ANIENNE
CARTHAGE V
NUMIDIE ET MAURITANIE
par M. Louis Lacroix
L’AFRIQUE CHRÉTIENNE
Histoire de la domination des Vandales
par M. Jean Yanoski
AFRIQUE.
CARTHAGE
NUMIDIE ET MAURITANIE.
AFRJQUE CHRÉTIENNE.
REIMPRESSION
TOME SECOND
© ÉDITIONS BOUSLAMA-TUNIS
PAR MM.
BUREAU DE LA MALLE,
il)!!!‘ ni L'Auniun nu lueur-nous n IILLIS-LITTAIS.
YANOSKI,
uonsslvn surru’ur Av cnuicx u nmcz ,
Aon'cl' n! L'mnvlnsxn'. ne.
H DCCC XLII.
HISTOIRE ET DESCRIPTION
DE TOUS LES PEUPLES,
DE LEURS RELIGIONS, MOEURS, INDUSTRIE, COSTUMES ETC.
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CABTHAGE.
PAR M. BUREAU DE LA MALLE,
Il‘!!! DE L’IISTITUT.
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rière, et y jette le trouble et la confu Romains‘, vingt-quatre vaisseaux'seu
sion. D'un autre côté, les Carthaginols lement périrent dans le combat; aucun
de l'aile gauche, qui étaient rangés ne tomba en la puissance des ennemis.
ubliquement vers la terre, changeant DESCENTE nus ROMAINS 131v Arm
leur première dis sition, se forment QUE; PRISE DE CLYPEA ET DE PLU
en ligne de batail e, ,et fondentsur la smuns surnss PLACES. -— Bientôt les
troisième escadre, dont les galères Romains, après avoir radoubé leurs
étaient attachées aux vaisseaux de vaisseaux et complété tous les répa
charge pour les remorquer. Ainsi cette ratifs nécessaires pour une on ne
bataille présentait trois actions diffé campagne, mirent à la voile pour l A
rentes, séparées l’une de l’autre par fri ue, sans qu’Amilcar osât faire un
des distances considérables. L’avan seu mouvement pour s’opposer à leur
tage fut longtem s balancé de part et passage. Les premiers navires abordé
d’autre. Mais en n l’escadre que com rent au promontoire Hermæum, qui
mandait Amilcar est mise en fuite, et forme l’extrémité orientale du golfe de
Manlius attache à ses vaisseaux ceux Carthage. Ils y attendirent les bâti
qu’il avait pris. Régulus vient au se ments qui étaient en retard 'et, a rès
cours des triaires et des vaisseaux de avoir réuni toute leur flo ‘3, ilsv on.
charge, menant avec lui les galères de gèrent l'a côte jus u’à la ville de Clypea
la deuxième escadre, qui étaient sor (aujourd’hui Kali ia); ils,y' débarquè
‘zies du premier combat sans être en rent, et, après avoir.tiré leurs vais
Jommagées. Pendant qu’il est aux seaux à terre, et lesv avoir environnés
mains avec Hannon, les triaires, qui d’un fossé et d’un retranchement, ils
étaient près de se rendre, reprennent mirent le siège devant la ville.
courage , et retournent à la charge avec La nouvelle de la défaite d’Ecnome
une nouvelle vigueur. Les Carthagi avait ré anduœla consternation parmi
nois, assaillis par-devant et par-der les Cart aginoisî Tous s’attendaient à
rière, et ne pouvant résister_à cette voir les Romaius,.enorgueillis d‘un si
double attaque, gagnent la pleine mer brillant succès‘, tourner leurs armes vic
pour échapper à une destruction iné torieuses contre Carthage elle-même.
vitable. . _ _ Mais quand ils ap rirent que les con
Sur ces entrefaites, Manhus revient suls d barqués à C ypea perdaient leur
et aperçoit la troisième escadre acçulée temps au slége de cette ville, ils repri
contre le rivage par les carthaginois rent courage, et s’occupèrent à ras
de l’aile gauche. Les vaisseaux de semblerdes troupes pour mettre leur
charge et les triaires étant en sûreté, capitale et le pays d’alentour à l’abri
Régulus et lui unissent leurs forces des attaques de l ennemi.
pour la tirer du éril extrême où elle Les consuls avaient envoyé des cour
se trouvait; car a le soutenait une es riers à Rome our informer le sénat
pèce de siège; et elle aurait été im de ce qu’ils avaient fait jusqu’alors , et
manquablement détruite, si les Car le consulter sur les mesures ultérieures
thaginois, par la crainte des corbeaux à prendre. En attendant leur retour,
et de l’abordage, ne se fussent con ils fortifièrent Clypea pour en faire
tentés de la tenir bloquée contre la leur place d’armes; ils y laissèrent un
terre. Les consuls arrivent, envelop corps de troupes pour garder la ville et
pent de toutes parts les carthaginois son territoire , pénétrèrent dans le pays
et leur enlèvent cinquante vaisseaux avec le reste de leur armée, et ravage
avec tout leur équipage. Quelques-uns rent le plus beau canton de l’Afrique,
s’fléchappèrent en rasant la côte de Si qui, depuis le temps d’Agathocle, n'a
61 e. vait point é Jl‘OllVé les malheurs de la
Telle fut l’issue de cette grande ba guerre. Ils étruisirent un grand nom
taille navale. Trente vaisseaux cartha bre de magnifiques maisons de plai
ginois furent coulés à fond, soixante sance, enlevèrent une quantité im
quatre furent pris. Du côté des mense de bestiaux, et firent plus de
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vingt mille prisonniers, sans trouver Cependant les carthaginois, qui
aucune résistance. De plus, ils prirent avaient élu pour généraux Asdrubal,
de force ou reçurent à composition fils d’Hannon, et Bostar, rappelèrent
plusieurs villes, dans lesquelles ils encore de Sicile Amilcar, qui, avec
trouvèrent quelques (léserteurs et un cinq mille hommes d’infanterie et cinq
bien plus grand nombre de Romains cents cavaliers , se rendit aussitôt d'Hé
faits prisonniers dans les dernières cam raclée à Carthave. Ces trois généraux,
pagnes, parmi lesquels était probable après avoir délibéré entre eux, se dé
ment Cn. Cornélius Scipio, que nous cidèrent à tenir la campagne, pour ne
voyons deux ans après élevé à un pas laisser le(paî's exposé impunément
deuxième consulat. aux ravages e 'ennemi.
Alors arriva la réponse du sénat. Régulus s’avançait dans la contrée,
Elle rescrivait à Régulus de rester s’emparant de toutes les villes qui se
en A rique avec quarante vaisseaux, trouvaient sur son passage. Arrivé de
quinze mille fantassins et cinq cents vant Adis (*), l’une des plus fortes
cavaliers, et à Manlius de retourner à places du pays, il en forma le siège.
Rome avec les prisonniers et le reste Les généraux carthaginois s'empres
de la flotte. sèrent de venir au secours de la ville.
DIxxEME ANNÉE DE LA GUERRE; Ils occupèrent une colline qui dominait
BATAILLE n’Ams; PRISE DE TUNIS le camp des Romains et qui paraissait,
PAR LES ROMAINS; 255 AVANT L’ÈEE au premier coup d’œil, une position
VULGAIRE. —— Les nouveaux consuls avantageuse. Mais l’inégalité et l’âpreté
furent Servius Fulvius Pætinus Nobi du terrain rendaient inutile la princi
lior et Marcus Æmilius Paulus. Le pale force de leur armée , qui consistait
sénat, pour ne pas interrompre le en cavalerie et en éléphants. Régulus,
cours des victoires de Régulus, lui con en habile général, profite de la faute
tinua le commandement de l’armée en de ses ennemis, et avant qu’ils eussent
Afri ue avec le titre de proconsul. Lui le temps de la réparer, en descendant
seul ut affligé d’un décret qui était si dans la plaine, i monte avec ses lé
glorieux pour lui. Il écrivit au sénat gions sur la colline, et les attaque de
que le régisseur des septjugères (") de deux côtés à la fois. La cavalerie et les
terre qu’il possédait à Pupinies était éléphants des carthaginois ne leur ren
mort, et ne l’homme dejournée , pro dirent aucun service. Les troupes mer
fitant de occasion, s’était enfui après cenaires combattirent avec une grande
avoir enlevé tous les instruments de valeur et mirent d’abord en déroute la
culture; u’il demandait donc qu’on première légion; mais, ayant rompu
lui envoygt un successeur, puis ne, si eurs rangs dans l’ardeur de la pour
son champ n’était pas cultivé, i n’au suite, ils furent entourés par les trou
rait plus de quoi nourrir sa femme et pes romaines qui attaquaient la colline
ses enfants. Le sénat ordonna que le de l’autre côté. et forcés eux-mêmes
cham de Régulus serait de suite af de prendre la fuite. Leur exemple en
ferm et cultivé, qu’on rachèterait aux trama le reste de l’armée. La cavalerie
frais de l’Etat les instruments dérobés , et les éléphants se sauvèrent dans la
et ne la république se chargerait aussi plaine. Les Romains poursuivirent pen
de a nourriture de sa femme et de ses dant quelque temps l’infanterie et re
enfants. Rare exemple du mépris des vinrent piler le camp des carthagi
honneurs et della fortune! L’éclat dont nois.
brille encore le nom de Régulus , après A rès cette victoire, Régulus, maî
une longue suite de siècles , prouve que tre e la campagne, ravagea impuné
la gloire est pour la vertu une récom ment tout le pays, et s’empara même
pense plus durable que la richesse. de la ville de Tunis. Cette position,
(") Le jugère valait un demi-arpeut: 24 (’) Aujourd'huiRhadès, à quelques lieues
ares, 68 céntiares. de Tunis.
CARTHAGE. 45
tant par sa force naturelle que par sa Le sénat de Carthage, sur le rapport
proximité de Carthage, lui parut très de ses envo 'és , fut tellement indigné
avantageuse pour l'exécution de ses de la duret .des lois qu'on lui impo
projets: il en fit sa place d'armes, et sait, que, malgré sa étresse, il rit
y établit un camp retranché. la généreuserésolution de tout son frir
NEGocIA'rIoNs INEnUcTUEUsEs EN et de tout tenter plutôt que de subir
TnE LES RoMAINs ET LEs CAETIIA la plus insupportable et la plus bon
GINOIS. — Les carthaginois avaient teuse de toutes les servitudes.
été battus par terre et par mer. Ils AnnIvEE DE XANTIIIPPE A CAn
avaient vu plus de deux cents places TIIAGE; DÉFAITB ET PRISE DE RÉGU
tomber au pouvoir des vain ueurs. Lus. — Telle était la situation des
Tant de défaites et de pertes reveillè carthaginois, lorsque les vaisseaux
rent contre eux la haine des Numides, qu'ils avaient envoyés dans la Grèce
leurs anciens ennemis , qui se répan pour y lever des troupes, revinrent
dirent dans leurs campagnes, y mirent avec un renfort assez considérable de
tout à feu et à sang, et y causerent soldats mercenaires. Dans le nombre
encore plus de terreur et de désola était Xanthippe de Lacédémone, ui,
tion que n'avaient fait les Romains formé dès son enfance à la discip ine
eux-mêmes. Les habitants de la cam austère de sa patrie, y joi nait une
pagne, se réfugiant de tous côtés à Car expérience consommée dans e métier
thage avec leurs femmes et leurs en de la guerre. Cet officier, instruit en
fants, pour y chercher un abn_, aug détail de la dernière défaite des Car
mentaient la consternation, et faisaient thaginois et des circonstances ui l'a
craindre la famine en cas de siége. vaient amenée, calculant de us les
Dans ces extrémités, les Carthagi ‘ressources qui leur restaient, enom‘
nois députèrent les principaux séna bre de leur cavalerie et de leurs élé
teurs au général romain pour demander phants, pensa en lui-même et dit à ses
la paix. Régulus ne se refusa Intàces amis que les carthaginois n'avaient pas
ouvertures; mais, abusant es droits été vaincus par les Romains, mais par
de la victoire, il leur imposa ces dures eux-mêmes et par l'incapacité de leurs
conditions : « Céder aux Romains la Si généraux. Ce mot se répand dans le
cile et la Sardaigne tout entières; leur public, et arrive bientôt aux oreilles
rendre tous leurs prisonniers sans ran des sénateurs. Les magistrats font
con, et racheter les prisonniers cartha appeler Xanthippe; il vient et justifie
ginois ; payer tous les frais de la guerre, clairement ce qu'il avait avancé. Il
et, de plus, se soumettre a un tribut leur démontre que , soit dans les mar
annuel. n Telles furent d'abord les ches, soit dans les campements, soit
rétentions du vainqueur. Il y ajouta dans les combats mêmes, on avait
‘autres obligations qui n'étaient pas toujours choisi les positions les moins
moins humiliantes pour les carthagi avantageuses. Il ajoute que s'ils vou
nois : qu'ils n'auraient d'autres amis laient suivre ses conseils, et- tenir
et d'autres ennemis que ceux des Ro constamment l'armée dans la plaine,
mains; qu'ils ne pourraient mettre en il leur répondait. non-seulement de
mer qu'un seul vaisseau de guerre, et leur salut , mais encore de la victoire.
qu'ils fourniraient aux Romains cin Tous les chefs de la république , et les
quante trirèmes toutes les fois u’Ils généraux eux-mêmes , par une généro
en seraient r uis. Les ambassa eurs sité bien rare et bien digne de louange,
sup lièrent Regulus de mettre plus de sacrifièrent leur amour-propre au sa
mo ération dans ses demandes , et de lut de la patrie,.et confièrent a un
leur prescrire des conditions plus sup étranger le commandement de leurs
portables ; mais il ne youlut se relâcher armées.
sur aucun point, ajoutant, avec un L'habileté avec laquelle Xanthippe
orgueil insu tant, qu il fallait ou savoir avait jugé l'ensemble de la guerre,
vaincre ou savoir obéir au vainqueur. avait déjà_ inspiré aux carthaginois
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une grande confiance dans ses lumières. troupes placés derrière eux, et, pen
Mais uand on le vit ranger prompte dant ue l'ennemi serait aux prises
ment ’armée en bataille aux portes de avec a phalange carthaginoise, de
la Ville, commander des manœuvres sortir de côté et de l'attaquer en
savantes, faire exécuter en bon ordre flanc.
les évolutions les plus compliquées, un Régulus avait d'abord rangé son
enthousiasme universel s’em ara du armée en bataille suivant la méthode
peuple et de l’armée, et tous, éja sûrs ordinaire. Mais quand il vit la dispo'
de vaincre sous un tel généra , de sition des ennemis, pour se garantir
mandèrent, avec des cris de joie, à du choc des éléphants , il mit tous ses
marcher contre l'ennemi. vélites à la remière ligne. Ensuite, il
Xanthippe ne laissa pas refroidir plaça ses co ortes, dont il doubla les
cette ardeur, et alla chercher les Ro les, et distribua sa cavalerie sur les
mains. Son armée était composée de deux ailes , donnant ainsi à son ordre
douze mille hommes d'infanterie, de de bataille moins de front et plus de
quatre mille chevaux et d'environ cent profondeur qu'il n'avait fait d'abord.
éléphants. Régulus fut d'abord surpris Cette ordonnance, dit Polybe, était
de voir les carthaginois, changeant excellente pour résister aux éléphants ,
leur méthode ordinaire, diriger leur mais elle exposait les Romains à être
marche et asseoir leur camp dans la entourés par la cavalerie carthagi
plaine; mais, plein de mépris pour des poise, fort supérieure en nombre à la
roupes qu'il avait vaincues tant de eur.
fois , il était résolu de les combattre, Xanthippe alors fait avancer à la fois
quel que fût l'avantage de leur position. les éléphants pour enfoncer le centre
vint donc camper à mille toises de de l'armée romaine, et la cavalerie de
l'ennemi. . ses deux ailes pourcharger et envelop
Alors Xanthippe , par déférence r l'ennemi. Les Romains poussent
our les officiers e l’armée punique, eur cri de guerre, et marchent auda
es réunit en conseil de guerre, et les cieusement sur les carthaginois. La
consulta sur le parti qu’ils avaient à cavalerie romaine, trop infcrieure en
prendre. Mais, pendant cette délibéra nombreà celle des ennemis, ne put résis
tion , les soldats demandaient à grands ter longtemps , et laissa les deux ailes à
cris la bataille, et Xanthippe sup découvert. L'infanterie de l'aile gauche,
liant le conseil de ne pas aisser soit pour éviter le chocdes éléphants,
happer une occasion si favorable, soit pour montrer sa supériorité sur les
les chefs ordonnèrent à l'armée de se soldats mercenaires qui formaient l'aile
tenir prête, et laissèrent à Xanthippe droite des Carthaginois , les attaque ,
l'entière liberté d'agir comme il le ju les disperse et les poursuitjusqu'à leurs
gérait convenable. retranchements. Au centre qui était
Ce général rangea ainsi son armée opposé aux éléphants, les premiers
en bataille. Il mit en avant les élé ran s furent renversés et foulés aux
hants disposés sur une seule ligne. ie s par ces masses énormes. Le reste
Iherrière eux, à quelque distance, il u cor s de bataille, à cause de sa
pla la phalange carthaginoise qui rofon eur. resta quelque tem s iné
tait l'élite de son infanterie. Il répan ranlable. Mais lorsque les erniers
it la cavalerie sur les deux ailes, avec rangs, enveloppés par la cavalerie et
ceux des soldats auxiliaires qui étaient par les armés à la légère , furent con
le plus légèrement armés. Le reste des traints de faire volte-face pour leur
mercenaires fut placé à l'aile droite tenir tête, et que ceux qui avaient forcé
entre la phalan e et la cavalerie. Xan le passage au travers des éléphants
thippe avait or onné à ses soldats ar rencontrèrent la phalange des Cartha
més à la légère, a rès qu’ils auraient ginois , qui n'avait pas encore chargé ,
lancé leurs traits , e se retirer dans les‘ et qui était en bon ordre , la position
intervalles qui séparaient les corps de des Romains fut toutà fait désespérée.
CARTHAGE. 41
Les uns furent écrasés par les élé d’ailleurs une haine si violente , et pres
phants; les autres , sans sortir de que toujours si injuste.
eurs rangs , périrent sous les 'avelots NOUVELLE EXPÉDITION EN AFnI
de la cavalerie et des troupes égères. QUE; BATAILLE NAVALE ENTRE LEs
Il n’y en eut qu’un petit nombre qui ROMAINS ET LEs CARTIIAGINOIS;
cherchèrent leur salut dans la fuite; NAUFRAGE ET DESTRUCTION DE LA
mais dans cette plaine rase et unie, ils FLOTTE ROMAINE. -- La nouvelle de
ne purent échapper aux poursuites des la défaite et de la prise de Régulus ne
éléphants et de la cavalerie. Cinq cents découragea point les Romains. I'ls
hommes, qui s’étaient ralliés autour s’occu èrent aussitôt à construire une
de Régulus, furent faits prisonniers neuve lellotte et à sauver ceux de leurs
avec lui: Les carthaginois perdirent en concitoyens qui avaient échappé à ce
cetteoccasion huit cents soldats étran désastre. Les carthaginois soumirent
gers qui étaient opposésà l’aile gauche d'abord les Numides, et recouvrèrent
des Romains; et de ceux-ci , il ne se sans peine la plupart des villes qui
sauva que les deux mille qui, en pour avaient embrassé le parti des Romains.
suivant l’aile droite des ennemis, s’é Mais ils attaquèrent inutilement CIy
taient tirés de la mêlée, et qui parvin péa, dont la garnison fit une opiniâ
rent, contre toute espérance, a se ré tre résistance. Après avoir vainement
fugier dans les murs de Clypéa. L’armée employé tous les moyens pour la ré
victorieuse rentra en triomphe dans duire, ils furent contraints de lever le
Carthage, traînant enchaînés le pro siége. Sur l’avis qu’ils reçurent alors,
consul romain et les cinq cents soldats que les Romains equipaient une flotte,
qui avaient été pris avec lui. et se dis osaient à passer de nouveau
L’ivresse des carthaginois, après dans I’Atïique, ils radoubèrent leurs
cette victoire , fut d’autant plus grande, anciens vaisseaux, en construisirent
que le succès était inespéré. Ils célé de neufs, et se mirent en mer avec
brèrent leur triomphe par des fêtes deux cents galères complètement équi
religieuses, des festins publics et des pées, pour observer l’arrivée de len
réjouissances de toute espèce. Xan nemi.
thippe , qui avait sauvé Carthage d’une Au commencement de l’été, les Roe
ruine presque certaine , prit le sage mains partirent avec trois cent cin
parti de se retirer bientôt après dans quante vaisseaux , sous le commande
sa patrie. Il eut la prudence de s’éclip ment des deux consuls Marcus Æmilius
ser, de peur que sa gloire , jusque-là et Servins Fulvius, et se dirigèrent
pure et entière, après le premier éclat vers l'Afrique. lls rencontrèrent près
éblouissant qu’elle avait jeté, ne s’a du promontoire Hermæum, la flotte
mortît peu à peu et ne soulevàt contre carthaginoise, l’attaquèrent sur-le
lui l'envie et la calomnie, redoutables champ, et l’ayant mise en déroute,
surtout pour un étranger qui, loin de lui prirent quatorze vaisseaux avec
son pays, n’a ni parents, ni amis, ni tout leur équiqage. Néanmoins , après
aucun appui pour se défendre. A pien cette Victoire, ils évacuèrent Clypea,
et Zonare rapportent que les Cart Iagi emmenèrent la garnison et prirent le
nois , bassement jaloux de la gloire de chemin de la Sicile. On a lieu de s’é
Xanthippe, et humiliés de devoir leur tonner que les Romains, avec une
salut à un étranger, le firent périr par flotte si nombreuse‘ et après une vie
trahison, en le reconduisant dans la toire si décisive, n’aient songé qu’à
Grèce. Mais ce fait est peu probable; évacuer Clypea et à en retirer sa arni
aucun des historiens latins ne le rap son,‘au lieu de tenter la conquête e l’A
porte; et certes, s’ils l’avaient connu, trique, que Régulus, avec beaucoup
Ils n'auraient pas laissé échapper une moins de forces , avait presque achevée.
aussi belle occasion de couvrir d’un Zonare ajoute, il est vrai, que les
opprobre éternel ces ennemis du nom Romains remportèrent, près de Cly
romain, envers lesquels ils montrent péa, une grande victoire sur l’armée
48
de terre des Carthaginois. Mais il s’ac les Carthaginois les forcèrent de re
corde avec Polybe sur l’évacuation de noncer au siège de cette ville. Loin de
Clypéa par les Romains. Eutrope en se laisser décourager par cette tenta
donne pour motif le défaut de subsis tive infructueuse, ils allèrent mettre
tances. le siégé devant Palerme (*), capitale de
Une navigation favorable avait ame toutes les possessions carthaginoisesen
né la flotte romaine jus u’en Sicile. Sicile. Ils s’emparèrent du port, et les
Les pilotes avaient conseil é de retour habitants ayant refusé de se rendre,
ner de suite en Italie pour éviter la ils travaillèrent à environner la ville de
saison des tempêtes qui a prochait. fossés et de retranchements. Comme
Mais les consuls, méprisant eurs avis, le pays était couvert d’arbres jusqu’aux
s’obstinèrent à vouloir reprendre quel portes de la ville, les palissades, les
ques villes maritimes qui tenaient en agger et les machines avancèrent rapi
core pour les Carthaginois. Cette im dement. Ils poussèrent vigoureusement
prudence fut la cause d’un désastre leurs attaques, et renversèrent avec le
épouvantable. Ils furent assaillis tout bélier une tour située sur le bord de
à coup d’une si’ violente tempête, que la mer. Les soldats montèrent à Pas
sur trois cent soixante-quatre vais saut par la brèche, et après avoir fait
seaux , ils purent à peine en sauver un grand carnage, s’emparèrent de
quatre-vingts. cette partie de la place qu’on appelait
L’activité des Carthaginois sut met la Nouvelle Ville. Les habitants de
tre à profit cette faveur de la fortune. la Vieille Ville, manquant de vivres,
Ils envoyèrent une armée en Sicile, offrirent de se rendre, à condition
formèrent le siège d’Agrigente, pri qu’on leur laisserait la vie et la liberté.
rent en peu de jours cette ville, qui Les consuls n’acce tèrent point cette
ne reçut point de secours , et la rui proposition, mais xèrent leur rançon
nèren entièrement. Il paraissait pro a deux mines par tête (**). Il y en eut
bable que toutes les autres places des dix mille qui se rachctèrent à ce prix;
Romains auraient le même sort et se tous les autres, au nombre de treize
raient obligées de se rendre aux Cartha mille, furent vendus à l’encan avec le
ginois; mais la nouvelle du puissant reste du butin.
armement que l’on préparait à Rome La prise de cette ville fut suivie de
donna du courage‘ aux alliés, et les la reddition de plusieurs autres pla
engagea à tenir ferme contre les ennen ces (""*), dont les habitants chassèrent
mis. En effet, dans l’espace de trois la garnison carthaginoise ct embrassè
mois, deux cent vingt galères furent rent le parti des Romains.
mises en état de faire voile. Les consuls laissèrent une garnison
ONZIÈME ANNÉE DE LA GUERRE; dans Palerme et retournèrent a Rome.
TENTATIVE INUTILE DEs RoMAINs Pendant leur traversée , les Cartha
son DRÉPANE; PRISE DE CEPHA ginois leur dressèrent une embuscade
LŒDIUM ET DE PALEnME; 254 AVANT et leur enlevèrent quelques vaisseaux
L’EIIE VULGAIEE. — Les deux nou chargés d’argent et de butin.
veaux consuls , Cnéius Cornélius Scipio DOUZIÈME , TREIZIÈME ET QUATon
Asina et Aulus Atilius Calatinus , char ZIÈME ANNÉES DE LAPEEMIEEE GUER
gés du commandement de la flotte, se RE PUNIQUE , 253 A 250 AVANT L’ÈIIE
rendirent d'abord à Messine, où ils CBRÉTIENNE.— L’année suivante, les
recueillirent les bâtiments qui avaient consuls C. Servilius Cœpio et Caius
échappé au naufrage de l’année précé Sempronius Blocsus passèrent en Afri
dente. Delà, avec trois centsvaisseaux
de guerre, ils abordèrent à Cephalœ (*) Anciennement Panormus.
dium, qui leur fut livrée par la trahi (*') 182 fr. 95 c. Larançon des dix mille
son de quelques habitants. Ils essayè fut donc de 1,829,500 fr.
rent ensuite de s’emparer deDrépane; ("") Jétine , Pélrinum , Solunte , ’I‘ynda
mais les secours qu’y introduisirent ris, etc.
CARTHAGE. 49
que avec toute leur flotte. Ils se borne forces ‘ils avaient en Sicile. Mais
rent à longer la côte et à faire de temps comme eur trésor était épuisé ar les
à autre des descentes , dont le seul ré dépenses énormes d’une si ongue
sultat fut le pillage de quelques cam uerre , ils envoyèrent une ambassade
pagnes, tant les Carthaginols avaient a Ptolémée Philadelphe, roi d’Égypte,
ien pourvu alors à la garde et à la pour le prier de leur prêter deux mille
sûret de leur pays. Ils retournèrent talents (*). Celui-ci, qui était allié des
à Rome, en côtoyant les côtes de la deux peuples , a rès avoir vainement
Sicile et celles del Italie. Mais au mo interposé sa mé iation pour les récon
ment où ils doublaient le cap Palinure, cilier, refusa le prêt sollicité par les
il s’éleva une furieuse tempête qui Carthaginois , en disant qu’il ne conve
submergea cent cin uante vaisseaux nait pas à un ami de fournir des se
de guerre et un gran nombre de bâ- ‘ cours contre ses amis.
timents de charge. Quelle que fût la Alors les Carthaginois épuisèrent
constance des Romains, tant de dé toutes leurs ressources , et expédièrent
sastres consécutifs abattirent leur cou en Sicile Asdrubal avec deux cents
rage. Ils renoncèrent à disputer l’em vaisseaux , cent quarante éléphants et
pire de la mer, que les vents et les flots vingt mille hommes. tant d’mfanterie
semblaient leur refuser. Ils mirent que de cavalerie. Ce général emplova
désormais tout leur espoir dans leurs toute l’année suivante à exercer ses
légions , et se bornèrent à équiper troupes et ses éléphants, et les armées
soixante vaisseaux pour trans rter en romaines ne firent dans cette campa
Sicile les vivres et les muni ions né gne aucune action qui mérite d’étre
cessaires à leurs armées. rapportée.
Ce découragement des Romains re QUINzIEME ANNÉE DE LA PREMIÈRE
leva la confiance des carthaginois. Ja GUERRE PUNIQUE; L'ES CABTHAGINOIS
mais, de uis le commencement de la sou'r BATTUS PAR LEs ROMAINS sous
guerre , [état de leurs affaires n'avait LEs MuRs DE PALEBME; 250 AVANT
té plus florissant. Les Romains les L’ERE V‘ULGAIBE. — Le sénat romain,
avaient laissés maîtres de la mer, et voyant s’augmenter de jour en jour
ils commençaient à concevoir une le découragement des légions qui fai
meilleure o inion de leurs troupes de saient la guerre en Sicile , revint sur
terre. En e fet, les Romains , depuis sa premiere résolution , et se décida
la défaite de Régulus, ui avait été à tenter de nouveau, sur mer la fortune
décidée surtout par les él phants, s’é des armes. Les nouveaux consuls
taient fait de ces animaux belliqueux Caius Atilius Régulus et Lucius Man
une idée si terrible, que pendant les lius Vulso furent chargés de préparer
deux années suivantes, oùils campèrent et d'équiper avec lé p us, grand soin
souvent dans les campagnes de Lilybée une nouvelle flotte. Lucius Cœcilius
et de Sélinunte, à cinq ou six stades de Métellus, l’un des consuls de l’année
l’ennemi, ils n’osèrent ni accepter le précédente , fut continué dans le com
combat, ni descendre dans la plaine. mandement de l’armée de Sicile avec le
Privés de cette confiance qui leur fai titre de roconsul.
sait ordinairement chercher la bataille Asdru al avait remarqué que, pen
avec joie, ils se retranchaient soigneu dant les précédentes campa es, les
sement sur des montagnes esearpées et Romains avaient tacitement ait l’aveu
dans des positions inaccessibles. Aussi de leur crainte en évitant toujours les
toutes leurs opérations, pendant ces occasions de combattre en bataille
deux années de la guerre, se borne rangée. lnstruit que l’un des consuls
rent-elles aux sièges resque insigni était retourné en Italie avec la moitié
fiants de Thermes et e Lipari. des troupes , que Métellus était resté
Cependant les Carthaginols, jugeant seul en Sicile avec l’autre moitié; pressé
l’ocrasion favorable pour reprendre
l’offensive , résolurent d’augmenter les (") rx millions.
4' 1 Livraison. (CAB’IBAGL)
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d’ailleurs ar les instances de ses sol envoyant sans cesse de nouveaux se
dats, qui rûlaient de marcher à l’en cours à ses vélites qui étaient enga és
nemi , il résolut de profiter de ces cir avec l'ennemi. Les conducteurs des
constances favorables pour engager éléphants, iqués d’une noble émula
une action décisive. Il artit donc de tion et vou ant avoir l’honneur de la
Lilybée avec toutes ses orces , et vint victoire, chargent tous à la fois les
cam et sur la frontière du territoire premiers rangs des Romains , les ren
de alerme. Métellus se trouvait alors versent‘ et les poursuivent hardiment
dans cette ville avec son armée. jusqu’au bord du fossé. Mais alors, les
Celui-ci, ayant appris pardes espions éléphants , accablés d’une grêle de flè
carthaginois qu’il avait eu l’adresse de ches qu’on faisait pleuvoir du haut des
sur rendre qu’Asdrubal s’avançaitdans murs, et des traits que leur lan ient
le essein de lui livrer bataille, affecta les vélites rangés en avant du ossé,
de montrer de la crainte pour inspirer entrent en fureur, se tournent contre
à son ennemi une plus aveugle confian les carthaginois, écrasent tous ceux
ce, et se tint soigneusement enfermé qui se trouvent sur leur passage et
dans ses murailles. Cette terreur simu portent le désordre et la‘ confusion
lée accrut en effet la témérité d’Asdru dans leurs rangs. Métellus, qui n’at
bal. Il franchit les défilés, s’avance dans tendait que ce moment, sort avec ses
la plaine, mettant toutà feu et à sang , légions rangées en bon ordre , et tombe
et porte le ravage jusqu’aux portes sur le flanc des ennemis , effrayés et
mêmes de Palerme. Metellus ne fit déjà plus d’à moitié vaincus. Aussi
encore aucun mouvement dans l’espoir n’eut-il pas de peine à achever leur dé
d'engager les Carthaginois à franchir faite. On en tua un grand nombre sur
la riviere d’Orethus , qui coule le long le champ de bataille; on en fit un grand
de la ville, et ne laissa même pa carnage dans la fuite, et, pour sur
raître sur les remparts qu’un petit croît e malheur, un accident , qui au
nombre de soldats. A,sdrubal donna rait dû leur être favorable, contribua
dans le piège. Il fit passer la rivière à encore à leur désastre. La flotte car.
son infanterie et à ses éléphants , et, thaginoise ayant paru dans ce moment,
plein de mépris pour les Romains, il tous se précipitèrent au-devant d'elle ,
dressa ses tentes presque sous les murs dans l’espoir d’y trouver leur salut.
de. la ville, sans daigner même les Mais, avant de pouvoir atteindre les
protéger par un fossé et par un retran galères, ils furent ou écrasés par les
chement. Métellus aussitôt fit sortir léphants, ou tués parles Romains qui
quelques troupes légères pour harceler les poursuivaient, ou submergés dans
les carthaginois et les engager à mettre les lots. Les carthaginois perdirent
toutes leurs forces en bataille. Alors, dans cette journée vingt mille soldats,
vovant que son stratagème avait com et tous leurs éléphants tombèrent au
plétement réussi, il place une partie pouvoir de l’ennemi.
de ses vélites, armés de javelots, en Métellus , outre l’honneur d’une vic
avant du fossé et des murs de la ville, toire si mémorable, eut encore la
avec ordre de lancer tous leurs traits gloire d’avoir rendu leur ancienne
contre les éléphants dès qu’ils seraient confiance aux légions romaines qui,
à portée, et, s’ils se trouvaient trop dès ce moment, restèrent maîtresses
pressés, de se jeter dans le fossé pour de la campagne. Asdrubal, après sa
en sortir ensuite et revenir à la charge. défaite, se réfugia à Lilybe’e. Ce seul
Il fait mettre sous leurs mains, au malheur fit oublier aux carthaginois
pied des murailles, une grande pro tous les services ne cet habile géné
vision dejavelots , dispose sur les rem ral leur avait ren us. Il fut condamné
arts ses archers et ses frondeurs, et pendant son absence , et, lorsqu’il re
ui-méme, avec ses soldats pesamment vint à Carthage , il fut arrêté et mis à
armés , se tient derrière la porte op mort.
posée à l'aile gauche des carthaginois, LES Cumncmoxs lNvomNr Ri
CARTHAGE. 51
cours A ROME roun NÉGOCIER LA sa femme, ses enfants , sa patrie. Mais
PAIX; soN OPINION DANS LE SÉNAT; cette âme ferme et constante sacrifia
soN SUPPLICE ET sA IIonT. — Ce nou toutes ses affections à l'intérêt de son
veau désastre, ioint aux pertes consi pays, et déclara nettement u'on ne
dérables que les carthaginois avaient devait point songer à faire léchange
éprouvées sur terre et sur mer dans des prisonniers; qu'un tel exemple au
les dernières campagnes. les engagea à rait des suites funestes pour la répu
ouvrir des négociations de paix. Ils bliqne; que des cito cas qui avaient en
pensèrent que par l'entremise de Régu la lâcheté de livrer eurs armes à l'en
us, ils pourraient obtenir des condi nemi étaient indignes de compassion
tions plus favorables ou du moins et incapables de servir utilement leur
l'échange de leurs prisonniers, dont patrie; que pour lui-même, en le r
quelques-uns appartenaient aux pre dant, ils ne perdraient que les d ris
mières familles de Carthage. On lui d'un corps usé par la vieillesse et par
avait fait prêter serment de revenir la guerre , tandis ne les généraux
s'il ne réussissait pas dans sa négocia carthaginois , qu'on eur proposait d'é
tion. Il partit donc pour Rome avec les changer, étaient tous dans la vigueur de
ambassadeurs des carthaginois; mais l'âge, et pouvaient rendre longtemps
lorsqu'il fut arrivé, il ne voulut jamais encore de grands servicesà leur pays.
entrer dans la ville, uelques instances Les sénateurs admiraient, mais no
que lui fit le sénat, a léguant pour mo saient accepter cédévouement sublime.
tif de son refus que, suivant les cou Ils ne se rendirent enfin que sur les vives
tumes de leurs ancêtres , un député des instances de Régulus lui-même, qui,
ennemis ne pouvait point y être intro par une générosité sans exemple , s'im
duit, mais qu'on devait luI donner au molait à l'intérêt de sa patrie.
dience hors de l'enceinte de Rome. L'échange fut donc refusé; mais la‘
Les sénateurs s'étant donc assem famille, les amis , les concitoyens; de‘
blés hors des murs, Régulus leur dit: Régulus employèrent presque la force
c Les carthaginois, pères conscrits, pour le retenir. Le rand pontife lui
nous ont envoyés vers vous (car moi méme assurait qu’i pouvait rester à
aussi, par le droit de la guerre, je suis Rome sans être par ure à son 5er:
devenu leur esclave), et nous ont ment. Rien ne put branler la gêné‘
char és de demander la paix à des reuse obstination de cette âme inflexia'
con ltions qui puissent être agréées hle. Il partit de Rome pour se rendre‘
des deux peuples, sinon d’insister au à Carthage, sans se laisser attendrir‘
moins sur l'échange des prisonniers. 1» ni par la vive douleur de ses amis, ni
Après avoir rononcé ces mots , il se par les larmes de sa femme et de ses
retirait en si ence avec les ambassa enfants. Cependant il n'ignorait pas
deurs. Les consuls le pressaient vive quels supplices affreux l'attendaient à
ment d'assister à la délibération; mais son retour; mais il redoutait plus le
il n'y consentit qu'après avoir obtenu parjure que la cruauté de ses enne
la permission des carthaginois, qu’il mm.
regardait comme ses maîtres. En effet, lorsque les carthaginois
Les lpro sitions de paix furent écar apprirent que c'etait sur l'avis même
tées ; a élibération ne roula que sur de Régulus que l'échange des prisoné
l'échange des prisonniers. Invité par niers avait été refusé, ils lui firent
les consuls à donner son avis, il répon souffrir les plus affreux tourments. Ils
dit qu'il n'était lplus sénateur ni même le tenaient longtemps renfermé dans
citoyen romain e uis qu'ilétait tombé un noir cachot, d'où, a rès lui avoir
entre les mains e l'ennemi; mais il coupé les paupières, i s le faisaient
ne refusa pas d'émettre son opinion sortir tout à coup ur l'exposer au
comme simple particulier. Il n'avait soleil le lus vif et e plus ardent. Ils
qu'un mot à prononcer pour recouvrer, l'enferm rent ensuite dans un coffre
avec sa liberté, ses biens, ses dignités, hérissé de pointes de fer, où il expira,
4.
52
miné par la douleur et par les fatigues avaient été renversées; d’autres mena
d'une insomnie perpétuelle. çaient ruine, et les assiégeants s’avan
SIÈGE ne LILYBÉE 1mn LES R0, äaient de plus en plus vers l‘intérieur
nAINs. — Cependant les consuls par e la place. Alors la terreur et la
tirent de Rome avec quatre légions et consternation se répandirent dans la
une flotte de deux cents voiles , dans ville, quoique la garnison fût de dix
le dessein de venger la mort de Régu mille soldats, sans compter les habi
lus , et de profiter de la victoire de tants, et qu’Imilcon, leur comman
Palerme pour chasser entièrement les dant, déployât dans la défense de la
carthaginois de la Sicile. Après avoir place un courage et une habileté re
réuni a leur armée toutes les forces mar uables. En effet, l‘infatigable ac
qui étaient dans cette province , ils ré tivite de ce général pourvoyait à tous
solurent de faire le siége de Lilybée, es les besoins, et déjouait tous les efforts
pérant qu’après la prise de cette ville, des ennemis. S’ils creusaient une mine,
rien ne pourrait plus s’opposer a_leur il en ouvrait une autre our les traver
passage en Afrique. Les carthaginois ser; s’ils arvenaient a faire une brè
sentaient, aussi bien que les Romains, che, elle tait aussitôt réparée; si une
de quelle importance était cette place, portion du mur s’écroulait, un autre
soit pour la défense de l’Afrique, soit mur s'élevait en arrière pour le rem
ur la conquête. de la SiciIe._ Aussi placer. Toujours vigilant et attentif,
es deux peuples em loyèrent-ils tout toujours present au milieu du danger,
ce qu’ils avaient de orces pour l’atta il ne laissait ni ses soldats en repos, ‘
quer et pour la défendre. ' ni ceux des assiégeants en sûreté. op
Lilybée est située surle promontoire posant ses ouvrages, ses mines et ses
du même nom qui est tourné du côté armes, aux ouvrages, aux mines et
de l’Afrique. Cette ville, que les Car aux armes des Romains. Il épiait sans
tliaginois avaient fortifiée avec le plus cesse l'occasion de mettre le feu aux
grand soin, était entourée d’é aisses machines des assié eants, et, pour
murailles, d'un fossé profon et de y parvenir, le Leur, a nuit, à tous les
lagunes salées presque impraticables. instants favora les, ‘il faisait de brus
C’est à travers ces la unes que s’ou ques sorties, et livrait des combats
vrait l'entrée du port, ont l'accès était acharnés, plus meurtriers quelquefois
très-difficile pour ceux qui ne connais que des batailles rangées.
saient pas parfaitement la rade. Les . Pendant qu’Imilcon se défendait si
Romains ayant établi leurs camps sur courageusement, quelques officiers des
deux points 0 posés de la ville qui se soldats étrangers formerent entre eux le
rapprochaient e la mer, les Joignirent complot de livrer la ville aux Romains ,
entre eux par des lignes fortifiées d’un espérant entraîner dans leur défection
fossé , d’un mur et d un retranchement. les troupes qu’ils avaient sous leurs
Ils diri èrent leurs premières attaques ordres. Le général, dont la vi ilance
contre a tour la plus proche qui regar avait pénétré ce projet de révo te, ne
dait l’Afrique, ajoutant toujours de perd pas un instant. Il rassemble sur
nouveaux ouvrages aux premiers, et e forum tous les mercenaires; il ré
s'avançant de plus en plus, Enfin, ils veille dans leurs âmes les sentiments
renversèrent six tours contlgues à celle d’affection et de fidélité qu’ils doivent
dont nous avons parlé , et entreprirent à Carthage et à leur général; il leur
'd’abattre les autres avec le bélier. Dans ‘fait payer l’arriéré de leur solde; et
ce but, ils commencèrent à combler, enfin, par ses promesses, par son élo
pour y établir leurs machines, le fossé quence, il les détermine à punir les
qui, selon Diodore, avait soixante traîtres, et à se dévouer entièrement
coudées de large et quarante de pro avec lui à une cause qu’ils ont défendue
fondeur, et ils pousserent avec une jusque-là avec tant de courage et de
constance inébranlable ce_long et pé gloire.
nible travail. Déjà plusieurs tours Aivmnu. mssx a nuvnns LÀ
CARTHAG E 53
FLOTTE ROMAINE POUR INTnoDUmE aux habitants, les réunit tous sur la
DU SECOURS nANs LILYBÉE. — Bien place publique, et les décida à une
tôt de nouveaux secours que reçurent sortie générale par l’espérance d’une
les assiégés relevèrent encore leur con victoire infaillible et des récompenses
fiance. Les carthaginois qui, sans avoir dont elle serait suivie.
reçu aucun renseignement certain sur Assuré de leurs bonnes dis ositions ,
l’état de Lilybée, prévoyaient ce en -il assemble les principaux 0 ficiers, il
dant les dangers et les ‘besoins e la leur assigne les postes qu’ils doivent
ville assiégée, équipèrent une flotte de occu er, leur donne le mot‘ d'ordre,
cinquante vaisseaux, y embarquèrent fixe ’instant de la sortie, et, au point
dix mille soldats, et c argèrent Anni du jour, il attaque sur plusieurs points
bal, fils d’Amilcar, d’introduire des à la fois les ouvra es des Romains.
troupes à Lilybée, avec de l'argent et Ceux-ci, qui avaien pénétré d’avance
des vivres. Il reçut ordre de partir sans les desseins de l’ennemi, ne furent
délai, et de braver tous ‘les dangers point surpris par cette brusque atta
pour pénétrer dans la place. Annibal que. Ils se portent rapidement sur tous
aborde aux îles Éguses, situées près les points menacés et présentent par
de Lilybée, et y attend un vent favo tout une vigoureuse résistance. Les
rable pour y exécuter cette difficile en deux partis avaientdé loyé toutes leurs
treprise; car les Romains, dès le com forces. Vingt mille ommes étaient
mencement du siége, avaient Obstrué sortis de la ville; les assiégeants leur
l’entrée du port en y coulant à fond en avaientopposé encore un plus grand
quinze vaisseaux chargés de pierres. nombre. La mêlée devint générale et
Sitôt qu’un vent fort et propice à ses le combat sanglant. L’action était d’au
desseins s’éleva du côté de la mer, tant plus vive que, de part et d’autre,
Annibal déploya toutes ses voiles, et les soldats , abandonnant leur ordre de
se dirigea vers Lilybée, tenant sur le bataille, se battaient éle-méle et ne
pont de ses galères ses soldats rangés suivaient que leur impetuosité. On eût
en bon ordre et tout prêts à combattre. dit que dans cette multitude immense
La flotte romaine, surprise et comme homme contre homme, rang contre
frappée de stupeur par l’imprévu de rang, s’étaient défiés l’un l’autre en
cette manœuvre hardie, craignant combat singulier.
d’ailleurs que la violence du vent ne la Mais c’était surtout autour des ma
poussât dans. le port ou sur les bas chines que les efforts étaient plus vio
fonds qui bordaient le rivage, ne fit lents et la lutte plus acharnée. Les
aucun mouvement pour s’opposer au carthaginois dans l’attaque, les Ro
passage des vaisseaux ennemis. Anni mains dans la défense, rivalisaient
al, sans ralentir sa course. évitant d'audace et d’opiniâtreté. Les uns, pour
avec adresse tous les obstacles, entra repousser les défenseurs des machi
fièrement dans le port et débarqua ses nes, les autres, pour ne pas céder le
dix mille soldats, aux cris de joie et terrain, prodiguaient leur vie et tom
aux applaudissements de toute la ville. baient morts sur la place même où ils
SORTIE D’IMILCON; COMBAT sAN avaient commencé à combattre. Ce qui
GLANT AUTOUR DES MACHINES. -— Les mettait le comble au tumulte et à l’ho'r
Romains n’ayant pu empêcher l’intro reur de cette affreuse mêlée, c’était
duction du secours dans la ville assié les soldats qui, armés de torches et
gée, présumèrent qu’Imilcon, a rès d’étoupes enflammées pour aller met
avoir reçu un renfort si considéra le, tre le feu aux machines, se précipi
entreprendrait bientôt "de détruire taient comme des forcenés au milieu
leurs machines. Ils ne se trompèrènt des périls et du carna e. Les Romains,
point dans leurs conjectures. Imilcon, effrayés de tant d’au ace, furent plu
voulant profiter de ’ardeur des nou sieurs fois sur le point de céder et
velles troupes , et du courage que leur d’abandonner leurs ouvrages. Mais
arrivée avait rendu à la garnison et enfin Imilcon, voyant qu’il avait fait
54
de grandes pertes sans obtenir aucun soN vAIssEAU. — Cependant a Car
avantage décisif, fit sonner la_retralte. thage on ne recevait aucune nouvelle
Les Romains, satisfaits d’avoir pu con de ce qui se assait à Lilybée, et per
server leurs machines, ne songèrent sonne ne s’o frait pour aller s’en ins
point à le poursuivre. Dès la nuit sui truire. Annibal, surnommé le Rho
vante, Annibal , choisissant le moment dien, homme brave et entreprenant,
où les Romains fatigués du combat se fit fort de pénétrer dans la Ville
oardaient le port avec moins de vigi assiégée , d’en examiner avec soin
ance, sortit avec ses vaisseaux et re la situation , et de venir rendre un
joignit Adherbal à Drépane, ville ma compte fidèle de tout ce qu’il aurait
ritime située à cent vingt stades (*) de observé. Les Cartha inois applaudirent
Lilybée. Il emmena avec lui la cavalerie à son zèle et à son évouement, et ac
qui, n‘étant d’aucun usagedans la ville ceptèrent ses offres , bien qu’ils fussent
assiégée, pouvait être utilement.em persuadés qu’il aurait beaucoup de
ployée ailleurs. En effet, ces cavaliers, peine à accomplir sa promesse; car ils
par leurs incursions continuelles, ren savaient que les vaisseaux romains
dirent aux assiégeants les chemins dan étaient à l’ancre devant le port et en
gereux et le transport des convois fermaient presque entièrement l’en
difficile, exercèrent toutes sortes de trée. Mais Annibal, ayant équipé un
ravages dans les campagnes voisines, Vaisseau qui lui a partenait en propre,
et donnèrent beaucoup d’embarras et aborde à l’une es îles ui sont vis
d’inquiétude aux consuls. Adherbal ne à-Vis de Lilybée, et le len emain, ro«
leur en causait pas moins, du côté. de fitant d’un vent'favorable, il met a la
la mer, par de fréquentes et subites Voile vers le milieu du jour, passe à
incursions, tantôt sur les côtes de Si travers la flotte romaine , et entre dans
cile, tantôt sur celles de l’Italie. Cette le port à la vue des ennemis étonnés
tactique, suivie avec persévérance, de son audace. Le jour suivant, il se
amena dans le camp des Romains une disposait à retourner à Carthage. Mais
si grande disette, que, réduits pour le consul, pendant la nuit, avait choisi
tout aliment à la chair des animaux, dix de ses vaisseaux les plus légers, et
la plupart furent emportés par la fa les avait placés aux deux côtés de l’en
mine ou par les maladies qui en sont trée du port, étendant leurs rames
la suite ordinaire. comme des ailes, pour fondre au pre
Les consuls, ayant (perdu près de mier signal sur le navire carthaginois.
dix mille hommes, déci èrent que l’un Annibal, fort de son audace et de la
d’eux retournerait à Rome avec la légèreté de sa galère , part en plein jour
moitié'des légions, afin que cellesqui pour braver l’ennemi. Il passe, avec la
resteraient pour continuer le siege rapidité d’un oiseau, à travers les
eussent moins de difficulté pour se masses presque immobiles des vais
procurer des vivres. Décidés à conver seaux romains, et, se 'ouant de leurs
tir le siège en blocus, Ils entreprirent pesantes manœuvres, i revient sur ses
de fermer ar une digue l’entrée du pas, voltige sur leurs flancs, quelque
port de Li ybée; mais la rofondeur fois s’arréte pour les provoquer au
des eaux et la violence u courant combat, et ne s’éloigne enfin qu’après
avant rendu leurs efforts resque en avoir longtemps, avec un seul vais
tièrement inutiles, ils se ornerent _à seau, déjoné les efforts de toute l.
en garder I’entrée avec plus de vigi flotte romaine. L’heureuse issue de
lance qu'auparavant. cette entreprise, qu’Annibal réitéra
AUDACE D’ANNIEAL LE RHoDIEN; plusieurs fois avec le même succès , lit
IL PÉ‘NÈTRE PLUSIEURS FOIS DANS LE connaître aux Carthaginois les besoins
PORT DE LILYBÉE; IL EST PRIS AVEC de Lilybée, et leur donna les moyens
d’y pourvoir. Elle accrut en même
(') 11,340 toises, environ4 lieues de 20 temps la confiance des assiégés et abat
au degré. tit le courage des Romains, honteux
CARTHAGE
. ("thuya
CARTHAGE. 55
de voir leurs projets traversés par la sur eux à l'improviste, en tua dix
témérité insultante d’un seul homme. mille et força les autres à prendre la
L’audace présomptueuse du Cartha fuite.
ginois et la réussite constante de ses Quelques temps après, une circons
tentatives tenaient principalement à la tance imprévue fournit aux assiégés
connaissance approfondie qu’il possé l’occasion de détruire les ouvrages es
dait des écueils, des bascfonds et des Romains. Il s’éleva tout à conf) un ou
étroits passages de cette rade dange ragan impétueux qui ébranla eurs ga
reuse. Déjà son exemple était imité leries et renversa même les tours des
par d’autres navigateurs, quiallaient tinées à les protéger. Quelques soldats
a Lilybée et en revenaient impuné mercenaires jugèrent le moment d’au
ment, lorsque le hasard fit tomber au tant plus favorable pour les incendier,
pouvoir des Romains une quadrirème ne le vent les favorisait en soufflant
carthaginoise, remarquable par l’élé u côté de la ville. Ils communiquèrent
gance de sa coupe et la légèreté de ses leur idée à Imilcon et s’offrirent pour
mouvements. Les Romains , ayant exécuter l’entreprise. Imilcon approuva
choisi pour son équipage de braves sol ce projet et fit tous les préparatifs né
dats et d’excellents rameurs, s’en ser cessaires. Ils sortent partagés en trois
virent our observer ceux qui tente corps, et mettent à la fois le feu aux
raient e pénétrer dans le port. et machines sur trois points différents.
surtout Annibal. Celui-ci, qui était Ces machines , construites depuis long
entré de nuit dans la ville , en re artait temps et formées d’un bois desséché
en_plein jour. Serré de près par a qua par le soleil et les ardeurs de l’été,
drireme qui suivait tous ses mouve- . rirent feu aisément, et la violence de
ments, il la reconnut et ne ut se dé ’ouragan, portant de tous côtés les
fendre d’un sentiment de rayeur. Il débris des mantelets et des tours en
chercha d’abord à lui échapper par la flammées, pro agea l’incendie avec
rapidité de sa course; mais gagné de une rapidité ef rayante. Les Romains
vitesse, et au moment d’être atteint, accoururent our défendre leurs ou
il fut contraint de faire volte-face et vrages; mais eurs secours étaient di
d’accepter le combat. Alors , trop faible riges au hasard et leurs efforts impuis
pour résister au nombre et à la valeur sants; car le vent qu’ils avaient en face
des soldats romains, il fut pris avec poussait dans leurs yeux et dans leurs
son vaisseau. Les Romains équipèrent visages des tourbillons de cendre, de
ce navire avec le plus grand ’soin, et flamme et de fumée, et il en périt un
ils employèrent avec tant de succès ces grand nombre avant qu’ils eussent u
deux belles galères à la garde du port, même approcher des endroits qu’il al
que personne désormais n’osa plus en lait secourir. Les carthaginois, au
trer dans Lilybée. contraire , favorisés par la direction du
NOUVELLE sonjrm D’ImLcoN; IN vent, et ‘éclairés par le feu qui consu
CENDIE DES MACHINES. - A partir de mait les machines, lançaient leurs traits
ce moment, les assiégeants redoublè avec certitude, et manquaient rare
rent leurs assauts avec une nouvelle ment le but qu’ils voulaient atteindre.
vigueur, et attaquèrent les fortifica Enfin, les mantelets, les tortues, les
_tions voisines de la mer, pour attirer béliers, les balistes, toutes les machi
de ce côté toute l'attention et toutes nes destinées soit à creuser des mines ,
les forces de la garnison. Ils espéraient soit à battre les murs, furent entière
que, à la faveur de cette fausse atta ment consumées.
que , leurs troupes campées du côté de Dès ce moment, les Romains per
la terre pourraient s’emparer du mur dirent toute espérance de se rendre
extérieur de la ville. Ce projet réussit maîtres de Lilybée par la force. Ils se
d’abord; mais les Romains n’avaient bornèrent à entourer la ville d’un fossé
8 encore eu le temps de s’établir dans et d’un retranchement. Ils fermèrent
eurs positions, lorsqu’lmileon tomba leur camp par une forte muraille, et
56
changeant le siége en blocus , ils atten une atta e imprévue. Il choisit dans
dirent que la famine forçât la place à toute la otte deux cents vaisseaux, et
se rendre. Les assiégés, de leur côté , embar ua ses meilleurs rameurs et
relevèrent les fortifications qui avaient lès plus raves soldats des légions. Il
été renversées , et se ménagèrent tous sortit du port au milieu de la nuit,
les moyensd’une vigoureuse résistance. sans être aperçu des assiégés, et la
SEIZIÈME ANNÉE DE LA GnEnnE; tête de sa flotte n'était pas loin de
BATAILLE NAVALE DE DBEPANE; Drépane, quand le (jour parut et la
vIcToInE COMPLÈTE DES CAnTflA découvrit aux yeux 'Adherbal. Cette
GINOIS; 249 AVANT L’EnE vnLGAmE. apparition inattendue le surprit sans
—-Quand on eut appris à Rome qu’une le déconcerter. Entre les deux seuls
partie des troupes avait péri à Lilybée, partis qu'il avait à prendre, il fallait
soit dans l'incendie des machines , soit se déterminer romptement. Le pre
dans les autres opérations du, siége, mier était d’al er au-devant des Ro
cette fâcheuse nouvelle , loin d'abattre mains et de les combattre sur le champ,
les esprits, sembla renouveler l'ardeur l'autre de les attendre et de se laisser
et le courage des citoyens. Chacun se assiéger. Il rejeta ce dernier parti qui
hâtait de porter son nom ourse faire lui parut à la fois lâche etdangereux.ll
enrôler, et bientôt dix mi le hommes , rassemble sur le rivage les matelots et
et un renfort considérable de matelots les soldats; il leur fait entendre en
passèrent le détroit, et allèrent par peu de mots , mais pleins de force et
terre se joindre aux assiégeants. d’éner ‘e, ce qu'ils ont à espérer en
Le département de la Sicile était sortan du port pour livrer la bataille
échu au consul Publius Claudius Pul aux Romains , ce qu'ils ont à craindre
cher. C'était un homme d'un carac en se laissant investir.
tère dur et violent, entêté de sa no Tous ayant demandé le combat avec
blesse et de son propre mérite , plein de grands cris de joie, il leur ordonne
de confiance dans ses lumières, de mé de s'embarquer sur-le-champ et de
ris pour celles des. autres; punissant suivre la galère amirale, qu'il allait
es moindres fautes avec une extrême monter lui-même, sans la perdre de
rigueur, tandis que lui-même, dans les vue. Il agne le premier la haute mer
affaires les plus im rtantes, ne mon et fait fi er sa flotte derrière les rochers
trait pas moins 'extravagance que qui bordaient le côté du port opposé
d'incapacité. Ainsi, quoiqu'il eût blamé à celui par lequel entrait l’ennemi.
avec une aigreur excessive les derniers Claudius voyant, contre son attente ,
généraux d avoir tenté de fermer l'en que les carthaginois étaient sortis,
trée du port au moyen d'une digue, isposés à lui livrer bataille en pleine
il s'obstina à poursuivre» l'exécution mer, envoya ordre à ceux de ses vais
de ce projet impraticable et éclioua seaux qui étaient déjà dans le port ou
devant les mêmes obstacles. au moment d'y entrer, de revenir sur
Mais, de toutes les fautes qu'il comy leurs‘ pas pour se joindre au gros de
mit, la plus funeste fut l'attaque de la flotte. L'exécution de cette manœu
Drépane, où il perdit par son impru vre fut la cause d'un désordre extrême.
dence et par la valeur d’Adlierbal la Parmi les vaisseaux romains, les plus
flotte .a plus brillante que les Romains légers avaient déjà pénétré dans le
eussent mise en mer. Il s'était per port, d'autres les suivaient de près,
suadé qu'il serait facile de surprendre quelques-uns étaient arrêtés à l'entrée
Adherbal à Drépane; que ce général, même. Il en résulta que, dans cet es
instruit des pertes que la flotte ro pace étroit, tous faisant à la fois de
maine avait éprouvées au siége de grands efforts pour revirer de bord,
Li'lybée, et ignorant le nouveau ren ils s’embai'rassaient mutuellement, se
fort qu'elle avait reçu , ne s'attendrait lieurtaient les uns les autres et se bri
pas ‘a ce qu'elle reprit subitement l'of saieiit récipro uement leurs rame‘.
fensive et ne serait pas en garde contre Enfin s'étant égagés avec beaucoup
CARTHAGE. 57
de peine, ils se rangèrent en bataille La pesanteur de ses vaisseaux et l’in
le long de la côte, la proue tournée vers expérience de ses rameurs rendaient
l’ennemi. toutes ses manœuvres infructueu
Le trouble et la confusion causés ses. Rangés trop près du rivage, ses
ar cette manœuvre avaient commencé navires n’avaient ni l’espace néces
jeter de l’inquiétude et de la frayeur saire pour leurs évolutions, ni les
dans l’armée. Une action irréligieuse moyens de faire retraite lorsqu’ils
du consul acheva de la déconcerter et étalent pressés par l’ennemi : aussi la
de lui faire perdre tout courage et plu art échouèrent sur les bancs de
' toute espérance. Les Romains , à cette sab e ou allèrent se briser contre les
époque, avaient une confiance supersti rochers de la côte. Il ne s’en échappa
tleuse dans les présages et dans les que trente qui, étant au rès du consul,
augures. Au moment où la bataille prirent la fuite avec ni en glissant
était près de s’engager, on vint dire entre le rivage et la flotte victorieuse.
