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Hfodlteto BP S29. by GEM A356 E.N.S.A.M. ANGERS Centre de Documentation 2, Bd du Ronceray 49035 ANGERS Cedex ain 202, 41.20.73. it LiMo aval a | ara dsr rusfoss ‘hy Ano dy wads Gu RY Gouttes, bulles,. perles et ondes Pierre-Gilles de Gennes Francoise Brochard-Wyart David Quéré Belin 8, rue Férou 75278 Paris Cedex 06 ‘wwemeditions-belin.com La collection «Echelles» Privilegiant les savoirs les plus actuels, la collection «Echelles» propose des ouvrages scientifiques rédigés par des auteurs qui font autorité dans leur domaine. Par la présentation simple de questions réputées complexes, elle exprime une certaine idée de enseignement des sciences, en relation étroite avec le monde de la recherche et de ses applications. La collection «Echelles» s'adresse 4 I'étudiant de 2° et 3° cycle universitaire, comme au chercheur ou 4 Mingénieur. Elle est dirigée par Michel Lagués (ESPCI) et Annick Lesne (Université Paris Vi). TABLE DES NOTATIONS A constante de Hamaker + tension superficielle liquide/air Aaire ¥ force capillaire (par unité de lon- Bo nombre de Bond C courbure locale d’une surface Ca nombre capillaire €e Gpaisseur critique d'un film F, nombre de Froude ho longucur élastique T paramétre d’imprégnation po pression extérieure (atmosphérique) P(e) énergie (par unité de surface) rési- duelle d’un film R rayon de courbure local d'une surface ou rayon d'une goutte R rayon d’un capillaire Re nombre de Reynolds S paramétre d’étalement tension de ligne V volume V* = y/n Vitesse earactéristique d'un liquide W énergie de claquage d'un défaut We nombre de Weber gueur) ‘yap tension interfaciale entre A et B ‘Yo tension critique de surface d’un sub strat solide -Yéim(e) tension d’un film mince d’épais- seure ‘ysq tension interfaciale solide/liquide ‘Yo tension interfaciale solide/air ‘Yov tension interfaciale solide/vapeur ‘ny viscosité d’un liquide 6, angle de contact a l’équilibre 6, angle d’avaneée 6, angle de reculée Gp angle dynamique «7? longueur capillaire Kp! longueur de Debye &. longueur de cicatrisation TI(e) pression de disjonction Le code de la proprité intellectuclle n'autorise que «les copies ou reproductions strictement réservées usage privé du copste et non destinées une utilisation collective» [article L. 122-8]; il autrise également les courts citations effetuées dans un but exemple ou dillustration. En revanche stoute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, sans le consentement de fauteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite» [article L 122-4]. La loi 95-4 du 3 janvier 1994 2} confié au CRC. (Centre frangais de exploitation du droit de copie, 2, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris), rexclusivité de la gestion du droit de reprographic. Toute photocopie d'auvres protégées, extcutée sans son accord préalable, consttue tune contrefagon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code penal. © Editions Belin, 2005 ISSN 1635-8414 ISBN 2-7011-4055-2 PLAN DU LIVRE Introduction LB MONDE DES GOUTTES, BULLES, PERLES ET ONDES Objectifs... Chapitre 1 CAPILLARITE : 1 La tension superficielle. 1.1 Origine physique 1.2 Définition mécanique : énergie 1.3 Mesure des tensions superficiell 1.4 Discontinuité de la pr 1.5 Surfaces minimales . 1.6 Surfaces minimales de courbure nulle. iperficielle et force capillaire . s (et interfaciales) sion : Laplace 1805 2 Contact a trois phases : mouillage.. 2.1 Deux types de mouillage : le paramétre d’ 7 2 Critéres de mouillage : régle de Zisman 2.3 Choix des couples solide/liquide 2.4 Substrat liquide : construction de Neuman. Annexe. Surfaces minimales. Equations d’Euler-Lagrange ...............-+ Bibliographic Chapitre 2 CAPILLARITE BT PI 1 La longueur eapillaire x : 2 Gouttes et flaques en mouillage partiel 2.1 Forme des gouttes Jouttelettes R << 3 Gouttes lourdes R > « : 2.4 Techniques expérimentales de caract 3.1 Taille caractéristique. 2 Hauteur et forme 3.3 Ménisque sur un fil...... . 4° Vontéa capillaire'dans'des tubes — Loi de Jurin, 4.1 Historique ... 4.2 Loi de la montée capillaire. 4.3 Raisonnement en press 5 Lentilles fottantes 5.1 Le paramétre d’étalement .. 5.2 Forme des lentilles flottantes ($< 0) 6 Compléments sur les méthodes de mesure des tensions de surface . 6.1 Formes de gouttes 6.2 Mesures de pression 6.3 Mesures de forces. 6.4 Cas des interfaces solides « mous ». Bibliographic 35 50 4 PLAN DU LIVRE Chapitre 3. HYSTERESIS ET HLASTICITE DES LIGNES TRIPLES... -- wees 69 1 Présentation des phénoménes 69 1.1 Avaneée et reculée... 5 69 1.2 Anerage de la ligne triple .. 70 2 filasticité de la ligne triple ....- 7 7 2.1 Le mythe de la tension de ligne 7 2.2 Lélasticité de frange ...-. ++ 72 3 Hystérésis pour des déiauts espaceés 4 4 Surfaces a détauts denses 7 4.1 Un exemple réaliste. 7 4.2 Petits défauts non corrélés....-.---- Hiiien 78 5 Deux cas oft on retrouve ’élasticité des eordes vibrantes .--+.--+-++7** 78 5.1 Cellules de Hele-Shaw 78 5.2 Bords de flaques ...- 19 3 Distorsion des flaque: 80 6 Réle de agitation thermique 81 Bibliographie .......0.5...00+ 82 Chapitre 4. MOUILLAGE ET FORCES A LONGUE PORTE! 1 Energies et propriétés des films ae 1.1 Passage du macroscopique au microscol ique 1.2 Changements d’épaisseur et pression de disjonction 1.3 Tension globale sur un film. - 1.4 Trois types de mouillage 2. Nature des forces & longue portée .. 39 2.1 Force de van der Waals .....- = errr} 7 89 2.2 Cas oi les forces de van der Waals dépendent de la température o1 23 Interactions de van der Waals des solides feuilletés : traitements de surface inact 1 2.4 Autres forces a longue portée . : 93 3 Quelques manifestations des forces & longue portée . o4 ees cur support faiblement rugueux : [a longueur de eieatrisation | 0 3.2 Structure fine de la ligne triple .. 95 4 Les films stratifiés. . 96 Bibliographi 98 Chapitre 5 HYDRODYNAMIQUE INTERFACIALE .. «+ 99: 1 Mécanique des films : approximation de lubrification 9 2 Dynamique de films minces 102 2.1 Amincissement d'un film ver +» 102 2.2 Nivellement d’un film horizontal 103 2.3 Instabilité de Rayleigh-Taylor... . 106 2.4 Instabilité de Plateau-Rayleigh .. . 108 3 Mouillage forcé... wang ERESOT wae 31 Modéle Landau-Levich-Derjaguin (et une variante) 3.2 Liquides savonneux ‘ 3.3 Autres géomeétries . 116 PLAN DU LIVRE oO 4 Dynamique de l'imprégnation 4.1 Présentation . 4.2 Loi de Washburn. 4.3 Régime inertiel Vagues et rides a 5.3 Atténuation. Bibliographic . ee Chapitre 6 DYNAMIQUE DE LA LIGNE TRIPLE .. Expériences de base Relation force/vitesse 2.1 Le modéle mécanique (dissipation Misquese) 2.2 Le modéle chimique Modes d'oscillation d'une ligne triple. 4. Dynamique du mouillage total... Bibliographie pe Chapitre 7 Le Di 1 Bpaisseur critique de démouillage e . 1.1 Film supporté sur un substrat solide . 1.2 Film supporté par un substrat liquide 1.3 Films liquides interealés .. Démouillage visqueux .. 2.1 Substrat solide modéle. 2.2 Substrats solides imparfaits 2.3 Substrats liquides 2.4 Démouillage spinodal Démouillage inertiel 3.1 Le nombre de Reynolds Re .. 3.2 Le nombre de Froude : condition de choe . 3.3 Démouillage inertiel liquide/liquide .. Démouillage viscoélastique . 4.1 Belatement de films ultra- 4.2 Vie et mort des bulles visqueuses. Bibliographie Chapitre 8 SuRE: 1 Les couples frustrés.. 1.1 Principe 1.2 La notion de balance hydrophile/hydrophobe (11LB) Les associations de surfactants... 2.1 Associations en volume : les micelles 2.2 Interfaces eau-air . v * v 3 Quelques applications des sorkactants 3.1 Flotation seen = 3.2 Détergenei 3.3 Emulsification . . 3.4 Les surfactants en tant qu’agents de mouillage et de démouillage. . PLAN DU LIVRE 4 Films et bulles de savon 4.1 Fabrication des films 4.2 Le role du surfactant. ... 4,3 Les mécanismes de drainage. 4.4 Vieillissement et mort des films. 4.5 Le cas des bulles.. Bibliographic ........- Chapitre 9 INTERFACES SPECIAUX.......--.+ 1 Présentation ........+++ 2 Mouillage des 2.1 Modéles de base 2.2 Surfaces rugueuses composites - 2.3 Perles et billes liquides Mouillage et milieux poreux...... 3.1 Ascension capillaire dans un poreux 3.2 Angle d’équilibre a la surface d’un poreux 3.3 Expérience de pompage sur goutte 3.4 Expérience de pompage sur film Interfaces mous . 4.1 Prineipes du mouillage « @lastique >. 4.2 Observations expérimentales du mouillage lastique 4.3. Démouillage « élastique » d’un film intercalé . 4.4 Transitions de mouillage sous cisaillement : principe de aquaplaning .. 4.5 Role des nuciéateurs en mouillage foreé : sillage Cerenkov 4.6 Conclusion . . 7 . Bibliographic -. Chapitre 10 PHENOMENES D’ENTRAINEMENT 1 Gradients chimiques ..... 1.1 Expériences avec des vapeurs 1.2 Entrainement vers les régions mouillables . . Gradients thermiques 2.1 Des gouttes qui aiment le froid. 2.2 mission de doigts Mouillage réactif .. 3.1 Exemples 3.2 Colonne liquide dans un capillaire . 3.3 Bigouttes.... i 3.4 Gouttes filantes sur une face solide plan Entrainement par champ électrique . 4.1 Intérét des miorosystbmes 4.2 Blectrocapillarité . 43 Principe de I’électro-osmose . 4.4 Exemples . Bibliographie . nv » Index. . TRODUCTION LE MONDE DES GOUTTES, BULLES, PERLES ET ONDES Jouvre mes volets et je vois des chapelets de gouttelettes sur les toiles d'are gnées. Le film de rosée qui s'est déposé sur les fils est instable, et s'est fragmenté spontanément en gouttelettes. Ce phénoméne est important pour le traitement («ensimage ») des fibres textiles, de verre ou de carbone, mais aussi pour le dépot du mascara! Je prends ma douche. En sortant de l'eau, je séche par évaporation (et cela me refroidit), mais aussi par démouillage : des zones séches naissent et croissent sur ma peau. Je pars en voiture sous une pluie battante. Sur le pare-brise, je vois des petites gouttes rester accrochées, d'autres plus grosses qui roulent et d'autres plus Srosses encore qui laissent une trace derriére elles a la maniére d’un escargot Je me demande quelle est la différence entre le roulement de ces gouttes et celui de grains de sable sur une surface inclinée, et pourquoi les plus petites gouttes peuvent ainsi rester piégées. La réponse A ces questions va servir de guide au constructeur de voitures pour modifier la surface du verre et fixer 'angle d'inclinaison des pare-brise. Le feu passe au rouge, je freine brutalement et la voiture dérape avant de finale- ment s’arréter, Il faut que le film d’eau entre le pneu et la chaussée s'élimine la voiture ne s’arréte que si l'on établit en quelques millisecondes un contact see entre le caoutchouc et le revétement routier. Enfin, la pluie s’arréte, et j’entends le frottement des essuie-glaces sur la vitre La force de frottement du caoutchoue sur la vitre séche géne maintenant leur mouvement, Il faut traiter astucieusement la vitre pour diminuer cette friction. Le soleil est revenu et je reviens au jardin. Je pulvérise des fongicides sur les feuilles couvertes de moisissures. Malheureusement, les gouttes roulent comme des perles et seule une petite fraction du produit est utile. Comment pourrait- on empécher le film de fongicide de démouiller? A l'inverse, comment traiter un béton ou les pierres d'un monument historique pour les empécher de s'imbiber d'eau quand il pleut? INTRODUCTION Ges quelques exemples montrent qu'il faut savoir piloter le mouillage, rendre hydrophobe une surface hydrophile et vice-versa. On déerira quelques remédes + traitements chimiques par dépét d’un tapis moléculaire, ou physiques en modi- fiant la rugosité de la surface. En méme temps, on se penchera sur la dynamique du mouillage. Les gouttes qui s’6talent spontanément le font avee une vitesse qui diminue au cours du temps si bien qu’il faut des années pour qu'une petite goutte recouvre une grande surface d'un film. En pratique, on force les films en les éta- lant a grande vitesse. On déerira quelques-unes des multiples facettes de cette dynamique. Quand on pense bulles, on pense bulles de savon : il faut des tensioaetifs pour faire mousser l'eau. On comprend aujourd’hui mieux pourquoi on peut tendre un film de savon, comment il s’affine et pourquoi il éclate. Les mousses sont recherchées dans un shampooing, mais catastrophiques dans un lave-vaisselle. On connait des agents anti-moussants, mais comment agit nt-ils? On peut aussi faire des bulles et des mousses sans tensioactifs, avec des liquides purs mais visqueux, comme la alycérine, le verre fondu et les polymeres! On verra que les lois du drainage et de T’éclatement sont alors trés différentes. Un enfant lance un caillou dans un lac. II aime contempler les ondes capillaires qui se propagent en formant des rides circulaires a la surface de l'eau. Nous avons tous entendu le coup de tonnerre produit par un avion qui franchit le mur du son. Mais sait-on que chaque jour, il est possible d'observer des ondes de choe d'origine capillaire lorsque l'on ouvre un robinet dans sa cuisine, et que le jet d’eau vient s'éeraser sur I’évier, ou lorsque l'on démouille en sortant de sa douche ? Nous espérons que ce livre permettra a notre lecteur de comprendre simplement ces questions de la vie de tous les jours, souvent réactivées par des échanges avee Lindustrie. Notre démarche consistera a simplifier un syst@me souvent trop com- plexe pour isoler un phénoméne physique particulier et 4 l'étudier. Pour le modé- liser, les descriptions détaillées qui nécessitent une analyse numérique seront sou- vent remplacées par une approche « impressionniste » fondée sur des arguments qualitatifs, au détriment parfois de la précision, mais qui permet de comprendre vite ct d'inventer des situations nouvelles : c'est dans eet esprit que nous avons écrit ce livre. La principale innovation de cette deuxitme édition est le Cd-Rom qui l'aceom- pagne. Il propose plus de 200 films illustrant les phénomenes capillaires — les 80 premiers, signalés par des logos en marge, renvoient directement au contenu du livre; = les 120 suivants montrent les développements les plus récents, en France comme A l’étranger, de la science des interfaces. OBJECTIFS Louvrage francais classique sur la capillarité est celui d’Henri Bouasse [1]. Ce Toulousain était eélébre parmi nous, non seulement pour ses textes, mais aussi pour ses préfaces vengeresses, dans lesquelles il pourfendait certains collegues, et notamment les professeurs au Collége de France — astreints a trés peu de cours, et intéressés par des sujets ésotériques comme la (naissante) physique quantique. Bouasse n’a pas compris la révolution physique du Xx° siécle. Mais il a construit, avec enthousiasme, des mises au point durables sur la physique classique, et en particulier ce livre sur les phénoménes de surface. Or, quatre vingts ans plus tard, la capillarité est encore une science en mouve- ment! Lécole russe de Derjagin a lancé la-dessus une longue réflexion [2]. Mysels, Shinoda et Frankel ont publié en 1959 leur livre majeur sur les films de savon [3]. Zisman (poussé par une recherche appliquée concernant Ia lubrification des rouages de chronométre) a classifié la nature des tensions interfaciales [4]. Un ingénieur de l’aviation, Tanner, et un ingénieur chimiste, Hoffman, ont déterminé les principes de la dynamique [5]. Et il y a maintenant un véritable foisonnement d’o la tentation d’écrire un nouveau livre. Nous avons voulu le faire en gardant l'esprit de Bouasse, c’est-A-dire en nous adres sant A des étudiants. Il ne s’agit pas ici d’un inventaire des recherches les plus récentes, mais plutdt d’un recueil de principes. Et, comme Bouasse, nous ne pré- tendons pas fournir une bibliographie détaillée : au fil des chapitres, nous ne don- nons que quelques références majeures, sans respect pour les priorités historiques. Nous avons essayé d’étre simples, moins mathématiques que ne I’était Bouasse avec ses cycloides, ete. Notre but est dillustrer des idées, plutét que de faire des descriptions quantitatives. Et méme a l'intérieur de ce cadre, nous avons dai nous restreindre. Par exemple, nous n’entrons pas dans la (superbe) problématique de Cahn sur les transitions de mouillage : nous visons la physico-chimie plus que la physique statistique. Nous ne parlons pas non plus : a. des superfluides, qui sont des systemes d’une extréme finesse, mais qui demandent (pour des étudiants) une mise au point culturelle un peu longue; b. de certains développements purement hydrodynamiques, comme les développe- ments asymptotiques, ou le comportement inertiel de gouttes en vol ; ¢. du mouillage par des fluides volatils ; d. de la dynamique du mouillage en présence de surfactants. 10 OBJECTIFS dun environnement 2, ot plusieurs généra- Lentreprise était assez difficile. Mais nous avons béni extraordinaire, au Collége de France ct a l'Institut Gu tions d’expérimentateurs et de théoriciens se sont succédé. Pour ne citer que des membres fondateurs, nous devons une reconnaissance spéciale a P. Auroy, A.M. Cazabat, J.M. di Meglio, H. Hervet, E Heslot, J. F. Joanny, L. Léger, 7. Ondar- cuhu, B. Raphaél et F Rondelez, et aussi a nos amis du dehors comme P. Pincus, Y. Pomeau, G. Reiter, M. Shanahan et T. Witten, Ils ne partagent pas tous nos points de yue, mais ils nous ont foreé a réfléchir. Au total, ce recueil est loin d’étre par fait, mais nous avons essayé d’y faire sentir la curiosité et le bonheur de toutes nos équipes, aux prises, depuis vingt ans, avee de petites gouttes. Remerciements + nous avons une dette tres spéciale envers nos lecteurs avisés Christian Counillon (Belin), Annick Lesne, Ko Okumura, Emilie Verneuil, ct nos « rédacteurs informatiques > : Florence Bonamy, Yvette Heffer, Pierre-Henri Puech (assistés de Nicole Blandeau). Ils ont accepté de saerifier beaucoup de temps pour ce livre : sans la coordination qu’ils nous ont imposée, il n’aurait sans doute pas vu le jour. BIBLIOGRAPHIE [1] H. Bouasse, Capillarité, Delagrave, Paris (1924) [2] B. Derjagin, Kolloid Zh, 17, 191 (1955). [3] K. Mysel [4] W Zisman, Contace angles, wettability cand adhesion (. M. Fowkes ed.), p. 1 (Adv, in Chem. Series n°43, ACS, Washington DC), (1964). [5] BG. de Gennes, Rev. Modern Physics, 57, 827 (1985). . K. Shinoda, S. Frankel, Soap films, Pergamon, Londres (1959). 1, La tension superficielle e e CAPILLARITE : INTERFACES MOBILES La capillarité est l'étude des interfaces entre deux liquides non miscibles, ou entre un liquide et lair, Les interfaces sont mobiles, et capables de se déformer pour minimiser leur énergie de surface. Cett née au début du xix* siécle, avec Pierre Simon de Laplace (1749-1827) et Thomas Young (1 773-1829). Elle a 6 racontée dans un livre admirable par Henri Bouasse (1924) [1]. C'est elle qui nous permet de comprendre les jeux de l'eau qui viennent briser la mélancolie des jours de pluie, ou de s'amuser en faisant la vaisselle ! Plus sérieusement, elle joue tun role majcur dans de nombreux domaines scientifiques (science des sols, climat, biologie végétale, physique des surfaces, ete.) et industriels en chimie fine (formu- lation en pharmacologie et cosmétique, industrie du verre, automobile, textile, etc.). Un liquide coule, et pourtant il adopte des formes géométriques trés stables. Une petite goutte de pluie, un globule d’buile dans eau, une bulle de savon forment une sphire parfaite, lisse A l'échelle atomique, et tres peu déformable (ric. 11). Les fluctuations de Vépaisseur de la surface sont de Vordre de angstrom. Ces exemples nous montrent que la surface d’un liquide est done comme une mem- brane tendue, caractérisée par une Figure 1.1. Gouttes et bulles forment des spheres parfates (W. Wick [20]) 12 GOUTTES, BULLES, PERLES ET ONDES tension superficielle (ou « tension de surface »), qui s'oppose & ses déformations. Nous allons nous intéresser a Vorigine physique et aux conséquences de la tension superficielle. 1.1. Origine physique Un liquide est un état condensé : les molé- cules s’attirent. Lorsque cette attraction Temporte sur agitation thermique, les molé- cules passent d'une phase gazcuse a une phase dense mais encore désordonnée : un liquide. Les molécules au sein du liquide bénéficient d’interactions attractives avec toutes leurs voisines et sont dans un état « heureux ». Au contraire, a la surface du a a Ta. surk Figure 1.2. Une molécule « malheureuse » ala liquide, elles perdent la moitié des interac- surage: alle prd la mot de ses interactions tions cohésives (FIG, 1.2) et sont « malheu- _ atractves reuses ». C’est pour cette raison que les Tiquides vont ajuster leur forme pour exposer le minimum de surface : vos cheveus sees sont bouffants et volumineux, mais une fois mouillés, ils collent ensemble tristement (FIG. 1.3) Age = (I Figure 1.3. Cheveux secs bouffants; cheveux mouilés collants. Exposée a la surface, une molécule est done dans un état énergétique défavorable. Si U est Pénergic de cohésion par molécule, une molécule a la surface perd en ros 1U. La tension de surface mesure directement ce défaut d’énergie par unité de surface. Si a est la dimension moléculaire et a? la surface exposée par molécule, Ia tension de surface est y ~ £2. Plus les interactions attractives sont fortes, plus Ia tension de surface est grande. Pour la plupart des huiles, oi les interactions sont de type van der Waals, on a U ~ kT, Pagitation thermique. A 25 °C, KT vaut # eV, ce qui donne : -y ~ 20 mJ/m?. Pour l'eau, & cause des liaisons hydrogénes, yest plus grand (y ~ 72 mJ/m?). Pour le mercure, qui est un métal liquide tres cohésif, U ~ 1 eV et y ~ 500 mJ/m?. De la méme fagon, l’énergie de suriace entre deux fluides non miscibles A et B est caractérisée par la tension interfaciale y4g. On donne (tableau 1.1) les tensions superticielles des liquides courants et de ceux qui ont été utilisés pour réaliser les expériences que l'on va décrire au fil des chapitres, ainsi que la tension intertaciale eau/huile, Bien que son origine s’explique au niveau moléculaire, notons que la tension superficielle y est une grandeur macroseopique, définie a notre échelle comme on ya le voir ci-aprés. 1. CAPILLARITE : INTERFACES MOBILES 13 Tableau 1.1. Tension superficille de quelques liquides usuels @ la température ambiante ou a d'autres températures, siétat physique l'exige. 1.2. Définition mécanique : énergie superficielle et force capillaire m1 Travail de surface On sait qu'il faut fournir de I’énergie mécanique pour créer de la surface, lorsque Yon bat des ceufs en neige, ou que l'on émulsionne de eau dans Phuile pour faire une mayonnaise. Déformons le liquide de manigre & augmenter sa surface A de dA. Le travail est proportionnel au nombre de molécules qu’il faut amener A la surface, done A dA, et 'on peut éerire : BW =ydA (1) oity est la tension superficielle (ou interfacial). En dimension, [y] =EL~?. Lunité de y est le mJ/m?. En conclusion : est ’énergie a fournir pour augmenter la surface d'une w | La tension de surface contribue au travail en thermodynamique des surfaces [2]. y est la variable conjuguée de A. On peut la définir par 'augmentation de l’énergie interne U ou de énergie libre F, qui accompagne l'augmentation de surface : OF [Baler = oi n est le nombre de molécules et V le volume total. La thermodynamique des surfaces est une science subtile, que nous n’allons pas développer ici, mais qui est trés bien décrite dans [2]. En particulier, lorsque l'on travaille A potentiel chimique ys imposé, on utilise le grand-potentiel = F—-m=—pV + yA. & Forces capillaires La tension superficielle peut aussi tre considérée comme une force par unité de longueur : en dimension, on peut écrire [y] = FL~! et exprimer y en N/m. Citons quelques expériences oit y se manifeste comme une force (FIG. 1.4). 