faut mettre ses chaussu-
res au pied du bel arbre de Noël. Lala qui sait déjà écrire
demande si elle peut placer dans son soulier un petit mot
pour être certaine que le Père Noël saura ce qu’elle dé-
sire. Doora lui confirme que c’est une bonne idée et cha-
cun veut en faire autant. Tous marquent à l’aide de leurs
parents intérimaires leur profond désir sur des petites car-
tes que Noèse leur a données. Enfin, c’est l’heure de se
coucher en attendant que le vieil homme passe cette nuit.
Treize enfants, ça ne se couche pas aussi facilement, sur-
tout à la veille du jour de Noël ; il n’y a que les deux en-
fants arrivés dernièrement qui ne savent pas vraiment ce
que c’est, et eux dormiront avec Doora dans la même
chambre. Pour les autres, Cléonisse accueille dans sa
chambre ses quatre copines, alors que les autres garçons
dormiront dans la chambre de Céleste. Les chambres
d’Harry et Noèse ne sont pas loin et ils ne trouvent pas le
sommeil immédiatement, les enfants sont trop bruyants.
À un moment Harry, d’une voix plus forte menace de
chasser le Père Noël s’ils n’arrêtent pas, ce qui a pour
conséquence de les calmer un peu. Enfin, alors que les
adultes ont déjà trouvé le sommeil, les enfants
s’endorment.
231
Noël, Noël, toi qui es douceur,
Tu réchauffes nos cœurs.
Noël, Noël, toi qui es douceur,
Tu nous donnes à espérer.
233
vont bientôt arriver et ils sauront te prendre dans leur
bras. Tu les connais et ils seront heureux de t’avoir pour
enfant. Je ne peux te les amener car ils sont occupés, c’est
une question de jours. En attendant, je sais que tu as de
jolis pouvoirs en toi qui ne demandent qu’à être guidés ;
tiens, prends ce petit cadeau.
Attrapant le paquet, il déballe une bille de verre
qu’instantanément il transforme en miroir. Juste refroidi,
il regarde dedans et à sa surprise, il ne voit pas son image
mais celle de Christopher et Clara. C’est alors que des
larmes coulent sur son visage. Il comprend les paroles du
Père Noël, seraient-ce ses nouveaux parents ?
⎯ Oh ! merci Père Noël, je comprends ce qu’il y a
dans ton magnifique cadeau, je patienterai le temps qu’il
faut, je sais que tu dis vrai, je l’ai vu et je les ai vus.
⎯ Timofeï, fais aussi bon usage de tes dons, comme
les autres enfants. Mais mon cher Timofeï, je ne t’oublie
pas, j’ai trouvé ta lettre et je sais que tu aimerais retrouver
tes parents. Les avions ne décolleront pas ces jours-ci,
mais j’ai deux cadeaux. Le premier, c’est ce paquet que je
t’offre et l’autre tu l’auras que lorsque je partirai. Mais,
ouvre tout d’abord celui-là.
Timofeï prend le paquet, il est très gros et il se demande
ce qu’il y a dedans. Il le déballe et oh ! surprise, il décou-
vre un traîneau comme celui du Père Noël. Il est en bois
et six rennes en peluche semblent le conduire ; les ani-
maux semblent presque vivants. Il le déballe et après
l’avoir posé sur le sol, il frappe dans ses mains et alors
comme dans le spectacle, le traîneau avec les reines se
met à faire le tour du séjour. Moacyr contrôle parfaite-
ment le déplacement du convoi, alors, le Père Noël lui
dit :
⎯ Vois-tu, mes rennes ont beaucoup travaillé cette
nuit, je te prends avec moi pour finir ma tournée. Tu
234
m’emmènes à Baïkonour à l’aide de tes pouvoirs, sitôt
que j’aurai terminé avec tous, ici.
Entendant cela, le garçon saute de joie, il ne s’imaginait
pas pouvoir voyager avec le Père Noël. Il est heureux et il
en a des larmes aux yeux, il pourra certainement retrouver
ses parents. Il n’y a plus que céleste et Cléonisse qui
n’ont rien eu et il pense que le brave homme a fait tout ce
qu’il pouvait, il est inutile de lui demander l’impossible.
Leur mère est à l’autre bout de l’univers et le Père Noël
ne se déplace que sur la Terre. Alors le vieil homme se
retourne vers eux et leur dit :
⎯ Désolé pour vous deux, mais le train a eu du retard,
le taxi va arriver et cela me laisse le temps de donner des
cadeaux à Magann et Dicam, Noèse, Doora et Harry.
