SERVAT LOUP
S ETUDES!
A VECOLE DES HAUT
Il n'y a pas encore trop longtemps ail & la libraivie
Vieweg, sous les auspices ct aux frais de !Ecole des Hautes
Etudes, une édition nouvelle des Lettres de Srvat Loup,
abbé de Ferriéres, avec notes et introduction dues aux yeilles
savantes d’un écrivain jeune encore, mais qui déja peut
senorgueillir de la triple auréole de docteur en droit, de
professeur agrégé Whistoire au lyeée de Caen ct d’éléve di-
plimé de Ecole des Hautes Etudes. Nous ne parlons pas du
doctorat és lettres obtenu depuis, et qui n'est pas le moindre
rayon de cette gloire précoce.
Malgré tous ces titres, la critique savante, peu gracieuse
de sa nature, n’a fait au livre de M. Desdevises du Dezert,
quun accueil médioere?, Certains méme, plus experts en la
mative, n’ont pas paru le trailer avec tout le sérieux dési-
rable, ni vouloir s’enfoncer trop ayant dans les secrets d’une
érudition quelque peu surprenante au premier abord 3. Nous
n'ayons pas été arrété par de pareils scrupules, lant, dés le
début, cet ouvrage nous a paru « suggestlif'», sinon par lui-
méme, du moins par les réfloxions tour 4 tour mélancoliques
et gaies qu’il inspire sur des sujets plus importants. On nous
pardonnera done do dire ici par le menu ce que nous en
pensons et de conduire le Jecteur de bonne yolonté a travers
loutes les curiosités de ce chef-d’euvre, entendant le mot au
sens des mailrises anciennes. Il s’agit 1a de bien vieilles
parais
1. V. Lettres de Servat Loup, abbe de Ferriéres, Texte, notes et introduc~
tion par G. Desdevises du Dezert, professeur agrégé d'histoire au lyeée de
Caen, decteur en droit, Paris, Vieweg, 1888. Forme le 77¢ fascicule de la
Bibliothique de U Beale des Hautes Htudes.
2, V. A, Molinier, dans la Revue historique, 1889, mars-avril, pp. 362-363.
3. V. Pubbé Duchesne, dans le Bulletin critique, 1888, pp. 457-458.
XLIX. — 23BBL SERVAT LOUP
choses, mais les vieilles choses ont leur charme et leur en.
seignement.
I
Comment l'idée est-elle venue a M. Desdevises du Dezert,
Glave non encore diplémé de l'Ecole des Hautes Etudes, que
la correspondance d'un abbé du moyen age, fort étudiée deja,
méme en Sorbonne, lui offrirait une utile occupation dans
le présent, et, dans Pavenir, le couronnement assuré de ses
années d’Ecole? Etail-ce la le fruit d'une inspiration toute ju-
vénile et spontanée, ou le résultat plus réfléchi d’une consul-
lation magistrale? Pour ma part, je n'en sais rien, et, & parler
franchement, je n’en ai cure. N’ayant & donner de lecons
personne, me sentant au contraire trés disposé A on recevoir,
j'aurais laissé le nouvel ouvrage mourir tranquillement de
sa belle mort, s'il n’étail sorti d'un milieu spécial qui inté-
resse tous les bons Francais. L’histoire sera un jour, en
grande partie du moins, co que Tauront faite 'Bcole des
Hautes Etudes et quelques ¢tablissements du méme genre.
Or, de la fagon dont un peuple entend Phistoire, dela mé-
thode qu'il y suit, dépendent plus de choses et de plus
grandes, qu’on ne saurait le dire. Aussi se peut-il qu’a cette
considération supérieure, la critique suivante emprunte un
intérét plus général, quelque minutieux qu’en puissent pa-
raitre certains détails.
Disons tout d'abord, et sans plus de facons, que l’idée de
cette publication, d’ot quelle soit venue, ne nous parait pas
plus heureuse que Vexécution n’en est bonne. L'auteur
comme Vinspiratear, comme les commissaires responsables,
devront chercher ailleurs un titre incontesté 4 la reconnais-
sance des études historiques. Ce n'est pas que la correspon-
dance de l'abbé de Ferriéres soit dépourvue de lout mérile:
Elle en a méme plus que ne pense son dernier éditeur. |!
faut vendre en effet cette justice i M. du Dezert qu'il
point cherché & surfaire son personnage, ni tenté d’allécher
le client par la promesse d’une lecture attrayante ou simple-
ment prolitable.
alas,
4, Y. Ia thase présentée & la Faculié de
intilulée : Etude sur les lettres de Servat Loup, abbé de Ferriéres.A DVECOLE DES HAUTES ETUDES 388,
«Servat Loup, nons dit-il, en maniére de résumé, nest
ni un bon écrivain, ni un esprit original; c'est un érudit
consciencieux, mais médiocre; un vassal fidéle, mais peu
zélé; un religieux trés sincére, mais trés jaloux de ses intéréts
temporels » (p. 2). Et voila pourquoi sans doute, entre tant
douvrages mal connus, quoique importants, du haut moyen
ige, M. Desdevises a préféré cette médiocrité et choisi ce
Childebrand!
