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Santé

La médecine chinoise sous l'oeil de l'Occident


Pourquoi la médecine chinoise séduit-elle de plus en plus de patients occidentau
x ? Que pensent nos spécialistes de ces pratiques ancestrales ? Plongée au coeur
de deux univers plus complémentaires qu'opposés.
par Pierre ROSSION
Pratiquée dans toute l'Asie et de plus en plus dans les pays occidentaux, la méd
ecine chinoise représente une clientèle d'environ trois milliards de personnes,
soit presque la moitié de la population du globe. Elle comprend des disciplines
aussi diverses que l'acupuncture, le qi gong, ou médecine des souffles, et la ma
tière médicale, ou science des remèdes, toutes fort éloignées de la médecine mod
erne.
Alors, que vaut cette médecine dont les principes nous échappent ? Son effet n'e
st-il que placebo ? Comment expliquer sa vogue grandissante, comme on a pu s'en
rendre compte au dernier salon des médecines douces, qui s'est tenu à Paris en m
ars dernier ? Il y a là une énigme que nous allons tenter de résoudre en nous ap
puyant sur des enquêtes faites auprès de sinologues et de spécialistes de médeci
ne chinoise.
En France, on ne compte pas moins de 6 000 médecins spécialisés de près ou de lo
in dans cette forme de médecine, dont près de 4 000 acupuncteurs. Et ce chiffre
ne cesse d'augmenter, du fait de l'arrivée massive de migrants du Sud-Est asiati
que et du Céleste Empire, qui, bien souvent, pratiquent leur art en dehors de to
ut contrôle.
En fait, plutôt que de médecine chinoise, il est plus exact de parler de médecin
e sino-vietnamienne, car c'est au Viêt-nam que la tradition s'est maintenue avec
le plus de force.
Quand on fait le tour des ouvrages occidentaux qui ont cherché à débarrasser la
médecine extrême-orientale de ses considérations ésotériques et à l'expliquer ra
tionnellement, force est de constater qu'on reste sur sa faim. On retiendra surt
out de cette médecine ses deux données de base, à savoir le qi (prononcer tchi)
et le couple du yin et du yang. Le qi, ou énergie vitale, est le souffle de la v
ie. L'un des premiers à l'affirmer fut le penseur taoïste Zhuangzi (à la fin du
ive siècle avant J.-C.) : « La vie de l'homme est due à l'accumulation de souffl
e ; si le souffle s'accumule, il y a vie, s'il se disperse, il y a mort. »
Ce souffle animerait les organes, par l'intermédiaire de douze lignes de communi
cation (les méridiens) qui les relieraient entre eux. Et il se manifesterait dan
s le corps humain sous deux aspects complémentaires, le yin et le yang, qui corr
espondent à ce que sont le négatif et le positif en physique. Ainsi, six des dou
ze méridiens seraient des lignes yin, respectivement reliées aux poumons, au coe
ur, au péricarde, à la rate, aux reins, au foie ; les six autres, des lignes yan
g, reliées au gros intestin, à l'intestin grêle, à l'estomac, à la vessie, à la
vésicule biliaire et aux trois cavités (celle du coeur et des poumons, celle de
l'estomac et de la rate, enfin celle du foie, des reins, de la vessie et des int
estins).
Pour les médecins chinois, yin et yang formeraient un tout inséparable en état d
e perpétuelle tension. Lorsqu'il y a équilibre, c'est la santé ; les Chinois lui
préfèrent le terme de dao (la voie) qui exprime le fait que l'ensemble des mouv
ements de la vie sont bien ordonnés. En revanche, lorsque le yin ou le yang l'em
porte, c'est la maladie. En clair, la grande différence entre médecines chinoise
et occidentale c'est que, dans la première, les organes fonctionnent de manière
dynamique, animés par le fameux qi, lui-même régulé selon le principe du yin et
du yang, alors que, dans la seconde, ils fonctionnent de façon mécaniste.
