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DE « DEVIENS CE QUE TU ES » A « SOIS, DONC DEVIENS !

»
L’ETRE COMME DEVENIR

Julie HENRY
Allocataire-monitrice à l’ENS de Lyon

INTRODUCTION
La dimension problématique de la conception d’un « Deviens ce que tu es » dans le
cadre de la philosophie spinoziste, tient selon nous à l’impossibilité de l’entendre dans les
deux sens courants de cette expression. En effet, on ne peut interpréter l’être compris dans le
« es » de cette injonction :
- ni comme une puissance en attente d’actualisation, comme un être qui nous
serait donné par avance et qu’il nous reviendrait simplement d’exprimer. Cela
supposerait en effet que l’on ne soit pas encore tout ce que l’on peut être, qu’il y
ait en nous une puissance en latence, et donc que l’on soit actuellement en-deçà
de ce que l’on peut dans le même moment. Or, cela va à l’encontre de
l’affirmation spinoziste selon laquelle toute puissance s’épuise dans l’acte, non
au sens où elle s’y dépense au point s’y dissoudre, mais au sens où elle s’y
exprime à chaque instant dans sa totalité et sans reste.
- ni comme une définition donnée et fixée de la nature humaine, vers laquelle
nous devrions tendre, afin de devenir l’homme que nous sommes par nature (ou
que nous devrions devenir, du fait des obligations incombant à la nature humaine
qui est la nôtre). Cela reviendrait alors à faire de l’être un devoir être et à tomber
dans le travers de ces philosophes qui se représentent les hommes non tels qu’ils
sont, mais tels qu’eux-mêmes désireraient les voir. Et cela impliquerait,
parallèlement, de pouvoir connaître une nature humaine qui, telle quelle, ne nous
est donnée nulle part, si ce n’est dans ce que nous en reconstruisons…
Et pourtant, nous ne pouvons faire abstraction de la visée fondamentalement éthique de
la philosophie spinoziste – et en ce sens, nous défendrons l’idée que l’éthique trouve son
ancrage dans une ontologie spécifique, ce qui signifie que ces deux domaines ne sont pas
séparables l’un de l’autre, ni concevables l’un indépendamment de l’autre –. Et par ailleurs,
nous ne pouvons affirmer que nous sommes déjà, en ce moment même, tout ce que nous
pourrons être, à l’avenir : cela ne revient pas à affirmer que nous pourrions être plus (ou autre)
que ce que nous sommes actuellement, mais que ce qu’il adviendra de nous n’est pas
entièrement prévisible ou prédéterminé.
Dès lors, nous nous proposons de redéfinir l’éthique spinoziste, mais peut-être aussi,
nous le verrons, l’ontologie spinoziste, par le biais du concept du « devenir ». Cela
reviendrait, d’une part, à reconnaître que l’on peut être en mesure de s’inscrire présentement
dans une temporalité à venir : comprendre ma détermination par les événements passés me
permet d’agir sur les événements présents afin d’être déterminé autrement à l’avenir. Et cela
requerrait, d’autre part, de redéfinir la nature humaine, non plus en termes de facultés innées
ou d’objectifs à atteindre, mais par le biais d’aptitudes, certes communes, mais laissant
ouvertes leurs variations et leurs diverses expressions.

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Trois principaux problèmes se poseront alors à nous :
• Quel statut donner à ce que l’on devient et qui oriente notre devenir ?
• Quelles sont les conditions de possibilité d’une inscription dans un certain
devenir ?
• Y a-t-il une fin du devenir, un être vers lequel on tendrait et qui viendrait achever
(au sens de mettre un terme, mais aussi de donner son accomplissement à) le
mouvement du devenir ?

1. DES CHOSES EN VARIATIONS A L’HOMME EN (POSSIBLE) DEVENIR


1.1. Les choses singulières sont en perpétuelle variation
Si nous sommes une partie de la nature, cela signifie que nous sommes en constante
relation avec les choses « extérieures » : nous les disons extérieures à nous car nous les
ressentons comme « autres » que notre corps lorsqu’elles nous affectent, mais les relations
que nous entretenons avec elles n’entrent pas moins dans la constitution de notre propre
nature. Or, cela a pour effet que nous ne sommes pas des êtres fixes et figés dans une nature
donnée une fois pour toutes : nous passons par divers états à l’occasion de nos rencontres avec
les autres corps, et la surface de notre corps, comme sa forme et le ressenti de notre puissance
d’être et d’agir s’en trouvent modifiés. Cela signifie dès lors que nous sommes en constante
variation, en rapport avec ce qui nous affecte et que nous affectons en retour. Spinoza écrit
ainsi, dans le scolie de la proposition 59 d’Ethique III que « les causes extérieures nous
agitent en bien des manières, et que, comme les eaux de la mer agitées par des vents
contraires, nous sommes ballottés, sans savoir quels seront l’issue et notre destin ». Ainsi,
non seulement nous sommes en constante variation, mais ces variations ne sont pas toutes
convergentes, et nous les subissons qui plus est bien souvent de façon passive, sans en
orienter le cours et sans savoir où elles nous mèneront.
Toutefois, si nous nous référons aux Pensées métaphysiques et à la définition que
Spinoza y propose du changement et de la transformation, nous pouvons apporter deux
précisions aux variations qui nous affectent telles que nous les entendons ici. En effet, d’une
part, si nous entendons par variations des modifications qui affectent une même chose
singulière sans la faire changer de nature (ce qui donnerait alors lieu à une transformation),
nous pouvons qualifier ces dernières de changements, selon la définition qu’en donne Spinoza
dans le chapitre IV de la deuxième partie : « par changement, nous entendons en cet endroit
toute variation pouvant se produire dans un sujet quelconque, l’essence même du sujet
gardant son intégrité » ; en laissant de côté le vocabulaire cartésien de cette caractérisation,
on y lit ainsi qu’une chose singulière peut subir bien des changements tout en restant en un
certain sens la même, c’est-à-dire sans être pour autant détruite. Et d’autre part, le 3ème
paragraphe de ce chapitre apporte une autre précision intéressante, à savoir que « tout
changement provient ou de causes externes, avec ou sans la volonté du sujet, ou d’une cause
interne, et par le choix même du sujet » ; traduit dans le vocabulaire de l’Ethique, cela signifie
que l’on peut être cause partielle et inadéquate, ou bien cause principale et adéquate, des
changements qui nous affectent. En d’autres termes, nous ne sommes pas condamnés à pâtir
des changements qui viennent modifier notre état, nous pouvons être, si ce n’est les auteurs,
tout au moins les acteurs de certains de ces changements.
Ce dernier point est important, car c’est l’une des caractéristiques de ce que nous
appellerons un « devenir », par distinction avec ce qui ne serait que changements : ainsi, si
nous sommes tous, de fait, en constants changements, il nous revient d’inscrire ces
changements dans un certain devenir singulier. L’enjeu ne consiste donc pas à tenter
(vainement) de mettre un terme aux variations qui nous affectent, mais de leur donner une

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certaine orientation afin d’en faire l’occasion d’une augmentation de notre puissance et
d’éviter d’être animé de changements contraires les uns aux autres, ou bien de quelques
changements répétés se faisant au détriment des autres. On peut considérer par exemple, que
le scolie de la proposition 45 d’Ethique IV traduit cette idée sur le plan corporel en affirmant
d’une part que « le corps humain se compose d’un très grand nombre de parties de nature
différente, qui ont continuellement besoin d’une alimentation nouvelle et variée », et d’autre
part, qu’il est « d’un homme sage de se refaire et recréer en mangeant et buvant de bonnes
choses modérément, ainsi qu’en usant des odeurs, de l’agrément des plantes vertes, de la
parure, de la musique, des jeux qui exercent le corps, des théâtres, etc. ».

