Proefschrift
door
Lalbila Aristide Yoda
geboren op 31 december 1961
te Komtoega (Burkina Faso)
Promotor: Prof. Dr. E.J. Korthals Altes
ii
CHAPITRE 1
Introduction générale
Il existe au Burkina Faso des barrières linguistiques et culturelles entre les
différents acteurs en matière de santé. Il y a, d’une part, les autorités politiques,
les institutions et le personnel de santé, dont la langue de travail est le français
et qui ont une conception moderne de la santé basée surtout sur celle de la
médecine occidentale, et, d’autre part, les patients et de manière générale les
populations qui s’expriment essentiellement dans les langues locales et dont la
conception de la santé reste encore traditionnelle, c’est-à-dire sous l’emprise de
la tradition et des croyances religieuses. Dans ces conditions une traduction
efficace constitue un moyen de surmonter ces barrières linguistiques et
culturelles et de permettre ainsi à la communication d’atteindre son but. D’où
l’intérêt de notre recherche, qui s’intitule «La traduction du français vers le
mooré et le bisa : un cas de communication interculturelle au Burkina Faso», et
dont l’objectif, sur lequel nous reviendrons plus loin, est d’étudier les rapports
entre langue et culture dans la traduction, considédérée à la fois comme un
phénomène linguistique et culturel.
Depuis la Deuxième Guerre mondiale, et en particulier avec le
développement de la coopération internationale et la naissance d’organisations
internationales telles que l’Organisation des Nations unies (ONU) ou la
Communauté économique européenne devenue Union européenne (UE) en
1993, le volume de traduction professionnelle dans tous les domaines (littéraire,
économique, scientifique et technique, commercial, médical ...) n’a cessé de
croître.
Dans le même temps, on a assisté à la naissance de programmes
universitaires dont la vocation est la formation de professionnels de la
traduction. Même si notre étude est basée essentiellement sur des documents
écrits, nous employons comme Peter Newmark (1991 : 35) le concept de
traduction ici dans son sens large :
mais que nous allons utiliser au cours de cette étude faute de mieux – avec pour
père fondateur J. S. Holmes (1972 / 1988). En tant que discipline, la traducto-
logie a pour objet l’étude de la traduction dans son sens le plus large possible :
Cet intérêt pour la traduction en tant que pratique et objet d’étude théorique n’a
pas laissé l’Afrique en reste. Dans la majorité des pays africains qui ont accédé
à l’indépendance dans les années 1960, et avec la création de l’Organisation de
l’unité africaine (OUA) et bien d’autres organisations régionales et sous-
régionales, la traduction occupe de plus en plus une place de choix comme
moyen de communication tout comme instrument dans la coopération et dans le
développement économique et social. Cependant, force est de constater que la
traduction reflète la situation linguistique paradoxale des pays africains. En
effet, dans ces pays appelés francophones ou anglophones qui comptent des
dizaines d' autres langues, les populations s'exprimant en français ou en anglais
représentent plutôt une minorité de privilégiés. Pourtant, ce sont les langues
héritées des différents systèmes coloniaux, à savoir essentiellement le français,
l’anglais, le portugais et l’espagnol qui sont les langues du pouvoir, de
l'administration et de l' enseignement, et qui par conséquent jouissent d' un statut
de prestige. Au Burkina Faso le français est reconnu comme la langue
officielle, tandis que toutes les langues locales ont le titre de langues nationales.
Cette distinction entre langue officielle et langues nationales est valable dans la
plupart des pays africains. On comprend alors pourquoi la traduction écrite se
pratique surtout entre les langues des anciennes puissances coloniales.
Au Burkina Faso, la pratique de la traduction professionnelle est liée à
l'histoire moderne du pays. Dès son accession à l' indépendance en 1960, le
ministère des Affaires étrangères s' est doté d' un service de traduction et
d'interprétation dont la mission est de servir les besoins de l' État en matière de
communication dans les principales langues internationales : français, anglais,
espagnol et arabe. La typologie des langues de traduction reflète le constat fait
ci-dessus, c' est-à-dire la place prépondérante des langues internationales, en
particulier l' anglais et le français. Au fil du temps, la traduction dans les
langues nationales au Burkina Faso, à l' instar des autres pays africains, - en
partie pour des raisons nationalistes - s’est avérée nécessaire non seulement
pour des besoins de communication mais également pour assurer deux
fonctions essentielles.
La première fonction est surtout d' ordre culturel. Dans son avant-propos
au livre Proverbes et contes mossi de Bonnet et al. (1982 : 4), Bouquiaux
souligne le nationalisme culturel de la traduction. Celui-ci peut se définir
comme l' affirmation des valeurs culturelles nationales des anciennes colonies
longtemps dénigrées par le colonisateur. C' est ainsi que l' indépendance poli-
tique devait être renforcée par la revalorisation des cultures nationales :
2
Chapitre 1. Introduction générale
3
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
La traduction médicale, dont il est question ici, s' inscrit dans le cadre de ce
que Baylon & Mignot (1999) appellent la communication sociale. Elle a pour
ambition de servir le bien-être collectif, à travers la responsabilisation de
l'individu dans ses choix en matière de santé et de sécurité. Pour Balima &
Frère (2003), la communication sociale constitue non seulement un moyen de
transmission des connaissances et des savoirs, mais elle permet également aux
populations de participer plus activement à leur propre développement. Baylon
& Mignot (1999 : 278) répartissent les sujets traités par la communication
sociale en trois catégories : ceux qui cherchent à modifier les comportements,
par exemple, le tabagisme et les mauvais traitements infligés aux enfants ; ceux
qui ont pour objet de présenter des éléments nouveaux concernant les droits et
les devoirs des citoyens comme le service national et ceux qui cherchent à
promouvoir des services et des organismes publics comme les musées et les
parcs nationaux.
Les documents de notre corpus, que nous allons présenter plus loin,
relèvent de la première catégorie, car les sujets traités cherchent à modifier les
comportements. Cependant, il faut relever que les limites entre ces catégories
ne sont pas nettes. Dans le contexte du Burkina Faso, chercher à changer les
comportements individuels en matière de santé implique à la fois la promotion
des structures de soins sanitaires auprès des populations.
4
Chapitre 1. Introduction générale
(habillement, taille, âge, corpulence...), le sexe, les gestes, les silences, etc.
Même le canal de communication a son importance. L’écriture dans la société
occidentale a une longue tradition, tandis que dans les sociétés africaines
comme chez les Bisa et les Mossi l’oralité domine encore.
L’enjeu de la communication est tel que l’on assiste, depuis ces dernières
années, à la multiplication des services de spécialistes appelés conseils en
communication1 qui, selon Baylon & Mignot (1999 : 10), tend à élargir son
sens. Balima & Frère (2003 : 13), tout en relevant son intensification dans les
projets de développement, soulignent les mutations que la communication a
connues au Burkina Faso. Cependant, il est certain que communication et
culture sont intimement liées (voir Ladmiral & Lipiansky 1989 ; Samovar &
Porter 1991 ; Hall 2002), à tel point que l’on ne peut comprendre la première
sans la seconde : «One’s cultural perceptions and experiences help determine
how one sends and receives messages» (Samovar & Porter 1991 : xii).
C’est dans cette perspective que la communication interculturelle est
conçue pour désigner une situation de communication où le destinateur et le
destinataire appartiennent à des cultures différentes. Ce concept s’applique à la
communication entre «co-cultures2». Ainsi que le montrent Samovar & Porter
(1991) et Hall (2002), la culture, en particulier la vision du monde, les valeurs
et les normes qu’elle véhicule sont importantes pour comprendre la
communication interculturelle, dont la traduction constitue un exemple parfait.
Cependant, il faut relever, comme le notent Ladmiral & Lipiansky (1989 : 11 et
21), que la communication interculturelle est d’abord un problème de
communication tout court et que les clivages linguistiques de la communication
interculturelle, selon les situations, peuvent être considérés comme un obstacle
ou seulement comme un élément de la relation interculturelle.
Mais on ne doit pas voir cette relation entre culture et communication
dans un sens unique. Hall (2002 : 55) souligne que la relation entre culture et
langue est situationnelle. Pour lui, négliger la situation de la communication
peut aboutir à des déceptions dans les interactions interculturelles :
1
Il faut relever que dans la culture traditionnelle africaine, les «griots» en Afrique
francophone ou «King’s linguists» en Afrique anglophone, maîtres de la parole et véritables
spécialistes de la communication sont au cœur du pouvoir politique traditionnel. Diabaté
(1985), Nama (1993), Kouraogo (2001) montrent la place cruciale qu' occupent ces
personnages dans le système politique traditionnel. Diabaté (1985 : 21) signale qu’on ne peut
concevoir un chef «s’il n’est entouré de griots qui le relient directement à la masse, au
présent, et le projettent sur l’avenir». Kouraogo (2001 : 116) montre le parallèle qui existe
entre les «King’s linguists» de la période précoloniale et les interprètes modernes au Burkina
Faso. Kouraogo considère que ces derniers, pour la plupart des amateurs, perpétuent la
tradition des premiers.
2
Ce terme de «co-culture» a été utilisé par Samovar & Porter (1991 : xii) dans le contexte
américain, caractérisé par le multiculturalisme. La conclusion que l’on peut tirer d’un tel
constat est que la communication interculturelle est un phénomène observable tant au plan
international que national.
5
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
Une telle définition permet de voir que la langue constitue non seulement l’une
des composantes essentielles de la culture, mais également elle montre que,
compte tenu du rapport entre les deux, le traducteur doit être bilingue et
biculturel, car les différentes langues ne perçoivent pas la réalité de la même
façon. Les liens qui fondent le couple «langue-culture» sont si forts que
Richard (1998 : 151) note que «qui change de langue croit changer de culture».
De nos jours, il est accepté de façon presque unanime que la langue
véhicule l’expérience qui lui est propre. Autrement dit, la langue est
l’expression de la réalité culturelle du groupe ou de la société qui la partage. En
tant que telle, elle véhicule les normes et les valeurs qui sont le reflet de la
culture qu’elle représente. Une telle approche renvoie à la fameuse hypothèse
Sapir-Whorf selon laquelle la vision du monde d’une communauté linguistique
est déterminée par sa langue. Cette hypothèse a été citée et commentée
abondamment dans de nombreux ouvrages (voir par exemple Wardhaugh 1992
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Chapitre 1. Introduction générale
The background linguistic system (in other words the grammar) of each
language is not merely a reproducing instrument for voicing ideas but
rather is itself the shaper of ideas, the program and guide for the
individual’s mental activity, for his analysis of impressions, for his
synthesis of his mental stock in trade. Formulation of ideas is not an
independent process, strictly rational in the old sense, but is part of a
particular grammar, and differs, from slightly to greatly, between
different grammars. We dissect nature along lines laid down by our
native language (cité par Hudson 1998 : 96).
Le lien entre langue et culture apparaît particulièrement quand il s' agit d'
un
domaine chargé de valeurs et de tabous comme la santé. Les représentations de
la maladie et de la santé, qui sont au centre des préoccupations de toute société,
portent la marque de celle-ci et de sa culture. De nombreuses études
anthropologiques dont, par exemple, Murdock (1980), Jacobson & Westerlund
(1989) et Augé & Herzlich (1995) montrent que la maladie a une dimension
sociale et culturelle dont l’interprétation et l’explication varient selon les
sociétés.
Murdock distingue par exemple les théories de la causalité naturelle de la
maladie et les théories de la causalité surnaturelle. Les théories surnaturelles
sont subdivisées en trois groupes : les théories mystiques, les théories animistes
et les théories magiques. D’une façon générale, l’auteur aboutit à la conclusion
qu’il existe une prépondérance, à travers le monde, d' attribution de causalité
surnaturelle de la maladie dans toutes les croyances, en particulier en Afrique,
où elles prédominent (1980 : 26).
Cette approche a été rejetée par de nombreux anthropologues, à
commencer par Augé (1995), qui ne voit pas de différence fondamentale entre
les systèmes médicaux africains, qui seraient basés sur le surnaturel et la magie,
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La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
Cependant les conclusions auxquelles Murdock (1980) est parvenu dans son
étude portant sur un échantillon de 139 sociétés à travers le monde, dont 18
représentent l’Afrique sub-saharienne, confirme, et si besoin en était, le lien
entre la culture et la maladie. En effet, il a relevé que les théories de la maladie
ont tendance à être les mêmes au sein d’une même famille de langues. Cela
renforce donc non seulement le lien entre langue et culture mais également
souligne les aspects culturels de la santé et de la maladie :
3
Le mot «bisa» qui peut être utilisé comme nom ou adjectif s’écrit également «bissa». Il
désigne à la fois l’ethnie et la langue.
4
Le mot «mossi», qui désigne l’ethnie dont la langue est le mooré, peut être utilisé comme
nom ou adjectif et s’écrit également «mosi». Cependant, il convient de souligner que le nom
mossi, le plus utilisé, a été celui donné par le colonisateur. Sinon l’ethnonyme normal est
«moaaga» au singulier et «moosé» au pluriel.
5
La planification familiale, le sida et l’excision qui touchent à la sexualité constituent, selon
Bougaïré (2004 : 15) des «des sujets tabous, difficilement abordés par les couples, les parents
et même les éducateurs, ceci par pudeur».
8
Chapitre 1. Introduction générale
Le Burkina Faso représente sans doute une vraie tour de Babel dans la mesure
où ce pays, d’une superficie de 2 72 200 km2 et d’une population d’environ 11
300 000 habitants (Barrère et al. 1999), possède une soixantaine de langues, en
plus du français, la langue officielle. Le mooré, le fulfuldé et le jula qui
comptent respectivement 50%, 10% et 3% de locuteurs6 constituent les
principales langues nationales, les autres étant des langues moyennes ou
minoritaires (BARRETEAU 1998 : 6).
Si le multilinguisme et le multiculturalisme sont à l’origine de la
traduction, cette situation pose des problèmes en matière de communication
publique dans un pays où la langue officielle et la langue du pouvoir, le
français, n'est parlée que par une minorité. Le français constitue également la
langue d’instruction. La plupart des spécialistes de la santé, par exemple, ont
reçu toute leur formation dans cette langue. Un tel constat de la situation
linguistique du pays montre la nécessité de la traduction.
À la situation linguistique qui rend nécessaire la traduction, il convient
d’ajouter le contexte social et épidémiologique du pays, qui reflète celui qui
prévaut à l’échelle continentale. Les pays de l’Afrique subsaharienne sont
confrontés à d’énormes difficultés de santé publique qui concernent aussi bien
l’hygiène que des maladies courantes comme le paludisme et le sida. Depuis
l’apparition de la pandémie du sida, l’Afrique semble être le continent qui en
souffre le plus, avec 28 500 000 personnes infectées par le VIH/SIDA en 2001
(ONUSIDA 2002 : 8). Le Burkina Faso n’est pas en reste. Bien que les données
relatives au sida ne soient pas exhaustives, on estime qu’au Burkina Faso
l’infection du sida connaît une évolution inquiétante et qu’elle constitue une
menace grave pour la santé publique. Le ministère de l’Economie et des
Finances (2001 : 61) estime le nombre de séropositifs VIH à au moins 600 000
personnes en 1998 et la séro-prévalence aujourd’hui est estimée à 7,17%
(L’Observateur Paalga, 2002 : 2).
L’une des stratégies de mise en oeuvre de la politique nationale de
population des pouvoirs publics repose sur la trilogie information - éducation –
communication (IEC). Cette stratégie est valable pour plusieurs secteurs dont la
santé en général, la planification, la nutrition, l’environnement, la sécurité
6
Il faut noter que le chiffre concernant les locuteurs jula est en deçà de la réalité, car la
question posée lors du recensement qui a permis d’aboutir à un tel taux portait sur les langues
parlées en famille (voir Barreteau 1998 : 6). Il n’existe pas au Burkina Faso de statistiques
fiables à propos des locuteurs jula, une langue véhiculaire parlée également dans d’autres
pays en Afrique occidentale.
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La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
routière, la lutte contre les MST et le VIH / SIDA (Le ministère de l’Economie
et des Finances 2001 : 9). Parmi les productions de supports utilisés dans le
cadre de l’information, de l’éducation et de la communication on peut citer,
entre autres, la production de livres ou de manuels en français et dans les
langues nationales.
Les critères d’évaluation d’une bonne traduction pour Rouleau (1994 : 40),
parlant de la traduction médicale, sont alors :
1) transmettre exactement le message original ;
2) observer les normes grammaticales de son temps ;
3) être idiomatique ;
4) être dans le même ton que l’original ;
5) être pleinement intelligible pour le lecteur qui appartient à une autre culture.
10
Chapitre 1. Introduction générale
Pour certains, comme Faber (1999 : 106), le degré de spécialisation d' un texte
dépend de sa terminologie, car ce sont les termes qui déterminent le domaine du
texte et lui confèrent la technicité de son contenu. Cette vue est sans doute
limitée et discutable, car la limite entre langue de spécialité et langue générale
n'est pas claire. Le même terme peut relever des deux catégories et la
proportion des termes de langue générale dans un texte relevant du domaine
spécialisé est toujours importante. On le voit, la distinction entre ces types de
langue est loin de faire l’unanimité. Pour Balliu (2001 : 94), par exemple :
Sur la base de ce qui précède, nous pouvons affirmer que le langage médical
est loin d'
être monolithique. Aussi sommes-nous d'accord avec la perception du
11
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
Cette description concerne l’anglais, mais elle est valable sans doute pour toute
langue. Elle montre que le langage médical ou de façon générale la langue de
spécialité cesse d'être uniquement des «dialectes de métiers» pour faire partie
de la communauté linguistique à laquelle ils appartiennent en tant que discours
dont le contenu et la forme peuvent varier selon le contexte et les acteurs en
présence. Dans cette perspective la traduction comme transfert culturel
s’applique à tout type de traduction, y compris la traduction médicale.
1.8 Objectif
12
Chapitre 1. Introduction générale
La relation entre langue et culture ainsi que les différences culturelles entre le
français et le mooré/bisa sont-elles prises en compte dans la traduction des
documents médicaux du français vers le bisa et le mooré ? Si oui, comment ?
Quels sont alors les stratégies et procédés utilisés pour rendre compte des
différences culturelles et linguistiques dans les traductions ?
13
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
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Chapitre 1. Introduction générale
écrit et discours oral, mais comme le montre Maingueneau (2002), les vieilles
oppositions entre l’oral et l’écrit, qui associent, d’une part, oralité et instabilité
et, d’autre part, écriture et stabilité, ne sont plus possibles. En effet, les
avancées technologiques qui permettent d’enregistrer la voix rendent désormais
l’oral aussi stable que l’écrit, si bien que pour Maingueneau (2002 : 60)
«aujourd’hui quand on enregistre, d’une certaine façon on écrit» (les italiques
sont de l’auteur). Tuomarla (1999 : 229) évoque l’oralisation de l’écrit à travers
une tendance générale à la «conversationnalisation» qui fait qu’il «est difficile
de disjoindre et d’opposer systématiquement l’usage de la langue parlée et celui
de la langue écrite». D’ailleurs, nous verrons au cours de notre analyse que le
discours oral est représenté dans les documents écrits de notre corpus sous
forme de conversations dans Discutons avec nos enfants (1998) et sa traduction
(1998). Dans tous les cas, comme le montre House (1986 :
180), l’écrit et l’oral ont tous les deux un objectif commun : la communication.
Nous qualifions les documents oraux de notre corpus d’authentiques parce
qu’ils ont été produits de manière spontanée. Les critères principaux de
sélection, qui rejoignent ceux des documents écrits ci-dessous, sont leur
caractère scientifique et de vulgarisation, et leur appartenance à la
communication sociale, justifiant ainsi leur comparabilité avec les traductions.
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La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
16
Chapitre 1. Introduction générale
Il est important de relever que deux de ces trois livrets, à savoir Notre
santé... et Discutons avec nos enfants, qui ont été traduits respectivement en
bisa et en mooré ne portent pas de nom d’auteurs mais seulement d’institutions.
Par contre, leurs traductions comportent les noms des traducteurs. Quant à Mon
livret sida et sa traduction, , ils portent tous les deux
le nom de l’auteur original, mais le lecteur ne sait rien sur l’identité du
traducteur.
Le sida occupe une place importante dans ce corpus. En effet, non
seulement un titre lui est consacré, mais il en est également question dans
Discutons avec nos enfants. Il constitue un thème récurrent dans la plupart des
publications (y compris les traductions) médicales destinées à la
communication ésotérique externe, ce qui traduit l’ampleur de ce phénomène
mentionné plus haut (voir 1.5.).
Le choix de ces documents mérite quelques remarques, en raison du
problème du lien entre langue et culture qu' il pose, en particulier en ce qui
concerne les valeurs culturelles que chaque langue est censée véhiculer. Pour
les Africains francophones ou anglophones écrivant en français ou en anglais,
on peut se poser la question de savoir quelle culture leurs écrits véhiculent.
S' agit-il de valeurs culturelles des pays dans lesquels ces langues sont parlées ?
Ou bien s' agit-il de valeurs culturelles universelles ?
Les documents sources de notre corpus ont été écrits et publiés au
Burkina Faso où la langue française, langue officielle, on l' a dit, est parlée par
une minorité. Qui plus est, le français ne représente pas la langue maternelle.
C' est dire que la culture et la langue françaises, sous-produits de la
colonisation, sont loin d' être partagées par toute la société burkinabè. Les
Burkinabè comme la plupart des Africains utilisent la langue de l' ancien
colonisateur pour exprimer leur propre expérience. Dans ces conditions, l' on ne
peut s' attendre à ce que les documents sources de notre corpus qui sont en
français véhiculent nécessairement les valeurs culturelles françaises de la même
manière que le feraient des documents produits dans l' Hexagone. Nous aurons
l'occasion de revenir sur la complexité des liens entre langue, culture et nation,
dans le prochain chapitre. Pour l' instant, il suffit de dire, ainsi que le suggère
notre corpus, que le phénomène culturel est complexe et, sans remettre en cause
les liens entre langue et culture, on ne saurait les réduire à l' échelle d' une
nation : «culture cannot just coincide with the principle of nation» (Lambert
1994 : 23).
17
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
18
Chapitre 1. Introduction générale
Tout d’abord, il faut indiquer que le terme «texte» désigne toute production
écrite ou orale de longueur variable qui communique un message. En
traductologie les termes «texte source» et «texte cible» sont utilisés pour
désigner respectivement le texte à partir duquel se fait la traduction et le texte
qui résulte de l’activité de traduction. Nous utilisons dans notre analyse ces
termes dans ces acceptions pour désigner les différentes composantes des
19
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
20
PREMIÈRE PARTIE
Langue et culture
Introduction
Dans cette partie, il s' agira d'aborder les représentations de la santé, de la
maladie et du corps dans la culture bisa et mossi, d' une part, et, d'autre part,
dans la médecine moderne occidentale, à l' origine du système sanitaire du
Burkina Faso, tel que conçu par l' État. La culture mossi et bisa et la médecine
occidentale ont-elles les mêmes représentations de la santé, de la maladie et du
corps ? Quelles sont les caractéristiques de la représentation de la culture des
langues mooré et bisa ? Les réponses à ces questions permettront de mettre en
exergue nos hypothèses sur les rapports entre langue et culture dans la
traduction que l’analyse de notre corpus permettra de tester.
L’équivalence, comme visée de l’activité traduisante que nous
discuterons lorsque nous aborderons les approches théoriques de la traduction,
semble constituer une préoccupation pour ceux qui se sont intéressés à la
traduction médicale. Pour Fischback (1986), l' universalité du corps humain
rend relativement plus facile la recherche des équivalences et la communication
en matière médicale :
The universality is self-evident since the human body and its functions
(..) are the same in Montreal, Mombasa and Manilla. The medical
translator'
s task is greatly simplified by the fact that the basic anatomical
and physiological elements underlying medical communication are
precisely the same the world over, as are the corresponding references in
both the source and target languages, even if some descriptive terms are
not (Fischback 1986 : 19).
humain, constitue une métaphore, impliquant que celui-ci, tout comme les
produits de la terre, peut se cultiver. Lorsque les Allemands évoquaient la fierté
de leurs accomplissements, ils se référaient, selon Kuper (1999 : 30-31), à leur
culture qui était essentiellement composée de faits intellectuels, artistiques et
religieux. Cette notion de culture, selon Kuper, s’est développée en opposition
au concept de civilisation universelle défendu par la France. Ce que les
Français considéraient comme une civilisation universelle était un danger pour
les Allemands.
Une conception qui tendait et tend encore à établir ainsi une dichotomie
entre culture élitiste et culture populaire ou culture de masse sera battue en
brèche par les anthropologues et les sociologues au XXe siècle, qui proposent
des définitions descriptives et universalistes de la culture :
26
Chapitre 2. Societés mossi et bisa et leur culture
them entirely captures the resources I have for understanding and acting
in the world (Hall 2002 : 20).
Un même individu peut donc avoir plusieurs identités fondées sur une
interaction entre différence et similarité. Comme le montre le propos de Hall,
ci-dessus, deux personnes ayant la même religion, tout en partageant une même
identité (similarité), peuvent sur ce point différer dans leurs appartenances
régionales (différence). La culture d'un d'individu, d'
un groupe ou d' une société
se caractérise plutôt par sa diversité et sa complexité. Dans ces conditions,
l'
identité culturelle implique-t-elle une unité entre langue, culture et nation ?
Que recouvre la notion de culture nationale ? Peut-on envisager une culture
nationale sans une langue commune ?
Pour les Allemands qui ont inventé le concept de culture, la culture
convergeait avec la langue et l’une n’était pas concevable sans l’autre. Une telle
approche était partagée par de nombreux penseurs dans la plupart des pays
occidentaux. En Grande-Bretagne, pour T. S. Eliot par exemple qui ne fait pas
de distinction entre civilisation et culture, une culture nationale n' est
envisageable que dans le cadre d' une unité linguistique :
Now it is obvious that one unity of culture is that of the people who live
together and speak the same language : because speaking the same
language means thinking, and feeling, and having emotions, rather
differently from people who use a different language» (T. S. Eliot 1948 :
121, les italiques sont de l’auteur).
27
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
Dans bien des cas, la langue de l’ancienne puissance coloniale est la langue de
l’administration et des classes dirigeantes. Les langues vernaculaires sont
réservées aux communications intra-communautaires, familiales, religieuses...
Dans le cas du Canada, de la Suisse et de la Belgique comme de nombreux pays
africains, on peut parler d’identité nationale qui n’implique pas une identité
culturelle que l’on observe dans d’autres pays multilingues comme l’Irlande ou
les Pays-Bas.
L’unité entre langue et culture, d’une part, et, entre l’identité culturelle et
l’identité nationale, d’autre part, semble une gageure avec la multiplicité des
ethnies, à l’origine de l’ethnicité qui, d’ailleurs, constitue un phénomène
commun à la plupart des nations du monde aux yeux de Gykye (1997). Ce
terme «ethnicité» qui vient de celui d’«ethnie» a été utilisé par les
anthropologues avec des définitions qui varient. Mais, selon Amselle (1990 :
972), ces différentes définitions présentent des traits communs :
9
A propos de la Suisse, Matthey & Pietro (1997 : 138) affirment que «la pluralité des langues
est constitutive de l’identité suisse».
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Chapitre 2. Societés mossi et bisa et leur culture
Cette citation montre, d' une part, que le lien entre langue et culture est
complexe et, d' autre part, que parler la même langue ne signifie pas forcément
partager la même culture ou la même identité. Dans ce sens, la francophonie
constitue un exemple significatif, car elle se caractérise par sa diversité
culturelle. Comme le relève Albert (1999 : 5), elle «peut être appréhendée selon
plusieurs perspectives : linguistiques, historiques, didactiques, etc.». Pour la
grande majorité des pays dits francophones le français n’est pas la langue
maternelle. En plus, le fait même de parler de culture globale aujourd’hui
montre combien cette notion de culture est loin d’être fixe et qu’elle est
évolutive. Face à une telle situation, on est obligé de reconnaître la pertinence
de la thèse de Zalzman (1993 : 151) selon laquelle la corrélation entre langue et
culture n’est pas encore établie :
10
À ce propos, Braeckman (1996) montre que les Tutsi et les Hutu étaient un même peuple
appartenant à une même culture et partageant une même langue. Mais le concept d’ethnicité a
permis à la puissance coloniale belge et l’Église catholique, avec la complicité des élites
locales, de créer des divisions et des rivalités qui aboutiront au génocide de 1994.
29
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
Although it is true that human culture in its great complexity could not
have developed and unthinkable without the aid of language, no
correlation has yet been established between cultures of a certain type
and a certain type of languages. In fact, there were and still are areas of
the world where societies share a very similar cultural orientation yet
speaks languages that are not mutually unintelligible but completely
unrelated and structurally different.
Ce qui est mis en cause ici, ce n’est pas le rôle crucial de la langue en tant
moyen d’expression culturelle qui est irréfutable, mais l’unité entre langue et
culture.
Les développements ci-dessus indiquent que la culture ne signifie pas
uniformité et stabilité, comme le montrent T. Samovar & Porter (1991),
Kramsch (1998), Hall (2002) et l’idée de culture globale (Stroinska 2001).
L’État-nation lui-même étant multiculturel, les notions de culture nationale et
d’identité nationale deviennent des concepts politiques qui s’inscrivent dans le
cadre d’un projet de construction nationale. D’ailleurs, on verra au cours de
l’analyse de notre corpus (en particulier au chapitre 10) que les pouvoirs
politiques peuvent se servir de la traduction pour réaliser un tel projet,
notamment pour faire émerger une conscience nationale et pour introduire de
nouvelles valeurs associées à l’État-nation.
Indépendamment de cette dimension politique de l’identité culturelle et
de l’identité nationale, nous pouvons parler de cultures bisa et mossi - en tant
qu’éléments constitutifs de la culture burkinabè dans un sens descriptif et
universaliste - qui entretiennent des liens historiques et même linguistiques.
Nous partageons donc la position de Lambert (1994 : 24) qui relève : «Complex
links can develop through ages between languages and cultures that suddenly
have happened to coexist». Nous pensons que cette observation s’applique à
beaucoup de sociétés africaines. L' histoire, la tradition, le partage d'un même
territoire, la religion, l'
ethnicité, par exemple, constituent, entre autres, autant
d'éléments qui participent également à forger l' identité nationale et culturelle.
Les représentations mossi et bisa de la santé, de la maladie et du corps nous
permettront d' en savoir plus sur les deux sociétés. Mais, pour mieux
comprendre ces représentations, il est important de connaître non seulement
l'histoire, l'
organisation sociale et politique mais également les représentations
du cosmos dans culture mossi et bisa.
30
Chapitre 2. Societés mossi et bisa et leur culture
31
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
Les relations entre Bisa et Mossi sont telles que, selon Faure (1996 : 51), leur
histoire est inséparable. Ceci est renforcé par la légende, selon laquelle Naba
Ouédraogo, le fondateur du premier royaume mossi, Tenkodogo, serait le fils
d'un chasseur nommé Rialé - qui serait Bisa - et de la princesse Yennaga, fille
du roi de Gambaga11.
L’histoire et l’organisation sociale et politique des Bisa restent marquées
par le modèle mossi (Fainzang 1986 ; Vanhoudt 1992 ; Faure 1996, Vossen
1998 et Reikat & Cissé 2000) et par la colonisation française. La société bisa
était organisée sur le modèle de communauté villageoise, sous l’autorité du plus
ancien ou ( & % soit le plus vieux du village appartenant au lignage fondateur
du village. Mais, sous l’influence des Mossi et de la colonisation française, les
Bisa ont adopté un système de chefferie semblable à celui des Mossi. Ainsi,
l’utilisation du titre mossi, , qui désigne la fonction de chef () en bisa),
désormais héréditaire, est largement répandue en pays bisa jusqu’à nos jours.
11
En fait, il existe plusieurs versions de la légende de Yennaga, mais la plus connue, et qui
est enseignée dans les cours d' histoire, se résume comme suit : «Une amazone du nom de
Yenenga quitte son père, un chef mamprusi de Gambaga, pour guerroyer dans la région de
Tenkodogo. Son cheval s' emballe et elle rencontre dans la brousse de Tenkodogo un chasseur
nommé Riaré ou Rialé, que certains auteurs n' hésitent pas à qualifier de Bissa. De leur union
nait Ouédraogo, le premier Mossi, qui doit son nom à l' étalon de Yennenga. Ses descendants
sont Zoungrana, puis Oubri, le premier chef du royaume mossi» (Faure 1996 : 70).
32
Chapitre 2. Societés mossi et bisa et leur culture
La société mossi comporte une aristocratie constituée, d' une part, par les
conquérants ou les nakombse (singulier : nakombga), c' est-à-dire les nobles, qui
jouissent d' un prestige et, d'
autre part, par la masse des hommes libres ou talse
(singulier talga) et les descendants des premiers occupants de l’actuel «plateau
mossi» qui sont surtout les acteurs de la production économique. Cette
stratification se reflète au niveau de l' organisation politique où l'essentiel du
pouvoir est partagé entre les conquérants, les nakombse et les «autochtones»,
les tengembiisi ou les «enfants de la terre» (Bonnet 1988 ; Skinner 1989 ; et
Badini 1994) qui correspondent aux anciennes familles nioniosé, kurumba ou
dogon. Les nakombse gèrent le pouvoir politique, tandis que les tengembiisi
sont responsables du pouvoir religieux, notamment le culte de la terre et les
cultes des dieux et des ancêtres. Les hommes libres, qui constituent la majorité,
sont soumis au pouvoir des nakombse et des tengembiisi.12
Les forgerons ou les saaba constituent une caste qui joue un rôle
important dans la survie de la société mossi. Ils occupent une place que Badini
(1994 : 19) décrit comme suit :
Par les relations privilégiées qu'ils entretiennent avec les deux pouvoirs
[les nakomcé et les tengbisi], grâce à leur maîtrise du fer et du feu qui
leur confèrent des pouvoirs particuliers sociaux et religieux, les
forgerons (Sanda) occupent la position enviable d' intermédiaires, de
médiateurs, et de même d' intercesseurs écoutés et respectés de tous.
La position sociale des forgerons est ambiguë. Comme le relève Badini (1994 :
19), le forgeron, en tant qu’homme de caste, est craint et honoré, méprisé et
recherché. En effet, c’est lui qui fabrique les instruments aratoires et sa femme
fait la poterie. En cas de dispute son verdict est sans appel. Cette ambiguïté vis-
à-vis des forgerons vient sans doute, d’une part, de leur maîtrise du fer et du feu
et d’autre part, de la liberté relative dont ils jouissent et qui les place au-dessus
des règles courantes (Badini ibid.).
La division de la société en groupes distincts, observée chez les Mossi,
existe aussi chez les Bisa. Ainsi, les membres de la lignée du chef sont les
" (singulier : ) et les autres sont les & " (singulier : & ). Les
premiers, en tant que détenteurs du pouvoir politique, constituent en quelque
sorte les dominants et jouissent de plus de prérogatives par rapport aux
seconds, les dominés. Le du système social et politique mossi existe
également dans la société bisa sous la même appellation mooré qui signifie
littéralement «propriétaire de terre» ou «maître de terre». Si le pouvoir politique
12
Cependant, l'identité lignagère ne renvoie pas aujourd'hui à une spécificité ethnique mais
tout simplement à un statut social parce cette notion d' ethnicité ne représente pas une
catégorie immuable. Selon Bonnet (1988 : 59) «Un certain nombre de procédures de
changements d' identité lignagère par segmentation de lignage ont permis que des
deviennent & ou (forgerons), ou que des & deviennent De
plus, un certain nombre de lignages de talse, venus avec les nakombse, sont de nos jours
assimilés au tengenbiise».
33
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
est exercé par le chef, c’est le Tengsoba qui possède le pouvoir religieux
concernant la terre et les cultes, comme dans la société mossi.
À l'époque de l’implantation coloniale française, le pays mossi était déjà
bien structuré, et disposait d'un pouvoir politique très centralisé, caractérisé par
un sentiment national très poussé et l’attachement des Mossi à leur territoire
(Badini 1994 : 15). Les trois grands royaumes les plus connus sont sans doute
le royaume de Yatenga au nord, le royaume de Ouagadougou au centre et le
royaume de Tenkodogo à l' est. Le Moogo Naaba, qui est le roi du royaume de
Ouagadougou, est également le chef suprême de tous les Mossi. Aujourd' hui
encore le Moogo Naaba exerce une influence sur le peuple mossi et continue de
jouer un rôle dans la gestion du pouvoir moderne au Burkina Faso. Il constitue
un enjeu électoral pour la classe politique, qui se bat pour avoir sa caution en
tant que chef suprême des Mossi, et s' assurer ainsi du soutien de ses «sujets»
sur lesquels, selon Badini (1994 : 16), il exerce encore son autorité.
Si le Moogo Naaba et de façon générale le chef est responsable du
pouvoir politique, le pouvoir religieux dans la société mossi incombe au
* ou «maître de la terre». Il est responsable du culte des ancêtres et de
la terre. Skinner (1989 : 30) décrit ses pouvoirs en ces termes :
L’installation d’un nouveau chef est légitimée par des sacrifices rituels
effectués par le * . Mais en raison des transformations socio-
économiques et politiques, et de la poussée du christianisme et de l’islam, ses
pouvoirs ont été considérablement réduits.
Le modèle politique pour la société mossi et bisa est basé sur la
communauté villageoise, avec le royaume constituant la forme achevée chez les
Mossi. Même si l’institution royale n’existe pas en pays bisa, le système de
communauté villageoise demeure la règle (Fainzang 1986 : 12 ; Faure 1996 :
154). En fait la composition d’un village est typique à beaucoup de sociétés en
Afrique de l’Ouest, en particulier au Burkina Faso (Dachler 1992 : 10). Chaque
village est constitué de «concessions» qui sont des groupes d’habitations ou des
cours familiales où habitent tous les membres de la famille, c' est-à-dire les
grands-parents, les parents, les fils et leurs épouses (les filles devant rejoindre
leurs maris au domicile des parents de ceux-ci). Le lien principal entre les
membres d' une même famille est l' appartenance à un même ancêtre. Selon
Badini (1994 : 20), la référence aux ancêtres «servira de ciment garantissant la
cohésion du groupe familial et lui assurera sa force». Il en est de même en ce
qui concerne les Bisa.
Une concession traditionnelle est composée de cases reliées entre elles
par des murs ou des nattes en paille. Chaque famille occupe une partie de la
concession, les différentes familles étant séparées par des nattes en paille. À
l'
intérieur de la concession, on trouve les greniers pour stocker les céréales.
34
Chapitre 2. Societés mossi et bisa et leur culture
35
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
réalité humaine) et monde invisible (le monde des ancêtres, des dieux et des
pouvoirs surnaturels). L' organisation sociale et politique des Mossi et des Bisa,
telle que décrite ci-dessus, représente le monde visible, qui dépend du monde
invisible. On comprend donc pourquoi la représentation du cosmos aura une
importance pour la représentation de la santé, de la maladie et du corps.
Dans la cosmologie mossi et bisa, le monde invisible est inséparable du
monde visible. Ce sont deux mondes qui se complètent. Les éléments du monde
invisible, en ce qui concerne les Mossi, selon Bonnet (1988) et Badini (1994),
sont : les ancêtres ( singulier : les génies ( , singulier :
a). Quoiqu' invisibles, les sont pour les Mossi des êtres vivant
dans l' espace non cultivé, comme la forêt, les montages, les arbres. Ils ont une
forme et des caractéristiques plus ou moins humaines. Ils n' aiment que la
nourriture sucrée, comme le miel, le sésame, les gâteaux de haricot et l' arachide
(Bonnet 1988 : 22). Il en existe de bons et de méchants.
Parmi les divinités mossi, + * (Dieu suprême ou Soleil) et *
(Terre) occupent une place de choix en tant que couple suprême. Les ancêtres,
qui servent d' intermédiaires entre ces divinités et les hommes, sont jugés sur la
base de l' efficacité de leur intervention en faveur des humains (Badini 1994 :
26). Ils veillent également à la santé, à la reproduction et à la survie
économique des vivants. Les Mossi possèdent de nombreux lieux et des objets
de culte associés aux génies ou à l' esprit des ancêtres à qui ils font des
sacrifices, afin de demander leur aide dans la résolution de toutes sortes de
problèmes relatifs à leur bien-être. Par ailleurs, les ancêtres veillent à la
cohésion sociale en s' assurant que les humains observent les règles et les
coutumes qui permettent de maintenir l' ordre social. Les contrevenants aux
règlements de la société s' exposent à la sanction des ancêtres, car toute
transgression contribue à la déstabilisation de la société tout entière.
À quelques nuances près, l’univers cosmologique bisa comporte les
mêmes représentations. Le monde invisible est composé d' un être suprême,
, à l'origine de la création de l' univers dans la cosmologie bisa. +
désigne également le soleil dans la langue bisa. Selon Fainzang (1986 : 21),
l'utilisation de ce terme serait une influence de la pensée mossi, qui associe
+* (Dieu) et + (soleil). Pour l'auteur, le fait qu' il existe un autre
terme pour désigner le soleil, à savoir , & , plus utilisé selon elle, montre
que la pensée bisa distingue clairement Dieu et soleil.
Fainzang admet la dissociation entre Dieu et soleil dans la pensée bisa,
contrairement à la pensée mossi qui, selon elle, ne ferait pas cette distinction.
Cependant, elle ne dit pas que le mot , & est également un mot d' origine
mossi, qui signifie aussi soleil. Si en bisa , & désigne uniquement soleil,
il en est de même en mooré, où il est également utilisé exclusivement pour
désigner le soleil. Skinner (1989 : 5) ne partage pas la position de Fainzang sur
les croyances mossi. Pour lui, même si la vénération des ancêtres est au centre
des croyances religieuses des Mossi, il existe un être suprême, «otiose high
god»13, à l' origine de la création de l' univers.
13
Skinner n'est pas le seul à l'
affirmer. Parmi les premiers ethnologues à s'
intéresser à
l'
Afrique, certains, comme Delafosse (1941 : 152), pensent que la croyance en un Etre
36
Chapitre 2. Societés mossi et bisa et leur culture
Suprême, à Dieu unique, est universelle mais pour les Noirs elle «est d' ordre cosmogonique
plutôt que d' ordre religieux. Ils admettent que le monde et les êtres qu'il renferme, y compris
les esprits, ont été créés par un Etre supérieur dont ils reconnaissent l'
existence, mais dont ils
se désintéressent parce qu' ils ne sauraient comment entrer en relation avec lui et parce que lui-
même se désintéresse du sort des créatures». Ceci correspond aux croyances mossi.
14
Le mot ! provient du mot arabe - qui veut dire génie. Selon Fainzang (1986 : 26),
il existe sous des formes différentes dans de nombreuses sociétés en Afrique de l' Ouest.
37
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
(étranger) venant de l' autre monde. Jusqu' au sevrage, qui intervient en général
vers l'âge de trois ans, l'
enfant est susceptible de retourner dans l' autre monde,
d'où il est venu. Avant le sevrage, l'
enfant est considéré comme appartenant aux
deux mondes.