1. Un fil métallique rigide plié suivant BCD a ses deux extrémités reliées par un fil a coudre fin BD. Si on enferme une membrane liquide (comme un film de savon) dans le triangle BCD, elle tire normalement et uniformément sur chaque élément du fil, qui se tend suivant un are de cercle. 14 GOUTTES, BULLES, PERLES ET ONDES 2. Une bouele de fil attachée en deux endroits A un cadre par un autre fil prend une forme quelconque lorsqu’on la pose sur une membrane liquide tendue sur le cadre, Si l’on erdve la membrane liquide dans la bouele, celle-ci se tend suivant un cerele. Figure 1.4. Manifestations de la tension superficille : force normal a la ligne (fl, ge) 3. Une baguette de verre a été recourbée de manidre A constituer trois c6tés d’'un rectangle. Unc autre baguette mobile, qui peut rouler sur les deux c6tés paralleles, constitue le quatridme cdté de longueur 1 (FIG. 1.4). On plonge Vappareil dans du liquide glycérique (liquide contenant de l'eau, du savon pour faire des bulles, et de la glycérine pour rendre Ie mélange visqueux) de maniére former une lame liquide rectangulaire. Dés que Pappareil est hors du liquide, on constate que la tige mobile se déplace spontanément dans le sens de la fléche pour diminuer la surface ; si le cadre est incliné, la baguette mobile peut méme remonter la pente, pour retomber brusquement si on perce la lame, Si ’on déplace la tige mobile de dx, on fournit un travail aw = P dae = 2ylde (13) oit le facteur 2 correspond aux deux interfaces du film avee lair. Cela nous montre que y est aussi la force qui s’exerce par unité de longueur de la tige. 1. CAPILLARITE : INTERFACES MOBILES 15 En conclusion : Fest une force (par unité de longucur) normale a la tige, dans le plan de la | surface, et dirigée vers le liquide. Les forces capillaires sont impressionnantes : elles permettent aux insectes de mar- cher sur Peau, mais si par malheur on pollue la mare avee du détergent qui abaisse la tension de surface, ils coulent ! On peut étudier ce phénoméne de flottaison en posant une aiguille A coudre sur du papier toilette trés fin que Pon améne a la surface de l'eau. On retire délicatement le papier et laiguille flotte! On ajoute une goutte de détergent et elle coule... Nous verrons, par la suite, que ces deux fa et force, vont intervenir a parts égales. de la tension superficielle, énergie 1.3. Mesure des tensions superficielles (et interfaciales) Les méthodes de mesure sont nombreuses et bien décrites dans le livre de A.W. Adamson [3]. Gitons quelques méthodes classiques, qui seront reprises en détail au chapitre 2 la méthode de Wilhelmy od l'on plonge une lame (ou un anneau) dans un bain de liquide et Yon mesure la force capillaire sur cette lame lorsqu’on l’arrache du liquide (FIG. 2.24) ; - la montée du liquide dans un capillaire fin (PG. 2.17); les méthodes de goutte : on caractérise la forme des gouttes dans divers états (posée, tournante, pendante), et on ajuste cette forme a une forme théorique paramétrée par y; les ondes capillaires : on excite des ondes capillaires et on mesure la relation entre la fréquence et la longueur d’onde [décrite théoriquement au chapitre 5), en suivant optiquement la déformation de la surface, grace a la déHexion d'un faisceau laser. ‘Toutes ces méthodes exigent beaucoup de précautions. Les surfaces des liquides sont des surfaces idéales, lisses A échelle atomique et chimiquement homo- génes. Mais elles se contaminent trés facilement. Les mesures de la tension superficielle de Peau présentaient une dispersion énorme jusqu’au jour (il y a un peu plus de 100 ans) o& Agnes Pockels, qui expérimentait dans sa cui- sine, comprit qu'il fallait racler la surface de l'eau. Une surface d’eau fraiche a une tension bien définie : y = 72 mN/m. Mais Peau, qui a une tension superticielle spécialement élevée, se pollue trés vite pour abaisser son éner- gie de surface. Si lon veut éviter cet inconvénient majeur et travailler avec des surfaces liquides qui n’évoluent pas au cours du temps, on utilise des huiles silicones, qui ont une faible tension superficielle (y ~ 20 mN/m). On les utilise aussi comme agent anti-grafitti et anti-salissure pour protéger les fagades des immeubles, dont elles abaissent |’énergie de surface, les rendant non-adhésives. 16 GOUTTES, BULLES, PERLES ET ONDES 1.4. Discontinuité de la pression : Laplace 1805 [4] La tension de surface est & Vorigine de la surpression a Tintérieur des gouttes 6 des bulles, Cette différence de pression a des conséquences multiples. Par exemple, dans une émulsion, on observe que les petites gouttes disparaissent au profit flee grosses; dans un aérosol, elles s'évaporent les premiéres lors d'un refroidis- ier ent, Elle permet aussi de comprendre l'adhésion capillaire entre deux plaques, se tradhésion entre eux des cheveux ou des fibres, induite par des ponts capillaires. Lorsque l'on traverse une surface (ou interface) courbe, ily aun saut de pression, que nows allons évaluer pour une sphére et pour une surface eourbe queleonque. @ Sphére Prenons l'exemple d'une goutte d’huile (0) dans Veau (w) (PIG. 1.5). Pour abaisser son énergie superficielle, la goutte est sphérique, de rayon R. Nous allons utiliser la méthode dite « des déplacements virtuels », habi- tuelle en mécanique. Si on déplace V’interface 0/w de dR, le travail des forces de pression et capillaire écrit BW = —podVo — PpwdVw + YowdA (14) Figure 1.5. Supression 4 lintérieur Ank2dR = —dV,, et dA = 8nRdR d'une gouttelette d'huile « o » dans V'eau «w>. sont respectivement l’augmentation de volume et de surface de la goutte. p, et py sont les pressions dans Vhuile et l'eau, et Yow est Ja tension inter faciale huile/eau. La condition d’équilibre méca- nique s‘écrit 5W = 0, cest-adire : 2Yow Ap = Po Pw = = (15) ‘Aypiquement, pour une goutte d’aérosol de rayon 1 pm, Ap est comparable a la pression atmosphé- rique, Notons que l’équation 1.5 correspond @ la mini- misation par rapport au rayon de ces gouttes du grand-potentiel 2 = =DoVo — PwVw + You A- La pression est done d'autant plus grande que Figure 1.6. Ls ates bulls ver la goutte est petite. On peut vérifier cette pro- dans les grosses, & priété avec des bulles de savon, En connectant Ueux bulles (PIG. 1.6), une grande et une petite, on constate que la petite se vide dans la grande. Dans une émulsion d’huile dans eau, les petites gouttes paraissent au profit des grandes A cause de cet exe’s de pression, qui les rend thermodynamiquement plus instables (mirissement ‘d’Ostwald). 1. CAPILLARITE : INTERFACES MOBILES 7 m Généralisation & une surface queleonque Le théoréme de Laplace (1805) s’énonce : Taccroissement de pression hydrostatique Ap qui se produit quand on traverse la surface de séparation de deux fluides, est égal au produit de Ia tension super ficielle + par la courbure de la surface C 1 a=1(% i + Bay 141 lea: (1.6) ot Ret R’ sont les rayons de courbure de la surface. Léquation 1.6 se démontre, comme pour la sphere, en calculant le travail des forees de pression et des forces capillaires pour un déplacement infinitésimal, ou en minimisant le grand potentiel © [3]. Pour montrer comment on mesure la courbure d'une surface, on peut utili- ser une poire (FIG. 1.7). La courbure en un point M s’obtient en enfongant une aiguille pour définir la normale W a la surface. On découpe ensuite la poire selon deux plans normaux se coupant selon N. Lintersection des deux plans (orthogonaux) avec la sur face de la poire définit deux courbes, dont les rayons de courbures en M sont R et RY. Ret R’ sont des gran- deurs algébriques : R est positif si le centre du cercle est & Vintérieur de la poire et R est négatif dans le cas contraire. Une propriété remarquable est que C ne dépend pas du choix des plans. S'il y a un axe de symétrie, on fait passer l'un des plans par cet axe, et Ret R’ sont les rayons de courbure principaux. m Adhésion capillaire Deux surfaces mouillées peuvent col- ler trés fortement ensemble si le liquide les mouille avec un angle de contact 6 < ¥ comme sur la FIG. 1.8. Herasons une grosse goutte entre deux plaques distantes de H. Elle forme ce qu’on appelle un < pont capil- laire »; nous noterons R son rayon et A ~ wR? sa surface. La pression de Laplace dans la goutte s’écrit : Figure 1.7. Mesure de la courbure d'une poire Figure 1.8. Adhésion capilaire entre deux plaques ob on a coineé une goutte. 18 GOUTTES, BULLES, PERLES ET ONDES _ [1 _ cosée 2yc08 Op se=y|g- | a (7) 2 La force qui colle les plaques est attractive si @g < § et égale (si H < R) a F = aR? x 2st, Pour de l'eau, en prenant R = 1 em, H = 5 um et Op = 0, on trouve une dépression Ap ~ } atm et une force d’adhésion F ~ 10 N capable de supporter le poids d’un litre d’eau ! 1.5. Surfaces minimales Nous avons vu qu’un liquide évolue spontanément pour diminuer sa surface, et nous illustrons cette propriété sur la FIG. 1.9. A ’équilibre, les surfaces d’aire minimale satisfont a ’équation de Laplace. 1.5.1. Jet Si l'on ouvre un robinet, on voit un jet d'eau se fragmenter en gout- telettes (FIG. 1.9.a) pour abaisser son énergie de surface. Pour com- prendre cette diminution de sur face, cassons un eylindre de rayon oe Ret de longueur L enn goutte: @ lettes de rayon r. La conservation du volume conduit a: e 4 wRL = yarn (1.8) (a) (b) Faisons le rapport de la surface finale des gouttes S,, A la surface Figure 1,9, Fit deau et tat denore se cassant en gout initiale Sp et éliminons n : lettes. Se nXde? 3R yy So 2aRL 2r " Ainsi, dés que r > 32, la surface des gouttes est inférieure a celle du cylindre. Crest Plateau [5] qui, le premier, a compris que le cylindre se déforme spontané- ment pour abaisser son énergie de surface, das que la longueur donde dq de la déformation est supérieure au périmétre du cylindre. La déformation s'amplifie, et le cylindre de liquide se fragmente en gouttes. Plus tard, Lord Rayleigh [6] a montré que la taille des gouttes est fixée par le mode de déformation le plus rapide (2g = 4,5 en régime inertiel) ; c’est lui qui a laissé son nom a cette instabilité. Un jet est une fagon de réaliser des émulsions monodisperses, oi la taille des gouttes ‘est bien calibrée. Cette méthode est utilisée en particulier dans la fabrication du lait homogénéisé, mais aussi dans de nombreux secteurs de l'industrie. Nous 1, CAPILLARITE : INTERFACES MOBILES. 19 reviendrons plus en détail sur l’instabilité de Plateau-Rayleigh dans le chapitre 5, en décrivant l'instabilité des gaines liquides sur les fibres. Si l'on dépose un trait d’enere sur du plastique, il se casse en gouttes pour la méme raison : une portion de cylindre est moins stable qu'une rangée de calottes sphériques. Ce phénomene pilote de nombreuses instabilités hydrodynamiques, qui apparaissent lorsque le liquide en coulant se rassemble en bourrelet au voisi- nage de la ligne de contact entre le liquide, l'air et le support. Une expérience trés simple consiste 4 déposer de I'huile sur la moitié d’une potle auto-adhésive que Yon incline. La ligne de contact se met a onduler, et des doigts (ou coulures) se forment et grandissent 145.2. Goutte sur une fibre paralléle (a) {h) Figure 1.10. Goutte « onduloidale » posée sur une fibre. a. Schéma en coupe ; b. photo de gouttes de POMS posées sur une fibre de carbone. Une goutte de rayon initial R est posée sur une fibre de rayon b (6 vaut typiquement 10 A 100 um). On supposera que le liquide mouille la fibre et done s'y raccorde avee un angle nul. La fibre peut étre un cheveu, ou une fibre textile ou de verre. La forme (dite < onduloidale ») que cette goutte prend est représentée en coupe sur la FIG, 1.10, Comme son rayon R est tres supérieur a 5, la pression dans la goutte est faible (Ap ~ 3). Au raccord de la goutte a la fibre (point G et D), un des rayons de courbure devient trés petit, égal a b. Il faut done que l'autre rayon de courbure soit négatif, de ordre de —b pour que la courbure totale reste trés petite. 20 GOUTTES, BULLES, PERLES ET ONDES Caleulons en détail le profil z(x) de la goutte représentée schématiquement sur la FIG. 1.10. Le théor&me de Laplace (1.6) assure que la surface a une courbure constante : oe 7 Ap R * R Cc 7 (1.10) od Ap est la surpression de la goutte. Les rayons Ry et Rz au point A sont R, = AM (M est le centre de courbure de la courbe méridienne dans le plan de la figure) et Rp = AN dans le plan perpendiculaire coupant le plan de la figure suivant AM. N est a l'intersection de la normale a la surface en A et de l’axe de symétrie. Rp est toujours positif, mais R; est positif si les points M et N sont du méme cété par rapport a l'interface A, et négatif si M est de l'autre cété (en A’, # = A'M! est négatif, R, = A'N’ est positit). Si s est la coordonnée curviligne le long de la courbe méridienne parcourue de gauche A droite et @ l'angle de la normale avec la verticale, Ri et R2 sont donnés par: z = Rzcosd (111) ds = —R,d0 (1.12) Léquation 1.10 conduit a : (1.13) et (tan) _ rgd do qe ht tan? OT soit Léquation 1.13 s’écrit done (cos@ = (1 + #)7? > 0) : + iar Tas (1.14) (i+ z(lt+#)? Cette équation a une intégrale premiére que l'on peut trouver mathématiquement (@q. 1.15). On peut aussi la trouver par un argument physique, en écrivant que la somme des forces (en projection sur l’axe des «r) agissant sur une portion de goutte (hachurée sur la FIG. 1.10) est nulle. Ces forces sont : 1. la force capillaire intégrée sur le contour extérieur (liquide/air) f, = 272y cos 8; 1. CAPILLARITE : INTERFACES MOBILES 21 2. la force de pression fy = —Apm(z? — 6”) sur la si de rayons 2 et b) ; ction de la goutte (couronne 3. la force exercée par la fibre sur la goutte fy = —2mby (force capillaire sur le contour intérieur). Sit fe + fa = 0 conduit a: —_, Apa =H) =b (1.15) (1+2)? 27 Le rayon maximal de la goutte est obtenu pour 2 = 0, 2 = L, Léquation 1.15 donne : ae wy =L-b (19) 2y La surpression Ap = ZY; est en gros la pression de Laplace pour une goutte de rayon L, la correction b étant négligeable. 1.6. Surfaces minimales de courbure nulle Le mathématicien Henri Poincaré s'est illustré dans ce domaine [7]. 1 Ménisque sur une fibre On trempe un fil dans un bain de liquide. On va étudier l’ascension du liquide dans le cas oi il mouille la fibre ct en négligeant la gravité (F1G. 1.11). (Cela suppose que b < «7! (~ mm), o& x1 est la longueur capillaire définie au ch, 2.) La différence avec le cas de la goutte posée sur une fibre est que le liquide du ménisque est en équilibre avec le bain de liquide. On a done : Ap = 0, qui définit une surface A courbure nulle. Le profil est donné par l’équation 1.15 qui sécrit alors = b (1.17) Figure 1.11. Eau grimpant sur une fibre de verre (b de ordre de 10 microns), vi+ Léquation 1.17 peut s’obtenir directement en écrivant que la projection verti- cale des forces de tension se conserve. A une cote 2, la foree de tension est 2Qnzycos@ = 2myb. Comme tan@ = 2, on retrouve bien Péquation 1.17. Le pro- fil du liquide prend alors une forme bien connue, solution de 1.17, qu’on appelle «chainette > : 2 = beosh ) (1.18) GOUTTES, BULLES, PERLES ET ONDES @ Film de savon Reproduisons 'expérience de Plateau. On tend un film de savon (liquide glyeé- rique) entre deux anneaux circulaires de rayon R. On peut fabriquer les anneaux avee du gros fil de cuivre, que l'on martéle. On les trempe dans le mélange savonneux et on les écarte doucement le long de leur axe normal (FIG. 1.12.b). 2D est la distance entre les anneaux. La pression étant la méme a l’exté- rieur et a Vintérieur, la surface est de cour bure nulle Ry! + Ry? = 0. On écarte les anneaux, la surface rentrée s’étire et claque pour Bw Plateau a étudié en pre- mier cette surface engendrée en écartant les deux anneaux. Le profil r(a) est celui d'une surface de révolution 4 courbure nulle, satis- faisant 4 Péquation 1.13 avee Ap = 0. Le profil du liquide a, d’aprés 'équation 1.18, la forme d'une chainette qui doit se raccor der aux anneaux : r( = +D) = R. Si Rin est le rayon du cerele de gorge (x = 0), le profil es r(x) = Rm cosh (+) (19) Pour z = D R D Ra cosh (z) (1.20) Cette Equation a deux solutions pour Rm, qu’on reporte dans 1.19; on obtient ainsi deux surfaces, toutes deux i courbure nulle, mais Pune d’aire minima, et l'autre d’aire maxima, plus creusée. Pour une valeur eritique de # (8 = 1,509), ces deux solutions deviennent identiques. Pour # < 1,509, il n'y a plus de solution : le film éclate. On peut, avee des armatures complexes et de l'eau savonneuse, engendrer une grande variété de surfaces minimales et de cour- bure nulle, si la surface n'est pas connexe. On montre sur la FIG. 1,12 une structure cubique, une chainette et une spirale (b) Figure 1.12. Bulles de savon : a. structure cubique, b. chainette, c. spirale. 7 1. CAPILLARITE : INTERFACES MOBILES: 23 2. Contact a trois phases : mouillage Le mouillage est I’étude de I’étalement d’un liquide déposé sur un substrat solide (ou liquide). Ce phénoméne touche de nombreux domaines des industries chi- miques (peintures, encres, colorants, insecticides), automobiles (préparation des surfaces A peindre, traitement des vitres pour empécher l’eau de démouiller, trai- tement des pneus pour adhérer méme sur une surface mouillée ou glacée), du verre (traitements anti-salissures ou anti-givre), alimentaires (mise en solution de poudres comme le lait ou le cacao), du sol (imbibition de roches poreuses), du batiment (hydrofugation des bétons, protection des monuments, traitement hydrophilisant du plastique des serres), des cosmétiques et galéniques (étalement des erémes, du mascara sur les cils, shampooing auto-séchant). Il joue aussi un réle en sciences de la vie : ainsi le gonflement des poumons a la naissance est rendu possible par des molécules dites « tensioactives » qui abaissent Vénergie de surface — chez certains prématurés, les poumons ne sont pas préts (maladie des membranes hyalines) et il faut leur apporter trés vite des tensioac- tifs a la surface des poumons. Citons également la montée de la séve dans les plantes, la motricité des insectes A la surface de l’eau, l'adhésion de parasites sur des surfaces mouillées (piriculariose du riz), le mouillage de l'oeil - la cornée est par nature trés hydrophobe et pourtant I'ceil est mouillé! Des protéines dans les larmes (mucyne) rendent hydrophile la surface de I'ceil, ce qui stabilise le film lacrymal. Si on met par malheur une créme grasse dans l'exil, celui-ci seche, ce qui produit une sensation désagréable. Certains individus ont les « yeux sees > et doivent se mettre des larmes artificielles pour compenser leur déficit en mucyne. « Comprendre le mouillage », c'est expliquer pourquoi de eau s’étale sur du verre propre, mais pas sur du plastique. « Le contréler », c’est modifier la sur- face pour rendre mouillant un solide non mouillant (plastique recouvert d’une couche d’or, cornée tapissée de mucyne), ou au contraire rendre non mouillant un solide mouillant. On peut ainsi rendre le verre aussi hydrophobe que le Téflon en y déposant un tapis moléculaire de molécules fluorées. Dans ce paragraphe, nous allons d’abord caractériser les deux types de mouillage (FIG. 1.13) : ~ total, quand le liquide a une forte attraction pour le solide ; - partiel, dans le contraire. Nous décrivons ensuite les critéres qui permettent de prévoir si un liquide va mouiller ou non un substrat donné, Nous montrerons comment une simple mono- couche deposée sur ce substrat peut inverser les tendances naturelles, c’est-a-dire rendre mouillant un liquide non mouillant, et vice versa. On décrira tout particu- ligrement les liquides et les solides qui ont été utilisés pour réaliser des syst8mes bien contrdlés, et les traitements de surface les plus courants en physico-chimie du mouillage. On néglige la gravité dans tout ce qui suit. Les modifications qu’elle induit seront traitées au chapitre 2 24 2.1. Deux GOUTTES, BULLES, PERLES ET ONDES types de mouillage : le paramétre d’étalement S Lorsque l'on pose une goutte d’eau sur du verre tres propre, on la voit s’étaler complétement. En revanche, sur une feuille de plastique, le liquide reste ras- mblé en goutte. Il y a done deux régimes de mouillage représentés sur la FIG. 1.13. La grandeur qui les dis- tingue est le paramétre d’étalement S, qui mesure la différence entre I’énergie de surface du substrat sec et mouillé (par unité de surface) : pes . Mouillage partiel Mouillage total Figure 1.13. Les deux régimes de moullage d'une ‘goutte posée sur un substrat. So= Bg’ — Ena (1.21) S = Yso-(ysu + ¥) (1.22) ow les trois tensions sont successivement la tension superficielle solide/air, solide/liquide et liquide/air. @ S > 0: mouillage total Si S est positif, le liquide s’étale complétement pour abaisser énergie superfi- cielle (l'angle de contact est nul : @ = 0). Létat final est un film d’épaisseur nanoseopique qui résulte d’une compétition entre les forces moléculaires et capil- laires (voir le chapitre 4). mS <0: mouillage partiel La goutte ne s’étale pas et forme & l’équilibre une calotte sphérique qui s’appuie sur le substrat en faisant un angle de contact @g. On dira que le liquide est « plutot mouillant > si @z < , ct < plutot non mouillant » si 8g > ¥. Remarquons cepen- dant que 8g = § ne joue aucun réle particulier, au sens de la thermodynamique, contrairement 4 = 0 (transition de mouillage). Mais on verra au chapitre 2 qu’un liquide « plutt mouillant > envahit spontanément un capillaire, un milieu poreux ou une éponge. m Loi de Young-Dupré Langle de contact est obtenu par deux méthodes (FIG. 1.14). Figure 1.14. Détermination de O¢ : a. par les forces, b. parle travail 1. CAPILLARITE : INTERFACES MOBILES a ¢ En équilibrant les forces capillaires agissant sur la ligne de contact (encore appelée « ligne triple ») : par unité de longueur, ces forces sont les tensions interfa- ciales entre les trois phases $/L/G. En projetant I’équilibre des forces sur le plan solide, on obtient la relation de Young (1805) [8] : eos On = yso — Yst (1.23) En reportant 1.22 dans 1.23, il vient : | Ss =-(cosoe —1) On voit qu'on ne peut définir Op que si le paramétre d’étalement est négatif. 