Sil est. i qu’a éditer Pceuvre d'autrui on en devient de
quelque fagon le pére, i faut avouer que la paternité de ce
trop jetme éditeur manque wn peu de tendresse. Elle en
manque méme un peu beaucoup. Assurément, tout n’est pas
dun intérét transcendant dans la correspondance de l’'abbé
do Ferriéres. Moine, ila les idées, les préoceupations d’un
moine; et ce n’est pas merveille qu'il perde rarement de vue
le clocher de son couvent et en sonne la cloche plus que de
raison. Mais la vie monastique, & cette époque du moins, est
indispensable & connaitre aux historiens, méme laiques, tant
elle avait @action sur la marche générale de la société. Qui
ne s'est pas frotté de prés 4 la bure des moines, qui n’a pas
lu beaucoup de leurs livres et yéeu longuement dans leurs
cloitres, ne comprendra jamais rien au moyen Age. Un jeune
et brillant agrégé du lycée de Caen peut trouver Vobligation
amére, mais les rois et les reines de ce temps-li n’élaient
point si difficiles.
Dailleurs, si moine qu'il fiit, Servat Loup ne semble pas
s'étre oceupé uniquement 4 chanter matines et a chapitrer
les gens. Puisqw’il parait n’avoir qu'un gout modéré pour les
occupations professionnelles du couvent, M. Desdevises élait
libre de se procurer, sans en sortir, de plus agréables dis-
tractions. Quand on vit, comme lui, dans le pays légendaire
du cidre, on ne doit pas étre faché d’apprendre que, dés le
neuvidme sidcle, il se fabriquail & Ferrié cellent
poiré, tres apprécié des connaisseurs (édil. Desdevis
p- 184). Préfere-t-il, par hasard, au modeste breuvage nor-
mand le bouquet ‘eapiteux des vins bourguignons? I ne
pouvait qu’éprouver un vif plaisir voir la peine qu’on pr
nait audit licu pour ameliorer et multiplicr ces merveilleux
crus (p. 179). Au besoin meme, ct ne fitt-ce qu’s titre @érudit,356 SERVAT LouP
M. du Dezert avait de quoi s’intéresser 4 Ja confection d'un
autre nectar moins délectable, encore que trés digne d'une
bouche mortelle. Les géographes signalent de nos jours
comme unc curiosité de cetle région de la France qu’on y
produit 4 la fois le vin, le cidre et la bitre; mais ce qu’ils ne
disent pas, o’est que la triple production remonte a dix siécles
au moins, et que sous l’axil vigilant de Servat Loup fermentait
dans les celliers de Ferriéres, & cété du cidre et du vin, la
blonde liqueur ehére aux Allemands (p. 184).
La théologie, j'en conviens, n’offre pas aux gens d'espzit
daussi attrayantes perspectives; je me permets de croire
néanmoins, que les questions théologiques que Ton ren-
contre chez Servat Loup ne sont pas Loules d’ennuyeux et
inutiles casse-téte. Il vit a Yé¢poque oti s’agite A nouveau et
avec un redoublement d’ardeur Je troublant probléme dulibre
arbitre humain, oft du Nord au Midi les Gaules se partagenton
deux opinions sur la facon de concilier l'action de ’homme
avec action divine; et il ya bien quelque intérét a suivre un
débat de ce genre, ne fiit-on ni philosophe de profession, ni
docteur en droil. Un simple curicux des choses de l'ime se-
rait pris.
Mais ott M. du Dezert me parail vraiment avoir abusé de
situalion d’homme de goitt et de fin lettré, c'est dans la
fagon sévére dont il juge, chez Servat Loup, I’6eriyain ct le
styliste. Les Bénédictins de l'Histoire litdraire de la France,
qui avaiont, dit-on, quelque lecture, et qu'une longue fre-
quentation chez les auteurs de cette époque mettait améme
de porter un jugement d’ensemble, n'ont pas craint de pro-
clamer Vabbé de Ferriéres « l’écrivain le plus poli en ce
cle! ». C’est aussi mon humble avis.
M. Desdevises trouve son latin inintelligible, et nous ver-
rons plus loin que l'aveu est aussi sincdre qu'il était inutile
In’en est pas moins vrai que, malgré ses défauts, Mouvre
de Servat Loup demeure la plus parfaite expression de celte
renaissance des lettres Jatines, qui, sous Pimpulsion de
Charlemagne, se répandit en tant de productions diverses ct
jota un si vif éclat sur notre pays, Oh! je sais bien tout ce que
1. Histoire littéraire de la France, nowy. édil., t. V, pp. 255 et 270.A VECOLE DES HAUTES ETUDES 387
cette littérature a d’emprunté, d’exotique, si lon veut. Pour
ma part, a ne considérer que le calé littéraire des choses, je
donnerais volontiers la foison entiére de cette culture latine,
pour la moindre fleurette de pays, pour la plus légére can-
tilone on langue vulgaire. Mais préférence n'est pas mépris,
et, puisque nous avons tous eu la téte plus ou moins fagonnée
au moyen des chefs-d’wuvre de l'antiquité classique, ily, «
plaisir et profit & constater of en étaient de cette initiation
iraditionnelle les Francais du vieux temps, nos barbares an-
cétres de l’époque carolingienne.
