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La matrice de l'âme : Le siège des antennes psychiques. Tome XI. Le pouvoir de l'intelligence intuitive et le mirage du matérialisme.- Le Silence de la Danse de l'Horloge galactique.
La matrice de l'âme : Le siège des antennes psychiques. Tome XI. Le pouvoir de l'intelligence intuitive et le mirage du matérialisme.- Le Silence de la Danse de l'Horloge galactique.
La matrice de l'âme : Le siège des antennes psychiques. Tome XI. Le pouvoir de l'intelligence intuitive et le mirage du matérialisme.- Le Silence de la Danse de l'Horloge galactique.
Ebook3,790 pages41 hours

La matrice de l'âme : Le siège des antennes psychiques. Tome XI. Le pouvoir de l'intelligence intuitive et le mirage du matérialisme.- Le Silence de la Danse de l'Horloge galactique.

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About this ebook

Il est une tradition épistémologique déjà établie qui tient pour un acquis irréversible d'avoir séparé la métaphysique, la philosophie et la religion de la science. Inversement, il est aussi tout à fait possible de manipuler des idées sans avoir précisément à l'esprit ce qu'elles représentent. Mais pourquoi vouloir opposer par et dans une hystérie nihiliste l'évidence a-logique de l'indicible de l'irrationnel à la logique rationnelle du dicible ? Comment le scientifique peut-il observer l'univers sans être observé par l'Univers ? L'Univers n'est pas sa création. Dans le coeur de tout être humain se trouvent gravées les lettres de l'Univers : Alpha et Oméga. La découverte de l'illimité pour le scientifique est sa fulgurante rencontre avec le Mystère des Mystères. La richesse de la fécondité de la science se trouve dans ses limites, d'un point de vue ontologique : la sagesse qui consiste à reconnaître par l'Illusion cosmique l'illimité au-delà de la science, dans l'âme et avec le corps. D'où l'importance de la métaphysique immatérielle pour l'étude de l'objet de la science. En attendant la Danse de l'Horloge galactique commence par la circulation énergétique du Point Zéro.
LanguageFrançais
Release dateDec 23, 2014
ISBN9782312030227
La matrice de l'âme : Le siège des antennes psychiques. Tome XI. Le pouvoir de l'intelligence intuitive et le mirage du matérialisme.- Le Silence de la Danse de l'Horloge galactique.

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    La matrice de l'âme - Sekou Sanogo

    cover.jpg

    La matrice de l'âme :

    Le siège des antennes psychiques.

    Sekou Sanogo

    La matrice de l'âme :

    Le siège des antennes psychiques.

    Tome XI

    Le pouvoir de l'intelligence intuitive et le mirage du matérialisme.

    Le silence de la danse de l'Horloge galactique.

    LES ÉDITIONS DU NET

    22, rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes

    © Les Éditions du Net, 2014

    ISBN : 978-2-312-03022-7

    ***

    "Il faut trois substances pour donner son corps à toute chose".

    Paracelse

    ***

    img2.png

    ***

    "Au commencement du XVIème siècle, alors que toute la science somnolait en répétant les oracles d'Avicenne et de Galien, apparaît un homme à la voix forte, médecin et chimiste, qui se dresse en adversaire des lois établies, brûle les livres médicaux des Grecs et des Arabes, parle philosophie en langue vulgaire, guérit les malades contre toutes les règles de l'art et court l'Europe, buvant avec le premier venu, bataillant avec beaucoup, étudiant avec tous.

    Son rôle fut si grand qu'à son époque même, son nom souleva des émeutes. Paracelse eut des disciples fidèles, des admirateurs bruyants, des malades reconnaissants jusqu'à la dévotion ; il eut aussi parmi les médecins, des ennemis féroces dont la violence justifie assez les apostrophes véhémentes qu'on lui a si souvent reprochées. Ce " monstre vomi par l'enfer, ce chemineau innommable" comme l'appelaient les Eraste, les Dessenius{1} (1) et tant d'autres confrères dont la boutique se désachalandait, faisait rire les malades et gémir les apothicaires de Rome à Londres el de Paris à Varsovie ; aucun homme, sauf plus tard Cagliostro, ne suscita pareil tumulte autour de lui.

    [...]

    Aujourd'hui où la connaissance du latin disparaît, hélas! à grands pas, la publication d'une traduction de l'Achidoxe Magique présente un intérêt capital, et nous espérons que d'autres traités de Paracelse nous seront encore donnés ; tout lecteur habitué aux auteurs hermétiques et aux philosophes mystiques, étudiant sans parti-pris les œuvres de notre auteur, y trouvera de grandes et fécondes vérités au milieu de beaucoup d'obscurités voulues{2} ou inévitables. Il estimera d'abord l'œuvre de Paracelse pour les enseignements qu'il y puisera ; puis il aimera l'auteur, comme nous l'avons fait, en l'étudiant de plus près dans sa vie débordante d'activité ; car ses livres ne sont qu'une portion de lui-même, la plus petite, la moins vivante ; ses actes, ses sentiments, révèlent plus puissamment encore l'esprit qui l'animait.

    S'il eût vécu de nos jours, il eût été pour nos sciences actuelles, fortes de leurs admirables découvertes et de leurs énergiques intransigeances, un révolutionnaire d'une bien autre envergure, un semeur de bien plus extraordinaire moissons. C'est ainsi qu'il fau t songer à lui ; c'est ainsi qu'on peut l'admirer sans réserves, en le désaffublant par la pensée du costume suranné et du bizarre accoutrement sous lequel nous sommes habitués à le considérer ; alors au travers du Paragranum mystérieux, du Labyrinthus décevant, ou de l'Archidoxe magique, tout constellé de talismans, nous pourrons évoquer, en vérité, l'esprit de Paracelse"{3}.

    Nous voici dans la trinité contemplative fixe immuable, résidant encore dans l'incréé, non encore aboutie suivant la nécessité primordiale inhérente à toute contemplation ultimement parachevée.

    Car, en effet, pour qu'il y ait vraiment création contemplative, il faut entrer par la porte de l'être, contemplatrice créatrice, résider dans le lieu de l'être, contemplation création et sortir par la porte de l'être, contemplée créée". Il faut circuler, trépasser (passer trois fois) d'un être à l'autre. L’alchimie a bien intégré cette trinité élaboratrice{4}. Cette gravure, extraite d'un traité attribué à Michel Maier, le Symbola aureae Mensa, date de 1617. Elle représente l’androgyne recevant le Y (=9 !), en présence de l’autorité spirituelle. Le Y représente la pierre philosophale lumineuse immanifestée, (toute chose adhère à l’un qui se fend en trois). C’est la triple nature de la pierre qui est ici évoquée. Julius Evola a rappelé que le Y (le man runique) est le signe de l’homme cosmique aux bras levés. Les trois rayons initiaux, permettant de réaliser son être androgyne en surmontant le principe de la dualité. Car c’est un fait, il existe une femme, un homme, et comme troisième, l’enfant, androgyne les premières semaines de gestation…{5}.

    img3.jpg

    {6}

    (Symbola Aureae Mensa, Maier, 1617)

    Nous sommes ici à la racine triviale du mouvement, à la racine des êtres, des mondes, à la racine de la lumière constituant la cosmogénèse. C’est l’énergie première manifestée, l’Hyle, le Mercure Philosophique ou Matière Première de l’œuvre, la Materia Prima.

    ***

    "Dans cette lumière mon esprit aussitôt a vu au travers de toutes choses, et a reconnu dans toutes les créatures, dans les plantes et dans l’herbe, ce qu’est Dieu, et comment il est, et ce que c’est que sa volonté. Et aussi à l’instant, dans cette lumière, ma volonté s’est portée, par une grande impulsion, à décrire l’être de Dieu.