Les deux enfants de l’autre monde ne comprennent pas,
mais cela lui importe peu et il se retourne vers eux ; le
Père Noël parle La Langue, comme Noèse et les autres et
il leur tient ce propos :
⎯ La vie n’est pas facile pour tous, votre maman est
repartie très loin. Mais cette planète, la Terre, vous ac-
cueille comme ses enfants. Acceptez le sacrifice de votre
mère, elle sera en vous pour toujours, elle se mélangera à
Doora et elle ne fera qu’une avec elle. Aimez Doora
comme votre maman, elle en a le cœur. Aimez les enfants
qui sont autour de vous, ce sont vos frères et vos sœurs.
Alors il leur tend un paquet ; l’une découvre une poupée
qui parle et l’autre un gros ours en peluche. Alors les
deux enfants les prennent à pleine main pour leur faire un
gros câlin. Il reste les trois adultes et le Père Noël leur dit
en leur tendant une enveloppe à chacun :
⎯ Noèse, pour toi, juste une pincée d’espérance pour
que tu puisses attendre ta fille. Doora, un peu de poudre
de bonheur avec les deux enfants que tu as maintenant
avec toi.
235
Harry, un nuage de courage et de magie pour que tu sois
fort devant les ennemis que tu pourrais retrouver face à
toi.
C’est à ce moment que la sonnette du portail retentit dans
la maison.
⎯ Il y a quelqu’un qui arrive, dit Cléonisse.
⎯ Va voir qui c’est, lui dit le Père Noël.
Alors, encore en pyjama et en chausson, sans réfléchir
elle sort et court pour voir et son frère la suit. Arrivé de-
vant le grand portail, un taxi redémarre, et restent sur le
trottoir, deux femmes qu’ils ne semblent pas connaître. Il
leur faut quelques instants pour distinguer leur maman car
elle semble sortir directement d’un magazine de mode.
Les femmes sont habillées avec des combinaisons noires
et brillantes, elles portent des bottes qui leur montent sous
les genoux, elles sont maquillées. L’une est noire avec
des cheveux longs, l’autre a les cheveux très court, blond
et roux à la fois. Ce n’est que lorsqu’ils voient les yeux
bleus de l’une d’entre elle qu’ils reconnaissent leur mère.
Les deux enfants ouvrent la porte et se précipitent dans
les bras de leur mère.
⎯ Maman, c’est le Père Noël qui t’a amené dans sa
hotte, comment t’as fait pour arriver ?
⎯ J’ai juste pris l’avion, le TGV et le taxi, comme tout
le monde !
⎯ Ben non, pas comme tout le monde, viens voir, le
Père Noël est à la maison, il nous a apporté des cadeaux.
Viens, il est très gentil, tu verras.
⎯ D’accord, laissez-moi arriver.
⎯ Céleste dit à sa maman :
⎯ Dis, t’as drôlement changé, tu ressembles à une star
de la télé. C’est qui la dame avec toi ?
⎯ Elle s’appelle Weva, c’est une de mes amies, elle
236
m’accompagne. Allez, rentrons, vous allez prendre froid.
⎯ Tu sais, Maman ?
⎯ Non, que veux-tu me dire ?
⎯ Tu es le plus beau cadeau de Noël qui soit !
Alors, Aqualuce ambrasse avec beaucoup de tendresse
ses deux enfants.
237
LES YEUX D’ENFANTS
240
⎯ Il s’appelle Bildtrager, c’est tout ce que nous savons
de lui et paraît-il qu’il serait le chef d’une mine, la mine
de Carbokan.
À ce moment, Aqualuce ne se sent pas très bien et Noèse
est obligée de la soutenir. Elle titube et tous s’inquiètent.
Enfin elle se ressaisit et dit :
⎯ Maldeï est enceinte de Jacques, elle s’est fait faire
un enfant par lui.
⎯ Mais, comment le sais-tu ?
⎯ Bildtrager, c’est en mauvais allemand le mot, "Por-
teur d’image". C’est comme ça que je l’ai appelé en le
quittant.
⎯ Tu es sûr ?
⎯ Tout à fait et je sais où est Jacques, car les mines de
Carbokan sont très connues, c’est le site où a toujours été
extrait le minerai qui sert à la fabrication des moteurs
éthériques des vaisseaux spatiaux. C’est une mine entiè-
rement automatisée, ce sont des robots qui font le travail,
c’est curieux qu’on ait besoin de jacques là-bas.
⎯ Christopher nous a dit que les enfants sont conduits
dans les mines.
⎯ Alors, il est possible que Maldeï ait remplacé les ro-
bots par des enfants.
⎯ Tu penses que les soldats qui vont arriver sont des
enfants de Carbokan ?
⎯ Peut-être. Et on ne peut rien faire pour le moment,
sauf se protéger d’eux.
