Nicolas Couderc
E-mail : couderc@univ-paris1.fr
Notre travail de thèse constitue une tentative pour apporter quelques éléments de réponse à
certaines des questions non encore résolues de la discipline. Ces questions, diverses, se
rattachent toutes, à des degrés différents, à la problématique centrale de la gouvernance
d’entreprise. Le succès de ce thème de recherche est probablement lié au succès de la notion
même de gouvernance d’entreprise, et découle naturellement de l’importance des
problématiques sous-jacentes à cette notion : la santé financière des entreprises, la répartition
du pouvoir et des profits, et plus généralement la place accordée aux entreprises dans la
société.
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Pour plus de détails, voir Couderc, N. (2004), « Gouvernement d’entreprise », Notionnaire de l’Encyclopédie
Universalis (volume 1).
L’objet de notre travail n’est pas de trancher entre ces deux acceptions (étroite et large) des
termes de « gouvernance d’entreprise », pas plus que de tenter de faire le tour d’un sujet aussi
large. Plus modestement, les différentes dimensions que nous avons identifiées nous
fournissent autant d’occasions d’étudier les choix de l’entreprise, d’en inférer les raisons et
donc de conclure quant à l’efficacité du système de gouvernance d’entreprise mis en place
dans les entreprises étudiées.
Notre démarche vise donc à identifier, au sein des questions ouvertes de la discipline,
certaines questions porteuses d’enjeux forts en termes de gouvernance d’entreprise.
Ainsi, la question du lien entre la rémunération des dirigeants d’entreprise, des incitations
créées et du lien avec l’efficacité de l’entreprise s’inscrit au cœur de la problématique de la
question de la gouvernance d’entreprise au sens strict. Ce thème constituera l’objet d’un
chapitre (le quatrième) de notre thèse. De même, la question politiquement et
Résumé de la thèse
Les travaux présentés dans cette thèse portent sur les déterminants des choix financiers des
entreprises et les liens existant entre les modalités de gouvernance des entreprises et les choix
financiers qu’elles effectuent. Ce sujet est évidemment au centre des préoccupations des
trésoriers d’entreprise, autant qu’il intéresse les apporteurs de capitaux externes et les
chercheurs.
La bonne compréhension de ces déterminants, et des liens qui unissent les modes
d’organisation et de gouvernance des entreprises aux choix financiers, est centrale et
indispensable à la construction du cadre analytique nécessaire à la finance d’entreprise.
L’enjeu de ce cadre analytique est double, en ce qu’il doit permettre une compréhension
renouvelée et plus précise des décisions des entreprises (dimension positive), mais
également la formulation de recommandations en terme de bonnes pratiques de gestion
et de gouvernance (dimension normative).
Compte tenu de la nature même de notre thèse, constituée de cinq chapitres reliés par une
unité de sujet – la gouvernance d’entreprise – plus que par une unité de démarche, nos
résultats se prêtent mal à une synthèse globale. Pour en clarifier la présentation, nous
résumerons nos travaux dans l’ordre des différents chapitres qui composent notre thèse.
Premier chapitre
Le premier chapitre propose une revue de la littérature théorique consacrée aux déterminants
des structures financières des entreprises, en partant du modèle fondateur de Modigliani et
Miller, pour ensuite présenter les enrichissements théoriques (prise en compte de la fiscalité,
des coûts directs et indirects liés à l’apparition de difficultés financières…) qui ont été
apportés à ce modèle et les théories alternatives, qui présentent comme postulat alternatif la
prise en compte de l’existence d’asymétries d’information (théorie de la hiérarchie des
financements et théorie de l’agence).
Le deuxième chapitre de notre thèse s’intéresse aux déterminants empiriques des choix de
politiques financières des entreprises. En se focalisant sur les flux (la politique financière) et
non sur les stocks (la structure financière), ce chapitre permet de mettre en lumière les
déterminants des choix financiers des entreprises.