Dès lors, pour les Chinois, la maladie provient d'un dérèglement de la circulati
on du qi, alors que, pour les Occidentaux, elle a pour origine une anomalie de l
'organe. Autrement dit, pour les premiers, c'est l'essence de la vie qui est en
cause, alors que, pour les seconds, c'est le moteur. Le diagnostic consiste donc
à mettre en évidence le déséquilibre entre yin et yang au niveau des organes et
les diverses thérapeutiques employées ont toutes pour but de rétablir et de ren
forcer la circulation du qi dans l'organisme.
De toutes les médecines chinoises, la plus populaire en Occident est l'acupunctu
re, laquelle consiste à stimuler avec une aiguille des points situés sur le parc
ours des méridiens. Ces points, au nombre de 365, seraient pour les Chinois le l
ieu où le qi affleure au niveau de la peau, de la même manière qu'une rivière so
uterraine se devine à ses résurgences.
« Selon la manière dont on pique l'aiguille, on tonifie ou on disperse le qi da
ns les méridiens. On tonifie quand l'aiguille est piquée dans le sens de la circ
ulation du méridien, on disperse quand elle est piquée dans le sens opposé », no
us explique le Pr Qin Liang Fu, chef du département de médecine traditionnelle à
l'hôpital Ren Ji, à Shanghai.
Mais quelles sont les bases scientifiques de l'acupuncture et de son substrat én
ergétique, le qi ? Pour les physiciens, l'espace dans lequel nous baignons est p
arcouru en permanence de radiations électromagnétiques de toutes longueurs d'ond
e qui constituent un milieu énergétique diffus. On sait par ailleurs que, pour E
instein, masse et énergie ont une valeur équivalente. Avant d'être matière, nous
sommes de l'énergie. La seule chose qui diffère entre un homme vivant et un hom
me mort, c'est que le second n'a plus d'énergie. Le qi pourrait donc être de l'é
nergie diffuse canalisée dans le corps. Reste à savoir si l'énergie vitale peut
être comparée à de l'énergie physique. A ce jour, aucun physicien n'a pu répondr
e à cette question.
On n'a pas réussi non plus à visualiser les méridiens censés véhiculer cette éne
rgie. En 1985, trois médecins du service de biophysique et de médecine nucléaire
de l'hôpital Necker, à Paris, les Drs Jean-Claude Darras, Pierre Albarède et Pi
erre de Vernejoul, ont prétendu avoir réussi. L'expérience a consisté à injecter
un produit radioactif, le technétium 99m, substance utilisée dans les explorati
ons d'organes par scintigraphie, au niveau d'un point d'acupuncture du pied. Les
chercheurs ont vu l'isotope radioactif remonter le long de la jambe selon le tr
ajet du méridien partant de ce point. Faute d'études statistiques et de coupes s
ériées, qui auraient pu être obtenues si l'expérience avait été faite chez l'ani
mal au lieu de l'homme, il est impossible de conclure. On a même des raisons de
penser que le trajet suivi par l'isotope radioactif correspond à des vaisseaux c
utanés, voie d'acheminement normale.
Il est vrai qu'on peut obtenir une suppression locale de la douleur avec un stim
ulateur électrique produisant un courant faible conduit par l'intermédiaire d'un
cordon et d'une aiguille piquée sur les points d'acupuncture. Cette méthode est
employée dans les césariennes et pour calmer les douleurs postopératoires en ch
irurgie thoracique. Il ne faudrait cependant pas conclure de ces faits qu'on tie
nt là la preuve de l'existence des points d'acupuncture. Selon Jacques Diezi, pr
ofesseur de pharmacologie et de toxicologie à l'université de Lausanne, cette su
ppression de la douleur est sans mystère. Elle peut être obtenue en stimulant d'
autres points (qui n'ont rien à voir avec ceux de l'acupuncture) distribués sur
de grandes surfaces de la peau, appelées zones de Head. Ces zones, bien connues
des neurologues, correspondent aux viscères.