Toutes ses révélations font passer la joie de savoir Aqua-
luce enceinte aux oubliettes. Elle pense néanmoins que
Jacques ait pu de façon forcée, féconder son ennemie,
alors, elle reprend le cours de son histoire.
⎯ Pour en revenir à notre arrivée sur Terre, nous
étions dans un lieu étrange et en le quittant, nous avons
241
été projetées sur l’orbite terrestre. Nous n’avons pas choi-
si où nous nous poserions et nous avons atterri dans le
désert du Nevada. Là, nous avons été repérées par
l’armée et ils nous ont arrêtées. Nous avons eu la chance
que notre vaisseau s’enfonce dans le sol et ne soit pas re-
marqué. Les militaires devaient nous conduire au FBI
mais nous avons pu nous échapper et voler une voiture
grâce à la peinture d’Oda. De là, nous nous sommes
transformées pour ne pas être repérés. C’est là que j’ai
maquillé Weva, Yéniz, moi-même ainsi que la voiture.
Nous sommes allées à Las Vegas et nous avons joué dans
un casino. Nous avons gagné beaucoup d’argent, là, le
directeur nous a fourni de nouveaux papiers. Je m’appelle
aujourd’hui Kime Badjer et Weva, Jenifer Fremann. Avec
Yéniz, nous avons traversé les Etats-Unis avec un Hum-
mer rose que nous avions volé à l’armée américaine.
Nous sommes arrivés à New York et là, nous avons ap-
pris que Hillary Rodham, qui vient d’être élue comme
prochaine présidente allait participé à l’arbre de Noël des
enfants pauvres de la ville. Nous avons réussi à nous rap-
procher d’elle et là, nous avons eu un moment très privi-
légié car, nous avons pu lui parler pendant plus d’une
heure. Nous lui avons fait goûter à la vie au-delà de la
sphère terrestre et nous avons décrit nos anciens mondes.
Elle est intelligente et son cœur nous a suivis. Elle
connaît maintenant le but que nous avons en venant ici,
elle a été touchée par la lumière que nous portons tous
dans nos cœurs. Et si je ne m’inquiète pas pour Yéniz,
c’est qu’il s’est passé quelque chose de très particulier
entre elles deux. Hillary a partagé l’esprit de Yéniz et el-
les sont reliées ensemble par un fil que je pourrais pres-
que appeler Amour. Elles se sont comprises profondé-
ment. Après notre échange particulier, nous avons quitté
la présidente, mais pour ne pas nous faire remarquer,
242
nous nous étions recouvertes de peinture invisible. C’est
dans le couloir devant son bureau qu’un agent très entraî-
né nous a remarqué et a tiré sur nous. Yéniz est tombée
après avoir reçu deux balles. Nous n’avions pas le choix
et nous nous sommes sauvées. Weva ne comprend pas
que j’ai pu laisser notre amie là-bas, mais si je l’ai fait
c’est que mon intuition me dit qu’il le faillait. Je ne re-
grette pas, et je suis certaine qu’elle s’en est sortie.
Harry est totalement stupéfait de cette nouvelle irration-
nelle, il se demande comment elles ont pu s’approcher de
la femme la plus protégée du monde, ce qui le trouble
fortement, car il s’informe chaque jour de ce qui se passe
dans le monde et son pays, mais, il n’a entendu parler de
rien, même s’il savait que la future présidente avait fêté le
Noël des pauvres à New York.
Noèse surprise de son attitude pour sa camarade lui de-
mande :
⎯ Aqualuce, je ne comprends pas que tu aies aban-
donné notre amie, elle est peut-être morte et si elle est
blessée, elle aura besoin de toi, à moins que les agents
l’aient fait parler pour qu’elle dévoile ses secrets et nous
mette en danger.
⎯ Je suis certaine qu’il n’y a rien de tout cela.
Mais Weva n’est pas remis de l’abandon de son amie
avec qui elle vit depuis plus de sept ans. Doora qui la
connaît très bien aussi, est choquée. Constatant cela, Har-
ry souhaite détendre un peu l’atmosphère en proposant un
autre verre de vin chaud, une spécialité de montagnard.
Mais à peine a-t-il dit cela que le téléphone sonne. Il est
presque une heure du matin et ils sont fort surpris. Noèse
qui est la plus proche du poste décroche est sur le coup,
ne comprend pas. Elle tend l’appareil à Aqualuce :
⎯ C’est pour toi, je n’ai pas compris son nom, elle a
un accent américain.
243
Elle prend le téléphone et aussi surprise que Noèse, son
visage se met à rayonner, ce doit être une bonne nou-
velle…
⎯ Attends, je mets le haut-parleur, pour que tous en-
tendent, si tu peux répéter.