Dans les représentations bisa, le ( (Fainzang 1986 : 40) est la
composante fondamentale de la personne. Cependant, il ne constitue pas
l'
attribut exclusif de la personne, puisqu' il est présent dans les autres catégories
de la cosmologie. Le ( représente également une catégorie immortelle.
Quand, dans la pensée africaine, on affirme que les morts ne sont pas morts, on
se réfère à ce principe. Une fois le défunt enterré, son ( va quitter son corps
pour rejoindre le pays des ancêtres ( " ) après les funérailles. Le ( est
tellement important dans l' univers symbolique bisa qu' une mort accidentelle ou
hors de la maison familiale nécessite l' organisation de rites particuliers, afin de
ramener le nyi du défunt à son lieu normal d' habitation qui représente la terre
sous laquelle sont censés reposer ses ancêtres. Comme on le voit, le concept de
nyi représente ce que la cosmologie mossi désigne par plusieurs concepts, à
savoir & et .
Dans l' imaginaire mossi et bisa, certaines personnes ont le pouvoir de
communiquer avec le monde invisible. Il s' agit d'abord du * , qui est
responsable du culte des ancêtres et de la terre. Ensuite, les ou "
(termes qui désignent respectivement devins en mooré et en bisa), qui sont
consultés au sujet de tout événement heureux ou malheureux : maladie,
naissance, voyage... Dans les représentations de la maladie, on verra que le
devin joue un rôle important dans l' étiologie tout comme dans le traitement de
la maladie dans la culture mossi et bisa.
Avant de conclure ce chapitre, nous proposons de récapituler, sous forme
de schéma, la vision mossi du cosmos et son organisation sociale et politique.
Ce schéma, qui est valable pour les Bisa également, est une adaptation de la
représentation graphique des mondes «visible et invisible» de Bonnet (1988 :
69) et du schéma de l’autorité moaga et de son exercice (Badini 1994 : 108).
38
Chapitre 2. Societés mossi et bisa et leur culture
Dieu
W*nde
Monde invisible
Génies
(Kingirse)
Ancêtres
(Kiimse)
Chef = Propriétaire ou
pouvoir politique maître de terre=
(Naba) pouvoir religieux
(Tengsoba)
Notables
Monde visible (Nakombse)
Roturiers
(Talse)
39
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
Notre analyse de la cosmologie donne l' impression d' une certaine homogénéité
au sein de la culture mossi et bisa. Il n' en est rien. Il convient de relever qu' il
existe des représentations et non une représentation, car les sociétés bisa et
mossi qui subissent les influences de l' islam, du christianisme et des institutions
modernes telles que l' école et l' État, ne sont pas statiques. Les valeurs
culturelles décrites ici rivalisent avec celles qu' incarnent ces derniers. C' est
pourquoi, il n' est pas possible de dire que la vision du monde, ainsi présentée,
est unifiée. Comme indiqué plus haut, toute culture, loin d' être figée, se
caractérise par sa diversité et son dynamisme. Les systèmes culturels mossi et
bisa n' échappent pas à cette règle. Aussi ne faudra-t-il pas s' attendre à des
représentations homogènes de la santé, de la maladie et du corps, mais à une
hétérogénéité de représentations, dont celles de la culture traditionnelle mossi
et bisa, et celles de la médecine moderne occidentale adoptée par les pouvoirs
publics.
Cependant, cette analyse a révélé que la société traditionnelle mossi
partage la même représentation du cosmos avec la société bisa. Les Mossi et les
Bisa ont une conception utilitariste de la cosmologie, puisque seuls les génies et
les ancêtres, c' est-à-dire les divinités qui sont directement impliquées dans le
monde des vivants font l' objet de culte. Ce n' est pas le cas de Dieu, + ou
+* , qui semble lointain. Mais, malgré cet éloignement, Dieu agit dans leur
vie quotidienne. Nous suivons donc Thomas & Luneau (2000 : 142) qui
affirment : «il est dans toutes les salutations, dans toutes les bénédictions. Il est
aussi dans les noms que l' on donne à l' enfant.»
La place des noms individuels dans l' anthroponymie mossi et bisa révèle
l'
importance de Dieu dans leurs croyances. Comme le montre Badini (1994 :
49), la détermination et l' imposition du nom à l' enfant ne se fait pas au hasard,
car, entre autres, le contexte religieux, social et psychologique doit être pris en
compte. De nombreux noms en pays mossi, tout comme en pays bisa, sont
adressés aux puissances surnaturelles. C' est ainsi que le nom de l' enfant peut
exprimer la reconnaissance et la satisfaction envers Dieu. Bon nombre de noms
représentent, pour les parents, une manière de rendre grâce à Dieu. En voici
quelques exemples courants en mooré ( * signifie littéralement «[Ils
(les parents)] ont regardé», ( * «[Ils (les parents)] ont écouté Dieu».
En bisa, on peut citer + " «C' est pour Dieu» + % «C' est la bouche
de Dieu». Tous ces noms sont des métaphores qui non seulement louent Dieu
mais également mettent ceux qui les portent sous sa protection.
On l' a vu, l' organisation sociale et politique des Bisa reste fortement
marquée par des échanges séculaires avec les Mossi. La représentation du
cosmos dans les deux sociétés, même si elles ne partagent pas la même langue,
reste essentiellement la même. Au niveau linguistique, la langue bisa s’est
enrichie au contact de la langue mooré. L’exemple de l’organisation sociale et
politique en pays bisa montre que l’influence mossi ne se limite pas seulement
aux institutions, mais qu’elle s’étend également à la langue. En effet, la langue
bisa a emprunté au mooré sa terminologie politique $ (singulier du
40
Chapitre 2. Societés mossi et bisa et leur culture
41
CHAPITRE 3
Cependant, il faut relever que les représentations de la santé varient d' une
société à une autre, et même, à l' intérieur de la même société, d' un groupe à
l'autre. Selon Helman (2000 : 84), dans les sociétés non industrialisées la santé
est perçue en termes de rapport d'équilibre entre les gens, entre les gens et la
nature, et entre les gens et les puissances surnaturelles, tandis que dans les
sociétés occidentales la définition de la santé est moins globalisante, même si
elle comporte des aspects physiques, des aspects psychologiques et
comportementaux. La perception de la santé dans les sociétés mossi et bisa
correspond à celle qui prévaut dans les sociétés non industrialisées. Elle traduit,
à n' en pas douter, leur vision de l' univers, où monde visible et invisible se
côtoient, et où l'
ordre social est tributaire de l'
harmonie entre ces deux mondes.
La recherche de la santé, outre les préoccupations du quotidien de
l’Africain, constitue un souci permanent. Pour les Mossi tout comme pour les
Bisa, sans la santé, rien n’est possible dans la vie. Cette préoccupation pour la
santé est perceptible dans le discours quotidien. À toute personne
entreprenant un voyage le Mossi souhaitera + * .( laafi (littéralement,
«Que Dieu vous descende en bonne santé»). Le Bisa dira pour exprimer la
même chose + ( !
Les Mossi et les Bisa estiment que la santé est un don de Dieu qu’il faut
préserver. L’un des objectifs des différents cultes est de demander aux ancêtres
de veiller à la protection du lignage et de la famille contre tout mal et de leur
apporter la santé afin qu’ils puissent continuer leurs traditions. La santé est
également au centre des préoccupations du pouvoir politique et du pouvoir
religieux. Ce dernier est représenté par le * aussi bien dans la société
mossi que bisa. Celui-ci, affirme Faure (1996 : 180), manipule symboliquement
la santé des villageois, la fécondité de la terre et la mort en pays bisa :
Dans la société mossi, le culte du / (le nom du culte des ancêtres dans
certaines localités) ou celui du * , (le culte de la terre), pratiqués à travers
l'
ensemble du territoire mossi, visent les mêmes objectifs. En effet, au-delà de
la cohésion au sein des différents lignages et de tout le pays mossi, ces
sacrifices cherchent également à implorer les ancêtres afin que ces derniers leur
assurent la santé, la prospérité et la fécondité15.
Si l'on s'en tient à la définition de l'OMS, selon laquelle la santé est un
état de complet bien-être physique, mental et social et pas seulement une
absence de maladie, on peut dire que la santé est non seulement un rêve
difficile à réaliser, mais également que santé et maladie se côtoient tous les
jours. La formule de cet écrivain, Cioran, qui a vécu la maladie toute sa vie, «la
santé est la maladie assoupie» (cité par Zarharia 2000 : 14) montre très bien que
15
Selon Skinner (1989 : 131) «These sacrifices were offered to induce the chiefly ancestors to
grant the villagers health, food, and children.»
44
Chapitre 3. Représentations de la santé, de la maladie et du corps
dans la culture bisa et mossi
l'une sert à révéler l'autre, et qu'elles constituent l'
envers et l’endroit de la même
pièce. Dans ces conditions, aborder l' une est une manière d' aborder l'autre.
Il est intéressant de voir que la plupart des ethnies burkinabè, ainsi que le
montrent Dacher (1992) pour les Goin, Fainzang (1986) pour les Bisa, Bonnet
(1988) pour les Mossi et Jacob (1988) pour les Winye, expriment les notions de
bonne santé et de mauvaise santé en terme d’opposition frais –froid - humide /
sec – chaud. Ainsi on dira de quelqu’un qui est malade : % 0 %
% (son corps chaud ou son corps chauffe) et en mooré respectivement
(1 (1 Presque toutes les langues africaines
expriment la relation individu/maladie de la même manière. Non seulement
elles personnifient la maladie, mais la relation actif-passif est inversée par
rapport au français. Alors qu’en français on dira «Il a attrapé le sida», en bisa et
en mooré on dira respectivement ( d ( $ c'
est-à-dire «le
sida l'a attrapé».
Les expressions % (1 («corps chaud» ou
«corps qui chauffe»), qui indiquent l’état de maladie, restent vagues et elles ne
nous renseignent pas sur la nature de la maladie. Lorsque celle-ci est banale,
comme dans le cas d’un rhume ou d’un mal de tête, le malade se procurera la
médication nécessaire (plantes, décoctions...) à sa guérison. Il le fait soit en
faisant appel à ses propres connaissances, soit avec l' aide de ses proches, en
général des personnes âgées, qui ont une certaine expérience de la pharmacopée
traditionnelle. Mais lorsque les symptômes de la maladie persistent, elle devient
un phénomène social, dont l’explication, l’interprétation et la thérapeutique
mettent en jeu les représentations cosmologiques et l’organisation sociale, qui
sont essentiellement culturelles. C’est l’analyse de ces représentations selon
une méthodologie développée par Sindzingre & Zempléni (1981) qu' ont
adoptée Fainzang (1986), Jacob (1988) et Dacher (1992). Elle propose une
explication de la maladie en quatre étapes : 1) la reconnaissance de la maladie
et sa dénomination, 2) la représentation de sa cause : le moyen par lequel elle
est survenue, 3) l' identification de l' agent qui en est responsable, 4) la
reconstitution de son origine : pourquoi elle est survenue chez tel individu ?
(Jacob 1988 : 251).
Pour les besoins de notre analyse nous allons nous limiter aux deux
premières étapes, à savoir la reconnaissance et la dénomination de la maladie et
la représentation de la cause.
45
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
46
Chapitre 3. Représentations de la santé, de la maladie et du corps
dans la culture bisa et mossi
subie par un organe engendrant l' irruption de la maladie, soit sur l' agent
pathogène, ou encore sur l' agent persécuteur». En plus des exemples de ( $
et & ci-dessus, on peut ranger parmi les dénominations causales la
folie qui correspond à une «perturbation du foie ou de la tête». Selon sa gravité
on parlera de % («tête / cerveau tourné» ou «renversé») qui est
moins grave et désigne des hallucinations, des propos incohérents, par opposi-
tion à " % («foie renversé») qui désigne une folie grave. Parmi les
maladies désignées par le nom de l' agent pathogène, on peut citer "(
(«maladie des femmes»). Contrairement à Fainzang (1986 : 60) qui ramène
"( à la blennorragie, "( est un terme générique désignant
dans la pensée bisa une série de maladies transmises par les relations sexuelles.
Quant aux dénominations renvoyant à l' agent persécuteur, on peut citer %
( («maladie de la bouche») : cette maladie est censée être causée par la
mauvaise parole proférée contre quelqu' un, par jalousie ou par méchanceté.
La dernière catégorie de dénomination est celle relative à la technique
curative. Un exemple typique serait " («antilope»), qui correspond aux
céphalées. " désigne également l’animal, dont les cornes seront utilisées
pour soigner les maux de tête en dessinant avec les cornes sur la tête du malade.
47
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
cet animal n' est susceptible de causer la maladie que lorsqu' il est habité par un
génie. Sa rencontre n' est pas fortuite. Il ne se présente que pour signifier une
faute que la maladie sanctionne. Si l'on applique la méthodologie de
Sindzingre & Zempléni (1981), la cause serait la transgression d' un interdit ou
la faute qui se traduit par la colère du génie, l'
origine de la sanction, c' est-à-dire
la maladie transmise par la rencontre avec le , le python, l' agent. Mais
nous préférons les termes de «cause immédiate» et «cause première» utilisés
par Fainzang (1986 : 97) pour plus de simplicité, car python et génie peuvent
être considérés comme un enchaînement de causes. Dans le cas de la maladie
o dont il est question ici, la cause immédiate serait le python et la cause
première la faute que le fait de voir un python signifie. C' est pourquoi, on le
verra plus loin, la thérapeutique pour le Bisa ou le Mossi ne consiste pas
seulement à soigner les symptômes, il faut chercher à aller plus loin et retrouver
la faute, la cause première, et la réparer afin de permettre au malade de
recouvrer la santé. Seule l' instance divinatoire est en mesure d' identifier cette
faute et de dicter la conduite à tenir.
L'étiologie obéit à un principe cohérent que les anthropologues ont
suffisamment décrit. Parlant de l’explication de la maladie dans les
représentations Senufo, Sindzingre (1984 : 118) affirme :
18
À noter que les Mossi désignent par le même terme les jumeaux et les génies : .
Une telle dénomination peut se comprendre, puisque dans les croyances mossi, tout comme
bisa d'
ailleurs, les jumeaux sont associés à des puissances divines, et en tant que tels ils sont
redoutés.
48
Chapitre 3. Représentations de la santé, de la maladie et du corps
dans la culture bisa et mossi
dichotomie entre causes naturelles et causes surnaturelles (car il existe une
symbiose entre le monde invisible et le monde visible).
49
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
50
Chapitre 3. Représentations de la santé, de la maladie et du corps
dans la culture bisa et mossi
second plan les étiologies sociales. Mais la conception de la maladie en tant que
conséquence de l' action spécifique d' un germe va donner un caractère
scientifique à l'approche hygiéniste de la santé et de la maladie. Selon Herzlich
(1984 : 190), «la notion d' étiologie spécifique, la découverte des germes à
l'
origine de nombreuses infections, permet la mise en place de mesures
prophylactiques efficaces, de nature variée». Parmi ces mesures, on peut citer,
par exemple, la stérilisation du lait qui, à partir des années 1890, permet de
maîtriser la diarrhée infantile, responsable d' innombrables décès de jeunes
enfants. Herzlich cite également l' introduction de l' asepsie et de l'antisepsie
dans les services hospitaliers, qui contribuera à réduire la mortalité post-
chirurgicale.
La médecine occidentale, même si sa pratique varie d' un pays à l' autre,
s'
est développée à partir d' une représentation scientifique de la maladie. Il s'agit
d'une approche biologique et scientifique, soutenue par une technologie de
plus en plus sophistiquée. Helman (2000 : 79) affirme que pendant leur
formation, les médecins subissent une enculturation qui leur permettra
d'acquérir une perspective de la maladie dont les prémisses mettent l' accent
sur :
1. la rationalité scientifique ;
2. l'évaluation objective et numérique ;
3. les données physiques et chimiques ;
4. le dualisme de l' esprit et du corps ;
5. la vision de la maladie en tant qu' entité. La maladie est décrite en termes
cliniques uniques et «universellement» reconnaissables ;
6. le réductionnisme. De plus en plus l’intérêt de la médecine ne se porte pas
sur le malade mais sur une partie du corps et sur un organe ; et
7. le malade en tant qu' individu, au détriment de la famille et de la commu-
nauté.
Dans une telle représentation somatique et biologique de la maladie, la tâche du
médecin consiste surtout à rechercher et à quantifier des données physiques et
chimiques concernant le malade. L' interprétation du médecin est la seule
valable. Les développements scientifiques et les nouvelles technologies
permettent aujourd' hui de parler de la santé et de la maladie en termes
numériques, comme le souligne Helman (2000 : 80) :
51
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
52
Chapitre 3. Représentations de la santé, de la maladie et du corps
dans la culture bisa et mossi
humain ont été sans doute à l' origine de l'
adoption en 1978 de la Déclaration
d'Alma-Ata, qui se fixait comme objectif la santé pour tous en l'
an 2000. Selon
la Déclaration, les soins de santé primaires, qui constituent désormais l'épine
dorsale de la politique sanitaire du Burkina Faso, permettront d' atteindre cet
objectif de la santé pour tous en l'
an 2000 parce que :
Les soins de santé primaires sont des soins essentiels fondés sur des
méthodes et des techniques pratiques, scientifiquement valables et
socialement acceptables, rendus universellement accessibles aux
individus et aux familles au sein de la communauté grâce à leur pleine
participation, et à un coût que la communauté et le pays peuvent
supporter à tous les stades de leur développement et dans un esprit
d'autoresponsabilité et d'
autodétermination.
Comme on le voit, l' ambition de l' OMS et des États signataires de cette
déclaration était non seulement de rendre accessibles les soins sanitaires à tous,
mais également de rapprocher les structures de soins sanitaires des
communautés qui doivent participer à leur gestion.
Cependant, la dégradation des systèmes sanitaires et la difficulté du
financement de «la santé pour tous en l' an 2000» ont conduit les ministres
africains de la Santé à se réunir à Bamako (Mali) en 1987, sous l' égide de
l'UNICEF et de l' OMS, en vue de redynamiser le système des soins de santé
primaires. Cette rencontre a abouti à «l' initiative de Bamako» qui vise le
recouvrement des coûts des soins de santé primaires à travers la participation
communautaire dans le secteur de la santé. L’initiative de Bamako a pour objet,
entre autres, l' extension des soins de santé primaires et le développement des
médicaments essentiels génériques, la mise en place d' un financement
communautaire et le contrôle de la gestion des structures sanitaires par la
communauté. Dans cette perspective, la mise en oeuvre des soins de santé
primaires requiert non seulement la participation de tous les membres de la
communauté, mais également de tous les autres secteurs du développement :
éducation, agriculture, administration, etc.
Bien entendu, les différentes initiatives de l' OMS et de l' UNICEF
constituent des cadres généraux. Il appartient aux États de les adapter à leur
contexte socioculturel et économique. Cependant, la politique sanitaire du
Burkina est empreinte des marques de la Déclaration d' Alma Ata et de
l'Initiative de Bamako. En effet, la stratégie nationale en matière de santé (voir
ministère de l’Economie et de Finances 2001) est basée sur la décentralisation
des services de santé, la participation communautaire et la promotion des
médicaments essentiels génériques (MEG). Le document de Politique sanitaire
nationale (PSN), adopté par décret en septembre 2000, définit les objectifs
prioritaires et les orientations stratégiques du gouvernement en matière de santé
comme visant à :
• accroître la couverture sanitaire nationale ;
• améliorer la qualité et l’utilisation des services de santé ;
• optimiser la gestion des ressources humaines en santé ;
53
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
54
Chapitre 3. Représentations de la santé, de la maladie et du corps
dans la culture bisa et mossi
Théoriquement les soins de santé sont «gratuits», mais pour Gnessien (1996 :
116) cela relève plutôt de la fiction, car les structures sanitaires sont devenues
des centres de distributions d' ordonnances que, la plupart du temps, les
populations ne sont pas en mesure d' honorer. Comme conséquence (1996 : 116)
Pour Fonteneau (1999 : 5) la grande majorité (et encore plus en milieu rural) de
la population a essentiellement recours à la médecine traditionnelle plutôt qu'à
la médecine moderne. Seulement 20% de la population a recours à la médecine
moderne et dans bien des cas, ce recours est combiné à celui de la médecine
traditionnelle.
Malgré les insuffisances de la médecine moderne, ses représentations de
la santé, de la maladie et du corps ne manqueront pas de provoquer des
mutations dans le comportement des populations, en particulier parmi les
couches lettrées ou alphabétisées dans les langues nationales. En effet, comme
indiqué plus haut, la mise en oeuvre des soins de santé primaires requiert la
participation de plusieurs secteurs d' activités, dont l'information et la
communication. On comprend alors pourquoi en matière de développement, y
compris sanitaire, les pouvoirs publics burkinabè mettent l' accent sur
l'information - l'
éducation - la communication (IEC) et le plaidoyer. L' IEC est
défini comme
- Persistance des épidémies endémiques aggravées par l' apparition du SIDA. Les maladies
les plus fréquentes sont le paludisme, la dracunculose, les bilharzioses, l'
onchocercose, la
fièvre jaune, la maladie du sommeil, la lèpre, la tuberculose, la méningite cérébro-spinale,
la rougeole, le choléra ;
- Persistance de la sous-alimentation, de la malnutrition protéino-énergétique et des autres
carences nutritionnelles (goitre endémique, carence en vitamine A, etc.) ;
- Insuffisant développement des activités de prévention en faveur des populations ;
- Insalubrité de l' environnement, insuffisance des mesures d' assainissement de base et de
fourniture d'eau potable ;
- Faiblesse des ressources financières : les dépenses de santé représentent 6 à 7% du budget
national ;
- Faiblesse des facteurs socio-éducatifs.
Cette liste des facteurs qui expliquent la situation préoccupante de la médecine moderne est
loin d'être exhaustive.
55
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
Les moyens dont disposent les pouvoirs publics et les acteurs de la santé pour
l'
information, l' éducation et la communication sont essentiellement la radio, la
télévision (avec une chaîne nationale qui couvre depuis 1990 presque tout le
territoire national) et la presse écrite. En plus de cela, il faut ajouter les autres
types de productions : livres/manuels, rapports de conférence, brochures,
bulletins, cassettes vidéo, films, théâtre, etc.
Après ce tour d' horizon de la conception médicale de la santé et de la
maladie, qui est au centre de la politique sanitaire des pouvoirs publics, on peut
maintenant envisager l' aspect thérapeutique dans la culture bisa et mossi.
3.4 La thérapeutique
3.4.1 Le devin
Que ce soit chez les Mossi ou chez les Bisa, le devin représente un trait d' union
entre le monde visible et le monde invisible. Cette position privilégiée lui
permet de connaître la cause première de l' infortune, en particulier l'étiologie
causale en cas de maladie. Dans la mesure où cette dernière est envisagée
comme la sanction d' une faute commise par le malade ou par son entourage, le
devin a pour mission d' identifier cette faute et de proposer sa réparation, en tant
que partie intégrante du processus thérapeutique.
Cependant, ce diagnostic posé lors de la consultation divinatoire puise
dans les catégories causales finies tantôt évoquées. Il s' agit en fait de confirmer
(sous une forme plus élaborée) ou d' infirmer ce que tout le monde soupçonne.
Le devin prononce son diagnostic en se servant d' objets symboliques variés
(cauris, bâton, instruments de musique...) censés lui permettre de communiquer
avec les génies, qui l'assistent dans l' interprétation de l'événement sur lequel
56
Chapitre 3. Représentations de la santé, de la maladie et du corps
dans la culture bisa et mossi
porte la consultation. Les résultats de la consultation donnent généralement lieu
à la réparation de la faute, sous forme d' offrande, à laquelle s' ajoute un
traitement à base de pharmacopée, lorsqu' il s'
agit d'
un devin - guérisseur qui est
consulté. Mais, lorsque la maladie provient de la persécution (sorcellerie,
méchanceté, jalousie...), la thérapeutique consistera à trouver l' antidote
(produits médicamenteux, offrande..) qui permettra de neutraliser le pouvoir de
l'agent persécuteur afin que le malade puisse recouvrer la santé. On ne peut
qu' être d'accord avec Bonnet (1988 : 108) lorsqu' elle dit que «guérir, c' est
donner sens à la maladie».
On se rend compte qu' en dehors du devin - guérisseur, dont les fonctions
se confondent, guérisseur et devin ont des rôles distincts dans le processus
thérapeutique. Tandis que le premier agit sur les symptômes de la maladie à
partir de l'
examen du corps malade, le second s' attaque à la cause première de la
maladie. Le devin n' a pas besoin de la présence du malade pour poser son
diagnostic. En effet, la décision d' aller consulter et la consultation elle-même
sont du ressort de l'entourage du malade. En général, ce sont les hommes, de
préférence les chefs de famille, qui en ont la responsabilité.
3.4.2 Le guérisseur
Les guérisseurs détiennent leur savoir de leurs ancêtres, qui l' ont reçu des
génies sans lesquels la thérapeutique n' aboutira pas à la guérison. Ils connais-
sent les vertus thérapeutiques de nombreuses plantes et de toutes sortes de
matière provenant d' animaux (ossements, peau, sang, etc.) et de l' environne-
ment. On a vu que la notion de «force vitale» ou «double», ( en bisa et
en mooré, qui constitue une des composantes de la personne, n' est pas une
propriété exclusive de l' homme, mais de tout être animé ou inanimé. Dans le
processus thérapeutique, c' est la force vitale de la plante, de l' arbre ou de
l'
animal intervenant dans le traitement de la maladie qui vient renforcer celle du
malade et assurer ainsi la guérison.
La prescription d' une thérapeutique donnée fait suite à l' examen du
malade. Contrairement au devin, le guérisseur soigne le corps malade. Il
s'attaque aux symptômes ou aux causes immédiates de la maladie, s' il est simple
guérisseur, en examinant le corps du patient. Il peut même le référer à un devin
afin de déterminer la cause première de la maladie.
En ce qui concerne le paiement de la consultation, il ne se fait en général
qu' après la guérison. Souvent symbolique, ce paiement a connu une évolution.
Aujourd' hui, il peut se faire en espèce, ou en nature (poulet, mouton, chèvre...).
Le risque de non-paiement est minime, car le malade sait qu' au cas où il
n'honorerait pas sa dette, la rechute peut être plus grave.
Pour terminer, nous allons voir la troisième et dernière institution qui
intervient dans le processus thérapeutique, la médecine moderne.
57
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
20
Un tel comportement nous amène à nuancer notre compréhension du dynamisme et du
changement culturel. Samovar & Porter (1991 : 60), tout en reconnaissant que la culture
change dans de nombreux aspects, affirment que sa structure profonde résiste aux
changements majeurs : «Changes in dress, food, transportation, housing, and the like, though
appearing to be important, are simply attached to the existing value systems. However, values
associated with such things as ethics and morals, work and leisure, definitions of freedom, the
importance of the past, religious practices, the pace of life, and attitudes towards gender and
age are so very deep in a culture that they persist generation after generation.» Cette
persistance de certaines valeurs qui touchent aux croyances religieuses et au passé explique
58
Chapitre 3. Représentations de la santé, de la maladie et du corps
dans la culture bisa et mossi
Les représentations de la santé et de la maladie et la thérapeutique que
nécessite cette dernière dans la culture mossi et bisa montrent d' une part
comment les premières constituent un prolongement de la représentation du
cosmos et de l' organisation sociale et politique, et d' autre part comment la
thérapeutique, avec l' intervention des guérisseurs et de l'
institution divinatoire,
se sert de la maladie pour contrôler l' ordre social. La maladie en tant que
désordre biologique - ou tout événement malheureux (la mort, la stérilité par
exemple) - traduit un certain dérèglement de l' ordre social que les guérisseurs et
les devins contribueront à rétablir en guérissant le malade. Dans ce sens, la
santé, la maladie et le corps constituent des objets métaphoriques qui
permettent une lecture de la société à travers sa représentation du désordre
biologique qu' est la maladie. Le guérisseur et la médecine moderne représentée
par le dispensaire jouent des rôles complémentaires.
Les développements qui précèdent montrent que nous sommes en
présence d’un système complexe combinant représentations traditionnelles et
modernes en ce qui concerne la santé et la maladie en Afrique. La santé et la
maladie concernent l' homme ; or, pour reprendre Le Breton (2001 : 7),
«l'existence de l'homme est corporelle». Cette assertion étant irréfutable, on
peut néammoins se demander si toutes les cultures ont les mêmes
représentations du corps. Les sections suivantes tenteront de répondre à cette
interrogation en examinant les représentations du corps dans la médecine
moderne et dans la culture mossi et bisa.
59
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
The body is actually a social order of about 100 trillion cells organized
into different functional structure organs. Each functional structure
provides its share in the maintenance of homeostatic conditions in the
extracellular fluid, which is called internal environment. As long as
normal conditions are maintained in the internal environment, the cells of
the body continue to live and function properly. Thus, each cell benefits
from homeostasis21, and in turn, each cell contributes its share toward
homeostasis. This reciprocal interplay provides continuous automaticity
of the body until one or more functional systems lose their ability to
contribute their share of function. When this happens, all the cells of the
body suffer. Extreme dysfunction leads to death, whereas moderate
dysfunction leads to sickness (les italiques sont des auteurs).
Cette description du corps nous semble pertinente, car elle montre que le corps
humain dans sa réalité physiologique est non seulement un tout, mais également
qu' il peut être envisagé sous trois états différents : corps vivant, corps malade et
corps mort. Compte tenu de l’orientation de notre problématique, nous allons
nous intéresser seulement aux deux premiers. Le dernier, aussi intéressant soit-
il, semble poser d’énormes difficultés, telles que le statut du cadavre et les
représentations de la mort, qui risquent de nous éloigner de nos préoccupations.
Malgré la pertinence de la définition que donnent ci-dessus Guyton &
Hall du corps, l' on ne peut s' empêcher de relever cette vision individualiste
occidentale du corps et la perception du malade comme un corps par la
médecine et non comme un homme malade. Mais, en même temps, cette
définition rend compte de la prépondérance de la représentation médicale du
corps par rapport aux autres représentations et de son rôle primordial dans le
savoir médical.
Parmi les prémisses de la perspective biomédicale, évoquées plus haut
(3.3.), figure le dualisme entre le corps et l'esprit. Il faut souligner que, même si
dès ses origines, la médecine était consciente de l' apport dont elle pouvait
21
Guyton & Hall (2000 : 7) définissent l'
homéostasie comme un terme utilisé par les
physiologistes pour désigner «maintenance of static or constant conditions in the internal
environment ».
60
Chapitre 3. Représentations de la santé, de la maladie et du corps
dans la culture bisa et mossi
bénéficier de la part de l' anatomie, elle était confrontée à un dilemme. D' une
part, pour pouvoir soulager le corps qui souffre, il était nécessaire de le
connaître et, d' autre part, les croyances sociales et religieuses se représentaient
l'
homme en tant que corps et âme, dont la vie ne s' arrêtait pas avec la mort,
considérée comme le passage obligé vers l' au-delà. Aussi la dissection, le seul
moyen de révéler l' intérieur du corps et son fonctionnement, était-elle
condamnée. Les chirurgiens, eux-mêmes, sous l' emprise des croyances
culturelles et religieuses, redoutaient les dissections.
Le Breton (1993) situe la dissociation entre corps et homme vers la fin de
la Renaissance. Pour guérir le corps, il fallait le dissocier de l' homme et
l'
étudier dans tous ses compartiments. Seul le corps était capable de révéler son
mystère. Selon Le Breton (1993 : 92) :
22
Au XVIIe siècle, Descartes (1637) élabore une théorie mécanique de l' homme et de
l'
animal en tant que corps-machine. Cependant, il existe une différence fondamentale entre les
deux. Tandis que les animaux «agissent naturellement et par rapports» (voir Descartes 1990 :
296) ou par instinct les hommes disposent de la faculté de penser et d' une âme immortelle.
«Notre corps» écrit Descartes «n'
est pas seulement une machine qui se remue de soi-même,
mais il y a aussi en lui une âme qui a des pensées.» Descartes souscrit au dualisme
anatomique qui distingue l'homme du corps.
61
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
l'
individu sujet se sent dissous dans un fonctionnement groupal autant
que parcellisé quand il doit circuler de lieu en lieu pour subir - organe par
organe - des examens spécialisés.
On a vu que pour les Bisa et les Mossi, comme la plupart des sociétés
africaines, qui pratiquent le culte des ancêtres, la mort est considérée en
termes de passage dans le monde des ancêtres, et la procréation comme la
réincarnation de l' esprit d'
un ancêtre. Nous verrons, ci-dessous, que dans la
pensée traditionnelle bisa et mossi, le corps n'
est ni individualisé, ni dissocié
de l'homme comme dans le discours occidental dominant sur le corps.
L'homme forme un tout avec le cosmos et son univers familial et social. C' est
à cause de cette unité entre l' homme et son univers cosmologique que la
thérapeutique en milieu bisa et mossi, on l'
a vu, va au-delà du corps.
Il est vrai que la médecine moderne, au Burkina Faso, n' a pas atteint le
même niveau de développement que dans le monde occidental. Mais le «don»
d'organes, basé sur une conception mécanique du corps, qui rencontre encore
quelques résistances dans les pays développés, représente un «luxe»
susceptible de rencontrer des oppositions dans les pays africains. Au Burkina
Faso, le don de sang ne pose aucun problème, mais celui d' organes serait
inconcevable en raison même de la sacralité du corps et de la croyance en
l'
incarnation. À moins que, comme dans d' autres pays du Tiers Monde, la
62
Chapitre 3. Représentations de la santé, de la maladie et du corps
dans la culture bisa et mossi
misère ne pousse certains à céder leurs organes pour des raisons matérielles et
financières. Mais on peut comprendre que la représentation mécanique
biomédicale du corps soit problématique. Il est intéressant de noter que les
opérations chirurgicales rencontrent des résistances culturelles, parce que
l'
anesthésie est associée à la mort. La mort, tout comme la maladie, dans les
représentations traditionnelles, s'
inscrit dans un schéma de causalité finie et
connue, qui ignore la «mort – anesthésie».
Comme on le voit, la représentation biomédicale du corps est au coeur
de la médecine moderne occidentale. Cette représentation, qui est loin de faire
l'
unanimité, consacre l' individualisation et la réification du corps que Detrez
(2002 : 50) résume très bien en décrivant le corps que les aides-soignants
présentent aux docteurs ou aux chirurgiens comme «un corps neutre et propre,
un objet biologique et non plus social». Tout en ayant présent à l' esprit
l'
avènement de la médecine occidentale et sa représentation du corps au
Burkina Faso, nous allons aborder dans les sections qui suivent les
représentations mossi et bisa du corps.
Dans la mesure où le corps humain, envisagé en tant que moyen d’exprimer les
émotions, s’inscrit dans la symbolique sociale, on peut affirmer que, tout
comme les représentations de la santé et de la maladie, les représentations du
corps dans une culture donnée reflètent son organisation sociale et sa
représentation du cosmos. Dans la culture bisa et mossi, au-delà de sa
représentation physiologique, le corps représente un enjeu culturel.
63
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
Le s'
introduit alors dans la femme au moment de l'acte sexuel. Il
passe de l'
extérieur à l'
intérieur du corps de la femme durant l'
acte sexuel.
La valeur de fécondité de l' homme semble ainsi supprimée et confiée à
l'
esprit qui néanmoins n' accorde sa fécondité que durant la pénétration
sexuelle de l'
homme (Bonnet 1988 : 25).
64
Chapitre 3. Représentations de la santé, de la maladie et du corps
dans la culture bisa et mossi
Les rites qui entourent le placenta et son enterrement dans la société bisa
et mossi visent à renforcer la nature gémellaire de tout individu que symbolise
le placenta dans de nombreuses cultures africaines, en particulier mossi et bisa.
En effet, selon Barry (2001 : 40), «le placenta est dans un rapport de causalité
directe avec l'enfant, ce qui arrive au placenta aura des effets sur l'enfant». C'est
pourquoi, indique Bonnet (1988 : 45), l' enterrement du placenta doit s' effectuer
avec une certaine rapidité, parce que les Mossi attribuent aux esprits et aux
sorciers le désir de s' approprier le placenta de l'
enfant et de tuer le nouveau-né.
L'enterrement est effectué par les femmes qui se tiennent généralement à
genoux par respect pour l' enfant, qui, à ce stade, fait encore partie du monde
invisible. Il est intéressant de savoir que le placenta, appelé en mooré et
) en bisa («chef» dans les deux langues) occupe une place importante dans le
système symbolique africain de façon générale. La désignation du placenta par
le terme «chef» explique également le respect avec lequel il est traité.
Cette représentation métaphysique du corps est au centre de la représentation de
la maladie et de la thérapeutique mossi et bisa. En effet, pour les Mossi et les
Bisa, la maladie procède de l' affaiblissement de la «force vitale» ou du
«double» de la personne qui va affecter le corps. Lorsqu' on dit que les sorciers
ou «mangeurs d' âmes» s' attaquent à quelqu' un, c'est à sa «force vitale». Seule
une consultation divinatoire permettra de trouver l' antidote afin de délivrer le
malade. Dans le cas contraire, le «double» sera «mangé», ce qui se traduira par
la mort du malade.
Ces représentations du corps qui renvoient à des conceptions méta-
physiques ne doivent pas occulter les autres images du corps, en particulier
celles qui sont associées au corps physiologique. Pour ce faire, nous allons
nous intéresser au corps idéal, qui fascine tant le monde occidental. Le corps
idéal, selon Helman (2000 : 12), est défini par la culture :
65
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
24
Drabo (2002 : 10) rapporte le cas de cette infirmière qui a été interpellée à plusieurs
reprises pour l'
excision qu' elle pratique depuis 1988. Elle gagnerait 3000 F (environ 5 euros)
par excision. Lors de son procès qui a eu lieu au Palais de justice de Bobo-Dioulasso les 1er
et 2 septembre 2002 pour trois filles qu' elle venait d'exciser, le procureur a requis une peine
de 3 ans d' emprisonnement, une forte somme d' amende et l' interdiction d'exercer sa
profession d'infirmière pendant une année. Les mères des filles ont été condamnées à six mois
de prison. Cet exemple montre comment l' excision reste une pratique ancrée dans les
mentalités et la culture. On a vu des femmes organiser des marches pour réclamer la
libération d'
exiceuses arrêtées. La demande serait tellement forte que certaines exciseuses qui
avaient arrêté leurs activités ont dû les reprendre. Au Burkina, la prévalence de l' excision
serait encore de 66% (Kaboré 2002 : 8). Le fait que tous les pays en Afrique de l' Ouest n'aient
66
Chapitre 3. Représentations de la santé, de la maladie et du corps
dans la culture bisa et mossi
caractère hygiénique25. Pour cela, elle se fait de plus en plus dans les hôpitaux
et dans les dispensaires.
Si les représentations du corps chez les Mossi et les Bisa s' inspirent de
leur culture, il faut reconnaître que cette culture est en pleine mutation sous
l’influence de la médecine moderne comme nous allons le voir.
pas adopté de lois anti-excision pousse certaines exciseuses à aller exercer leur métier dans
des pays voisins. Ainsi les Burkinabè vont au Mali, les Ghanéennes au Burkina, etc.
25
Parlant de la circoncision, Helman (2000 : 13) note que «It may protect against some
infections in the penile area, as phimosis (tight foreskin). »
67
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
26
Mais selon Barrère et al. (1999 : 58), au Burkina Faso, «globalement 12% de femmes ont
déjà utilisé un condom, qu'elle qu'
en soit la raison» contre 40% des hommes.
68
Chapitre 3. Représentations de la santé, de la maladie et du corps
dans la culture bisa et mossi
3.6 Conclusion
69
CHAPITRE 4
27
Depuis le changement de nom du pays de Haute-Volta en Burkina Faso en 1984, le
territoire national a été découpé en 30 provinces. Mais en 1996 le nombre des provinces a été
porté à 45 en vue de renforcer la décentralisation. Au niveau de la province, le dépositaire du
pouvoir de l' État est le haut-commissaire.
28
La distinction entre langue et dialecte n’est pas claire, mais généralement la plupart des
linguistes s’accordent sur le fait que (Leclerc 1986 :52) «les dialectes sont des formes locales
d’une langue, assez particularisées pour être identifiées de façon distincte, mais dont l’inter-
compréhension est plus ou moins aisée entre les personnes qui parlent la même langue.»
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
Le bisa est la langue des Bisa, les locuteurs de cette langue, qui occupent la
partie méridionale du Burkina Faso. Le bisa appartient au groupe mandingue
ou mandé, notamment au sous-groupe mande-sud, auquel appartient également
le , langue des Samo au nord-ouest du pays et le busa du Nigeria. Le pays
bisa constitue une enclave linguistique de 12 000 km2, dominée par les langues
gur, en particulier au nord et à l' est par le mooré, le koussasi au sud et les
langues gourunsi (nankana et kassena) à l' ouest. Le bisa est une langue
minoritaire, dont le nombre de locuteurs n' est pas connu avec exactitude : 300
000 selon Fainzang (1986 : 11), entre 175 000 et 300 000 selon Vanhoudt
(1992 : 13), 400 000 d' après les estimations de Faure (1996 : 14) et de
Keuthmann et al. (1998 : 6).
Le pays bisa correspond, grosso modo, à la province du Boulgou, dont le
chef-lieu, Tenkodogo, a une population composée presque à égalité de Bisa et
de Mossi. Parmi les autres principales villes, on peut citer Garango et Zabré.
(voir carte à la page 75)
Si l'
appartenance du bisa à la famille mandé est indiscutable, tel n' est pas
le cas en ce qui concerne sa structure dialectologique (voir Vossen, 1998 :
99). Prost (1950, 1953), qui fut parmi les tout premiers à décrire la langue bisa,
distingue trois dialectes. Vanhoudt (1992) et Hidden (1986) en distinguent
deux : le barka, parlé dans la partie est du pays bisa et le lebir ou lebri à l'
ouest.
D'autres, comme Vossen (1998 : 111), estiment qu' il y a quatre dialectes : le
barka, le «lebri noyau» au nord et le lere, considéré comme des formes
«secondaires» par opposition aux «dialectes principaux» qu' étaient le lebir et le
barka qui se subdivise en lere du sud-est et en lere du nord-est. Le terme lere
signifie également la région géographique habitée par les locuteurs de ce parler.
72
Chapitre 4. Les langues mooré et bisa
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La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
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Chapitre 4. Les langues mooré et bisa
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La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
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Pour en savoir davantage, le lecteur peut se référer à Nikièma (1978, 1982).
76
Chapitre 4. Les langues mooré et bisa
Consonnes
Bi- Labio- Alvéo- Pala- Vélaires Glottales
labiales dentales laires tales
Nasales
Occlusives &'
Constrictives +$ , - . /
Latérale
Vibrante
En ce qui concerne les voyelles bisa, elles sont subdivisées en voyelles tendues et en
voyelles lâches en fonction de l’harmonie de tension (Malgoubri 2001 : 303).
Voyelles
Voyelles tendues Voyelles lâches
Mooré :
6 casser 7 couper
89 mil 8: mourir
Bisa :
%;
< lieu, place %=
< devant ; feuille d’arbre
< forgeron
> <
; écureuil
77
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
1) L’aphérèse
Ce phénomène décrit un changement phonétique qui consiste en la chute
d’un élément initial du mot.