à Claudius que les poulets sacrés ne Tout le reste des vaisseaux , au nombre
voulaient ni sortir de leur ca e, ni de quatre-vingt-treize, tomba avec l’é
prendre de nourriture : a ou" 3 boi quipage en la puissance des carthagi
vent donc, puisqu’ils ne veulent point nois, dont la perte dans cette bataille
manger» , dit Claudius avec un ton fut peu considérable. Du côté des Ro
d’impiété railleuse, et il les fit jeter mains, huit mille hommes furent tués
dans la mer. ou noyés , vingt mille, tant soldats que
Cependant le consul, qui, aupara matelots, furent pris et conduits à
vant, était placé à l’arrière-garde, Carthage. Claudius , pour regagner plus
se trouva , par le mouvement ui venait sûrement Lilybée, en longeant les
de s'opérer, à la tête de l’ai e gauche côtes qui étaient au pouvoir des Car
et à l’extrémité de la ligne. En même tha inois , orna ses galères de palmes,
temps , Adherbahayant gagné la haute de auriers, de tous les signes de la
mer et tourné la flotte romaine, rangea victoire, et, par ce stratagème, il
ses galères sur une même ligne vis-à réussit, même en fuyant, à inspirer la
vis de celles des Romains qui s’éten terreur.
daient le long du rivage. Au signal Ce brillant succès , qui était dû tout
donné par les amiraux, le combat s’en entier à la prévoyance et à l'habileté
gagea, et fut d’abord soutenu de part d’Adherbal, lui valut de grands hon
et d’autre avec la même ardeur et un neurs à Carthage. A Rome, au con
succès à peu
la balance prèsenégal.
pencha Mais
lfaveur bientôt
des Cartha traire, on épunit par une forte amende
l’incapacit et l’impiété arrogante de
ginois qui, dans cette bataille, avaient Claudius, qui avaient été si funestes à
sur les Romains lusieurs avantages. la république.
Leurs vaisseaux taient beaucou plus Cependant Adherbal profita de sa
légers, leurs rameurs plus habi es et victoire pour enlever aux Romains,
plus ex érimentés. Ils avaient habile près de Palerme, un grand nombre de
ment c oisi leur position en mettant arques chargées de vivres; il parvint
la pleine mer derrière eux. En effet, à les introduire dans Lilybée, etra
s’ils étaient trop pressés, ils pouvaient mena ainsi l’abondance dans la ville
reculer sans aucun risque et éluder assiégée.
l’attaque de l’ennemi par l’agilité de CAETHALON AMÈNE DE CARTI-[AGE
leurs vaisseaux. Les Romains se lais UN BENEOET DE SOIXANTE-DIX vAIs
saient-ils emporter trop loin par l’ar sEAUx; IL SURPREND LA FLOTTE no
deur de la poursuite, ils se retour MAINE DEVANT LILYBÉE. —La lin de
naient tout à coup, les enveloppaient de cette année amena encore aux Romains
toutes parts , brisaient avec l’éperon de nouveaux désastres. Ils avaient
les flancs de leurs navires et les cou chargé Lucius Junius, l’un des con
]aient à fond. Claudius , au contraire, suls, de conduire à Lilvbée des vivres
avait toutes les difficultés à vaincre. et des munitions pour l’armée qui as
58
siégeait cette ville. Junius vint aborder ses éclaireurs qu’une armée navale
à Messine, où il trouva une infinité de composée de bâtiments de toute es èce
bâtiments detoute espèce qui s’y étaient se dirigeait vers Lilybée, il saisit ’oc
rassemblés de toutes les artles de la casion avec joie, et, lein de mépris
Sicile. Il en composa une otte de cent pour les Romains u’i avait déjà vain
vingt vaisseaux de guerre et de huit cus, il s’avance à eur rencontre pour
cents navires de trans ort, avec la leur livrer bataille. L’escadre com
quelle il se rendit à yracuse. Dès mandée par les questeurs, se jugeant
qu'il y fut arrivé, il fit partir les ques trop faible pour soutenir le combat,
teurs, avec la moitié des vaisseaux de alla aborder à une petite ville alliée,
charge et uelques galères, pour sub nommée Phintias, qui à la vérité n’a
venir aux esolns pressants des trou pas de port, mais où des promontoires
es qui blo naient Lilybée. Il attendit avancés dans la mer forment, pour les
ui-méme Syracuse les bâtiments vaisseaux, un abri commode et une
qui, partis de Messine avec lui , étaient rade facile à défendre. Ils y débarquè
restés en arrière, et l’arrivée des con rent, et, après y avoir disposé tout ce
vois de vivres que ses alliés lui en que la ville ut leur fournir de cata
voyaient des provinces éloignées de la ultes et de alistes, ils y attendirent
mer. ‘attaque des Carthaginois. Ceux-ci
Cependant Adherbal , enhardi ar ses pensèrent d’abord que les Romains
premiers succès et par un ren ort de effrayés se retireraient dans la ville et
soixante-dix vaisseaux que Carthalon leur abandonneraient leurs vaisseaux.
venait. de lui amener de Carthage, ré Mais trouvant, contre leur attente,
solut de frap er un cou décisif. Il une vigoureuse résistance , et se voyant
confie cent ga ères à Cart alon, il lui exposés dans cette position difficile à
ordonne de cingler vers Lilybée, et, des périls multipliés, ils se contentè
ar une brusque attaque, d’enlever, de rent d’emmener quelques vaisseaux de
brûler ou de couler à 0nd les vaisseaux charge qu’ils avaient pris, et se reti
romains qui étaient à l'ancre devant le rèrent dans le fleuve Halycus pour ob
port. Carthalon part aussitôt pour server le départ de la flotte romaine.
exécuter cet ordre. Il arrive avant le Vers le même temps le consul Ju
jour à Lilybée, fond avec impétuosité nius, après avoir terminé les affaires
sur la flotte romaine, enlève quelques qui le retenaient à Syracuse, doubla le
vaisseaux, en brûle quelques autres, promontoire Pachynum et cingla vers
et répand le trouble et la terreur dans Lilybée, i norant encore ce qui s’était
le camp des assiégeants. Ceux-ci ac passé à P intias. Carthalon, à cette
courent à la hâte pour défendre leurs nouvelle, mit sur-le-champ à la voile,
alères; mais Imilcon, gouverneur de dans le dessein de livrer bataille au
a ville assié ée, averti par le tumulte consul avant qu’il eût rejoint la divi
et les cris es combattants, fait une sion de sa flotte commandée par les
sortie à la tête de ses mercenaires et äuesteurs. Junius reconnut de loin la
tombe sur les derrières des Romains, otte nombreuse des Carthaginois;
dont le désordre s’accroît par cette mais trop faible pour soutenir un com
double attaque. bat, et trop proche de l’ennemi pour
MANŒUVEES DE CAnTHALoN DE échapper à sa‘ poursuite , il prit le parti
vANT LEs ELoTTEs noMAINEs; NAU d’aller jeter l’ancre près de Camarine,
EEAGE ET DESTRUCTION ENTIÈRE DE dans une rade entourée de rochers es
cEs DEUX FLOTTES. —— L'approche de carpés et presque entièrement inabor
la nouvelle flotte romaine empêche dable, aimant mieux s’exposer à périr
Carthalon de casser plus loin ses au milieu des écueils que de tomber
ayanta es. Il al a se poster à Héraclée avec toute sa flotte au pouvoir des en
pour 0 server l'arrivée des questeurs nemis. Carthalon se garda bien de
et leur couper la communication avec donner bataille aux Romains dans des
' l’armée de siégé. Bientôt, instruit par _ lieux si difficiles; il alla mouiller auprès
CARTHAGE. 59
d'un promontoire , d’où il était à portée raison de tous les temples de la Sicile.
d'observer en même temps les deux Un eu_au-dessous du sommet s’éle
flottes ennemies et de prendre sur elles vait a ville d’Éryiç, où l’on ne montait
tous ses avantages. que par un chemin très-long et très
Bientôt a rès, les vents commencè ifficile. Junius avait placé une partie
rent à sou fler avec violence, et les de ses troupes sur le plateau, gardant
pilotes carthaginois , accoutumés il na avec le plus grand soin les oints de la
viguer sur ces mers, conseillèrent à montagne accessibles du coté de Dré
Carthalon de uitter sa station et de pane; il fortilia même Égithalle, place
doubler sans élai le promontoire de située sur la mer au pied du mont
Pachynum. Carthalon suivit ce conseil, Éryx, et y laissa huit cents hommes
et parvint, après de grands efforts, à de garnison.
sitions, avoir Ilbien
croyait,
assurepar‘ces
sa con dis o
uélte;
mettre sa flotte en sûreté. Mais celles
des Romains , surprises l’une et l’autre mais Carthalon, ayant débarqu pen
par la tempête, au milieu des rochers dant la nuit ses troupes près id’Égi
et des bas-fonds , éprouvèrent un nau thalle, emporta cette place d’assaut,
frage si affreux, que de tant de vais tua ou prit ceux ni la défendaient, à
seaux il ne se sauva que deux galères, l’exception de ne ques-uns qui se ré
avec lesquelles le consul .lunius se ren fugièrent dans a ville d’Eryx.
dit à Lilybée. DIX-SEPTIÈME,DIX-HUITIÈME,DIX
JUNIUS s’EMPAnE PAR TRAHISON NEUVIÈME ET VINGTIÈME ANNÉE DE
DE LA MONTAGNE ET DE LA VILLE LA GUERRE, DE 248 A 244 AVANT
D’ÉEYX. — Ce dernier désastre acheva L’ÈRE CHRÉTIENNE; AMILCAE occupa
d’abattre les Romains déjà découragés LA FORTE POSITION n’Eac'rE'.—C’est
et affaiblis par les pertes précédentes. cette année que commence à paraître
Ils renoncèrent de nouveau à disputer sur la scène l’un des plus grands hom
l’empire de la mer aux carthaginois, mes oc guerre que Carthage ait pro
et tournèrent leurs efforts du côté de duits. Amilcar, surnommé Barca, père
la terre, résolus d’employer toutes du fameux Annibal, reçoit le com
leurs ressources pour maintenir la su mandement général des armées de terre
périorité qu’ils y avaient acquise. et de mer en Sicile. Il part avec toute
Ainsi, loin de renoncer au siége, ils en sa flotte, va porter le ravage sur les
poussèrent les opérations avec une côtes d’Italie, et revient, chargé de
nouvelle vigueur. L’armée ne manquait butin, aborder près de Palerme. Là,
ni de munitions ni de vivres, qui lui son coup d’œil habile lui fit reconnaître
étaient apportés par les peuples de Si dans Ercté une position admirable
cile, dont la plupart s’étaient soumis pour‘y retrancher son armée et braver.
volontairement aux Romains ou leur pendant longtemps les efforts de l’en
étaient unis par des traités d’alliunce. nemi. Ercté est une montagne d’une
Cependant le consul Junius, qui assez grande hauteur, située sur le
était resté à Lilybée, poursuivi par le bord de la mer, entre Éryx et Palerme ,
souvenir de ses fautes et de son nau escarpée de tous les côtés et couronnée
frage, cherchait à les faire oublier par par un plateau de cent stades de cir
ne que action d’éclat. Il se ménagea conférence ("). Ce lateau est très-fer
es intelligences secrètes dans Éryx, tile et produit d’a ondantes moissons
et se fit livrer la ville et le temple de de toutes sortes de grains. Du côté de
Vénus. L’Éryx , la plus haute montagne la terre et du côté de la mer, les flancs
de la Sicile après l’Etna, est située de la montagne sont presque entière
rès de la mer, entre Drépane et Pas ment revêtus de rochers à pic, inter
erme, mais bien plus ra prochée de rompus seulement par quelques ravins
Drépane. Au sommet de a montagne faciles à fortifier. Au milieu du pla
est un vaste lateau sur lequel on avait teau, s’élève une éminence que la na
bâti‘ le temp e de Vénus Erycine, le
plus beau et le plus riche sans compa (") Environ 9,500 toises.
60
ture semble avoir formée à la fois pour poste important à la sûreté de la ville
servir de citadelle et pour observer assiégée. Le consul s’en aperçut trop
tout ce qui se passe dans les campagnes tard, et, ne onvant aller au secours
voisines. Le pied de cette montagne, des siens, il onna l’assaut à Drépane
où l’on trouve une rande abondance avec toutes ses forces, espérant, par
d’eau douce, s’éten jusqu’à un port cette diversion, ou prendre la ville en
très-commode pour ceux qui, de Dré l’absence de son commandant, on fer
pane ou de Lilybée, font voile vers est ce dernier à revenir sur ses pas.
’Italie. On n’arrive au sommet du Il obtint l’un de ces avantages. Amil
mont que par trois chemins, deux du car étant retourné dans la ville pour
côté de la terre et un du côté de la repousser les assaillants, Fabius resta
mer, mais tous également pénibles et maître de l’île, qu’il joignit au conti
difficiles. C’est dans ce poste qu’Amil nent par une digue, et dont il se servit
car eut l’audace de s’établir. Il se pla utilement dans la suite pour y établir
çait au .milieu d’un pays ennemi, en ses machines et presser plus vivement
vironné de tous côtés par les armes les assiégés.
romaines, loin de ses alliés, loin de AmLcAn sE MAINTIENT PENDANT
toute espèce de secours, et cependant, 'rnors ANs A Eac'rE coN'rnE TOUS LES
par l’avantage de cette position, par Erronrs DES RoMA1Ns.—Cependant
son courage et son expérience dans le Amilcar conservait toujours sa forte
métier de la guerre, il sut créer aux position d’Ercté. Sans cesse, avec sa
Romains obstacles sur obstacles, et flotte, il infestait les côtes de la Sicile
les jeter dans des périls et des alarmes et de l’Italie, et même lorsque ‘les Ro
continuelles. mains commandés par Métellus se fu.
Succès D’HANNON EN AEEIQUE. — rent établis en avant de Palerme, à
Pendant qu’Amilcar rétablissait en Si cinq stades de ses retranchements, il
cile l’honneur‘ des armés puniques, sut encore déjouer leurs manœuvres et
Hannon, son rival de gloire, étendait se maintenir pendant trois ans dans
en Afrique la domination de Carthage. cette position formidable.
Ce géneral, pour exercer ses soldats Pendant ce long espace de temps il
et les nourrir aux dépens de l’ennemi , né se passa presque point de jour qu’il
avait porté la guerre dans cette partie’ n’en vînt aux mains avec ’ennemi.
de la Libye qui est aux environs d’Hé C’étaient des deux côtés des embûches ,
catompyle. Il s’était emparé de cette des surprises habilement préparées,
grande ville; mais jaloux de relever plus habilement déjouées , des attaques
par la clémence l’éclat de sa victoire, imprévues, des retraites simulées, en
Il se laissa attendrir par les prières des un mot, des combats de détail si fré
habitants , se conduisit à leur égard en quents, si semblables entre eux, que
vainqueur généreux, leur laissa leurs leur description a rebuté même la mi
biens et leur liberté, et se contenta nutieuse exactitude de Polybe. « Une
d’exiger trois mille otages pour garants « idée générale de cette lutte, où les
de leur fidélité. « succès furent également balancée,
SXÉGE DE DRÉPANE PAR LE CONSUL « suffira, dit-il, our faire juger de
FABrUs. — Vers le même temps le con « l’habileté des eux énéraux. En
sul Fabius faisait le siège de Dré ane. « effet, tous les stratagèmes que l’ex
Au midi de cette ville et tout pres du s périence peut apprendre, toutes les
riva e est une île ou plutôt un rocher, « inventions que peuvent suggérer l’oc
que es Grecs ap elaient l’île des C0 « casion et la nécessité pressante,
lombes. Le consu y envoya pendant la «toutes les manœuvres qui exigent le
nuit quelques soldats qui s’en emparè « secours de l’audace et de la témérité,
rent après avoir égorgé la garnison « furent employés de art et d’autre
cartha inoise. Amilcar, ui était ac a sans amener de résu tat important.
couru a la défense de Dr pane, sortit «Les forces des deux armées étaient
au point du jour pour reprendre ce « égales; les deux camps bien fortifiés
CARTHAGE. 61
u et inaccessibles; l’intervalle. qui les parés de la ville et du mont Éryx '.
« séparait fort petit. Toutes ces causes IIS avaient établi deux camps retran
« réunies donnaient lieu cha ue jour à chés , l’un vers le bas de la mon
a des combats partiels, ma 5 empé tagne , l'autre sur le plateau qui
c chaient que l’action devint jamais dé dominait la ville, en sorte qu’ils sem
« cisive; car, toutes les fois qu’on en blaient n’avoir rien à craindre pour
« venait aux mains, ceux qui avaient cette place défendue ar sa situation
« le dessous trouvaient dans la proxi naturelle et par cette ouble garnison.
« mité de leurs retranchements un asile Mais ils avaient à faire à un ennemi
« assuré contre la poursuite des enne dont la vigilance et l’activité auraient
« mis et le moyen de les combattre avec dû les tenir toujours en haleine. L'au
« avantage. » . dace d’Amilrar, à qui rien ne parais
Les nouveaux consuls (*)' ne furent sait impossible, se fit un jeu de ces
pas plus heureux en Sicile que leurs obstacles presque insurmontables. Il
prédécesseurs , ayant tou ours à lutter fait avancer ses troupes pendant la
contre les difficultés des ieux, contre nuit, se met à leur tête, gravit la mon
les entreprises hardies et les ruses tagne dans le-plus rofond silence, et
habilement concertées d’Amilcar. Ce après deux heures ’une marche aussi
grand général, par son activité, par pénible que dangereuse, il arrive de
son courage , par sa présence d’esprit, vant Eryx, l’emporte d’assaut, égorge
par son habileté à saisir l’occasion, une partie de la garnison ,‘ et fait con
savait, avec des forces inférieures, con duire le reste à Drépane.
server toutes les places qu’il avait pri A partir de ce moment, cette petite
ses , inquiéter ce les des ennemis, et montagne fut l’étroite arène où se dé
balancer en Sicile la fortune et la puis battirent les destins des deux plus
sance de Rome. Il résolut de secourir grandes républiques du monde. Amil
Lilybée, qui, bloquée par terre et par car, placé entre deux corps ennemis ,
mer , était en proie au découragement était assiégé par celui qu’il dominait,
et à la famine, et il y réussit par cet tandis qu il assiégeait lui-même le
adroit stratagème. Il ordonna à une camp placé au-dessus de sa tête. Les
partie de sa flotte de se tenir en pleine Romains , retranchés sur le plateau de
mer et de manœuvrer comme si elle la montagne , bravaient tous les périls
avait le dessein de pénétrer dans Lily et supportaient toutes les privations
bée. Dès que les Romains l’eurent avec une persistance opiniâtre. Les
aperçue, ils sortirent pour aller au carthaginois, par une constance qui
devant d’elle. Aussitôt Amilcar, avec tient du prodige, quoiqu’ils fussent de
trente de ses vaisseaux , qu'il avait toutes parts entourés par les ennemis,
tenus soigneusement cachés ,‘ se saisit quoiqu ils ne pussent se procurer de
du port, y fait entrer des vivres et des vivres que par un seul point de la côte
secours, et pourvoit à tous les besoins dont ils étaient maîtres , restaient iné.
de la garnison, dont sa présence relève branlables dans cette position sans
et fortifie encore le courage. exemple. Les deux peuples, par la
_ VINGT-UNIÈME ANNEE DELAGUEBRE; proximité de leurs camps, exposés à
PRISE DE LA VILLE D‘EnYx PAR AMiL des travaux et à des périls sans cesse
cAn; IL s’v MAINTIENTPENDANT DEUX renaissants, réduits tous les jours et
ANs ENTRE DEUX ABMÉBS BOMAINES; presque tous les instants à craindre ou
244 AvAN'r L’EnE VULGAIBE. -— L’an a soutenir le combat, à éviter les pié
née suivante , Amilcar, toujours infa ges ou à repousser l’ennemi , s‘étaient
tigable , conçut une entreprise encore volontaii ment condamnés à des souf
plus hardie. Les Romains , comme frances au-dessus des forces humaines.
nous l’avons rapporté, s‘étaient em Le manque de repos, la privation d’a
liments epuisaient leur vigueur sans
(') A. Manlius Torqualus et C. Sempro abattre leur coura e. Toujours égaux
nius Blæsus. et toujours invinci les, ils soutinrent'
62
pendant deux ans cette lutte acharnée, DEnNIEiIE ANNÉE DE LA GUERRE;
sans qu'aucun d'eux se rebutât de ses BATAILLE NAVALE DEs ILEs EGATEs;
défaites ou pût forcer l'autre à lui cé VICTOIRE DEs RoMAlNs; 242 AVANT
der la victoire. L’ÈEE CHRÉTIENNE. — Au commence
VINGT-DEUXIÈME ANNÉE DE LA ment du printemps, le consul Lutatius,
GUERRE; DÉFECTION DEs MERCENAIe ayant rassemblé tous les vaisseaux de
nEs cAETn AGiNoIs; BÉTABLISSEMENT la république et ceux des particuliers,
DE LA MAnINE ROMAINE; 243 AVANT passa en icile avec trois cents galè
L’ÈEE CHRÉTIENNE. — L'arrivée des res et sept cents bâtiments de trans
nouveaux consuls (*) ne changea point port. Il s'empara, sans trouver de
la face des affaires. La guerre se résistance, des ports de Drépane et de
continuait sur le même terrain avec Lilybée, parce que les carthaginois,
la même opiniâtreté et la même alter qui étaient loin de s'attendre à l'ar
native de revers et de succès , lorsque rivée d'une flotte romaine, s'étaient
les Gaulois et quelques autres corps retirés en Afrique avec tous leurs vais
de troupes mercenaires i étaient au seaux. Encouragé par cet heureux dé
service de Carthage,‘ m contents des but, le consul fit les approches autour
retards apportés au payement de leur de Drépane, et disposa tout pour le
solde, formerent le complot de livrer siége. Mais, en même temps, ce géné
aux Romains la ville d'Éryx, où ils ral , dont l'activité égalait la prudence,
étaient en garnison. Leur projet ayant prévoyant que la flotte punique ne
échoué, ils assèrent dans le camp des tarderait pas à paraître, et persuadé
consuls et urent les premiers étran que l'issue de cette longue guerre dé
gers admis à porter les armes au ser pendait d'une bataille navale, employait
vice de la république romaine. Cette tous les moyens pour préparer la vie
défection, qui diminuait les forces d'A toire. Il exerçait sans relâche les mate
milsar, sembla redoubler encore son lots, les rameurs et les soldats de ses
courage et son énergie. Ce général, galères, les formait à toutes les évo
qu'on ne pouvait ni surprendre par la lutions, les accoutumait à toutes les
rusefni dompter par la force, sutencore manœuvres, et enfin, par ces leçons
opposer une si vigoureuse résistance sans cesse répétées , il parvint, en peu
aux Romains, que ceux-ci, déses erant de temps, à leur donner une instruc
d'achever la conquête de la Sici e avec tion et une expérience presque égales à
leurs seules forces de terre , revinrent celles de leurs ennemis.
au projet de rétablir leur marine. V Cependant, les carthaginois, surpris
Mais la longueur de la guerre avait de'l'audace des Romains, qui venaient
épuisé le trésor public, et le_ peu d'ar de reprendre la supériorité sur mer,
ent qui restait suffisait a peine à songèrent sur-le-champ à ravitailler le
Fentretien des légions. L'amour de la camp d'Éryx. Dans ce but, ils firent
patrie et la générosité des principaux passer en Sicile , sous le commandement
citoyens suppléerent aux ressources d’Hannon, une flotte de quatre cents
qui man uaieiit à l'État. Grâce aux vaisseaux , chargés d'argent, de vivres
contributions volontaires de tous les et de munitions de toute espèce. Le
ordres de la république, Rome, en dessein d’Hannon était d'aborder près
peu de temps , arma une llotte de deux d'Eryx à l'insu des ennemis, d'y dé
cents alères à cinq rangs de rames. charger ses vaisseaux , de renforcer son
Elles urent construites sur le modèle armee navale par les vétérans aguerris
de celle qu'on avait prise à Annibal le qu'Amilcar lui fournirait, et d'aller
Rhodien, et l'on apporta les soins les ensuite, avec ce général, combattre la
lus attentifs à leur fabrication et à flotte romaine. Ces mesures .étaient
eur équipement. bien prises , si la vigilance de Lutatius
ne les eût déconcertées. Le consul,
(') C. Fundanius Fundulus et C. Sulpi ayant deviné les projets de l’ennemi, .
tius Gallus. fit embarquer sur sa flotte l'élite de ses
CAR'I'HAGE. . 63
légions , et lit voile vers É use, île si mis en mer une flotte équipée à la hâte,
tuée entre Drépane et Lily ée, d’où il et où tout accusait l'incurie et la pré
aperçut de loin la flotte ennemie. Il cipitation : soldats et matelots, tous
avertit les pilotes et les soldats de se mercenaires nouvellement levés , sans
préparer our combattre le lende expérience , sans courage, sans zèle
main, et es exhorta à bien faire leur pour la patrie, comme sans intérêt
devoir. pour la cause commune. Aussi la vie
Mais, au point du jour, voyant que toire ne fut pas longtemps incertaine.
le vent lui était aussi contraire qu'il Les Carthaginois plierent detous côtés
était favorable aux carthaginois, et dès la première attaque. Ils perdirent
ne la mer était extrêmement agitée, cent vingt galères, dont cinquante fu
i hésita d'abord sur le parti qu'il de rent coulées à fond, et soixante-dix
vait prendre. Cependant, il calculaque furent prises avec ceux qui les mon
si, malgré ces désavantages , il enga taient, au nombre de dix mille hommes.
geait de suite la bataille, il n'aurait à Le reste s'échappa , secondé par le
lutter que contre Hannon lui seul, vent, qui, ayant changé tout à coup,
contre des vaisseaux incomplètement favorisa leur fuite. Lutatius conduisit
armés, et. embarrassés d'un charge à Lilybée les vaisseaux et les prison
ment considérable de munitions et de niers dont il s'était emparé.
vivres, tandis que s'il attendait le cal TRAITÉ DE PAIX ENTRE ROME ET
me et laissait Hannon se joindre avec CABTHAGE. — Telle fut la célèbre ba
le camp d'Éryx, il lui faudrait com taille des îles Égates.Quand la nouvelle
battre contre des vaisseaux allégés du en fut portée à Carthage, elle y causa
poids de leur cargaison , contre l'élite d'autant plus de surprise qu’on s’y était
de l'armée de terre, et, ce qui était en moins attendu. Le sénat ne manquait ni
core plus formidable que tout le reste, de volonté ni de constance pour soute
contre le génie et l’intrépiditéd’Amil nir la guerre; mais il n’cntrevoyait
car. Ces motifs l'emportèrent dans son aucun moyen de la continuer. En effet
esprit, et le déterminèrent à saisir l'oc les Romains, étant maîtres de la mer,
casion présente. on ne pouvait envoyer à l'armée d'E
Comme les ennemis approchaient ryx ni vivres ni secours : abandonner
à pleines voiles, il lève l'ancre et s'a cette armée à ses propres ressources,
vance à leur rencontre. L'adresse et la c'était la livrer à l'ennemi; et dès lors
vigueur de l’équipage se jouent de la il ne restait plus à Carthage ni géné
résistance des vagues. La flotte se raux ni soldats. Dans cette extrémité,
range sur une seule ligne, la proue le sénat donna à Amilcar plein pouvoir
tournée vers l'ennemi. Les Carthagi d'agir comme il le jugerait convenable
nois, voyant ne les Romains leur our l’intérêtdela république. Ce grand
fermaient le c emin d'Eryx, serrent Iomme, tant qu'il avait entrevu quel
Leurs voiles et se préparent au com que lueur d'espérance,avaitfait tout ce
at. qu'on pouvait attendre du courage le
Mais ce n'étaient plus, de part et plus intrépide et de l‘expérience la plus
d’autre, ces mêmes flottes qui avaient consommée. Il avait disputé la victoire
combattu à Drépane; aussi le succès avec une constance et une opiniâtreté
devait-il être différent. Les Romains sans exemple. Mais lorsqu'il vit que
avaient fait de grands progrès dans la résistance devenait impossible, que
l'art de construire les vaisseaux. Leurs la paix était le seul moyen de sauver sa
équipages étaient formés d'excellents patrie et les soldats qui avaient partagé
matelots, de rameurs exercés et de ses travaux, il sut, en homme sage,
soldats choisis parmi les plus braves céder à l'impérieuse nécessité, et dé
de l'armée. Les Cartha inois, au con ploya autant de prudence et d'habileté
traire, trop confiants ans leur supé dans les négociations, qu'il avait mon
riorité, avaient depuis longtemps né tré de valeur et d'audace dans le com
ligé leur marine. Au premier bruit de mandementdes armées. 1l cave a donc
armement des Romains, ils avaient au consul Lutatius des députés char
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gés de lui faire des propositions de paix juger des efforts incroyables que firent
et d’alliance. les deux peuples, lorsqu'on les voit, à
Le consul, jaloux d’enlever à son la fin de la guerre, après les pertes
successeur la gloire de terminer une immenses éprouvées de part et d’au
guerre si importante, accueillit avec tre (‘), réunir dans une même bataille
joie ces ouvertures. Il savait d’allleurs navale sept cents galères à cinq rangs
que les forces et les finances de la ré de rames. Une é ale passion de domi
publique étaient épuisées; que le_peu ner animait les eux républiques. De
ple romain était las d’une lutte SI lon là, même audace dans les entreprises,
ue et si difficile. Il n’avait pas oublié même activité dans l’exécution, même
es funestes suites de la hauteur inexo constance dans les revers. Les Cartha
rable et imprudente de Ré ulus. Aussi, ginois l’emportaient ar la science de
il ne se montra point dif cile, et con la marine, par l’habi eté dans la cons
sentit à la paix aux conditions suivan truction des vaisseaux, par la préci
tes : que les Carthaginois évacueraient sion et la rapidité des manœuvres , par
entièrement la Sicile ; qu’ils ne feraient l‘expérience des pilotes, parla connais
la guerre ni contre HIéron et les Sy sance des côtes , des plages, des rades
racusains , ni contre leurs alliés; qu’ils et des vents; enfin par leurs riches
rendraient sans rançon aux Romains ses qu’alimentait un commerce floris
tous les prisonniers et les transfuges; sant , et qui leur donnaientles moyens
qu’ils leur ayeraient , dans l’espace de de subvenir à tous les frais d’une guerre
vingt ans , eux mille deux cents talents longue et dispendieuse. Les Romains
euboiques d’argent (*). n’avaient aucun de ces avanta es ;
Lutatius avait d’abord exigé ne les mais le courage, le zèle pour le ien
trou s qui étaient dans Éryx ivras public , l’amour de la patrie , une noble
sent eurs armes. Amilcar déclara qu’il émulation car la gloire, un vif désir
ne rendrait jamais aux ennemis _de son d'étendre eur domination , leur te
pays des armes que son pays lui avait naient lieu de tout ce qui leur man
confiées pour le défendre, qu’il perr quait d’ailleurs.
rait lui-même, qu’il laisserai périr sa Quant aux soldats, l’armée romainc
patrie plutôt que d’y retourner cou était bien supérieure à celle de Car
vert d’une areille Ignominie. Cette thage pour le courage et la discipline.
généreuse résistance força le consul à Quant aux généraux, aucun Romain ne
céder. peut être comparé à cet Amilcar, qui,
Ce traité, expédié à Rome, ne fut arrivé en Sicile au moment où les af
pas d’abord accepté par le peuple..0n faires étaient presque désespérées , les
envoya dix commissaires sur les lieux rétablit par les seules ressources de
pour examiner de plus pres l'état des son génie, sut, avec des forces infé
affaires. Ceux-ci ne changèrent rien a rieures, déjouer endant cinq années
l’ensemble du traité. Ils ajoutèrent seu entières tous les e forts de la puissance
lement aux premières conditions, ne romaine, et qui même, lors ue Carthage
les Carthaginois payeraient su_r- e succomba , eut la gloire e n’être pas
champ mille talents pour les frais de vaincu. Dans tout le cours de cette
guerre, et deux mille dans les dix ans guerre, il n’a paru chez les Romains
nées suivantes, et qu’ils abandonne aucun général dont les talents écla
raient toutes les îles situées entre la tants aient pu être regardés comme la
Sicile et l’Italie 0'"). cause de la Victoire, en sorte que c’est
Ainsi fut terminée l’une des lus uniquement par la force de sa consti
longues guerres dont il soit parlé ans tution et par ses vertus nationales que
l'histoire; elle dura près de vingt-qua Rome a triomphé de Carthage.
tre ans sans interruption. On peut (') Dans le cours de cette guerre, les
Romains perdirent, soit parles combats, soit
(') Environ 11 millions. par les naufrages, 700 vaisseaux de guerre,
("') Excepté la Sardaigne et la Corse. et les Carthaginois 500.
CARTIIAGE. 65
GUEnnE DE Lmva on coNTnn mettre un terme, entra en négocia
LES MEacENAmEs DE 240 A 237 tion avec leurs officiers. Il fut con
AVANT J. C. — A la guerre que les vcnu que les soldats, après avoir reçu
carthaginois venaient de terminer chacun une pièce d'or pour _les besoins
contre les Romains en succéda im les plus pressants, se retlreralent à
médiatement une autre, moins lon Sicca, qu’ils y attendraient l’arrivée'
gue, mais non moins dangereuse, du reste de leurs camarades, et qu'a
ui atta ua le cœur de l’Etat, et qui lors on leur payerait tous les arré
ut soui lée par des actes de barbarie rages qui leur étaient dus.
et de cruauté sags exemple. C’est celle A cette imprudence, on en a'outa
qu’ils eurent à soutenir contre les une autre, ce fut de les forcer ‘em
soldats mercenaires qui avaient servi mener avec eux leurs bagages, leurs
en Sicile et contre les Numides et les femmes et leurs enfants qu’ils deman
Africains qui étaient entrés dans leur ' daient à laisser, suivant la coutume,
révolte. Cette guerre où les Carthagi dans les murs de la capitale,_et qui
nois tremblèrent plusieurs fois, non auraient été des gages certains de
seulement pour la possession de leur leur fidélité. .
territoire, mais encore pour leur pro Lorsqu’ils furent réunis à Sicca,
pre salut et celui de Carthage, prouve ces hommes qui avaient été si long
combien il est dangereux pour un temps privés des douceurs du repos
État de s’appuyer avec trop (le con s'y livrèrent avec délices, et l’oisi
fiance sur des troupes étrangères et veté, mère des séditions, si dange
sur des soldats soudoyés. Voici quelle reuses surtout parmi les troupes étran
en fut l’occasion. ères, relàclxa tous les liens de la
CAnsEs DE LA GUERRE. — Aussitôt iscipline. Ils uccupaient leurs loisirsà
après que le traité avec les Romains calculer les sommes que la république
eut été conclu et ratifié, Amilcar leur devait. Ils grossissaient leurs
conduisit à Lilybée les troupes du créances de toutes les promesses qu’on
camp d’Éryx, et, s’étant démis du leur avait faites dans les occasions
commandement, laissa à Giscon, périlleuses , et les considérant comme
gouvemeur de la place, le soin de les des titres d’une validité incontestable,
faire passer en Afrique. Celui -ci, ils s’encourageaient les uns les autres
par une sage prévoyance, fit partir à en exiger le pa ement. Enfin leur
ces troupes par corps détachés et à avidité, se livrantatoute l’exa ération
des intervalles assez éloignés l'un de de ses espérances, jouissait éjà par
l’autre, pour que les premiers venus avance du bonheur et des avantages
pussent recevoir l’arriéré de leur qui devaient métro le fruit. I
solde, et être renvoyés chez eux avant COMMENCEMENTS DE LA uEvoLTE;
l’arrivée des autres. Le gouvernement LEs MERCENAIRES voNT cAMPEn A
de Carthage n’imita as la prudence TUNIS; 240 ANs AVANT L’ÈBE cann
de Giscon. Comme e trésor public TIENNE. — Quand les derniers corps
était‘ épuisé par les dépenses d’une furent arrivés de Sicile et que l’armée
longue guerre, on ne’ se pressa as tout entière fut réunie à Sicca ,
de payer les troupes à mesure qu’e les Hannon, gouverneur de la province,
arrivaient, au contraire on attendit leur fut envoyé ar le sénat de Car
qu’elles fussent toutes réunies a Car thage. Celui-ci, oin de satisfaire l'at
tiage, dans l’espoir qu’elles consenti tente et les prétentions exorbitantes
raient à une diminution surle montant des mercenaires, alléguant l'épuise
de leur solde. Mais ces vieux soldats, ment des finances de la république, et
nourris dans le tumulte de la guerre l'énormité des tributs imposés par
et accoutumés à toute la licence des l’ennemi, les supplia de consentir à
camps, troublaient nuit et jour la paix une réduction sur le montant de la
de la cité par leurs dérèglements‘ et solde qui leur était légitimement due.
leurs violences. Le sénat, pour y A peine a-t-il prononcé ces mots que
5' Livraison. (CARTHAGIL) à
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la sédition éclate dans cette soldatesque contraire de ce qu’Hannon avait pro
avide et indisciplinée. Des groupes, posé. De là, l’inntilité de ses tentatives
des conciliabules se forment. D’abord , partielles, et partout l’incertitude, le
les soldats de chaque nation s’assem désordre et la méfiance.
blent séparément; bientôt toutes les Outre leurs autres sujets de plainte,
nations réunies ne forment qu’un les mercenaires reprochaient encore
attroupement général. La différence aux carthaginois d’avoir écarté à des
de peuples, la diversité de langages, sein les généraux qui avaient partagé
l’impossibilité de s’entendre l’un l’au leurs glorieux travaux en Sicile, et
tre, jettent dans cette multitude in leur avaient fait de magnifiques pro
' cohérente un trouble et une confusion messes, pour leur envoyer un homme
inexprimables. qui ne s’était trouvé à aucun des com
Si les carthaginois, dit Polybe. bats où ils s’étaient signalés. Enfin,
dans la com osition de leurs armées transportés de colère, pleins de mé
ont eu pour ut de prévenir les asso pris pour IIannon, de défiance pour
ciations et les révoltes générales, et eurs officiers, ils partent sur-le-cham ,
de rendre les soldats moins redou marchent sur Carthage au nombre e
tables pour leurs chefs, ils ont eu plus de vingt mille, et vont camper
raison de les former constamment de près de Tunis, 21 120 stades de la ca
troupes choisies parmi des nations pitale.
différentes. Mais lorsque la haine CoNsrEnNA'rIoN DES CARTHAGI
couve au fond des cœurs, que la NOIS; EXIGENCES DES nEvoL'rEs.
colère s’allume, que la sédition éclate; —- Alors les carthaginois reconnurent
lorsqu’il faut apaiser, éclairer, ra leurs fautes , lorsqu’il était trop tard
mener au devoir les esprits égarés, our les réparer. Dans la frayeur où
c’est alors qu’on sent tout le vice es jeta le voisinage de cette armée, ils
d’une institution pareille. De sem se résignèrent a tout céder, à tout souf
blables armées, lorsque la rébellion frir pour apaiser sa fureur. On en
les soulève , ne mettent point de bor voyait en abondance aux mercenaires
nes à leur fureur. Ce ne sont les des des vivres dont ils taxaient eux-mêmes
hommes; ce sont des bêtes éroces, le prix à leur gré. Chaque jour le sénat
dont la rage forcenée se livre à tous leur députait quelques-uns de ses mem
les excès d’une barbarie im itoyahle. bres pour les assurer qu’ils n’avaient
Les carthaginois en firent ans cette qu’à demander; qu’on était prêt à
occasion une triste expérience. Il y tout faire pour eux, pourvu que ce
avait dans cette multitude des Espa qu’ils demanderaient fut possible. Ce
gnols, des Gaulois, des Liguriens, pendant ils ajoutaient chaque jour à
des Baléares, des Grecs de toutes les ’exigence de leurs prétentions. La
nations, la plupart transfuges ou es terreur et la consternation u’ils li
claves, et surtout un rand nombre saient sur le front des Cart aginois
d‘Africains. Les assem ler dans un augmentaient leur audace et leur in
même lieu , et leur arler à tous en solence. Ils se persuadaient d’ailleurs
même temps , était c ose impossible; qu’aucun peuple du monde , à plus forte
les haranguer séparément et par na raison les carthaginois , n’oserait ris
tion ne l’était pas moins, aucun gé quer le combat contre des vétérans
néral ne possédant tant de langues di qui, si longtemps en Sicile, avaient
verses.‘ Il ne restait à Hannon que le rivalisé de gloire et de succès avec les
moyen d’employer les officiers pour légions romaines. A peine fut-on d’ac
faire entendre ses propositions aux cord sur le montant de la solde qu’ils
soldats. C’est celui qu’il adopta. Mais, demandèrent le prix des chevaux qu’ils
parmi ces officiers, les uns ne com avaient perdus. Cette proposition ad
prenaient pas ce qu’il leur disait; les mise , ils
argent le exigèrent qu’on
blé qui leur leurdfll ayât
était en
depuis
autres, soit par ignorance, soit par
malice, rapportaient aux soldats le longtemps, au plus haut prix qu’il s’e
CARTHAGE. 61
tait vendu pendant la guerre. C'étaient La crainte de tomber entre les mains
tous les jours de nouvelles exigences des Romains qui, d'après leurs lois,
que les brouillons et les séditieux dont auraient puni sa désertion des plus
cette soldatesque était remplie met cruels supplices, le porta à tout entre
taient en avant pour traverser les né prendre pour rompre l'accommode
gociations. Enfin , le sénat se mon ment. L'autre étaitun Africain nommé
trant disposé à les satisfaire dans tout Mathos . homme de condition libre , et
ce qui n'était pas impossible, obtint, qui avait aussi servi dans l'année,
par cette condescendance , qu'ils accep mais qui, ayant été l'un des principaux
teraient pour médiateur l'un des gé instigateurs de la révolte, s'attendait
néraux qui avaient commandé en Si à servir d'exemple, et à payer de sa
cile. tête le crime qu'il avait conseillé. Cette
GISCON EST CHOISI POUR AEm'rnE; communauté de craintes unit d'un lien
MATHos ET SPENDIUS ROMPENT LEs étroit ces deux hommes pervers. Ma
NEGociATwNs; ILS SONT ÉLUS CHEFS thos, de concert avec Spendius, se
DES MEncENAmEs. — Amilcar sem présente aux Africains. Il leur per
blait désigné pour cette fonction. Mais suade que sitôt que les troupes étran
il leur était suspect , parce que, s'étant gères auront reçu leur solde et se se
démis volontairement du commande ront retirées chacune dans leur pays ,
ment des armées, et n'ayant pas de restés seuls et sans défense , ils devien
mandé à être chargé de négocier avec dront les victimes de la colère des Car
eux , il semblait avoir abandonné leur thaginois, qui se vengeront sur eux de
cause. Giscon , au contraire, ui avait la révolte commune. A ces mots les
servi en Sicile , et qui, dans p usieurs esprits s'échauffent et s’irritent; et
circonstances , surtout à l'occasion de comme G iscon n'acquittait que l'arriéré
leur retour, avait pris à cœur leurs in de la solde, et remettait à une autre
térêts , s'était acquis leur confiance et époque le payement du prix des che
leur affection. Ils le choisirent donc vaux et du blé , ils saisissent avidement
our arbitre de leurs différends avec ce léger prétexte, s'attrou ent en tu
république. On fournit à Giscon l'ar multe, et s'élancent vers a place où
gent nécessaire. Il part de Carthage et se tenait l'assemblée.
débarque à Tunis. Il s'adresse d'abord Là, lorsque Spendius et Mathos se
aux chefs, et fait ensuite rassembler répandaient en invectives contre Gis
les soldats par nation. Alors , em con et les carthaginois, ils accueillaient
ployant des paroles douces et insi leurs discours avec une bienveillance
nuantes , il leur fait de légers re roches attentive. Mais si quelque autre se pré
sur leur conduite passée , leur ait sen sentait à la tribune pour leur donner
tir tout le dan er de leur situation pré des conseils , ils ne prenaient pas seu
sente, leur onne de sages conseils lement le tem s de s'instruire s'il était
our l'avenir, et les exhorte à renouer contraire on avorable à leurs chefs , et
es liens d'une ancienne affection avec l’accablaient d'une grêle de pierres
un État qu'ils ont servi si lon temps , avant même qu'il eût pu se faire en
et dont ils ont reçu tant é bien tendre. Plusieurs particuliers et un
faits. 4 grand nombre d'officiers périrent dans
Enfin, il se disposait à payer toutes ce tumultueux conciliabule où le mot
les dettes arriérées, lorsque deux sé frappe! quoique différent dans chaque
ditieux , rom ant l'accord qui commen langue, était le seul qui fût compris
çait à s'éta lir , remplirent tout le par toutes ces nations diverses, parce
camp de tumulte et de désordre. L'un qu'il était sans cesse accompagné de
était un certain Spendius, Campanien l'action qui en expliquait le sens. Mais
de nation , d'esclave devenu transfuge, c'est surtout lorsque échauffés par l'i
homme qui s'était distingué dans l'ar vresse , ils se réunissaient après le re
mée par sa force de corps extraordi as, que la fureur des factieux était
naire et par la témérité de son audace. e plus redoutable. A peine le mot fatal
5.
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était-il prononcé, l'imprudent ui avait à lui envoyer des secours. A son insti
osé se présenter , frappé de mil e coups gation presque tous les peuples afri
à la fois, succombait sans avoir pu ni cains se révoltèrent contre la domina
échapper, ni se défendre. Ces vio tion des carthaginois , et lui'fournirent
lences ayant écarté tous les concur des vivres et des renforts. Alors , ayant
rents , Mathos et Spendius furent choi partagé leurs troupes en deux corps,
sis pour commander l'armée. Mathos et Spendius allèrent mettre le
VIoLATioN DU DROIT DEs GENs siége devant Utique et Hippone, qui
ENvEiis GISCON ET sEs coMrA avaient refusé de prendre part à leur
GNoNs; sinon D’UTIQUE ET D'Hir rébellion.
non; 239 ANs AVANT L'EEE vuL PosI'rIoN CRITIQUE DEs CARTHA
GAIEE. — Au milieu de ce tumulte GINOIS. —— Jamais Carthage ne s'était
affreux , Giscon restait inaccessible à vue dans un si grand danger. Jusqu'a
la crainte. Décidé à se sacrifier aux in lors les revenus des propriétés parti
téréts de sa patrie , et prévoyant même culières avaient fourni à l'existence des
que si la rage de ces forcenés se dé familles; les tributs que payait l'Afri
cliaînait contre Carthage, l'existence que avaient alimenté le trésor public ,
même de la république etait menacée, et les troupes étrangères avaient tou
il accomplissait sa mission avec une jours composé l'élite de ses armées.
constance inébranlable. S'exposant à Toutes ces ressources non-seulement
tous les périls . tantôt il s'adressait aux lui manquaient à la fois , mais se tour
chefs , tantôt il rassemblait tour à tour naient contre elle et s‘unissaient pour
les soldats de cha ue nation, et s'effor l’accabler. La consternation et le dés
çait de calmer eurs ressentiments. espoir s'augmentaient encore par l'im
Mais les Africains , ui n'avaient as prévu d'un tel événement. Lorsque,
encore reçu l'arriér de leur sol e, épuisés par les longs efforts que leur
vinrent en demander le payement. avait causés la guerre de Sicile, ils
Comme ils l'exigeaient avec hauteur avaient enfin obtenu la paix, ils s'é
et avec insolence, Giscon, dans un taient flattés de pouvoir respirer un
mouvement de colère, leur répondit moment, et d'employer à rétablir leurs
u'ils n'avaient qu'à s'adresser à Ma affaires les années de calme et de tran
tios, leur général. Cette réponse les quillité dont ils se croyaient assurés;
transporta d'une telle fureur, qu'ils se et voilà qu'il surgissait tout à coup
jetèrent à l'instant sur l'argent réparé une nouvelle guerre plus terrible et
pour le pa ement de leur 50 de, et plus dangereuse encore que la pre
qu'ils arrac èrent de leur tente Giscon mière. Auparavant ils n'avaient à com
et les carthaginois qui l'avaient accom battre qu'une nation étrangère; il ne
pagne’. Mathos et Spendius, persuadés s'agissait que de la possession de la
qu'un attentat public au droit des gens Sicile: maintenant c'était une guerre
était un moyen sûr d'allumer la guerre , civile où leur patrimoine. leur salut,
irritaient encore l'exaspération de cette l'existence même de Carthage étaient
multitude turbulente. Ils livrent au en péril. Ils se trouvaient sans armes,
pillage l'argent et les bagages des Car sans tr_oupes ni de terre, ni de mer,
thagino‘s , chargent de fers Giscon et sans approvisionnements pour soute
ses compagnons, et les jettent dans un nir un siége, sans argent dans le tré
cachot, après les avoir abreuvés d'ou sor public , et, ce qui mettait le comble
trages et d'ignominies. Tels furent les à leurs malheurs, sans aucune espé-
causes et les commencements de la rance de secours étrangers de la part
guerre contre les mercenaires, qu'on de leurs amis ou de leurs alliés.
a appelée aussi guerre d’4frz‘que. Du reste, ils ne pouvaient attribuer
Mathos , après cet attentat, envoya ces malheurs qu'à leur conduite passée.
des députés à toutes les villes d'Afri Ils avaient traité avec une extrême du
que pour l'es exliorter à recouvrer leur reté les euples africains pendant le
libeité , à entrer dans son alliance, et cours de a guerre précédente. Prétex
CARTHAGE. 69
tant les dépenses qu'elle occasionnait , que jour par de nouveaux renforts,
ils avaient exigé des propriétaires ru s'élevait déjà à soixante-dix mille hom
raux la moitie de leurs revenus, et mes, pressaient, sans être inquiétés
des habitants des villes le double de par l'ennemi , le siége d'Utique et
l'impôt qu'ils supportaient auparavant, d‘Hippone. En même temps ils forti
sans accorder aucune grâce ni aucune liaient avec le plus grand soin leur
remise aux plus pauvres et aux plus camp retranché près de Tunis. et cou—
misérables. Entre les gouverneurs des paient ainsi aux carthaginois toute
rovinces, ce n'étaient point ceux qui communication avec le continent de
es administraient avec douceur et avec l'Afrique. En effet , Carthage est située
humanité auxquels ils prodiguaient sur une péninsule, bordée d'un côté
leur estime, mais ceux qui faisaient par la mer, de l'autre par le lac de
entrer de lus grosses sommes dans le Tunis. L'isthme qui la joint à l'Afrique
trésor puglic, et auprès desquels les est large d'environ vin t-cinq stades.
contribuables trouvaient le moins d'ac Utique et Tunis sont îäties l'une à
cès et d'indulgence. Hannon était du l'ouest, l'autre à l'est de Carthage , et
nombre de ces derniers. Des peuples toutes deux à une petite distance de
ainsi maltraités n'avaient pas besoin cette ville. De ces deux points les mer
d'instigations pour les pousser à la ré cenaires harcelaient sans cesse les Car
volte; c'était assez qu'on annonçât un thaginois. Le jour, la nuit, à chaque
soulèvement pour pu’ils fussent prêts instant, ils poussaient leurs excursions
à s'y joindre. Les emmes mêmes qui jusqu'au pied des murailles, et répan
avaient eu'souvent la douleur de voir daient le trouble et la consternation
traîner en- rison par les collecteurs parmi les habitants.
des impôts eurs maris et leurs pères, Hannon était habile et actif dans
montreront pour leurs vengeurs un l'organisation et dans l'administration
dévouement unanime. Elles se dépouil d'une armée; mais; en présence de
lèrent avec empressement de leurs bi l'ennemi , c'était un homme tout diffé
joux et de leurs parures, et en consa rent. Alors il ne montrait ni sagacité
crèrent le produit aux frais de la guerre; pour faire naître les occasions , ni éner
de sorte que Mathos et Spendius , gie pour en profiter, ni vigilance pour
après avoir payé aux soldats ce qu'ils se garantir des surprises. Ce général
leur avaient promis pour les engager s'était avancé au secours d'Utique. Il
à la révolte, se trouvèrent encore en remporta d'abord un avantage qui au
état de fournir abondamment à toutes rait pu devenir décisif, mais dont il
les dépenses de l'armée. , profita si mal, u'il aurait pu causer la
HANNoN , NOMMÉ GENEEAL DES perte de ceux m mes qu'il était venu se
CAnTHAGINoIs, ÉPROUVE,’ PAE sA courir. Il avait amené lus de cent
FAUTE, UN ÉCHEC coNsIDEnABLE A éléphants, et, s'étant a ondamment
UTIQUE. — Cependant les carthagi pourvu de catapultes , de balistes , et de
nois, au milieu de la détresse qui les toutes sortes de traits qu'il trouva dans
accablait, trouvèrent encore des res Utiqlue, il plaça son camp en avant de
sources dans leur énergie. Ils nom la V! le, et entreprit d'attaquer les re
ment pour général Hannon , le même tranchements des ennemis. Les élé
qui, quelques années au aravant , avait phants , poussés avec im étuosité , ren
soumis Hécatompyle. I s font venir de versent tous les obstac es. Les mer
tous côtés des soldats mercenaires; ils cenaires, ne pouvant soutenir leur
enrôlent dans l'infanterie et dans la choc, prennent la fuite et abandon
cavalerie; ils exercent aux manœuvres nent leurs retranchements. Un grand
tous les citoyens en âge de porter les nombre périt victime de la fureur de
armes; enfin ils équipent, sans perdre ces animaux redoutables. Ceux qui
de temps, tout ce qui leur restait de parvinrent à s'échapper se retirè
vaisseaux. De leur côté, Mathos et rent sur une colline escarpée et cou
Spendius, dont l'armée , grossie cha verte d'arbres, qui leur parut une posi
70
tion avantageuse et facile à défendre. AmLcAn BAncA, NOMMÉ AU cou
Hannon , accoutumé à faire la guerre MANDEMENT DE L’AEMEE A LA PLACE
contre des Numides et des Africains, D’HANNON , REMPORTE sUn LEs MER
ni, au premier échec, prenaient la cENAInEs UNE VICTOIRE sIcNALÉE,
uite et se dispersaient à deux ou trois FAIT LEVER LE sIEcE D’UTIQUE ET
journées de distance, crut que la vie s’EMPAEE DE PLUSIEURS VILLES,
taire était complète et qu’il n avait plus 238 AVANT L’EnE vULGAInE. — Les
d’ennemis à combattre. Préoccupé de Cartha ‘nois , ayant enfin reconnu l’in
cette idée, il ne songea plus à veiller capacit d’Hannon, rendirent à Amil
ni sur la discipline de son armée ni sur car, surnommé Barca, le commande
la défense de son camp. Il entra dans ment de l’armée. Ils le chargèrent de
la ville et se livra en pleine sécurité la conduite de la guerre‘; ils lui don
au repos et aux plaisirs. nèrent soixante-dix éléphants , tous les
Les mercenaires qui s’étaient retirés soldats étrangers qu’ils avaient pu ras
sur la colline étaient ces mêmes vété sembler, tous les transfuges et les
rans auxquels , dans une longue confra troupes d’infanterie et de cavalerie
ternité d’armes, Amilcar avait trans qu’ils avaient levées dans la ville. Cette
mis son audace. Pendant les campagnes petite armée s’élevait à peine à dix mille
de Sicile, ils s’étaient instruits par ommes. Dès sa première action il se
son exemple à‘ soutenir avec fermeté montra digne de son ancienne renom
toutes les vicissitudes de la guerre. mée, et remplit les espérances que sa
Plusieurs fois, dans le même jour, on nomination avait fait naître parmi ses
les avait vus faire retraite devant l’en concitoyens. A peine sorti de Carthage,
nemi, changer de front brusquement il tombe à l’improviste sur ses enne
pour l’attaquer à leur tour, et ces pé mis, et les frqppe d’une si grande ter
rilleuses manœuvres leur étaient deve reur que, per ant toute confiance, ils
nues familières. Alors, ayant appris(que abandonnent le siège d'Utique. L'im
l’ivresse de la victoire avait Intro uit portance de cet événement exige quel
dans l’armée ennemie la négligence et ques détails.
l’indiscipline, que le énéral s'était re Le col étroit de l’isthme qui joint
tiré dans la ville, que es soldats s'écar Carthage à l’Afrique est entouré de
taient sans précaution de leurs retran collines escarpées et d’un accès diffi
chements, Ils se forment en ordre de cile, sur lesquelles l’art a pratiqué des
bataille, viennent fondre sur le cam chemins qui ouvrent des communica
des Carthaginois, en tuent un gran tions avec le continent. Mathos avait
nombre, et forcent les autres à fuir fortifié avec soin tous les passaves de
honteusement jusque sous les murs de ces collines susce tibles de dé ense.
la ville. Ils s’emparèrent de tous les ba Indépendamment e ces fortifications
gages, de toutes les armes et de toutes naturelles, le Baccara (*), fleuve pro
les machines de siège qu’Hannon avait fond, qu’il est presque impossible de
fait sortir d’Utique, et qui, par cette traverser à gué dans cette partie de
imprudence, tombèrent au pouvoir de son cours, fermait à ceux qui venaient
ses ennemis. Ce ne fut pas la seule de Carthage le débouché dans l’inté
circonstance où ce énéral donna des rieur du pays. Ce fleuve n’avait qu’un
preuves d’incapacite. Quelques jours seul pont dont les mercenaires avaient
plus tard, comme il était campé près fortifié les abords, et au-dessus du uel
de la ville de Gorza, en face des enne ils avaient même construit une vile,
mis, l’occasion se présenta de les dé de sorte que non-seulement une armée,
faire deux fois en bataille rangée et mais même un homme seul ne pouvait
deux fois par surprise, et cependant, sortir de l’isthme sans être aperçu des
uoiqu’il fût à portée d’observer les ennemis.
antes de ses adversaires et d’en pro Amilcar, toujours attentif à saisir
fiter, il laissa toujours échapper ces
occasions décisives. (‘l 0u Basradn
CARTHAGE. 1.
les occasions que lui présentaient le valerie, rompent leurs rangs et la
temps et la nature des lieux , et voyant oursuivent avec impétuosité. Mais
l’impossibilité de débusquer l’ennemi l)orsque les cavaliers, faisant tout à
par la force, imagina cet expédient coup volte-face, se déployèrent sur les
pour ouvrir un passage à son armée. deux ailes de l‘infanterie qui s’avançait
Il avait observé que lorsque le ,vent en ordre de bataille, la terreur se ré
soufflait d'un certain oint pendant pandit parmi les Africains. L’ardeur
quelques jours, le lit u fleuve était Inconsidérée de la poursuite avait jeté
obstrué par le sable et qu’il s’y formait le désordre dans eurs rangs; aussi
une espece de banc uI permettait de n’opposèrent-ils presque aucune résis
le traverser à gué pr 5 de son embou tance; du premier choc ils furent mis
chure. Il tint son armée prête à se en fuite, culbutés les uns sur les au
mettre en marche, et sans s’ouvrir de tres, foulés aux pieds des chevaux et
son dessein à‘ personne, il attendit des éléphants, qui les pressaient sans
patiemment la circonstance favorable. leur donner le temps de se rallier. Six
Les vents soufflent; le gué se forme; mille hommes , tant Africains que mer
il part la nuit avec toutes ses troupes, cenaires, restèrent sur le champ de
et se trouve au point du jour de l’autre bataille. On lit deux mille prisonniers;
côté du fleuve, sans avoir été aperçu le reste se sauva, les uns dans la ville
de l’ennemi. La réussite de cette au bâtie au-dessus du pont, les autres
dacieuse entreprise frappa d’étonne dans le camp d’Utique. Amilcar, pro
ment et les mercenaires et les Cartha fitant de sa victoire, poursuit les
ginois eux-mêmes qui la croyaient fuyards sans relâche, et s’empare de la
Impossible. Amilcar poursuit sa route ville qui défendait le pont du Baccara
à travers une plaine découverte, et se et que les mercenaires avaient aban
dirige vers le pont qui était occupé par donnée pour se retirer à Tunis. En
En détachement de l’armée de Spen suite, s’avançant dans l. pa s, il se
Ius. rendit maître de plusieurs villes, dont
Celui-ci , instruit de l’approche d’A les unes se rendirent à composition et
milcar, fait sortir dix mille hommes les autres furent prises de vive force.
de la ville bâtie au-dessus du pont, et Par ces heureux succès il releva le cou
s’avance en rase campa ne à la ren rage et la confiance des carthaginois,
contre du général cartiaginois. En qui naguère désespéraient entièrement
même temps ceux qui assiégeaient Uti du salut de leur patrie.
que, au nombre de plus de quinze AMILCAR EsT BESSBBBÉ PAR LEs
mille, se hâtent d’arrIver au secours MEBCENAIRES DANs UNE POSITION
de leurs camarades. Ces deux corps DANGEREUSE; IL EN soRT PAR LE sn
d’armée réunis s’exhortent, s’encoura cOURs D‘UN CHEF DE NUMIDEs, QUI
eut à saisir l’occasion favorable et ABANDONNE LA cAUsE DEs BÉVOLTÉS
Ondent sur les carthaginois. POUR sa JOINDRE Aux CARTRAOI
Jusque-là Amilcar avait conservé NOIs. —- Cependant Mathos continuait
son ordre de marche, les éléphants à toujours le siège d’Hippone. Il donna
la tête; derrière eux la cavalerie et les à Spendius et à Autarite, chef des
armés à la légère; l’infanterie, pesam Gaulois, le sage conseil d’observer de
ment armée, formait l’arrière-garde. près l’ennemi, d’éviter les plaines où
Surpris par la brusque attaque des leurs éléphants et leur cavalerie don
mercenaires, il change en un moment naient aux carthaginois l’avantage , de
toute la disposition de son armée. Par suivre le pied des montagnes , de régler
un mouvement de conversion rapide, leur marche sur celle d’Amilcar, et de
il porte à la fois sa cavalerie sur les ne l’attaquer que lorsqu’ils le ver
derrières , et ramène son infanterie sur raient engagé ans quelque position
le front de bataille pour l’opposer à difficile. En même temps il expédie
l’ennemi. Les Africains, attribuant à la des messages aux Numides et aux Afri
crainte la marche rétrograde de la ca cains pour les engager à envoyer des
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renforts, et à ne pas laisser échapper telle hardiesse, l’accueillent avec ‘bien
l'occasion de recouvrer leur indépen veillance et le conduisent à leur éné—
dance. Spendius alors, ayant joint aux ral. Naravase lui dit qu’il portai une
deux mille Gaulois d’Autarite six mille affection sincère à tous les Carthagi
hommes choisis parmi les soldats de nois, mais qu’il désirait surtout être
toute nation qui étaient campés à Tu l'ami de Barca, u’il n'était venu que
nis, se met à observer la marche des dans le dessein e s'attacher à lui, et
Carthaginois et à suivre tous leurs que ‘désormais il serait le compagnon
mouvements en côtoyant toujours le dèle de tous ses périls et de tous ses
pied des monta nes. n jour qu’Amil travaux. Amilcar, frappé de la noble
car était camp dans une plaine, en confiance de ce jeune omme et de la
vironnée de tous côtés par des hauteurs franchise ingénue avec laquelle il avait
escarpées les renforts que Spendius exprimé ses sentiments, non-seulement
attendait des Numides et des Africains l’admit dans le conseil à la connais
lui arrivèrent à la fois par deux points sance de tous ses projets, mais encore
différents. Amilcar, pressé en même s’engagea par serment à lui donner sa
temps ar les Africains qui s'étaient fille en mariage, pourvu qu’il restât
retranchés en face de son camp, par les fidèle à l'alliance des Carthaginois.