    Mais comme je ne pus pas aussitôt pénétrer le profond engendrement de Dieu dans son essence, ni le saisir dans ma raison, il s’est bien passé douze années avant que la vraie intelligence m’en fût donnée". David Böhme

    L’effet du symbolisme occulte (caché) sur la psyché humaine est un secret joliment gardé. Même si des psychanalystes comme Carl Jung ont beaucoup écrit à ce sujet, et que la communauté ésotérique l’énonce clairement. Les gens ne réalisent simplement pas à quel point ils sont sujets tous les jours à une manipulation sophistiquée par ces symboles terriblement puissants. De même que les percées scientifiques sont engrangées par les militaires, ces psychopathes de l’élite doivent tout transformer en arme, au lieu de les utiliser pour le bien de l’humanité et de notre monde. Et ils se plaignent du comportement des masses ? Belle couverture pour leur perfidie.

    ***

    img4.png

    {7}

     Les signes et les symboles gouvernent le monde, non les mots ni les lois  – Confucius

    ***

    "C’est ainsi qu’il en a été de mon esprit : le premier feu n’était qu’une semence ; mais non pas une lumière permanente.

    … C’est de cette lumière que j’ai reçu méconnaissances, ma volonté, et mon impulsion". David Böhme

    ***

    img5.png {8}

    Les deux sphères sur les piliers

    ***

    Les deux sphères sur le Dollar de Pilier furent abrégés sur certaines pièces, que l’on voit sous forme de demi-cercles plutôt que de cercles complets. Le symbole des Gémeaux me semble représenter Deux Piliers debout sur le demi-cercle de la Terre, couronné par le demi-cercle de la voûte du Ciel. Les  Frères de la Maison " cherchant à communiquer avec leurs autres frères saisiraient l’occasion d’imprégner leurs réalisations architecturales avec un motif dont la symbolique est à ce point riche, et il n’est pas surprenant que le duo Rockefeller soit membre des Illuminati, totalement immergé dans la quête du pouvoir qu’apporte l’argent. En guise de Grand Œuvre, le World Trade Center des Rockefeller cherchait à incarner les idéaux de l’époque moderne, l’Ère de l’Information, et le concept de Paix Mondiale au travers du Commerce Mondial. {9}

    ***

    img6.png

    ***

    Les façades occidentales de ces trois cathédrales sont presque identiques, partageant ces particularités uniques :

    1) deux tours jumelles en haut,

    2) une rosace géante au centre,

    3) une triple entrée.

    img7.png

    Planche Tracée

    ***

    Ce modèle répétitif est passé inaperçu aux professeurs et chercheurs, et jusqu’ici personne ne l’a souligné, désigné, ni expliqué sa symbolique. Cette façade occidentale répétitive n’est, cependant, rien de plus qu’un  Code des Cathédrale  : un message destiné aux Maçons eux-mêmes, encodé dans la pierre et dissimulé à la vue de tous.

    La Planche Tracée Maçonnique est un mystère aux Maçons d’aujourd’hui qui ne sont pas informés. Cette Planche Tracée est une énigme pour les Maçons modernes, les auteurs ésotériques, et même les chercheurs en occultisme : ils ne connaissent pas son objet et ignorent son symbolisme. La Planche Tracée, cependant, détient la clé des façades gothiques occidentales, et le secret perdu des Franc-Maçons y est encodé.

    img8.png img8.png

    La Planche Tracée est le Plan des Cathédrales Gothiques

    La Planche Tracée est le plan directeur des façades occidentales ci-dessus, c’est cela sa vraie signification. C’est le plan directeur de cette façade, comme en témoignent toutes les ressemblances :

    img9.png

    Les Deux Piliers de la Planche Tracée Maçonnique (à gauche) et les Tours Jumelles de la cathédrale gothique (à droite).

    ***

    Il y a un siècle, l’auteur franc-maçon Walter L. Wilmshurst (1867 – 1939), l’un des seuls Maçons modernes qui comprit la Maçonnerie en profondeur, expliqua :

     Les [Deux] Piliers… ont été intégrés dans l’architecture chrétienne. Si vous pensez à la construction de York Minster ou de l’abbaye de Westminster, vous reconnaîtrez les deux piliers dans les deux grandes tours qui flanquent l’entrée principale…  – W. L. Wilhmshurst, The Meaning of Masonry, 1922

    img10.png

    {10}

    À gauche : l’abbaye de Westminster, à Londres. A droite : la cathédrale d’York.

    ***

    Que signifient les Deux Piliers sur la Planche Tracée ? Pourquoi il y a-t-il un soleil sur le pilier de Jakin et une lune sur le pilier de Boaz ? Représentent-ils tous les deux cela ? L’explication ordinaire de la Maçonnerie voudrait que les Deux Piliers soient " Jakin  et  Boaz , et qu’ils ornaient autrefois le Temple du Roi Salomon à Jérusalem. Bien que cette histoire puisse être vraie, elle n’explique pas le soleil et la lune (qui sont en fait jamais mentionnés dans l’explication Maçonnique) et ne dit pas non plus que les piliers sont des milliers d’années antérieurs à Salomon et même au judaïsme. Cette dualité Soleil/Lune est d’une importance capitale : Les premières cultures du monde percevaient le Soleil et la Lune comme des  contraires parfaits  ou une parfaite  paire d’opposés "{11}.

    ***

    img11.png

    Les Deux Piliers et les Contraires

    ***

    Ainsi les 2 piliers, comme le soleil et la lune, le masculin et le féminin, le noir et le blanc, le bien et le mal, etc, sont la représentation fondamentale du principe des contraires en Maçonnerie. C’est essentiel à la Franc-maçonnerie, car cette  paire des opposés  représente le monde matériel, tandis que l’âme ou le spirituel est supposé se trouver dans l’équilibre de ces choses. C’est joli. Jusqu’à ce que vous gravissiez les échelons de leurs enseignements cachés, et que vous compreniez comment ils utilisent l’occulte pour contrôler l’humanité en leur faveur, à n’importe quel prix. Parlant de ces Rockefellers Maçonniques… voici quelque chose sur cet occulte Rockefeller Center à New York qui vient confirmer cette base Maçonnique et illustre comment ils utilisent la  paire des opposés .

    ***

    Table des matières

    Table des matières

    Introduction

    Première partie : L'Unité de la divinité dans la connaissance.

    Chapitre I : La divinité en mouvement dans la connaissance

    Chapitre II : L’illumination mystique, le trait de génie et la révélation soudaine

    2. 5. Les origines occultes de la science.

    Deuxième partie : La réalité virtuelle  et l'interdépendance du crée et de l'incréé : la source de Tout.

    Chapitre III : L'esprit universel, la tension émotionnelle,  la nature de la conscience.

    Un changement de paradigme du côté de la science

    Chapitre IV : L'intuition mystique, la foi, l'intelligence et la science

    Chapitre V : Vers une ouverture mentale par la Matière, l'Esprit et la Vie.

    Chapitre VI : L’âme en l’Homme et l’Image de Dieu

    Chapitre VII : La divinité consciente de la Nature

    Chapitre VIII : Les connexions paradigmatiques des cultures

    Troisième partie : La science et le mysticisme : Est-ce le grand divorce ?

    Chapitre IX : L'expérience mystique, la fécondation du flot d’énergie,  l’essence spirituelle.

    Chapitre X : La rationalité irrationnelle du rationnel

    Chapitre XI : La science, la vérité et l'erreur

    Quatrième partie : Les conceptions du monde et de l’homme dans la pensée orientale.

    Chapitre XII : Un paradigme phénoménologique holistique du corps en situation

    Cinquième partie : Silence ! La connaissance originale  des Traditions progresse face à la médecine scientifique.

    Chapitre XIII : Le corps quantique

    Chapitre XIV : Le paradigme d’orient vu de l’occident :  des rapprochements mais une scissure toujours présente.

    Un nouveau paradigme

    Une opposition émanant de l'establishment

    14. 2. Le changement de paradigme personnel

    Chapitre XV : Approche paradigmatique de l'unité de l'univers  dans la perspective orientale

    Chapitre XVI : La pensée chinoise de l'homme et le corps humain dans la médecine chinoise.

    Chapitre XVII : Les représentations des fonctions du pictogramme du corps humain de l’univers.

    Chapitre XVIII : Le rapprochement entre la médecine,  la science et la spiritualité.

    Chapitre XIX : Les Trois Trésors de l'Homme : Le Jing, le Qi et le Shen.

