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en même temps. Or une personne ne peut être élue


que sur une circonscription. Si donc une candidate
Femmes politiques en Italie, le parcours
remporte l’élection en plusieurs endroits, des hommes
des combattantes prendront sa place là où elle ne pourra aller.
PAR AMÉLIE POINSSOT
ARTICLE PUBLIÉ LE MERCREDI 28 FÉVRIER 2018 Autrement dit, on a fait une loi tout en donnant les
moyens de la détourner… C’est symptomatique d’un
système où les hommes restent les plus puissants.
Ce n’est pas du tout le résultat d’un manque de
candidates. Le problème est que les femmes ne
sont pas dans les lieux de la décision effective, en
particulier lorsque sont tranchées les compositions
des listes électorales. L’appareil des partis politiques
Une candidate du parti de gauche Potere al
est resté très masculin en Italie. » Rien ne dit donc, à
Popolo fait campagne à Gênes © Amélie Poinssot ce stade, que le prochain Parlement comptera 40 % de
Les leaders des cinq principaux partis de la campagne femmes comme le veut le nouveau système de quotas.
électorale italienne sont des hommes. Le Parlement
Au sein de l’Union européenne, l’Italie fait figure de
sortant compte à peine un tiers de femmes. Et
mauvaise élève en termes de représentation politique
les législatives du 4 mars risquent de conforter un
des femmes. À part la Grèce, la Hongrie et la Lettonie,
pouvoir très masculin.
peu de parlements nationaux comptent aussi peu
197 députées sur 630. À Rome, le Parlement sortant d’élues que la Camera italienne – qui avait pourtant
est constitué, à une écrasante majorité, d’hommes. désigné à sa tête une femme, la communiste et grande
Au gouvernement, elles sont six sur vingt – aucune figure de la politique italienne Nilda Iotti, dès 1979 (à
n’occupant de poste régalien. Les élections législatives ce jour, l’Assemblée nationale française n’a jamais été
du 4 mars déboucheront-elles sur une nouvelle présidée par une femme).
répartition aussi peu paritaire au sommet du pouvoir ?
En théorie, non : la dernière loi électorale, votée
en octobre 2017 pour mettre provisoirement fin à
un imbroglio constitutionnel dont l’Italie a le secret,
a au passage imposé, pour la première fois dans
le pays, des quotas aux partis politiques dans la
composition de leurs listes électorales. Ces dernières
Une candidate du parti de gauche Potere al
doivent désormais compter un minimum de 40 % de Popolo fait campagne à Gênes © Amélie Poinssot
candidates. Une victoire pour les femmes élues au
Pour comprendre cette particularité transalpine,
Parlement, dont certaines, comme la députée du Parti
Mediapart a interrogé des élues des principaux partis
démocrate (PD) Fabrizia Giuliani, s’étaient fortement
politiques italiens en lice pour le prochain scrutin. Le
mobilisées en faveur de cette loi. Mais un système
constat est unanime : les femmes restent encore trop
fondé sur le pouvoir masculin ne s’ébranle pas si
souvent à l’écart du cœur du pouvoir et les partis ne
facilement…
sont guère soucieux de les intégrer. Mais les raisons
Les leaders politiques ont aussitôt trouvé la brèche de ce déséquilibre et les moyens pour y remédier font
afin d’assurer une certaine continuité du système. l’objet de divergences entre les candidates.