Ex : Athanase Tanaase
3%
2) La prothèse
Il consiste à ajouter à l’initiale d’un mot un élément non étymologique
comme w devant les voyelles arrondies dans ces exemples.
Ex : Oscar a Woskaare
Odile
30
Il faut préciser que cette comparaison ne porte pas sur le mooré et le bisa, mais sur le
français et ces deux langues nationales. En ce qui concerne la comparaison elle-même, le
raisonnement ne part que de la structure du français parce dans le corpus que nous étudions le
français constitue la langue source, le mooré et le bisa étant les langues cibles.
78
Chapitre 4. Les langues mooré et bisa
4) L’interversion
Comme l’indique Balima (1997 : 128), «il y a interversion lorsque deux
éléments contigus changent de place dans la chaîne parlée».
Ex : Président @ !
Brigitte / !&
5) L’amenuissement
On parle d’amenuissement lorsqu’un élément phonétique finit par ne plus
être prononcé.
Ex : Bernard /
Barthélémy / &
2) L’épenthèse
Il s’agit de l’ajout d’un phonème à l’intérieur d’un mot ou d’un groupe de
mots.
Ex : Classe
Glace
Clé
31
Que les exemples que cite Lingani proviennent du bisa n’enlève rien à la pertinence
des phénomènes étudiés.
79
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
3) L’assimilation
L’assimilation est le fait qu’une modification survient à un phonème à cause
des phonèmes environnants. Elle peut être progressive ou régressive.
Ex : Assimilation progressive
porte 5" "&
lettre %&%
lampe #5
Ex : Assimilation régressive
tomate & &
zéro !
4) La dissimilation
C’est un phénomène d’accentuation de la différence entre les phonèmes, à
savoir l’addition d’une voyelle finale.
Ex : caisse %
Sénégal
5) L’agglutination et la proclise
L’agglutination ou la proclise32 consiste à réunir deux éléments en un mot.
Ex : le temps & #
l’école % "
sage-femme !
80
Chapitre 4. Les langues mooré et bisa
6
,< 0 & 0 0& , 0 0 ,
moutons / être chef / cheval / être femmes / les / venir
Il y a des moutons Le chef a un cheval Les femmes sont venues
6 20 < 0& 0 ,
moi / grand-mère / aller / village bisa+locatif
Ma / grand-mère / est allée / au village.
81
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
Ces énoncés ont été traduits respectivement en mooré et en bisa comme suit :
Les énoncés français qui sont à la forme passive ont été rendus en mooré et en
bisa en procédant à ces modifications morphologiques dont parle Tallerman.
Dans le premier énoncé, par exemple, le mooré a utilisé un pronom sujet, *
(«ceux») placé derrière le verbe («faire») + le complément
suivi d’un présentateur & pour introduire ce que le pronom * représente, à
savoir / ( %%! % * %& %% *$ le service
82
Chapitre 4. Les langues mooré et bisa
qui s’occupe de la santé dans le diocèse de Bobo et... Le bisa a tout simplement
transformé le verbe ba, «faire» en nom, G ""(«faiseurs-là») accompagné
également d’un présentateur «voici» de ces «faiseurs-là» qui sont /
( %%! "$ # ' $ les gens du diocèse de Bobo
qui s’occupent de la santé et...
Ces exemples montrent clairement l’absence en mooré et en bisa de la
voix passive utilisant un auxiliaire comme le français. Maintenant, nous allons
aborder les questions lexicales et sémantiques en bisa et en mooré.
La sémantique (Crystal 1991 : 100 et Baylon & Mignot 1999 : 22) étudie le
sens des signes ou leur rapport avec la réalité. Pendant longtemps le mot a été
retenu comme unité sémantique. Mais une telle approche, ainsi que le montre
Crystal (1991 : 104), a des inconvénients. Pour lui considérer des formes
comme walks, walking, et walked comme des mots différents ou des variantes
d’un même mot est source de confusion. De plus, le terme «mot» s’avère inutile
dans l’analyse des idiomes qui constituent des unités de sens. Faut-il
considérer, par exemple, kick the bucket qui forme une seule unité de sens
comme un mot ou un groupe de mots ?
Le lexème en tant qu’unité sémantique de base permet d’éviter cette
confusion. Ainsi, on peut dire avec Crystal que le lexème walk peut prendre
plusieurs formes ou mots et que le lexème kick the bucket comporte trois mots.
Cependant, il convient de souligner que même si le lexème est important
dans le sens d’un énoncé, il est clair que celui-ci n’est pas une somme des
lexèmes qui le constituent. La sémantique relève à la fois de la langue et de la
culture, c’est-à-dire que les langues ne diffèrent pas uniquement par leurs
signes respectifs, mais également par le sens que les différentes communautés
linguistiques accordent aux signes linguistiques qui en font des signes culturels.
Selon Kramsch (2000 : 20)
the semantic meanings of the code reflect the way in which the speech
community views itself and the world, i.e. its culture.
83
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
Comme on le voit, les échanges ne portent pas seulement sur l’état de santé,
mais également sur toute nouvelle intéressant les deux parties. Ici, il s’agit du
retour d’Abidjan au village d’un émigré36. Les échanges peuvent durer à loisir
36
Comme nous l’avons indiqué ailleurs, des millions de Burkinabè vivent en Côte-d’Ivoire. Il
est rare de trouver une famille qui n’a pas de membre qui ne s’y trouve.
84
Chapitre 4. Les langues mooré et bisa
85
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
Quant à la métonymie, qui constitue une figure de voisinage (Bacry 1992), elle
assure également la même fonction de compréhension que la métaphore comme
on le verra ci-dessous. Mais elles sont différentes. Selon Lakoff & Johnson
(1985) et Bacry (1992), la métonymie utilise une entité pour faire référence à
une autre. Toutes les deux figures sont fondées dans notre expérience. À la
différence de la métaphore qui est basée sur un rapport de ressemblance, dans la
métonymie
86
Chapitre 4. Les langues mooré et bisa
4.5.3 L’euphémisme
L’euphémisme est un procédé d’expression courant dans toutes les langues
africaines. Il est une expression dont le sens véritable est différent du sens
apparent. L’euphémisme qui, étymologiquement selon Bacry (1992 : 105),
signifie parler sans prononcer aucune parole de mauvaise augure, se reconnaît
par l’effet qu’il produit : «rendre «supportable» l’expression d’une idée qui,
sans cela, serait désignée par un mot ou un tour considéré comme
«inconvenant»». L’utilisation des euphémismes en mooré et en bisa constitue
une réponse à une telle préoccupation. Pour des raisons culturelles, tout ce qui
touche au sexe et à l’activité sexuelle par exemple n’est pas exprimé de façon
explicite. En mooré on utilisera les termes %% («hanche»), &
(«devant»), 5 («bas-ventre») pour désigner le sexe, surtout chez la femme.
6 " , ( "
$ 8 / + + + 9 8 /
+ B / / 9 ' +
* B B
C ' $
B
Certaines réalités sont abordées de façon détournée par l’utilisation
d’euphémismes afin d’atténuer les effets négatifs qu’elles pourraient avoir. La
87
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
mort d’une personne est souvent annoncée par des euphémismes. Pour un
nouveau-né on dira en mooré et en bisa ce qui signifie
littéralement «il est reparti». D’une vieille personne, on dira en mooré
5 8il a manqué de la force ou du souffle», ou ( $ «il est absent», ou
encore . &* c’est-à-dire «il a répondu à l’appel des
ancêtres qui sont sous terre». En bisa, on dit couramment («il est
absent») ou également utilisé pour le nouveau-né, pour annoncer la
mort d’une vieille personne.
Certains de ces euphémismes, au-delà de leur effet d’atténuation du
message, véhiculent également une vision du monde. En disant, par exemple,
qu’une vieille personne a répondu à l’appel de ses ancêtres, ou qu’un nouveau-
né est reparti, on exprime également sa vision de la mort et de la vie. On n’a vu
que dans les croyances bisa et mossi, il existe une symbiose entre le monde des
vivants et celui des morts, et que la mort, loin d’être une fin marque le début
d’une autre vie. Par ailleurs, le nouveau-né est perçu comme l’incarnation d’un
ancêtre. À sa naissance, l’enfant est appelé (étranger) pour marquer son
appartenance au monde invisible. Une telle conception permet aux Mossi ou
aux Bisa de dire qu’un nouveau-né, «l"étranger», «est reparti» au lieu de dire
qu’il est mort.
L’utilisation d’euphémismes en mooré et en bisa a non seulement une
valeur stylistique incontestable, mais également constitue la preuve d’une
maîtrise de la langue et d’une bonne connaissance de la culture, indispensable à
la réussite de l’acte de communication. Les proverbes qui remplissent les
mêmes fonctions que les euphémismes dans la communication dans la culture
mossi et bisa vont à présent retenir notre attention.
4.5.4 Le proverbe
Les proverbes font partie d’un genre oral appelé ( M ( M '
en mooré ( M selon Sissao 2000 : 145-6),
Nous suivons certains comme Conenna (2000) et Anscombre (2000) qui ne font
pas de distinction entre proverbe, adage, diction et locution proverbiale, car les
limites entre les phénomènes qu’ils désignent sont floues. Ils préfèrent
consacrer à tous le terme «proverbe» que Conenna (2000 : 29) définit comme
étant «un cas particulier de phrase figée qui se caractérise par des traits
rythmiques, métaphoriques et sémantico-pragmatiques».
88
Chapitre 4. Les langues mooré et bisa
Mooré
1. C ( 8la vie est un étranger». Ce proverbe véhicule une concep-
tion métaphysique de la vie en tant que dépendante de forces surnaturelles,
en l’occurrence Dieu. Il insiste sur le caractère éphémère de la vie. Sa
citation peut motiver davantage dans toute entreprise humaine.
2. C 5 & ( $ 8 e malheur ne descend pas sur un
arbre, il descend sur l’être humain». Ce proverbe inscrit l’infortune, y
compris la maladie et la souffrance, dans la nature humaine. Il cherche à
amener l’homme à faire face à toute situation difficile qui pourrait conduire
au désespoir.
3. . , 5& «c’est sauterelle par sauterelle que l’on remplit la
gibecière». Ce proverbe souligne l’importance de la persévérance en tant
que gage de succès dans toute entreprise humaine.
4. + * & * ( «si Dieu ne tue pas, le chef ne peut
pas tuer». Ce proverbe, profondément religieux et philosophique, est un défi
à toute sorte de pouvoir temporel. Il consacre Dieu en tant que l’être
suprême responsable de tout l’univers.
5. 2 . * ( «on ne saurait reconnaître des pieds
tordus immergés dans l’eau». Ce proverbe recommande la prudence dans
toute chose. Il conseille en particulier de ne pas parler de ce dont on ignore
l’existence ou de ce que l’on n’a pas vu.
Bisa
1. ?" «il existe quelque chose de mauvais au bas-ventre
de l’individu». Ce proverbe souligne l’impuissance des parents devant le
37
N’est-ce pas ce côté agréable et esthétique des proverbes dans l’art de la palabre que
souligne le narrateur du roman de Achebe (1958 : 6), lorsqu’il affirme que «Among the Ibo
the art of conversation is regarded very highly, and proverbs are the palm-oil with which
words are eaten» ? En tout cas, ils constituent un sujet de prédilection pour les écrivains et les
intellectuels africains qui ne manquent pas l’occasion de les exploiter.
89
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
90
Chapitre 4. Les langues mooré et bisa
91
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
38
Pour en savoir davantage, voir Nikièma (2000).
92
Chapitre 4. Les langues mooré et bisa
4.7 Le codeswitching
93
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
On peut supposer que les personnes qui ont le bisa comme langue
première sont en général polyglottes et possèdent des connaissances en
mooré et, éventuellement, en français. À l’opposé, il n’est pas évident
que ceux qui ont le mooré comme langue première – le français n’appa-
raissant quasiment pas comme première langue – soient compétents en
bisa.
The cruel reality is that few Burkinabè who have completed secondary
school can deliver a flawless speech in their mother tongue without
interspersing it with French words and phrases.
94
Chapitre 4. Les langues mooré et bisa
Pour Haust, cet exemple démontre la créativité avec laquelle les gens manient
les langues. En effet, dans cet énoncé, le locuteur a combiné le mot français
(mariage) avec l’auxiliaire pour construire un verbe. Le codeswitching ici
peut mieux exprimer la pensée du locuteur. En français, le verbe se «marier»
s’applique aussi bien à l’homme qu’à la femme. Mais, en bisa, il n’existe pas de
terme équivalent. Les expressions % (prendre une femme) ou ( %
(prendre un mari) ne recouvrent pas les mêmes réalités sociales et juridiques
que le terme «se marier». On l’a déjà vu, les emprunts, en mooré ou en bisa,
obéissent à la structure phonologique de ces langues. Cette adaptation concerne
également la structure de la phrase. En effet, selon Haust (1998 : 37), la
position interne des mots empruntés dans les phrases suit la syntaxe bisa.
Néanmoins, il ne faudrait pas se focaliser sur les aspects linguistiques du
codeswitching, dont l’utilisation relève de facteurs sociaux et psychologiques
plutôt que linguistiques.
Malgré la controverse qu’il provoque, le codeswitching constitue une
réalité manifeste dans le comportement langagier des Burkinabè. Il serait
intéressant de voir comment il est pris en compte dans la traduction au sens
large du terme (voir chapitre 1).
Nous n’avons pas la prétention d’avoir abordé tous les éléments relatifs à la
sémantique en mooré et bisa. Mais il est clair que les formules de salutations et
de politesse, les métaphores, euphémismes et proverbes qui constituent les
traits caractéristiques du mooré et du bisa sont des éléments clés de la commu-
nication, non seulement à cause de leurs effets stylistiques, mais également de
leur importance sémantique et sociale. Nous suivons Baker (1992 : 78), qui
établit un lien entre la lisibilité du texte cible en traduction et ces facteurs
stylistiques :
95
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
Dans l’analyse des langues cibles de notre corpus de traductions, nous serons
attentif à ces facteurs, à la langue en tant que moyen d’expression culturelle et
aux représentations de la santé, de la maladie et du corps comme le cadre
pertinent pour interpréter tout texte.
4.8 Conclusion
96
Chapitre 4. Les langues mooré et bisa
97
DEUXIÈME PARTIE
102
CHAPITRE 5
La traduction interlinguale, qui nous intéresse, est définie ici par Jakobson
comme l’interprétation de signes linguistiques sources par d’autres signes
linguistiques cibles.
Si l’on considère l’évolution de la réflexion et de la théorie, on se rend
compte que la traduction a été longtemps associée à la linguistique contrastive.
Parmi les premiers à formuler les théories linguistiques de la traduction les plus
connues, on peut citer Vinay et Darbelnet (1958), Mounin (1963), Catford
(1965). Mais avant de présenter ces différentes approches, il convient de
s’arrêter un instant sur ce que l’on entend par linguistique et sociolinguistique.
La linguistique a pour objet l’étude des connaissances que les sujets parlants
ont de la langue. À ce niveau Baylon & Fabre (1999 : 17) distinguent deux
conceptions de la linguistique qui s’opposent : la linguistique comme descrip-
tion des langues qui considère une langue comme un système de signes
linguistiques ; et la linguistique comme étude du fonctionnement du langage
en tant que système de règles. Selon la théorie linguistique de Chomsky, il
existe des traits généraux communs à toutes les langues que la grammaire
générative doit s’attacher à expliciter :
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
39
Nous utilisons ce procédé dans le sens de «back-translation» en anglais. Il consiste à
traduire littéralement un texte traduit dans sa langue source. Au chapitre 7, nous reviendrons
sur ce concept qu’il faut distinguer de retraduction au sens de «re-translation», qui veut dire
une nouvelle traduction d’un texte dont la traduction existe déjà.
104
Chapitre 5. Approches linguistiques et sociolinguistiques
2. La diarrhée est une maladie très fréquente : elle frappe surtout les enfants.
(Notre santé, p. 58)
E ( $ "" ( & $ % $ ( "5
"" L $ ;A
La diarrhée est une maladie qui attrape beaucoup les gens surtout les
petits enfants.
40
Il existe un dictionnaire spécialement conçu pour l'
Afrique : Dictionnaire du français
fondamental pour l'Afrique, paru en 1974.
105
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
106
Chapitre 5. Approches linguistiques et sociolinguistiques
107
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
Pour Catford, la traduction est une opération entre langues, c' est-à-dire un
processus de substitution d'
un texte dans une langue par un autre texte dans une
autre langue (1965 : 1). Cette conception de la traduction amène Catford à
poser l'équivalence comme étant au centre de la pratique et de la théorie de la
traduction :
108
Chapitre 5. Approches linguistiques et sociolinguistiques
109
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
110
Chapitre 5. Approches linguistiques et sociolinguistiques
Translators ... start from the meaning and carry out all translation
procedures within the semantic field. They therefore need a unit which is
not exclusively defined by formal criteria, since their work involves form
only at the beginning and at the end of their task. In this light, the unit
that has to be identified is a unit of thought, taking into account that
translators do not translate words, but ideas and feelings (Vinay &
Darbelnet 1995 : 21).
Les auteurs ne font pas de distinction entre unité de pensée, unité lexicologique
et unité de traduction. Une telle perception de la traduction, aussi pertinente
soit-elle du point de vue stylistique, montre les limites de l’approche
contrastive dans le cas de cultures différentes.
Cependant, cette approche comparative est sans doute intéressante
lorsqu’on veut confronter une traduction et son original en vue de faire ressortir
les caractéristiques des deux langues en présence. La méthode d’analyse de
Les sept procédés de traduction envisagés par Vinay & Darbelnet (1995 : 30-40) sont :
l’emprunt, le calque, la traduction littérale, la transposition, la modulation, l’équivalence et
l’adaptation.
111
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
notre corpus qui porte sur des traductions peut tirer des éléments de l’approche
de Vinay & Darbelnet pour décrire les langues en présence et les procédés de
traduction. La comparaison des énoncés 1 et 1a montre que la langue cible, le
mooré, emprunte à la source, le français, des termes comme «sida», «VIH» et
«HIV». Mais, on remarque que ces emprunts sont adaptés à l’orthographe
mooré, dont l’écriture est basée sur la phonologie. C’est ainsi que «VIH» et
«HIV» sont écrits comme on les prononce en mooré : «ve-i-ash» et «ash, I, ve».
La comparaison des structures syntaxiques de l’énoncé français et de l’énoncé
mooré permet de dire que le passif français «La maladie du SIDA est
provoquée par...» est rendu par un actif en mooré C
& que l’on peut traduire littéralement par
«C’est ce que les connaisseurs mêmes du grain de la maladie du sida ...c’est lui
qui amène la maladie du sida». Dans le chapitre précédent, on a vu que l’actif
constitue l’une des caractéristiques principales de la syntaxe des langues
africaines et qu’elles n’ont pas de forme passive qui utilise un auxiliaire comme
en français.
Les limites des approches essentiellement linguistiques, à l’instar de
celles de Catford et de Vinay & Darbelnet, montrent la nécessité d’une
approche pouvant rendre compte de la possibilité d’une théorie et d’une
pratique de la traduction prenant en compte le lien étroit entre langue et culture.
Cette nécessité a été vite perçue par certains linguistes, parmi lesquels Mounin,
dont nous allons présenter ci-dessous l’approche.
112
Chapitre 5. Approches linguistiques et sociolinguistiques
les langues – ou dans toutes les cultures exprimées par ces langues» (Mounin
1963 : 196 ; les italiques sont de l’auteur).
En ce qui concerne les systèmes linguistiques, il existe, selon Mounin,
des traits universels qui rendent la traduction possible pour peu que le
traducteur envisage une autre possibilité d’accéder aux significations des autres
visions du monde, à savoir la voie ethnographique. Mounin entend par
ethnographie «la description complète de la culture totale d’une communauté»
et la culture elle-même est considérée comme «l’ensemble des activités et des
institutions par où cette communauté se manifeste» (1963 : 233). La
connaissance de la culture de la langue source permet d’identifier les situations
communes à la culture de la langue cible et partant de rendre la traduction
possible. Pour Mounin, ce qui compte dans la communication, ce sont la
situation et les différences linguistiques notamment, qui, syntaxiquement,
relèvent de l’arbitraire du signe :
L’approche de Mounin est intéressante d’un double point de vue. D’abord, elle
constitue la réponse d’un linguiste à d’autres linguistes au sujet des questions
touchant à la traduction, en particulier de sa possibilité ou de son impossibilité.
Ensuite, son approche arrive à résoudre la question de la diversité des langues
par le biais des universaux tout en affirmant que culture et langue ont le même
poids dans la traduction. Pour Mounin (1963 : 236), la traduction nécessite la
connaissance de la langue et la connaissance de la culture dont cette langue est
l’expression.
Cependant, cette approche n’aborde pas des questions aussi pertinentes
que la fonction de la traduction. Cette remarque comporte deux aspects : d’un
côté, la typologie des textes et leurs fonctions et de l’autre côté la fonction que
l’on entend faire jouer à la traduction dans la culture de la langue cible. Une
théorie de la traduction ne peut éviter de s’interroger, d’une part, sur la
typologie des textes et de leurs fonctions et, d’autre part, sur la fonction de la
traduction dans la culture réceptrice.
Une autre critique liée à cette première concerne la situation comme le
seul invariant auquel se réfèrent le message en langue source et le message en
langue cible. Mounin passe sous silence l’hypothèse où la situation serait
différente. Les deux énoncés en français, dont l’un a été traduit en mooré et
l’autre en bisa servent d’exemples où langue source et langue cible
n’appartiennent pas à un même contexte culturel. Les énoncés français
appartiennent à une culture qui a une conception essentiellement biologique de
la santé, de la maladie et du corps, tandis que les énoncés mooré et bisa
appartiennent à une culture où la dimension sociale et surnaturelle est
dominante. Que faire à ce moment ? Faut-il conclure à l’intraduisibilité dans
113
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
114
Chapitre 5. Approches linguistiques et sociolinguistiques
Pour Nida, le traducteur doit avoir une approche générative de la langue, la clé
devant lui fournir le moyen de générer le texte cible :
Étant donné que les langues sont fondamentalement différentes les unes des
autres en ce qui concerne le sens des symboles qui la composent ou
l'
organisation de ces symboles eux-mêmes, Nida en conclut qu' il ne saurait y
avoir de correspondance absolue entre langues. C' est bien une telle approche
qui a conduit Nida à définir le processus de traduction comme suit :
115
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
Nida envisage deux types d' équivalence : l'équivalence formelle et l' équiva-
lence dynamique qui peuvent influencer la manière de traduire. L' équivalence
formelle accorde une importance à la forme et au contenu du message. Ce type
de traduction est tourné vers le texte source. Quant à l'équivalence dynamique,
dont Nida lui-même est partisan, elle vise à exprimer de la façon la plus
naturelle possible le message en prenant en compte la culture du destinataire du
message. Elle cherche à produire chez le destinataire du texte cible un effet
équivalent à celui produit chez le destinataire du texte source :
La théorie de Nida et son concept d' équivalence sont sans doute guidés par des
considérations pratiques et d' ordre religieux. En effet, pour que la mission
évangélisatrice puisse porter des fruits, la traduction de la Bible dans les
différentes langues est nécessaire. Les chances de succès seront d' autant plus
grandes que le message de Dieu est prêché dans une langue qui prend en
compte la culture des locuteurs de cette langue. Mais l’effet équivalent comme
visée de la traduction est problématique à cause justement de ce décalage
culturel, historique et même parfois géographique entre culture du texte cible et
celle du texte source42. Les énoncés mooré (1a) et bisa (2a) sont dans un
contexte déterminé des traductions satisfaisantes. Cependant, l’effet que ces
énoncés produiront sur les lecteurs mossi ou bisa ne sera pas le même que celui
des énoncés en français auront sur des Occidentaux ou des Burkinabè éduqués
dans la langue et la culture françaises. Les premiers ont des représentations de
la santé, de la maladie et du corps dominées par des conceptions métaphysiques
et n’ont jamais entendu parler d’un virus, tandis que les seconds sont
dépendants de systèmes de santé essentiellement basés sur des représentations
biologiques et scientifiques. Par conséquent, il n’est pas réaliste de demander
E
La pénétration du christianisme telle que représentée par la plupart des écrivains africains
atteste une telle problématique. Dans le célèbre roman de Achebe (1958 : 133) qui représente
la pénétration coloniale en Afrique, les missionnaires ont du mal à expliquer aux populations
la Sainte Trinité. La remarque du personnage principal, Okonkwo, concernant Jésus, fils de
Dieu, lors d’une séance d’évangélisation semble représentative du sentiment général de tout
le village. Elle montre la difficulté qui se pose lorsqu’on cherche à reproduire sur le public
d’un texte cible le même effet que sur le public du texte source : «You told us with your own
mouth that there was only one god. Now you talk about his son. He must have a wife then.»
116
Chapitre 5. Approches linguistiques et sociolinguistiques
43
Venuti estime que dans la culture anglo-américaine, les éditeurs, les critiques et lecteurs
jugent une traduction acceptable par sa transparence, c’est-à-dire lorsqu’elle se lit comme un
«original » : «A translated text ... is judged acceptable by most publishers, reviewers, and
readers when it reads fluently, when the absence of any linguistic or stylistic peculiarities
makes it transparent, giving the appearance that it reflects the foreign writer’s personality or
intention or the essential meaning of the foreign text – the appearance, in other words, that the
translation is not in fact a translation, but the “original”» (Venuti 1995 : 1).
117
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
118
Chapitre 5. Approches linguistiques et sociolinguistiques
compréhension du sens à celle qui se dégage des textes originaux. Une telle
démarche, que nous ne pourrons entreprendre, pourrait permettre de
reconstruire les stratégies qui ont prévalu lors du processus de la traduction et
de se faire ainsi une idée du rôle du traducteur.
Mais l’approche interprétative de la traduction, étant basée sur la théorie
du sens, ne tient pas compte des représentations culturelles qui déterminent le
sens. Cette approche qui accorde une place centrale au sens néglige non seule-
ment l’adaptation de la traduction au public cible, mais également ne s’intéresse
pas à la fonction de celle-ci.
2. La diarrhée est une maladie très fréquente : elle frappe surtout les enfants.
(Notre santé p. 58)
E ( $ "" ( & $ % $ ( "5
"" 5 ;A
La diarrhée est une maladie qui attrape beaucoup les gens, surtout les petits
enfants.
119
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
120
CHAPITRE 6
Reiss (1989 ; 2000), dans sa théorie des types de texte inspirée par celle de
Bühler (Mason 1998 : 32), reprend le concept d' équivalence qu'
elle élargit au
niveau du texte au lieu du simple mot ou de la phrase. Le but de la traduction
étant la communication, celle-ci se réalise au niveau de l'
équivalence du texte
dans son ensemble. Reiss distingue des types de texte auxquels correspondent
des fonctions spécifiques qui influencent la traduction. Ces fonctions sont
informative, expressive et appellative (Reiss 1989 : 108). Nous commen-
terons plus loin ces fonctions une fois que nous aurons présenté les
classifications que proposent d’autres auteurs comme Nord et Halliday.
122
Chapitre 6. Approches fonctionnelles et culturelles
Pour Reiss, la traduction doit respecter ces types de textes, de sorte qu'
une
traduction n'
est réussie que sous les conditions suivantes :
La principale critique que l'on peut faire à cette théorie de typologies de textes
est que non seulement elle accorde plus d’importance au texte source, mais
également elle ne prend pas en compte le fait que la différence entre ces types
de texte et leurs fonctions n’est pas toujours aussi nette. Il est vrai que Reiss
distingue dans un texte la fonction primaire de la fonction secondaire, et qu’elle
montre que la fonction du texte est représentée par celle qui domine parmi les
trois types de fonctions communicatives qu’elle évoque (1989 : 108).
Cependant, Munday (2001 : 76) note qu' un rapport d' activités classé par Reiss
comme informatif peut être également expressif, et avoir plusieurs fonctions
dans la culture source. Il peut être un texte informatif pour la direction d' une
société et servir de texte appellatif pour persuader les actionnaires et les
analystes du marché de la bonne gestion de la société. Dans cet ordre d’idées,
les énoncés en français et leur traduction en bisa et en mooré qui ont servi à
montrer les forces et les faiblesses des approches linguistiques sont, certes,
123
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
À la traduction comme action sera assigné un skopos ou but, qui est valable
aussi bien pour le texte source que pour le texte cible. Cependant, le texte
source s’adressant à un contexte culturel différent de celui du texte cible, les
deux textes ne poursuivent pas nécessairement les mêmes visées
communicationnelles. Par conséquent, il peut y avoir des divergences de
skopos entre les deux. Lorsque le skopos du texte cible est identique à celui du
texte source, Vermeer parle de «cohérence intertextuelle».
124
Chapitre 6. Approches fonctionnelles et culturelles
The skopos can also help to determine whether the source text needs to
be “translated”, “paraphrased” or completely “re-edited”. Such strategies
lead to terminologically different varieties of translational action, each
based on a defined skopos which is itself based on a specified
commission (Vermeer, 2000 : 231).
Un autre aspect non moins important de la théorie du skopos qui mérite d' être
mentionné est la place accordée au traducteur. Pour Vermeer (Venuti, 2000 :
229), tout comme Nord, le traducteur est le seul expert dans le processus de
traduction et, en tant que tel, il lui incombe la responsabilité de décider les
conditions dans lesquelles une traduction peut être réalisée. Mais l’originalité
de la théorie du skopos est l’importance accordée au texte et à la culture cibles
au détriment du texte et de la culture sources.
125
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
Dans la mesure où le modèle de traduction basé sur l’équivalence n' est pas
satisfaisant, Nord propose la théorie fonctionnelle du skopos qui envisage la
traduction dans le cadre de la communication interculturelle (1991). La
traduction est commandée par un client ou un «initiateur» qui sollicite les
services d' un traducteur parce qu' il a besoin d'un certain texte cible pour
communiquer avec un destinataire. Tout comme Vermeer, Nord estime que ce
n' est pas la fonction assignée par l' auteur du texte source qui détermine la
méthode de traduction comme le stipule la plupart des théories basées sur
l'équivalence, mais la fonction prospective ou le skopos du texte cible, tel que
défini par l'initiateur de la traduction (Nord, 1991 : 9). L’essentiel des avan-
tages d'une telle méthode est donné dans le passage ci-dessous (1997a : 47) :
Cette citation contient les propositions du modèle de Nord pour remédier aux
faiblesses des différentes théories basées sur l' équivalence. La théorie de Nord
diverge de celle de Vermeer qui l' a inspirée. Elle reproche à ce dernier de
vouloir retenir la fidélité comme relation entre le texte cible et le texte source.
Elle estime cette idée inconcevable, car autant la fonction du texte source est
déterminée par la culture source, autant la fonction du texte cible doit être
définie par la culture cible. Cette fonction n'
est pas nécessairement la même :
It seems only logical that the function of the source text is specific to the
original situation and cannot be left invariant or “preserved” through the
translation process. The function of the target text, on the other hand, is
specific to the target situation, and it is an illusion that a target text
should have automatically the “same” function as the original (Nord,
1997a : 49, les italiques sont de l’auteur)
126
Chapitre 6. Approches fonctionnelles et culturelles
Cette note qui définit le virus n’existe pas dans la traduction mooré parce que le
«terme» virus a été traduit par , «grain de la maladie», une périphrase
que le locuteur mooré n’aura pas de mal à comprendre. Cependant, vu
l’importance de l’information contenue dans la note, on peut se demander si
l’énoncé mooré véhicule le même contenu que l’énoncé français.
Cette remarque pourrait être faite au sujet de la traduction de «HIV (sigle
anglais)» par LRQEK * dans le même texte. On constate
l’utilisation d’un emprunt, en l’occurrence celui de «HIV» dans la traduction et
le remplacement de «anglais» dans «sigle anglais» par «américain» dans le
texte cible. Certes, l’anglais et l’américain sont des variétés de la même langue,
mais la décision d’opérer un tel remplacement dans la traduction ne relève
certainement pas du hasard. Dans ce cas tout comme dans celui de l’omission
de la note ci-dessus, seuls le but et la fonctionnalité de la traduction, comme
l’indique la théorie du skopos, permettent de l’analyser et de la juger.
127
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
What distinguishes discourse analysis from other sorts of study that bear
on human language and communication lies not in the questions
discourse analysts ask but in the ways they try to answer them ; by
analysing discourse – that is, by examining aspects of the structure and
function of language in use. (Johnstone, 2002 : 4)
Comme on le voit, en reprenant les termes de Saussure, on peut dire que l’objet
de l’analyse du discours n’est pas la langue mais la parole. Il convient de
relever qu’il existe une différence entre discours et texte. Adam (1990 : 23)
conçoit le discours comme un énoncé pouvant être caractérisé par des
propriétés textuelles, mais surtout comme un acte accompli dans une situation
donnée, tandis que le texte constitue un objet abstrait résultant de la
soustraction du contexte opérée sur l’objet concret, c’est-à-dire le discours.
Le discours comporte plusieurs genres qui reflètent les pratiques sociales
et culturelles. Trosborg (1997 : 6) cite comme exemples de genre les guides, les
128
Chapitre 6. Approches fonctionnelles et culturelles
Analysant la place du langage écrit de tous les jours, Halliday (1989) aboutit à
trois catégories de fonctions du langage, comme Reiss (6.2.). On remarquera
que la différence de leurs catégorisations est d’ordre terminologique, le fond
reste le même. Selon Halliday les fonctions du langage sont :
129
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
Halliday note que non seulement l' écriture et l'oralité ne répondent pas aux
mêmes besoins, mais que le langage connaît toujours deux types de variation :
la variété dialectale et la variété fonctionnelle. La variété dialectale provient des
différences sociales et géographiques dans une même communauté linguistique
qui n’entraînent pas de variation sémantique. Par conséquent, ce type de variété
ne constitue pas un obstacle à l’intercompréhension. En revanche, la variété liée
au registre est dite fonctionnelle parce qu’elle conduit à une variation
sémantique. La variété fonctionnelle est celle qui aura un impact sur les
récentes approches basées sur l’analyse du discours, des registres et des genres
de la traduction :
130
Chapitre 6. Approches fonctionnelles et culturelles
peuvent également être regroupées. Elles ont été qualifiées par Halliday et
Reiss respectivement de «divertissement» et d’«expressivité».
Par ailleurs, il existe des divergences en ce qui concerne le nombre de
fonctions de textes qui sont à l’origine des typologies de textes. Le schéma de
la communication verbale de Jakobson, représenté ci-dessus, en compte six
contre les trois dans les typologies de Reiss. Koller (1989 : 101-104),
s’inspirant également de Bühler, distingue cinq fonctions du langage :
dénotative, connotative, stylistique, pragmatique et esthétique. Nord (1997a :
50) en propose quatre, à partir d’une combinaison des modèles de Bühler et de
Jakobson : fonction référentielle, fonction expressive, fonction appellative et
fonction phatique.
Malgré la diversité des fonctions du langage et des types de texte ainsi
que des genres de discours, on ne doit pas perdre de vue le fait qu’ils
représentent surtout des pratiques discursives et des valeurs culturelles
occidentales. Cependant, les différentes catégorisations des fonctions du
langage et des types de texte des approches fonctionnelles de la traduction sont
intéressantes, car elles ont permis de dépasser la notion d’équivalence entre
texte cible et texte source et de mettre l’accent sur la fonctionnalité de la tra-
duction dans la culture réceptrice. Ces approches fonctionnelles sont perti-
nentes pour l’analyse de notre corpus à cause de cette idée de fonctionnalité.
Mais, il faut rappeler tout de suite que nous ne sommes pas en parfait accord ni
avec Vermeer ni avec Nord, puisque ces derniers estiment que la fonctionnalité
de la traduction est déterminée par son skopos, tandis que notre hypothèse est
que celle-ci dépend des normes et des conventions socioculturelles de la langue
cible.
Nous allons aborder dans les sections suivantes les approches de la
traduction basées sur l’analyse du discours qui, tout comme les approches
fonctionnelles, ont été inspirées par la théorie de la communication et de
l’information.
131
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
sur les aspects du modèle d’analyse de Halliday qui ont inspiré l’approche de
Baker.
L’un des facteurs qui contribuent au sens dans le modèle de Halliday
(1985 : 288) et que Baker prend en compte dans son approche, est la cohésion.
Baker estime que, dans une certaine mesure, la cohésion crée le texte :
Les marqueurs de cohésion sont les mêmes que relève Halliday (1985) : la
référence, la substitution, l’ellipse, la conjonction et la cohésion lexicale.
Cependant, ainsi que le montre Baker (1992 : 190) à partir d’exemples pris dans
plusieurs langues, chaque langue dispose de ses propres marqueurs de cohésion
qui doivent être pris en compte dans le processus de traduction ainsi que les
types de texte.
L’approche de Baker ne se limite pas à l’analyse linguistique du discours,
car elle tient compte de la pragmatique du discours qu’elle définit comme suit :
Cette attention accordée aux locuteurs de la langue constitue la preuve que les
approches théoriques de la traduction basées sur l’analyse du discours, des
registres et des genres peuvent être classées également parmi les approches
sociolinguistiques.
L’approche de Baker fait appel à deux notions pragmatiques, à savoir la
cohérence et l’implicature. La notion de cohérence est définie par rapport à la
cohésion. La dernière est perçue comme l’expression de surface de la cohéren-
ce. La cohésion porte sur les relations textuelles, tandis que la cohérence porte
sur les relations conceptuelles (1992 : 218). La cohérence d’un texte est le
produit de l’interaction entre les connaissances présentées dans le texte et les
connaissances et l’expérience du lecteur. Au bout du compte, nous dit Baker, la
cohérence n’est pas une propriété du texte parce qu’elle est le fruit du jugement
du lecteur (1992 : 222).
L’implicature est une notion empruntée à Grice. C’est le principe qui
permet au destinataire de récupérer l’intention du locuteur grâce au principe de
la coopération et aux maximes de la conversation. Grice pose en effet
l’hypothèse selon laquelle les comportements du locuteur dans la
communication sont coopératifs. Cette coopération de la part du locuteur est
sous-tendue par une conduite rationnelle, caractérisée par le respect ou la
violation ostensible de règles ou maximes conversationnelles (Grice 1975)
que sont la quantité, la qualité, la pertinence et la modalité ou la manière. La
132
Chapitre 6. Approches fonctionnelles et culturelles
Selon Baker, lors du processus de traduction, tout ce qui peut contrarier les
attentes des lecteurs cibles doit être examiné attentivement et au besoin ajusté,
afin d’éviter de produire de mauvaises implicatures ou du non-sens. Une telle
approche nous semble utile, compte tenu de notre hypothèse qui postule que la
fonctionnalité de la traduction est liée au respect des normes et des conventions
socioculturelles de la langue cible. La notion d’implicature, préconisée par
Baker, permet d’adapter la traduction à la sensibilité du public cible. Nous
donnerons des exemples en mooré et en bisa pour illustrer la limite des
maximes de Grice qui rend problématique la notion d’implicature dans le
contexte culturel mossi et bisa dans nos discussions sur les approches basées
sur l’analyse du discours, des registres et des genres à la suite de l’approche de
Hatim & Mason.
Hatim & Mason partent du fait que la cohésion et la cohérence incorporent les
éléments qui constituent la texture et la structure du texte. Le contexte, déjà
133
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
134
Chapitre 6. Approches fonctionnelles et culturelles
When a source text is situated towards the stable end of the scale, a fairly
literal approach may and often will be appropriate. That is, least
intervention on the part of the translator is called for – unless the brief for
the job includes different requirements. On the other hand, where the
source text displays considerable degrees of dynamism, the translator is
faced with more interesting challenges and literal translation may no
longer be an option (Hatim & Mason 1997 : 30-31).
Les approches basées sur l’analyse du discours, des genres et des registres
constituent sans doute un apport important à la traductologie. Elles présentent
des avantages multiples qui pourront servir à l’analyse de notre corpus.
L’analyse des registres de langue peut permettre de s’assurer, comme l’indique
Baker, que le registre du texte cible correspond aux attentes des récepteurs.
Cette analyse peut permettre éventuellement de dégager des conclusions en ce
qui concerne les registres des deux langues, notamment les similarités et les
différences.
Au niveau textuel et structurel, l’analyse du discours permet de voir
comment deux langues, relevant de pratiques culturelles différentes comme
dans notre cas, assurent la cohésion et la cohérence.
La dimension sémiotique de l’approche de Hatim & Mason est
pertinente. En mettant le texte, qui relève du signe linguistique, en rapport avec
les autres signes, ils mettent en exergue, d’une part, la relation entre réalité et
langue, et, d’autre part, entre langue et culture. L’intertextualité qui permet
d’analyser l’interaction entre texte et contexte est un paramètre sémiotique. Il
exploite à la fois la signification socioculturelle potentielle de l’énoncé ainsi
que les pratiques socio-textuelles que sont les textes, le discours et les genres
(Hatim & Mason, 1997 : 18-19).
Les variables sociolinguistiques de pouvoir et de distance de Hatim &
Mason seront intéressantes pour analyser les rapports entre langue source et
langue cible. Elles permettront en particulier de savoir si la gestion du pouvoir
répond aux mêmes conventions rhétoriques et culturelles. Sinon, comment ces
différences sont-elles gérées dans la traduction ?
Quant aux reproches que l’on peut faire à ces approches, ils concernent
surtout les modèles dont elles s’inspirent et certaines notions qui semblent
ambiguës. En considérant le modèle de Halliday, dont les modèles d’analyse de
Baker et de Hatim & Basil s’inspirent, on se rend compte, comme l’indique
Halliday lui-même, qu’il a été conçu pour la langue anglaise et qu’il ne saurait
s’appliquer sans discrimination à toutes les langues, surtout en Afrique où
135
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
beaucoup de langues n’ont guère une longue tradition de l’écriture. Dans les
cultures à tradition orale, comme celle des Mossi et des Bisa, les distinctions
entre genres et registres n’ont pas la même pertinence que dans le monde
occidental, où l’écriture occupe une place importante dans la communication.
En ce qui concerne le principe de coopération et les maximes
conversationnelles de Grice que Baker utilise, ils semblent a priori pertinents,
surtout pour des langues comme le mooré et le bisa qui restent dominées par la
tradition orale. Certes, Baker se montre réservée quant aux maximes, mais elle
soutient que le principe d’implicature est universel. Cependant, elle reste
confuse quant à la manière dont cette question doit être abordée dans la
traduction en tant que communication interculturelle. Cette notion
d’implicature devient problématique d’une culture à l’autre. Dans la culture
mossi et bisa, par exemple, il est de notoriété que le malade, quel que soit son
état, ne doit jamais céder à la douleur. Aussi doit-il toujours dire qu’il se porte
mieux. Dans le chapitre précédent, nous avons montré l’importance des
formules de salutations et de politesse dans la communication. On a vu que
& ( ( en mooré qui
signifient «il y a la santé» ou «tout va bien» ne traduisent pas toujours l’état de
santé réel. L’implicature, dans ces conditions, peut-elle être d’un secours au
traducteur face à une paire de langues aussi différentes, comme le français ou
l’anglais, et une langue africaine comme le bisa et le mooré ? En effet, dans ces
exemples ci-dessus, la récupération de l’intention du locuteur ne dépend pas de
l’implicature, résultant du principe de coopération et des maximes
conversationnelles, mais des conventions socioculturelles. Sans une
connaissance des pratiques discursives et culturelles bisa et mossi, on peut
accuser le locuteur dans & $ ( ( de ne
pas respecter le principe de la coopération et de violer les maximes
conversationnelles, en particulier les maximes de la quantité et de la
pertinence44.