    Chapitre XX : Le mouvement énergétique du Qi

    Conclusion

    Bibliographie

    Introduction

    " Ceux qui ne s’attendent pas à l’inattendu ne le trouveront pas, car il est inexploré et dénué de piste ". (Héraclite).

    "La première constatation qui devrait s'imposer à l'homme quand il s'interroge sur la nature de l'Univers, c'est la primauté de ce miracle qu'est l'intelligence -ou la conscience ou la subjectivité -et par conséquent l'incommensurabilité entre celles-ci et les objets matériels, qu'il s'agisse d'un grain de sable ou du soleil, ou d'une créature quelconque en tant qu'objet sensible." (Frithjof Schuon, Du divin à l’humain)

    "Je maintiens que le sentiment religieux cosmique est la motivation la plus forte et la plus noble de la recherche scientifique{12}".

    Il est une tradition épistémologique déjà établie qui tient pour un acquis irréversible d'avoir séparé la métaphysique, la philosophie et la religion de la science. À l'évidence, au regard de certains de chercheurs il se peut que parler de métaphysique et de transrationalité dans le cadre d'un discours sur la sociologie relève d'un invraisemblable solécisme intellectuel doublé d'une profonde régression. Là il faut bien appeler un chat un chat et un préjugé un préjugé. Nous sommes donc invités à revoir notre modèle de la conscience et peut être même à le retourner entièrement. Ce qui nous ramène à un très ancien débat portant sur la philosophique, la science et la métaphysique. Dans notre approche, le spiritualisme est à l'exact opposé de l’épiphénoménisme matérialiste.

    "Notre état normal de conscience éveillée, la conscience rationnelle comme nous la nommons, n’est rien d’autre qu’un type particulier de conscience ; partant de là et séparées d’elle par les plus transparents écrans, se trouvent des formes potentielles de conscience entièrement différentes{13}".

    Comme son titre l’indique, La matrice de l'âme : Le siège des antennes psychiques, notre ouvrage essaie de porter quelques lumières sur l’obscur et redoutable océan cosmique. Sans prétendre offrir des réponses aptes à guider ou à éclaircir la navigation du navire sociologique, ce livre vise, en soulevant des questions et des problèmes, à signaler certaines voies fécondes pour l’exploration de la connaissance et à mettre en garde contre les esprits rétifs et les récifs susceptibles de conduire à un naufrage. En outre, le sous-titre montre que ce livre entend évoluer dans un cadre aussi varié et contrasté que possible. D'un côté, le contenu de notre livre est bâti sur des approches et des éclaircissements multiples. Cela est à dire que notre approche comporte avant tout plusieurs champs de la recherche, dans lesquels une problématique de l'expérience de l'homme et de l'expérience de Dieu{14} est abordée sous divers angles. De l'autre côté, ce livre se veut radicalement un espace d’échanges, de débats et de discussions entre des penseurs de différents horizons.

    Pour les besoins de l'analyse philosophique et religieuse nous n'aurons pas à tenir compte des énormités qui ont noirci l'histoire de plusieurs religions mondiales. Il faut rappeler sous ce rapport avec Helena Petrovna Blavatsky{15} que la vraie foi est la personnification de la charité divine ; ceux qui desservent ses autels ne sont que des hommes. En feuilletant les pages maculées de sang de l'histoire ecclésiastique, nous trouvons que, quelque fût le héros et quelque costume qu'aient revêtus les acteurs, le plan de la tragédie a toujours été le même. Mais la Nuit éternelle les couvrait toutes et nous passons de ce qui est visible à ce qui est invisible pour l'œil des sens. Notre désir ardent est de montrer aux âmes véritables comment elles peuvent "soulever le rideau et dans l'éclat de cette Nuit faite Jour, regarder d'un œil que rien ne peut éblouir, la vérité sans voile".

    Comme le suggère Maurice Zundel, l'être humain et le monde sont un mystère ; la clé pour le comprendre est l'émerveillement. S'émerveiller est le commencement de l'aventure humaine et l'origine de la philosophie ; c'est aussi ce qui nous rend capables de déchiffrer le Livre de la Vie. La personne qui a perdu la capacité de s'émerveiller, de s'étonner et d'être frappée de respect est comme si elle était morte. Cette phrase, que Zundel attribue au grand physicien Albert Einstein{16}, traduit bien son attitude dans la vie. Sous cet angle optique, laissons la parole à Didier Van Cauwelaert :

     L’intelligence, nous dit l’étymologie, c’est ce qui crée des liens entre les choses. La religion aussi. Dévissons donc la bêtise et le fanatisme aveuglants qui sont devenus les ampoules de notre siècle de lumières basse consommation. Redevenons des éclaireurs curieux, des spectateurs sans œillères, des penseurs buissonniers, des rêveurs lucides .

    Voilà une jolie tirade qu'il nous faudra redéployer sous l'angle de ce thème, L’homme intérieur ou la liturgie du cœur, donnant ainsi la possibilité de jeter ici un faisceau d'éclairage sur l'humilité qui puisse caractériser l'homme et de dévisser le mécanique de la sottise de l'intelligence, auquel il s'identifie.

    Lorsque l'âme humaine, soit par l'essor qu'elle peut se donner, soit gratuitement, est élevée jusqu'au sentiment intime de l'être universel qui embrasse tout, qui produit tout, enfin jusqu'au sentiment de cet être inconnu que nous appelons Dieu, elle ne cherche pas plus que dans la découverte des axiomes partiels à se rendre compte de cette vérité totale qui la subjugue, ni de la vive jouissance qu'elle lui procure ; elle sent que ce grand être ou ce grand axiome est par lui-même et qu'il y a impossibilité qu'il ne soit pas. Elle sent également en elle dans ce contact divin la réalité de sa propre vie pensante et immortelle. Elle n'a plus besoin de se questionner sur Dieu ni sur elle-même ; et dans la sainte et profonde affection qu'elle éprouve elle se dit avec autant de ravissement que de sécurité : Dieu et l'homme sont des êtres vrais qui peuvent se connaître dans la même lumière et s'aimer dans le même amour{17}.

    Dès lors, comment l'homme peut-il avoir le sentiment certain de ces immuables vérités ?

    "L'homme n'est pas encore : il faut qu'il devienne"{18}. Il est venu au monde sans son consentement ; il a reçu, et il reçoit encore toute une série de déterminismes, d'influences qui le conditionnent et très souvent le dominent entièrement, pour en faire un objet de plus dans un univers de purs objets. Ainsi, quand il parle de je et de moi, il ne se rend pas compte du peu de personnel qu'il met dans ces pronoms.

    Écoutons Maurice Zundel :

    L'Homme n'est pas encore né, et nous pouvons le concéder en raison de nombreuses expériences, à chaque fois confirmées ; l'Homme, la plupart du temps, presque toujours, n'est que l'expression de ses automatismes, qu'ils viennent d'une lointaine enfance, ou qu'ils viennent de ses origines animales, peu importe, l'Homme presque toujours est préfabriqué et agit conformément à ses préfabrications{19}.

    À ce stade-ci, la tragédie humaine consiste dans le fait que l'homme, mû par ces diverses influences extérieures, est capable de les justifier et d'en faire le supplice des autres et de soi{20}. C'est en examinant cette situation qu'on peut arriver à conclure que l'homme n'existe pas encore du simple fait qu'il soit né. L'homme met sa valeur dans l'avoir, dans la prétention à être quelque chose. Or, dans cette situation d'extériorité par rapport à nous-mêmes, il est très difficile de parler de dignité, d'inviolabilité, car alors l'homme croit en son savoir et en son pouvoir : il ne croit plus en lui-même{21}.

    Il reste cependant un espoir : bien que l'homme ne soit pas encore, bien que l'avoir dévore l'être dans la plupart des cas en nous faisant vivre dans l'extériorité, il y a des circonstances où l'homme peut être mis en question, où il est appelé à faire un choix. Pour Maurice Zundel, même si, peut-on dire, l'homme a été jeté dans l'existence sans son consentement, comme d'ailleurs le reste des créatures, il prend un jour conscience de son existence et peut s'interroger sur sa vie, la mettre en question, la poser, la refuser, la juger{22}.

