Moss
ADVEnTURe iSlAnD
Le Mystère du chef-d'œuvre en péril
L’ÉMeuTe De La
GraNDe FÊTe
TeCHNoPhObIe
OPÉraTioN
« CaMbRIoLaGe »
En rentrant au phare, Emily trouva sa mère assise sur l’un des canapés
du grand salon rond, au rez-de-chaussée. Elle discutait, en espagnol, avec
une inconnue qui devait probablement occuper l’une de leurs chambres
d’hôtes. Vêtue d’un chemisier de soie rose et d’une jupe en percale,
chaussée de sandales incrustées de petites pierres brillantes, la dame
était si élégante qu’on aurait dit qu’elle sortait tout droit d’une publicité
dans un magazine vantant les mérites d’une montre de luxe ou de boucles
d’oreilles en diamant. Elle n’avait vraiment pas l’air d’une fan
d’ornithologie, de randonnée ou de surf, qui étaient les trois grandes
attractions touristiques de Castle Key.
– Je te présente Bianca Mendez, dit la mère d’Emily toujours en
espagnol. Elle est chilienne. Elle va rester chez nous quelques jours, pour
faire des recherches sur les vieux villages de pêcheurs de Cornouailles.
Elle prépare un article à ce sujet. C’est intéressant, non ?
Bien qu’originaire de Madrid, la mère d’Emily ne parlait espagnol que
lorsqu’elle était en colère. Mais elle prenait visiblement plaisir à
bavarder dans sa langue maternelle.
Bianca Mendez sourit à Emily. Ou plutôt, sa bouche sourit. Le reste de
son visage, y compris ses grands yeux foncés ourlés d’eye-liner noir, n’en
prit pas la peine. Elle tendit la main. Ses ongles au vernis rose pâle
étaient si longs qu’ils s’incurvaient au bout ! Emily savait qu’il lui
arrivait d’être un peu trop méfiante parfois, mais là, franchement, qu’on
ne vienne pas lui dire que cette femme était vraiment une journaliste !
Avec des serres pareilles, elle serait absolument incapable de taper un
texte plus loin qu’une adresse mail !
– Vous travaillez pour quel magazine ? demanda Emily innocemment.
– Oh, c’est une publication de luxe, sur la mode et les voyages. Le nom
ne te dirait rien, répondit-elle en tapotant sa longue chevelure noire et en
dévisageant Emily d’un regard aussi perçant et dur qu’un diamant.
Elle ne s’attarda guère en leur compagnie après cela.
– Déjeunerez-vous ici demain, Bianca ? demanda Mme Wild comme sa
pensionnaire sortait de la pièce.
Bianca fit encore quelques pas avant de comprendre qu’on lui parlait.
Elle se retourna et sourit.
– Non, je crois que je déjeunerai au restaurant. Merci, Maria.
En gravissant les cent vingt et une marches de l’escalier en colimaçon
qui conduisait à sa chambre, Emily pensait à Bianca Mendez. Elle se
posait même de nombreuses questions à son sujet. Et pas seulement à
propos de ses ongles… « Pourquoi a-t-elle fait ces quelques pas
supplémentaires avant de se retourner lorsque maman l’a interpellée par
son prénom ? pensa-t-elle. Elle est peut-être malentendante… Ou alors
elle a mis quelques instants à se souvenir que son prénom était censé être
Bianca ! » Emily n’avait plus aucun doute, cette femme cachait quelque
chose. « Il va falloir que je la surveille de près pendant un jour ou
deux. »
INTerVeNTioN
D’UrgeNCe
À L’aVeNtuRE
DaNS La TemPÊTe
C e soir-là, assise sur son lit, Emily notait dans son carnet les
progrès de l’opération « cambriolage/oignons ». Des bribes de la
conversation entre Mme Roberts et Bianca lui revenaient sans cesse à
l’esprit. Pourquoi Bianca tenait-elle absolument à aller à la Galerie de
Trago ? Et, tout aussi bizarrement, pourquoi Mme Roberts refusait-elle de
l’y accompagner ? Elle y travaillait comme guide deux fois par semaine,
on aurait donc pu penser qu’elle serait ravie de la faire visiter à son
ancienne amie.
