André Tosel
QU’EST-CE QU’AGIR POUR UN MODE FINI
SELON SPINOZA ?
accusation adressée & Spinoza de rendre impossible et impen-
sable T'agir humain est classique; elle remonte aux correspon-
dants inspirés du cartésianisme ~ Blyenbergh, Velthuysen ~et aux
grands cartésiens fascinée et repoussés tout & la fois par Spinoza
="Malebranche, Leibniz -. Il est tentant en effet de réduire la
théorie de T'agir modal a une forme radicale de nécessitarisme
n'assurant aux modes finis que le pouvoir de transmettre méca-
niquement des effets ou opérations transitives. Tout mode fini est
un effet ou produit d’une opération qui le précéde et le contraint
a exister; et si le mode produit & son tour des efiets, sil opére,
il n’est 4 aucun moment puissance d’agir intrinséque, il n’@st en
rrien le principe d'une action autonome. Et pourtant rien ne défi-
nit mieux le projet éthique que de penser et de libérer précisé-
‘ment la liberté humaine qui se définit comme pouvoir de diriger
ses actions suivant le commandement de la Raison. Le paradoxe
est bien connu : comment un mode fini peut-il agir au sens fort
(Eshic sc) s'il est vrai qui apparait @abord comme
« déterminé & exister et & opérer, ou produire des opérations ad
vrandum determinandil par une autre cause /ab alia causa/ qui
che aussi est finie et a une existence déterminée ; et & son tour
et ainsi
cette cause ne peut davantage exister et 3 opérer que si
a Vinfini » (E. 128).
Produ-action de la substance infinie et opér-action du mode fini
‘Le paradoxe ne se noue que si l'on précise immédiatement que
ordre de la determination intr-modale nes puise pas en Iu
méme, mais se donne en simultanéité avec un ordre de détermi
nation modo-substantielle en ce que toute « chose qui est déter-
minge & produire quelque effet (opus) a été, nécessairement
déterminée de la sorte par Dieu ; et celle qui n'a pas été déter-
minge par Dieu ne peut se déterminer par soi-méme a produire
‘quelque effet » (E, 1.26). Ce texte affirme qu'il y 1 comme deux
9%
(QU'EST:-CE QU'AGIR POUR UN MODE FINI SELON SPINOZA?
altérités, deux «autres» qui sont responsables de la capacité
d'opérer, un autre qui définit linterdétermination intra-modale
comme ordre d'une extériorité extrinséque (ab alia causa), et un
ttre qui rele de Tntéreur tout mode dla puissance prodcrice
en son intelligibilité et dont le mode est une expression, une déter-
mination interne, une partie de sa puissance (ab alio=a Deo), un
autre intérieur dont le mode tient son essence et son existence.
! De ce point de vue le mode fini ne se bore pas & communiquer
la causalité transitive qui le fait exister, le traverse tout autant |
gpele le constisue en puissance de produite ou opérer ad exis, |
‘est manifestation ou forme d'une réalité positive, un aliquid |
ositioum.. « Ce par quoi les choses sont dites déterminées & opé-
{Ter quelque effet est nécessairement quelque chose de positif; et
ainsi son essence comme son existence ont Dieu pour cause effi
|} ciente. » (E. 1.26, dém).
“ ’P.Macherey a attiré l’attention sur ce probléme dans une étude
remarquable (« Action et opération. Sur la signification éthique
du De Deo », Avec Spinoza, Paris, P.U-F., 1992). Tout en distin-
fesnt Js dterminaton & opérer de tout made fini au sin de
Finterdéterminisme modal ab alia causa de la détermination & exis-
ter et opérer par Dieu, ab alio sive a Deo, il indique que cette
causation directe et interne de l'opérer modal par la causalité
divino-substantielle n'équivaut pas & conférer au mode et & son
‘opération une action au sens total et spécifique du terme. Certes,
Topération du mode ne se dissout plus dans la communication
d'une causalité transitive qui dans lextériorité passerait d'un
mode et de ses opérations séparées & un autre mode et & ses
opérations également séparées. L’opération du mode qui définit
son agir est inhérente de maniére interne & un «autre » ott le
mode se tient et qui le contient et qui le constitue comme lal
ositiowm. Mais il n’en demeure pas moins que méme considéré
‘en soi comme produit directement par Dieu, et donc affecté d'une
positivité ontologique, le mode reste simultanément déterminé &
cexister et produire ses opérations par et dans la série indéfinie
des opérations intramodales, Le move en ce sens est non pas tant
uune chose nécessaire que contrainte, une res coacta, qui « est
déteminge » par une autre exer et produire une opération
at une raison certaine et déterminée, et il s’oppose a la chose
lie, ret liber, « laquelle existe per la seule néceneeé deo nature
cet est déterminége par soi seule & agir (a se sola ad agendum deter-
‘minatur) » (E. I, def 7).