    En devenant plus humains, nous devenons source d'un bien universel où les droits humains trouvent leur fondement. C'est un itinéraire réalisable qui demande une vie entière et qui, tout comme la vie, est un processus dynamique.

    Citons Maurice Zundel :

    Nous ne croyons pas l'homme parfait. Nous le croyons perfectible. La perfection ne sera jamais réalisée par tous, ni en même temps, ni au même degré. Elle est une direction plus qu'un achèvement. Il s'agit de l'inscrire, justement sous cet aspect, comme une ligne de visée, dans toutes nos institutions. C'est pourquoi nous avons dit, si souvent, qu'un ordre authentique ne peut s'établir qu'en direction de l'homme possible{23}.

    Dans ce processus dynamique vers l'homme possible se trouve la démarche libératrice de l'homme qui accède à la dignité de la personne. C'est cet itinéraire qu'il importe de parcourir pour acquérir l'inviolabilité et l'aséité{24}, pour être une personne libératrice et créatrice de valeurs, car on ne se sent libre vraiment, on n'est comblé qu'en face des êtres qui portent en eux un espace illimité, où une Présence infinie se respire{25} . Ainsi, la liberté, loin d'être un obstacle pour la rencontre de Dieu, en est le berceau.

    La liberté se présente dans notre vie{26} comme une vocation inséparable de notre devenir homme{27}. La grande aventure humaine consiste dans la conquête de la liberté{28}, aventure qui met en évidence le fait que l'homme ne naît pas libre : il apporte au monde une exigence de liberté. Sans aucun doute la quête de la liberté, que Zundel perçoit dans la culture contemporaine comme une revendication contre toute contrainte externe, a une dimension positive, qu'il souligne bien : c'est la révolte du sujet devant tous ces absolus qui s'imposent à la conscience. Nous le savons bien, nous qui vivons cette expérience familière : la découverte de l'inviolabilité de la conscience humaine.

    Y a-t-il, y a-t-il un dénominateur commun, y a-t-il un phénomène humain absolument universel où tous les hommes puissent se rencontrer ? Y a-t-il enfin une expérience que chacun fait inévitablement et à laquelle il est essentiellement attaché ? Je pense qu'une telle expérience existe et que l'on peut dire en un mot qu'il s'agit de l'inviolabilité de la conscience humaine{29}.

    C'est ainsi qu'il faut remarquer que pour Zundel la prise de conscience de la dignité et de l'inviolabilité de la personne se traduit par une revendication absolue de liberté contre toute décision imposée de l'extérieur. De fait, la libération de contraintes externes est déjà quelque chose de positif dans notre devenir-homme{30}. Pour saisir la nature de l'intimité inviolable humaine, Zundel cherche du côté de l'existence même de l'homme. Il essaie de la repérer à travers l'information que recèlent les expériences humaines. C'est ici qu'entre en jeu l'apport de la culture, de la science et des relations interpersonnelles qui, à ses yeux, constituent des lieux majeurs de découverte, de connaissance, d'émergence et de construction de ce plus que soi-même. Zundel privilégie ces lieux d'expérience du fait que la beauté, la vérité et l'amour ouvrent en l'homme un espace de liberté, c'est-à-dire un espace où la vie de l'esprit peut se vivre. En effet, de nombreux témoignages d'artistes, d'hommes de science ou de personnes vivant une relation amicale ou amoureuse, révèlent qu'ils atteignent par moments un niveau d'expérience, d'une durée variable, où ils se perdent dans un espace de communion avec plus qu'eux-mêmes.

    Or, cet espace de communion incite l'homme à se distancier de son moi possessif. Il l'interpelle vers ce pôle intérieur jamais atteint mais dont le souvenir persiste dans son esprit. L'homme ressent alors une sorte d'élan qui le propulse vers ses origines, que Zundel dit situées toujours en avant de lui. À cet instant, l'homme décolle de lui-même comme dans ces moments où l'artiste, le savant ou l'amoureux cherche à dire, à peindre, à saisir, à structurer ou à embrasser l'image, la vérité, ou ce mélange de connu et d'inconnu qui le dépasse. Ces moments particuliers de création, de découverte ou d'amour, Zundel les décrit en empruntant à Zweig l'expression "heures étoilées{31}". René Habachi précise comment agissent ces moments de pur bonheur et de communion, tellement ils suggèrent la présence d'une présence.

    Moment exceptionnel [...], où l'homme est arraché à lui-même dans une sortie de soi, dans une sorte d'extase qui le délivre de son moi/préfabriqué et possessif pour le projeter en pur élan vers une rencontre qui n'a plus rien d'utilitaire ou de narcissique. L'être se trouve alors comblé par une présence gratuite qui le désenchaîne de lui-même, en l'éveillant à son moi/origine, en le confirmant dans cette assurance qu'il n'est lui-même que dans l'élan où il se donne, dans la relation où il se crée, dans cette ferveur où son moi s'efface au bénéfice de la valeur qu'il dévie{32}.

    Ce sont des moments qui, par et dans un mouvement d'intériorisation, projettent l'homme hors de lui-même et le laissent imprégné de plénitude et d'admiration. Il se retrouve alors en relation avec une présence inconnue qui l'aimante sans cesse vers elle. L'homme tend vers ce pôle intérieur par lequel se construit progressivement, en lui-même, ce plus que lui-même. Plus celui-ci prend forme, plus il a conscience de cette présence et plus la rencontre se vit d'une manière unique. "Cette relation à une présence, qui se dit à travers l'art, la vérité ou l'amour, est d'autant plus personnelle, évidemment, que l'artiste, le savant et l'homme de désir deviennent des personnes{33}".

    C'est bien en cela que l’homme libre doit conserver sa lucidité devant le réel, son pouvoir de délibération ; car s’il perdait toute lucidité et tout pouvoir de délibération, il perdrait du même coup sa liberté. Tout se joue donc au niveau de la disponibilité à elle-même de l’intelligence. Où bien je me soumets aveuglément aux mobiles sensibles de la séduction du plaisir, de l’attrait du désir, ou bien je ne me laisse déterminer que par des motifs intellectuels qui résultent d’une considération juste et saine de la situation d’expérience actuelle{34}. Pour que je puisse juger sainement, il faut que mon intelligence garde son indépendance, observe un retrait et ne soit pas asservie au domaine des sens. C’est là une exigence élevée, mais ce pouvoir est peut-être en nous. C’est pour Descartes une évidence incontestable :  il est évident que nous avons une volonté libre qui peut donner son consentement ou ne pas le donner quand bon lui semble, que cela peut-être compté pour une de nos plus communes notions . La volonté s’appartient à elle-même, parce que la conscience s’appartient à elle-même.

    Se pose une question : Pourquoi notre intériorité est-elle si lamentable ?

    Il faudra entendre que l'homme a dévié de son essence au début de sa création et, par le fait même, il a rompu son partenariat avec Dieu. La création est donc en attente de l'engagement de l'homme d'advenir à lui-même afin de poursuivre avec Dieu l'œuvre inachevée, l'engagement de Dieu étant éternellement assuré{35}.

    Tout l'univers est suspendu à chacun des battements de nos cœurs avec le poids infini de la tendresse qui le fait naître et qui nous le confie, pour que nous fermions le oui, qui lui a donné l'être, comme l'anneau des fiançailles prélude à l'éternel mariage.

    La création est achevée du côté de Dieu, elle ne l'est point du nôtre. Et il ne nous est pas demandé moins que de devenir les collaborateurs de Dieu (lCo 3, 9) dans l'œuvre de pur amour qui doit faire de toute créature le reposoir de sa tendresse et l'ostensoir de sa joie{36} .

    L'un des nœuds de notre problématique est la croyance en homme. Fait à l'image de Dieu l'homme peut s'élever vers Lui par son auto-désanimalisation. Il n'est pas la recette d'images misérables, étant couvert d'insectes ou comme un tissu décati. Non ! L'homme est plus que cela.

    L'image animale constitue une importante source d'inspiration de l'imaginaire humain. Existant depuis l'Antiquité, où elle fut l'expression d'une profonde imagination à travers des animaux comme le sphinx ou l'hippogriffe, sa forme plus connue sous le nom de " Bestiaire {37}", terme qui apparaît dans la langue française en 1119 pour désigner un recueil de récits sur les animaux{38}, s'imposera surtout au Moyen-Âge où il connaîtra un riche destin. L'image animale y sera, en effet, utilisée dans le but de faciliter la mémorisation dans l'enseignement du dogme chrétien{39}.

