du sodium et du potassium
Théorie et problèmes
Jean-Luc LAFOND
Introduction
La mesure par potentiométrie du sodium et du potassium dans les milieux biologiques, ne s'est
vraiment développée en biologie du soin quotidienne que depuis une vingtaine d'années, et
ceci pour plusieurs raisons:
Les progrès technologiques ont permis le développement, à un coût acceptable, de
système électronique suffisamment performant pour pouvoir mesurer et amplifier sans
trop de parasites les très faibles signaux électriques émis par ces électrodes.
Des raisons médicales: les ions en solution dans les liquides biologiques se trouvent
sous différents états et seul l'état dit libre ou actif permet à ces ions d'être véritablement
efficace. La mesure de cette partie active des ions est encore marginale. Elle est
couramment réalisée pour les H+ et calcium, mais tendra à se développer.
Des raisons pratiques: Ces électrodes sélectives sont encore chères mais maintenant,
leur utilisation est aussi facile que celle des appareils à flamme.
La période actuelle reste encore une période transitoire. Nous verrons que les mesures
par potentiométrie ne sont pas exactement superposables à celles faites par photométrie
de flamme ou par absorption atomique. Or cette dernière grâce à son ancienneté et sa
grande diffusion, est toujours considérée comme la méthode de référence. Il faut bien
connaître les problèmes que posent ces deux types de mesure pour éviter de grossières
erreurs.
Nous examinerons les problèmes de correspondance qui existent entre ces deux
techniques, dans certaines circonstances pathologiques.
Historique
C'est au début du siècle que fut inventée, sur le principe de la pile, la première de ces
électrodes sélectives. Sa membrane était en verre et permettait la mesure des ions H + en
solution. Plus tard on s’aperçut qu'en modifiant la composition du verre on pouvait rendre ces
électrodes sensibles à d'autres ions. Ce n'est que vers la fin des années cinquante que le
physiologiste américain EISENMAN, donna une explication théorique des potentiels de
membrane, ceci en étudiant les membranes cellulaires et les différences de concentration
ionique intra et extra cellulaire. Plus récemment, en appliquant les propriétés chélatrices de
certains antibiotiques, purent être développé les électrodes à membrane liquide.
RT
E E0 E p 2,3 LogA
nF
où
E est la différence de potentiel mesurée aux bornes du système.
E0 est la somme des potentiels fixes dépendant de la structure des électrodes de
mesure et de référence.
Ep est la somme des potentiels dits parasites.
R est la constante des gaz parfaits.
T est la température absolue.
n est la valence.
F est le nombre de Faraday.
A est l'activité de l'ion à mesurer.
Tous ces paramètres sont des constantes, sauf A qui sera mesuré, l'équation peut donc
s'écrire
E K log A Constante
RT
K 2,3 C’est la pente de la droite.
nF
R et T étant des constantes, cette pente va dépendre de la valence (n) et de la
température T. En appliquant l'équation de NERNST on constate que dans le cas du
sodium ou du potassium, lorsque l'on travaille à température ambiante, la différence de
potentiel E mesurée aux bornes du système, varie d'environ 60 mV lorsque l'activité de
ces ions change d'un facteur 10. on dit que l'électrode à une réponse NERNSTienne.
Examinons les autres paramètres que nous avons considérés comme étant des
constantes.
E0: C'est la somme des potentiels dits fixes. Ils doivent, pour que le système fonctionne
correctement, être le plus stable possible. Ils dépendent de la structure des électrodes.
Ep C'est la somme des potentiels considérés comme parasites et qu'il faudra minimiser au
maximum, ou du moins stabiliser le plus possible. Ces potentiels sont influencés par les
différences de viscosité, de force ionique, par la présence ou l'absence de protéines ou
de cellules, entre les solutions étalons et les solutions à mesurer.
De l'équation de NERNST nous pouvons déduire que, dans des conditions
expérimentales précises, la différence de potentiel mesurée aux bornes du système est
une fonction logarithmique de l'activité de l'ion à mesurer.
dépend de la force ionique de la solution. cette force ionique est égale à la demie
somme du produit de la concentration par le carré de la valence, pour chacun des ions de
la solution.
1
f i (Cn2)
2
C la concentration en mole/l et n la valence
On constate donc que l'activité d'un ion ne dépend pas uniquement de sa propre
concentration dans la solution mais également de la concentration de tous les ions
présents dans le milieu.