1. 2. Les deux « sens » du devenir (signification et orientation)


La première condition pour que les changements puissent s’inscrire en un certain
devenir est que ces derniers prennent sens pour nous ; en effet, s’ils nous étaient indifférents,
quel que soit ce qu’il advient de nous par leur biais, nous n’aurions probablement aucune
raison de vouloir leur donner une certaine orientation. Or, ce que nous ressentons, ce ne sont
précisément pas les états par lesquels nous passons, mais les variations de notre puissance
d’être et d’agir d’un état à l’autre. Ainsi, lorsque Spinoza définit la joie comme « passage de
l’homme d’une moindre perfection à une plus grande », il précise qu’il dit « passage, car la
joie n’est pas la perfection elle-même. Si en effet, l’homme naissait avec la perfection à
laquelle il passe, c’est sans affect de joie qu’il la possèderait » (Ethique, III, Définition des
Affects II et explication). C’est donc uniquement, semble-t-il, à l’occasion de changements
que nous éprouvons notre état ; ces changements prennent dès lors sens pour nous, en ce que
« c’est selon que nous changeons en mieux ou en pire que nous sommes dits heureux ou
malheureux » (V, 39, scolie). Ce point sera d’ailleurs important dans la suite de notre
réflexion, quand il sera question du rapport entre être éternel et sentir (ou comprendre) son
éternité.
Si les changements prennent sens pour nous, et si la joie consiste dans le passage à une
plus grande perfection, inscrire ces changements dans un devenir reviendra donc à faire en
sorte qu’ils aillent dans le sens d’une plus grande perfection. En effet, puisqu’un homme
affecté de tristesse s’efforce de l’éloigner, et un homme affecté de joie s’efforce de la
conserver, le biais par lequel nous tenterons d’être plus actifs que passifs nous fera désirer non
seulement la conservation, mais également l’accroissement de notre puissance d’être et d’agir,
afin d’alimenter notre joie. Et, notre puissance d’agir étant en lien avec le développement de
nos diverses aptitudes (nous tenterons d’ailleurs de caractériser la nature humaine par le biais
de ces aptitudes, comme nous le verrons), nous retrouvons la suite du propos spinoziste du
scolie de la proposition 45 d’Ethique IV : les parties du corps humain ont continuellement
besoin d’une alimentation nouvelle et variée « pour que le Corps tout entier soit partout
également apte à tout ce qui peut suivre de sa nature, et par conséquent pour que l’Esprit soit
lui aussi partout également apte à comprendre plusieurs choses à la fois ». Il ne suffirait donc
pas que le corps humain soit affecté de divers changements pour s’inscrire dans un devenir,
encore faudrait-il que l’homme s’efforce de faire que ces derniers aillent dans le sens d’un
plus grand développement des aptitudes propres à sa nature.
On en arrive alors à la deuxième condition afin que les changements s’inscrivent dans
un devenir : qu’on leur donne, à partir du sens qu’ils prennent pour nous, une certaine
orientation. On pourrait penser que nous réintroduisons ici de la finalité dans une philosophie
qui la récuse, mais ce serait faire fi de l’importance de l’imagination de causes finales dans
l’action humaine. Si Spinoza nie qu’il y ait une finalité dans la nature, il n’ignore pas que ce
que l’on appelle « cause finale » est en réalité un appétit singulier qui est cause efficiente de
notre action ; en d’autres termes, se représenter un objet ou un état comme fin est le désirer, et
le désirer est s’efforcer de l’atteindre. Ainsi, le fait d’imaginer comme fin un modèle ou un

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exemple (nous y reviendrons) est se donner les moyens d’orienter en ce sens les changements
qui nous affectent, et d’inscrire dès lors ces changements dans un devenir. Spinoza écrit ainsi
que l’imagination dispose l’homme « de telle sorte qu’il ne peut pas faire, en vérité, ce qu’il
imagine ne pas pouvoir faire ». Si la réciproque n’est pas nécessairement vrai, en ce que nous
ne sommes pas en mesure de faire tout ce que nous imaginons pouvoir faire, il n’en reste pas
moins qu’un « homme peut faire de soi moins d’état qu’il n’est juste s’il nie de soi, dans le
présent, quelque chose en rapport avec le temps futur, dont il est incertain » (Définition des
Affects, XXVIII, explication). Nous ne savons pas encore où nous mènera ce devenir, mais
pour se donner les moyens de devenir et non seulement de changer, encore faut-il se donner
une certaine orientation, en rapport avec l’accroissement des aptitudes qui sont les nôtres.

1. 3. Le devenir comme ouverture et institution


Deux précisions importantes doivent être dès à présent apportées au sujet de la
conception que nous nous faisons du devenir. La première est que, contrairement à ce que
pourrait laisser penser l’idée de « donner une certaine orientation aux changements qui nous
affectent », le devenir n’est pas à comprendre comme linéaire et finalisé par une destination
précise qui serait à atteindre ; cette dernière caractérisation pourrait en effet laisser penser que
nous pouvons acquérir une maîtrise totale sur les choses qui nous sont extérieures et dessiner
un parcours a priori, indépendant des rencontres qui sont les nôtres et des affections qu’elles
suscitent en nous. En réalité, c’est en accroissant notre aptitude à affecter et à être affecté,
c’est-à-dire par le biais d’une ouverture de soi au sens d’une plus grande réceptivité, que nous
pourrons inscrire les changements qui nous affectent dans un devenir qui nous soit propre, et
non en tentant de les inscrire de force dans une direction figée et prédéterminée. Nous
pouvons ainsi penser le devenir sur le modèle de la connaissance adéquate que l’esprit a de
lui-même, de son propre corps et des corps extérieurs, lorsqu’il est « déterminé du dedans, à
savoir de ce qu’il contemple plusieurs choses à la fois, à comprendre en quoi ces choses se
conviennent, diffèrent ou s’opposent », et non « déterminé du dehors, à savoir par la
rencontre fortuite des choses, à contempler ceci ou cela » (II, 29, scolie).
De la même façon, devenir n’est ni ne plus changer (ce qui signifierait ne plus vivre, ne
plus être inscrit dans une nature dans laquelle nous sommes ancrés de fait), ni même être à
l’origine exclusive de tout changement, mais apprendre à être affecté par chacun d’entre eux
sur un mode singulier, afin de ne plus les subir et d’être ballotté par eux, mais au contraire
d’en faire l’occasion d’une augmentation de notre puissance et d’une avancée sur le chemin
que nous nous choisissons. En ce sens, ce qui compte n’est pas tant le point d’arrivée (qui ne
peut être de toute façon que provisoire), ni même le but que nous nous fixons imaginairement,
mais la bonne compréhension de ce dernier et le chemin que nous parcourons pour tendre vers
lui, chemin non prédéterminé mais tracé dans la pratique même de notre existence et dans sa
durée. Et ce pourrait être finalement ce qui ressort du tout dernier scolie qui clôt l’Ethique (V,
42, scolie), où il est question d’un « chemin très difficile » (via perardua) que Spinoza nous
invite néanmoins à « découvrir » (ou à « inventer » [inveniri]). De même, le devenir que nous
tentons ici de caractériser ressemblerait plutôt à une mise en mouvement déterminée du
dedans, à travers les changements qui nous animent, et nous amenant à vivre de façon
singulière les rencontres qui seront les nôtres, plutôt qu’à une ligne droite dont le terme serait
toujours déjà prédéfini.
La deuxième précision importante est que ce devenir ne peut être conçu comme
spontané, au sens où, dans la mesure où les corps humains seraient d’une complexité
suffisante pour être affecté de diverses manières, ils le seraient de fait, et donneraient
nécessairement un sens et une certaine orientation aux changements leur survenant. Cette
dernière conception pourrait aboutir à une sorte de réductionnisme naturaliste, faisant de la
nature humaine la condition nécessaire et suffisante d’une éthique, et réduisant dès lors cette