    Dans son analyse de l'imaginaire humain, Gilbert Durand souligne que " ce sont les images animales qui [y] sont les plus fréquentes et les plus communes{40}". Il souligne également qu'en plus de l'archétype de l'animal en tant que tel, d'autres significations peuvent lui être attribuées. Il est ainsi, selon lui, possible de relever plusieurs autres caractères, qui au lieu d'être rattachés directement à l'animalité, le sont aux représentations dont se fait d'eux l'imaginaire humain. Moins que les caractéristiques premières de l'animalité, ce sont les représentations qui en découlent et qui constituent 'les structures de l'imaginaire' qui intéressent l'auteur. L'oiseau qu'il cite en exemple, n'est alors considéré comme animal qu'en deuxième instance, la première faisant d'abord de lui, comme de la flèche{41}, un instrument d'ascension. Cet instrument peut s'avérer, par ailleurs symbole de férocité, de mort ou même de sensualité.

    Ces représentations ambivalentes constituent ce que Durand appelle le 'dynamisme des signes', dynamisme dont font preuve quelques représentations de l'imaginaire humain et qui est retrouvé à travers la quasi-totalité des images animales employées dans la poésie de Les Fleurs du Mal{42} {43}.

    Ces structures de l'imaginaire humain résultent, en partie, de ce que Durand appelle le trajet anthropologique qui, selon lui, naît de  l'incessant échange qui existe au niveau de l'imaginaire entre les pulsions subjectives et assimilatrices et les intimations objectives émanant du milieu cosmique et social {44}. Ces structures s'avèrent donc, un intime reflet des représentations acquises tout au long de l'existence, que celles-ci soient individuelles, sociales, religieuses. Ces mêmes représentations, de par leur enracinement dans l'imaginaire humain, se transforment en une véritable vérité mythique {45}, en cela qu'elles saisissent  immédiatement la pensée, (...) en appel [lant] non à l'esprit critique, mais aux profondeurs de la vie personnelle, aux soubassements obscures de la sensibilité {46}.

    Ainsi, de par sa nature d'être humain sous l'influence des représentations d'une, voire de plusieurs civilisations, et de par une éducation catholique qui dès son plus jeune âge le met en contact directe avec des représentations antiques et bibliques, Baudelaire puiserait les images animales dans un bestiaire de représentations préétablies, construites à partir d'un ensemble de vérités mythiques.

    Cheval, animal infernal ; corbeau et araignée, symboles de la mort ; cygne et chat symboles de la sensualité, relèveraient ainsi d'un  Bestiaire Mythique , titre d'un article d'André Siganos, où il propose une classification qui met en exergue l'évolution historique et littéraire de certains animaux considérés comme mythiques, tout en proposant des critères de distinction pour les autres. Sont ainsi distingués trois catégories : le mythe de l'animal (où l'animal serait lui-même l'objet d'un mythe{47}), l'animal mythique (où l'animal prend part dans un mythe{48}) et l'animal mythique littéraire (qui n'est pas forcément mythique en lui-même, mais qui est  hiérophanique{49} ou attribut d'un dieu{50}.

    Voilà pourquoi il est tout aussi important de comprendre le sens des propos de Zundel lorsqu'il parle de liberté. Notamment, il dit : "On peut résumer la condition humaine dans cette formule qui est pour moi la suprême évidence : je ne suis pas, mais je puis être{51}". La liberté zundélienne s'inscrit entre ces deux pôles. Elle prend le sens d'une libération orientée vers l'homme véritable, situé sans cesse en avant. C'est une liberté qui invite l'homme à se créer en se libérant.

    Se pose une autre question : Pourquoi ne parvenons nous pas à vivre de l’union à Dieu ?

    Rappelons ici que "l'homme ne naît pas homme, il est candidat à son humanité, il porte en lui la possibilité de se faire homme{52}". Or, chez Zundel, se faire homme et devenir un être libre sont des réalités qui sont synonymes.

    Ainsi, nous pouvons dire que l'homme ne naît pas libre, il naît seulement candidat à la liberté. En effet, l'homme aspire à une liberté qu'il devra conquérir toute sa vie et cette conquête est à la fois "une vocation, un engagement et une consécration{53}. Zundel emprunte un raccourci quand il dit : Cette conquête constitue, précisément, tout notre devoir, notre seul devoir : le devoir de la liberté{54}".

    Zundel définit la liberté de la manière suivante : "La liberté, c'est ce pouvoir radical de nous donner nous-mêmes, ce pouvoir de jaillir tout entier dans un pur élan de générosité en face d'une générosité qui vient à notre rencontre et qui nous sollicite au plus intime de nous-mêmes{55}". Tout homme est donc appelé à devenir quelqu'un en se libérant des contraintes extérieures, et surtout, en se libérant de l'emprise de lui-même sur lui-même. La liberté résulte de ce renversement par lequel l'homme devient l'auteur de son être et de son agir. Autrement dit, c'est par le don de soi que l'homme se libère et c'est en devenant un être libre que l'homme devient véritablement une personne.

    Selon Zundel, devenir un être libre est la seule entreprise qui soit vraiment de nature à nous satisfaire, c'est-à-dire "la seule qui soit à la mesure de notre âme, la seule passionnante, la seule inépuisable, la seule créatrice{56}. La valeur de l'homme est liée à la liberté qu'il devient : On vaut réellement par ce que l'on est [...]. On vaut, en d'autres termes, par le degré de liberté que l'on a conquis à l'égard de Soi{57}. Cette vocation de liberté, Zundel l'affirme tôt et il la maintient dans son propos jusqu'à la fin. Dans l'une de ses dernières allocutions en février 1975, il réitère les possibilités de l'homme appelé à être libre, c'est-à-dire à réaliser en soi-même une dimension infinie, en étant revêtu de la présence divine qui est le fondement, l'unique fondement de notre dignité{58}".

    C'est en devenant un être libre que l'homme devient un être libérateur, un être créateur de liberté. En effet, sa trajectoire lui a permis de prendre conscience que son moi véritable (moi origine) est un moi qui se donne (moi oblatif). Il prend aussi conscience que ce moi oblatif émerge et s'approfondit au fur et à mesure qu'il naît vraiment à lui-même en l'Autre et pour l'Autre (moi relationnel). Il réalise alors que c'est en étant en étroite union avec Dieu qu'il se libère. Dieu représente pour lui un allié incontournable dans sa quête de liberté. Zundel dit même que Dieu est la "condition sine qua non de celle-ci{59}. Ailleurs il précise que l'expérience humaine se confond avec celle de la liberté et celle-ci, à son tour, s'identifie avec l'expérience de Dieu{60}". Cette liberté fait de l'homme un être créateur. Zundel l'affirme ainsi :

    Je connais désormais la mesure de l'homme. II n'existe que dans cet échange où je est un autre. Il n'est libre que dans cette disponibilité foncière envers l'hôte silencieux qui écarte toute limite. Il n'est créateur qu'en devenant, pour autrui, le ferment discret d'une même libération. Il n'est digne de lui-même qu'en laissant transparaître la vie infinie qui fait de lui une source et une fin{61}.

    Or, à quoi sert d'être libéré de toute contrainte externe si nous restons rivés à nous-mêmes de façon narcissique ? On peut, parfois, dans la vie adulte, stagner dans une attitude égoïste en s'obstinant à se regarder comme le centre du monde, ne laissant guère de place aux autres, utilisés mais non reconnus comme personnes. En ce sens, nous pouvons vivre dans la pure extériorité par rapport à nous-mêmes, empêchés que nous sommes de nous interroger sur nous-mêmes, sur le sens de notre vie.

    Le plaisir qu'ils mettent à se raconter, comme les portraits d'eux-mêmes dont ils aiment à s'entourer, montre qu'ils ne se mettent jamais en question. Ils prennent pour accordé qu'ils sont ce qu'ils sont, qu'ils sont vraiment déjà eux-mêmes et qu'il n'y a pas à remonter au-delà{62}.