C'est ainsi que les fibres sensitives de l'oesophage trouvent leur correspondanc
e dans une zone bien précise de la peau du thorax, alors que la sensibilité des
petit et gros intestins correspondent à des zones cutanées situées au niveau de
l'abdomen. Par conséquent, en stimulant la peau du thorax ou celle de l'abdomen,
on supprime les douleurs au niveau de l'oesophage ou des intestins. On estime q
ue les deux tiers des points d'acupuncture sont localisés sur ces zones. Bref, l
es méridiens, comme les points d'acupuncture, ne correspondent à rien de précis.
Quant au fait de piquer les aiguilles dans un sens ou dans l'autre, pour tonifi
er ou disperser l'énergie, cela relève du folklore.
Alors, comment expliquer que l'acupuncture, « ça marche » ? Pour Georges Peters,
également professeur de pharmacologie et de toxicologie à la faculté de médecin
e de Lausanne, l'acupuncture est assez douloureuse. Par conséquent, elle entraîn
e un stress qui a pour effet d'augmenter la sécrétion de glucocorticoïdes (ou co
rtisone), dont l'effet anti-inflammatoire est prouvé. L'acupuncture peut donc êt
re efficace pour les maladies bénignes d'origine inflammatoire - tendinite, conj
onctivite, arthrite, rhinite, gastrite et autres maladies en « ite' ».
Le Pr Dominique Barrucand, neuropsychiatre à l'université Paris XII, a une autre
explication : l'acupuncture marche parce qu'on y croit. Elle relève de la métho
de Coué, c'est-à-dire de l'autosuggestion. Et de préciser : « On a tort de faire
la distinction entre le psychique et l'organique. La frontière entre les deux e
st tout à fait arbitraire. Il n'y a à peu près aucune maladie strictement organi
que. Des cancers peuvent être consécutifs à un état dépressif. En revanche, on n
e se rend pas compte de la force de la suggestion. » La foi déplace les montagne
s «, dit le bon sens populaire. Toute suggestion se traduit par des modification
s neurochimiques et immunologiques qui peuvent avoir un effet bénéfique sur tout
es sortes de maladies psychosomatiques, comme le mal de tête et la spasmophilie.
Un acupuncteur sera d'autant meilleur que sa force de conviction sera forte, mê
me s'il lui arrive de placer ses aiguilles un peu n'importe où ». Autrement dit,
ce n'est pas l'acupuncture qui guérit mais l'acupuncteur.
« Je suis convaincue de l'efficacité de l'acupuncture pour les maladies bénigne
s ; en revanche, mieux vaut la médecine occidentale pour les maladies aiguës »,
estime, de son côté, Catherine Despeux, professeur de chinois classique à l'Inst
itut national des langues orientales, traductrice des grands textes de la médeci
ne chinoise traditionnelle et spécialiste mondiale de cette forme de médecin (1)
.
Ce qui n'est déjà pas si mal, car, pour le Pr Peters : « Une part importante de
l'activité d'un médecin est de convaincre ses clients qu'ils n'ont pas le cancer
dont ils se croient atteints. Huit sur dix des patients viennent consulter pour
parler de leurs problèmes personnels et pour être écoutés et rassurés. » On tou
che là au grand drame de la médecine actuelle qui est de former des médecins uni
quement pour des affections graves nécessitant un suivi médical sévère. Et ceux-
ci de prescrire des examens, bien souvent inutiles, plutôt que de prêter attenti
on aux confidences de leurs malades. Le patient a donc l'impression d'être isolé
, ce qui ne contribue pas à l'amélioration de son état.