0p est d’autant plus grand que le liquide est non mouillant. La projection des forces capillaires sur la verticale est Gquilibrée par une force Glastique de réaction du solide. Si le solide est dur, cette déformation est inobser- vable ; mais si le solide est mou, comme par exemple un caoutchone ou un film de peinture, il se déforme. Gest pour cette raison qu’une petite goutte d’eau sur de la peinture encore fraiche laisse une trace circulaire. ¢ En calculant le travail lorsque l'on déplace la ligne de contact de dx : 8W = (ys0 — ys) de — ycos Oz dx (1.24) Ce travail est nul a l’équilibre, ce qui redonne bien I’éq. 1.23. = Mesure de langle de contact Il existe plusieurs méthodes de mesure de 0 qui seront discutées au chapitre 2. Pour des angles assez grands, on peut prendre une photo du profil et en déduire langle. Pour plus de précision, et lorsqu’on mesure des angles @ < #, on utilise la méthode par réflexion : en éclairant une goutte par un faisceau laser paralléle, on crée un faisceau divergent dont l’ouverture est reliée 4 l'angle de contact. Pour des angles faibles, et une grande précision, on utilise une mesure interférentielle en étudiant les franges d’égale paisseur engendrées par le coin de liquide. Enfin, une méthode moins précise, mais adaptée A la dynamique du mouillage (oi langle de contact dynamique 6p est différent de l'angle statique 8), consiste a étudier la déformation de Vimage d’une grille observée a travers le coin de liquide. ‘22. Critéres de mouillage : égle de Zisman [9] [10] Comment peut-on prévoir qu’une surface solide est mouillable ou non mouillable ? On peut classer les surfaces en deux catégories, ~ Les surfaces de « haute énergie » (HE), pour lesquelles les énergies de liaison chimique sont de Pordre de I'eV et sur lesquelles pratiquement tous les liquides s'étalent. Les liaisons HE sont ioniques, covalentes ou métalliques, et donnent : liaison Yso~ ~ 500 45000 mN/m (1.25) GOUTTES, BULLES, PERLES ET ONDES — Les surfaces de < basse énergie » (BE), pour lesquelles les énergies de liaison chimique sont de l'ordre de kT, et qui sont peu mouillables. Les matériaux de ces surfaces BE sont des eristaux moléculaires ou des plastiques, et donnent : ys ~ ee 10.850 mN/m (1.26) @ En fait, énergie de surface lair yso n’est pas suffisante pour expliquer la mouillabilité. II faut examiner le signe de S : S=yso0-(yst + ¥) (1.27) Une approche simplifiée permet de relier S aux interactions de van der Waals (FIG. 1.15) [11] [12]. s 50 + + + + + + 4g + Fe 50 7 s L LLLLYSE LS yz Yo L Figure 1.15. Détermination des énergies interfaciales ~ en collant fet Pour estimer yso, on recolle deux espaces solides semi infinis. Au départ, ’énergie est 2ys0. En les collant, on gagne I’énergie de liaison chimique U et l’énergie de van der Waals Vss (par unité de surface). Cette énergie est lige la polarisabilité ag du solide via la relation Vss5 = ko}, ot k est une constante. Liénergie de surface du solide cicatrisé est nulle, d’ot : 2yso —Vss -U =0 (1.28) 1. CAPILLARITE : INTERFACES MOBILES 27 Pour estimer ysz, on colle le solide et le liquide. On part d’une énergie y + yso et I’on récupére les interactions de van der Waals solide-liquide Vsz, (avee comme ci-dessus Vez, = kage), od Von tire : Ys = ¥ + yso — Vsz (1.29) Pour estimer y, on rapproche deux milieux liquides semi infinis. On part de 2y et Von gagne l'interaction de van der Waals Vpr,, d’oi : 2y-Vir =0 (1.30) On peut maintenant estimer S : S$ =ys0— (sr + ¥) = Vsn — Vin ~ kor(as — or) (131) On voit que le critére n’est pas lié A-yso qui s’élimine ! $ est positif si ag > ay, : il yaalors mouillage total. D’ou la rgle : Un liquide s’étale complétement polarisable que le solide Cela explique pourquoi Vhélium liquide qui a une polarisabilité extrémement faible s'étale sur presque tout. Sur le verre, les métaux, les cristaux ioniques, tous les liquides s’étalent. Par contre, sur du plastique ou sur les cristaux moléculaires, on peut avoir, selon le liquide, mouillage total ou partiel. Le critére empirique de Zisman va permettre de classer ces solides : tout substrat solide a une tension critique de surface yc telle que : > Yc: mouillage partiel; y < yc : mouillage total, | oii y est la tension superticielle du liquide. On mesure yo en étudiant Ie 4 cos6, mouillage par une série d’homo- logues chimiques (n-aleanes, avec 1 n variable) et l'on porte cos®z en fonction de y (FIG. 1.16). Figure 1.16. Determination de la tension ortique une feulle de matire plastique au moyen d'une Siadakanes ee ee ‘Yo -yaleanes (mN/m) Pour des liquides non polaires, on observe que yc est indépendant du liquide! C’est une propriété du solide. Cela se comprend a partir de I’éq. 1.31 qui montre que S(yc) = 0 (par définition de yc) est satisfait pour a, = ag, caractéri tique du solide. Pour y < yc, ona S > 0: il y a mouillage total. Pour y > yc, S~yo—y <0: ilya mouillage partiel. 28 GOUTTES, BULLES, PERLES ET ONDES Cette méthode permet de caractériser non seulement la surface des solides non mouillables (voir le tableau 1.2), mais aussi les surfaces des solides HE rendu: non mouillants par un traitement de surface. Ainsi, le verre recouvert d'un tapis moléculaire fluoré peut avoir un yo ~ 10 mN/m, au lieu de 150 mN/m pour le verre propre Tableau 1.2. Tension critique superticielle de quelques solides polyméres. 2.3. Choix des couples solide/liquide Nous présentons ici quelques caractéristiques de liquides et de solides souvent utilisés dans les expériences de mouillage, en insistant sur ceux qui permettent des expériences bien contrOlées (liquides et solides « modéles »). 2.3.1. Liquides modéles Les liquides modales doivent étre : — purs et non volatils, pour éviter des effets Marangoni liés 4 ’évaporation (cha- pitre 10) : huiles silicones hydrogénées ou fluorées, alcanes longs; = de eype « van der Waals » : la description des forces a longue portée (chapitre 4) est simplifié = de tension de surface faible, pour éviter qu’ils ne se polluent pour abaisser leur tension superficielle ; = de viscosité 1 variable en faisant varier la longueur des macromolécules (oli- goméres ou polyméres). Une vitesse caractéristique du liquide V* = y/n va contrdler la dynamique du mouillage. Elle peut aller du am/s 70 m/s (pour Teau). = Le PDMS Les polydiméthylsiloxanes (PDMS) sont des huiles silicones qui remplissent bien les critéres énoncés ci-dessus (tab. 1.3). Elles sont largement utilisées dans de nombreuses applications industrielles (lubrifiants, imperméabilisation de maté- riaux (papier, textiles), agents anti-mousse). Leur formule générale est : (CHg)38i — O — [(CH3)28i0],, — Si(CHs)3 Les PDMS sont formées d’un squelette siloxane (groupement Si — ) auquel sont attachés deux groupements méthyles. Ceux-ei vont donner a la chaine ses carac- teres apolaire et hydrophobe, une grande stabilité thermique et conférer au liquide des propriétés de transparence optique. Le nombre d’unités n (monoméres) s'ap- pelle le degré de polymérisati 1, CAPILLARITE : INTERFACES MOBILES 29 ot 62700 11780 18 204000 293100 0.07 Tableau 1.3. Principales caractéristiques de certains PDMS (polyméres) a la température ambiante, » est la viscosité, p la masse volumique, x~' la longueur capillaire (cf. ch. 2 § 1) et V* = -y/n la vitesse caractéristique du liquide Caractéristiques générales des PDMS : ~ la chaine est trés flexible et les huiles sont fluides 2 température ambiante. La température de transition vitreuse T, [19] est de —128 °C; = dds que le nombre de monoméres n vaut quelques unités, la pression de vapeur est trés faible. Ce sont done des liquides non volatils ; — leur tension superficielle ¥ est faible et pratiquement indépendante de la masse moléculaire. Elle diminue avec la température, typiquement de 0,1 mN/m par degré; = leur viscosité 1 varie trés fortement avec la masse moléculaire : elle augmente @un facteur 6000 lorque l'on passe d’une masse moléculaire de 3780 g/mol A 204000 g/mol. Elle décroit lentement avec la température : le coeffi- ciont de variation de m avec la température est de lordre de 10-? K~? : (1) = n(To)(1 — 10-7(T — T)). @ Les alcanes Les aleanes sont des composés organiques simples et trés bien connus. Ils corres- pondent une chaine carbonée terminée par un groupement méthyle A chaque extrémité. La formule de base pour l’aleane contenant n carbones est Cp Hon+2 Les alcanes présentés sur le tableau 1.4, qui vont du nonane (n = 9) a I'hexa- décane (n = 16), sont liquides a 25 °C et non volatils (la pression de vapeur saturante du nonane a 20 °C est égale a 5 mbar). Ge sont des liquides stables et apolaires, et done non réactifs vis-a-vis de la surface support. Tableau 1.4. Principales caractéristiques de certains alcanes (voir tab.1.3 pour les notations). 30 GOUTTES, BULLES, PERLES ET ONDES Les aleanes ont une viscosité faible, de l'ordre du mPa.s (comparable A celle de Teau) et qui croft avec la longueur de la chaine. Leur tension superficielle aug- mente aussi avec le nombre de carbones. Par conséquent, I’angle de contact que forme une gouttelette d’alcane sur un solide donné est une fonction croissante de ‘n (en mouillage particl). La vitesse caractéristique V* = y/n est de lordre du m/s. Les processus dynamiques que l'on observe sont done tres rapides. 2.3.2. Substrats solides ® Substrats lisses a l’échelle atomique ou de rugosité contrélée © Pour éviter les effets d’hystérésis, on utilise des surfaces lisses A l’échelle ato- mique, comme les pastilles (ou wafers) de silicium employées en microélectro- nique, le verre flotté (en faisant couler du verre fondu sur de I’étain liquide, on obtient pour le verre, une surface aussi lisse que celle d’un liquide — pro- cédé Pilkington), ou un élastomére, obtenu en réticulant un film ou une goutte liquide. « A Vextréme opposé, on trouve les surfaces fractales (présentant des rugosités multi-Gchelles et auto-similaires) développées récemment au Japon par la société Kao, hydrophobes ou hydrophiles [13]. Nous verrons au chapitre 9 que la rugosité permet de contrdler la mouillabilité (A chimie de surface donnée), en amplifiant la tendance naturelle du matériau : quand il est rugueux, un solide hydrophile le devient davantage et un solide hydrophobe peut devenir « super-hydrophobe » (ric. 1.17, a et b). 0 Suriace lisse Surface rugueuse Hydrophite ___ 85 ae aon at pydropble, AN 6-0 wid Hydrophobe oan \\ op (a) (b) Figure 1.17. Controle de la mouillabiité du substrat par sa rugosité. a. surface lisse, b. surface rugueuse. En haut, substrat hydrophile devenant encore plus hydrophile sur une surface rugueuse. En bas, substrat hydrophobe, devenant ‘« Super-hydrophobe », @ Substrats traités en surface © Surfaces hydrophiles rendues hydrophobes : nous savons que le verre ou le silicium sont des solides de haute énergie qui sont mouillés par tous les liquides (mercure excepté) car leur tension critique yc est trs grande (de l'ordre de 150 mN/m). On peut abaisser yc en recouvrant ces solides d’un tapis moléculaire hydrophobe de type ~(CH2)~ ou ~(CF2)-. On réalise ainsi des surfaces de trés 1. CAPILLARITE : INTERFACES MOBILES 31 faible énergie, comparables au Tétlon (polymere fluoré), pour lesquelles yo est de lordre de 20 mN/m pour les tapis hydrogénés et de l'ordre de 10 mN/m pour les fluorés. Sur les surfaces fluorées, pratiquement aucun liquide ne s’étale. Sur les surfaces hydrogénées, le PDMS s’étale totalement si yc > 21 mN/m et par tiellement sinon, On a alors une surface intéressante car elle offre une situation de mouillage total pour les huiles, tout en étant de basse énergie et done ne se polluant pas au cours du temps. Deux exemples de molécules permettant une telle modification du mouillage sont l'octadécyltrichlorosilane (OTS), de formule ClySi—(CH);7—CF3 et Vheptadécafluoro 1,1,2,2-tétrahydrodécyltrichlorosilane, de formule Cl;Si—(CH2)2—(CF2)7—CF 3. © Surfaces hydrophobes rendues hydrophiles : les serres en fournissent un exemple. Il faut en effet éviter que la rosée du matin ne dépose sur les films de plastique un tapis de fines gouttelettes qui vont diffuser la lumiére. eau doit done s’étaler en film continu et mouiller le plastique. Des traitements « plasma > eréent des groupes hydrophiles & la surface du plastique, ce qui augmente le yo. Un autre exemple est celui de la cornée, trés hydrophobe. Nos larmes traitent la surface en y déposant des protéines hydrophiles qui vont stabiliser le film lacrymal. Citons aussi le cas des spores de champignons qui détruisent les plantations de riz. Ils sont capables de modifier la surface de la feuille de riz. (trés hydrophobe) et de la rendre hydrophile pour s’y fixer. De fagon générale, les plastiques et les cristaux moléculaires ont des yc faibles : ils ne seront pas mouillables par l'eau. Si l'on veut augmenter leur mouillabilité, on peut les recouvrir d’un film d’or (métal s’évaporant facilement et résistant a la cor- rosion). Cependant, il ne faut pas croire que du plastique doré se comporte comme de l'or massif! Le liquide a des interactions avec l’or, mais ressent encore les inter actions avec le substrat plastique. Si un film de liquide trés mince se comporte comme s'il était sur de l’or massif, un film épais en revanche va < voir » le substrat sous-jacent. Cette situation antagoniste conduit 4 un mouillage « pseudo-partiel » ott le liquide recouvre le solide d'un film liquide trés mince sans pour autant s’éta- ler (angle de contact 0» fini). Nous décrirons plus en détail cette situation dans le chapitre 4. @ Un support modele : les pastilles de silicium Comme nous l’avons déja mentionné, on utilise souvent comme surfaces solides des plaquettes de silicium congues pour la microélectronique. A l’état naturel, i.e. laiss¢es A ’air libre, ces plaquettes sont recouvertes d’une fine couche d’oxyde natif SiOz de 14 angstréms d’épaisseur environ. Ces surfaces présentent une par- faite analogie avec celles de Ia silice fondue, en particulier des groupements sila- nols (Si — OH). Un des grands avantages de ce type de substrat réside dans leur qualité de planéité et leur trés faible rugosité qui en font des surfaces modéles des études par réflexion X ont permis d’évaluer leur rugosité résiduelle (taille quadratique moyenne des aspérités) 4 environ 5 angstroms. D’autre part, Puti- lisation de techniques ellipsométriques a conduit a décrire la surface comme étant formée de larges marches atomiquement planes sur des distances de ordre du em. ¢ Nettoyage. Avant chaque utilisation, chaque surface doit étre soigneusement nettoyée suivant un procédé comportant deux étapes. 32 GOUTTES, BULLES, PERLES ET ONDES Les pastilles sont immergées pendant trente minutes au moins dans un bain acide composé d’un mélange d’acide sulfurique et d’eau oxygénée (resp. 70 % et 30 %) maintenu A 70 °G. Elles sont ensuite rincées a l’eau distillée et séchées en étuve a 100 °C. Elles sont alors soumises A un rayonnement UV sous un flux d’oxygene. Lozone produit va casser les molécules organiques présentes a la surface. Les impuretés résiduelles organiques sont ainsi détruites. Un critére de propreté consiste observer une goutte d’eau déposée a la sur face du silicium : l'eau mouille la silice « nue » alors qu'elle ne s’étale pas en présence d'impuretés, qui abaissent yc. On peut aussi souffler sur la surface si elle est propre, la vapeur se dépose en un film homogéne qui s’évapore uni formément; dans le cas contraire, il se forme une buée qui va disparaitre plus lentement. © Traitements de surface (verre et silicium) [14] [15]. Les surfaces de Si sont des surfaces HE. Leur tension critique de mouillage yo est supérieure 4 150 mN/m. Nous avons vu que l’on pouvait ajuster cette valeur en déposant une couche BE sur le solide. On peut ainsi abaisser yg pour rendre la surface non mouillante pour les impuretés ou les contaminants présents dans l’'atmosphére ambiante, pour les liquides choisis (PDMS, alcanes, ete.). Comme yc dépend essentiellement des groupements de surface, on peut choisir la nature chimique de la couche déposée en fonction de la valeur de yo voulue : une couche compacte de groupements méthyles a un yc égal 2 22 mN/m, une couche compacte de groupements fluorés a un yo égal 4 6 mN/m. La réaction mise en jeu est une silanisation. Le groupement trichlorosilane va réagir chimiquement avec les silanols de la surface, greffant la chaine hydrophobe sur le substrat. Le processus de la silanisation est décrit ci-contre (FIG. 1.18). On peut obtenir deux types (chimiques) de surfae 1. les substrats silanisés (OTS); il faut encore distinguer deux types de solide vant la compacité de la couche grefiée — couche « aérée » lorsque le greffage est partiel (la couche déposée ne forme pas un tapis dense), yc est comprise entre 24 et 28 mN/m. Le mouillage reste done total pour les huiles silicones, mais la surface est moins sensible aux conditions extéricures que la surface nue (de yc beaucoup plus élevée) ; — couche « compaete » : yo est égale 4 21 + 2 mN/m. Les substrats obtenus sont alors non mouillants pour les aleanes ; sui 2. les surfaces « téflonées » : yc est égale A 15 +2 mN/m. Ni les huiles silicones ni les aleanes ne s’étalent. & Le verre On utilise du verre flotté, un peu moins lisse qu’une pastille de silicium, un peu moins pur aussi, 4 cause de la diffusion de substances inorganiques lors du flot- tage du verre. Ses avantages sont qu'il est meilleur marché et transparent, ce qui peut faciliter certaines observations. Comme le silicium, sa composition de surface (silanols) lui permet de subir les traitements de surface décrits précédem- ment (lavage, silanisation, ete.). 1. CAPILLARITE : INTERFACES MOBILES w a © prénettoyage UV/03 des deux faces pendant 15 min 3 min, 2 bains si démouillage local de l'eau (en général sur les bords) > circulation doxygene © séchage sous jet dlazote U nettoyage frontal UV/O3 pendant 15 min Pas plus de 10s dattente T=Cte R-SICy CCl, + alcane GHG; —>- © ringage final aux ultra-sons, 3 min @ température et durée controlées. silane ajouté au bain moins de 1 min avant le début de la silanisation lampe UV Simm 165 + 254 nm CHCl; — 11,80, 70% lame de v —_ — >| 0, 30% > circulation +> —— doxygene © oxydation, a 10 min dans un mélange frais “4 @ ringage aleau ultra-pure STOCKAGE StS précaution spéciale a prendre Figure 1.18. Synoptique du procédé de silanisation (J. B. Br2oska), 34 GOUTTES, BULLES, PERLES ET ONDES. = Les supports usuels (non idéaux) Dans la vie pratique, on a affaire A des supports moins lisses, et chimiquement variés : verres, matigres plastiques, céramiques, métaux, ete. II n’est pas facile d’ar river, dans ces conditions, & des prédictions simples sur les énergies interfaciales. Mais il s'est constitué un corpus semi-empirique utile, od I’on fait intervenir trois types principaux d’interactions : = les forces de London - van der Waals, déja décrites ; -d — des interactions du type « acide/base ». interactions entre dipdles permanents ; Ces idées ont été développées par Good, Fowkes, Van Oss et Chaudhury. Une bonne référence d’ensemble est [16]. Quant aux effets de la rugosité, ils seront discutés en détail aux chapitres 3 et 9. 2.4, Substrat liquide : construction de Neuman [17] Un liquide A (huile) mouille partiellement un substrat liquide B (eau). A et B sont non mis- cibles. La surface du liquide B n’est plus plane mais s’ajuste pour minimiser l’énergie de sur- face. angle de contact n’est plus donné par la relation de Young vue précédemment, mais par la construction de Neuman (FIG. 1.19) : les deux composantes horizontale et verticale de la force capillaire doivent s’annuler. La construe- tion n'est possible que si le parametre d’étale- ment de A sur B, S = yp — (ya + Yap), est négatif. SiS > 0, le liquide A mouille B et s’étale complétement sur la surface libre de B. C’est le Figure 1.19. Construction de Neuman. cas du PDMS sur l'eau. Lavantage des substrats liquides est qu’ils sont lisses a I’échelle atomique et chi- miquement homogénes. En outre, on peut mesurer les trois tensions interfaciales Yas YB et Yap, Ce qui n'est pas possible avec un substrat solide. On peut ajuster facilement la mouillabilité en prenant des liquides plus ou moins polaires. Le prix A payer est que le substrat est déformable, et qu’il coule : pour la dyna- mique du: mouillage, il faudra prendre en compte les écoulements induits dans le substrat lorsque le liquide A s’étale [18] ou démouille (chapitre 7). Pour éviter les effets de pollution, on travaillera avec des liquides de faible tension de surface. Un exemple de choix est le couple PDMS/fluoroalkylsiloxane (dérivé fluoré du PDMS). Ces deux liquides sont non miscibles, et le PDMS, plus léger, ne mouille pas le siloxane fluoré. Pour travailler sur des systémes trés peu visqueux, on emploiera de eau qui ne s'étale pas sur CCl; ou CHCl, ou des aleanes sur l'eau. On étudiera au chapitre 2 une méthode pour évaluer simplement des tensions interfaciales 4p par la mesure de l’épaisseur de lentilles flottantes. ANNEXE SURFACES MINIMALES EQUATIONS D’ EULER-LAGRANGE On peut caleuler les surfaces minimales par la formule de Laplace (1.6). Il est éga- lement possible de minimiser la surface a volume constant en utilisant les équa- tions d’Euler-Lagrange. Illustrons cette méthode en recalculant le profil d'une goutte, initialement de rayon R, posée sur une fibre (FIG. 1.10). La goutte a un volume V = 47°. Nous supposerons qu’elle se raccorde au fil avee un angle de contact nul. A l’équilibre, l’énergie de surface de la goutte est mini- male, mais avee une contrainte de volume fixé. On est done amené A minimiser la fonetionnelle G = yA—AY, ot A est la surface de la goutte ct \ un multiplicateur de Lagrange, qui a la dimension d'une pression. On va voir que A mesure en fait Lécart de pression entre la goutte et le milieu extérieur. On décrit le profil de la goutte par la distance 2(a) a l’axe de la fibre : G=2ny [evi F Bae— ae fi —b) dx (1.32) ot 2 = © et 2nzV1 + FP de est I’élément de surface compte tenu de la symétrie axiale de la goutte. On minimise cette énergie en utilisant les équations d’Euler- Lagrange. SiG = [ f(z,2) dz, extremum de G est la fonction qui satisfait a: -£(@)+¥-0 vy Léquation 1.33 a une intégrale premiere : (1.34) La premiére équation (1.33) correspond, en mécanique, A l’équation fondamentale de la dynamique. Elle s’écrit : 1 y a+2)3 * 21+ 2)3 (1.35) On retrouve la formule de Laplace y (+, + 7) = A, ce qui montre que d= Ap. 36 GOUTTES, BULLES, PERLES ET ONDES La seconde équation (1.34) correspond en mécanique a la conservation de I’éner- gic. Sa signification physique est ici, comme on va le vérifier, la conservation de la force agissant sur la section de la goutte. Elle s’éerit : +y—— = ate (1.36) a+2)} La constante se calcule en prenant comme conditions aux limites # = 0 pour z=b: (ayo) eo (132) a+2) On retrouve ainsi l’éq. 1.15 écrite directement par un argument de conservation des forces. Le rayon maximal de la goutte est obtenu pour 2 = 0, soit 3(L? — 6) = y(L— 5), dou: L=-b (1.38) | BIBLIOGRAPHIB [1] H. 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Ils sont capables de vainere la pesanteur pour établir un pont capillaire (FIG. 2.1), s’élever sur un plan incliné ou monter dans un capillaire trés fin. De plus, sous action de Ia gravité, les gouttes vont perdre leur forme sphérique. Figure 2.1. Bain de liquide s'élevant pour former un pont capillaire avec une surface placée au-dessus (G. Debregeas) (1). 