Numides qui avaient pris position sur Après l’échange de ces promesses,
les derrières, ar Spendius qui mena Naravase conduisit au campd’Amilcar
çait les flancs e son armée , se trouvait deux mille Numides qu’il commandait.
enveloppé de toutes parts et n’entre ‘Renforcé par la jonction de ses.nou
voyait que des périls et des difficultés veaux allies, Barca présente la bataille
insurmontables. aux ennemis. Spendius se réunit aux
Une circonstance imprévue rétablit Africains,‘ descend dans la plaine avec
ses affaires. Les Numides avaient pour toutes ses forces .et en vient aux mains
chef Naravase, un des citoyens les plus avec les Carthaginois. Le combat fut
distingués de leur nation par sa nais long et opiniâtre; mais la victoire de’
sance et par sa bravoure. Ce jeune meura à Amilcar. Les éléphants se si
errier, nourri dans des sentiments gnalèrent dans cette journée, et la
’affection pour les carthaginois, avec rillante valeur de Naravase contribua
lesquels son père avait éte uni d’une puissamment au succès. Autarite et
étroite alliance, était encore entraîné Spendius se sauvèrent par la fuite , lais
par un vif enthousiasme pour le carac sant dix mille morts sur le champ de
tère et les exploits d’Amilcar. Jugeant bataille et quatre mille prisonniers au
donc le moment favorable pour s’ac pouvoir de l’ennemi. A rès cette vic
uérir l'estime et l'amitié de ce grand toire, Amilcar admit ans ses rangs
omme, il prend une escorte de cent ceux des prisonniers qui voulurent
cavaliers et se dirige vers le camp des s’enrôler au service de Carthage, et
Carthaginois. Arrivé près des retran leur distribua les armes qu’il avait
chements, il s'arrête avec une noble prises sur les ennemis. Quant à ceux
assurance, et fait signe avec la main qui refusèrent de prendre ce arti, il
qu’il demande à être introduit. Amil les rassembla tous dans ‘un m me lieu
car, surpris de cette démarche, lui et leur dit qu’il leur pardonnait leur
envoie un cavalier. Naravase sollicite conduite passée; qu’il leur laissait l’en
une entrevue avec le général. Celui-ci , tière liberté de se retirer chacun dans
se défiant de la foi des Numides, hési leur patrie, à condition qu’ils ne fe
tait à l’accorder. Alors Naravase remet raient plus la guerre contre Car
à un des hommes de sa suite son cheval thage; mais que ceux qu’on prendrait
et sa lance, et, plein d’une audacieuse dans la suite les armes à la main
confiance, il entre seul et sans armes devaient s’attendre aux plus‘ cruels
au milieu des retranchements ennemis. supplices.
Les Carthaginois, frappés à la fois Las CAnrHAGmoIs rEnnnN'r LA
d'étonnement et d’admiration pour une SAnnAIeNE. — Vers le même temps
CARTHAGE. 78
les mercenaires qui étaient préposés qu’en leur rendant la liberté il a en
à la garde de la ardaigne, entraînés seulement pour but d'attirer à lui par
par l'exemple de Mathos et de Spen cet appât trompeur ceux qui avaient
dius, se révoltèrent contre les Cartha encore les armes à la main, et d'exer—
ginois. Ils enfermèrent dans la cita cer sur eux tous une vengeance écla
delle Bostar leur commandant, et le tante dès qu'il les aurait en son pou
firent périr avec tous les carthaginois voir. Il ajoute encore qu’ils devaient
qui étaient avec lui. Bannon y fut en bien se garder de relâcher Giscon , s'ils
voyé avec de nouvelles troupes ur ne voulaient devenir l'objet du mépris
étouffer la sédition; mais ses s0 dats et de la risée des Cartha inois; que la
ayant passé du côté des rebelles, ceux ruine totale de leurs af aires suivrait
ci le prirent vivant, l'attachèrent à une infailliblement l'évasion de ce grand
croix, et massacrèrent tous les Car énéral, qui deviendrait sans aucun
thaginois qui se trouvaient dans l'île, oute leur ennemi le plus redoutable et
apres leur avoir fait souffrir les plus le plus acharné.
cruels supplices. Ensuite, ils attaquè Spendius parlait encore lorsqu'un
rent toutes les places l’une après l'au autre messager, qui se disait envoyé
tre, et se rendirent en peu de temps de l'armée de Tums , apporta dans l'as
maîtres de tout le pays. Mais bientôt semblée une lettre conçue dans les
la division s'étant mise entre eux et les mêmes termes que la première. A la
habitants de l'île, les mercenaires en lecture de cette lettre, Autarite s'écria
furent entièrement chassés et se réfu que leur cause était perdue s'ils se lais
ièrent en Italie. C'est ainsi que les saient prendre aux piéges que leur
artbaginois perdirent la Sardaigne, tendaient leurs ennemis. « Jamais , dit
lle d'une'grande importance par son il, je ne regarderai comme un compa
étendue, par sa fertilité et par le nom non fidèle celui ui aurait la faiblesse
bre de ses habitants. 'attendre son sa ut de leur humanité.‘
CBUAUTÉS DEs MEncENAmEs; sup N'écoutez, ne croyez, ne suivezv que
PLICE DE GISCON ET DE sEs COMPA ceux qui montrent pour les Carthagi
GNONS. — Cependant Mathos, Spendius nois la haine la plus franche et la plus
et Autarite, craignant que l'humanité déclarée. Ceux qui professent d'autres
d'Amilcar envers les prisonniers n'en sentiments , regardez-les comme des
courageât leurs soldats à la défection, ennemis et des traîtres. Pour moi_.,
résolurent de les rendre complices d'un mon avis est qu’il n'y a point de sup
nouvel attentat qui pût exaspérer la plice assez cruel pour Giscon et pour
fureur des carthaginois et_ rendre im ceux qui ont été pris avec lui; qu'il
possible toute réconciliation avec eux. faut les mettre à mort sur-le-champ;
Pour effectuer ce projet, ils réunirent et que désormais on ne doit plus faire
toute l'armée, et introduisirent dans aucune grâce aux prisonniers qui tomn
l'assemblée un courrier chargé d'une beront dans nos mains. un Autarite avait
lettre supposée de la part des révoltés une grande influence dans les assem
de Sardaigne. Cette lettre portait qu'il blées, parce que, ayant appris par un
fallait garder avec la plus grande vigi long usage à parler la langue punique,
lance Giscon et ceux de ses compagnons la plupart de ces étrangers compre
qui avaient été pris avec lui à Tunis; naient ses discours. Sa harangue obtint
qu'il se tramait secrètement dans l'ar les applaudissements et l'assentiment
mée un complot pour les faire évader. de la multitude.
Spendius, profitant de l'impression Cependant plusieurs soldats de tou
produite par cette fausse nouvelle, en tes les nations , mus par un sentiment
gage d'abord ses soldats à ne pas se de reconnaissance pour les bienfaits
aisser séduire par la feinte douceur qu'ils avaient reçus de Giscon, de—
d'Amilcar. .Il leur représente que ce mandèrent que, si sa mort était réso
n'est point par humanité que ce général lue, on lui épargnâtdu moins les tortu
a épargné la vie de ses prisonniers; res. Comme ils parlaient tous ensemble,
74
et chacun dans leur langue, on ne les L'unique moyen d'en finir était d'ex
entendit pas d'abord. Mais sitôt que terminer complétement ces barbares.
l'on eut compris qu'ils demandaient un Aussi dès ce moment ne leur fit-il
adoucissement de peine pour Giscon , plus de quartier. Les prisonniers qui
et que quelqu'un des assistants eut tombaient entre ses mains étaient ou
prononcé le mot frappe! ces malheu livrés aux bêtes , ou passés au fil de
reux furent en un instant assommés l'épée.
à coups de pierres. Spendius alors fait Déjà les carthaginois concevaient
conduire hors des retranchements Gis sur leur position de meilleures espé
con et les autres prisonniers carthagi rances, lorsque plusieurs événements
nois , au nombre de sept cents Un en inattendus vinrent changer subitement
face du camp, ces barbares leur cou la face des affaires. A peine les deux
pent d'abord les mains en commen généraux furent-ils réunis que la di
çant par Giscon , cet homme que na vision éclata parmi eux. Cette mésin
guère de proclamaient comme leur telligence non-seulement leur fit perdre
ienfaiteur, et qu'ils avaient préféré plusieurs occasions de battre l'ennemi,
à tous les Cartliaginois pour être l'ar mais encore les exposa souvent à des
bitre de leurs différends.A près les avoir surprises dont leurs adversaires au
ainsi mutilés, ils leur brisent les bras raient pu tirer un grand avantage.
et les jambes et les jettent encore vi Dans cette conjoncture, le sénat de
vants dans une fosse. Carthage décida qu'un seul général
A cette nouvelle, les carthaginois, serait chargé de la direction de la
énétrés de douleur et voulant donner guerre , et que l'armée choisirait elle‘
a Giscon et à ses compagnons une même celui des deux qu'elle 'ugerait
honorable sépulture, envoyèrent des digne de la comjnander. Ami car fut
députés aux mercenaires pour rede élu d'une voix unanime.
mander le corps de leurs malheureux En même temps, une nombreuse
concitoyens. Mais ces barbares , ajou flotte , qui leur arrivait de la Byzacène,
tant l'impiété à leur crime, refusèrent chargée de vivres et de munitions pour
de les rendre, et déclarèrent que si l'armée, périt tout entière submergée
désormais on leur adressait encore des par une horrible tempête. C'était pres
députés ou des hérauts, ils seraient que leur unique ressource depuis que
traités comme l'avait été Giscon. Sur la Sardaigne, dont ils tiraient de
le-champ il fut décrété. d'un consen grands secours, s'était soustraite à
tement unanime, que tout Carthagi leur domination.
nois qu'on prendrait dans _la suite Mais ce qui mit le comble à leur
perdrait la vie dans les supplices; que malheur, ce fut la défection d'Utiqne
tout allié des carthaginois leur serait et d'Hippone. Ces deux villes, qui
renvoyé, les mains cou ées; et cette seules entre toutes celles de l'Afrique
loi fut toujours observ depuis dans avaient résisté aux armes d'Agathocle
toute sa rigueur. et de Régulus, qui, dans la guerre
DIvIsIoNs DANS L'AEMËE CABTHA présente, avaient re oussé avec une
GINOISE ; PERTE D'UN coNvoI CONSI généreuse constance es attaques des
DÉIIABLE DE vIvnEsET DE MUNITIoNs; mercenaires‘. qui , en un mot, avaient
DErEcTIoN D'UTIQUE ET D'HIrPoNE. témoigné dans tous les temps un at
-— Amilcar, jugeant par la résolution tachement inviolable à Carthage , tout
désespérée des mercenaires combien à coup, sans le moindre prétexte,
la guerre serait difficile et opiniâtre, embrassèrent la cause de ses ennemis.
réunit à son armée les forces que com Et ce ui est presque inexplicable, c'est
mandait, sur un autre oint, un gé que, ès ce moment, elles se montrè
néral carthaginois appe é Hannon. Il rent aussi fidèles et aussi dévouées
pensait que toutes ces troupes, réunies à leurs nouveaux alliés qu’animées
en un seul corps, obtiendraient des d'une haine implacable contre leurs
succès plus prompts et plus décisifs. anciens amis. Les habitants de ces deux
CARTIIAGE. 75
cités massacrèrent et précipitèrent du avaient arrêté et conduit dans leurs
haut de leurs murailles environ cinq ports des vaisseaux marchands qui ap
cents hommes ne Carthage avait en portaientd'ltalie des vivres aux rebelles'
voyés pour les éfendre. Ils ouvrirent d’Afrique. Ils avaient jeté en prison
leurs portes aux Africains, et refusè ceux qui les montaient, et leur nom
rent même aux carthaginois, malgré bre s'élevait déjà à cinq cents lorsque
leurs instances, la faveur d’ensevelir les Romains commencèrent à mani
les corps de leurs concitoyens. fester leur mécontentement. Mais à
SIÈGE DE CAETIIAGE un as MEE la première réclamation, ceux-ci ob
cENAInEs; LEs CARTHAGINOIS IM tinrent la liberté de leurs concitoyens,
PLORENT LE SECOURS DE LEUns AL et, our ne pas se laisser vaincre en
LIÉS. — Ces circonstances favorables générosité, ils rendirent sur-le-champ
à leur cause accrurent tellement la a Carthage tout ce qui leur restait des
confiance de Mathos et de Spendius, prisonniers qu'ils avaient faits dans la
u'ils osèrent mettre le siége devant guerre de Sicile. A artir de cette
‘arthage elle-même. Amilcar alors epoque, ils s’empress rent de préve—
prend avec lui Naravase et Annibal, nir toutes les demandes des carthagi
qui avait été choisi pour remplacer nois. Ils permirent aux vaisseaux d'Ita
Hannon. Il divise ses forces en plu lie d'approvisionner Carthage de vivres
sieurs corps, ravage le pays, harcèle et de munitions, et leur défendirent
Mathos et Spendius par des escarmou d'en fournir aux rebelles. lls résisté
ches continuelles, et intercepté les vi rent aux sollicitations des mercenai
vres et les convois qu'on envoyait à leur res de Sardaigne, qui les. pressaient
armée. Dans cette occasion, comme de s'em arer de cette île, et poussè
dans beaucoup d'autres, le Numide rent m me la religieuse observance
Naravase lui rendit les phIs utiles ser des traités jusqu'à refuser de recevoir
vices. pour sujets les habitants d'Utique, qui
Cependant les Carthaginois, blo se soumettaient volontairement à leur‘
qués de toutes parts, se trouvèrent domination. Carthage trouva ainsi,
contraints d'implorer le secours de dans les secours fournis par ses al
leurs alliés. IIiéron, qui suivait d'un liés, des ressources pour soutenir le
œil attentif tous les événements de siege.
cette guerre, leur avait accordé jus LEs MEncENAInEs, coNTnAINTs DE
qu'alors avec bienveillance tout ce qu'ils LEvEn LE SIÈGE DE CAnTHAoE, SR
avaient demandé. Dans cette occasion EEMETTENT EN CAMPAGNE; 237 ANs
critique, il redoubla d’em ressement AVANT L'EEE CEEETIENNE. — Cepen.
et de zèle. Ce prince, dont a politique dant Mathos et Spendius, tout en a;
était à la fois habile et prudente, jugea siégeant Carthage, étaient eux-mêmes
bien u'il était de son intérêt d'empê assiégés. Amilcar leur coupait les vi
cher (ia ruine de Carthage. Il sentait vres, et les réduisit bientôt à une si
que, pour conserver sa domination extrême disette, qu'ils furent contrai nts
en Sicile, et maintenir son alliance de renoncer à leur entreprise.
avec les Romains, il lui importait que Peu de temps après , les deux chefs
la balance fût égale entre les deux des rebelles, ayant formé avec l'élite de
peuples rivaux, car, si l'équilibre était leurs troupes une armée de cinquante
une fois rompu, il se trouverait à mille hommes, au nombre desquels
la merci du plus fort. étaient l'Africain Zarzas et les auxiliai
Les Romains eux-mêmes, fidèles res qu'ilcommandait, reprirent leuran
observateurs du traité qu'ils avaient cienne tactique et se remirent en cam
conclu avec les Carthaginois,les avaient pagne, serrant de près Amilcar et
aidés de tout leur pouvoir, quoique observant tous ses mouvements. La
dans le commencement de la guerre crainte des éléphants et de la cavale
une querelle passagère eût altére leurs rie de Naravase les empêchait de se
relations d'amitié. Les carthaginois hasarder dans les plaines et les forçait
76
à se maintenir sur les montagnes et ces affreuses extrémités. Mais lors
dans les défilés. Dans cette cam agne, qu’ils eurent mangé tous leurs prison
les mercenaires , quoiqu’ils ne ussent niers et même leurs esclaves, aucun
inférieurs aux Carthaginois ni pour secours ne venant de Tunis, l’armée ,
l’activité ni pour le courage, éprou exaspérée par ses souffrances, éclata
vèrent souvent des échecs par l’igno en menaces contre ses chefs, Alors
rance et l’incapacité de leurs chefs. Autarite, Zarzas et Spendius résolu
AMlLCAB EXTEBMINE L’Anmân rent de capituler avec_Amilcar, et,
D’AUTAMTE ET DE SPENDIUS. — On ayant obtenu un sauf-conduit , se reua
voit par le détail des faits combien une dirent au camp des Carthaginois. Amil
tactique habile, fondée sur une pro car leur im osa ces conditions : Que
fonde connaissance du grand art de dix d'entre es rebelles, au choix des
la guerre, l’emporte sur la valeur in Carthaginiois, seraient livrés à leur
disciplinée et sur une aveugle routine. discrétion , et que les autres seraient
En etfet , lorsqu’ils s’écartaient par pe renvoyés sans armes et sans_aucun
tits détachements, Amilcar leur cou autre vêtement qu'une simple tuni ue.
pait la retraite, les enveloppait de Quand le traité fut signé, Ami car
toutes parts et les détruisait presque déclara sur-le-champ qu’en vertu des
sans com'bat. Lorsqu'ils marchaient conventions, il choisissait ceux qui
avec toutes leurs forces, Amilcar at étaient présents. C’est ainsi qu’Auta
tirait les uns dans des embûches habi rite, Spendius et les autres chefs les
lement préparées, tombait brusque plus distingués, tombèrent entre les
ment sur les autres, tantôt le jour, mains des Carthaginois.
tantôt la nuit, paraissait toujours Lorsqu’ils apprirent qu’on avait re
quand il était le moins attendu, et tenu leurs chefs, les révoltés, igno
les tenait ainsi dans des transes con rant la capitulation qui avait été con
tinuelles. Enfin, il eut l’adresse de les clue et se croyant trahis, coururent
engager dans une osition entièrement aux armes. Mais Amilcar fit avancer
désavantageuse à eurs troupes, et fa contre eux ses éléphants et son armée.
vorable de tous points aux Carthagi les enveloppa de toutes parts, et les
nois. Il se saisit de tous les passages, de extermina tous sans accorder ni grâce
tous les défilés , enveloppa le camp des ni pardon. Leur nombre dépassait
rebelles de fossés etde retranchements, quarante mille.
et les resserra de si près, que, n’osant Sm’en DE TUNIS un Amrcxn;
hasarder la chance d’un combat et ne SUPPLICE DE SPENDIUS; ANNIB’AL
pouvant échapper par la fuite, ils EST sunpms un Muuos ET ATTA
éprouvèrent en peu de jours toutes les CHÉ A UNE cnorx.— A rès cette san
horreurs de la disette. Bientôt, privés lante exécution, Ami car parcourut
de toute espèce d’aliments, pour apai e pays, accompagné de Naravase et
ser la faim qui les tourmentait, ils d’Annibal. Presque toutes les villes
furent contraints de se dévorer entre d’Afrique , découragées par ce dernier
eux. Juste punition, dit Polybe, de échec, lui ouvrirent volontairement
leur impiété et de leur barbarie. leurs portes, et rentrèrent sous l’o
Cependant ils ne faisaient aucune béissance des Carthaginois. Sans per
roposition de paix. La conscience de dre de temps, il marche contre Tunis,
eurs crimes passés , et la certitude des où commandait Mathos, et qui, de
supplices qui les attendaient s’ils tom puis le commencement de la guerre.
baient au pouvoir de l’ennemi, ,leur servait aux révoltés de refuge et de
en ôtaient même la pensée. Pleins place d'armes. Il fait camper Annibal
d’une aveugle confiance dans les pro en avant de la ville, du côté qui re
messes de leurs généraux, et bercés garde Carthage; lui-même établit son
par l’espoir que l’armée de Tunis arri camp sur le (point 0 posé. Ensuite,
verait pour les délivrer, ils supporr ayant fait con uire pr s des murailles
taient avec une incroyable constance Spendius etles autres chefs des rebelles
CARTE AGE. 77
qui avaient été pris avec lui, il les fit teurs, et les charge expressément d'em
attacher à des croix , à la vue de toute ployer tous les moyens possibles pour
la ville. Cependant Mathos s’aperçut réconcilier les deux généraux. Ces dé
qu'Annibal, ar l'excès de confiance putes leur représentent la situation
que donnent es succès, était devenu déplorable de la république, les con
moins attentif, et se gardait avec né jurent au nom des malheurs de la pa
gligence. Il fait une vigoureuse sortie, trie d'oublier leurs querelles passées,
attaque les retranchements des enne et de sacrilier leurs ressentiments au
mis , en tue un grand nombre, chasse bien de l‘État. Amilcar et Hannon, ne
les autres de leur camp , s'empare de pouvant résister à leurs longues et
tous les bagages et fait prisonnier An vives instances, abjurèrent avec une
nibal lui-même. Aussitôt on conduit noble générosité leur haine récipro
ce malheureux général au pied de la que, se lréconcilièrent de bonne foi,
croix de SpendIus. Là, les rebelles, et, dès ce moment, dirigèrent les 0 è.
après lui avoir fait souffrir les plus rations de la guerre avec un ensem le
cruels tourments, détachent le cada et un accord qui en assurèrent le suc
vre de leur chef, clouent à sa place cès. Ils en yagèrent Mathos dans une
Annibal encore vivant, et immolent multitude e etits combats, où il eut
sur le corps de Spendius trente des toujours le ésavantage. Ce chef de
plus illustres carthaginois rebelles , voyant que ce genre de guerre
La distance qui séparait les deux consumait inutilement ses forces, ré
camps était si considérable que Barca solut d'en venir à une bataille géné
n'apprit que fort tard la sortie de rale que les carthaginois, de leur côté.
Mathos et le danger que courait An ne desiraient pas avec moins d'ar
nibal. Même lorsqu'il en fut instruit, deur.
la difficulté des chemins l’empêcha de Les deux partis se préparèrent
se porter au secours de son collègue. comme ur une action qui devait à
Alors il leva le siège, et, côtoyant jamais écider de leur sort. Ils ré
le Baccara, il alla camper sur le bord unirent tous leurs alliés, et rappelé
de la mer, à l'embouchure de ce rent a leur armée les soldats de toutes
fleuve. Cet échec inattendu répandit les garnisons. Enfin , lorsque tout fut
de nouveau l'alarme et la consterna rét de part et d'autre, au jour et à
tion dans Carthage. A peine commen- , ‘heure convenus, les deux armées
çait-elle à se relever de ses malheurs descendirent dans l'arène. La victoire
passés et à entrevoir un avenir plus se déclara en faveur des carthaginois.
eureux , qu'elle voyait s'évanouir en; La plupart des Africains restèrent sur
core toutes ses espérances , tant le le champ de bataille, le reste se sauva
cours de cette guerre offrit une alter dans une ville qui se rendit quelque
native continuelle de succès et de re temps après. Mathos tomba vivant au
vers, de confiance et de désespoir. pouvoir des vainqueurs. Le résultat
REcoNcILIATIoN D'AMILCAR ET de cette victoire fut la soumission
D'HANNoN; ILs TERMINENT ENFIN LA complète de toutes les villes de l'A
GUERRE PAR LA DÉEAITE DE MATIIos frique. Hippone et Utique seules per
ET LA soUMIssIoN DES VILLES RE sistèrent dans leur rébellion. Les for
BELLES. — Cependant le sénat de Car faits dont elles s'étaient souillées dans
thage résolut de tenter un dernier le commencement de leur révolte leur
effort pour empêcher la ruine de la 'interdisaient tout espoir de miséri
républi ue. Il rassemble tout ce qui corde et de pardon. Mais Amilcar et
restait e citoyens capables de porter Hannon mirent le siège devant ces
les armes, et les renvoie à Amilcar deux villes, et les forcerent bientôt à
sous les ordres d'Hannon, le même subir les lois que Carthage voulut leur
‘u'i, quelque temps auparavant, avait imposer.
te dépouillé du commandement. Il y Ainsi finit, après trois ans et quatre
joint une députation de trente séna mois, la guerre des mercenaires qui
78 L'UNIVERS.
avait jeté Carthage dans de si grands L'histoire ne nous a pas transmis la
périls et dont chaque période avait été date précise de l'entrée des Carthagi
signalée par des actes d’impiété et de nois en Espagne. On sait seulement
barbarie sans exemple. On punit, dans qu’ils y étaient venus au secours de
les villes d'Afrique , les principaux Cadix , ville , ainsi que Carthage , d'o
chefs de la révolte. L'armée victorieuse rigine tyrienne , dont les rapides
rentra en triom he dans Carthage, accroissements avaient excité la ja
traînant enchaîn s l‘lathos et ses com lousie des euples voisins. Cette pre
pagnons, auxquels on fit expier, par mière expé ition eut un heureux ré
une mort cruelle et ignominieuse, sultat. Les Carthaginois délivrèrent
une vie souillée par tant de crimes et Cadix de ses ennemis et s'emparèrent
de si noires perfidies. d'une partie de la province, sans que
ABANDON DE LA SAnDAIcNE 1>An l’on connaisse exactement la limite où
LES CAnTuAeINoIs; 237 ANs AVANT s'arrétèrent leurs conquêtes. Pendant
J. C. '— A peine les Carthaginois neuf ans qu'Amilcar commanda les
commençaient-ils à respirer , qu'ils armées en Espagne, il soumit à la
‘ furent menacés d'une nouvelle guerre. domination carthaginoise un grand
Les mercenaires de Sardaigne, qui, nombre de peuples , les uns subjugués
comme nous l'avons dit, avaient par la force, les autres vaincus par la
d'abord fait d'inutiles instances au persuasion, et il trouva enfin sur le
près des Romains pour les engager champ de bataille. une mort honorable
a passer dans cette de et à s'en rendre et digne de toute sa vie. Ce fut dans
maîtres, les déterminèrent enfin à un combat sanglant et acharné contre
prendre ce parti. Les Carthaginois un ennemi puissant et belliqueux,
s’offensèrent de ce manque de foi, u’entraîné par son audace au plus
prétendant, non sans raison, que la ort de la mêlée , il succomba glorieu
domination de la Sardaigne leur ap sement les armes à la main.
partenait à bien plus juste_tltre qu'aux AsnnUBAI. SUCCÈDE A AMILCAB
Romains. Déjà ils equlpaient une soN BEAU-PÈRE DANS LE COMMAN
flotte pour passer dans cette île et DEMENT DES ARMÉES EN ESPAGNE;
punir les auteurs de la révolte. Les 227 AVANT L‘ÈnE VULGAIBE. — Les
Romains saisissent cette occasion et Carthaginois élurent à la place d'A
décrètent sur-le-champ la guerre con milcar, Asdrubal son gendre. Celui
tre Carthage, sous le frivole prétexte ci, plus politique que guerrier, s'at
que ses préparatifs sont dirigés contre tachant les petits princes de la contrée
eux et non contre les peuples de Sar par les liens d’une hospitalité géné
daigne. Les Carthaginois , affaiblis reuse, et par l'affection des chefs se
par la dernière guerre qui avait tant conciliant celle des peuples, eut l'art
épuisé leurs ressources , et hors d'état, d'accroître ainsi la puissance de Car
en ce moment, de résister à la puis thage , non moins que s'il eût employé
sance du peuple romain , cédèrent à la la uerre et les armes. Les Romains
force des circonstances. Non-seule re outant son caractère insinuant , et
ment ils abandonnèrent la Sardaigne , cet art merveilleux qu’il mettait à
mais encore, pour prévenir une lutte gagner les peuples, pour les réunir
inégale, ils consentirent à ajouter sous sa domination, avaient réglé
douze cents talents au tribut imposé avec lui, par un traité, que l’Ebre
par le dernier traité. serait la limite des deux empires , et
EXPÉDITIONS DEs CAnTuAGINoIs que Sagonte , qui se trouvait enclavée
EN ESPAGNE. — Lorsque les Cartha au milieu, conserverait son indépen
ginois eurent terminé la guerre d'A dance. Mais le plus éminent service
frique et réglé leurs différends avec les u’Asdrubal rendit à sa patrie, fut la
Romains , llS envo èrent en Espagne ondation de Carthagène. Cette ville,
une armée sous e commandement par l'avantage de sa situation, la
d’Amilcar (237 ans avant J. C. ). commodité de ses ports, les richesses
CARTHAGE
.f l‘li l'
CARTHAG E. 79
de son commerce, la force de ses béissance aux magistrats, afin de
rem arts, devint le plus solide appui s’accoutumer à courber la tête .sous
de a domination carthaginoise en le joug de l'égalité. Ses remontrances
Espagne. Après avoir gouverné cette furent vaines; la faction Barcine l'em
province pendant huit ans , Asdrubal porta, et Annibal partit pour PES
ut assassiné en pleine paix et dans sa pagne. .
ropre maison, par un esclave gau Dès qu'il parut à l'armée , il attira
ois qui voulait venger la mort de son sur lui tous les regards. Les vieux
maître. soldats s'imaginaient revoir leur Amil
ANNIEAL EsT ENVOYÉ EN ESPAGNE car, rendu a sa première jeunesse.
APnÈs LA MORT D’AsDEUEAL; cA C'était le même feu dans les yeux , le
BACTÈRE DE cE GÉNÉRAL, 220 ANs même caractère de vigueur empreint
AVANT J. C. —-— Trois ans avant sa sur toute sa figure : c'était tout son
mort, Asdrubal avait écrit à Carthage air et tous ses traits. Ils ne se lass‘aient
pour u'on lui envoyât Annibal qui oint de le contempler. Mais bientôt,
était aors dans sa vin t-troisième e souvenir du ère fut le moindre des
année. Cette demande ut mise en titres du fils a l'affection publi ue.
délibération dans le sénat que divi Jamais homme ne réunit au tu me
saient alors deux factions contraires. degré deux qualités entièrement oppo
La faction Barcine qui voulait qu’An sées , la subordination et le talent de
nibal commençat à se montrer aux commander; aussi n'eutsil pas été
armées , afin de pouvoir succéder à la facile de décider qui le chérissait le
puissance de son père, appuyait avec plus ou du général ou de l'armée.
chaleur la proposition d'Asdrubal. La C'était l'officier qu’Asdrubal choisis
faction contraire dont le chef était sait de préférence our les expéditions
Hannon , préférant aux chances d'une qui demandaient e l'activité et de la
guerre incertaine et dan creuse. une vi ueur. C'était le chef sous qui le
paix sûre qui conservât à a république se dat se sentait le plus de confiance
toutes les conquêtes d'Espagne, sa et d’intrépidité. Autant il avait d'au
larmait de ce nouvel accroissement de dace pour aller affronter le péril,
puissance dans la famille Barca, et autant il avait de sang-froid dans le
redoutait le caractère belliqueux et péril même. Nulle épreuve ne pouvait
entreprenant du jeune Annibal. Han dompter ni les forces de son corps,
non rappela aux sénateurs la puissance ni la fermeté de son courage. Il sup
excessive et la domination absolue ortait également le froid et la cha-_
d'Amilcar. Il leur représenta combien eur, la soif et la faim, les fatigues
il était imprudent de faire du com et l'insomnie. Il ne cherchait pas à se
mandement de leurs armées le patri distinguer des autres par l'éclat de ses
moine d'une seule famille. Il ajouta vêtements, mais par la bonté de ses
qu'il serait plus utile pour l'État et chevaux, de ses armes : il était sans
our Annibal lui-même que ce jeune contredit le meilleur cavalier et le
omme restât à Carthage afin d'y meilleur fantassin de toute l'armée.
apprendre l'obéissance aux lois, l'o
0.0...EOOIIIO‘MIO'OMMOOMMOC“MO‘OCMMÔMOMOOOCM‘MMMO‘O‘M
GARTI-IAGE.
DEUXIÈME PARTIE.
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i>LAN DE CARTHAGE -ET DE LA PENIN SULE
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l'envie «I'Ewculapo .
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ligue de J've'pt'ond
' I. Àmpluäcâlh .
CARTHAGE. 111
attaqué à l'improviste par Himilcon, vaient du lac de Tunis, où se trouvait
surnommé Phamæas, général de la la flotte romaine. Déjà les équipages
cavalerie carthaginoise. Le consul per étaient soumis aux mali nes influences
dit cinq cents hommes dans cette ren de la saison, lorsque ensorinus or
contre. donna aux commandants des vaisseaux
Les Romains s'approchèrent alors de quitter le lac pour entrer dans la
des murs de la ville et tentèrent un mer. Les carthaginois profitèrent de
nouvel assaut, mais cette fois encore cette circonstr Ice; ils observèrent le
ils furent re oussés par les carthagi vent et lancèrent un jour des brtllots
nois. Cet éc ec fit croire à Manilius contre les vaisseaux ro‘mains. La flamme
que du côté où il avait établi son camp se communiqua à plusieurs galères, et
Carthage était inexpugnable, et il ne peu s'en fallut alors que toute la flotte
renouvela point ses attaques. Censo ne fût incendiée‘. Peu de temps après
rinus ne perdait point eoura e, et il ce dernier événement, Censorinus fut
conservait toujours l'espoir 'empor rappelé à Rome pour assister aux co
ter la ville en donnant 'assaut par la mIces où l'on devait élire les nouveaux
Tænia. Pour rendre plus faciles ses consuls.
manœuvres, ilélargit, en comblant une APRÈS LE DÉPART DE CENsonI
partie du lac, l'étroit espace Où cam NUs LEs CAETIIAOINOIS EEDOUELENT
paient ses soldats; puis il fit construire D'ACTIVITÉ; IMPEUDENCE DU CON
deux énormes béliers pour battre la sUL MANILIUs; L'AIIMEE EOMAINE
partie faible des murailles. Mises en EsT SAUVÉÉ PLUsIEUns FOIS PAE LE
mouvement par d'innombrables mains, JEUNE ScIPION; EXPÉDITION DE MA
les deux machines ouvrirent bientôt NILIUs CONTRE LE CAMP DE NÉPHÉ
une large brèche. Les carthaginois ne ms; 149 AVANT NOTRE EEE.-—Quand
restaient point inactifs et ils relevaient les carthaginois eurent appris le dé
pendant la nuit la partie des murailles part de Censorinus, leur audace s’ac
qui s'était éèroulée. Mais ils ne tarde crut, et ils conçurent le hardi pro'et
rent point à voir que le travail des d'attaquer Manilius dans ses retranc e
nuits était insuffisant pour réparer ments. Ils sortirent de nuit, et ils se
toutes les brèches que les machines fai préci itè'rent sur le camp romain. En
saient pendant le jour; alors ils s'é peu e temps le désordre fut au comble
lancèrent hors des remparts avec des dans l'armée de Manilius. Déjà les
torches, et ils incendierent les deux carthaginois avaient arraché une par
béliers. Les Romains, à leur tour, es tie des palissades, lorsque Scipion les
sayèrent de pénétrer dans la ville par repoussa avec une trou e de cavaliers ,
les brèches qui n'avaient oint été ré et les força à rentrer ans la ville. Au
arées. Ils apercevaient e loin, Iar milieu du tumulte, le jeune tribun
'ouverture des murailles, les CartIa s'était élancé hors du camp; il avait
ginois rangés en bataille, et cette vue tourné l'armée ennemie , et l'avait at
es irritait; ils se précipitèrent sur l'en taquée par derrière. Effrayés alors par
nemi qui les attendait de pied ferme, l'arrivée imprévue d'une troupe de ca
et une lutte terrible s'engagea. Enfin valiers, les carthaginois avaient pris
les Romains furent repoussés avec la fuite, et s'étaient retirés derrière
perte, et ils couraient déjà le danger leurs murailles. C'était la seconde fois
d'être massacrés jusqu'au dernier, lors que Scipion sauvait une armée ro
que le jeune Scipion , qui servait dans marne.
l armée en qualité de tribun, s'avança Depuis cette vive alerte, le consul
avec des troupes de réserve, et assura Manilius se montra vigilant et se tint
par ses prudentes dispositions le salut sur ses gardes. Puis, au lieu d'une
et la retraite des soldats qui fuyaient. palissade, il construisit un mur autour
On était en plein été, et la canicule de son camp. Malgré ces précautions ,
faisait ressentir toutes ses ardeurs. l'armée romaine courait encore de
Des exbalaisons pestilentielles s'éle grands dangers. Les vivres lui man
112
quaient. Les convois que l'on envoyait , de l’ennemi, c'était montrer plus de
par mer, à Manilius, étaient souvent lâcheté que de prudence. « Au moins,
interceptés par les Carthaginois. Pour ajouta Scipion , restons de ce côté du
protéger les débarquements, le consul fleuve , et attendonsqu'A sdrubal vienne
avait fait élever un fort sur la côte; nous présenter la bataille.» Les tri
mais, depuis longtemps, les provisions buns repoussèrent encore cet avis. « Si
qu'il recevait ne pouvaient lui suffire. nous devons ici, dit l'un d'eux, obéir
Il réunit alors dix mille fantassins et à Scipion , et non point au consul, je
deux mille cavaliers, et il leur ordonna suis prêt à jeter mon épée. n Apres
de se répandre dans les campagnes cette vive altercation , Manilius passa
pour enlever les blés et le fourrage. le fleuve. Il y eut bientôt entre les Car
Ce corps d'armée eut bientôt à redou thaginois et es Romains une sanglante
ter les attaques de Phamæas. Le géné« mêlée; mais il est vraisemblable que
ml de la cavalerie carthaginoise se l'avantage ne resta point aux Romains ,
cachait dans les vallées, et, lorsqu'il car, immédiatement après la bataille ,
voyait les fourrageurs romains épars ils se disposèrent à la retraite. Parmi
çà et là dans la campagne, il se préci eux, dit Appien, il y en avait déjà un
itait sur eux , et les massacrait. Parmi randnombre uiserepentaientd’avoir
es tribuns qui commaudaient à tour onné à Mani ius le conseil d'entre
de rôle les soldats qui sortaient du prendre cette périlleuse expédition.
camp, Scipion était le seul que Pha Au moment où l’armée , en se retirant,
mæas n’osât point attaquer. En effet, arriva aux bords du fleuve , l'embarras
le jeune tribun maintenait ses soldats fut extrême, car on ne trouvait qu'un
dans une discipline sévère; il ne leur petit nombre de bateaux pour trans
permettait point de s'écarter des rangs; porter les soldats d'une rive à l'autre.
et, lorsqu'il envoyait une troupe our Les Romains, craignant alors d'être
couper l'herbe et enlever le blé, i fai attaqués pendant les lenteurs du pas
sait garder les fourrageurs par de forts sage, rompirent leurs rangs, et bien
détachements de cavaliers et de fan tôt, parmi eux, le désordre fut à son
tassins. Scipion ne tarda point à rendre comble. Asdrubal épiait tous leurs
de nouveaux servicesà l'armée;d’abord mouvements. Quand il crut l'instant
il repoussa les Carthaginois qui avaient favorable . il se précipita sur eux et en
essayé d'enlever le fort que le consul fit un grand massacre. Trois tribuns
avait bâti au bord de la mer; ensuite des légions restèrent au nombre des
il sauva Manilius et les soldats romains morts ; c'étaient les mêmes qui naguère
qui s'étaient imprudemment engagés avaient conseillé à Manilius de persis
ans une ex édition contre Asdrubal. ter dans son dessein, et de livrer ba
Le généra carthaginois avait établi taille aux Carthaginois. L'armée ro
son camp à Néphéris. C'était de là maine courait grand risque d'être
u'il envoyait Phamæas pour harceler exterminée tout entière , lorsque Sci
es soldats romains. Le consul. mal pion , prenant avec lui un corps de ca
re' les avis de Scipion, prit un jour valerie, arréta l'ennemi par ses habiles
a résolution d’attaquer Asdrubal dans manœuvres. Il attira sur lui tout l'ef
ses retranchements. Il se mit en mar fort des Carthaginois , et donna le
che et il se dirigea, à travers un pays temps aux Romains de passer sur l'au
qui lui était inconnu , vers l'armée tre rive. Le consul et son armée se
ennemie. Les Romains n'étaient plus trouvant ainsi hors du péril ., Sci ion ,
séparés du camp d’Asdrubal que par avec ses cavaliers, se jeta dans le cave,
un espace de trois stades lorsqu'ils au milieu d'une grêle de traits , et il
rencontrèrent un fleuve. En cet ins parvint, non sans peine, à rejoindre
tant,'Sci ion conseilla à Manilius de ceux qu'il avait sauvés.
rétrogra er. Alors quelques- uns des Au moment où Asdrubal avait com
tribuns, qui étaient jaloux de la gloire mencé le combat , uatre cohortes ro
de Scipion , s'écrièrent que fuir à la vue maines avaient été séparées du gros
CARTHAGE. 118
de l'armée. Pour être en mesure de se de Carthage. Elle livra alors un nou
défendre, elles s'étaient retranchées veau combat dans lequel elle perdit
sur une éminence. Là elles ne tar encore plusieurs soldats.
dèrent point à être assiégées par toute MORT DE MAssINIssA; GULUssA
l'armée carthaginoise. Les Romains ne VIENT Au sECOuRs DEs RoMAiNs;
s'aperçurent qu'après le passage du MANILIUSENTREPREND UNE SECONDE
fleuve, de l'absence de ces uatre EXPÉDITION CONTRE LE CAMP DE
cohortes. Le consul et ses soldats urent Nérnéais; PHAMÆAS TRAiIiT LEs
alors en proie à de vives inquiétudes. CAnTHAGINoIs ET PAssE DANS LE
Ils ne savaient à quoi se résoudre: CAMP DES RoMAiNs; SCIPION En
les uns voulaient marcher encore une PHAMÆAS VONT A ROME; 149 ET 148
fois à l'ennemi pour délivrer leurs AVANT NOTRE ÈRE. — Sur ces entre
compagnons assiégés; les autres. au faites, on vit arriver en Afrique des
contraire , prétendaientqu'en essayant commissaires envoyés par le SéÎlat ro
d'arracher a la mort un petit nombre main; ils devaient, à leur retour, faire
d'hommes, on risquait de compro un rapport fidèle sur l'état de l'armée
mettre le salut de l'armée tout entière. et sur les événements qui s'étaient
Déjà ce dernier avis semblait préva accomplis. Les commissaires examine
loir, lorsque Scipion dit au consul: rent tout avec soin dans le camp de
« Nos soldats courent le plus grand Manilius. Là, ils remarquèrent le sen
danger, et nous ne devons point les timent d'admiration qu'inspirait non
laisser périr. C'est maintenant qu'il point seulement aux soldats , mais en
faut avoir recours à l'audace. Si vous core aux tribuns et au consul , la con
voulez me confier une partie de votre duite de Scipion. Ils revinrent à Rome,
cavalerie, j'essayerai de les délivrer, où ils firent part au sénat de toutes
ou je mourrai avec eux. » Quand Sci leurs observations. Il est vraisemblable
pion se mit en marche avec la troupe qu'après ce rapport, les Romains con
qu'il avait choisie, l'armée le suivit äurent des craintes sérieuses au sujet
es yeux avec tristesse, car on crai e la guerre d’Afrique, et qu'ils dou
gnait que lui-même ne revint as. tèrent du succès de leur entreprise,
Mais, contre toute espérance, il éli car ils envoyèrent alors des ambassa
vra les cohortes assiégées, et les ra deurs à Massinissa pour lui demander
mena au camp de Manilius. Par sa des secours contre les carthaginois.
noble conduite , le jeune Scipion s'at Quand les ambassadeurs arrivèrent en
tira l'admiration des soldats. Ses Numidie, Massinissa avait cessé de
louanges étaient dans toutes les bon vivre, et ses trois fils, Gulussa, Mi
ches. On le proclamait le digne héri cipsa et Manastabal , s'étaient partagé
tier de Paul Émile son père, et des ses vastes Etats.
Scipions qui l'avaient adopté. On di Peu de temps avant sa mort, le
sait même, et c'était l’o inion com vieux roi avait mandé Scipion, et l'avait
mune dans l'armée, qu’i avait pour chargé de régler les affaires de sa suc
conseiller et ur protecteur le dieu cession. Celui-ci s'était empressé d'ao
qui jadis avait accompagné le vain courir pour rendre ce dernier service
queur d'Annibal, et lui avait dévoilé au compagnon et à l'ami de son illustre
les secrets de l'avenir. aïeul. Se conformant aux intentions de
Cependant l'armée romaine conti Massinissa mourant, Scipion avait
nuait sa retraite au milieu des plus réglé les partages au gré de tous les
grands dangers , car Phamæas la sui héritiers , et a rès s'étre acquitté avec
vait de près avec sa cavalerie, et ne sagesse des onctions délicates qu'il
cessait de la harceler. Elle croyait avait acceptées, il était revenu avec
enfin toucher au terme de ses longues Gulussa au camp de Manilius. Les Ro
fatigues, et déjà elle se préparait à mains ne tardèrent point à voir qu'ils
rentrer dans son camp, lorsqu'elle fut avaient dans le jeune roi de Numidie
attaquée inopinément par la garnison un précieux auxiliaire , car, avec au
8' Livraison. (CARTBAGIL) 8
114
cavaliers agiles et expérimentés, il pré dangers, et il redoutait déjà pour‘son
venait toutes les ruses de Phamæas, armée les attaques d'Asdrubal. Le gé
et réprimait ses audacieuses tentatives. néral et les soldats étaient en proie à
Il arriva .un jour , pendant l'hiver, la crainte et à la honte, lorsqu'un des
que Phamæas et Scipion eurent ensem cavaliers numides de Gulussa apporta
ble un entretien. Ils suivaient l'un et une lettre à Scipion. On l’ouvrit en
l'autre, avec leurs soldats, les bords présence de Manilius, et on y lui; ces
d'un torrent, et ils n'étaient séparés mots : - Je me trouverai tel jour à tel
que par le courant profond et rapide, endroit; je vous attends. Dites à vos
lorsque Scipion. qui redoutait les ruses soldats de se tenir prêts à recevoir
du général carthaginois, s'avança en celui qui se présentera à eux pendant
tête de sa troupe pour reconnaître les la nuit. » Quoique la lettre ne fût point
chemins. Phamæas , de son côté, se signée , Scipion comprit aisément
sépara de ses soldats, et courut en qu'elle lui avait été adressée par Pha
avant, accompagné d'un seul cavalier. mæas. .Au jour convenu , il se dirigea,
Scipion, persuadé que le carthaginois avec l'assentiment du consul, vers l en
ne cherchait que l'occasion de lui par droit qui lui avait été désigné. Il y
ler, prit avec .lui un de ses amis et trouva Phamæas qui l‘aborda et lui
marcha 'usqu'à un endroit d'où il pou dit : « Je suis prêt à passer dans votre
vait se aire entendre de Phamæas; il camp; c'est à vous que je me confie,
lui cria alors : « Puisque vous ne pou et je remets mon sort ‘entre vos
vez sauver Carthage, pourquoi ne mains. n A rès un court entretien, le
point se et à votre propre sûreté? général cart aginois rejoignit les siens.
— Et que ois-je espérer des Romains, Le lendemain , Phamæas mit sa ca
dit Phamæas, moi, qui leur ai fait valerie en bataille, puis il ordonna aux
tant de mal? -—- Vous pouvez tout es ofllciers de sortir des rangs. Quand ils
pérer, répondit Scipion, et dès au furent rassemblés, il leur parla en ces
jourd'hul je m'engage, au nom de mes termes : « Si nous pouvions encore
concitoyens, à vous accorder la vie sauver Carthage, vous me verriez ten
sauve et une récompense. -— Je me fie ter avec vous les plus grands efforts
à vos paroles , répliqua Phamæas. pour écarter de notre malheureuse pa
Toutefois, je ne veux me décider trie le danger qui la menace. Mais au
qu'après mûre réflexion. Je vous ferai jourd‘hui que tout espoir est perdu,
connaître plus tard la détermination j'ai dû songer à me sauver moi-même.
que j'aurai prise. n A ces mots, Pha Je m'empresse d'ajouter que je ne vous
mæas et Scipion rejoignirent leurs sol ai point oubliés. Les Romains se sont
dats. . engagés à vous accueillir, vous comme
Cependant le consul Manilius voulait moi, si toutefois vous consentez à
effacer, par un éclatant succès, la suivre mon exemple. Réfléchissez à
honte de sa première expédition contre mes paroles, et voyez ce qu’il vous
Néphéris. Il lit donc ses préparatifs, reste a faire. » En achevant ces mots,
et après avoir ordonné aux soldats de il se dirigea vers les Romains, suivi de
se pourvoir de vivres pour quinze deux mille cavaliers. Alors Hannon,
jours, il se mit en marche et se dirigea rassemblant les débris de. la troupe de
vers le camp d’Asdrubal. Cette fois, Phamæas, ramena au camp d’Asdrubal
Manilius se montra plus circonspect les soldats qui ne s'étaient point laissé
ue dans sa première expédition, mais séduire par de honteuses promesses,
i ne fut pas plus heureux. Quand il se et qui, au jour du danger, n'avaient
trouva en vue des carthaginois, il ne point désespéré du salut de Carthage.
tarda pas à comprendre ne son entre Quand l’armée romaine vit arriver Sci
prise devait échouer, et ientôt il son pion accompagné de Phamæas et des
gea a la retraite. Mais le consul, mal autres transfuges, elle s'avança à sa
gré ses précautions, ne pouvait rétro rencontre et l'accueillit comme un
grader sans courir les plus grands triomphateur. La joie du consul était
CARTHAGE. 115
extrême, car il sentait qu'il pouvait la dernière extrémité de se rendre.
continuer sa retraite sans crainte d'être Calpurnius Pison se dirigea alors avec
inquiété par les carthaginois. Il se mit son armée vers Hip ne. Cette ville
donc en marche et hâta son retour. avait une forte ci elle, de bonnes
Peu de tem 5 après cette expédition murailles et un excellent port. Située
qui avait dur vingt jours, Manilius non loin de Carthage et d’Utique , elle
apprit que Calpurnius Pison avait été avait pris part à la guerre , et elle in
0 oisi pour le remplacer dans le com terceptait chaque jour les convois des
mandement de l'armée. Ce fut alors Romains. Le consul voulait se venger
que Scipion partit pour Rome‘avec avec éclat sur les habitants d’Hippone,
Phamæas. les soldats accompagnerent et il espérait en outre recueillir, après
le jeune tribun jusqu'à son vaisseau: la prise de la ville, un riche butin.
ils priaient les dieux de le ramener en Mais ses espérances furent déçues.
Afrique, car lui seul, disaient-ils, pou Les assiégés furent vainqueurs dans
vait détruire Carthage. A Rome, Sci deux sorties, et avec l'aide des Car
ion reçut les éloges du sénat. Quant à thaginois, ils incendièreut les machines
liamæas. on le combla de présents, et des Romains. Le siége d’Hippone
on lui fit entendre u’on lui donnerait dura tout l'été. Pison, désespérant
bien plus encore, sil restait fidèle aux enfin d'emporter la place. se retira à
nouveaux engagements qu'il avait con Utique, où il prit ses quartiers d'hiver.
tractés. Phamæas fit les plus grandes La fortune semblait ‘favoriser Car
promesses, et il ne tarda pas à partir thage. L'armée d’Asdrubal n'avait en
pour l'Afrique, où il rejoignit le camp core éprouvé aucune perte. Le consul
des Romains. Pison n'avait pas été plus heureux que
LE CONSUL CALPumviUs PisoN n ses prédécesseurs Manilius et Censo
L, MANCINUS VIENNENT PnENDiis rinus , et au moment même où les Ro
LE COMMANDEMENT DE L’Aiimis mains levaient le siége d'Hippone , huit
D'AvniQUE; succès DEs CAnTnAGi cents cavaliers numides abandonnaient
N015; LEs riiEiiEs DE GuLussA HÉ Gulussa pour s'enfuir dans le camp des
siTENT A ENVOYER DEs sEcouns Aux carthaginois. De plus, ceux que Rome
RoirAiivs; TnouELEs A CAnTiiAGE; comptait au nombre de ses alliés, en
148 AVANT nous En. — Au com Afrique, commençaient à manifester
mencement du printemps, on vit arri une grande irrésolution. Micipsa et
ver en Afrique le consul Calpurnius Manastabal, freres de Gulussa, n'a
Pison et L. Mancinus qui avait été vaiengéioint cessé de dire qu’ils étaient
choisi pour commander la flotte ro dispo s à envoyer aux Romains des
maine. L'armée ne leur laissa Mani armes et de l'argent, mais ils ne se
lius était si faibe et si découragée, hâtaient point de remplir leurs pro
’ils n‘osèrent point attaquer Car messes, et ils attendaient l'issue des
t age, et qu’ils se bornèrent à porter événements. Alors, les carthaginois
la guerre dans la contrée qui avoisinait sentirent leur courage s'accroître, et
le camp. Ils vinrent d’abord assiéger ils purent espérer un instant d'échapper
par terre et par mer la villelde Clypea; au danger ni les menaçait. D'abord;
mais cette première tentative ne fut ils mirent es troupes dans les pros
point heureuse, et ils furent repoussés. vinces voisines de Carthage; puis, ils
Peu de temps après, Pison entra dans répandirent dans toutes les parties de
une ville qu il pi la, malgré la ramasse l'Afrique des émissaires qui avaient
formelle qu'il avait faite aux abitants pour mission d'exciter les populations
de respecter toutes leurs propriétés. a faire la guerre aux Romains. Ces
Ce succès lui fut plus funeste,qu'utile, émissaires , _qui se rendirent aussi au
car les autres cités de l'Afrique, se près des rois Micipsa et Manastabal,
défiant de la parole de Pison, refusè disaient que les Romains n'étaient
rent d'écouter ses propositions, et elles point iuvincibles; que deux fois ils
aimèrent mieux se défendre jusqu'à avaient échoué contre Asdrubal, à
8.
Néphéris , et que naguère encore ils les rassurer. A nome , les citoyens se
avaient été forcés de lever le sié e racontaientà l’envi chacun des exploits
d’Hippone. Ils ajoutaient : a Vous é s du jeune tribun, et tous disaient que
menacés comme nous, car si Carthage pour terminer promptement la guerre,
succombe, les Romains ne tarderoht Il fallait élever Scipion au consulat, et
point à porter leurs armes victorieuses l'envoyer en Afrique. Lorsque le jour
ïisque sur votre ropre territoire. r des comices fut arrivé, Scipion brigua
es vCarthaginois ‘rent plus encore: l'édilité, mais le peuple, d'une voix
ils envoyèrent, s'il faut en croire Ap unanime, le nomma consul. Ce choix
pien,.d'es ambassadeurs en Macédoine du peuple était une infraction aux lois,
a celui qui se disait le fils du roi Per car le nouvel élu n’avait point encore
sée. lls l'exhortèrent à poursuivre avec atteint l'âge où l'on pouvait parvenir,
ardeur la guerre contre les Romains , dans la repuhli ce, a la première des
et ils s'en agèrent à lui fournir de dignités. Toute ois , après quelque hé
l'argent et des vaisseaux. sitation, le sénat ratiiia ce ‘qui avait été
Awmoment même où les Carthagi fait dans les comices. Scipion reçut le
nois déployaient une si grande activité commandement de l’armée d'Afrrque,
et manifestaient hautement leurs espé et , avant son départ, il fut autorisé à
rances, des querelles intestines agitaient lever en Italie et ailleurs de nombreux
la république. Asdrubal, qui deux fois, soldats.
à Néphéris, avait vu échouer l'armée de Cependant, le chef de la flotte ro
Manilius, voulait alors devenir le ma maine , L. Mancinus. s'était a proché
gistrat su réme de l’État et commander de Carthage et il avait essayé ‘ e s’em
dans Cart age. Pour réussir, il accusa parer de la ville par surprise. Il s'était
le chef de la république, qui, comme orté‘ sur un point des murailles que
nous l'avons dit plus haut, s'appelait es Carthaginois négligeaient de ar
aussi Asdrubal, et se trouvait lié par‘ der, parce ue cette partie de len
les liens de la parenté à la famille de ceinte était éfendue par une chaîne
Massinissa, d'entretenir avec Gulussa de rochers tres-oscar 's et par une mer
de coupables intelligences. Quoique semée d'écueils et de: bas-fonds. A la
cette accusation fût calomnieuse, dit vue de quelques-uns de leurs com -
un historien ancien, le premier magis-_ gnons qui pénétraient dans la vil e,
trat de Carthage subit le châtiment tous les soldats de la flotte de Manci
réservé aux traîtres , et fut mis à nus s'élancèrent impétueusement, la
mort (*). plupart sans armes , vers l'endroit des
ÉLECTION DES coNsULs A Roux; fortifications ui' avait été forcé. Là
SCIPION EST Pon'rE AU CONSULAT ils se crurent ans une forte position
PAR LEs snrrnaons UNANIMES DU et ils y passèrent la nuit; mais bientôt
PEUPLE; MANCINUS sE PEÉsENrE ils s'aperçurent qu'ils couraient de
DEVANT LES amas DE .CABTHAGE ET grands dangers : ils manquaient de
DONNE UN ASSAUT ; SCIPION , EN vivres , et ils pensaient avec effroi que
AFBIQUE , SAUVE D'UNE PERTE cEn les Carthaginois ,_ supérieurs en nom
TAINE MANCINUS et su 'rnoupns; 147 bre, pouvaient facilement les repous
AVANT No'rEE En. —La nouvelle des ser et les précipiter dans la mer du
échecs reçus par le consul Calpurnius haut des rochers. Mancinus se hâta
Pison jeta la crainte dans l'âme des Ro d'envoyer quelques hommes à Utique,
mains. Ils commençaient à croire que pour demander à Pison de prompts se
Carthage ne pouvait être détruite,lors cours. Les craintes des Romains étaient
que tout àcoup le souvenir des actions fondées, car le lendemain, au lever de
glorieuses accomplies par Scipion vint l'aurore, ils furent attaqués de tous
côtés par les Carthaginois. Mancinus
(') Nous dirons plus bas ce qu'il faut comptait à peine cinq cents hommes
E1581‘ du témoignage d'A pien . lorsque ce! armés parmi ceux qui s'étaient élancés
' torien nous parle d‘As rubal. avec lui pour surprendre la ville. Il
CAR’I‘HAG E. 111
soutint longtemps le choc des assail tous les objets qui n’étaient propres
lants; mais enfin il céda du terrain, et qu’à les corrompre et à les amollir.
déjà il allait succomber avec les siens Après avoir rétabli dans son armée
lorsqu’on aperçut au loin sur la mer l’ordre et la discipline, Scipion réso
de nombreux vaisseaux. C’était Scipion lut enfin de diriger une attaque contre
qui arrivait. Il avait reçu à Utique les murs de Carthage.
les lettres de Mancinus, et il s'était SCIPION PREND LE FAUBOURG DE
hâté de mettre à la voile et de se di MÉGAnA; LES SOLDATS CABTHAGI
riger vers Carthage. Quand les Cartha mois se BÉFUGIBNT DANS LE QUAR
rñ'lnois virent approcher cette nouvelle 'rnm DE LA CITADELLE; 147 AVANT
otte romaine, ils revinrent se placer NOTRE ÈRE. —- « Pendant la nuit, dit
derrière leurs murailles, et Sci pion put Appien (‘), et quand l’ennemi ne s’y at
recueillir sur ses vaisseaux Mancinus tendait pas, Scipiondmgea une double
et les soldats qui l'avaient suivi. Man attaque contre la partie de Carthage
cinus fut renvoyé en Italie, et Serranus qu ’on appelait Mégara.C<‘_est un quartier
lui succéda dans le commandement de très-grand qui est contigu aux murs
la flotte romaine. Alors Scipion réu extérieurs. Ayant envoye des troupes
nit ses troupes , et il songea àïconti our attaquer sur un point, Il se porta
nuer d’une manière suivie et régulière ui-même à vingt stades de distance,
le siège de Carthage. Pour mettre à avec des haches , des échelles et des le
exécution le projet qu’il avait conçu, viers , en gardant le plus profond si
il vint camper non’ oin de cette ville lence. Les sentinelles carthaginoises
avec toute son armée. Les carthagi placées sur les murs de Mégara , aver
nois, de leur côté, s’avancèrent hors ties de son approche, ayant poussé le
des murs pour prendre position en face cri d'alarme, son corps d'armée et ce
du camp romain, et is ne tardèrent lui qui faisait la fausse atta ue y ré
point à voir arriver dans leurs retran pondirent par un cri terrl le. Les
chements Asdrubal, le premier de leurs carthaginois furent effrayés de voir,
généraux , et Bithya , transfuge numi la nuit, tant d’ennemis les assaillir de
e, u’ils avaient mis à la tête de leur deux côtésà la fois. Cependant il ne put
cava erie. Asdrubal et Bithya ame s’emparer des murs, malgré tous ses
naient avec eux six mille fantassins efforts. Heureusement une tour déserte.l
et mille cavaliers d’élite. située hors des murs qu’elle égalait
SCIPION mineur mprscrpmnx en hauteur, s’élevait à peu de distance
DANS L’Aamâs nosumx; 147 AVANT de leur enceinte. Scipion y fait monter
NOTRE erie.-Scipion, à son retour en de jeunes soldats intrépides qui, avec
Afrique , avait remarqué dans la disci des solives et des planches appuyées
line de l’armée romaine un funeste re sur ‘la tour et le mur, forment un
achement. Sous le commandement de pont, renversent l’ennemi qui défen
Pison , les soldats s'étaient habitués à dait la muraille , s’en emparent, sau
vivre dans le désordre; chaque jour tent dans Mégara, et après avoir brisé
ils sortaient du camp. contre les lois une des portes y introduisent Sci
militaires, pour se livrer au pillage et
à la rapine, et chaque 'our aussi une
multitude d’étrangers s introduisaient (‘) Pour certains détails du siège nous
dans les retranchements pour vendre reproduirons fidèlement le récit d'Appien.