Une raison du succès de l'acupuncture est donc qu'elle nécessite une écoute du p
atient pour établir le diagnostic. « Je n'ai pas fait dix ans d'études pour reno
uveler des ordonnances à la chaîne. Quand un patient souffre de maux de tête, il
est ridicule de lui prescrire des antimigraineux à répétition. Je préfère m'int
erroger sur la cause psychique du mal. L'acupuncture donne de bons résultats »,
nous dit le Dr Denis Fritz, un médecin généraliste de Sélestat, rencontré à Shan
ghai où il faisait un stage de perfectionnement chez le Pr Qin Liang Fu.
En France, l'acupuncture n'est pas reconnue comme une spécialité, ni comme une c
ompétence, mais comme une orientation au sein d'une médecine généraliste ou spéc
ialisée. Elle est cependant réservée aux docteurs en médecine, et elle est en pa
rtie remboursée par la Sécurité sociale (50 F sur 190 F). Depuis 1987, un cursus
d'acupuncture d'une durée de trois ans, dispensé dans neuf universités (Bobigny
, Bordeaux, Nîmes, Nice, Marseille, Lyon, Lille, Strasbourg, Nantes) et sanction
né par un diplôme interuniversitaire (DIU) a été mis en place pour les docteurs
en médecine.
A Strasbourg, ce cursus a été élargi par des échanges entre médecins chinois et
français. Le Pr Qin Liang Fu y vient chaque année délivrer son enseignement, alo
rs que des médecins alsaciens viennent, eux, à Shanghai s'initier à sa technique
. Enfin, depuis 1990, les médecins titulaires du DIU sont autorisés à indiquer s
ur leur plaque et leurs ordonnances qu'ils exercent l'acupuncture. Avant, il fal
lait l'autorisation du conseil de l'ordre des médecins. Mais, à côté des acupunc
teurs sérieux, combien de charlatans exercent sans aucun contrôle !
Lorsque l'acupuncture est insuffisante ou lorsqu'elle nécessite un complément, l
a médecine chinoise dispose de remèdes dont le principe est le même que celui de
l'acupuncture : rétablir l'excès ou le déficit d'énergie dans les méridiens. Ce
s remèdes comprennent des produits végétaux, animaux et minéraux et se trouvent
répertoriés dans de volumineux traités (ou pen ts'ao), le plus complet étant cel
ui d'un médecin chinois, Li Che Tchen (1518-1593). Sur les 1 871 substances décr
ites, 1 074 sont végétales, 443 animales et 354 minérales. Combinées entre elles
, ces substances entrent dans la composition de 16 000 prescriptions.
Dans ces remèdes, il y a à la fois à boire et à manger. La plupart n'ont d'effet
s que suggestifs. Ce sont notamment les drogues d'origine végétale qui obéissent
à la théorie dite des signatures magiques, qui veut que toute drogue porte en e
lle des signes extérieurs destinés à indiquer les organes humains auxquels elle
correspond, et donc les affections de ces organes dont elle constituera le médic
ament de choix. Ce sera, par exemple, le cas des bulbes de colchique contre la g
outte, des tubercules de ficaire contre les hémorroïdes, de la racine de ginseng
comme aphrodisiaque, de la corne de cerf comme revigorant sexuel.
D'autres de ces remèdes essaient de s'adapter, de façon plus ou moins magique, a
u type de mal qu'ils doivent combattre. Si le mal correspond à un affaiblissemen
t, on prescrira des stimulants à base de produits à haute valeur symbolique, com
me le mercure qui participe à la fois du solide et du liquide. Si le mal corresp
ond à un « ennemi » qu'il faut chasser du corps, le remède tiendra alors du feu
et de l'expulsion violente : saignées, vomitifs ou purgatifs. Il n'y a là rien d
e sérieux.
En revanche, il existe des remèdes qui marchent, non pas, comme le croient les C
hinois, parce qu'ils rétablissent le qi, mais parce qu'ils soignent les organes
de la même manière que les médicaments occidentaux, par une action biochimique.