La notion de pouvoir utilisée par Hatim & Mason, malgré son intérêt, est
également source de confusion. Elle semble évacuer l’éternel problème du
statut du traducteur. Le pouvoir ou l’absence de pouvoir se pose-t-il dans les
mêmes termes pour l’auteur du texte source que pour le traducteur, surtout
lorsque la traduction concerne des langues n’ayant pas le même prestige et
qu’elle se déroule dans un contexte socio-économique défavorable ? Cette
question du pouvoir du traducteur est liée en partie à son statut. Delisle &
Woodsworth (1995) montrent que celui-ci, qui a connu des fortunes diverses à
travers l’histoire, est tantôt associé à une image positive, tantôt à une image
négative. En ce qui concerne l’Afrique, selon Nama (1993) et Bandia (1998),
contrairement au griot, son précurseur qui jouissait d’un statut privilégié, le
traducteur est très souvent un fonctionnaire dont les mérites ne sont pas
44
Les maximes de la quantité, selon Grice (1975 : 45), sont :
«1. Make your contribution as informative as is required (for the current purposes of the
exchange).
2. Do not make your contribution more informative than is required. »
Quant à la pertinence, elle se résume en une seule maxime «Be relevant» (Grice 1975 : 46).
136
Chapitre 6. Approches fonctionnelles et culturelles
Il faut donc constater que la lecture directe des dessins ne résulte pas
tellement du fait qu’ils représentent la réalité, mais du fait qu’en vivant
dans une société, on apprend dès la petite enfance, tout une série de
codes sociaux, pour pouvoir comprendre les messages non verbaux, au
même titre que les messages verbaux. La facilité de les apprendre résulte
pourtant du fait que malgré tout, ces conventions sociales reposent sur
l’idée de ressemblance, plus ou moins poussée, entre le signe et la réalité
observable (les italiques sont de l’auteur).
137
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
avons utilisés jusque-là pour illustrer certaines de nos analyses sont tirés de
textes qui s’intitulent respectivement «La diarrhée» (Notre santé...p. 58) et
«Qu’est-ce qui provoque le Sida ?» (Mon livret sida, p. 11). Ces textes sont
accompagnés de dessins. Sur la page qui suit «La diarrhée» se trouve un dessin
qui représente un enfant en train de faire des selles liquides, caractéristiques de
la diarrhée. On y trouve également des plats, contenant certainement des
aliments, et une jarre d’eau recouverte sur laquelle il y a un gobelet, qui sert à
boire. «Qu’est-ce qui provoque le Sida ?» est un texte qui explique que la
maladie du sida est causée par le virus du sida (VIH). Ce texte est précédé d’un
dessin qui visualise le virus du sida.
Nous reproduisons ci-dessous le premier dessin qui représente la scène
où l’enfant fait la diarrhée. Nous présenterons le deuxième dessin au cours de
l’analyse de notre corpus (chapitre 9).
138
Chapitre 6. Approches fonctionnelles et culturelles
étude, que deviennent les signes visuels dans la culture cible ? Peut-on parler
de traduction intersémiotique ? L’analyse de notre corpus permettra d’apporter
des éléments de réponse à ces questions.
Maintenant, nous allons terminer notre aperçu des théories de la
traduction par deux approches qui se complètent : la théorie du polysystème et
les approches culturelles.
139
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
A text position (and function), including the position and function which
go with a text being regarded as a translation, are determined first and
foremost by considerations originating in the culture which hosts them
(Toury 1995 : 26).
140
Chapitre 6. Approches fonctionnelles et culturelles
Pour Toury, la soumission aux normes du texte source permet de dire qu' une
traduction est adéquate par rapport au texte source, tandis que la soumission
aux normes de la culture cible détermine son acceptabilité. Ce sont les normes
qui déterminent également le type et le degré d' équivalence de la traduction
(Toury 1995 : 61). Comme on peut le constater, à la différence des partisans de
la théorie fonctionnelle du skopos, Toury ne rejette pas l'équivalence comme
visée du processus de traduction. Cependant, il tient à distinguer son
interprétation de l'équivalence des concepts prescriptifs traditionnels en
adoptant une approche non prescriptive :
Pour Toury, les normes sont spécifiques à chaque culture et elles sont instables.
Il existe des pressions sociales pour contraindre l' individu à se conformer aux
normes, qui connaissent des changements perpétuels. Toury en conclut qu' il
n'est pas toujours facile aux différents acteurs impliqués dans la traduction
(traducteurs, éditeurs, consommateurs...) de se plier à ces normes. Dans une
société, nous dit Toury (1995 : 62), il n' est pas rare de voir trois types de
normes, ayant chacun ses partisans, qui rivalisent les uns pour occuper une
position centrale dans le système, et les autres, c' est-à-dire les vestiges des
anciennes normes et les éléments des nouvelles, gravitant dans la périphérie du
système.
Il est possible, selon Toury, de procéder à une reconstruction des normes
ayant dicté la traduction d' un texte donné en vue de proposer des «lois» de
traduction de portée générale. Pour cela, il existe deux types de source :
1) l'analyse des textes, qui constituent les produits d' une activité obéissant à des
normes, permet de décrire une régularité de comportement en comparant des
segments du texte source et du texte cible afin de déterminer les normes qui ont
prévalu pendant le processus de traduction. Le traducteur peut s’être soumis
aux normes du texte source ou à celles du texte cible. Les conséquences
respectives seront adéquation à la culture source et acceptabilité dans la culture
cible ;
2) les déclarations faites par les traducteurs, les éditeurs, les professionnels de
la traduction... concernant les normes.
Les lois que révèle l' analyse de textes d'origines culturelles différentes
sont de deux ordres : la normalisation et l' interférence. La normalisation, qui est
141
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
142
Chapitre 6. Approches fonctionnelles et culturelles
a) Le modèle St-Jérôme
Selon ce modèle, la traduction doit reproduire le plus fidèlement possible le
texte source pour être l’équivalent de l’original. Cette perspective, influencée
143
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
They [translators] are free to opt for the kind of faithfulness that will
ensure, in their opinion, that a given text is received by the target
audience in optimal conditions (Bassnett & Lefevere 1998 : 3).
b) Le modèle Horace
Dans ce modèle, la négociation est centrale. La négociation a lieu, d’une part,
entre deux clients et deux langues, lorsqu’il s’agit d’une traduction orale et
d’autre part, entre le commanditaire et deux langues pour la traduction écrite.
La négociation exclut le type de fidélité déterminé par l’équivalence.
Cependant, dans le modèle Horace la négociation est biaisée parce qu’elle ne se
déroule pas dans un contexte d’égalité. C’était par le passé le cas pour le latin,
qui occupait une position de prestige par rapport aux autres langues
européennes. Aujourd’hui, c’est l’anglais qui domine le monde :
The negotiation is, in the end, always slanted toward the privileged
language, and that negotiation does not take place on absolutely equal
terms (Bassnett & Lefevere 1998 : 4).
Le modèle Schleiermacher
Dans ce modèle, Bassnett et Lefevere introduisent une nouvelle notion, celle de
capital culturel qui permet de voir comment la traduction participe à la
construction culturelle. Pour Levefere (1998 : 43) “cultural capital is what
makes you acceptable in your society at the end of the socialization process
known as education”. Le capital culturel, à travers l'élaboration de stratégies,
permet aux textes d' une culture donnée de «pénétrer» les grilles textuelles et
conceptuelles d' une autre culture et de fonctionner dans celle-ci. Le modèle
Schleiermacher privilégie l’exotisme («foreignising») de la traduction comme
moyen de refuser la position dominante de la culture et de la langue cibles dans
le but de préserver l’altérité du texte source.
Comme indiqué plus haut, pour Bassnett et Lefevere, ces modèles ne sont pas
exclusifs. Il ne s’agit pas non plus pour eux de préconiser un retour à ces
approches classiques, mais de montrer qu’elles sont pertinentes dans la
144
Chapitre 6. Approches fonctionnelles et culturelles
45
Lefevere (1998 : 48) définit l’idéologie comme suit : “Ideology, the conceptual grid that
consists of opinions and attitudes deemed acceptable in a certain society at a certain time, and
through which readers and translators approach texts”.
145
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
146
Chapitre 6. Approches fonctionnelles et culturelles
C * & O .. P LEQRK
$ O $ Q$ P LRQEK * $( ( &
S
147
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
On pourrait ainsi leur faire le reproche inverse qu’ils font aux approches
linguistiques. Autant la culture exerce une influence sur la langue, autant la
dernière sert de moyen d’expression à la première. Sans le langage, il serait
difficile de parler de la culture.
La critique que fait Bassnett aux théories développées jusque-là est
qu'elles sont des produits européens qui ne tiennent pas compte des autres
réalités (Lefevere et Bassnett, 1998 : 128). Autant il est nécessaire de tenir
compte des particularités de la langue et de la culture cibles, autant il faudrait
éviter des méthodes de traduction qui ne seraient valables que dans une culture
donnée. Susam-Sarajeva (2002) se montre encore plus critique à l’encontre de
la traductologie de façon générale. Elle utilise les termes «centre» et
«périphérie», en lieu et place du monde occidental et le reste du monde, pour
analyser la traductologie. Pour elle, les théories et modèles de traduction sont
développés au centre dans les principales langues internationales, en particulier
l’anglais, le français et l’allemand. Cette situation de la traductologie, selon
elle, reflète une domination économique et politique du Nord sur le Sud que
relève également Jacquemond (1992). Dans bien des cas, la périphérie sert de
terrain d’application et de validation de ces théories importées du centre,
assurant ainsi la domination de ces modèles. Les chercheurs issus de la
périphérie qui n’adoptent pas ces modèles ainsi que leurs langues et leurs
cultures d’origine sont marginalisés (Susam-Sarajeva 2002 : 201). Pour
inverser cette situation, selon elle, il est non seulement nécessaire de jeter un
regard critique sur la traductologie, qui ne sera possible que si les chercheurs de
la périphérie accordent un intérêt aux approches théoriques élaborées dans les
langues et les cultures périphériques. Même si une telle critique est fondée, le
caractère exclusif de la plupart des théories et modèles de traduction qui ne
prennent pas suffisamment en compte le facteur culturel, constitue un obstacle à
leur fonctionnalité. Nous reviendrons dans notre conclusion générale (chapitre
12.6.) sur la critique de Susam-Sarajeva.
Cet aperçu des différentes approches de la traduction révèle la
complexité de la traduction du fait qu’elle comporte des facteurs linguistiques
et extralinguistiques. Les différentes théories examinées montrent qu’aucune,
prise isolément, ne peut rendre compte de cette complexité. Au contraire, une
meilleure appréhension de la traduction nécessite une combinaison des
approches linguistiques, sociolinguistiques, fonctionnelles, communicatives et
culturelles. En outre, il est clair que la traduction pose des problèmes
philosophiques, psychologiques et psycholinguistiques que le cadre d’une telle
étude ne permet pas d’aborder. Mais une démarche pluridisciplinaire ou
interdisciplinaire (Klaudy 2003 : 32) serait salutaire dans la mesure où il
n’existe pas de limite claire entre toutes ces différentes approches. On l’a vu, la
catégorisation des différentes approches relève parfois de l’arbitraire.
Aussi, dans l’analyse et l’interprétation des résultats de notre étude
portant sur un corpus de traduction médicale au Burkina Faso, adoptons-nous la
théorie fonctionnelle du skopos et la méthode d’analyse de Nord qui tiennent
compte de la traduction en tant que communication interculturelle, comportant
des facteurs linguistiques et extralinguistiques. Dans la mesure où culture et
148
Chapitre 6. Approches fonctionnelles et culturelles
149
CHAPITRE 7
1. il s’agit d’un modèle qui s’inscrit dans le cadre des approches fonctionnelles
de la communication verbale. La traduction est perçue comme un acte de
communication ;
2. le processus de traduction est orienté vers la culture du texte cible. La
traduction est déterminée par sa fonctionnalité et non par son équivalence au
texte source ;
3. la théorie du skopos valorise les traducteurs. Elle leur confère le «prestige of
being experts in their field, competent to make purpose-adequate decisions
in full responsibility towards their partners» (Nord 1997a : 46) ;
4. la théorie fonctionnelle du skopos s’applique à tout type de traduction : «It
is practical because it can be applied to any assignment occurring in
professional translation practice» (Nord 1997a : 47).
L’initiateur
Nord établit une distinction entre initiateur et producteur de texte. Le premier
se sert d’un texte pour transmettre un message, tandis que le second a pour
responsabilité d’écrire le texte conformément aux instructions de l’initiateur
(Nord 1991 : 43). Pour Nord, la situation du traducteur est comparable à celle
du producteur de texte qui doit non seulement suivre les instructions de
l’initiateur de la traduction, mais également se conformer aux normes et aux
règles de la langue et de la culture cibles. Les questions suivantes permettent
d’avoir des informations sur l’initiateur du texte :
L’intention de l’initiateur
L’intention de l’initiateur concerne la fonction que celui-ci envisage de faire
jouer au texte. Elle est importante parce qu’elle influence le fond et la forme du
texte. Les questions suivantes renseignent sur les informations relatives à
l’intention de l’initiateur :
152
Chapitre 7. Méthode d’analyse et stratégies de traduction
Le destinataire
Le destinataire est considéré comme le facteur le plus important dans les
approches fonctionnelles de la traduction. Dans la mesure où il diffère du texte
source au texte cible, l’analyse permet d’avoir des informations sur ses attentes.
À cet égard, les questions suivantes sont pertinentes :
Le moyen de communication
Le moyen de communication réfère au véhicule ou au support utilisé pour faire
parvenir le texte à son destinataire. Il influence aussi bien sa réception que sa
production. Les réponses aux questions suivantes fourniront des informations
sur le moyen de communication du texte :
153
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
a) L’espace
Les informations sur le lieu de production d’un texte constituent une source
d’informations, entre autres, sur les origines culturelles de l’initiateur et/ou du
destinataire, le moyen de communication du texte, etc. Les questions que le
traducteur doit se poser en ce qui concerne les informations sur le lieu de
production du texte sont les suivantes :
b) Le temps
Le facteur temps est important dans la compréhension d’un texte, car la langue
évolue dans le temps. Ce facteur temps influence les types de texte. Pour avoir
des renseignements sur le temps de la communication, le traducteur doit se
poser les questions suivantes :
154
Chapitre 7. Méthode d’analyse et stratégies de traduction
Starting from the idea that the communicative situation (including the
communicators and their communicative aims) determines the verbal and
nonverbal features of the text, we may assume that the description of the
situational factors defines the slot into which the text should fit. This
applies to both source and target texts (Nord, 1997 : 59).
155
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
Le sujet
Le sujet porte sur ce dont l’émetteur dans une situation de communication
parle. Pour être situé sur le sujet, le traducteur doit se poser les questions
suivantes :
S’agit-il d’un seul texte source cohérent sur le plan thématique ou au contraire
s’agit-il d’une combinaison de textes ?
Quel est le sujet du texte ou de chaque composante de la combinaison de
textes ? S’agit-t-il d’une hiérarchie de sujets compatibles ?
Est-ce que le sujet contenu dans l’analyse interne correspond à l’attente suscitée
par l’analyse externe ?
Le sujet est-il verbalisé dans le texte ou dans l’environnement du texte (titre,
chapitres, sous-titres, introduction, etc.) ?
Le sujet dépend-t-il d’un contexte culturel particulier ?
Les conventions de la culture du texte cible nécessitent-elles que le sujet soit
verbalisé dans ou en dehors du texte ?
Le contenu
Le contenu renvoie à la réalité des objets et des phénomènes extralinguistiques.
Les questions suivantes permettent au traducteur de recueillir des informations
pertinentes sur le contenu d’un texte :
Comment les facteurs extratextuels sont-ils verbalisés dans le texte ?
Quelles sont les unités d’information dans le texte ?
Existe-t-il une différence entre la situation externe et la situation interne ?
Existe-t-il des lacunes dans la cohésion et/ou une cohérence dans le texte ?
Quelles conclusions peuvent être tirées de l’analyse du contenu en ce qui
concerne les autres facteurs intratextuels tels que les présuppositions, la
composition et les caractéristiques stylistiques ?
Les présuppositions
Elles concernent les facteurs relatifs à la situation de communication qui sont
présupposés connus par les parties prenantes à la communication. Les réponses
aux questions suivantes peuvent fournir des renseignements sur les
présuppositions :
À quel 0 + $ H
156
Chapitre 7. Méthode d’analyse et stratégies de traduction
La composition du texte
Le texte comporte une macrostructure comprenant un certain nombre de
microstructures. Les caractéristiques de la composition d’un texte dépendent de
son type, que l’on peut déterminer en se posant les questions suivantes :
Le texte source constitue-t-il un texte indépendant ou fait-il partie d’une plus
grande unité de rang supérieur ?
La macrostructure du texte est-elle indiquée par des signaux visuels ou autres ?
Le lexique
Le lexique couvre le dialecte, le registre et la terminologie. Le choix du lexique
est déterminé par des facteurs extratextuels et intratextuels. Les questions
suivantes permettent d’analyser le lexique :
Comment les facteurs extratextuels sont-ils pris en compte dans le lexique
(dialectes régionaux et sociaux, variétés historiques de langue, etc.) ?
Quelles sont les caractéristiques du lexique concernant l’attitude et le style de
l’émetteur ?
Quels sont les champs lexicaux représentés dans le texte ?
Existe-t-il des parties du discours (noms, adjectifs) ou des modèles de
formation de mots dont la fréquence dans le texte serait inhabituelle ?
Quel est le style du texte ?
157
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
La structure de la phrase
L’analyse de la structure de la phrase peut faire ressortir les caractéristiques du
sujet, la composition du texte et les traits suprasegmentaux du texte. Les
questions suivantes peuvent contribuer à l’analyse de la structure de la phrase :
Les phrases sont-elles longues ou courtes, comportent-elles des coordonnées ou
subordonnées ? Comment sont-elles reliées entre elles ?
Quel est le type de phrase utilisé dans le texte ?
L’ordre des éléments constitutifs de la phrase correspond-t-il à la structure
thème/rhème ? Existe-t-il des structures de focalisation ou des déviations par
rapport à l’ordre normal des mots ?
Existe-t-il une mise en relief du texte ?
Existe-t-il des caractéristiques syntaxiques telles les parallélismes, les
chiasmes, les questions rhétoriques, les parenthèses, etc. ? Quelle est leur
fonction dans le texte ?
Existe-t-il des caractéristiques syntaxiques déterminées par le destinataire, les
conventions du type de texte ou le moyen de communication ? Le skopos de la
traduction nécessite-t-il des adaptations ?
158
Chapitre 7. Méthode d’analyse et stratégies de traduction
Who transmits
to whom
what for
by which medium
where
when
why
a text
with what function ?
Mais pour des besoins didactiques, les réponses à cette liste de questions
deviennent prescriptives, car elles indiquent à l’étudiant traducteur comment
agir. En effet, les résultats de l’analyse permettent d’identifier la fonction du
159
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
Notre langue source étant le français, notre re-traduction se fera de nos langues cibles (bisa,
mooré) vers celle-ci. Ce qui est important à relever, c’est la littéralité de la re-traduction. En
fonction des besoins de l’analyse, nous donnerons l’original et/ou la re-traduction.
160
Chapitre 7. Méthode d’analyse et stratégies de traduction
d’analyse de Nord. Nous n’utiliserons que les éléments qui nous permettront de
résoudre notre problématique, à savoir comment interviennent les rapports
entre langue et culture dans la traduction médicale au Burkina Faso.
Au niveau des facteurs extratextuels, nous laisserons de côté le moyen de
communication, l’espace et le temps prospectifs de production et de réception.
Les informations relatives à ces facteurs nous semblent évidentes. En effet,
parmi les critères de sélection figure le moyen de communication, à savoir que
les documents écrits de notre corpus sont des traductions dont les documents
cibles et les documents sources sont disponibles. Mais nous ne manquerons pas
d’évoquer le moyen de communication lorsque nous allons comparer les
traductions aux documents originaux oraux en mooré et en bisa qui ne sont pas
des traductions. En ce qui concerne l’espace et le temps prospectifs de
production et de réception, il n’existe pratiquement pas de décalage temporel et
spatial entre documents sources et documents cibles. Il en est de même pour les
documents originaux oraux. On le verra, ils sont tous destinés au même espace
géographique et temporel. La principale différence réside dans la langue de
communication : le mooré ou le bisa pour le destinataire des documents cibles
et le français pour le destinataire des documents sources.
Au niveau des facteurs extratextuels, nous retiendrons : l’initiateur ou les
initiateurs, son (leur) intention, le destinataire, le motif de réception et de
production du texte et la (les) fonction(s). Les approches fonctionnelles et
culturelles montrent que le commanditaire (initiateur), le traducteur
(producteur) et la (les) fonction(s) que le texte remplit dans la culture cible sont
des facteurs déterminants dans le processus de traduction. L’intention de
l’initiateur, c’est-à-dire la fonction qu’il entend faire jouer au texte, peut
influencer le fond et la forme du texte. Quant au destinataire, dans la mesure où
dans la théorie du skopos il oriente la traduction, il est nécessaire d’avoir des
informations sur lui. Le motif de réception et de production des textes de notre
corpus a été indiqué au chapitre introductif comme étant de participer à
l’amélioration de la santé des populations cibles à travers l’information et la
sensibilisation. Mais les audiences visées par les textes sources et les textes
cibles étant différentes, il y a lieu de s’interroger sur le motif de leur production
et de leur réception.
En ce qui concerne les facteurs intratextuels, ils sont tous importants
pour l’analyse de notre corpus. Si l’on considère le sujet tout comme le
contenu, on se rend compte qu’ils sont à l’origine matérielle même du texte.
Autrement dit, il est difficile de concevoir un texte sans un sujet et un contenu
sur lesquels porte la communication verbale. La manière d’aborder le sujet
nécessite de se poser la question de savoir si le destinataire a besoin de
connaissances présupposées pour que la communication puisse avoir lieu.
Quant à la composition, aux éléments non verbaux, au lexique, à la
structure de la phrase et aux caractéristiques suprasegmentales, ils sont surtout
déterminants dans la transmission du message. Ce sont des facteurs qui relèvent
du discours. Dans la mesure où le discours est le résultat de pratiques sociales
et culturelles, ces facteurs peuvent nous fournir des informations sur les
rapports entre langue et culture dans notre corpus.
161
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
Nous pouvons récapituler les facteurs que nous avons retenu d’analyser
comme suit :
a) facteurs extratextuels : initiateur(s), intention de l’initiateur ou des
initiateurs, destinataire, motif de réception et de production du texte, et
fonction(s) ;
b) facteurs intratextuels : sujet, contenu, présuppositions, composition,
éléments non verbaux, lexique, structure de la phrase et éléments
suprasegmentaux.
Selon Delisle et al. (1999 : 77), la stratégie de traduction est une stratégie
utilisée de façon cohérente par le traducteur en fonction de la visée adoptée
pour la traduction d’un texte donné. Elle «oriente la démarche globale du
traducteur à l’égard d’un texte particulier à traduire et se distingue des
décisions ponctuelles comme l’application des divers procédés de traduction».
Delisle et al. ajoutent que selon le cas, le traducteur peut adopter une stratégie
d’adaptation ou de traduction littérale. Il peut même changer le genre d’un texte
ou le modifier en fonction des besoins spécifiques des destinataires. En réalité
le concept de «stratégie» en traduction est complexe et difficile à cerner en
raison du flou qui l’entoure et de sa confusion avec les concepts de
«techniques», «procédés» et «tactiques» de traduction. Kraszewski (1998) va
même jusqu’à confondre fonction et stratégie dans sa classification qui
regroupe quatre stratégies de traduction, à savoir les stratégies information-
nelle, corrective, critique et prosélyte. Baker (1998 : 240) demeure vague,
quand elle affirme que «strategies of translation involve the basic tasks of
choosing the foreign text to be translated and developing a method to translate
it». Piotrowska (1995) distingue deux approches : l’approche méthodo-
logique, qui envisage les stratégies comme des outils didactiques pour
l’enseignement de la traduction, et l’approche cognitive, qui considère les
stratégies comme méthodes d’investigation du processus de traduction. En
raison de son objectif didactique, elle arrive à une définition qui concerne
surtout le processus de transfert du texte source vers le texte cible. Mais une
telle distinction ne semble pas pertinente, car ces deux approches peuvent servir
le même objectif didactique. Venuti (1995) distingue également deux approches
que nous avons déjà évoquées : la naturalisation (domestication) et l’exotisme
(foreignizing). Ces approches des stratégies de traduction qui mettent l’accent
sur le processus ne conviennent pas tellement à notre analyse, qui porte sur le
résultat ou le produit du processus de traduction. Dans la mesure où notre étude
est descriptive et critique, une approche pouvant permettre la reconstruction des
stratégies utilisées dans le processus de traduction est nécessaire.
162
Chapitre 7. Méthode d’analyse et stratégies de traduction
163
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
Lörscher ne dit pas que le problème doit être objectif ou pas – encore que
l’objectivité soit relative et difficile à atteindre. Si la clarification de cette
notion de problème semble pertinente dans le processus de traduction, elle ne se
pose pas dans les mêmes termes en ce qui concerne notre analyse qui porte sur
les produits du processus. En effet, notre objectif étant de comparer traduction
et original dans le but de reconstruire les stratégies de traduction utilisées par le
traducteur, c’est à partir d’une telle comparaison que nous pourrons identifier
les problèmes de traduction et leurs solutions.
L’application critique que Nord fait de sa méthode montre qu’elle a une
compréhension semblable à celle que Martin a de ces notions de stratégie et de
problème de traduction. Suite à l’analyse d’un texte d’une brochure touristique
en allemand (Nord 1991 : 219) et de sa traduction dans cinq autres langues
européennes (anglais, français, italien, espagnol et portugais), elle arrive à la
conclusion qu’aucune des traductions ne remplit les conditions exigées par la
fonctionnalité du texte et son orientation sur le destinataire :
A translation – oriented text analysis would have been helpful, above all,
for the solution of the following translation problems : translation of the
proverb (...) of polysemous SL words (...) of names of SC realities (...)
and of metaphors (...). The analysis of text function has made clear that
the recipient orientation is the fundamental factor of this text.
Accordingly, a consistent translation strategy for the whole text has to
take this into account (Nord 1991 : 231).
164
TROISIÈME PARTIE
Analyse du corpus
Introduction
En ce qui concerne l’analyse de notre corpus, il faut indiquer que pour des
raisons pratiques nous commencerons directement par la comparaison entre
documents cibles et documents sources, au lieu de présenter d’abord une
analyse du document cible et celle du document source avant de les comparer.
L’analyse séparée du document cible et du document source constitue un travail
préalable indispensable, dont cependant la présentation détaillée dans le cadre
d’un travail critique l’allongerait inutilement et conduirait à des répétitions qui
finiraient par ennuyer le lecteur.
Nous allons commencer par l’analyse du document traduit en bisa
(chapitre 8) qui porte sur l’hygiène, la santé de la mère et de l’enfant, et des
maladies courantes telles que le paludisme, les plaies et les brûlures. Les
chapitres 9 et 10 seront consacrés à l’analyse des deux traductions en mooré. Le
chapitre 9 porte sur l’analyse d’une traduction qui aborde exclusivement le
sida, maladie dont traite également la deuxième traduction en mooré, en plus
d’autres sujets tels que le mariage, l’excision et les IST (infections
sexuellement transmissibles). Le dernier chapitre de notre travail constitue une
comparaison entre les résultats de l’analyse des traductions et les résultats de
l’analyse des documents authentiques en mooré et en bisa qui ne sont pas des
traductions.
Dans la première partie de notre travail, nous avons montré clairement
les liens étroits qui existent, d’une part entre langue et culture et, d’autre part
entre communication et culture. La traduction en tant que communication
interculturelle n’échappe pas à cette réalité. Les représentations mossi et bisa de
la santé nous ont permis non seulement de montrer les influences réciproques
entre langue et culture, mais ont révélé également le caractère hétérogène,
dynamique et complexe de la culture. Les approches théoriques de la traduction
que nous avons abordées dans la deuxième partie révèlent que les théories qui
sont basées essentiellement sur des conceptions linguistiques de la traduction
sont problématiques, car elles peuvent aboutir à un échec de la communication,
le facteur culturel étant très important, surtout dans le type de texte destiné à
l’information et à la sensibilisation, comme dans les documents de notre
corpus. Seules les approches fonctionnelles et culturelles qui accordent la
priorité à la culture nous semblent efficaces pour décrire la traduction dans ses
aspects linguistiques et extralinguistiques. Notre méthode d’analyse que nous
avons présentée dans le chapitre 7 s’inspire de la méthode d’analyse de Nord,
qui, elle, est basée sur les approches fonctionnelles et culturelles, en particulier
la théorie fonctionnelle du skopos, qui a été abordée dans le chapitre 6.
Cette dernière partie de notre travail est cruciale, car notre méthode
d’analyse permettra d’examiner la fonction culturelle de la traduction et les
stratégies de la traduction utilisées dans notre corpus de traduction en mooré et
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
168
CHAPITRE 8
! "
" # $ % & ! &'
Un livret de l’agent de santé communautaire
8.1 Description du document cible et du document source
170
Chapitre 8. et Notre santé.
Un livret de l’agent de santé communautaire
faire une distinction entre initiateurs et producteurs. Le docteur Faivre, de par
sa fonction, et les institutions à l’origine du document source, sont difficilement
dissociables dans la mesure où ils interviennent tous dans le domaine de la
santé.
L’information concernant les initiateurs et les producteurs n’est fournie
qu’à la fin du document cible et du document source. Leurs noms ne figurent
pas sur la première page de la couverture comme le font la plupart des auteurs.
Une telle situation s’explique par le caractère scientifique du type de texte qui,
pour être objectif, nécessite l’effacement de l’auteur :
171
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
172
Chapitre 8. et Notre santé.
Un livret de l’agent de santé communautaire
Cette fonction de modernisation s’applique en fait à l’ensemble des traductions
de notre corpus.
Il est possible d’attribuer plusieurs skopos au présent document cible et
au document source. En effet, on peut les considérer également comme des
manuels d’instruction qui dictent au lecteur la démarche à suivre pour être en
bonne santé. Au niveau du document source, l’autorité des producteurs et des
initiateurs est telle que la brochure peut être considérée sous cet angle. À ces
facteurs s’ajoute dans la traduction la forme impérative dans le titre du
document cible et dans celui de certains textes comme " ## ""
%& ' ( TU I V W, & , ,
&B Malgré l’utilisation de la première personne du pluriel qui constitue
une forme de politesse, la forme impérative ne demeure pas moins un ordre.
Une autre fonction – indirecte – peut être attribuée à la traduction, à
savoir celle de promotion de la langue et de la culture bisa, compte tenu de la
nature des institutions impliquées dans son initiation. En effet, l’INA et la SIL
étant connus au Burkina Faso pour leur rôle dans le développement des langues
nationales, et la traduction étant destinée à une audience bisaphone, on peut
supposer que le skopos de la traduction vise le développement de l’écriture et
de la lecture dans la culture bisa51 qui est jusque-là essentiellement orale.
Cependant, il faut indiquer que les typologies de textes résultent d’un
effet de dominante (Adam 1999 : 74), comme nous l’avons indiqué dans notre
chapitre sur les approches théoriques de la traduction. En effet, on relève non
seulement une diversité de catégorisations, mais également un même texte peut
remplir plusieurs fonctions. Cette traduction, ainsi que l’ensemble des
documents de notre corpus, a été sélectionnée sur la base de sa fonction
informative. L’analyse des facteurs extratextuels montre que même si cette
dernière constitue la dominante dans ce document peut
remplir d’autres fonctions. L’examen des facteurs intratextuels nous situera
davantage sur les fonctions du document cible et du document source.
173
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
cible. Les deux documents présentent une même composition qui est conforme
au sujet. Les thèmes abordés, tels que l’hygiène, l’eau, l’alimentation et les
comportements individuels ou collectifs, concernent tous la santé. Ces thèmes
comportent des sous-thèmes qui sont à leur tour abordés sous différents aspects
à travers des textes d’une page chacun, ce qui facilite leur lecture. Si nous
prenons, par exemple, le thème ( (pp. 18 -41), La
question / l’affaire de la santé de la mère et de l’enfant, dans le document cible,
on voit qu’il est subdivisé en plusieurs sous-thèmes :
174
Chapitre 8. et Notre santé.
Un livret de l’agent de santé communautaire
Pour la cohésion interne des différents textes, nous prendrons comme
exemple représentatif /" "" ' $ ' ' " % HTX (p. 20), Qu’est-
ce que nous allons faire, si le sang a diminué ? qui correspond à «Luttons
contre l’anémie» (p. 20) dans l’original.
/" "" ' $ ' ' " % H comporte trois paragraphes,
clairement délimités par des espaces. Les deux premiers paragraphes comptent
cinq lignes chacun et le dernier, la conclusion, une seule ligne. La première
phrase du premier paragraphe introduit le sujet, sous forme d’obligation :
3 - ! $ " % '
3 & & W, , & &
Cela veut dire que la femme en grossesse doit bien manger ou avoir une bonne
alimentation pour être en meilleure santé. En effet, dans la culture bisa le sang
est associé au corps idéal et à la santé. La deuxième phrase dans ce texte
explique que l’absence d’une bonne alimentation constitue une cause de
maladie. Les deux dernières lignes énumèrent une liste d’aliments susceptibles
d’améliorer la santé.
Le deuxième paragraphe décrit en ces termes une femme en grossesse,
dont «le sang aurait diminué» :
% 5 ## 5 ( % 5 ## $ ! (
(
5 ' 5 , & ,& 5 ' 5 5 ,
,&& &
Dans les deux dernières lignes, on apprend que l’apparition de ces symptômes
annoncent la maladie %$ absence ou manque de sang, qui peut être guérie
par des comprimés à avaler pendant un mois. Nous reviendrons sur ce texte
lorsque nous discuterons du lexique. Mais on constate que la cohésion entre les
différents paragraphes est assurée par la répétition lexicale, en l’occurrence la
répétition de ma, sang, au début de chaque paragraphe. Dans le texte source qui
comporte six paragraphes, la cohésion est assurée en plus de la répétition par
l’utilisation de déictiques. Le mot «anémie» qui figure dans le titre est repris
dans le premier paragraphe et dans les deux derniers qui font deux lignes
chacun. Quant aux déictiques, ce sont : «cette maladie» (deux fois), «la même
maladie» (1 fois). Le premier paragraphe, qui compte une phrase, définit
l’anémie et le second commence par «cette maladie». À ce stade de notre
analyse, on peut dire que le bisa et le français utilisent les mêmes moyens, en
particulier la répétition lexicale pour assurer la cohésion textuelle.
52
Ce texte se trouve en Annexe 1, Extrait 2.
175
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
V % ( ( $ (' $ ( "
Le manque / l’absence de sang est une mauvaise maladie qui peut
enlever le nez de quelqu’un.
Autrement dit, la maladie du manque de sang est une maladie qui peut tuer. Ce
texte illustre bien la multiplicité des fonctions du texte évoquée plus haut. S’il
n’y a pas de doute sur l’effet de dominante de la fonction informative, on
constate que l’explication, l’argumentation et la description dans certains
paragraphes constituent des moyens pour inciter le destinataire à l’action. Dans
ces conditions, on peut dire que le document cible, à l’instar de /" "" '
$ ' ' " % H a une fonction appellative. Une telle fonction
correspond aux objectifs de ce type de brochure qui se situe dans le cadre de la
communication sociale, dont le but est de changer le comportement des
membres de la collectivité pour l’intérêt du bien-être social.
Si l’on se limitait à certains facteurs extratextuels comme le destinataire
et le motif de production et de réception, on serait tenté de dire que la réception
et la compréhension du document cible exigent des connaissances préalables ou
des présuppositions. Mais, comme indiqué plus haut, même si l’intention de
l’initiateur réfère à un rappel des connaissances déjà apprises, ces dernières
sont accessibles à tout lecteur. En clair, la réception du document cible comme
celle du document source ne nécessite pas de connaissances préalables.
L’examen, ci-dessous, des éléments non verbaux et du lexique confirmera ce
constat.
Les éléments non verbaux sont frappants dans le document cible comme
dans le document source. Ce sont en particulier les illustrations sous forme de
dessins ou d’images. Ces illustrations, qui occupent autant d’espace que les
textes à proprement parler, sont les mêmes dans la traduction et dans l’original
à l’exception des dessins sur les couvertures. La première page de la couverture
du document cible reproduit un dessin illustrant une séance de vaccination (p.
44). Un agent de santé en blouse blanche se tient debout, tandis que des
femmes, à tour de rôle, passent pour faire vacciner leurs enfants. Par contre, sur
la couverture du document source apparaît une croix rouge, l’emblème de
l’organisation humanitaire du même nom dont la santé constitue l’une des
principales missions. Cette croix rouge qui symbolise la neutralité des services
d’aide médicale depuis la Convention de Genève (1949) donne au destinataire
une idée du contenu médical du texte. Nous verrons plus loin quelle
interprétation faire de ces différents dessins sur la couverture du document
cible et sur celle du document source.
176
Chapitre 8. et Notre santé.
Un livret de l’agent de santé communautaire
Cependant, la fonction des dessins demeure la même. En effet, les
illustrations cherchent à visualiser le contenu des textes qu’ils accompagnent,
afin de faciliter leur compréhension et leur mise en oeuvre par le public cible.
Chaque texte est suivi d’une image qui illustre son contenu. Par exemple, dans
le texte «Nous mangeons bien» (p. 6), on ne se contente pas de nommer les
aliments qui sont importants pour la santé, on les montre à l’aide de dessins.
Cette stratégie, basée sur le fait que les images sont «parlantes», est une façon
de s’assurer que le message sera bien compris. Plus qu’un support du texte, les
images, qui peuvent rester gravées dans la tête et l’esprit du lecteur, constituent
de véritables actes de communication, car elles véhiculent des messages que
l’on peut comprendre et interpréter indépendamment des textes qu’elles
accompagnent.
Mais ces illustrations peuvent s’analyser sous l’angle de la redondance
qui apparaît dans la relation entre le visuel et le verbal. La redondance constitue
une caractéristique de l’oralité au même titre que la structure de la phrase. Dans
la mesure où les dessins qui servent d’illustrations visualisent le contenu verbal
dans le document cible tout comme dans le document source, on peut parler de
redondance de l’information. Reprenons l’exemple de «Nous mangeons bien»
(p. 6) que nous venons de citer. Le texte évoque les différents aliments et leurs
valeurs nutritives pour le corps. Parmi les aliments qui «construisent» le corps,
nous avons la viande, le poisson, les oeufs, le lait, etc.
177
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
Le fait de représenter à la page suivante par des dessins ces mêmes aliments est
un redoublement de l’information par rapport au texte. Mais cette redondance
de l’information assure une fonction essentielle. Elle vise non seulement à
prévenir des difficultés de compréhension, mais elle a également une valeur
rhétorique d’insistance et de renforcement que Tomaszkiewicz (1999 : 202)
considère comme des traits de l’oralité :
E !% % %"
' % " "" $
$ & %" " I
178
Chapitre 8. et Notre santé.
Un livret de l’agent de santé communautaire
Les moustiques donnent le paludisme.
Nous nous protégeons des piqûres de moustiques
en dormant sous une moustiquaire en bon état (p. 46, les italiques sont de
l’auteur).
utiliser dans le texte d’arrivée un plus grand nombre de mots que n’en
compte le texte de départ pour réexprimer une idée ou renforcer le sens
d’un mot du texte de départ dont la correspondance en langue d’arrivée
n’a pas la même autonomie ;
179
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
;:
Nous adoptons la définition de Baker (1992 : 11) : “We can define the written word [...] as
any sequence of letters with an orthographic space on either side.”
;
La Sous-commission de la langue bisa a adopté, comme règle, d’écrire les mots composés
collés. Dans le titre, il s’agit clairement du nom (sang) + verbe " % au passé composé
' " % a diminué).
180
Chapitre 8. et Notre santé.
Un livret de l’agent de santé communautaire
Les termes techniques sont très peu utilisés dans le document source.
Lorsque c’est le cas, ils sont souvent définis lors de leur première utilisation.
Par exemple, dans le texte «Luttons contre l’anémie» (p.20), le terme «anémie»,
qui peut poser des problèmes de compréhension est défini dès les premières
lignes : «Quand une personne n’a pas assez de sang, elle a la maladie appelée
anémie». Dans le texte «L’eau sucré et salée est un remède contre la
déshydratation» (p. 56), le terme «déshydratation» est également défini dès les
premières lignes : «Il y a déshydratation quand le corps a perdu beaucoup
d’eau». Même lorsque les termes ne sont pas définis, le contexte permet de les
comprendre, comme dans le texte «Nous soignons nos plaies» (p. 64) :
Ces trois propositions, qui forment une même phrase, représentent deux types
de structure syntaxique : sujet (SN) + verbe (SV) + complément (SN) et sujet
(SN) + verbe (SV). Bien que la phrase comporte trois propositions, elle ne
comporte pas de subordonnants.
La cohérence de ce segment est assurée par un agencement syntaxique
sous-jacent. La première proposition % & ' $ Si
quelqu’un veut être en bonne santé, marque une hypothèse, la seconde
$ il faut, correspond à une expression d’obligation et la troisième, ' " %
( & " % $ que ces trois types d’aliments soient
parmi son alimentation, à l’obligation à remplir pour que l’hypothèse se réalise.
' " % ( & " % apparaît comme une suite
logique de la première phrase. La liaison de ces propositions est assurée par la
mise au mode subjonctif. Cette construction syntaxique est caractéristique des
181
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
phrases complexes dans toute la brochure. Cependant, il est à noter qu’il est
possible de supprimer expression de modalité, sans que ceci n’ait
une incidence sémantique sur le segment, parce qu’en bisa ' est un injonctif
qui, selon Vanhoudt (1992 : 496), s’emploie en outre pour exprimer une
obligation lorsque la phrase ne contient pas de verbe d’obligation.
La phrase que nous venons d’analyser constitue l’introduction au texte
intitulé " ## $ "" % & ' ( I Mangeons ce qui est
bon, si nous voulons avoir la santé. Elle correspond dans le texte source à :
«Pour être en bonne santé, nous mangeons trois sortes d’aliments» (p. 6).