⎯ Bonjour, vous tous, c’est moi, Yéniz, je vais très
bien, je suis à l’hôpital. On m’a extrait une balle de ma-
gnum qui s’est arrêté dans les poumons, juste avant
d’entrer dans le cœur. Le chirurgien m’a dit que j’étais
presque miraculée car rien ne peut arrêter un tel projec-
tile, sauf de l’acier. Je vais croire que je suis en acier. Je
vais très bien, je récupère vite. En début d’après midi, j’ai
encore eu la visite d’Hillary, c’est elle qui s’est occupé de
moi depuis que j’ai été blessée. Nous sommes amis, elle
m’a demandé d’être sa conseillère. Dès maintenant. Elle
m’a expliqué que dans quelques jours, elle prendra ses
fonctions de présidente des Etats-Unis et que je devrais la
suivre à la Maison Blanche.
⎯ Mais pourquoi la présidente s’occupe-t-elle de toi ?
lui demande Doora.
⎯ Elle a vu le policier tirer et elle a eu la sensation
d’être blessée, je ne sais pas pourquoi, elle est moi, nous
sommes comme deux sœurs. J’ai cru mourir lorsque j’ai
reçu ces deux balles, l’autre a touché un de mes mollets,
il n’est pas beau à voir, mais après coup, j’ai compris que
c’était la chance qui était avec nous et ça a été le meilleur
moyen pour me rapprocher d’Hillary. L’agent qui a tiré a
été guidé par une main invisible, je sais que j’ai ma place
ici. Hillary a trouvé tes coordonnées en recherchant
l’école de Keuramdor sur Internet et elle me les a don-
nées. Je suis au NewYork-Presbyterian Hospital, vous
pourrez me rappeler. C’est un peu raté pour être avec
vous pour le réveillon de la nouvelle année, mais je peux
vous dire que lorsque Maldeï arrivera au printemps, ici,
244
l’armée sera prête à l’accueillir, je m’en occupe.
⎯ Quand penses-tu sortir de l’hôpital ?
⎯ Weva, on doit encore opérer ma jambe, j’en ai pour
au moins quinze jours, j’ai encore des tuyaux branchés
dans le bras.
⎯ Où habiteras-tu en sortant ?
⎯ Hillary me laisse un appartement à New York, tu
sais, Aqualuce, je suis bien, ici, je veux rester sur cette
planète tout le reste de ma vie. Ce monde n’a rien à voir
avec ceux que nous connaissions. Sur notre ancienne pla-
nète, j’étais conseillère militaire de notre chef, le poste
que Hillary me propose me va très bien ; je serai une de
ses secrétaires.
⎯ Nous viendrons te voir dès que nous pourrons.
⎯ C’est d’accord, juste une chose.
⎯ Oui ?
⎯ Ne m’appelez plus jamais Yéniz, ici, je m’appelle
Mia Ericsson, c’est mon nouveau nom sur Terre.
Elle raccroche le téléphone et tous sont sur les fesses.
C’est incroyable comme les choses peuvent évoluer. Tous
regardent Aqualuce, ils comprennent qu’elle savait déjà
ce qui se passerait après cette rencontre incroyable.
⎯ Si Yéniz est proche de la personne la plus puissante
de ce monde, les futurs événements pourraient tourner en
notre faveur.
⎯ Je suis d’accord avec toi, Noèse, mais avant tout,
préparons-nous à affronter ceux qui vont tomber du ciel
dans quelques heures.
Ils réfléchissent tous un bon moment et enfin, Doora
pense avoir une idée.
⎯ Les soldats embarqués dans le vaisseau sont des en-
fants, même s’ils ont été entraînés à tuer, nous ne devrons
pas faire de morts en ripostant. Je pense qu’il faut les ar-
245
rêter et les chasser.
⎯ Ou les capturer si on peut, dit Noèse, mais nous ne
sommes que cinq contre cinquante, ce sera difficile.
⎯ Et si nous incluions nos enfants, nous serions pres-
que quinze.
⎯ Comment. Les enfants ?
⎯ Bien sûr, nos enfants ! Ils ont tous des pouvoirs que
nous pourrions utiliser pour tendre un piège à nos enva-
hisseurs. Nous ne pouvons pas leurs cacher ce qui va
nous arriver.
⎯ Tu as raison, d'autant plus que Cléonisse le sait, elle
nous a entendus et c’est aussi grâce à elle qu’Aqualuce
est avec nous.
⎯ Il est fort possible que les soldats qui vont arriver
n’aient pas de pouvoirs, nous leur serons supérieurs,
même en nombre réduit. Il faut leur tendre un piège, bien
que nous ne sachions pas comment ils arriveront.
Aqualuce reprend la parole, elle a aussi une idée :
⎯ Un piège, c’est ce qu’il faut faire et pour qu’il mar-
che, nous devrons mettre un appât.