    Voilà une situation assez généralisée : liberté à l'égard des contraintes externes et auto-dépendance narcissique à l'égard de soi-même. Or, la personne humaine est appelée à une valeur plus élevée : la libération d'elle-même.

    Zundel se rend bien compte qu'il y a peu de sens à réclamer une liberté totale, sans nous libérer nous-mêmes des contraintes et des déterminismes qui nous conditionnent depuis notre naissance. Selon lui, la liberté consiste non seulement dans le ne rien subir, mais surtout dans le ne pas se subir soi-même, dans la libération des déterminismes internes, en somme dans la libération de soi.

    On entrevoit, dès lors, que la liberté implique une libération intérieure qui nous transforme radicalement, en ouvrant en nous un espace illimité, où nous cessons d'avoir pour horizon ce moi instinctif que nous n'avons pas choisi et qui nous emmure dans le faux absolu de ses partialités{63}.

    Les contraintes, les déterminismes internes, exercent une grande influence sur nous, bien que de façon subtile et parfois inconsciente. Il est alors important de savoir s'en sortir. Le sens même de la revendication de la liberté dans tous les domaines inclut cette liberté intérieure qui nous rend créateur en nous libérant de nos déterminismes. La vraie liberté est aussi une dimension intérieure de la personne, non uniquement une concession extérieure. La liberté s'enracine dans l'homme, elle est une manifestation de sa valeur...

    En conséquence, tout est une question de conscience. Dans cet ordre d'idées, il y a une remarque à faire avec Benjamin Libet. Cela est à dire qu'il se concentre sur l’étude et sur des découvertes empiriques et non sur des conjectures ou autres arguments abstraits, et d’en pousser ainsi de plus en plus loin l’approfondissement. Sur cette pente glissante, un système philosophique semble d’abord se dresser comme un édifice complet, d’une architecture savante, où les dispositions sont prises pour qu’on y puisse loger commodément tous les problèmes. Nous l'admettons cette forme : Benjamin Libet a fait ses preuves de façon on ne peut plus enviable en matière de production de résultats empiriques solides au sujet de la relation existant entre les événements neuronaux et la conscience{64}. Et ces résultats ne sont pas seulement fiables, ils sont également surprenants. Si ses découvertes furent tout d'abord controversées, elles ont néanmoins résisté à l'épreuve du temps. Les découvertes surprenantes jouent généralement un rôle particulier en science dans la mesure où elles bouleversent (par définition) tous les projets inhérents aux idées conventionnelles. Les résultats de Libet doivent désormais être expliqués par le biais d'une théorie de la conscience ainsi qu'à travers leur base neuronale{65}.

    Le travail de Libet s'est concentré sur les relations temporelles entre événements neuronaux et expérience. Il est, entre autres, connu pour avoir découvert que nous décidions inconsciemment d'agir bien avant que nous ne pensions avoir pris la décision d'agir. Cette conclusion a des répercussions cruciales sur l'un des problèmes philosophiques et psychologiques les plus profonds, à savoir le problème du libre arbitre.

    Exposons, dans un premier temps, une brève vue d'ensemble de ladite découverte fondamentale : Libet demanda à des gens de bouger leur poignet au moment où ils le souhaiteraient. Il demanda ensuite aux participants de regarder un point mobile indiquant l'heure, et de noter le moment précis auquel ils avaient décidé de fléchir leur poignet. Les participants notèrent leur intention de le bouger environ 200 millisecondes avant qu'ils ne commencent réellement à le fléchir. Libet mesura également le potentiel de préparation motrice dans le cerveau, qui est révélé par l'activité enregistrée à partir de l'aire motrice supplémentaire (qui est impliquée dans l'initiative motrice). Ce potentiel évoqué était initié quelque 550 millisecondes avant que l'action elle-même ne débute. Les événements cérébraux provoquant le mouvement se présentaient ainsi environ 350 millisecondes avant que le participant n'ait, lui-même, pris conscience d'avoir pris une décision. Libet montre que l'on ne doit pas uniquement cette disparité{66} au temps supplémentaire requis pour noter et rapporter l'heure exacte à laquelle ils avaient décidé de fléchir le poignet.

    Pourquoi ce résultat est-il important ? Considérons deux raisons : tout d'abord, à première vue, le résultat laisse à penser que le fait d'être conscient d'avoir pris une décision pourrait être mieux envisagé comme résultant de processus cérébraux qui réaliseraient en fait le travail plutôt que comme faisant partie de la chaîne causale des événements menant à une décision{67}. Ensuite, Libet fait remarquer que même lorsqu'un mouvement est amorcé par des forces inconscientes, il existe néanmoins largement le temps d'opposer son veto à un acte, une fois que l'on a pris conscience de nos intentions. Libet pense que cette observation laisse la porte ouverte aux idées traditionnelles de libre arbitre.

    À propos de la question du veto, Libet écrit{68} :

    Si l'on admet que tout événement mental apparaît sur le fond d'une activité cérébrale antérieure (ou pour le moins concomitante), qu'en est-il du veto lui-même ? Doit-il être causé par des processus cérébraux antérieurs ? Si le veto conscient est lui-même précédé d'un veto neural inconscient alors la conscience n'est pas déterminante. Si l'intention n'est pas initiée par la conscience mais par une activité électrique subliminale peut-on encore parler de libre arbitre ? De fait, soit le veto émerge instantanément à la conscience, soit son initiation est elle-même inconsciente. Si le veto est lui-même initié inconsciemment, le moment d'agir ne dépendrait absolument pas de la volonté consciente. Libet soutient que le veto n'est pas le résultat direct de processus inconscients lui étant antérieurs. Il concède cependant que si la conscience de la décision d'opposer son veto pouvait nécessiter des mécanismes inconscients lui préexistant, le contenu de cette conscience (la décision d'opposer son veto) constitue une caractéristique distincte ne requérant pas de procéder selon les mêmes conditions.

    Mais est-ce le cas ? Examinons un argument défavorable à l'existence du libre arbitre fondé sur un raisonnement que Strawson a développé en détails.

    À la naissance, nos pensées, sentiments et comportements sont déterminés par les gènes, l'apprentissage prénatal et les stimuli environnementaux.

    Les pensées, sentiments et comportements ultérieurs se développent à partir des bases présentes à la naissance -ils sont déterminés par nos gènes, notre apprentissage préalable et les stimuli actuels. Toutes les décisions et choix sont fondés sur des raisons, qui sont le résultat direct de notre accumulation d'expériences, modulées par des facteurs génétiques.

    Si l'on tente de se changer soi-même, alors tant les objectifs que les méthodes de ce changement sont eux-mêmes déterminés par les gènes, l'apprentissage antérieur et les stimuli environnementaux actuels. C'est donc que l'on peut être est déterminé par ce que l'on est déjà.

    Le fait d'ajouter à cela des facteurs aléatoires ne confèrerait pas le libre arbitre. Klein (2002, Stapp, 2001 et d'autres) note que le simple fait d'ajouter de l'indétermination à un système n'a pas pour vertu de rendre les actions de quiconque libres si celles-ci ne le sont pas préalablement. En fait, ajouter du hasard diminue la liberté plutôt que cela ne l'accroît. Un comportement aléatoire n'est pas le libre arbitre.

    Il n'y a, par conséquent, d'après cet argument, aucun libre arbitre à exercer durant l'intervalle existant entre le moment où nous devenons conscients de l'imminence d'une action et celui où nous la réalisons. Le fait que vous étouffiez, ou non, l'action est aussi déterminée que ne le sont les facteurs qui ont, au départ, engagé l'action. Même si l'on a le temps de passer outre ses désirs inconscients, il ne peut y avoir de libre arbitre à l'œuvre si nos décisions conscientes sont elles-mêmes déterminées (cf Wegner, 2002). Le temps de veto de Libet ne confère pas plus d'occasion d'exercer un libre arbitre que le temps existant entre le moment où l'on met des œufs à cuire et celui où l'on attend qu'ils cuisent, ne donne aux œufs l'occasion de ne pas cuire.

