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désormais total. Au point que le dispensaire où


Syrie: l’agonie sans fin de la Ghouta travaille le Dr Amany a fait l’objet de six attaques
PAR JEAN-PIERRE PERRIN aériennes en un an.
ARTICLE PUBLIÉ LE MERCREDI 27 DÉCEMBRE 2017

Après un bombardement, le 17 novembre 2017 à Douma, dans


la plaine syrienne de la Ghouta. © REUTERS/Bassam Khabieh
Après un bombardement, le 17 novembre 2017 à Douma, dans
la plaine syrienne de la Ghouta. © REUTERS/Bassam Khabieh Cinq ans et demi après s’être soulevée contre Bachar
Depuis cinq ans et demi, la plaine bocagère de la al-Assad, la Ghouta orientale demeure l’une des deux
Ghouta orientale, aux portes de Damas, résiste aux dernières grandes régions syriennes à n’avoir pas été
forces de Bachar al-Assad. Bombardés, affamés en reconquises par les forces du régime. Située à l’est
dépit d’un « accord de désengagement », ses habitants de Damas, c’est pourtant une région stratégique :
craignent d’être victimes de massacres si l’armée elle a servi de base arrière pour les rebelles quand
syrienne reprend la région. ils attaquaient et bombardaient au mortier la capitale
Ils sont à ce point accablés par les bombardements syrienne – une capacité qu’ils ont depuis en grande
aériens que nombre de civils de la Ghouta orientale, partie perdue. Aussi les forces loyalistes n’ont-elles
cette plaine bocagère qui commence à la lisière pas ménagé leurs efforts pour la reprendre.
de Damas, savent désormais reconnaître à quelle Le 21 août 2013, elles avaient employé le gaz sarin,
aviation appartient l’appareil qui, brutalement, viendra une attaque qui avait fait plus d’un millier de
apporter la mort et le chaos. « L’expérience nous victimes, en majorité des femmes et des enfants.
permet de dire, sans pour autant en être sûr à 100 %, si Pas de nouvelles attaques chimiques depuis, mais des
le pilote est russe ou syrien. S’il est russe, la frappe est bombardements qui n’ont quasiment jamais cessé : «
précise. S’il est syrien, son pilote va bombarder tout Ils sont quotidiens. Les frappes ne sont pas seulement
et n’importe quoi », raconte le Dr Amany Balour, une celles des avions mais aussi celles de l’artillerie
pédiatre de la Ghouta jointe par téléphone. et des missiles. La différence, c’est leur fréquence.
À l’heure où cette région est censée bénéficier depuis Certains jours, leur intensité baisse, d’autres jours
huit mois d’un accord de désescalade, validé par la elle augmente », précise la pédiatre.
Russie, l’Iran et la Turquie, rien n’a vraiment changé Le dernier bilan, établi par des organisations
pour une population prise au piège d’un encerclement humanitaires sur la période du 14 novembre au
2 décembre, soit une quinzaine de jours, fait état
de la mort de 268 personnes et de 1 118 blessés.
« Quasiment tous étaient des civils. Le dernier
[bombardement] que j’ai pu voir a tué une mère et ses
quatre enfants », ajoute-t-elle. Pour la seule journée du
28 novembre, au moins 23 civils ont été tués par les
frappes aériennes et les tirs d’artillerie en provenance
des forces du régime, selon l’Observatoire syrien des
droits de l’homme.