Emily décrocha ses jumelles et se mit à observer l’autre côté de la
baie. Depuis sa chambre au sommet du phare, elle avait une vue
circulaire imprenable. La Galerie de Trago était perchée à l’extrémité de
la pointe occidentale de la baie. La masse noire du bâtiment, aussi
tarabiscoté qu’une maison hantée à Disneyland, était rétroéclairée par le
soleil couchant qui ourlait les nuages orageux de rose Malabar et
d’orange Fanta. La chaleur était toujours aussi oppressante. Emily était
sûre qu’elle n’arriverait pas à s’endormir. Si seulement la tempête
pouvait enfin éclater.
Soudain, elle aperçut du coin de l’œil quelque chose bouger sur la
pointe rocheuse sous sa fenêtre. Une silhouette vêtue de noir s’éloignait
du phare en direction du village. Emily ouvrit la porte de sa chambre et
se tint un instant au sommet de l’escalier en colimaçon, l’oreille tendue.
Ses parents regardaient la télé dans le salon familial plusieurs étages en
dessous. Ils n’avaient que trois pensionnaires en ce moment. Le couple
d’Écossais en voyage de noces était parti voir un spectacle à Truro. Ce
qui signifiait que Bianca Mendez était la seule personne pouvant s’être
éclipsée dans la pénombre !
– Viens, Drift, nous sommes de garde ! dit Emily en enfilant une
polaire et un jogging foncés par-dessus son pyjama.
Elle mit son sac en bandoulière et prit le petit chien dans ses bras pour
éviter que le cliquetis de ses griffes sur les escaliers ne les trahisse. Elle
descendit à pas de loup jusqu’à la porte d’entrée, retenant son souffle en
passant devant le salon. Ce n’était pas que ses parents l’empêchaient de
sortir le soir ; au contraire, ils ne lui imposaient pas de se coucher tôt
pendant les vacances, et ils savaient que Drift devait faire ses besoins de
temps en temps… Mais elle avait peur de perdre Bianca de vue s’ils la
retenaient pour lui parler. Elle prit juste le temps de griffonner « Je
reviens dans cinq minutes » sur le tableau noir de la cuisine qu’ils
utilisaient pour se laisser des mots. Elle barra « cinq » et le remplaça par
« dix ». Elle voulait avoir le temps de découvrir ce que Bianca
manigançait.
FranCheMEnT
BizarRe
DeS CaDavReS
DaNS Le PlaCarD
E
portable.
mily émit un grognement en voyant un SMS apparaître sur son
Sur la route au nord de Castle Key, Scott pédalait comme si son vélo
était équipé d’un turboréacteur. Puis il coupa à travers la lande en
direction de la ferme de Roshendra. Il jeta un coup d’œil à sa montre.
« Je devrais y être dans dix minutes, au maximum. » Il n’y avait plus qu’à
espérer que le complice de Delgado, Carlo, n’avait pas emmené Laura
ailleurs. Scott était tellement concentré qu’il ne vit pas le groupe de
garçons en train de faire des graffitis sur le mur d’une vieille grange. Il
faillit leur rentrer dedans, fit un écart à la dernière minute et termina sa
course dans un vol plané peu élégant.
– Tu peux pas faire attention ! lui jeta un garçon qui venait vers lui
d’une démarche arrogante, les mains plongées dans les poches de son
slim.
Il était maigre, brun et avait environ dix-sept ans. La manière dont il
avançait, un peu en avant du reste de la bande, indiquait qu’il en était le
chef.
– Eh, regardez, c’est ce petit gosse de Londres avec qui Emily Wild
traîne tout le temps, ricana un adolescent bien étoffé et doté d’une masse
de cheveux roux féroces.
Le chef s’approcha encore. Scott avait un gros plan sur ses boutons,
ses cheveux teints en noir et les anneaux qui lui perçaient le nez.