On est ainsi renvoyé au couple catégoriel initial opposant la
7
ie[ANDRE TOSEL
substance qui reléve de ce qui est en soi et congu par soi et le
‘mode qui est dans une autre chose par laquelle il ext aussi concu,
En ce sens, Dieu seul est en soi et par soi, cause libre, Dieu seul
agit, alors que le mode, affection de la substance divine, n'est pas
par soi, ni concu par soi, mais est dans cet autre et congu par lui,
seulement, produit des effets séparés. Mais tout le pro:
est de penser comment le mode fini tout en ne brisant pas
chaine qui le lie aux modes qui le déterminent a opérer et &
ceux que lui-méme détermine a opérer, s'affirme simultanément
de manire intrinséque par et dans le lien qui le relie directement
ala causalité divine & laquelle il inhére et peut étre dit non seu-
Jement opérer ainsi mais agi, surtout dans le cas de homme qui
dispose dune puissance dagir ee de penser. La dificult ent &
ce que la libération éthique consiste & conquérir pour le mode
hhumain cette puissance d'agir et de penser qui en quelque sorte
brouille opposition simple entre liberté et contrainte, substance
‘et mode. L’agir modal ne tombe pas totalement du cété de la
contrainte exercée par une autre cause extérieure puisque ses opé-
rations expriment quelque chose de positif, de substantel & quoi
inhérent et en quoi elles demeurent, mais ce pouvoir d’opé-
rer, irréductible 4 la communication de la causilité efficiente
sérielle, ne se confond cependant pas avec Ia divine action de la
substance une et infinie, Ce sont trois termes qui interviennent
done et non pas deux : Popérer extrinstque du mode séparé et
relié de l'extérieur aux autres modes, le méme opérer considéré
en Dieu comme pouvoir intrinséque exprimant quelque chose de
posi ir divin ou libre nécessité dont la question est de
savoir si et comment il peut étre attribué au ‘mode fini, opérant
et opéré, operans et operatus.
‘Au sens strict, Dieu seul, en effet, est cause libre et agit. Dieu
cst action, une production ‘qui est action en ce quelle est auto-
roduction diférencige et modalise. « Dieu apt pat les ecules
jis de sa nature et ce sans avoir a subir aucune contrainte »
(E. 1.17). L’action divine n'est pas sans cause, elle a sa cause en
la perfection de sa nature, elle élimine tout renvoi & une autre
cause, une autre cause que la cause de soi. Cette causalité a pour
contraire non pas la nécessité mais la contrainte, la coercition.
Elle est libre nécessité. « Dieu seul est cause libre, Car Dieu seul
existe par la seule nécessité de sa nature et agit par Ia seule
nécessité de sa nature. » (E. L.17, cor. 2). Dieu n’agit pas par
tune volonté pure créatrice, mais comme puissance de tout pro-
duire et de se produire selon les lois qui définissent son agir.
8
(QUEST.CE QU'AGIR POUR UN MODE FINI SELON SPINOZA?
nfinité des opérations qurelle détermine et qui Yexpriment. Elle
jest une action-production, une production-action, une produ-
sction qurboMbrese a repartition TatMonTele depuis Arstote
tre praxis et poiésis. La lettre 58 a Schuller précise le concept
cette action qui saffecte intimement de ordre des effets et
‘opérations de son principe. «’appelle libre quant & moi une
ui est et agit parla seule nécessté de sa nature, contrainte
celle qui est déterminge par une autre A exister et a agir d'une
certaine fagon déterminée, Dieu existe librement bien que néces-
sairement parce quill existe par la seule nécessité de sa nature.
Vous le voyer bien, je ne fais pas consister la liberté dans un
libre décret mais dans une libre nécessité ». Les modes finis, et
done les hommes, n’ont pas pour étre ’étre de la substance et
de sa libre nécessité : «étre de Ia substance n’appartient &
Pessence de Vhomme, autrement dit la substance ne constitue
ppas la forme de l'homme » (E, 11.10). Mais alors comment le
‘mode humain peut-il accéder & un agir qui ne se confonde
tvec Yordre des opérations contraites qu par ailleurs le condui-
sent @ existence ? S'il ne suffit pas de saisir ces opérations
modales comme exprimant sous un autre point de vue laliquid
positivum divin qui s’exprime intimement et directement en cha-
que mode, comment déterminer l'opération du mode ~ fat-elle
inhérente & Iaction divine - comme action?
Car il y a une action modale. Spinoza lattribue et 3 Vesprit et
au corps. C’est& partir de esprit que la question de ’agir modal
fest traitée en premier lieu dans PEthique . Dans la mesure oi en
effet il pense vraiment et forme des idées adéquates Vesprit agit
Ainsi Vexplication de la définition 3 de E. Il précise : «Je dis
concept de préférence perception parce que le mot de percey
son semble indiquer auc Tesprit est pass Fégard de Fob
tandis que concept semble exprimer une action de l'esprit (con:
ceptus actionem mentis exprimere videtur) ». Dans la mesure od
Tresprit déploie sa nature de mode de ’attribut pensée, il forme
des idées. L’esprit n’est pas indépendant de Vordre de détermi-
nation des esprits dans Fentendement infini, mais il demeure en
cet entendement et dans Pattribut d’une maniére telle qu’un acte
nécessaire se produit en lui, prend la forme d’une idée qui n’est
pas une opération séparée mais une action. L’esprit agit et son
action a pour résultat le concept ou idéee adéquate lequel est
jui-méme une action en ce que l'on ne peut le considérer comme
9
|
Cette action divine n'est pas un opus, une ceuvre de son
rset, production, elle xt scion qui s'affecte du dedans deANDRE TOSEL
tune ceuvre séparée et quill contient une puissance d'enchainer de
nouvelles idées. Ici 'opération est action.