1. La longueur capillaire «~" Tl existe une échelle de longueur x! au-deld de laquelle la gravité devient impor- tante. Cette longueur s’appelle la longueur capillaire. On l’estime en comparant la pression de Laplace y/x~! a la pression hydrostatique pgx~*, lorsque l’on plonge une profondeur x7! dans un liquide de densité p soumis au champ de gravité ter- restre g = 9,8 m/s’. Légalité de ces deux pressions définit la longueur capillaire x! par: (2) 2. CAPILLARITE ETPESANTEUR | 39 «1 est en général de ordre de 2 millimetres (méme pour le mercure, car y et p y sont tous les deux grands). Si l'on veut augmenter «~! d’un facteur 10 a 100, il faut se placer en microgravité, ou plus simplement remplacer l’air par un liquide non miscible de densité yoisine, comme on va le voir en étudiant la forme des ménisques (2.3). A des échelles de taille r < x~1, la gravité est négligeable : le liquide est comme en apesanteur et les effets capillaires sont dominants. Aux tailles r > K~', on entre dans des régimes dits « de gravité ». Yy Figure 2.2. Un petit objet flottant (a) ou une plaque (b) perturbent la surface horizontale du liquide sur une distance , appelée « longueur capillare fa) (b) La longueur x~! peut étre aussi comprise comme une longueur d’écran. Partons d'une surface liquide horizontale, et perturbons-la, par exemple en mettant un petit objet flottant sur la surface (FIG. 2.2.a). Nous allons voir que la perturbation induite sur la surface par l'objet s'amortit au-dela de la longueur x". Il est commode de discuter ceci dans le cas A une dimension de la FIG. 2.2.b. Une paroi solide verticale, localisée en x = 0, est ici l'objet perturbateur. La surface non perturbée est 4 la cote z = 0. En présence du mur, cette surface est modifiée et se trouve & la cote 2(e). Supposons z petit (ce qui est toujours le cas dans la région lointaine kx > 1). Alors la courbure locale est simplement — $3 et V’équation de Laplace nous impose une pression juste sous la surface : &z PA = Patm — Yara (2.2) 08 Patmn AGsigne la pression atmosphérique. Par ailleurs, cette pression doit vérifier léquation de 'hydrostatique : PA = Patm — gz (2.3) En égalant ces deux formes, nous arrivans A: Yoga = 09% (24) ou encore : (25) 40 GOUTTES, BULLES, PERLES ET ONDES Les solutions sont de la forme z = zoexp(+ke). Dans le probleme considéré, nous devons avoir z + 0 pour « — 00. Nous ne gardons done que l’exponentielle décroissante : 2 = zg exp(—Kr) (2.6) Nonclusion : les perturbations de la surface décroissent exponentiellement a grande distance, avec une longueur caractéristique K~!, la longueur capillaire. Prés du mur, la solution est plus compliquée parce que 2 n’est pas petit, si bien que Pexpression de la courbure dans I'équation de Laplace (2.2) prend une forme plus complexe. Nous discuterons de ce cas plus loin (paragraphe 2.3). 2. Gouttes et flaques en mouillage partiel 2.1. Forme des gouttes Posons des gouttes d’eau de plus en plus grosses sur du verre silanisé ou sur une feuille de matiére plastique horizontale. On voit les gouttes les plus grosses s’apla- tir sous l’effet de la gravité (FIG. 2.3). LD LL Lu: UT Figure 2.3. Gouttes d'eau de talle croissante posées sur une matiére plastique : les grosses gouttes sont aplaties par la gravite Nous avons vu au chapitre précédent que dans le cas od S est négatif (mouillage partiel), une goutte de liquide déposée a la surface d’un substrat horizontal forme avec celui-ci un angle de contact 0» déterminé par la loi de Young. La forme de la goutte va passer d'une calotte sphérique a une goutte complétement plate selon 1 que son rayon est petit ou grand devant la longueur capillaire « 2.2. Gouttelettes R << x~! Pour des petites gouttes de rayon inféricur A «1, les seules forees qui entrent en jeu sont les forces capillaires, par définition de la longueur capillaire. Ces petites gouttes sont comme en apesanteur et leur pression intérieure est constante, D’aprés l’équation de Laplace, la courbure est done également constante : une goutte posée sur une surface horizontale a bien la forme d’une calotte sphérique se raceordant au substrat avec langle de contact 02 dont la mesure permet de remonter au paramdtre d’étalement (négatif) S = y(cos Oe — 1). Remarque : gouttes sur des surfaces sales. Nous venons de raisonner avec une surface modele. En fait, sur une surface réelle, langle de la goutte posée est sou- vent proche d’un angle dit d’avancée @ 4. Si on aspire légérement la goutte, la ligne triple (c’est-a-dire la ligne de contact entre le substrat solide, le liquide et l’air) - 7 2.CAPILLARITE ET PESANTEUR | 41 recule et on mesure un angle différent dit de reculée @n. Uhystérésis de angle de contact, mesurée par la force 8 = (cos 8z — cos 8.4) sera discutée au chapitre 3. La difiérence 04— Op renseigne sur I’état de propreté et de rugosité d’une sur face, Cest pour cette raison que l’on fait des mesures précises d’angles de contact, par exemple dans le département peinture des industries automobiles pour tester état de propreté des carosseries avant de les peindre, pour que la peinture adhére fortement. 2.3. Gouttes lourdes 2 >> x"! Figure 2.4. Equilbre des forces (par unité de longueur de la ligne de contact) sur un coin de la fiaque (ol est la force due a la pression hydrostatique). Pour les grosses gouttes de rayon supérieur 4 «~?, ce sont les effets gravitationnels qui dominent. La goutte est aplatie par la gravité. Elle forme a Péquilibre une galette liquide d’épaisseur e. On caleule ¢ par l’équilibre des forces horizontales qui agissent sur une portion de liquide. Considérons une coupe de la goutte. Les forces en présence, indiquées sur la FIG. 2.4, sont de deux types : 1. les forces superficielles dont le bilan s’écrit : yso — (y + Ys): 2. la force P due a la pre’ ur toute l’épaisseur du liquide, soit B = f° pg(e — Baz 5092. Léquilibre des forces par unité de ligne se traduit done par l’équation : ion hydrostatique intégré 1. zege +80 — (+ YsL) = 0 (2.7) 12 S = —5ege (2.8) D’aprés la loi de Young, qui décrit P’équilibre des forces agissant sur la ligne de contact, on a également : yso ~ (yeos Oz + sz) = 0. Ainsi, on trouve : 1 ) = 3p9e" (23) rit, en fonction de (1 cos 0) Lépaisseur e des flaques déduite de l’équation précédente s a longueur capillaire : & e = 2k sin (#) (2.10) 42 GOUTTES, BULLES, PERLES ET ONDES On peut aussi calculer e en minimisant énergie de la flaque F,. Si A est la surface recouverte par la goutte d’épaisseur e, et que A est trés grand (vA > ¢), on peut négliger I'énergie de bord : Fy =-SA+ tpgetA (2.11) On doit minimiser F, par rapport @ ¢ en gardant le volume Y = Ae constante. On retrouve ainsi I’équation 2.8. EXERCICE. Probleme de la ménagere. On lance un seau d’eau de 6 litres sur le sol. Calculer Ie Oz = 180° et Op = 1°. Réponse : 1 m?; 120 m’. surface mouillée A pour @ Profil détaillé Si l'on veut calculer le profil prés du bord, on peut encore écrire Péquilibre des forces horizontales sur une portion de la goutte pres du bord (F1G. 2.4) yso + P = ycos@ + ysx (2.12) ot P = fe pg(e — Daz = pglez — $) est la contribution hydrostatique s'exer cant sur fa tranche de liquide d’altitude 2. On peut exprimer cos en fonction de £ = tan®: cos6 = TeE A on obtient une équation différentielle qui, inté- grée, donne le profil z(). A partir de ce profil détaillé, on peut calculer énergie de ligne des flaques, qui a été négligée dans le bilan énergétique (6q. 2.11). 2.4. Techniques expérimentales de caractérisation des gouttes Elles consistent A mesurer tous les paramétres g6ométriques qui caractérisent le processus d’étaloment, c’est-a-dire I’évolution au cours du temps de la goutte, et son état d’équilibre. Les techniques employées font done généralement interve- nir un montage optique et une caméra, de manidre A enregistrer les données en continu. Nous présentons ici plusieurs méthodes de base, en fonction du para- métre que l'on souhaite mesurer (angle de contact, hauteur d'un film de liquide, rayon d’une goutte). = Mesure de l’angle de contact de interface liquide-solide # Goutte « miroir » 1° <0 < 45° Cette mesure s'effectue suivant une technique de réflectométrie optique [3]. La goutte de liquide (diamétre typique d de 5 mm) est utilisée comme un miroir convexe dont les extrémités rejoignent le support horizontal avec l'angle 0 a déter- miner. Kelairée par un large faisceau laser (diamétre de l'ordre de 10 mm) dirigé perpendiculairement au substrat, la goutte réfléchit un céne de lumiére dont Pangle au sommet est 40 (FIG. 2.5.2). On mesure sur un écran horizontal (verre translucide ou papier-calque), situé & une hauteur h au-dessus du plan du support, 2. CAPILLARITE ET PESANTEUR 43 le diamatre D de ce céne. La valeur de l'angle de contact est alors donnée par la relation géométrique : D — 13) tan 26 2h (2.13) La précision sur la mesure de 6 est de l’ordre de 0,1°. L’angle déduit de la valeur moyenne du diamatre D n’est pas une valeur locale (comme pour les mesures plus traditionnelles utilisant un goniometre). C’est une valeur intégrée sur la totalité du pourtour de la goutte (FIG. 2.5), qui moyenne done certaines irrégularités de la ligne de contact. EXERCICE. Caractérisation d’un traitement de surface d'une pastille de verre silanisé (FIG. 2.5). On a expérimentalement : D/2 = 2,1 cm (octane), 3,8 em (nonane), 4,5 om (décane) ; ’écran est placé A une hauteur h = 12 em. Faisceau laser + +E \\ Octane Nonane 20 20 h yo Déeane (@ (o Figure 2.5. a. Goutte « miroir» éclairée par un faisceau de lumiére paralléle la goutte réfléchit un cone de lumiére, angle 40, que I'on visualise en plagant un écran translucide E a une hauteur / au-dessus du support. b. Relevé sur Péoran E du diamétre du faisceau réfiéchi par une goutte d’alcane déposée sur une surface silanisée. On dispose en outre des données suivantes : Déterminer pour chacune des gouttes l’angle de contact 6. A partir de la courbe cos 0 = f(y), déduire la tension critique yc de la surface traitée. 44 GOUTTES, BULLES, PERLES ET ONDES © Projection Pour des angles 0p > 45°, la mesure s’effectue cette fois par projection (le mon- tage précédent est par construction limité aux angles inférieurs 4 45°). La goutte est interposée entre une source lumineuse intense et une lentille convergente de distance focale F. Limage projetée est enregistrée sur un écran placé a grande distance L. Le support de silicium étant réfléchissant, on obtient sur 'écran une figure symétrique, grossie dans un rapport 4, qui présente le méme angle de contact (FIG. 2.6.b) par rapport a Vimage du support. La précision sur la mesure est dans ce cas de l'ordre de 2°. Bien que cette méthode soit applicable quelle que soit la valeur de 0, nous préférerons donc la premiére chaque fois que 0 < 45°. fa) Source Goutte _Lentille Ecran (b) BCRAN Projection sur un écran a grande distance Figure 2.6. Méthode de projection ™ Mesure des angles de contact par microscopic 4 contraste interférentiel en réflexion Lorsque l'on observe sous un micro- scope une goutte d'un liquide trans- parent dont angle de contact est faible (quelques degrés) et posée sur un substrat lisse et réfléchissant, il apparait des franges noires circulaires et concentriques. Ces franges pro- viennent d'interférences entre le fais- ceau réfiéchi par la surface de la goutte ect celui réfléchi par la partie de substrat recouverte par la goutte. Les franges noires correspondent a une interférence destructive et se pro- “© PrO- Figure 2.7. Schéma de principe de la formation des duisent pour une distance de liquide franges d’égale épaisseur dans un coin de liquide prove- traversé bien définie : elles peuvent nant des interférences des feisceaux rtiéchis fy et. 2. CAPILLARITE ET PESANTEUR 45, étre assimilées 4 des courbes de niveau donnant le relief de la surface supérieure de la goutte. Il est done possible grace A ces franges de déduire des informations importantes comme langle de contact, le rayon de la calotte sphérique ou le volume de la goutte. Nous avons schématisé le principe de base sur la FIG. 2.7. Un faisceau incident intensité Jy est partiellement réfléchi par l’interface liquide-air en un faisceau dintensité /,, alors que la partie transmise du faisceau est réfiéchie par le sub- strat dans le liquide. Un faisceau d'intensité J> illumine alors ’objectif. Ges deux faisceaux réfléchis interférent et donnent naissance a des franges d'interférence d’égale épaisseur. En assoeiant A chaque frange la hauteur qui lui correspond, on obtient les points situés sur le profil de la goutte (FIG. 2.8.b). Ge profil est ajusté par un are de cerele dont les paramétres fournissent les caractéristiques de la goutte. On notera la grande précision de mesure de @ (= 20,4 +0,1°). Sur la FIG. 2.8.a, nous montrons une image numérisée d’une goutte de PDMS sur un substrat de silicium silanisé 4 ’OTS. En utilisant un traitement d’image, on peut reconstruire le profil. Epaisseur (am) 0 100 «200 =©300 =©400 500 600 ) (um) Figure 2.8. image d'une micro-goutte de POMS sur une pastille de siicium silanisée obtenue par microscopie interfé- rentelle par réflection. A partir des franges d'interférence (a), on reconstruit le profil de la goutte(b).R. Fondecave [4]. 46 GOUTTES, BULLES, PERLES ET ONDES 1 Mesure de langle de contact a partir des propriétés optiques d'un coin de liquide (« technique de la grille ») La technique de la grille est une méthode directe de mesure de l'angle de contact particuligrement adaptée aux mesures dynamiques, mais également utilisable dans le cas statique. Blle s'applique a des substrats et des liquides transparents. Elle est fondée sur le fait que Pimage d’un quadrillage a travers un coin de la goutte est déformée. Cette technique est illustrée par l'image d'une figure de démouillage (1G. 2.9). La grille est déformée au voisinage de la ligne de contact qui borde un trou dans un film (elle le serait pareillement au bord d'une goutte posée sur un substrat). 1mm = 0,65 em Figure 2.9. Déformation optique, induite par un trou dans un fim, de image d'une grile dessinée sur le substrat. ©. Andrieu [5]. lm Mesure mécanique de l’épaisseur d’un film liquide déposé sur un substrat solide plan Cette mesure (imaginée par F. Rondelez) est réalisée en mettant suecessivement en contact linterface liquide-air et l'interface liquide-solide avec une tige métal- lique montée sur un chariot de translation vertical (FIG. 2.10). Uépaisseur du film (ou de la goutte) est déduite de la différence entre ces deux positions repérées sur un micrométre. A la surface supérieure, il se forme instantanément un ménisque liquide, aisément détectable a l’ceil nu. La rapidité de la réponse au contact per met une excellente précision : elle n’est limitée que par la lecture des graduations du micrométre, soit 10 ym. La position inférieure est déterminée en observant le fiéchissement de la tige. La figure de diffraction obtenue en envoyant un faisceau laser perpendiculairement a laxe de la tige en son milieu est modifiée lorsque cette tige entre en contact avec la surface solide : celle-ci se courbe alors légére- ment et le faisceau n’est plus dévié. 2. CAPILLARITE ET PESANTEUR, 47 2 hy : formation du ménisque ho : déformation de laiguille au contact du solide Figure 2.10. Mesure mécanique de I'épaisseur d'une flaque. On repére parla formation d’un ménisque la hauteur hy ‘o aiguile touche le liquide. A la hauteur Ao, l'aigulle se déforme au contact du solide. Cette méthode permet la détermination de ’épaisseur de films liquides dans une large gamme (au-dessus de 100 pm). Elle s’applique & des liquides transparents ou non. Lorsque ceux-ci sont fluides (rq ~ mPa.s), le temps de relaxation du liquide aprés le contact est trés court et les mesures peuvent Ctre répétées a intervalles rapprochés. Cela permet de suivre ’évolution dynamique d’une goutte en cours d’étalement. Lampe @ Mesure du rayon Pour déterminer le rayon de la Miroir a O goutte, on forme son image sur / un éeran grfce a un systéme vidéo Ganéra C.D équipé d’un zoom de distance focale variable (grossissement —_typique X 20) (FIG. 2.11). La mesure des longueurs se fait avec une précision Figure 2.11. Disposiif de mesure du rayon d'une goutte de 100 ym environ. en fonction du temps. Remarque : cas des surfaces présentant une hystérésis de mouillage Les angles d’avancée 64 et de reculée 8p étudiés au chapitre 3, sont mesurés sui- vant les techniques optiques que nous venons de présenter. Le liquide est déposé sur une surface a lintérieur d’une cellule fermée pour limiter ’évaporation, et connecté une seringue dont le piston est placé en dehors de lenceinte. On mesure alors 64 lorsque l'on pousse le liquide, et 6z lorsqu’on le retire. 48 GOUTTES, BULLES, PERLES ET ONDES 3.1. Taille caractéristique ® Un bain de liquide est souvent contenu dans un récipient solide, dont les parois sont verticales. La surface de ce bain est horizontale, 4 cause de la gravité, sauf prés des parois oi la relation de Young (1.23) impose une déformation. Pour un liquide plutét mouillant (02 < 90°), le liquide monte lég2rement a cet endroit, tandis qu’il descend si le liquide est non mouillant (0, > 90°). On appelle ménisque (du gree méniskos, qui signifie « croissant ») la zone ott la surface est ineurvée. La forme du ménisque résulte d'un équilibre entre les forces capillaires (respon- sables de son existence) et la gravité (qui s’oppose a sa formation). Raisonnons sur les pressions : immédiatement sous la surface, la pression de Laplace (6g. 1.6) est 6gale a la pression hydrostatique. Cela s’écrit, en notant 2 la hauteur de l’interface au-dessus du niveau du bain, Po la pression extérieure et R~!(z) la courbure en ce point : (2.14) On voit ainsi que pourz > 0 Az (ménisque en ascension, FIG. 2.12.a), la courbure est négative, ce qui produit bien une aspiration du liquide. La hauteur z variant le long deh Vinterface (de 0, altitude du bain, ah, hauteur du ménisque oS ala paroi), on remarque égale- 0 ment que le rayon de courbure de l'interface varie de point en point : le ménisque n'est pas un are de cercle. Léquation 2.14 se rééerit plus simplement : ay vial -Rz = «7 (215) oi l'on voit apparaitre une lon- gueur caractéristique unique, qui est la longueur capillaire (x7! = (y/pg)3) : conformé- (b ment A ce que Ton observe couramment, Te ménisque Figure 2.12, ménisques pour un fquide a attré {moullage total a une taille millimétrique. (= 6) ou partiel « plut6t mouilant » (0 < 0¢ < §)] oub. Remarquons toutefois que la repoussé (non mouilant (@¢ > $) | par une plaque verticale, Le profil longueur capillaire peut Gtre 2(x) tend exponentillement vers 2éro lorsque xx > 1 (éq. 26) 2. CAPILLARITE ET PESANTEUR 49 plus grande si les densités du fluide au-dessus du bain et L du liquide qui constitue ce bain sont comparables. Dans ce cas, il convient de remplacer dans la définition de la longueur capillaire la masse volumique p du liquide par la différence de masse volumique Ap entre les fluid De méme, en gravité réduite (g + 0), la longueur capil- laire diverge : le ménisque va donc envahir l'ensemble du bain, comme sur la FIG. 2.13 o& l'on a représenté figure 2.13. Mérisque dans un liquide mouillant dans un verre, en gravité nulle. |e verre de whisky du capitaine Le capitaine Haddock a raison d’étre éberlué, dans On Haddock « surla Lune ». a marché sur la Lame, de voir du whisky sortir de son verre : un liquide mouillant dans un récipient en gravité nulle est en dépression et n’a aucune raison d’en sortir. D’une fagon générale, la taille caraetéristique d’un ménisque est done soit Ia lon- gueur capillaire si ’échelle £ du récipient est supérieure 4 «~!, soit £ dans le cas contraire. . Hauteur et forme Revenons & ’équation 2.15. Comme on I’a vu au chapitre 1, la courbure C = d'une courbe dans le plan s’exprime comme : 1 a R ae (2.16) oi 0 est angle que fait la tangente en chaque point de la courbe avee la verticale Si lon passe en coordonnées cartésiennes, dans un plan (a,2), Péquation 2.16, (voir Péq. 1.14), 8’Gcrit : (2.17) Léquation 2.15 est done une équation différentielle du deuxiéme ordre pour le profil 2() du ménisque, qu’il faut assortir de deux conditions aux limites. On 1 1+(#)) da. On peut retrouver directement ce résultat sans calcul. On écrit l’équilibre des forces agissant sur une partie du ménisque comprise entre z et Vinfini. Ges forces sont les forces capillaires et les forces dues a la pression hydrostatique Py a Pex: térieur et P, = P) — pg? dans le liquide. La résultante des forces de pression P = [5 pg2dz = 4pgz? est une force qui s’exerce dans la direction x < 0. C'est (2.18) 50 GOUTTES, BULLES, PERLES ET ONDES le méme raisonnement que pour la FIG. 2.4, bien que le substrat soit maintenant vertical. En projection horizontale, cet équilibre s'écrit : 1 ysin@ + 3092 qui est bien P’équation 2.18 (un peu déguisée). Y (2.19) Léquation 2.19 permet de calculer la hauteur h a laquelle monte le ménisque. En 2 =h, la condition de Young donne 6 = 0x, d’ou: h= V2«71(1 — sin6g)? (2.20) La hauteur maximum est atteinte pour @¢ = 0 (liquide totalement mouillant). On a alors: h = V2«-!. En observant de l'eau dans un verre propre, la hauteur du ménisque h = 4 mm nous renseigne directement sur la valeur de la longueur capillaire. Pour obtenir le profil explicite du ménisque, il faut intégrer équation 2.18, En définissant ao tel qu’a la surface du solide (x = 0), on ait z = h, on trouve une formule sans grand charme : oe 2 2 — 29 = x) argcosh —— — 2x1 ( = (2.21) z dw Remarquons enfin qu’en projection verticale, l’équilibre des forces sur tout le ménisque s’écrit : ycos Os = | pg2(a)dx (2.22) En mouillage partiel, ycos®z = yso — Ysz- Cela montre que yso — Ysx est la force (par unité de longueur) qui porte le poids du ménisque Prénisque (¢gale- ment écrit par unité de longueur dans la direction orthogonale au plan de figure). En mouillage total, le ménisque se raccorde avee un angle @z = 0. Le poids du ménisque est done Prénisque = Y < ¥so — Ysu- La force totale yso — Ysx équi- libre non seulement le poids du ménisque (y) mais aussi celui Pyiim du film de mouillage s’élevant a haute altitude au-dessus du bain de liquide (l’existence de ce film sera discutée ultérieurement). On en déduit que : En mouillage total En mouillage partiel y= Poa 29 {5 — Panne que ‘yso — YSL = Prnénisque na { Pas de film 3.3. Ménisque sur un fil vertical Nous avons déja étudié partiellement ce cas au ch. 1 (paragraphe 1.6) comme exemple de surface de courbure nulle. On veut inclure ici la portée de la perturba- tion créée sur la surface loin du fil, od la gravité n'est plus négligeable. Si le solide est un fil capillaire (de rayon 6 inféricur a la longueur capillaire «7), on observe que le ménisque a une hauteur nettement inféricure a celle que prévoit 'équation 2.20, ear il doit se raccorder a la surface du fil, de courbure élevée. 2. CAPILLARITE ET PESANTEUR 51 Figure 2.14. Meénisque sur une fibre. Léquation de Pinterface résulte, comme dans le cas du plan, de l’égalité des pres- sions de Laplace (éq. 1.6) et hydrostatique : rii(Ee z) = Py p92 (225) ot Ry et Rp désignent les deux rayons de courbure principaux en tout point de Vinterface. On peut bien sar intégrer numériquement l’équation 2.25 et calculer le profil détaillé r(z) en coordonnées cylindriques. On va tenter de se faire une idée plus physique de ce qui se passe. Prés de la ligne de contact, les courbures sont d’ordre b-!, beaucoup plus importantes done que dans le cas d'un plan oi elles sont d’ordre x. Chacun des termes de courbure est done tr périeur au terme hydrostatique dans I’¢quation 2.25 si bien que l'on peut négliger la gravi Cette approximation n’est valable que dans le voisinage de la fibre, a des distances r < «', Cela justifie a posteriori le raisonnement du paragraphe 1.6 au ch. 1. Léquation du ménisque est alors celle d’une surface de courbure nulle ps mtR7° (2.26) Le ménisque a une forme de chainette étudiée au ch. 1, qui s’écrit dans le systéme de coordonnées r(z) défini sur la FIG. 2.14 + ra boosh (227) b od on a supposé Ie liquide mouillant (@¢ = 0), pour simplifier 'algebre. La constante d'intégration h donne la hauteur du ménisque (r() = b). On évalue h en remarquant que le profil donné par l’équation 2.27 ne peut étre raccordé avec le réservoir a Vinfini, C’est la gravité qui empéche le ménisque de s’étendre indéfiniment. En lui imposant une extension latérale maximale r égale a la lon- gucur capillaire x, Péquation 2.27 avee r ~~ K7!, 2 ~~ O et h > b conduit a: A hrevbin (2 ) (2.28) cest-A-dire quelques fois le rayon du fil (pour b = 10 um et x! = 1,5 mm, on trouve h = 60 pm). Lextension latérale du ménisque («~1) est done tres supé- ricure a sa hauteur (éq. 2.28) [7], contrairement au cas plan ot ces deux gran- deurs sont du méme ordre, Notons aussi qu’a des distances de la fibre r > «7!, la GOUTTES, BULLES, PERLES ET ONDES ion de la surface décrite par ’équation 2.4 généralisée A 2 Pe) ( 5a2 + az) = 99 Une application de ces idées est la fabriea- tion de micropointes, destinées par exemple a la microscopic A force atomique. On place une fibre dans un bain d’acide mouillant, qui la ronge [8]. Le rayon de la fibre dim Figure 2.15. Fabrication d'une pointe @'AFM, en ‘nue au cours du temps, et donc le ménisque _inmereart partment une foe dans un tie descend (I’équation 2.28 montre que h est —quilaronge. une fonction croissante de ), jusqu’A ne plus former qu’une pointe posée sur le bain acide (FIG. 2.15). La FIG, 2.16 montre une telle pointe, réali- sée en plagant une fibre de verre A l’inter face entre l'acide fluorhydrique et du cyclo- hexane. Pour ce systéme, oi la fibre est mil- limétrique, le rayon initial est trés inférieur Ala longueur capillaire. fibre erée une perturba deux dimensions : Figure 2.16. Fibre de verre placée a une interface acide fluor- hhycrique/huile: au bout d'un moment, une pointe s'est formée, endrott du ménisque. Cliché K.M. Takahashi (8). 