1. Murel prie alors Philopold de lui expliquer suffisamment tout cela. Philopold lui
répond : « Mon ami et cher frère, tu as vécu bien des choses, tu es allé jusqu'en Inde et même
dans les pays qui sont bien au-delà du Gange, jusque dans les montagnes où nul mortel n'a
encore mis le pied, et avant cela, tu as traversé toute l'Égypte jusqu'aux lieux où le Nil dévale
des rochers en mugissant avec fureur. Le vieux temple des rochers de IA BU SIM BIL[C'est-
à-dire Abou Simbel] ne t'est pas demeuré inconnu, et un matin, tu as entendu retentir les
colonnes de Mem'n'on. Tu as contemplé les anciens caractères cunéiformes, et tu as cherché à
déchiffrer les croissants[Nous ne savons pas ce que peut être cette « écriture en croissants » (Hornsc•hrift)
plus ancienne que l'écriture cunéiforme (Keilschrift), la plus ancienne écriture connue, le sumérien, étant elle-
même une écriture cunéiforme. (N.d.T.)] plus anciens encore.
2. Les maîtres de Korak t'auraient bien expliqué toutes ces choses, car tu voulais les
payer richement pour cela : mais ils ne l'ont point fait, parce qu'ils ne le pouvaient point. Car
les sages et les érudits de l'Égypte actuelle ne sont plus du tout de la même trempe que ceux
qui fondèrent ces écoles et ces temples au temps des anciens pharaons. Pour ce qui est de
l'ancienne sagesse, ils vont plus mal encore que les lévites et les Pharisiens de Jérusalem, et
c'est encore bien pis chez les Birmans. Ceux-ci en sont venus à une forme d'ascétisme qui est
une honte pour l'humanité : et qu'est-ce que cet ascétisme, sinon d'une part un orgueil
incommensurable, et d'autre part, pour cette raison même, une sottise incommensurable ?!
3. Il est vrai que ces hommes ont possédé jadis la vraie sagesse, à l'instar du patriarche
Noé : mais avec le temps, comme les familles grandissaient et devenaient des peuples ayant
nécessairement de plus grands besoins qu'une petite famille, la force physique des hommes
prit une importance trop considérable pour que chacun pût ne s'occuper que de sa sagesse
intérieure.
4. Ces peuples choisirent en leur sein les plus sages, à qui ils confièrent les affaires
sacrées et la tâche de faire en sorte que la connaissance de Dieu se maintînt toujours chez eux
et que la vérité essentielle ne se perdît point, mais perdurât pour eux-mêmes et pour leurs
enfants.
5. Dans le même temps, le peuple avait donné aux représentants et gardiens de la
sagesse le droit de dicter des lois conformes à cette sagesse, lois dont la sanction était assurée
par tout le peuple, chacun, du premier au dernier, en étant le garant et l'exécuteur, et ceux qui
transgressaient ces lois sacrées devaient être très durement châtiés.
6. Au début, cette institution fonctionna fort bien et eut des effet plutôt bénéfiques.
Mais avec le temps, la caste des prêtres s'accrut et devint plus exigeante quant à sa subsistance
matérielle. C'est alors qu'apparurent bientôt, sous l'intitulé mystique "donné par Dieu'', de
nouvelles lois et dispositions. Les punitions, les pénitences et toutes sortes de tromperies
d'apparence miraculeuse devinrent monnaie courante, sans oublier les indulgences : celui qui,
ayant outrepassé telle ou telle loi supposée divine, voulait échapper à la punition, devait payer
une rançon exorbitante. Naturellement, les pauvres devaient s'accommoder de la pénitence,
cela pour l'exemple martial. L'on imagine sans peine que les choses ne sont pas allées en
s'améliorant jusqu'à nos jours !
7. Et c'est là, ami, que tu allais chercher la vérité et la plus profonde sagesse ?! Il est
concevable que tu n'aies pu l'y trouver, et aussi que cela ait véritablement fait de toi un
ennemi de l'existence : mais ce qu'il m'est malaisé de concevoir, c'est que tu n'aies jamais eu
l'idée, toi qui es un prêtre et un érudit de l'Écriture, de chercher s'il n'y avait pas dans l'Écriture
elle-même, et dans quelle mesure, une vérité et une sagesse cachées, et s'il n'y avait pas
moyen de parvenir à une conception de la vie intérieure en suivant les préceptes de l'ancienne
école des prophètes !