Le langage de I'action conceme aussi le corps humain. Action
de Fesprit et action du corps s'identifient. Cette action est intro-
duite en E. 11.13, sc. Pour comprendre la puissance de lesprit,
ou ame et sa diffférence d'avec les autres esprits, idées d'autres
corps, il faut connaitre la nature du corps, idéat de Vidée qu'est
Vame: «Je dis en général que plus un corps est apte comparati-
vement aux autres & agir et & patir de plusicurs fagons & fa fois,
plus l’éme de ce corps est apte comparativement & percevoir plu-
Sieurs choses la fos; et plus les actions d'un cote Junius cor
oris actiones/ dépendent de lui seul, et moins il ya d'autres corps
gui concourent avec lui dans l'action /in agendo concurrunt/, plus
Tame de ce corps est apte & connaitre distinctement», C'est bien
en terme de devenir actif du mode fini humain que se 97
probleme ethigue, est dis le debut de Eihigue A quele pr
,léme est posé avec ses définitions d’ouverture qui constituent
aussi bien un cadre explicatif qu’un programme <'éthicisation.
Sous quelles conditions, par quels méanismes, dans cuelles limites
le corps et lime de homme peuvent ensemble augmenter une
Puissance native d’agir et de penser, puisque penser pour l'ime
est agit ? Mais ici l'action n’est pas couplée avec l’opération, mais
avec la passivité, le patir, et Ia causalité-causation inadéquate et
partielle.
Définition 1. Etre ou non cause adéquate de ses actes ou opé-
rations, ce n'est pas simplement ne pas étre empéché ou au
contraire étre en mesure de produire tous les effets que le corps
et 'ime peuvent, mais c'est produire des effets et des conditions
telles quis s'expriment plus ou moins adéquatement & partir de
la nature ou essence de la cause. Agir revient donc a étre cause
adéquate. Ame et corps sont cause adéquate quand lune et l'autre
s'expriment complétement a partir de leur essence sans interven-
tion de leur cause extérieure. Les effets se comprennent & partir
de cette cause qui en ce cas et sous un certain poiat de vue est
cause libre de par les seules lois de sa nature, indépendamment
de la contrainte des causes extérieures. En ce sens, tout mode est
puissance d'un devenir substantiel et n’est pas coupé de l'action
de la substance puisque son agir se définit de manizre univoque
avec cette action,
Définition 2. Etre actif ou agir c'est donc causer adéquatement
ce qui se passe en nous ou hors de nous ou du moins le causer
adéquatement sous certains rapports, La substance est action inté-
100
(QUEST.CE QU'AGIR POUR UN MODE FINI SELON SPINOZA?
agrale en ce quelle est cause adéquate de tous ses effets et modes
sous tous les rapports et points de vue, mais il y a de la causalité
adéquate pour le mode fini, et celle-ci n'est pas d'une autre nature
que celle-la. Etre passif est Ia situation o& en nous se produit
juelque chose dont nous ne sommes pas la cause adéquate ou
Ko bos pe sormmer la cane que palleent. ‘Agir revient &
sortir de soi pour constituer ce soi dans la fidélité sa nature en
lanpermettad de se conronter de manisze postive avec lent.
Pir eT eae ite ou dehy dans fe Texpressi
rs capacité d’expression
et laisser celle-ci en proie a la fluctuation permanente d’une
altérité incontrdl
Praxis/poitsis; liberté/servitude.
Spinoza nous demande ainsi & la fois de penser dans la distine-
tion corrélative de deux formes ou types d'existence et de ne pas
‘comprendre cette distinction comme opposition de deux formes
d’existence hétérogénes et incommunicables. Le probléme onto-
logique pour le mode fini est tout simplement le problé
logique-éthique du devenir actif sur la base d’unc passivité inc
minable, la substance seule étant action sous tous les points de
‘vue, alors que le mode ne peut comme partie finie que conquérir
cette action sous le plus grand nombre possible de points de vue,
sans jamais s'égaler a la totalité substantielle.
