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Texto II- Francês

Guillaume Boccara – Cet obscur objet du désir… multiculturel (III) : ethnogenèse, ethnicisation et ethnification -
Conclusion : Multiculturalisme, néolibéralisme et … anthropologie

Les terres et territoires occupés par les populations rurales appauvries et essentiellement amérindiennes forment les
nouvelles frontières (frontier) du modèle d’accumulation postfordiste que constitue la globalisation néolibérale16. Etant
donné le modèle de développement adopté par les Etats latino-américains durant les trois dernières décennies et dans un
contexte de reconfiguration de l’Etat, les terres indiennes et leurs ressources deviennent l’objet de toutes les convoitises.
C’est dans ce cadre que le multiculturalisme, qui promeut - selon le jargon en vigueur - la responsabilisation de la
« société civile », la « participation sociale », la « capacity building » des communautés et « l’empoderamiento» des
plus pauvres, s’est progressivement imposé comme la logique culturelle par excellence du capitalisme globalisé.

A la question « qu’est-ce que le multiculturalisme ? », il n’y a, par conséquent, pas de réponse aisée. Est-ce un nouveau
« projet éthico-politique » comme l’affirment les auteurs de ce livre ? Certainement. Mais ce n’est pas que cela. Ou plus
précisément, étant donné le caractère diffus et la complexité de ce nouveau dispositif, il convient de l’étudier depuis
plusieurs perspectives, autant au travers de ses pratiques et représentations que de ses effets sur le terrain. Il est par
ailleurs nécessaire de réaliser une ethnographie multi-située afin de rendre compte des différentes logiques d’agents et
d’échelles. De nombreuses études - déjà citées dans cet article - tendent à montrer que le multiculturalisme constitue un
nouvel art de gouvernement. C’est-à-dire qu’il s’appuie sur « des pratiques par lesquelles on parvient à structurer le
champ d’action éventuel des autres ». Il renverrait ainsi à des procédures concrètes qui dessinent le champ des rapports
de force et des relations que ces mêmes procédures entretiennent avec « un discours de souveraineté qui prétend tout à
la fois fonder leur légitimité et en déployer la signification »

Évoquons succinctement, pour achever ce long parcours, ce qui constitue selon nous la nature de ce multiculturalisme
néolibéral. Le multiculturalisme participe tout d’abord de la génération ainsi que de la structuration de ce que je
nommerais un champ ethno-bureaucratique au sein duquel de nouveaux agents différemment dotés en capital
économique et culturel s’affrontent autour de nouvelles procédures de légitimation, d’authentification et de consécration
dont l’enjeu est de savoir « qui a le pouvoir de dire qui est Indien » et « ce qu’est la culture indienne authentique ». Au
sein de ce nouveau champ, les savoirs, rituels et systèmes de représentations autochtones sont convertis en « capital
culturel » et les relations sociales de toute nature qui lient les membres des communautés entre eux deviennent du
« capital social ». Ces nouvelles procédures d’incorporation constituent la première étape vers la production de la
« demande sociale » indienne tout comme elles tendent à imposer de nouvelles normes concernant l’exercice légitime
de « l’indigénéité ». Les luttes et revendications sociales indiennes se déployant en dehors du nouveau champ sont
délégitimées ou plus radicalement déclarées illégales. On observe enfin que les mécanismes de légitimation et de
normalisation qui fonctionnent au sein du champ ethno-bureaucratique produisent des effets de standardisation des
cultures indiennes, de professionnalisation des individus porteurs de cette culture standardisée et de délégation du
pouvoir politique. On incite les Indiens à devenir les ethnographes de leurs propres communautés et les nouveaux
dispositifs de gestion de la différence et de la pauvreté contribuent à les englober au sein de ce nouveau champ dans des
positions généralement subalternes. Le multiculturalisme représente par ailleurs une nouvelle technologie de pouvoir :
l’ethno-gouvernementalité. Cette dernière renvoie à l’exercice d’un pouvoir et à la production d’un savoir qui visent à
améliorer le bien-être de la population indienne et agissent sur ce que Michel Foucault appela « la conduite des
conduites »

Le multiculturalisme participe ainsi non pas à l’ethnicisation mais à l’ethnification des populations indiennes via les
divers recensements et enquêtes, la légalisation des titres communautaires et la création de nouvelles communautés, la
désignation de représentants indiens qui doivent parler et s’engager au nom de leurs communautés, la formation de «
capital humain » et l’organisation de stages pour les nouveaux leaders, etc. Le nouveau cadre idéologique et politique
de l’ethno-développement, principal vecteur du multiculturalisme, peut être considéré comme un art libéral de
gouvernement qui se déploie via l’internalisation des disciplines, où les « acteurs » assument la responsabilité de
politiques sociales conçues de l’extérieur et où la règle se déploie via la complicité, la confiance et l’intérêt mutuel.

L’ethno-développement a pour objectif la mise en place de mécanismes autorégulateurs au sein des différents agrégats
sociaux à travers la responsabilisation sociale, la « bonne gouvernance » et les réseaux auto-organisés. Au travers d’une
véritable chrono-politique, le multiculturalisme contribue à la mise en place d’un nouveau nationalisme. De même, au
travers d’une nouvelle géopolitique il tend à renforcer le processus de territorialisation de la nation. Les cultures et
histoires indiennes sont patrimonialisées et nationalisées. De nouvelles frontières - qui sont en fait des limites - sont
tracées entre les Indiens ayant toujours fait partie de la nation et les Autres radicalement Autres, ces Indiens toujours
déjà étrangers, immigrants illégaux de l’ère proto-nationale!

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