A l'heure actuelle, les pharmacologues du monde entier s'attachent à vérifier si
le principe actif des plantes de la pharmacopée chinoise (mais aussi africaine
et sud-américaine) correspondent bien au spectre d'utilisation que leur a confér
é la tradition. Pour un grand nombre de ces plantes, on observe une heureuse coï
ncidence. C'est ainsi qu'une étude scientifique, soutenue par l'Organisation mon
diale de la santé (OMS) et réalisée en Thaïlande, sur le traitement du paludisme
résistant à toutes les médications, a montré que l'artéméther (un dérivé de l'a
rtémisinine, extrait d'une plante médicinale chinoise, Artemisia annua) était d'
une efficacité telle qu'il permettait de réduire la mortalité d'un facteur cinq
(voir Science & Vie n° 912).
Il arrive aussi que le principe actif d'une plante de la médecine traditionnelle
concerne non seulement la maladie pour laquelle on la prescrit, mais également
d'autres maladies pour lesquelles elle n'était pas prévue. Ainsi, à l'institut d
e médecine traditionnelle, à Hanoi, le Pr Ngo Van Thong, a montré que Lonicera d
asystyla (de la famille des caprifoliacées, apparentée au chèvrefeuille), classi
quement utilisée dans les maladies inflammatoires et les allergies, stimule auss
i le système immunitaire. De son côté, Siegesbeckia orientalis (de la famille de
s composées, comme le tournesol), utilisée contre les rhumatismes, a prouvé son
action dans l'hypercholestérolémie.
Autre forme de médecine chinoise qui connaît un grand succès dans tous les pays
d'Extrême-Orient, et qui commence à faire fureur en Occident, le qi gong. Son pr
incipe est le même que celui de l'acupuncture et de la pharmacopée traditionnell
e : rétablir l'équilibre entre le yin et le yang. Pour cela, pas besoin d'aiguil
les ni de médicaments, il suffit de faire appel à des maîtres capables de dispen
ser le précieux souffle. Ceux-ci opèrent à proximité ou à distance.
Le Viêt-nam a lui aussi été gagné par cette pratique. Nous avons été témoin d'un
e séance à Hanoi. Dans un gymnase, maître Vo Su dispensait son énergie à trois c
ents patients venus soigner leurs migraines et leurs rhumatismes. Assis sur une
estrade, avec de grands gestes semblables à celui d'un semeur de blé, Vo Su tran
smettait à ses patients le qi qu'il avait accumulé en lui. A la pagode Diêu Dé,
à Hué (Viêt-nam), un bonze, maître Thich Tue Tam, pratiquait, lui, le qi gong de
manière rapprochée. Après s'être concentré pendant dix minutes, il transmettait
son qi par simple application de la main sur la tête du patient, qui se sentait
mieux. Là encore, il ne s'agit que de techniques d'autosuggestion. Il n'est cep
endant pas besoin d'aller en Chine ou au Viêt-nam pour assister à de telles séan
ces. On peut voir la même chose dans certaines officines des quartiers chinois d
e Paris.
Bref, tant qu'on n'a rien de vraiment grave, la médecine chinoise peut apporter
des services. « L'ennui est que les meilleurs spécialistes se trouvent en Chine
», nous dit Mme Despeux. A raison de 6 000 F l'aller retour Paris-Pékin, par vol
charter, cela fait cher de la consultation.
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(1) Ouvrages publiés chez Guy Trédaniel, Pardès, aux Deux océans, à l'Asiathèque
et aux éditions de la Tisserande.
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Les échanges entre la France et l'Asie
Si, en règle générale, le premier réflexe de tout Asiatique est d'utiliser la mé
decine traditionnelle chinoise, cela ne l'empêche pas, si celle-ci se montre imp
uissante, de faire appel à la médecine occidentale. Même le moins prévenu des Ch
inois sait que, pour un cancer, mieux vaut la bombe au cobalt que l'acupuncture.