Faisons ici une halte. A larriére-plan de de ce probléme,
‘comme le remarque d’ailleurs P. Macherey, l’on retrouve la ques-
tion des bioi, des genres de vie chére a Aristote, la confrontation
de la praxis et de la poiésis.. L’on retrouve plus profondément,
comme |’a bien vu Stanislas Breton (1986), la terrible question de
Tesclavage et de la maitrise historiques, l’identification de la
liberté a la maitrise et de la contrainte l’esclavage. L’esclave est
toujours celui qui ne s’appartient pas, qui est la chose d’un autre,
Tiinstrument d’opération au service de celui qui opére sur lui pour
voir opérer sur toutes les choses et en jouir, ou agir vérita-
Brement. Ainsiibéré des opérations instrumentals, le maitre peut
‘vraiment agir en toute indépendance avec ses égaux, s'occuper
des affaires de la cité et se former lui-méme, pour faire de la
politique et conquérir la maitrise éthique sur soi. Avec Aristote,
praxis et maitrise de "homme libre coincident pour relever de
Taction qui a son principe et sa fin en elle-méme, indépendam-
‘ment de tout rapport a des objets extérieurs (produits d’opéra-
101
bANDRE TOSEL
tions poiétiques) qui tous doivent étre subordonnés aux fins du
maitre et intégrés dans le cercle de ses activités. La poiésis, ou
‘opérer productif, ne se confond pas nécessairement avec la peine
‘ou labeur vital de Pesclave, mais elle a une fonction instrumentale
au service de la praxis qui est architectonique et quien définitive
posséde la dimension méme de l'acte de la vie. En ce sens, Spi-
noza identifierat 'agir divin & la praxis fondamentale de la nature.
ct la séparerait de 'opérer modal qui considéré abstraitement en
luiméme conserverait quelque chose de I'« operarius», de
Vouvrier plus ou moins esclave dans la mesure od les opérations
ql sezamplt Te sont sous la contrainte de l'autre au service
a
i cette analogie est stimulante, elle risque toutefois d’égarer
dans la mesure ot 'on ne peut en réalté penser l'agir divin qu’en
le reliant aux opérations modales et, inversement, concevoir lopé-
rer modal qu’en dégageant sous sa présentation d’opération tran-
sitive pure une action du mode. L’agir substantiel est action qui
inclut Vopération productive, il est produ-action, tout comme
Yopérer modal considéré de maniére intrinseque est une action,
une opér action sion peut se permetre ces formals. De route
facon l'on ne peut penser I'agir divin gu’en critiquant radicale-
‘ment le schéma aristotélico-scolastique fondé sur le jeu de la cau-
salité forme, efficiente et finale. L'agir divin repose sur la caté-
porte de causa st impligue la uprure avec ce qu'il faut nommer
le imaginaire de la poiésis comme opération extrinséque
et de la praxis comme action dune volonté transcendante, La
Préface de Etbique I est nette : Diew n’agit pas comme une per-
sone qui vise sa propre gloire en créant des personnes finies
lesquelles produisent les instruments de la conservation de leur
tre en se donnant intentionnellment des buts et les moyens de
ces buts. La superstition du rector naturae contamine en fait l'une
par l'autre et dans la confusion praxis et poiésis en présentant le
modéle anthropomorphique du rector naturae et de son propter
inem agere. Le modéle de artisan contaminé par celui du roi ou
‘Kgislateur est projeté sur l'agir de la substance. L’opération tran-
sitive et extériorisante est imaginée comme déterminant Vagir
divin pensé contradictoirement par référence a cette opération et
séparé d'elle. Est projetée dans la nature des choses, dans Pagir
de la nature, la structure d'une subjectivité délibérente portée &
Vabsolu, se représentant des fins et des moyens, des fins qui sont
‘moyens ou instruments pour d’autres fins. La produ-action divine
est hypostasige comme une opération absolue en ce que Dieu est
102
(QU'EST:-CE QU'AGIR POUR UN MODE FINI SELON SPINOZA?
supposé créer les hommes et leur capacité d'agir et d'opérer sur
Tes choses et sur eux-mémes afin de se donner ainsi le complément
action nécessaire pour agir au sens plénier. Pensée comme opé-
ration, l’action divine est réaffirmée comme action intransitive,
mais demeure séparée de cette opération. Cette action est sup-
posée tendre vers un but qu’elle pose idéalement au-dela et au-
Gchors de son propre accomplissement dans les opérations des
créatures produites.« Ils ont da se persuader qu'il existait un ou
plusieurs recteurs de la nature, doués de laliberté humaine, ayant
pourvu a tous les besoins humains et tout fait pour leur usage /in
‘eorum usum omnia facerint./ N’ayant jamais regu au sujet de ces
tres aucune connaissance, ils ont dé en juger d'aprés Ia leur
propre et ainsi ils ont admis que les dieux dirigent toutes
pour l'usage des hommes afin de se les attacher et étre tenus par
‘eux dans fe plus grand honneur » (E. I, App.).
‘La distinction spinozienne agire/operare ne recouvre pas la dis-
tinction praxis/poiésis car les deux termes de cette derniére par-
tagent le méme présupposé dune liberté de choix surgissant du
néant et inscrite dans un plan providentaliste, le méme postulat
d'une spontanéité qui dans son agir ou son faire manque a a foi
Yagir substantiel et l'agir modal, fw produ-action qui est simult
nément opér-action. L'analyse de la praxis en termes aristotéli
ciens de délibération et de décision n'est jamais reprise par Spi-
rnoza comme noyau d'intelligiblité primaire, et Yon n'a pas assez
‘vu que la critique du schéme poidtique est aussi celle du schéme
praxique pour autant que celui-ci maintient la référence & un sujet
{solé se constituant en centre de délibération indépendant et vou
4 s'imaginer étre une sorte de cause absolue des fins et moyens
de son agir, dans une abstraction qui ne céde en rien & celle du
tmodele de Partisan, Le mécanisme de Ieee projeton anthro-
;orphique empéche de concevoir adéquatement l'opér-action
Gu mode humain fini comme parti indivisible de Paction-auto-
production dela substance infinie et cet agir substantel lui-méme.