Aussi ai-je Pair de soutenir un paradoxe quand j’affirme
enméme temps que M. Desdevises du Dezert, sléve de Ecole
des Hautes Etudes, aurait mieux fait d’employer ses loisirs 4
@autres exercices qu’d nous donner unc nouvelle édition des
Lettres de Servat Loup. Je vais donc essayer de montrer que
Ie paradoxe n’est qu’a la surface, et quil y a au fond une
ité plus cruelle encore qwon ne le soupconne.
Bien certainement on doit se garder de la superstition des
vieilles éditions, plus encore que des vieilles modes. Celles-
ci ne sont que ridicules, celles-la sont parfois dangereuses.
Mais encore faut-il que les éditions nouvelles effacent les
anciennes, soit par un texte mieux établi ou plus complet,
soit par une annolation plus riche, plus sitre et mieux appro-
prige. Si tel est le cas de M. Desdevises, je consens a l’écrire
Rome.
Aussi bien avait-il affaire a un concurrent redoutable.
Servat Loup, qui s'était assez mal trouvé de ses premicrs
éditeurs, Papire Masson et André Duchesne, avait eu enfin
Ja bonne fortune d’intéresser 4 son sort Tun des plus illus-
tres savants du dix-septieme sidcle. Etienne Baluze, trés
friand de vieux ouvrages, avail dépensé a éditer et A rééditer
celni-la tous les trésors de sa vasle érudition !. Un seul ma-
nuscrit, il est vrai, se trouvait & sa disposition, le 2258 actuel
de la Bibliothtque nationale; mais le manuscrit n’étant pas
absolument mauvais, et I’éditeur sachant lire, i] était sorti de
cet effort consciencicux un texte sinon idéal (l'idéal est un
oiseau rare que mattrapent ni viewx ni jeunes), du moins
CXIX,
1. L’édition définitive est re je dans Migne, Pair. Lat.,
D. 423 s9q.ate SERVAT LOUP
@une correction tres largement suflisante. Peut-Gtre M. du
Dezert aurait-il poussé la correction beaucoup plus loin, s'il
avait eu entre les mains des ressources en manuscrits plus
abondantes. Par malhour, toutes ses recherches. si recher-
ches il y a eu, ont abouti a la découverte de unique manus-
crit qui, d’aprés son propre témoignuge, avait déja servi a
Baluze. Espérer une riche récolte of pareil travailleur avait
passé, n’est point l'indice @’un courage vulgaire. Un autre,
moins intrépide, aurait quitté la place en se répétant le views
dicton : « Adieu paniers, vendanges sont faites! » Et cetit été
plus sage et plus gai. Car ce que M. Desdevises a grappil
est de quantité et de qualité si médiocres qu'il a di souffrir
lui-méme de n’avoir pas autre chose & présenter an public.
A moins pourtant qu’on ne doive compter pour une amélio-
ration sensible du texte de Servat Loup la tentative faite par
Ie nouvel éditeur de lui enlever une de ses meilleures lettres.
la lettre au roi breton Noménoé (pp. 32 et 156). Tentative
dailleurs infructueuse : M. du Dezert s’en convainera lui-
méme, pour pou qu'il veuille relire la lettre 84 4 Léveque
Reginfrid, et n'y plus confondre partir avec arriver’(p. 156
et note 3); surtout s'il s'informe en méme temps de I'éton-
nante rapidité avee laquelle s’exécutaient alors les voyages
de France en Italie.
Soyons juste cependant. Reconnaissons que le jeune édi-
leur avait bati ailleurs que sur une simple amélioration tex-
tuelle sa principale espérance d’éclipser son illustre devan-
cier; qu'il tenait en réserve un article de haute nouveau
desting, croyait-il, a donner a son travail un caractére propre,
original, et a justifier ainsi une publication dont, A premiér:
vue, Popportunité semblait légérement obscure.
Baluze,en éditant les Lettres de Servat Loup,s’¢tait assnjetti
a les reproduire scrupuleusement, suivant Vordre ot elles
se présentaient dans le manuserit, se contentant de noter.
quand il pensait l'avoir découverte, la date plus ou moins
précise de lear composition. C'était sous cette forme que
nous avions tous lu la correspondance de l’abbé de Ferriéres.
si tant est que nous soyons beaucoup en France & nous étre
payé ce laboricux passe-temps. C’était d’apres cette classi-
fication que nous étions habitués 4 établir nos références, &A LECOLE DES HAUTES ETUDES 389
retrouver le souvenir effacé. Je ne dis certes pas cela pour
insinuer quon aurait di nous laisser 4 notre chdre vieille
accoutumance. II n’est pas mauvais parfois d’dtre bousculé
dans ses habitudes. La paresse s'y installe si vite; et, quand
on s'est arrangé commodément dans quelque bonne petite
théorie, il est si rare qu'on fasse un gracieux accueil aux gens
quise présentent avec l'intention de démolir la maison! Nous
demandons cependant qu'on ne nous bouscule pas pour le
plaisir de nous bousculer, pour Ia satisfaction, tres vive
surément, mais un peu bien juvénile, de voir la téte que
nous ferons, M. du Dezert,j'en suis convaincu, s’était promis
@autres jouissances plus viriles, mais en a-t-il bien choisi la
matiére?