– Pour qui tu te prends ? lança le garçon.
Scott se releva et brossa son pantalon aussi dignement que possible. Il
ne tenait vraiment pas à se battre. Ils étaient cinq, et il était seul. En plus,
il n’avait pas le temps d’entamer une discussion philosophique
concernant qui il était, et pour qui il se prenait. Il chercha discrètement
autour de lui un moyen de s’échapper. Le graffiti sur le mur de la vieille
grange luisait encore de peinture fraîche. Il lut les lettres orange, blanches
et bleues d’un mètre de haut : « AM-EN ». Cela lui disait quelque chose.
Qu’avait dit Emily à ce sujet ? Adam… M quelque chose… Martin ! Oui,
c’était ça. Et les quatre autres devaient être les membres de l’Extreme
Network, le Réseau de l’extrême !
– Tu es Adam Martin ? demanda-t-il.
– Ouais, et alors ? répondit l’autre en dévisageant Scott d’un air
méfiant.
– Non, rien. J’ai juste reconnu ton tag. Il est cool.
Adam restait sur ses gardes.
Tout à coup, Scott se souvint d’un renseignement qu’Emily lui avait
donné : Adam Martin ne pouvait pas être le cambrioleur de
Mme Roberts, car celle-ci était sa prof préférée. Cela lui donna une idée.
Au lieu d’essayer de semer ces gars le plus rapidement possible, il
devrait en faire ses alliés. Ils pourraient l’aider à évaluer la situation au
centre équestre.
– Y a un super-groupe d’artistes de rue là où j’habite, dit-il. Je
pourrais leur parler de ce que tu fais. Tu pourrais peut-être venir à
Londres pour travailler avec eux sur un projet, ou un truc comme ça.
Adam prit un air moins renfrogné, et même vaguement intéressé.
– Ah ouais ? À Londres ?
Adam plissa les yeux et continua à mâcher son chewing-gum un
moment. Puis il fit un pas en arrière et arrêta de respirer le même air que
Scott. Celui-ci décida qu’il était temps de passer à l’action.
– Écoute… il y a un truc… j’ai besoin de ton aide, commença-t-il.
Puis il expliqua le plus rapidement possible que Mme Roberts et sa
fille avaient de graves ennuis, et qu’il se rendait au centre d’équitation.
– Alors, vous voulez venir avec moi et faire diversion pour me
débarrasser du garde un moment ? Comme ça, je pourrais me glisser à
l’intérieur et faire du repérage, pour voir s’il y a un moyen de sortir
Laura de là…
Adam Martin dévisagea Scott un long moment, comme s’il le suspectait
de se moquer de lui. Puis il finit par hausser les épaules.
– OK, d’accord. C’est pas comme si on avait grand-chose d’autre à
faire, de toute façon.
– Ouais, il se passe jamais rien dans ce trou, grogna le garçon aux
cheveux roux.
– On va lui faire une diversion d’enfer, ricana Adam. Ses copains
s’esclaffèrent. Mais va falloir que tu vires ta bécane de pépé, mon gars !
Scott dissimula son vélo derrière la grange et monta derrière Adam sur
sa Mobylette. Il n’était pas convaincu d’avoir eu une idée de génie en
invitant l’Extreme Network à l’accompagner, mais au moins il arriverait
plus vite au centre équestre comme ça.
– Tiens-toi ! hurla Adam en mettant les gaz à fond et en accélérant si
précipitamment que la roue avant se souleva et que l’engin se cabra
comme un étalon sauvage.
« J’y serai beaucoup plus vite, même ! songea Scott. Si jamais on
arrive entiers ! »
16
Le PaSsaGe SeCReT
– Aïe !
Jack était pétrifié. Mais… du calme, ce n’était pas le cri d’un cerveau
criminel sud-américain sans pitié. Et ces léchouilles n’étaient pas non
plus celles du chien d’un cerveau criminel sud-américain sans pitié !