8. Il est vrai que, d'une certaine manière, je n'étais sans doute guère plus avancé que toi
dans la connaissance de la vérité, et ma sagesse consistait essentiellement dans la philosophie
grecque, même si j'avais davantage de respect pour les écritures sacrées des Juifs, mais il me
manquait les racines, et c'est pourquoi, chez moi non plus, cet arbre magnifique ne pouvait
porter ses fruits. »
GEJ3 C221
De l'existence antérieure de l'homme
GEJ3 C222
Ce que Philopold a vécu dans l'au-delà
1. Murel dit : « Ah, ami Philopold, tu m'apprends là des choses dont nul mortel n'avait
jamais eu idée jusqu'ici ! Je vais d'émerveillement en émerveillement ! Mais dis-moi pour tout
de bon si tout cela ne peut être le fruit de quelque imagination de ta part : car cela paraît aussi
étrange et aussi extraordinaire que les plus grandes fables de la croyance païenne.
2. Au reste, il se peut fort bien que tout cela soit vrai, ce dont je ne suis pas capable de
juger, la connaissance des étoiles étant bien mon point faible ! Mais qui imaginerait que les
étoiles, ces petits lampions du ciel, sont des mondes, et des mondes plus vastes encore que
notre terre, dont pourtant nul homme n'a encore vu le bout ?!
3. Je t'en prie, confirme-moi cela ; car tu as éveillé en moi un trop puissant désir d'en
savoir davantage sur ces choses remarquables ! On n'en trouve pas la moindre trace dans
Moïse, non, pas même la plus petite allusion : car il n'y a pas un traître mot là-dessus dans sa
Genèse. D'ailleurs, pas un homme ne comprend ce qu'il a voulu dire avec cette Genèse ! »
4. Philopold dit : « Ami, celui qui appréhende correctement Moïse y trouve cela aussi ;
mais pour cela, il faut autre chose qu'en apprendre par cœur un malheureux sens littéral ! Mais
à celui qui aime Dieu par-dessus tout, l'esprit de Dieu donne la bonne explication, et il sait
alors que la Genèse de Moïse ne décrit pas tant la Création des mondes proprement dite, mais
bien davantage et plus précisément l'éducation et la formation spirituelle de l'homme tout
entier et de son libre arbitre, et la manière dont ceux-ci intègrent l'ordonnance divine. Celui
qui comprend et conçoit cela comprend aussi bien vite le reste, car on y trouve, exprimé par
des correspondances infaillibles, ce que je pourrais moi-même te montrer d'une manière
parfaitement claire. Mais nous n'en aurions pas le temps aujourd'hui.
5. Cependant, j'ai ici autre chose, qui a été mis entre mes mains comme une preuve
incontestable venue d'en haut, par la grâce miraculeuse du Seigneur qui Se trouve ici parmi
nous véritablement et dans la chair même, tel que tous les prophètes nous L'avaient
fidèlement annoncé.
6.Ce jour-là, c'est-à-dire quand le Seigneur, venant de Kis, est venu nous rendre visite
à Cana, il y avait parmi nous, comme aujourd'hui, un esprit angélique revêtu d'un corps
éthérique. Sur l'ordre du Seigneur, cet ange délia le bandeau qui couvrait les yeux de mon
âme, et la pleine conscience de mon existence dans un monde antérieur, ou plutôt un autre
monde, fut alors rendue à l'instant à mon être tout entier.
7. Je reconnus aussitôt le magnifique grand monde où j'avais vécu dans la chair avant
d'exister sur cette terre ; oui, je vis même mes parents et mes frères et sœurs qui y vivaient
encore ; qui plus est, l'ange fit venir pour moi sur cette terre quelques-uns des objets qui
m'avaient appartenu, et que je reconnus aussitôt sans le moindre doute comme authentiques.
8. Mais quand cette extraordinaire lumière de l'esprit eut été allumée en moi, je
compris aussi tout ce que je devais à Dieu le Seigneur, qui est plus encore notre Père plein
d'amour !
9. Dès lors, je compris l'inestimable valeur de mon existence, ainsi que de celle de tout
homme, et je ne puis désormais assez louer et aimer Dieu le Seigneur et tous les humains !
10. Quant aux miracles, j'en étais l'ennemi mortel, tout comme toi : mais je suis
convaincu d'avance que d'ici peu, tu seras et penseras comme moi à présent. Presque tous
ceux qui sont ici à cette table peuvent, si tu le leur demandes, témoigner que ce que je viens
de te conter est parfaitement véridique.
