(1) Ouvrages publiés chez Guy Trédaniel, Pardès, aux Deux océans, à l'Asiathèque
et aux éditions de la Tisserande.
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Les échanges entre la France et l'Asie
Si, en règle générale, le premier réflexe de tout Asiatique est d'utiliser la mé
decine traditionnelle chinoise, cela ne l'empêche pas, si celle-ci se montre imp
uissante, de faire appel à la médecine occidentale. Même le moins prévenu des Ch
inois sait que, pour un cancer, mieux vaut la bombe au cobalt que l'acupuncture.
D'où le succès que connaît aujourd'hui la médecine occidentale en Extrême-Orien
t et la fructueuse coopération scientifique qui s'est établie entre l'Asie et l'
Occident.
Laissons de côté le Japon, la Corée du Sud et la Thaïlande, où la médecine est a
ussi développée que dans les pays occidentaux. En revanche, en Chine, depuis 197
9, date de l'ouverture du pays au monde moderne, un bond fantastique a été réali
sé. Alors qu'auparavant ce pays brillait surtout dans deux domaines de pointe, l
es microgreffes et le traitement des grands brûlés, il est aujourd'hui à niveau
à peu près partout, notamment en biologie moléculaire. A l'origine de cette révo
lution : ces fameuses coopérations internationales.
Un tel bond en avant est en passe de se produire au Viêt-nam. « Depuis cinq ans
», nous apprend m. Pierre André, chef du service culturel à l'ambassade de Franc
e à Hanoi, « les échanges dans le domaine médical ne cessent de s'intensifier. A
ctuellement, on compte une centaine de jeunes médecins vietnamiens partis en Fra
nce pour y faire un stage de perfectionnement d'une année. »
La coopération s'étend à la recherche fondamentale, comme nous avons pu nous en
rendre compte, entre autres, à l'institut national d'hygiène et d'épidémiologie
de Hanoi où, avec l'aide de l'Institut Pasteur, un laboratoire de biologie moléc
ulaire est en passe d'être créé.
La recherche appliquée est également en pleine expansion. Ainsi, l'équipe du Dr
Le Thi Muoi, de l'institut des biotechnologies, à Hanoi, en collaboration avec M
me Kim Tran Thanh Van, directeur de recherche au CNRS (université Paris Sud, Ors
ay) produit des plantes en « pièces détachées », notamment à usage pharmaceutiqu
e - par exemple, uniquement des feuilles si le principe actif de la plante se tr
ouve logé là.
A Hanoi, l'institut d'hygiène et d'épidémiologie est maintenant à même, grâce en
core à l'aide de l'Institut Pasteur, de fabriquer plusieurs vaccins pour les bes
oins du pays : rage, hépatite B, poliomyélite, encéphalite japonaise. Deux kits
de diagnostic, de l'encéphalite japonaise et de la dengue - contre laquelle il n
'existe pas de vaccin -, sont aussi produits.
L'institut du coeur de Saigon, créé à l'initiative du cardiologue français Alain
Carpentier, mérite aussi tous les éloges. Depuis la première opération, le 1er
janvier 1992, plus de 2 000 interventions ont été réalisées. Et la France envisa
ge de restaurer et de moderniser l'ex-hôpital Grall de Saigon, devenu un centre
de pédiatrie, que dirige le Dr Duong Quynh Hoa.
Au Cambodge, du fait de la guerre larvée qui sévit toujours, il n'est évidemment
pas question de développer une recherche de pointe, il faut parer au plus press
é. Ainsi, la Croix-Rouge française s'occupe de la prévention et du traitement de
la tuberculose, qui constitue, avec le paludisme et les blessures par mine, le
problème majeur dans les campagnes. En 1989, Médecins du monde, avec le concours
de l'hôpital Broussais (Paris), réaménageait le bloc opératoire, la salle de ré
animation et la maternité de l'hôpital Calmette, à Phnom Penh.