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dernière à de simples comportements. Or, Spinoza affirme clairement, dans le Traité
théologico-politique, que « tous ne sont pas naturellement déterminés à agir selon les lois et
les règles de la raison ; bien au contraire, tous naissent ignorants de tout. Avant qu’ils
puissent connaître la vraie règle de vie et acquérir la pratique habituelle de la vertu, une
grande part de leur vie est déjà passée » (XVI, 3). Ainsi, ce n’est pas parce que l’éthique
s’ancre, selon nous, dans une certaine ontologie, qu’elle y est réductible : nous sommes tous
de fait affectés par des changements (et non seulement par des variations), mais nous n’en
ferons pas tous un certain devenir. Ceci requiert en effet d’instituer une nouvelle règle de vie,
ce qui ne peut se faire « sans changer l’ordre et la règle commune de [sa] vie » (TRE, § 3) :
« instituer » à la fois au sens de donner une orientation nouvelle (« du dedans ») aux
changements qui nous affectent, et au sens d’inventer ce nouveau chemin en le parcourant.

2. LES ENJEUX ETHIQUES DU DEVENIR


2. 1. Retrouver le « en devenir » propre à l’enfance
Nous en arrivons donc à l’idée selon laquelle le devenir a une dimension éthique ; il
nous faudrait dès lors reformuler comme suit le titre de notre intervention : l’être comme
mouvement, l’être des choses singulières comme changements, et l’être des hommes comme
(possible) devenir. En effet, les adultes, loin d’être spontanément en un devenir toujours
renouvelé, ont plutôt tendance à se figer dans une certaine voie affective, autrement dit à être
toujours affectés du même type de changement (fermeture affective et non ouverture de la
réceptivité). C’est ainsi que Spinoza peut affirmer que « chacun, d’une pensée, tombera dans
une autre, suivant l’ordre que l’habitude a mis dans son corps entre les images des choses »
(II, 18, scolie). Ces habitudes affectives ont alors deux effets en nous : nous avons tendance à
interpréter les rencontres toujours sous le même biais, au lieu d’y lire une singularité et d’y
voir l’occasion de nous ouvrir à d’autres affections ; et nous subissons passivement les
changements qui nous affectent et ne rentrent pas sous ce biais. Tandis que nous restons
« fixés en une imagination singulière qui n’est pas du tout enchaînée aux autres » (III,
définition des Affects IV), d’autres changements se font en nous et comme malgré nous. A
l’image de P. Macherey, qui se propose de rendre l’axiome 2 d’Ethique II « L’homme pense »
par la proposition « En l’homme, ça pense », (Introduction à l’Ethique II, p. 40), nous
pourrions ainsi dire : en nous, ça change, mais nous ne devenons pas.
Or, si nous reprenons la suite du scolie d’Ethique II, 18, nous y lisons qu’un homme
tombera (nécessairement) dans une pensée ou dans une autre selon la « manière qu’il a
accoutumée de joindre et d’enchaîner les images des choses » ; en d’autres termes, si nous
enchaînons nécessairement les images selon l’habitude qui est la nôtre, nous sommes en
mesure de nous donner dans la pratique d’autres habitudes, afin d’être à l’avenir déterminé à
les enchaîner autrement. Cela suppose alors de ne plus être figé dans la voie affective
habituelle qui est la nôtre et de donner une certaine orientation au changement qui va s’opérer
en nous (et dont nous pouvons être l’acteur, à défaut d’en être l’auteur) ; en d’autres termes,
cela suppose d’entrer dans un certain devenir, de devenir actif sur le changement qui se fait en
nous et qui sera l’occasion d’un certain devenir (au sens à la fois de passer à autre chose et
d’être encore à-venir). Et c’est bien là, d’ailleurs, ce que nous tentons d’initier en un autre
lorsque « nous nous efforçons de faire que le corps de l’enfance se change, autant que sa
nature le souffre et s’y prête [sinon, ce serait une transformation et non plus un changement]
en un autre qui soit apte à beaucoup de choses » (V, 39, scolie) : donner un sens et une
orientation aux changements qui surviennent dans le corps de l’enfant.
Il y a toutefois deux différences essentielles entre le devenir adulte de l’enfant et le
devenir éthique de l’adulte. En effet, le corps de l’enfant « est apte à très peu de choses, et

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dépendant au plus haut point des causes extérieures » et son esprit « considéré en soi seul,
n’a presque aucune conscience ni de soi, ni de Dieu, ni des choses » (ibid.) ; nous ne pouvons
donc que susciter de l’extérieur un devenir en lui, dans la temporalité qui est la sienne. Par
distinction, dans le devenir éthique, si nous pouvons nous inspirer de modèles extérieurs, ce
sera à nous de retrouver le « en devenir » de l’enfance, mais à partir de la puissance mentale
et corporelle qui sera devenue la nôtre : le devenir adulte est préalable au devenir éthique, et
nous lisons ici un enjeu important quant à la formation et à l’éducation des enfants.
Cependant, s’il en est la condition nécessaire, il n’en est ni la cause directe, ni la condition
suffisante : Spinoza écrit ainsi, dans le TTP, qu’une grande partie de la vie de la plupart sera
passée avant qu’ils puissent connaître la vraie règle de vie, et ce « même s’ils ont été bien
éduqués » (XVI, 3). Alors que tout enfant a en soi les matériaux requis pour devenir adulte,
s’il n’en est pas empêché et s’il est correctement accompagné, bien peu d’adultes
s’engageront dans la voie d’un devenir éthique, qui requiert un investissement supplémentaire