Laction divine n’a pas d’extériorité, elle est simultanément pro-
ductrice de soi en ses modes et de ses modes, elle agit comme
‘causa sui en produisant les modes comme ses effets, en se pi
dduisant en ses modes-effets comme en autant de parties indi
bles, parties qui sont elles-mémes capables d’agir selon une déter-
mination intrinséque sans pour autant échapper a ordre des
déterminations extrinséques (E. 1.16 et cor). « Dei potentia est
ipsa ipsius essentia » (E. 134). Démonstration :« il suit de la seule
nécessité de lesssence de Dieu que est cause de soi (prop. 11) et
103ANDRE TOSEL
{prop. 16 et cor) de toutes choses. Donc la puissance de Dieu par
le lui-méme et toutes choses sont et agissent / sunt ef agunt
/ est son essence méme ».
Lagir et Vopérer dans le mode fini
La est la nouveauté spinozienne : tout mode fini, et Yhomme
¢n particulier, produit et producteur d’opérations transitives ind
finies et extérieures, s'explique simultanément comme détermi
nation intrinséque, et peut poser des actes qui ne s’expliquent
leur tour que comme modes de sa propre essence ot capacité
'agir, inscrite comme partie indivisible de Ia procu-action infi-
nie. L’étre est action, et laction sans sortir de soi est production
'opérations qui sont aussi des actions tout en demeurant des
‘opérations. Pour comprendre cette doctrine il faut renoncer aux
facilités interprétatives d'une double lecture qui oppose a une
détermination horizontale des modes finis dans Pextériorté de la
série indéfinie des opérations une lecture verticale qui inscrit
Tressence et lexistence de chaque mode fini dans la profondeur
ou Ja hauteur de l'agir substantiel qui lui conférezair ainsi une
détermination intrinséque, une puissance d’agir relativement par
soi dans ses opérations. Comme I’a bien vu B, Rousset (1986),
cette représentation n'a de valeur que provisoire et réduit la théo-
tie de lopér-action modale & une théorie de la médiation ou de
Ja participation encore transcendante ou émanatiste. Le mode fini
ne participe pas sur un mode défectueux et négatif aun agi infin
dont il serait séparé, augue! il aspirerait et auquel il se rattacherait
par une série de médiations hiérachiquement étagées en profon-
deur (série indéfinie des modes finis, modes infinis médiats et
immédiats de lattribut). L'opér-action modale est donnée sur un
tunigue plan horizontal d'immanence comme expression et partie
de I'action-production infinie. Celle-ci est dans celle la et ne peut
re sans elle. Celle-la exprime celle-ci et ne peut étre séparée
delle comme lendrot et Fenvers de la méme surface sans épas
seur.
Un mode a pour statut ontologique d’étre dans un autre et par
cet autre, sans que cette détermination ab alio soit une contrainte,
tun esclavage : au contraire elle est compatible avec lattribution
d'une potentia agendi, quantitativement variable, mais qualitati-
vement univoque. Le mode est produit ou opéré par Dieu comme
mode opérant, et opérant une opération qui est action dont il est
104
(QUEST.CE QU'AGIR POUR UN MODE FINI SELON SPINOZA?
(partiellement et relationnellement) la cause adéquate. Mais cette
condition ne peut pas supprimer le fait que le méme mode fini
dépende d’un autre en cet autre sens d'une altérté coercitive et
soit comme perpétuellement transi par les inter-opérations exer-
cées sur lui par les figures mobiles de Valtérté. La difficulté est
de comprendre cette double condition dans le plan horizontal
‘unique de limmanence et de préciser le sttut de la dépendance,
coercition ou servitude en son lien avec la liberté dont le
‘mode a une part ou plut6t est une partie. « L’essence des choses
produites par Dieu n’enveloppe pas I’existence » (I. 24). « Il suit
de la que Dieu n’est pas seulement la cause qui fait que les choses
commence dexsier; mais aussi celle qu fit ques perseve-
rent dans existence, autrement dit (pour user d'un terme sco-
lastique) Dieu est cause de Vétre des choses » (cor).
Le mode, ce qui existe par autre chose en quot il est et qui est
cn lui, ext une réalté positive. nt comprise, la finitude
‘du mode est positive et se définit comme partie opératoire d'une
puissance dagir infinie Le mode fini depend de la substance
infinie comme de sa cause, et en tant que tel il est pouvoir rela-
tifrelationnel de causer. Encore une fois Vaction-production
divine qui ne dépend que de soi, des lois de sa propre nature,
agit en produisant le mode fini sans le contraindre par une opé-
ration extérieure. Etre dans un autre et par cet autre c'est donc
tre relié de Vintérieur & cet étre 1 comme moment et
forme de son action, c'est re-produire, c'est dire produire vrai-
ment cette action dans le procés des opérations qui constituent
Je mode, cest étre partie de cette action en tant que cause d’opé-
rations reproduisant la sructure du mode par assimilation et mise
en convenance des altérités. « Diew n'est pas seulement cause effi-
ciente de 'existence mais aussi de Pessence des choses » (E. 125).