C’était Emily et Drift. Il ne s’était pas senti aussi soulagé depuis que la
balle de Simon Fox l’avait manqué en frôlant simplement son oreille
gauche7.
– Tu m’as marché sur le pied, espèce d’éléphant ! lui reprocha Emily
en sautillant et en se tenant les orteils. Ça fait une heure que je te cherche.
Tu as interverti les tableaux, au moins ?
Jack secoua la tête. Il ne faisait pas confiance à sa voix. Il avait le
sentiment qu’après une telle frayeur elle ressemblerait aux couinements
aigus de quelqu’un qui vient d’aspirer le contenu d’un ballon plein
d’hélium.
Emily prit sa tête dans ses mains et émit un cri de désespoir silencieux.
– Mais alors, qu’est-ce que tu fais là ? Tu es à des kilomètres du
cochon volant. Et pourquoi est-ce que tu faisais l’idiot à te parler dans ce
miroir ?
Jack ouvrit la bouche, dans l’espoir de trouver une excuse qui ne
l’obligerait pas à admettre qu’il avait pris son reflet pour un lutin mutant
(si jamais Scott l’apprenait, sa vie serait un calvaire). Mais Emily n’était
pas d’humeur à attendre ses explications.
– Viens, dit-elle sèchement en le tirant par le bras. Il faut absolument
qu’on permute ces tableaux avant que Delgado rapplique.
– Et Scott ? Où il est ? haleta Jack en gravissant un escalier en
colimaçon à toute allure derrière Emily.
– Centre équestre, répondit-elle. Je t’expliquerai.
– Et comment ça se fait que tu connaisses cet endroit comme le dos de
la main ?
– Le guide ! fit Emily en agitant un livret. Je l’ai pris quand on est
venus ce matin. Il y a même un plan.
Jack s’arrêta net.
– Attends ! Tu veux dire que tu avais un plan de ce musée depuis le
début et que tu n’as pas pris la peine de m’en parler ? J’aurais pu mourir
de faim à force d’errer dans cette baraque !
Emily se retourna en haut des escaliers.
– Euh, oui, excuse. Il faut dire que tu as décollé tellement vite sur ton
vélo que je n’en ai même pas eu le temps.
Après maints détours, Emily, Jack et Drift finirent par sortir du
labyrinthe et débouchèrent au sommet du grand escalier. Ils
s’accroupirent et jetèrent un œil à travers la rambarde : ils virent piliers,
miroirs et sol en damier pentu, mais le hall en contrebas était désert. Les
deux amis descendirent à pas de loup en passant devant un grizzli
empaillé qui montait la garde sur un petit palier. Arrivés dans le hall, ils
levèrent les yeux et rencontrèrent ceux d’un cochon suspendu au plafond
par de longues chaînes.
– Mme Roberts a dit qu’elle avait caché le tableau dans la gueule du
cochon, dit Emily.
– Ouais, et on lui tire sur la queue pour lui ouvrir la bouche, ajouta
Jack, ravi de montrer qu’il avait bien écouté pour une fois. Je présume
que c’est une truie, avec ce diadème sur la tête.
Emily ne répondit pas. Elle cherchait une chaise sur laquelle monter.
Ce cochon volait bas (un homme un peu grand risquait fort de prendre un
coup de pied sur le nez en passant dessous), mais Emily n’arrivait tout de
même pas à l’atteindre. Elle commençait à en vouloir aux gens de plus
d’un mètre cinquante.
– Grouille-toi ! Tire-lui sur la queue avant que Delgado arrive !
Jack tira. La mâchoire inférieure du cochon s’abaissa en grinçant.
Emily grimpa sur la chaise, se mit sur la pointe des pieds et passa la main
dans la gueule béante. À son grand soulagement, il s’agissait d’un
moulage en papier mâché sur une carcasse grillagée, et non pas du corps
d’un vrai cochon. Elle tâtonna. Soudain, elle sentit le bord irrégulier
d’une toile enroulée.
– Je l’ai ! Attrape !