4, Montée capillaire dans des tubes — Loi de Jurin 4.1. Historique @ Si un petit tube est mis en contact avec un liquide mouillant, du liquide s’éléve dans le tube. On a la une des manifestations les plus célébres et les plus spectaculaires de la capillarité, a Vorigine méme de cette science. Cela mérite un petit détour his- torique. Léonard de Vinci (1452-1519) est le premier savant de l'époque moderne a mentionner le phénomene, qu'il consigne dans ses Carnets. Il en déduit (audacieuse- ment !) que ’existence des sources en mon- tagne est liée A un réseau de fins capillaires capables de hisser l'eau. Jacques Rohault (1620-1675), plus tard, interpréte la mon- tée capillaire comme résultant d'une inca- Figure 2.17. Montée capillaire : plus le tube est pacité de l'air 4 circuler correctement dans fin, plus le liquide monte haut 2. CAPILLARITE ET PESANTEUR 53, le tube (ce qui provoquerait une dépression). astronome Montanari (1633-1687) compare la montée de I’eau dans un tube a celle de la séve dans une plante. Gio- vanni Borelli (1608-1679), plus connu pour ses observations des lunes de Jupiter et ses recherches sur les mouvements des animaux (en particulier des sauts de puce), montre en 1670 que la hauteur atteinte par le liquide est inversement pro- portionnelle au rayon du tube. Mais le grand homme de cette affaire, injustement oublié aujourd'hui, est Francis Hauksbee (?-1713), le premier A Gtudier de fagon systématique le phénoméne. Une série d’expériences trés soigneuses (souvent faites avee de l'eau colorée et des tubes en verre) lui permit d’établir que : 1. la montée se fait aussi bien dans lair que dans le vide (ce qui invalidait la théorie de Rohault selon laquelle la raréfaction de lair induit la montée) ; 2. effet n'est pas spécifique a la géométrie du cylindre ; le liquide s’éléve aussi entre deux plaques paralléles proches Pune de ’autre, et la hauteur est la moitié de celle atteinte dans un tube de diamétre égal A 'espacement entre plaques ; 3. effet est observé avee d’autres solides (du marbre, du laiton) et d’autres liquides (de l'alcool, de l’essence de térébenthine, une huile « commune ») ; 4, enfin, la hauteur ne dépend pas de Pépaisseur des parois du tube : en prenant deux tubes de verre de méme diamétre intérieur, mais avec un rapport 10 dans Vépaisseur des parois, il observe une méme montée. Hauksbee était un coll@gue d’Tsaac Newton, qui a relaté dans son traité d'Optique ces différentes expériences (malheureusement en omettant de citer Hauksbee). Le mathématicien Brook Taylor, le pere des eélebres développements, fit de son c6té une expérience de montée capillaire entre deux plaques de verre presque paral- Bales et se rejoignant le long d’une verticale avee un angle tres aigu (1712) : en regardant de c6té, Taylor s’émerveilla de voir que la frontidre du liquide semblait suivre Phyperbole commune (la montée étant d'autant plus haute que l'espace- ment entre les plaques est réduit), ce que Hauksbee confirma tres précisément Notons qu’un hasard de histoire a fait que le nom passé a la postérité pour la loi de montée n'est aucun de coux-la, mais celui du physiologiste anglais James Jurin (1684-1750) qui, en 1718, confirma a son tour que la hauteur atteinte est en proportion réciproque du diamétre du tube. 42. Loi de la montée capillaire Un siécle sépare cet ensemble de données de la compréhension du phénoméne, par Laplace en 1806. Le liquide s’éléve si le tube see a une énergie de surface ‘Yso supérieure a celle du tube mouillé ysz. Tout comme on a défini un paramétre détalement $ (S$ = yso — yer — y); ilest possible de définir un paramétre d’im- prégnation J, qui s’écrit : I= so —Yst (2.29) Quand I est positif, le syst¢me abaisse son énergie si de la surface sche est rem- placée par de la surface mouillée : il y a montée (ou imprégnation pour un poreux). Si I est négatif, au contraire, le liquide descend dans le tube (descente capillaire), 54 GOUTTES, BULLES, PERLES ET ONDES puisque de I’énergie est gagnée A remplacer de la surface mouillée par de la sur- face séche. La relation de Young (yso — sz = ycos@z) montre que le critére @imprégnation (I > 0) s’écrit de manigre équivalente : 85 < 90°. Comme nous Lavons vu au chapitre 1, on appelle liquide « plut6t mouillant » un liquide qui vérifie cette propriété : on voit que dans le cas des capillaires et des poreux, il serait plus précis de parler de liquide imprégnane. Il est frappant de constater que le critére d’'imprégnation (I > 0) est beaucoup moins contraignant que le eritére d’étalement (§ > 0), puisque I = $ + ¥. Cela explique bien l'observation usuelle selon laquelle la plupart des liquides enva- hissent spontanément €ponges ou poreux, alors qu'un étalement complet est une chose plus rarement observée : dans le premier cas, il s’agit de remplacer-une interface par une autre, contre deux autres dans le second ce qui est nettement moins favorable a priori. Lénergie E d'une colonne de liquide s’écrit, en fonction de sa hauteur h et du rayon R du capillaire : E = —2mrhI + 2 an?h2pg (2.30) oi le premier terme est le gain d’énergie de surface et le second le coat d’énergie potentielle de gravité. Cette écriture de l’énergie ignore le détail du ménisque avant, et est done valable dans la limite ot R est tres petit devant h, la hauteur de montée. Le minimum de E donne la hauteur H (souvent dite de Jurin) de la montée capillaire : 2y cos 8p PgR A (2.31) od on a remplacé I par sa valeur, via la relation de Young (I = cos 0). Léquation 2.31 mérite plusieurs commentaires. D'abord, elle est conforme aux différentes observations de Hauksbee (variation en 1/R, indépendance vis-a-vis de Ia pression extérieure ou de I’épaisseur des parois du tube). En outre, elle décrit aussi bien la montée capillaire que la descente capillaire (le signe de H est celui de cos 6). La hauteur croft continfiment quand langle de contact décroit, et atteint son maximum Hyr pour 82 = 0 (pour un tube de 10 wm envahi par de Peau, H sera done de lordre du métre). On pourrait d’ailleurs penser que la montée peut dépasser Hr, comme semble nous y inviter notre raisonnement en terme d’éner- gie; rien n’interdit a priori A la quantité J définie par P'équation 2.29 de dépasser la valeur y : ce cas correspond simplement 4 S > 0 (liquide total mouillant). Pourtant, la montée capillaire reste bien limitée par la valeur Hyy = Hp = 0), dang l’équation 2.31. Si $ > 0, un film (mieroscopique) se développe en avant du ménisque et tout se passe pour la colonne de liquide (macroscopique) comme si I saturait 2 Notons enfin que la condition (k < H) sous laquelle nous avons établi 'quation 2.30 implique des tubes petits devant la longueur capillaire (R < «~}), e’est-a-dire submillimétrique en pratique. Quand cette condition n’est plus satisfaite, des cor- rections a l'équation 2.31 doivent étre introduites (la premiere d’entre elles, pour la loi H(R), est d’ordre R), corrections qui furent Ie prétexte de développements mathématiques raffinés, par Laplace d’abord, puis par Poisson, Gauss et Rayleigh, au XIX® siécle. 2. CAPILLARITE ET PESANTEUR 55 4.3. Raisonnement en pression On peut aussi, pour trouver la hauteur de montée capil- laire, raisonner en terme de pression (FIG. 2.18). Pour des tubes tres petits devant la longueur capillaire, le ménisque avant est une por tion de sphére. Le rayon de courbure R de cette sphére est égal au rayon R du tube quand langle de contact est nul; d’une fagon plus géné- Figure 2.18. La chute de la pression hydrostatique entre B et A équilibre rale, il vaut R/cosOg. La _ la dépression de Laplace en A. pression juste sous l’inter face (au point A sur la figure) est donnée par la loi de Laplace (Ia courbure totale 4B d'une sphere de rayon Rest 5): R Py = Py 21eesee 3) od Pp désigne la pression extérieure (pression atmosphérique). Le signe moins, dans Péquation 2.32, traduit le fait que interface est en dépression, sa courbure étant tournée vers atmosphere (e’est cela qui pompe le liquide du bain). ‘Au point B, A Paltitude z = 0 de la surface libre du bain, regne la pression Po, et la différence entre les pressions A et B est hydrostatique : il pése sur le point B une hauteur de liquide H. Uéquilibre des pressions s’écrit ainsi : _ 2ycos 8p Po = Py— pg (2.33) On déduit immédiatement de l’équation 2.33 la loi de montée capillaire 2.31. Ce type de raisonnement est souvent le plus simple A mettre en ceuvre pour résoudre un probléme de montée capillaire, On comprend par exemple que l'on ne peut engendrer un jet (ou une source, comme le pensait Léonard de Vinci) avee de la montée capillaire. Pour qu'un liquide sorte d'un tube, il faut que le ménisque sinverse, ce qui erée une surpression de Laplace sous l'interface, incompatible avec une montée (qui suppose une dépression pour compenser la pression hydro- statique). Dans le cas o@ on plante un tube de hauteur h, plus petite que H, dans Ie bain de liquide, l'ensemble du tube sera envahi par le liquide et le ménisque prendra la courbure qui équilibre la difiérence de pression hydrostatique —pgh avec le bain. 1 Qui porte le poids du liquide soulevé ? La colonne de fluide qui résulte de la montée capillaire peut enfin étre décrite par un équilibre de forces : il existe une force F* qui soutient le poids de cette colonne, donnée par l’équation : F = pga’ H (2.34) 56 GOUTTES, BULLES, PERLES ET ONDES En remplagant H par sa valeur (6q. 2.31), on trouve F : F = 2nkycos 0p (2.35) La ligne de contact a une longueur 2k; la force capillaire f, qui soutient la colonne de fluide, s’écrit done par unité de ligne de contact : f = ycos0e = yso — si = I (2.36) En mouillage total, F = 27R(yso — ysz) est supérieur au poids de la colonne de liquide qui est toujours donné par 2mky. En fait, F porte aussi le poids du film de mouillage qui sera discuté ultéricurement (chapitre 4). 5. Lentilles flottantes On s’intéresse ici au cas de deux liquides A et B non miscibles : un substrat B, plus dense (densité pg et tension superficielle yg) ct un liquide déposé A (densité Pa < px et tension superficielle y,). La tension interfaciale y4p est également supposée connue (elle est mesurable, comme nous le montrerons plus loin) 5.1. Le paramétre d’étalement A partir des trois tensions ya, Ys et yap, on détermine le parametre d’étalement (de A sur B) : S =p —(va + yas) (2.37) Si S est positif, le mouillage est total et le liquide s’étale complétement; c’est le cas d'une goutte de PDMS déposée a la surface de l'eau. Si S est négatif, le mouillage est partiel. Une petite goutte forme une lentille et une grosse une flaque. C’est ce que I’on observe si l’on dépose de Vhuile sur de l'eau ou du verre fondu sur de I’étain liquide. 5.2. Forme des lentilles flottantes (S' < 0) Les gouttes flottantes déforment la surface du substrat liquide. II faut pour les décrire inclure les déformations qu’elles provoquent autour d’elles. La compéti- tion entre énergie superficielle et énergie gravitationnelle fait intervenir mainte- nant trois longueurs capillaires (FIG. 2.19.b) : ag (2.38) an ae (238) «pi = pe (239) Yap ae = eae ee associGes respectivement aux interfaces A/air, B/air et A/B. 2. CAPILLARITE ET PESANTEUR 57 (a) Kap () Figure 2.19. Lentils flottantes. @ Petites lentilles R «qh, «4' (FIG. 2.19.b) La goutte est aplatie par la gravité. On peut caleuler son épaisseur e. par un équi- libre de forces ou en minimisant l’énergie. Cette dernidre s’écrit en fonction de Vépaisseur ¢ de la flaque et de la profondeur immergée e! (FIG. 2.19.b) = 1 , 1 p FO = |zpag(e-e P+ 3p — Page” — (2.42) oit V est le volume de la flaque et V/e sa surface. Lenfoncement e’ est tel que la poussée d’Archiméde équilibre le poids de la goutte. On peut ainsi relier e” A ¢ en écrivant l’égalité des pressions hydrostatiques de part ct d'autre de l'interface liquide/liquide supposée plane : page = page! (243) Si pa ~ pp, la lentille est immergée comme un iceberg, et émerge si pa < pp On en déduit, en éliminant e' dans l’équation 2.42 : 7 1. 2 v re = [ine - 5]? 2) 2 € avee : (2.45) En minimisant F'(e) a volume constant, on obtient : sae =a (2.48) Ce résultat, obtenu par Langmuir [9], est & la base d'une mesure trés simple de ‘yap connaissant 4 et yp. On verra au ch. 7 sur le démouillage que l’épaisseur e- va aussi contrdler la stabilité des films A flottant sur B. 58 GOUTTES, BULLES, PERLES ET ONDES « Remarques 1. Cette relation est analogue a celle qui donne I’épaisseur des flaques sur un sub- strat solide, mais il faut remplacer la densité du liquide par la densité effective 6. 2. Dans la limite des petits angles, on peut exprimer S en fonction de langle 8 du coin de liquide A, Léquation vectorielle 2.41, projetée selon les ax paralléle et perpendiculaire A Jp (FIG. 2.19) conduit 2: ¥404 = Yapep, a, at Ait. Ye = 4 (1 - %) + van (1- S). Avee Op = a4 + ap, on dlimine ag, tp et Von trouve : Ss (2.47) 146 ae = = yal + yah. On en tire: avee 7 = (2.48) bg On voit que pour des lentilles flottantes trés plates, il y a une analogie complete avec les flaques en remplagant + et p par ¥ et 6. Pour du verre fondu flottant sur de létain liquide, e¢ = 6 mm. On trouve une épaisseur comparable pour de Peau flottant sur du tétrachlorure de carbone. Application : mesure de ya avee un décimetre L a mesure du rayon de la lentille flottante donne son épaisseur, le volume étant connu. A partir de I’éq. 2.46, on en déduit S. Comme, en général, y et p sont spécifiés pour un liquide donné, on en tire la valeur de yan. Exemple : couple A = PDMS / B = fluoroalkylsiloxane. On a pour le PDMS p4 = 970 kg/m? et y4 = 21,0 mN/m et pour I'huile fluorée, pa = 1300 kg/m’ et yz = 22,5 mN/m. On dépose des gouttes de PDMS de taille inte. Le volume est déterminé par pesée au centidme de gramme pres, Pour des rayons de lentille supérieurs au centimetre, ’épaisseur de la lentille ne varie qua- siment plus avec le rayon, et on trouve e¢ = 1,32 + 0,05 mm. Cette valeur permet de caluler $ a partir de Péquation 2.46 : —S = 1,8 + 0,2 mN/m, On en déduit yap = 3,5 £0,5 mN/m. "On avec & 6. Compléments sur les méthodes de mesure des tensions de surface Il existe plusieurs méthodes usuelles pour mesurer les tensions de surface quand les interfaces sont fluides (entre un liquide et sa vapeur ou entre deux liquides) Une bonne revue se trouve dans le livre de A. Adamson [2]. La tension de surface est une énergie par unité de surface dont Veffet est de minimiser les surfaces : une premiere classe de méthodes consiste A analyser la forme de gouttes placées dans une situation bien définie et A en déduire, par un ajustement approprié sur une forme modeéle, la valeur de la tension. Mais nous savons aussi qu’A une interface courbée est associée une pression, la pression de Laplace, qui est proportionnelle a la tension de surface : des mesures de pression lintérieur de gouttes ou de bulles donneront également acces a la tension, a condition d'avoir su caractériser 2. CAPILLARITE ET PESANTEUR 59 correctement leur courbure. Comme on Ia vu au chapitre 1, une énergie par unité de surface est aussi une force par unité de longueur, et la troisiéme classe de méthode est une mesure de la force capillaire qui agit sur un objet solide placé a la surface d’un liquide. Il est beaucoup plus difficile de mesurer les tensions de surfaces solides. Dans le principe, on pourrait tirer sur un point de la surface d'un solide, mais la force que l'on mesure est totalement dominée par I’élasticité du solide et on ne peut pas iso- ler la seule composante de surface. Nous citerons néanmoins des travaux récents qui ont permis d’accéder aux tensions de surface solide/vapeur et solide/liquide pour un systéme modéle. Notons enfin que dans certains cas, on cherchera plus a caractériser des variations de tension de surface (liées 4 des changements de température ou A une conta- mination progressive de la surface par des espéces tensioactives) qu’’A mesurer des valeurs absolues, En général, les méthodes que nous décrivons peuvent étre utilisées de facon dynamique et permettent done de telles mesures [10]. 6.1. Formes de gouttes 6.1.1. Goutte pendante F 2 La forme que prend une goutte résulte d’un compromis entre l'action de la ten- sion de surface, qui tend a la rendre sphérique, et la gravité (ou tout autre champ de force), qui aura pour effet de l’écarter de cette forme. Pour une situation don- née, l'analyse de la forme d’une goutte permet done de remonter a sa tension de surface. II existe plusicurs méthodes courantes de mesures de tension superficielle (ou interfaciale) qui se fondent sur ce principe, comme la méthode de la goutte posée (sessile drop, en anglais) ou celle de la goutte pendante, qui est la plus fréquemment utilisée [10-12,14]. Le principe de la méthode de la goutte pendante est de laisser pendre A l'extrémité d'un fin tube capillaire une goutte, qui prend la forme d'une ampoule (FIG. 2.20). Léquilibre des pressions en tout point de la sur face de la goutte comprend un terme de Laplace et un terme hydrostatique. Cet équilibre s'éerit, en notant C la courbure de la surface, + la tension superficielle du liquide et p sa masse volumique : yC = pgz (2.49) On peut exprimer la courbure en coordonnées cylindriques (éq. 1.14) (la goutte est axisymé- trique, autour de Paxe z). On a ainsi en posant = de =@r, Me = etre, = fF: ez 1 Ve C= - 7 at om be (1 + r3) r(1 +13) Figure 2.20. Goutte pendante, au bout ‘d'un tube de rayon intérieur R. 60 GOUTTES, BULLES, PERLES ET ONDES ot on a explicité les deux rayons de courbures principaux, en chaque point r(z) de la surface de la goutte. Les équations 2.49 et 2.50 se résolvent numériquement, et ‘on compare le résultat 4 observation en traitant la tension de surface comme un paramétre ajustable. Les précisions atteintes par cette méthode sont satisfaisantes (de ordre de 1%). En outre, il est facile d’en étendre le principe A la mesure de tensions interfaciales (a condition de prendre soin de remplacer, dans I’éq. 2.49, la densité du liquide par la différence de densité entre les deux fluides). Une goutte pendante parfois se détache. Cela advient quand son poids P excede 419° la force capillaire qui la retient (loi de Tate), et qui vaut au maximum 27Ry, ot R est le rayon intérieur du tube. On devrait done pouvoir déduire la valeur de y dune pesée de la goutte qui tombe. Si cette méthode apparait particuligrement simple dans son principe, les mesures se compliquent en pratique & cause de la dynamique du détachement : la goutte s’étire, un col apparait et se distend, si bien que ce n'est qu’une fraction de goutte d’un poids «P qui choit (« vaut typiquement 60%), le reste restant accroché au capillaire. La fraction a est une fonction du rapport R/Ry (en notant Ry le rayon de la goutte qui tombe) et est tabulée dans les ouvrages spécialisés. Moyennant cette importante correction, il est possible de déduire de ces mesures la tension de surface recherchée. Malgré ces complications, l’expérience est remarquablement reproductible, 4 tube capillaire et a liquide donnés. On a done ainsi un moyen commode de réaliser des gouttes bien calibrées, dont le rayon R, s’écrit simplement : (251) ou x~! désigne la longucur capillaire. En jouant sur la tension superficielle ou sur la taille du tube, on peut ajuster le rayon des gouttes, mais la faible dépendance vis--vis de ces deux paramétres (une puissance 1/3) montre que l'on s’écartera difficilement d'une taille millimétrique. Notons enfin que la dynamique complexe du détachement, en particulier quand le liquide est visqueux, a fait l'objet de nombreuses études détaillées ces derniéres années; elles ont permis de mettre en évidence la formation de structures secon- daires, et de préciser la forme du filament liquide quand il se pince. La PIG. 2.21, due a Shi, Brenner et Nagel [13], montre une goutte d'eau, au moment oi elle se détache d'un capillaire. On observe trés clairement l'apparition d'un filament, ainsi que son pincement a l’endroit oi le détachement va se produire. La lon- gueur de ce filament ainsi que les structures secondaires qui se forment ensuite dépendent principalement de la viscosité du liquide. 6.1.2. Goutte tournante Une variante intéressante est la méthode de la goutte tournante : on place une goutte (ou une bulle) dans un récipient eylindrique rempli d’un autre liquide plus dense et on met l’ensemble en rotation 4 une vitesse angulaire égale typique- ment A quelques milliers de tours par minute. Le récipient est transparent, ce qui permet d’observer les déformations de la goutte. Comme elle est moins dense que 2. CAPILLARITE ET PESANTEUR | G1 fa) (b) Figure 2.21. Goutte d'eau au moment de son détachement d'un tube capillaire. La forme qu’elle prend est remar- quable, en particulier au voisinage du pincement. Cichés S. Nagel etX.D. Shi [13]. le liquide environnant, elle se positionne au centre et s'allonge le long de l’axe du cylindre. Elle prend la forme d’un filament dont il est aisé de mesurer avec une bonne précision la longueur (qui est typiquement de quelques centimetres). Figure 2.22. Goutte tournante dans un tambour rempli d'un liquide plus dense. La goutte s'allonge sous Veffet dela rotation. 