    Libet atteste :

    Je pressens néanmoins, du moins, mon esprit pressent-il que la proposition de Libet a quelque chose d'exact. En particulier, la proposition selon laquelle le contraire du fait d'être déterminé n'est pas nécessairement d'être aléatoire. Klein (2002) note que les visions déterministes classiques sont enracinées dans une vision du monde qui est, en fait, incorrecte. Nombre des événements du monde réel ne ressemblent pas exactement à des boules de billard se heurtant les unes aux autres et se dirigeant, de façon prévisible, vers les côtés de la table de billard. Nous savons que de nombreux systèmes physiques possèdent des comportements chaotiques : la façon dont ils répondent à une perturbation dépend de minuscules différences -en principe, jamais précisément mesurables -inhérentes à leur état initial. Freeman (2000) et d'autres ont montré qu'aux moins certains aspects du fonctionnement du cerveau étaient mieux compris sous l'angle de tels systèmes. Est-il possible que la nature même du cerveau puisse conférer le libre arbitre ?

    La transformation des structures neuronales en représentation subjective semblerait se développer dans la sphère mentale qui a émergé de la structure neuronale (le fait d'employer certains signaux neuronaux spécifiques en vue de guider les référages sensoriels ne nous dit pas comment leréférage est réalisé).

    Comment peut-on relier la conclusion selon laquelle il n'existerait aucune description neuronale directe du référage sensoriel subjectif et d'autres événements mentaux à certaines visions philosophiques portant sur la relation pensée-cerveau ? Premièrement, cette proposition n'évoque ou ne constitue pas un exemple de dualisme, dans le sens cartésien du terme. C'est-à-dire que la proposition ne suppose pas une existence séparable ou indépendante d'un côté, du cerveau physique, et de l'autre, des phénomènes mentaux. "La fonction subjective mentale constitue une propriété émergente des fonctions cérébrales adaptées. Le mental conscient ne peut exister en l'absence des mécanismes neuronaux qui lui donnent naissance. Néanmoins, ayant émergé des activités cérébrales en tant que propriété unique de ce système physique, le mental peut présenter des manifestations qui sont tout sauf évidentes au sein même du cerveau neural qui l'a généré". Cette opinion concorde avec celle embrassée par Roger Sperry{69} à propos des propriétés émergentes d'un système{70}.

    À ce stade, la théorie de l'identité de l'esprit et du cerveau est probablement la théorie philosophique la plus largement acceptée pour relier le physique au mental (voir Hook, 1960). Pour donner une version simplifiée de la théorie de l'identité, disons que les caractéristiques extérieurement observables de la structure et de la fonction du cerveau -en d'autres termes, les aspects physiquement observables -décrivent la qualité externe ou extérieure du système. Les événements mentaux, conscients ou inconscients, décrivent une qualité intérieure du même système ou substrat. C'est-à-dire que le substrat donné est responsable tant des qualités décrites extérieures qu'intérieures. La théorie de l'identité reconnaît que les expériences subjectives ne sont accessibles (en tant que qualité intérieure) qu'au seul individu qui les vit. Mais s'il n'y a aucun événement neural particulier (événement physique) qui corresponde à un événement mental (tel que les référages subjectifs dans l'espace et le temps), il n'y a alors aucun substrat commun permettant de livrer l'identité de ces qualités extérieures et intérieures. Le regretté Stephen Pepper (1960), qui fut professeur de philosophie à l'Université de Californie à Berkeley, fut l'un des premiers tenants de la théorie de l'identité. C'est Benjamin Libet qui a la parole : Au cours de discussion que j'eus avec le Professeur Pepper, il se rendit rapidement compte que nos découvertes liées au référage rétrograde subjectif dans le temps créeraient de sérieuses difficultés à la théorie de l'identité. Ceci est particulièrement vrai s'il n'existe aucun équivalent neural pour cette opération mentale{71}.

    Les théoriciens de l'identité peuvent affirmer que cette apparente déconnexion entre qualités observables et qualités intérieures (mentales) ne constitue rien d'autre que la façon dont se manifestent les deux aspects (extérieur et intérieur) de leur substrat commun unique. Mais cela s'apparenterait à dissimuler des difficultés en ayant recours à un mot, le substrat commun, pour en cacher toutes les propriétés. De plus, le dénommé substrat est une interprétation spéculative qui ne peut être réfutée par le moindre test. Il est, quoi qu'il en soit, clair que les phénomènes intérieurs mentaux possèdent des caractéristiques assez différentes de celles du cerveau physiquement observable, et que les qualités intérieures et extérieures sont chacune non descriptible, a priori, en fonction de l'autre.

    Une autre question : comment devons-nous considérer notre vision ou expérience du présent, du maintenant ? L'existence d'un délai allant jusqu'à 0,5 sec permettant l'apparition de la conscience d'un événement sensoriel a introduit une difficulté : celle de définir ou de comprendre le moment présent. Cependant, l'existence d'une orientation subjective rétrograde dans le temps (remontant au moment de la réponse primaire rapide du cortex sensoriel) resitue l'expérience subjective du présent dans le présent. Nous avons ainsi une étrange situation : la conscience du présent lui-même est réellement différée, mais le contenu de l'expérience consciente est aligné avec le présent. Nous vivons donc, subjectivement, dans le présent antidaté, bien que nous ne soyons en fait pas conscients du présent pendant un temps allant jusqu'à 0,5 sec après que le signal sensoriel est arrivé au cortex cérébral.

    Ces implications ont des conséquences majeures pour ce qui est de certaines visions du présent. Par exemple, Ludwig Wittgenstein aurait dit : Le présent n'est ni passé ni future. Ressentir le présent constitue donc un phénomène de l'ordre de l'intemporel. Mais si notre perception d'une stimulation sensorielle est réellement antidatée après le délai de 0,5 sec, l'expérience est, en réalité, celle d'un événement ayant eu lieu 0,5 sec avant. Et donc, le présent subjectif est en réalité celui d'un événement sensoriel du passé ; il n'est pas intemporel.

    Les événements conscients endogènes (nos pensées, notre imagination, nos sentiments non sensoriels, etc.) diffèrent de l'expérience sensorielle habituelle. L'orientation rétrograde, l'antidatage d'une expérience sensorielle, n'est connu pour se produire que lorsque la réponse corticale primaire suscitée par l'influx sensoriel rapide est disponible pour agir en tant que signal d'instruction pour le référage temporel. Les événements conscients non sensoriels, endogènes, ne disposent pas de tel signal temporel. Si les événements conscients endogènes requièrent également des activations neuronales appropriées allant jusqu'à 0,5 sec pour produire la conscience -en d'autres termes, s'ils répondent à notre principe putatif en ce qui concerne toute la conscience -alors les événements conscients endogènes seraient tous ressentis avec un délai. Le délai prendrait place à partir du début des événements neuronaux inconscients postulés pour initier toute conscience{72}.

    Vous roulez dans votre voiture à 50 km/h dans les rues d'une ville. Tout à coup, un jeune garçon surgit sur la route, courant après un ballon juste en face de votre voiture. Vous écrasez votre pied sur la pédale de frein pour arrêter votre voiture dans un crissement de pneus. Étiez-vous entièrement conscient de l'événement avant que votre pied ne s'écrase sur la pédale de frein ? Ou s'agissait-il d'une action inconsciente dont vous n'avez pris conscience qu'après avoir actionné les freins ?

    Faisons ce petit détour avec quelques internautes qui font des suggestions{73} à propos de l’expérience de Libet :

    Anonyme I :

    Voici les réflexions que me suggère l’expérience de Libet que vous nous présentez.

    Si elle avait montré que la décision consciente précède toute activité cérébrale spécifique (premier croquis), elle aurait validé la thèse dualiste.

    Mais en montrant qu’elle fait suite à un commencement d’activité cérébrale spécifique, laquelle continue jusqu’au geste, elle fait de la décision consciente le corrélat d’une activité cérébrale, ce qui suggère en effet qu’elle en est un épiphénomène (second croquis){74}.

    Cependant, rien ne dit que l’activité cérébrale avant le moment de la décision consciente soit contraignante. Elle peut être alors un simple calcul de deux possibilités.