«La nature divine étant donnée, aussi bien T'essence que l'exis-
tence des choses doit s’en conclure nécessairement; et, en un
mot, au sens oit Dieu est dit cause de soi, il doit étre dit aussi
ccause de toutes choses » (id. cor).
Mais alors si 'opér-action modale exprime une partie indivisi
ble de la méme produ-action divine en sa continuité sans exté
riorité, comment comprendre la relation qui dans Vextériorité de
la série des opérations transitives fait de chaque mode un terme
séparé et discontinu causé par un autre mode, non plus ab alio
et in lio, mais ab alia re ? Comment comprendre le rapport entre
la causalité du mode fini par la substance infinie et Vintercausalité
des modes finis opérés plus qu’opérants ? Pour répondre & cette
105ANDRE TOSEL
question cruciale, on peut, avec P. Macherey, distinguer entre
Torde de action divine et Vordre commun de la nature, et faire
de ce demier une représentation illusoire et fétichiste que le mode
fini se fait nécessairement de ordre modo-substantil lui-méme.
Cest le mode fini qui isole ou abstrait l'inter-opérativité qui le
pose de l'action divine soutenant de l'intérieur cette inter-opéra-
tivité. I réduit, en effet, l'opération a sa présentation ou son apy
raitre dans la durée et ne peut d'abord comprendre son lien a
action divine. Il ne peut comprendre que dans la sé:ie des opé-
rations qui le pose et qu'il pose agit immédiatement Dieu et que
Dieu le produit comme puissance d'agir par et dans ses opéra-
tions . Celles-ci sont alors produites sous le régime de
extériorité coercitive et ne peuvent étre agies selon le régime de
lacausalté adequate, Le mode in ne pense pat a cautalité modo-
subtantielle qui le pose comme opér-action, il se la représente
seulement, comme mécanisme Ce est ce mécanisme,
jevenuc idéologie mécaniste, qui est une illusion aussi dangereuse
que ‘cle ui relevede lasupeniion quelle tend soreges, mais
qu'elle renverse spéculairement, et ce selon un processus néces-
saire. La détermination intramodale serait la représentation d'une
operation pre, parte de a cause dans la produ-acon divine.
Le mode fini est d'abord produit de maniere a se représenter
ordre qui le produit comme partie active de Ia substance infinie
cde maniére imaginaire selon un exclusivisme de Popérer sé
de ce qui le lie & 'agir substantiel. Le mécanisme esti
de la science vraie et il ne corrige pas Tillusion qui conduit le
mode a se faire le centre de la nature, il la renverse ; meis le régime
de la séparation et de la mauvaise abstraction demeure. II est
Tenvers de la superstition anthropomorphique. La science vraie
de létre comme action et production seule corrige cette double
et méme illusion fétichiste et concoit lagir de la nature naturante
en son en soi comme auto-développement par et dans le systtme
indéfini des opérations de la nature naturée qui sont simultané-
ment des parties de cet agirinfini, expressions de la méme poten-
tia agendi.
Inst pas action qui ne ot puissance nécestire de exter
de Tessence divine; il n'est pas de puissance nécessaire qui
niexprime et régle, détermine son expression dans 'infinité
cordonnée de ses modes et affections, qui ne s'affecte de l'ordre
de ses modes et de leurs opérations. Une opération bien comprise,
non plus imaginairement représentée, n’est plus une opération
transitive et discontinue, contrainte par une autre chose, mais un
106
(QUEST:CE QU'AGIR POUR UN MODE FINI SELON SPINOZA?
‘ordre interne d'opérations solidaires, expressives chacune en son
immanence de la méme puissance d'agir s’auto-affirmant, sans
choix ni lbreasblte, chacune devenue ordre d activité adequate.
Si toute opération est en soi partie de la méme puissance d'action,
‘pour soi toute opération modale finie s’apparait a elle-méme sans
pouvoir se comprendre en son en-soi actif, elle se sépare de sa
puissance d’agir en se mystfiant comme opération pure, en réa-
fissant la puissance dagir qui la pose comme moyen transitif
dune coercition exercée sur les autres choses, sans parvenir a
Coincider avec Ia puissance dagir qu'elle a en soi sans Pétre
dabord pour soi. Elle inverse la passvité qui Vaffecte en une
reaclon gui mesure la privaton de acton alle subit- Le mode
Entsccuche’ utméme son aliuldportiown en se penant cone
simple chose produite ; opération opérée en quelque sorte dont
Ta capacité de se constituer en opération opérante ou action se
perd en simple transmission de la causalité extérieure. La libéra-
tion de la puissance d'agir finie modale se conquiert comme
‘compréhension de la dimension de leurre propre a la représen-
tation te de l'opér-action modale, comme rectification de
a causalité mécanique transitive, par production d'un nouveau
point de vue.