Comme on le voit, la structure de cette phrase se caractérise par sa simplicité
syntaxique. Au lieu d’utiliser une structure élaborée du type «Trois sortes
d’aliments permettent d’être en bonne santé» ou bien «Pour être en bonne
santé, il faut manger trois sortes d’aliments», on met en juxtaposition deux
propositions qui se rapprochent beaucoup plus de la langue orale. En fait, cette
construction est représentative de la phrase type dans le document source où la
subordination n’existe presque pas. Nous reviendrons sur le style lorsque que
nous commenterons en fin de chapitre la stratégie globale de traduction qui
visiblement a été inspirée par la traduction par la simplification, méthode qui se
rapproche de l’oralité (voir chapitre 5. 2. pour plus de détails sur cette
méthode).
On remarque également au plan syntaxique la prédominance des
phrases à la forme active dans le document cible tout comme dans le
document source. Ceci reflète la structure syntaxique de la langue bisa et la
plupart des langues africaines qui n’ont pas de forme passive utilisant un
auxiliaire comme en français. Elles utilisent surtout des phrases à la forme
active. Ce sont des constructions qui ont l’avantage d’avoir plus de clarté par
rapport aux longues phrases complexes. On peut dire que pour des questions
aussi importantes que celles abordées dans cette brochure, toute stratégie
pouvant éviter des interprétations erronées, qui auraient des conséquences
néfastes sur la santé ou sur la vie, constitue une qualité. Mais dans le document
source la simplicité syntaxique provient sans doute du souci des producteurs
d’adapter le texte au niveau de connaissances linguistiques du destinataire.
Cependant, on constate dans le document cible la récurrence de la
forme interrogative dans les titres ou dans l’introduction de certains textes
comme dans les exemples ci-dessous :
182
Chapitre 8. et Notre santé.
Un livret de l’agent de santé communautaire
Rhetorical questions are used in many languages to signal the start of a
new subject, or some new aspect of the same subject. They tell what the
theme of the following information is going to be (Larson 1984 : 413).
55
Il n’est pas aisé de définir le ton d’un texte tant la notion de ton est vague. Il recouvre tantôt
le registre, tantôt l’intonation. Le ton (‘tone’) dans la méthode d’analyse de Nord (1991 : 122)
constitue un aspect de l’intonation : «Intonation comprises the particular «tone» a text is
spoken». En prenant l’exemple d’une traduction de la parabole de l’enfant prodigue Nord
(ibid.) montre qu’en adoptant un ton de conte de fée au lieu de celui d’un texte didactique
l’auteur non seulement diminue la crédibilité du texte mais également influence les autres
facteurs :
The way the text is assessed by the readers, and the intention as well as the
personality and authority of the sender, in so far as they are expressed in the text.
L’exemple de Nord permet de voir que le ton est différent selon qu’il s’agit d’un texte
didactique ou d’un conte de fée. Le ton d’un message peut être, par exemple, gai ou sévère.
Delisle et al. (1999 : 83) envisagent également le ton dans ce sens, car pour eux, le ton est la
«caractéristique d’un «discours» par l’emploi de divers procédés stylistiques et qui révèle
l’attitude de son auteur». Selon eux, le ton peut être humoristique, ironique ou polémique.
Dans la communication sociale, cadre dans lequel s’inscrivent les documents de notre corpus,
le succès de la communication dépend, entre autres facteurs, de son ton (voir Le Net 1993 ;
Kabré et al., 2003). Le Net montre que les messages moralisateurs ou autoritaires passent mal
tandis que les messages qui sont chaleureux et encourageants ont plus de chance de produire
l’effet désiré.
183
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
Les mots en italiques ont une valeur d’insistance. Dans ce texte précis, les
italiques constituent une manière de souligner et d’insister sur les rapports entre
les différents aliments cités dans le texte avec le corps. Tous les textes dans
l’original ont recours à cette typographie comme forme d’insistance.
De ce qui précède, on relève que la réalisation du ton autoritaire dans le
document cible est nettement plus marquée avec l’utilisation d’expressions
d’obligation comme $ 5 La typographie, en
particulier les italiques, a une fonction didactique dans le document source dont
le ton autoritaire provient surtout de la distance entre destinateur et destinataire.
Quels que soient les moyens utilisés pour réaliser ce ton autoritaire et formel,
on peut dire qu’il sied à l’occasion, quand on sait que, comme il est indiqué
dans le document cible (p. 74), les initiateurs et les producteurs du document
source sont / ( %%! "$ # ' $ % ##G$
' /, ? ( $ %$ $ le
service sanitaire du diocèse de Bobo-Dioulasso et le service en charge des
questions sanitaires du Burkina Faso basé à Ouagadougou. L’autorité
politique, scientifique et morale dont jouissent les initiateurs/producteurs du
document source explique son ton ainsi que celui du document cible.
La description du document cible montre que les facteurs extratextuels et
les facteurs intratextuels sont interdépendants et qu’ils s’influencent récipro-
184
Chapitre 8. et Notre santé.
Un livret de l’agent de santé communautaire
quement. Prenons un seul exemple : le destinataire. Il constitue un facteur
extratextuel, mais on voit très bien qu’il exerce une influence, non seulement
sur les autres facteurs extratextuels, mais également sur plusieurs facteurs
intratextuels qui ont été examinés : sujet, contenu, présupposions, composition,
éléments non verbaux, lexique, structure de la phrase et éléments supra-
segmentaux. Ces facteurs, à leur tour, éclairent les facteurs extratextuels.
Dans notre chapitre 2, consacré aux rapports entre langue et culture, nous
avons montré qu’il existe des différences entre la représentation biomédicale
des documents de notre corpus et les représentations traditionnelles bisa et
mossi de la santé, de la maladie et du corps. À présent nous allons porter notre
attention sur ces différences. Quelles sont les stratégies qui ont été employées
pour les surmonter ? Quelles sont les valeurs culturelles véhiculées par la
traduction ? Quelles explications et conclusions en tirer en ce qui concerne la
fonctionnalité de la traduction ?
8.3.1 Adaptation
L’adaptation représente un des sept procédés de traduction de Vinay &
Darbelnet (1995 : 39), qu’ils qualifient d’extrême limite de la traduction. En
tant que procédé de traduction, elle est utilisée pour traduire des concepts de la
langue source qui n’existent pas dans la culture de la langue cible. Mais, en tant
que stratégie de traduction, l’adaptation, selon Delisle et al. (1999 : 8), est une
stratégie qui donne préséance aux thèmes traités dans le texte de départ,
indépendamment de la forme. Cependant, elle divise les spécialistes. Certains la
rejettent parce qu’elle constitue une déformation du texte source. D’autres, au
contraire, parmi lesquels les partisans des approches fonctionnelles, estiment
que l’adaptation est déterminée par le skopos de la traduction. Nord (1991 : 28-
29), pour qui la fonctionnalité est le critère le plus important de la traduction,
envisage l’adaptation en termes de relation entre texte cible et texte source :
185
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
Nous avons déjà indiqué que le document cible et le document source ont
essentiellement une même fonction informative et que le skopos de la
traduction est compatible avec celui du document source. Dans ces conditions,
l’adaptation peut être perçue comme une stratégie pour surmonter les
différences culturelles en vue de préserver la fonction du texte.
Comme exemples d’adaptation nous prendrons les exemples suivants : la
croix rouge sur la première page de la couverture du document source
remplacée par un dessin de séance de vaccination sur celle du document cible et
le texte cible, «La nivaquine protège les enfants et les femmes enceintes contre
le paludisme» (p. 50), un texte très court dans l’original, qui donne lieu à un
texte nettement plus long dans la traduction (p. 50).
* B &
+ B
B l’information au contexte du destinataire. En effet, on peut penser
que le lecteur bisa n’ayant pas été à l’école formelle pourrait ne pas savoir ce
que la croix rouge symbolise. Par contre, la séance de vaccination, pour lui, a
un sens beaucoup plus explicite et concret. Dans la mesure où la vaccination
fait partie de la politique sanitaire du Burkina Faso, en tant que moyen de
prévention de la maladie et de préservation de la santé, ce dessin peut remplacer
valablement comme symbole de la santé la croix rouge, l’emblème de la Croix-
Rouge, associée à la santé. Une telle adaptation montre non seulement le
caractère culturel de l’image mais également son importance dans la
communication. Nous reviendrons ci-dessous sur l’explication du deuxième
exemple d’adaptation (8.3.2.). Ce procédé de traduction, utilisé dans notre
document cible, va de pair avec d’autres procédés de traduction dont les plus
importants sont l’ajout et l’omission.
8.3.2 Ajout
L’adaptation la plus significative dans le document cible constitue sans doute le
texte intitulé 2 $ ( $ " ( " $ - ! " $ La
nivaquine est un médicament qui protège les enfants et les femmes enceintes,
dans lequel figurent un certain nombre d’ajouts d’informations aboutissant à
une amplification qui, selon Szeflinska-Karkoeska (2001 : 444), «consiste à
augmenter le volume du texte d’arrivée par rapport au texte de départ». En
effet, par rapport au texte original de 3 lignes, indiquant l’importance de la
nivaquine pour la protection contre le paludisme, ce texte cible comporte 14
lignes. Son contenu dépasse de loin celui de l’origine, car il précise les
situations dans lesquelles il est conseillé de prendre la nivaquine. Mais il ne
186
Chapitre 8. et Notre santé.
Un livret de l’agent de santé communautaire
s’arrête pas là. Les deux dernières lignes semblent manquer de cohérence par
rapport au titre qui parle de la nivaquine en tant que moyen de protection contre
le paludisme, puisque ces deux lignes mettent en garde contre l’utilisation
abusive de la quinine, du quinimax, et de la quinoforme :
Les précisions sur l’utilisation de la nivaquine, tout comme cette mise en garde
contre l’utilisation de produits que n’annonçait pas le titre du texte original,
s’expliquent par le skopos ou but pédagogique de la traduction pour le lecteur
qui connaît la situation de communication du texte cible. Ces explications et
ces mises en garde sont jugées nécessaires dans un contexte où la propension à
consommer les médicaments est élevée et où l’automédication, largement
pratiquée, constitue un danger dont les autorités sanitaires et politiques sont
conscientes. L’automédication56, constate Sanon (1997), constitue l’un des
recours thérapeutiques pour diverses raisons, telles que les coûts de plus en plus
élevés des prestataires sanitaires, le phénomène des «médicaments de la rue» et
la dévaluation du franc CFA57 intervenue en janvier 1994. Cette mise en '
K '
+
qu’elles estiment plus efficaces. On peut l’interpréter également
comme une sensibilisation sur la nécessité de faire les injections dans les
formations sanitaires. Cette information extralinguistique permet de
comprendre ce segment qui peut sembler incohérent à première vue. En plus de
l’ajout, on rencontre également des exemples d’omission, qui ne font que
confirmer la stratégie d’adaptation adoptée par le traducteur.
8.3.3 Omission
Selon Delisle et al. (1999 : 60), l’omission est une faute de traduction qui
consiste à ne pas rendre dans le texte cible un élément de sens du texte source
sans raison valable. Une telle définition permet d’envisager l’omission comme
une solution à un problème ponctuel de traduction. Elle n’est une faute que
quand elle est sans raison. Le texte cible que nous venons de citer pour illustrer
le recours à l’ajout contient, paradoxalement, une omission qui n’est pas
motivée dans le titre. En effet l’original s’intitule «La nivaquine protège les
enfants et les femmes enceintes contre le paludisme». La traduction, tout en
comportant un ajout de définition, omet «paludisme» : 2 $ ( $
;I
Voir l’annexe où Docteur Kabré évoque également la question de
l’automédication.
57
CFA : représente le sigle de la société financière africaine, l’unité monétaire de la plupart
des anciennes colonies françaises d’Afrique.
187
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
188
Chapitre 8. et Notre santé.
Un livret de l’agent de santé communautaire
8.4 Caractéristiques et valeurs culturelles de la traduction
8.4.1 Caractéristiques
L’analyse des facteurs extratextuels nous a permis de conclure que la
promotion de la langue et des valeurs culturelles pouvait constituer le skopos
de la traduction. Mais les éléments stylistiques et sémantiques du document
cible ne semblent pas confirmer cette fonction culturelle à laquelle l’on
pouvait s’attendre de la traduction, car elle ne reflète pas les caractéristiques de
la culture bisa, évoquées plus haut. Les formules de salutation et de politesse,
les proverbes, les métaphores et les euphémismes constituent, entre autres, les
ingrédients de l’art de la palabre et de la communication en Afrique. Leur
maîtrise et leur maniement ne sont pas aisés58. Ces éléments caractéristiques de
la culture bisa étant presque absents du document cible, on peut conclure qu’il
y a une perte ou un appauvrissement du bisa au plan stylistique et culturel, à
travers cette simplification du vocabulaire et de la syntaxe, qui serait carac-
téristique des cultures orales.
L’effet du style du document cible risque en outre de créer chez le lecteur
adulte bisa un sentiment d’infantilisation pouvant le détourner de la fonction
informative du texte, pourtant essentielle. Ce sentiment se trouve renforcé par
les illustrations sous forme de dessins qui ressemblent à des bandes dessinées
surtout prisées par les enfants à cause de leur fonction essentiellement ludique :
, p. 45
;A
La fiction se fait l’écho de l’utilisation de ces figures de style, en particulier les proverbes.
Dans le roman de Achebe (1958 : 6), on assiste à une scène entre deux personnages, Okoye et
Unoka, au domicile du second. Après le temps des échanges de formules de politesse entre les
deux personnanges, «Okoye», selon le narrateur, «said the next half a dozen sentences in
proverbs.»
189
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
190
Chapitre 8. et Notre santé.
Un livret de l’agent de santé communautaire
It is my conviction that the language structure suggests one important
thing, there is difference between the ideas current in African societies,
and the more scientific theories promulgated by NGOs and governments.
The conceptualisation of illness seems somewhat similar among various
African societies. There is an interesting commonality in the way African
societies interpret illness.
% 5 ## ! ( ( EJ
Son corps n’a pas la force pour lutter contre la maladie.
191
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
192
Chapitre 8. et Notre santé.
Un livret de l’agent de santé communautaire
2 ( % "" "" " ## $# ' !
& $ -% "$ ', & &,$ ( % ( (p. 70).
Ainsi, on peut parler d’une approche plurielle car, en partie pour des raisons
socio-économiques et culturelles, la thérapeutique fait également appel aux
représentations traditionnelles. On peut donc affirmer que les représentations de
la santé, de la maladie et du corps ne relèvent pas exclusivement des valeurs
culturelles du document source, même si elles en constituent l’essence.
Avant de poursuivre avec l’analyse des autres documents de notre
corpus, nous allons proposer une tentative d’explication des stratégies de
communication et de traduction utilisées tant au niveau de la production du
document cible que de celle du document source.
193
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
194
Chapitre 8. et Notre santé.
Un livret de l’agent de santé communautaire
et elle constitue un complément aux programmes nationaux. L’agent de santé
communautaire ou agent de santé villageoise est un élément important des
programmes de santé communautaire. Sous ce vocable se regroupent en fait
plusieurs «métiers» associés au système de santé communautaire, dont ceux
de secouriste et d’accoucheuse traditionnelle. L’agent de santé communautaire
ne fait pas nécessairement partie du système de santé classique : «Il s’agit le
plus souvent d’un habitant du village choisi par la collectivité et formé sur
place (dans certains cas, la formation initiale dure seulement deux à quatre
mois» (OMS 1981 : 2).
Concernant son niveau d’éducation, il suffit qu’il sache lire et écrire. Si
on exige de l’agent de santé communautaire un niveau d’instruction très élevé,
les candidats seront plutôt rares, et ils seront tentés d’abandonner leur poste
pour des emplois mieux payés. Pour le secouriste, on demande qu’il ait un
niveau d’alphabétisation dans la langue utilisée localement, en l’occurrence
celui du CM60 (Knebel 1982). Ce niveau n’est exigé pour les accoucheuses que
si elles sont chargées de faire des déclarations d’état civil (naissances et décès).
8.6 Conclusion
60
Cours moyen (5e ou 6e année du cycle primaire
195
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
196
CHAPITRE 9
61
Voir Annexe 1, Extrait 4.
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
Sur la dernière page de garde figure une note biographique comme dans le
document cible.
L’analyse des facteurs extratextuels et intratextuels nous fournira sans
doute une explication sur la différence entre la longueur du document cible et
celle du document source et permettra une comparaison plus poussée de la
traduction et de l’original.
198
Chapitre 9. et Mon livret sida
. ( ( 5 * $ . (1
* . (1 ;
Ce livre-là est un livre sur la question du sida pour aider les jeunes et
tous ceux qui le prendront pour lire.
* ( * & . ! *
& 5 * !
Pour aider les malades du sida et tous ceux qui possèdent les grains de
la maladie du sida dans leur sang ou aider leurs familles afin qu’ils
puissent améliorer leur amitié.
199
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
200
Chapitre 9. et Mon livret sida
1) Présentation du sida (textes pp. 6 – 8) : le sida est présenté dans ces textes
comme un fléau qui menace l’humanité : ( I
A propos de la compréhension du sida ; ( (
M , (p. 7), La question de la compréhension du sida est
pour nous une grande aide ; ( & H (p. 8), Qu’est-
ce que la maladie du sida au juste ?
2) Cause du sida (textes pp. 9 – 10) : / & H @
Qu’est-ce qui amène la maladie du sida ? et
& 5 . . J Voici les quatre lettres en
français en plus de leur explication en mooré.
3) Mode de contamination : un seul texte, &M, . (
* H Par quels chemins le sida passe-t-il pour attraper
quelqu’un ?, explique le mode de contamination du sida.
4) Symptômes du sida : un seul texte également aborde les symptômes du sida :
& 5, . & H (p. 13),
Comment apparaît la maladie du sida afin qu’on puisse la reconnaître ?
5) Comportements préconisés face au sida : les textes suivants, soit neuf (9) au
total, examinent les comportements humains face au sida. On peut les
diviser en deux catégories : les textes qui traitent des comportements à
risques et ceux qui traitent des comportements sans risques. Le dernier texte
(p. 26) D ( & . & 5 H ou Quels
sont les moyens qui existent pour nous aider à échapper au sida ? aborde
les moyens de prévention contre le sida. Il ressort de ce texte que le meilleur
moyen de prévention contre le sida est la protection de soi : &
55 & Prends bien soin de toi c’est le premier remède
contre le sida).
Cette composition est valable pour le document source. Comme nous l’avons
indiqué plus haut, il compte plus de pages que le document cible (40 pages
contre 29). La comparaison des tables des matières respectives permet de voir
201
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
$( 55 & &
.( $& & $ * ( . * (
Le SIDA là, ce sont les premières lettres de quatre mots que l’on a mises
ensemble pour former un seul mot que l’on lit sida, qui est le nom d’une
mauvaise maladie
Le texte & 5 . .
cohérence et sa cohésion du texte précédent. / &
H serait incomplet sans le premier. Même si la table des matières les
présente comme des textes séparés, on peut facilement les fusionner en un seul
texte.
Quant aux textes sources correspondants, «Qu’est-ce qui provoque le
DLF! ?9 (p. 11) et «Que signifie le sigle SIDA ?» (p. 12), ils peuvent être lus
indépendamment. L’utilisation de l’article défini dans «le sigle SIDA» ne se
justifie pas par rapport au texte précédent mais par rapport au contexte. La
typographie utilisée, les majuscules, à travers toute la brochure montre que le
mot «SIDA» est un sigle et non un terme ordinaire, même si l’usage courant le
fait passer comme tel. Mais il convient de relever que l’utilisation des
majuscules dans la langue mooré permet d’éviter une confusion
terminologique, car le même terme en minuscules peut signifier «vérité»
ou «époux» en fonction des tons qui, rappelons-le, ne sont pas représentés dans
l’orthographe.
On constate que le sujet de la brochure, le sida, est abordé sous tous les
aspects pouvant intéresser le grand public qui en constitue l’audience. Ce sont :
62
Ces deux textes figurent en Annexe 1, Extraits 5 & 6.
202
Chapitre 9. et Mon livret sida
C * & O .. P LEQRK
$ O $ Q$ P LRQEK * $( ( &
Après cette explication sur la cause du sida, les paragraphes deux et trois
indiquent comment le virus contamine le sang et affaiblit l’organisme avec des
conséquences décrites en ces termes : 2 (1 ! &' 5
& ! & ( $ le corps de la personne s’affaiblit totalement et
il ne peut lutter contre les autres maladies. Le paragraphe se termine en
indiquant qu’une fois que l’organisme se trouve dans cet état, le déclenchement
de la maladie du sida qui en résulte rend la mort irréversible.
Le quatrième paragraphe, qui est le plus court, constitue une question
rhétorique : , . * & & & &
( & H (Les quatre lettres mises ensemble que l’on lit sida, que
signifient-elles ?). Le cinquième et dernier paragraphe répond à cette question
en affirmant que le terme provient des initiales de quatre mots.
Comme on le voit, la cohésion entre les différents paragraphes est
assurée par la répétition lexicale, en particulier la reprise du terme au
début de chaque paragraphe, sauf dans le paragraphe quatre, une phrase à la
forme interrogative qui sert de transition entre le paragraphe précédent et le
paragraphe suivant. Le texte est également cohérent puisque tous les
paragraphes répondent d’une manière ou d’une autre à la question posée dans le
titre sur la cause de la maladie du sida.
L’analyse du texte source correspondant, «Qu’est-ce qui provoque le
SIDA ?» (p.11), montre que celui-ci, contrairement au texte cible, comporte
trois paragraphes séparés par des espaces. Le premier paragraphe donne la
réponse à la question que constitue le titre :
203
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
204
Chapitre 9. et Mon livret sida
( (. & $ L 5 K (
! & $ !1 & & 5
En ce qui concerne les couples (l’homme et la femme), qu’ils se fassent
totalement confiance pour vivre ensemble dans l’amour, la vérité et le
respect.
Nous reviendrons plus loin sur le contenu de ces textes, en particulier les
affirmations tendancieuses relatives au préservatif. Pour l’instant, ces exemples
nous montrent également que la brochure a une fonction appellative que
démontre cette invite à la fidélité en tant que remède ultime contre le sida. La
fonction informative de la communication ne sera effective que si les
informations sont comprises et mises en pratique (fonction appellative) par le
public cible.
Les éléments non verbaux, constitués essentiellement d’illustrations
sous forme de dessins, visent cette efficacité de la communication. Nous ne
nous attarderons pas sur ces éléments, car les dessins qui accompagnent les
textes +
$ analysée. Ils servent à visualiser le contenu des textes dont le lexique se
caractérise par des termes relatifs à la santé.
L’analyse des facteurs extratextuels a montré que l’auteur du document
source et celui de la préface sont des autorités scientifiques, alors que ce n’est
pas le cas en ce qui concerne les destinataires qui sont les jeunes. En fait, tout
lecteur lettré, de façon générale, fait partie de son audience potentielle. Le
lexique utilisé dans ces documents, où la communication implique des
spécialistes et des non spécialistes, semble adapté au degré de connaissances du
public cible. En effet, que ce soit dans la traduction ou dans l’original, il
n’existe pratiquement pas de termes pouvant nuire à la compréhension de leur
contenu.
Comme dans l’analyse précédente où le document cible est en bisa, la
désignation de certaines maladies prend en compte les représentations
culturelles mossi. Le segment ci-dessous, qui décrit les signes du sida,
comporte des exemples de noms de maladies rappelant la nosologie mossi :
@5 (% (% < ( !,.! $
(1 . * 5 $( $& * ( (1 ( $ $
M ! $ - " $ (% &* $ &* $
5 () ! * ! " C1 $ $
.5 & 5 * (p. 13).
La première chose qu’il faut savoir concerne le déclenchement de la
maladie : des maux de tête, le corps qui chauffe en permanence, la
chaleur envahit le corps la nuit, la toux, des maux d’articulation, de
petites plaies sur le corps, sous le bassin et sous les aisselles, ainsi que
les côtés du bas-ventre qui s’enflent pendant longtemps.
205
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
$( 55 & &
.( $& & $ * ( . * (
Le là, ce sont les premières lettres de quatre mots que l’on a mises
ensemble pour former un seul mot appelé sida, qui est le nom d’une
mauvaise maladie.
Le traducteur donne à la page suivante les mots en question et les explique. Une
telle explication constitue une addition qui explicite le terme SIDA. Nous
reviendrons sur l’explicitation en tant que procédé de traduction. Pour l’instant,
l’emprunt, qui nous intéresse, constitue le principal procédé de traduction
utilisé pour rendre en mooré les concepts qui n’existent pas dans la culture
mossi. En plus du terme $ le tableau ci-dessous donne d’autres exemples
d’emprunts.
206
Chapitre 9. et Mon livret sida
Cette note explique que le virus est un microbe et informe sur son mode
d’existence.
Le terme «lymphocytes T4» qui est très technique n’est pas gênant pour la
compréhension du segment dans lequel il apparaît :
207
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
208
Chapitre 9. et Mon livret sida
leur lecture. L’utilisation de l’image sous forme de dessins fait partie de cette
démarche pédagogique.
Le statut de l’auteur du document source et de celui de la préface dont les
noms et les titres apparaissent également dans le document cible renforce
l’autorité de la traduction et de l’original. On a vu que le premier est un père
Camillien spécialiste du sida et le second un professeur de médecine. La
décision de passer sous silence l’identité du traducteur dans le document cible
peut s’interpréter soit comme une persistance de l’infériorité supposée du statut
du traducteur par rapport à l’auteur original, soit comme une façon de transférer
l’autorité du document source au document cible de sorte à préserver le ton
autoritaire qu’illustre la récurrence d’expressions d’obligation. Dans
( un texte de deux (2) paragraphes et de onze (11) lignes au
total, on en compte au moins cinq (5) : & M * et
& .5 sont toutes des expressions relatives à l’obligation morale.
Parmi les autres éléments suprasegmentaux qui renforcent le ton et le
caractère didactiques du document cible et du document source, on peut citer la
typographie et l’utilisation des couleurs. En effet, on constate dans les deux cas
l’utilisation de capitales en ce qui concerne les noms propres et les sigles.
Comme exemples de noms propres on peut mentionner SEDGO (Père
SEDGO), SOUDRE (Professeur SOUDRE). En ce qui concerne les sigles, il y a
SIDA, VIH et HIV. Si l’utilisation des capitales est justifiée pour les sigles, elle
l’est moins pour les noms propres. Mais cette typographie constitue une
manière de mettre en exergue ou de souligner l’importance des noms concernés
et des réalités auxquelles ils renvoient. Par leur taille, ces capitales constituent
des signaux visuels pouvant retenir davantage l’attention du lecteur sur le
message.
Les couleurs dans le document cible tout comme dans le document
source jouent un rôle dans la communication. Certains paragraphes et pages
sont imprimés sur un fond de couleur. Les couleurs qui sont le plus utilisées
sont le jaune, le vert et le bleu. Même s’il ne faut pas chercher forcément un
symbolisme derrière ces couleurs, on peut dire que leur utilisation contribue à
donner une bonne présentation aux textes, ce qui peut rendre leur lecture
agréable. Les couleurs attirent le lecteur et retiennent son attention par leur
éclat, en particulier le jaune, la couleur dominante dans la traduction et dans
l’original. Une page ou un paragraphe en couleur est une forme d’insistance sur
le message. L’utilisation des couleurs dans les dessins, lorsque ceux-ci
représentent des personnages, leur donne vivacité et réalisme.
Cette comparaison des facteurs extratextuels et des facteurs intratextuels
montre que la traduction et l’original remplissent essentiellement la même
fonction informative. Mais que peut-on dire des stratégies de traduction
utilisées par le traducteur ? En raison des différences qui existent entre les
représentations culturelles mossi et celles du document source, quelles sont les
valeurs culturelles véhiculées par la traduction ? La suite de l’analyse des
résultats de la comparaison du document cible et du document source nous
permettra de répondre à ces questions.
209
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
Les problèmes qui résultent des différences culturelles entre les valeurs
véhiculées par le document source et celles de la culture mossi sont presque les
mêmes que ceux évoqués dans le cadre de la traduction du français vers le bisa,
à savoir le moyen de communication, c’est-à-dire l’écriture dans un contexte
essentiellement oral. Les moyens utilisés pour surmonter ces difficultés sont
pratiquement les mêmes également. Bien que le document cible utilise des
phrases complexes, il se caractérise comme la traduction en bisa par la
simplicité de son lexique, l’utilisation d’illustrations et de textes courts. Le
lexique ayant déjà fait l’objet d’une analyse, nous allons nous intéresser aux
procédés de traduction qui nous semblent représenter des solutions aux
problèmes résultant des différences entre la culture du document cible et celle
du document source.
9.3.1 Explicitation
L’explicitation, qui a été évoquée au sujet du lexique, s’inscrit dans le cadre de
la stratégie d’adaptation adoptée par le traducteur, et mérite d’être discutée.
Selon Delisle (1999 : 37) elle est un «procédé» de traduction consistant à
introduire, pour des raisons de clarté, dans le texte d’arrivée des précisions
sémantiques non formulées dans le texte de départ, mais qui se dégagent du
contexte cognitif ou de la situation décrite. Il faut souligner que cette notion
d’explicitation dans notre analyse peut s’appliquer au texte source dans la
mesure où le processus de communication implique des spécialistes de la santé
et des non spécialistes. On peut parler également de traduction intralinguale par
référence à la catégorisation de Jakobson (1987 : 429). Cependant, il y a lieu de
distinguer entre les explicitations que nécessite l’adaptation du document
cible à la culture de l’audience cible et les explicitations qui résultent des
choix stratégiques du traducteur (Blum-Kulka 1986).
Parmi les explicitations résultant de l’adaptation à la culture de son
audience, on peut citer le terme «lymphocytes T4» (p. 11) dans le document
source que le contexte définit comme étant une catégorie de globules blancs qui
défendent l’organisme contre les microbes. Dans le document cible comme
dans le document source, ces explicitations cherchent à faciliter la
compréhension du message. Il faut signaler que l’explicitation et l’implicitation
sont deux phénomènes inséparables et leur réalisation varie d’une langue à une
autre. Nous allons plutôt nous intéresser à l’explicitation, dont la récurrence en
tant que procédé de traduction semble confirmer la thèse selon laquelle celle-ci
constitue une tendance universelle en traduction (voir Blum-Kulka 1986 et
Klaudy 1998, 2003, entre autres).
La comparaison entre la note biographique du document source et celle
du document cible fournit des exemples d’informations implicites dans
l’original qui sont rendues explicites dans la traduction dans le but de les
adapter à l’audience mooréphone.
Prenons, par exemple, les informations concernant les Pères Camilliens
et les études de l’auteur. Le document cible ne se contente pas de dire
210
Chapitre 9. et Mon livret sida
63
Le texte se trouve en Annexe 1, Extrait 7.
211
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
Ces explicitations sémantiques, qui ont été déterminées par le skopos religieux
de la traduction, ont des implications puisqu’elles orientent la compréhension
que le récepteur peut en avoir. Certes, le contexte culturel peut expliquer
pourquoi le concept de «rapports sexuels» dans le texte français est rendu par
union entre homme et femme. Cet euphémisme, qui s’explique par le tabou qui
entoure la sexualité dans la culture mossi, est ambigu dans la mesure où il peut
véhiculer aussi bien la conception traditionnelle mossi de la sexualité que celle
de l’Église catholique. En effet, il n’est un secret pour personne que l’Église
catholique a une conception hétérosexuelle du mariage et condamne
officiellement les rapports homosexuels. Ceci correspond à la conception
africaine et mossi des rapports sexuels qui ne sont tolérés qu’entre homme et
femme. La réglementation traditionnelle de la sexualité empêche le développe-
ment de l’homosexualité. En effet, dans le milieu traditionnel la sexualité est
sacrée. Elle n’existe pas pour le plaisir, mais elle a pour finalité la procréation,
qui n’est possible que par le biais de rapports hétérosexuels. Cette conception
de la sexualité, qui est généralisable aux sociétés africaines, est décrite par
Kabré et al. (2003 : 68) citant Sondo en ces termes :
212
Chapitre 9. et Mon livret sida
9.3.2 Amplification
Comme on l’a vu dans la traduction bisa et dans celle-ci, l’explicitation conduit
parfois le traducteur à ajouter des informations qui entraînent une amplification
du texte cible. Cependant, il faut distinguer le type d’ajout dont il est question
ici de l’explicitation. Selon Delisle (1999 : 10) l’explicitation est justifiée,
tandis que l’ajout consiste à introduire des éléments d’information qui sont
absents du texte source. De tels ajouts sont à l’origine de l’amplification qu’il
n’est pas toujours facile de distinguer de l’explicitation. En effet, elle constitue
un phénomène complexe selon Szeflinska-Karkoeska (2001 : 445) qui
distingue l’amplification formelle ou qualitative de l’amplification quantitative.
L’amplification formelle ou qualitative correspond plutôt à l’explicitation, car
elle consiste à verbaliser les informations implicites contenues dans le texte
source. Tandis que l’amplification quantitative que nous allons examiner ici est
libre quant à son contenu, parce que, selon Szeflinska-Karkoeska (2001 : 445),
le traducteur ajoute des éléments absents de l’original. Lorsque nous comparons
les textes traduits et leurs versions originales, on relève bien des cas
d’amplification résultant des ajouts ou des additions d’information. C’est le
cas par exemple de (Annexe 1, Extrait 4) et de / &
H ! 6 ;
correspond à l’introduction (p. 7) dans le document source. La
version française comporte trois (3) paragraphes, tandis que la version mooré
en compte sept (7). Même si les paragraphes dans le texte cible sont plus
courts, celui-ci comporte vingt-et-une (21) lignes contre quatorze (14) pour le
texte source. En comparant les deux, on remarque que le texte source, qui
s’adresse à un lectorat francophone a une portée générale. Il parle du sida
comme un fléau mondial qui «frappe durement» l’Afrique. Le texte cible tout
en traduisant la dimension mondiale du sida introduit des éléments
d’information qui sont absents du texte source :
213
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
9.3.3 Omission
Il peut paraître paradoxal de parler d’omission dans la mesure où nous venons
d’évoquer l’amplification. Mais comme déjà indiqué, le document cible est
moins long que le document source. L’omission peut être considérée comme
une faute de traduction si elle n’est pas fondée selon Delisle et al. (1999 : 60).
Mais nous utilisons ce terme faute de mieux, car les omissions dont il est
214
Chapitre 9. et Mon livret sida
question ici sont très frappantes par rapport à celles examinées dans la
précédente traduction. Elles rappellent celles évoquées au sujet des différentes
traductions du journal de Anne Frank (Lefevere 1992b). En effet, elles portent
sur des textes entiers. Cependant, la théorie du skopos de Vermeer et de Nord
peut expliquer un tel procédé dans le cadre de la stratégie d’adaption de la
traduction à la culture cible. En effet, selon Nord (1994 : 62) :
Qu’en est-il des omissions dans ce document cible ? Comment les expliquer ?
Et quelles sont les implications en ce qui concerne l’audience et la culture
cibles ?
Les textes omis, faut-il le rappeler, sont : «L’infection par le virus du
SIDA ou l’infection à HIV» (p. 13) ; «Qu’est-ce qu’une personne séropositi-
ve ?» (p.14) ; «Comment savoir si on est séropositif ou séronégatif ?» (p.15).
Lorsque l’on examine le premier texte, on constate qu’il porte sur les différents
sigles utilisés dans les pays francophones et les pays anglophones. Du point de
vue de la fonction du document cible et du document source, on peut conclure
que la finalité de la communication est la transmission de l’information. Nous
adoptons la définition que Tomaszkiewicz (1999 : 49) donne à l’information :
215
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
C * & O .. P LEQRK
$ O $ Q$ P LRQEK * $( ( &
216
Chapitre 9. et Mon livret sida
Les procédés utilisés montrent que la traduction – toute traduction – n’est pas
neutre et qu’elle ne se déroule pas dans un vide. La traduction en tant que «re-
écriture», selon Bassnett et André Lefevere (1992 : vii), peut servir de moyen
d’innovation, de domination ou de résistance culturelle. Dans le cas de
I/DI les enjeux sont d’ordre culturel et idéologique. Une
analyse des caractéristiques et des valeurs culturelles de la traduction nous
permettra de mettre en lumière cette affirmation.
9.4.1 Caractéristiques
Si nous considérons de façon générale la situation de communication du
document cible, on remarque qu’elle présente quelques caractéristiques de la
culture mossi, des stratégies qui peuvent contribuer à l’efficacité de la
communication. Tout d’abord prenons les participants, en particulier l’auteur,
dont l’identité figure aussi bien dans le document source que dans le document
cible. En tant que producteur de texte, il constitue un facteur important de
communication dans la culture mossi. En effet, dans la mesure où l’auteur est
un père religieux, son pouvoir est comparable à celui du &* ou «chef de
terre» dont le pouvoir religieux en tant que responsable du culte des ancêtres et
de la terre lui fait obligation d’oeuvrer à la préservation de la santé et à la
prospérité de la communauté. La dimension spirituelle du statut de l’auteur
constitue un atout dans la communication.
Le document cible semble également utiliser les caractéristiques de la
communication dans la culture mossi comme stratégie d’adaptation du
document cible à son audience. L’utilisation de pluriels honorifiques aussi
bien dans le document cible que dans le document source semble refléter les
valeurs sociales mossi où l’individu fait corps avec le groupe. Cela explique
pourquoi leur utilisation semble plus marquée dans la traduction, qui accorde
très peu de place aux singuliers dont l’utilisation consacre l’individu au
détriment au groupe. Ainsi, le titre du document source Mon Livret SIDA
devient impersonnel I/DI W, Y5 W,
Une traduction littérale du genre V I/DI (mon livre sida)
où signifie «mon», «je», «ma» ou «mes», traduirait un certain
individualisme, voire égoïsme. On constate que même lorsque le document
217
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
Ces deux phrases en français sont impersonnelles et ont une portée générale.
Elles se situent dans une perspective scientifique occidentale, fondée sur un
raisonnement rationnel. Dans la traduction, elles deviennent personnelles :
D est une forme réduite de la première personne du pluriel. Son utilisation est
une formule de politesse qui remplit une fonction sociale importante. Elle peut
contribuer à la réussite de la communication, car son utilisation implique
davantage le lecteur, qui sera plus réceptif au message. D’une manière générale
l’utilisation des formes impersonnelles et du pluriel honorifique correspond aux
normes africaines de la communication, qui accordent la priorité à la
communauté au détriment de l’individu (Gudykunst et al. 1996 : 202).
En plus de l’utilisation des formules de politesse, le document cible
contient des procédés d’expression typiques tels que les métaphores, les
proverbes et les euphémismes, qui remplissent une fonction sociale et culturelle
dans la société mossi. Comme nous l’avons montré dans les chapitres 3 et 4, en
particulier dans les représentations de la santé, de la maladie et du corps, la
métaphore constitue une figure de style couramment utilisée dans les langues
africaines. Notre document cible semble respecter cette tradition langagière.
Comme notre but n’est pas de faire une liste exhaustive ni des métaphores, ni
des autres procédés d’expression typiques à la culture mossi, nous allons
donner seulement quelques exemples.
L’explication du sida, qui constitue le sujet de la traduction, s’appuie
sur la métaphore :
C * & O .. P LEQRK
$ O $ Q$ P LRQEK * $( ( &
218
Chapitre 9. et Mon livret sida
Dans les traductions respectives de ces exemples, l’idée de la mort a été traduite
par des euphémismes :
( . $ . . $ * & , $
( (
Le sida est une grande maladie, une vraie mauvaise maladie qui ne
pardonne pas, et elle enlève la vie.
* & & & ( * & $& &M
* . $ (
C’est pourquoi d’autres maladies peuvent attraper celui qui a le sida
facilement et faire sa vie.
219
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
Dans cet exemple tout comme dans le précédent, le traducteur adapte son texte
à la stylistique mooré en utilisant des euphémismes là où le français utilise des
termes précis. Cela témoigne d’une bonne connaissance de la culture mossi et
d’une bonne maîtrise de la langue mooré sans lesquelles la communication est
vouée à l’échec.
Les proverbes, qui sont également importants dans la communication en
milieu africain, sont utilisés dans le document cible. Ils font partie de l’effort
d’adapter le texte cible à la culture mossi. Dans (p. 5), qui constitue
l’introduction au document cible, le SIDA est présenté comme un fléau, une
maladie incurable qui menace le monde. Au regard des conséquences néfastes
de l’épidémie qui n’est pourtant qu’à ses débuts, selon le texte, il est dit :
/M * & 5 * ( +*
&
Ce qui vient demain après le sida, nous n’en savons rien. Seul Dieu sait.
+ $ %% *
V ( . M & d , ,e
Dans le domaine du sida l’information constitue la connaissance.
Selon les Mossi, «être le premier à tuer constitue le gris-gris».
220
Chapitre 9. et Mon livret sida
& ( 5 ,, M . , ,C
( ( !
221
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
C et piuugr sont des termes qui expriment la même idée, c’est-à-dire l’idée
de quelque chose ou d’un phénomène qui se répand, prend de l’ampleur ou
gagne du terrain. Ce sont par conséquent des termes qui renvoient à la
métaphore de la guerre, car ils suggèrent la conquête ou l’invasion. est
un terme qui signifie «gâter» ou «détruire». rend très bien cette image
de la guerre, synonyme de destruction. La maladie entraîne l’affaiblissement du
corps et empêche celui-ci de se défendre contre les autres maladies
opportunistes : (1 ! &' 5 & !
& ( (le corps humain s’affaiblit totalement et devient incapable de lutter
contre les autres maladies).
Mais la défense du territoire ne saurait être une affaire individuelle. Aussi
la mobilisation non seulement de l’individu mais également de la communauté
nationale est-elle nécessaire :
Cependant, il faut souligner que les images auxquelles cette métaphore renvoie
ne sont pas aussi explicites que dans la version française. Le segment ci-
dessous et son original le montrent très bien :
222
Chapitre 9. et Mon livret sida
se demander quel sera son impact dans la mesure où elle s’inspire de la culture
occidentale où les campagnes de lutte contre les épidémies sont assimilées à
des guerres.
Par ailleurs, l’utilisation de l’image, qui occupe de plus en plus de place
dans la communication, surtout en Occident, semble problématique. Dans les
chapitres 5 et 6 nous avons montré que la traduction est un acte de
communication et que la communication n’est pas que verbale, mais également
non verbale. C’est ainsi que l’image, en particulier le dessin dans la
communication scientifique destinée à la vulgarisation, peut faciliter la
compréhension du message. Cependant, à la différence de la traduction bisa,
certains dessins dans ont un caractère scientifique très
prononcé dont la compréhension peut échapper au public cible. C’est le cas
notamment du dessin (p. 8) qui représente le virus du sida :
Dans ce dessin qui peut être considéré comme une représentation matérielle et
scientifique de la cause du sida, sa compréhension n’est pas garantie puisque
l’explication de la maladie dans la culture du document cible accorde plus de
place aux causes sociales et surnaturelles.
Mais le caractère scientifique est beaucoup moins prononcé dans l’image
du foetus dans le ventre de sa mère (p. 12) pour illustrer le mode de
transmission du virus du sida de la mère à l’enfant :
223
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
224
Chapitre 9. et Mon livret sida
mettant par les rapports sexuels, peut être évité en adoptant un comportement
responsable.
Cette approche biologique, individuelle et morale de la maladie du sida
n’exclut pas une vision métaphysique de la santé, de la maladie et de l’homme.