Comme les passages de ce récit qui servent
ou pour acheter. Puis, il y avait sans à déterminer la position des différents quar
cesse entre les soldats des uerelles, tiers de la ville assiégée et des lieux qui
des rixes et delsanglants com ats. Sci l‘avoisinent, ont été rendus avec une scru
pion porta remède au mal, en décla puleuse exactitude par M, Dnreau de la
rant que les moindres fautes seraient Malle , nous nous proposons de citer que].
punies par des châtiments sévères. Il quefois les excellentes traductions ue l'on
chasse alors du camp ceux qui n'étaient rencontre dans les Recherche: sur topo
point enrôlés, et il enleva aux soldats graphie de Carthage.
118
pion. Il y entre avec quatre mille hom 4: Cependant, ajoute Appien, après
mes, et, par une prompte fuite , les la prise de Mégara, Scipion lit brdlcr
carthaginois, comme si le reste de la le camp retranché que les carthaginois
ville était pris, se sauvent dans Byrsa. avaient abandonné la veille, lorsqu'ils
Les cris des prisonniers, le tumulte s’enfuirent dans la ville, et maître de
u'ils entendaient derrière eux, ef tout l'isthme (‘), il le coupa par un
rayèrent tellement les carthaginois qui fossé prolongé d'une mer à l'autre, qui
étaient dans le camp retranché , hors ne s'éloignait pas des murs ennemis
des murs, qu'ils abandonnèrent aussi de plus d'une portée de trait. Les as
cette position et se réfugièrent avecsiégés l'inquiétaîent toujours dans cette
opération où le soldat, sur un dévelop
les autres dans la citadelle. Mais comme
le faubourg de Még ra était rempli de pement de vingt-cinq stades, devait
jardins plantés d'a res fruitiers, sé tour à tour travailler et combattre. Ce
parés par des clôtures en pierres sè fossé achevé (qui était la circoiwalla
ches. des haies vives d'arbustes épi tion ) , il en fit un autre de même
neux, etcoupés par de nombreux canaux grandeur à une faible distance (la con
profonds et tortueux , Scipion , crai trevallation), qui regardait le continent
gnant de s'engager dans ce terrain de l'Afrique; il y ajouta deux fossés'
difficile dont les voies étaient incon transversaux qui donnèrent à l'ouvrage
nues aux Romains, et où l'ennemi, à total la forme d'un parallélogramme. et
la faveur de la nuit, pouvait lui dres les hérissa tous de palissades. Derrière
ser une embuscade, s'arrêta et fit les palissades s'élevait l’agger. Du côté
sonner la retraite. » qui regardait Carthage, Il construisit
ASDRUBAL MASSACRE Lss PmsoN un mur dans toute la longueur des
NIEBS ROMAINS; MOYENS EMPLOYÉS vingt-cinq stades, de douze pieds de
PAR ASDBUBAL POUR DOMINER DANS haut, sans les parapets et les tours
LA VILLE; SCIPION ENLÈVE AUX CAB qui flanquaient la courtine par inter
anxcrnors TOUTE COMMUNICATION valle. La largeur du mur était moitié
AVEC LE CONTINENT; FAMINE A CA n de la hauteur. Au milieu, était une
THAGE; [47 AVANT NoTaE iras. — tour en pierre très-haute, surmontée
Le lendemain, quand le jour parut, d'une tour de bois à quatre étages,
Asdrubal, à la vue des ennemis qui d'où la vue plongeait dans la ville. Il
campaient dans Mégara, fut en proie acheva cet’ ouvrage en vingt jours et
à la douleur et à la colère. Il rassembla vingt nuits. Toutes les troupes y fu
alors les soldats romains qui avaient rent employées, les soldats se relayant
été pris pendant la guerre, et après les tour à tour pour travailler et se battre,
, avoir livrés à d'horribles mutilations , pour manger et pour dormir. »
il les fit précipiter du haut des mu Dans ces lignes, l'armée romaine
railles. Il croyait sans doute, dit l'his trouva une forte position contre l’en
torien du siége, enlever ainsi à ses nemi. De plus, en coupant l'isthme
concitoyens tout espoir de traiter avec dans toute sa longueur, Scipion obtint
les Romains; mais cette horrible exé un important résultat; il empêcha l’ar
cution n'eut point le résultat qu’il at rivée des convois qui ,_ par la route du
tendait. Asdrubal s'aperçut bientôt continent, avaient fourni jusqu'alors
qu'il avait soulevé contre lui de vio d'abondantes provisions aux Carthagi
lentes haines. On lui reprocha même, nois assiégés. Une grande famine ne
en plein sénat, d'avoir montré, en tarda pas à se faire sentir à Carthage.
égorgeant ses prisonniers, plus de Les habitants, qui ne pouvaient percer
cruauté que de prudence. Pour étouf les lignes de Scipion pour rétablir leurs
fer les plaintes des mécontents, il fit communications avec le continent , ne
tuer ceux qui, parmi les sénateurs, se se procuraient des vivres qu'avec une
déclaraient ses adversaires et blâ maient
sa conduite. Dès lors, il régna dans la (') ‘Voyez plus bas la Topographie de
ville par la terreur. Carthage.
CARTHAGE. 119
extrême difficulté. Ils étaient forcés de tance, et qui, en toutes circonstances,
sortir avec leurs vaisseaux, et de faire se montrait dé urvu des qualités que
un long détour pour prendre au loin , possèdent or inairement ceux qui
sur le rivage, les provisions ne leur veulent commander et dominer dans
amenait à grand’peme Bithya, e géné une république. Voici . entre plusieurs
ml de leur cavalerie. Encore ces cour autres, un exemple de sa vanité. Quand
ses ne se faisaient point sans dan er, il arriva au lieu désigné à Gulussa
‘car il fallait que les vaisseaux, 22 eur pour l’entrevue, il parut armé compléh
départ et à leur arrivée, évitassent la tement et couvert d’un riche manteau
flotte romaine qui croisait devant la de pourpre. Il s’était fait accompagner
ville. D’un autre côté, Carthage ne par dix soldats. Cependant il laissa ses
pouvait tirer aucun secours des pays gardes derrière lui, à vingt pas envi
étrangers. Depuis le commencement de ron, et du bord du fossé qui le proté
la guerre, son commerce avait été geait , par un signe qu’il devait plutôt
anéanti, et les marchands n’osaient attendre que donner, il fit comprendre
plus pénétrer dans ses ports. Les con au roi de Numidie qu'il pouvait appro
vois qui arrivaient par mer ne pou cher. Gulussa, au contraire, vmt à
vaient subvenir à tous les besoins, et l'entrevue sans escorte, et vêtu, suivant
Asdrubal se vit bientôt forcé de ne l‘usa e des Numides , avec la plus
distribuer des vivres qu’aux trente ran e simplicité. Lorsqu’il fut près
mille soldats u’il avait choisis pour ‘Asdrubal, il lui deman a pourquoi il
combattre. A ors la population de s'était couvert d'une cuirasse et muni
Carthage qui, pendant la guerre, s'était de toutes ses armes : - Qui donc crai
encore accrue des habitants de la gnez-vousi’ lui dit-il. -— Je crains les
cam agne , fut en proie à d’effroyables Romains, reprit le carthaginois. —
sou frances. Je le vois bien , repartit Gulussa, car,
Asnnumn ESSAIE ne 'rnu'rnn s'il en était autrement, vous ne reste
AVEC LES ROMAINE; son nu'rasvua riez pas, sans cause , enfermé dans
AVEC. GULUSSA; minous]: ne Scr votre ville. Mais enfin, que souhaitez
rloN; 147 AVANT nous tu. — vous de moi? -— Je vous prie, dit As
Pressé de tous côtés par l'ennemi , en drubal, d’étre notre intercesseur au
vironné d’une foule immense dont les rès du général romain. Vous pouvez
maux déjà si grands et si profonds ui promettre, au nom de tous mes
s'aggravaient sans cesse , Asdrubal concitoyens, que s'il épargne Carthage
perdit courage. Ce fut alors que. sans et la laisse subsister. il trouvera en
espoir de réussir, il eut recours aux nous une entière soumission. - Gu
négociations. Il s'adressa, non point lussa se rit à rire, et s'adressant au
directement à Scipion. mais au roi de chef cart iaginois : « Vos paroles sont
Numidie, Gulussa, et il lui demanda des paroles d'enfant. Quoi! dans l'état
une entrevue. Appien ne parle point déplorable où vous êtes, assiégés par
de ces négociations; mais Polybe, qui mer et par terre, n’ayant plus de res
se trouvait dans le camp romain à sources et ne conservant pas même
l’époque du siége de Cartha e , les ra des espérances, vous n'avez pas d'au‘
conte avec assez d‘étendueFNous don tres propositions à faire que celles
nons ici la curieuse narration de ce qu’on a rejetées à Utique, avant le
dernier historien (‘). siége? — Nos affaires ne sont point
a Asdrubal, le chef des carthaginois, aussi mauvaises q 9 vous le pensez,
était un homme vain, rempli de jac— répondit Asdruba . Nos alliés arment
au dehors pour notre défense (*), et
(') Fragments du livre xxxxx.— Comme
Appien, dans ses Pli/tiques, n'a fait que re (") Polybe ajoute : il ne savait pas ce qui
produire le récit de Polybe, il y a lieu de .r'e'tailpasse‘ (lulu la Mauritanie. Nous igno
s'étonner u'il n‘ait pas même mentionné rom aussi les événements qui s’étaient ac
l'entrevue ‘Asdrubal et de Gulussa, complis alors dans cette partie de l'Afrique.
120
les troupes que nous avons placées sur encore ses armes et son manteau de
différents points de notre territoire, pour re. A sa démarche lente et grave
n'ont point encore été attaquées. Mais ou e t dit qu'il jouait, dans une tra
c'est surtout dans les dieux que nous gédie, le rôle du tyran. Le général
mettons notre confiance. Ils sont trop carthaginois était gras de sa nature,
justes pour ne point nous venger de la mais ce jour-là son embonpoint parut
perfidie des Romains. Dites _au consul, plus grand qu'à l'ordinaire. Par sa
‘e vous prie, que même apres ses bril grosseur et son teint enluminé, cet
ants succès, les dieux et la fortune homme ressemblait bien plus aux bœufs
uvent faire triompher notre cause. que l'on engraisse dans les marchés,
nfin, dites-lui que les Carthaginois u'au chef d'une ville assiégée qui souf
ont pris la résolution de se faire mas rait des maux inexprimables. Après
sacrer ’usqu’au dernier plutot que de avoir connu, par Gulussa, les offres
se ren re. n Ici finit l'entrevue, mais du consul, il s'écria, en se frappant
avant de se séparer , Asdrubal et le roi la cuisse à coups redoublés : s Je
de Numidie s'engagèrent à revenir au prends les dieux et la fortune à témoin
même endroit trois jours après. que le soleil ne verra jamais Carthage
« Rentré au cam , Gulussa rendit étruite et Asdrubal vivant. Un hom
compte à Scipion e l'entretien qu'il me de cœur n'est nulle part plus no
avait eu avec Asdrubal. Scipion se mit blement enseveli que sous les ruines de
à rire, et dit : « En vérité, je ne con sa patrie, quand il n'a pu la sauver. n
çois pas qu'après avoir massacré cruel Résolution généreuse, magnifiques pa
lement nos captifs, cet homme ose roles qu’on ne peut trop admirer! mais
encore nous reprocher d'avoir violé les lus tard, au car du danger, on vit
lois divines et humaines. » Mais le roi ien qu’Asdru al n'était qu’un lâche
de Numidie fit alors remarquer à Sci et un fanfaron. D’abord , on peut lui
pion qu’il était de_son intérêt de finir reprocher d'avoir fait, au milieu de
au plus tôt la guerre; que, sans parler gens affamés, de somptueux repas et
des cas imprévus , le jour ou l'on fe d'avoir insulté, en quelque sorte, par
rait à Rome de nouveaux consuls ne son embonpoint aux souffrances de ses
tarderait pas à arriver, et qu'il était à concitoyens. Alors, en effet, le nombre
craindre, si l'hiver se passait en d'inu de ceux qui échappaient à la famine
tiles attaques , qu’un autre ne vint lui par la mort ou la fuite était immense.
ravir, sans l'avoir mérité, les bon Asdrubal se montrait impitoyable; il
neurs du triomphe. Scipion sentit ai raillait les uns, accablait les autres
sement la justesse de ces réflexions, d'outrages, et souvent même il tuait
et il chargea Gulussa d'annoncer au ceux qui lui faisaient ombrage. A force
énéral carthaginois, de sa part, qu'il de sang répandu , il intimida tellement
fhi accordait à lui, à sa femme, à ses la multitude, qu'il conserva jusqu'au
enfants et à dix familles parentes ou bout , dans Carthage assiégée , une
amies, la vie et la liberté, et qu’il lui puissance aussi absolue que le pour
rmettait en outre d'emporter de rait être celle d'un roi juste dans une
Carthage dix talents de son bien , et ville heureuse. p
d'emmener avec lui ceux qu'il voudrait EXAMEN nu JUGEMENT QUE Po
choisir parmi ses esclaves. Gulussa, LYBE Er QUELQUES AUTRES msTo
avec des offres qui devaient, ce sem mENs oNT PORTÉ SUR AsnnUBAL. -—
ble, être agréables à Asdrubal, se ren Il ne faudrait peut-être point admettre
dit le troisième jour à l'endroit fixé sans restriction le témoignage de P0
pour l'entrevue. . lybe et de quelques autres écrivains
.. Asdrubal y vint aussi. Il portait amis de Rome, lorsqu'ils font le por
trait d'Asdrubal et qu'ils essayent
Il est vraisemblable que Polybe avait raconté d'ap récicr' son caractère et ses actes.
ces événements, mais son récit n'est point Peu ant les six années qui précédèrent
parvenu jusqu'à nous. la ruine de Carthage, Asdrubal ma
CARTHAGE. 121
nifesta contre les ennemis de son pays de Zama) , et ils livrèrent aux consuls
une haine trop vive pour que les Ro Manilius et Censorinus toutes leurs
mains et tous ceux- qui s'étaient atta armes. Au moment même où les traî
chés à leur fortune aient pu le juger tres, en desarmant Carthage, prépa
sans prévention et avec impartialité. raient le triomphe des ennemis , le
Nous avons rapporté fidèlement l'os chef du parti populaire rassemblait
pinion de Polybe et celle d'Appien qui vingt mille soldats. Il prévoyait sans
a suivi avec tant d’exactitude le récit doute que ses concitoyens désahusés
de l'illustre Mégapolitain , et on a vu ne tarderaient point a le rappeler. En
que cette opinion était sévère. Il est effet, au retour des ambassadeurs qui
vraisemblable encore que Tite-Live, étaient allés recevoir à Utique la ré
dans la partie de son histoire qui n'est ponse des consuls, il y eut dans la ville
point arrivée jusqu'à nous, n'avait pas une sanglante réaction. Le parti vrai
épargné le blâme au dernier chef des ment national se releva plein de force
Cartha inois. Voilà sans doute de gra et d'énergie, pour engager contre les
ves , d imposantes autorités. Toute Romains une dernière et terrible lutte.
fois , en nous servant du récit même Au jour du danger, Asdrubal oublia
de Polybe et d’Appien, nous pouvons, les vieilles injures, et proclamé général
sinon transformer Asdrubal en un par la-voix du peuple, il se hâta d'offrir
grand capitaine et le montrer comme a ses concitoyens les soldats qu'avec
un homme exempt de fautes, au moins tant de sagesse il avait réserves pour
prouver qu'il aima sincèrement sa pa la défense de la patrie. Tandis que les
trie , et que toutes ses actions ne fu carthaginois assiégés repoussaient glo
rent pas, comme l'ont prétendu des rieusement les premiers assauts de
écrivains ennemis, contraires à la pru l'armée romaine, il se maintint dans
dence et à la justice. son camp de Néphéris, devant lequel
Au moment même où pour la pre vinrent échouer deux fois les légions
mière fois, l'histoire fait mention de Manilius. Enfin, lorsque Scipion
d'Asdrubal, nous le voyons figurer à étant consul, Carthage eut à soutenir
Carthawe dans le parti opulaire, c'est des attaques sérieuses et. multipliées, il
à-dire dans les rangs es ennemis im se jeta dans la ville et la défendit jus
placables du nom romain. Bientôt il qu'au moment où il ne vit plus autour
acquiert assez d'influence parmi ses de lui qu'un monceau de ruines.
concitoyens, pour accomplir avec eux Les historiens de l'antiquité ont ac
et ar eux une importante révolution. cusé Asdrubal de cruauté, et nous
Il fait bannir de la ville les partisans de avons rapporté précédemment les faits
Massinissa. Puis, il entreprend une qu’ils ont donnes à l'appui de leur as
guerre utile et juste contre le roi de sertion. Mais nous devons remar uer
Numidie, qui, fidèle allié de Rome, que ceux-là même ui, après l'arrivée
n'avait cessé , depuis un demi-siècle , des Romains en A riqne, furent victi
d'attaquer les carthaginois et de leur mes de la réaction populaire,‘ étaient
porter de continuels dommages. As soupçonnés, nous pourrions dire con
drubal , nous l'avons dit, échoua dans vaincus de s'être vendus à l'ennemi et
son expédition contre Massinissa. de trahir leur patrie. Ainsi le magistat
Alors, mettant à rofit les malheurs suprême ne fit mourir Asdrubal, était
publics, les amis es Romains repri le petit-fis de Massinissa, l'ami des
rent assez d'audace à Carthage pour Numides, et, de l'aveu d’Appien, il ne
proscrire le chef du parti populaire. perdit la vie que pour avoir été accusé
Non contents de condamner à mort d'avoir entretenu avec Gulussa de cou
Asdrubal et ses adhérents, ils vendirent pables intelligences. Ailleurs, l'histo
leur atrie aux Romains; ils envoye rien alexandrin nous apprend qu'après
rent a Libybée trois cents otages (les le massacre des prisonniers romains,
carthaginois n'en avaient remis que quelques-uns des sénateurs reproché
cent aux vainqueurs après la bataille rent a Asdrubal d'avoir agi avec plus
132
de cruauté que de prudence, et de s'enfermer dans une ville assiégée qui
leur avoir enlevé tout espoir de trai souffrait toutes les horreurs de la fa
fer avec l'ennemi; il ajoute que our mine.
étouffer leurs plaintes, Asdruba les On peut reprocher à Asdrubal de
lit tuer. Certes, quand on a suivi avec s'être écrié un jour en présence de
attention l'histoire des six années qui Gulussa : c Le soleil qui éclairera la
précèdent la ruine de Carthage, on est destruction de Carthage ne me verra
tenté de croire que ceux qui , au mo point vivant. s Comme il survécut à la
ment même où l'ennemi s'était rendu ruine de sa patrie, Polybe a pu dire:
maître d'une partie de la ville, pro a On vit bien au jour du danger que ces
clamaient hautement que l'on pourrait grandes et belles paroles étaient sorties
encore réussir par la voie des négocia e la bouche d'un fanfaron. n
tions, étaient des traîtres et les amis Ajoutons encore,‘ avant de terminer.
des Romains. Nous ne voulons point qu'entre tous les torts d'Asdrubal, le
ici excuser les crimes ou les fautes plus grand peut-être a été celui d'avoir
qu'Asdrubal a commis; nous essayons succombé et d'avoir abandonné, comme
seulement de montrer u'il a pu se sa malheureuse patrie , le soin de sa
faire que le dernier ’gén ral carthagi gloire à des historiens étrangers.
nois ait été'calomnie par les ennemis SUITE DU néon; SCIPION rsrmn
de Carthage. , L'EN'raEE DES PoErs PAR UNE JETÉB‘,
_ « Asdrubal , disent Polybe et Ap LEs Csnrnnomors s'oUvnEN'r UNE
pien, régnait sur le peuple par a NOUVELLB rssUE E'r ns'r'rEN'r UNE
terreur, et il conserva jusqu'à lafin, nous A LA MER; cousu NAVAL;
sur la multitude, une autorité sans 147 AVANT NOTRE izna.— Pour priver
bornes. » On peut croire aussi qu'As les Carthaginois des vivres u’ils rece
drubal régna sur la multitude, moins vaient par mer , et leur en ever leurs
ar la terreur que parce u'il était dernières ressources , Scipion résolut
Félu de cette multitude et e chef du de fermer l'entrée du port. « A partir
parti opulaire. de la bande de terre qui était entre le
En m, il n'est pas vraisemblable lac et la mer, dit Appien, il fit jeter
qu'au moment où les Carthaginois as une digue qui s'avançait presque en
siégés subissaient de cruelles priva droite ligne vers l'embouchure du
tions et souffraient de la famine, As port, peu distante du rivage. Cette
drubal se soit fait un jeu de la misère jetée avait vingt-quatre pieds de lar e
publique, et qu’il ait insulté à ses au sommet et quatre-vingt-seize à a
concitoyens malheureux, en donnant base (*). Scipion disposait d'une nom
àlquel ues-uns de ses amis de somp breuse armée qu'il faisait travailler
tueux anquets. a Scipion, dit Polybe, jour et nuit, et les Carthaginois, qui
fit annoncer au général carthaginois d'abord avaient ri de ce projet gigan
qu’il lui accordait à lui, à safemme, tesque, allaient se trouver entièrement
à ses enfants , et il dira fizmiües pa bloqués, car, ne pouvant recevoir de
rentes ou amies, la vie et la liberté, vivres par terre, et la mer leur étant
et qu’il lui permetiait, en outre, d'em fermée, la faim les eût contraints de
porter de Carthage dia: talents de se rendre à discrétion. C’est alors
son bien, et d'emmener avec lia‘ ceuœ qu'ils entreprirent d'ouvrir une nou
qu'il voudrait choisir parmi ses es velle issue dans une autre partie de
claves. ‘ Pourquoi Asdrubal repoussa
t-il alors les propositions de Scipion? (') «Cette jetée fut construite comme
Pourquoi préféra-t-il à une retraite celles des rades de Cherbourg et de Plymouth
tra nilla où il aurait tr vé le repos l'ont été depuis, en lançant à flot perdu
et le ien-être, le séjour e Carthage? d'énormes quartiers de roches qui , par
Assurément, pour se livrer à la bonne leur cohésion et l'inclinaison de leur plan ,
chère et pour donner de splendides fes pussenl résister à l'action de la mer. n 1“. Du
fins. c'était mal choisir son lieu que de reau de la Malle.
CARTHAGE. 128
leur ort qui regardait la pleine mer. qui était fort étroite, les vaisseaux ne
Ils c oisirent ce point parce que la pouvaient pénétrer qu’en petit nombre
profondeur de l'eau et la violence des a la fois et qu'avec une extrême difli
vagues qui s'y brisent rendaient im culté. Alors, pour ne point être atta
possible aux Romains de le fermer quées par les Romains, pendant les
avec une digue. Hommes, femmes et lenteurs de la retraite, les trirèmes
enfants y travaillèrent jour et nuit, en carthaginoises remontèrent le long de
commençant ar la partie intérieure , la côte et jetèrent l'ancre vers un quai
. et avec tant e secret que Scipion ne qui avait servi autrefois au débarque
put rien savoir des prisonniers qu'il lit ment des marchandises (‘). Au mo
alors , sinon qu’on entendait un grand ment méme où les bâtiments légers
bruit dans les ports, mais qu’on en venaient de se mettre à l'abri dans le
ignorait la cause et l'objet. En même port et où les gros navires s’arrêtaient
temps, les assiégés construisaient avec non loin des murailles, la proue tour
d'anciens matériaux des trirèmes et née vers la mer, on vit arriver la flotte
desquinquérèmes avec une adresse et ennemie. Il fallut encore soutenir une
une activité singulières. Enfin, lorsque nouvelle attaque. Quoique les Romains
tout fut prêt, les carthaginois, au eussent à se défendre et- contre les
pointdu jour. ouvrirent la communica équipages des vaisseaux et contre les
tion avec la mer, et sortirent avec cin troupes de terre qui étaient placées
quante trirèmes et un grand nombre sur le quai. ils firent cependant éprou
‘autres navires qui avaient été appa ver à la flotte des assiégés des pertes
reillés avec le plus grand soin, et de considérables. La nuit mit fin au com
manière à jeter la terreur parmi les bat. Alors seulement les gros navires
Romains. n des carthaginois parvinrent à se ré
Ceux-ci, en effet, à la vue de la fugier dans le port.
flotte carthaginoise, furent frappés de LESCABTBAGINOISA’ITAQUENTLES
crainte. Les lourds et pesants vais RoMAINs PENDANT LA NUIT ET nau
seaux de la station romaine n’avaient LENT LEURS MACHINES DE ananas;
ni rameurs ni soldats, car les équipa nu CÔTÉ DE LA man, SCIPION nasra
ges étaient descendus à terre pour ai. nAîrnn mas oUvaAGEs AvANcÉs DES
der Scipion dans ses travaux. Si les CAa'mAGiNors; 147 AVANT Noraa
carthaginois, par une attaque sou ÈRE. — Le lendemain matin, Scipion
daine, s'étaient ortés sur les vaisseaux s'empara du ‘quai à l'abri duquel s'é
ainsi désarmés. ils auraient obtenu une tait placée la otte carthaginoise. a Cet
victoire aisée, et ils auraient anéanti ouvrage , dit Appien , devenait un
d’un coup toutes les forces navales de point d'attaque tres-avantageux pour
l'ennemi; mais ils se contentèrent de entamer le port (le Cothôn). Alors
se montrer et d'insulter les Romains ayant amené beaucoup de machines et
par de vaines démonstrations. Quand battu avec des béliers la fortification
trois jours après ils vinrent présenter intermédiaire ( le rempart élevé dans
le combat, l'occasion favorable était la longueur du quai par les Carthagi
perdue et ils n'avaient plus les mêmes nois ), il en renversa une partie. Les
chances de succès : les rameurs et les assiégés firent une sortie la nuit et
soldats avaient regagné leurs vais se portèrent contre les machines des
seaux , et les carthaginois trouvèrent Romains, non par terre, car c'était
une flotte toute pré arée à recevoir impraticable, ni avec des vaisseaux ,
leurs attaques. Ils nhésitèrent point car la mer sur ce point est pleine de
cependant, et une lutte terrible s'en
gagea. On se battit pendant une jour C’) Ce quai était très-large. De peur qu'il
née entière, et ce ne fut que vers le ne servit d‘esplanade à l'ennemi pour l'at
soir que les carthaginois, fatigués et taque des murailles, les carthaginois l'avaient
non vaincus. se dirigèrent vers la nou coupé dans sa longueur par un fossé et un
velle entrée du port. Par cette entrée, rempart.
124
bas-fonds : ils y marchèrent tout nus , thaginois : c’était la présence à Néphé.
portant des torches non allumées pour ris d’une armée nombreuse fortement
n’être pas aperçus de loin. Ils entrent retranchée, et qui paraissait surveil
dans la mer sans être vus , et s'avan ler, malgré l’e'loignement, toutes les
cent les uns à la nage, les autres ayant opérations des Romains. Scipion avait
de l’eau jusqu'à la poitrine. Lorsqu'ils toujours à redouter une double atta
sont arrivés près des machines, ils que; et lorsque parfois il songeait aux
allument leurs torches, et alors le feu expéditions malheureuses du consul
les ayant découverts, ils reçurent sur Manilius , il n'était point sans inquié
leurs corps nus de terribles blessures. tude. Il crut, non sans raison, que la
Mais telle fut leur audace‘et la force destruction de l’armée deNéphéris pou
de leur désespoir, que, malgré ce dé. vait seule hâter les travaux du siége
savantage , ils enfoncèrent les Ro et consommer la ruine de Carthage. Il
mains et brûlèrent leurs machines. La se mit donc en marche avec une par
terreur même fut si grande, que Sci tie de ses troupes, et il se dirigea,
pion fut contraint de faire tuer quel avec Lælius et Gulussa, vers le camp
ques-uns des fuyards our forcer les carthaginois. Diogène y commandait
autres à rentrer dans e camp, où ils depuis le jour où Asdrubal s’était jeté
assèrent tout le reste de la nuit sous dans la ville assiégée. Scipion prit po
es armes. Les carthaginois , après sition non loin de Néphéris. Il s’aper
avoir brûle’ les machines, retournèrent çut bientôt qu'en deux endroits les
à la nage dans la ville. n retranchements carthaginois s’étaient
Les carthaginois se hâtèrent de ré écroulés. Il prit alors la résolution de
parer la partie de leurs fortifications recourir à un expédient qui lui avait
qui était tombée sous les coups du déjà réussi plusieurs fois : il se‘porta
bélier, et ils y élevèrent des tours en avec ses troupes vers une des breches,
bois de distance en distance. Mais les et là,tandis qu’iloccupait Dioîène par
Romains, après avoir construit d’au une attaque simulée, mille iommes
tres machines , renouvelèrent bientôt qu'il avait cachés s‘élancèrent dans le
leurs attaques : ils incendièrent quel camp ar l’autre brèche. Tandis que
ques-unes des tours, en lançant contre les sol ats romains faisaient dans l'in
elles des vases remplis de poix et de térieur des retranchements un horri
soufre enflammés. Enfin Scipion se ble massacre, Gulussa et ses cavaliers
rendit maître des ouvrages avancés des numides poursuivaient et tuaient dans
carthaginois. Il éleva alors un mur en la campagne tous ceux qui avaient pris
bri ne, égal en hauteur aux remparts la fuite. « Dans cette [journée, dit Ap
de a ville et à peu de distance de ces pien, soixante-dix mi le hommes per
remparts; puis il plaça sur ce mur, dirent la vie, dix mille furent pris, et
qui était protégé par un fossé, quatre quatre mille seulement parvinrent à
mille hommes de trait. Il pensait que s’échapper. n
ceücorps d’armée, dans une position L’armée carthaginoise ayant été
inexpugnable, suffisait pour contenir anéantie d’un seul coup, les Romains
les assiégés pendant toute la durée de se présentèrent devant es murs de Né
la grande expédition qu’il allait entre plieris. Après un siége de vingt-deux
pu- dre. jours, Scipion se rendit maître de la
XPÉDITION m; SCIPION coN'rnx place. Ce nouveau succès eut un grand
L'ARHÉE QUI se 'rnm'r A Nupnsnls; résultat. Quand Néphéris eut succomo
u CAMP nss Canrmcmors ss'r bé, toutes lrsdvilles avoisinantes se sou
PRIS; sises ma Nérnränrs; PLusisuns mirentanx Romains.Toutefois, au mo
VILLES se nsNnENr AUX ROMAINS; ment même où s’évanouissaient leurs
147 AVANT None ÈRE. — Jusqu'aux dernières espérances, les carthaginois
derniers événements que nous venons assiégés n'en persistèrent pas moins
de raconter, une chose avait entretenu dans l’héro‘que résolution de se dév
le courage et les espérances des Car fendre jusqu à la dernière extrémité.
CARTHAGE. 125
Sermon A'r-rAQuE LE Pour DE avec ses soldats sur la place publique.
CAarnAeE; Plus]: Du Cornôiv; LES Le lendemain, au point du liour, il
RoMAINs DANS CABTIIAGE; couEA'r appela à son aide quatre mille iommes
ACIIAENE DANS LES nul-2s QUI CON de troupes ‘fraîches. Au moment où
DuIsAIEN'r DE LA PLACE PUBLIQUE A ceux-ci entrèrent à Carthage, ils se
LA CITADELLE; 146 AVANT No'rnE précipitèrent dans le temple d’Apol
ÈRE. —- Scipion avait passé une année lon , et , sans tenir compte des mena
pres ue entière à préparer par. de si) ces de leurs officiers, llS enlevèrent
res dltérations la ruine de Carthage (‘). les lames d'or qui couvraient la statue
Après avoir détruit pendant l’hiver de la divinité. Ils n‘obéirent aux ordres
l'armée de Diogène, pris Néphéris, de Scipion que lorsqu'ils eurent par
reçu la soumission des villes d’Afrique tagé entre eux ces dépouilles sacrilé
qui tenaient encore pour les Cartha ges, qui valaient bien, dit un historien
inois, il résolut, aux a proches de la de l’antiquité, une somme de mille
elle saison, de tenter e vigoureuses talents.
attaques et de frapper les derniers Quand Scipion eut fait tous ses pré
coups. Il se dirigea d’abord vers le paratifs pour attaquer Byrsa. il se mit
port qui était appelé Cothôn; Asdru en marche avec ses troupes. Mais bien
al, qui croyait avoir découvert les tôt il s’aperçut qu’il ne parviendrait
pro'ets du général romain, fit mettre point sans peine jusqu'au pied de la
e eu, pendant la nuit, à la partie citadelle. Trois rues étroites, bordées
guadrangulaire de ce port. Tandis qu'il de chaque côté de maisons à six étages,
xait sur ce point toute son attention, montaient de la place publique a
Lælius escalada la partie ronde du Byrsa. Les soldats de Scipion étaient à
Cothôn qui était opposée à la partie peine entrés dans ces rues qu’une
quadrangulaire, et il ouvrit ainsi l’en ataille terrible s'engagea. Les Ro
trée de Carthage à l’armée romaine. mains furent alors accablés par une
Bientôt le port et les fortifications grêle de traits et de pierres. Il fallait
qui l’entouraient furent au pouvoir de pénétrer et se battre dans chaque mai
lennemi. Scipion alors pénétra dans son , et à chaque étage. Les Carthagi
la ville, et il s'établit, pour la nuit,‘ nois étaient partout, dans la rue, sur
(‘) u Si l'on examine attentivement l'en les toits, et l'armée romaine ne pouvait
semble du récit d‘Appien et l'histoire du avancer que lentement et pas à pas.
siège de Carthage pendant les trois ans de La ville présentait en ce moment un
sa durée, on sera convaincu que, malgré spectacle horrible; les uns périssaient
les forces immenses en troupes de terre et par l'épée, les autres par les traits qui
de mer employées par les Romains, il était étaient lancés; d'autres enfin, en tom
nécessaire de procéder de cette manière bout du haut des'maisons, étaient
lente et circonspecte pour obtenir la vie reçus sur les piques des soldats. On
toire. La position admirable de Carthage entendait aussi le bruit des armes qui
défendue par plusieurs enceintes séparées. se choquaient, les laintes, les gémis
indépendamment du Cothôn, l'égalité des sements et les cris e douleur des'bles
forces entre l‘assaillant et l‘assiégé, con sés et des mourants. Enfin , après une
traignirent Scipion à exécuter ses travaux lutte prolongée et des efforts inouis ,
gigantesques de circonvallation. Il lui fallut Scipion arriva devant Byrsa. Ce fut
marcher pas à pas dans cette lutte difficile. alors que voulant se ménager un vaste
Il est même probable que , si les Romains,
par une perfidie plus que punique, n'eussent emplacement pour les manœuvres de
enlevé d'abord aux carthaginois , déçus par ses troupes, il fit mettre le feu au
l'espoir de conserver la paix , leurs armes , quartier de la ville qu’il venait de tra
leurs machines et leurs vaisseaux , cette troi verser.
sième guerre se serait encore terminée par INCENDIE DE CAETIIAG.‘ ; CIN
un traité ekn‘aurait pas eu pour résultat la QUANTE MILLE CARTHAGINOIS DE
ruine et la destruction de Carthagemfll. Du MANDENT LA vIE ET sonTEN'r DE LA
rsau de la Malle. CITADELLE ; AsDnUBAL ET LES
136
raursruens IOMAINS sa pérennes-r veillait les soldats, les pressait et se
ENCOBEDANS Ln'rnnrLsD’EscULAPx; portait sur tous les points: c'était Sels
146 AVANT Nous iras. — Pour avanu pion. Enfin le septième jour, se trou
cer plus rapidement dans leur œuvre vant accablé de lassitude, il monta sur
de destruction, les Romains ne se une éminence et s’assit dans un lieu
contentèrent pas de mettre le feu aux d’où il pouvait encore examiner ce qui
édifices et de les démolir par portions, se faisait dans son armée. En cet ins‘
ils les espèrent parla base afin de faire tant, on lui amena plusieurs Carthagi
écrouler la masse entière. _On vit alors nois. lls venaient lui dire que tous ceux
une chose hideuse: des corps humains ui s’étaient enfermés dans l’enceinte
tombaient avec les décombres; c'étaient e la citadelle étaient prêts à se rendre,
les vieillards, les femmes et les enfants s'il promettait de ne pas les égorger.
qui jusqu'à ce moment étaient parvenus. un Je vous le promets, dit Scipion; les
à se dérober aux regards des vain transfuges seuls n’obtiendront oint de
queurs, en se cachant dans les réduits grâce. » Cinquante mille in ividus,
obscurs et dans les endroits secrets des hommes et femmes (") , sortirent alors
maisons. Ces corps étaient broyés sous de Byrsa et furent mis sous bonne
les pieds des chevaux qui passaient et garde. Il ne restait plus dans la citaa
repassaient; puis , arrivaient avec des delle que neuf cents transfuges ,
haches, des crocs et des fourches. ceux Asdrubal , sa femme et ses deux en
qui étaient chargés de déblayer le ter— fants.
rain. Ils enlevaient les monceaux de Asmiunsn ET LES 'raANsruoss sl
ruines et jetaient dans un même fossé, mr'rsn'r DANS LE TEMPL! n’Escu
les poutres, les pierres, les cadavres et LAPE; ASDBUBAL sa main); INCENDIE
les‘corps de ceux qui respiraient eue DU TEMPLE; nom‘. DE LA rmmn
core. «1 Ce n'était point par cruauté ni D'ASDRUBAL ; CONVERSATION m;
à dessein, dit un historien de l’anti SCIPION ET an Pour“; 146 aux!
quité , que les Romains agissaient NOTRE iras. —— Le temple d’Esculape
ainsi. D’abord, ils étaient animés par était bâti sur un roc élevé , au sommet
l'espoir d’une victoire prochaine; en duquel on ne pouvait parvenir qu’en
suite, le mouvement et l'agitation , la montant soixante degrés. C’est dans ce
voix des hérauts , les sons éclatants de temple que se jetèrent Asdrubal et les
la trompette, les commandements des transfuges. De ce lieu, ils pouvaient
tribuns et des centurions qui dirigeaient facilement repousser les assaillants et
le travail des cohortes, tous ces bruits soutenir longtemps encore les efforts
enfin d’une ville prise‘et saccagée ins de l’armée romaine. Ils se défendirent
pi raient aux soldats une sorte d’enivre d’abord avec tout le courage qu’inspire
ment et de fureur qui les empêchaient le désespoir; mais enfin, épuisés par les
de voir ce qu’il y avait d’horrible dans veilles, par la faim et par des combats
un pareil spectacle. » Dans ces dures sans cesse renouvelés, ils abandonne
aroles d’Appien, il est facile de saisir rent les alentours du temple et se ré
es impressions de Polybe qui assista fugièrent dans les parties élevées de
à la ruine et à la destruction de Car l'édifice. Ce fut alorsqu’Asdrubal sup
thage, et qui ressentit, dans le camp pliant vint se rendre à Sci pion. Le Ëé
romain , à côté de Scipion. son élève et néral romain le fit asseoir à ses pie s ,
son ami, tout l’enthousiasme de la et l’exposa ainsi prosterné et humilié‘,
victoire. aux regards destransfuges. Ceux-ci ao
L’armée romaine passa, six jours et cablèrent d’abord leur ancien chef des
six nuits à déblayer le terrain qui était plus cruelles injures, ensuite ils mirent
couvert de ruines. Les soldats se suc< le feu au temple et tombèrent ensevelis
cédaient dans te travail, pour ne point
succomber aux veilles et à la fatigue. (") Quarante mille hommes, suivant Flo
Il y avait un homme cependant qui ne rus ; trente mille hommes et vingtccinq mille
prenait ai sommeil. ni repos, qui sur-‘ femmes, suivant Orose.
CARTRAGE. 127
sous ses ruines. Au moment où l’in VINCE ROMAINE; 146 AVANT No'rnn
cendie commencait à dévorer l'édifice‘, Ènz. — Scipion permit à son armée
la femme d’Asdrubal , revêtue de ses de piller les ruines de Carthage; tou‘o
plus beaux vêtements, se présenta avec tefois, il fit mettre én réserve l'or,
ses deux enfants, à la vue de Scipion; l'argent et les objets qui avaient été
elle lui cria avec force : et Romain, les consacrés aux dieux dans les temples.
dieux te sont favorables, puisqu'ils Puis, il donna une ratification a ses
t'accordent la victoire. Souviens-toi de soldats. ll envoya aors à Rome un
punir Asdrubal qui a trahi sa patrie, vaisseau chargé de riches dépouilles,
ses dieux, sa femme et ses enfants. pour annoncer sa victoire. En même
Les génies qui protégeaient Carthage temps, il fit savoir aux peuples de la
s'uniront à toi pour cette œuvre e Sicile qu'il était prêt à leur restituer
vengeance.» Puis, se tournant vers tout ce qui leur avait été pris pendant
Asdrubal : n 0 le plus lâche et le plus leurs uerres avec les carthaginois (‘).
infâme des hommes! tu me verras Ce ut un soir que l’on vit arriver
mourir ici avec mes deux enfants; mais à Rome le vaisseau envoyé par Sci
bientôt tu sauras que mon sort est en ion et que l'on apprit la nouvelle de
core moins à plaindre que le. tien. Il a ruine de Carthage. La joie fut
lustre chef de la puissante Carthage, rande dans la ville. Pendant‘ la nuit,
tu orneras le triomphe de celui dont tu es citoyens s'abordaient, s'interro
baise les pieds, et après ce triomphe, geaient et s'adressaient de mutuelles
tu recevras le châtiment que tu mé félicitations. On racontait aussi les
rites. » En achevant ces mots, elle guerres passées,, et lorsqu'on rappe
égorgea ses deux enfants et se précipita lait les divers incidents de la derniere
avec eux au milieu des flammes. « Ce lutte, on trouvait qu'aucune victoire
n'était point la femme d'Asdrnbal, dit n'était comparable à celle que venaient
Appien, qui devait terminer sa vie par de remporter Scipion et son armée.
cette mort héroïque, mais Asdrubal Le succès même était si grand, que
lui-même. a parfois on était tenté de n'y point
On raconte que Scipion, en voyant croire, et l'on entendait des gens qui
autour de lui tout de ruines accumu disaient : 11 Mais est-il bien vrai que
lées, versa des larmes. Il pensait à la Carthage ait été détruite P n Toute la
triste destinée de Carthage qui avait nuit se passa ainsi en joyeux propos et
été si longtemps riche et puissante. Il en manifestations de la plus vive allé»
lui arrive, au milieu de ses réflexions , gresse. Le lendemain , a la pointe du
de s’écrier avec Homère : jour, on se rendit aux temples pour
« Viendra un jour où périra Troie , faire des prières et des sacrifices. Après
la ville sacrée, et où périrent avec elle avoir rendu auxgdieux de solennelles
Priam et le peuple de Priam ("). - actions de grâces, on donna des jeux‘
Polybe, qui se trouvait à côté de au peuple, et les fêtes commencèrent.
Soi ion, lui dit alors : a Quel sens at
tac ez-vous à ces paroles? — C’est (') « C'élaient.dit Diodore , des portraits
Rome qui occupe ma pensée, répondit peints de leurs hommes illustres, des sta
Scipion; je crains pour elle l'instabi tues exécutées avec un talent remarquable,
lité des choses humaines. Ne pourrait et des offrandes en or et en argent qu'on
avait faites à leurs dieux. Himère y retrouva
il point se faire qu'elle éprouvñt un sa statue personnifiée sous les traits d'une
jour les malheurs de Carthage? n femme et celle du ioëteslésichore; Segeste,
CAn'rnAGs numée; SCIPION PAR sa Diane ; Gcla, plusieurs objets d'art; Agri
TAGE LB nn'mv sN'rnE ses soLnA'rs; geute, le fameux taureau de Phalaris. Plu
1012 A Rem: A LA NOUVELLE DE LA sieurs villes d’Ilalie et d‘Afrique recouvre
PRISE DE CAn'rnAon; LE 'rsnnl'rolns. rent alors , par la libéralité de Scipion , les
cAnrnAmNots nsr xénon: surno objets précieux dont elles‘ avalent été dé
pouillées ar les CarthagtnoismM. Dufédl
l') lliade xv, v. x64 et :65. de la Ma 0.
128
Cependant, le sénat envoya en Afri Pour connaître à fond Carthage et son
que dix commissaires choisis dans histoire , il faut aller plus avant et pé
lordre des patrjciens. Ils devaient se nétrer, si nous pouvons nous exprimer
concerter avec Scipion pour régler le ainsi, dans les secrets de son organi
sort de la province carthaginoise. A leur sation intérieure. Dès l'antiquité, ceux
arrivée, ils ordonnèrent de détruire qui ont écrit sur cette puissante répu
ce qui restait encore de Carthage. Ils blique ne se sont oint bornés à con
déclarèrent que nul, à l'avenir, ne se signer, dans leurs ivres, les guerres et
rait autorisé à bâtir sur l'emplacement les traités de paix ou d'alliance; ils
de la ville ruinée , et surtout à l’en ont encore étudié sa constitution poli
droit où s'élevaient jadis les quartiers tique; son système d'administration;
de Byrsa'et de Mégara. Puis. comme l'etendue de ses possessions, de son
s'ils avaient craint de voir les Cartha commerce , de ses richesses et de ses
ginois sortir de leurs tombeaux, ils forces militaires; sa religion , etc. Nous
accompagnèrent cette défense de tout nous proposons, à notre tour, d’abor
l'appareil des cérémonies religieuses, der séparément chacun de ces points,
et IIS prononcèrent au nom des dieux, et d'exposer, dans un court sommaire ,
contre celui qui viendrait habiter ces en nous appuyant sur l'autorité des
lieux maudits, de terribles impréca écrivains de l'antiquité, tous les ren
tions. Après avoir récompensé les peu seignements qui nous ont été transe
ples et les villes qui avaient prêté aide mis sur cet important sujet (").
et appui aux Romains, dans la der CONSTITUTION. —A Carthage, le
nière guerre, et après avoir puni ceux pouvoir était aux mains d'une puis
qui étaient restés fidèles à Carthage, sante aristocratie. Toutefois , il ne fau
les commissaires délégués par le se drait pas croire qu'entre cette aristo
nat revinrent en Italie. Avant leur dé cratie et celle que l'on rencontre à
part, ils avaient réduit en province Sparte ou à Rome, il existât une ar
romaine toute la partie de l'Afrique l‘aite ressemblance. En effet, à ar
qui avait appartenu aux Carthagi tha e, il n'y avait point de noblesse
nois. fon ée sur des souvenirs de conquête
Dans la même année (146 avant ou sur une gloire héréditaire, mais
‘notre ère), on vit à Rome deux triom une noblesse ui tira’it ‘en général tout
phes; Scipion et Mummius montèrent son éclat de l'étendue de ses richesses.
au’Capitole , en étalant aux yeux d'un Il est vrai qu'à certaines époques, on
euple immense les dépouilles des vil vit s'élever dans la république des
es qu’ils avaient vaincues. Certes, les hommes qui acquirent une grande re
deux triomphateurs étaient loin de nommée, et qui transmirent à leurs
prévoir qu'un siècle à peine après leur familles, pour un temps plus ou moins
victoire, ‘Rome elle-même essaierait long, toute leur il ustration. Mais
de réparer ses propres injustices, et nous devons ajouter que ce fait ne se
ne César, en léguant aux héritiers produisit que rarement dans l'histoire
e sa puissance le soin de relever Co de Carthage ; et si les Magon , les Han
rinthe et Carthage , croirait faire sa non et lesBarca se virent en possession,
tisfaction à l'humanité outragée. pendant de nombreuses années des
dignités de l’Etat et de la eonsidérao
CONSTITUTION POLITIQUE , tion publique, c'est que , dans ces fa
coLomss ET AUTRES rossxssxozrs, xcnxcnn milles, les richesses se perpétuaient
Tutu , uolnuncl, mnus'rnrx , ARMÉLS,
saumon l1.‘ LI’ITÊMTUBI nu ennu (") Nous nous sommes aidé aussi del
amers. travaux de la critique moderne, et nous
avons consulté fréquemment les chapitres
L'histoire du peuple carthaginois que Ilecrcu a consacrés à Carthage, dans
n'est pas tout entière dans la série des son grand ouvrage sur la politique et le
événements que nous avons racontés. commerce de: peuple: de l'anliqum'
CARTHAGE. 129
aussi bien que les vertus. Trois siècles semblée (aäzflmac) paraît avoir été un
avant notre ère , Aristote avait saisi la corps déli rant; c'était à Carthage.
différence qui existait entre l’aristocrac pouremployeruneex ression moderne,
tie carthaginoise et l'aristocratie qui e pouvoir législatif? comme la petite
ouvernait Sparte. Il a insisté sur cette assemblée (1lpoucia)qu'AriSt0te appelle
äistinction; et les faits qu'il a rassemv le conseil suprême, était le pouvoir
blés, à ce sujet, dans sa Politique, eæe’cutÿ’. Le conseil suprême. qui re
nous fournissent sur la constitution çut la dénomination particulière de
de Carthage de précieux renseigne 'ppowia, se com ait de cent mem
ments. Aristote nous a encore appris bres. Dans le principe, il n'avait été
que, dans la république, les riches qu'un démembrement de la grande as
etaient les seuls qui parvinssent aux semblée, un comité char é spéciale
magistratures. Il s'exprime formelle— ment de faire la police de'l État, et de
ment à cet égard: a On pense. à (Jar juger les magistrats et les généraux
thage, dit-il , que celui qui veut exer prevaricateurs. Le conseil des Cent ne
cer une fonction publique doit avoir cessa point de se recruter parmi les
non-seulement de grandes qualités, notables de la république; mais peu à
mais encore de grandes richesses. » peu il se fit conférer des pouvoirs
Pouvoras ‘na L’ETAT; GRANDE extraordinaires, et il finit par se ré
ASSEMBLÉE (O'Û'ÏYJMTOÇ); CONSEIL su server la connaissance des affaires les
mu‘ms ou pas CENT (759mm); As plus importantes, et r s'arroger le
samsuäes DU PEUPLE; sursauts; droit de décider dans es grandes cir
GÉNÉnAux; CBNSEUB pas IIŒURS; constances. Ajoutons ici que plusieurs
ATTRIBUTIONS mas mrrnENTs POU écrivains de l'antiquité ont compris
volas DE L'ÉTAT. — La grande as les deux assemblées sous le nom com‘
semblée (capa-mec) était un cor 5 per mun de synédrin (awéôppov).
manent qui se composait de l’é ite des, «La sphère du sénat à Cartha
carthaginois, c'est-a-dire, des hommes « e, dit Heeren, en y réunissant
qui avaient acquis‘ par leurs richesses s e grand conseil (mh'xln'rec) et le
unmgrandc influence. Dans un État «conseil des Cent (permis), paraît
où les citoyens les plus notables sont ravoir été en général la même e
les citoyens les plus riches, les fonc «celle du sénat romain. Toutes es
tions publiques ne sont point hérédi «transactions avec l'étran er lui sont
taires. Comme nous l'avons dit, ar « confiées. Les rois ou su êtes qui le
suite de l'instabilité des grandes or - présidaient y font des rapports; il
tunes, l'aristocratie carthaginoise de « reçoit les ambassadeurs, il délibère
vait non point changer dans son es « sur toutes les affaires d’État, et son
sence, mais se renouveler sans cesse. « autorité était si grande qu'il décidait
La grande assemblée était soumise à « même de la guerre et de la ‘paix,
cette loi; et vraisemblablement les a quoique, pour la forme, la ratifica
places vacantes furent souvent rem « tion allat quelquefois au peuple (‘). .
plies par des hommes qui n'avaient Nous savons, en effet, qu il existait à
reçu aucune illustration de leurs aïeux , Carthage des assemblées du peuple.
mais qui, à force de travail et de peine , Mais, comme l’a remarqué le savant
par le commerce ou ar l'industrie, historien quenousvenons de citer, ces
étaientparvenusàacqu rirdesrichesses assemblées n’exer aient oint une in
considérables. Les écrivains anciens fluence réelle sur es af aires de I’E
ne nous ont point donné de renseigne tat (“).ll arrivait toutefois qu'en certai
ments sur l'organisation intérieure du
sénat cartha inois. Toutefois, d'après (") Heeren , De la litique et du com
quelques i ications empruntées aux merce de: peuples de Æntiquife’, t. IV, ce
historiens, il nous est permis de croire la traduction française, p. 140.
ne les membres qui le composaient (") En parlant ici de la constitution car
taient fort nombreux. .La grande as tbaginoise, nous n'avons en vue que l'épo
9' Livraison. (CAR’I‘BAGL)
130
mes circonstancesl'intervention du peu rité était loin d'être illimitée , et ils ne
ple était jugée nécessaire. Quand les ouvaient , à eux seuls, contre-balancer
pouvoirssupérieurs,quisecomposaient a puissance du conseil des Cent et de
des deux assemblées et des suffètes, la grande assemblée. Il fallait, il est
n'étaient point d'accord, c'était le vrai, que, pour l'adoption des me
peuple qui décidait. Les deux suffètes sures ugées indispensables par les
ou ‘rois étaient placés à la tête du gou assemb ées, ils donnassent leur ad
vernement (‘). Cependant leur auto hésion. Quand cette adhésion man
quait , le sénat avait encore un moyen
que où la république par ses conquêtes , par de l'emporter. Il s'adressait au peuple,
la grandeur et la nature de ses entreprises, qui décidait. Ce qui relevait la dignité
parle nombre des peuples tributaires, était
florissante et se trouvait à l'apogée de sa
es suffètes ‘a Carthage, c'était moins
puissance et de sa splendeur. A cette époque, l'importance des fonctions que les
e gouvernement, à Carthage, était pure distinctions’ honorifiques. Ainsi, ils
ment aristocratique et, comme nous l’avons avaient la préséance dans les assem
dit, le peuple n'avait dans les affaires de blées. Ils étaient choisis parmi les
l'Élat qu'une'faible _part d'action. C’est le membres les plus influents du sé
jeu des institutions qui étaient en vigueur, nat, mais leur élection était ratifiée
pendant cette période que nous venons d'ex par le peuple. Leur pouvoir était
pliquer. Plus tard , au moment où_ Carthage a vie, et par conséquent soumis à
se trouva en contact avec Rome, et après l'élection. Nous voyons quelquefois les
de longues guerres et dés désastres multi suffètes prendre ‘en main le comman
pliés, vil se fit dans la constitution de gra dement des armées de terre et des
ves changements. Le peuple à son tour voulut flottes , mais ce commandement n'était
intervenir dans le gouvernement et se mé point inhérent à leurs fonctions. Tout
nager dans les affaires de l’État une grande nous porte à croire, au contraire, que
vin uence. L'aristocralie soutint une lutte l'on abandonnait plus volontiers aux
opiuiâlre contre cette prétention nouvelle 'suffètes ce qui concernait l'adminis
et elle accable de toute sa haine la famille trationv civile. La république apportait
Berce qui appuyait les réclamations de la
démocratie. Cependant, au temps des guerres le plus grand soin dans le choix de
puniques, les circonstances étaient changées, ses généraux: on prenait pour com
et des événements imprévus nécessitaient, mander les armées, ceux qui‘, dans
peut-être , .dans la constitution des réfor les guerres, s'étaient distingués par
mes extraordinaires. Si l'aristocratie s'était . leur courage ou leurs talents’. D'abord
plétée de son plein gré aux réformes deman c'était le conseil supérieur ou des Cent
dées par le peuple, Carthage eût peut-être qui nommait; ensuite la grande as
échappé aux humiliations et aux malheurs semblée et le peuple 'sanctionnaient la
sans nombre qui vinrent fondre sur elle pen nomination. En plusieurs circonstan
dant undemi-siècle (202- 146 avant notre ère); ces, le choix fut laissé à l’armée elle:
peut-être aussi eût-elle évité une entière des même; ainsi, pendant la guerre des
truction. C’est l'opinion de Montesqnieu: Mercenaires , au moment où un funeste
-Car|hage, dit-il, périt parce que, lorsqu'il dissentiment éclata entre Hannon et
fallut retrancher les abus, elle ne put souf Amilcar, les soldats reçurent pouvoir
frir la main de son Annibal même.»(Grana’eur d’élire un chef.unique : Ils se pronon
et décadence des Romains, ch. vrrr.)Anni
bal, on le sait, fut, après Amilcar son père,
cèrent, on le sait , en faveur d'Amilcar.
le chef du parti démocratique. Au reste, Enfin , pour terminer cette no
nous avons raconté plus haut , avec quelque menclature , nous dirons que Cor
étendue,.les changements survenus dans la nélius Nepos parle d'un magistrat qui,
constitution de Carthage et la lutte de la
démocratie contre l'aristocratie. Voyez prin le gouvernement républicain. Malchus, qui
cipalement p. {30, 97 et suiv., 103, 108, commanda en Sicile et en Sardaigne (536-5 30
mg, x2: et suiv. avant notre ère), est le premier carthagi
(") Suivant les traditions, le gouverne nois qui, dans l'histoire, porte le titre de
ment monarchique avait précédé, à Carthage, sufjëte. Voy. plus haut, p. 3.