62 | GOUTTES, BULLES, PERLES ET ONDES En éjectant sur les bords du cylindre le liquide environnant, plus dense, la force centrifuge favorise l’allongement de la goutte ; au contraire, la tension interfaciale y entre les deux fluides sy oppose. Lénergie de la goutte allongée comporte done deux termes antagonistes, et s’écrit en notant L la longueur de la goutte, r son rayon, Ap (> 0) la différence des masses volumiques des deux liquides et w la vitesse de rotation du eylindre : B FApe?rL + y2urL (252) oi on a négligé, dans I’écriture du terme de surface, la contribution des bouts de la goutte. On reconnaitra dans le premier terme de l’équation (2.52) l’énergie potentielle du eylindre liquide dans le champ centrifuge. La minimisation de E par rapport ara volume (V ~ mr?) constant donne le rayon d’équilibre de la goutte. On en déduit la relation exprimant y en fonction de la longueur L observée : 1 af ve Y= qanhee™ (z) (2.53) La résistance d’une goutte (ou d’une bulle) a s’étirer est frappante quand on estime I’étirement a partir de ’équation 2.54. Considérons une goutte de volume 1mm, une différenee de masse volumique Ap de 10° kg/m et une vitesse de rota- tion de 10° rad/s : si 'on mesure un allongement L de 10 em, cela signifie que la tension entre les fluides vaut (seulement) 1 mN/m. Cette méthode de mesure ser- vira done en pratique A mesurer des tensions interfaciales tres basses (de ordre ou inférieures A 1 mN/m), ce qui correspond a des systémes eau/huile en pré- sence de surfactants. Elle a aussi l'avantage d’étre une des rares méthodes pour laquelle il n'y a pas de contact avec un solide, qui complique 'analyse et perturbe Vexpérience par des problémes de mouillage. 6.2. Mesures de pression La méthode dite de pression maximale de bulle (dont un des pionniers est, de fagon inattendue, le jeune Erwin Schrédinger, en 1915) est trés courante pour mesurer une tension superficielle. Le principe en est simple : on immerge par- ticllement dans un bain de liquide un tube capillaire (A une profondeur h grande devant son rayon) ; on souffle alors de l’air par le tube, tout en mesurant a aide d’un manométre la pression qui régne a Vintérieur de la bulle a l’endroit oi elle se forme [10, 14]. La pression que ’on mesure s’écrit : 2y PCR) = Fo + pgh + = (2.54) 2. CAPILLARITE ET PESANTEUR 63 Or le rayon de courbure R de l'in- terface supposé sphérique (tant que R < «-*/h) entre le liquide et la vapeur varie au fur et a mesure qu’on souffle. On a indiqué sur la if FIG. 2.23, en coupe, quelques états suecessifs de cet interface : R dimi- nue d’abord, passe par un mini- mum (quand R = R, le rayon du tube), avant d’augmenter. La pres: F149 25. secure de pression maximale de bulle: quand sion mesurée passe done par un on soufe dans le tube meré dane Gu igi, a pression maximum P(R), d’od Von déduit la ay pout du tube passe par un maximum quand fa bulle est tension de surface y. Cette méthode _ hémisphérique. est précise, et permet de travailler a température élevée (par exemple pour mesurer la tension des métaux ou du verre en fusion). Un de ses avantages est que ’on peut renouveller l’interface a volonté. En effet, si on continue a souffler, la bulle finit par se détacher, emportant avec elle tous les contaminants (éventuels) qui se sont adsorbés a la surface, et un nouvel interface est créé. R4 6.3. Mesures de forces On peut enfin mesurer une force, pour aceéder A une tension de surface. Le principe consiste a amener au contact d’un liquide un objet de géométrie bien définie (souvent une plaque ou une fibre), et A mesurer la force capillaire qui s'exerce sur Pobjet (méthode de Wilhelmy). D’une fagon générale, cette force s’Gcrit (éq. 2.35) : (255) oi p désigne le périmatre de la ligne de contact et 6 langle de contact. Le péri- mitre est facile A déterminer a l'avance, mais l'inconvénient de l’équation 2.56 est qu'elle contient deux inconnues, y et 8. Il existe plusieurs astuces pour s’affran- chir de ’'angle de contact : la premiere est d’utiliser un solide de haute énergie de surface, susceptible d’étre mouillé par tous les liquides usuels (on aura alors sim- plement F = py). Un tel solide a malheureusement l’inconvénient de se polluer tras vite (toute poussiére abaissant I’énergie de surface du solide en s’y adsorbant), si bien qu’il faut soigneusement le nettoyer avant usage. On. utilisera souvent des solides en platine, dont on régénére facilement la surface par un passage sous la flamme. Mais la fagon la plus courante de procéder consiste & travailler 4 Varrachage = lorsque l'on retire le solide du bain (lentement, de fagon a éviter toute contri- bution dynamique a la force), la foree passe par un maximum qui correspond au moment oi la force capillaire est alignée selon la verticale (physiquement, la ligne peut s’ancrer sur les arétes du solide et l'angle de contact apparent passer par zéro) : ce maximum correspond au maximum de la force donnée par l’équation 2.56, qui est py. Ges méthodes, qui portent souvent le nom de objet que l'on tire du bain de liquide (anneau ou étrier, en particulier), sont tres largement utilisées 4 cause de 64 GOUTTES, BULLES, PERLES ET ONDES Figure 2.24. Force capilaire s'exercant sur un petit objet au contact d'un liquide. Quand on retire Vobjet, la force passe par un maximum. eS RE leur précision (de ordre de 1 %). Il est facile de thermostater l’enceinte contenant le bain et de faire varier la température, tout comme d’étudier par ce moyen des cinétiques (pas trop rapides) d’adsorption a ’interface liquide/air (ce qui modi- fie y). On peut également déformer une interface liquide/liquide, et accéder a la tension de surface correspondante. 6.4, Cas des interfaces solides « mous » Un point commun A toutes les méthodes de mesure des tensions interfaciales que nous avons vues jusqu’iei est qu’elles s’appuient sur des déformations interface ; dans chacun des cas, il s'agissait de voir comment le systéme résiste (a cause de la tension de surface) a de telles déformations. Si ces différentes méthodes sont aussi simples 2 mettre en ceuvre, c'est parce que tous ces interfaces sont fluides (nous avons considéré des interfaces entre un liquide et une vapeur, ou entre deux liquides), si bien que la tension de surface (éventuellement compliquée de la gravité) est bien la principale force en jeu dans ces déformations. Ces différentes méthodes ne peuvent pas étre appliquées en général aux interfaces solides (solide/vapeur ou entre un solide et un liquide), pour lesquels énergie Glastique stockée dans le solide est trés largement supérieure a I’énergie interfa- ciale associée la déformation. Il existe néanmoins des solides « mous » défor mables pour lesquels des méthodes de mesure directe sont possibles. fm Test JKR Chaudhury et Whitesides ont proposé au début R des années 90 dutiliser un test classique d’adhé- sion développé en 1971 par Johnson, Kendall et a Roberts (le test JKR) pour mesurer des tensions solide/liquide ou solide/vapeur [15]. On améne un hémisphere solide (rayon typique de 1 mm) au contact d’un plan réalisé dans le méme matériau (PIG. 2.25). On observe que le contact, au lieu de se réduire aun point, se développe sur un cercle de rayon ¢, grace au gain d’énergie de surface qu'un tel déve- tne ephore d'un plan et on s"intéresse loppement implique (le contact supprime de la Sh contact qui sab en fonction Gi surlace solide), La premitre mesure est celle de £, charge surla sphere Figure 2.25. Test JKR : on approche 2. CAPILLARITE ET PESANTEUR, 65 que l'on effectue en général par en-dessous A l'aide d’un microscope, si les maté- riaux sont transparents. Sil énergie de surface du solide est favorable au développement du contact, il n’en est pas de méme de son élasticité, qui s’y oppose. La formule de JKR [17] exprime que la longueur résulte d’un compromis entre ces deux formes énergétiques. On an effet : ean te (=e) (256) K ot W est I’énergie d'adhésion par unité de surface qui est associée au contact, et K un module ¢lastique (une énergie par unité de volume) caractéristique du solide (K = 425, ot E est le module de Young et v le coefficient de Poisson), Pour un Glastomére (incompressible), v © }, et K = 1¢B. Dans le cas de solides assez mous (comme des élastoméres) auxquels on réservera cette technique, K est petit, de ordre de 1 MPa (comparé a 10° MPa pour le verre) et la longueur & mesu- rable : pour un élastomére silicone (joint de salle de bain), on observe en pratique un contact ¢ de l'ordre d’une centaine de microns. Léquation 2.57 se généralise au cas ot 'on charge I’hémisphére d’un poids F : alors la taille £ du contact est une fonetion croissante de F, et de la loi observée expérimentalement on peut déduire la valeur du module K’. Dans la limite F >> WR, la taille du contact est donnée par la loi de Hertz [18] (¢° = 4%), ce qui permet de mesurer K. Létape suivante consiste 6.9 a mesurer le contact pour @ des hémisphéres de rayons variés. La figure 2.26 montre les résultats obte- nus par Chaudhury et Whitesides [15]. Le rayon de contact aug- mente bien comme R?, et on déduit de lajuste- ment I’énergie d’adhésion par unité de surface W puisque K est alors connu. Dans le cas ott le milieu environnant est de Pair, on a simplement W = 2y5 (2.57) 054 Re en notant yg la tension de 0 rt surface du solide. On en 0 05 10 15 2,0 2,5 3,0 3,5 4,0 conelut que pour un élas- Figure 2.26. Cube é3 du rayon de contact (unité : 10-3 mm?) en fonc- tomére silicone, ~ys vaut tion du carré R? du rayon de a sphere (unité mm?) (15 21,2 mN/m, avee une assez bonne précision (de l'ordre de 4 %). On peut éventuellement introduire dans ’en- vironnement de ce systéme une vapeur (vapeur d’un corps autre que le solide) susceptible de s'adsorber sur le solide : on déduira alors de W Ia tension de sur face solide/vapeur yy. 66 GOUTTES, BULLES, PERLES ET ONDES Rien n'empéche d'immerger V'en- —_y,,,cos0 semble du systéme hémisphére/plan 94 et c'est cette fois la tension solide/liquide ygz que l'on déduira. 207] On discutera au ch. 9 la dynamique 46] d'établissement de ces contacts immergés dans un liquide. La 124 FIG. 2.27 montre en abscisse les valeurs obtenues pour des mélanges deau et de méthanol de teneur 4-4 variable [15]. Figure 2.27. Produit de la tension superficiele du —16-} liquide par angle de contact (soit avancée, sot de reculée, d’oi les deux familles de données) en fonc- —20 Tot taba ot tion de la tension solide/iquide, également mesurée. 0 5 10 15 20 25 30 35, 40 Toutes les tensions sont exprimées en mim [15]. Yst Les données sont portées en fonction du produit de la tension de superficielle y de ces mélanges par Ie cosinus de l’angle de contact (a lavaneée et 2 la reculée) quis font sur l’lastomere silicone. Le résultat remarquable est 'observation de deux droites quasiment confondues (hystérésis faible) de pente —1, en accord avee la relation de Young (éq. 1.23) : Ybv cos® = Ysv — YsL (2.58) Lordonnée a l'origine donne, selon Ia relation de Young, la tension solide/vapeur. On lit sur la courbe : ysy = 21 mN/m, en excellent accord avec la valeur détermi- née précédemment. Ces mesures sont une vérification expérimentale direete de la relation de Young, dont tous les paramétres sont mesurés indépendamment. Il est frappant de constater qu’une loi aussi célébre et constamment utilisée ait résisté presque deux siécles avant qu’une telle vérification directe puisse étre faite. Un autre avantage de travailler en milieu liquide est la possibilité d’aceéder A des cinétiques ou a des isothermes d’adsorption d’especes tensioactives. La FIG. 2.28 (p. suivante) montre les tensions de surface liquide/vapeur (ais¢ment mesurable, comme on I’a vu plus haut) et solide/liquide (déduite de la méthode JKR), en fonction de la concentration en tensioactif, pour un syst¢me Glastomére silicone/eau/heptaéthyléneglycol-dodécyléther [16]. On voit la tension de surface diminuer pour les deux interfaces, 4 cause de l’adsorp- tion des tensioactifs, avant de se stabiliser 4 partir d’une certaine concentration, dite concentration d’agrégation (ou micellaire) critique. Ces différents comporte- ments seront étudiés au chapitre 8. 2. CAPILLARITE ETPESANTEUR | 67 70: ovWw 60-4 eysL 50+ 404 304 20-4 104 0. T Figure 2.28. Tension de surface liquide/vapeur et solide/liquide (en mN/m) en fonction de la concentration en tensioactis (16). BIBLIOGRAPHIE [1] |G. Debregeas et R Brochard-Wyart, J. 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Si nous insistons, @ atteint une valeur seuil 0.4 au-dessus de laquelle la ligne se déplace. 0.4 est « l'angle d’avaneée ». t (a) Figure 3.1. Angles d'avancée (a) quand on gontle la goutte, et de reculée (b) quand on la vide par aspiration, 70 GOUTTES, BULLES, PERLES ET ONDES Méme chose dans l'autre sens (FIG. 3.1.b) ; en dégonflant une goutte, on peut faire décroitre @ jusqu’a une valeur limite 6p (« angle de reculée »). Pour @ = On, la ligne déeroche. D'une fagon générale, l’angle que l'on observe dépend done de la maniére dont on a « préparé » le systéme. On appelle hystérésis de l'angle la différence entre les angles limites 64 et Op. Crest grace a I’hystérésis qu'une goutte peut rester collée 4 un sup- port incliné, ou qu’on peut garder une colonne de liquide enfermée dans un capillaire vertical (FIG. 3.2). La traction exereée par la ligne de contact sur le liquide est ycos @,2mR. La force vers le bas, exer- cée par la deuxidme ligne de contact, a pour module ¥ cos 227k. Elles doivent équilibrer le poids de la colonne pgtR?H, d’oi : 2y eos 81 — cos 02 pg (3.1) Figure 3.2. Colonne de liquide piégé dans un capillaire vertical. Pour avoir équilibre, la ligne du haut doit résister & la reculée, done 6, > 6x et cos6; < cosOp. De méme la ligne du bas doit résister a l'avancée : 02 < 6, et cos > cos 04 Il en résulte qu’on peut avoir équilibre seulement si : 2 (cose — cos 84) > pg (3.2) Sans hystérésis (0p = 04), il ne peut pas y avoir d’équilibre (le « théoréme de Bertrand », cité par Bouasse, cf. Objectifs p. 9). En gros, sur une « bonne » surface, l’intervalle 04 — On est petit (< 5°). Sur une surface rugueuse, ou malpropre, cet intervalle peut étre grand (50°). Les premiéres observations détaillées sur I’hystérésis, avee des surfaces de rugo- sité variable, sont dues a Dettre et Johnson [1]. Ils utilisaient des paraffines et des chaines fuorées, en partant de poudres agglomérées et en réduisant la rugo- sité par des recuits suecessifs. En rugosité croissante, ils trouvent que 'ampleur de Vhystérésis (0 — @n) croit d’abord, passe par un maximum avant de décroitre brusquement. Lexplication de ce comportement, et plus g6néralement les proprié- tés des « milieux texturés », seront discutées au ch. 9. 1.2. Ancrage de la ligne triple Le mécanisme primaire de 'hystérésis est déerit sur la FIG. 3.3. Lexemple choisi sur cette figure correspond A une tache localisée qui est plus mouillable que le reste de la surface, et A une rétraction de la goutte. En rétrac- tion, la ligne triple se déplace vers la droite et rencontre la tache (étape a). Si la tache est suffisamment forte (trs mouillable), elle retient Ia ligne qui se déforme (tape b). La forme détaillée de ces déformations a été observée par Nadkarni et Garoff [2]. Mais chacun de nous peut les voir A Pevil nu en aspirant une goutte 3. HYSTERESIS ET ELASTICITE DES LIGNES TRIPLES 71 eau sur un support dont une petite région a été rendue plus mouillable (tache hydrophile). Enfin, quand on tire suffisamment, la ligne s’arrache de la tache (tape c). Cet arrachement dissipe de I’énergie, méme si, l’échelle macrosco- pique, la ligne avance trés lentement!. fa) (b) (c) Figure 3.3. Mécanisme de I’hystérésis (surface plane vue de dessus). Les hachures représentent le liquide. Si, au lieu @imposer une vitesse de déplacement & la ligne, on exerce sur elle la foree macroscopique (par unité de longucur) : F = y(cos 8 — cos 0) 83) on trouve qu’au-dessous d’une certaine force seuil, on n’arrive pas @ provoquer Varrachement : done la ligne reste immobile, pour tne certaine plage d’angles 0< Op. Pour préciser un peu la description de ces effets, nous allons maintenant diseuter Pénergie associée a la déformation d'une ligne triple. 2, Elasticité de la ligne triple Lorsqu'une corde de guitare est pineée en un point, elle se déforme en deux seg- ments de droite. Mais, lorsqu’une ligne triple est perturbée par un défaut, elle se déforme trés différemment, comme le montre la FIG. 3.3. Lélasticité des lignes triples est différente de celle des cordes vibrantes. 2.1. Le mythe de la tension de ligne On décrit les cordes vibrantes au lycée en leur attribuant une tension $: c’est une force paralléle a axe de la ligne, et qui tend a l’étirer. On peut aussi comprendre 9 comme une énergie par unité de longucur de la corde étirée. Certains expérimentateurs ont suggéré que pour des gouttes petites (mais observables au microscope), on pouvait observer effet d'une tension de ligne S ' Notons que I'arrachement peut étre de deux types, selon I’état final : soit la zone proche du défaut reste stche, soit elle garde une tache humide captive. De méme, dans le processus opposé (avancée), on peut avoir des taches sdches A l'état final. 72 GOUTTES, BULLES, PERLES ET ONDES associée a une ligne triple. Si une goutte, posée sur un support, a un rayon de contact r, il faut alors ajouter au bilan des forces de Young (éq. 1.23) une force due A la courbure de la ligne. Cette force est I’analogue, pour une ligne courbe, de ce qu’est la pression de Laplace (6q. 1.5) pour une surface courbe. Elle est normale @ la ligne et d’intensité? S/r. Il en résulterait une correction 0 — 0% a Vangle d’équilibre : 0-ee~— (4) oa Dans la plupart des cas pratiques, le rapport 3/7 devrait étre une longueur molé- culaire a de quelques angstréms, et les corrections 9/yr seraient de lordre de 10! pour r égal A quelques microns (ce qui correspond aux limites de l'observa- tion optique), done inobservables optiquement. En fait, un certain nombre d’expéri- mentateurs ont annoneé des valeurs anormalement grandes de S ou de la longueur 9/y : au licu d’étre quelques angstroms, elle serait de Yordre du micron. Il s'agit probablement d’un artefact lié au fait que les observa- tions sont optiques. Un exemple pos- sible d’artefact est indiqué sur la FIG 3.4 : il prévoit 9/y apparent com- parable a la longueur d’onde de la lumire, done de l’ordre du micron. Les grandes valeurs de S ne sont Poh alin Figure 3.4. Mesure par réflexion optique d'un angle de pas une réalité scientifique, mais un contact. Au lieu o'étre faite au point désiré (A), la mesure mythe. se fait en gros au point B, & cause de la résolution spa- Des expériences récentes de micro- tale finie des faisceau, et la distance AB est de ordre de la longueur d'onde optique. O’oU une erreur sur d'ordre scopie a force atomique ont confirmé yg "77. Celle-ci,interprétée comme effet d'une ten- Faction négligeable de la tension de gion de ligne & (éq. 3.4) donne Sapp ~ yA, dol) des ligne aux échelles microniques [3], et valeurs 1000 fois trop fortes de Sapp. suggéré que les variations d'angle de contact avec la taille de la goutte sont plutét liées aux hétérogénéités chimiques du solide [4]. Nous allons voir qu’en pratique, la tension intrinséque de ligne est masquée par un phénoméne beaucoup plus important : lélasticité de frange des lignes de contact. 2.2. Lélastit de frange Notre but est ici de caleuler énergie de distorsion d’une ligne triple, dans le cas oit celle-ci présente une faible déformation sinusoidale de vecteur d’onde 4. Nous nous limiterons a un cas pédagogiquement simple, qui est celui ot Pangle de contact vaut 90° (FIG. 3.5). 2 On peut aussi justifier cette formule en comparant les énergies de ligne d’un cerele de rayon r et d'un cerele de rayon r + dr, avec une tension S. 3. HYSTERESIS ET ELASTICITE DES LIGNES TRIPLES. 73 Pour la ligne au repos, la sur face fluide est verticale et cor respond au plan (y, 2). Prenons maintenant la cas oi la ligne est déplacée d'une quantité (faible) u(y) = ug cos qy suivant Vaxe a. La surface fluide se trouve alors déformée, avec un déplacement local {(y,z) suivant x. Au sol, on a ((y,0) = u(y). La gravité est négligée ; la pression dans le fluide est done égale a la pression atmosphérique. D'aprés la loi de Laplace, cela implique une cour bure totale nulle pour l'interface, d’od la condition : Figure 3.5. Elasticité de trange : sila ligne est détormée par une PL PL perturbation sinusoidale de vecteur d’onde q, une déformation oP tag" 0 (3.5) reste perceptible jusqu’a latitude q~" La solution convenable a la forme &(y,2) = ug cos(qy)e”* (3.6) ¢ Discutons ce résultat. 1. Il faut souligner que l'angle de contact local n'est plus 90° : nous ne sommes plus I’équilibre de Young. En effet, au niveau du substrat : a =| = —uyaeos ay an Oz} ,20 ni cis ‘ ay = —uqqsingy (3.8) j==0 et l’écart 490° est mesuré par : [Vel = ugg od V est l'opérateur gradient. (3.9) 2. Léquation 3.6 indique que la surface liquide n'est déformée que sur une épais- seur caraetéristique 1/q; au-dela, elle retrouve sa forme de plan vertical. Lénergie de distorsion (par unité de longueur selon y) est, dans l'approximation ou VE est petit 1 f (ay? , (ay? 1 -(P{® 7 Ga) ae gieleal ae Le fait crucial est que cette énergie est proportionnelle Aq, et non pas a @?. Les énergies de distorsion (~ (V{)*) sont bien en gq’, mais elles sont int es sur une « hauteur de frange > (la hauteur ot £ # 0), d’ordre q~! : d’ot la dépendance linéaire en q. Cela différe de l’énergie associée 4 une tension de ligne banale qui ait: (3.11) 74 GOUTTES, BULLES, PERLES ET ONDES: Le rapport des deux énergies est : FOS ae (3.12) FYI ee (3.12) oi a est une longueur moléculaire. Pour les longueurs d’onde intéressantes (obser- vables optiquement), ga © 10-9, et la tension de ligne banale est inobservable. Cette élasticité de frange a des conséquences remarquables. En particulier, elle donne un profil trés spécial pour une ligne 1égerement pineée. Comme sur la FIG. 3.3, nous supposons qu'une force petite (due par exemple a un défaut de surface) est appliquée en un point O du support : quelle forme prend la ligne de contact ? Nous devons encore résoudre une équation telle que (3.5), mais en y ajoutant une force localisée f : PC, PL <2 + 22) = 27a (3.13 y ( a2 * oe F3(2)B(y) (3.13) le facteur 2 étant lié a la normalisation du terme de droite. Cela est identique au probléme du potentiel électrostatique di a une charge pone- tuelle dans un espace a 2 dimensions (y,z). En posant r? = y? + 2°, nous avons c t Int (3.14) Ty 70 oit ro est un rayon de coupure comparable a la taille finie du défaut. Pour avoir la forme de la ligne triple, il suffit de poser z = 0 dans cette formule, ce qui donne : = -ftind u(y) = 6,0) = To ine (3.15) C’est cette forme logarithmique que nous observons en tirant en un point sur une ligne de contact (FIG. 3.3). Elle est trés différente de la forme prévue avee une tension de ligne. Tout cet exposé sur I’élasticité de frange est trés simplifié par le choix d’un angle de contact particulier (0. = 7/2). Mais les propriétés qualitatives obtenues res- tent vraies pour toute valeur de 0g. Pour une discussion du cas général, voir [5]. 3. Hystérésis pour des défauts espacés forts Supposons que = — les défauts du support sont éloignés les uns des autres et se comportent indé- pendamment ; — les défauts sont forts, c’est-A-dire que chacun d’eux est bien capable d’ancrer la ligne (cette condition est discutée plus en détail dans (5]). Alors on peut évaluer simplement la force seuil pour lavaneée de la ligne, qui est (au niveau macroscopique), par unité de longueur de ligne : F = y(cos 0 — cos 04) (3.16) 3, HYSTERESIS ET ELASTICITE DES LIGNES TRIPLES. 