Après trente-cinq années de conflits, il s'agit aussi au Laos de subvenir à l'in
dispensable. Dans ce but, une organisation non gouvernementale (ONG), le Comité
de coopération avec le Laos (CCL), sous l'impulsion du Pr Daniel Jaeck, chef du
service de gastro-entérologie à l'hôpital Hautepierre (Strasbourg), a construit
un hôpital de district bien équipé à Pakkading, sur les bords du Mékong. Huit au
tres sont prévus pour les années à venir. Le CCL, par l'intermédiaire du Dr Mich
el Daudet, a également mis en place un programme d'enseignement dentaire.
Bref, la France est bien présente en Extrême-Orient, et il ne tient qu'à elle de
l'être davantage, car nous avons là-bas une formidable carte à jouer. Si nous n
e la jouons pas, d'autres pays s'en chargeront à notre place.
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Rendez-vous pris avec le Viêt-Nam
Si la coopération médicale s'est toujours maintenue entre le Viêt-nam et l'Occid
ent (tout spécialement la France), les autres domaines de la science ont été pou
r le moins négligés. Après la fin de la guerre avec les Etats-Unis, les principa
les aides étaient apportées par l'URSS. Depuis la chute du régime soviétique, le
Viêt-nam recherche un second souffle et d'autres partenaires. La levée récente
de l'embargo américain devrait faciliter les choses.
C'est dans ce contexte que s'est tenu à Hanoi, en décembre dernier, le premier c
olloque scientifique international. Ces Rencontres du Viêt-nam, organisées par l
e physicien français d'origine vietnamienne Jean Trân Thanh Vân, avaient pour th
ème « physique des particules et astrophysique ».
Les sujets des conférences comme la qualité des intervenants (plus d'une centain
e, dont le prix Nobel Jack Steinberger) avaient placé la barre au plus haut : de
rniers résultats en physique des particules, astrophysique et cosmologie. Un coc
ktail parfait donc, mais l'essentiel était ailleurs. L'objectif, comme n'a cessé
de le souligner Jean Trân Thanh Vân, était bien de « faire se rencontrer la com
munauté occidentale et les scientifiques du Viêt-nam - plus largement, ceux des
pays de l'Asie du Sud-Est - dans le but d'initier des collaborations concrètes »
.
Arrivés avec les meilleures intentions du monde, les responsables de laboratoire
s occidentaux ont dû, dans un premier temps, faire face à la réalité : niveau d'
études supérieures bas dans la plupart des domaines, laboratoires scientifiques
sous-équipés, parfois délabrés, bibliothèques réduites aux ouvrages soviétiques
datant de plusieurs dizaines d'années, accès aux publications scientifiques actu
elles nul... Le constat, établi après quelques visites de laboratoires, a montré
l'ampleur de la tâche à accomplir.
Brigitte Rocca, Pierre Encrenaz et Nguyen Quang Rieu, responsables de formations
universitaires, ont sillonné tous les laboratoires de Hanoi à la recherche de c
andidats susceptibles de venir en France enrichir leurs connaissances en astroph
ysique. La situation dans ce domaine est exemplaire : trois professeurs pour tou
t le Viêt-nam, pas de cours spécifiques, pas d'observatoire ni même de planétari
um et une vulgarisation limitée (quelques articles traduits de Science & Vie dan
s une revue à faible tirage). A signaler, néanmoins, la création, en avril 1993,
d'une société astronomique présidée par un des professeurs de Hanoi, Pham Viet
Trinh.
Dans ce contexte très difficile, pour ne pas dire sinistré, il n'est pas étonnan
t que le ministre vietnamien des Sciences, tout en favorisant les coopérations,
en a strictement défini les limites : « Nous avons besoin d'étudiants qui, une f
ois formés à l'étranger, puissent revenir et travailler au pays pour participer
à son redressement économique. » Autrement dit, peu d'enthousiasme pour l'astron
omie et la physique théorique...
Reste que, comme l'ont souligné les chercheurs français, pour reconstruire une s
cience vietnamienne digne de ce nom, il faut des professeurs qui puissent former
les étudiants et chercheurs de demain. Les retrouvailles, non sans émotion, ont
été une réussite, les contacts concrets sont bien établis, les résultats, eux,
devront attendre plusieurs années.
Jean-François Robredo
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Science & Vie N°922, Juillet 94, page 101