11. Mais le plus grand témoin et le plus digne de foi est précisément le Seigneur Lui-
même, qui t'a envoyé à moi afin que je t'apprenne si, comme tu sembles le penser, un homme
ne doit vraiment à Dieu ni gratitude, ni louange, ni amour ! »
GEJ3 C223
De l'ordonnance naturelle des mondes
1. Murel dit : « Je te remercie, ami et frère Philopold, pour la révélation que vient de
me faire ton esprit profondément éveillé ! Dans sa grande sagesse, Salomon n'avait sans doute
jamais imaginé une telle chose. Il est vrai qu'elle est si extraordinaire que tout homme doué de
raison ne peut dès l'abord que la mettre en doute, parce qu'il n'y en a pas l'ombre d'un
pressentiment dans notre entendement humain superficiel et pourtant, je ne peux désormais
plus avoir le moindre doute à ce sujet. Car tu n'aurais pu me conter toutes ces choses si elles
n'étaient pas fondées sur ta propre expérience objective : jamais, depuis qu'il y a des hommes
sur terre, un homme n'aurait pu imaginer cela, et tu n'aurais pu y songer toi-même si tu n'y
avais été conduit par une expérience très claire. Ce sont des choses que l'on n'invente pas, et il
faut que ce soit une révélation parfaitement miraculeuse d'en haut, aussi l'admets-je comme
aussi évidente que si je l'avais moi-même vécue.
2. Mais parle-moi encore un peu de ce monde des étoiles : car je ne parviens toujours
pas à imaginer comment ces minuscules points lumineux peuvent être des mondes ! »
3. Philopold dit : « Ah, cher ami, ce sera un peu difficile, parce que tu n'as encore
aucune notion de ce monde-ci ni aucune représentation vraie de son apparence extérieure et
de sa structure physique comparée à celle des autres mondes ! Il faut donc que je te dise
d'abord à quoi ressemble cette terre et comment elle est faite, et il te sera plus facile ensuite de
te faire une juste idée de ce que sont les autres mondes.
4. Philopold décrivit alors toute la terre à Murel comme un distingué professeur de
géographie, appuyant ses dires sur ce que Murel n'avait pu manquer de voir et de rencontrer
lors de ses grands voyages. Il lui montra aussi pourquoi, en conséquence, le jour et la nuit
devaient invariablement se succéder l'un à l'autre, et il lui expliqua aussi la lune avec sa
nature, son éloignement et sa vocation, ainsi que les autres planètes qui dépendent de notre
soleil.
5. C'est seulement lorsqu'il en eut terminé avec ces explications, qu'il rendit aussi
claires et palpables que possible, qu'il passa aux étoiles fixes, poursuivant en ces termes :
6. « Tu viens de faire connaissance, autant qu'il est possible en un temps si bref, avec
la nature de notre terre, de la lune, du soleil et des autres planètes qui l'entourent, et tu ne peux
plus guère douter que les choses sont ainsi et ne sauraient en aucun cas être différentes ; à
présent, je puis te dire que tous les points lumineux, grands et petits, ne sont eux-mêmes rien
d'autre que des mondes solaires d'une taille extraordinaire, certains incroyablement plus
grands que ce soleil qui est le nôtre, et dont la taille, pourtant, pourrait te donner le vertige.
7. S'ils nous paraissent si petits, c'est à cause de leur prodigieux éloignement. Imagine
l'énorme distance de notre terre au soleil prolongée quatre cent mille fois, et tu auras à peu
près la distance de notre soleil à l'étoile fixe la plus proche. Tu comprendras aisément par là
pourquoi elles semblent si petites à nos yeux de chair, puisque notre soleil, pourtant assez
grand pour contenir un million de fois notre terre, nous paraît déjà à peine aussi grand que la
surface d'une main.
8. D'autres étoiles fixes, cependant encore visibles à nos yeux, sont si
incommensurablement éloignées que nous n'avons pas de nombres pour désigner la distance
qui nous en sépare. Si tu as bien saisi cela, il te sera assurément très facile de concevoir que
ces petits points lumineux peuvent fort bien être des mondes d'une taille prodigieuse, même
s'ils n'apparaissent pas à nos yeux de chair pour ce qu'ils sont ! - As-tu bien compris tout
cela ? »