La philosophe et féministe Francesca Izzo nous
Pour Maria Rizzoti, sénatrice de Forza Italia (droite
explique : « La nouvelle loi électorale autorise des
berlusconienne) et candidate à sa réélection, ce
candidatures multiples, ce qui a permis aux partis de
déséquilibre s’explique par la nature de l’activité
présenter des femmes dans plusieurs circonscriptions

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politique : c’est une activité fondamentalement plus emploi – en Italie, il est fréquent de perdre son boulot
difficile pour les femmes lorsqu’elles ont des enfants à l’arrivée du deuxième enfant. Enfin, nous avons
en bas âge ou des adolescents. « La politique exige réussi, à la veille de la fermeture de la dernière session
un engagement total. On est obligée de mettre sa vie parlementaire, à faire voter un alourdissement de la
privée entre parenthèses afin de servir le pays. Pour peine pour les hommes coupables d’assassinat de leur
ma part, je passe les jours de semaine à Rome, où conjointe ou compagne ; auparavant, ils écopaient de
se tient tout le processus parlementaire, et pendant le peines plus légères que s’ils avaient un autre lien de
week-end, je sillonne le Piémont, ma région, pour des parenté avec la victime. »
rencontres avec les citoyens et les électeurs. Ce n’est L’élue sociale-démocrate reconnaît que si ces lois
pas un choix aisé à faire. Pour un homme, tout cela est ont pu passer, c’est parce que son parti, au pouvoir
plus facile lorsqu’il est soutenu par une femme. » pendant cette législature, les a promues. Parce qu’il y
Fabrizia Giuliani, elle, avoue son amertume sur le a eu, aussi, des solidarités entre femmes députées, par-
sujet. Élue pour le compte du PD en 2013, elle n’a pas delà les appartenances partisanes. « Mais nous avons
été retenue sur les listes du prochain scrutin. « J’étais dû négocier durement au sein du PD, ajoute-t-elle.
tout à fait volontaire pour me représenter… Mais Avancer sur les droits des femmes reste une bataille
le PD, qui est en net recul, a anticipé le fait qu’il permanente, y compris dans nos propres rangs. »
aurait moins d’élus dans la prochaine législature. La Pourquoi de telles résistances ? Le monde politique
direction a donc voulu assurer l’élection de certaines italien est à l’image de la société du pays. Une société
personnes. On voit à travers ce choix que mon profil de où, dixit cette élue de Lombardie, « les femmes ne
femme engagée dans les combats féministes ne fait pas sont pas perçues comme des personnes qui travaillent
partie de ses priorités. Ce n’est pas une bonne nouvelle ou qui participent aux affaires publiques. Dans le
pour les femmes de ce pays. » schéma dominant, la femme est à la maison ».
La députée refuse pourtant de verser dans le De ce fait, lorsqu’elles veulent mener une carrière
défaitisme. « Nous sommes sur une évolution positive. professionnelle ou politique, « certaines d’entre elles
Le Parlement sortant, avec près de 30 % de femmes, font le choix de ne pas avoir d’enfant ». L’Italie
était le plus féminin que nous ayons jamais eu. Le cumule d’ailleurs deux records européens : c’est l’un
précédent n’en comptait que 18 %… Cela dit, ce n’est des pays où l’on compte le plus de femmes sans
pas le nombre qui est important. Ce qui est important, emploi… et le plus de femmes sans enfant.
c’est que cette présence accrue des femmes dans le La figure de Silvio Berlusconi, avec son
paysage politique soit synonyme de changements pour comportement sexiste à l’égard des femmes et ses
toutes les femmes du pays. Les femmes qui ont été élues mises en cause dans plusieurs affaires à caractère
comme moi en 2013 avaient en ce sens une grande sexuel, n’arrange rien dans ce paysage politique où
responsabilité. » les femmes ne sont pas tout à fait les égales des
Partie émergée de l’iceberg hommes. « Ce n’est pas lui notre principal ennemi,
Fabrizia Giuliani, avec d’autres, s’est mobilisée temporise Fabrizia Giuliani. C’est le modèle qui l’a
pendant la législature sur de nombreux sujets liés aux produit. Beaucoup d’hommes politiques italiens, à
droits des femmes. « Notre premier acte a été de droite comme à gauche, sont dans ce fonctionnement
pousser à la ratification de la Convention d’Istanbul très macho. Et ce qui est problématique, c’est que les
contre les violencesfaites aux femmes. L’Italie était leaders populistes d’aujourd’hui voient en Berlusconi
l’un des derniers pays européens à ne pas l’avoir un modèle gagnant. »
signée ! Nous avons également obtenu des mesures Le Cavaliere, 81 ans, est en effet revenu à l’occasion