CARTHAGE. 181
à Carthage , aurait été revétu des fonc par ce monopole, i était loin de
tions de censeur des mœurs. contribuer à la prosp rité des colonies ,
Nous ne pouvons nous arrêter sur la république gagnait d‘incalculables
les institutions judiciaires des Cartha richesses. La_métro ole avait soin de
ginois, car nous n'avons sur ces insti transporter, là où e le établissait des
tutions que des données incomplètes. colons, ses dieux et son culte. La con
Nous savons cependant qu’il existait formité des croyances religieuses était
des magistrats spéciaux pour juger les assurément un ien puissant; mais Car
affaires civiles et criminelles. .hage eut encore recours à d'autres
SYSTÈME DE GOUVERNEMENT A moyens pour retenir les colonies sous
L’EGAED Des PEUPLES TBIBUTAIBES sa dégendance. Elle plaçait dans cha
SUE LE CONTINENT ArEIcAIN ET DEs cune ‘elles des ‘magistrats carthaginois
coLoNIEs. — Carthage tenait dans une chargésdel‘administrationcivileetmili
étroite dépendance toutes les villes qui taire.et souvent elle adäoignait aces ma
lui étaient soumises sur le continent gistrats’ une garnison exmercenaires.
africain. Loin de leur conférer des ÉTENDUE DE LA PUISSANCE can
privilèges étendus, elle les traitait en ‘IEAGINOISB ; PEUPLES soums A Can
villes conquises , et ellemontra parfois THAGB son LE CONTINENT AFRICAIN;
à leur égard une extrême dureté. Elle coLoIvIEs. — Carthage, après sa-fon
leur faisait payer de lourds impôts, dation , se trouva en lutte avec les peu
et, lorsqu'il s'agissait de rcevoir, le ples qui l’avoisinaient. Elle triompha
fisc de la république proeé ait avec une cependant, et elle compta enfin au
inflexible rigueur. Les gouverneurs nombre de ses tributaires tous les enne
délégués ur administrer les villes mis qui l’avaient attaquée. Par un long
avaient mission. avant tout, de faire contact, les hommes qui habitaient
entrer de grosses sommes dans le tré autour de Carthage et de quelques au
sor public ,- et les percepteur-s emx tres ‘établissements phéniciens e me
ployaient souvent d’éner iques moyens lèrent peu à peu aux colons venus de'l‘yr
{our extorquer l'argent es tributaires. ou de Sidon,et, parsuite de la fusion
es habitants des campagnes n'étaient qui s'était opérée, ils reçurent le nom
pas traités avec plus de modération, e Liby-Phéniciens: Dans les provinces
et, en plusieurs circonstances, on en voisines de Carthage s'élevèrent bien
leva aux cultivateurs propriétaires la tôt des villes nombreuses, et le sol fut
moitié de leurs revenus. Les habitants embelli et fertilisé par une savante
des villes et des campagnes qui res agriculture. Indépendamment des peu
taient soumis par la force. gardaient le ples sédentaires qui s'étaient presque
souvenir de ces odieuses exactions, et assimilés aux Phéniciens, il y avait
lorsqu'un ennemi mettait le pied sur encore des nomades qui s'étaient sou
le sol de Carthage, ils se rangeaient de , mis à la puissance carthaginoise. A
son côté et lui prêtaient aide et appui. l'ouest, quelques-unes des peuplades
Cette haine des peuples tributaires de la Numidie payaient un tribut. Au
contre la république se manifesta sur-‘ midi, jusqu'au lac Triton, et à l'est,
tout avec violence à l'époque de la jusqu'à la grande Syrto, on distinguait
guerre des Mercenaires ("). parmi les tributaires de Carthage les
Cartha e suivit la même règle de Ausenses, les Maxyes, les Machlyes,
conduite a l'égard de ses colonies. Elle les Lotophages et les Nasamons. La
leur iit sentir quelquefois sa‘ préémi soumission ou l'alliance de toutes ces
nence d’une manière tyrannique. Ainsi, tribus était précieuse à la république;
elle les obligeait à fermer leurs ports les unes lui servaient de barrière contre
aux marchands étrangers. C'était à les invasions, et les autres, en trans
Carthage seulement qu’on achetait les rtant ses denrées jusqu'aux rives du
produits des contrées lointaines, et iger, facilitaient son commerce dans
l'intérieur de l'Afrique.
(') Voyez plus haut, p. 68 et 69. COLONIES. — Il ne faut pas ranger
9.
132
au nombre des colonies carthaginoises dans mille entre rises diverses qui
certaines villes qui ut-étre, bien toutes eurent un p ein succès, jusqu’au
avant Carthage elle-m me, avaient été moment où elle se trouva en contact
fondées par des Phéniciens sur les côtes avec les Romains.
de l'Afrique. Salluste nous apprend SARDAIGNE. —- Justin parle d’une
que la plupart des villes du littoral, expédition des Carthaginois contre la
aux environs de Carthage, telles qu’A Sardaigne. Cette expédition, qui eut
drumète ,Hippo-Zarytes, la etite Lep
tis, devaient leur origine à dpes émi ra
lieu vraisemblablement entre 600 et
550, est une des premières que Car
tions phéniciennes. Il en était de in me thage ait dirigées contre cette île. La
pour Utique et la grande Leptis. La Sardaigne était. sans contredit, une
ville d'Utique formait un Etat indé des ossessions les plus importantes
pendant et n’était point soumise à des arthaginois dans la MéditerranéeÎ
Carthage. Dans deux traités que Po Tous les peuples de l’île furent soumis,
1 be nous a conservés et qui furent à l’exception de quelques indigènes qui
aits avec les Romains (509 et 348 se retirèrent dans les montagnes. Les
avant notre ère), et encore dans un Carthaginois, pour assurer leurs éta
autre traité qui fut conclu avec Phi blissements dans ce pays qui leur
lippe. roi de Macédoine, à l'époque de offrait de précieuses ressources, fon
la seconde guerre punique, les Cartha dèrent deux villes, Caralis et Sulchi.
ginois mentionnèrent Utique comme La Sardaigne est mentionnée expres
ville alliée et non point comme ville sément dans les deux premiers traités
tributaire. Il semble même , d‘après ces que Carthage fit avec Rome. Par l’un
traités , qu’ils la placèrent sur le même e ces traités, les Romains peuvent
rang que Carthage. ’ entretenir des relations commerciales
Apres avoir donne une nomencla avec la Libye, c’est-à-dire, avec les
ture des villes et des ports qui se trou habitants du territoire carthaginois en
vent sur la côte septentrionale de Afrique , et avec la Sardai ne; par l’au
l’Afrique jusqu’aux colonnes d’Her tre, Carthage leur défen de naviguer
cule, Scylax ajoute: «Les villes et vers ces deux pays. La Sardaigne, nous
places commerçantes, depuis les Hes le répétons , était pour les Carthaginois
érides (la grande Syrte) jusqu’aux co une précieuse ac uisition, car elle leur
onnes d’Hercule , appartiennent toutes fournissait du b é en abondance, et,
aux Carthaginois. » Carthage en effet, dans les temps de guerre, elle fut plus
dans un but commercial, avait fondé d'une fois le grenier de Carthage.
des établissements‘ nombreux sur le Cousu. —La possession de la Corse
littoral africain, ou bien encore elle n'offrait pas les mêmes avantages.
avait placé des comptoirs dans les villes Toutefois, les Carthaginois, sans trop
qui ne lui devaient point leur origine. se soucier d’une contrée qui ne devait
Carthage, par sa position et par la pas leur rapporter de grands rofits,
nature de ses entreprises , était animée ne se montrèrent point indi férents
de l’esprit de conquête. Il fallait pour lorsqu’il s’agit de savoir à qui appar
les intérêts de son commerce, qui re tiendraient les côtes de la Corse. Ainsi,
cevait chaque jour de nouveaux déve quand les Phocéens, fuyant la domi
loppements , qu'elle accrût et multipliât nation des Perses, vinrent chercher
ses possessions dans l'intérieur des dans l’île une nouvelle patrie et y fon
terres et au delà des mers. Elle com dèrent Alalia, les Carthaginois s’uni.
battait sans cesse pour acquérir, dans rent aux Etrusques pour les expulser.
les provinces qui l'avoisinaient, de Les Phocéens cédèrent à une coalition
nouveaux territoires et de nouveaux si puissante, et ils se dirigèrent vers
alliés, et pour lacer, dans les contrées un autre pays pour trouver enfin un
lointaines exporées par ses naviga asile et un durable établissement. La
teurs, des en onies ou des com toirs. Sardaigne et la Corse appartenaient à
Cette nécessité de s’agrandir a jeta Carthage, lorsque les Romains se ren
CARTHAGE . 183
dirent maîtres de ces deux îles en 237, Romains n'avaient franchi le détroit de
au moment où finissait la guerre des Messine pour descendre à leur tour
Mercenaires. dans cette sanglante arène. ll résulta
SICILE. — On connaît assez la po de cette guerre, dont les succès étaient
sition et l’état florissant de la Sicile partagés, que l’étendue du territoir
dans l’antiquité, pour savoir combien cartliaginois, en Sicile, varia sane
sa possession devait être utile à Car cesse. Tantôt les S racusains étaien’s
thage. Mais iamais la commerçante" réduits à défendre eurs propres mut
cité, malgré ‘ses efforts réitétés, ne railles, tantôt Carthage ne conservait
parvint à la posséder dans son entier. en Sicile lue Motya ou Lilybée. Ce
Elle rencontra sans cesse des obstacles , endant, depuis l’anñée 383, le petit
et le plus grand fut assurément la ri euve flalykus était regardé comme
valité des Syracusains, qui, eux aussi, une ligne de démarcation entre les deux
voulaient dominer en maîtres absolus parties belligérantes. On sait, par le
dans toute l‘étendue de la Sicile. Ce qui récit qui précède, comment, après une
ouvrit à Carthage l’entrée de l’île, ce guerre qui avait duré plus de vingt
fut d’abord sa parenté avec Eryx,Panor ans, les carthaginois, vaincus par les
me , Motya, Soloes, Lilybée, et quelques Romains, furent obligés de renoncer
autres villes qui étaient d'origine phé à la conquête de la Sicile.
nicienne; ensuite les rivalités qui exis ILES BALÉABES. — S’il faut en croire
taient entre les différentes colonies grec Diodore, Carthage eut des relations
ques. Après avoir fonde’ leurs premiers avec les îles Baléares deux siècles seu
établissements sur la côte qui avoisine lement après sa fondation. Les Cartha
Lilybée, les carthaginois ne tardèrent ginois surent apprécier de bonne heure
point à s’étendre, et à pousser leurs toute l’importance de ces îles. Ils y
conquêtes jusque dans la partie orien fondèrent une ville, Erésus. qui offrait
tale de la contrée. Nous devons remar. aux navigateurs un excellent port, et
quer ici que‘, par suite du système de qui brillait ar la beauté de ses édifices.
gouvernement adopté par la métropole Les îles Ba éares servaient d'entrepôt
à lîégard de ses colonies, les villes aux marchands qui allaient en Espa
carthaginoises de la Sicile ne furent gne, et elles fournissaient aux art
jamais bien florissantes. Carthage les mées de Carthage des soldats renom
maintenait dans un ran très-inférieur més pour leur habileté à lancer au loin
au sien , et ces villes , g‘ nées dans leur des projectiles, et surtout à se servir
développement, ne pouvaient rivaliser de la fronde. °
avec les colonies grecques ni par leur Pn'rrrns ÎLES DE LA MÉDITERRA
splendeur ni par leur population. Ce NÉB. -—'- Entre l’Afrique et la Sicile on
pendant Carthage connaissait toute voyait les deux îles de Gaulos et de
'im ortance d’une bonne osition en .Mélita, qui, à une époque fort recu
Sici e. A partir du jour où e le eut dans lée, avaient appartenu aux Phéniciens.
la partie occidentale de l’île de solides
Carthage s'en empara, et elles lui ser
établissements, elle devint conqué-_ virent de stations pour son commerce.
rante, et, comme nous l’avons dit, A Mélita (Malte) se trouvaient de
elle essayade s'agrandir. Ce fut alors nombreuses manufactures pour la fa
qu’u'ne ruerre terrible éclata entre elle brication des tissus.‘ Dans ces îles, com
et les yracusains ses rivaux. Dans me dans toutes les autres possessions
cette .guerre qui dura plusieurs siècles de la république, il y avait une garni
(de l'an 4l0 à l’an 264 avant notre ère), son de mercenaires à laquelle était
les carthaginois prodiguèrent leurs préposé un officier carthaginois.
trésors et leurs soldats; ils ne se lais ESPAGNB. -— Il serait difficile de pré—
sèrent point abattre par les succès de ciser le temps où Carthage mit le ied
Gélon , de Denys l’Ancien et d’Agatho pour la première fois sur le so ‘de
cle, et l'on ne saurait dire quelle au ’Espagne. Toutefois, il est avéré que
rait été l’issue de la lutte, si les déjà, à une époque fort ancienne, les
tu'
Carthaginois-envoyèrent des colons sur Himilcon explorait la côte occidentale
les, cotes de l’lbén‘e. Nous savons, au de l'Europe. Les fra ments de Festus
reste, ne les Phéniciens les avaient Avienus, qui parle e ce périple, ne
devancée en fondant des établissements nous apprennent rien de certain sur
célèbres‘, Gadès entre autres, sur la le but et le résultat du voyage d’Hi
côte méridionale de‘ l’Espagne. Les milcon. -
rapports de Carthage florissante avec Tesson PUBMC; sas nnvnnus. —
la péninsule ibérique furent tout pacic ‘Le trésor public, à Carthage, se rem
fiques. Plus tard seulement, quand la plissait facilement, soit par la rentrée
république. épuisée par de longues guer des impôts et des tributs , soit par la
res , se vit enlever par les Romains la part considérable que l‘État se réser
Sicile, la Corse .et la Sardaigne, elle vait dans les découvertes importantes
changea-de système à l'égard de l’Es que faisaient chaque jour ses colons
pagne‘ : elle ne se contenta ,plus'des ou ses navigateurs. En ce ui concerne
établissements fondés sur les côtes par cette (dernière branche e revenus,
les Phéniciens ou par elle-même; elle Carthage, comme nous l'avons dit pré
essaya de pénétrer dans l'intérieur du cédemment, trouva dans l'ex loitation
pays, de conquérir de grandes provin des mines de l’Espagne d'iuepuisables
ces et de compenser ainsi les pertes richesses. Les revenus fixes et régu
considérables qu’elle avait faites. Là , liers consistaient dans les tributs que
en‘ effet, les produits de la terre et les payaient les peuples soumis. Les villes,
mines à peine explorées étaient encore dans‘ toute ‘étendue des possessions
pour elle une source abondante de ri carthaginoises. donnaient de l'argent;
chesses. Nous ne rappellerons point les cultivateurs, et en général ceux qui
ici la lutte qu'elle soutint dans la pé n’habitaient point la côte, s'acquit
ninsule ibérique pour consolider ses taient- en nature envers=le fisc et ses
établissements et assurer ses conqué agents. La Sardaigne et la Sicile en_
tes, car nous avons résumé plus haut voyaient le blé qui servait aux ‘appro
l'histoire de‘la domination carthagi visionnements publics. Carthage s’en
noise en Espagne. richissait- aussi par les droits qu’elle .
Carthage n'avait point de colonies en percevait à l'entrée des ports de la ca
Gaule et en Italie. Dans la première pitale et des colonies. Bien souvent elle
de ces deux contrées, Massilia, fon se-procura de l'ar ent par la pirate
déc par les Phocéens ses ennemis, rie. Parfois elle con squa la charge des
dans la sœonde, Rome et les villes vaisseaux qui stationnaient dans son
de la Campanie, lui faisaient une trop port; mais elle n'avait recours à ces
redoutable concurrence. Il paraît ce moyens violents que dans les moments
pendant qu'elle eut de fréquents rap de détresse et lorsque de grands dan
ports avec la Gaule, car on voit des âers la menaçaient, comme à,l'époque
égions entières de Gaulois dans ses e la guerre des Mercenaires. Toute
armées de mercenaires. fois, bâtons-nous de le dire, quand le
Cô'rss occmannms ne L'Arm péril s'était éloigné, quand le calme
ous E1.‘ m; L‘Eunopn ; Primeurs renaissait, elle s'empressait de resti
D'HANNON BT n’HnuLcoN. — Les tuer, et elle indemnisait les marchands
Carthaginois franchirentle détroit de qui avaient eu à souffrir de ses injus
Gadès et ils explorèrent une partie des tes saisies. Ce qui contribua princi a
côtes occidentales de l'Afrique et de lement à rendre Cartha e riche et o
l’Europe. Nous savons que le roi Han rissante, ce fut la prosp rité de chacun
non fut chargé de passer le détroit et des individus soumis a ses lois. En
de fonder des colonies sur différents effet, ar l‘agriculture. le commerce
points de la côte africaine. Il condui et l'in ustrie, presque tous étaient
sait avec lui trente mille Liby-Phéni parvenus à se procurer l'aisance et le
ciens qui devaient peupler les nouveaux ien-étre.
établissements. A la même époque, Aemcumunn. —- Les Carthaginois
CARTHAGE. 185
habituèrent de bonne heure à la vie n'était pas seulement pratiquée dans
rurale les populations indigènes qui les toutes ses branches, mais encore trai
avoisinaient. Euxhmêmes ne se portè tée dans des écrits que les Romains
rent point exclusivement vers le com: ne dédaignèrent pas de faire traduire
merce ou l'industrie; ils s'adonnèrent dans leur langue (voy. l'alinéa que nous
aussi aux travaux de la campagne. avons consacre à la littérature des Car
L'agriculture, dans les terres de la thaginois). Le savant historien ajoute:
domination carthaginoise, était parve « A Carthage , l'amour de l'agricul
nue à un haut degré de perfectionne « ture semble même avoir surpassé
ment. Les étrangers qui parcouraient « l'amour pour le commerce. Dans
les environs de Carthage , traversaient, . a l'antiquité,- l'état de commerçant
non sans admiration , les campagnes,‘ « n'était as le plus estimé, et il est
ne de savants procédés avaient trans 4 a vraisem lab‘le que les carthaginois
ormées en de véritables jardins. a La « eurentà cet égard une opinion con
a contrée qu’Agathocle, après son dé « forme à celle des autres peuples.
u harquement en Afrique, traversa à « Nous savons que les grandes familles
« la t te de son armée, était, suivant « dela république possédaientdes biens
« Diodore, couverte de jardins , de &\ fonds et vivaient de leurs revenus,
« plantations, et coupée de canaux qui « mais nous ne trouvons aucun fait
a servaient à les arroser. De superbes a qui prouve qu'elles aient fait quelque
« maisons de campagne décelaient les a négoce. » Ici, nous le cru ons, HeeT
« richesses des propriétaires. Ces de ren s'est exprimé avec que que exagé
« meures offraient toutes les commo ration, mais il n'en reste pas moins
« dités de la vie, car, dans l'intervalle démontré jusqu'à l'évidence, ,par le té
« d'une longue paix, les habitants y moignage des écrivains de l'antiquité,
a avaient entassé tout ce qui peut flat queJes carthaginois , tout en se livrant
11 ter la sensualité. Le sol était planté au commerce et à l'industrie, donnè
a de vignes, d'oliviers et d'autres ar rent les plus grands soins aux travaux
« bres fruitiers. D'un côté s'étendaient de l'agriculture.
«des prairies où paissaient des trou Commence ET xnnusrnrs- Car
« peaux de bœufs et de brebis; de l'au thage fut pendant plusieurs siècles l'en
« tre , dans les contrées basses, se trou trepôt de toutes les richesses du monde
« vaient d'immenses haras. On voyait ancien. Ses vaisseaux lui amen‘aient
« partout l'aisance, car les Cartba i chaque jour les produits des contrées
. nois les plus distin ués y avaient es les plus lointaines, et ses caravanes,
« possessions et riva isaient de luxe. » qui traversaient les‘ déserts, appor
Polybe nous apprend que la campagne taient les trésors de l'intérieur de l'A
de Carthage offrait encore le même frique et même de l'Orient (*).
aspect au moment où l'armée de Re ' Commence PAn msm- On peut
äulus descendit en Afrique, c'est-à juger de l'étendue du commerce mari
ire cinquante ans après l'ex édition time de Carthage par le nombre de ses
d'Agathocle. Entre toutes es pro‘ colonies. Nous avons énuméré précé
vinces que les carthaginois possédaient demment les villes et les provinces qui
sur le sol de l'Afrique, la Byzacène avaient reçu ses colons ou qui étaient
tenait ltàpremier rang par son extrême soumises à sa domination. De tous ces
fécoudi . u Cette contrée habitée ar' points divers arrivaient dans ses ports
- des Lib eus, dit Scylax , est très- er des vaisseaux chargés de précieuses
« tile et e le offre un magnifique aspect. marchandises. Carthage, nous l'avons
u Elle abonde en trou aux, et ses dit, recevait de la Sicile et de la Sar
1 habitants sont très-rie es. 2 daigne de glandes provisions de blé,
Heeren a fait une remarque impor
tante que nous devons rappeler ici , ') Voyez sur le commerce de Carthage
c'est que , dans les provinces de l'Afri Wilhelm Bôtticher_(GescIsiehte der cartha
que soumises àCarthage , l'agriculture‘ ger), p. 66 et-suiv.’Be'rlin, T827.
mais elle prenait encore dans ces deux stations du désert , dep’uis I’Égyptejus—
îles, ainsi que dans la Corse, du miel qu'à Ammonium ,etdepuisAmmonium
et de la cire. Il est vraisemblable que jusqu'à la grande Leptis, ou jusqu'aux
les carthaginois exploitèrent les mines tentes des premières tribus nomades
de métaux ni sont en Sardaigne, et soumises à Carthage, elles transmet
ne, pour eur commerce de pierres taient les trésors de l'orient. D'un
nes, ils ‘surent tirer profit des sar autre côté, le commerce par terre
doines que l'on rencontre fréquemment s'étendait jusqu'au Niger, ou les Car
dans ce pays. Ils trouvaient à Lipara thaginois envoyaient du sel et d'autres
et dans les petites îles qui l'entourent, produits, et recevaient des grains-d'or
du bitume, et à Ilva (l'île d'Elbe) en échange. Outre les grains d'or, les
du minerai de fer. Les îles 'Baléares, carthaginois tiraient de l'intérieur de
où ils achetaient de nombreux escla l'Afrique des esclaves noirs, des dattes
ves. leur fournissaient en outre du et des pierres précieuses, ne Pline
vin, de l'huile et une laine trèsfine et appelle (,‘arbunculi carche mm. Les
très-recherchée. Les mulets des îles peuples nomades étaient, si nous pou
Baléares étaient aussi fort estimés. vons nous exprimer ainsi, les inter
Les produits naturels de l'Espagne médiaires de ce grand commerce. Ils
formaient une branche très-importante se chargeaient de porter les marchan
du commerce de‘ Carthage. Mais ce dises à leur destination. Cependant
qui attira principalement l'attention les carthaginois eux-mêmes se joi
e la république vers l'Espagne, ce fut gnaient quelquefois aux caravanes, et
l'exploitation des mines, qui produi nous savons qu'un certain Magon,
saient alors abondamment et qui marchand de Carthage, fit trois fois
étaient pour elle la source d'immenses le voyagedu désert.
richesses. Tout nous porte à croire. INDUSTRIE. -.— A Carthage, il y avait
que les carthaginois comme les Phé plus de commerce que d'industrie. Les
niciens firent un grand commerce avec carthaginois échangeaient souvent,
les côtes occidentales de l'Afrique'et sans les livrer à la fabrication,>les
de l'Europe. Les vaisseaux de Car produits u'ils allaient recueillir dans
thage, après avoir franchi le détroit les contrées lointaines. Toutefois, la
de Gadès, montaient au nordjusqu'aux magnificence et le luxe qui éclataient
îles Cassitérides, d'où ils revenaient à Carthage attestent que,'dans cette
chargés d'étain; on prétend même ville florissante, les arts manuels
qu’ils allaient chercher l'ambre jusque étaient pratiqués et cultivés avec soin.
sur les côtes de la mer Baltique. Car Certaines branches de l'industrie re
thage entretint aussi des relations avec äurent chez les carthaginois de grands
la Gaule, malgré la concurrence de éveloppements; nous citerons , entre
Massilia. autres , la fabrication des tissus. Dans
Dans la partie orientale de la Mé l’anti uité, les étoffes qui sortaient
diterranée, le commerce des Cartha des abriques carthaginoises étaient
ginois était beaucoup moins étendu fort recherchées. Athénée nous ap
ue dans la partie occidentale. Toute prend qu'un Grec, nommé Polémon ,
ois, ils avaient encore, pour les pro avait fait un traité spécial sur la fa
duits de leur industrie, de nombreux brication de ces étoffes (’). Carthage
débouchés en Grèce et en Italie. C'é possédait, dans l'île de Malte, de nom
tait là principalement que, outre les reuses manufactures qui produisaient
pierres tines et les esclaves noirs, ils des tissus renommés’ pour leur finesse
vendaient les objets sortis de leurs ma et leur beauté.
nufactures. Mouuussfl- Frappait-on , a Car
Commence PAR Tenue. -— Le com thage, des monnaies d'or et d'argent?
merce par terre était très-actif et très
etendu. Des caravanes arrivaient du (') L'ouvragede Polémon était intitulé :
fond de l'Arabie, et, passant par les "api 16v év Kapxnôôvt nium.
CARTHAGE
CÂRTHAGE.
ma.
L
CARTBAGE. 137
C’est là une question que les numis divers commandements des armées.
mates n'ont point encore résolue. Il La légion composée de carthaginois r
existe des monnaies qui ont été frap— était peu nombreuse. Si l’on en croit
sées par les carthaginois dans les villes Diodore, il arriva une fois que, dans
e la Sicile , et qui portent une inscrip une armée de soixante et dix mille
tion punique. Il est vraisemblable que hommes , on ne compta que deux
la métropole n’attendit point l’exemple mille cinq cents carthaginois. n Le
de ses colonies pour avoir une mon « nombre des citoyens carthaginois
naie. Toutefois, il est à peu près cer «qui servaient dans les armées, dit
tain que les carthaginois apprirent « Heeren , n'était jamais considérable.
dans les ‘villes grecques de la Sicile les et Les peuples tributaires de l’Afrique ,
éléments de l’art numismatique. Si, « que Polybe ap elle toujours Libyens,
dans les premiers siècles qui suivirent « ormaient l’é ite des troupes. Ils
sa fondation , Carthage n’eut point de « combatlaient à cheval ou à pied , et
monnaies , c’est que dans les pavs où « ils étaient le noyau de la grosse ca
elle pénétrait le commerce se faisait « valerie et de la grosse infanterie. Ils
par echange. « portaient de longues piques qu'An
Foncss munmxs un CAB « nibal changea, après la bataille de
THAGE; ARMÉES NAVALES. — Nous « Trasimène, contre des armes ro
croyons indispensable de donner ici « maines. A côté de ces troupes se
uelques détails sur les forces militaires « rangeaient les Espagnols et les Gau
e Carthage, sur ses armées de terre « lois. Les soldats espagnols étaient
et de mer. Au rapport des historiens, a les plusdisciplinés desarmées delaré—
il y avait deux ports à Carthage; l‘nn « publique; ils faisaient ordinairement
était destiné aux vaissaux du com « le service de la grosse infanterie. Ils
merce, l'autre aux vaisseaux de guerre. « portaient des habits blancs de lin
Ce dernier contenait ordinairement « avec des ornements rouges; une
cent cinquante et deux cents galères. « grande épée, qui pouvait tout la fois
Dans les premiers temps de la répu « rapper et percer , était la principale
blique, les vaisseaux étaient tous à n de leurs armes. Les Gaulois com
trois rangs de rames. Mais les forces cbattirent de bonne "heure dans les
navales de Carthage s’accrurentuconsi « rangs carthaginois. Dans la bataille
dérablement à l'époque où elle entra « ils étaient nus jusqu’à la ceinture, et
en lutte avec les Romains. Alors aussi « n'avaient qu’un sabre pour frapper
les Cartha inois firent de grands pro « l’ennemi. L‘ltalie grossissait le nom
grès dans î’art de construire les vais « bre des mercenaires de Carthage.
seaux. En effet, nous voyons que, «Les Liguriens paraissent dans ses
dans un combat livré à Régulus, la « armées au commencement de la lutte
[lotte carthaginoise se composait de « contre Rome, et les Campaniens
trois cent cinquante galères, à cinq « déjà à l’époque des guerres contre
rangs de rames. Chaque galère portait « Syracuse. La république avait aussi
cent vingt combattants et trois cents « des Grecs à son service. Les îles Ba
hommes pour la manœuvre. « léares fournissaient à Carthage jus
Amuses DE TERRE. — Les armées «'qu’à mille soldats. Ils portaient une
de terre entretenues par la république cr ronde qui avait presque l’effet de
étaient considérables. Elles se com a nos petites armes à feu, car les
posaient de soldats mercenaires que «pierres qu’elles lançaient brisaient
Cartba e avait levés en différents pays. « es boucliers et les cuirasses. Dans
Cepen ant, dans chaque corps d'ar « une bataille contre les habitants de
mée, il y avait une troupe ou les Car. «_Syracuse, ils assurèrent, par leur
thaginois seuls étaient admis; C’étaient « adresse , la victoire aux carthaginois.
les fils des grandes familles qui ve « Mais la force principale des armées
naient s’exercer au métier des armes , « de Carthage consistait en cavalerie
et se préparer, dans les combats, aux «légère, que la république tirait des
138
a tribus nomades placées sur les deux pour trois cents éléphants et quatre
.côtés de son territoire. Toutes ces mille chevaux. 11 ‘y avait des logements
- tribus,’ depuis les Massyliens limi pour vingt mille antassins, et des ma
« trophes jusqu’aux Maurusiens de gasins remplis de ce qui était néces
« meurant dans le Fez et le Maroc saire à la subsistance des hommes et
a modernes, avaient l’habitude de se des animaux employés à la guerre(voy.
« battre dans les armées des carthagi plus bas la Topographie de Carthage).
« nois, et d'être à la solde de cette na Le récit de la lutte terrible et dan
« tion. La levée des troupes était faite , gereuse que les carthaginois eurent à
a dans les provinces de lAfri ue aussi soutenir contre leurs propres soldats
c bien qu'en Europe , par es séna après la première guerre punique (*) ,
« teurs députés qui pénétraient jus » nous dispense d’entrer ici dans de lon
« qu'aux contrées les plus lointaines. gues considérations sur les avantages
« Les cavaliers numides couraient sur ou les périls réservés aux États qui en
c de petits chevaux non sellés, qui tretiennent des armées composées
« étaient dressés à des évolutions ra tout entières de mercenaires.’ En ter
- pides, et qu’ils dirigeaient sans frein. minant ce que nous avions à dire du
a La peau d’un lion ou d'un tigre leur’ système militaire des carthaginois,
« fournissait à la fois un vêtement et nous devons encore faire une remar
a une couche pendant la nuit; et,’ lors que , c’est que les Romains essayèrent
. qu'ils combattaient à pied, un mor constamment,‘ depuis’le ‘our où pour
- ceau de peau d’éléphant leur servait la première fois ils franc irent le dé
« de bouclier. Leur attaque était ter troit de Messine , de détacher de Car
« rible à cause de l’agilité de leurs thage toutes les provinces où elle en
« chevaux; et la fuite n’avait rien de rôlaitdes mercenaires. Ils lui enlevèrent
« honteux pour eux, puisqu’ilsfuyaient la Sicile, la Corse et la Sardaigne;.ils
« seulement pour faire une nouvelle at s'allièrent aux Phocéens de Marseille
« taque. La grosse cavalerie se compo et à quel ues-unes des nations qui ha
« sait, suivant Polybe , de Carthagi bitaient e midi de la Gaule; en Es
« nois, de Libyens, d’Espagnols et de pagne , par des actes de clémence et de
« Gauloisxn Dans les armées de Car générosité , ils se concilièrent un grand
thage, on voyait aussi des éléphants nombre de peuples; enfin, en Mauri
qui étaient guidés par des Ethio iens. tanie et en Numidie , à force d’adresse,
Heeren suppose que ce ne fut qu après ils se firent des amis nombreux et dé
les guerres de Pyrrhus, en Sicile , que voués. Cette politique réussit aux Ro
les carthaginois employèrent» ces ani mains, qui anéantirent ainsi peu àvpeu,
maux dans les batai les. mieux qu’ils ne l’auraient tait par de
Pour une partie de l’armée soudoyée grandes batailles, toutes les forces des
par Carthage , le service militaire fêtait carthaginois.
rmanent. Ainsi, comme nous l’avons RELIGION DES CABTEAGINOIS. _—
éjà remarqué, il y avait des ‘garni Les émigrés qui fondèrent Carthage
sons de mercenaires fixées dans les îles apportèrent avec eux , sur la côte .d'A
et'les provinces soumises à la républi frique, la religion de la Pbénicie. Ce
que. Les flottes et les armées de terre pendant, nous devons ajouter que, dans
avaient des chefs distincts. Toutefois. cette,religion,-par suite du ion con
les commandants —des flottes étaient tact des carthaginois avec les Li yens
subordonnés aux généraux des armées et les Grecsde la Sicile, il s'introdui
de terre lorsqu’ils agissaient conjoin sit un grand nombre d’éléments étran
tement. Dans les autres circonstances, gers. Nous donnerons ici les noms des
le commandant de la flotte recevait di principales divinités adorées a Çar
rectement les ordres du sénat. Enfin , tha e. Le premier de tous les dieux
nous savons qu'il existait des casernes était Baal ou Moloch, le seigneur. le
à Carthage. Dans les murs de ‘la. cita
dell’e, on avait pratiqué des écuries '(") Voyez plus haut p. 65 et suiv.
CARTHAGE. 189
roi du ciel. C'était le dieu suprême « sait silence aux sentiments ‘les plus
dans lequel les Grecs crurent voir Kro - sacrés de la nature, elle dégradait
nos, et les Romains Saturne. A ce dieu « les âmes par des superstitions tour
Baal, les carthaginois associèrent la - à tour atroces et dissolues, et l'on
puissante déesse Astarté. La déesse « est réduit à se demander quelle in
' Astarté ou Astaroth. (ce mot répond « fiuence vraiment morale elle put exer
àl’idée de souveraine du ciel- et des « cer sur les mœurs du peuple. Aussi
astres) fut appelée par les Grecs Ura c le portrait que l'antiquité nous a
nie, et par les Romains la Déesse cé «laissé des carthaginois est-il loin
leste ou Junon. A près Baal et Astarte' , - d'être flatteur: à ‘la fois durs et ser
nous devons mentionner le dieu Mel « viles, tristes et cruels, égoïstes et
carth. Chaque année, Carthage, par «cupides, inexorables et sans foi, il
un pieux respect et en souvenir de sa 5! semble que l'esprit de leur culte ait
parenté, envoyait dans sa_vieille mé « conspiré avec la jalouse aristocratie
tropole un vaisseau chargé de riches « qui pesait sur eux, avec leur existence
offrandes pour le dieu Melcarth, qui « toute commerciale et industrielle, à
était le génie tutélaire de la ville de « fermer leurs cœurs aux émotions
Tyr. Les carthaginois transportèrent « généreuses, aux besoins d'un ordre
dans toutes leurs colonies le culte de «élevé. Ils pouvaient avoir quelques
Melcarth. (Hercule tyrien), aussi bien « nobles croyances, mais dont la pra
que celui de Baal et d’ÂStŒÏté- Plu « tique se ressentait peu. Une déesse
sieurs écrivains de l'anti uité ont rangé « présidait à leurs conseils publics,
aussi au nombre des ieux puniques « mais ces conseils, ces assemblées se
Esmun-Esculape, ui avait son tem en tenaient la nuit, et l'histoire dépose
ple sur la colline e B rsa. Comme «des terribles mesures qui s'y agi
nous l'avons dit , les Cart aginois adop « taient. Le dieu de la clarté solaire,
tèrent quelques- unes des divinités « Hercule, fut le patron de Carthage
étrangères. Ils empruntèrent aux Grecs « comme celui de Tyr; il y donne
le culte de Cérès et de Proserpine, « l'exemple des grandes entreprises et
peut-être même celui d'Apollon‘; et, a des hardis travaux; mais le sang y
s'il faut en croire Diodore de Sicile, «x souillait sa lumière , et tous les
ils envoyèrent une fois des ambassa «ans, des victimes 'humaines tom
deurs au temple de Delpbes. Les fonc « baient au pied de ses autels aussi
tions du sacerdoce étaient recherchées «bien qu'aux fêtes de l'impitoyable
par les familles les plusillustres de la ré « Baal. Partout où les Phéniciens,
publique; cependant il n'y avait point « où les carthaginois après eux porte
a Carthage de caste sacerdotale ("). « rent leur commerce et leurs armes,
a Le caractère de la religion cartha « non-seulement à certaines époques ,
u ginoise fut comme celui de la nation «mais dans toutes les conjonctures
« qui la professa, mélancolique jus 1 critiques, leur fanatisme exalté re
-« qu'à la cruauté. La terreur était le « nouvela ces immolations sanguinai
âfilâ mobile de cette religion, qui avait « res. En vain Gélon de Syracuse, avec
soifde sang et s'environnait des plus « l'autorité de la victoire; en vain, par
noires images. A voir les abstinen « une pacifique influence, les Grecs eux
ces, les tortures volontaires, et sur « mêmes fixés à Carthage tentèrent
« tout les horribles sacrifices dont elle «1 ‘d'y mettre un terme, l'antique bar
- faisait un devoir aux vivants, on s'é « barie reparut sans cesse et se main
: tonne peu que les morts aient dû leur « tint dans la Carthage romaine. Au‘
- sembler dignes d'envie. Elle impo « commencement du troisième siècle
a de notre ère, on découvre encore des
(*) Voyez sur la religon des Carthaginois « vestiges de ce culte affreux , tout au
le savant ouvrage de Munter (Religion der a: moins alors pratiqué en secret. Dès
Oarthager); voyez aussi Wilhelm Bôtticher « l'an 655 de Rome, tous les sacrifices
(Guchiclm der 'C'arthager), p. 77 et suiv. «humains avaient ‘été prohibés; mais
140
a plus d'une fois les empereurs se trou. et ils en ont extrait de nombreuses ei
« vèrent dans la nécessité de répéter tations. Heeren dit, à propos du livre
« cette défense, et nous devons ajouter de Magon: «On ne saurait douter
a que, pendant longtemps, la sévérité qu'il n'y eût une littérature carthagi
« des lois romaines ne put mettre un noise..... Un ouvrage aussi étendu que
« terme ‘aces hideuses immolations("). n celui de Magon ne pouvait être, à Car
Lrr'rsaxrnna nss Cxamxomors. thage, ni la première ni la dernière
—Y avait-il une littérature à Car production littéraire. » Les Carthagi
thage ? Des documents assez nombreux nois durent se perfectionner dans la
et assez authentiques nous permettent littérature par l'étude des chefs-d'œu
de résoudre aflirmativement cette ques vre que le énie grec avait enfantés;
tion. Cependant dix vers en langue pu et cette étu e leur fut rendue facile par
nique qui se trouvent dans lePœnulus les voyages qu’ils faisaient dans‘ la
de Plante , dix vers que personne jus Grèce elle-même, et par leurs relations
qu'ici n'a- pu traduire même approxi suivies avec les peuples de la Sicile.
mativement, quolqu’en remontant aux Enfin nous savons qu’il y eut dans
sources primitives, c'est-à-dire, à la l'école grecque un philosophe cartha
lan ue hébraïque, qui ne devait as ginois. Clitomaque était le nom qu’il
différer beaucoup de la langue ph ni ortait à l'étranger ; dans sa patrie on
cienne, sont les seuls vestiges de la ‘appelait Asdru al (*).
littérature carthaginoise qui soient
parvenusjusqu’à nous; Mais nous avons (') « Wlnkelmann ( Kunst escliiclzte ),
en revanche le témoignage des écri nie que les beaux-arts aient lfi'uri a Car
vains grecs et romains qui attestent thage;mais l'architecture de son Cothôn et
ne les lettres furent cultivées à Car de ses doubles portiques , le temple et la
tiage. Pline l'ancien rapporte qu'après châsse d’Apollon, décrits ar Appien. la
la prise et la‘ destruction de la ville, mention l'aile par Polybe es monuments
élevés à Carthage et dans toutes ses colonies,
les Romains donnèrentles bibliothè en l'honneur d'Amilcar, fils d'Ha‘nnon; le
ques publiques aux princes (l'Afrique, bouclier d'argent cité par Tite-Live (xxv ,
leurs alliés. Salluste, de son coté, 39) , qui était décoré du portrait d'Asdrubal
quand il parle des premiers peuples et pesait 138 livres; les statues érigées dans
qui ont habité l'Afrique, invoque, a Carthage, à Cérès et à Proserpine; enfin
l appui de ses assertions, les hvres pu le goût des Carthaginois pour les chefs
niques (libri punici) qui avaient ap d'œuvre de la Grèce, semblent prouver que
partenu au roi Hiempsal. Les livres celte assertion tranchée d'un aussi habile
uniques, livres d'histoire vraisembla antiquaire doit être modifiée. Le style d'ar
blement, étaient ceux qu'après la chitecture des stèl_es volives chargées d'in
destruction de Carthage les Romains scriptions puniques , des médailles phéni
avaient donnés à leurs alliés d’Afrique. ciennes , surtout du médaillon maxime d'ar
Au reste, Polybe nous apprend aussi gent de la Bibliothèque royale, est tout à
que Carthage avait eu des historiens. fait grec, et nous induit à penser que le
Entre les ouvra es de la littérature car voisinage de la Sicile, que les relations fré
thaginoise . le p us estimé parles étran quentes entre cette île et Carlhage ont dû
gers fut un traité de Ma on sur l‘agri porter le goût et la culture des arts dans cette
culture. D. Silanus le tra uisit en latin. république riche et commerçante; qu'enfin,
s'ils n'ont pas eu de bons artistes nationaux.
Nous savons qu’il était divisé en vingt ce qui n'est pas prouvé, ils se sont servis
huit livres. Tous les auteurs qui ont des artistes grecs, comme l'ont fait depuis
écrit sur l'économie rurale , Caton , les Romains, pour la décoration de leurs
Pline, et Columelle , entre autres , ont maisons privés, de leurs édifices publirs et
fait de cet ouvrage le plus grand éloge, l'embellissement de leur capitale. Il existe
à Leyde un grand nombre de monuments
(‘) Religions de l'anti uite’, ouvrage de funéraires en terre cuite, couverts d'inscrip
Creuzer, refondu, comp été et développé tions phéniciennes, et décorés de bustes
par M. Guigniaut. d'individus des deux sexes, remarquables
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CARTHAGB. 145
n triple défense. La hauteur des murs , Pon'rzs. — Parmi les portes de Car
« était de trente coudées (*) , sans les thage, nous en connaissons cinq. dont
«1 créneaux et les tours, qui étaient dis la position nous est indiquée par des
« tantes entre ellesdedeux plèthres(*"), textes formels; ce sont cellé'de Mé
« et avaient chacune uatre étages, et ara, dont s’em ara Scipion , lors de
a trente pieds (“*) , epuis le sol jus a prise de ce faubourg; celle qui est
« qu’au fond du fossé. Les murs avaient désignée par Appien sous le nom de
« aussi deux étages; et, comme ils porte d’Utique; celle de Theveste,
a étaient creux et couverts, le rez-de qu'une inscription nous fait con
« chaussée servait d'écurie pour trois naître; celle de Furnos, dont parle
« cents éléphants, et de magasin pour Victor de Vite; et enfin celle ni con
‘u tout ce qui était destiné à leur nour duisait à Thapsus, et par aquelle
uriture. Le premier étage contenait Annibal s'enfuit, lorsque des envoyés
a quatre mille chevaux , avec le four romains vinrent à Carthage pour de
ex rage et l’orge suffisants pour les mander qu’il leur fût livré. Cette der
«nourrir; et, de plus, des casernes nière porte devait se trouver près de
« pour vingt-quatre mille soldats. Telles la Tænia et de la partie faible des murs.
« étaient les ressources pour la guerre, Puces PUBLIQUES. — Nous avons
- que les murs seuls contenaient dans parlé du Forum et de son emplace
u leur intérieur. » Toutes ces cons ment entre les ports et la citadelle.
tructions , suivant Paul Orose, étaient Dans le récit de l’attaque dirigée par
formées de pierres de taille. Les ruines le consul Censorinus contre la partie
n’ont pas tellement disparu, u’on ne faible des murailles, Appien nous ap
puisse encore suivre la trace es murs prend que, près de la, au point de
dans la plus grande partie de leur Jonction de la Tænia et de la presqu'île ,
étendue. se trouvait une seconde place. Elle
QUAIS. -— Le rivage de la mer, près était, comme le Forum, environnée
du Cotbôn. était bordé de larges quais de hautes maisons. Victor de Vite nous
où les marchands déposaient leurs de. fait connaître une troisième place, à
rées. Ces quais étaient en dehors de laquelle il donne le nom de place neuve ,
l'enceinte de la ville. Les carthagi Platea nova; celle-ci était ornée de
nois, pendant le siége, y construi grlzlidius, et située au centre de la
sirent un ouvrage avancé , à égale dis V! e.
tance du rempart et de la mer, afin TEMPLE D'ASTARTÉ. —Nous avons
que, si l’ennemi venait à_s’emparer de dit que le temple d’Astarté était com
ce quai , il ne pût lui servir d’esplanade pris dans l’enceinte de la citadelle. Cet
ou de place d'armes pour attaquer la édifice était situé sur une colline ,' au
ville. Cette précaution fut inutile; on nord de celle où s'élevait le temple
sait, en effet, que c’est précisément d’Esmun-Escula e. Un immense hié
de ce côté que Scipion dirigea sa der ron lui servait ’avenue. Cette cour,
nière attaque, dont le résultat fut la qui n’avait pas moins de deux milles
rise du Cothôn et de toute la ville romains (") de longueur, était revêtue
asse. . de larges dalles en pierre , ornée de mo
Les autres parties de la presqu’île saiques, de belles colonnes, et environ
n’étaient point garnies de quais. Elles née de tous les temples des divinités
étaient inabordables à cause des écueils inférieures. Parmi ces temples, secon
et des bas-fonds qui en défendaient daires, on distinguait celui d’Elisa ou
l’approche. Didon. Le temple d’Astarté, relevé
par les Romains avec une grande ma.
(’) 13 mètres 5 décimètres, la coudée gnificence, reçut sous les premiers
valant 0"‘,45. empereurs de nombreuses et riches
(") 60 mètres. Le plèthre valait xoo pieds offrandes. Son principal ornement était
grecs. _ _
c") 9 mèlres. Le pied grec valait 0'530. (') 2915 mètres.
10‘ Livraison. (CABTHAGEJ 10
146
un voile ou péplos d'une grande avait à Carthage un temple élevé en
beauté. l’bonneur de Melcarth , quoique les
TEMPLE DE BAAL-MOLOCH ou SA auteurs anciens n’aient jamais men.
TUBNE. — Ce temple était situé entre tionné cet édifice.
ceux d’Astarté et d'Esmun —Esculape , Les ‘carthaginois empruntèrent aux
et donnait son nom à un quartier de Grecs le culte de Cérès et de Proser
la ville (clous sertis). Saint Augustin pine. Diodore de Sicile , qui parle lon
nous apprend que le dieu Baal-Moloch guement des statues et des prêtres de
inspirait aux carthaginois une terreur ces deux déesses , ne nous donne aucun
religieuse si profonde , qu’osant à renseignement sur l'emplacement des
peine prononcer son nom , ils se con tem les qui furent consacrés à ces di
tentaient de le désigner par l’épithète vini és étrangères.
d'ancien (seriez). «La statue de ce Il nous est impossible aussi de dé
- dieu , suivant Diodore , était d’airain; terminer l’endroit où se trouvaient les
« elle avait les bras endants; ses deux temples que, suivant le même
- mains,dont la aume tait en dessus, historien , les carthaginois s’obligèrent
« étaient inclin es vers la terre, afin à élever la première année de la quatre
« que les enfants qu’on y plaçait vingt-cinquième Olympiade, pour y dé<
« tombassent immédiatement dans un poser le traité qu’ils avaient conclu avec
- gouffre plein de feu. » Gélon.
Le temple de Baal-Moloch contenait CITBBNES PUBLIQUES; GYMNASE;
les archives de la république. Le roi THÉATBE. — Outre les citernes parti
Hannon y avait'déposé la relation de culières, dont chaque maison devait
son voyage. être ourvue, dans un pays où les puits
TEMPLE n’APoLLoN; STATUE co ne urnissent que de‘ eau saumâtre,
LOSSALE DE CE DIEU. -— Nous avons Carthage possédait encore’ plusieurs
déjà dit que sur l'une des faces du citernes publiques, dont les ruines,
Forum s’élevait le temple d’Apollon. grâce à leur situation souterraine et à
Cet édifice, qui, selon M. Bureau la solidité des_constructions, sont à
de la Malle, échappa à la ruine de peu près tout ce qui a survécu de la
Carthage, et, plus tard, fut consa ville phénicienne. La plus considéra
cré au culte chrétien , sous le nom de ble de ces citernes était située au
Basilica rpetua restituta, était or nord-ouest de Byrsa , à l'extrémité et
né, lors e la prise de la ville par Sci dans l’enceinte même de la citadelle.
pion Émilien, d'une statue colossale Le village moderne de Malqa est cons
.revêtue de lames d’or. Le lendemain truit sur ses ruines. « On y voit en
de la prise du Cothôn , des soldats pé core, dit le voyageur Shaw. un en
nétrèrent dans le temple, s’emparèrent semble de vingt réservoirs contigus,
de ces lames d’or, et se ‘les partagè dont chacun avait cent pieds de long
rent. La statue fut emportée à Rome, sur trente de large. » Le P. Caroni ,
où elle fut placée près du grand cir qui a fait à Tunis un long séjour, donne
ue, à côté de la statue en bronze de à ces réservoirs les mêmes dimensions.
itus Quinctius Flamininus. Elle por Au treizième siècle, ce monument
tait le nom de grand Apollon de Car était encore presque intact; voici la
thage, et subsistait encore au temps description qu’en a faite Édrisi , géo
de Plutarque. graphe arabe de cette époque , qui était
TiznPLEs on Maximum-HEM né en Afriqne, et dont on s’accorde à
CLÈS, DE Génies ET DE PROSEBPINE. reconnaître la véracité et l’exaetitude.
-— Comme nous l’avons dit plus haut, « Parmi les curiosités de Carthage,
les carthaginois transportèrent dans « dit-il , sont les citernes, dont le
leurs colonies le culte de Melcartli , ui «nombre s’élève à vingt-quatre, sur
était le génie tutélaire de toutes es «i une seule ligne. La longueur de cha
villes d origine phénicienne. Nous _ « cune d’elles est de cent trente pas,
ous croyons fondés à penser qu’il y c et la largeur de vingt-six. Elles sont
CARTIIAGE. 147
« surmontées de coupoles; et, dans les et commencent de vastes réservoirs ap
« intervalles qui les séparent les unes « pelés citernes des diables. encore
«des autres, sont des ouvertures et a remplis d'une eau fort ancienne, ni
«des conduits pratiqués pour le pas a existe là depuis une époque inc -
« sage des eaux. Le tout est dis « nue. » M. Bureau de la Malle pense
a posé géométriquement avec beaucoup ne les citernes des diables et l'édi
« d'art. » Lorsque l'empereur Adrien ce appelé Moallalcah par Bekri sont
voulut conduire dans l'intérieur de le même monument, et qu'ils ne dit‘
Carthage les eaux de la source deSchou fèrent pas de celui dont les ruines ont
kar, pour mettre cette ville à l'abri été mesurées par le père Caroni.
des longues sécheresses, la citerne de Les deux grandes citernes dont nous
Malqa changea de destination; elle venons de parler sont évidemment de
devint le réservoir du grand aqueduc construction punique; tout le prouve:
dont nous allons arler. Sa position la nature des matériaux ui y sont em
au centre de la viiie la rendait propre ployés, les détails de eur architec
à cet usage. ture, et l'usage généralement répandu
Les autres grandes citernes publi chez les peuples de race sémitique, de
ques étaient situées près de la mer, à n'employer que l'eau des pluies aux
l est de Byrsa. Leurs ruines sont par usages alimentaires. En effet, il exis
faitement conservées. Ellesont, suivant tait de grandes citernes à Utique, qui
le père Caroni, plus de cent quarante était, comme Carthage, une colonie
ieds de longueur, sur cinquante de phénicienne. Tyr et Jérusalem qui, par
argeur et trente de hauteur. Les murs eur position au pied des monta nes,
ont cinq pieds d'épaisseur et sont flan pouvaient se procurer avec tant e fa
qués de six tours, aux angles et au cilité des eaux de source , n'employe
milieu. Nous empruntons à un écrivain rent cependant pour leurs usages que
du onzième siècle, Abou-Obaid-Bekri , des eaux de pluie. Au moins pouvons
un passage, où l'on trouve, avec la nous dire qu'il en fut ainsi jusqu'à
description de ces citernes,celle de deux l'époque où pénétrèrent en Syrie les
autres édifices qui méritent aussi de mœurs grecques et romaines.
fixer l'attention; nous voulons parler Virgile attribue à Bidon la cons
du gymnase et du théâtre. n On voit truction du théâtre de Carthage. Tou
« à Carthage, dit l'auteur arabe, un tefois, nous ne pensons pas que la
« palais appelé Moallakah, qui se dis fondation de cet édifice remonte à une
« tingue ‘par une étendue et une élé époque aussi ancienne (’). Tout nous
« vation prodigieuses. Il est composé orte à croire que le théâtre, comme
« de galeries voûtées qui forment plu e gymnase, n’appartinrent pas à la
« sieurs étages, et il domine la mer. ville punique, mais bien à la colonie
« Du côté de l'occident s'élève un autre romaine. Suivant la conjecture de
« monument appelé le Théâtre. Il est M. Bureau de la Malle, Carthage, re
« percé d'un grand nombre de portes construite et embellie par Auguste,
« et de fenêtres, et s'élève également devait ces deux édifices à la munifi
« par étages; sur chacune des portes cence de cet empereur.
« s'élèvent des figures d'animaux et AMPHITHÉATBE. — Nous ne pou
u des re résentations de toute espèce vons nous dispenser de faire ici men
n de pro essions. L'édifice appelé Hou
n mas ( lisez Djoumnas ) se compose (") Nous citons ici les vers de Virgile.
« également de plusieurs étages; il est Ces vers ne prouvent pas assurément l'ori
« orné de piliers de marbre de forme gine phénicienne du théâtre, mais ils don
« carrée, dont la grosseur et la hau nent du moins une haute idée de la gran
- teur présentent des dimensions pro« deur de ce monument.
« digieuses. Sur le chapiteau d'une de Bic alto Theatri
Fundamenn locant nliî , immanesqno eolumnn
c ces colonnes on voit douze hommes fluplbns exeidunt, semis d'ocr- nlta futnris.
1 assis autour d'une table. Près de là Bneid. l. un.
10.
148
tion de cet édifice, qui, selon toute gnement que nous possédions sur les
apparence, appartient, comme les deux bains de la ville punique. En ce qui
précédents, àl‘époque romaine, mais concerne Carthage romaine , les docu
dont les ruines sont au nombre des ments abondent. Sous les empereurs,
plus importantes de Carthage. Voici la il y eut dans cette ville un grand
description qu’en a donnée le géogra nombre de thermes. Nous citerons,
phe arabe dont nous avons déjà invo parmi les principaux établissements de
que le témoignage à repos des citernes ce genre, les thermes de Maximien
de Malqa : « Cet é ifice est de forme (Maæimianæ) , ceux de Gargilius (Gar
« circulaire et se compose d’environ gilz‘anæ), où se tint, en 411 , le synode
« cinquante arcades subsistantes. Cha qui condamna le schisme des donatis
« cune d’elles embrasse un espace d’en tes; enfin ceux de Théodora (Theodo
“icu-_ne...—
« viron vingt-trois pieds, ce qui fait rianæ), que les habitants de Carthage
« onze cent cinquante pieds pour la durent à la munilicence de Justiuien.
«circonférence totale. Au-dessus de AQUEDUC D’ADKIEN. — En parlant
«ces arcades, 's’élèvent cinq autres des citernes publiques, nous avons dit
« rangs d’arcades de même forme et de que celle de Malqa devint, sous la
1 même dimension. Au sommet de omination romaine, le réservoir ou le
a chaque arcade est un cintre où se château d’eaud’un immense aqueduc.
a voient diverses figures et représen Ce monument, bien que d'une époque‘
« tations curieuses d’hommes, d'ani postérieure à la prise de Carthage,
« maux et de navires sculptés avec un doit cependant obtenir ici une courte
un art infini. En général, on peut dire mention , parce que d’abord il explique
c. que les autres et les plus beaux édi la conservation d'un importantouvrage
u hces en ce genre ne sont rien en punique, qui ne fit que changer de
u comparaison de celui-ci. » Tel était destination , et aussi parce que ses
encore, au treizième siècle de notre ruines sont les plus belles et les plus
ère, l’état de conservation de l’amphi imposantes que l'on voie à Carthage.
théâtre de Carthage. « Il ne se recon On en jugera par cette description
« naît maintenant, dit M. Falbe, que qui est empruntée à l'ouvrage de
« par l’excavation intérieure, qui a en Shaw: «'On voit jusqu’à Zow-Wann
« viron deux cent quarante pieds dans u etZung-Gar, à cinquante milles pour
« la plus grande longueur de l’el en le moins dans les terres, des vesti
« lipse. La profondeur, qui n’est pas « ges du grand aqueduc qui fournissait
« moindre de quinze pieds . au-dessous « l’eau à Carthage. Cet ouvrage avait
« du chemin ,montrejusqu’à quel point a coûté beaucoup de peine et d’argent,
« sont accumulées les ruines de Car a et la partie qui allait le long de la
au thage. » n péninsule était fort belle et revêtue
CIRQUE. —— M. Falbe a reconnu au « de pierres de taille. On voit encore à
sud-ouest de la colline de Byrsa , à peu a Ariana, petit village à deux lieues
de distance de la triple défense, les « au nord. de Tunis, plusieurs arches
ruines d’un cirque, avec sa spina et « qui sont entières, et que j’ai trou
ses carceres. Nous savons, en effet, « vées , en les mesurant, avoir soixante
ar saint Augustin , que , de son temps , « et dix pieds de haut. Les pilastres
es Carthaginois étaient passionnés a qui les soutenaient avaient seize pieds
pour les jeux du cirque. En outre, « en carré. Au-dessus de ces arcades,
nous lisons dans Procope, que sous le « est le canal par lequel les eaux pas
règne de Justinien, il y eut une révolte « saient. [l est voûté par-dessus et re
de soldats dans le cirque de Carthage. « vêtu d’un bon ciment. Une personne
THERMES. — Nous savons par Va « de taille médiocre pourrait y marcher
lère Maxime qu’il existait à Carthage « sans se courber. L'eau p montait, à
des bains réservés aux sénateurs, et « ce qu’il araît, par es marques
où les hommes du peuple n’étaient cqu‘e le a aissées, à près de trois
point admis. C’est là l’unique rensei a pieds. Il y avait des temples à Zow
. EO<ŒBŒ<U .
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CARTHAGE. 149
- Wann et à Zung-Gar, au-dessus des à moitié ruinée, qui pouvaient donner
- sources qui fournissaient d'eau l'a. asile aux derniers et faibles débris du
a queduc. n peuple carthaginois. Les commissaires
PnIsoNs; PALAIS rEocoNsuLAIns. envoyés par le sénat romain pour as
— Lorsque Carthage romaine fut de sister à la destruction de Carthage
venue la capitale de la province d’Afri avaient expressément indiqué les quar
ue, les proconsuls établirent leur tiers de Byrsa et de Mégara, dans la
emeure sur la colline de B rsa. Les défense qu'ils avaient faite d'habiter
rois vandales, maîtres de arthage, dorénavant l'emplacement de la ville
choisirent pour habitation le palais pro-r vaincue. On peut induire de cette men
consulaire. L'historien Procope nous tion toute spéciale. que Rome, dans
apprend que les prisons étaient situées les premières années qui suivirent la
au-dessous de ce palais, et que, de victoire de Scipion, tolérait au moins,
leurs sou iraux, on pouvait apercevoir si elle n’autorisait pas, les nouveaux
la mer et es vaisseaux qui s'avançaient établissements fondés en dehors des
vers le port. M. Falbe a reconnu, sur quartiers de Byrsa et de Mégara. Il pa
la colline où était située Byrsa, à une raît même que le Cothôn , ancien port
hauteur de cent quatrecvingt-huit pieds militaire des carthaginois , fut trans
au-dessus de la mer, des voûtes de formé par les Romains eux-mêmes en
vingt à trente pieds de largeur, dont la port marchand ("). On comprend ai
construction lui a paru plus ancienne sément que les vainqueurs n'aient point
que celle des édifices dont les débris voulu perdre tous les avantages que
se voient encore au-dessus. Ces voûtes l’admirable position de ce port pou
sont, à n'en pas douter, de construc vait procurer, par le commerce, à la
tion punique. A l'époque de la domi province qu'ils venaient de conquérir.
nation romaine, e les devinrent les Les historiens racontent que les
prisons que l'on remarquait au-dessous ‘ Romains prononcèrent, au nom des
du palais proconsulaire. dieux, de terribles imprécations con
Nous avons essayé de donner ici, tre ceux qui essayeraient de relever et
d'après les auteurs anciens et moder d'habiter Carthage. Mais on ne saurait
nes, la description de l'ancienne Car établir, à l'aide de ce fait, que la ville
thage. Cette description demandait resta pendant quelques années entiè
peut-être de plus longsdéveloppements. rement déserte; car , 'il est trop évi
Toutefois, nous croyons avoir pré-' dent que les carthaginois, qui avaient
senté, dans le court résumé qui pré échappé à la mort ou à l'esclavage, ne
cède, les principaux‘renseignements devaient avoir aucune crainte de vio
qui ont été rassemblés jusqu'à ce jour ler les prescri tions d'une religion
sur la topographie et les édifices de étrangère et de graver les menaces des
cette ville célèbre. dieux romains qui n'étaient point leurs
dieux. D'ailleurs , les Romains eux
CONCLUSION; mé‘mes ne se montrèrent point scrupu
leux, et, comme le remarque Appien’,
CARTIIAGE SOUS LA DOMINATION ROMAINE.
Caîus Gracchus , sans tenir compte
Caîus Gnsccnus CONDUIT UNE des imprécations prononcées par les
coLoNIE ROMAINE sua L'EMPLACB‘ vainqueurs sur les débris encore fu
MENT DE CARTIIAGE PUNIQUE. — Au mants de la ville prise et saccagée,
moment où l'armée de Scipion quitta vint établir une colonie à l'endroit
l'Afrique, Carthage n'offrait plus'aux même où s'élevait, vingt années aupa
regards qu’un amas de ruines. Toute ravant, la cité punique.Voici comment
fois, le temps manqua aux Romains Blutarque raconte cet événement :
pour tout détruire, et, comme l'a dé n Rubrius, un des tribuns du peuple.
montré de nos jours un savant criti
ue, il restait encore, au milieu des (') Voyez M. Bureau de la Malle , Re
écombres. quelques édifices intacts ou cherche: sur la topographie de Cart/rage.