Personne ne prétend qu’au point de vue de la chronologi
la classification du manuscrit, notre pauvre classification
dantan, soit le dernier mot de Ja méthode. On y découvre si
souvent et de si larges écarts entre le temps réel et la place
oceupée, qu’il convient de s’arréter a ectte opinion que l'on
west pas en présence d’un registre en régle, distribué jour
par jour, ni méme année par année. Ce registre, qui aurait pu
dive formé sans peine du vivant et sous les yeux de l'abbé de
Ferriéres, ne I’'a malheureusement pas été. Et, pour essayer
de le restitner aujourd'hui, avee Ie peu de renseignements
dont on dispose, avec la difficulté inhérente 4 ce genre de
correspondance, il fallait une vigneur d’espérance exception-
nelle, une foi inébranlable dans les ressources de son génie,
ou tout au moins une docilité touchante a des conseils supé-
vieurs.
Je wirai pas jusqu’a dire que l'entreprise était de tout
point irréalisable. Je laisse la responsabilité de cette appré-
ciation 4 M. Desdevises du Dezert qui est bien décidément
le plus étonnant agrégé du monde. Comme nous lavons vu
en commengant, une vicille correspondance lui tombe sous
la main, qui lui parait fastidieuse, inintelligible, cléricale,
etcest & l'éditer quwil consacre les forces de sa science nais-
sante, e’est en son honneur qu'il cueille la premiére fleur de
son esprit. Le voila maintenant qui, pour mieux loger ses
manssades épitres, se meten devoir de leur confectionner un
registre chronologique, tout en reconnaissant en elles ce360 SERVAT LOUP
qu'il appelle a la page 9 de son livre « 'impossibilité @établir
une chronologie rigoureuse ». I ya li manifestement un peu
dexagération, et le jeune registreur a peut-étre cédé (oh! bien
inconsciemment) au désir de parattre avoir triomphé de L'im-
possible. Ce qui constituait une véritable impossibilité, co
n’était pas de retrouver les dates incontestables d'un certain
nombre de lettres, c’était de les retrouver toutes, d’en re-
trouver assez du moins pour avoir le droit de déclasser l'en-
semble, ct de substitucr & l’ordre ancien un nouveau classe-
ment général. Navoir réussi A remettre solidement en place
qu’un petit nombre de piéces, s’étre contenté pour les autres
de les rattacher vaille que vaille ct par des conjectures sou-
vent puériles & des annnées déterminées, et venir ensuite
nous présenter une édition renouvelée sur de pareilles bases.
comme Pédition chronologique des Letires de Sereat Loup,
comme leur registre ieureusement restitué, ¢’était tout bon-
nement perpétuer le désordre avec une duperie en plus.
Entendons-nons bien cependant. Je ne fais pas un re-
proche 4 M. du Dezert d’avoir occupé ses loisirs d’Fcole
4 vérifier des dates. Pour humble qu'il paraisse, ce n'est!
point la métier de sot; et l'on n’y réussit guére sans um
peu de finesse, de bon sens et d’esprit de suite. A la
place du jeune éditeur, et si je m’étais senti les mémes
dons, je les aurais peult-étre appliqués & autre chose qu'a
déméler ces lettres monastiques. Tout importantes qu’elles
soient, leur intérét principal n’est pas de telle nature qu'il
augmente ou diminue beaucoup, selon qu’on sait ou qu'on
ignore l’époque précise de leur composition. Le prix de
pareilles recherches n'en compense pas Leffort, ou, pour
parler d’un style moins haut, le jeu n’en yaut pas la chan-
delle. Mais M. Desdevises n’était pas forcé d’étre de mon
avis, ni ses maitres non plus, Chacun est libre employer
son temps comme hon lui semble et d’user sa chandelle 4
tel jeu qui lui plait, a la condition, bien entendu, de ne pax
la faire payer aux autres. Le seul tort de M. Desdevises ext
davoir cru son travail assez a point pour le substituer A l'é
dition traditionnelle.