2. 2. Le modèle comme occasion d’un regain de mouvement


La question se pose donc de savoir ce qui peut susciter non seulement l’orientation des
changements qui nous affectent, mais également cette mise en mouvement supplémentaire, ce
regain de mouvement requis par l’investissement nécessaire au devenir éthique. Ainsi, la
question n’est pas de savoir ce qui alimente ce devenir une fois suscité (il s’alimente lui-
même, comme nous le verrons), mais ce qui est à même de l’initier. Or, il nous semble que la
condition requise pour se mettre en mouvement dans une certain direction est de désirer
quelque chose ; en effet, selon la définition que Spinoza reprend dans la démonstration
d’Ethique III, 56, le désir est « l’essence même, ou nature, de chacun, en tant qu’on la conçoit
comme déterminée, à partir d’un quelconque état d’elle-même, à faire quelque chose » : le
désir n’est rien d’autre que notre essence en tant qu’elle est déterminée à agir d’une certaine
façon. L’on retrouve ici les considérations de la préface d’Ethique IV sur ce que nous
appelons les causes finales : ce ne sont en réalité que des appétits singuliers, qui sont causes
efficientes de nos actions. Ainsi, il nous semble que l’initiation (ou l’institution) d’un certain
devenir ne peut se concevoir indépendamment du désir, puisque c’est le désir d’une certaine
chose qui nous détermine à agir en vue de tendre vers cette même chose.
Mais nous n’avons pas encore par ce biais toutes les données nécessaires pour répondre
à notre question de l’initiation d’un devenir en nous : nous pouvons en effet désirer une
multitude de choses différentes, et ne susciter alors en nous que des changements pouvant être
contraires les uns aux autres, ou encore des changements répétitifs confortant plus encore une
certaine habitude affective et ne suscitant alors aucun devenir à proprement parler. Si nous
poursuivons la lecture de ce même scolie, nous lisons toutefois que « la nature d’un désir doit
différer de la nature d’un autre autant que diffèrent entre eux les affects d’où naît chacun
d’eux » ; la question est donc de savoir d’où naîtra le désir qui suscitera en nous le regain de
mouvement orienté propre au devenir. Et c’est en ce point que nous retrouvons alors la
question du « modèle de la nature humaine que nous nous proposons » (Ethique IV, préface) :
c’est dans la mesure où nous nous formons « une idée de l’homme à titre de modèle de la
nature humaine que nous puissions avoir en vue » et que, la désirant, nous jugeons bon ce que
nous pensons être un moyen de nous en approcher, que nous nous sommes par ce biais
déterminés à nous engager dans un chemin tendant vers elle. Et c’est ce chemin qui, donnant
sens et orientation à nos changements et les animant d’un investissement supplémentaire, peut
être qualifié de devenir.
Il faut toutefois, pour que nous puissions parler d’un véritable « devenir éthique », que
le modèle en question soit bien compris, c’est-à-dire qu’il soit, d’une part, tout à la fois
original, ou au moins approprié (et non perçu comme un idéal extérieur à soi), et qu’il ne soit
pas appréhendé, d’autre part, comme un terme que nous devons atteindre et dans lequel nous

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pourrions nous arrêter. En effet, si l’on peut concevoir ainsi le modèle d’une maison que nous
nous proposons, en ce que la construction de la maison a bien un terme et est achevée quand
celui-ci est atteint, il n’en va pas de même selon nous du mouvement de la vie, qui n’a pas de
fin, si ce n’est la mort (et la conception de l’éternité en cette vie est en ce sens problématique,
si on l’entend comme ce qui ne peut être expliqué ni par le temps ni par le mouvement ; nous
y reviendrons). D’ailleurs, Spinoza parle dans cette préface « d’approcher toujours plus du
modèle de la nature humaine que nous nous proposons », non de l’atteindre, ou encore
d’augmenter sa puissance d’être et d’agir, et non de changer de nature. Si nous avons en plus
à l’esprit le fait que nous ne disposons pas d’une définition achevée de la nature humaine (ce
pour quoi nous en sommes réduits à nous en forger des modèles, ou à défaut de suivre les
modèles que d’autres nous proposent ou nous imposent), nous pourrions dire que le modèle en
question pourrait être compris comme une « idée régulatrice », qui a pour effet, par
l’intermédiaire du désir, de nous mettre constamment en mouvement vers elle, et ce sans
jamais que nous ayons le sentiment de l’avoir atteinte, si nous avons bien compris sa fonction.

2. 3. L’affection de l’imagination par des principes de vie : la stabilité, à défaut du devenir


Il nous reste un dernier élément à étudier, dans ce point sur les enjeux éthiques du
devenir : le cas de tous ceux qui n’entreront pas en devenir. En effet, nous avons évoqué
comme conditions du devenir l’être comme mouvement et l’être des choses singulières
comme changement ; mais lorsque nous avons évoqué l’être des hommes, nous avons parlé
seulement d’un possible devenir, ce qui laisse supposer que ce dernier ne coule pas de source,
et ne concernera donc pas tous les hommes. Qu’en est-il alors de tous les autres ? Est-ce que
cette conception du devenir a quelque chose à nous apprendre au sujet de leur être, ou de leur
manière d’être ? Lorsque Spinoza parle du salut des hommes dans le chapitre XV du TTP, il
affirme que « tous absolument peuvent obéir, alors que bien peu, comparativement à
l’étendue du genre humain, parviennent à la pratique habituelle de la vertu sous la conduite
de la raison » (XV, § 10). C’est donc sur cette question de l’obéissance, que Spinoza juge
accessible à tout homme, que nous devons nous attarder : obéir, c’est suivre des règles
qu’autrui nous propose (ou nous impose), et qui font que nous ne sommes déjà plus ballottés
constamment par des changements qui nous meuvent en tout sens. Ce n’est pas encore
devenir (ou agir sous la conduite de la raison), car le sens de ces règles ne nous est pas
nécessairement apparent, et l’orientation qu’elles nous donnent n’est pas « déterminé du
dedans », pour reprendre la terminologie de II, 29, scolie. Mais c’est déjà avoir acquis une
certaine stabilité, de même que les enfants apprennent à suivre des règles, avant d’être peut-
être à même, un jour, de se forger leurs propres règles.
L’on voit donc bien, par le biais de ceux qui ne sont pas en devenir, l’écart qui sépare les
simples changements d’un véritable devenir, puisque la condition préalable de ce dernier
semble être de commencer par acquérir (voire conquérir) une certaine stabilité. L’on retrouve
d’ailleurs cette idée dans le passage sur les principes de vie, dans le scolie de la proposition 10
d’Ethique V : « le mieux que nous pouvons faire, aussi longtemps que nous n’avons pas la
connaissance parfaite de nos affects, c’est de concevoir une règle de vie correcte, autrement
dit des principes de vie précis, de les graver dans notre mémoire, et de les appliquer sans
cesse aux choses particulières qui se rencontrent couramment dans la vie, afin que notre
imagination s’en trouve largement affectée, et que nous les ayons toujours sous la main ».
Traduit dans les termes qui nous occupent ici, cela revient à dire que le mieux que nous
puissions faire, tant que nous ne sommes pas en devenir, c’est de nous donner une certaine
stabilité à travers les changements qui nous animent, et que le biais le plus approprié pour ce
faire est de mettre en pratique des règles déterminées qui simuleront une orientation en
façonnant la manière dont nous sommes affectés par les choses extérieures. La stabilité
consiste donc à garder un certain cap à travers les changements, et si elle n’est pas encore