sur le marché du travail afin de permettre aux femmes de cette campagne électorale au centre du jeu
enceintes avec un statut précaire de conserver leur politique italien. Mais cela ne semble pas trop

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poser de problèmes à Maria Rizzoti, élue de Forza à l’occasion de son passage à Paris. Cette candidate
Italia. Au contraire. « C’est un homme de pouvoir qui n’avait jamais fait de politique, se lance dans la
et c’est un séducteur », dit-elle pour expliquer son campagne précisément pour accroître la présence des
comportement, assurant que les femmes n’ont jamais femmes dans l’espace public. « La question de la
été discriminées dans le parti. « Forza Italia a toujours représentation des femmes est un élément fondamental
reconnu et récompensé le mérite, indépendamment des de notre campagne, explique-t-elle. Ce que l’on
genres. »Maria Rizzoti ne croit pas à une spécificité observe, c’est que dans les luttes locales, dans les
italienne sur la place des femmes dans le monde assemblées de terrain, les femmes sont très présentes,
politique. « Certains hommes au Parlement ont peut- alors que dans la politique institutionnelle, elles sont
être tendance, quand ils voient de jolies jeunes beaucoup moins visibles. C’est ce que nous voulons
femmes, à oublier qu’elles sont intelligentes… mais changer. »
cela arrive dans tous les pays, et pas seulement dans Subalternes des hommes
le domaine politique. »
Dans la campagne électorale qui se joue en ce moment,
Cette élue du Sénat rappelle avec fierté que le dernier Viola Carofalo détonne. Elle est la seule cheffe de
gouvernement Berlusconi (2008-2011) comptait cinq file, exception faite de Giorgia Meloni, la présidente
femmes ministres, qu’elles ont donné leur nom de Fratelli d’Italia – formation postfasciste alliée à
à de nombreuses lois et que cinq autres ont Forza Italia. Et son parti, Potere al Popolo, est l’un des
occupé des postes de secrétaires d’État dans des rares à afficher une préoccupation pour les questions
domaines « décisifs ». Rien de bien progressiste en d’égalité femmes-hommes. « C’est l’un des points
réalité : les cinq ministères en question sont ceux principaux qui nous distinguent des autres partis,
de l’environnement, de l’éducation, de l’égalité des renchéritl’eurodéputée Eleonora Forenza, qui souligne
chances, de la jeunesse et du tourisme. Aucun poste de combien le monde politique est en retard sur ce sujet
premier plan au sein de l’exécutif. par rapport à la société italienne actuelle. La déferlante
« Berlusconi n’est que la pointe émergée de l’iceberg, #MeToo a provoqué énormément de débats dans la
fait valoir de son côté Eleonora Forenza, élue population. Mais on dirait qu’il n’y a pas de prise de
de la formation postcommuniste Rifondazione au conscience dans les partis politiques traditionnels. »
Parlement européen. En Italie, le sexisme est attaché Un autre parti italien atteste toutefois d’une certaine
à l’exercice politique, nous baignons dans une culture mixité, même si le discours qui l’accompagne
patriarcale. Ainsi pour sa campagne, le parti de est radicalement différent : c’est le Mouvement 5
gauche Liberi e uguali [« Libres et égaux », fondé étoiles (M5S). Maria Edera Spadoni, qui en fait
entre autres par des anciens de l’aile gauche du PD, partie et siège au Parlement depuis 2013, explique
voir notre débat vidéo – ndlr]a diffusé des affiches combien les femmes sont populaires au sein du
électorales avec les portraits de quatre hommes têtes mouvement : « En 2013, lorsque nous avons soumis
de liste. Pas une femme n’est représentée ! Ce parti nos listes de candidats au vote des internautes, les
a également organisé une conférence de presse où femmes présentées comme têtes de liste ont recueilli
seuls des hommes ont pris la parole. Une journaliste leur adhésion sans problème. » Le M5S, qui fait
a d’ailleurs quitté la salle en guise de protestation. » régulièrement voter sur Internet, a procédé de la même
Pour le scrutin du 4 mars, Rifondazione a rejoint une façon pour les prochaines législatives. « Les deux
coalition montée avec des mouvements sociaux et des personnes qui ont recueilli le plus de votes favorables
activistes, formée fin 2016 dans un centre social de cette fois-ci sont deux femmes : Paola Taverna et
Naples. L’ensemble, intitulé Potere al Popolo (« Le Carla Ruocco », toutes deux déjà au Parlement et donc
pouvoir au peuple »), s’est donné comme leader… une candidates pour le prochain mandat.