Je me trompe, il s'est donné un autre tort. Je lui dirai
méme en toute bonhomie que si j’ai pénétré
sa suite dansA L'RCOLE DES HAUTES ETUDES set
le champ de ses expériences chronologiques, e’est que
je nourrissais Pespoir machiavélique de lui administrer la,
enlicu propice, tout ce que je pense de sa méthode en géné-
ral. Nulle part en effet elle ne se découvre plus imprudem-
ment, ne prend mieux ses aises que dans cette partie de l'ou-
vrage. Et quand je dis la méthode de M. Desdevises, autant
yaudrait dire notre méthode. Nous l'employons tous plus ou
moins, avec des succés divers, trop souvent sans le moindre
succés. Tous ou presque tous, les meilleurs exceptés, nous
abusons de la méthode conjecturale. Car c’est d’elle quil
sagit, c’est ila conjecture en histoire que je voudrais faire
un brin de querelle sur le dos de M. du Dezert, au risque
dattirer sur le mien de semblables mésaventures.
I
Oh! qu’on se tranquillise, je ne prétends pas arracher a la
science historique cc que d’aucuns ont appelé le plus puis-
sant instrument d’exploration!. Geux-la, je le reconnais,
vont beaucoup trop loin qui ne veulent tenir pour assuré que
ce qui est expressément consigné dans un Lexle, que ce qui
est le résultat immédiat de analyse. Elles sont nombreuscs,
au contraire, et dimportance non vulgaire, les vérités de
Pordre historique qui ne sont arrivées a la pleine évidence
que par yoie comparative ct déductive, a foree de recueillir
des indices épars, de les rapprocher, de les combiner, d'en
tirer des étincelles isolément trop faibles, mais dont le fais-
ceau réuni se répand en éclatante lumiére. La conjecture a
done du bon; est entendu, Elle est méme, si l'on veut, le
plus noble exercice d’un historien de talent, le seul ot se
révélent Pétendue et la pénétration de l’esprit. Ce sont 1a de
ces idées qu'on adopte sans peine , pour pen qu'on ait soi-
méme cultivé le genre. Mais enfin il y a conjecture et conjee-
ture, comme il ya éditeur et éditeur. S'il en est d’heureuses
qui ont enrichi la science, les mauvaises nous ont inondés
de tant Werreurs et de folles imaginations, que l’on est bien
excusable d’y mettre quelque méfiance, ct de tenir I'wil Ace
qui nous arrive sous ce pavillon.
1. V. de Smedt, Principes de la critique historique, p. 238.302 SERVAT LOUP
Naguére encore, justement alarmé par les exeés d'une
méthode de plus en plus envahissante, um illustre écrivain,
dont lo monde savant déplore aujourd’hui la perte, M. Fus-
tel de Coulanges, se portait vigourcusement a sa rencontre
et essayail de lui barrer la route. De ce style a la fois légant
et incisif, qui lui faisait une arme redoutable, il ensanglanta
Yennemi de coups répétés et profonds!. Pour tout dire, et
quoiqu’il s’en défendit, ce n’était pas seulement aux abus de
la méthode conjecturale qu’en voulait ce terrible lutteur:
e’était & la méthode méme. S'il n’avait tenu qu’’ lui, la con-
jecture serait morte a Vheure qu’il est: M. du Dezert serait
inconsolable, et moi avee lui.
tle déclaration de guerre, M. Fustel de
Coulanges songeait-il 4 la jeunesse de certaine Ecole voi-
sine? Craignait-il pour elle l'influence d’un maitre trop
onté, dont Je gout pour le jeu savant des conjectures
lui semblait dangereux Pavenir des sciences historiques?
Nous n’ayons pas 4 en douter, M. Fustel lui-méme n’ayant
pas fait mystére de ses intentions. On sait du reste que le
combat prit aussitét, au grand bonheur des étudiants, le ca~
ractére d'un corps 4 corps entre Péminent professeur de la
Sorbonne ct le distingué directeur de la section @histoire a
VEcole des Hautes Etudes, M. Gabriel Monod®. L’issue fut
telle qu'on devait l’attendre. C'est l’o; ire effet de ce
sortes de querclles, que chacun en sort plus ferme en
propres conyictions®. Les mieux battus ne sont pas toujours
les moins contents.
Diailleurs, M. Fustel de Coulanges se permettant dayoit
autant de confiance dans la méthode analytique ou textuelle,
quil en avait peu pour laconjecturale, Poceasion était bonne
de traiter sa chimére comme il traitait celle des autres, de lui
prouver qu’un texte n’est pas un instrument infaillible, qu’on
peut le comprendre de travers, y voir ce qui ne s'y trouve
1, V. Fustel de Coulanges, De Analyse des textes historiques, dans |i
Heyne des questions historiques, 1888, t. XLI, p. 5 qq.
2, V, In lettre de M. G, Monod & M, Fustel de Coulanges, et ta répliqne
de celui-ei, dans Ia Revue des questions historiques, ibid. p. 540 sq.