Cer belle anaes de P. Macherey et pertinent, certs, mas
i une résene prs, importante Ce changement de pont de we
Implique bien un ace, une action de Tentendement resssssant
sre et identifiant son mécanisme en V'insérant comme appa-
‘ence mystibent del production modle meme’ clemboe
Mais cer acte de entendementimplique que on sit au cla sur
Vordre de apparaitre, c'est-dire sur Pordre commun de la
nature. Or, chia ne ‘peut étre complétement dissous comme
eure Il conte, certs, Yoboale a sisi pa le mode de a
propre potentia agendi comme partie de la potentia agendi infinie.
Mais cet obstacle est aust contin et matirerelationnele gui
définit les circonstances dlactuslisation de Y'opér-action modi
Tout réduire & un changement de point de vue risque de réduire
la pensée de Spinoza a une forme de purification ou conversion
néo-platonicienne. Le changement de point de vue est en fait une
détermination des opérations modales qui posent chaque mode
‘comme occasion d’une appropriation par celui-ci des éléments de
extériorité qui s'accordent avec son esssence et rendent possible
son passage i Iexistence et son maintien en elle comme conatus,
au sein d'un ordre relationnel. Le point de vue doit se récipro-
quer en usage actif, en appropriation des conditions et des rela-
107ANDRE TOSEL
tions qui ne cessent d’exercer leur contrainte sur le mode fini. Ne
pas thématiser le fait que le changement de point de vue est simul-
tanément un autre usage de 'extériorité dans le sens de la mise
en convenance du mode avec les relations qui le définisent risque
de séparer le point de vue de sa pratique et de son usage. Si cette
thématisation nest pas effectuée, le danger est d'rtéalser ou de
phénoménaliser T'existence de Popérer modal. Les conditions
‘externes coercitives de l’opér-action modale ne peuvent pas étre
réduites simplement au rang d'une existence factice dépossédant
Ta chose contrainte de son étre, si est vrai que cette chose peut et
doit conquérir son étre en redéterminant les contraintes en condi-
tions de sa propre possibilité selon les exigences dune ontologie
intégralement relationnelle, Autrement la dénonciation du feti-
chisme immanent i la représentation mécaniste de Vopérer modal
aboutirait& faire de la relationalité modale une si
disparaissant devant le savoir qui la relie
‘Or,le probleme est celui de a constitution ’un savoir des relations
dextétiorité et de leur mise en adéquation par et pour le mode
dans les limites de la finitade modale. Le probleme est celui de
usage ou de la pratique du changement du point de vue. L’exté-
riorité de l'ordre commun de la nature nest pas pure illusion sinon
nous courrions le risque d'un autre fétichisme, celui de la pure
défétichisation privée des mécanismes de sa pratique.
Qu'est-ce que devenir actif pour le mode fini ?
Le che ent de point de vue n'est possible, en effet, que si
Vinteropérativité modale n'est pas seulement déterminée comme
forme de manifestation illusoire de l’agir de la nature & une de
‘ses parties qui s’isolerait comme opération séparée. Cette intero-
pérativité demeure condition et ‘nifen relationnel dont tout mode
dépend et qu’il doit transformer en condition interne de sa repro-
duction et de se capacité opérative. La conquéte par le mode fini
de son devenir actif de a liberté, n'est pas une négation de l'inte-
ropérativité par simple changement de point de vue, mais sa redé-
termination en condition interne dexistence. C'est dans la
contrainte qu’elle exerce que sont fournis les éléments relation-
nels assurant au mode le maintien de son étre et de son agir.
Qu’est-ce que devenir actif pour le mode fini sinon assimiler & sa
forme ou essence les éléments de l’extériorité qui ne sont pas
seulement menace ou imposition de servitude, mais condition de
108
(QU'EST.-CE QU'AGIR POUR UN MODE FINI SELON SPINOZA?
production des relations qui le définissent et qui réglent sa puis-
Sapa" parte a ae pT TK ir nest pas échappeF au
|systeme léterminations opératives transitives, mais connaitre
ce systéme en en appropriant les éléments vitaux au sein de la
continuité comprise de l’agir substantiel, sans subir la vie comme
processus aveugle et fluctuant. C’est s'assimiler les parties de ce
systéme qui conviennent relationnellement au maintien de la for-
mule définissant l’étre et l’agir du mode considéré. Alors l'ordre
commun de la nature, compris et rectifié comme ordre de déter-
mination interne, cesse d’étre une menace qui transit la puissance
d'agit dans l'extériorité, il est décomposé par jue mode en
‘ses parties positives pour lui, les parties négatives étant éliminées
ou ae Cest ede gona eo nature qui ainsi
démystifié n’est pas seulement objet d’un changement de point
de vue ou obstade, mais devient pour le mode ordre de develop.
pement de sa nature finie dans les limites qui le définissent et
définissent positivement au sein de l’ordre relationnel de la nature
infinie comme le précise E. Giancotti (« Teoria ¢ pratica della
liberta alla luce dell’ontologia spinoziana. Note per una discus-
sione », 1995).