D'où le succès que connaît aujourd'hui la médecine occidentale en Extrême-Orien
t et la fructueuse coopération scientifique qui s'est établie entre l'Asie et l'
Occident.
Laissons de côté le Japon, la Corée du Sud et la Thaïlande, où la médecine est a
ussi développée que dans les pays occidentaux. En revanche, en Chine, depuis 197
9, date de l'ouverture du pays au monde moderne, un bond fantastique a été réali
sé. Alors qu'auparavant ce pays brillait surtout dans deux domaines de pointe, l
es microgreffes et le traitement des grands brûlés, il est aujourd'hui à niveau
à peu près partout, notamment en biologie moléculaire. A l'origine de cette révo
lution : ces fameuses coopérations internationales.
Un tel bond en avant est en passe de se produire au Viêt-nam. « Depuis cinq ans
», nous apprend m. Pierre André, chef du service culturel à l'ambassade de Franc
e à Hanoi, « les échanges dans le domaine médical ne cessent de s'intensifier. A
ctuellement, on compte une centaine de jeunes médecins vietnamiens partis en Fra
nce pour y faire un stage de perfectionnement d'une année. »
La coopération s'étend à la recherche fondamentale, comme nous avons pu nous en
rendre compte, entre autres, à l'institut national d'hygiène et d'épidémiologie
de Hanoi où, avec l'aide de l'Institut Pasteur, un laboratoire de biologie moléc
ulaire est en passe d'être créé.
La recherche appliquée est également en pleine expansion. Ainsi, l'équipe du Dr
Le Thi Muoi, de l'institut des biotechnologies, à Hanoi, en collaboration avec M
me Kim Tran Thanh Van, directeur de recherche au CNRS (université Paris Sud, Ors
ay) produit des plantes en « pièces détachées », notamment à usage pharmaceutiqu
e - par exemple, uniquement des feuilles si le principe actif de la plante se tr
ouve logé là.
A Hanoi, l'institut d'hygiène et d'épidémiologie est maintenant à même, grâce en
core à l'aide de l'Institut Pasteur, de fabriquer plusieurs vaccins pour les bes
oins du pays : rage, hépatite B, poliomyélite, encéphalite japonaise. Deux kits
de diagnostic, de l'encéphalite japonaise et de la dengue - contre laquelle il n
'existe pas de vaccin -, sont aussi produits.
L'institut du coeur de Saigon, créé à l'initiative du cardiologue français Alain
Carpentier, mérite aussi tous les éloges. Depuis la première opération, le 1er
janvier 1992, plus de 2 000 interventions ont été réalisées. Et la France envisa
ge de restaurer et de moderniser l'ex-hôpital Grall de Saigon, devenu un centre
de pédiatrie, que dirige le Dr Duong Quynh Hoa.
Au Cambodge, du fait de la guerre larvée qui sévit toujours, il n'est évidemment
pas question de développer une recherche de pointe, il faut parer au plus press
é. Ainsi, la Croix-Rouge française s'occupe de la prévention et du traitement de
la tuberculose, qui constitue, avec le paludisme et les blessures par mine, le
problème majeur dans les campagnes. En 1989, Médecins du monde, avec le concours
de l'hôpital Broussais (Paris), réaménageait le bloc opératoire, la salle de ré
animation et la maternité de l'hôpital Calmette, à Phnom Penh.
Après trente-cinq années de conflits, il s'agit aussi au Laos de subvenir à l'in
dispensable. Dans ce but, une organisation non gouvernementale (ONG), le Comité
de coopération avec le Laos (CCL), sous l'impulsion du Pr Daniel Jaeck, chef du
service de gastro-entérologie à l'hôpital Hautepierre (Strasbourg), a construit
un hôpital de district bien équipé à Pakkading, sur les bords du Mékong. Huit au
tres sont prévus pour les années à venir. Le CCL, par l'intermédiaire du Dr Mich
el Daudet, a également mis en place un programme d'enseignement dentaire.