3. V. Particle néerologique de M. G. Monod sur M. Fustel de Coulanges
dans la Revue historique, 1889, (. XLI, p. 284.A VECOLE DES HAUTES ETUDES 363
pas, n'y pas voir ce qui s'y trouve, qu'il y a enfin un art de
fausser ses documents, comme ily a un art de manquer ses
conjectures. A quoi sans doute il n’est pas malaisé de répli-
quer que Jes textes ont leurs dangers, mais moins nom-
breux, moins graves. Le caprice de Pesprit se Louve la
comme emprisonné dans un cerele bien défini; il n'y a que
les imbéciles et les gens de manvaise foi qui sautent par-des-
sus les murs. Avec la conjecture, au contraire, c’est l'imagi-
nation débridée, sans frein, sc ruant en mille fantaisies, en
mille cabrioles indignes de la gravité de l'histoire. Excel-
lente riposte assurément, mais qui en appelle une autre non
moins excellente, Car si la méthode conjecturale aboutit &
plus d'erreurs, en revanche, elle découvre plus de vérités ;
tandis qw& marcher constamment le noz dans un texte, ow
Von ne va pas loin, ou on va sans rien voir. Ft le reste &
Vinfini,
Tant il est vrai qu'il n'y a rien d'absolu en ce bas monde,
el qwautant la conjecture est vaine sans une base Wanalyse
elle
sérieuse, autant Panalyse elle-méme demeure stérile, s
n'est vivifiée par un sage esprit de conjecture,
M. Desdevises me pardonnera cette petite digression, ot j'ai
paru lui fausser compagnie mal civilement. !] va s’apercevoir,
Wautre part, que je ne Lavais quitté que pour pouvoir le re-
trouver avec plus de plaisir. Le lecteur sait maintement pour-
quoi le jeune réformateur de la chronologie de Servat Loup
s'est montré si épris de la conjecture historique, et, le sachant,
ic pardon lui sera moins difficile. Eléve de celui qui représen-
tait alors le genreavecle plusd’éclat, ¢’était dans lanature qu'il
embrassat les mémes idées, saul i les défigurer légerement
dans la pratique. Nourri sur les genoux de la méthode con-
jecturale, il ne pouvait manquer ''d’en connaitre & fond tous
les charmes; il devait aspirer ala gloire d’en venger, parson
propre exemple, la réputation méchamment ternie. La re-
connaissance, unie & la prudence, lui conseillait de prendre
pour modéle celui qui était son maitre et qui devait tre son
juge.
Toutefois je ne ferai pas 4 un historien de la valeur de
M. Gabriel Monod Vinjustice de penser que la copie ré-
ponde exactement & l’original. M. Desdevises s’est conduit lia4 SERVAT LOUP
comme ces écoliers bons enfants, & qui la figure un maitre
respectable inspire d’vrdinaire la noble ambition d’en tire:
en leurs cahiers une reproduction aussi fidéle que grave, mais
dont le crayon malhabile se tourne innocemment en joyet
caricature. Un professeur, homme d’esprit, ne se fiche guere
de ces essais prématurés; et M. Monod, comme tel, ne s'est
point faché, Certains méme, j’entends des caractéres mal faits,
trouveront peut-étre qu’il a poussé Vindulgence trop loin.
qu'il a paru contresigner Ja ressemblance de cette esquisse
en lui décernant la plus hante récompense de V'Ficole. Cela
valait tout juste un prix de borshommes.
Mais pour qu’on ne m’accuse pas a mon tour d’abuser de
la caricature au détriment de M. du Dezert, je prendrai la
liberté de justifier mon dire, en mettant, sous les yeux du
lectcur, quelques-unes des combinaisons imaginées par le
jeune chronographe. En démonter les rouages, en faire ad-
mirer le fonetionnement, heureux artifice, sera occupation
de quelques instants. Car, Dieu merci, les petits appareils
construits par M. Desdevises pour marquer le jour et Pheure
des lettres de Servat Loup sont doués le plus souvent d’un
mécanisme peu compliqué et facilement démontable. Deux
pitces, quelquefois une seule, et laiguille tourne... ou ne
tourne pas.
Celui-ci n'est pas des moins ingénicux ni des moins chers
a auteur. Je m'étonne méme que M. du Dezert ne lui ait pas,
comme A tant d’autres plus indignes, coneédé les honneurs
de Vitalique. Il faut savoir en effet que notre chronologiste,
pour mieux cdifier le lecteur sur Ja valcur relative de ses
découvertes, a pris soin, dans un tableau final, de marque
en chifires italiques les dates dont acquisition lui paraissait
incontestable. Litalique est le symbole de la certitude ct la
récompense supréme du travail heureux. Au cas présent, il
y a eu manifestement oubli. Car pour aucune autre lettre,
sauf pour celle de Servat Loup au roi Noménoé, M. Desde-
vises n’a dépensé autant d’efforts. Lui qui d’ordinaire ne
prodigue ni les preuves ni la’ place a dépensé au profit de
celle-la plus d’une grande demi-page, et a mis a contribution
Pun des meilleurs artifices de la méthode conjocturale (p. 29)
Cet artifice, je me permettrai de l'appeler le procédé desA VEGOLE DES HAUTES ETUDES 365,
deux extrémes. Et de fait, entre des mains habiles, il cons.
titue un excellent piége 4 prendre les dates.