⎯ Et tu penses à quoi ?
⎯ Aux enfants ; mettons les devant eux, ils n’auront
pour but que de les prendre pour les ramener sur Elvy.
⎯ C’est dangereux, comment vois-tu la chose ?
⎯ L’idée de nos ennemis est de capturer nos enfants,
ils ne s’imaginent pas que c’est eux qui pourraient l’être.
Ces cinquante enfants ont été formatés dans les mines de
Carbokan pour devenir des guerriers sans conscience,
c’est ce que j’imagine. Je pense que nous pourrions les
récupérer et les reconditionner avec notre matériel. Il suf-
firait d’emmener chacun dans la Pièce Isolée, lorsqu’ils
seront coupés du monde, les influences astrales de
l’univers et celle que Maldeï leur a inoculées disparaîtront
246
; nous avons de grandes chances de le récupérer au stade
où ils étaient avant d’arriver dans les mines.
Noèse, a un frison dans le dos, elle se demande quelles en
seront les conséquences ?
⎯ Tu imagines, Aqualuce, cinquante enfants de plus,
ici, c’est le triple de ce que nous avons en charge. Com-
ment pourrons-nous nous en occuper ?
⎯ C’est vrai, lorsque nous avons créer cette école,
nous avions un plan d’évolution qui nous permettait de
pouvoir faire venir trente à quarante enfants de plus par
an. Nous avons matériellement une capacité d’accueil de
cent cinquante enfants, donc, si nous faisons les comptes,
avec ces enfants en plus, il nous restera encore soixante
douze places.
⎯ Mais, il y a aussi…
⎯ Je t’en prie, Noèse, il ne faut pas que tu penses
comme un terrien, tu sais trop bien que nous faisons bou-
ger des forces surnaturelles autour de nous. Je pense qu’il
y a cinquante enfants à sauver et pour cela, ne réfléchis-
sons pas. Il faut agir c’est tout.
Aqualuce a raison et les autres le comprennent bien. Il est
tard, tous vont se coucher. Lorsque les enfants seront ré-
veillés, le plan de contre-attaque prendra forme, ces petits
ont parfois des idées surprenantes et très intéressantes.
247
der.
⎯ Hillary n’est pas en poste, il ne faut pas compter sur
elle.
Cléonisse est avec sa mère lorsqu’elle les entend parler,
elle comprend qu’ils ont un problème :
⎯ Mais qu’est-ce que vous voulez faire, pourquoi vous
taisez-vous lorsque j’arrive. Harry, tu semblais avoir une
idée, dis-moi ce que c’est ?
⎯ Noèse, comme Cléonisse est parfaitement au cou-
rant de ce qui va nous arriver et comme nous avons be-
soin des enfants, il faut leur dire et les préparer. J’ai
confiance en eux, ils ont beaucoup de pouvoirs.
⎯ Tu as raison, je vais lui parler.
⎯ Cléonisse, tu sais que des gens vont venir ici afin de
vous prendre avec eux. Mais nous allons les recevoir à
notre façon et ils seront bien surpris. Harry a une idée
mais il doit récupérer du matériel dans son pays. Comme
il n’est plus un policier actif, il lui sera très difficile de
faire venir rapidement ce qu’il souhaite et surtout dans la
quantité dont il a besoin. C’est pour cela que nous nous
questionnions lorsque tu es arrivée.
⎯ Mais, maman, vous êtes bêtes, c’est facile de
l’avoir, je connais la meilleure façon pour que vous ayez
ce que vous voulez très vite.
⎯ Ah, oui ! comment ?
⎯ Il faut que nous appelions en urgence le père Noël,
lui, il ira chercher les choses dont vous avez besoin, il les
mettra dans son traîneau et vous les rapportera.
Tous se questionnent et se regardent. Pendant ce temps,
tous les enfants descendent les escaliers et arrivent, se
mélangeant aux grands. Ils ont encore dans leurs yeux les
lumières de Noël, la magie de ce merveilleux jour est en-
core en eux. Axelle qui est aussi dans ses pensées et ses
248
rêves, met un disque sur le lecteur de CD, c’est justement
une chanson interprétée par Alain Souchon que tous se
mettent à écouter :
249
Dieu, mais moi, je le connais, ce n’est pas un homme, pas
un être, il n’y a pas d’église pour lui, pas de prière. Dieu,
c’est tout ce qui est autour de nous, la force magnétique
qui nous construit. L’univers est une toute petite partie de
Dieu et lui n’a pas de conscience, il est la force, le méca-
nisme qui maintient tout en place, les lois physique et ma-
thématique. L’univers a besoin des hommes pour savoir
qu’il existe. Dieu, c’est nous, c’est tout ce qui fait la vie.