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La Ghouta orientale, qui se compose à la fois de Trouver de la nourriture est ainsi devenu le premier
vergers, de villages agricoles et de bourgades faisant souci des civils. Le prix du « paquet » de pain
partie de la banlieue de Damas, n’est pas seulement atteint six dollars – il est de 50 cents à Damas – et
bombardée. Il y a visiblement une volonté du régime celui du sucre 30 dollars. D’où l’aggravation de la
de l’affamer. Impossible pour les habitants de recevoir malnutrition, notamment chez les enfants. D’après une
nourriture et médicaments. « Au début du siège, nous étude de l’Unicef réalisée entre juillet et septembre
parvenions à en obtenir grâce à des tunnels secrets. et qui portait sur 12 270 enfants, 1 715 souffraient
Mais c’est fini. Tous ceux qui existaient sont à présent de malnutrition chronique, avec une forme sévère
contrôlés par les forces du régime. Toutes les voies chez 329 d’entre eux. Depuis, plusieurs nourrissons
d’accès aussi », précise le Dr Amany. Impossible sont morts. Comme les hôpitaux, au nombre d’une
également d’évacuer les blessés et les malades. C’est vingtaine, et les dispensaires, les dépôts de nourriture
la différence avec la région d’Idlib, l’autre grand fief font l’objet d’attaques aériennes, en particulier les
insoumis, qui est limitrophe de la Turquie, ce qui rares fois où ils avaient pu être approvisionnés par les
permet à ses habitants de recevoir de l’aide. camions des Nations unies.
Dans la Ghouta orientale, petit territoire de 30 Officiellement, la Ghouta est l’une des quatre régions
km2, survivent encore plus de 370 000 personnes. syriennes bénéficiant des accords de désescalade
« Essentiellement les familles les plus pauvres ! conclus le 4 mai, à l’issue d’un quatrième round de
Les riches et tous ceux qui avaient de la famille à pourparlers à Astana (Kazakhstan) qui a réuni, outre
l’extérieur ont pu partir, soit hors de Syrie soit à les parties syriennes, d’un côté la Russie et l’Iran,
l’intérieur. Restent ceux qui n’avaient rien », explique soutiens de Bachar al-Assad, et de l’autre la Turquie,
depuis l’hôpital de Clermont-de-l’Oise (Oise), où représentant les rebelles, en vue de parvenir à une trêve
durable. Des convois d’aide humanitaire auraient alors
il travaille, le Dr Ziad Alissa, un vétéran des
dû parvenir à la Ghouta. « Mais aucun accord n’est
missions humanitaires en Syrie, souvent clandestines,
jamais respecté quand il s’agit de la Ghouta. On n’a
et président de l’Union des organisations de secours et
ainsi jamais pu obtenir une trêve, ne serait-ce que de
soins médicaux (UOSSM), une ONG qui apporte aide
48 heures, afin de permettre l’évacuation des blessés
et secours médical aux populations, en particulier aux
enfants – ils sont 95 000 pris au piège de la Ghouta. ou des malades », déplore le Dr Alissa.
Avec l’hiver, la situation humanitaire dans la zone Mardi 26 décembre, 531 civils gravement malades,
encerclée est devenue encore plus dramatique. « dont 167 enfants, attendaient depuis deux mois de
Maintenant, il n’y a plus ni électricité ni gaz et l’eau pouvoir sortir de la Ghouta, via le Croissant-Rouge
ou les Nations unies. S’ils prennent le risque d’être
est polluée », indique le Dr Amany Balour. Signe que
évacués, malgré la crainte d’être arrêtés par des soldats
le blocus est devenu total, on ne trouve quasiment
ou des miliciens sur un barrage, c’est parce que leur
plus de fuel pour alimenter les générateurs. Ou alors
état est des plus graves – pendant ces deux mois, une
à des prix extrêmes. « Onze dollars [neuf euros –
quinzaine de malades a déjà succombé. « Pas un seul
ndlr] le litre, une somme considérable quand on songe
de ces 167 enfants n’a pu sortir ces deux derniers mois.
que le revenu moyen d’une famille dans la Ghouta
Pas un seul. Et neuf d’entre eux sont décédés », a
est de 250 dollars », précise le Dr Alissa. Aussi, fait savoir Jan Egeland, conseiller spécial de l’envoyé
les assiégés cherchent-ils à se procurer du bois, au spécial des Nations unies. Dont la petite Rama, 4
détriment des vergers qui alimentaient naguère les ans. Un cas parmi d’autres, exemplaire : atteinte d’un
marchés de Damas et faisaient la richesse de ces terres cancer du larynx, elle n’a pas été autorisée à sortir de
bocagères. la Ghouta et a attendu pendant huit mois, dans les plus
grandes souffrances et difficultés pour s’alimenter,

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de pouvoir continuer sa chimiothérapie à Damas. En Même si le niveau de violence a semble-t-il beaucoup


vain. « On ne voit pas de différence notable depuis la baissé, ces heurts fratricides n’ont pas complètement
signature des accords d’Astana, insiste le Dr Amany. disparu. « Un des médecins avec lesquels je suis en
Le 20 octobre, un convoi des Nations unies a pu entrer contact m’a dit qu’il avait soigné dernièrement des
mais les médicaments et la nourriture qu’il a livrés combattants blessés lors d’affrontements. Quant à
étaient négligeables au regard de nos besoins. Ils ont leur origine, je ne pense pas que cela soit pour des
donc été épuisés au bout d’une semaine. » raisons idéologiques, ce sont plutôt des questions de
Selon le Comité international de la Croix Rouge, personne », estime le Dr Alissa, qui préfère ne pas
des évacuations médicales ont débuté mercredi 27. s’étendre sur ce sujet. C’est à Jaish Al-Islam qu’est
La Société médicale américano-syrienne (SAMS) a imputée la disparition, en décembre 2013, de l’avocate
précisé que quatre patients ont été conduits dans des Razan Zaitouneh, grande figure de dissidence et de la
hôpitaux de Damas, sur la trentaine dont l'évacuation révolution syrienne, dont on est depuis sans aucune
est vitale. Mohammed Katoub, un des dirigeants de nouvelle.
la SAMS, a précisé sur Twitter que ces premières Ce qui effraye aussi les habitants, c’est le sort que
évacuations résultaient d’un accord conclu entre le le régime leur réserve une fois qu’il aura repris la
gouvernement syrien et les rebelles du groupe Jaish Ghouta orientale. Sans doute l’armée syrienne et
Al-Islam (l’Armée de l’islam), prévoyant un échange ses alliés, désormais moins engagés sur les autres
de prisonniers. Le croissant rouge syrien a pour sa part fronts, ont-ils à présent les moyens de la reconquérir.
indiqué que les évacuations étaient l'aboutissement de D’où l’impression chez ces médecins que le pouvoir
« longues négociations ». syrien entend d’abord infliger à la région une punition
Du côté des combattants rebelles, la tragique situation collective par la faim et les bombardements. En faisant
humanitaire n’empêche pas les affrontements entre aussi monter la peur chez les civils. « Car, prévoit le
groupes armés rivaux – les principaux sont au nombre Dr Amany, quand l’armée syrienne entrera dans la
de quatre – de se poursuivre. Ils avaient culminé en Ghouta, on peut s’attendre à ce qu’une grande partie
avril 2017, opposant notamment Jaish Al-Islam, une de la population soit tuée. Ce sera un grand massacre
formation salafiste soutenue par l’Arabie saoudite, à à l’échelle mondiale. »
Faylaq Al-Rahmane, une formation liée à l’Armée Boite noire
syrienne libre (ASL) et au Front Al-Nosra, la branche
Publié le 26 décembre, l'article a été mis à jour
syrienne d’Al-Qaïda – il s’est rebaptisé pour devenir
mercredi 27 avec l’annonce de quatre évacuations
le Front Fatah Al-Cham, puis Hayat Tahrir Al-Cham.
médicales.

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