‘Ou plutét, Payir modal cesse alors de se penser en termes
d'appartenance & un ordre en ce qu'il est lexistence partitive de
Traction divine, mais ici la partie s'inscrit dans une partition musi-
cale. Il a pour effectivité de se substantialiser autant qu'il est en
Jui, sans jamais coincider avec la totalité intensive de la substance,
au sein de l’enchainement extrinséque des choses finies, en oppo-
sition et en relation tout a la fois avec cet enchainement. Le deve-
nir actif passe, certes, par la connaissance, mais la connaissance
‘est ce que nous faisons et agissons, non plus ce que Dieu fait
extérieurement de nous en nous posant comme terme de l’enchai-
nement. Elle est acte, elle est ce que Dieu fait en nous, par nous,
sree pots, comme le dit B. oe Ce Se ea
i affirme une conception originale et positive de la finitude qui
reconnait a la fois létre relationnel et dependant du mode lai
confére sans le penser sous la catégorie de péché un quantum
d’activité dans et par ses opér-actions adéquates. Le quantum
d'action du mode varie entre deux limites qu’il n’atteint jamais,
le zéro et l’infini. « Notre ame est active, agit en certaines choses,
passive en d'autres, c’est-a-dire en tant qu’elle a des idées adé-
quates elle agit nécessairement en certaines choses, en tant qu'elle
a des idées inadéquates, elle est nécessairement passive en certai-
nes choses. » (E. III.1). De méme, pour le corps humain. « Le
109ANDRE TOSEL,
corps humain peut étre affecté de nombeuses manitres qui acc-
Cromsent ou dninuent sa puissance d'agir, et musi en d'autres
qui ne rendent sa puissance d'agir ni plus grande ni moindre. »
(UL, post 1).
Notre corps et notre ames sont au minimum actifs sous une
relation par le seul fat dete et ils peuvent &tre congus comme
cause adéquate sous cette relation, sous peine de disparaitre. Un
corps et une me ne peuvent étre actfs sous toutes les relations
ui les lient aux autres corps et ames lesquels le affectent néces-
sairement. L'essentia actuosa du mode se constitue dans un pro-
cessus graduel et elle le fait sous le régime d'une action qui est
production d’opérations réalisant sa puissance, par approfondis
sement et assimilation de la causalté extérieure en manifestation
‘ou expression de l'action-production substantielle. L’agir infini
‘est présent de plus en plus intensivement et extensivement dans
opér-action modale finie. Sans qu'il y ait lieu de déduire celle-ci
de celle: toutes deux se donnent et se trouvent ensemble, Cette
‘opér-action n'est pas un élément séparé d'un tout additf, elle est
partie active, plus ou moins, de cette totalité dynamique qui n'est
gue source et avoir leu de'ce qui faut bien appeler le devenit
iatoire ou action du m
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110
Christian Lazzeri
LOCKE ET LES RAISONS DE L’ACTION
Employer expression « raisons de l'action » chez Locke ren-
voie au moins & deux signification de cette expression : 1°) On
peut comprendre Ia raison de Faction au sens ot, en rendre raison
reviendrait A en déterminer les causes et celles-ci pourraient étre
définies comme des « motifs » de l'action. 2° ) Mais, on peut
comprendre les raisons de lection sn sens ob en rence raison
igi’ & powoir faire Eat de justification, cextaite une
légitimation qui puisse e tout & is rincipes sur
lesquels elle se fonde et l'argumentation qui établit qu'elle les
respecte et les met en ceuvre. Dans le premier cas, recourir aux
raisons de l’action comme motivation, c'est montrer que les objets
auxquels Vaction s'applique sont au moins voulus et désirés en
tant que posscssions a obtcnir, moycns a utiliscr, buts tcindre.
Dans ce cadre, c'est donc a la vie affective qu’il faut s'intéresser
et plus pyédment Ta natured fondement des prélrences
individuelles et collectives qui font Pobjet des différentes pas-
sions. Dans le second cas, recourit aux raisons de !'action sous
Paspect de la Idgitimation, c'est, on l'a dit tenter de justifier
action en exhibant les priacipes sur leaquels ele se fonde, mais
c'est aussi se demander dans quelle mesure ces principes sont
contraignants pour étre nécessairement acceptés par ceux qui doi-
Fetes elmer Or cate qurtion ele Sienna &
‘obligation éthigue et politique, c'est dire que la légitimité
pongettn, higue& pols, ce die gus a Jegiimié de
T'action.
Tl faut done montrer, du coté des principes eux-mémes quelles
soat les propriétés dont ils disposent pour pouvoir générer des
obligations, mais il faut montrer aussi que ces principes convien-
‘nent avec les motivations sur lesguelles ls doivent avoir prise afin
de les orienter vers les classes d’actes qu’ils prescrivent et de les
détourner de celles qu’ls prohibent. Si une telle entreprise réussit,
fon pourra alors dist que les raisons de l'action, an sens de sa
motivation, se lent sur les raisons de I’action au sens de sa
ggitimation et qu’en retour, les principes de Iégitimation produi-
un