150
ayant proposé par une loi le rétablis préteur Sextilius te défend, ô Marins,
sement de Carthage ruinée par Sci d’entrer en Afrique. Si tu n’obéis point
pion , et cette commission étant échuc à ses ordres, il mettra à exécution,
ar le sort à Caîus Gracchus, il s’em contre toi, le décret du sénat qui- te
arqua pour conduire cette nouvelle condamne comme ennemi du peuple
colonie en Afrique.... Caïus était oc romain. — Dis au préteur, répond l’il
cupé du rétablissement de Carthage lustre proscrit, que tu as vu Marins
qu’il avait nommée Junonia, lorsque assis sur les ruines de Carthage. 1)
les dieux lui envo èrent plusieurs si Ce récit prouve évidemment que le
gnes funestes pour e détourner de cette prêteur Sextilius avait sa résidence
entreprise. La pique de la remièrc dans la colonie romaine, puisque, au
enseigne fut brisée par l’ef rt d’un moment même où Marins descendait
vent impétueux, et par la résistance en Afri ue, il fut informé de son arri
même que fit celui qui la portait pour vée et ni envoya un licteur. Marins
la retenir. Cet ouragan disperse les s’était probablement réfugié dans une
entrailles des victimes qu’on avait déjà des parties de la ville punique qui
osées‘ sur l'autel, et les transporta n'avaient point été relevées. Depuis
ors des palissades qui formaient l’en l’arrivée de Caïus Gracchus , la colo
ceinte de la nouvelle ville. Des loups nie n’avait pas encore pris des accrois
vinrent arracher ces palissades et les sements assez considérables pour cou
emportèrent fort loin. Malgré ces pré vrir tout l’emplacement de l’ancienne
sages, Ca'ius eut ordonné et réglé en Carthage.
soixante-‘dix. jours tout ce qui con A son retour d’Égypte, César pour
cernait l’établissement de cette colo suivit dans l’Afrique carthaginoise les
nie; après quoi il s’embarqua pour partisans de Pompée. Suivant une an
revenir à Rome (*).- au cienne tradition, il campait non loin
flls'romn m: CARTHAGE ROMAINE de Carthage, lorsqu'une nuit, pendant
DEPUIS L’ÉTABLISSEMENT mas (:0 un sommeil agité,“ vit en songe une
nous AMENÉS un Aramon un Gains grande armée qui l’appelait en gémis
Gnsccrrus, JUSQU'A TIBÈRE. — Ma sent et en pleurant. Le lendemain, à
rius proscrit par Sylla, se sauva en son réveil, César écrivit sur ses ta.
Afrique et descendit à Carthage. A blettes le nom de Carthage. Lorsqu’il
peine avait-il pris terre, qu’un llcteur revint à Rome, les citoyens pauvres
vint à sa rencontre, et lui dit : a Le lui demandèrent des terres : ce fut
alors qu’il envoya des colons à Corin
(”)‘Les patriciens n'avaient qu'un moyen tbe et à Carthage. Dion Cassius, en
d'accréditer
multitude, c'était
ce récit
de fabuleux
montrer que
auprès
les abris
de parlant de César . s’écrie avec une
sorte d’enthousiasme : « Relever deux
tres présages qui avaient accompagné l'étaé villes illustres, sans tenir compte de
blissement de la nouvelle colonie étaient un leur ancienne inimitié contre Rome,
effet de la colère des dieux contre celui qui et cela seulement en souvenir de leur
s’était fait un jeu des imprêcttions pronono puissance et de leur splendeur pas
cées sur les ruines de Carthage. Ne pour sées, c’est une gloire qui n'appartient
rait-ou point dire que le passage de Plutarque qu’à César. » Dion ajoute : « Ce fut
prouve d'une manière indirecte que Caius ainsi que ces deux cités célèbres , qui
Gracchus établit ses colons sur l'emplace jadis avaient été détruites à la méme
ment mème de la ville détrnitePMais, nous
’ ne, commencèrent à reprendre:
ne sommes point réduits, comme l'a dé
montré M. Bureau de la Malle, dans une
simultanément une nouvelle- vie et re
savante discussion, à ce genre de preuves,
dcvinrent une seconde fois trèsvfloris
Pline et Paul Orose nous apprennent d’une sautes. » On pourrait croire, d’après.
manière positive que Cartbage'romaine était ces paroles d’un grave historien, que
placée là où s’élevait jadis Carthage puni César fut le véritable fondateur de
‘ue. Nous pourrions citer encore, I'Épitomc Carthage romaine. Il n’en est rien toue
u livre 60 de Tite-Livc. tefois. César n’envoya en Afrique que
CARTHAGE. 15!
trois mille colons. Un passage de Solin les commoti-ms violentes qui agitaient
nous explique les apparentes contra plusieurs paw’aves de l'empire, lors
dictions qui existent pour cette époque qu’un événement subit vint lui enle
entre plusieurs historiens. Suivant cet ver pour quelques instants le repos et
auteur, la colonie de Caius Gracchus la sécurité. Nous reproduirons ici dans
eut des commencements faibles et sans son entier le récit de Tacite.
gloire. Elle n’avait point encore pris «1 Rome était en alarmes. L'Afri
de grands développements lorsque , que, disait-on, était soulevée; la ré
sous le consulat de Dolabella et de volte avait pour chef Pison, proconsul
Marc-Antoine . elle brilla d'un vif et gouverneur de la province. Ces
éclat, et fut vraiment en Afrique une bruits étaient faux; mais comme des
seconde Carthage. vents contraires iretardaient l'arrivée
Dion Cassius nous apprend qu’Au de la flotte d’Afrique qui portait des
guste envoya de nouveaux colons en blés à Rome, on croyait que Pison
Afrique, parce que Lépidus, non con avait fermé le port de Carthage et vou
tent de priver Carthage de ses privi lait at‘famer la capitale. D'ailleurs, la
léges de colonie romaine, lui avait province et les troupes regrettaient
encore enlevé une partie de ses ’ ' ' Vitellius et n'aimaient nullement Ves
tants. Quelle était la cause des s." “Pl pasicn. Tous deux avaient été procon
tés de Lépidusi’ On l’ignore. L‘lznb. suls d’Afrique, et, chose étonnante,
triumvir avait vraisemblablement en Vitellius avait emporté l’estime et Ves
rôlé les colons romains dans ses lé pasien la haine de cette province. Mu
gions , et lorscss’il avait privé de ses cien suscite contre Pison deux agents
privilèges une ville fondée j ir Caïus provocateurs, Sagitta, préfet d’un corps
Gracchus et re: ,mrée par Jules César, de cavalerie. et un centurion. Le lieu
il avait cru peu . titre, lui qui était un tenant de la 4' légion, Valérius Fesà
des chefs de l’aiistocratie, porter un tus, se joint à eux pour l’entrainer à
coup à la démocratie, qui était sur le la révolte. Pison repousse les sollici
point de triompher dans la personne tations du lieutenant et du préfet. Le
des empereurs. ' centurion de Mucien arrive : à peine
HISTOIRE DE CAMBAGE ROMAINE entré au port de Carthage, il proclame
DEPL’lS TmÈaa JusQU’A L’AnaIvnn Pison empereur; le peuple se précipite
DES VANDALES EN AFRIQUE. — Pom au Forum, et demande ne Pison y
ponius Méla, qui fut le contemporain paraisse. Celui-ci refuse, ait punir le
de Tibère , de Caligula et de Claude, centurion, ré rimande les Carthagi
disait en parlant de Carthage : « Cette nois par un it sévère, et se tient
colonie du peuple romain est déjà bril. renfermé dans son palais, sans même
lante et riche pour la seconde fois. » exercer les fonctions publiques de sa
En effet, Carthage prenait chaque charge. Festus, sitôt qu'il apprend l’a
jour de nouveaux accroissements et gitation du peuple. et le supplice du
s’embellissait par les somptueux édi centurion , penseà gagner'par un crime
fices qui s'élevaient dans son enceinte. la faveur de Mucien et envoie des_ca
Elle s’enrichissait par le 'commerce, valiers pour tuer Pison. Ceux-ci font,
et , comme autrefois, les vaisseaux pendant la nuit, une marche forcée,
ui sortaient de son port allaient tra arrivent au point du jour, se précipi
hquer dans presque toutes les parties tent, l'épée nue, dans le palais du
du monde ancien. Une chose encore proconsul, et l’égo‘îlgent (t). n
servait à sa prospérité et lui donnait La sédition pop aire fut bientôt
une grande im ortance, c’est qu’elle apaisée à Carthage , et pendant un
était devenue e véritable grenier de siècle, sous le gouvernement des Fla
l’Italie , et qu’elle pouvait en quelque viens et des Antonins, cette ville ne
sorte remplacer, pour le peuple de R0 cessa de jouir du calme heureux qui
me, l’Egypte et Alexandrie. Elle vivait
dans une eureuse paix sans éprouver (‘) Tacite , liv. tv des Histoires,
152
jus u’alors avait tant contribué à la vait plus d’espoir, mit lin à ses jours
ren re riche et florissante (“). en s’étranglant avec sa ceinture. Peu
Sous Commode, qui voulait que Car de temps après, on vit à Rome un
thage portât son nom et sappelât jeune enfant de la famille des Gordien
Alexandria Commoda Togala, .il y revêtu de la pourpre des Césars : il
eut quelques mouvements en Afrique. était âgé de douze ans à peine. Après
Nous savons que Pertinax, qui ‘était un règne qui fut bien court, il périt,
alors proconsu dans cette province, comme son père et son aïeul, par une
réprima plusieurs séditions. Le peu mort violente.
ple‘ était agité par les prophéties qui Après la révolte que nous venons
émanaient, à Carthage, du temple de de raconter, l’histoire ne nous dit pas
!“c.r_e—re
lune Cœlestis. Mais ces troubles ne que Carthage ait été le théâtre de
furent pas de longue durée , et pendant quelque grand événement politique._
un demi-siècle encore la ville vécut Nous savons seulement que l’empereur
dans une paix profonde ("*). Probus, dans ses courses rapides, vi
En 235 , Maximin devint le chef de sita cette ville et qu’il y com rima
l'empire. Cet ancien pâtre de la Thra. des séditions ("). Un auteur chrétien,
ce, qui était Goth d'origine, se rendit saint Prosper, nous apprend encore
bientôt odieux par son avarice et sa qu’en l’année 424, Carthage fut en
cruauté. L’Afrique carthaginoise fut la close de murailles : jusqu alors elle
première province qui se révolta con. était restée ouverte et non fortifiée.
tre lui. Quelques ennemis de Maximin Quel danger, en effet, menaçait la
forcèrent le proconsul Gordien à re province carthaginoise et sa capitale?
cevoir le titre d’empereur. Ce fut à Pendant longtemps les intérêts de B0
Carthage que ce vieillard, qui était me et de l’Afrique avaient été si bien
alors âgé de quatre-vingts ans, prit liés, qu’une seule légion avait suffi
les marques de la dignité impériale. ll pour garder tout le pays depuis Tan
associa a son nouveau pouvoir son fils, ger jusqu’à Cyrène. Dès l’e'tablisse
ui portait comme lui le nom de Gor ment de l’empire, la province cartha
ien. L'élection des nouveaux empe ginoise n’inspirait aucune crainte aux
reurs fut approuvée à Rome, en haine Romains; Auguste l'avait abandonnée
de Maximin. Mais Capellien, qui com à l’administration du sénat, et l’on
mandait en‘ Numidie, rassembla des sait que le prévoyant empereur avait
troupes et marcha contre Gordien. Les eu soin de se réserver les provinces des
habitants de Carthage prirent les ar frontières qui étaient sans cesse me
mes pour défendre celui qui avait été nacées et où campaient de nombreuses
élu et proclamé empereur au milieu légions ("‘*). Pourquoi donc, en 424,
d'eux. Les Cartha inois furent vain Tliéodose le jeune fit-il entourer Car
cus. Le jeune Gor ien fut tué dans la thage de fortes murailles? On ne le
bataille, et son père, qui ne conser sait. C’était peut-être par un vague
pressentiment des maux qui allaient
(') Les événements les plus importants
fondre sur l’Afrique. Mais, certes, on
qui signalent, à Carthage, le commencement
était loin de prévoir que les ennemis
et le milieu du deuxième siècle de notre ère,
qui devaient envahir cette province du
sont la construction du grand aqueduc par vieil empire romain étaient des barba
Adrien et l'incendie du Forum sous le règne res venus des bords de la Baltique.
d‘Anlouin le Pieux. PEBSISTANCE DE LA sacs PUNIQUE
t") Septime Sévère, s'il faut en croire
'l‘zelzès. tit élever un tombeau de marbre (') Sous le sixième consulat de Dioclélien
blanc au plus illustre des Carthaginois, à et le cinquième de Maximien, on éleva des
Annibal , qui était Africain comme lui. Si thermes ‘a Carthage. On les appela Thermes
Tlelzès dit vrai, ce tombeau de marbre de Mazîmien.
blanc fut vraisemblablement placé ‘a Car (") Tillemont, Histoire des empereurs,
thage, qui était la patrie d'AnnibaI. t.‘l,p.3 de l'édition in-n ; Bruxelles, 1707.
CARTHAGE. 153
nus CABTHAGE ROMAINE. — Il n'est nalogue dans les rits italiques, mais
point inutile de constater ici la per qui se rapprochaient beaucoup des pra
sistance de la race punique au sein tiques en usage dans l'orient. L'em
même de Carthage devenue colonie pereur fléliogabalc comprit aisément la
romaine. transformation qui s'était opérée; sous
La victoire de Scipion Émilien n'a le nom romain il distingua l'Astarté
vait pu anéantir d'un seul coup tous phénicienne, et lorsque, par un ca
les descendants des Phéniciens. D'a price bizarre, il voulut non par ma
bord , au commencement du siège que ria e le dieu Baal et la lune (.‘œlestz‘s,
nous avons précédemment raconté, Il n ignorait pas qu'il rapprochait ainsi
plusieurs familles avaient dû quitter deux divinites asiatiques qui apparte
Carthage pour se réfugier dans les vil naient à une seule et même religion.
les voisines. Ensuite, on peut croire Ce n'était point seulement par le
u'après le siége, au moment même genre des hommages qu'ils rendaient
de la destruction de la cité punique, a Junon Céleste que plusieurs habi
lusieurs de ceux qui avaient défendu tants de Carthage décelaient leur ori
eurs fo ers jusqu'a la dernière extré gine hénicienne, mais encore par les
mité écli’appèrent à la mort et à l'es sacri ces humains qu'ils faisaient à
clava e. leurs anciens dieux. Dans la colonie
a n fait très-curieux our'l'histoire romaine, le sang des hommes coula
de Carthage romaine, it M. Bureau plus d'une fois en l'honneur de Baal
de la Malle, se trouve égaré dans le et de Melcarth, et nous avons dit pré
vaste recueil d'Athénée où personne cédemment ue, sous les empereurs,
ne s'est avisé d'aller le chercher. Cet on fut oblig _de faire des lois sévères
auteur rapporte un discours du péripa pour arrêter ces terribles et sanglantes
téticien Athéuion, devant l'assemblée immolations.
du peuple d’Athènes, dans lequel ce A Carthage et dans le pays qui avoi
hilosophe affirme que non-seulement sinait cette ville, la langue punique
es peuples italiques, mais que les Car ne cessa point d'être en usage, même
thaginois même ont envoyé des ambas à l'époque de la domination romaine.
sadeurs à Mithridate, ur conclure Nous pourrions peut-être donner ce
avec lui une alliance of ensive dans le fait comme une preuve de la persis
but de détruire la puissance de R0 tance de la race vaincue. Apulée nous
me. Ce document curieux prouve qu'à apprend que, sous le règne d'Auto
cette époque beaucoup de carthaginois nin, on parlait également à Carthage
étaient ‘encore mêlés à la colonie ro le punique et le latin; et longtemps
maine, qui, formée d'ltaliens , parta encore après le siècle où vécurent An
geait la haine des vaincus contre le tonin et Apulée, on se servait, en
sénat obstiné à lui refuser le droit de Afrique, de la vieille langue des Phé
cité. » niciens, si l'on en juge par le passage
Mais il est une chose qui prouve suivant que nous empruntons à l'un
mieux encore la persistance de la race de nos Elus savants et de nos plus il
punique au milieu de _la_colonie ro lustres istoriens. « Le premier ou
maine, c'est la transmission non in vrage de saint Augustin contre les
terrompue des idées religieuses venues donatistes fut un canti ne en rimes
de l'orient. La religion des Carthagi acrostiches, suivant l’or re de l'alpha
nois se releva pour ainsi dire avec leur bet, pour aider la mémoire. Saint Au
ville. Parmi les anciens temples que les gustin le lit d'un style très-simple, et
Romains consacrèrent à leurs dieux, n'y observa point la mesure des La
il y en eut un qui acquit bientôt un tins , de peur d'être obligé d'y mettre
grand renom : ce fut le temple de Juno quel ne mot hors de l'usage vulgaire,
Cœlestis. La déesse Céleste, comme car i com sa ce cantique pour l'ins
on l’ap elait alors, fut honorée ar truction u bas peuple; ce qui fait
des cér monies qui n'avaient rien ’a voir qu'encore que la langue punique
tu
encore en usage dans cette partie tait un homme nourri dans les lettres
de l'Afrique, il y avait peu de gens et la philosophie, et qui lisait assidû
qui n’entendissent le latin (*). » ment les ouvrages de Tertullien. Il
_C'ABTHAGB cnnIâ'rmNNE. — On ne consuma sa vie à ranimer par ses écrits
saurait fixer d’une manière précise le» le zèle de ceux qui partageaient ses
temps où le christianisme pénétra pour croyances, et à combattre les ennemis
n la première fois dans l’Afrique cartha de la religion chrétienne. Il avait
ginoise. Nous savons seulement qu’à échappé bien des fois aux ruses des’
la fin du deuxième siècle de notre ère persecuteurs et à la fureur du peuple
on comptait déjà dans cette province qui ne cessait de crier : Cyprien aux
un grand nombre de chrétiens. C’était' lions! lorsqu’il souffrit le martyre sous
l’époque où vivait à Carthage un des l’empereur Valérien.
plus illustr écrivains de l’Eglise, Ter. Après les sanglantes persécutions de
tullien. Cet omme qui, suivant l’e’x Dioclétien et de Galérius, la religion
pression de Fleury, avait un'ge’m’e dur, chrétienne triompha enfin dans toutes
sévère et violent, une grande chaleur les parties de l’empire. Mais la lutte
d’imaglnation, composait dans cette contre le polythéisine était à peine
ville , our l'instruction ou la défense terminée, que l’Eglise fut agitée par
de ses ii‘èresten religion,- les éloquents des dissensions intestines et de gran
traité’s quil’ont rendu à jamais cé des discordes. A Carthage, l’élection
lèbre. contestée de l'évêque Cécilien devint
Les édite de persécution atteigni la cause d’un schisme. Les dissidents
rent‘ bientôt en Afrique les sectateurs donatistes se multiplièreut bientôt dans
des idées nouvelles. L'an 200 de notre toutes les parties de l'Afrique. Ce fut
ère, sous le règne de Septime Sévère, à l’occasion de ce schisme qu’on vit a
on amena douze chrétiens à Saturnin, alors à Carthage de nombreux conci
proeonsul de la province carthaginoi les, et qu’un des Pères les plus illustres
se.v Nous citerons ici les noms glorieux de l’Église, Au ustin, évêque d’Hip
de ces douze premiers confesseurs de pone‘; soutint ans ses écrits de lon
l'Église d’Afrique. Sept hommes : Spe— gues et célèbres controverses (‘). La
ratus, Narzal, Citti‘n, Veturius, Fe querelle entre les orthodoxes et les
lix, Acy‘llirr, Letantius; cinq femmes: onatistes n’était point encore apai
Januaria, Generosa, Vestina, Donata sée lorsque les Vandales passèrent en
et seconda, a‘imèrent‘ mieux, par un Afrique.
sublime dévouement, perdre la vie que Eux FLOBISSANT ET spLENnEUn
renoncer à leurs croyances. Ce fut DEx CABTHAGE sous LA DOMINATION
vraisemblablement à l’occasi‘on de ce noMxINE; ARRIVÉE DES VANDALES
martyre que Tertullien écrivit le plus EN Air-mous. —Au commencement de
céièhre de ses ouvrages‘, l’Apologéti l’empire, Strabon disait déjà de Car
que. Mais le hardi défenseur des-‘divisée thage : « Maintenant il u’existe point
tiens ne put se faire entendre, et‘, au de ville'len Libye qui soit plus peuplée; n
moment où circulait dans toutes les et Pom nius Meia , peu de temps
mains son éloquent plaidoyer, il vit, après, a représentait comme une cité
à Carthage, le supplice de Perpetueet riche et florissante. Sous le règne d’An
de Félicité (“). tonin, Apulée, en faisant une pom
Au milieu du_ troisième vsièciei, Cy pense description de Carthage, nous
prien illustra l’Eglise de Carthage; Gé arle de sa nombreuse population , de
a beauté de ses édifices. du luxe qui
(') Voyez Fleury, Histoire ecclésiastique,
liv'. xi'x. ' (") En ce‘ qui concerne l'Église de Carthage
(") Nulle légende chrétienneln'éga’le en et le schisme des donatistes, nous renvoyons,
beauté le récit des le net souffrances de pour de plus amples détails, à la partie de
Perpêtùe et de F'élici . voyez ‘les 4cm cet ouvrage qui est consacrée à l‘dfiîqùä
navrant aimera. chrétienne.
CARTHAGE. 155
éclatait de toutes parts dans son en cette ville qu’écrivirent et pa’rlèrent
ceinte, et de la richesse de ses habi Tertullien et Cyprien, et que. ‘saint
tants. Hérodien prétend qu’à l'époque Augustin enseigna la rhétorique.
de Gordien elle ne cédait qu’à Rome Pour compléter ce tableau, il nous
seule, et qu’elle disputait le second suffira de donner ici une description
rang àAlexandrie. Solin, qui écrivit, de Carthage faite par Salvien, au mo
comme l’a démontré Saumaise, avant ment même où l’empire était envahi
la translation de l'empire à Constanti» de tous côtés par les nations barbares.
nople, nous dit : « Carthage est main « Je prendrai, dit-il, pour exem le Car
tenant après Rome la seconde ville du thage, la première et presque a mère
monde. » Un géographe qui vécut sous de toutes les villes d’Afrique, toujours
l’empereur Constance vante la beauté la rivale de Rome, autrefois par ses
de ses rues et de ses places, la sûreté armes et son courage, de uis, par sa
de son port, et la magnificence du grandeur et par sa ma ni cence; Car
Forum décoré par le superbeport‘ ac thage , la plus cruel e ennemie de
des banquiers ("). Al’époque de Va en Rome, et qui est pour ainsi dire la
tinien et de Gratien , Ausone ne met Rome de l’Afrique. Là se trouventdes
au-dessus d’elle que Rome et Cons établissements pour toutes les fonc
tantinople. tions publiques, des écoles pour les
Les nombreux témoignages que nous arts libéraux, des académies pour les
venons de citer, uvent nous don philosophes, enfin des gymnases de
ner une haute id e de la splendeur toute espèce pour l’éducation physique
de Carthage romaine. Cette ville, en et intellectuelle; là se trouvent aussi
effet, voyait circuler dans son enceinte les forces militaires et les chefs qui diric
une innombrable population. Elle était ent ces forces; la s‘honore de résider
ornée de superbes edifices. Elle avait e proconsul qui, tous les jours, rend
un cirque. un théâtre, un am hithéâ la justice et dirige l’admmistration,
tre, un gymnase, un prétoire, e beaux proconsul uant au nom seulement,
temples (‘*), des rues et des places mais consu quant à la puissance; la
bien alignées et un immense aqueduc. résident enfin des administrateurs de
Elle s’enrichissait par le commerce et toute espèce, dont les emplois diffèrent
l’industrie. Elle possédait des sculp autant que les noms, qui surveillent.
teurs et des fondeurs habiles, et ses en quelque sorte, toutes les places et
œuvres d'art étaient recherchées. Elle tous les carrefours , qui tiennent sous
brillait aussi dans les sciences et dans leurs mains presque toutes les parties
les lettres; Apulée, sous le règne d’An de la ville et tous les membres de la
tonin, se faisait gloire d’être sorti des population. 1)
écoles de Carthage; et ce fut dans Quand Salvien écrivait ces mots,
dans un ouvrage célèbre, l'instant n’é
(") Voyez M. Bureau de la Malle, Re tait pas éloigné où , franchissant le
cherche: sur la topographie de Cart/rage. détroit de Gadès , les Vandales allaient
t") A partir de l'établissement du chris se répandre en Afrique et faire de
tianisme dans l'empire, on vit s'élever à Carthage la capitale de leur empire.
Carthage plus de vine! églises ou monastères.
muwmwmuuumsu \ huauwnwummnotnssnuunuum nununnumu
IÇWFRIQUE CHRÉTIENNE
E'I‘ DOMINATION DES VANDALES EN AFRIQUE,
PAR M. J. YANOSKI.
PARIS,
CHEZ FIRMIN DIDOT FRÈRES, ÉDITEURS,
mmmnUxs-Lmnunns me L’ms'n'ru'r,
mm .ucon, 56.
M DCCC XLII.
HISTOIRE ET DESCRIPTION
DE TOUS LES PEUPLES,
DE LEURS RELIGIONS, MOEURS, COUTUMES, me.
“O‘ÙCMWI‘O‘C ton-00.00.00.00 mmnnnmn W’QQ‘M“
HISTOIRE DE LA NUMIDIE ET DE
LA MAURITANIE,
DEPUIS LES TEMPS LES PLUS ANCIENS JUSQU'À L’ARRIVÉE DES VANDALES
EN APRIQUB;
PAR M. L. LACROIX,
Aucun! inâvl nu L'ÉCOLI Imam/lu, AORici DE L'UNIVERSITÉ, I-Ronssum D'HISTOIRE
AU couûoz ROLLIR.
m- -——<
Micipsa. Manastubal. Gulussa, roi. Une fille, Masgaba. Melbymnat. Stemba. Misälgi'nes.\
roi de roi. | mariée à en tout 44 enfants de Massinissa.
Numidie. I I Asdrubal.
M‘ \
Adherbal- M_\
Hiempsal. Jugurlha. ép. Gaudl. fliempsal, roi de Numidie, chez qui le Mlssivl, tué par
roi d'une une fille jeune Marins se réfugie. Bomilcar.
parliede la de Bocchus. I
Numidie.. w
Hiarbas. détrôné
par Pompée.
.«——‘d\_‘-\ W\
Masintha ou Oximha. pris Hiouha ou .luba. roi de Numidie et de Mau
avec son père et captif à Borne. rillnie. tue’ après la bataille de Tapsus.
mrm
John, roi de Numidie, de Muuritauie, de Ge'tulir. ép. Cléopâtre. fille d'An
toine et de Cle‘opàtre, et Glnphyre, fille d'Archélaüs. roi de Cappadoce.
/W\
Ptole'me'e. roi de Mauritanie. Drusilla.
(') La ville numide de Tisidium, que Stra de Vacca (Bea'ja), aux confins du territoire
bon appelle TWIQOÜÇ, était située non loin romain et du royaume de Numidie.
38
le seul qui échappa; il parvint à se quartiers où étaient les Romains , pour
sauver et à rejoindre le consul. A la les empêcher de ravager impunément
nouvelle du massacre de Vacca, Mé la campagne; mais, frappé de la gran
tellus part en toute hâte avec une lé deur du crime qu’il allait commettre,
gion et un détachement de cavalerie. il resta dans l’inaction au jour mar
Il se jette sur la ville , qui ne s’atten qué. Bomilcar, impatient d’exécuter
daitpoint à une atta ue aussi prompte; son projet, et craignant d’ailleurs que
et quand il est ma tre des portes et 'l’épouvante ne fit changer de des
des murs, il tire du massacre de ses sein à son complice , lui écrivit ar
soldats une affreuse vengeance. Les des gens affidés, pour lui reproc er
habitants de la grande et opulente son hésitation et sa pusillanimité’.
Vacca sont égorgés , et leurs biens li a C’est à vous de ter lui disait-il en
vrés au pillage. terminant, entre es récompenses et
TRAHISON na BOMILCAB. —Métel les supplices.» Au moment même où
lus s’était vengé, mais il n'avait‘pas arriva cette lettre, Nabdalsa , fatigué
vaincu Jugurtha._Le roi numide avait d’un exercice violent, se reposait sur
fait de grands préparatifs , rassemblé son lit. Il lut d’abord la lettre de B0
des troupes, et Il pouvait résister long milcar , puis il médita longuement sur
temps encore aux Romains. Pour abat son contenu; enfin , il s’abandonna au
tre enfin cet ennemi redoutable, le sommeil. Il avait pour confident un
consul, suivant en cela les traditions Numide qui le servait, et auquel il
invariables de la oliti ue du sénat, avait fait part de tous ses projets , ex
eut recours aux p us 0 ieux moyens; capté du dernier. Celui-ci , sur l’avis
il entretint des traîtres aux côtes mé qu’il a de l’arrivée d’un message, pen
mes de Jugurtha. Parmi eux se trou sant que, suivant sa coutume , on
vaitv Bomilcar, dont nous avons déjà peut avoir besoin de son ministère ou
parlé. Cet homme se mit à la tête d’un de son talent, entre dans la tente de
vaste complot, qui échoua par un con son maître, prend , tandis u’il dort,
cours de circonstances que Salluste la lettre de Bomilcar , et la it avec at
nous a fait connaître, et que nous de tention. Quand il a connaissance de
vons rappeler, à notre tour , dans ce la conspiration . il se hâte d’aller trou
récit. Bomilcar, à l'instigation de qui ver le roi. Nabsalda s’éveille peu de
Jugurtha avait entamé le traité de sou temps après, ne trouve plus sa lettre,
mission qu’il abandonna ensuite par et apprend de ses esclaves tout ce qui
crainte , se voyant suspect au roi et se s’est passé : il fait'd‘abord poursuivre
défiant de lui, aspirait à un change le dénonciateur; mais vo ant qu’il ne
ment; il cherchait une rose pour le pouvait l’atteindre , il va ui-même im
perdre, et travaillait nuit et jour pour plorer la clémence de Jugurtha, et le
mettre à exécution son criminel des conjure avec larmes de ne point le
sein. A force de tentatives, il engagea soupçonner de complicité dans la tra
enfin dans son complot Nabdalsa , hison qu’on lui avait dévoilée. Le roi
homme considérable parmi les Numi lui pardonna en effet; mais il fit
des . par sa naissance , ses biens et ses mourir Bomilcar et plusieurs de ses
qualités. Nabdalsa jouissait de toute la complices. Depuis cette conspira
aveur du roi, qui lui confiait 'volon- ' tion, Jugurtha ne goûta plus un seul
tiers , dans ses expéditions , des corps instant de repos. En proie , de jour et
de troupes nombreux, et l’initiait au de nuit, aux plus vives inquiétudes,
secret de toutes ses affaires. Bomilcar le moindre mouvement, le bruit le
et son complice fixèrent ensemble le plus léger l’épouvantaient. Quelque
jour,où ils dresseraient un piège à Ju- ‘ fois , dans les circonstances où il n’y
urtha, et convinrent , pour le reste, avait pas même l’apparence du dan
e régler leurs démarches suivant l’oc ger, il s’éveillait en sursaut , se jetait
currence. Nabdalsa allajoindre l’armée sur ses armes , et donnait l'alarme a
qu’il avait ordre de tenir autour des ses troupes. Les accès de sa frayeur
NUMIDIE ET MAURJTANIE. 39
ressemblaient, s'il faut en croire les des troupes romaines sous les murs du
historiens romains, aux accès de la fort, leur fait bien augurer de leur en
folie. treprise. Effectivement, Thala se rend
DERNIÈRE CAMPAGNE DE MÉTEL au bout d’un siège de quarante jours;
Lus coNTns JUGUnInA (108 avant mais Jugurtha s’était enfui nuitam
notre ère). — a Les mouvements des ment du fort à l'approche de l’ennemi.
troupes numides , dit M. Marcus ("), Il s'en alla, suivi de peu de gens, dans
vont bientôt se ressentir de la er le ays des Gétules, peuple farouche
lexité d'esprit où se trouve leur c lei‘. et arbare qui ne connaissait point le
étellus en profite pour fondre sur nom romain. Il les assemble , les ac
elles à l‘improviste, et les met en dé coutumé peu à peu à garder les rangs,
route. Sa victoire lui vaut la conquête à suivre les enseignes, à exécuter les
de Cirta (Constantine), qui le reçoit ordres du commandant, en un mot
dans ses murs , pendant que son ad à s’acquitter de toutes les fonctions de
versaire va gagner la forteresse de la guerre. En même temps il amène
Thala ("‘) par des voies détournées , Bocchus, son beau-père, qui régnait
en traversant des lieux déserts , avec dans la Maurz‘tunie Tingitane, a lui
les transfuges et une partie de sa ca-' prêter main forte contre les Romains.
valerie. Tliala était une ville grande Les deux rois marchent sur cirtla, où
et opulente; Jugurtha y faisait élever Métellus avait déposé le butin fait à
ses enfants d’une manière digne de Thala et le gros bagage de ses trou
leur rang, et il y avait mis beaucoup pes. Le général romain fait dresser
d’or en réserve. La place avait deux un camp bien retranché dans le voisi
fontaines devant ses portes; mais il nage de Cirta, pour y attendre le choc
fallait franchir un espace de cinquante de l’ennemi; mais celui-ci n’ose point
milles romains (16 lieues deux tiers) l’y attaquer. Sur ces entrefaites , Mé
pour trouver de nouveau de l’eau dans tellus apprend que le peuple avait an
la direction de la route que l’armée nulé le choix que le sénat avait fait de
romaine avait à suivre pour marcher lui pour la direction de la guerre cou
contre Thala. Cependant Métellus ne tre Jugurtha pour l’armée a venir , et
recule point devant cette difficulté; qu'il l’avait conféré à Marius , revêtu
ou charge des bêtes de somme des vi e la dignité consulaire pour cet es
vres nécessaires pour faire subsister pace de temps. Cette nouvelle le for
l’armée expéditionnaire pendant dix tifie dans la résolution de ne pas sortir
jours , ainsi que d’outres de cuir et de de son camp; toutefois, les jours qu’il
vases de bois qu’on remplit d'eau pui y passa ne furent point perdus : il les
sée dans la rivière qui se trouvait à employa à détacher Bocchus de l’al
cinquante milles de distance de ladite lianceîavec Jugurtha, et il eut la satis
place 0'“). Une pluie abondante qui faction de voir qu’il n’entreprit rien
tombe du ciel, la veille de l’arrivée contre les Romains tant qu’il resta en
Afrique. n
(') Voy. I’Appendice à Mannert déjà cité, DÉPART DE MÉTELLUS; RETOUR
DE MABIUS EN Antique; ses PRE
p. 761.
(") Il ne faut pas confondre, comme l’ont MIsns succîas ; Pniss DE cAPsA
fait quelques savants, Tlmla avec T/zelepte. ( 107 avant notre ère). — Marins avait
Ce sont deux villes différentes. La ville de enfin obtenu de Métellus, après de
Thala, dont parle Salluste, était située non vives instances, de retourner en Italie.
loin de l'endroit où le Bousellam et le Arrivé à Rome, il s’était ligué avec
Oued-Ziam'n se réunissent pour former les tribuns, et s'était montré l’un des
I'Jjeééi. . ennemis les plus acharnés des patri
("") Cette rivière est le Oued-eI-Dzahab, ciens. Ses violents discours plus que
qui se jette dans la rivière de Constantine ses glorieux services lui avaient con
(ancienne Cirta), aux environs de l'ancienne cilié l’affection du peuple. Aussi ,
Tucca Finis. quand le temps des comices arriva ,
40
Marins, au grand regret des sénateurs Jugurtha d'un grand avantage, et pour
et des nobles, fut élevé au consulat. nous d'un diflicile accès ; d'ailleurs, on
Il se lit donner alors le commande avait affaire à une nation inconstante,
ment de l’armée d’Afrique. Il disposa perfide, qui jusque-là n’avait été re
tout pour réussir; il leva des soldats tenue ni par les bienfaits , -ni par la
dans les classes qui lui étaient dé crainte. » La prise de Capsa donna à
vouées et auxquelles il devait son élé Marins , dans l'armée et à Rome,
vation , se pourvut abondamment de beaucoup de crédit et de considération.
vivres, d’argent et d'armes , et s'em manms s'ennuie DE LA FORTE
barqua enfin pour l'Afrique. Il aborda nsssa ou ÉTAIEN‘I DÉPOSÉS LES
en peu de jours à Utique. Le com 'rnssons DE JUGURTEA; .uuuvtân
mandement de l’armée lui fut remis na SYLLA EN AFBIQUE. -— Le succès
par le lieutenant Publius Rutilius; rendit le consul de plus en plus auda
car Métellus, évitant la présence de cieux. Non loin du Mulucha (*) , qui
Marins , s'était hâté de retourner à séparait la Numidie de la Mauritanie ,
Rome. où ré nait Bocchus, s’élevait, au mi
Arrivé à ses quartiers, le nouveau lieu 'une plaine, un rocher d'une
consul y maintint la discipline sévère étendue considérable et d'une immense
qu’avait établie son habile prédéces hauteur. Au sommet de ce rocher
seur; puis il mit son armée en mou était une forteresse, où l'on ne pouvait
vement. Il l’habitua aux marches , aux arriver que par des sentiers étroits , et
fatigues, et, par des combats partiels, bordés de toutes parts de précipi
il entretint son ardeur. Il battit plus ces (**). C'était dans cette forteresse
d’une fois les tribus qui prêtaient aide que Jugurtha avait déposé ses trésors.
et a pui à Jugurtha , et obtint sur le Marins voulut s'en emparer , et, sans
roi ui-méme un avantage considéra se rendre compte des diflicultés de
ble aux portes de Cirta. Mais ce que l'entreprise, il vint établir son camp
Marius recherchait avant tout, c'était au pied du rocher. Il eut échoué peut
une de ces actions d’éclat qui, comme étre. sans l'audace d'un soldat ligurien.
la prise de Thala, pouvait illustrer Celui-ci découvrit sur le flanc de la
d’un coup toute une campagne. Il montagne, à distance du camp romain,
voulut donc, comme Métellus, s'em un sentier qui n’était pas gardé par
arer d’une place considérable , et en l’ennemi; il lit part au consul de sa
ever ainsi à son ennemi une de ses découverte. Marins envoya des‘trou
principales ressources. Il jeta les yeux pes légères vers le point qui lui était
sur Capsa (*). Cette ville était située désigné, et, pour cacher son dessein ,
'au milieu d'un désert inculte, et entiè il se porta d'un autre côté, et feignit de
rement privé d’eau. Marins fit ses pré vouloir emporter la place. Tandis qu’il
paratifs avec prudence; et quand il occupe les soldats de Jugurtha, le Li
eut pourvu pour plusieurs jours aux urien et ses compagnons gravissent
besoins de son armée, il se mit en e rocher, et pénètrent dans l'intérieur
marche. Il surprit Capsa un matin, et de la forteresse en escaladant la par
s’y jeta avec ses troupes. Il brilla la tie des murs qui n'était point gardée.
ville,massacra ou vendit les habitants; Ce fut ainsi que Marius se rendit maî
il se montra si cruel, que sa conduite tre des trésors de Jugurtha. Sur ces
parut odieuse à ceux-là même qui, entrefaites, Sylla, ui avait été nommé
comme Salluste, essayèrent de le jus questeur de l'armée d’Afrique, arriva
tifier. c Cette rigueur, contraire aux au camp avec un puissant renfort de
lois de la guerre, dit l'historien , ne cavalerie.
vint ni de l'avarice , ni de la cruauté (") La Molouya.
du consul; mais la place était pour (”) L'emplacement de cette forteresse cor
respond, suivant M. Mal‘cllS, à celui du
(') Capsa (Gafia) étaitla ville principale château fortifié appelé par les Arabes Ka
de la partie orientale de la Ge’lulie Numide. Iaat-el-Oucd, ou le château de la rivière.
NUMIDIE ET MAURITANIE. 4l
BOCCHUS se sont!‘ A JUGUBTHA; de Rome, et promit d’abandonner Ju
MABIUS neurone maux vicmmxs gurtha. Mais, après le de’ art de Sylla
sua LES nors strass; IL PREND ses et de Manlius,i changea rusquement
QUARTIERS n‘mvxn. — Après tant de résolution. Ce ne fut qu’au moment
d’heureux succès, Marius voulut don où le consul prépara une nouvelle ex
ner du repos à ses troupes, et il se pédition , u‘il parut se décider fran
mit en marche vers la côte pour pren chement à aire la paix. Il envoya des
dre ses quartiers d'hiver. Jugurtha, ambassadeurs au camp de Marius ,
malgré ses pertes, n’était point abattu. puis à Rome. Là, on répondit en ces
Il avait entraîné dans son alliance Boc termes à ses propositions : a Le sénat
chus. roi de la Mauritanie. Les deux et le peuple romain ne perdent jamais
rois avaient sous leurs ordres une ca le souvenir des bons et des mauvais
valerie considérable , avec laquelle ils offices qu'on leur rend. Néanmoins,
surveillaient la retraite de l'armée ro puisque Bocchus se repent de sa faute,
maine. Un soir , ils se jetèrent à l'im Ils la lui pardonnent : ource qui est
proviste sur Marius, non en corps ni de leur alliance et de eur amitié, on
en ordre de bataille, mais en foule et les lui accordera lorsqu'il les aura mé
par pelotons formés au hasard. Cette ritées. n Bocchus ne pouvait se mé
attaque inattendue jeta d'abord le dé prendre sur le sens de ces dernières
sordre parmi les Romains. Ils se dé paroles, et dès lors il chercha , non
rendirent avec peine jusqu'au moment sans hésiter souvent encore , à rem
où Marius, après avoir rallié ses sol plir les intentions du sénat. Voici les
dats , occupa deux éminences. Les curieux détails que Salluste nous a
Numides n’oserent point le forcer transmis sur l’odieuse trahison ui
dans cette position; ils se contente mit fin d'un coup à la guerre d'A ri
rent d’environner les collines. Pendant que :
la nuit, au moment où ils se livraient u Bocchus écrivit à Marins de lui
au repos, le consul les surprit à son envoyer S lla, afin de remettre à son
tour, leur fit éprouver de grandes er arbitrage a décision de leurs intérêts
tes, et continua sa marche. Peu ant communs. Le consul l’y envoya avec
quatre jours l’ennemi ne reparut pas; une escorte de cavalerie, d’infanterie,
mais aux environs de Cirta, les cava et de {rondeurs des îles Baléares; il y
liers de Jugurtha et de Bocchus atta avait en outre des archers et une co
quèrent les. Romains par quatre côtés. horte pélignoise, tous armés légère
Cette nouvelle apparition des Numi ment, afin d'aller plus vite, mais aussi
des était aussi imprévue que la pre en sûreté avec cette armure qu’avec
mière; aussi elle jeta d’abord le désor toute autre contre les faibles traits des
dre dans l'armée consulaire. Cepen ennemis. Cependant , le cin nième
dant. grâce à l'activité etau courage jour de la marche, Volux, fils e Boc
de Marius et de Sylla son questeur, chus, parut tout àcou ‘dans la plaine
l’ennemi est forcé de prendre la fuite. avec un corps de cava erie qui n’était
Les Romains entrèrent enlin à Cirta. que de mille hommes, mais qui, mar
IBBÉSOLUTION na noccuUs; n. chant écartés et sans ordre, tirent
murs avec LES BOMAINS; IL TRA craindre à Sylla et aux autres que le
BIT ET Lrvan JUGUBTBA (106 avant nombre n’en fût plus grand, et que ce
notre ère). - Découragé par sa der ne fût un corps d'ennemis. Chacun se
nière défaite, Bocchus songea à trai prépare donc au combat, essaye ses
ter avec les Romains. Quand le consul armes et ses traits, et se tient sur ses
connut ses dispositions, il lui envoya gardes : on a quelque crainte; mais la
Sylla et Aulus Manlius, sbn lieutenant, confiance l'emporte, comme il est na
qui lui avait dé'à rendu de grands ser turel à des vainqueurs qui rencontrent
vices pendant a guerre. Ces deux of des gens qu’ils ont vaincus plusieurs
ficiers eurent une entrevue avec le roi fois. Cependant, les cavaliers envoyés
de Mauritanie, qui demanda l'alliance à la découverte rapporteront, comme
42
il était vrai, qu’il n’y avait rien à a Celui-ci le prie avec larmes de se
craindre. désabuser; il l'assure qu’il n‘y a de sa
u Volux , en arrivant, s’adresse au part aucune connivence, et que c’est
questeur, et lui dit que son père l’en simplement un effet de l'adresse de
voie pour recevoir les Romains et Jugurtha, qui a eu connaissance de sa
our les escorter. Ils marchent ensem marche par le moyen des espions;
le ce jour-là et le suivant san‘s au qu’au reste, ce prince ayant peu de
cune alarme; mais le soir, après que monde, et n'ayant d’espérance et de
le camp est posé, le prince maure ac ressource ' ue dans la protection de
court précipitamment vers Sylla, d’un Bocchus, i'lest probable qu’il n’osera
air inquiet et effrayé; il lui dit qu’il rien entreprendre ouvertement sous
vient ’apprendre par ses espions que les yeux du fils de son protecteur; que
Jugurtha n'est pas loin, et il le presse le parti donc qui lui paraît le meilleur
vivement de se dérober secrètement est de traverser son camp en plein
avec lui pendant la nuit. Sylla lui ré jour;et ne ourlui, soit qu’on veuille
pond avec fierté qu’il ne craint point envoyer es aures en avant ou les
un Numide battu tant de fois; qu il est laisser au lieu mémeqoù l’on est, il
assez rassuré par la confiance qu’il a ira seul avec Sylla. Cet expédient, vu
dans la valeur de ses troupes; mais la con'oncture. est approuvé; on part
que quand sa perte serait infaillible, aussitot, et l'on passe sans accident,
i resterait, plutôt que de trahir ceux parce que Jugurtha, surpris d'un abord
qui ont été confiés à sa garde. Le si imprévu, ne sait.à quoi se détermi
prince, là-dessus, lui conseillant de ner. Peu de jours apres, on arrive au
décamper, du moins pendant la nuit, rendez-vous.
il approuve cet avis , et sur-le-champ « Il y avait au rès de Bocchus un
il ordonne aux soldats de prendre de Numide, nommé spar, faisant sa cour
la nourriture, d’allumer beaucoup de assidument et avec succès; J ugurtha
feux dans le camp , et d’en sortir ayant su que Sylla avait été mandé ,
en silence à la première veille. Après l’avait envoyé d’avance àtitre d’agent,
cette marche nocturne, qui avait fati et pour pénétrer adroitement les des
gué tout le monde, Sylla, au lever du seins de Bocchus. Il y avait encore
soleil. traçait un camp, lorsque des Dabar, fils de Massugrada, de la mai
cavaliers maures viennent annoncer son de Massinissa; mille excellentes
que Jugurtha est campé en avant, à qualités lui avaient gagné les bonnes
quelque deux milles de distance. Cette grâces et la faveur du roi maure. Boc
nouvelle jette l’épouvante parmi nos chus ayant déjà éprouvé, en plusieurs
gens ; ils se croient trahis, et engagés occasions , qu’il etait affectionné aux
par Volux dans une embuscade; quel Romains, se hâta de le députer vers
ques-uns même sont d’avis qu’il faut Sylla, pour lui dire de sa part qu’il
s’en venger sur sa personne, et ne pas est prêt à se soumettre; qu’il ait à
laisser impuni un crime si atroce. choisir lui-même le ‘cm, le lieu et le
« Mais Sylla, quoiqu’il ait les mêmes moment de la con érence; qu’aucun
pensées, s oppose à cette violence; il engagement n’a prévenu leur délibé
exhorte les siens à avoir bon courage; ration commune; que l’envoyé de Ju
il leur représente qu’il est souvent ar gurtha ne doit faire aucun ombrage;
rivé à une poignée de braves de l’em qu’on ne l’a appelé que our traiter
porter sur le grand nombre; que, plus librement, parce ue ‘on ne pou
moins ils se ménageront dans l’actlon, vait autrement se déro er aux artifices
lus ils seront en sûreté; qu‘il est de ce prince. Pour moi, ajoute Sal
lionteux, quand on a les armes en luste, j'ai des preuves que Bocchus,
main, de ne compter que sur la fuite. par une insigne mauvaise foi plutôt
Ensuite, ayant pris les dieux ‘a témoin que dans aucune des vues qu’il pré
de la perfidie de Bocchus , il ordonne textait, amusait tout à la fois les Ro
à Volux desortir du camp. mains et le roi numide par des espé
NUMIDIE ET MAURITANIE. 48
rances de paix; qu'il avait souvent « tière. Quant à mes dispositions à l'é
balancé s'il livrerait Jugurtha aux Ro « gard de votre république, apprenez
mains, ou Sylla à ce prince; et que «les en deux mots. Je n'aijamais fait
son ‘penchant le décidait contre nous, «ni voulu faire la uerre au peuple
mais que la crainte le détermina en « romain; mes frontières ont été atta
non‘; fl‘îvelël‘. d .quées. j'ai pris les armes pour les
n yena préséance
chose r n itd’Aspar;
qu'il dirait u de
qu'inles'ex a éfendre : j y renonce, puisque vous
«le voulez. Faites, à votre gré , la
pliquerait sur le reste sans témoin, a guerre à Jugurtha; le fleuve Mulu
ou du moins devant peu de person «cha, qui bornait mes États et ceux
nes : il régla en même temps ce qui a de Micipsa , est une barrière que je
lui serait répondu. Quand ils furent - ne passerai point, ,et je ne la laisserai
assemblés comme ils en étaient conve «point passer à Jugurtha; si vous
nus, Sylla dit qu'il était venu de la «exigez quelque autre chose qui soit
part du consul pour savoir si Bocchus a digue de vous et de moi, je ne vous
eutendaittprendre le parti de la guerre «la refuserai point. »
ou celui a la paix. Le roi, confor «Sur ce qui lui était personnel,
mément aux instructions qu'il avait Sylla répondit en peu de mots et avec
reçues, lui dit de revenir dans dix modestie; sur ce qui concernait la
jours; qu'il n'était pas encore décidé, paix et les intérêts communs, il s’é
mais qu'il lui donnerait ce jour-là une tendit davantage. Il finit par faire en
réponse précise. Là-dessus, chacun se tendre au roi quele sénat et le (peuple
retira dans son cam . Mais quand la romain, ayant eu la supériorité es ar
nuit fut bien avec c, Bocchus fit ve mes, ne regarderaient point ses pro
nir Sylla secrètement; ils ne prirent messes comme une faveur, et qu'il
tous deux que des interprètes sûrs; faudrait y ajouter quelque action qui
mais ils y ajoutèrent Dabar, homme de pût leur-plaire; qu'il avait pour cela
probité, qui, en qualité de tiers, leur une belle occasion , puisqu'il ouvait
prêta le serment qu'ils jugèrent a pro- ' disposer de Jugurtha; que s'i le li
V s d'exiger; et aussitôt le roi parla vrait aux Romains, ils lui en auraient
0 premier ences termes : la plus grande obligation; que leur
«Je n'ai ‘jamais pensé qu'étant le amitié, leur alliance, et la partie de la
a plus grau roi de cette contrée, et Numidie qu'il réclamait, en seraient
s maîtred'un des plus puissants États aisément le prix.
e que je connaisse, je puisse avoir des a Le roi fit d'abord beaucoup de ré
tobli ations ‘a un sim le particulier; sistance : il observa qu'il tenait à ce
a et véritablement, Syl a, avant que je prince par le sang, par une alliance,
cvous connusse, plusieurs ont im par un traité; qu'il avait d'ailleurs à
‘ploré mon secours avec succès; j'ai .craindre que ce manque de fidélité ne
nnême prévenu les prières de quel révoltat ses sujets , à qui J ugurtha
ques autres, et jamais je n'ai eu be était cher et les Romains odieux. A la
asoin de personne. Cette diminution fin, fatigué des instances réitérées de
« de puissance, si affligeante pour d'au Sylla, il promit de faire ce qu'on lui
«tres, est pour moi un sujet dejoie. demandait. Puis, après avoir pris leurs
«J'ai à me féliciter d'avoir besoin de mesures, ils se séparèrent.
ni votre amitié, qui est ur mon cœur c Dès le lendemain, Bocchus manda
c le plus récieux des biens. Vous pou Aspar, envoyé de In urtha; il lui dit
- vez là- essus memettre à l'épreuve: que, par l'entremise e Dabar, il sait,
- armes, soldats , argent, enfin tout e Sylla même, qu'il y a des moyens
«ce que vous jugerez à propos, pre de terminer la guerre; qu'il s'informe
unez-le, disposez-en à votre gré; et donc à ce sujet des intentionsdu roi son
a tant que vous vivrez, ne meregardez maître. Celui-ci , bien je eux, se rend
- jamais comme quitte envers vous : au camp de Jugurtba. ourvu d'am
I ma reconnaissance sera toujours en ples instructions, il revient en dili
44
gence à celui de Bocchus, après un ceux qui sont apostés l‘cnvcloppent de
voyage de huit jours; il lui déclare toutes parts. On fait main basse sur
que Jugurtha est disposé à tout ce ceux qui l'accompagnent; pour lui, on
qu’on voudra; mais qu’il se lie peu à le livre pieds et poings liés à Sylla,
Marins ; que l'on a déjà traité plu qui le mène à Marins. »
sieurs fois de la paix avec les géné FIN DE LA GUERRE (106); TRIOM
raux romains sans aucun effet; qu'au PIIE DE MARIUS; Monr DE JUGUn
reste Bocchus, pour la sûreté des deux 'rnx (104).—Quand on sut a ltome
rois et pour hâter la aix, devrait, tue Jugurtha était tombé au pouvoir
sous prétexte d'en con érer, ménager e Marins, la joie fut extrême. Jus
un congrès général, où il lui livrerait qu’alors les courages avaient été abat
Sylla; que quand il aurait entre les tus par les désastres répétés qu’a
mains un homme decetteimportanee, vaient éprouvés en Gaule les armes
le sénat et le euple-romain ne mau romaines. Les flots de barbares qui
queraient pas ’ordonnerlaconclusion inondaieut cette belle contrée se rap
du traité, et qu’on ne laisserait pas prochaient de plus en plus de l’ltalie.
au pouvoir des ennemis un homme La prise de Jugurtha soulagea pour un
du premier rang, qui serait prisonnier instant, de leurs inquiétudes et de leurs
non par une lâcheté, mais par son zèle craintes, le peuple et le sénat. Marins
pour la république. arut grand à tous les yeux; et, comme
« Le roi maure, après de longues c dit Salluste, on le regarda dès ce
réflexions. ‘promit enfin de le faire. moment comme l’espérance et l'ap
s'engageait-il avec Jugurtha par feinte pui de la république. On le lit consul
ou avec véritéPJe l'ignore. Toutefois, pour la seconde fois, et on lui décerna,
après qu'on eut réglé le temps et le d'une voix unanime, le commandement
lieu du congrès pour traiter de la paix, des troupes qui devaient combattre en
Bocchus faisait venir tantôt Sylla , Gaule. Mais avant de partir pour une
tantôt l'agent de Jugurtha; il les re guerre nouvelle, il triompha, au mi
cevait avec honnêteté, et leur faisait lieu des acclamations générales, pour
à tous deux les mêmes romesses: les victoires qu’il avait rem ortées en
tous deux, également satis aits, étaient Afrique. QuantàJugurtha, i suivit eu
pleins de confiance. Mais on dit que, la chaîné le char du vainqueur. On dit
nuit qui précéda le jour marqué pour que, pendant le triomphe, l’excès du
la conférence, le roi maure, après malheur et de la honte lui enleva-la
avoir mandé ses confidents, prit tout raison. Jeté dans un cachot, il fut livré
à coup un autre parti, et les congédia; aux outrages des geôliers, qui lui ar
et que, livré à une foule de réflexions, rachèrent ses riches vêtements, et lui
et changeant plusieurs fois d'air, de déchirèrent les oreilles pour avoir ses
couleur, de maintien, comme de peu anneaux d’or. Ce fut en pénétrant
sées, son extérieur, malgré son silence, dans l’humide prison qu’il se prit à
fitassez connaître l'état intérieurde son rire, et s'écria : « Par Hercule! les
âme. A la lin pourtant, il lit venir étuves des Romains sont bien froi
Sylla, et concerta avec lui les mesures des! » On le laissa sans nourriture, et,
pour surprendre le roi numide. Lors avant de mourir, il fut en proie. pen
qu’au jour marqué l’on annonça que dant six jours entiers, aux affreux
Jugurt a approchait, Bocchus, suivi tourments de la faim (104).
d’un petit nombre des siens, s'avança ÉTAT DE LA NUMIDIE APRÈS LA
avec notre questeur, comme par civi DÉFAITE DE JUGUBTHA; GAUDA;
lité, jusque sur une éminence à portée oxvu'rss. — Après la défaite de Ju
de la vue de ceux qui étaient en cm gurtha. les Romains disposèreut de la
buscade. Le prince numide, avec la Numidie à leur gré. Bocchus obtint,
plupart de ses amis, s'y rend aussi comme récompense de ses services, le
sans armes, comme on en était con pays des Massésyliens, contigu à la
venu; aussitôt on donne le signal, et Mauritanie. Cette province lui avait
NUMIDIE ET MAURITANIË. 45
été promise par Jugurtha, s'il traliissait senti à servir l'lnimitié de Marins
les Romains; il aima mieux la tenir contre Métellus; et ce fut en récompense
de ces derniers, qui la lui avaient éga des complaisanccs de son père pour
lement promise. La Numidie propre le vainqueur de Jugurtha, qu'Hiar
ment dite, ou le pays des Massyliens, bas reçut une part dans la dépouille du
fut divisée en trois parties : l'une vaincu. Indépendamment des liaisons
d'elles fut annexée à la province d'A de Gauda avec Marius, la concession
frique, formée après latroisième guerre faite à Hiarbas d'une partie de la Nu«
punique du territoire de Carthage. Les midie s'explique encore par l'esprit de
deux autres furent données à deux la politi ue romaine, qui, ne voulant
princes de la famille royale de Numi point et‘ ectuer la réunion définitive de
die. L'un de ces princes était Hiem sal cette vaste et embarrassante contrée,
11, nommé par Appien Mandresta ; il préférait la diviser et la confier aux
était fils de Gulussa et petit-fils de rinces restants de la famille royale.
Massinissa : l'autre était Hiarbas ou e sénat était sûr de leur docilité, ou
Hierta, fils de Gauda, frère de Jugur— du moins il ne craignait plus de résis
tha. Il paraît‘ ue Jugurtha avait forcé tance sérieuse de ces petits rois, que
Gauda , son rère, à se jeter dans le la chute récente de Jugurtha devait
parti des Romains. Voici la mention faire trembler, et que leur faiblesse
que Salluste fait de ce prince : a Il y coutraignait au repos et à la soumis
« avait dans notre armée un prince sion(*). Quant aux deux fils de Ju
« numide appelé Gauda , fils de Ma gurtha, ils survécurent à leur père;
« nastabal et petit-fils de Massinissa. mais ils terminèrent leurs jours dans
en Ce prince était si accablé d'infirmités, la captivité. Ils étaient détenus à Ve
« que son esprit s'en ressentait un nouse, en Apulie. Cependant ‘l'un
a peu. Il avait demandé à Métellus une d'eux, nommé Oxyntas, eut l'occasion
« compagnie de cavalerie romaine pour de jouer un rôle tout passif, il est
a sa arde, et le droit de s'asseoir à vrai, dans la guerre sociale. Aponius,
« côte de lui, selon la coutume des l'un des chefs des alliés, assiégeant la
« rois. Métellus lui avait refusé l'un et ville d'Acerres, avait pour adversaire
a l'autre : la prérogative, parce qu'elle Sext. J ul. César, dont l'armée était en
a ne s'accorde qu'a ceux que la répu partie composée de Numides. Connais
« blique reconnaît pour rois; la garde, sant le respect de ceux-ci pour le sang
« parce qu’il lui semblait honteux que de leurs rois, il fit'venir Oxyntas de
u des cavaliers romains fussent satelä Venouse, le revêtit de la pourpre, le
u lites d'un barbare. Marius profita traita avec honneur, et le montra aux
« du chagrin de Gauda pour lui offrir Numides de l'armée opposée. Ceux-ci ,
« ses services contre l'injustice du gé. voyant le fils de leur ancien roi dans
« néral. Il n'eut as de peine à ren le camp des alliés, commencèrent à
« verser cette tête aible, en la traitant déserter en foule; et César, se défiant
« de roi, d'homme respectable, de pe du reste, renvoya toute cette cavale
« tit-fils de Massinissa, a qui le royau rie en Afrique (90 avant l'ère chré
a me appartiendrait sans contestation
et si Jugurtha était pris ou tué. C'est (') Il n'est pas certain qu'Hiempsal était
a ce qui arriverait, ajouta-t-il, bientôt, fils de Gulussa. Le président de Brosses in
cline à croire qu'il était de la race des rois
en si, comme consul, j'avais le com maures plutôt que de celle des rois numides,
- mandement de l'armée. Par de tels et peut-être l'un des fils de Bocchus , l'ami
« propos, il engagea ce prince. . . . . à de Sylla. Il paraît , ajouie-t-il, que la race
ni écrire à Rome d'une manière désa. nnmide avait pris parti pour Marius, et la
u vantageuse sur le compte de Métel race maure pour Sylla. (I-Iist. de la répub.