Et la vie, c’est nous, Dieu existe grâce au Rêve. Avec des
lunettes roses, nous referons le monde autrement qu’avec
des lunettes noires ou grises. Enlève tes lunettes grises
que le départ d’Axelle a posées sur toi. Viens dans ma
tête, et regarde le monde, tu verras pourquoi être un en-
fant est un don du ciel. Moi, je veux rester enfant, je ne
veux plus grandir. Pour pouvoir faire le métier que
j’aime : enfant.
Noèse se laisse emporter par Cléonisse et son esprit
s’évade un instant de sa tête devenu au fil des jours plus
dure qu’une carapace en acier. Enfin, profitant de cette
nouvelle liberté, elle voit autour d’elle autrement. Elle se
met à rêver et imaginer l’école pleine d’enfants de tous
âges. Elle court déjà avec eux et elle aime jouer et ne pas
penser à la difficulté. Le rêve, Cléonisse a raison, c’est ce
qui fait que tout est possible. Rien ne se fait sans le rêve.
Alors elle remercie Cléonisse de l’avoir transporté dans
une réalité nouvelle et elle se retire pour revenir en elle.
Lorsqu’elle ouvre les yeux, tout a changé, même ses
oreilles n’entendent plus comme avant. Et surtout, les
couleurs de la vie sont revenues.
Aqualuce regarde sa sœur et elle lui sourit.
⎯ Cléonisse est une enfant, elle a six ans, mais der-
rière son apparence, elle est plus âgé que nous, si âgé,
qu’elle a la sagesse de la jeunesse. Pour un adulte, son
idée de faire appel au Père Noël est saugrenue, mais si on
250
a un cœur d’enfant, on se dit que ce n’est pas idiot. Moi,
j’y crois, le Père Noël, nous devons tous l’appeler ensem-
ble.
⎯ Tu as raison, pour Axelle et ceux qui sont partis, je
te suis, je veux reprendre mes yeux d’enfant.
⎯ Noèse, je le sais. Il viendra tout à l’heure, je l’ai vu
en rêve il y a un instant.
À ce moment précis, on frappe à la porte. Les enfants
courent pour voir qui est là. Et, comme par miracle, en
ouvrant la porte ils aperçoivent le Père Noël.
251
LES ENFANTS DU CIEL
253
ces enfants m’ont épuisé.
Sans plus attendre, il se retourne, fait un signe à tous. On
le regarde monter dans son traîneau et partir bien haut
dans le ciel…
255
Cet engin peut contenir jusqu’à deux cents équipiers. Je
pense qu’ils ne prendront pas le risque de se poser ici, à
l’intérieur il doit y avoir des minis navettes pour venir
jusqu’ici.
⎯ Alors, il ne faut plus les perdre de vue, mettons la
caméra en marche pour suivre leurs mouvements, s’ils
arrivent, nous devons être prêts, allons prévenir les autres.
⎯ Je reste là, Doora, je te promets que je ne
m’endormirai plus, va les avertir.
Sans demander son reste, elle court immédiatement re-
joindre les autres. Arrivée dans le grand pavillon, elle ré-
veille Aqualuce qui est encore tout habillée sur son lit.
⎯ Ça y est, ils arrivent, leur vaisseau est au-dessus de
nous, à trois milles kilomètres, autant dire qu’ils sont déjà
là.
⎯ Je me doutais que le vaisseau allait rester là-haut,
nous devons nous attendre à voir trois ou quatre navettes
descendre d’ici peu. Il faut réveiller tout le monde et pré-
parer les enfants, tu sais qu’ils seront leurs appâts. Allons
les habiller, nous devrons les placer au centre entre
l’école et le laboratoire.