En fait, la traduction représente un foyer de tension où s’affrontent, d’une part,
culture occidentale et culture africaine et, d’autre part, idéologie judéo-
chrétienne et idéologie traditionnelle africaine. La médecine moderne met le
corps biologique au centre de ses préoccupations. Elle dissocie corps et homme
social. Dans la culture mossi, il n’existe pas cette dichotomie entre la personne
et son corps qui forment une entité sacrée. On remarque que le document cible
et le document source ne souscrivent pas totalement aux représentations
médicales de la santé, de la maladie et de l’homme. En effet, tout en ayant une
conception individuelle de l’homme et de son corps, ils en ont des
représentations métaphysiques. La vie de l’homme est sacrée dans
( (p.6), traduction de «S’informer sur le SIDA» (p.8) :
2 ( +* M, 2 (
2 ( M , $ ( & .
5 & ,, ( $ &'
& !1 ( (1 +* &
Cette vision sacrée de l’homme rappelle celle de la culture mossi. Elle confirme
également la fonction religieuse de la traduction. Cependant, les représentations
de la traduction ne relèvent pas de la culture mossi, car elles véhiculent des
valeurs religieuses différentes. En effet, la référence aux forces divines ici
concerne uniquement Dieu, conformément au statut de l’auteur, un père
Camillien. Contrairement à la religion chrétienne, qui est monothéiste, on a vu
que dans les représentations cosmologiques mossi il existe plusieurs divinités.
+* , Dieu suprême, intervient très peu dans la vie quotidienne. Il n’existe
pas de culte de Dieu comme dans les religions monothéistes. Ce sont par contre
les ancêtres et les génies qui font l’objet de culte. La santé de la société dépend
de ces derniers qui ne sont représentés ni dans le document cible ni dans le
document source. Dans la théorie de la procréation chez les Mossi, dont il a été
question au chapitre 3, les ancêtres en tant que responsables de la fertilité de la
femme veillent sur la vie et la santé de la communauté.
I/DI est sans doute un document informatif de
sensibilisation et d’éducation. Mais il véhicule des valeurs religieuses
nouvelles, en l’occurrence celles liées au catholicisme à l’instar de la
225
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
( (. & $ L 5 K (
! & $ !1 & & 5
I W, ,5 L' & K$ W,'
& & & & 5 , ' ,$
B &B & 5 &
Ces lignes correspondent dans le texte source à : «La fidélité permanente chez
les couples mariés est une garantie de protection contre le SIDA.»
226
Chapitre 9. et Mon livret sida
9.5 Conclusion
Du point de vue du skopos, cette traduction est compatible avec son original.
L’analyse a montré qu’ils ont essentiellement la même fonction informative
auprès de leurs audiences respectives. Il s’agit dans le document cible et dans le
document source de persuader le public cible à changer de comportement
sexuel face au danger que constitue le sida. Faisant partie des stratégies de
traduction, les procédés les plus couramment utilisés pour résoudre les pro-
blèmes résultant des différences culturelles entre document cible et document
source sont surtout l’explicitation, l’ajout, l’amplification et l’omission. Le
traducteur exploite également certains procédés d’expression typiquement
mossi pour mieux adapter la communication dans la culture cible. À ce propos,
227
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
228
CHAPITRE 10
230
Chapitre 10. Discutons avec nos enfants
. .5, . $ ( .
5 .5 5.% .% "" D 5 ! * &. . !
Q * ( (1 $ ( 5 <
.5, *
4 (
! (
( (p. 4)
Chers pères et mères de jeunes garçons et de jeunes filles, si vous
feuilletez ce livre que le P.P.L.S., le projet qui s’occupe des gens et qui
lutte contre le SIDA, a fait pour vous, vous aurez des conseils au sujet du
mariage, de l’excision des filles, de la question de la santé et de la
protection de la famille, la limitation des naissances d’enfants, les
maladies de devant [sexuelles].
Chers pères, chères mères des jeunes gens et jeunes filles, en feuilletant
cette brochure que le P.P.L.S. met à votre disposition et qui contient des
informations sur :
- le mariage
- l’excision
- l’éducation à la vie familiale
- la planification familiale
- les M.S.T. – V.I.H./ SIDA (p. 4).
64
Ce texte se trouve en Annexe 1, Extrait 8.
231
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
232
Chapitre 10. Discutons avec nos enfants
1. * ( (p. 6).
Tandis que les premiers documents analysés sont composés en général de textes
d’une page, ici on peut parler de chapitres qui couvrent en moyenne sept pages,
en ne tenant pas compte de l’introduction et de la conclusion qui font chacune
une page. Cependant, chaque titre pourra être désigné par le terme «texte» au
65
Dans la numérotation dans la version originale on est passé de 1 à 2. Nous proposons de
corriger cette erreur manifeste, ce qui est du reste conforme à la numérotation dans le
document cible.
233
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
234
Chapitre 10. Discutons avec nos enfants
chapitres comme dans les autres, les questions sont organisées sous une forme
qui ressemble à une interview, car chaque question est immédiatement suivie
d’une réponse, contrairement au document cible où les questions sont
regroupées dans un premier temps et les réponses dans un second temps66.
Quant aux chapitres 2, 3 et 4, ils comptent trois parties en raison d’un dialogue
ou d’une conversation qui intervient après l’introduction. Cette différence de
structuration entre document cible et document source provient essentiellement
de l’organisation des questions. Elle répond sans doute à des exigences
culturelles différentes, sur lesquelles nous reviendrons lorsque nous
analyserons les stratégies de traduction. Pour l’instant, on peut dire que les
dialogues ou les conversations dans le document cible tout comme dans le
document source reflètent leurs titres. En effet, les notions de «causerie» dans
le premier et de «discussion» dans le second ne peuvent être envisagées sans
dialogues ou échanges verbaux entre les participants à la communication.
Le contenu du document cible et celui du document source montrent que
leur fonction informative possède plusieurs buts dont l’éducation des
destinataires semble occuper la première place. Le chapitre 2, qui porte sur
l’excision, montre que le skopos de la traduction est de sensibiliser les
populations à l’inexactitude de certaines croyances sociales qui sont à la base
de l’excision. Dans les discussions qui s’engagent entre V , $ sa femme,
& $ et sa grand-mère qui voudrait faire exciser la petite fille du couple
& la grand-mère justifie l’excision en ces termes :
V ..
/ * ( * ( &' 5 $ ( *
* (1 * + & .5, &' &
&' 5 * ( $ 5 &' ( ( &
$ !, ! . D* &
& & *
235
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
Dans les discussions évoquées ci-dessus, Musa et sa femme finissent par dire à
la grand-mère que leur fille ne sera pas excisée et que l’excision est une
tradition qu’il faut abandonner. Citons la réponse de Musa et de sa femme, en
guise de contre-arguments aux arguments de la grand-mère avant d’arriver à la
conclusion de ne pas exciser leur fille. Ces citations sont longues, mais elles
permettront de mieux appréhender les différentes fonctions de la traduction, en
particulier sa fonction persuasive :
V,
C $ & /, 5 * $ ,, * * ( $
( . ( < 5 & &
5 $ % 2 . &*
* .5, 2 &* * * (
&
V * ( & !,. 5 * /
D, & ? & ( . &* H
C * * . &' ! & ( &
( ( 5 &, V ! %%! $ 5
& & M * & . (
( cV * ( c E
Moussa
Oui mais! Il existe ici au Burkina Faso des ethnies qui ne pratiquent pas
l’excision, tu les connais toi-même grand-mère, pourtant leurs femmes
ont autant d’enfants que nos femmes et elles vivent en harmonie avec
leur conjoint. L’excision est même inconnue dans bien de régions
africaines.
Sanata
Moi, je sais par contre ce que l’excision a entraîné comme complications
chez certaines femmes. Et puis, de quoi est morte il y a deux ans Fanta, la
fille de ma cousine Rokiatou ? D’une hémorragie après l’office de
l’«exciseuse». Elle avait exactement sept ans, l’âge de Assétou. Et la fille
236
Chapitre 10. Discutons avec nos enfants
237
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
( .5, * & ! . $ $5
$ $ (1 ( $5 . $ 5% ( $ &
* :
L’exemple de ce texte qui porte sur l’excision montre que ces documents ont
non seulement une fonction informative mais également une fonction
appellative puisqu’ils invitent le public à adopter de nouveaux comportements
et à abandonner certaines pratiques comme l’excision. La réalisation de cette
fonction appellative dépend non seulement de la fonction persuasive, mais
également de la fonction impérative de certains textes, en particulier le
premier chapitre. En effet, la réponse à la question 7, / !
5 * H Qu’est-ce que le livre sur les gens et la famille contient ?,
en plusieurs rubriques, constitue des informations sur les droits et les devoirs
du couple, les droits et les devoirs des parents vis-à-vis des enfants et les
sanctions encourues en cas d’infraction. Nous reviendrons sur ces questions qui
montrent comment la traduction, au-delà de sa fonction communicationnelle,
peut constituer un véritable vecteur de transformation culturelle.
Maintenant nous allons nous intéresser aux éléments non verbaux qui
assurent une fonction informative importante dans le document cible tout
comme dans le document source. Les éléments non verbaux sont pour la plupart
des images sous forme de dessins et de croquis qui illustrent les thèmes
abordés. Ces dessins et croquis sont les mêmes dans le document cible et le
document source. On les rencontre sur presque chaque page et ils évoquent soit
la vie quotidienne, soit les maladies dont parlent le document cible et le
document source. C’est ainsi que certaines MST qui sont évoquées sont
visualisées par des dessins représentant le sexe et les symptômes des maladies
en question. Cette fonction pédagogique est très importante. Lorsqu’un texte
dans le document cible aborde une réalité peu connue ou qui n’existe pas dans
la culture mossi, telle que le condom et son utilisation (p. 21), sa visualisation
par une image contribue à rendre le message plus explicite. Sans ces
représentations visuelles, certains termes ou concepts resteraient abstraits pour
le lecteur mooréphone. De ce point de vue l’image constitue une concrétisation
qui joue une fonction informative et pédagogique dans la traduction tout
comme dans l’original. Nous reviendrons sur ces images dans notre analyse, car
certaines d’entre elles nous semblent problématiques.
Contrairement aux documents précédents, le lexique dans le document
cible et dans le document source ici comporte un degré de technicité plus élevé
sans doute parce la plupart des textes traitent de nouvelles réalités et de valeurs
telles que le mariage civil et le code des personnes et de la famille dans le
premier chapitre, ou parce qu’ils relèvent de domaines spécialisés comme les
238
Chapitre 10. Discutons avec nos enfants
D . . * .&,, (% 5 5 $ (% &
&' V , & * H (p. 6). Après le
mariage selon les coutumes et la voie de Dieu, où peut-on aller encore
pour montrer que Musa et Sanat sont mariés ?
La même question dans le texte source est ainsi libellée : «En plus du mariage
coutumier et (ou) religieux, quel autre mariage a uni Sanata et Moussa ?» (p. 7).
La réponse dans la traduction est V , & &M, * ( *
(p. 7) Musa et Sanata ont suivi les voies administratives pour se
marier. Cette réponse dans le texte source est : «Moussa et Sanata, en se
mariant devant le préfet ou le maire, ont contracté un mariage civil» (p. 7). Le
texte source explique le concept de mariage civil en même temps qu’il
l’introduit. Dans la réponse en mooré, si l’on cherche un terme correspondant à
«mariage civil», on risque de parler de non traduction ou d’omission. Ce terme,
en effet, pose des difficultés parce qu’il est relativement nouveau dans la
culture mossi. Mais les traducteurs ont réussi à traduire le concept en
expliquant que Musa et Sanata ont suivi les voies administratives pour se
marier, surtout que la question exclut le mariage coutumier et religieux.
En plus des néologismes, des explications et des définitions, on peut
relever la récurrence de l’emprunt suivi de définition ou de description comme
procédés de traduction de termes qui n’existent pas dans la langue mooré. Dans
bien des cas les traducteurs adaptent les emprunts à la structure phonologique
du mooré et donnent à côté la source d’emprunt, en général le français. Les
emprunts concernent des termes techniques désignant des maladies, des
techniques curatives ou des médicaments. Les emprunts sont trop nombreux
pour être tous cités, mais pour illustrer notre propos nous reproduisons ici la
réponse à une question relative aux principales maladies sexuellement
transmissibles qui existent au Burkina Faso :
239
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
* /, ? &
- / ' / ( / -
5 5% B/ 0 - 5 ! &
' ! &L $ ' 5(
E@
Nous reviendrons plus loin sur d’autres procédés de traduction faisant partie
des stratégies de traduction adoptées par les traducteurs pour adapter le
document cible à la culture mossi. À ce stade, on peut dire que les traducteurs, à
travers divers procédés de traduction, essaient d’adapter le lexique au public
cible.
Au plan syntaxique, il n’existe pas de différence fondamentale entre la
structure de la phrase dans ce document et les documents précédents. La
phrase typique dans tous les textes qui forment se
caractérise par la complexité de sa structure. Un constat qui remet en cause une
fois de plus l’idée selon laquelle la traduction dans les langues africaines
devrait passer par une simplification de la syntaxe et du vocabulaire du texte
source par souci d’adaptation aux langues africaines. On constate également le
recours systématique aux questions rhétoriques dans la traduction tout comme
dans l’original. Les dialogues dans les chapitres qui en comportent se déroulent
sous forme de questions et de réponses. Les exemples ci-dessous sont
représentatifs de la structure de la phrase, qu’elle soit à la forme déclarative ou
interrogative. Cette question constitue l’une des questions posées suite au test
de dépistage de trois jeunes, Germain, Issa et Awa, dans le chapitre 5 : 8: /
& * ( C 5
He (p. 33). Cette question rhétorique correspond dans le texte source à
«Qu’est-ce que Ali aurait pu faire pour que son fils Issa ne soit pas
séropositif ?». Les réponses dans la traduction et l’original sont
respectivement :
C & $ * ( * . *
( ( * & * & (* .
* * 51 $ @ 4% * ::
Le père d’Issa aurait dû avoir une discussion avec son fils, afin de lui
signifier les dangers que représentent les rapports sexuels non protégés.
Si seulement il savait ; il aurait agi comme Paul avec son fils Germain (p.
35) [sic].
Ces quelques lignes montrent non seulement que le style dans les deux
documents est soutenu, mais également que les phrases utilisées sont de
structure complexe. La première phrase de la réponse, C
& $ * ( * . * ( ( *
& * & (* . $ comporte deux propositions : C
& $ littéralement le père d’Issa aurait dû causer avec
son enfant, la proposition principale ; et la proposition subordonnée, *
240
Chapitre 10. Discutons avec nos enfants
( * . * ( ( * & * & (* .
$ afin de lui expliquer ce que le fait de ne pas chercher des moyens [de
protection sous-entendu] avant de rentrer ensemble [c’est-à-dire avoir des
rapports sexuels] peut entraîner comme problèmes». La subordination est
assurée par * afin ou dans le but
Une analyse rapide de la réponse à cette question portant sur l’attitude
que le père d’Issa aurait dû avoir montre que le document cible et le document
source utilisent les mêmes moyens pour assurer la cohésion au sein de la
phrase. Dans la phrase en mooré tout comme en français, la cohésion est
assurée par la pronominalisation. Dans la proposition subordonnée de la phrase
en mooré dans * ( * . renvoie à Issa. en mooré peut être
employé comme pronom personnel sujet (il, elle) ou complément (lui). Si ici a
est complément, dans la deuxième phrase il est sujet. dans *
* 51 $ Si il avait su, il allait faire» renvoie à Ali, le père
d’Issa. Mais si nous considérons toute la proposition @
4% *$ on constate que la cohésion est assurée également par en
tant que pronom possessif. Dans @ 4% * Paul et son enfant
Germain renvoie à Paul. Dans le texte source les marqueurs de cohésion
correspondant à a sont respectivement «lui» dans la proposition subordonnée
«afin de lui signifier les dangers que représentent des rapports sexuels non
protégés» dans la première phrase et «il» et «son» dans la deuxième phrase «si
seulement il avait su il aurait agi comme Paul avec son fils Germain».
Nous avons suffisamment évoqué la fonction de la forme interrogative au
cours de l’analyse des documents précédents. Aussi n’insisterons-nous plus
davantage sur son utilisation ici.
Nous allons terminer la description des facteurs intratextuels par les
éléments suprasegmentaux, en particulier le ton, qui semble le plus pertinent
en raison de sa fonction informative dans la communication aussi bien dans la
traduction que l’original. D’une part, les facteurs extratextuels, à savoir les
initiateurs / producteurs, le destinataire, le motif de production et de réception
et, d’autre part, les facteurs intratextuels, à savoir le sujet, la composition, les
éléments non verbaux et certains éléments syntaxiques concourent à créer un
ton tantôt didactique, tantôt impersonnel et autoritaire.
Le ton didactique est manifeste dans la composition des documents sous
forme de chapitres indépendants, structurés en plusieurs parties. La définition
ou l’explication des termes techniques et de certains concepts répond à un souci
pédagogique. La typographie et les images assurent également une fonction
didactique qui mérite d’être soulignée. Si nous considérons la typographie, la
seule différence notable entre document cible et document source qui n’a pas
d’incidence significative sur la fonction est la taille des caractères de police
utilisés qui semble être plus petite dans la traduction. C’est sans doute ce qui
explique que le document cible soit légèrement moins long (41 pages) que le
document source (42 pages).
Les différentes parties qui forment un chapitre se caractérisent par des
typographies différentes. Dans les chapitres comportant deux parties dans le
document cible, l’introduction utilise des caractères en italiques. Dans Sokre ils
241
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
242
Chapitre 10. Discutons avec nos enfants
* 5 & * & *
* & 5 * ? )' &
W, ' & & & 5 B & W,' 55
& & 3 & & 5, &
-,
243
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
10.3.1 Explicitation
Les néologismes constituent des procédés de traduction qui, très souvent,
expriment en termes concrets dans le document cible des termes abstraits du
document source et contribuent à l’explicitation du message. Par exemple, dans
la traduction de certains termes du Code des personnes et de la famille, qui ont
une valeur juridique, les traducteurs ont utilisé la concrétisation qui, selon
Laviosa-Braithwite (1995 : 162), constitue une autre facette de l’explicitation :
4 . .& (p. 8), chercher à vivre ensemble 7 ( @ la
question du mariage ; / & taaba (ibid.), se séparer et ne
plus s’unir ; (ibid.), la division du mariage ; E &
( * (ibid.), Vivre ensemble sans être mariés. Ces
expressions qui sont pour la plupart des néologismes sont des expressions
concrètes qui, on l’a vu, se traduisent respectivement par «fiançailles» (p. 8),
«mariage» (p. 9), «séparation de corps » (ibid.), «divorce» (p.10 et
«concubinage» (ibid.)
Il y a lieu de distinguer plusieurs types d’explicitation, à commencer par
la différence lexicale et syntaxique entre langue source et langue cible. C’est le
cas, par exemple de .5, * l’excision des filles (voir p.
4, p. 11 et p. 12), et de . pères et mères, dans .
c (p. 4 et p. 41), Chers pères et mères, pour traduire
respectivement «excision» et «parents». En français, selon qu’il s’agit d’un
garçon ou d’une fille on utilisera «circoncision» et «excision». La langue
mooré, disposant d’un même terme pour les deux sexes, * $ est
obligée d’expliciter en faisant précéder cette expression par .5, filles,
ou par . garçons. En ce qui concerne la traduction de «parents» qui
implicitement désigne la mère et le père, la langue mooré ne disposant pas de
terme équivalent, les traducteurs sont obligés là également d’utiliser le procédé
d’explicitation. Dans ces cas précis d’explicitation, nous avons affaire à des
hyponymes.
244
Chapitre 10. Discutons avec nos enfants
@5 <+ M 5, !1 * 3 &5 $
&% E@ Premièrement une irruption apparaît là où elle
commence. Mais si elle est soignée elle disparaît en quelques jours.
* 5 & * *
?K$ )' & W, ' & & & 5 B & W,' 55
& &
245
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
On voit que la décision des traducteurs de traduire «ces choses», qui renvoie au
contenu de ce segment portant sur l’éducation des enfants, par 5 (
constitue une interprétation pouvant se justifier compte tenu du contexte et du
sujet abordé qui concerne la sexualité des jeunes. Mais elle réduit en même
temps les potentialités sémantiques du concept d’éducation.
Les résultats des procédés utilisés pour traduire des concepts ou des
réalités culturels au niveau du lexique que nous venons d’évoquer ne sont pas
toujours satisfaisants. En effet, certains néologismes manquent parfois de
précision par rapport au document source. Par exemple, dans le premier
chapitre, les expressions ! (p. 10), la gestion des biens des
mariés et 3 (p. 10), la division ou le partage des biens
entre mariés, manquent de précision par rapport aux termes originaux, à savoir
«régimes matrimoniaux» (p. 9) et (droits de) «successions» (p. 11). Malgré
l’explicitation des termes techniques, on peut se demander, en raison de leur
technicité et de leur densité, s’ils tiennent suffisamment compte du niveau de
connaissances de l’audience cible aussi bien dans la traduction que dans
l’original. L’intention et le motif déclarés sont d’informer et d’éduquer sur le
plan sexuel les parents qui à leur tour pourront jouer leur rôle d’éducateurs
auprès de leurs enfants. Compte tenu de la densité des termes techniques,
combien de parents sont à même de comprendre la traduction ou l’original au
246
Chapitre 10. Discutons avec nos enfants
While occasional borrowings are relatively easily absorbed into the target
text, their greater density per page or per text hampers rather than
facilitates the process of communication and is not well-tolerated by the
receivers. A text peppered with borrowed items for a host hitherto
unknown and newly introduced cultural items is difficult to process and
is communicatively off-putting even in technical or scientific discourse
(Ivir 1998 : 139).
L’argument de Larson (1984 : 136) selon laquelle les personnes éduquées ont
tendance à recourir aux emprunts que les personnes moins éduquées sont
susceptibles de ne pas comprendre nous semble pertinent.
Même si le destinateur dans l’original et le destinataire dans la traduction
partagent le même espace temporel et géographique, certains facteurs intra-
textuels tels que le sujet, le contenu et le lexique nécessitent des connaissances
préalables pour plus d’efficacité de la communication dans
. À l’analyse, les néologismes qui ont été utilisés pour traduire les
termes «séparation de corps» et «divorce» cités plus haut prêtent à confusion en
l’absence de présuppositions communes au destinateur et au destinataire. Pour
le lecteur du texte français, ce sont là des termes juridiques dont le sens et les
implications n’apparaîssent pas dans leur traduction en mooré comme dans ces
segments :
247
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
248
Chapitre 10. Discutons avec nos enfants
249
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
plus important qu’il peut y avoir une différence considérable entre le message
émis par le destinateur et celui perçu par le destinataire.
Après l’analyse des différents procédés d’explicitation, nous allons nous
intéresser aux caractéristiques et aux valeurs culturelles que véhicule la
traduction.
10.4.1 Caractéristiques
On constate que les traducteurs semblent priviliégier l’utilisation des
caractéristiques de la communication dans la culture mossi. Dans ce sens, ces
caractéristiques peuvent être considérées comme des stratégies d’adaptation de
la traduction à la culture cible.
Nous allons d’abord commencer par le titre du document cible, qui
constitue une stratégie d’adaptation à la culture mossi. En effet, comme on le
voit, la traduction s’intitule (Causons avec nos enfants) et
l’original Discutons avec nos enfants. La métaphore «la discussion c’est la
guerre» (voir Lakoff & Johnson 1985 : chapitre 2), déjà évoquée (chapitre 4) ne
peut être fonctionnelle dans la communication dans les cultures africaines parce
que celles-ci ont tendance à associer la réalité et sa représentation verbale : «la
parole est censée avoir une puissance extraordinaire, un côté magique. Ce qui
est prononcé acquiert valeur de réalité» (Skattum 1991 : 78). En raison d’une
telle vision de la parole, la compréhension de la métaphore ci-dessus risque
d’être problématique dans la culture mossi. La plupart des cultures africaines
établiront une analogie entre la réalité (la discussion) et sa représentation
métaphorique (la guerre). On comprend pourquoi dans la situation de
communication de la traduction, le destinateur invite le destinataire à une
«causerie», tandis dans l’original il est question de «discussion». On peut
relever une adaptation du titre à la culture mossi. En effet, les traducteurs ont
préféré rendre «Discutons avec nos enfants» par où
«discuter» est traduit par c’est-à-dire causer, parce que dans la culture
mossi un enfant ne peut discuter ni avec son père ni avec un aîné. Il lui est
difficile d’exprimer un point de vue contraire à celui de ces derniers. Cela
s’explique par le droit d’aînesse que nous avons évoqué au chapitre 4. L’idée
de «discussion» laisse la porte ouverte à des oppositions ou à des contestations
que la culture mossi ne tolère pas. Comme le montre Badini (1994) le système
éducatif mossi est basé essentiellement sur l’acceptation de l’autorité. Malgré
les transformations de la société, cette perception de l’autorité, surtout
parentale, persiste. Par ailleurs, les traducteurs ont tenu compte de l’acception
des termes «enfants» et «pères» dans la culture africaine. Comme nous l’avons
dit, ces acceptions sont flexibles. Il n’existe pas nécessairement de liens
biologiques entre «parents» et «enfants». L’enfant appartient à la société. C’est
sans doute cette caractéristique de la culture africaine que les traducteurs ont
voulu marquer dans la traduction suivante :
250
Chapitre 10. Discutons avec nos enfants
5 . $ & 5 ( $
( * (& Chers mères et pères de
jeunes garçons et jeunes filles, nous vous remercions d’avoir accepté de
lire ce livre et de réfléchir...
Si ces formules existent aussi dans le document source, ce n’est pas le cas en ce
qui concerne l’utilisation des pronoms honorifiques, qui sont exclusifs au
document cible. Dans les parties où se déroulent des conversations, les enfants
utilisent des pronoms honorifiques lorsqu’ils s’adressent à leurs parents. Dans
le chapitre 2 lorsque Sanata s’adresse à sa fille Asetu ou que Polle s’adresse à
son fils 4 * ils utilisent la deuxième personne du singulier (tu) ou sa
forme réduite Mais les enfants s’adressent aux parents en utilisant la
deuxième personne du pluriel ( ou sa forme réduite ( Cet échange (pp. 14
– 15) entre & et sa fille Asetu porte, d’une part, sur les rapports entre
jeunes et, d’autre part, sur le préservatif :
&
? & 5 ! . . .5, * &
( , 3 HZ & 5 & . \ Tu peux avoir
beaucoup d’amis. Des garçons comme des filles de ton âge. Mais est-ce
que tu connais ça ?» [Sanata a pris une capote qu’elle lui montre].
&,
V $ * c / ( & H / k W, - $
W,' &. , ( !H
Dans le document source, les parents et les enfants se tutoient comme le montre
le texte source (pp. 15 – 16) à travers la version française de ce segment ci-
dessus en mooré :
251
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
Sanata
Tu sais, tu as le droit d’avoir plusieurs amis ; filles comme garçons de ton
âge. Connais-tu ceci ? [Sanata lui présente une capote]
Assétou
Bien sûr maman! Qu’est-ce tu vas croire ?
Dans le texte français, les parents et les enfants discutent sur un pied d’égalité.
Il n’y a pas de distance entre eux. Le ton est très amical entre cette jeune fille et
sa mère. Par contre, l’utilisation des pronoms honorifiques dans le texte mooré
traduit la réalité dans la plupart des familles où la distance entre parents et
enfants ne permet pas aux enfants de s’adresser à leurs parents sur le même ton
de familiarité qu’Assétou. Germain, à dix-sept ans, s’adresse à son père en
mooré non seulement en l’appelant 5 5 $ mais également en utilisant la
deuxième personne du pluriel. Toute sa vie Germain n’appellera jamais son
père par son prénom. Dans ces conditions, comment peuvent-ils aborder des
sujets aussi tabous que la sexualité ? Même si dans la forme, la communication
entre enfants et parents est adaptée aux conventions socioculturelles africaines,
il est difficile de répondre à une telle question par l’affirmative en raison de la
spécificité des normes culturelles de la communication en Afrique, basées sur
des principes tels que la suprématie de la communauté, le respect de l’autorité
et de l’âge. Dans la tradition africaine, les enfants n’ont pas le droit à la parole,
comme le relève Moemeka (1996 : 201) :
252
Chapitre 10. Discutons avec nos enfants
petit tu peux lui apprendre des choses afin qu’il puisse respecter ta
volonté.
68
La boule d'akassa est une pâte cuite préparée avec de la farine de mil fermentée. On
peut la consommer délayée dans du lait ou de l’eau ou encore tout simplement.
69
Voir Annexe 1, Extrait 10.
253
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
Dans le segment mooré, les MST et le sida, comme l’être humain, peuvent se
«déplacer», «emprunter» un même chemin. C’est la maladie qui attrape la
personne et non l’inverse comme en français. Le test de dépistage a révélé que
/ ( (p. 32), La maladie a attrapé Awa, alors que dans le texte
source «Awa développe la maladie» (p. 34). C’est dans cette logique du
mouvement que dans (p. 41), la conclusion, certains médicaments
disponibles & &' * & c’est-à-dire peuvent
empêcher la maladie d’aller de l’avant, tandis que dans le texte source ces
«médicaments sont capables de stabiliser le virus». Cependant, en ce qui
concerne la lutte contre la maladie du sida, ce sont les métaphores guerrières
empruntées à la culture occidentale qui sont utilisées. Nous ne reviendrons plus
sur ces métaphores qui ont été évoquées dans les analyses précédentes (voir
chapitres 8.4.1. et 9.4.1.).
Certains concepts ou désignations relatifs au sexe ou à la sexualité sont
des métaphores spécifiques à la culture mossi qui permettent de comprendre
leur conception de la procréation ou des rapports sexuels. Dans le chapitre
portant sur la planification familiale, concernant les méthodes contraceptives, le
texte source dit : «La stérilisation : pour les hommes (vasectomie), pour les
femmes (ligatures des trompes), empêche la fécondation» (p. 24). La traduction
de «vasectomie» et de «ligature des trompes» est métaphorique : D 5 .
, L& & % & K@ L K
& 5 ( (p. 22), La mise à mort des grains qui servent à mettre au
monde ou à engendrer. Pour les femmes (si on coupe ce qui les aide à
concevoir ou à accoucher) elles ne peuvent plus prendre une grossesse ou
accoucher. La vasectomie est traduite par rog-biis , , la mise à mort des
grains qui servent à mettre au monde ou à engendrer. La vasectomie est définie
par le Grand dictionnaire terminologique comme la «résection partielle ou
totale des canaux déférents dans le but de rendre l’homme stérile». Ce sont les
«canaux déférents» que les traducteurs ont appelé métaphoriquement . $
grains qui servent à mettre au monde ou à engendrer. Dans la mesure où ces
grains donnent la vie, on leur attribue des qualités humaines et l’opération qui
consiste à rendre l’homme stérile est considérée comme une mise à mort de ces
êtres. L’expression «ligature des trompes» est traduite par $
coupure de ce qui aide à concevoir/accoucher. D est un nom qui vient du
verbe dont la signification en mooré veut dire «aider à concevoir ou à
accoucher». C’est ainsi que l’expression 5 . signifie «aide
accoucheuse». D est donc une désignation métaphorique. Il est intéressant
de relever que ces métaphores . et renvoient toutes les deux à la
254
Chapitre 10. Discutons avec nos enfants
&
? & 5 ! . . .5, * &
( , 3 HZ & 5 & . \ Tu peux avoir
beaucoup d’amis. Des garçons comme des filles de ton âge. Mais est-ce
que tu connais ça ? [Sanata a pris une capote qu’elle lui montre].
&,
V $ * c/ ( & H Bien sûr que je connais, qu’est-
ce vous croyez ?
Les relations entre filles et garçons sont normales et les rapports sexuels sont
permis non pas comme jadis à des buts procréatifs, mais pour le plaisir, grâce
aux différentes méthodes contraceptives, en particulier le préservatif dont la
perception dans ces deux traductions en mooré diffère. Selon
$ $ + & * 5 $ . . &
’est-à-dire il empêche de prendre une grossesse et protège contre les
255
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
Cette attitude, qui nous semble positive, est beaucoup plus rassurante. Elle
tranche avec le ton moralisateur et menaçant de $ qui
affirme que & & &M ( $ &'
5 !% & & (p. 17), c’est-à-dire le sida peut attraper
quelqu’un et il va mourir même s’il met le préservatif tout le temps. Cependant,
il convient de relever que l’idée de plaisir sexuel entraîne la profanation de la
sexualité qui, selon les valeurs culturelles mossi, est sacrée. Les différents
euphémismes s’y rapportant traduisent bien cela. Malgré l’utilisation d’un tel
langage, le caractère profane de la sexualité est manifeste selon l’acception que
donne Edles (2002 : 28) au «sacré» et au «profane» :
The «sacred» refers to the holy and good, that which is set apart from,
and «above and beyond» the everyday world. The symbolic opposite of
the sacred is the profane, which, in the religious realm, is denoted by evil
(les italiques sont de l’auteur).
256
Chapitre 10. Discutons avec nos enfants
Banque mondiale, en sont les initiateurs. Les valeurs économiques font partie
de son skopos. Cependant, si l’on peut comprendre cette différence
d’orientation de valeurs culturelles, les messages discordants sur les moyens de
lutte contre le sida qui en résultent constituent certainement un obstacle majeur
quant au succès de l’information et des campagnes de sensibilisation. Même à
considérer que le père Sedgo s’adresse aux fidèles catholiques, le problème
demeure dans la mesure où le document initié par l’État s’adresse à la
population nationale y compris les catholiques.
En ce qui concerne $ les stratégies de traduction ainsi
que l’utilisation de pronoms honorifiques, de formules de politesse et de
salutation, déjà évoquées, on l’a vu, marquent la primauté du groupe sur
l’individu dans les sociétés africaines, où la solidarité et le partage constituent
des valeurs essentielles :
The man without food is fed by his neighbor ; the widow has a right to
expect to live on the generosity of the community ; the farmer who
suddenly falls sick midway through the farming season has his farmwork
completed for him by the communiy ; the child who misbehaves is
conscious that it would be punished, not just at home by its parents, but
on the spot, by the first adult to find out what it has done (Moemeka
1996 : 205).
257
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
C 5 * & ,, & $
& & & *
( 5 * & * &
* ( & &M ( $ ( 5 .
M, @
258
Chapitre 10. Discutons avec nos enfants
3 . & 5 %% * *
( *& ( ( . D* . . * &&
( ,, & .5 @
La loi indique l’obligation des parents à l’égard des enfants afin qu’ils
soient des parents exemplaires. Cela est différent de la vision de la
tradition qui attribue cette obligation à la communauté.
70
En effet, le mariage étant une affaire entre deux familles, voire deux villages ou deux
communautés, le divorce était presque inexistant en Afrique. Dans la culture bambara, selon
Keita, cité par Sizoo (2000 : 30) le divorce est un mal : “Divorce is such a terrible thing in my
culture that when a divorce (an evil thing) has to be discussed, people take distance from the
village and sit under a tree. It was thought that if finally the decision of a divorce was taken,
the tree would die.”
71
Nous définissons l’idéologie comme l’ensemble des croyances ou des idées politiques
pouvant orienter les actions d’un groupe, d’une société ou d’un pays. Une telle conception,
selon Eagleton (1998), remonte aux origines mêmes de l’idéologie au Siècle des Lumières, en
particulier à la Révolution française (1789). Elle avait alors un contenu scientifique et
téléologique :
Ideology, then, begins life as nothing less than an ambitious project of mental
engineering, which will sweep clean the Augean stables of mind and society together,
and in doing so free men and women from the taboos and mystifications under which
259
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
Les trois dessins qui sont sur cette page constituent un argument en faveur de
ces propos. Le premier dessin montre les deux parents et leurs trois enfants
devant une maison dont le standing n’est pas à la portée du Burkinabè moyen.
Le deuxième dessin représente un enfant assis devant plusieurs plats de nourri-
ture et le dernier, trois enfants, probablement d’une même famille, se rendant à
l’école. Ces images contrastent avec les dessins représentant des familles nom-
breuses sur la page suivante. Les mauvaises conditions de leur cadre de vie sont
manifestes. Ces images véhiculent des messages qui ne sont pas difficiles à
décoder. Cette simplicité provient du projet politique et idéologique du contenu
de la traduction qui se situe dans le cadre de la communication sociale où
l’accent est mis sur la facilité de l’accès à l’information (voir Le Net 1993 ;
Kabre et al. 2003).
they have languished. The hard form of emancipation is self-emancipation ; and the
science of ideology, flushed with all the euphoria of an age of Reason, believes that
revolution against false gods must be carried into the inmost recesses of consciousness
itself (Eagleton 1998 : 229).
Cette mission émancipatrice de l’idéologie est de plus en plus éclipsée, parce que ce terme est
devenu aujourd’hui péjoratif. D’ailleurs, l’idéologie, dont aucune conception n’est unanime-
ment acceptée, est accusée d’assurer une fonction de mystification et de falsification.
260
Chapitre 10. Discutons avec nos enfants
Mais cette simplicité peut renfermer des subtilités qui peuvent passer
inaperçues. Reprenons l’une des images utilisées pour illustrer la planification
familiale.
$ p. 24
Il est clair que l’image ici sert à renforcer les nouvelles valeurs basées sur
l’économie et l’individu que véhicule la traduction. L’individu n’a de valeur
que par rapport à sa productivité. En somme, elle symbolise le modernisation,
l’une des fonctions commune à toutes les traductions de notre corpus (voir
chapitre 8.2.1.). Cependant, on constate également que l’image représente une
idée conservatrice de la famille. En effet, elle perpétue la vision traditionnelle
des rapports entre homme et femme dans le foyer dont l’homme est le chef et le
gagne-pain. Si la traduction constitue la manipulation de l’original au service
de la culture cible, l’image en fait partie intégrante.
De ce qui précède, on peut conclure que la traduction véhicule les
valeurs culturelles du document source et qu’elle reflète le conflit culturel que
traverse la société mossi. Les efforts d’adaptation de la traduction aux
caractéristiques de la communication dans la culture mossi, dont les valeurs
fondamentales sont la communauté et la solidarité, sont relégués au second
plan. Les valeurs économiques et individualistes qui correspondent au skopos,
au motif de production et de réception de la traduction sont en flagrante
contradiction avec ces valeurs.
261
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
10.5 Conclusion
262
CHAPITRE 11
72
Voir en annexe la transcription et la traduction des DOLN.
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
Les facteurs extratexuels qui nous semblent importants à analyser dans le cadre
de la comparaison entre DOLN et TLN sont : les initiateurs / producteurs et leur
intention, les destinataires, le motif de production et de réception et la/les
fonctions.
Dans ces documents, on peut établir une différence entre les initiateurs
que sont les radiodiffusions et les producteurs de texte, à savoir les animateurs
et les invités.
Les initiateurs sont Radio Évangile Développement et Radio FM
Boulgou. Radio Évangile Développement est une radio protestante qui a
commencé à émettre à Ouagadougou le 2 juillet 1993. D’autres stations basées
sur le même modèle que celle de Ouagadougou ont vu le jour à Bobo-
Dioulasso, Ouahigouya et Léo. Radio Évangile Développement fait partie de
radios privées confessionnelles chrétiennes qui, selon Balima & Frère (2003 :
105-106), «se revendiquent comme ayant des publics beaucoup plus larges que
les fidèles des communautés religieuses dont elles relèvent : elles visent
aujourd’hui à toucher un public généraliste». Radio Évangile Développement
doit faire face à la concurrence non seulement d’autres radios privées mais
aussi de radios publiques. Quant à Radio FM Boulgou, la seule radio privée de
la ville de Garango, elle a commencé à émettre le 23 décembre 1999. Elle fait
partie des radios dites associatives ou communautaires.
La communication sociale est au coeur des programmes de ces
radiodiffusions. Ainsi, la communication en matière de santé dans les langues
nationales comme dans la langue officielle, le français, fait l’objet d’une
attention particulière.
Quant aux producteurs de ces documents, ce sont les participants à la
communication dans ces émissions radiophoniques : les animateurs dans les
radios respectives et les invités. Nous ne savons pas avec certitude si les
animateurs sont des professionnels73 de la communication, mais les invités sont
des travailleurs de la santé même s’ils ne possèdent pas tous le même niveau de
connaissance en la matière. Pour l’émission en bisa qui se passe en direct,
l’invité s’appelle Halidou Yoda, un «agent de première ligne», selon ses
propres termes, en poste au centre de santé de la ville de Garango. En fait, il
s’agit d’un agent de santé communautaire, dont le niveau d’instruction est
généralement le CM (Cours moyen). Son intervention précède celle d’un autre
73
Nous entendons par là des personnes qui ont reçu une formation dans le domaine de la
communication. Balima et Frère (2003) montrent que la plupart des médias privés au Burkina
Faso n’utilisent pas de professionnels.
264
Chapitre 11. Comparaison entre TLN et DOLN
74
Monographie de la commune de Garango, Direction du Projet Inforoute des Collectivités
Locales, SAGEDECOM :
http://www.inforoute-communale.gov.bf/monographie_nouveau/mono_garango.htm.
265
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
266
Chapitre 11. Comparaison entre TLN et DOLN
267
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
la thérapeutique ;
la prévention du choléra.
268
Chapitre 11. Comparaison entre TLN et DOLN
comparabilité. Comme les TLN et leurs originaux, ils portent sur des questions
de santé publique qui sont d’actualité. Tous remplissent des fonctions
informatives et persuasives et sont destinés au grand public. (Voir chapitre
1.9.1.)
269
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
Nous sommes venus causer avec les gens de Radio FM, nos parents bisa,
nos soeurs, nos mères, nos grands-frères et nos pères.
270
Chapitre 11. Comparaison entre TLN et DOLN
L’animateur qui a en face de lui son invité, non seulement s’adresse à lui en
utilisant la deuxième personne du pluriel, mais il utilise la troisième personne
du pluriel, lorsqu’il le présente aux auditeurs par respect pour son autorité
comme dans ces expressions : & ( $ 5 , W,' &
, 5 B & , ce qui correspond en français idiomatique à «afin
qu’il se présente» ; et * & *$ et où ils travaillent, qui en français se
rendra en utilisant la troisième personne du singulier, c’est-à-dire «où il
travaille». Durant toute l’émission l’animateur ne prononce pas le nom de son
invité sans son titre : &%% (docteur). Dans l’animateur
s’adresse toujours à son invité par la deuxième personne du pluriel, ""
«vous». Ce n’est qu’à fin qu’il prononce son nom a V C
remercions M. Yoda. Mais comme l’exige la convention sociale, il ne s’adresse
pas à l’invité en tant qu’individu mais au nom de la communauté, ce qui
explique l’utilisation de a 8 9
/ ' "" "" ! & $ ' "" " "$ " &"# $
' &" % & "
271
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
Les différents procédés d’expression dans les DOLN évoqués ci-dessus, qui
s’inspirent en partie de la culture mossi et bisa, traduisent des valeurs de
solidarité et de respect de l’autorité. Elles constituent également des
stratégies de communication pouvant servir de crédibilisation à la source de
l’information. Si au Burkina Faso 63% des personnes accordent leur préférence
à la radio comme canal d’information, c’est sans doute à cause de l’autorité et
de la crédibilité qu’elle inspire (Balima & Frère 2003 : 212).