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ferme, en ce qu’elle ne nous est pas encore naturelle et doit être constamment réitérée, elle est
une condition préalable de tout éventuel devenir à venir.
Je ne développerai pas plus avant ce point pour l’instant, mais nous voyons que ces
dernières considérations pourraient avoir des échos importants en termes d’enjeux politiques.
On y retrouve en effet deux grandes préoccupations spinozistes, développées notamment dans
le Traité politique, à savoir donner une stabilité suffisante aux institutions afin que le corps
politique conserve sa forme en dépit des changements continuels qui surviennent (conflit
entre citoyens, intégrations d’étrangers, etc.), d’une part ; et amener les citoyens, par des lois
adéquates et bien pensées, à acquérir eux-mêmes une certaine stabilité, afin qu’ils puissent
éventuellement cheminer vers une certaine vertu par la suite, d’autre part. En ce sens, la
politique n’est pas cause directe de l’éthique, mais elle peut en être l’une des conditions de
possibilité. Dans les deux cas, nous voyons que la stabilité n’est pas fermeture et hermétisme
aux changements, mais au contraire ouverture et capacité à les vivre de façon ferme et
singulière : l’histoire, collective ou individuelle, serait la capacité à intégrer les événements
dans une certaine temporalité singulière, non prédéterminée, mais toujours « en devenir ».

3. REINTERROGER LES RAPPORTS ENTRE ONTOLOGIE, PHENOMENOLOGIE ET ETHIQUE


3. 1. L’« être » et le « se sentir » des corps et des esprits humains
Dès lors, si le devenir a une dimension éthique, nous pouvons constater que le fait de le
prendre comme objet d’étude nous amène à réinterroger les rapports entre différents
« domaines » philosophiques, parfois considérés non seulement comme distincts, mais
également comme concevables les uns indépendamment des autres. En effet, si le devenir
suppose au préalable une certaine stabilité, qui présente des enjeux politiques certains, il est
lié parallèlement à l’affectivité de l’individu (être en devenir, c’est augmenter sa capacité à
affecter et à être affecté, de même que donner à sa manière d’être affecté une certaine
convergence singulière), qui de son côté rapproche l’être du « se sentir soi-même ». Ainsi,
selon le corollaire de la proposition 13 d’Ethique II, « l’homme est constitué d’un esprit et
d’un corps [ce qui aura une influence certaine sur notre conception de l’éternité, comme nous
le verrons] et le corps humain existe tel que nous le sentons » ; ceci établit un lien
fondamental entre l’être de l’homme, l’être du corps et le ressenti de ce même corps. Or, ce
dernier point est important car, dans la même partie, Spinoza semble établir une distinction
entre la nature des choses extérieures et l’état de son propre corps : ce que je ressens lors de
rencontres avec les corps extérieurs est un mixte entre la nature donnée de ces derniers et
l’état actuel de mon corps ; en ce sens, si mon corps a également une nature, qui lui est en
partie commune avec les autres corps humains, il est pour moi ce que j’en ressens dans
l’instant présent, ce qui correspond à son état, variable dans le temps.
Or, l’état de mon corps ne concerne pas seulement ce que j’en ressens, à l’exclusion de
ce qu’il est (sa nature) : l’être et le ressentir sont selon nous inséparables, au sens où ce que je
suis est la résultante des états par lesquels je passe, de même que la forme de mon corps est la
résultante des figures qu’il revêt. Nous appuyons cette hypothèse interprétative sur
l’explication de la Définition I des affects, dans laquelle Spinoza dit qu’il entend « sous le
nom de désir tous les efforts, impulsions, appétits et volitions de l’homme, lesquels varient en
fonction de l’état d’un même homme », et ce alors même que le désir est défini comme
« l’essence même de l’homme, en tant qu’on la conçoit comme déterminée, par suite d’une
quelconque affection d’elle-même, à faire quelque chose ». En d’autres termes, mes
affections, variant selon mon état, déterminent mon désir, qui lui-même me fera agir en un
sens ou en un autre ; et mon action aura en retour une influence sur ce que je suis, en ce
qu’elle déterminera pour partie la manière dont je serai affecté à l’avenir. En ajoutant le désir

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et l’action comme intermédiaires, nous rejoignons donc L. Vinciguerra, lorsqu’il affirme que
l’affection est un « lieu qu’une ontologie et une phénoménologie ont en partage », au sens où
« nous ne sommes jamais que ce que nous percevons de l’objet dont nous sommes l’idée »
(Spinoza et le signe : la genèse de l’imagination, chap. 6, p. 98-99).
Mais nous évoquerions également une dimension éthique, dans la mesure où « l’esprit
ne se connaît pas lui-même, si ce n’est en tant qu’il perçoit les idées des affections du corps »
(II, 23) : or, la manière dont je suis affecté par un même corps extérieur est variable dans le
temps, et je peux être actif dans cette variation, dans la mesure où elle dépend pour partie de
l’histoire individuelle que je me construis à l’occasion de mes rencontres. Ainsi, si je peux
avoir une action sur mon être, en l’inscrivant dans un certain devenir, ce sera par le biais
d’une modification de la manière dont je suis affecté, ce qui suppose une certaine plasticité de
la complexion qui est la mienne. Nous pensons donc qu’éthique et ontologie ne sont pas
séparables, au sens où elles constitueraient deux domaines de pensée distincts qui pourraient
être conçus indépendamment l’un de l’autre, et nous poursuivrions volontiers l’affirmation de
L. Vinciguerra en proposant l’idée selon laquelle l’affectivité est un lieu qu’une ontologie,
une phénoménologie et une éthique ont en partage. Dès lors, la possibilité éthique du devenir
implique d’en penser les conditions ontologiques, ou anthropologiques.

3. 2. La caractérisation de la nature humaine par le biais d’« aptitudes »


Or, si l’on s’intéresse aux conditions ontologiques qui rendent possible un devenir pour
les hommes, on se rend compte que le corps humain n’est pas caractérisé en rapport à ce qu’il
est, mais à ce qu’il peut ; et lorsqu’il est question de la structure du corps (fabrica), dans le
scolie de la proposition 2 d’Ethique III, celle-ci est immédiatement mise en relation avec les
fonctions de ce dernier. C’est donc en termes dynamiques qu’est caractérisé le corps, en lien
direct avec l’action qui est la sienne, ou bien qui pourra devenir la sienne. Pour justifier cette
dernière précision (l’action du corps pourra devenir autre qu’elle n’est actuellement), nous
nous appuyons sur la suite immédiate de ce scolie, dans laquelle Spinoza affirme que « ce que
peut le corps, personne jusqu’à présent ne l’a déterminé, c’est-à-dire, l’expérience n’a appris
à personne jusqu’à présent ce que le corps peut faire par les seules lois de [sa] nature ». Si
cette remarque a pour but, dans ce scolie, de remettre en cause le fait que le corps agisse sous
les décrets de l’esprit, nous pouvons en tirer deux autres enseignements : le premier est que le
corps n’a pas pour fin une certaine capacité d’action déterminée, que nous pourrions déduire
de ce qu’il est actuellement avant toute mise en pratique ; le second est qu’il est possible que
l’expérience ne nous ait pas encore montré tout ce dont un corps est capable. En d’autres
termes : un corps se caractérise par de multiples capacités d’action non finalisées, en lien avec
la structure qui est la sienne (et donc variables d’un individu à l’autre), et dont nous ne
prenons connaissance que par le biais de leur expression effective.
On retrouve ce lien entre structure du corps et capacités d’action dans les postulats de la
petite physique d’Ethique II. En effet, si on lit dans le postulat 3 que « le corps humain est
affecté par les corps extérieurs d’un très grand nombre de manières » (en raison des grands
nombres d’individus qui le composent, dont certains sont fluides, d’autres mous, et d’autres
encore durs), le postulat 6 affirme que ce même corps « peut mouvoir les corps extérieurs
d’un très grand nombre de manières ». Or, nous lisons, dans la mise en rapport entre ces deux
postulats, à la fois un lien entre ce que le corps est, dans sa spécificité, et les capacités
d’action qui sont les siennes, mais également une variation de ces dernières. En effet, le
passage de la voix passive à la voix active associée à la modalité « peut » semble indiquer que
tous les corps humains ne le feront pas de fait, ou du moins qu’ils ne le feront peut-être pas
tous au même degré. Les capacités d’action des corps semblent donc variables d’un corps à
l’autre, et le fait que l’expérience ne nous ait pas encore appris tout ce que peut un corps
pourrait indiquer que ces capacités d’actions sont également variables dans le temps pour un