256
Aqualuce et Harry observent le départ des appareils, il
n’y a plus de doute, dans quelques heures tout au plus, les
guerriers seront là. Le télescope qu’elle a fabriqué avec
Noèse est très performant, il est plus précis que Hubble,
car Noèse y a adapté un système très spécial. Trois engins
se dirigent vers eux, comme c’est la nuit, il est certain que
le chef du commando espère agir par surprise. Le calcula-
teur détermine qu’ils seront sur Keuramdor dans moins
d’une heure, ce qui leur laisse peu de temps pour se pré-
parer. Cette nuit, ils seront quatorze avec les enfants pour
recevoir ces intrus. La technique d’Harry consiste à met-
tre les enfants en évidence au centre du préau en laissant
toutes les lumières pour qu’ils soient immédiatement re-
pérés. De larges banquettes ont été mises en cercle pour
les protéger et Harry et trois de ses fusils mystérieux sera
caché avec eux, ainsi qu’une quantité impressionnante de
cartouches. Dans chaque angle du grand hall se trouvent
installés des murs de sacs de sables camouflés par des
rideaux derrière lesquels seront installés Noèse, Jenifer,
Léon et Martin l’éducateur suppléant. Ils seront cinq dans
cette vaste pièce tandis qu’Aqualuce et Doora se trouve-
ront en appui mobile, elles seront comme chacun bien
équipés ; toutes deux sont vêtues de blanc, une cagoule
sur la tête, elles ressemblent à des chats. Les enfants,
c’est-à-dire, Céleste, Moacyr, Maïsa, Lala, Kime, Chad,
Jia et Cléonisse sont tous en combinaison bleue, faite de
silicone et de Kevlar, une réalisation de dernière minute
de Noèse ; avec cela, ils devraient être protégés si des tirs
d’armes lasers devaient les toucher. C’est presque
étrange, les enfants ne sont pas effrayés à l’idée d’avoir
bientôt devant eux des hommes qui viennent les enlever
pour les emmener sur leur planète. Tous maintenant sont
prêts, il n’y a qu’Aqualuce et Doora qui restent à surveil-
ler l’arrivée des navettes. Dans le froid et la neige, elles
257
guettent le ciel mais elles ne voient rien venir. Aqualuce
pense :
« Se seraient-ils trompés de cible, sont-ils partis vers une
autre dans un centre de vacance comme il en existe plu-
sieurs dans la région ? Ce serait terrible car aucun
d’entre eux n’est préparé. »
C’est à cet instant que Doora la secoue pour lui dire :
⎯ Aqualuce, ils sont là, postés dans les bois de l’autre
côté de la route, je le sens, cachons-nous. Elles ne veulent
pas être trop loin de leurs assaillants pour pouvoir inter-
venir au corps-à-corps s’il le faut. Elles s’allongent der-
rière des congères de neige que le vent a amenées ; elles
ne sont pas protégées et elles se mettent en danger. Elles
observent le portail et c’est là qu’elles voient tout un
groupe s’en approcher. L’un deux semble poser quelque
chose sur la porte métallique, il se recule et d’un coup,
dans un éclair bleuté, mais presque sans bruit, le portail
disparaît, volatilisé, comme transformé en gaz. Sur vingt
mètre, il n’y a plus d’entrée et maintenant, c’est un com-
mando de trente hommes, tous vêtus de tenus kaki portant
un casque intégral qui pénètre dans la vaste propriété. Ils
sont tous équipés d’armes de poing et Aqualuce aperçoit
des pistolets gravitiques pour attraper et transporter les
enfants qu’ils comptent prendre avec leurs gadgets. Enfin
derrière eux arrivent une vingtaine d’autres guerriers qui
transportent des cages sur coussin magnétique, cela est
plus pratique que des roues, surtout dans la neige. Ceux-
là semblent rester en retrait pour récupérer les enfants. Un
homme plus grand que les autres semble donner les or-
dres discrètement en les dirigeant par signe. Aqualuce se
rend compte que tous les guerriers ne sont pas des adultes
mais bien des adolescents qui, hélas semblent totalement
manipulés par un fort esprit. L’homme, si c’est le chef,
est la cible prioritaire se dit-elle. Ils semblent repérer les
258
lumières du grand préau et un petit groupe s’y dirige. Ça
y est, dans moins de trente secondes, ce sera le contact
inévitable, le moment de vérité.
261
À cet instant, les deux femmes rigolent, heureuses d’avoir
vaincu le mauvais plan de Maldeï, l’infâme être qui terro-
rise toute la galaxie. Mais Noèse qui a oublié sa blessure
pense à tous ceux qui sont englués dans les camisoles de
latex.
⎯ Ne laissons pas ceux qui sont prisonniers dans la
neige et le froid. Il faut les rentrer sous le préau, nous de-
vons les placer dans la chambre isolée afin de les dé-
conditionner.
Les enfants rentrent à la maison pour se recoucher, tandis
que Harry, Noèse, Aqualuce, Doora, Jenifer, Léon et
Martin regroupent les prisonniers. Un peu plus tard, après
avoir repris leur souffle, ils commencent à les amener
dans la chambre isolée ; ils le font par petits groupes et le
résultat est très surprenant, car arrivés soldats, ils en res-
sortent presque enfants. La coupure d’avec leur monde
est comme un rayon guérisseur qui les fait renaître à une
autre vie. Leurs yeux retrouvent immédiatement un
rayonnement d’amour qu’ils semblaient avoir perdu tout
le temps où ils avaient été enfermés dans la prison qui
leur servait de camp d’entraînement pour oublier leur en-
fance, leur être intime, leur conscience.
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Alors, ils reconduisent Daribard dans une des trois navet-
tes. Aqualuce qui connaît parfaitement ce type de vais-
seau planétaire programme le retour automatique de
l’engin ainsi que des deux autres. L’homme à l’intérieur
décolle juste après et les navettes suivantes le suivent au-
tomatiquement.