Les valeurs religieuses et morales que nous avons relevées dans les
traductions sont également présentes dans et Dans
le premier document cela semble aller de soi dans la mesure où la radio
productrice de cette émission est une radio confessionnelle, précisément
protestante. L’animateur dans ces interventions ne cesse de faire des références
à Dieu. L’émission s’est conclue en ces termes :
+* . &. $ & ! ( *
( &
Que Dieu nous accorde d’agréables moments, faites en sorte que les
conseils que vous avez entendus puissent être utiles à vous et à d’autres
également.
272
Chapitre 11. Comparaison entre TLN et DOLN
Nous avons dit que cette expression proverbiale qui utilise des métaphores,
dont les éléments de comparaison proviennent de l’agriculture, s’inspire du
proverbe français «Qui sème le vent récolte la tempête». Mais compte tenu des
facteurs extratextuels indiqués plus haut, il convient d’indiquer l’origine
biblique de ce proverbe français qui lui donne une résonance particulière :
Puisqu' ils ont semé du vent, ils moissonneront la tempête ; Ils n' auront
pas un épi de blé ; Ce qui poussera ne donnera point de farine, Et s'
il y en
avait, des étrangers la dévoreraient (Osée 8 :6-8) [sic].
Il n’est pas exclu que l’animateur se soit inspiré de ce verset75 pour représenter
métaphoriquement la santé comme la moisson qui pour être abondante
nécessite un investissement en travail de la part du fermier. Mais cette
métaphore a une dimension morale et religieuse, l’effort à fournir ici porte sur
le changement de comportements et l’adoption de nouvelles valeurs sociales.
Quant à Kabré, qui a été formé dans la médecine occidentale, on se rend
compte que ses propos véhiculent des valeurs qui sont tantôt proches de la
culture occidentale, tantôt proches de la culture mossi. Prenons par exemple son
explication des IST qui reflète en même temps sa conception de la sexualité :
* $ +
+ 6 ++ B O
LDN + $
traditionnelles dont il porte les marques. Il envisage les rapports
sexuels sous l’angle de l’hétérosexualité comme dans
même si sa vision de la vie conjugale reste celle
75
L’origine biblique de ce proverbe est une hypothèse plausible, quand on sait que l’anglais
(Sawadogo 1997) a une influence sur le parler mooré des membres de l’Église protestante.
Les missionnaires américains qui ont apporté le protestantisme au Burkina se sont rendus
compte dès leur arrivée qu’ils devaient apprendre le mooré pour réussir leur mission. C’est
ainsi qu’ils furent les premiers à entreprendre des travaux de transcription et de traduction en
mooré à des fins évangéliques. Mais ces missionnaires qui ont été influencés par leur langue
maternelle, l’anglais, dans leur apprentissage du mooré sont à l’origine d’une variété de
mooré, «) 3 », qui a fini par influencer le parler des protestants natifs du mooré sur
le plan phonologique et syntaxique. Parmi les raisons qui ont favorisé une telle situation que
cite Sawadogo (1997 : 86), on peut noter le prestige du statut des missionnaires blancs, en
tant que messagers de Dieu et l’autorité de l’écrit.
273
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
/ $ $ * & . & ( * 5 !1 $
5 & 5 ( $ & . $ 5 ( . * ( &
2 $( & 2 * * . (
Les personnes qui ont des IST sont des gens qui ne sont pas sérieux. Ce
sont ces personnes qui développent le sida.
2 * 5 . !,. 5 & . $ /
5 ( !1 . $ , $@ ( 5
( $ ? 5 .
5 !, & ( . $ & !* !, % 3
( ( $& *& 5 & $
* & $ ( $ ( & & 5 &
5 ( & (
274
Chapitre 11. Comparaison entre TLN et DOLN
Cette pratique incriminée ici, le lévirat, continue de nos jours. Elle considère la
femme comme un objet de procréation et une propriété de la famille. C’est à ce
titre que celle-ci revient en «héritage» à l’un des membres de la famille à la
mort du mari. La condamnation d’une telle pratique constitue une prise de
position contre la domination de la femme par l’homme dans la société
burkinabè.
Cependant, d’autres valeurs comme les rapports humains et la
représentation de la personne, qui relèvent de la tradition, sont utilisées comme
275
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
Donc c’est grave si un couple doit se séparer parce qu’il n’arrive pas à
faire d’enfant à cause d’une IST. C’est très grave.
Une telle argumentation appuyée par le pathos constitue une stratégie pouvant
contribuer au succès de la communication, car nous sommes dans une société
où la valeur de l’être et la procréation font appel à des croyances religieuses et
traditionnelles. En effet, dans les explications métaphysiques de la vie,
l’absence d’enfant constitue une menace pour la perpétuation du clan que
l’Africain redoute.
De ce qui précède, on peut retenir que les valeurs culturelles représentées
dans les DOLN rendent compte des transformations et des mutations culturelles
dont il a été question dans l’analyse des traductions de notre corpus. Mais,
même si TLN et DOLN semblent partager certaines caractéristiques et valeurs
culturelles mossi et bisa, les DOLN semblent plus authentiques, car ils reflètent
l’usage réel de la langue. À la différence des TLN, ils font mieux ressortir les
changements de valeurs culturelles que connaît le Burkina Faso, puisqu’ils ont
été produits de manière spontanée.
Dans la mesure où les deux types de discours ont essentiellement les
mêmes fonctions communicatives, nous allons nous intéresser aux stratégies
qui distinguent TLN (traductions dans les langues nationales) et DOLN
(documents originaux en langues nationales), en particulier l’explicitation, la
simplification et la normalisation que Laviosa-Braithwaite (1995) et Schmied &
Schäffler (1997) considèrent comme des universaux de la traduction. Ces
critères d’analyse nous semblent pertinents pour tout acte de communication,
indépendamment du médium utilisé pour la transmission de message.
276
Chapitre 11. Comparaison entre TLN et DOLN
Nous sommes venus causer avec les propriétaires de Radio FM, nos
parents bisa, nos soeurs, nos grands-frères et nos pères.
Chers auditeurs (et auditrices) ou Chers parents.
277
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
cas de traduction le traducteur est obligé d’être explicite. Dans les traductions
de notre corpus, nous avons constaté que l’explicitation pouvait non relever des
écarts entre les systèmes linguistiques, mais des choix du traducteur et
véhiculer des valeurs culturelles. C’est le cas de termes relatifs au sexe et à la
sexualité qui sont envisagés exclusivement sous l’angle hétérosexuel. Dans
même l’homme de médecine, Kabré, s’exprime dans les mêmes
termes que les traducteurs de TLN :
278
Chapitre 11. Comparaison entre TLN et DOLN
279
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
représentations négatives qu’en ont certains (chapitre 4.5.) sont basées sur des
considérations normatives.
Bisa :
" avocat + "(la marque du pluriel)
( ! " grillage P "(la marque du pluriel)
/ %&& ! $ buvette P! (propriétaire).
Mooré :
5 . dépenses P (la marque de certains noms pluriels)
76
En fait, ce phénomène semble commun aux pays africains, notamment dans les anciennes
colonies françaises ou britanniques où le français et l’anglais sont demeurés les langues
officielles. Au Sénégal, par exemple, Ndao (1998 : 35) relève que «les actes de paroles
exclusivement énoncés en français ou en wolof dans les situations non conventionnelles sont
rares».
280
Chapitre 11. Comparaison entre TLN et DOLN
Bisa :
0 1 ""(' ""
Voilà nous vous remercions
2 $ ""
Bon le choléra c’est nous le disions.
3 W, "" "
Or que nos soeurs
Mooré
34 &
Ou bien c’est l’homme qui est malade
$ & & ( * *
C’est donc à cause de ça qu’on les [IST] différencie
!54 & * ( 55
Alors que nous avons vu premièrement
281
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
Bisa
2. # ) 6. . #.# 7
Qu’est-ce qui montre que les cent personnes ont lavé leurs mains ?
' & ( H
Donc les saletés sont à l’origine du choléra ?
Mooré
3 ( * $ , & && H
Mais dans ce cas, qu’est-ce qui favorise la propagation du sida ?
D* (1 $ . $ & ( ! 5 * H
Maintenant, est-ce que ces maladies ont des conséquences au niveau de la
famille ?
282
Chapitre 11. Comparaison entre TLN et DOLN
deux cultures, où l’une cherche à s’imposer à l’autre, nous pouvons dire que les
TLN constituent une sorte de résistance contre la domination de la langue
française.
La fonction des marqueurs argumentatifs nous semble encore plus
pertinente du point de vue des conventions sociales de la communication et du
langage. Gardes-Tamines (1992) et Jeandillou (1997) montrent que l’argumen-
tation qui, du reste, est utilisée dans notre corpus (voir chapitre 10) comme
stratégie de persuasion, est une caractéristique typique aux pratiques discur-
sives et rhétoriques des cultures occidentales qui n’est pas spécifique à un
genre particulier :
Les documents oraux et écrits de notre corpus ayant une fonction persuasive,
l’argumentation représente pour leurs producteurs une stratégie de
communication indispensable. Mais la récurrence des connecteurs
argumentatifs par le biais de codeswitches distingue l’organisation de
l’argumentation dans les DOLN de celle des documents écrits que l’on ne peut
expliquer uniquement en termes d’opposition discours écrit / discours oral. Il
n’est pas nécessaire d’exposer ici en détail la structure du discours
argumentatif, qui peut se présenter sous forme de raisonnement déductif ou
inductif. Pour ce qui nous intéresse, il suffit de relever que l’organisation du
discours argumentatif se caractérise par la profusion de connecteurs
argumentatifs (Jeandillou 1997 : 146 ; Roulet et al. 2001 : 341). Comme
indiqué dans les exemples cités plus haut, l’utilisation récurrente de «donc»,
«alors», «ou bien» et «or» dans le discours mooré et bisa va dans ce sens.
Comment expliquer ce phénomène de codeswitches impliquant l’utilisation de
connecteurs qui appartiennent à des pratiques discursives qui semblent
spécifiques aux cultures occidentales ?
En effet, la communication dans la culture africaine est basée sur la
suprématie du groupe, le respect de l’autorité, des valeurs religieuses et morales
(Moemeka 1996), toute chose qui ne favorisent pas la confrontation pouvant
entraîner des pratiques discursives privilégiant l’argumentation. Pour s’en
convaincre il suffit de se référer au chapitre 10 qui porte sur l’analyse de
Discutons avec nos enfants et sa traduction, . L’analyse de
ces documents montre que les traducteurs ont préféré dans la traduction du titre
«causons» à «discutons», à cause de la connotation polémique de
l’original français. Pour les mêmes raisons les parties intitulées «Ce qu’il faut
savoir» dans l’original structuré sous forme de question / réponse dans le
document source comme dans les DOLN ont été modifiées dans le document
cible. En effet, les traducteurs ont regroupé les questions dans un premier temps
et les réponses dans un second temps.
283
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
L’écrit serait froid tandis que l’oral serait empreint de chaleur. Il est
ressorti de nos observations que les Burkinabè en particulier, même ceux
chez qui la lecture devait être courante, préfèrent entendre les
informations que de les lire. En effet, certains ont justifié cette attitude en
argumentant sur le quasi anonymat de l’écrit et son caractère asocial.
Quand on lit on est tout seul, on ne communique plus avec les autres.
Même s’il constitue une stratégie crédible dans les pratiques discursives
occidentales, le style impersonnel et neutre dans les DOLN ne fait que
renforcer cette absence de «chaleur», facteur déterminant dans la commu-
nication. Par contre, on a vu que dans les TLN ce style neutre et impersonnel,
qui caractérise le discours scientifique des documents originaux, est parfois
personnalisé par un choix de pronoms personnels en conformité avec les
normes et les conventions sociales de la communication en milieu traditionnel
284
Chapitre 11. Comparaison entre TLN et DOLN
( ." & 5 .
( ( * * L5 gK
. * $"& * & .
$ * & . (1 ! *$ 5
. $ ! . $ & L5 gK
285
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
contrairement aux TLN, qui ont tendance à l’adapter aux conventions sociales
de la culture bisa et mossi, qui accordent une place importante aux rapports
humains et aux valeurs communautaires au détriment des valeurs individuelles.
Mais une telle différence peut s’expliquer par le caractère spontané du discours
oral qui, contrairement à l’écrit, laisse très peu de temps aux participants à la
communication pour penser leurs stratégies de communication.
Certaines manifestations linguistiques dans les DOLN correspondent aux
transformations en cours dans les représentations culturelles mossi et bisa. On a
vu que le mooré et le bisa, à l’instar de nombreuses langues africaines,
expriment les rapports entre la personne et la maladie en procédant par
inversion par rapport au français. C’est dans ce sens que, au lieu de dire «Paul a
attrapé le sida», les Mossi ou les Bisa diront «Le sida a attrapé Paul». Cette
personnification de la maladie reflète les représentations de la maladie et la
vision du monde des Mossi et des Bisa. Dans Kabré exprime une
fois ce rapport à partir d’un calque de la syntaxe française :
$ ( . 5 & &
(
La plupart du temps le SIDA peut nous attraper même si on n’a pas été
infecté par une IST.
286
Chapitre 11. Comparaison entre TLN et DOLN
How are the extratextual factors reflected in the use of lexic (regional
and social dialects, historical language varieties, choice of register,
medium-specific lexic, conventional formulas determined by occasion or
function, ect.) ? (Nord 1991 : 117) [sic].
Dans ces conditions on peut parler de normalisation dans les documents écrits
dans les chapitres 2, 3 et 4 de Discutons avec nos enfants et de
$ car la représentation des différentes conversations en famille ou entre
amis, à la différence des conversations réelles des DOLN, constitue une
résistance aux pratiques langagières jugées contraires aux normes de la langue
mooré. Laviosa-Braithwaite (1995 : 153) rapporte le cas de la traduction orale
de l’hébreu en anglais, où les interprètes ont tendance à corriger dans la langue
cible les formes grammaticales incorrectes dans la langue source. Ce constat est
valable également en ce qui concerne les traductions des DOLN en français qui
se trouvent en annexes. Si le codeswitching est un phénomène essentiellement
oral, la comparaison des TLN et des DOLN et l’analyse de certaines attestations
de codeswitching montrent la tendance à la normalisation de la traduction en
mooré et en bisa.
11.10 Conclusion
287
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
288
CHAPITRE 12
Parmi les différentes fonctions que peut avoir la traduction, deux nous ont servi
d’hypothèses de recherche, à savoir :
290
Chapitre 12.Commentaires des résultats, perspectives de recherche et conclusion
$ ! GG , ## $ ' %
291
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
Nous devons changer certaines vieilles habitudes afin que la santé aille
de mieux en mieux.
It may be said that from the point of view of a deep and fundamental
conception of tradition, every society in our modern world is ‘traditional’
inasmuch as it maintains and cherishes values, practices, outlooks, and
institutions bequeathed to it by previous generations and all or much of
which on normative grounds it takes pride in, boasts of, and builds on
(Gyekye 1997 : 217).
292
Chapitre 12.Commentaires des résultats, perspectives de recherche et conclusion
293
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
It is not all that rare to find side by side in a society three types of norms,
each having its own followers and a position of its own in the culture at
large : the ones that dominate the center of the system, and hence direct
translational behaviour of the so-called mainstream, alongside the
remnants of previous sets of norms and the rudiments of new ones,
hovering in the periphery (italiques de l’auteur).
Une telle approche des normes est valable en ce qui concerne les rapports entre
langue et culture dans les traductions de notre corpus, car nous avons montré
que la culture mossi et bisa, à l’instar des représentations de la santé, de la
maladie et du corps, est en pleine mutation à cause des influences de l’islam, du
christianisme, de la colonisation française et de la globalisation. Ces influences
concernent également les langues mooré et bisa. Les emprunts, le
codeswitching et l’introduction de pratiques discursives, telle que l’utilisation
de marqueurs argumentatifs en mooré et en bisa dans les documents de nos
corpus comparables, illustrent assez bien ce propos (Voir chapitres 8.2.2.,
9.2.2., 10.2.2. et 11. 2. 11.8). On peut citer également Sawadogo (1997) qui
décrit de manière succincte le «Nasaar Moore», une variété mooré parlée dans
certains milieux protestants, résultat de l’influence de l’anglais américain par le
biais de l’œuvre missionnaire.
Malgré la pertinence de l’hypothèse de Sapir-Whorf selon laquelle la
vision du monde d’une communauté linguistique est déterminée par sa langue,
de nombreuses recherches ont déjà réfuté cette hypothèse (voir par exemple
Wardhaugh 1992, Zalzmann 1993 et Hudson 1998). Les résultats de notre étude
montrent clairement que l’on peut parler la même langue sans nécessairement
partager les mêmes valeurs culturelles et vice versa. C’est le cas de la
francophonie qui se caractérise par sa diversité culturelle. Les francophones du
Burkina Faso ne partagent pas tous les mêmes valeurs culturelles que les autres
francophones du monde, en particulier ceux qui ne sont pas du continent
africain. En revanche, deux communautés linguistiques différentes peuvent
partager les mêmes valeurs culturelles. Les Mossi et les Bisa, qui parlent
différentes langues, ont dans l’ensemble les mêmes représentations de la santé,
de la maladie et du corps. Ces rapports entre langue et culture, qu’illustrent
assez bien les différentes pratiques discursives auxquelles renvoient les
fonctions du langage et les types de texte, ne sont pas figés. L’analyse de notre
corpus a permis de relever les manifestations de nouvelles pratiques discursives
et de nouvelles valeurs dans la culture mossi et bisa.
La complexité de ces liens entre langue et culture est telle que ni
l’approche purement linguistique ni l’approche purement culturelle ne doivent
être privilégiées de manière exclusive. En postulant que le skopos est le facteur
déterminant dans la traduction, les approches fonctionnelles et culturelles, en
particulier celle de Nord et Vermeer, permettent de tenir compte du lien étroit
qui existe entre communication et culture. Nos perceptions et expériences
culturelles, selon Samovar & Porter (1991), déterminent notre manière
d’envoyer et de recevoir des messages. Si une telle approche a permis
d’atténuer le poids de la linguistique en traduction, elle ne doit pas reléguer au
294
Chapitre 12.Commentaires des résultats, perspectives de recherche et conclusion
Les différentes fonctions que révèle notre analyse varient d’un document à
l’autre, et elles ne s’excluent pas les unes les autres, même si, comme on peut
s’y attendre, la fonction informative et persuasive des documents qui ont fait
l’objet de notre analyse domine. Ce qui est plus intéressant, c’est que la
comparaison des documents cibles et des documents sources de notre corpus
montre la pertinence des approches de la traduction en termes d’interactions
culturelles (Lefevere & Bassnett 1990 et 1998) ou de question de pouvoir
entre cultures (Venuti 1995). Ces approches, grosso modo, postulent que toute
traduction reproduit les rapports entre les cultures en présence, à savoir la
domination, la soumission ou la résistance de l’une par rapport à l’autre. En ce
qui concerne le cas spécifique du Burkina Faso, Ouédraogo (2004 : 94)
s’interroge en ces termes : «n’assiste-t-on pas à une hégémonie et à une
dictature de la langue française, préludes à l’émergence de toutes les autres
formes de dictature et de mal-gouvernance ?»
Les résultats de l’analyse de notre corpus de traductions montre que la
situation est plus complexe et qu’il n’est pas aisé de répondre à une telle
question par l’affirmative ou par la négative. En effet, même si les valeurs que
véhiculent les documents en français sont dominantes, il serait prématuré de
conclure à une soumission ou à une résistance de la part de la culture mossi et
bisa quand on sait que le phénomène d’acculturation est permanent en termes
d’histoire. Selon Sévry (1998 : 138) «il n’existe pas plus de langues ou de
cultures pures ou «authentiques» qu’il n’existe de races pures». La traduction
peut être perçue sous l’angle de l’innovation telle que préconisée par
l’approche du polysystème. L’introduction de l’écriture dans les langues mooré
et bisa, qui sont essentiellement des langues de communication orale, permet
aussi leur conservation, la valorisation et la promotion des valeurs
culturelles qu’elles véhiculent.
La traduction dans les langues nationales peut contribuer non seulement
à cette valorisation et à cette promotion, mais également à la diversité
295
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
culturelle qui aux yeux de Ouédraogo (2004 : 100) peut donner au Burkina
Faso et à l’ensemble des pays francophones une chance de développement
durable ancré dans le culturel et l’interculturel. Si le développement durable a
pour objectif d’éradiquer la pauvreté tout en préservant l’environnement, il ne
faut pas perdre de vue qu’il existe plusieurs représentations socioculturelles de
la pauvreté et de l’environnement. Selon Elame (2004 : 72-73) «il existe une
grande diversité d’approches pour appréhender les questions économiques,
sociales et surtout environnementales suivant les aires culturelles». La
traduction en tant que communication interculturelle permet une telle approche
du développement, y compris de la santé, de la maladie et du corps. À cet
égard, ainsi que le souligne Holmes (1988 : 77-78), le traductologue, doit en
matière de politique de traduction, contribuer à définir la place et le rôle de la
traduction et des traducteurs dans la société.
Le phénomène de la mondialisation, qui vise l’uniformisation des
systèmes de communication économiques, commerciaux et politiques, fait face
à l’affirmation d’identités locales et nationales, situation dans laquelle la
traduction peut servir d’intermédiaire ou de pont. Celle-ci participe ainsi à la
conservation de la diversité culturelle. En effet, De Swaan (2001) montre que,
face à l’inégalité des différentes langues du monde, la traduction constitue un
moyen de réconcilier les langues locales à communication restreinte et les
langues de grande communication :
296
Chapitre 12.Commentaires des résultats, perspectives de recherche et conclusion
297
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
familiale (Yoda, à paraître). Mais lorsque l’image touche à des sujets tabous
tels que la sexualité comme dans le cas des IST et de la planification familiale,
elle devient problématique. Par pudeur nous n’avons pas montré ces images qui
à nos yeux pouvaient choquer en raison de leur crudité. On a vu que (voir
Kabré et al. 2003) pour la plupart des gens au Burkina Faso, cette utilisation de
l’image constitue une banalisation du sexe, chose tout à fait contraire aux
normes et aux conventions sociales. Du coup se pose le problème de la
fonctionnalité de la traduction, qui à nos yeux ne dépend pas seulement du
skopos ou du but. Pour avoir l’impact escompté, à savoir persuader et
influencer le comportement du public, la traduction doit nécessairement être
conforme aux normes et aux conventions sociales du public cible. Par
conséquent, dans le type de traduction de notre corpus, les stratégies de
traduction doivent résolument chercher l’efficacité en s’adaptant au public
cible. Il est à craindre que toute traduction ou toute communication qui ne
tiendrait pas compte de cela ne puisse être fonctionnelle :
298
Chapitre 12.Commentaires des résultats, perspectives de recherche et conclusion
299
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
Cette observation est valable également pour tous les procédés de traduction
que nous avons cités, en particulier l’ajout, l’omission, l’adaptation et la
simplification.
Ces quelques remarques sur les procédés et les stratégies de traduction, et
la méthode d’analyse montrent, si besoin en était, qu’aucun outil d’analyse
n’est parfait.
Les problèmes de traduction que révèle l’analyse de notre corpus, qu’ils soient
d’ordre linguistique ou culturel, constituent en réalité des obstacles au
développement des langues nationales qu’il faut placer dans un contexte
général. Les tergiversations de la part des intellectuels africains, selon Chevrier
(1999 : 211) ou l’absence d’une politique claire de promotion et de valorisation
constituent un obstacle (Nikièma 2000 et Batiana 2000). La traduction ne
pourra jouer pleinement son rôle que si l’analphabétisme, qui constitue un frein
au développement social et économique, est éradiqué à travers une politique
linguistique claire qui accorde aux langues nationales le même statut qu’au
français, langue quand même minoritaire au Burkina Faso. L’amélioration du
statut des langues nationales est primordiale, car dans une situation multilingue
comme au Burkina Faso, les intérêts qu’ont les gens à parler une langue plutôt
qu’une autre influencent leurs choix linguistiques. De Swaan (2001), qui
distingue «langues centrales» et «langues périphériques», considère les langues
du monde comme des biens économiques ayant chacune une valeur :
It is assumed that - given half a chance - people will learn the language
that provides them with the greater communication advantage, the greater
‘Q-value’. In an economic perspective, languages are defined as
‘hypercollective goods’. This helps to explain the accelerating spread of
a language that is expected to gain speakers, and the abandonment of one
that appears to be endangered by desertion (De Swaan 2001 : 18).
300
Chapitre 12.Commentaires des résultats, perspectives de recherche et conclusion
faire l’objet d’une attention particulière. Les problèmes que posent dans notre
étude, d’une part, l’explicitation, la simplification et la normalisation (voir
Stratégies de traduction Chapitres 9.3. et 10.3.), et d’autre part, le code-
switching (Chapitre 11.9.) qui résultent du contact linguistique, ne peuvent
trouver de solutions que dans le cadre d’une politique linguistique claire. Le
français n’a pu se développer et s’imposer en France comme langue nationale
que grâce à la volonté politique qui s’est traduite par la création de l’Académie
française en 1635. De nos jours, sa mission est surtout de définir le bon usage
de la langue française et de veiller à son rayonnement. Au Burkina une
Commission nationale des langues a vu le jour en 1969. Batiana (2000 : 101),
tout en reconnaissant cette volonté politique, la qualifie de «miroir aux
alouettes», car elle n’existerait que de nom.
La solution aux problèmes ci-dessus nécessite également une
coopération entre divers partenaires et disciplines dont la traductologie. La
traductologie elle-même, une discipline interdisciplinaire par excellence, doit
prendre en compte les différentes parties dont la traduction sert les intérêts. Le
cas spécifique de la traduction médicale montre que plusieurs acteurs sont
concernés : les pouvoirs publics, les organisations intervenant dans le domaine
de la santé, les spécialistes de la santé, les traducteurs, le public cible, les
critiques, les maisons de publication, la communauté internationale pour ne
citer que les plus importants. En attendant, quelles sont les perspectives de
recherche interdisciplinaire pouvant contribuer à la pratique et la théorie de la
traduction de façon générale et en particulier au Burkina Faso ?
301
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
302
Chapitre 12.Commentaires des résultats, perspectives de recherche et conclusion
303
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
• Encourager la retraduction
Les résultats de certaines recherches ci-dessus peuvent être à l’origine de la
retraduction de certains textes. Une première traduction, selon Gambier citée
par Paloposki & Koskinen (2004 : 27), «a toujours tendance à être plutôt
assimilatrice, à réduire l’altérité au nom d’impératifs culturels, éditoriaux».
Paloposki & Koskinen aboutissent à une hypothèse de retraduction basée sur
des facteurs culturels.
L’état actuel des connaissances sur les langues et les cultures africaines milite
en faveur de la prise en considération de la retraduction dans toute politique de
traduction. Quant à son orientation sur la culture de la langue cible ou sur celle
de la langue source, le skopos de la retraduction en décidera, sans oublier que la
fonctionnalité de la traduction dépend des normes et des conventions sociales
de la culture réceptrice.
304
Chapitre 12.Commentaires des résultats, perspectives de recherche et conclusion
12.8 Conclusion
305
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
elle veut être un véritable outil de développement, doit exploiter les fonctions
culturelles, sociales et pragmatiques du langage.
La question de la traduction en matière de santé représente un enjeu
encore plus important. En effet, on imagine aisément les conséquences
dramatiques si les moyens humains et financiers engagés par les pouvoirs
publics et les ONG dans la production de brochures, telles que celles de notre
corpus ne peuvent pas atteindre leurs objectifs à cause de leur forme. C’est dire
qu’un drame humain peut être évité ou non en fonction de la pertinence de la
communication, qui dans un contexte multilingue et multiculturel passe aussi et
surtout par la traduction. Ce drame est dommageable à la fois pour les
individus, leurs familles et la société toute entière. Il est clair qu’un individu
malade ne peut jouir de la vie. Lorsqu’il s’agit d’une personne atteinte du sida,
toute sa famille et son entourage sont affectés d’une manière ou d’une autre. Et
pour la société moderne, où la maladie est définie est termes d’incapacité à
travailler, la maladie entraîne un arrêt de travail qui peut conduire à une baisse
de la productivité et de l’activité économique. Dans le cas spécifique du sida
dont il n’existe pas à l’heure actuelle de traitement fiable en dehors des anti-
rétroviraux, qui constituent un luxe dans les pays africains, une bonne
information, permettant aux populations de se protéger, représente le seul
espoir. Nous espérons que notre étude de la traduction, en tant qu’acte de
communication, pourra contribuer à atteindre l’efficacité de l’information.
306
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Annexes
Annexe 1 : Extraits des TLN (traductions en langues nationales) bisa et mooré
Notre santé....p. 6
77
Le soumbala est un condiment à base de fruits du néré, un arbre d' Afrique. Il est obtenu à
partir de graines de néré bouillies, pilées puis fermentées et présentées sous forme de poudre
ou de boule.
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
Extrait 2 : [ . B &B B 4H
O 4- 2 K2 2, - -2 2- B
&
3 4 2- - -B ' -
$ EJ
Notre santé...., p. 20
322
Annexe 1. Extraits des TLN (traductions en langues nationales) bisa et mooré
Extrait 3 : \ / -
! ' / 2 2 . T2 2 & 44 2 -
! ' . 2T 2 4
3 2 . -2 . / 2
Notre Santé....p.14
323
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
N 22 '
La galopante diffusion du SIDA qui fait tant de victimes à travers le monde et frappe
durement l’Afrique de façon particulière, nous concerne tous et nous interpelle.
Face à l’épidémie du SIDA qui continue de se propager de manière inquiétante et anéantit les
forces vives de nos populations, il nous faut constamment agir ensemble de manière efficace
pour prévenir ce redoutable fléau, porter le secours nécessaire et le soutien moral à ceux et
celles qui en sont déjà les victimes.
324
Annexe 1. Extraits des TLN (traductions en langues nationales) bisa et mooré
[` . D]F! . ' H
L’organisme d’une personne atteinte du SIDA se trouve affaibli et n’a plus de moyens de
défenses pour lutter efficacement contre les microbes ; beaucoup de maladies que nous
verrons par la suite peuvent alors se développer facilement chez la personne atteinte du SIDA
et provoquer sa mort.
* Virus : microbe qui provoque de nombreuses maladies chez les êtres vivants. Les
virus ne peuvent se maintenir et se reproduire qu’en parasitant une cellule
vivante et aux dépens de celle-ci.
V & Q
325
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
G + . & . '
G . G G` . '
' '
Face au SIDA qui est jusqu’à présent une maladie mortelle sans remède efficace ni vaccin, le
meilleur moyen de lutte contre ce fléau redoutable est la prévention qui respecte la dignité de
la personne humaine.
Mon livret SIDA, p. 12
326
Annexe 1. Extraits des TLN (traductions en langues nationales) bisa et mooré
1- Le virus du SIDA se transmet à travers les rapports sexuels avec une personne
contaminée.
De nos jours tout sang destiné à la transfusion doit être soumis au test de dépistage du
virus du SIDA.
327
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
N 22 '
F ` e
328
Annexe 1. Extraits des TLN (traductions en langues nationales) bisa et mooré
Introduction
Chers parents!
Pères, mères des gens et jeunes filles de ce pays, vous constatez de nos jours par la télévision,
la radio, les journaux ou même dans votre entourage immédiat, que la mort devient de plus en
plus un phénomène banal dans le milieu des jeunes, aussi bien dans les villes que dans les
campagnes.
En effet, la mort ne s’attaque plus seulement aux faibles (c’est-à-dire les tout petits enfants et
les personnes âgées) : elle s’attaque de plus en plus aux jeunes gens et aux jeunes filles, aux
hommes et aux femme dans la force de l’âge.
Chers pères, chères mères des jeunes gens et jeunes filles, en feuilletant cette brochure que le
P.P.L.S. met à votre disposition et qui contient des informations sur :
le mariage
l’excision
l’éducation à la vie familiale
la planification familiale
les M.S.T. – V.I.H. / SIDA
pensez à tous ces jeunes gens et jeunes filles qui sont morts et qui auraient pu être encore en
vie si seulement leurs parents savaient.
Pensez à toutes ces familles en difficulté pour cause de maladie, pauvreté, ou encore
d’ignorance.
Les parents auraient pu discuter avec leurs enfants pour qu’ils comprennent que les époques
ont changé et qu’il faut que les habitudes et les mentalités changent.
Personne mieux que les parents qui ont vu les différentes époques et qui ont eu à pleurer la
disparition d’un fils, d’une fille, d’un neveu ou d’une nièce, ne saurait faire comprendre cela à
des jeunes gens.
Alors chers parents, il ne s’agit pas seulement de lire ce document et de le refermer ; vous
devez toujours chercher à en savoir plus auprès des agents de santé, des services sociaux, des
associations ou O.N.G. s’intéressant à ces questions et qui sont à même de vous fournir des
informations vraies : ne vous laissez pas surtout abuser par de fausses informations.
Parlez-en autour de vous, discutez-en avec vos ami(e)s ; mais surtout avec vos fils, avec vos
filles, pour savoir d’une part ce qu’ils en pensent, mais aussi s’ils sont suffisamment armés
pour affronter ces différents maux.
C’est à ce prix-là que nous pourrons tous envisager l’avenir avec espoir.
329
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
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330
Annexe 1. Extraits des TLN (traductions en langues nationales) bisa et mooré
331
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
Extrait 10 : O
V _ 2 &_ - ._& - _2
V -4 ^ -& ' H
332
Annexe 1. Extraits des TLN (traductions en langues nationales) bisa et mooré
Conclusion
Chers pères, chères mères des jeunes gens et des jeunes filles, nous vous remercions d’avoir
bien voulu parcourir cette brochure qui évoque des questions sur le mariage, l’excision,
l’éducation à la vie familiale, la planification familiale, mais surtout les M.S.T. / V.I.H. /
SIDA.
Sachez que le SIDA existe aussi bien dans les villes que dans les campagnes, il n’épargne
personne : ni blanc, ni noir, ni riche ni pauvre, ni homme ni femme, ni vieux ni jeunes.
Ce sont surtout les jeunes gens et les jeunes filles qui, chaque année, chaque mois, chaque
jour, allongent la liste de nos victimes.
Où va ce monde ?
Des médicaments de plus en plus efficaces contre le V.I.H. / SIDA font leur apparition au fil
des recherches, si bien qu’il en existe aujourd’hui qui sont capables de stabiliser l’évolution
du virus, et même de le neutraliser.
Ces médicaments sont malheureusement encore au stade des essais et ne sont pas à la portée
du commun des mortels.
Chers pères, chères mères des jeunes gens et des jeunes filles, parcourez encore une fois,
deux fois, mille fois cette brochure ; discutez-en autour de vous afin d’en comprendre toute la
portée pour disposer des arguments permettant d’aborder efficacement certaines questions
avec vos enfants, car l’éducation d’un enfant incombe d’abord à son père et à sa mère.
333
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
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La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
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La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
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340
Annexe 2. DOLN (Document original en langue nationale) mooré
Introduction :
Amis auditeurs et auditrices, bienvenus à l’écoute de cette émission. Nous voilà une fois de
plus à l’émission «Espace santé» pour avoir plus d’informations sur les maladies. Comme les
fois précédentes, cette émission est le résultat d’une sortie sur le terrain par notre collègue C.
S. Pascal afin de nous éclairer davantage. Ceci dit, nous allons écouter une plage musicale
avant d’écouter ce qu’il a à nous dire aujourd’hui pour notre bien-être et pour celui des autres.
Interlude musical
RED : Radio Évangile Développement est allée tendre son micro à un docteur pour qu’il
nous donne des informations sur certaines maladies. Nous allons donc lui donner la
parole afin qu’il se présente avant de continuer avec nos questions.
Marc Kabré (MK) : Je suis le Docteur Marc Kabré. Je suis en service au Centre médical
Shiphra situé dans l’enceinte de la mission protestante, jadis appelé «dispensaire
protestant».
RED : Si vous avez suivi certaines de nos émissions passées, nous avions eu des entretiens
avec lui sur diverses maladies. Aujourd’hui encore, nous sommes venus vers lui pour
qu’il nous éclaire sur certaines maladies. Nous allons nous intéresser plus
particulièrement aux IST et au sida. Notez bien : IST et sida. C’est sur ces deux
thèmes que nous allons nous entretenir. La première question que nous allons lui poser
est de savoir ce que c’est qu’une IST et le rapport qu’il y a entre les IST et le sida.
MK : Je vous remercie. Une IST, c’est toute maladie qui se transmet par un rapport sexuel.
Cela veut dire que si la femme ou l’homme a la maladie, il/elle peut contaminer son
partenaire. Ce sont ces maladies qu’on appelle IST.
RED : Nous avons bien compris. Avant, on avait l’habitude de parler de MST. Maintenant on
parle d’IST. Est-ce que vous pouvez nous expliquer comment ce changement est
intervenu ?
MK : C’est vrai. On parlait de MST et maintenant, on parle de IST parce que les MST sont
des maladies dont on peut souffrir au point de se voir obligé d’aller voir un médecin.
Mais entre-temps, il y a des maladies qu’on ne peut désigner comme tel, parce qu’elles
ne vous dérangent pas. Vous ne ressentez pas la nécessité de vous soigner. La maladie
vous attaque en silence et peut même vous rendre stérile. Mais les MST ont des
symptômes qui indiquent que vous n’êtes pas en bonne santé. Elles peuvent se
manifester par des démangeaisons, des plaies ou des picotements. Par contre, les IST
ne se manifestent pas par des signes. Si on a changé de concept en passant de MST à
IST, c’est parce que les IST couvrent un domaine plus vaste que les MST. Les MST
sont comprises dans les IST. Que la maladie fasse mal ou pas, on appelle tout cela des
IST, et toutes ces maladies peuvent rendre stérile. C’est pour cela qu’on a différencié
ainsi.
341
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
RED : La question que je vais vous poser maintenant, est la suivante : qu’est ce qui favorise
la propagation des IST ? Nous savons que dans certains domaines de la vie, si tu
sèmes beaucoup, tu récoltes beaucoup. Si tu sèmes peu, tu récoltes peu. Mais dans le
cas des IST, qu’est-ce qui favorise leur propagation ?
RED : Auditeurs et auditrices, nous vous rappelons que nous avons comme invité le docteur
Marc Kabré, et le thème du jour porte sur les IST et le sida. À la question de savoir
pourquoi les IST sont devenues nombreuses, il nous a dit que ce sont le vagabondage
sexuel et l’automédication qui en sont les causes principales. Mais maintenant
Docteur, est-ce que ces maladies ont des conséquences sur la famille ?
MK : S’agissant des IST, les conséquences sont nombreuses selon qu’il s’agit de quelqu’un
qui a la gonococcie ou la syphilis, ou encore ce qu’on appelle chlamydiose. Il y a
plusieurs sortes d’IST. Leur diversité rend les choses plus compliquées, étant donné
que ce sont des maladies qui peuvent rendre stérile l’homme ou la femme. Si le couple
n’arrive pas à faire d’enfant, ils vont s’accuser mutuellement et éventuellement se
séparer. En Europe, cela n’est même pas considéré comme un problème. Mais chez
nous en Afrique, un enfant dans une famille représente quelque chose d’essentiel. Très
souvent les deux conjoints finissent par divorcer. Donc, c’est grave si un couple doit
se séparer parce qu’il n’arrive pas à faire d’enfant à cause d’une IST. C’est très grave.
Deuxièmement, les IST entraînent la famille dans des dépenses. Si un membre de la
famille a une IST, il vous faut le soigner, et nous savons que les soins coûtent cher.
Donc, cela constitue une charge pour la famille. La plupart du temps, les gens sont en
location. Si en plus de ça, il faut acheter la nourriture, payer les factures d’eau,
d’électricité, de téléphone et se soigner, ce sont de grosses dépenses qui peuvent être
source de conflits. En plus, cela crée un climat de suspicion dans la famille. S’il n’y a
plus de confiance dans la famille, l’harmonie familiale peut en souffrir. Ce qui
pourrait empirer la situation, c’est le sida. Ça veut dire que les IST et le sida sont
étroitement liés. Leurs modes de transmission sont les mêmes.
RED : Est-ce à dire qu’une personne qui n’a pas de maladie sexuellement transmissible
peut dire qu’elle est à l’abri du sida ?
342
Annexe 2. DOLN (Document original en langue nationale) mooré
MK : Ça ne veut pas non plus dire cela, parce que la plupart du temps, on peut avoir le sida
sans avoir contracté auparavant une IST. Ce que je veux dire, c’est que les IST qui
peuvent affaiblir l’organisme incluent le sida qui se transmet par les plaies, le sang. Si
tu es atteint de ce genre de maladie et tu entretiens des rapports sexuels avec
quelqu’un qui a le sida, une fois que le virus pénètre dans ton sexe, la transmission
devient facile. C’est pour cela que nous disions tantôt que les IST et le sida sont
étroitement liés. Beaucoup de gens développent le sida sans avoir eu auparavant une
IST. Ces cas existent bel et bien.
RED : Mais Docteur, est-ce que vous pouvez nous énumérer les IST pour que nous puissions
nous familiariser avec ces maladies ?
MK : En mooré en tout cas, il sera difficile de les citer. Mais en français, on peut citer
beaucoup de maladies. Les plus fréquentes sont la gonococcie ou la chaude-pisse, il y
a aussi ce qu’on appelle la syphilis. Il y en a d’autres comme l’urétrite à microplasme,
l’urétrite à chlamidiose. La chlamidyose est une autre forme de maladie. Il y en a une
autre qui est un champignon que l’on appelle le trichomonas. Il y en a d’autres qui
sont des eczémas. Ce sont les plus fréquentes que je viens de citer. Même s’il devait y
en avoir d’autres, elles ne sont pas si fréquentes. Mais celles que j’ai citées ici sont les
plus fréquentes de nos jours.
RED : Toutes celles que vous avez citées, nous avons des difficultés à prononcer leurs noms,
lesquelles sont plus graves et plus difficiles à soigner ?
RED : C’est vrai qu’aujourd’hui nous n’allons pas parler des modes de transmission des IST
et du sida. Mais je vais vous poser une toute petite question là-dessus, en attendant de
revenir plus en détail sur cela dans une autre émission. Vous avez parlé de la syphilis
et de la gonococcie. Si un homme a l’une de ces maladies – on va parler du cas des
hommes parce que chez eux c’est plus simple – est-ce que ça peut provoquer une
inflammation au niveau du sexe ou bien des boutons ? Comment ces deux maladies se
manifestent ? Parlons-en rapidement. On y reviendra plus en détail la prochaine fois.
343
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
être visibles sur le corps, mais elle est pourtant présente dans le corps. Les signes de
cette maladie sont carrément différents de ceux de la gonococcie.
RED : Dis donc! Docteur, si c’est évolutif de cette façon, est-ce que les comprimés peuvent
soigner cette maladie ?