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seul et même individu. Pour résumer, le corps humain se caractériserait par des capacités
d’action variables d’un individu à l’autre, de même que variables dans le temps.
Ce dernier point est au moins confirmé dans le passage de l’enfance à l’âge adulte :
Spinoza affirme en effet, dans le scolie d’Ethique V, 39, que le corps de l’enfant est « apte à
très peu de choses » et que, au cours de son éducation, nous nous efforçons de faire qu’il « se
change, autant que sa nature le souffre et s’y prête, en un autre qui soit apte à beaucoup de
choses ». Toutefois, si ces affirmations nous amènent déjà à préférer le terme de dispositions à
celui de facultés, nous souhaiterions proposer de caractériser la nature humaine de préférence
en termes d’aptitudes, non finalisées par ce qu’elles seraient censées devenir à l’âge adulte, en
ce qu’elles seraient variables (ou du moins pourraient l’être, si nous parvenons à les inscrire
dans un certain devenir) tout au long de l’existence. Ainsi, Spinoza affirme, dans le scolie de
la proposition 2 d’Ethique III que l’on a tous « fait l’expérience que l’esprit n’est pas toujours
également apte à penser sur le même objet », et ce en fonction de la variation des aptitudes du
corps lui-même. En conséquence, ce n’est pas la pensée ou l’action qui varient, tandis que
notre aptitude à penser et à agir resterait la même, mais ce sont nos aptitudes elles-mêmes qui
sont variables dans le temps. Et ce sont alors ces aptitudes spécifiques, de même que leur
multiplicité et leur variabilité dans le temps, qui pourraient être à même de caractériser la
nature humaine sans en faire une idée figée, finalisée et prédéfinie.

3. 3. Le devenir comme constant renouvellement de la puissance


Cette distinction (conceptuelle) entre aptitude à agir et action est ainsi conforme à l’idée
selon laquelle il n’y a pas de puissance en latence, ou en attente d’actualisation. En effet, si
l’on n’agit pas, ce n’est pas parce que nous n’exprimons pas notre aptitude à agir, mais c’est
parce que notre aptitude à agir est moindre. Dès lors, l’on voit que cette conception de la
nature humaine par le biais d’aptitudes, à laquelle nous avons été amenée au cours de l’étude
du devenir, engage en retour un enjeu éthique : pour avoir une action sur notre penser et notre
agir, qui sont déterminés, il nous faudra agir sur nos aptitudes, afin que nous soyons
différemment déterminés à penser et à agir à l’avenir. En ce sens, s’inscrire dans un certain
devenir reviendra à développer les aptitudes qui sont les nôtres, en les rendant plus variées et
plus fermes. En effet, d’une part, nos aptitudes étant multiples, il se peut que nous polarisions
notre puissance d’agir en donnant à certaines d’entre elles prééminence sur les autres ; faire
que le corps et l’esprit deviennent aptes à tout ce qui peut suivre de leur nature se traduira au
contraire par une augmentation de la richesse et de la variété de nos aptitudes. D’autre part, de
même que l’enfant a tous les matériaux à sa disposition pour devenir adulte, mais qu’il peut
en être empêché si les circonstances ne sont pas favorables ou bien s’il n’est pas
adéquatement accompagné, de même il nous reviendra de faire que nos aptitudes puissent être
exprimées au mieux, ce qui impliquera de les rendre plus fermes en les développant sous la
conduite de la raison (dans la mesure où « il est requis plus de force pour contrarier les
affects ordonnés et enchaînés selon un ordre pour l’intellect », V, 10, scolie).
Nous retrouvons donc l’idée selon laquelle le devenir consiste en l’orientation des
changements qui nous animent, mais en ayant caractérisé ces changements orientés comme
« développement des aptitudes qui nous sont propres sous la conduite de la raison » ; et nous
traduisons l’idée d’exprimer la nature humaine qui est la sienne par « développer les aptitudes
spécifiques qui sont les nôtres ». Nous voyons que ces deux caractérisations donnent un sens
au devenir, sans pour autant lui ôter sa singularité ni lui assigner une fin déterminée. Il nous
reste désormais à penser le pendant ontologique du regain de mouvement dont nous avons
précédemment parlé, ce que nous allons tenter de faire par le biais de la puissance d’être et
d’agir, ou plus exactement par le biais des conditions de sa variation. Selon la démonstration
de la proposition 37 d’Ethique III, la tristesse, qui « diminue ou contrarie l’effort par lequel
l’homme s’efforce de persévérer dans son être » suscite en l’homme le désir de s’en éloigner ;

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on s’efforcera donc de mettre fin à la diminution de notre puissance d’être et d’agir en
supprimant la cause de notre tristesse. Au contraire, la joie, qui « augmente ou aide la
puissance d’agir de l’homme » suscite le désir de la conserver ; on s’efforcera ainsi de
perpétuer notre puissance d’être et d’agir en conservant l’objet de notre joie.
Or, il semblerait que, lorsqu’il est question d’une vie menée sous la conduite de la
raison, ce ne soit plus la puissance d’être et d’agir qui est perpétuée par le désir de conserver
la joie, mais que ce soit le désir lui-même qui se trouve constamment renouvelé. En effet,
selon la proposition 26 d’Ethique V, « plus l’esprit est apte à comprendre les choses par le
troisième genre de connaissance, plus il désire comprendre les choses par ce même genre de
connaissance », et donc, plus il y est déterminé. En d’autres termes, plus nous développons
les aptitudes qui sont les nôtres en rapport avec notre nature, plus nous désirons les
développer, et plus nous les développons de fait, suscitant ainsi un constant renouvellement et
du désir et de l’augmentation de notre puissance d’être et d’agir. Dès lors, si le devenir peut
être caractérisé comme nous l’avons fait par le développement (en termes de richesse et de
variété) des aptitudes, en lien avec l’expression de la nature humaine qui est la nôtre, nous
pourrions dire, en détournant une expression malebranchiste, que le devenir se donne à lui-
même du mouvement pour aller plus loin. Ceci rendrait raison à la fois de la caractérisation de
l’être comme mouvement, des suites du regain de mouvement requis par le devenir, mais
également de la conception de l’éthique comme constant et perpétuel devenir.