De retour à l’école, les enfants jouent avec Harry à
l’Overbase sur la neige et ils rient tous de bon cœur. Cé-
leste voit revenir sa maman et se précipite vers elle :
⎯ Dis, Maman, demain c’est la nouvelle année, tu fais
la fête avec nous ?
Aqualuce n’a pas pensé à cela mais Noèse a entendu :
⎯ Il n’est pas trop tard pour que je vous emmène tous
à Disney Village à Paris, nous prendrons notre avion pour
nous y rendre.
⎯ Ouah ! super génial, on va chez Mickey !
Surpris, tous les enfants regardent Céleste sauter de joie
et ils comprennent vite.
Tous se préparent rapidement, il faut rejoindre l’aéroport
où se trouve l’avion de Noèse et d’Aqualuce.
Doora restera avec Léon pour surveiller leurs nouveaux
pensionnaires mais les autres partent pour fêter leur vic-
toire. Arrivés à l’aéroport, le Falcon les attend, c’est
Aqualuce qui pilote l’avion, c’est son métier à l’origine ;
même si elle n’a pas appris à piloter sur terre, elle est de-
venue expert en aviation ici. Elle a passé ses diplômes
pour pouvoir conduire ce type d’engin, comme un vérita-
ble pilote de ligne ; elle est fortunée, cela aide, son avion
lui a toujours permis de sillonner le monde à la recherche
des enfants du troisième millénaire et c’est grâce à cet
appareil qu’elle a trouvé les enfants de Keuramdor.
Tous en fête, ils s’installent dans l’avion et une heure
après se posent à l’aéroport du Bourget. C’est en taxi
qu’ils rejoignent Disney et là le restaurant les attend.
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Heureux les enfants ne sont pas fatigués et ils profitent de
la grande nuit du réveillon. À Minuit tous se font la bise,
ils ont oublié qu’hier soir, ils ne savaient pas s’ils seraient
encore vivants aujourd’hui. La plus grande victoire pour
cette bataille exeptionnelle est qu’il n’y a pas de vaincus
parmi ceux qui se sont battus car même les méchants ont
été délivrés de leur prison qui les tenait comme des âmes
mortes depuis des mois. Après avoir célébré la nouvelle
année, ils rentrent chez eux, épuisés par une très longue
journée.
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⎯ Sortie d’ici, je n’existe plus, je m’appelle Kime et
Weva, Jenifer.
⎯ As-tu besoin d’aide pour reprendre ton vaisseau ?
⎯ Non, je me débrouillerai, j’ai mon idée.
⎯ Je sais, je comprends.
⎯ Noël a été formidable, je ne suis pas prête d’oublier.
⎯ Partez vite, je sens que tes enfants vont bientôt se
réveiller. De toute façon, nous ne sommes jamais sépa-
rées, nos cœurs nous unissent, car ils vivent en dehors du
temps.
Aqualuce fait une grande accolade à sa sœur, leurs senti-
ments sont très fort, chacune possède une souffrance au
fond d’elle, l’une attend sa fille égarée dans l’espace,
l’autre n’a aucune nouvelle de son époux lui aussi perdu
dans la galaxie. Et elles se relâchent, comme deux histoi-
res qui se séparent pour vivre chacune de leur côté. L’une
a pris en charge des enfants qu’elle veut éveiller à la vie
et préparer à donner une nouvelle âme à la Terre ; l’autre
sillonne l’espace pour ramener à la raison les âmes per-
dues dans le cosmos de la vie.
La Voie Lactée est presque trop petite pour contenir tous
les espoirs qu’elles ont de réaliser leur mission : que tous
les êtres vivants trouvent un jour la porte de l’Amour
pour y demeurer.
Aqualuce lui dit un dernier mot démontrant son engage-
ment à sa mission :
⎯ Noèse, l’important, ce n’est pas notre vie, mais, la
Vie…
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⎯ Redresse-toi, et au contraire sois heureuse, hier a été
notre première victoire contre l’infâme Maldeï. Nous
avons avec nous les enfants les plus incroyables du
monde, soit fier d’eux. Ils sont le renouveau de
l’humanité et devant nous se trouve une des plus belles
tâche de ce monde : donner à nos enfants les armes de la
vie ; en faire de combattants de la Lumière.
Cette nouvelle année sera la victoire des enfants de la
Lumières contre les feux du mal qui veulent prendre la
Terre. Préparons-les ; ils nous surprendront !
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Cet ouvrage a été imprimé par
COPIE-MEDIA
33693 MERIGANC
En décembre 2009
Pour le compte des EDTIONS DU FUTUR ©
N° d’édition : EF2009/04
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