Bref, la France est bien présente en Extrême-Orient, et il ne tient qu'à elle de
l'être davantage, car nous avons là-bas une formidable carte à jouer. Si nous n
e la jouons pas, d'autres pays s'en chargeront à notre place.
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Rendez-vous pris avec le Viêt-Nam
Si la coopération médicale s'est toujours maintenue entre le Viêt-nam et l'Occid
ent (tout spécialement la France), les autres domaines de la science ont été pou
r le moins négligés. Après la fin de la guerre avec les Etats-Unis, les principa
les aides étaient apportées par l'URSS. Depuis la chute du régime soviétique, le
Viêt-nam recherche un second souffle et d'autres partenaires. La levée récente
de l'embargo américain devrait faciliter les choses.
C'est dans ce contexte que s'est tenu à Hanoi, en décembre dernier, le premier c
olloque scientifique international. Ces Rencontres du Viêt-nam, organisées par l
e physicien français d'origine vietnamienne Jean Trân Thanh Vân, avaient pour th
ème « physique des particules et astrophysique ».
Les sujets des conférences comme la qualité des intervenants (plus d'une centain
e, dont le prix Nobel Jack Steinberger) avaient placé la barre au plus haut : de
rniers résultats en physique des particules, astrophysique et cosmologie. Un coc
ktail parfait donc, mais l'essentiel était ailleurs. L'objectif, comme n'a cessé
de le souligner Jean Trân Thanh Vân, était bien de « faire se rencontrer la com
munauté occidentale et les scientifiques du Viêt-nam - plus largement, ceux des
pays de l'Asie du Sud-Est - dans le but d'initier des collaborations concrètes »
.
Arrivés avec les meilleures intentions du monde, les responsables de laboratoire
s occidentaux ont dû, dans un premier temps, faire face à la réalité : niveau d'
études supérieures bas dans la plupart des domaines, laboratoires scientifiques
sous-équipés, parfois délabrés, bibliothèques réduites aux ouvrages soviétiques
datant de plusieurs dizaines d'années, accès aux publications scientifiques actu
elles nul... Le constat, établi après quelques visites de laboratoires, a montré
l'ampleur de la tâche à accomplir.
Brigitte Rocca, Pierre Encrenaz et Nguyen Quang Rieu, responsables de formations
universitaires, ont sillonné tous les laboratoires de Hanoi à la recherche de c
andidats susceptibles de venir en France enrichir leurs connaissances en astroph
ysique. La situation dans ce domaine est exemplaire : trois professeurs pour tou
t le Viêt-nam, pas de cours spécifiques, pas d'observatoire ni même de planétari
um et une vulgarisation limitée (quelques articles traduits de Science & Vie dan
s une revue à faible tirage). A signaler, néanmoins, la création, en avril 1993,
d'une société astronomique présidée par un des professeurs de Hanoi, Pham Viet
Trinh.
Dans ce contexte très difficile, pour ne pas dire sinistré, il n'est pas étonnan
t que le ministre vietnamien des Sciences, tout en favorisant les coopérations,
en a strictement défini les limites : « Nous avons besoin d'étudiants qui, une f
ois formés à l'étranger, puissent revenir et travailler au pays pour participer
à son redressement économique. » Autrement dit, peu d'enthousiasme pour l'astron
omie et la physique théorique...
Reste que, comme l'ont souligné les chercheurs français, pour reconstruire une s
cience vietnamienne digne de ce nom, il faut des professeurs qui puissent former
les étudiants et chercheurs de demain. Les retrouvailles, non sans émotion, ont
été une réussite, les contacts concrets sont bien établis, les résultats, eux,
devront attendre plusieurs années.
Jean-François Robredo
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Science & Vie N°922, Juillet 94, page 101


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