75 Déplagons la ligne de Ac. Sin est le nombre de défauts par unité de surface, le nombre de défauts rencontrés et dépassés qui claquent au passage est nA, par unité de longueur de ligne. Chacun d’eux dissipe une énergie de claquage W qui se perd en dissipation visqueuse dans le fluide. Done : Fax = ndcW (a7) er l’énergie W, qui est obtenue lorsque l’élongation de ligne uw au voisinage du défaut, définie sur la FIG. 3.3, atteint une certaine valeur maximum Une Pour discuter I’énergie W, nous ne supposons pas que les distorsions de ligne sont petites, comme dans la discussion de I’élasticité, En fait, pour le cas 02 = 7/2, on peut raisonner directement de la fagon suivante : si on tire en un point P sur un interface fluide, on développe un profil de courbure nulle déerit sur la FIG. 3.6 dont la forme analytique, en coordonnées cylindriques (x, r) d’axe x, est simplement (voir ch. 1, éq. 1.18) : 1 r = rocosh = = Sroexp(a/ro) — (@ > ro) (3.18) 0 Figure 3.6. On déforme un interface vertical (plan yz) en tant au niveau du point P, sur une largeur 2ro fixée par la talle du défaut. La taille minimum ro sera comparable a la taille du défaut. Nous pourrons relier le «rayon de gorge » ro a la force totale f appliquée par le défaut : au rayon de gorge, la tension superficielle y tire sur un cerele de périmétre 2ary. Done la force est 2ayro. Notons toutefois que nous n’utilisons qu’une moitié de la surface décrite par l’éq. 3.18 : la moitié pour laquelle z > 0. Done la force du défaut est deux fois plus petite, soit f = Tyro. Lexpression de la ligne triple u(y) s’obtient grace a I’éq. 3.18, en remplagant par u, et r par y (puisqu’alors 2 = 0) : ua rola = fg 2 (3.19) rm TY To Notons que cette équation ne différe que par un coefficient numérique de L’éq. 3.15 établie pour u petit. Uélongation totale w, définie comme sur la FIG. 3.3, va correspondre A y ~ L/2, oii L est une distance moyenne entre deux points 16 GOUTTES, BULLES, PERLES ET ONDES ancrage consécutifs sur la ligne (nous ne préciserons pas plus ici la valeur de L ~ 1/V/, qui n’intervient que par un logarithme) ; cela améne & introduire une grandeur caractéristique K, suivant : u=Lin (2) =K"f (3.20) 7 TO. Si nous traitons le logarithme comme une constante, nous voyons que la ligne peut étre considérée comme un ressort d’élongation u et de rigidité K : ry KK — (3.21) inl) bt Lélongation maximum u,, correspond a f = fm, la force maximum que le défaut peut exercer avant de claquer : Um = U(fim) = K~ fm. Uénergie stockée a ce moment dans le ressort analogue est : (3.22) Lina ol W = 5Kum = 5 En reportant cette valeur dans I’éq. 3.17, nous arrivons a une formule pour l’'am- plitude de hysté: nf2,In(L/ro) (@z = 0/2) (3.23) ary -y(c08 0p — cos 0.4) = Pour d'autres valeurs de @g la formule est plus compliquée, mais analogue (voir [5] pour le cas @z <1). Les conclusions principales sont les suivantes : — amplitude de hyst dilué L > ro); = Vamplitude varie comme le carré de la foree maximum d’anerage fjn,. Cette force fm dépend de la mouillabilité du défaut, de sa taille et de sa forme. Elle sera estimée au paragraphe suivant (éq. 3.25). sis est proportionnelle au nombre de défauts (en régime Avalanches : on observe parfois des sauts de la ligne triple qui impliquent des de taille supérieure 4 L (ot nous définissons toujours L comme une di moyenne entre défauts : nL? = 1). Laire balayée A est en gros le produit dune longueur d’are sur la ligne y par un déplacement normal x et yx > L?. ela a été observé en particulier sur le systéme hélium 4 liquide/césium/vapeur (le césium étant choisi parce qu'il donne du mouillage partiel a basse température). Prévost et al. [6] ont saupoudré la surface avec des plots de taille ro ~ 7 microns, qui se fixent sur la surface solide et jouent le role de défauts forts dilués. $'il n'y avait aucune corrélation entre les plots, la probabilité de trouver une aire balayée A = zy serait donnée par une loi de Poisson exp(—n.A) = exp(—nary), et Ja valeur moyenne de «x serait : la présence d’avalanches nous semble ribution des déf Gela implique que les défauts sont corrélés étre toujours associée A des « taches vides » dans la di 7 3, HYSTERESIS ET ELASTICITE DES LIGNES TRIPLES 77 4, Surfaces a défauts denses 4.1. Un exemple réaliste Une étude assez systématique de la forme des lignes de contaet en présence de nombreux points d'anerage a été menée par Decker et Garoff [7]. Leur support est un polymére fluoré que l’on dégrade progressivement par irradiation U.V. Avec de l'eau, l’aspect d'une ligne typique sur support dégradé est représent ir la FIG. 3.7. Alors que les défauts individuels (vus en AFM?) sont de petite taille (< 1000 A), aspect global suggére des taches de largeur Ay ~ 150 microns, La profondeur des « creux » entre deux taches est Ax ~ 50 microns. Si on interpré- tait chaque tache comme un défaut macroscopique, dans le langage de la section précédente, on attendrait : Sm Aa A tw EE (3.25) Y et fm ~ AysAy, od Ayg est la modulation des énergies de surface dans une tache : Ays = (¥sz — Yso)tache — (¥st — YSO)pur (3.26) Dio aoe Ag ~ “Say (3.27) Y et les chifires nous conduiraient a Ays ~ (1/3). Lexistence des « grosses taches> 159 dans ces expériences est suggé- q B rée par une autre observation = présentée sur la FIG. 3.7. ntl A Si Ton déplace la région mouillée de 500 microns (par exemple en inelinant le sup- port), on retrouve a peu pres 50 le méme profil de ligne, ce qui ne serait pas observé si on avait de petits défauts non eorrélés. 0 2 6 La taille des taches doit étre au i pe Bee oF moins de 500 microns. 2 (mm) Pourquoi Garoff et Decker ont- figure 3.7. Relaxation d'une ligne tiple (polymérefluoré/eau/al) ils des grosses taches? Elles anerée sur des obstacles (¢'aprés Garo et Decker, [5]). A: avant sont peut-étre dues au méca- — déplacement; 8: aprés un déplacement de 500 microns. nisme physico-chimique de la dégradation U.V., par exemple si les zones dégradé nt A partir de quelques centres de nucléation, La région dégradée peut avoir une structure fine a l’échelle de 1000 A, comme. on le voit en AFM, mais avoir en plus une organisation en taches liée 4 une cinétique de diffusion. 2 ARM : miro (oh. ‘ope force atomique of Yon proméne une pointe tr2s fine sur la surface & Gtudier 15 pour la fabrication de la pointe). i ee el 78 GOUTTES, BULLES, PERLES ET ONDES 4,2. Petits défauts non corrélés Que doit-il se passer si on a vraiment des défauts petits, denses et non corrélés et pas de grosses taches? Les théoriciens ont fait des prévisions pour ce cas : elles sont résumées dans l’exercice ci-dessous. PXERCICE. Estimer la rugosité d'une ligne triple en présence de défauts petits et denses, en écrivant que la ligne optimise son énergie. Méthode : il est commode de décrire la surface tachetée par de petits carrés de c6té ro (la taille des défauts) : chaque carré est un défaut (d’aire rg) ct a une énergie interfaciale avec le liquide qui est modulée de -+Ay, done une énergie modulée de +e; = Ayr. (Ilya 50 % de plus et 50 % de moins.) Considérons un are de ligne de longueur L balayant une distance ~ X. Le nombre de pavés balayés est N © XL/r}. énergie Ey gagnéc lors du balayage n’est pas proportionnelle a N (puisque la moyenne est nulle), mais a VV : Ey ~ —VNaAyr = —Ayro(XL)? (3.28) Par contre, on perd de l’énergie A cause de I’élasticité de ligne. Le vecteur d’onde concerné est g ~ L~}, et ’éq. 3.10 nous donne une énergie Glastique par unit de longueur égale A yq-X* A un facteur numérique prés, soit sur la longucur L : By % yqX?L © yX? (329) En minimisant E; + B2 par rapport aX, on arrive a: ah xe (2) Ly (3.30) cest-a-dire X ~ L¥3, Lexposant 1/3 a observé avec de I’hélium liquide sur une surface de eésium par Rolley et al. [8]. Mais cet exposant n'est pas du tout observé par Garoff et al., qui trouvent plutét X ~ L (ce qui correspond a la description en grosses taches de I'éq. 3.27) 5. Deux cas oii I’on retrouve I’élasticité des cordes vibrantes Les complications lies I’élasti des franges, arbitraire au § 2.2, de frange disparaissent lorsque la taille (q~!) st limitée par une coupure physique 5.1. Cellules de Hele-Shaw Un premier exemple est obtenu avec les cellules de Hele-Shaww, dans lesquelles le fluide est confiné entre deux plaques paralldles trés voisines. C’est la configuration représentée sur la FIG. 3.8, oii on a encore, par simplicité, choisi 9p = 7/2 [plaques : plans (cy) en z = 0 et 2 = h; ligne : intersection avec z = 0 du plan vertical x = OJ. Intéressons-nous aux distorsions de ligne qui sont A des échelles spatiales beaucoup plus grandes que I’épaisseur h de la cellule : on peut alors considérer que la paroi du liquide est partoutverticale, et suit Ia position de Ta ligne, d’ot une augmentation d’énergie : 3, HYSTERESIS ET ELASTICITE DES LIGNES TRIPLES 79 1, (du)? 1. fdu\? dewey #-5(G) 73a)” G9) sal avee S = yh. On retrouve done une élasticité de ligne banale. Le comportement de tels systémes en présence de défauts localisés a été étudié expérimentalement et théoriquement [9]. Liquide r Figure 3.8. Celule de Hele-Shaw horizontal : avant déformation, ona une interface liitant une goutepiégée entre eux plaques horizontales. La déformation est la méme & toutes les altitudes : u(y) indépendante de z 5.2. Bords de flaques? Un second exemple est celui des bords de flaques. Tei, Ia structure en coin ne s’étend que sur une largeur de ordre de x! pres du bord (voir ch. 2). Aux longueurs d’onde supéricures A «-!, on retrouve une élasticité de corde vibrante. Le détail du calcul est indiqué ci-dessous. La géométrie est décrite sur la FIG. 3.9. La ligne est paral- ele a axe des y. La longueur mesurée le long du profil (abscisse curviligne) est s Lénergie S a une contribu- tion capillaire et une contri- bution gravitationnelle; on note z= E(x) le profil cher- Figure 3.9. Bord de taque. che a= far{y(Z-1) + zoace—0} (332) & Les flaques ont été définies au ch. 2. Ce sont de grosses gouttes posées sur un support et éorasées sous leur propre poids. 80. GOUTTES, BULLES, PERLES ET ONDES ot le 1" terme représente l'augmentation de la surface par rapport au film plat, et le 2° terme I’énergie & fournir pour creuser le film, Pour trouver le profil {(c) qui minimise 9, on peut éerire directement l’équilibre des forces horizontales s'exergant sur une tranche de liquide (FIG. 3.9) : ue) y(1 — cos 0) — 5a 2 [ p(x,z)dz = 0 (3.33) Io ott p(a,z) est la pression hydrostatique (moins la pression atmosphérique po) : P(@,2) = pg(e— 2) (3.34) ette distribution de pression? Il faut noter que la pression est ous de Ia surface (2 =e), et 0), Comment justifier & égale A po dans la région plate de la flaque, juste en-de: croit de pge lorsqu’on s’enfonce jusqu’au plan solide ( Téq, 3.33 se réduit simplement a : 2sin2®@ = «(e—K(2)) (335) Lintégrale donnant la tension de ligne (6q. 3.32) devient : ee 1 ie OO = P aey (0) = = PP ain bo? Stab 3. s [ a (z i cos®) [. sin 3 cos? So (334) oi l'on a fait les changements de variable dx = dz/tan@ et dz = —d0x~' cos@/2 (successivement), d’ot : 4 6 S= 51 * (1-c0s* &) (3.37) Dans la limite des petits angles, on trouve : 3 = dye eh (338) Lorsqu’on tire sur une corde de guitare en un point, elle prend une forme triangu- laire : sur chacune des deux parties tirées, la courbure est nulle. Avee une flaque, le probléme n'est pas tout a fait le méme, car Ia région de la flaque et la région seche sont différentes, Toute déformation macroscopique d’une Haque doit gar- der le volume constant, done laire mouillée reste constante puisque la forme du coin ne dépend pas du volume : cette contrainte est associée dans l’énergie A un multiplicateur de Lagrange, e’est-d-dire a une pression a deux dimensions pp. La pression pp est liée A la courbure du bord 1/R_ par l'analogue d’une équation de Laplace (voir ch. 1, éq. 1.5) : 5.3. Distorsion des flaques R=> (3.39) (it la courbure est comptée positivement si la flaque est un cerele de rayon R). Un exemple pratique est montré sur la F1G. 3.10.a, oi l'on tire sur les deux extrémités une flaque avec des forces égales et opposées F. La forme est alors constituée de deux ares de cercle, avec un angle d’intersection 26, et l'on a une condition de Youn; F = 28e0sd (3.40) La taille de la goutte est telle que son aire soit égale A Vaire initiale : cela fixe le rayon R. Tl existe une certaine pression interne p2 > 0. 3. HYSTERESIS ET ELASTICITE DES LIGNES TRIPLES 81 En revanche, si on part d'une flaque circulaire et qu’on tire en quatre points équidistants, on obtient une structure en étoile avee quatre arcs de cercle de courbure inversée : la pression po est négative (FIG. 3.10.b). ‘Toutes ces expériences peuvent étre faites facilement dans une cuisine, avec une flaque dhuile a la surface de l'eau, et des épingles pour tirer la ligne. (a) (b) Figure 3.10. Une flaque d'huile posée sur eau, et tirée par 2 épingles (a) ou 4 épingles (b). 6. Réle de l’agitation thermique Dans tout ce qui précéde, nous avons négligé les fluctuations thermiques de Ja ligne triple. Ces fluctuations sont effectivement inobservables 4 grande échelle (en gros, pour des objets plus grands que 1 micron). Mais elles peuvent jouer un role si l’on Gtudie Phystérésis due a des défauts petits. Nous allons discuter le réle possible de l’agitation thermique dans le franchissement d’un point d’anerage par une ligne triple. Méme lorsque la force de Young (cos @ — cos 02) est trés faible, on peut avoir un mouvement de la ligne si les points d'ancrage sont franchis par des sauts acti- vés thermiquement. Le facteur de Boltzmann correspondant est exp(—W/kT) ott kT est énergie thermique, et W l’énergie stockée au moment de l'arrachement (éq. 3.22), En gros (éq. 3.25 et 3.27) : Wr ime yay? (3) of © = Ays/y mesure Famplitude des modulations de surface, et Ay est la taille Wun défaut. Il faut W < 20kT pour disposer de sauts observables, ce qui corres- pond a: (3.42) Avec y = 20 mN/m et ¢ = 0,1, cela conduit a Ay < 30 nanométres. Conclusion : c'est seulement avec des défauts petits que l’agitation thermique supprime Phystérésis. Pour un cas documenté de tels défauts (hélium sur césium), voir [10]. BIBLIOGRAPHIE [1] R.E. Johnson et R.H. Dettre, in « Contact angle, Wettability and Adhesion », Advances in Chemistry Series 43, 112 & 136 (1964). [2] G. Nadkarni et $. Garoff, Europhys. Lett., 20 523 (1992). [3] T Pompe et 8. Herminghaus, Phys. Rev. Lett., 85, 1930 (2000). [4] A. Checeo, P. Guenoun et J, Daillant, Phys. Rev. Lett., 91, 186101 (2003). [5] J. F Joanny et PG. de Gennes, J. Chem. Phys, 81 552 (1984). [6] A. Prévost, M. Poujade, B. Rolley et C. Guthmann, Physica, B 280 80 (2000). [7] B. Decker et 8. Garofi, Langmuir, 13 6321 (1997). [8] E. Rolley, C. Guthmann, R. Gombrovies et V. Repain, Phys. Rev. Lett., 80 2865 (1998). [9] a. M. Fermigier, J. F Duprat, F Goulaouic et P. Jenfier, C. R. Acad. Sci. (Paris), 314 879 (1992). b. M. Fermigier et A. Paterson, Phys. Fluids, 9 2210 (1997). [10] A. Prévost et al., Phys. Rev. Lett., 83 348 (1999) MOUILLAGE ET FORGES A LONGUE PORTEE 1. Energies et propriétés des films 1.1. Passage du macroscopique au microscopique Dans les trois chapitres préeédents, nous n’avons utilisé que des concepts macro- scopiques comme la pression, la tension supertficielle, ete. Cette description est suffisante lorsque les dimensions des gouttes, flaques, ete. sont supérieures a la portée des interactions entre molécules. Mais si nous étudions des films minces (pellicules de liquide d’épaisseur ¢ trés inférieure au micron), il faut prendre en compte la portée — assez grande — de certaines interactions entre molécules. Nous plagons un film d’épaisseur ¢ sur un support solide. Si ce film est ¢pais (disons au-dela de 100 nanométres), nous lui attribuons une énergie ys_ + ¥, cor respondant a des contributions indépendantes des deux interfaces : solide/liquide (ys1) et liquide/air (y). Dans la limite opposée (e — 0), nous devons retrouver I’énergie de surface du solide nu (yso). Comment se comporte I’énergie par unité de surface entre ces deux limites ? Nous poserons (4a) avee P(oo) = 0 et P(0) = S = yso — Ysx — ¥- On pourrait penser que la fonction P(e) ne varie que dans une gamme étroite d’épaisseur e ~ a, oii a est la taille des molécules du liquide. En fait, il existe assez souvent des contributions a longue portée dans P(e). Par exemple : — lorsque les différentes molécules (du solide et du liquide) interagissent par des attractions de van der Waals (en 1/r®), il s’avére que P(e) ne varie que comme 1/e*, c’est-a-dire assez lentement ; 84 GOUTTES, BULLES, PERLES ET ONDES = lorsque nous avons affaire & des solutions de polyméres, il peut arriver que Péchelle de variation de P(e) soit aussi grande que la taille des pelotes; ~ lorsque notre liquide est de l'eau pure, il se forme spontanément des couches chargées aux deux interfaces, et ces couches ont des interactions électrosta- tiques dont la portée est typiquement de 100 A. Tous ces effets seront abordés plus en détail dans la section 2. Nous allons tout @abord discuter quelques propriétés générales des films, associées a l’énergic Pe). 1.2. Changements d’épaisseur et pression de disjonction Augmentons de de I’épaisseur du film en ajoutant un nombre de molécules (par unité de surface) dN = de/vo of vo représente le volume par molécule en phase liquide. Lénergie varie de wd, ott p est le potentiel chimique du liquide. Ce potentiel contient une partie dominante po due aux effets en volume, plus une correction due & ’énergie interfaciale P(e) : dP MAN = pod + de (42) Suivant une notation de Derjagin, nous appellerons pression de disjonction H(e) la quantité : dP I == (4.3) © al (4.3) Dans le cas ot P(e) est déeroissant (favorisant done un film épais), [I(e) est la pression qu’il faut appliquer sur le film pour le maintenir A ’épaisseur e. Dans le cas contraire, II(e) est la dépression qu'il faut imposer la surface du film pour Vempécher daller vers une épaisseur nulle. Nous voyons que cette pression est directement rel be = Ho — voll(e) (44) ¢ au potentiel chimique : Comment mesurer la pres- sion de disjonction? Pour les liquides usuels, non volatils, le montage le plus classique est da a Sheludko [1]. Il est déerit sur la FIG. 4.1. Le film consi- | : déré est en équilibre avee un oa ie es anneau poreux, qui contient see] le méme liquide, et sur lequel on peut imposer une pression hydrostatique py = pgH Oi Figure 4.1. Mesure dela pression de isjonction: méthode de She- © est la masse volumique du jygko utlisant un anneau poreux A mis sous pression réglable en liquide. ajustant H (avec éventuelement H < 0), 4, MOUILLAGE ET FORCES A LONGUE PORTEE 85 salité des potentiels chimiques dans le film et dans l’anneau impose : Ho — voll(e) = po + VopH (45) doa I(©) = —pi. Bn mesurant (par une méthode optique) lépaisseur pour diffé- rentes valeurs de pyr, on construit ainsi la courbe I(e). On peut aussi, en principe, déterminer la pression de disjonetion en étudiant L'ascension d'un film sur une paroi verticale (FIG. 4.2). Nous supposons ici que la paroi est totalement mouillable. Elle trempe dans un réservoir de liquide. S'il y a une attraction a longue portée entre la paroi et Ie liquide, les molécules ont ten- dance a monter pour en bénéficier, mais cela est = limité par le poids du film. Le point de départ de a discussion est ’équation 4.4 pour le potentiel chimique, augmentée d’un terme mgz, oi m est la masse d'une molécule, g Vaceélération de la pesanteur, et z la hauteur mesurée depuis la surface du bain, A l’équilibre, le potentiel chimique doit étre le méme partout : = po —volI(e) + mgz = po (4.6) Bones Figure 4.2. Mesure de la pression de 7 disjonction : ascension d'un flim sur une M(e) = gz = pgz (a7) Patoi vertical. vo" Si l'on peut déterminer e(z) par des mesures optiques ou autres, on connait done Tl(e) point par point. En pratique, cette méthode est rarement utilisable, car on ne peut pas se permettre des hauteurs z trés grandes au laboratoire : — il faut une surface bien contrélée sur toute la hauteur ; = le temps d’équilibration est trds long, car le film est mince (typiquement 100 A) et les frottements visqueux sont forts. S'il est possible d’obtenir z = 1 métre, avec p ~ 1 g/cm’, on arrive a des pressions de disjonction ~ 0,1 atm. Souvent, on recherche des pressions plus fortes (correspondant a des épaisseurs ¢ plus faibles) et la méthode de Sheludko est bien préférable. Tension globale sur un film Un film macroscopique entre solide et air est tendu par la somme des tensions interfaciales y + ysz. Qu’en est-il pour un film mince, oit la correction P(e) intervient? Pour déterminer cette tension Yim (e), nous allons étudier les chan- gements d’énergie quand l'aire du film varie de dA. Mais, par opposition au cas précédent, nous ferons la transformation 4 nombre de molécules constant, ¢’est- a-dire A volume Ae constant : (4.8) 86 GOUTTES, BULLES, PERLES ET ONDES Lénergie est : EB=A{y + ys + P©} (49) et sa variation vaut : dE = dA{y + ys1 + P(e)} — All(e)de (4.10) D’od une tension dépendant de l’épaisseur e : +-ys_ + P(e) + elle) (4.11) Cette formule est utile pour discuter les équilibres entre films d’épaisseurs diffé- rentes, qui doivent avoir la méme tension. ¢ Remarque : on peut aussi retrouver la formule par un argument différent, a partir de la distribution interne de pression p(z) 4 P’intérieur du film (2 étant la distance au support solide). La forme de p(z) & l’équilibre est la suivante : P(z) = Patm — M(e) + T(z) (4.12) Le lecteur pourra justifier cette formule en vérifiant que la force exereée par le solide sur un élément de volume a la cote 2 est + dII/dz. Léquilibre implique que la somme de cette force et de la foree hydrostatique —Op/0z soit nulle. En intégrant p(z) sur ’épaisseur du film, on peut retrouver le terme correctif P + ell'de l’éq. 4.11. 1.4. Trois types de mouillage 1.4.1. Conditions de stabilité Quelques aspects possibles de ’énergie P(e) sont représentés sur la FIG. 4.. Notons tout de suite que le film n’est stable que si P(e) a une courbure positive (P"(e) > 0). Si la courbure est négative, un film d’épaisseur e peut se décompo- ser en deux films d’épaisseur e, et e2, occupant des pourcentages et a> de la surface (ay + a2 = 1). Lénergie devient c1P(e:) + «2 P(e), et elle est inférieure a P(e), comme le montre la ric. 4.3.a. Done le film abaisse son énergie en se décomposant. Vers quel état évolue-t-il? La réponse est fournie par la FIG. 4.3.c, oii lon voit apparaitre une construction de tangente commune. Les deux points de contact sont associés des épaisseurs différentes e! et e”. Des films d’épaisseur e’ et e” peuvent coexister dans le méme spécimen. Le fait que la tangente soit commune, done que les tangentes en A et B aient la méme pente, s'écrit : Ti(e’) = Me") = 11 (4.13) ce qui exprime l’égalité des potentiels chimiques et done la possible coexistence. La condition de raccord des tangentes en A et en B peut étre éerite sous la forme : e'II(e’) + P(e’) = e"M(e") + P(e”) (4.14) D’aprés I’éq. 4.11, c'est la condition d’égali s tensions de film. 4, MOUILLAGE ET FORCES A LONGUE PORTEE 87 Pte) Pe) a & @& e (b) P” > 0 : film stable é e” € {¢) Coexistence de films Figure 4.3. Critére de stabil: a. P”" < 0, b. P” > 0 et c. construction de la tangente commune montrant la Coexistence possible de deux films d'épaisseurs respectives eet e””. Un autre cas important est celui ott le solide see (¢ = 0) coexiste avec un film liquide (d°épaisseur ¢.) : ici la limite de stabilité des films est définie par une « tangente simple » reliant le point sec A la courbe P(e); un exemple apparait ci-aprés sur la FIG. 4.4.2, 1.4.2. Mouillage total Nous sommes ici dans une situation oi le paramétre d’étalement S est positif, et of énergie P(e) a aspect représenté sur la FIG. 4.4.2. La construction de la tangente simple fait apparaitre une épaisseur seuil e.. Les films d’épaisseur e > e sont stables. Par contre, les films d’épaisseur e < €, sont métastables ou instables. On peut avoir coexistence entre un solide see (ec = 0) et un film d’épaisseur e, : nous avons pris Phabitude d’appeler ce film particulier une « erépe »; ec est P’épais- seur de crépe, dont I’équation est donnée par la construction de la tangente simple : PO) = S = P(e) + ecll(ec) (4.15) Cette équation peut aussi étre interprétée par la condition d’équilibre des forces 4.11 : la tension du solide see est yso. La tension globale de la erépe est yst + + P(e) + ecll(e.). Bn les 6galant, on arrive a ’éq. 4.15. 