Elle extirpa le tableau et le lança à Jack. « Wouah ! songea-t-elle, je
viens de lober un chef-d’œuvre valant des millions, comme s’il s’agissait
d’un vieux Frisbee ! » Même Digory Trago aurait trouvé ça peu
conventionnel. Mais elle n’avait pas le temps de s’appesantir sur les
détails. Il fallait qu’ils sortent de là avant d’être pris la main dans le sac,
ou dans le cochon plus exactement.
– Fais-moi passer la reproduction !
Jack sortit la copie de La Dame en bleu de sa poche et la plaça à côté
de l’original. Il fit mine de les soupeser.
– Trente millions d’un côté, et trente balles à la papeterie de
Carrickstowe de l’autre. Tu choisis.
– Tu le fais exprès ? Tu tiens vraiment à ce que Delgado nous trouve
ici ? siffla Emily.
Jack lui passa la reproduction.
Emily la lui arracha des mains et la fourra entre les mâchoires du
cochon. Elle avait vraiment hâte de quitter ce hall. Mais elle hésita, un
pied sur la chaise.
– Tu es sûr de m’avoir donné le bon rouleau ? C’était bien la
reproduction ?
– Mais bien sûr. J’ai trente millions entre les doigts, répondit Jack en
levant la toile. Je devrais pouvoir me payer un petit avion personnel avec
ça.
– Chut ! Drift a entendu quelque chose !
Le petit chien regardait attentivement la porte d’entrée, les oreilles
dressées et pivotant comme des antennes paraboliques.
– J’entends rien, moi, murmura Jack.
– Ferme-la, souffla Emily.
– Oh, c’est pas la peine de le prendre comme ça !
– Mais non, ferme la gueule du cochon ! soupira Emily. Drift ne se
trompe jamais. Une voiture vient de s’arrêter dehors.
Comme ils gravissaient les escaliers quatre à quatre, Emily entendit
des pas dans le hall et se retourna un instant. Son cœur faillit s’arrêter de
battre. Delgado et Mme Roberts étaient déjà là ! Il était impossible que
Delgado ne les ait pas vus. Mais, comment se faisait-il qu’il était aussi de
l’autre côté de la pièce ? Et là encore ? Il y avait des centaines de
Delgado et de Mme Roberts !
– Ce sont les effets de miroir ! chuchota Jack en reprenant son souffle.
Viens !
Il saisit Emily par le bras et ils se précipitèrent derrière le grizzli sur
le petit palier.
E
rien.
mily distingua un bruit sourd, un cri de surprise… puis plus
Les trois amis, et Drift, firent rapidement le tour du bâtiment pour aller
récupérer les vélos d’Emily et de Jack. Il faisait vraiment nuit à présent et
une demi-lune était apparue. Ils se laissèrent tomber sur une motte
d’herbe moussue, et se mirent à parler tous en même temps, à rire et à se
taper dans les mains, ravis du succès de l’opération « Gang des
copieurs ». Drift sautait joyeusement de l’un à l’autre. Il n’avait pas la
moindre idée de ce qu’il se passait mais, à son avis, toutes les occasions
étaient bonnes pour se rouler dans l’herbe !
– Ce passage secret est dément ! s’exclama Jack en montrant le balcon
à Scott. Il faut absolument que tu l’essaies !
– Je crois que ce sera pour une autre fois, répondit son frère. Cette
opération de sauvetage m’a crevé !
– Où as-tu mis ton vélo, Scott ? l’interrogea Emily. Comment est-ce
que tu es venu ?
– À cheval, répondit-il.
– À cheval ? pouffa Jack, comme si Scott avait dit qu’il s’était déplacé
en tapis volant. Mais tu ne sais pas en faire !
– Apparemment si ! répliqua Scott en souriant.
Jack s’esclaffa et tapota la bombe d’équitation perchée sur le crâne de
son frère.
– Au moins, ça explique ton chapeau rigolo ! dit-il.
Scott avait complètement oublié qu’il portait encore son casque ! Il
s’empressa de l’enlever et de secouer vigoureusement la tête pour
ébouriffer ses cheveux aplatis.