MK : Oui, certains comprimés sont même plus efficaces que les injections. L’essentiel, c’est
qu’on puisse tuer le germe de la maladie. Peu importe si ce sont des comprimés ou des
injections. Si le produit convient à ton organisme, il te soigne. Ce sont donc des
maladies qu’on peut facilement soigner. Elles ne sont pas comme le sida, comme je le
disais tantôt.
RED : Si un membre de la famille a cette maladie, est-ce qu’il peut aller acheter des
comprimés et prendre ? Si une femme a la maladie, doit-elle aller au dispensaire avec
son partenaire pour se soigner ? Et s’ils y vont ensemble, est-ce que l’un peut prendre
des comprimés et l’autre des injections ?
MK : S’agissant des IST en tout cas, on ne doit pas soigner l’un sans l’autre. Il est bon que
les deux aillent ensemble au dispensaire pour se soigner. D’ailleurs, si tu te présentes
chez le médecin, il va te demander si tu as un(e) partenaire. S’il se trouve que tu as
un(e) partenaire, il va te dire d’aller l’amener afin qu’il vous soigne en même temps.
Sinon, si on soigne un des deux et qu’il a des rapports sexuels avec l’autre, la maladie
va refaire surface. Il est donc obligatoire que les deux se présentent chez le médecin.
Quant à la différence du traitement, c’est le produit qui va le plus avec votre
organisme que vous prenez. Si l’un préfère les comprimés tandis que l’autre veut des
injections, ce n’est pas grave. Chacun prendra ce qui lui convient
.
RED : Les maladies que vous avez citées, est-ce à dire que si quelqu’un a l’une d’entre elles,
il finira forcément par avoir le sida ? Est-ce qu’il y a des IST dont on peut dire que si
quelqu’un contracte l’une d’entre elles, c’est le sida qu’il finira par avoir ?
MK : Bien. Si quelqu’un a une de ces maladies, on ne peut pas d’office dire qu’il va avoir le
sida. Mais ce que je sais, si on prend dix personnes ayant des IST et dix personnes
n’ayant pas d’IST et on leur fait le test de dépistage, on verra que le plus grand
nombre de personnes ayant le sida se trouvent parmi celles qui ont des IST. Qu’est-ce
à dire ? Celles qui ont des IST sont généralement des gens qui n’ont pas de partenaire
fixe, qui ne sont pas sérieux comme on dit. Le plus souvent, c’est ce qui se passe. Ça
fait que si vous avez la syphilis, vous êtes plus exposé au sida par rapport celui qui n’a
pas la syphilis ou la gonococcie ou autre IST. Mais ça ne veut pas non plus dire que si
vous n’avez pas d’IST, vous êtes à l’abri du sida. Non.
RED : Parmi les maladies que vous avez énumérées, laquelle est la plus dangereuse et peut
rendre un homme ou une femme stérile ?
MK : Aucune étude n’a encore été faite à ce sujet qui puisse permettre de faire des
comparaisons. Donc nous ne pouvons pas vous dire que telle maladie rend plus stérile
que telle autre. Ce qui est sûr, toutes ces maladies sont capables de rendre stérile. Mais
la plus fréquente est plus susceptible de rendre plus malade que les autres. Il y en a qui
sont plus rares que d’autres, mais si vous les attrapez, c’est grave. Il y a par exemple
celle qu’on appelle infections à chlamydia. Ce sont des maladies graves. Elles ne sont
pas aussi fréquentes que la gonococcie, mais elles sont dangereuses.
344
Annexe 2. DOLN (Document original en langue nationale) mooré
RED : Parmi toutes les maladies que vous avez citées, laquelle peut-on dire qu’elle est moins
grave ? Nous allons peut-être faire rigoler nos auditeurs en disant : laquelle est moins
chère et qu’on peut soigner à 1000 F78 par exemple ?
MK : De nos jours, on peut obtenir des produits à moindre coût pour toutes ces maladies.
Vous voyez que, par exemple, à la télé on fait souvent la publicité sur certains
médicaments essentiels génériques qu’on peut avoir à la CAMEG. Toutes ces
maladies ont des produits à la CAMEG. Si vous prenez, par exemple, la gonococcie,
vous verrez ce qu’on appelle la ciprofloxacine. En générique, le produit coûte moins
cher. Si vous allez en pharmacie, une boîte ne peut pas suffire. On peut vous dire d’en
acheter deux. Mais si vous comparez les 10 000 F à ce que qu’on pourrait vous vendre
de l’autre côté à 1000 F, vous verrez que c’est moins cher. Mais on peut se soigner
avec les médicaments essentiels génériques sans problème. Si vous achetez la
spécialité, c’est cher. Mais vous avez le générique à moindre coût et efficace.
RED : Docteur, les gens se plaignent pourtant en disant qu’ils n’aiment pas ce qu’on met
dans les sachets, étant donné qu’on a soufflé dans le sachet avant de mettre le produit,
avec tout ce qu’il y a comme poussière. Pour eux, une fois que l’air pénètre, le produit
n’est plus efficace. Qu’en pensez-vous ?
MK : Ce que les gens disent n’est pas faux. Ils ont tout à fait raison. C’est parce que ça n’a
pas été mis en boîte que c’est moins cher. Mais là n’est pas le problème. Il y en a
qu’on fait sortir maintenant en plaquettes, comme les produits ordinaires, mais c’est
toujours du générique. Si on fait sortir ce modèle, c’est pour éviter un tant soi peu le
problème dont vous venez de parler, à savoir le fait de souffler dans le sachet, et
même éviter le risque que le produit tombe par terre et qu’on le prenne pour le
remettre dans le sachet. Sinon, ce que vous dites est tout à fait vrai, mais nous savons
que petit à petit tout ira comme il faut.
RED : Mais parmi toutes les IST que vous avez citées, laquelle peut, à partir d’un certain
nombre d’années, ne plus se soigner ?
MK : Je ne pense pas qu’il y ait une IST qui soit comme ça, parce que toutes ces maladies
ont des produits qu’on peut avoir, à moins que vous ne refusiez de vous soigner. Mais
là, c’est différent. Autrement, si vous prenez les produits comme il faut, vous ne
souffrez pas. Mais à part le sida qui peut se transmettre par le biais des IST, les autres
peuvent se soigner. Si on prend les produits, ce n’est pas compliqué, à moins qu’on
néglige de se soigner. Vous savez que même la syphilis fait souffrir l’homme, étant
donné qu’elle se propage dans tout le corps. Mais si on a le produit, on peut les
soigner toutes.
RED : Mais est-ce que la maladie met beaucoup de temps, dix ans par exemple, comme le
sida avant de se déclencher ? Ou bien une fois qu’elle te prend, elle se propage
rapidement dans toutes les parties du corps ?
MK : Non. Si elle vous prend, elle ne vous fait pas souffrir comme le sida. Elle attaque
seulement certaines parties du corps. C’est pour ça qu’il y a des stades qu’on appelle
syphilis primaire, secondaire et tertiaire. Ainsi elle n’affaiblit pas l’homme, il ne
provoque pas la diarrhée comme c’est le cas pour le sida. La maladie n’a rien de
comparable au sida. Le sujet malade peut vivre normalement. Mais la maladie ne met
78
Ce montant correspond à peu près à € 1, 5. Le taux de change officiel est de 655, 96 F CFA
pour 1 euro.
345
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
pas du temps avant de se déclencher. Si elle te prend, elle ne se développe pas dans le
corps. À part chez les femmes où la chaude-pisse n’est pas… Mais si vous êtes une
femme avisée, dès qu’il y a quelque chose d’anormal dans votre corps, vous allez vous
en rendre compte et aller rapidement voir le médecin.
RED : Quels conseils avez-vous à donner à ceux qui ont les IST et ceux qui n’en ont pas ?
MK : À ceux qui ont les IST, je conseille d’aller d’abord se faire soigner. La plupart du
temps, nous avons honte de dire que nous avons une IST. Mais si on réfléchit bien et
on voit que cela peut être cause de paralysie plus tard, nous n’aurons plus honte.
Même si ce n’est pas devant le médecin….nous savons que les médecins connaissent
plusieurs maladies. Un médecin ne va pas rire de vous parce que vous avez une IST.
Ce n’est même pas bien. Donc, j’encourage ceux qui ont les IST à se soigner. À ceux
qui ont la chance de ne pas en avoir, je dis de continuer de se protéger, d’épouser une
seule femme et de rester fidèles à leurs partenaires et d’éviter le vagabondage. Si nous
sommes tantôt à gauche, tantôt à droite, nous risquons notre vie, et c’est en cela que
nous aurons un jour honte de déclarer notre maladie. S’il se trouve aussi que vous êtes
malade mais innocent, vous pouvez le déclarer la tête haute. Mais si visiblement, vous
vagabondez au vu et au su de tous, si vous contractez la maladie, même s’il s’agit du
sida, les gens diront qu’il ne pouvait en être autrement. «D’ailleurs il déconne»,
diront-ils. Par conséquent, ceux qui ont la chance de ne pas avoir ces maladies n’ont
qu’à faire l’effort de se protéger. Les moyens de protection, il y en a de plusieurs
sortes. Vous pouvez décider d’être fidèle à votre femme ou de vous protéger avec les
condoms afin de pouvoir vivre en bonne santé.
RED : Docteur, je disais que nous tirons vers la fin de l’émission, mais je vais vous poser une
petite question avant qu’on se dise au revoir. Est-ce qu’en allant aux selles dans un
WC public ou dans la nature, on peut contracter une IST ?
MK : Il y a des gens qui trouvent toujours des prétextes pour justifier certaines choses, mais
je ne pense pas que…C’est vrai ça peut être le cas, mais ça m’étonnerait. Je ne pense
pas que ce soit par cette voie que certains ont contracté les IST. Ce n’est pas par les
urines qu’on peut contracter la maladie. Dieu n’acceptera pas que quelqu’un contracte
la maladie par cette voie. Il y en a qui disent qu’ils ont contracté telle IST en
enjambant l’urine de quelqu’un. Ce n’est pas vrai. Peut-être si les toilettes sont mal
faites ou trop rapprochées les unes des autres, on peut comprendre.
RED : Nous allons dire merci au Dr Marc Kabré. Auditeurs et auditrices de Radio Évangile
Développement, c’était «Espace santé». À la prochaine.
Conclusion
Nous étions à l’écoute de l’émission «Espace santé». Comme nous vous le disions,
c’est grâce à notre confrère Pascal que nous avons pu avoir l’entretien avec le Docteur
Marc Kabré. Nous lui disons merci et vous remercions également vous tous qui avez
pris votre temps pour suivre cette émission. Passez d’agréables moments, faites en
sorte que les conseils que vous avez entendus puissent vous être utiles et à d’autres
personnes.
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Annexe 3. DOLN (Document original en langue nationale) bisa
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La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
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La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
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La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
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Annexe 3. DOLN (Document original en langue nationale) bisa
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353
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
Le choléra
Alidou Yoda (AY) : Nous sommes venus causer avec les gens de Radio FM, nos
parents bisa, nos soeurs, nos mères, nos grand-frères et nos pères. Aujourd’hui nous
sommes venus à deux nous entretenir avec vous. D’abord, vous avez Sanogo Moussa
et ensuite, Yoda Alidou. Nous sommes tous en service au grand dispensaire. Mais
étant donné que nous sommes en saison pluvieuse, nous voulons vous parler du
choléra.
RFM : Voilà, nous vous remercions et nous souhaitons la bienvenue à celui qui
ne comprend pas bisa. Donnez-lui le micro.
AY : Il le prendra dans tous les cas. Nous sommes ensemble au grand dispensaire, il
ne comprend pas bisa, mais nous nous sommes entendus sur le contenu de cette
causerie. Cela étant, lui aussi vous salue.
RFM : Nous vous remercions. Tout d’abord, nous allons vous demander ce qu’est
le choléra.
AY : Si vous avez bien compris sa question, c’est une bonne question. Il a demandé
ce qu’est le choléra. Nous voulons vous dire que le choléra est une maladie. C’est une
maladie qui provoque la diarrhée. Elle peut survenir pendant la saison des pluies.
Chaque année vous entendez parler du choléra qui frappe pendant la saison des pluies.
RFM : Donc, si ce n’est pas pendant la saison des pluies, il n’y a pas de choléra ?
AY : Non. Si ce n’est pas pendant la saison des pluies, elle n’existe pas. Comme vous le
savez, le choléra est une maladie liée à l’insalubrité. Si vous remarquez, très souvent
lorsqu’il se déclenche dans un pays, comme dans les régions frontalières ou dans les
sites d’orpaillage où il y a du monde, ce sont les eaux usées et l’insalubrité qui
provoquent le choléra.
RFM : Si c’est ainsi, nous vous remercions. Notre question est la suivante : qu’est-
ce qui montre que l’on a attrapé le cholera ? Quels en sont les symptômes ?
AY : Bon, le choléra comme nous le disions, vous savez que vous l’avez grâce à la
diarrhée, une grande diarrhée qui s’accompagne de sang. Il y a également beaucoup de
vomissements. Au moment où les vomissements se déclenchent, la diarrhée aussi
commence. Plus la diarrhée est abondante, plus les vomissements augmentent
également.
354
Annexe 3. DOLN (Document original en langue nationale) bisa
AY : Voilà, ce qui serait bon est que nous observions l’hygiène, nous devons être propres,
car le choléra est une maladie qui dépend beaucoup de l’insalubrité. Comme vous le
savez, la période hivernale est souvent difficile en raison des travaux champêtres et de
la soudure. À cause de cette situation, tout le monde n’arrive pas à accorder le temps
nécessaire à l’hygiène. Tout le monde n’arrive pas également à faire la cuisine
normalement. En effet, lorsque vous allez travailler avant d’aller chercher des feuilles
et attendre 18 heures pour les préparer à la tombée de la nuit, avec la fatigue la
nourriture ne peut pas être bonne. Vous n’allez pas bien laver les feuilles, la nourriture
que vous allez préparer ne peut pas être propre, car du moment où vous êtes pressé, le
temps de préparer, manger et vous remettre de la fatigue, vous n’arrivez pas à vous
laver. Tout cela peut favoriser le choléra dans un pays.
AY : Voilà! Votre question est bonne. En effet, il est lié à l’insalubrité. Si vous
remarquez, ce sont les aliments impropres, les plats qui ne sont pas couverts, ainsi que
les aliments mal cuisinés, c’est-à-dire préparé à la hâte, les récipients et les marmites
qui ne sont pas lavés, tout cela contribue à rendre la nourriture impropre à la
consommation. Si vous remarquez également, l’eau, particulièrement en brousse dans
les marigots, l’eau de ruissellement qui, après les pluies, se jette dans ces marigots
entraîne beaucoup de saletés. Par exemple, lorsque les animaux de Peuls meurent en
brousse et que personne ne voit, ils pourrissent et quand il pleut, l’eau de pluie
entraîne ça dans les marigots. Une telle eau est impropre à la consommation. Si vous
buvez cette eau vous aurez des problèmes. Deuxièmement, vous savez qu’avec les
travaux champêtres, tout le monde n’arrive pas à faire la lessive de manière régulière.
Si vous remarquez beaucoup de gens ne changent pas leurs tenues de travail, ils
peuvent porter les mêmes habits pendant deux mois. Avec la sueur les saletés
pénètrent dans votre organisme. Tout cela favorise le choléra. Cela veut dire que nous
devons fournir des efforts en ce qui concerne notre hygiène corporel, car ce sont les
saletés qui favorisent le choléra.
AY : Ce sont les saletés mêmes qui provoquent cette maladie, cette maladie
s’explique par les saletés.
RFM : Merci donc. Existe-t-il, en dehors de l’insalubrité, autre chose qui puisse
provoquer le choléra ?
AY : Oui, vous voyez, nous devons faire des efforts, par exemple, nous avons parlé
de l’eau sale, c’est-à-dire autre que l’eau de forage ou l’eau courante ou encore de
l’eau qui ne vient pas d’un puits protégé. Si nous prenons par exemple l’eau des
marigots, puisque nous ne disposons pas d’eau courante, nous devons la faire bouillir
et la laisser refroidir avant de boire. Ainsi nous tuons les microbes qui sont dans l’eau.
Si nous ne pouvons pas faire bouillir l’eau, nous devons avoir avec nous en brousse ce
qu’on appelle eau de javel. On peut à une quantité de vingt litres d’eau ajouter une
cuilléreé à soupe d’eau de javel et attendre environ 30 minutes afin de détruire tous les
microbes. Une telle eau ne peut pas provoquer le choléra ou la diarrhée.
355
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
RFM : Je voudrais vous poser une autre question. On entend souvent dire que les
mouches favorisent la transmission de certaines maladies. Pouvez-vous nous donner
un peu plus d’explication ?
AY : Si elle se pose sur votre repas, vous n’avez plus rien d’autre à manger, vous
fermez les yeux et vous l’avalez, alors qu’il a déjà été contaminé par la mouche.
AY : Bon, c’est comme nous le disions, si vous remarquez, très souvent… Si nous
arrivions à suivre certains conseils, on pourrait empêcher le choléra de se développer
dans le monde. Reprenons l’exemple de la brousse. Vous savez que pendant les
travaux champêtres il y a des fruits tels que les raisins sauvages, le karité et bien
d’autres fruits encore. Des fois vous voyez les karités par terre, si vous avez faim
lorsque vous les ramassez vous devez les laver très bien au savon ou bien après les
avoir lavé chercher encore de l’eau et y ajouter de l’eau de javel et attendre un instant
avant de les manger. Ainsi vous pouvez éviter les maladies. Même s’il s’agit de raisins
sauvages nous devons procéder de la même manière. Mais dans bien des cas, vous
savez que nous sommes en pays bisa. Nombreux sont ceux qui ne se rendent pas
compte que nous-mêmes nous pouvons faire quelque chose pour nous-mêmes. Sinon
si on arrivait à respecter tout ce qui est dit, vous verrez qu’il y aura des années où on
n’entendra pas parler de cette maladie. Mais force est de constater que les gens
n’arrivent pas à respecter ce qu’on leur dit. Prenons l’exemple du marché en ville.
AY : Si vous voyez qu’on se promène avec du manioc dans un plateau, ça peut être
également des mangues ou des feuilles d’aubergine. Peu de gens les achètent pour les
amener à la maison les laver avant de les manger. Certains dès qu’ils les achètent se
mettent aussitôt à les manger. Nos soeurs ou bien nos enfants qui vendent ces
aubergines au marché ne les ont pas lavées à l’eau de javel. Même si cela a été fait, il
faut les couvrir, ainsi vous saurez que les mouches ne s’y sont pas posées, que rien ne
les a touchées, et que personne ne les a tripotées.
Vous pouvez arriver au marché et après avoir salué les gens vous ne vous lavez pas
les mains. Il peut arriver que vous serrez la main à une centaine de personnes, cent
personnes! Si vous partez pour acheter du manioc ou bien des mangues, vous les
soupesez à la recherche de ce qui vous semble meilleur. Tout cela favorise la
propagation de la maladie parce que vous n’avez pas lavé vos mains, étant donné que
vous avez salué cent personnes, qu’est-ce qui montre que les cent personnes ont lavé
leurs mains ? Elles ne se sont pas lavé les mains.
356
Annexe 3. DOLN (Document original en langue nationale) bisa
AY : Ainsi vous déposez les germes de la maladie sur les mangues. Celui qui les
achète maintenant et les mange sans les laver, il aura des vomissements et la diarrhée.
En cherchant à comprendre on dira qu’il a été au marché dans un tel village et a
développé le choléra en mangeant...
AY : Oui…elle ne peut pas ne pas se propager, comme vous savez, c’est comme nous le
disions, une fois que la maladie se déclenche, nous avons parlé de la diarrhée et des
fruits, si vous remarquez, nos aliments qui proviennent des contrées voisines, telles
que Bawku. On peut citer, par exemple, ce pain ghanéen. On ne sait jamais sa durée
de conservation.
RFM : Vraiment…
AY : On ne sait pas comment ces produits nous parviennent. Mais lorsqu’il y a une
épidémie dans un pays, on ne doit pas laisser venir chez nous des aliments en
provenance de ce pays.
Bon...c’est pourquoi parfois vous apprenez que la maladie touche tel pays et ses
voisins. C’est nous-mêmes qui sommes responsables. Nous y achetons des oranges et
des bananes. Certains pensent que la banane est une nourriture de blanc, et ils ne
cherchent pas à la laver avant de la manger. Il arrive qu’un avocat soit écrasé et
lorsque c’est le cas le vendeur ne le jettera pas à la poubelle, il le referme doucement.
S’il se trouve qu’il renferme les germes de la maladie et que vous l’achetez et le
mangez vous serez contaminé. Donc, quel que soit le nombre personnes à manger un
tel fruit, s’il contient les germes du choléra vous serez tous contamninés. C’est
pourquoi chacun doit faire l’effort pour être propre et pour rendre propre sa maison,
ainsi que ses ustensiles de cuisine.
RFM : En ce qui concerne nos parents bisa, pour le cas de la banane et du karité, par
exemple, beaucoup lavent le karité, mais certains pensent que la banane est protégée
par sa peau et que les germes ne peuvent pas y pénétrer. Alors, ils la mangent en
enlevant la peau avec précaution sans que la main ne touche la banane elle-même.
Que pouvez-vous dire à ces personnes ? Quoi qu’on dise, le choléra est une maladie
contagieuse.
AY : Ce qui serait bien est qu’avant de manger la banane vous vous laviez d’abord les
mains proprement au savon. Ensuite, vos mains étant propres vous lavez la banane.
Une fois cela terminé, vous pouvez enlever la peau de la banane et la manger en toute
securité. Si sans vous laver les mains, vous estimez que la peau de la banane constitue
une protection et vous vous mettez à la manger, vos mains seront forcément en contact
avec la banane quelque part. Cela peut nous rendre malade.
RFM : Si ç’en est ainsi, nous vous remercions. Mais est-ce qu’il n’existe pas chez le
blanc quelque chose qui puisse aider les gens à les protéger contre le choléra, même si
l’on consomme quelque chose d’insalubre ou bien si la main venait à être en contact
avec quelque chose ou encore avec une personne atteinte de choléra ?
AY : Oui, en ce qui concerne le blanc, il n’y a rien. Mais il existe une grande solidarité dont
nous voulons parler. Si vous remarquez, lorsque cette épidémie se déclenche dans un
357
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
pays, on informe chacun afin qu’il puisse nettoyer son entourage. Ils doivent
également faire l’effort de nettoyer le marché. Ils doivent éviter de laisser l’eau stagner
dans les fossés. Tout le monde doit également faire l’effort de creuser des latrines. Si
nous faisons nos besoins dans les latrines et nous évitons de les faire dans la nature
nous pouvons maîtriser la maladie. Mais vous verrez que dans certaines maisons il n’y
a pas de latrine, et on fait les selles dans la nature, ou bien dans certaines familles la
femme est débordée de travail. Une fois qu’elle a fait la cuisine les plats sont
abandonnés aux mouches, même les cochons, les chiens, les poules viennent pour se
nourrir des restes. Or vous savez que les poules, les chiens et les cochons mangent les
selles dans la nature. Si la personne peut se laver les mains, le cochon ne peut pas
laver son groin. S’il vient l’introduire dans les marmites qui sont exposées dehors, et
dans votre empressement vous ne les lavez pas avant de faire la cuisine, cela entraîne
des maladies.
Dans ces conditions, si nous voulons lutter contre la maladie, chacun individuellement
doit être propre et laver proprement ses habits. Nous devons nous laver les mains
avant de manger. Après avoir fini de manger il faut se laver les mains. Tous ce que
nous entreprenons doit se faire dans des conditions hygiéniques. Même en ce qui
concerne l’eau que nous avons évoquée, ce n’est pas bien de laisser les jarres d’eau
sans les couvrir. Nous devons recouvrir les jarres. Le gobelet que nous utilisons pour
boire doit être couvert une fois que nous avons fini de boire.
RFM : Couvert ?
AY : Oui, couvert! Ainsi les mouches ne viendront pas se poser à l’intérieur. Si nous
finissons de manger, tous les plats qui ont servi à manger doivent être lavés
proprement. Sinon, ils doivent être rangés à l’intérieur de la maison pour que des
animaux domestiques comme les chiens, les canards et autres ne les salissent pas. Si
nous faisons tout cela nous pouvons éloigner de nous le choléra.
RFM : Mais nous les Bisa, nos parents pensent que s’ils couvrent certains aliments,
ils peuvent se gâter, si bien qu’ils les laissent non couverts. Que peuvent faire ces
gens ?
Interlude musical
358
Annexe 3. DOLN (Document original en langue nationale) bisa
maison ou au champ en brousse. Si vous voyez une personne qui fait la diarrhée, des
selles liquides et vomit également, vous devez avoir à l’esprit que ça peut être le
choléra. Tout ce que vous pouvez faire, c’est de faire en sorte qu’elle arrive au
dispensaire. Sinon avec le choléra si nous cherchons à trouver un remède pour calmer
la diarrhée, c’est difficile. Pourquoi ? Parce lorsque vous vomissez et vous faites la
diarrhée, cela conduit à la déshydratation et à la mort. Comme nous ne pouvons rien
faire contre la déshydratation, nous devons nous dépêcher d’aller au dispensaire pour
voir le personnel de santé. Dans bien des cas, lorsque la personne souffrant du choléra
est très fatiguée, là on peut lui faire une perfusion. On peut lui faire une perfusion à
trois différents endroits du corps, à la main gauche, à la main droite et au pied. Ceci
pour lui permettre de reprendre rapidement des forces et ne pas mourir. Voyez vous-
même, prenez un arbre, lorsque vous arrosez un arbre et que vous arrêtez de le faire il
meurt.
RFM : Il va mourir.
RFM : Au dispensaire. Nous vous remercions. Mais comment faire pour éviter cette
maladie ? Que faire pour être en bonne santé ?
AY : Je veux parler des barmans avant d’aborder les vendeuses de bière de mil, les
vendeuses de bière de mil fournissent plus d’effort que les barmans. Les vendeuses de
bière de mil, les barmans et les gérants de buvette, lorsqu’ils arrivent le matin ils
359
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
doivent javelliser et ajouter de l’Omo79 à l’eau qu’ils utilisent pour laver les gobelets,
les verres et les plats. Au bout d’un certain temps, lorsqu’ils verront qu’ils ont déjà
accueilli beaucoup de clients, ils doivent changer cette eau pour continuer à laver les
verres. Quant aux clients de la bière de mil, ils boivent la bière avec des calebasses. Il
peut arriver que plusieurs amis boivent avec une même calebasse. Dans une situation
pareille, nous devons acheter une brosse en fer, si possible utiliser de l’eau de javel, et
lorsqu’ils finissent de boire laver proprement la calebasse. Mais en l’absence d’eau de
javel, avoir à nos côtés un foyer sur lequel on fait bouillir de l’eau et y plonger la
calebasse après l’avoir lavée. Au cas où il y aurait encore des saletés l’eau chaude
peut les faire partir. Nous devons ainsi prendre soin de nous-mêmes et nous entraider
afin d’améliorer notre santé.
Revenons encore à l’exemple du marché. Nos mères qui y vendent des gâteaux et des
beignets à même le sol, ce n’est pas bien, en saison hivernale, de poser de la nourriture
à même le sol. En dehors du choléra, la poussière que les voitures qui passent mettent
sur cette nourriture peut nous exposer à d’autres maladies.
RFM : Absolument.
AY : Étant donné que nous sommes en hivernage, chacun doit savoir que les
mouches peuvent se poser ailleurs comme sur un cadavre et venir ensuite se poser sur
vos aliments. La consommation de cette nourriture peut vous rendre malade. Donc,
nous supplions les vendeurs du marché, que se soit les vendeuses de beignets, les
vendeuses de gâteaux ou de pain de fournir des efforts pour protéger la nourriture en
la recouvrant toujours d’un plastique. À défaut, ils peuvent la couvrir avec du grillage.
Les vendeuses de riz et autres aliments doivent utiliser de l’eau de javel pour laver les
plats en veillant à changer l’eau de temps en temps. Il ne faudrait pas utiliser de l’eau
sale parce qu’il y a une pénurie d’eau. Cherchons la santé, car s’il y a la santé on peut
éviter la pénurie d’eau, si nous fournissons les efforts nécessaires notre santé va
s’améliorer.
Nous allons ainsi mettre fin à cette causerie, je pense que vous m’avez compris. En
résumé, si nous voulons être en bonne santé, nous devons tous nous lever et lutter
pour nous-mêmes afin que notre santé puisse s’améliorer.
AY : Merci.
RFM : Nous allons écouter un peu de musique avant de poursuivre notre programme.
79
Le nom d’une marque de savon en poudre très populaire au Burkina Faso.
360
Samenvatting
Interculturele communicatie in Burkina Faso:
een case study over medisch vertalen vanuit het Frans naar het Moore en
Bisa
Achtergrond
Burkina Faso telt, op een bevolking van ruim 11 miljoen inwoners, meer dan
zestig talen. Dit West-Afrikaanse land heeft een hoofdzakelijk orale cultuur en
het grootste deel van de bevolking is analfabeet. Frans is de officiële taal, maar
slechts 10 à 15% van de bevolking kan zich hierin uitdrukken. De belangrijkste
inheemse taal is Moore, de taal van de Mossi, die door de helft van alle
inwoners wordt gesproken. Dit onderzoek richt zich naast Moore op Bisa, een
kleine regionale taal. In deze meertalige en multiculturele setting neemt het
vertalen een belangrijke plaats in, niet alleen om onderlinge communicatie
mogelijk te maken, maar ook om de sociaal-economische ontwikkeling te
stimuleren door o.a. het verbeteren van de volksgezondheid. Dit geldt in het
bijzonder voor door de overheid opgezette gezondheidscampagnes, waarbij
vanuit het Frans naar de inheemse talen wordt vertaald. In dit onderzoek staan
interculturele verschillen in visie op gezondheid, ziekte en seksualiteit centraal.
De voor het onderzoek gekozen vertalingen zijn recente voorlichtingsbrochures
die betrekking hebben op aidsvoorlichting, een thema dat in veel Afrikaanse
landen taboe is, terwijl tegelijkertijd evident is dat communicatie hierover van
groot belang is.
Doelstellingen en hypothesen
Vertalen wordt in moderne opvattingen niet meer gezien als een puur
linguïstische transfer, maar als een complexe handeling waarin naast taalundige
ook culturele factoren een rol spelen. Dit onderzoek heeft ten doel de relatie
hiertussen nader te bestuderen aan de hand van een corpus medische vertalinen
van het Frans in het Moore en Bisa. Hierbij wordt op de volgende vragen
ingegaan:
1. In hoeverre spelen bij het vertalen over ziekte, gezondheid en seksualiteit
cultuurverschillen een rol? Welke culturele representaties van ziekte- en
lichaamsbeelden komen er in het Frans resp. het Moore en Bisa naar voren,
en welke functie vervullen deze in de westerse c.q. Afrikaanse cultuur?
2. Wordt in de vertalingen voldoende rekening gehouden met potentiële
cultuurverschillen tussen opvattingen zoals die naar voren komen in de
Interculturele communicatie in Burkina Faso:
een case study over medisch vertalen vanuit het Frans naar het Moore en Bisa
Franse teksten vs. Afrikaanse percepties? Welke vertaalprocédés en -
strategieën worden er toegepast om taal- en cultuurverschillen te overbrug-
en, en zijn deze effectief?
De achterliggende hypothese is dat vertalingen als vorm van interculturele
communicatie waarden en normen uit de cultuur van de brontaal overbrengen.
Ze kunnen nieuwe culturele representaties introduceren in de doelcultuur, maar
reflecteren tegelijkertijd een – positieve of negatieve – attitude tegenover
bepaalde waarden van de bron- en doelcultuur. Hier wordt ervan uitgegaan dat
de vertaling, wil deze haar doel niet voorbijschieten, in elk geval bij de
socioculturele conventies van de doeltaal moet aansluiten. Om na te gaan of de
bevindingen van de vergelijking tussen bronteksten en doelteksten in het
corpus voldoende geldigheid hebben, zijn naast vertalingen ook authentieke,
niet-vertaalde teksten in Moore en Bisa in het corpus opgenomen.
Methode
De hier gehanteerde methodologische benadering heeft zowel een culturele als
een vertaalwetenschappelijke component. Om de relatie tussen taal, vertaling
en cultuur nader te onderzoeken komen eerst een aantal cultuurkundige
theorieën met betrekking tot deze invalshoek aan bod. Vervolgens wordt een
overzicht gegeven van een aantal vertaalwetenschappelijke theorieën en wordt
verantwoord waarom bij dit onderzoek is gekozen voor de skopostheorie. Deze
door Duitse vertaalwetenschappers in de jaren ’70 geïntroduceerde benadering
is door Nord (1991, 1997a + b) verder ontwikkeld door middel van een
uitgebreid analysemodel voor vertalingen. Volgens de skopostheorie wordt de
adequaatheid van een vertaling niet zozeer bepaald door de overeenkomst met
de brontekst als wel door de functie die de vertaling, als tot op zekere hoogte
autonome tekst, in de doelcultuur toebedeeld krijgt. Ook de instructies en
wensen van de opdrachtgever zijn hierbij van belang. Hoewel Nords model in
eerste instantie voor didactische doeleinden is opgezet, is dit met enige
aanpassingen goed te gebruiken om bestaande, zowel schriftelijke als
mondelinge vertalingen te analyseren. Aan de hand van deze methode worden
zowel extratekstuele als intratekstuele elementen van bron- en doelteksten
geanalyseerd en wordt nagegaan welke aspecten behouden c.q. aangepast of
weggevallen zijn om het gewenste effect in de doelcultuur te sorteren.
Bevindingen
In zowel de vertaalde als de niet-vertaalde teksten uit het corpus komt een
sterke verwevenheid tussen taal en cultuur naar voren. Tevens wordt duidelijk
hoe de vertalingen de doelcultuur beïnvloeden door hierin nieuwe visies te
introduceren. Het blijkt nl. dat de vertalingen in essentie een moderne westerse,
biologisch-wetenschappelijk georiënteerde representatie van gezondheid, ziekte
en lichaamsbeeld reflecteren. Deze botst met het wereldbeeld van de Mossi- en
de Bisa-cultuur, dat sterk beïnvloed wordt door het geloof in bovennatuurlijke
krachten. Wat betreft de overdracht van culturele normen en waarden doet zich
dan ook een paradox voor: in de vertalingen wordt veel aandacht besteed aan
het overbrengen van brontaalkenmerken als metaforen, eufemismen en
362
Samenvatting
Evaluatie en conclusie
De resultaten van de analyse wijzen uit dat de skopostheorie relevant is
gebleken in die zin dat de vertaalstrategie inderdaad deels bepaald wordt door
de functie die de vertaling in de doelcultuur dient te vervullen. De sociale en
communicatieve conventies van de doelcultuur blijken echter de meest
invloedrijke factor in het vertaalproces te zijn. Een al te expliciete vertaal-
trategie en het navenante gebruik van illustraties houden onvoldoende rekening
met het taboe op seksualiteit in de cultuur van de Mossi en de Bisa en zijn
daarom ongeschikt om de boodschap over te brengen.
Hoger opgeleide gezondheidswerkers en artsen in Afrika, die zich in het Frans
uitdrukken, zijn afhankelijk van vertalingen in de regionale talen om
gezondheidsvoorlichting te geven, in dit geval o.a. over de risico’s van aids. De
informatie komt echter pas over als de vertalers optimaal aansluiten bij de
sociale en pragmatische functie van de taal in de doelcultuur. Alleen op die
voorwaarde kan vertaling een bijdrage leveren aan de ontwikkeling van een
land als Burkina Faso.
363
Table des matières
Remerciements .....................................................................................................i
CHAPITRE 1 .......................................................................................................1
Introduction générale .........................................................................................1
1.1 La traduction : moyen de communication, d’expression et de
développement économique et social.........................................................3
1.2 Communication et culture ..........................................................................4
1.3 La traduction comme moyen de transfert culturel .....................................6
1.4 La perception de la santé et de la maladie en Afrique ...............................7
1.5 Contexte de l’étude.....................................................................................9
1.6 La traduction médicale .............................................................................10
1.7 Langage médical.......................................................................................11
1.8 Objectif .....................................................................................................12
1.9 Présentation du corpus..............................................................................14
1.9.1 Type de corpus .............................................................................14
1.9.2 Choix du corpus TLN...................................................................15
1.9.3 Critères de sélection du corpus TLN ...........................................16
1.9.4 Corpus TLN..................................................................................16
1.9.5 Corpus DOLN ..............................................................................17
1.10 Méthodologie et découpage du travail .....................................................18
1.11 Utilisation des termes «texte cible» et «texte source» .............................19
PREMIÈRE PARTIE
Langue et culture
Introduction.......................................................................................................23
CHAPITRE 2.....................................................................................................25
Sociétés mossi et bisa et leur culture...............................................................25
2.1 Identité culturelle, identité nationale et langue........................................25
2.2 Histoire, organisation sociale et politique des Mossi et des Bisa............30
2.3 Représentation du cosmos dans la culture mossi et bisa .........................35
2.4 Conclusion : que retenir de la culture mossi et bisa ?..............................40
CHAPITRE 3 .....................................................................................................43
Représentations de la santé, de la maladie et du corps dans
la culture bisa et mossi......................................................................................43
3.1 Représentations de la santé, de la maladie et du corps dans
les sociétés traditionnelles bisa et mossi ..................................................43
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
CHAPITRE 4 .....................................................................................................71
Les langues mooré et bisa.................................................................................71
4.1 La langue mooré .......................................................................................71
4.2 La langue bisa...........................................................................................72
.3 Quelques caractéristiques du mooré et du bisa ........................................76
4.3.1 Systèmes phonologiques ..............................................................76
4.3.2 Comparaison entre le français et le mooré...................................78
4.3.3 Comparaison entre le français et le bisa ......................................79
4.3.4 Syntaxe mooré et bisa ..................................................................80
4.4 Structure sémantique ................................................................................83
4.5 Procédés d’expression ..............................................................................84
4.5.1 Formules de salutation et de politesse .........................................84
4.5.2 La métaphore et la métonymie .....................................................85
4.5.3 L’euphémisme ..............................................................................87
4.5.4 Le proverbe...................................................................................88
4.6 Le passage de l’oralité à l’écriture ...........................................................91
4.7 Le codeswitching......................................................................................93
4.8 Conclusion ................................................................................................96
DEUXIÈME PARTIE
Aperçu des théories et des méthodes de traduction
Introduction.....................................................................................................101
366
Table des matières
CHAPITRE 6 ...................................................................................................121
Approches fonctionnelles et culturelles ........................................................121
6.1 Schéma de la communication verbale de Jakobson ...............................121
6.2 La théorie des typologies de texte de Reiss ...........................................122
6.3 La théorie fonctionnelle du skopos ........................................................124
6.3.1 L’approche de Vermeer..............................................................124
6.3.2 L’approche de Nord ...................................................................125
6.4 Les approches basées sur l’analyse du discours, des registres et des
genres......................................................................................................128
6.4.1 Discours, registres et genres.......................................................128
6.4.2 L’approche de Baker ..................................................................131
6.4.3 L’approche de Hatim & Mason..................................................133
6.5 Les approches sémiotiques.....................................................................137
6.6 La théorie du polysystème et les approches culturelles : une même
histoire ....................................................................................................139
6.6.1 La théorie du polysystème : l’approche de Toury .....................140
6.6.2 L’approche de Lefevere et de Bassnett ......................................143
6.6.3 L’approche de Venuti.................................................................146
6.7 Discussion et conclusion ........................................................................147
CHAPITRE 7 ...................................................................................................151
Méthode d’analyse et stratégies de traduction ............................................151
7.1 La méthode d’analyse de Nord...............................................................151
7.1.1 Les facteurs extratextuels...........................................................152
7.1.2 Les facteurs intratextuels ...........................................................156
7.2 Adaptations proposées............................................................................159
7.3 Stratégie de traduction............................................................................162
TROISIÈME PARTIE
Analyse du corpus
Introduction.....................................................................................................167
CHAPITRE 8 ...................................................................................................169
! " " # $ % & ! &'
Un livret de l’agent de santé communautaire ..............................................169
8.1 Description du document cible et du document source .........................169
A E Comparaison du document cible et du document source.......................170
8.2.1 Facteurs extratextuels.................................................................170
367
La traduction médicale du français vers le mooré et le bisa
CHAPITRE 9 ...................................................................................................197
+, ! et Mon livret sida ...............................................197
9.1 Description du document cible et du document source .........................197
9.2 Comparaison du document cible et du document source.......................198
9.2.1 Facteurs extratextuels.................................................................198
9.2.2 Facteurs intratextuels .................................................................200
9.3 Procédés de traduction............................................................................210
9.3.1 Explicitation ...............................................................................210
9.3.2 Amplification..............................................................................213
9.3.3 Omission.....................................................................................214
9.4 Caractéristiques et valeurs culturelles de la traduction..........................217
9.4.1 Caractéristiques ..........................................................................217
9.4.2 Valeurs culturelles véhiculées....................................................224
9.5 Conclusion ..............................................................................................227
CHAPITRE 10 .................................................................................................229
!,! " Discutons avec nos enfants.......................................229
10.1 Description du document cible et du document source .........................229
10.2 Comparaison du document cible et du document source.......................229
10.2.1 Facteurs extratextuels.................................................................229
10.2.2 Facteurs intratextuels .................................................................232
10.3 Procédés de traduction............................................................................243
10.3.1 Explicitation ...............................................................................244
10.4 Caractéristiques et valeurs culturelles de la traduction..........................250
10.4.1 Caractéristiques ..........................................................................250
10.4.2 Valeurs culturelles véhiculées....................................................255
10.5 Conclusion ..............................................................................................262
CHAPITRE 11 .................................................................................................263
Comparaison entre TLN et DOLN ...............................................................263
11.1 Description des DOLN ...........................................................................263
11.2 Analyse des facteurs extratextuels de la communication ......................264
11.3 Analyse des facteurs intratextuels ..........................................................267
11.4 Ecriture et oralité dans le corpus ............................................................269
11.5 Formules de salutation et de politesse....................................................269
368
Table des matières
CHAPITRE 12 .................................................................................................289
Commentaires des résultats, perspectives de recherche et conclusion .....289
12.1 Résumé de la recherche ..........................................................................289
12.2 Rapports entre langue et culture.............................................................293
12.3 Les fonctions de la traduction ................................................................295
12.4 Les stratégies de traduction ....................................................................296
12.5 Evaluation de la méthode d’analyse.......................................................298
12.6 Nécessité d’une politique linguistique en faveur de la
communication interculturelle................................................................300
12.7 Perspectives de recherche.......................................................................301
12.8 Conclusion ..............................................................................................305
Bibliographie ...................................................................................................307
Corpus ...............................................................................................................307
Références.........................................................................................................307
Annexes.............................................................................................................321
Annexe 1 : Extraits des TLN (traductions en langues nationales)
bisa et mooré...........................................................................................321
Annexe 2 : DOLN (Document original en langue nationale) mooré...............334
......................................................................................................334
Annexe 3 : DOLN (Document original en langue nationale) bisa ..................347
.......................................................................................................347
Samenvatting ...................................................................................................361
369