4. LE DEVENIR TROUVE-T-IL SON ACCOMPLISSEMENT DANS L’ETERNITE ?


4. 1. Augmenter la puissance de son esprit dans le cours de sa vie
Après avoir caractérisé le devenir dans son rapport à l’être, et avoir tenté de montrer
qu’il ne s’agit pas de devenir pour tendre vers son être, mais que, d’un point de vue éthique,
être même pourrait en réalité consister à devenir, nous allons pour finir tenter d’apporter
quelques éléments de réflexion sur la question du rapport problématique du devenir à
l’éternité. En effet, si cette dernière ne peut se définir en relation au temps, il semblerait qu’on
ne puisse à la fois être éternel et continuer de devenir ; l’on pourrait alors penser que le but
ultime du devenir, son accomplissement comme son achèvement, consisterait dans l’éternité.
Nous souhaiterions toutefois apporter quelques précisions qui sembleraient aller à l’encontre
de cette conception. Premièrement, il faut noter que, lorsque Spinoza évoque « tout ce qui
regarde cette vie présente », selon ses propres termes dans le scolie d’Ethique V, 20, il parle
d’une plus ou moins grande puissance de l’esprit, selon la proportion d’idées adéquates qui le
constituent, mais jamais il n’évoque une absolue puissance. On lit ainsi dans ce même scolie
que « pâtit le plus l’Esprit dont les idées inadéquates constituent la plus grande part », tandis
« qu’agit le plus celui dont les idées adéquates constituent la plus grande part, en sorte que,
tout en ayant en lui autant d’idées inadéquates que l’autre, on le reconnaît pourtant plus à
celles-là, qu’on attribue à la vertu humaine, qu’à celles-ci, qui plaident en faveur de
l’impuissance humaine ». Et lorsque Spinoza passe à l’étude de la part éternelle de l’esprit, il
affirme explicitement qu’il sera alors question de « l’Esprit sans relation au corps ». Or,
l’homme étant corps et esprit, et la vie de l’homme consistant dans l’affirmation de la
puissance d’être et d’agir de l’un comme de l’autre, la conception de la place que l’on peut
accorder à l’éternité dans la vie humaine se révèle problématique.
Deuxièmement, Spinoza lie souvent, dans ses propositions comme dans ses scolies,
l’augmentation de la puissance de l’esprit et la temporalité requise par l’affirmation de cette
puissance. S’il est déjà question, dans la proposition 7 d’Ethique V, de l’affirmation dans le
temps de la puissance des affects qui naissent de la raison ou sont excités par elle, le scolie de
la proposition 20 reprend l’idée selon laquelle « la puissance de l’esprit sur les affects

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consiste […] (III) dans le temps, grâce auquel les affections qui se rapportent à des choses
que nous comprenons l’emportent sur celles qui se rapportent à des choses que nous
concevons de manière confuse ou mutilée ». Il semblerait donc bien que le temps joue un rôle
fondamental dans l’affirmation de la puissance de l’esprit, le temps en regard duquel ne peut
être définie l’éternité. Et au lieu de voir dans cette constatation une marque de la finitude de
l’homme, qui ne pourrait affirmer sa puissance propre que progressivement et laborieusement,
nous pourrions au contraire voir dans le temps l’occasion de cette affirmation : non la cause
directe, car le seul fait de durer n’est pas un signe nécessaire de puissance, mais le biais par le
moyen duquel nous pouvons être en mesure d’accroître notre puissance d’être et d’agir.
Ainsi, de même que c’est parce que nous sommes déterminés dans nos pensées et nos
actions que nous pouvons devenir actifs en agissant sur ce qui nous détermine à penser et à
agir, de même ce serait parce que nous sommes inscrits dans la temporalité que nous pouvons
mettre cette dernière à profit en nous inscrivant dans un certain devenir, vers une puissance
d’être et d’agir toujours plus grande. Spinoza semble rendre possible cette lecture lorsqu’il
affirme, dans le scolie de la proposition 41, qu’il serait absurde qu’un homme « parce qu’il
voit que l’Esprit n’est pas éternel, autrement dit immortel, aime mieux être fou et vivre sans
raison » : loin de nous lamenter sur notre « finitude », nous devons bien plutôt nous efforcer
de comprendre que notre puissance réside en ce que nous sommes en mesure de faire dans la
durée de notre vie. Pour vivre vertueux, il faut déjà vivre, et pour devenir, il faut déjà établir
un certain rapport avec la temporalité. Il semblerait donc que l’éternité, qui ne peut se définir
en rapport au temps, ne puisse être pas la fin (dans les deux sens du terme) du devenir éthique.

4. 2. Essence actuelle comme effort indéfini pour persévérer dans l’être


Nous pourrions alors envisager que devenir et éternité devraient en réalité être rapportés
à des termes ou à des points de vue distincts, qui pourraient être l’existence et l’essence : nous
serions par essence éternels, mais en raison du rapport que notre existence instaure avec la
durée, nous pourrions au mieux durant notre vie nous inscrire dans un certain devenir, comme
si nous mimions un cheminement que nous savons impossible vers une certaine éternité. Mais
cette représentation du rapport entre devenir et éternité pose un double problème. D’une part,
elle nous fait retomber dans les difficultés propres au « deviens ce que tu es » évoquées en
introduction : cette conception implique en effet qu’une distance soit concevable de soi (en
tant qu’existant) à soi (en tant qu’essence), et ferait de notre vie une éternelle recherche d’une
essence qui nous serait par nature inaccessible, ce qui contredit les principes spinozistes
évoqués alors. D’autre part, il faut garder à l’esprit que Spinoza propose dans la proposition 7
d’Ethique III une définition de l’essence actuelle, qu’il identifie à « l’effort par lequel chaque
chose s’efforce de persévérer dans son être », ce qui établit un lien fondamental à la fois avec
l’existence en acte et avec le mouvement propre à cette existence. Cet effort de persévérer
dans son être est dit par ailleurs, dans la proposition suivante, envelopper un temps indéfini et
non un temps fini : son rapport au temps est donc plus caractérisé par sa continuelle
perpétuation que par sa finitude. Les choses sont donc complexes : il n’est pas si aisé
d’associer l’essence à l’éternité et l’existence à la durée, ainsi qu’à un éventuel devenir.
Par ailleurs, selon la proposition 9, l’esprit lui-même « s’efforce de persévérer dans son
être pour une certaine durée indéfinie ». Or, dans la démonstration de la proposition
précédente, Spinoza établit la distinction entre envelopper un temps fini et envelopper un
temps indéfini en fonction de ce qui vient mettre fin à l’existence de la chose en question :
envelopperait un temps fini une chose qui cesserait d’exister « de la seule puissance par
laquelle elle existe », tandis que, si aucune cause extérieure ne vient détruire une chose qui
enveloppe un temps indéfini, « par la même puissance qui fait que maintenant elle existe, elle
continuera d’exister toujours ». En d’autres termes, il n’est pas dans la nature de l’esprit de ne
plus faire effort pour persévérer dans son être, à moins qu’une cause extérieure ne vienne le