« lus, et a demander Marins pour gé romaine, t. I, p. 332). Cette opinion est
« néral (t). u Ainsi, Gauda avait con confirmée en effet ar la conduite que tin
(") Nous empruntons la traduction du rent Hiarbas et I-Iiempsal dans les guerres
président de Brosses. civiles de Mariuset de Sylla.
40
tienne). L'autre’ fils de Jugurtha est oint y entendre, et la rebutoit : tou
resté entièrement inconnu. ' efois à la fin, voyant qu'il n'avait
, CONDUITE n'mAaBAs E'r n’mmuu point d'autre moyen de s'échapper de
sAL PENDANT LA nIvALrrE DE MABIUS là, et considérant'qu’elle faisoit toutes
ET‘DB SYLLA ; PEnrmrE n’nnmPsAL choses à leur avantage plus diligemL
A L'ÉcAan nu JEUNE MAaIus; HIAE ment et plus affectueusement qu'elle
BAS sE .JOIN’I‘ A DOMITIUS ET DE n'eût fait si elle n'eût tendu à autre
‘IBÔNE HIEMPSAL; IL EST vAtNcu PAR fin qu'à jouir seulement de son plaisir,
POMPÉE , QUI DONNE soN novAunn il commença à la fin à accepter ses
A mEuPsAL (de 88 à 81 de notre ère). caresses, tant que finalementelle lui
—La ma'xime du sénat romain, de dis donna moyen de s'enfuir et de se sau
viser pour dominer, ne s'est jamais dé ver,_lui et ses amis. Il se retira vers
mentie. En distribuant à deux rois les V son père; et, après qu’ils se furent
restes de la Numidie mutilée, il savait embrassés et salués, en cheminant le
bien qu'il y établissait deux rivaux. long de la marine ils rencontrèrent
Hiarbas et Hiemps’al , empressés à se deux scorpions qui se combattoieat
nuire, embrassèrent chacun, dans les ,l'un contre l'autre. Cela sembla un
guerres civiles de Sylla et de Marins, mauvais résage à Marius;à l'occasion
un parti opposé. Par un étonnant re de quoi i s montèrentvitement sur un
vers de fortune, Marins, ‘chassé de bateau depécheur, et passèrent enl’ll‘e
Rome, s'était enfui vers les côtes d’A de Cercina, qui n'est guère distante
frique, et se voyait réduit à mendier, de la ‘côte de terre ferme. Ils n'eurent
pour lui et sa famille, les secours de pas plutôt levé l'ancre qu’ils‘ a erçu
ces mêmes Numides qu'il avait vain rent des gens de cheval que e roi
cus. Déjà son fils, Céthégus et plus Hiempsal avoit envoyés au lieu dont
sieurs autres, étaient arrivés àla cour ils étoient partis, et ce fut l'un des
d'Hiempsal, dont ils attendaient du plus grands dangers auxquels il eût
secours et une bonne réception. Ma échappé (*).n Pen ant que Biempsal se
rius, après avoir erré sur les ruines jetait dans le parti de Sylla; Hiarbas
de Cart age, s'apprêtait à les rejoin se déclarait pour Marius, et ce fut
dre, lorsqu'il apprit à temps que son probablementrdans les États de ce
parti ne_pouva1t pas compter sur ce. dernier que Marius et son fils, avec
roi. Voici comment Plutarque raconte Céthégus, Graniu‘s, AlbinovanuskLæm
la réception perfide que Hiempsal fit toi-ius’ et d'autres ‘encore, passerent
à Marius et à ses amis 2 « Cependant‘ l'hiver de l'année 88, qui ‘avait com
Hiempsal, roi des Numides, ne sa mencé si misérablement pour eux.
chant à quoi serésoudre, faisoit bon Après leur dé art, les deux rois nu
‘honneur et bon traitement au jeune mides s‘e firent a uerre, ‘vidant léur's
Marius et à ceux de sa compagnie‘ différends particu iers au nom des
mais ‘quand ils s'en voulaient aller, il ‘partis i divisaient Rome. Partout
contlfiouvoit toujours quelque nouvelle ceux u1 s'étaient attachésà lafor
occasion pour es retenir, et il étoit tune e Marins succombèrent. Il n'y
aisé de voir qu'il ne reouloit point eut qu'en Afrique où l'année siens l'em
ainsi pour occasion quelconque qui fût porta; car Hiarbas dépouilla Hiem '
bonne; toutefois, il advint à une chose de son royaume. » Aussi Demi ius
qui servit à les sauver. c'est que le Ænobarbus ,. fuyant l'ltalie'où Sylla
jeune Marins, étant beau de ‘visa était revenu triomphant, se réfugia
(on le surnommnit fils de Mars et e chez Hiarbas, ni se joignit à lui avec
Vénus, et cause de sa beauté), fit pitié les forces dont l s'était servi pour (lé
à l'une des concubines le voyant en tel trônèr Hiempsal. Sylla chargea Pom
état. cette pitié fut un commencement pée de poursuivre Domitius et de paci
et une couverture de l'amour qu'elle
lui portait: mais- le jeune homme, à d'Amyot.
(‘l Plulai-que', Vie de Marins,
ses premières approches, ne voulait
NUMIDIE ET MAURITANIE. 47
fier l'Afrique. Pompée partit donc de Quant à Hiarbas, il fut assiégé dans
Sicile avec six lé ions, 120 vaisseaux Bulla, pris et mis à mort. Pompée re
de guerre et 800 âtiments de charge. vint à Utique, après une campagne qui
qui portaient des munitions de toute n'avait duré que quarante jours (81).
espèce. Il vint prendre terre à Curubis, JURA 1"‘ succiæne A soN PËRË
petit port voisin de- Carthage, non HIEMPSAL 11; IL DsvrRN'r L'RNNRatt
loin du promontoire de Mercure, et PERSONNEL m; CÉSAR. — Lorsque
marcha vers Utique , où Domitius et Sylla et Marins eurent disparu, de nou
Hiarbas étaient campés avec des forces veaux ambitieux prirent leur place, et se
nombreuses. Les deux armées se trou firent les chefs des partis qui existaient
vaient en présence; mais elles étaient dans l’État. César et Pompée se dispu
séparées par un ravin dont la descente tèrent a leur tour l'empire du monde,
était rude et le sol raboteux. Domitius en s'appuyant, l'un sur la démocratie,
jugea l'attaque impossible , d'autant l’autre sur l'aristocratie. La Numidie
lus qu’il tomba pendant presque tout prit à leurs démêlés une part plus im
e jour une grosse pluie, accompagnée portante qu'aux troubles précédents,
d'un vent violent. Il se retira vers son et.fut d'un grand poids dans les évé
camp. Alors Pompée jugea que le mo nements de cette lutte. Le royaume
ment favorable était venu; il passa le de Hiempsal avait été agrandi par
ravin, et fondit à l'improviste sur l'ar Pompée; la mort de Hiarbas avait dé
mée qui se retirait. Le désordre se mit barrassé ce prince d'une rivalité qui
bientôt dans les rangs de Domitius et l'affaiblissait, et il avait transmis à
de Hiarbas. Ajoutez qu'ils avaient en son fils J uba 1" un royaume étendu et
face la pluie et le ventvAussi éprouve florissant. Outre la reconnaissance qui
rent-ils une entière défaite. Les sol attachait Juba à la cause de Pompée,
dats de Pompée voulaient le proclamer ce prince avait contre César des mo
imperator sur le champ de bataille; tifs de mécontentement personnel.
mais leur chef leur ayant déclaré qu'il Suétone raconte qu'un différend s’é
n’acce terait cet honneur qu'après la tant élevé entre Htempsal et un noble
prise 11 camp ennemi, ilsy marchèrent numide appelé Masintha , celui-ci im
àl’instant, et le forcèrent. Il était déjà
plora la protection de César, qui com-‘
nuit; Pompée combattit tête nue, pour mençait alors sa carrière politique.
être reconnu par ses soldats et éviter César embrassa avec tant de chaleur’
toute méprise funeste. Le campvfut la cause de Masintha, que, dans une
emporté , et Domitius resta sur la violente altercation avec Juba, fils de
place. Le carnage fut grand , et de - Hiempsal, il s'emporta jusqu'à le'pren
20.000 hommes il n’en échappa que dre par la barbe. C'était le plus san
3,000. Hiarbas prit la fuite, abandon glant outra e que l'on pût faire à un
nant ses éléphants , que Pompée voua Numide. In a ne l'oublia jamais, et
lut plus tard atteler à son char de nous allons le voir dévoué à la cause de
triomphe. Ce prince essaya de rentrer Pompée , non-seulement par recon
dans son royaume; mais il en fut em naissance et par dévouement pour lui,
péché par les Maures auxiliaires que mais aussi par haine pour son adver
Gauda, fils de Bocchus, avait conduits saire.
à l'armée de Pompée. Il fut donc obligé’ EXPÉDITION m1 cuaroN RN. AFRI
de se renfermerdans Bulla. Cependant QUE. JUBA MARCHE. AU SECOURS un
Pompée avait pénétré dans le pays VABUS. IMPaUDRNcu DR cURIoN.
pour rétablir Hiempsal; les Numides Rusa DE JUBA; sa CBUAUTÉ APRÈS
effrayés prenaient tumultueusement LA VICTOIRE (49 avant notre ère). —
les armes pour résister à cette inva Au début de la guerre civile, César
sion; mais Gauda, parcourant la con avait rapidement enlevé l'ltalie à Pom
trée , vainqnit toutes les bandes qu’il pée et à ses partisans. L'un d'eux, At
trouva formées, et Pompée rétablit tius Varus, chassé d'Auximnm, se ré
sans peine Hiempsal sur son trône. fugia dans la province d'Afrique, en
48
expulsa Tubéron, et s’y rendit indé Juba osât venir l’attaquer, tant ses
endant de‘ l'autorité du sénat. Comme premiers avantages , et ceux de César
Il tenait pour Pompée. Juba fit alliance en Espagne, lui avaient inspiré de con
avec lui , et César dépécha à sa pour fiance..Mais uand il fut certain que
suiteCurion, cet ancien tribun qui de Juba n’était p us qu’à 25 milles cl’Uti-v
puis peu se montrait si zélé pour sa que, il prit sagement le parti de se re
cause. Ainsi Curion devait enlever tirer dans le camp cornélien, position
l’Afri ueà Varus et à Juba,‘ comme avantageuse où le premier Scipion
autre ois Pompée à Domitius et à avait campé autrefois. Dans ce poste
Hiempsal. Mais le lieutenant de S lla il n’était pas seulement en lieu sûr ,
avait remporté une victoire là ou le mais rien ne lui manquait : bois, blé,
lieutenant de César ne trouva qu’une eau , sel , ‘tout était sous sa main. Il
défaite et la_mort. Curion. imprudent pouvait communiquer avec la mer, et
et plein d'ardeur, n'avait pris que la il envoya des ordres pour hâter l'arri
moitié des forces que César avait mi vée des deux légions u’il avait laissées
ses àœsa. disposition. Il vint camper en Sicile. Il pouvait onc se tirer d'af,
avec deux légions et 500 cavaliers sur faire en temporisant.
les bords du Bagrada. Juba se hâta Mais il ne ersévéra pas dans ces
d’envoyer des renforts à Utique; car, prudentes réso utions, et sa précipita
indépendamment de son antipathie tion naturelle le fit tomber dans un
pour César, il détestait Curion our piège ‘que lui dressa le rusé Juba.
un motif tout particulier. Enletfet, Quelques déserteurs d’Uti ne lui don
Curion, étant tribun du peu le , avait nèrent le faux avis que In a , rappelé
proposé une loi pour con squer le par une guerre contre des peuples voi
royaume de Juba et en faire une pro sins, était retourné sur ses pas, en
vince romaine. Dans une première vo ant à sa place Sabura, son géné-.
rencontre, 600 auxiliairesnumides fu— ra , pour dé ivrer Utique. Curion ac
rentbattus par la cavalerie de Curion, cueillit avec une confiance précipitée
et se retirèrent aprèsune perte de cette feu se nouvelle , et résolut d’ac
120 hommes. Au commencement de cabler Sa ura. Ce qui donnait une ap
cette campagne, Curion et Varus fu parence_de vérité au faux bruit dont il
rent seuls aux prises, et le lieutenant était la ‘dupe, c’est que Sabura avait
de.César eut toujours Pavantage. Il af été envoyé en avant avec un corps peu
fermit la fidélitehchancelante de ses lé considérable, et ‘qu'il se trouvait près
giqns, formées dedéserteurs ppm du camp, non loin du Bagrada; mais
géiens, et que Varus essa a de lui dé Juba le suivait avec toutes ses forces ,
aucher. Il remporta sur arus la vie préparé à le soutenir. Il s’était arrêté
toire d'Utique‘, où il ne perdit qu'un en arrière, à la distance de 6,000 pas.
seul homme , au rapport» .de César Tout ce que Juba avait prévu se réa
dans ses Commentaires. Enfin il con lisa. Curion fit partir sur le soir sa
traignit l’ennemi à se renfermer dans cavalerie , qui tomba de nuit et à l'im
Utique, et il en vint faire le siège. La proviste sur les Numides commandés
population d’Utique,‘ peu belliqueuse par Sabura. Plusieurs furent tués;
et toute commerçante, et d’ailleurs quelques-uns , faits prisonniers , fu
bien disposée pour César, dont elle rent conduits à Curion, qui s’était mis
avait reçu quelques services, voulait se en marche et qui était déjà loin de son
rendre , et pressait Varus ‘d’ouvrir les camp. Il interroge les prisonniers, et
portes. Mais les courriers de Juba ar leur demande le nom de celui qui les
rivèrent‘, annonçant que le ’roi appro commande. Quand ils eurent nommé
chait avec des forces considérables, et Sabura, Curion n’en demanda pas da
exhortant la villeeà' tenir bon quel ue vantage; et rapprochant le témoignage
temps. Ces nouvelles changèrent l’ tat de ces captifs avec celui des transfu
des esprits. Curion, qui'en fut égale ges de la ville , il demeura plus con
ment avertit ne pouvait croire que vaincu que jamais que Juba était bien
NUMIDIE ET MAURITANIE. 49
loin. Ses troupes partageaient sa con tite armée lit des prodiges. César, qui
fiance; il les enflamma encore par une raconte cette défaite au second livre
allocution animée, où il les exhortait à de ses Commentaires sur la guerre ci
aller non au combat , mais à la vic vile, se plaît à rendre cette justice aux
toire. Puis il ordonne de se remettre en soldats et à leur général. Malgré leur
route; mais sa cavalerie, fatiguée par etit nombre et leur fatigue, les cava
une double marche , ne put suivre les Fiers romains faisaient merveille par
fantassins : un grand nombre resta en tout où ils donnaient, et forçaient tou
chemin , s'arrêtant de distance en dis jours l’ennemi à fuir devant eux; mais
tance, là où leur fatigue devenait ex il leur était impossible de les poursui
tréme. et il n’y en eut que 200 qui pu vre, dans la nécessité où ils étaient de
rent accompa ner l’infanterie. Mais ménager leurs chevaux. Tous leurs ef
Curion regar ait le succès comme forts ne pouvaient empêcher la cava
trop certain, pour être arrêté par cet lerie numide d‘exécuter la manœuvre
inconvénient. De son côté , Sabura que Sabura avait prescrite. Peu à peu
avait informé Juba du combat noc les soldats romains furent entourés;
turne qu’il avait soutenu. Le roi , quelques cohortes se détachèrent pour
comprenant ue tout dépendait ' de briser le cercle qui enveloppait l'ar
l’action qui aflait s'engager , envoya à mée; mais les Numides, sans attendre
son général 2,000 chevaux espa nols leur choc, se retiraient avec vitesse
et gaulois de sa garde, et ses meil eurs avant d'avoir perdu un seul homme;
fantassins. Lui-même se mit en mar puis ils se réunissaient à une certaine
che, mais plus lentement, avec le reste distance, et ils revenaient attaquer en
de ses forces et 40 éléphants. Sabura foule ceux qui les avaient poursuivis,
montra autant de prudence et de vraie et ni s’étaient ainsi séparés du gros
habileté que Curion de présomption et de ’armée. Dans une telle position,
d’ineptie. Après avoir rangé son ar tout était danger pour les Romains:
mée en bataille, il fit avancer vers les rester en place , conserver les rangs ,
Romains un détachement, comme pour courir à l’ennemi , rien ne pouvait s’o
engager l'action; mais avec ordre de pérer sans les plus grands risques.
reculer peu à peu, et de prendre la fuite La troupe de Sabura ne faisait
en donnant tous les si nes de terreur qu'augmenter par les nombreux se
et d’épouvante. Cet or re fut parfaite cours que Juba lui dépéc‘hait en avan
ment exécuté. Curion, déjà plein d’es çant lui-même en bon ordre. Les for
pérance, fut encore aveuglé d'avantage ces des soldats romains commençaient
par la vue des ennemis fuyant précipi à s’épuiser. Ceux qui avaient reçu des
tamment devant lui, et, quittant es blessures ne pouvaient ni s’éloigner du
hauteurs où il était toujours en sûreté, champ de bataille, ni se retirer en
il descendit avec tous les siens dans lieu sûr , car toute la plaine était fer
la plaine. Ainsi, sans cavalerie, avec mée par la cavalerie numide. Alors les
une infanterie harassée ar une mar Romains commencèrent à désespérer
che rapide de 16 milles,i descendit en de leur salut, et, comme il arrive or
rase campagne , en présence'de forces dinairement à des hommes qui voient
su érieures. C'était se livrer soi-même leur dernière heure approcher, ils dé
à ’ennemi. Sabura, après avoir par. ploraientvleur malheureux sort. ou ils
c‘ouru ses rangs, exhorté ses soldats, se recommandaient leurs proches les
donne le signal de l’action ;.toutefois, uns aux autres, dans le cas où la for
son infanterie resta immobile en ar tune en sauverait quelques-uns de ce
rière, car il ne voulait point la com-' commun danger. Tous étaient cons
promettre avec les lévionnaires : ce ternés par la crainte et la douleur.
fut sa nombreuse cavalerie qui se dé Curion , voyant les siens épouvantés,
ploya rapidement pour envelop er les et ne pouvant plus rien sur eux , tu
ennemis. Curion se comporta rave par les exhortations , ni par les rie
ment dans ce dernier combat. Sa pe res, reconnut la faute qu’ll avait me,
4' Livraison. (Nummn m MAUm'rANm.) 4
60
et voulut regagner les hauteurs. Il ce "fut envain, tous demandaient à
réunit ce ui lui restait. et ordonna grands cris d'être ramenés en Sicile.
d’aller rep acer les étendards sur les Mais dès que la défaite de Curion eut
collines; mais Sabura le prévint, et fit été connue à Utique, Flamma, com
occuper ces collines par sa cavalerie. mandant de la flotte, s'était bâté, au
Ainsi plus de ressource : la situa rapport d'Appien, de lever l'ancre,
tion de larmée romaine était entière sans songer à secourir les malheureux
ment désespérée. Les uns’prennent la restes de l’armée vaincue. Il fallut
fuite , et sont tués par les Numides; donc traiter avec des négociants qui
les autres sont massacrés en combat étaient en rade avec leurs navires,
tant à leur rang. Cn. Domitius, qui pour obtenir d'eux le passage. Au mo
commandait la cavalerie romaine, vou ment de l'embarquement , le bruit se
lut au moins sauver le général. Il lui répandit que les troupes de Juba ap
proposa de l'accompagner jusqu’au prochaient avec les légions de Varus.
camp avec les cavaliers qui pouvaient Quelques-uns crièrent qu’ils aperce_
encore combattre. Cinq cohortes vaient la poussière soulevée par cette
avaient. été laissées à la garde du multitude. Alors une terreur panique
camp, et il était possible de s’y défen s'emparant de tous les Romains, ils
dre. Domitins promettait à Curion de se ruèrent sur les barques avec tant
ne point l'abandonner qu’il ne l'eût de précipitation, qu'elles furent pres
mis en sûreté. a Non, répondit Cu que toutes submergées. Quel nes-uns
- rion, je ne paraîtrai Iiamais aux yeux parvinrent cependant à gagner a pleine
on de César, après avoir perdu l’armée mer. Mais les marchands qui les trans
cr qu’il avait confiée à ma conduite. 1 portaient les jetèrent dans les flots
Il continua de combattre 'usqu’à ce pour s'emparer de leur argent. Un
qu’il fût tué par l’ennemi. a tète, sé très-petit nombre seulement arriva en
parée de son corps, fut apportée à Sicile. Une partie des cohortes n’avait
Juba. Toute l'infanterie fut taillée en point voulu fuir, et s'était rendue à
pièces, et il n’en resta pas un seul Juba, sur la promesse qu’on leur con
omme. Quelques cavaliers échappé serverait la vie sauve. Mais J uba pré
rent; ceux qui étaient restés en che tendit que ces prisonniers lui apparte
min retqurnerent au camp. Cette dé naient, et, au mépris de’ la capitula
faite eut lieu près du Bagrada, non tion, il les fit égorger sous les remparts
loin du camp Cornélien que Curion d'Utique. excepte uelques-uns qu’il
avait quitté la nuit même (*). emmena dans ses tats. Varus nosa
Les troupes du camp étaient com pas réclamer contre une action si per
mandées par le questeur M. Rufus, fide et si outrageante; car Juba , fier
qui fit tous ses efforts pour rendre de ses forces et de ses services , impo
quelque courage à ses soldats abattus; sait ses volontés au chef pompéien,
et parlait plutôt en maître qu’en auxi
(") «Iecamp Cornélien, dit Mannert, était lialre du parti qu'il soutenait. Il donna
et situé au nord du Bagrada.. . . C'était non encore d autres preuves d’arrogance:
c pas une ville, mais un port vaste et sur; il fit son entrée à Utique, à cheval, es.
- les hauteurs qui le dominent offraient un corté par plusieurs sénateurs, entre
- emplacement favorable pourla construction autres par Serv. Sulpicius et Licinius
a d'un camp, ce qui ‘donnait àcette position
Damas]
pendît dpepus; et quoique
l'empire romain,cette
il 3'ville dé
fit tout
- une grande importance stratégique. Aussi
- est-ce sur ce point que les Romains diri
. gèrent continuellement leurs attaques en ce11:,“ lui plut tant qu'il y emeura,
a débarquant sur la côte d‘Afrique. n Ce ap quoi il retourna dans son
port servait au commerce d'Utique, qui royaume.
n’avait qu'une rade. Aujourd'hui, sur l'em APRÈS LA BATAILLE na mucus,
placement dæ Caslra Corne/l'a, se trouve us rurrrssns ne vous: sa n
‘Porto Farina, qui sert de gare à la plus ruenm'r me “mon: aurais ml
grande partie de la flotte de Tunis. JURA (48 avant notre ère). —- La (l6
NUMIDIE ET MAURI’I‘ANIE. 5l
faite et la mort de Curion assurait au Juba , le prince numide avait pris la
parti pompéien la supériorité en Afri place d'honneur entre lui et Sci ion ;
que; mais partout ailleurs César avait Caton, choqué de la prétention u roi
triomphé. Pompée, vaincu à Pharsale, barbare , transporta lui - même son
périt sur la côte d'Égypte d'une mort siège pour mettre Scipion au milieu ,
déplorable. César, après avoir vaincu entre le roi et lui. Quant à la querelle
la résistance des Alexandrins et la entre Scipion et Varus au. sujet du
vaine tentative de Pharnace, roi de commandement, Caton la fit cesser en
Pont‘ , se prépara à poursuivre les se déclarant pour Scipion. On avait
vaincus, qui s'étaient réunis en Afri offert à Caton luhmême l'autorité su
que auprès de J uba , leur dernier ap prême; mais il la refusa par un vain
pui. Ce prince avait été comblé d’honn scrupule de légalité dont il se repéntit
rieurs par les amis de Pompée, qui lui amèrement plus tard. Il prétendit
avaient conféré le titre de roi de toute qu'il ne convenait pas à un homme qui
la Numidie. De son côté, César l'avait n'avait été que preteur , de comman
déclaré ennemi dela république, et avait der là où il y avait un personnage con
adjugé la souveraineté de ses États sulaire , et il fit déférer le pouvoir à
à Bocchus et à Bognd, deux rois mau Scipion , qui avait été consul. Varus,
res qui alors étaient entièrement dans Afranius, Pétréius et Labiénl‘is suivi
ses intérêts. Mais cette décision resta rent son exemple , et la concorde fut
nulle tant que César fut occupé par les rétablie dans le parti romain. Aucun
soins de la guerre d’Orient. La puis choix ne pouvait être plus agréable à
sance de Juba ne faisait que s'accroî Juba, qui avait pris sur l'esprit de Sci
tre ainsi que son orgueil; et les vain pion un grand ascendant.
cus de Pharsale, groupés autour de JUBA PROPOSE DE DÉTIIUIBB UTI
lui, ne paraissaient être que ses lieu Qus. CATON sAuvs cs'r'rn PLACE, LA
tenants. Varus , qu'il avait maintenu FORTIFIE ET s’Y BENFEIIME (47 avant
dans sa province d'Afrique par la mort notre ère). — Il était important pour
de Curion , subissait continuellement les chefs pompéiens et pour Juba de
ses caprices et ses hauteurs. Métellus s'assurer des dispositions de la puis
Scipion , beau-père de Pompée , était sante cité d'Utique. Depuis la chute
un personnage plus considérable; de Carthage , cette ville était devenue
mais son arrivée en Afrique, où il la capitale de la province d'Afrique;
vint retrouver Juba, ne servit qu'à elle était le siégé du proconsul romain,
faire ressortir davantage l'humiliation d'un grand nombre de marchands ita
du parti pompéien. Labiénus, Pétréius liens, et même de chevaliers que le
et Afraiiius n'avaient pas non lus as commerce y attirait. Nous avons déjà
sez d'importance ni assez d’é évation dit que les habitants d’Utique étaient
dans le caractère pour re rendre la favorablement disposés pour César.
supériorité qui convenait des Ro J uba les avait traités avec sa violence
mains. D'ailleurs la mésintelligence ordinaire, lorsqu'il avait séjourné dans
s'était glissée entre les principaux leur ville après la défaite de Curion.
chefs fugitifs ziscipion et Varus se Les chefs réunis ayant délibéré sur le
disputaient le commandement, dont parti qu'il y avait à prendre à l'égard
l'un et l'autre étaient également indi de cette cité, Juba proposa de la dé
gnes; et Juba, à la faveur de ces dis truire et d'en exterminer les habi
sensions, les écrasait par son orgueil tants. Scipion, fidèle à son système de
et son faste barbare. Il n'y eut que basse et timide adulation , se pronon
Caton qui sut se conduire envers Juba çait, quoique faiblement, pour l'avis
avec énergie et dignité. Il était arrivé du roi. Mais Caton parla avec force
le dernier de tous les vaincus de Phar contre un tel dessein; il reprocha à
sale, après avoir arcouru les côtes de Juba sa cruauté, et, par la véhémence
la Libye et forti ‘é Cyrène. Dans sa de ses reproches et de son indignation,
première entrevue avec Scipion et il fit repousser ce projet inhumain. Il
4.
52
fit plus encore, il se char en de défen n'omettant rien de ce qui a rapporta
dre cette place, et de a soustraire l'intervention de. Juba dans cette lutte
aux armes de César. Dès lors il ne où les plus grands intérêts étaient agi
quitta plus Utique, et il renon à tés, et dont les résultats furent si con
agir avec des hommes qui, pour éc ap sidérables pour la Numidie et l’Afri
per a la domination de César, s'abais que tout entière.
saient tous les jours devant l'orgueil CÉSAR POSE soN CAMP PRÈS DE
de Juba. Tout son rôle dans cette EusPnvA; n. DÉFAIT LABIÉNUS; scr
rande erre d’Afrique se borna donc PION Anaivs AVEC sonanm’m (46 av.
a la dé ense d’Utique, où il se donna notre ère).— La villed‘Adrumète, près
la mort quandla situation fut entière de laquelle César avait mis pied’ à terre,
ment désespérée. était au pouvoir de l'ennemi : il tenta
cuEaaE D'ArarQuE; DÉPART ratée. de s'en emparer; mais n'ayant pu gagner
cmrrE DE CÉSAR; IL sE raouvE D'A le gouverneur, il s’éloigna et fut in
Boan DANS UNE SITUATION carn quiété dans sa marche par la garnison,
QUE (47 avant notre ère). —Pendant qu'il mit en fuite. Il vint camper à
que Juba et les pompéiens'faisaient à Rus ina, autre ville de la Byzacène,
grand bruit leurs préparatifs de guerre, situ e au sud d'Adrumète. II.y arriva
César, avec sa célérité ordinaire, par le 1" janvier de l'an 46, et Il y prit
tait de Rome vers la lin de décembre possession de ‘son troisième consulat
de l'année 47, et, après une traversée et de sa troisième dictatui'e. En peu
périlleuse, il débarquait près d'Adru ‘de temps César s'assura d'importantes
mète avant le 19' janvier de l'an 46, ositions sur cette côte qui regarde
avec 3,000 hommes de pied seulement ‘orient, et où se trouvaient tous ces
et 150 chevaux; le reste avait été dis ports. qui l'avaient fait appeler Empo
persé, par la tempête et ne put le re ria. Ruspina , Leptis Minor , et d'au
joindre que plus tard. Pour tout autre tres places’, se rendirent. César s'oc
que César , Il eût été im rudent de se cupalt en même temps d'amasser des
présenter avec si en e forces sur vivres, de réunir tous ses navires dis
une côte bordée 'dennemis, et d'af ersés sur les côtes d'Afrique, et de
fronter, avec une poignée d'hommes, aire venir de Sicile et de Sardaigne
les puissantes armées de Juba et de de nouveaux renforts. Mais avant d’a
‘Scipion. Curion , qui avait tenté la voir rassemblé toutes ses forces, il eut
fortune avec autant de précipitation , sur les bras l’armée de Labiénus, qui
avait été puni de sa témérité. Mais ce était'composée en grande partie d'A
qui était une faute dans un homme or fricains, parmi lesquelson comptait
dinaire devenait, entre les mains de Cé 8,000 cavaliers numides. César, qui
sar, un moyen de succès. Par l'impé était sorti ‘de son camp pour aller aux
tuosité de son attaque et son audace fourrages , fut assailli par cette armée
même, il déconcertait l'ennemi et se de beaucoup su érieure à la sienne;
préparait la victoire. Toutefois , les et, après avoir été enveloppé, il ne se
commencements de cette guerre fu déga en que par un combat qui dura
.rent pénibles pour le vainqueurde Phar sept eures. Peu de temps après, Sci
sale: il fut quelque temps ‘dans une pion parut avec huit légions et 4,000
position critique, dont il ne sortit qu'à chevauxpet César, déjà embarrassé
force d'habileté et d'énergie. Nous ne par l'arrivée de Labiénus, se trouvait
voulons pas entrer dans tous les dé alors dans une position réellement pé
tails rapportés dans les Commentaires rilleuse. Les vieilles troupes n'étaient
de César, ou, si l'on vent, dans le point encore transportées en Afrique;
livre d'Hirtius de Bello africano , les vivres étaient très-rares, tandis que
sur cette guerre importante , dont le l'ennemi avait tout en abondance. Cé
récit complet appartient plutôt à l'his sar était resserré contre la mer, en
toire romaine. Cependant nous don fermé dans un espace de six milles
nerons un résumé général des faits, en seulement d'étendue. et n'ayant pour
NUMIDIE ET MAURITANIE. 5a
nourrir ses chevaux que de l‘algue ma et d'autres munitions de guerre. De
rine lavée dans de l'eau douce. cette forte position , Sittius se répan
JURA sa un EN MARCHE POUR dait dans les campagnes et menaçait
REJOINDRE SCIPION; CÉSAR rAr'r AT les cités de la Numidie. Juba, rappele
TAQUER LA NUMIDIE PAR SITTIUS.-— par le danger de ses propres États.
Juba, instruit de la détresse de l'en fut ‘contraint de rétrograder , et il se
nemi , partit de son royaume avec des contenta d'envoyer à Scipion trente
forces considérables d'infanterie et de éléphants, qui même n'étaient pas en
cavalerie. C'en était fait de César, si core instruits et dressés.
la ‘onction de Juba avec Scipion et CÉSAR sUscrrE A JURA DE NOM
La iénus s’opérait dàns ce moment RREUsEs DIFFICULTÉS ; IL BEçOïT
où il était encore si faible et si au dé nEs RENroR'rs; rr. DiirArr L'ARMÉE
ourvu; mais une diversion heureuse DE scrProN. — Cette diversion , tout
e sauva. Il y avait en Afrique un R0 en dissipant'les graves inquiétudes de
main appelé Sittius , qui avait été mis César, ne le délivrait pas des deux ar
en accusation autrefois, et qui s'était mées qu'il avait sur les bras. Recon
sauvé de Rome pour échapper à sa naissant qu'il était trop faible pour
condamnation. Cet homme actif, en livrer bataille, il se résigna à attendre
treprenant , audacieux ,- avait réuni dans son camp, u'il avait rendu inex
autour de lui une bande considérable pugnable. En m me temps il envoyait
d'aventuriers ramassés en Italie, en des députés aux villes et aux tribus de
Espagne, et s'était mêlé à toutes les l’Afrique,.pour les détacher de Sci
guerres qui avaient eu lieu entre les pion et de Juba , contre lesquels il y
petits princes , auxquels il vendait chè avait partout de graves sujets de mé
rement ses services. On avait remar contentement. Il réussit auprès de plu
qué que le parti pour lequel ilcom sieurs , et il parvint même à ‘entretenir
battait avait toujours été victorieux , des intelli ences dans le camp ennemi.
et le bonheur qui accompagnait tou Les Gétu es et les Numides avaient
tes ses entreprises lui avait donné une conservé un souvenir ineffaçable du
grande réputation. Aussi recherchait grand nom de Marius. Quand ils su
ou avec le plus grand empressement rent que César était l'allié du chef
l'appui de Sittius. Il avait entretenu qu'ils avaient tant appris à redouter,
des relations avec Catilina , qui comps’ et qu'il continuait son parti, ils com
tait sur sa coopération pour renverser mencèrent à se refroidir pour» leurs
la république; mais l’éloi nement des généraux et à les abandonner. Les
lieux et la chute de Catilina avaient tribus gétuliennes, qui bordaient le
sans doute empêché Sittius de se dé royaume de Juba, montraient toutes
clarer. Lorsque César vint en Afrique, les dispositions les plus favorables
il entama des négociations avec un pour César; et leur ‘attitude devint
auxiliaire si ‘utile; et les anciennes telle, que Juba fut encore obligé de dé
liaisons 2e Sittius avec Catilina le dé tacher de son armée quelques troupes
terminer nt sans doute à se déclarer pour les surveiller. Enfin , les secours
pour un'homme qui avait été l'ami de et les vivres arrivèrent. César-affronta
ce conspirateur contre les chefs d'un l'ennemi, et remporta la victoire dans
parti par lequel Catilina avait suc une action de cavalerie. Scipion , dé
combé. Ce fut au moment où Juba sespérant de vaincre seul, pressait
sortait de son royaume pour rejoindre Juba de le rejoindre à tout prix pour
Scipion, que Sittius rendit à César un terminer la guerre par une bataille dé
service éminent. Ayant réuni sa troupe cisive , rejetant les conseils de Caton ,
à l'armée de Bogud, il envahit les qui l'engageait à temporiser.
frontières de la N umidie, surprit Cirta, ARRIVÉE DE JURA; s'rRA'rAeEm:
et s'empara d'une forteresse située sur RurLovE PAR cEsAR POUR RAssUREn
une montagne, dans laquelle Juba avait sEs soLDA'rs. — Le roi de l‘tumidie
mis en sûreté des vivres , des armes , ayant appris la nouvelle du combat où
54
Scipion avait eu le dessous, et rece mains de tous les partis; on voit qu’il
vant les lettres par lesquelles celui-ci avait conçu le dessein de faire cesser
implorait son secours, se remit en leur domination en‘ Afrique, puisque,
marche après avoir confié à Sabura, selon Dieu, il ne se rendit aux ins
dont l’habileté lui était bien connue, tances de Scipion que lorsqu’il en eut
le soin de combattre Sittius. Quand obtenu l'assurance d’étre mis en pos
le bruit se répandit que Juba était sur session de tout ce que les Romains
le point d’arriver, les césariens , qui possédaient dans cette contrée,dès que
avaient déjà fort à faire avec Scipion César en aurait été chassé. Et cepen
et les autres pompéiens , se laissèrent dant il dissimulait ses projets, sa haine
aller à la crainte et au découragement. personnelle contre César, en se pro
La renommée publiait des choses ef clamant le défenseur du sénat et du
frayantes touchant les forces du roi peuple romain. Ainsi, son but était
barbare , et César avait tout à redou de détruire César et de dominer les
ter de la consternation où il voyait ses pompéiens , ou du moins de les reje
soldats. Pour dissiper ces terreurs, il ter tout à fait de l’Afrique. Cette cons
imagina un expédient singulier qui lui ception était grande et audacieuse;
réussit pleinement. Il résolut d’en mais Juba n'avait ni dans l’esprit, ni
chérir encore sur les bruits qui alar dans le caractère, les ressources né
maient tant ses légions, et les ayant cessaires pour la réaliser; il n’y avait
rassemblées, il leur dit : « Je sais que que la faiblesse et la pusillanimité de
« Juba arrive avec dix légions, 30,000 Métellus Scipion en sa présence , qui
1 chevaux , 100,000 soldats armés a la pussent lui inspirer desi hauts desseins
x légère, et 300 éléphants. Que les cu et lui en faire croire l’exécution pos
« rieux de nouvelles cessent donc de sible. l-lirtius rapporte deux faits qui
a faire des recherches inquiètes et de montrent jusqu’où allaient la hauteur
«bâtir des systèmes, et qu’ils s'en du Numide et l’humiliation du chef
u rapportent à ce que je leur annonce romain. On a vu que les désertions
a sur des avis certains; ou bien je les étaient fréquentes dans l’armée de Sci
« embarquerai sur le plus vieux de mes pion , par l’infiuence qu’exerçaient,
« navires, et je les abandonuerai au sur l’esprit des barbares , les noms de
« gré des vents, pour être portés en César et de Marins. Scipion surveil
a quelque terre que ce puisse être. n lait les ,démarches des siens, pour
Cette exagération conlirma d’abord empêcher toute relation avec l’ennemi.
toutes les terreurs , mais elle servit à Un jour, ayant aperçu un sénateur
les dissiper entièrement quand la vé de son parti, M. Aquinius, conver
rité fut connue. En effet, Juba ayant sant avec un officier de César appelé
établi son camp auprès de Scipion, Saserna , il lui fit dire-qu’il ne devait
mais à part, on reconnut bien que ses point s’entretenir avec les ennemis, et
forces n’étaient pas si considérables qu’il ferait bien d’en rester là. Aqui
qu’on l’avait craint jusque-là. Enfin, >nius ne tint pas compte de cette invi
on sut qu’en outre de sa cavalerie nu tation , et renvoya le messager de
mide et de son infanterie légère , qui Scipion. Alors Juba lui dépêcha un
étaient très-nombreuses, il n’avait que viateur qui lui dit, en présence de Sa
trois légions , 800 chevaux , et 30 elé serna : a Le roi vous défend de conti
pliants. Alors toute cette crainte ima nuer cet entretien. » Aquinius ont
ginaire s’évanouit , et les soldats de Cé peur, et il se retira. Ce n’est pas seu
sar en vinrent à ne faire aucun cas de ement à l'égard d’Aquinius , homme
la jonction de Juba avec leurs en nouveau et simple sénateur , que Juba
nemis. montra tant de hauteur; mais il ne
NOUVEAUX TRAITS D'ABBOGANCE ménagea pas plus Scipion , un homme
ms JUBA. — Juba fit payer bien cher d'un nom si recommandable par ses
les secours qu'il amenait à Scipion. ancêtres , et qui avait lui-même exercé
Au fond , ce prince détestait les Ro les plus hautes dignités. En effet, Sci
NUMIDIE ET MAURITANIE. 55
vtes continuelles qu’ils avaiênt éprouc
lpäion portait, ainsi que le roi, la cotte
’armes couleur de pourpre {Juba fut vées dans ces rencontres, J uba et.Sci,
choqué de voir Scipion porter le même pion reculaient maintenant devant une
vêtement que lui, et lui dit que cela action générale. Ils s’étaient postés
ne convenait pas : alors Scipion re d’une manière avantageuse dans un
nonça à se parer de la pourpre, et rit camp fortement retranché, où César
une cette d’armes blanche, Ce er. ne pouvait les contraindre à'combat
nier trait est si fort de part et d'au tre. ll résolut de les tirer de là en ai
tre, qu’il est pres ue incroyable. Hir lant faire le siège de Thapsus , ville
tius lui-même ne e donne pas comme importante , située au sud de Leptis
un fait certain, et il peut avoir été Minor, queles ennemis ne pouvaient
inventé par la haine et le mépris des sans honte se dispenser de secourir.
çésariens contre Ju'ba et Scipion. Ce qu’il avait prévu arriva; Scipion et
connus mvsas; BATAILLE DE Juba le suivirent pour défendre la
nurses; minus na JUBA ET mas lace, et Virgilius qui en commandait
POMPÉIRNS (46 avant notre ère). — a garnison; ils vinrent se poster dans
Vers le même temps, César reçut le deux camps différents, à huit mille pas
reste de ses légions , entre autres la de Thapsus. Cette ville était sur le bord
dixième, sur laquelle il comptait le de la mer, et couverte, du côté de la
plus; en sorte‘ que les deux partis terre, par un marais salant, entre le
‘ayant réuni toutes leurs forces, la que quel et la mer ‘restait un espace de
relle dut bientôt se décider. César pro quinze cents pas. Scipion avait compté
fita du temps qui lui fut encore laissé sur ce passage pour jeter du secours
pour châtier quelques désordres restés dans la place; mais César, ui's'en
tmpunis, resserrer la discipline, et doutait, avait-posté en cet en mit un
exercer ses soldats à combattre contre ‘bon corps de troupes; Scipion , trou-.
les éléphants et les Numides. Plu vaut la voie interceptée, renonça à
sieurs rencontres eurent lieu avant la son remier projet, et commença à
bataille de Thapsus, et sa présence forti er son camp. De son côté, Cé
décida toujours de la victoire. Une sar préparait tout pour engager l’ac
fois entre autres, il vainquit Varus en tion; il laissait deux légions à la amie
laine mer, le poursuivit jusque dans de son camp devant Tha sus, aisait
a rade d’Adrumète, où il ni offrit un approcher ses vaisseaux e plus près
nouveau combat que l’ennemi n'ose possible du rivage,‘et marchait lui
pas accepter. Une autre fois , César méme avec le reste de ses forces con
étant sorti pour piller les souterrains tre les retranchements ennemis. Sci
où les habitants du pays gardaient pion s’était préparé à soutenir l’atta
leurs grains, Labién’us le rencontra que; son armée, rangée en' bataille,
et en vint aux mains avec lui. Mais couvrait les travailleurs qui conti
ses Numides prirent la fuite à l’ins nuaient l’ouvrage commencé . et les
tant. Le lendemain, Juba fit saisir éléphants étaient distribués à droite et
tous ces fuyards, et les fit mettre en à gauche sur les ailes. Ici les relations
croix. Toutes les actions de Juba sont des historiens anciens nous présentent
empreintes du même caractère de des circonstances singulières, et diffi
cruauté et d’or ueil. Les habitants de ciles à concilier. L'auteur des mémoi
Vacca avaient ait demander à César res sur la guerre d’Afrique assure que
des secours,‘en remettant de se don César voulut retenir l’ardeur de ses
ner a lui et de ui fournir des muni soldats au moment où l’action allait
tions de ‘guerre : Juba, informé de s'engager, mais que ceux-ci, entraînés '
leur démarche , prévint le secours de par une impétuosité irrésistible, con
César; il courut lui-même sur Vacca, tinuèrent leur course après avoir fait '
s’en empara , et, après en avoir ex sonner la charge, sans que leur géné
terminé les habitants. il fit détruire la ral en eût donné l'ordre , et qu’alors
'ville de fond en comble. Ce endant, César, ne pouvant arrêter le torrent ,
rendus plus circonspects par es défai donna enfin le signal, et pour mot la
56
félicite’. On peut conjecturer que Cé forts de César pour les sauver. Dix
sar n'opposa ce dernier retard que mille restèrent sur la place, les camps
pour donner encore plus d’élan et de furent pris; il ne restait plus rien de
vigueur au courage de ses soldats; cette formidable coalition. César laissa
mais Hirtius ne paraît pas soupçonner trois légions pour réduire Thapsus, fit
cette intention dans l'esprit du géné investir Tysdrus, et marcha pour em
ral, et présente la résistance de César porter Utique , où l'intrépide Caton
comme le résultat d'une hésitation sé pouvait encore l'arrêter longtemps.
rieuse. D’un autre côté , que penser FIN DE JUBA ET pas cases DU
de cette circonstance dont Plutarque PARTI POMPÉIEN. -— Mais les habi
fait mention, et qui ne se trouve dans tants d’Utique, qui n'étaient as à la
aucun autre auteur, à savoir. qu’au hauteur de son héroïsme , re usèrent
commencement du combat César fut de le seconder, et Caton échappa à
surpris d'un accès d'épilepsie , mal César par une mort volontaire, Tous
auquel il était sujet, et qu‘à l'appro les autres ennemis de César succom
che des premières convulsions , avant bèrent aussi d'une manière misérable.
ne d’y succomber entièrement, il se Sittius ayant vaincu et tué Sabura, le
‘t porter dans une tour voisine, où il royaume de Juba ne pouvait plus of
demeura pendant toute la durée de la frir un asile sûr aux. fugitifs : Faus
bataille ? Comprend - on qu’Hirtius tus Sylla et Afranius furent pris par
n'ait rien dit de ce fait étrange? Com Sittius, au moment où ils fuyaient en
prend-on que la victoire de Thapsus Espagne avec quinze cents chevaux.
ait pu être remportée, César absent? Scipion,qui était parvenu à gagner la
Nous nous contenterons d'indiquer mer, fut arrêté par le mauvais temps,
ces diflicultés , sans grossir notre ré et surpris par la flotte de Sittius à
cit des interprétations oue nous pour Hippone , où il relâcha. Il se tua sur
rions en faire; ce qui est certain, c'est son vaisseau. Juba ne fut pas plus heu
que les soldats de César combattirent reux; après la bataille de Thapsus, il
en cette journée comme ils l'avaient s’était enfui avec Pétréius, et il était
toujours fait sous les yeux d'un tel parvenu, en se cachant le jour dans
chef. La déroute des ennemis com les métairies et marchant la nuit seu
mença par les éléphants; ces animaux, lement, à rentrer dans son royaume.
effarouchés par les traits et les flèches La défaite et la mort de Sabura, la
dont on les accabla , se retournèrent présence de Sittius avaient provoqué
vers les rangs de leur propre armée, une défection presque universelle.Juba
et, dans leur fuite précipitée et fu se présenta d’abord devant Zama C‘),
rieuse, ils écrasèrent tout sur leur qui était sa capitale, et où se trouvaient
passage. Ils renversèrent même les sa femme et ses enfants. Ily avait mis
portes du camp, qui n'étaient point en sûreté ses trésors et tout ce qu'il
encore consolidées. La cavalerie de possédait de plus précieux. Les habi
Juba, déconcertée par ce désordre, se tants de Zama étaient violemment ir
débanda sans résistance, et les sol rites contre lui. Avant de partir pour
dats de César entrèrent dans le pre marcher contre César, Juba, ayant
mier camp en même temps que les quelques doutes sur l’issue de la lutte,
fuyards : Scipion, Pétréius, Labiénus, avait pris ses mesures pour entourer
Atranius, tous les chefs avaient pris sa mort volontaire, supposé qu’il fût
la fuite. Les débris de l’armée vaincue vaincu, d’une pompe sanguinaire, digne
ne pouvant se rallier-ni se défendre, de son orgueil et de sa cruauté. Il
quittèrent le camp de Scipion pour avait fait dresser sur la lace publique
chercher un asile dans celui de Juba; de la ville un vaste bûclier sur lequel
mais les césariens l'avaient déjà oc il déclara qu'il jetterait les habitants
cupé. et tous ces malheureux, tombant
au milieu des vainqueurs . que le feu (') Cette ville de Zama-Regia (Zoouarin).
du combat avait animés , furent mas n'est pas le bourg de Zama près duquel
sacrés imuitovablemeut. malgré les ef Annibal fut vaincu.
NUMIDIE ET MAURITANIE. 51
de la ville, a rès les avoir égorgés, et vendreà Zama tous les domaines de ce
qu'il s'y br lerait ensuite lui-mémé roi, et les biens des citoyens romains
avec sa femme, ses enfants , et toutes établis dans cette ville qui avaient
ses richesses. Les habitants de Zama, soutenu la cause de Juba. Ainsi se
que cette résolution avait remplis d'é termina cette guerre d'Afrique , ‘a la
pouvant‘e, apprirent avec joie la vie quelle César ii‘employa que cinq mois
toire de César et les succès de Sittius. et demi. Le résultat en était immense:
Quand ils surent que J uba approchait, l'Afrique , qui appartenait ‘au parti
ils fermèrent leurs portes et refusèrent aristocratique, venait de passer,comme
de le recevoir. Ni les menaces qu'il les autres provinces, entre les mains
proféra d'abord , ni les prières aux du parti contraire; et la Numidie, ui
quelles il s'abaisse ensuite, ne purent avait soutenu la cause des grandes a
les fléchir. Enfin Juba se réduisit à milles patriciennes, espérant dans ce
demander qu'on lui rendit sa femme conflit se soustraire à toute espèce de
et ses enfants, et on lui refusa encore sujétion , cessait d'être un royaume,
cette satisfaction. Alors il prit le et tombait dans la condition de pro
parti de se retirer dans sa maison de vince romaine. Toutefois , la partie
cam agne avec Pétréius et quelques occidentale de la Numidie et la Mau
cava iers. Les habitants avaient prié ritanie étaientlibres encore; mais leur
César de venir les protéger, et celui asservissement ne devait pas tarder.
ci avait quitté Utique et marchait ra RENSEIGNEMENTS sua LE couven
pidement vers Zama; tout se portait NEMEN’I‘, LA RELIGION, LA LANGUE,
sur ses pas et se rendait à lui. Juba LA MANIÈRE ou commune , LEs
vit que le moment de mourir était nœuns ET LES con'ruMss DES NU
venu. Il fit préparer un grand festin, mnEs.—La victoire de César à Thap
et après le repas que Pétréius avait sus termina pour toujours les desti
artagé avec lui, ils se précipitèrent nées politiques de la Numidie. Ce
‘un sur l'autre, espérant se tuer mu royaume est devenu province romaine,
tuellement; mais Juba, qui était plus et l'opposition aux envahissements de
fort, immola Pétréius, et lui survécut. Rome, tentée par son dernier roi, ne
Il essaya de se percer lui-même , et, pourra plus se reproduire. Le nom
n'ayant pas réussi, il se fit égorger par même de la Numidie, sans disparaître
un esclave. entièrement, se restreint dans de plus
LA NUMIDIB aiinurrn EN Pao étroites limites; celui de Mauritanie
VINCE noMAiNE (46 avant notre ère). va bientôt en désigner toute la partie
—César étant venu à Zama, réduisit orientale. La Numidie ne sera plus
la Numidie en province romaine. Il qu'une partie de la domination ro
en donna le gouvernement à Salluste, maine en Afrique; et si nous la voyons
qu’il décora du titre de proconsul. On encore reparaître pour quelques ins
sait que Salluste commit de grandes tants à titre de royaume, cette appa
exactions dans sa province. Dion rente résurrection ne sera qu'une ine
pense qu'il reçut de César des instruc sure administrative ‘ordonnée ar Au
tions secrètes, sans lesquelles il n'en- guste , et dans laquelle il fau ra bien
rait osé prévariquer si ouvertement. se garder de voir un véritable affran
Les habitants de Zama, ui avaient les chissement. Aussi ,- au moment où
premiers résisté à Juba, urent récom cette nation est effacée de l'histoire
pensés par l'exemption de toute es ece ourse confondre dans la vaste unité
d'impôts. Sittius, ui avait rendu e si e l'empire romain , il importe de re
grands servicesàC sar, fut mis en pos cueillir quelques indications éparses
session du territoire voisin de Cirta , dans les écrivains de l'antiquité sur
dont il s'était emparé, et qui s'appela les coutumes . les mœurs, la manière
aussi, depuis ce temps. colonie des su d'être des Numides. Ces rensel ne
tiens. Le fils de In a , encore enfant, ments n'ont pu trouver leur place ans
fut épargné par le vainqueur, qui fit le récit qui vient d'être présenté;
‘mais, pour traiter com Iétement ce des deux Syrtes. Il décrit aussi quel
sujet, il est à propos e les réunir ques-unes des tribus qui occupaient
dans un chapitre séparé. Tout ce que a B sacèneet les environs de ce qu’il
nous avons pu recueillir sur ce peuple appe le le fleuve Triton; mais il ne va
‘se réduit à peu de chose, car aucun pas au delà , et ses recherches , si cu
‘historien ancien n’a été curieux de rieuses sur les nations de l’Afrique
décrire les mœurs des Numides ; septentrionale, s’arrêteut à peu près au
voilà urquoi nous voulons faire un point où commencela Numidie pro
tout à): ces détails, qui ne peuvent preme'nt dite. Cependant on y voit
avoir quelque importance que par leur que tous les peuples ui s’étendaient
‘réunion. ans l'Afrique occi entale avaient
L'autorité des rois numides, comme aussi le nom général de Libyens; et
Sypbax, Massinissa, Juba, paraît avoir ce qu’il y a de singulier , c’est qu’Hé
été absolue. Cependant elle devaittrou radote applique le nom de Nomades
ver des limitesdans le pouvoirdes petits ou
entreNumides à ceuxde 'ti’lîgypte
les frontières ui habitaient
et le
chefs de tribus qui les reconnaissaient
pour leurs maîtres. Ces chefs , assez fleuve Triton, et qu’il les oppose aux
semblables aux émirs chez les Arabes, Libyens de l’ouest à l’océan Atlanti
étaient souvent en révolte, tantôt iso que , auxquels il refuse cette dénomi
lés, tantôt réunis; et ce n’était que par nation, qui leur fut plus tard exclusi
la force et le despotisme que les sou vement réservée. Cette distinction im
verains venaient à bout de vles con portante, qui n'est faite ar aucun
tenir. Jamais il n’y- eut complète autre auteur, prouvé que e nom de
unité politique dans la Numidie. Qn Numidie ne fut donné par les Grecs
voit à toutes les époques de son his aux provinces situées au delà des Syr
toire des chefs non soumis au prince tes que dans les temps postérieurs à
qui s’était' rendu dominant, et combat Hérodote. Pline, Solin et Strabon, en
tant dans le parti opposé. Carthage indiquant que les Numides de leur
s'attacha toujours à conclure avec'les temps observaient les mêmes coutu
différents chefs numides des traités mes que les Libyens nomades d’Héro
par lesquels elle en obtenait des trou dote, nous autorisent à extraire du
‘pes mercenaires. Aucun écrivain n’a passage de cet écrivain quelques
arlé du gouvernement intérieur de la traits généraux sur la religion de ces
&umidie : on ignore de même si quel barbares,’ dont on ne sait rien d'ail
ques-uns des princes numides ont été leurs. « Pour les serments et la divi
législateurs, et quelles lois ils‘ peuvent nation, dit-il (*) , ils observent les
avoir portées. Nul doute quedes prin Eratiques suivantes : ils jurent par les
ces comme Massinissa , Micipsa , Ju onimes qui passent parmieux pour
gurtha lui-même , n’aient établi sou avoir été les plus justes et les plus
vent des dispositions législatives ; braves, et ils p ac'ent la main sur leurs
mais on sera toujours dans une igno tombeaux. Pour deviner,.ils vont dans
rance complète sur ce point. lsi les sépulcres de leurs ancêtres, font
dore de Séville, dans ses Origines, leur prière et s'y endorment, et le
dit que quelques lois des Medes et des songe qu’ils ont alors leur tient lieu
Perses s’observaient dans plusieurs d’oracle. Pour gage de foi, ils se don
districts de la Numidie; et il adopte nent réciproquement à boire dans le
l’o inion depar
étePpeuplé Salluste, que cedepays
une colonie avait
Medes et creux de la main; et, s’ils n’ont aucun
liquide , ils prennent de la poussière à
de Perses. On ne peut faire aucun cas terre et la lèchent. » Plus loin, Hérodotc
de cette assertion. parle des Machlyes et des Ausiens,
Hérodote a parlé lon uement, au tribus qui habitaient aux environs du
quatrième livre de son histoire, des lac Tritonide, séparées par le fleuve
peuples de la Libye , m_ais particulie
rement de ceux qui habitaient le long ("') Hérodote , H7. 11.
NUMIDIE ET MAURITANIE. 59.
Triton, “que l’on peut considérer d'origine araméenne. Le nom même
comme appartenant à la vraie Numi de Numidie, revendiqué par les Grecs,
die. «Ces peuples, dit-il, célèbrent peut être ra porté aux langues de l’E
chaque année, en l’honneur de Mi- gypte et de a Phénicie. Le mot nome
nerve, une fête dans laquelle leurs signifiantpartie, portion, division, est
'eunes filles, divisées en deux bandes, égyptien ou syriaque, et le mot ida
luttent ensemble à coups ‘de pierres et ou yeda, dans les mêmes idiomes,
de bâtons. Elles prétendent par là ho signifie places, limites, contrée. Par
norer à la manière de leur père la la réunion de ces deux mots, le nom
déesse indigène, celle que nous appe de la Numidie s’explique d'une manière
lons Minerve... Ils disent encore que aussi naturelle que par une étymologie
Minerve est fille de Neptune et du lac grecque.
Tritonide; mais qu’ayant eu envers Les Numides étalent divisés en tri
son père uelque sujet de mécontens bus. Strabon compare leur manière de
tement, e e se donna elle-même à Ju vivre à celle des Arabes Scénites. Com
piter , qui l’adopta pour sa fille..... me eux, ils parcouraient avec leurs
Voici maintenant leur manière de sa troupeaux les vastes contrées qu’ils
crifier. Ils coupent comme prémices occupaient, dressant leurs tentes là
l’oreille de l’animal , et la jettent par où ils trouvaient de l’eau et des pâtuo
dessus la maison. Cela fait, ils lui ti rages , et les abattant lorsqu’ils avaient
rent le cou en arrière. Ils ne sacrifient tout épuisé. Leurs tentes, qu’ils appe
qu’au soleil et à la lune. Tous les Li laient mapalia ou magaria, étaient
bycns sacrifientà ces divinités; mais de forme oblongue. et ressemblaient ,
ceux des environs du lac Tritonide sa dit Salluste, à un vaisseau renversé.
crifient principalement à Minerve , et, D'autres tribus plus sédentaires ha
après elle , à Triton et à Neptune... Je bitaient dans des villagés formés de
crois que le cri des fêtes vient de ce cabanes , et s’adonnaient à la culture
pa 5, car il est fort en usage chez les du sol en même temps qu’à l’éduca
Li yenncs , et dans leur bouche il est tion du bétail. Ces mœurs se retrouvent
beau. Les Nomades ensevelissent leurs encore dans les mêmes contrées chez
morts à la manière des Grecs, à part les les Berbers ou Kaba les, descendants
Nasamons , qui les enterrent assis, des indigènes de l’A rique, et chez les
ayant grand soin, au moment où l’âme Bédouins ou Arabes du désert, race‘
s’en va, de tenir l'homme sur son qui n'habita ce pays que depuis l’appa
séant, de crainte qu'il ne meurecouché rition de Mahomet. Les Numides des
à la renverse. » Nulle part Hérodote ne villes n’étaient ne les imitateurs de la
parle de statues . de temples , de pré civilisation cart aginoise ou romaine,
tres, chez les Nomades. On peut pré et n’ont plus la même originalité que
sumer que les Numides, voisins des ceux qui restaient errants.
carthaginois , adoptèrent quelques Les Numides furent les meilleurs
unes des divinités phéniciennes , sur cavaliers de l'antiquité; leurs chevaux
tout si l’on admet qu'ils étaient venus étaient excellents. « Oppien place la
eux-mêmes de la Phénicie. race des chevaux maures ues parmi
Les Numides parlaient une langue celles qu’on estimait le pus de son
qui leur étaîtpropre , avaient un al temps; et Némésien, poete carthagi
phabet particulier; mais leur langue nois du troisième siècle, nous a laissé
n’était point éloignée de la langue phé un portrait frappant des individus de
nicienne, et leurs lettres ressemblaient cette race, qui ressemblent en tout point
assez à celles de l'alphabet punique (‘). aux chevaux de l’Algérie. Suivant cet
Nous avons établi, par des analogies auteur, le cheval maure de pure race
tirées du langage,que ces peuples étaient né dans le Jurjnra, n’a pas de forme:
élégantes : sa tête est peu gracieuse,
(') Voyez plus haut les ét ologies des son ventre difforme , sa crinière lou
principaux noms de localités ela Numidie. gue et rude; mais il est facile à mur
60
nier,il n’a pas besoin de frein, et on mot Metagonz'um, nom ropre d’un
le gouverne avec une verge. Rien n'é promontoire, ainsi que u pays des
gale sa rapidité; à mesure que la course Massyliens , appelé souvent terre mé
echauffe son sang , il acquiert de nou tagonite. a Ce mot, disent-ils , est in
velles forces et une plus grande vi contestablement équivalent à ceux de
tesse; enfin même, dans un âge avan meteg jonihh ou metegjonialzh, quel
cé , il conserve toute la vigueur de ses qu'un qui met à part, ou qui a mis
jeunes années : aussi les anciens atta à part sa bride. Cette étymologie est
chaient-ils un grand prix à ces précieux bien lus naturelle que celle qu’on
animaux. Chacun avait son nom, sa peut gériver de la langue grecque.» On
généalogie; venaient-ils à mourir, on a remarqué aussi que les Massyliens,
leur dressait un tombeau et on leur quand ils étaient en guerre, tâchaient
consacrait une épitaphe. Voici la tra ordinairement d’en venir à une action
duction d'un de ces curieux monu générale pendant la nuit. La déser
ments, dont le texte se trouve dans le tion n’était pas un crime aux yeux des
recueil d’inscriptions d’Orelli : Numides; apres une déroute, ils pou
«‘ Fille de la Gélule Hanhw,
vaient s’en retourner chez eux, s’ils
Il Fille du GétuIe‘ Equl'luls, n'aimaient mieux rester à l'armée :
« Rapide_à la course connue les vents . aussi les voit-on fréquemment aban
« Ayant toujours vécu vierge.