C'est E Eet Einc , la différence entre la mesure sur la solution étalon et celle sur la solution
inconnue, qui nous intéresse et va nous permettre de déduire la concentration dans la solution
inconnue.
En se plaçant dans des conditions expérimentales telles que, la température, la force ionique,
la viscosité ne varient pas entre la mesure de l'étalon et celle de la solution inconnue, on peut
admettre que la somme E0 E p reste constante et égale.
A
E K log et
L'équation peut donc s'écrire: Ainc
in c C in c e t C e t e E /k
e t
C in c C e t e E /k
in c
Les coefficients d'activité ne sont pas mesurables or la mesure n'est interprétable que si les
coefficients inc et Cinc sont voisins de 1. Mais ceux ci ne tendent vers 1 que dans des solutions
très diluées (force ionique voisine de 10 -7 M). La force ionique du plasma est de l'ordre de 1,5
10-1 M et dans ces conditions, les pour Na et K sont voisin de 0,75. Donc pour que la
formule soit applicable, le rapport et /inc devra être le plus proche possible de 1. L'étalon devra
avoir une f i très proche de celle du plasma. Si cela ne pose habituellement pas de problème
pour les mesures dans le sang, il faudra quand même faire attention aux valeurs rendues
lorsque l'on s'écartera fortement des valeurs normales du sodium (forte hyper et
hyponatrémie). Cet ion est le composé majoritaire dans la force ionique du plasma.
Par contre avec les urines le problème est important car dans ce liquide la force ionique varie
fortement (de 10 à 1000 mmol). Pour respecter le rapport il faudrait disposer d'une gamme
d'étalon de force ionique croissante et utiliser l'étalon adapté à l'urine à doser. Ceci est en
pratique impossible. Nous verrons comment il est possible de remédier à ce problème.
Les conditions de force ionique étant remplies, on peut écrire l'équation de la manière
suivante:
Cinc Cet e E/K
E est la ddp aux bornes du système.
K est la pente de la droite
C'est cette formule qui est utilisée dans les algorithmes de calcul des automates à électrodes
sélectives. Bien entendu, selon les appareils des séquences de contrôle, de stabilité de
dérives, des étalons et des solutions inconnues sont intégrés dans le programme de gestion de
l'appareil.
L’aspect technique
Après cet aspect théorique un peu abstrait, mais qu'il était important d'aborder pour connaître
les principales contraintes propres à la potentiométrie (température, force ionique, etc.) voyons
maintenant l'aspect technique du problème.
La ddp au niveau d'une membrane n'est mesurable que si l'on inclue cette dernière dans une
pile. Le montage suivant schématise la disposition de cette pile.
Les membranes les plus utilisées pour mesurer les ions qui nous intéressent sont du type
séquestrant neutre
Ces membranes renferment des macromolécules cycliques neutres capables de former
des complexes chargés électriquement avec certains ions alcalins. Ce sont soit des
antibiotiques soit des molécules de synthèse.
Ces molécules ont été utilisées dans la fabrication des membranes à la suite des
observations montrant que certains antibiotiques modifient le transport du potassium dans
la mitochondrie.
La valinomycine est le chélateur le plus utilisé. C'est un polypeptide isolé de
Streptomyces fulvissimus et dont le cycle est formé de 36 chaînons.
Dans le solvant organique, grâce à la formation de liaisons hydrogène, la molécule
s'ouvre et une cavité capable de recevoir les ions K + se forme. La partie polaire de la
molécule s'oriente vers le cation central et la partie lipophile périphérique permet la
solubilisation dans le solvant et donne à la valinomycine sa grande stabilité.
D'autres molécules possèdent ces propriétés de séquestrant neutres. Elles sont soit
d'origine bactérienne comme les macrotétrolides, la gramicétine etc... soit, synthétique
comme les polyethers
Toutes ces molécules sont cycliques.
L'activité mesurée par les électrodes correspond, nous l'avons vue précédemment, au
rapport ions actifs sur ions libres soit (102,1/138= 0,74 dans notre exemple.
La distribution des ions potassium dans le plasma ou sérum est très similaire, donc son
activité est très proche de 0,74
Par contre la répartition du calcium est très différente (voir cours sur le calcium).
Les électrodes mesurant une activité ne seront sensibles qu'aux ions présents dans la phase
aqueuse.
L'activité étant un rapport, elle sera indépendante de la notion de prise d'essai et sera la même
dans le sang, le plasma ou le sérum.