    Il n’est donc pas prouvé qu’il y ait quelque chose en moi qui décide de ce que je vais faire mais ce quelque chose décide pour moi (sans compter que le moi peut ne pas se limiter au moment de la conscience et peut être préconscient).

    On peut au contraire supposer que l’activité cérébrale devient contraignante seulement au moment de la décision consciente. On peut supposer qu’à ce moment l’activité cérébrale fait un acte non prédéterminé (choix entre oui et non) et que la conscience soit la marque de ce nouveau type d’acte. Il n’est donc pas besoin de recourir à l’hypothèse superflue d’un droit de veto in extremis.

    Il reste bien sûr à expliquer comment une activité cérébrale, donc physique, peut à un moment donné faire un acte non prédéterminé, quelque chose qui échappe aux lois physiques.

    Anonyme II :

    Un épiphénomène est l’effet d’une cause qui ne possède pas de pouvoir causal. Lorsque l’on dit que la conscience est un épiphénomène on suppute qu’il existe une cause neurale au phénomène de la conscience et que celle-ci ne peut rien causer.

    Si l’on parle de corrélat on suppose alors que le phénomène de la conscience et l’évènement neural sont identiques. Les deux évènements se passent au même instant (il n’y en a pas un qui en cause un autre). Dans ce cas existent deux types de propriétés : des propriétés physiques et des propriétés de la conscience. Ce qui pose problème est le pouvoir causal que confère une propriété à son porteur, ici une personne. Si l’on voit très bien que les propriétés physiques du cerveau confèrent un pouvoir causal aux personnes (de lever le poignet par exemple) les propriétés de la conscience ne semblent pas, en revanche, posséder de pouvoir de leur propre chef. C’est ce qu’on appelle l’exclusion du mental dans l’explication physique.

    Anonyme III

    Lorsqu’un automobiliste voit un feu passer au rouge et qu’il freine pour immobiliser son véhicule, nous pouvons dire que la cause de cette immobilisation est le résultat d’une certaine croyance (que le feu est passé au rouge) et d’un certain désir (respecter le code de la route). Cette cause n’apparaît, en effet, pas comme un réflexe. La manifestation de l’esprit n’est pas une réponse réflexe même si nous automatisons partiellement certains gestes. La question qui se pose est alors celle de savoir si cette croyance et ce désir expliquent intégralement ce geste. On peut penser qu’il existera une certaine configuration neurale, au même instant où cette croyance et ce désir se produiront, qui permettra une explication entièrement physique du mouvement musculaire (du bras pour changer la vitesse du véhicule, et des pieds pour actionner les pédales du véhicule). Cette seconde explication causale entrera alors en conflit avec la cause mentale. Deux causes différentes, l’une mentale et l’autre physique, constituent un cas de surdétermination causale. D’une manière générale, les cas de surdétermination causale sont des faits rarissimes dans la nature. Alors il ne reste que la solution de choisir entre la cause mentale ou physique. Voilà typiquement posé ce que l’on appelle le problème de la causalité mentale. N’avons-nous alors à notre disposition que la réponse réductionniste ? Et si c’était le cas, si nous n’avions que cette réponse, à savoir que nous pouvons réduire la cause mentale à la cause physique, pourquoi penser que cela soit la fin du mental ? La fin d’une certaine conception du mental, par contre, oui.

    Fin de détour !

    Sors de ton enfance, ami, réveille-toi ! (Jean -Jacques Rousseau)

    Il n'est évidemment pas facile aujourd'hui d'accepter que la Tradition puisse encore avoir une certaine valeur heuristique tant il est généralement admis que la connaissance scientifique, abusivement identifiée à la connaissance rationnelle, n'a pu se développer qu'aux dépens de la Révélation. La justification du comment des choses aurait rendu progressivement caduque toute spéculation à propos du pourquoi (de la signification) de ce qui est. Toute référence à la notion de finalité, et plus encore à celle de transcendance serait devenue blasphématoire. L'âge d'or de la science apparaît bien comme celui du discrédit de la Tradition. Nombreux sont en effet ceux qui en pensent que la question du sens est sans valeur pour la connaissance scientifique dans la mesure où celle-ci prétend donner du réel une description complète et adéquate fondée seulement sur l'enchaînement causal des phénomènes.

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    C'est ainsi que Jean-François Lambert pense qu'il peut sembler bien dérisoire de chercher à confronter un savoir positif en pleine expansion{75}, comme l'est celui des neurosciences, au savoir théologique dont le discrédit n'a cessé de croître, en partie d'ailleurs du fait de cette expansion. Pourtant, dans la mesure où les sciences cognitives prétendent rendre compte de la totalité de l'être humain, il est parfaitement légitime de s'interroger -et pourquoi pas d'interroger la théologie- sur la validité d'une telle prétention.

    En effet, au nom de quoi faudra-t-il admettre que l'identité entre états mentaux et états physiologiques ou physicochimiques du cerveau s'impose en toute légitimité (J.-P. Changeux) ? Au nom de quoi faudrait-il accepter aveuglément, à la manière d'un dogme, le postulat de Spinoza, selon lequel l'ordre de l'expérience vécue et celui des événements physiques doivent se correspondre de façon parfaite (E. Straus) ? Pourquoi devrait-on admettre comme un article de foi commune (Lashley) que tous les phénomènes du comportement et de l'esprit peuvent et doivent être décrits en dernière analyse en termes de mathématiques et de physique ?

    Arthur Schopenhauer donne encore place à quelques considérations sur la philosophie. - Elle ne se fait pas fort d’expliquer jusque dans ses derniers fondements l’existence du monde : elle s’arrête au contraire aux faits de l’expérience externe et interne, tels qu’ils sont accessibles à chacun, et en montre l’enchaînement profond et véritable, sans jamais les dépasser, sans jamais étudier les choses extérieures au monde et les rapports qu’elles peuvent avoir avec lui{76}. Elle ne tire par suite aucune conclusion sur ce qui existe au-delà de toute expérience possible ; elle n’explique que ce qui est donné dans le monde extérieur et dans la conscience propre, et se contente ainsi de saisir l’essence du monde, dans sa connexion intime avec lui-même. C’est donc une philosophie immanente, au sens kantien du mot. Mais par là même elle laisse encore bien des questions sans réponse, par exemple celle de savoir pourquoi les faits qu’elle signale sont tels et non autres, etc. De semblables questions, ou plutôt les réponses quelles demandent, sont, à vrai dire, transcendantes, c’est-à-dire qu’elles ne se peuvent concevoir au moyen des formes et des fonctions de notre intellect et n’y rentrent pas ; notre intelligence est par rapport à elles ce que notre sensibilité est aux qualités possibles des corps, pour lesquelles nous ne possédons pas de sens. On peut encore, par exemple, après toutes mes explications, demander l’origine de cette volonté, qui est libre de s’affirmer et d’avoir pour phénomène le monde ou de se nier et d’avoir un phénomène à nous inconnu. Quelle est cette fatalité extérieure à toute expérience qui l’a placée dans cette alternative si fâcheuse, d’apparaître sous la forme d’un monde où règnent la douleur et la mort, ou de renier son être propre ? Ou bien encore, qu’est-ce qui l’a déterminée à quitter le repos infiniment préférable du néant bienheureux ? Une volonté individuelle, est-on tenté d’ajouter, peut se laisser entraîner à sa perte par un simple choix erroné, c’est-à-dire par une faute de la connaissance ; mais la volonté en soi, antérieure à tout phénomène, et par suite encore dénuée de connaissance, comment a-t-elle pu s’égarer et tomber dans cette condition si misérable qui est aujourd'hui la sienne ? D’où vient en général cette énorme discordance qui pénètre ce monde ? Jusqu’à quelle profondeur, dans l’essence intime du monde, peut-on demander encore, descendent les racines de l’individualité ? À quoi l’on pourrait répondre à la rigueur : elles vont aussi loin que l’affirmation du vouloir-vivre ; là où paraît la négation, elles s’arrêtent, car elles sont nées avec l’affirmation. Mais on pourrait alors poser cette question : Que serais-je si je n’étais pas vouloir-vivre ? et d’autres du même genre.

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    Il peut sembler bien dérisoire de chercher à confronter un

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