Troisième chapitre3
Le troisième chapitre traite d’un poste particulier du bilan, à savoir les actifs liquides,
entendus au sens large, pour évaluer le poids de l’autonomie des dirigeants et la latitude
dont ils disposent par rapport à leurs actionnaires. En effet, la question de la valeur de la
liquidité est encore non-résolue. Les motifs poussant les entreprises à accumuler autant
d’actifs liquides (environ 10 % du total de leur actif) sont encore peu clairs, et ce malgré une
littérature récente sur le sujet depuis la fin des années 1990. Nous proposons donc dans ce
chapitre une étude sur ce point, en nous intéressant spécifiquement aux entreprises qui
détiennent une quantité importante d’actifs liquides. Ainsi, si la détention d’actifs liquides est
expliquée, même partiellement, par le fait de dirigeants profitant de leur position pour
entreprendre des actions ne bénéficiant pas aux actionnaires, on devrait trouver que ces
entreprises, toutes choses égales par ailleurs, sont moins performantes que les autres car ces
entreprises ont une partie de leur actif qui n’est pas utilisée pour créer de la valeur. Par
ailleurs, si les dirigeants sont enracinés, on peut supposer qu’ils ne font pas tout ce qui est
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Voir également Couderc N. (2006), « Financial Policy Determinants : Additional evidence », Journal of
Corporate Ownership and Control, 3(4), pp. 90-100, summer.
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Une version plus courte de ce chapitre a été publiée : Couderc N. (2006), « La détention d’actifs liquides par les
entreprises : quelles explications ? », Revue économique, 57(3), mai, p. 485-496.
Quatrième chapitre
Enfin, notre dernier chapitre est consacré aux liens entre finance et gestion des ressources
humaines, en proposant une méta-analyse (revue de littérature quantitative) portant sur la
réaction des marchés boursiers aux annonces de licenciements collectifs, souvent qualifiés de
« licenciements boursiers ». Ce qualificatif même suppose que les actionnaires, la Bourse
pour aller vite, tirent profit de ces licenciements. Et, que l’on condamne ou que l’on excuse
ces pratiques, personne dans le débat public ne remet en cause ce postulat. L’objet de notre
dernière étude empirique est précisément d’analyser et de mesurer la réaction des marchés
financiers à une annonce d’un plan de licenciements collectifs. A l’aide d’une méta-analyse,
Nous avons donc cherché, par cette thèse, à contribuer, à la fois par des apports
techniques et empiriques, à une meilleure connaissance des déterminants des choix
financiers des entreprises et de leurs liens avec le mode de gouvernance de celles-ci. Nos
travaux s’inscrivent au croisement de plusieurs courants de recherche au sein de la finance
d’entreprise (théories relatives à la structure financière, théories de l’incitation, théories de
gouvernance d’entreprise).
Ce faisant, nous avons souligné la complémentarité existant entre ces différents corpus
théoriques, permettant une meilleure compréhension des déterminants complexes et
multiformes des différents choix financiers qu’une entreprise peut être amenée à prendre.
Parmi les résultats de portée générale auxquels nous sommes parvenus, nous soulignerons que
l’essentiel des travaux de cette thèse aboutit à mettre en lumière les difficultés de la théorie
financière classique à décrire de manière adaptée les choix financiers des entreprises. La
détention d’actifs liquides ou les modalités de rémunération du dirigeant ne sont pas bien
expliquées si l’on en reste au corpus théorique initié par Modigliani et Miller il y a maintenant
50 ans. Notre thèse met en évidence une raison majeure de ces difficultés : l’absence de
prise en compte de l’existence d’agents stratèges et des relations d’agence inhérentes à la
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Pour plus de détails, voir Capelle-Blancard G. et N. Couderc (2006), « Licenciements boursiers chez Michelin
et Danone : beaucoup de bruit pour rien ? », Revue française d’économie, 21(2), octobre, pp. 55-74.
Nos travaux de recherche doivent donc se poursuivre pour approfondir, sur les questions que
nous avons traitées dans notre thèse, l’étude des liens entre gouvernance d’entreprise et
efficience ou performance des entreprises. Soulignons également que la voie de recherche que
constitue la finance comportementale semble prometteuse, de par le dépassement du postulat
de rationalité qu’elle permet. L’intégration des résultats et de la démarche de la finance
comportementale à la finance d’entreprise en est actuellement à l’état exploratoire ; les
progrès de la compréhension des décisions et des politiques financières des entreprises
passeront nécessairement par celle-ci.