– Alors, si je comprends bien, tu as joué les héros, toi aussi ? demanda
Emily.
Scott réfléchit. S’attaquer à un homme armé avec deux ânes déments et
un lasso pour tout moyen de défense… oui, on pouvait effectivement
appeler ça « jouer les héros ». Il sourit en haussant les épaules.
– Vous êtes aussi dingues l’un que l’autre ! s’esclaffa Emily. Tu as
manqué le saut de la mort de Jack, par-dessus la balustrade, pour atterrir
sur les épaules de Delgado.
– Comme une panthère noire bondissant sur une antilope ! précisa Jack.
– Ouais, c’est ça ! dit Emily d’un ton moqueur. Mais évidemment,
ajouta-t-elle en lui donnant un coup de coude dans les côtes, sans moi tu
errerais encore dans le musée en te parlant dans un miroir !
– Et sans Drift, on n’aurait jamais entendu Delgado à temps pour aller
se cacher derrière le grizzli, ajouta Jack afin de changer de sujet. T’es le
meilleur, mon petit Drift !
Ce dernier s’assit bien droit, l’air fort content de lui.
– Bon, voilà l’opération « Gang des copieurs » classée, dit Scott en se
levant. J’espère qu’ils ne vont pas mettre Mme Roberts en prison.
Jack le rejoignit.
– Ils vont bien la pardonner pour bonne conduite depuis des années,
quand même ? Et puis en plus, elle s’apprêtait à restituer La Dame en
bleu, fit-il remarquer.
– Oui, et on peut le prouver, renchérit Emily. On n’aura qu’à montrer à
l’inspecteur Hassan la lettre qu’elle nous a remise pour la police. Elle
regarda l’heure. Oh, non ! Il est super-tard ! Il faut que je rentre, sinon
mes parents ne me laisseront plus jamais sortir cette fois-ci !
Elle enfourcha sa bicyclette. Drift sauta dans son panier et elle
s’élança dans la descente.
– À demain ! leur cria-t-elle en se retournant.
– À demain ! répondirent Jack et Scott.
Ils restèrent un moment immobiles à regarder la lueur des phares des
voitures de police qui descendaient la petite route tortueuse, jusqu’à ce
qu’elles dépassent la Fabrique de glace pilée en direction du village. Un
rayon de lune argenté brillait dans la baie. Il se reflétait sur la lande, où
l’on distinguait la silhouette des deux poneys sur le chemin de l’écurie.
Au loin, Scott perçut un bourdonnement de Mobylettes.
– Ah, tiens, ça c’est Adam Martin et l’Extreme Network, dit-il. Au fait,
je fais partie de leur gang maintenant. Je te raconterai ça en chemin.
Jack sourit.
– Tu te souviens quand on pensait qu’il ne se passait jamais rien à
Castle Key ?
Scott éclata de rire.
– Ouais, un trou à mourir d’ennui !
Jack sortit sa bicyclette du buisson épineux où il l’avait laissée.
– Tu montes derrière moi ? suggéra-t-il. On devrait pouvoir prendre
une vitesse d’enfer dans la descente !
Note de l’auteur
Vous avez probablement entendu parler de La Joconde, le fameux
portrait de Léonard de Vinci, mais ne vous inquiétez pas si vous n’avez
jamais entendu parler de La Dame en bleu. Je l’ai inventée pour les
besoins de cette aventure. Léonard de Vinci n’a jamais peint de tableau
portant ce nom… à ce que l’on sache, du moins !
Table des matières
Page de copyright
ADVEnTURe iSlAnD
Le Mystère du chef-d'œuvre en péril
Titre original
The Mystery of the Missing Masterpiece
© Helen Moss 2011
Carte, © Leo Hartas 2011
Publié pour la première fois en 2011
par Orion Children’s Books
Une division de Orion Publishing Group Ltd
(Orion House, 5 Upper St Martin’s Lane, London WC2H 9EA)