femme : Viola Carofalo, que Mediapart a rencontrée

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« Nous sommes donc la preuve que si nous laissons séduction, les femmes politiques italiennes ne se
les gens voter en ligne, ils votent pour des femmes », trouvent pas là où se noue le cœur du pouvoir. Certes,
poursuit Maria Edera Spadoni, qui se dit opposée on pourra toujours citer quelques contre-exemples de
au système de quotas. « J’ai peur que ce système femmes haut placées : Frederica Mogherini, haute
entraîne une discrimination à l’envers et empêche, représentante de l’Union européenne pour les affaires
en raison d’une alternance imposée, à une femme de étrangères ; Maria Boschi, qui occupe un rôle de
qualité de se retrouver tête de liste. Pour moi, il faut premier plan au sein du gouvernement actuel, fidèle
d'abord résoudre les problèmes à la racine plutôt que parmi les fidèles de Matteo Renzi… Dans ce paysage,
de se focaliser sur les chiffres : il faut lever tous les hommes continuent de tirer les ficelles.
les obstacles qui empêchent encore aujourd’hui les « Certes, il n’est plus possible, vis-à-vis de l’opinion
femmes de faire de la politique. Trop souvent, les publique, de former un gouvernement sans femme,
femmes italiennes doivent s’occuper des enfants, de la souligne la philosophe Francesca Izzo, qui milite au
maison, et du reste de la famille. Ce sont elles qui ont sein du mouvement Se non ora quando (« Si ce n’est
la responsabilité du foyer. » pas maintenant, c’est quand ? »). Mais ces femmes
Sans enfant pour le moment, Maria Edera Spadoni ministres n’ont pas de pouvoir réel. Même si elles ont
voit bien combien il lui sera difficile de concilier l’air puissantes, elles restent, au moment de la prise
engagement politique et vie de famille. « Les réunions de décision, les subalternes des hommes. Elles sont
politiques se font souvent en soirée », raconte-t-elle. toujours liées à un “chef” ; elles n’ont pas un pouvoir
Pour cette candidate à sa réélection, il est nécessaire autonome. »
que l’Italie développe les structures d’accueil pour Les quotas mis en place pour les élections législatives
les tout-petits. Mais avant tout, il faut faire évoluer ne vont sans doute pas révolutionner la manière de
les mentalités : « Faire comprendre aux hommes faire de la politique dans la République transalpine.
que ce n’est pas déshonorant de s’occuper de son Mais pour celles qui les ont défendus, c’est un
enfant. » Maria Edera Spadoni rêve d’un congé premier pas, nécessaire, pour avancer vers une société
parental pour les hommes en Italie, « comme il en plus égalitaire. Cela passera aussi par davantage de
existe en Suède »…« Pour moi, la révolution, ce sera solidarité entre femmes politiques, et par des combats
quand les hommes s’empareront de problématiques partagés avec la société. « Pour l’instant, les femmes
jusque-là saisies par les femmes : la lutte contre les politiques sont isolées, conclut Francesca Izzo. Il
violences sexuelles faites aux femmes, le niveau des faudrait qu’elles soient portées par un mouvement
condamnations, l’égalité salariale. » social. »
Placées à des postes symboliques ou secondaires,
figures souvent instrumentalisées ou mises de côté
dès qu’elles dérangent, forcées de jouer avec la

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