88 GOUTTES, BULLES, PERLES ET ONDES Lépaisseur ¢. est souvent faible (quelques pre) A), mais elle est importante conceptuelle- ment. Si une goutte s’étale en mouillage 7 total, et que le diagramme P(e) a bien I’as- pect simple de la FIG. 4.4.a, cette goutte s'amineit jusqu’a atteindre ’épaisseur de erépe ec. Le seul cas ot ’épaisseur e, devient un peu grande est celui de § petit : comme P et ell tendent vers 0 pour e — co, une valeur petite de $ implique un film relativement épais (quelques dizaines d’angstréms). Figure 4.4, Différentes formes possibles pour le potentel Pe) a S > 0 et P décroissant a longue portée (mouilage total) ; b. $< Ot P croissant a longue portée (mouilage partie); ©. $ > O et P croissant & longue portée (mouilage pseudo- parti) 1.4.3. Mouillage partiel Crest le cas ot S < 0 et od I’énergie P(e) a l'aspect de la PIG. 4.4.b. On peut encore mener une « tangente simple » entre le point (e = 0, P = S) (oit la pente est indéterminée), et le point a l’infini (e + 00, P(e) = 0). Cela signifie qu’on peut avoir coexistence entre le solide see (e = 0) et une goutte (e + 00). Cette situation correspond bien A ce que nous avons appelé mouillage partiel, avec un angle de contact 6p tel que : y(1 — cos@g) = -S>0 (4.16) 1.4.4. Mouillage pseudo-partiel Enfin, on peut avoir une courbe de la forme présentée sur la FIG. 4.4.c, earactéri- sée par Pexistence d’un minimum de P(e) pour une épaisseur finie ¢,. On peut alors mener une tangente commune horizontale reliant le point M au point a l'in- fini, ce qui correspond A un équilibre entre un film d’épaisseur em, et une goutte macroscopique (e — 00). § Pour bien comprendre cette construction, il peut étre utile d’ajouter a P(e) le terme (trés petit) dii aux forces de gravité, qui est proportionnel a e? (éq. 2.11). Alors il y a clairement une tangente commune entre un point ot € est tres proche de em et un point éloigné od est égal A l'6paisseur de la flaque. Cette construction est discutée en détail au ch. 7 (F1G. 7.3) 4, MOUILLAGE ET FORCES A LONGUE PORTEE 89 Quel est angle de contact 6, de la goutte avec son support ? Léquilibre des forces horizontales donne, en utilisant l’éq. 4.11 : y+ yt + Plem) + mlm) = ¥sz + ¥C0s 8g Soit en notant que Im) (1 — cos 62) = —P(Em) (4.17) Cette situation d’équilibre goutte/film est possible si on dispose de suffisamment de liquide. Cependant, si on n’a pas de quoi recouvrir toute 1a surface du sup- port par un film d’épaisseur ey», une goutte posée s’étale complétement en crépe d'épaisseur ¢¢ — d’oit le nom de mouillage pseudo-partiel. Bien entendu, les exemples de la r1G. 4.4 n’épuisent pas toutes les possibilités pour les formes de P(e). Nous en verrons d'autres plus loin avec les films « stratifiés >. 2. Nature des forces a longue portée 2.1. Force de van der Waals Dans le vide, deux molécules neutr ricure a la portée des liaisons ch ance 7 (supé- ont une énergie attractive en r~° if VaB = — kaso % (4.18) oi wa et ap sont les polarisabilités électriques d'une molécule A ou B, et k une constante peu dépendante de la nature de A et B. Léq. 4.18 suppose les distances r inféricures & une coupure d de l'ordre de 1000 angstroms. On peut caleuler, & partir de cette formule, I’énergie de van der Waals d’un film, en sommant les interactions liquide/liquide, liquide/solide et solide/solide®, On obtient dans la limite macroseopique (e > a) : a! joule (quelques fois ’énergie thermique de Vordre de 4-107?! J a 25 °C). Le signe de A est non trivial. Le cas le plus fréquent est celui ott Ie solide est plus polarisable que le liquide (ag > az). On dit qu’on a affaire 4 une surface de « haute énergie ». Le cas opposé (cs < az) correspond a une surface de « basse énergie » : il se rencontre notamment avec des solides formés de fluorocarbones. EXERCICE. Quelle est la forme du film, en ascension verticale sur une plaque, pour des forces de van der Waals? Réponse : le point de départ est ’équation des potentiels chimiques 4.4. Si nous calculons TI(¢) a partir de I’¢q. 4.19, nous trouvons : M(e) =+ = (4.21) a égaler A + pgz, d’oa: - (A)? win (ag) “s Il est souvent commode de rééerire une telle formule de facon plus parlante. Introduisons d’abord une longueur moléculaire a par la relation : A =a ony (4.23) ‘Typiquement, a est de l’ordre de l'angstrém. Nous pouvons aussi faire intervenir la longueur capillaire x~!, définie au chapitre 2 (k? = pg/y). On a alors : (4.24) Pour z= 1m, a=1A et «-! = 1mm, on trowe e ~ 22 A. Questions subsidiaires : jusqu’od le film va-t-il monter? Ily aura une zone d’ar rét, o8 e(z) tombe brutalement a zéro. Dans cette zone, nous n’avons plus un film plat : la courbure de interface modifie le potentiel chimique. En fait, nous connaissons la réponse par notre discussion sur I’équilibre film/solide see : il faut que ’épaisseur du film soit l’épaisseur de crépe ec. En insérant € = e¢ dans I'éq. 4.21, nous trouvons la hauteur maximum Zmax W(ec) =+ pgzmax (4.25) vee e. = 10 A, cela correspondrait 4 TI(e.) = 1 atm, done zmax ~~ 10m. EXERCICE. Une goutte est posée sur une fibre horizontale de faible rayon b. Le matériau de la fibre est totalement mouillable par le liquide. Quel film de mouillage va se développer dans ces conditions? Réponse : si le film a une épaisseur ¢,,, le rayon de courbure de la surface de la fibre « gainée > est b + em. Le potentiel chimique p. — po dans le film 4, MOUILLAGE ET FORCES A LONGUE PORTEE 91 contient une contribution py due & la courbure, et une autre pi2 due aux forces de van der Waals. En étudiant le changement d’énergie quand I'épaisseur ¢ passe de ea (e + de), on trouve : mote” et d’aprds Péq. 4.4: be = —II(e)vo oi vo est toujours le volume par molécule de liquide. En égalant au potentiel chimique dans la goutte (~ po), on trouve : em X26) as. Cependant, en chauffant, la dens de sorte qu’il est possible d’arriver A az, < ag : la constante A change de signe a une certaine température (voir [3] pour une discussion de cette transition). 2.3. Interactions de van der Waals des solides feuilletés : traitements de surface Etudions plus en détail les traitements de surface présentés au paragraphe 2.3.2 du ch. 1. Dans ces traitements, on dépose une couche antagoniste, entre le solide et le liquide, pour inverser la mouillabilité. Reprenons exemple de l'eau sur du verre « flotté » (bien lisse). Iei as > ty, Les paramétres A et S sont positifs et l'eau s’étale complétement. Pour empécher Teau de s’étaler, on va déposer une couche de polarisabilité @) < ay (un tapis moléculaire de silane). Prenons maintenant de l’eau (polarisabilité a) sur du plastique (polarisabilité as = a < az). Léq. 4.26 nous indique que A < 0. Par ailleurs, S < 0. On est done en mouillage partie. Mais, si nous voulons rendre la surface mouillable, nous pouvons déposer un film d'or, de trés forte polarisabilité. GOUTTES, BULLES, PERLES ET ONDES Cette fine couche (d’épaisseur d) va-t-elle mas- quer le solide? Leau posée sur du plastique doré se eroit-elle sur de lor massif? La réponse qualitative est simple : en gros, Vénergie P(e) sonde le solide sur une épais- seur comparable a ¢. Si e < d, I’énergie P(e) est dominée par la couche solide de surface (constante de Hamaker du solide ajouté en couche mince). Si e > d, l'énergie P(e) est dominée par la partie profonde du solide. On a représenté sur la FIG. 4.5 Pévolution de P(e) lorsque l'on silanise du verre. Pour le verre nu, 3 > 0 et A > 0 (mouillage total) Pour le verre silanisé, on a encore Acss > 0 pour les films épais, mais Acs; change de signe pour les films minces, conduisant a5 <0: le mouillage est partiel. Figure 4.5. Energie P(e) pour a. un verre nu (mauilage total; b. tun verre silanisé (mouillage parti!) De la méme fagon, on montre sur la FIG. 4.6 Pévolution de P(e) lorsque Von rend un plas- tique mouillant a l'eau en y déposant un film d'or (avant le traitement de surface, es < az, done A,jy <0 et $ < 0: mouillage partiel) Aprés le traitement de surface, A,y; est néga- tif pour les films pais. Par contre, Acyy devient positif pour les films minces, car a, > ay. La courbe P(e) passe par un mini- mum ¢ = ¢m qui va dépendre de I’épaisseur Wor déposé. On peut immédiatement conclure que le mouillage sera pseudo-partiel. Comme Peau aime Vor, elle va s'y étaler en film mince, mais pas en film épais, car elle « voit » le plas- tique sous Vor! A I’équilibre, la goutte d’eau sera posée sur le plastique doré, mouillé par un film eres fin Figure 4.6. Energie P(e) pour a. un plastique (mouillage partel); un plastique recouvert d'un film d'or (moullage pseudo-partil). S<0 4, MOUILLAGE ET FORCES A LONGUE PORTEE 93 Résumons : un traitement de surface consiste 4 déposer une fine couche solide de polarisabilité «;. Pour rendre le liquide mouillant, on choisit a; > cz : as < ap < oy et pour le rendre non mouillant, on choisit cay < oy, : a, < ay, 0) dont la portée est le rayon d’éeran de Debye-Hiickel Kp Dans le cas d’ions monovalents, la formule pour kp! est : (4.27) oi n est le nombre de molécules de sel (par ex. Nal) par unité de volume, ¢ la charge élémentaire et e, la constante diélectrique relative de l'eau (~ 80). Il iB nee kT H20), ce qui donne x3, = Srl. Typiquement, pour 0,1 mol de sel par litre d'eau, kp! = 1 nm. Pour plus de détails sur ces forces, lire Israclashvili [2]. est commode d’introduire la longueur de Bjerrium ), = (~ 7A pour m Cas des solutions de polyméres flexibles Il faut distinguer ici deux situations trés différentes : les surfaces (solide/liquide et liquide/air) préférent le polymére au solvant, il se forme des couches adsorbées diffuses. La taille de ces couches est lige au rayon des pelotes de polyméres, et est typiquement de 100 A pour une masse moléculaire de 10°. I en résulte done, encore une fois, des interactions a longue portée, le plus souvent répulsives [4] © Si les surfaces préférent le solvant au polymére, celui-ci évite le voisinage de la surface : il se forme des couches de déplétion dont l’épaisseur € dépend de la concentration en polymére [4]. Ici encore, les couches de déplétion se couplent et engendrent une interaction attractive (II(e) < 0). aspect de P(e) correspond a celui de la figure 4.4.b, et les films sont instables. Mais I’état final n’est plus, ici, un solide see : c'est plutét un film de solvant pur en équilibre avee une goutte de solution [5] 94 | — GOUTTES, BULLES, PERLES ET ONDES 3. Quelques manifestations des forces a longue portée 3.1. Films sur support faiblement rugueux : la longueur de cicatrisation La situation envisagée est décrite sur la FIG. 4.7. Le support a de faibles variations de hauteur {(a,y) autour du plan horizontal z = 0. Sur le support est placé un film, dans une situation de mouillage total, en régime stable (e > e). ee que la surface de ce film suit le profil, gardant une épaisseur constante? ou bien est-ce qu'elle « lisse » les défaut: Définissons la modulation de la surface libre par un déplacement u(c,y). Lépaisseur locale du film est e + u—{, et P’énergie a la forme : F = fe dy {Pe +u-O+ suv (4.28) ou le deuxiéme terme décrit les changements Fle. i.2i, Ft delaelqide/aie chef reine ot Pour des déformations petites, on développera des rugosits, @ comparer a la longueur de P(e + u—0) au 2° ordre en u—{. Lordre 0 cicatrisation ge. donne une constante. ordre 1 ne donne rien : la moyenne spatiale de u — { est nulle si le volume de liquide est constant. En s‘arrétant 4 l’ordre 2 et en minimisant I’énergie F, on arrive ainsi a l’équation suivante pour le profil optimum : (u-OP'(e) —yW?u=0 (4.29) ou encore : Putu=l (4.30) La longueur : (431) est appelée longueur de cicatrisation du film [6] © Si les variations de { sont lentes a échelle &., celles de u le seront aussi, et on peut négliger le terme V?u dans I’éq. 4.30. Il en résulte que u = {: le film garde « Au contraire, si les variations de { sont A petite échelle (inféricures a £,), alors le terme dominant de I’énergie est le terme capillaire et l’équation e: ntielle- ment satisfaite en choisissant un profil plat u = 0. La rugosité de surface est lissée au niveau de la surface libre. 4, MOUILLAGE ET FORCES A LONGUE PORTEE 95 Ces propriétés ont un certain intérét pour les vernis qui décorent une surface rugueuse, comme celle d’un bois ou d'une matigre plastique. Si l'indice optique du support est peu différent de celui du vernis, on peut arriver A un aspect poli das que &, est plus grand que la taille horizontale des irrégularités du support. Exemple. ‘aux épaisseurs concernées, I’énergie P(e) est dominée par un terme de van der ‘Waals (éq. 4.19) avec une constante de Hamaker A positive, on a " A P'O= x5 (432) et amy)? aw & (=) ao (4.33) od a est une longueur moléculaire Done £- eroit rapidement avec ’épaisseur du film. Il faut cependant se rappeler que la formule 4.33 n'est valable que pour ¢ < 1000 A (coupure des forces de van der Waals) 3.2. Structure fine de la ligne triple En mouillage partiel, tout pres de la ligne triple, le profil liquide peut dévier par rapport a la pente constante (tan@) décrite par ’équation de Young. On peut se demander si la présence de forces & longue portée déforme le profil de fagon visible. Les échelles spatiales concernées sont typiquement de quelques nano- metres, et sont difficiles 4 observer. La discussion de ces profils est particuligrement intéressante quand l’'angle de contact Om est petit : — il se trouve que les échelles spatiales correspondantes sont alors un peu plus grand — le calcul est plus simple, parce que le coin liquide ressemble localement a un film, ce qui nous permet dutiliser la fonction P(e). Si u(z) est la fonction qui déerit le profil, énergie est encore donnée (dans cette limite de pente faible) par ’équation 4.28, avee P(u) (surface solide lisse). Léquation d’équilibre est, en utilisant 1.33 : + Tu) =0 (434) ix? Elle décrit un équilibre entre pression de Laplace et pression de disjonction. L6éq, 4.34 a une intégrale premiere (voir 1.34) 1 (du)? ia 51 3) — Pa) = 518% (438) La constante d’intégration 1/2 0%, assure qu’au loin (u — 00) on a bien du/de = OR (car P(u) > 0). 96 GOUTTES, BULLES, PERLES ET ONDES Grace cette formule, on pourra déterminer la fonetion P(u) — si on connait le profil du coin — en mesurant la pente locale du/dar. Ici, nous allons discuter d’abord la forme du profil pour un cas od il n'y a que des forces de van der Waals, en utilisant la forme 4.19 pour P(u), réécrite comme suit : 1a PQ) = 5713 (4.36) oi on a choisi A > 0, et a une longueur moléculaire définie par : 2_ A P= (4.3 « ory (4.37) On trouve alors, en intégrant Péq. 4.35 : a = 02? - Zz (4.38) 53 a0 c’est-dire un profil hyperbolique (FIG. 4.8). Lhyperbole rejoint son asymptote a une hauteur d’ordre a/éz. La longueur a est moléculaire z (~ 1A) et difficilement observable; mais pour @p petit, la hauteur a/8p est dans un domaine accessible. Le caleul précédent est toutefois un peu irréaliste pour u petit, car il repose Figure 4.8. Profil au voisinage d'une ligne triple; la sur une forme de P(u) qui diverge pour __ pente est nulle au raccord avec le substrat solide. La ligne u 0. Bn réalité, P(u —> 0) est Pallée correspond & une forme simple de énergie : . ss (P(e) ~ e~? pour tout e). fini et égal au paramétre d’étalement s ‘y0},/2. Il en résulte, d’aprés Téq, 4.35, une pente nulle (du/dx = 0) 2 la ligne triple. La correction est montrée en trait continu sur la PIG. 4.8. Toutefois ces distinctions portent sur des régions de taille ~ @, qui sont trop petites pour que le calcul garde un sens. Pour une discussion plus fine de la structure locale a I’échelle nanométrique, et des mesures correspondantes par microscope a force atomique, voir [7], [8], [9] 4. Les films stratifiés Certains fluides moléculaires, lorsqu’ils s’étalent sur un support dans des condi- tions de mouillage total, montrent une structure en pyramide azteque (FIG. 4.9), bien observable par une technique optique appelée ellipsométrie [10]. Au voisinage d’une surface solide, les liquides ont tendance a s'ordonner en couches : l’effet apparait dans de nombreuses simulations sur un liquide simple, en présence d’une paroi. 4, MOUILLAGE ET FORCES A LONGUE PORTE 97 Bpaisseur (am) 8 Figure 4.9. Profil dune goutte de tétrasloxane 4 (molecules petites et assez sphériques) posée sur un support solide. On voit des terrasses qui correspondent en gros au diamétre de la molécule (d'aprés F. Hesiot, AM. Cazabat et al. [10}.) 0 On peut, dans une certaine mesure, systématiser cette propriété au m: fonetion P(e) qui décrit ’énergie d’un film en fonction de son épaisseur : si l’éner- gie oscille, en montrant quelques minima pointus (FIG. 4.10), la construction des tangentes communes conduit & envisager des couches successives (1,2,...n) assez bien définies en épaisseur, et qui peuvent coexister par des équilibres (nn + 1). La pente de la tangente commune a net n + 1 sera désignée par —I],. Pour que les couches soient toutes visibles, il faut que Penveloppe définie par les tangentes communes soit convexe, ¢’est-a-dire que II, décroisse avee n sur la FIG. 4.10. Si V’épaisseur est un peu supéricure A celle de la niéme couche, on aura coexistence de régions An et n + 1 strates. Ple) Figure 4.10. Energie P(e) conduisant a un film stratfié. En pratique, on voit le plus souvent deux ou trois strates, en particulier avec des fluides formés de molécules globulaires. Gependant, méme certains polyméres (comme les silicones) montrent un début de stratification. Bien entendu, la stra- tification est particuligrement forte pour les liquides qui sont proches d'un état smectique (c’est-2-dire A couches fluides empilées) BIBLIOGRAPHIE [1] A. Sheludko, Adv. Colloid Interface Sci., 1, 391 (1967) [2] J. Israclashvili, Intermolecular and surface forces, Academic Press, New York (1985). [3] K. Ragil, J. Meunier, D. Broseta, J.O. Indekeu, D. Bonn, Phys. Rev. Lett., 77, 1532 (1996). [4] PG. de Gennes, Adv. Colloid Interface Sei., 27, 189 (1987). [5] R. Fondecave, F. Brochard:Wyart, Macromolecules, 31, 9305 (1998). [6] D. Andelman, J. F. Joanny, M. Robbins, Europhys. Lett., 7, 731 (1988) [7] T. Pompe, A. Fery, S. Herminghaus angles » (J. Drelich, J. 8. Laskows p. 3 (2000). [8] A. Fery, T. Pompe, 8. Herminghaus, ibidem p. 12. [9] G. Bauer, 8. Dietrich, Bur: Phys. J. B, 10, 767 (1999). [10] F Heslot, N. Fraysse, A.M. Cazabat, Nature, 338, 640 (1989). in « Apparent and microscopic contact L.K. Mittal eds.), VSP Editions, Utrecht CHAPITRE HYDRODYNAMIQUE INTERFACIALE FILMS MINCES, VAGUES ET RIDES 1. Mécanique des films : approximation de lubrification La dynamique des objets en mouvement est décrite par la loi de Newton : la somme des forces qui s’appliquent a Vobjet est égale A sa masse que multiplie son aceélé- ration. Un premier type de difficulté, lorsque Lon s‘intéresse a la dynamique des liquides, est que les différents éléments de volume qui constituent le liquide sont susceptibles de se mouvoir différemment. Il convient done de raisonner par unité de volume, si bien que ’équation de base s’écrit : dv dt 6.1) oi p est la masse volumique du liquide, v la vitesse de élément de volume et f la force par unité de volume agissant sur cet élément de volume (les symboles en gras désignent des vecteurs). Cette force est généralement la somme d’un terme moteur (la gravité, par exemple) et d’un terme visqueux f,, qui s’oppose au mou- vement. Cette équation, assortie d’une condition liée a l'incompressibilité du liquide (divy = 0), est connue sous le nom d’équation de NavierStokes. lle est en s€néral trés difficile a résoudre, pour trois raisons : 1. c'est une équation vectorielle, et dans l’espace a trois dimensions, il faut done résoudre trois équations pour connaitre le vecteur vitesse ; 100 GOUTTES, BULLES, PERLES ET ONDES 2. cest une équation non-linéaire, & cause du terme inertiel : pour un écoulement de vitesse moyenne V qui se développe sur une longueur caractéristique L, ce terme a pour dimension pV?/L, qui est quadratique pour la vites 3. c'est une équation du deuxiéme ordre, qui exige deux intégrations successives par rapport aux coordonnées spatiales. En effet, la force f contient en général un terme visqueux qui s’éerit, par unité de volume : f, = nAv, od 1 est la viscosité dynamique du fluide et A Vopérateur Laplacien Il se trouve qu’en hydrodynamique interfaciale, les deux premidres dif- ficultés se simplitient trés souvent, ce qui définit le champ de Vapproxi- mation de lubrification. Cela tient a la vitesse modérée des écoule- ments, ainsi qu’au fait qu’ils ont en général une taille (transverse) tres petite devant les autres longueurs. Considérons par exemple un mince film de liquide en train de s’écouler Figure 8.1. Film mince s'écoulant sur une pente sur une pente sous l'effet de la gra- vité (FG. 5.1). Plusieurs aspects méritent d’étre soulignés. D’abord, le vecteur vitesse en chaque point du liquide pointe principalement dans la direction «; ainsi, on pourra coniondre dans l’équation de Navier-Stokes le vecteur vitesse avee sa composante v dans la direction de l’écoulement, ce qui simplifie cette équation vectorielle en une simple équation scalaire. En second lieu, la condition aux limites 4 interface solide/liquide est une condition de continuité des vitesses (non-glissement a la paroi solide) ; le solide étant ici fixe, le fluide qui est dans son voisinage est également fixe. Cela a deux conséquences. ~ D'une part, si le film est mince, ’écoulement est lent. Par conséquent, le terme inertiel (dont nous avons vu qu’il est proportionnel a V’) est négligeable devant Ie terme visqueux Av (qui est lui proportionnel a V); c'est le nombre de Rey- nolds, rapport de ces quantités, qui permet de comparer ces deux termes : pour la plupart des films minces en Geoulement, ce nombre est petit devant 1, de sorte que l’on peut nééliger le terme inertiel dans I’équation de Navier-Stokes — D'autre part, le film globalement s'écoule, méme s'il est retenu au voisinage de la paroi solide : cela implique existence d’un gradient de vitesse dans la direc- tion perpendiculaire a ’6coulement. Il y a done découplage entre force motrice (qui fixe le sens de I’écoulement) et force visqueuse (qui est liée a existence de gradients de vitesse dans la direction perpendiculaire & écoulement) I reste & préciser ce qu’est la force motrice : dans l’exemple de la FIG. 5.1, c’est la gravité, mais plus généralement, la force permettant de déplacer un fluide hori- zontalement (voire de le faire remonter une pente) est un gradient de pression : si deux zones d'un fluide sont placées & des pressions différentes (notons Ap la différence de pression), un mouvement en résulte, de la zone de forte pression vers celle de basse pression. Si L est la distance entre ces zones, la force par unité de volume responsable du mouvement est le gradient de pression qui s’établit sur

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