M. Desdevises rencontre donc sur son chemin une épitre
adrossée 4 Golschalk, le moine fameux qui, par ses discus-
sions sur le libre arbitre et la double préd ation, fit un si
grand émoi dans le monde religieux du neuvidme sitcle. Cette
lettre était la réponse & une demande d'explication sur cer-
tains passages de saint Augustin. Entre ces passages et les
idées qui passionnérent plus tard et uniquement I’entété
Gottschalk, il n’y a pas l’ombre de rapport. Un homme avisé
se serait aidé de cette observation pour ne pas trop reculer
Pépoque de la correspondance en question. Mais un historien
dela nouvelle école n'a que faire d’étudier la vie et les euvres
du moine d’Orbais. Pour arriver & son but, il connait des
yoies plus rapides et moins faligantes. Du premier coup,
M. du Dezert part en conjecture.
U conjecture d’abord que Gottschalk, au moment ot l’abbé
de Ferrigres correspondait avec lui, ne pouvait pas avoir en-
core subi de condamnation conciliaire, qu’on était par consé-
quent ayant l'année 848, date du concile de Mayenco. M. Des-
devises n'ignore pas que Servat Loup inclina jusqu’a la fin
vers les idées de Gottschalk, qu'il les défendit méme dans des
écrils rendus publics, mais c'est, parait-il, une raison de plus
pour qu’il n’edt pas osé lui éerire apres sa condamnation. La
prudence a ses mystéres, comme [a conjecture.
Nous tenons donc, ou peus’en faut, l'une des deux limites
extrémes qui doivent emprisonner la date vagabonde. Res-
lerait 4 trouver autre, et ala trouver assez rapprochée pour
ne laisser dans l'entre-deux que juste la place d'une seule
année, L’opération est délicatc, mais le succés n’en sera que
plus gloricux. Or, le grand mérite de M. Desdevises est
Wavoir su deviner ici que quand on est un personnage
comme Servat Loup, quand on est moine et abbé, on ne se
compromet pas & correspondre avec le premier venu, fiit-il
de méme robe, et que, par conséquent, Gottschalk deyait
alors étre déja eélébre, qu'il devait déja, pour me servir
des propres expressions du jeune éditewr, « étre connu par
ses travaux originaux et la redoutable logique de ses théo-
ries ». Jignore si M. du Dezert, avant d’étre connu par366 SERVAT LOUP
ses travaux originaux et la redoutable logique de ses théories,
a jamais sollicité ct oblenu des explications de qui que ce
soit. S'il ne I’a pas fait, il a eu tort, et son livre en est la
preuve. Mais je puis lui certifier que beaucoup de gens, qui
n’dlaient guére plus célébres que lui, n’ont pas craint de
présenter leurs doutes & des maltres de la science aussi fa-
meux que Serval Loup, et que ceux-ci n’ont pas dédaigné de
leur répondre.
Dans sa lettre, Servat Loup parle d’un ton sec et hautain,
et le jeune chronologiste se sert de cette observation pour
fortifier sa conjecture. I] aurait pu tout aussi bien s’en
servir pour la renverser. C'est le sabre de M. Joseph Prud’-
homune, prét 4 défendre la constitution, et au besoin 41a com-
battre. A vrai dire, l'abbé de Ferriéres traite ici Gottschalk
en pelil garcon, en écolier dont on n'a pas encore assez ap-
précié Voriginalité ni la redoutable logique. I pousse méme
Pirréyérence jusqu’a lui conseiller de s’appliquer désormais
4 des matiéres moins difficiles. Excellent conseil assurément,
et comme pourraient en donner tous les maitres de grande
ou pelile école, lorsqu’ils
a trop gros
aux enfants.
Quoi qu'il en soit, nous ne serions pas fichés d’apprendre
au moins a quel moment précis Gottschalk est devenu suffi-
samment céldbre pour que l'abbé de Ferriéres pit honora-
blement entrer en relations épistolaires avee lui. M. Desde-
vises nous dome l'assurance que c'est en 847, et, sur cette
assurance, nous convie 4 mettre la susdite lettre en cette
méme année. Nous ne demanderions certainement pas mieux
que de lui faire ce plaisir, si nous n’avions en Ie malheur de
cultiver autre chose que la méthode conjecturale. Cet ardent
néophyle ne se doute pas a quel point Pon peut étre géné, dans
la pratique de Uhypothése, par certaines connaissances qu’on
acu la maladresse @acquérir antéricurement. Ce sont comme
aulant de barridres qui vous ferment les meilleures issues,
par ot l'on aurait pu se précipiter aux plus brillantes décou-
vertes. El puisque M.Desdevises parait plus apte que personne
a rédiger le code futur de linduetion historique, je me per-
mets de lui proposer Vaxiome suivant : La promptitude de la
pergoivent qu'un éléve s’attaque
norceau. II n'est pas bon de promettre la luneA VECOLE DES HAUTES ETUDES 367
conjecture est en raison directe de l'imagination de Phistorien,
et en raison inverse de son savoir.