En appliquant la relation pour passer de l'activité à la concentration les résultats seront
exprimés par rapport à l'eau plasmatique.
La potentiométrie directe: C'est elle qui permet la mesure de l'ion réellement actif, mais
les résultats sont convertis et exprimés par rapport à l'eau plasmatique d'où une
différence systématique par rapport à la photométrie de flamme.
Par cette méthode, les dosages urinaires sont soit impossibles soit très approximatifs. Ce
sont ces deux raisons qui ont entraîné le développement d'une troisième méthode.
La potentiométrie indirecte.
Comme en photométrie de flamme, l'échantillon est dilué mais on ne peut ici dépasser
des dilutions d'environ 1/20 ème, la sensibilité des électrodes baissant fortement lorsque
la concentration en sodium est inférieure à 3 à 5 mmol/l.
C'est une mesure potentiométrique mais, dans la dilution, l'activité de l'ion est très
différente de celle dans le liquide d'origine.
Ainsi par ces trois méthodes ne mesure t on pas tout à fait la même grandeur.
Si cette formule permet en effet de corriger les erreurs dues à la dilution (voir graphique
suivant) elle est lourde et ne peut pas être appliquée systématiquement, d'autant plus que
le dosage des lipides totaux n'a plus cours. On pourrait remplacer les lipides totaux par
La potentiométrie directe
C'est la méthode qui d'un point de vue théorique est la plus séduisante. Elle tendra dans
le futur à devenir la méthode de référence. La miniaturisation de telles électrodes peut
être importante, certaines permettent la mesure d'activités à l'intérieur de cellules sans
les léser.
Mais les inconvénients restent encore assez nombreux.
JL L Electrodes sélectives 2003 10 /conversion/tmp/scratch/377386987.doc
L'habitude des cliniciens de raisonner sur des résultats obtenus par photométrie de
flamme peut induire des erreurs de raisonnement.
La présence de cellules et de protéines en quantité importante rend la réponse de ces
électrodes assez lente et affecte la reproductibilité.
L'entretien est assez lourd car les bouchons, les dépôts sont assez fréquents.
Une éventuelle hémolyse ne sera pas visible si on travaille sur sang total
Les dosages urinaires ne sont pas satisfaisants même après une dilution "externe"
Le coût de l'analyse est assez élevé.
Les appareils fondés sur ce type de mesure se développent de plus en plus. Certains
sont capables de rendre sur sang total:
Sodium
potassium
les gaz du sang
le pH
le calcium ionisé
Hémoglobine
le lactate
Ceci quelques minutes après la prise de sang... le rêve pour les réanimateurs et
anesthésistes !
La potentiométrie indirecte
Elle apparaît un peu comme une méthode bâtarde tentant de récupérer les avantages des
autres.
Les résultats sont strictement superposables à ceux de la photométrie de flamme. Mais
comme avec elle, ils sont faussés en cas de modification importante de l'eau plasmatique.
La prise d'essai est très faible
Les cadences élevées à cause du temps de réponse très court des électrodes.
La dilution avec un tampon minimise les variations de Fi et de pH dans le plasma et
l'urine.
Les problèmes de colmatage sont moins aigus, mais les procédures d'entretien restent
assez lourdes.
Le coût de fonctionnement est assez élevé: une électrode coûte de 1000 à 4000 F.
Cette méthode permettra (pendant combien de temps ?) de faire la transition entre la
photométrie de flamme et la potentiométrie directe.
Conclusion
La potentiométrie est une méthode d'avenir s'appliquant à des domaines de plus en plus
vastes de la biochimie. Mais il existe de nombreuses contraintes et limites qu'il faut
connaître pour pouvoir exploiter correctement les résultats rendus par cette méthode
(importance de la température, de la force ionique, problèmes liés à la correspondance
des résultats avec la méthode de référence).
NB les figures présentées dans ce cours sont issues de certaines des références citées
ci-dessous
Références
MAAS A.H.J.
Electrodes spécifiques pour ions dans la chimie clinique.
Forum diagnosticum 1987, 1, 12-17
MAAS A.H.J.
Problèmes et recommandatiobns pour l’utilisation des électrodes sélectivesen biologie clinique.
RBM, 19??, 10, 2, 70-73
SACHS C.
Rappel théorique sur les électrodes sélectives.
Rev. Fran. Lab. 1984, 132, 49-54
SACHS C.
Introduction à l’usage des électrodes sélectives en biologie clinique.
Ann. Biol. Clin. 1985, 43, 715-721.