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détruire (dans son existence actuelle, en tout cas) ; et tant que l’esprit fait effort pour
persévérer dans son être, il a un certain rapport à la durée (et il peut donc devenir). Nous nous
trouvons alors dans la situation paradoxale suivante : pour que l’éternité soit l’horizon du
devenir, il faudrait que l’esprit cesse de devenir un jour pour être éternel ; mais il ne peut
cesser de devenir par lui-même, ce ne peut advenir que par le fait d’une cause extérieure. En
d’autres termes, seule une cause extérieure pourrait faire que l’esprit passe du devenir à
l’éternité, si l’éternité était l’horizon et la fin (dans les deux sens du terme) du devenir.
Enfin, il nous semble que, de même que l’on peut élaborer une conception positive de la
détermination – grâce à laquelle nous pouvons devenir actifs –, ainsi que de la durée – au sein
de laquelle nous pouvons accroître notre puissance d’être et d’agir –, Spinoza ne nous invite
pas à nous faire une conception négative de l’existence actuelle, comme si cette dernière était
pour nous obstacle à notre éternité. On lit ainsi dans la proposition 21 d’Ethique IV que « nul
ne peut désirer être heureux, bien agir et bien vivre, sans désirer en même temps être, agir et
vivre, c’est-à-dire exister en acte » ; et exister en acte, c’est exister en rapport avec la durée, et
être son corps tout autant que l’on est son esprit. Dès lors, cela revient selon nous à accorder
une place à part entière au corps, à la durée et à l’existence en acte au sein de l’éthique
spinoziste ; cela signifierait alors que le devenir éthique n’est ni un pis-aller (à défaut
d’éternité), ni une étape transitoire vers un être à rejoindre (en attente d’éternité), mais qu’il
pourrait constituer le cœur de l’être éthique de l’homme. Cela explicite le titre de notre
intervention : « sois, donc deviens », sans que l’on n’ait à devenir quelque chose, soit quelque
chose d’autre que ce que l’on est actuellement. Il nous reste alors à répondre à une dernière
question : quelle place accorder dès lors à l’éternité dans le devenir éthique lui-même ?

4. 3. L’éthique de l’homme vivant comme compréhension de son éternité


La préface d’Ethique V cerne le champ de l’éthique, par distinction avec d’autres
domaines : on y lit ainsi que, si « soigner le corps » revient à la médecine et « parfaire
l’intellect » revient à la logique, la partie de l’éthique dont il est question dans cette cinquième
partie (traitant entre autres de la question de l’éternité), « qui porte sur la manière ou voie qui
mène à la liberté », concerne « seulement la puissance de l’esprit ». Et Spinoza précise
quelques lignes plus loin que, si nous pouvons « contrarier et maîtriser les affects », « nous
n’avons pas sur eux un empire absolu » ; en d’autres termes, il ne saurait être question d’une
puissance absolue de l’esprit, et ce même lorsque l’on parle d’éthique et de liberté. Ces
considérations rejoignent d’ailleurs la proposition 4 d’Ethique IV, dans laquelle Spinoza
affirmait qu’il ne peut se faire que « l’homme ne soit pas une partie de la nature, et puisse ne
pâtir d’autres changements que ceux qui peuvent se comprendre par sa seule nature et dont il
est cause adéquate ». Dès lors, si c’est bien d’éthique humaine dont il est question (au sens où
il ne s’agit pas, en passant d’une moindre perfection à une plus grande, de changer de nature),
cette dernière ne saurait se concevoir en termes d’absolu : ni puissance absolue, ni activité
absolue, ni indépendance absolue à l’égard des choses qui nous affectent ; on peut passer à
une perfection toujours plus grande, c’est-à-dire s’inscrire dans un continuel devenir, mais on
ne saurait passer à une perfection absolue, et donc souhaiter de ne plus devenir pour « être ».
Par ailleurs, si aborder le champ de l’éthique revient à étudier la puissance de l’esprit, il
semble que cela ne puisse se faire indépendamment du corps qui en est l’objet ; Spinoza a
ainsi établi dans le scolie de la proposition 13 d’Ethique II que « pour déterminer en quoi
l’Esprit humain […] l’emporte sur les autres, il nous est nécessaire de connaître […] la
nature de son objet, c’est-à-dire du Corps humain ». En effet, plus un corps l’emporte sur les
autres par son aptitude à agir et à pâtir de plus de manières à la fois, plus son esprit l’emporte
sur les autres par son aptitude à percevoir plus de choses à la fois : la puissance de l’esprit est
donc corrélative de celle du corps dont il est l’idée. Or, à l’issue des propositions portant sur
la part éternelle de l’esprit, Spinoza affirme qu’il vient d’énoncer « toutes les choses qu’[il]

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s’étai[t] proposé de montrer à propos de l’Esprit en tant qu’on le considère sans relation à
l’existence du Corps » (V, 40, scolie). On ne peut donc considérer que l’éternité est, en tant
que telle, l’objet de l’éthique, ou tout au moins son objet direct et exclusif, puisque nous
feraient alors défaut l’objet de l’idée constituant l’esprit, à savoir le corps existant en acte, de
même que les moyens de penser les biais par lesquels la puissance de l’esprit peut être accrue.
Nous revenons donc à notre question initiale : quel rapport à l’éternité peut alors entretenir
l’éthique de l’homme existant en acte et toujours en devenir ?
La vie éthique (ou l’éthique de vie) ne peut consister à devenir éternel ; en effet, selon le
scolie de la proposition 31 d’Ethique V, nous sommes « certains que l’esprit est éternel, en
tant qu’il conçoit les choses sous une espèce d’éternité » ; nous ne pouvons devenir éternels
puisque, en un certain sens, nous le sommes déjà. Ce ne peut consister non plus à l’être plus :
l’éternité ne pouvant se définir en rapport au temps, il n’y a pas de sens à être plus ou moins
éternel ; en un certain sens, nous le sommes ou bien nous ne le sommes pas. Par contre, la
suite du scolie, dans laquelle Spinoza affirme qu’il fera comme si l’esprit « venait de
commencer […] à comprendre les choses sous une espèce d’éternité » (et donc venait de
commencer à être éternel), et ce afin que « se comprenne mieux ce qu’[il veut] montrer » (à
savoir la puissance de l’esprit, qui est objet de l’éthique) peut nous apporter un élément de
réponse. Cela pourrait en effet signifier que l’enjeu de l’éthique consiste à comprendre son
éternité, c’est-à-dire à faire qu’elle prenne sens pour nous, en cette vie même qui se définit en
rapport à la durée ; et comme il n’y a jamais d’absolu en cette vie, cela pourrait signifier que
devenir éthique revient à comprendre toujours plus adéquatement et profondément cette
éternité qui est celle de notre Esprit. En d’autres termes, l’éternité ne serait pas l’horizon du
devenir, mais l’horizon du sentir et du comprendre d’un homme en devenir.

Le 5 janvier 2011
Séminaire « La double actualité : histoire et éternité chez Spinoza »
(Ch. Jaquet, P. Sévérac, A. Suhamy)

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