Il nous était done arrivé jadis (car tous les goiits sont
dans la nature) de consacrer quelques loisirs aux faits et
gestes du trop fameux moine d’Orbais. Nous avouons, sans
fausse modestie, qu’il nous avait étéimpossible de saisirnet-
tement T'instant précis de son passage de Vobscurité & la
gloire, mais, en revanche, nous l'avions parfaitement surpris
au moment ot il s’échappait de son couvent d’Orbuais, prenait
la clef des champs, et disparaissait rapidement derriére les
Alpes, cherchant en Italie un climat plus propice a P’éclosion
de ses idées théologiques. Or, cela se passait en 847 !, en cette
année précisément que M. Desdevises a eu I’heureuse ins-
piration de choisir entre tant d'autres pour mettre Servat Loup
en correspondance avec Gottschalk. Nous ne voyons pas trés
bien V'abbé de Ferridres poursuivant de sa prose le moine
fugitif et s’obstinant a Péclairer jusqu’au fond de Iltalie, sur
les merveilles de la vision béatifique, merveilles d'ailleurs
dont Gottschalk se souciait alors autant que de la cuisine
d'Orbais.
Toutefois, comme obstacle pourrait ne pas paraitre insur-
montable, surtout 4 un jeune savant en possession de toute
Vagilité du bel age, nous confessons encore 4 M. du Dezert
qwoutre la vie de Gottschalk, il nous étail arrivé d’étudier
ses ceuvres. Si c’est une faute, elle n’est que vénielle; car ce
qui nous reste de ce moine n’occupe pas grand’place, méme
en y joignant les quelques pitces plus récemment publi¢es?,
Peut-étre M. Desdevises a-t-il eu la bonne fortune d’en re-
trouver de nouvelles, et c'est 1a sans doute qu’il a découvert
cette originalité, cette redoutable logique qui ne paraissent
pas autant dans les écrits connus du vulgaire. N’étant point
grand dénicheur de textes inédils, ayant méme expé:
que souvent les documents font moins défaut aux historiens
que les historiens aux documents, nous avions commencé
1. V. Hefélé, Histoire des couciles, éd. trang., t. VI, p. 337. I est méme
fort possible que l'exode de Gottschalk ait commencé dés l'année préeédente,
en 846. V, D. Geillier, Mistoire des auteurs sacrés, t. SIX, p. 203.
2. V. Migne, P. £., t. CXXL, pp. 147-172, et Fr. Monnier, De Gothescales
et Johannis Scoti Brigenie controversia, pp. 15-21, 101-103.388 SERVAT LOUP
par scruter de notre mieux le peu que nous possédons de
Gottschalk, entre autres une certaine épitre en vers, qui est
un trésor, non pas d'originalité, mais de réjouissantes infor-
mations!.
Rien que sa date et son titre pouvaient procurer la plus douce
satisfaction au lecteur, 1M. Desdevises surtout, V'ingénieux
inventeur de la correspondance par raison de célébrité. Gott-
schalk l’écrivait peut-étre avant année 843, mais pas apres
certainement, puisqu’il y parle comme vivant encore de Ps-
véque d'Orléans, Jonas, qui mourut en 842 ou tout an moins
en 843*, IL se trouvait done alors assez loin de cette bienheu-
reuse année 847, oft sa réputation devait etre assez mire pour
autoriser de grands et vertueux personnages 4 se commettre
avec lui, Et cependant il écrit 4 Ratramne, c’est-a-dire a
Yun des’docteurs les plus fameux de ce temps, & un religieux
que les auteurs de l'Histotre littéraire de la France déclarent
aussi célébre par son érudition et sa doctrine que recomman-
dable par ses murs’. Et non seulement il lui écrit, mais
sa lettre n'est qu'une réponse : metuo tibi respondere, lui
dit-il. L’illustre Ratramne est en correspondance suivie avec
Pobscur Gottschalk!
Ily a plus—car on dirait en vérité que ce moine d’Orbais,
définitivement trés original, avait été doublement prédestiné
pour mettre un jour & mal certain agrégé @histoire du lycée
de Caen — Gottschalk n’a-t-il pas commis, dans cette méme
lettre, Pimprudence d’annoncer a Ratramne que, pour s’é-
clairer sur quelques passages de saint Augustin (qu’allons-
nous apprendre, grands dicux!), il vient d’éerire a trois
doctes personnages : premigrement & Mareward, un abbé de
Priim que M. Desdevises doit
a lévéque d’Orléans, Jonas, encore un qu’on s’est permis
@appeler P'un des plus savants prélats de 'Eglise gallicane
sous l’empire de Louis le Débonnaire‘,; troisitmement enfin
(pauvre M. du Dezert!), & Servat Loup [ui-méme, a 'abbé de
Ferriére
jen connaitre ; deuxiémement
4. V. Migne, t. CXNI, pp. 367-272,
2. V. Mistoire litéraire dela France, t. ¥, p. 2%.
8, V. Histoire littéraire, LV, p. 33:
4. V. Méstoire littéraire, t. V, p. 20.