« Spendius , tu habites les rives du Léthô.
donner le parti pour lequel ils s’étaient
engagés d abord. '
« C’est surtout dans les montagnes, Outre la guerre, la chasse était une
suivant Solin, que les Numides éle des principales occupations des Nu
vaient des chevaux (*). » Les Numides, mides. Leur pays abondait en bêtes
particulièrement les Massyliens, mon féroces ou sauvages, ânes, lions, élé
taient ces excellents chevaux à cru, hants, panthères. etc., qu’ils com
sans selles ni brides; et ce que dit le attaient continuellement, autant pour
poète Némésien est confirme par les le profit qu’ils tiraient de leur capture
récits des historiens , qui nous repré et de leurs dépouilles, que pour assu
sentent Massinissa, le meilleur et le rer leur tranquillité. Salluste nous in
plus infatigable cavalier de son temps, dique qu’un rand nombre de guerriers
courant et combattant à cheval jusque‘ périssaient ans ces expéditions; car
dans sa vieillesse la plus reculée, sans il dit que les Numides étaient d'une
aucun harnais. Les cavaliers numides constitution si saine et si robuste ,
furent très-recherchés comme auxi qu’ils parvenaient presque tous à un
liaires par les Carthaginois d’abord, et ge avancé, excepté ceux qui étaient
ensuite par les Romains. Libres de tués dans la guerre ou dévorés par les
leurs deux mains, ils combattaient avec bêtes féroces.
beaucoup d'adresse et étaient très-ha Les Numides étaient sobres : ils
biles à lancer des dards. Ils avaient un se nourrissaient ordinairement de
soin extrême de leurs chevaux : ainsi grains, de légumes, mangeaient rare
les Numides d’Annibal, après la ba ment de la viande, et buvaient très
taille de Trasimène, lavèrent les mem peu de vin. Ce régime ‘explique leur
bres de leurs coursiers, épuisés par le ongévité et leur vigueur. Appien ajou
voyage et la guerre, avec des vins te encore, comme une autre cause des
vieux que leur avait procurés le pillage mêmes effets, que leur climat était fort
de l‘Ombrie et duPice’num. Virgile don tempéré, la chaleur en été n’appro
ne aux Numides l’épithéte d’injreni. chant pas à beaucou près de' celle qu’il
Les auteurs de l’Histoire universelle faisait dans les In es et en Éthiopie
tirent de cet usage l'explication du dans la même saison. Leur passion
dominante était l'amour : Tite-Live
(‘) Nous empruntons cette citation il l'on insiste , dans l’histoire de Syphax et
vrsge de M. Bureau de la Malle sur la pro de Massinissa, sur le penchant des
vince de Couslantiue, p. 91. Numides pour ce genre de plaisir;
NUMIDIE ET DE LA MAURITANIE. 6!
aussi la polygamie était-elle autorisée et des gétägraphes. o: C’est Polybe le
chez eux. Salluste dit que chez les premier, it Mannert, qui fixa pour
Maures et les Numides les mariages toujours la position errante de l’At
ne forment pas une chaîne fort étroite, las : dans le cours de son voyage il vit
parce qu'en proportion de sa fortune une énorme chaîne de montagnes dres
on y prend beaucoup de femmes, les ser ses flancs escarpés du sein de l'O
uns dix, d'autres davantage, et les céan, et il comprit que ce devait être
rois beaucoup plus encore. Les Numi là ce mont fabuleux cherché inutile
des de la basse classe étaient presque ment pendant tant de siècles. Avant
nus, ou ne portaientque des vêtements Polybe, nul écrivain ne l'avait cherché
misérables; les Numides d'un rang de ce côté; désormais tous les géogra
supérieur portaient des habits longs phes lui assignent la position que Po
et sans ceintures. Selon un fragment ybe lui avait donnée (‘). » Juba II, le
de Nicolas Damascène, ils comptaient plus savant des rois africains, con
le temps par nuits, et non par jours. firme le témoignage'de Polybe; et les
Tacite dit‘ la même chose des Ger renseignements qu’il donne sur ces
mains. montagnes de son royaume sont con
sultés par Pline , et servent à attester
DEUXIÈME PARTIE. l'exactitude de l'historien grec. Pline,
ainsi que Strabon, donnent le nom
MAUnITANIE JUsQU’A LA RÉDUCTION par lequel les indigènes désignaient
EN PROVINCE ROMAINE. ’Atlas : ils l'appelaient Dyris. Ainsi,
DESCRIPTION DE LA MAUEITAME; au temps des empereurs , la position
sEs LIMITES; L'ATLAS; NATURE DU du grand Atlas était bien constatée, et
soL; PRINCIPALES PnoDUcTIoNs DU la limite méridionale de la Mauritanie
PAYS ; ELEUvEs. —- La Mauritanie était fixée à l’endroit où la ligne prin
était la contrée la plus occidentale de cipale de cette chaîne vient aboutir à
l'Afrique du nord. Strabon l'appelle la l’Océan, auprès du cap appelé aujour
Maurusie. Plusieurs médailles et mon d’hui cap de 6€?‘ ou d’Aguer.
naies , frappées à Rome au temps « Nous allons pénétrer actuellement
d’Adrien , et reproduites dans les re dans l’intérieur de la Mauritanie, où
cueils de Gruter et d'Eckhel , la dési nous suivrons d'abord l'Atlas. D'après
gnent par le nom de Maurétanie; il les rapports des gouverneurs romains
n’y en a qu'un petit nombre qui por et du roi Juba, Pline nous le décrit
tent le mot de Mauritanie, et cepen comme une chaîne élevée, avec des pen
dant il est ‘resté le plus en usage. Les tes rapides; les sommets en portaient
peuples qui habitaient cette contrée des neiges éternelles. Dans les régions
étaient les Mauri, Maures, dénomi inférieures, les flancs des montagnes
nation qui s'étendit de plus en plus à étaient revêtus d'immenses forêts; de
l’orient, et qui finit par envahirpresque nombreux cours d’eau se'précipitaient
toutelaNumidie.La Mauritaniepropre des hauteurs, et portaient la fécondité
ment dite est celle que l’on appela plus au sein des contrées voisines. Des gé
tard Tingitarw, du nom de Tingis (Tan néraux romains étaient parvenus jus
ger), sa capitale. Elle était séparée du qu'au pied des nombreux rameaux de
pays des Massésyliens par le fleuve l’Atlas, qui se répandent dans le pays
Malva ou Mulucha; la mer Méditerra en tout sens, et prétendaient y avoir
née et l’océan Atlantique l’entouraient vu des choses merveilleuses; Pline ne
au nord et a l'ouest; mais sa limite au nous a pas transmis leurs récits, qu’il
sud était plus incertaine, et fut long“ traite de fables. Un seul de ces géné
temps inconnue. On s’accordait à lui raux, Suétone Paulin, s’aventura dans
donner l'AtIas pour bornes de ce côté; l'intérieur de ces montagnes. Après dix
mais personne n'avait vu cette vaste jours de marche il atteignit l‘Atlas;
chaine , et sa position était toujours
livrée, aux conjectures des historiens (") Trad. de Marcus, p. 562.
\
après l'av‘oirfranchî , il trouve de l’au n'était pas encore passé sous la domi
tre côté des plaines couvertes d'un nation immédiate de Rome, les anciens
sable noir, où coulait une rivière nom-l donnent des détails à peine croyables
mée Ger. ' sur la fertilité du sol. a La récolte,
« Vers l'est, les ramifications de adit Strabon au livre xvrr , se fait
l'Atlas atteignent une hauteur consi c deux fois par an, au printelnps et
dérable. En se dirigeant vers le nord, a en automne. Les épis attei nent une
il envoie quelques branches latérales x hauteur de cinq coudées : i s ont l’é4
dans la Césarienne, et s'abaisse insen a paisseur du petit doigt; la terre rend
siblement à mesure qu'il se rapproche a deux cent quarante grains pour un.
de la Méditerranée, où il vient se tera a A vrai dire, les habitants ne sèment
miner à l'ouest de la rivière de Malva a pas. Sur les grains qui se ‘sont épar
( Malouïa ). A partir de ce point, les « pillés sur le sol à la moisson , ils
montagnes suivent de fort près la côte « passent des buissons épineux pour les
se tentrionale de la province; près des « enfoncer sous terre, et bientôt sur
co onnes d’Hercule ( détroit de Gi « git l'espoir d'une récolte nouvelle.
braltar ), elles s'avancent d'Abylé (cap « Les Maures font du vin avec le suc
de Ceuta. appelé Dljebel-Zatouta, mont « d'un arbre qu'ils appellent melilo
aux Sin es, par ce indi ènes ) , qui « tum. La vigne y acquiert une gros
portait lune des deux ce onnes, vers « seur prodigieuse; deux hommes suf
les Sept-Frères (Ceuta ) , et se termi « fisent à peine pour l'embrasser; les
nent au nord par le promontorium «raisins ont jusqu'à une coudée de
Cotes (cap Spartel ). On voit que le a long. Par contre, le pays fourmille
pays n'est pas sillonné de montagnes « de lions , de panthères , d'éléphants,
a ‘intérieur, comme l'est la Césarien « de bnffles et de singes; dans les gran
‘ne ; il'est encaissé sur trois côtés par - des rivières il y a des crocodiles; on
des chaînes lus ou moins hautes, au a trouve aussi des serpents, des draa
pied desquel es s'étend une vaste plaine a gons, des scorpions ailés ou sans
entrecoupée ar quelques coteaux. Le «ailes. Pour éviter les morsures de
versant s'incine tout entier du côté a ces animaux venimeux , les Maures
de l'ouest vers l'océan, dont les rives « portent des bottes , frottent les pieds
sont unies. « du lit avec des gousses d'ail, et les
et Le pays n'est guère fertile du côté x enveloppent de touffes d'épines. Les
de l’est, où les steppes de la Gétulie « montagnes renferment des mines de
av‘bisinent les montagnes et la rivière « cuivre , des plantes marines pétri
de Malva , ni vers le nord et aux en « fiées, et des escarboucles. » .
virons du détroit, où des chaînes peu m Il nous reste à parler de deuxpro
élevées bordent les côtes. Le petit ductions que la Mauritanie fournissait
nombre de villes que l'on trouvait dans exclusivement au luxe des Romains.
ces'contrées étaient toutes situées sur Le versant de l'Atlas était partout
la mer Atlantique; on avait abandon couvert de forêts immenses, riches en
né les montagnes aux singes et aux arbres de toute es èce, dont les Ro
bêtes féroces; les éléphants avaient mains essayaient e faire la descrip
établi leur demeure; nul étab issement tion avant même qu'ils leur eussent
romain dans ces pays si rapprochés de trouvé des noms. Parmi ces arbres, il
l'Espagne; ils étaient habités ar les y en avait dont le tronc était si épasi
tribus nomades indigènes, mélees aux qu'on pouvait, en le coupant horizon
anciens colons phénicieus des côtes. talement, en fabriquer de grandes ta.
« Les régions qui avoisinent l'Océan bles rondes faites d'une seule pièce.
vers l'ouest sont d'une grande fécon Les Romains estimaient beaucou ces
dité, ainsi que l'intérieur des terres tables, u’ils appelaient monoæy i ( à
aux environs de Méquinez, où les Ro un seul ois). On attachait encore plus
mains avaient fondé de grands établis de prix à certaines espèces de lima
sements... A une époque où ce pays çons qui fournissaient une pourpre
NUMIDIE ET MAURITANIE. 63
très-luisante; on allait les chercher comme les Numides, menèrent d'abord
dans les montagnes , situées près des la vie nomade , occupés de chasse et
côtes et sur la lisière du grand dé de guerre, ardents au pillage, et habi
sert (*). » les a dompter et à diriger des chevaux
La Mauritanie était traversée par semblables à ceux dela Numidie. Mille
un assez grand nombre de fleuves, conjectures ont été faites pour expli
dont plusieurs étaient navigables. Le quer l’origine du nom de Maure. Le
plus oriental était le Mulucha ou octeur Hyde croit qu’il dérive de
Malva, qui appartenait aussi à la Nu Main-i ou Mavri, quelqu'un qui gît
midie, et qui, plus tard , sépara la le long du passage , et qu’il vient de
Mauritanie tingitane de la césarienne. ce qu’ils habitaient près du détroit des
Au dela, vers l'ouest, était la Thaluda colonnesd’Hercule. Manilius et Isi
ou Tamida (Tétouan), que les géogra dore de’Séville disent que les Maures
phes désignent par différents noms : ont été a pelés ainsi, par allusion à la
comme le Mulucha , il se jette dans la couleur e leur peau. Salluste prétend
Méditerranée; la Zilis ou Zilia, près que ce nom est une corruption de celui
d'une ville du même nom : elle a son de Mèdes. De Brosses, en rejetant cette
embouchure dans l’Atlantique ; le étymologie , fait dériver ce nom du
Lixus, à l’embouchure duquel était la mot oriental mer, qui signifie changer,
colonie phénicienne du même nom trafiquer, passer. Nos termes francais,
(aujourd’hui Larache);au sud du Lixus, commerce et marchand, dit-il, déri
la rivière de Subur (Subu). Au nord vés immédiatement du latin meræ et
de ces deux rivières était le sinus em mercator , viennent originairement
poricus, le golfe du commerce, que les de la même racine. Les peuples de
Carthaginoisævaient couvert d’éta ‘ Mauritanie-sont aujourd'hui et ont‘
blissements après le périple d‘Hannon; de tout temps été grands commer
la Sala (Beni-Tamer), qui côtoyait les cants. Les Arabes et les Turcs appel
frontières du pays de Sahara. Ptolé lent Mares, Maures, ceux qui habi
mée, Pline, etc;, font mention d’au tent les villes et s'adonnent au trafic.
tres fleuves dont on ne peut détermi Cependant de Brosses lui-même sem
ner les positions. La Mauritanie était ble préférer l’explication de Bochart,
située sur les confins du monde connu et nous sommes de son avis. Bochart
de l'antiquité, et c'était a l'ouest de établit que Maure est équivalent du
ses côtes que les anciens plaçaient les terme'Ma/Lur, ou, comme rien n’est
îles Fortunées , séjour mysterieux du plus commun dans les langues orien
bonheur, que l'imagination des poëtes talesque l’élision desgutturales, Maur,
avait inventé, et que la science ne c’est-a-dire qui est à l’occident. Les
pourra certainement jamais décou auteurs anglais de l’Histoire univer
vrir(**). selle donnent une explication équiva
pas MAURES; ÉTYMOLOGIES DE CE lente, en traduisant Maure par celui
110T‘, DIVISIONS EN TBIBUS. — La qui vient de l’eætrémité. La position
nation des Maures ne se distinguait en c ce peuple autorise l'une et l’autre
rien des Numides, qui furent confon interprétation.LesMauresétaient ar
dus plus tard avec elle. Les Maures, tagés en plusieurs cantons ou tri us,
dont Pline et Ptolémée indiquent les
(') Mannert, trad. de Marcus, p. 47 7. principalesLesMetagonitæ habitaient
("’) La Tingitane correspondait non-seu aux environs des colonnes d’Hercule.
lement au royaume de Fez, mais encore à Sur cette côte se trouvait aussi un
l'empire de Maroc, dont Fez n’est plus cap Metagonium, qu’il, ne faut pas
u’une province. Toutefois la domination confondre avec celui du même nom
es Romains ne s‘exerça réellement que dans dans le pays des Massyliens; les Suc
le nord-ouest de celte contrée, c'est-à-dire cosz’i ou (‘ocosii occupaient la côte de
dans la partie qui fut plus tard le royaume la mer d’lbérie; les Masz‘ces, les Vé
de Fez. rues et les Verbicæ s’établirent parmi
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ces deux peuples; les Salz'sæ se fixe. tous deux fils de Neptune; tous deux
rent plus a l'ouest vers l’Océan, et les dominent dans une grande partie de
Volubiani vers le sud; les Maurensii l'Afrique, et particulièrement dans la
et les Herpeditani possédaient la par Tingitane. Hercule défit et tua Antée
tie orientale qui confine à la Mulucha; dans la même guerre où il enleva le
les Angaucam‘, les Nectibêres , les monde libyen à Atlas. Il les repousse
Zagrensii, les Banz‘ubæ, qui sont de l’Égypte, qu’ils avaient envahie en
probablement ceux que Pline appelle semble; il les combat dans la guerre
Baniuræ, s’étendaient depuis les pen des dieux. C’est pour l’un et l’autre la
tes méridionales de l‘Atlas minor de même histoire , les mêmes attribu
‘Ptolémée, jusqu’au pied de son Atlas tions : il est impossible‘ de ne pas les
major. Méla nomme encore les Atlan identifier. Antée ou Atlas résista cou
tes, qu’il place dans les parties occi rageusement à Hercule, qui l’attaqiiait
dentales de la Mauritanie. Au delà du ‘avec des troupes égyptiennes et éthio
cours de la Sala commençaient les tri piennes. La Libye lui fournissait de
bus gétules, qui restèrent toujours in nombreux renforts. Mais Hercule ayant
domptées. Les Gétules formèrent sur intercepté une troupe de Maures qui
les frontières des provinces romaines, venaient rejoindre Antée, marcha une
en Afrique, une ligne de tribus barba dernière fois contre lui, et lui fit
res, toujours prêtes à envahir les pays éprouver une défaite complète. Alors
vaincus et civilisés par Rome. Ils‘ pa il occupa tout le pays, et y fit un riche
raîtront fréquemment dans les temps butin. .Bochart trouve dans ces faits
de l’empire. l’explication de toutes les fables fa
TEMPS ANCIENS DE LA MAUBITA briquées sur Hercule et Antée. Her
NIE; TRADITIONS FABULEUSES E1‘ _ cule prive Antée des forces renais.
HYPo'rnÈsns sun sa PniMi'rivE nis santés qu’il puisait dans sa terre na
TOIBlL-LCS premiers temps histori tale, en interceptant Îles secours qui
ques de 'la Mauritanie sont aussi obs lui arrivent; ou bien i l’enlève du sol
curs que ceux de la Numidie; seule africain, en le forçant à combattre
ment, il s’y rattache un plus grand sur-mer, où il le défait. Bochart pense
nombre de faits; mais tous sont res même que la stature gigantesque
tés fabuleux, car les noms de Neptune, d’Antée signifiait la grandeur des vais
d’At-las, d'Antée , d’Hercule , sont les seaux qui composaient ses flottes:
premiers qu’on ‘y rencontre. Les poë quant à ces pommes d'or enlevées par
tes, les mythologues , les historiens Hercule après la défaite du dragon qui
même, ont parlé longuement de tous les gardait , c’était le prix de la vie
ces événements incertains. Les criti toire, la conquête même de la Mauri<
ques modernes en ont disserté plus tanie et des trésors d’Antée.
longuement encore; efforts inutiles Plus on recueille de témoignages
des uns pour inventer des faits sur sur des points si douteux, plus l’em
une époque dont rien n'était parvenu, barras ne fait qu’augmrnter. Ce que
et des autres pour éclaircir des inven nous avons dit sur Atlas et Antée
' tions sans fond et sans réalité. Voici pourrait suffire; mais voici d’autres
les principaux résultats de tout ce textes bien différents: Diodore fait
travail des anciens et des modernes : d’Atlas un fils d’Ouranos; l’évêque
leur exposé démontrera suffisamment Cumberland , dans ses notes sur les
ne notre jugement n'est pas trop dé fragments de Sanchoniaton, prétend
aigneux. Selon les uns, le roi ou dieu que cet Ouranos est Noé. Eusèbe dit
Neptune régna le premier sur la Mau qu’Antée est fils d‘Atlas. Apollodore
ritanie, sur la Nubie, etsur une grande prétend qu’Atlas était fils de Japhet;
partie de la Libye. Après lui viennent et par conséquent petit-fils de Noé,
deux princes , Atlas et Antée , qui ne a'oute l’évêque Cumberland, qui vent
sont vraisemblablement u’un seul et a solument faire remonter cette his
même personnage. En e fet, ils sont toire à l’époque du déluge. Toute la
NUMIDIE ET MAURITANIE. 65
généalogie atlantique ne vaut guère la gneurs d'Égypte, s'opposa à ses suc
peine qu'on la discute; mais on ne cès. Il perdit beaucoup de monde;
peut sempécber de sourire de cette mais à la fin Hercule ayant intercepté
étran e préoccupation de l'évêque de un corps de Maures qui marchait au
Péter orough, qui confond tous ces secours d’Antée, remporta une grande
mythes grecs avec l'antiquité bibli victoire sur eux, subjugua tout le con
que, et qui arrive par là à faire Her tinent de la Libye, et tua Antée lui
cule contemporain de Mizraîm. même, près d'une ville de la Thébaîde,
SYSTÈME DE NEwToN. — Enfin, ui reçut à cette occasion le nom
pour en finir avec toutes ces incerti ä'Antæa, ou d’Antæopolis(‘). -
tudes, nous produirons l'autorité d’un De leur côté, les auteurs anglais de
grand nom, auquel les annalistes de l’Hisloire universelle emploient tou
histoire ancienne ont pris l'habitude tes sortes de raisons, bonnes ou mau
de s'en rapporter sur cette matière. vaises, pour confirmer les résultats
Le même omme qui a découvert la obtenus par Newton, à qui ils donnent
loi de la gravitation a aussi appliqué si justement la qualification d'incom
la pénétration de son sublime génie parable. Il y a donc, chez les histo
aux questions épineuses de la chrono riens, unanimité pour proclamer l'ex
logie, et, dans ce genre de travail, il cellence des combinaisons chronologi
a surpassé les plus habiles (*). L’Art ques de ce grand génie , et nous ac
de verç’fier les dates s'est contenté de ceptons aussi sur ce point lejugement
résumer son système, et voici l'exposé de ceux qui nous ont précédé, malgré
qu'il en donne : les nombreuses objections que ce sys
« AMMoN , père de Sésac , roi d'É tème peut soulever, malgré tous les
gypte, a été, selon Newton , le pre doutes qu'il laisse à l'esprit, toutes les
mier roi de Libye , ou de cette vaste contradictions qu'il présente. Mais il
étendue de pays qui sépare les fron est la seule lumière que l'on rencontre
tières de l’Egypte des bords de l'océan dans ces ténèbres, et il faut s'en con
Atlantique , c est-à-dire. de la Mauri tenter. On n‘en trouverait pas de plus
tanie. La conquête en fut faite envi satisfaisante, et on‘ ne gagnerait rien
ron 1000 ans avant Jésus-Christ, par à pénétrer davantage dans ces temps
Sésac, du vivant de son père. et ces contrées, dont l'histoire a com
- SEsAc eut à défendre la Maurita pris qu’elle devait désespérer.
nie contre les Libyens, qui, ayant à LA MAURITANIE AU CINQUIÈME
leur tête Neptune, se révoltèrent con SIÈCLE‘, AU TEMPS DE LA DEUXIÈME
tre lui et le tuèrent (973). GUERRE PUNIQUE ; AU TEMPS DE
c NEPTUNE, frère et amiral de Sé JUGURTIIA; RoccIIUs TRAIIIT JU
sac, après avoir envahi la Mauritanie, GURTIIA ; soN EXPÉDITION DANS
étendit encore sa domination sur la L'ATLAS; sEs DEUx rILs. —- On ne
llîubie et une grande partie de la Li rapporte rien de remarquable sur la
ye. Mauritanie, depuis la lutte d'Hercule
a ATLAS ou ANTEE, fils deNeptune, et d’Antée jusqu'au tempsoù les Ro
portait ses vues encore plus loin que mains commencèrent à pénétrer en
son père. Son projet était-d'envahir Afrique. Justin et Diodore de Sicile
l'Égypte même. Il avait la fermeté et ne font mention des Maures que pour
la valeur nécessaires à une areille en dire qu'ils servaient comme merce
treprise. Des renforts nom reux, que naires dans les armées de Carthage, et
lui fournissait la Libye, le mettaient u'ils eurent, de même que les Numi
en état de la soutenir longtemps. Her es, plusieurs démêlés avec cette ré
cule, général de la Thébaîde et de l'É publique. Au cinquième siècle , le
thiopie pour les dieux ou grands sei royaume de Mauritanie existait, puis
1,52...N.72to'
311.5in .1. M,àw'"
6.Le’... ' ‘’f (') Art de vérifier lesdstmnn , p. 458,
‘dit. du ring.
5' Livraison. (NUMIDIE ET MAURITANIE.) 5
66
que le Carthaginois Hannon fait al Mauritanie tingitane, et il légua ses
liance avec le roi de ce pays avant nouvelles acquisitions à Bocchus, son
d’exécuter la révolution qu’il médite. second fils; par conséquent, celui-ci
Autempsdela seconde guerre punique, devint roi du pays qui formait plus
le royaume de Mauritanie reparaît dans tard la Mauritanie césarienne. Depuis
Tite-Live. Il bornait les Etats de Sy ce partage des États de Bocchus en
phax à l’ouest, et l’histoire romaine en tre ses deux enfants, dit M. Marcus,
nomme le roi Bocchar, qui donna une la Mauritanie tingitane, si on ne l'ap
escorte à Massinissa pour le conduire pelait pas Terre des Maures ou Mau
dans ses États, mais qui lui refusa ses ritanie, fut surnommée Bogudz'ana,
secours pour la guerre. Les Romains et la Césarienne, si on ne la désignait
commencèrent à connaître la Mauri pas par son ancien nom, qui était
tanie d'une manière plus certaine, à Terre des Massésylz’ens, reçut l’épi
partir de la guerre contre Jugurtha. thète de Mauritanie de Bocchus. Le
Bocchus y régnaitalors: on a vu, dans partage eut lieu entre les années 91 et
l’histoire de Jugurtha, comment Boc 81 avant J. C. C‘).
chus, après avoir quelque temps son ‘EXPÉDITIONS m: ssn'ronms sua LBS
tenu son gendre , se déshonora en le CÔTES DE LA MAUBITANIE; ASCALIS,
livrant aux Romains par une indigne FILS D’IPHTBA (82 avant l’ère chré
trahison. En récompense de cet odieux tienne). — Un passage de la vie de
service, il reçut du sénat tout le terri Sertorius par Plutarque fait entrevoir
toire ui s’étendait depuis le fleuve qu’il n’y avait pas dans le royaume de
Muluc a jusqu’à la ville de Saldæ, et Mauritanie qu’un seul monarque, car
' ui devint la seconde Mauritanie. Loin il désigne d'autres princes que ceux de
e rougir de ‘sa lâcheté , il s’en fit la famille de Bocchus , et dont aucum
gloire aux yeux des Romains, et il écrivain n’a fait mention. Sertorius,
consacra dans le Capitole, à Rome, attaqué en Espagne par Annius, lieute‘
plusieurs trophées représentant les nant de Sylla, s’était embarqué a Car
événements les plus importants de son thagène, et avait navigué vers l’Afri
règne, et entre autres l’extradition de que. Etant arrivé sur la côte de Man
J ugurtha. Strabon ajoute quelques dé ritanie, il prit terre, et envoya ses gens
tails sur ce prince. Avant de livrer pour renouveler les provisions des
J ugurtha,il renforça son armée, sous équipages; mais pendant qu’ils mar
prétexte d’en expédier une partie con chaient sans défiance le long du ri
tre les Éthiopiens occidentaux, dont il vage, les barbares fondirent à l’im
avait à se plaindre. Ildirigea un corps proviste sur les compagnons de Ser
de troupes vers les tribus qui habitent torius, et en tuèrent un grand nombre.
l’Atlas. Jugurtha , au sujet de cette Cette réception inhospitalière força le
expédition, rapporte que les Maures fugitif à se confier de nouveau au ha
y virent des camélopardalis (girafes); sard des mers. Il croisa sur les côtes
des serpents, appelés par les naturels d’Afrique et d’Espagne, en compagnie
t/ez'ses, gros comme des éléphants (boa de pirates ciliciens, qui espéraient faire
constrictor); des roseaux si gros (bam de bonnes prises sous un si grand chef.
bous), qu’un seul de leurs nœuds con Mais quand ils apprirent que Serto
tenait huit chénices d’eau; et une es _rius , fatigué de cette vie errante et
pèce d’asperge ou une liliacée incon des agitations politiques sans cesse re
nue, qui n‘était'pas moins grande, naissantes, avait résolu d’achever dou
et dont Bocchus fit présent à sa cement ses jours dans les îles Fortu
femme (*). A sa mort, Bocchus pla a nées, ils l’abandonnèrent pour tenter
son fils aîné Bogud sur le trône de a de nouvelles aventures. Ils firent voile
vers l’Afrique, et s’engagèrent au ser
(’) Recherches sur l'Afrique septetilrio
uale, par l’Académie des inscriptions, 92, (') Addition au textede Mannert, insérée
note 3. par M.Marcus au chap. 1 du liv. m, p. 453.
NUMIDIE ET MAURITANIE. 67
vice d'Ascalis, fils d'lphtha , qu'ils de et ses rois, comme ceux de la Numi
vaient replacer sur le trône de Mauri die, se partagèrent entre les factions
tanie. Quel était ce prétendant? l'his selon leurs intérêts ou leurs sympa
toire n'en sait pas davantage sur ce tbies. L'an 46 avant notre ère, les
prince. C'était robablement un rival deux rois de Mauritanie s'appelaient
des fils de Bocc us. Sertorius, autant encore, au rapport de Dieu Cassius,
pour occuper ses soldats que pour se Boccbus et Bogud. Étaient-ce les fils
venger des corsaires qui l'avaient dé de Boccbus I“, ou de nouveaux prin
laissé, se déclara pour le parti con ces du même nom? C’est une question
traire, vainquit Ascalis , et l'assiégea qu'on ne peut résoudre, car les histo
dans la ville de Tingis, où il s'était re riens anciens se taisent absolument sur
tiré. A cette nouvelle , Sylla envoya la Mauritanie pendant près de qua
Paccianus au secours d'Ascalis : Ser rante ans. Dion ne dit pas dans quelle
torius fut de nouveau vainqueur, tua portion de ce pays régnait chacun de
Paccianus, et obligea son armée à se ces deux princes, mais on peut inférer
réunir à lui. Puis il marcha contre des faits qui suivent que Boccbus était
Tingis , la prit d'assaut , et y fit pri roi de la Tingitane et Bogud de la Cé
sonniers Ascalis et ses frères. Une an sarienne. De là encore on peut con
tique tradition, répandue chez les Mau clure qu'ils n'étaient point les fils du
res , plaçait près de cette ville le tom beau<pere de Jugurtha , puisque celui
beau d’Antée. Sertorius, pour s'assurer ci avait légué la Tingitane, a Bogud,
de la vérité des bruits extraordinaires et la Césarienne à Boccbus. Des deux
accrédités sur la grandeur de ce héros, 'princes qui régnaient en 46, à l'épo
fit ouvrir son sépulcre, et y trouva , à que où César passa en Afrique pour
ce qu'on dit, un corps de soixante cou combattre Scipion et Juba, l'un se dé
dées de haut. Frappé d'une terreur re clara pour le vainqueur de Pharsale,
ligieuse , ajoute Plutarque, il immola l'autre resta fldèle aux pompéiens.'l‘ite
des victimes, fit respectueusement re Live et Hirtius appellent Bogud l'allié
fermer le tombeau, et par la il aug de César, mais Appien désigne Boc
menta beaucoup le respect et la véné chus: l'accord des deux premiers au.
ration qu'on avait pour ce géant dans teurs est une raison suffisante pour
toute la contrée, et confirma les récits préférer leur témoignage. Donc Bogud
qu'on en faisait. combattit pour César; il_ se ligua avec
Vers le même temps (81 ) , Pom ée, Sittius pour envahir les Etats de Juba.
après avoir vaincu Domitius Æno ar Ils attaquèrent à l'improviste Cirta,
bus, dépouillait Hiertas ou Hiarbas, s'en emparèrent ainsi que de deux au
roi d'une partie de la Numidie. Il fut tres places, et furent très-utiles'à Cé
aidé dans cette guerre par Boccbus ou sar par cette diversion. Quelque temps
Bogud, l'un des iilsde Boccbus 1'", ni après. Bogud fut ‘attaqué dans son
fit marcher son fils Gauda, et enva it royaume par le jeune Cnéus Pompée,
les Etats d’Hiertas (*). qui s'avança avec trente vaisseaux et
INTERVENTION DES BOIS n'AunEs une petite armée sur les côtes de la
DANS LES TaoUnLEs cIvILs DE nous, Mauritanie. Il, crut surprendre la ville
AU TEMPS DE cEsAa ET APRÈS sA d’Ascurus(‘), où Bogud entretenait
MORT; 1015 DES MAUaITANIEs A une garnison. Les gens d'Ascurus
CETTE ÉPOQUB.-— L'Afrique étant de (") Les savants académiciens auteurs des
venue un des principaux théâtres des Recherches sur l'Afrique septentrionale re
luttes acharnées engagées entre les trouvent Ascurus dans Askoure,peüte ville
ambitieux qui se disputaient l'autorité située à dix lieues sud-ouest de Boue, entre
dans Rome, la Mauritanie fut entraî ce port et Constantine, et qui, selon Sbaw,
née à jouer un rôle dans ces guerres, est assise sur un monceau de ruines romai
nes, p. 71. Ils appellent Boccbus le roi allié
(') Voyez plus haut, dans l'l-lisloire de de César. Nous ne sommes pas en cela de
la Numidie,;n 47. leur avis. Au reste, ce point est insoluble.
5.
laissèrent la troupe de Pompée appro Bocchus fut contraint de céder à Ara
cher des murailles. Rien ne bougea bion le pays qu’il revendiquait.,Ara
lusqu'à ce que l'ennemi fût près des bion réussit même à faire périr l'aven
portes; mais alors la garnison lit une turier Sittius , dont la munificence de
vive sortie, dis ersa les pompéiens, et César avait fait un puissant person
en fit un gra carnage. Cnéus , dé nage en Afrique. Mais les possessions
concerté par cet échec, quitta la côte, de Sittius restèrent au pouvoir de ses
et se retira vers les îles Baléares. parents et de ses compagnons d'armes.
Les services de Bogud méritaient Arabion réussit à prendre rang en
une récompense. D'ailleurs, ce n'était Afrique tant qu’il fut soutenu par Ses
pas la première fois qu'il signalait son tius , partisan d’Antoine, et gouver
attachement à la cause de César. Déjà, neur de la Numidie; ais son perfide
en 48, ce prince avait passé en Espa allié l'assassina, et rcunit ses Etats à
gne, sur l'invitation de Cassins, et il la province romaine. Ils ne furent pas
avait aidé le lieutenant de César à rendus à Bocchus, fils de Bogud.
vaincre Marcellus , qui défendait la EXPÉDITION DU DERNIER nooun
province au nom de Pompée. Après la EN ESPAGNE; IL EST DÉTBÔNÉ; BOC
victoire de Thapsus , César donna à crIUs nÉuNI'r LES DEUX MAURITA
Bogud une partie des États de Manas NIES (31 avant notre ère).—Les efforts
sès, chef numide , ui avait combattu des rois de la Tingitane se dirigeaient
avec Juba : cette onation ajouta au de préférence du côté ‘de l'Espagne,
royaume de Bogud tout le territoire -avec laquelle la pointe occidentale de
compris entre le méridien de Saldæ à l'Afrique a une Sl grande communauté
l'ouest, et le cours de I’Ampsaga à d'intérêts. Après Bocchus , qui était
l’est. Voilà ce que raconte Hirtius mort vers l'an 40 , c'était son fils Bo
touchant Bogud; mais Suétone ajoute gud qui ré nait à Tin, is. En 38, ce
que César aima Eunoé , femme de ce prince, fidè ement attac é au parti que
prince, et il semble expliquer par'là sa son père avait préféré, fit de nouveaux
générosité envers Bogud. efforts pour enlever l’Espagne à Oc
L'année suivante, en 45, Bogud reo tave.Lucius Antonius, apres la ridicule
‘paraît en Espagne pour aider César à guerre de Pérouse, avait été envoyé en
écraser les restes du parti aristocrati Espagne en qualité de proconsul. Mais
que, groupés autour de Sextus et de Octave s'était bien gardé de lui con
Cnéus Pompée. Les fils de Bocchus, férer toute la puissance attachée à ce
roi de la Tingitane, combattirent pour titre : l'autorité restait entre les mains
ces derniers a Munda. de ses légats. Lucius, irrité de la nul
Ces deux princes persistèrent jus lité à laquelle il était réduit, déter
qu'à la fin dans le parti qu'ils avaient mina Bogud à faire une invasion en
adopté. Après le meurtre de César, le Espagne pour déposséder les lieute
roi de la Tingitane montra le même nants d'Octave. L'issue de cette ten
éloignement pour son fils adoptif 0c tative fut désastreuse pour le roi de la
'tave , et il essaya , en 40 , d'enlever Tingitane, Le roi de la Césarienne,
l'Espagne à Carmes, qui la gouvers Bocchus , fit une invasion dans ses
nait pour le jeune triumvir. États; les habitants de Tingis se ré
De son côté, le fils de Bogud souf voltèrent, et se constituèrent en répu
frait pour la cause que son père avait blique. Bogud ne putrentrer dans son
si vivement soutenue. Cc rince, qui royaume, et il s'enfuit auprès d’An
était encore un Bocchus, ut attaqué toine à Alexandrie. Antoine lui donna
par Arabion, fils de Manassès, qui ré un commandement dans son armée
clama l'hérita e paternel dont César quand il concentra toutes ses forces
l'avait dépouillé en faveur de Bogud. sur la Grèce, après sa dernière rup
César n'était plus; Octave avait sur ture avec Octave. Mais au moment
les bras bien d'autres affaires que le où il débarquait à Méthone, ville de
soin de soutenir son allié en Afrique. Messénie, il fut surpris par Agrippa ,
NUMIDIE ET MAURITANIE. 69
qui s’empara de sa personne, et lui fit obtint la main de Cléopâtre Sélène, fille
trancher la tête (31 avant J. C.). d’Antoine et de la fameuse Cléopâtre,
Après la fuite de'Bogud, Bocchus et reçut un établissement conforme à
reçut d'Octave l'investiture de la Tin cette alliance. Auguste lui rendit les
itane , et régna pendant cinq ans sur Etats de son père. Il comptait sur
es deux Mauritanies; seulement Tin l'influence d'un prince descendant de
gis fut séparée de son royaume et dé Massinissa, habitué à l'obéissance, im
clarée cité libre. Bocchus établit sa bu des mœurs romaines, pour conte
résidence à J01, appelée plus tard Cé nir les barbares , toujours rebelles à
sarée et aujourd’hui Tennès. Il y mou l'action immédiate des agents de Rome.
rut en l’an 33. Voici comment la politique d’Auguste
« Après sa mort, Octave jugea à est appréciée dans un ouvrage souvent
propos de ne pas lui donner de succes cité dans cette histoire : u Juba est le
seur. Par ses ordres, des colonies fu modèle de ces reges inservientes, ces
rent établies dans les régions des deux rois esclaves, si bien peints par Ta
royaumes voisines de la côte. Du res cite. Juba est chargé de façonner son
te , le pays ne fut pas entièrement peuple à la crainte de Rome et à la
transformé en province romaine, bien soumission. Quand Bocchus et Bogud
qu'on datât les années depuis le décès sont morts, laissant leurs États au
e Bocchus d'après l'èrede la pro peuple , ou plutôt à l’empire romain,
vince, sur les monnaies et dans les Auguste reprend à son élève la Numi
actes publics et privés, témoin plu die romanise’e, si l’on peut hasarder
sieurs inscriptions qu’on a découver ce mot, par ses soins et par son exem
tes dans les provinces occidentales de le; il la réduit en rovince, et donne
l’Algérie (*). u a Juba les Maures arouches, les Gé
RÈGNE DE JUBA n; GUERRE courus tules indomptés, pour apprivoiser len
LES GÉTULES; rnsvsux LITTÉRAI tement ces bêtes sauvages des déserts
nxs DE ce PRINCE (de l’an 25 avant africains. Ce n’est enfin ue lorsque
J. C. à l’an 23 de l’ère chrétienne); — ces rois esclaves ont remp i leur mis
Pendant plusieurs années , l'Afrique sion, lorsque deux règnes successifs de
occidentale fut administrée ardes gou princes mariés à des Romaines, lors
verneurs romains; mais. a difficulté ue des colonies civiles ou militaires,
de régir ces contrées, encore à demi ormées de Romains, de Latins, d’l
barbares, détermina Auguste à leur taliens, ont infiltré de plus en plus
rendre un roi national. Il y avait alors dans le pays l'usage de la langue, le
à Rome un jeune prince numide ap désir des lois, le goût des mœurs, des
pelé Juba , fils de celui que César avait habitudes , des vertus , et même des
vaincu à Thapsus. Après avoir orné le vices du peuple conquérant; ce n'est
triomphe du dictateur, et avoir été qu’a rès avoir si bien préparé les voies,
frappe de verges, selon le rapport dou que e sénat décrète la réunion à l'em
teux de Suidas, le jeune Juba avait été pire, que les deux Mauritanies sont à
mis en liberté par Césàr. On lui donna jamais réduites en provinces sujettes
une éducation distinguée; et ce prince, et tributaires (*). v
doué d’un heureux naturel et d'une Ce fut l'an 17av.J.C. qu’Auguste ju
intelligence peu commune, acquit de. geaà propos de déplacer e trône de Ju
vastes connaissances qui le rendirent a, etdelui donner, au lieu de l'héritage
bientôt l’égal des savants les plus cé paternel, la souveraineté des deux
lèbres de la Grèce et de l’Italie. Il plut Mauritanies et du pays des Gétules,
à Auguste, qui l'attacha à sa personne, Ce nouveau royaume comprenait tout
et qui apprécia sa valeur dans les guer ce qui s'étendait àl’occident du port de
res où il l’employa. En l’an 25, Juba
(') Recherches sur l'histoire de l'Afrique
(") Addition au texte de Maunert, par septentrionale, par l'Académie des inscrip
M. Marcns, p. 46x. tions, p. 6.
70
Solde. Dans les commencements, Juba une Histoire d’Assyrie, où, selon Ta
fut inquiété par les incursions des tien et Clément d’Alexandrie, il avait
Gétules. Ces turbulents sujets, ne vou pris Bérose pour guide; 3° des Anti
lant pas d’un maître dont les qualités quités romaines, dont Etienne de By
étaient des défauts à leurs yeux , pri zance cite le premier et le deuxième
rent les armes, et envahirent ies pro volume ; 4° une Histoire des théâtres.
vinces soumises à Juba. En vain ce On en trouve des fragments dans Athé
prince fit marcher ses troupes et ses née et Hésycliius, où il traite des dan
généraux; il éprouva de grandes pertes, ses, des instruments de musique et de
et Auguste fut contraint (l'envoyer à leurs inventeurs; 5° une Histoire de
son secours des légions romaines. Cor la peinture et des peintres; 6° des ou
nélius Cossus, qui les commandait, fut vrages de grammaire et de botanique,
vainqueur, et prit le surnom de Gé savoir, un Traité de la corruption de
tulicus (an 6 de notre ère). Du reste, la diction, un Traite’ des mètres, et
Juba eut un règne très-paisible. Il une description de la plante appelée
établit sa résidence à Jol , où le der cuphorbia; 7° enfin un Traité sur les
nier Bocchus avait aussi demeuré; il sources du M1, et d’autres écrits dont
enibellitcette ville de magnifiques cons les titres même ne sont pas connus. Il
tructions, et pour complaire à Auguste est probable que ce prince avait plus
lui donna le nom de Cæsarea, qui de science que de critique, car dans un
lui est resté. Les peuples qu’il rendit de ses livres il raconte sérieusement
heureux par ses soins et son amour de qu’un‘homme mort fut ressuscité par
la paix conçiirent pour leur roi une la vertu de certaines plantes d’Arabie;
vive affection, et à sa mort ils le pla et dans son Traité sur les sources du
cèrent au nombre de leurs dieux , Nil, il faisait sortir ce fleuve d’une
comme le témoignent Lactance et Mi montagne de Mauritanie voisine de
nutius Félix. Les étrangers même l’Océan , se fondant, dit Ammien Mar
partagèrent cette espèce de vénération cellin, sur ce que les poissons, les her
pour Juba. Les habitants de Cartha bes et les animaux de cet endroit res
gène lui élevèrent un monument avec semblent à ceux qu’on voit sur les
une inscription où ils 's’exprimèrent bords du Nil (*). Juba mourut vers
en termes très-honorables pour ce l‘an 23 de l’ère chrétienne (**).
prince; la ville de Cadix l’élut duum PTOLÉMÉE succèns A JUBA son
vir; Athènes lui dressa une statue. Il PÈRE; IL EST ASSASSINÉ pan CALI
fut roi pendant près d’un demi-siècle, GULA (de 23 à l’an 40 de l’ère chré
et on a retrouvé des médailles datant tienne). — Tibère, qui n‘aimait pas à
de la quarante-cinquième année de son changer le gouvernement des rovin
règne. Après la mort de Cléopâtre il ces, laissa Ptolémée, fils de Je a, sur
épousa Glaphyre, veuve d’Alexandre, le trône de son père. Ptolémée aida les
fils d’Hérode. Josèphe est le seul his Romains à vaincre Tacfarinas. Alors,
torien qui mentionne ce fait. dit Tacite, on renouvela un usage des
Juba fut surtout célèbre par son im premiers temps : un sénateur fut dé
mense savoir. Il composa un grand puté à Ptolémée pour lui offrir le scep
nombre d’ouvrages cités souvent dans tre d’ivoire, la toge brodée, ainsi que
l’antiquité, et dont il reste quelques (*) Voir la Dissertation de l'abbé Sévin ,
fragments épars çà et là dans les au Académie des inscr. et belles-lettres, t. IV,
teurs qui nous sont parvenus. L’abbé
Sévin a consacré à ce prince une no p. 457.
(") L’Art de vérifier les dates se trompe
tice historique et littéraire où il dresse en le faisant mourir l'an :7. En effet, Stra
le catalogue de ses ouvrages. Juba bon composa le sixième livre de sa Géogra
avait composé : 1° une Histoire d’Ara Khie la cinquième année du règne de Ti
bic, destinée à instruire le jeune Caius ère, c'esl-à-dire l’an 19; et dans le dix
César de l’état de cette contrée. Pline septième livre, qu’il écrivitplus tard, il dit
en reproduit quelques passages; 2° que le roi Jiiba venait de mourir.
NUMIDIE ET. MAURITANIE. 71
des présents du sénat, et le saluer des Numides, il ne nous est parvenu qu’un
noms de roi, d'allié et d'ami. Ptolé petit nombre de détails sur tous ces
mée régna paisiblement tant que Tiv points si intéressants dans l'histoire
bère vécut; mais il fut victime des d'un peuple.
fureurs de Caligula, dont sa circons Que peut-on dire du pouvoir des rois
ection ne put le préserver. Caligula de la Mauritanie , de leur manière de
‘ayant fait venir à Rome, con ut con gouverner, des lois, de la constitution
tre lui une jalousie violente. n jour Intérieure de leurs .tats? Sansdoute
les Romains avaient reçu avec bon les Bocchus , les Bogud , les Boccbar,
neur le fils de Juba, lorsque, revêtu devaient exercer un pouvoir à peu près
de la pourpre, il s'était présenté au absolu , et régner , comme les souve
théâtre. Caligula le fit assassiner. rains de la Numidie, en despotes sur
REvoLTE D'EDEMON. CAMPAGNES les tribus et les chefs qui les avaient
DE sUETONIUs PAULINUs ET DE sI reconnus. Il parait évident, d'après
DIUs CETA. RÉDUCTION DE LA MAU quel ues passages des anciens auteurs,
RITANIE EN PROVINCE ROMAINE (42 que eancoup de tribus maures res
de notre ère). —— La famille de Massi taient libres. Ap ien parle de Maures
nissa était éteinte : le temps était venu autonomes, ui n obéissaient point aux
d'effectuer définitivement la réunion rois qui rési aient à Tingis. Il y a tou
du reste de l'Afrique à l'empire. Il ne jours en , et il y a encore en Afrique ,
fallut que peu d'efforts pour obtenir de ces tribus restées indépendantes
ce résultat, que la politique avait pré et en dehors des empires constitués,
paré depuis si longtemps. Édémon , af pour lesquels ils sont un objet d'in
franchi de Ptolémée , avait pris les ar quiétudes continuelles. Les rois mau
mes en Mauritanie pour venger son res faisaient souvent des excursions
maître; Claude, successeur de Cali pour les réduire ou les tenir en res
gula, envoya une armée qui dispersa pect. Malgré le goût de ces barbares
les troupes rassemblées par Edémon. africains pour une liberté absolue, le
L'empereur triompha des exploits de système monarchique prévalut tou
ses lieutenants. L année suivante, 41, jours , en Mauritanie connue en Nu
Suétonius Paulinus fit une campagne midie; et il faut bien que le pouvoir
plus glorieuse, défit l'ennemi, ravagea de ces rois ait été grand, puisqu'on en
tout le pays jusqu'à l'Atlas, et pénétra voit dont les noms sont donnés à leurs
dans la Gétulie(*). Sjdius Géta, qui royaumes; « car pendant longtemps ,
prit le commandement après Paulinus, dit Pline, la Tingitane s’appela Bogu
attit deux fois le Manse Salabus, et le diana, et la Césarienne, Mauritanie de
poursuivit jusque sur les confins du Bocchus. » _
grand désert. La grande divinité de ces peuples
(42). A partir de cette époque, la était la mer ou le'dieu de la mer. Ils
Mauritanie fut réduite en province ro rendaient donc un culte à Neptune et
maine. La division en Tingitane et à sa femme Neptys, et les noms de ces
en Césarienne fut fixée d'une manière deux divinités signifiaient roi et reine.
certaine; et Claude, après avoir fait Plusieurs savants ont rapproché le
pacifier le pays, en donna le gouver nom de Neptune de celui de Nepkthu
nement à deux chevaliers romains. hz‘m , qui ésigne dans la Genèse une
PARTICULARITES sUR LES MAURES. partie des descendants de Mizraim, fils
GOUVERNEMENT, RELIGION, LANGUE, de Cham , et qui signifie le peuple de
MŒURS, COUTUMES, ARTS, SCIENCES. la cote maritime. Chez les Egyptiens,
- Pour les Maures , comme pour les la mer s'appelle Nephthys. Ainsi les
Maures, comme tous les Libyens, ado
(‘) Suétonius Paulinus avait écrit l'his rèrent la vaste mer qui bordait leurs
toire de ses expéditions en Mauritanie. Il rivages , et du sein de laquelle ils pa
ne reste rien de celouvrage, dont la perte raissaient sortir. Ils donnèrent aussi
est si regrettable. les attributs de la divinité aux héros
72
de leur nation; ainsi Ne tune fut di qu’ils portaient constamment leurs
vinisé, et Antée et Juba, ans une épo— èches avec eux, pour se défendre des
que bien éloignée des temps fabuleux. attaques des bêtes féroces dont ils
énèque affirme qu'à l'imitation des étaient toujours menacés. Horace parle
Phéniciens et des Carthaginois , les quelque part de leurs traits empoison
Maures offraient à leurs dieux des sa nés : ils s'en servaient plutôt contre les
crifices humains. L'auteur des Diony lmonstres du désert que dans les com
siaques , Nonnus , prétend qu’ils ado ats.
raient Bacchus. Enfin Pomponius Méla Les Mauresdedistinctiondéployaient
parle de la vénération particulière un rand luxe dans leurs vêtements,
qu'ils avaient pour le bouclier d’Antée. qu’i s ornaient d'or et d'argent. Ils
On ne nous dit pas si le langage des poussaient à un degré extrême le soin
Maures différait de celui des Numides. e leur personne. Ils entretenaientavec
Ces deux peuples devaient parler deux coquetterie la blancheur de leurs dents,
dialectes dérivés d'une même origine. la pro reté de leurs ongles; leur barbe
Ils avaient un alphabet semblable. Si était ongue et bien peignée. Quand
la lan ue actuelle des Kabyles est dé ils se rencontraient, ils prenaient garde
rivée 5e l'ancien idiome des Numides de s'approcher de trop près, de peur
et des Maures , on pourrait remonter de déranger les boucles de leurs che
à l'origine probable de ces langues de veux. Les figures des médailles afii
l'Afrique du nord , et l'on serait vrai caines sont en effet remarquables par
semblablement amené à placer leur la beauté de la barbe et de la cheve
berceau en Orient. Mais il n'appar lure. Les Maures de la classe inférieure
tient ‘qu'aux orientalistes de traiter n'avaient qu'un vêtement, qu’ils por
ces questions ("). taienthivercommé été. La plupartd’en
On peut ap Iiquer aux Maures tout tre eux couchaient la nuit par terre, ga
ce qui a été it touchant les chevaux rantis seulement par leurs habits. Le
et les cavaliers numides. C'était, de voyageur Shaw dit la même chose des
part et d'autre , même manière de Kabyles et des Arabes , qui se servent
monter à cheval, même vigueur et de leurs manteaux comme de lit et de
même agilité chez l'homme et le cour couverture. Les Maures , en général ,
sier. L’infanterie maure, dans les com n'aimaient point le travail , s'adon
bats , se servait de boucliers faits de naient peu ‘à l'agriculture , excepté
cuir d'élé haut, et était vêtue de dans quelques cantons. Strabon four
peaux de ion, de léopard et d'ours, ait à ce sujet des détails que nous
qu'elle portait jour et nuit. Les cava. avons cités plus haut, dans la descrip
liers étaient armés de lances courtes , tion de la Mauritanie. Comme les Nu
et avaient des boucliers faits aussi de mides, ils étaient très-sobres, vivaient
peaux de bêtes sauvages. Leur vête de grains, de légumes, qu'ils mangeaient
ment ressemblait à celui du fantassin. souvent verts, sans aucune prépara
Tous étaient fort habiles à se servir de tion. Ils n'avaient, pour la plupart, ni
leurs boucliers. Hyginus rapporte que huile ni vin, ne sachant ni cultiver
les Maures , ainsi que tous les autres l'olivier et la vigne, ni en préparer les
Africains, combattaient avec des mas produits. Leurs demeures étaient des
sues, jusqu'à ce que Bélus, fils de Ne tentes ou mapalz‘a. Ainsi le cure de
tune, leur eût enseigné à se servir e vie de la plus grande partie e la na
l'épée. Les Maures étaient de très tion ne différent en rien de celui des
bons archers. Hérodien et Élien disent nomades.
La polygamie était usitée chez eux
(') Le docteur Shaw a donné plusieurs comme chez les Numides , et cela bien
mots du vocabulaire africain, et plusieurs longtemps après la con uête romaine.
d'entre eux trouvent leur équivalent dans On lit dans Procope e passage sui
des mots arabes ou hébreux, presque sem vant : «x Vous nous menacez , disaient
blables et ayant la même signification. les Maures à Salomon, de tuer nos en
NUMIDIE ET MAURITANIE. 18
fants, livrés par nous en otages. Ro est certain u'une partie des Maures
mains, vous tenez àvotre progéniture, fut initiée , ès les temps les plus an
parce que , dans vos mœurs , dans vo ciens, au commerce, à la navigation.
tre religion , vous ne pouvez avoir et à toutes les connaissances qui les
qu'une femme : nos lois nous en per accompagnent. Si Pomponius Me’la re
mettent cinquante, nous ne craignons présente la Mauritanie comme un pays
as de voir notre race s'éteindre. » Ce pauvre et sans importance, Strabon en
angage exprime parfaitement les con parle comme d'un royaume riche et
séquences sociales de la polygamie: opulent. Cela prouve que ces écrivains
un tel usage empêche la formation de ne l'ont envisagé que partiellement, et
la vie de famille, et le développement qu'il y avait dans cette terre un grand
des affections qui la constituent. contraste de barbarie et de civilisa
Tous les Maures n'étaient pas étran tion , de misère et de richesse. Toute
ers aux arts et aux connaissances de fois, Strabon est plus près de la vérité.
a civilisation. Les villes étaient plei Les anciennes fables sur les pommes
nes d'une population industrieuse et d'or des Hespérides, les rapports cer
commerçante qui dut être formée de tains sur le commerce des Maures ,
bonne heure par le contact des peuples l'importance acquise par les derniers
navigateurs, et surtout des Phéniciens. rois de la Mauritanie, Boccbus, Bogud.
Cette partie de la nation mauritanienne Juba, montrent assez que ce royaume
s'enrichit par le commerce. Elle le possédait de grandes ressources , et
faisait par mer avec l'Espagne , l'Ita que cette nouvelle et dernière acquisi
lie, la Grèce, et même l'orient; par tion des Romains n'était pas une des
terre, avec les tribus de l'intérieur de moindres provinces de leur vaste em
l'Afrique (*). Onomacrite, l'auteur des pire.
Argonautiques, attribuées aussi à 0r
phée, assure qu'ils formèrent un éta 'I'noIsIEME PARTIE.
lissementà lentrée de la Colchide. NUMIDIE ET MAURITANIIËSOUS L’LD'
C'est à Neptune et à sa race que les MINISTBATION IMPBRIALE.
traditions rapportent l'introduction de
la civilisation dans les villes de la Mau Les deux premières parties de cette
ritanie. et le développement primitif histoire ont été consacrées au récit de
des sciences. Pline , Cicéron , dans ses tout ce qui a rapport à la Numidie et
Tusculanes , disent u‘Atlas inventa à la Mauritanie, tant qu'elles restèrent
l'astrologie et la doctrine de la sphère. indépendantes. La troisième partie
Diodore explique par. cette tradition la traitera de l'état de ces contrées sous
fable qui place les cieux sur les épaules l'administration impériale; des chan
d'Atlas. Il rapporte aussi qu'Atlas en gements qui y furent introduits alors;
seigna toutes ces choses à Hercule, et des soulèvements dont elles furent le
que ce héros rapporta ces connaissan théâtre, et de la part qu’elles prirent
ces dans la Grèce. singulière asser aux affaires générales du monde ro
tion , qui fait des Grecs les disciples main.
des barbares africains, et qui retourne LA NUnmIE soUs sALLUsTE , sEx
d'Occident en Orient la marche de la TIUs, LEPmUs; AUGUSTE PAETAGE
civilisation humaine! Mais les Grecs LEs PEovINcEs AvEc LE SÉNAT ;
ont tant erré sur ces anciennes choses! JUEA II; LA NUMIDIE , PROVINCE
Selon quelques auteurs ce fut Nep sENAToErALE. — César, après la vic
tune, suivant d'autres ce fut Atlas qui, toire de Tapsus, ne réduisit en pro
le ‘premier, applique des voiles aux vince qu'une partie de la Numidie,
grands navires , et qui mit en mer la le reste ayant été partagé entre Bo
première flotte. Quoi qu'il en soit, Il gud et Sittius (46 av. Jésus-Christ).
Crispus Sallustius, l'historien, fut le
(') Heeren, Idées sur le commerce , etc., premier gouverneur de cette province‘
t. IV. de la Numidie prqmrment dite, à la
74
quelle était jointe la Byzacène que ché d’Octave le sacrifia; et toute l'A
J uba avait possédée;on l'appelait aussi frique romaine, réunie et étendue par
«(frique nouvelle, par opposition à ses soins, fut donnée en gouverne
l‘défi'i ue ancienne ou Zeugitane , for ment au triumvir Lépidus, qui l'admi
m e (in territoire de Carthage. Sal— nistra en maître absolu pendant quatre‘
luste traita la Numidie comme un pays ans. En 36 (avant l'ère chrétienne),
de conquête: il y laissa un nom odieux, Lé idus, après avoir contribué à la
et il s'y déshonora. Sa tâche était dif dé aite de Sextus Pompée , fut dé
ficile, Il est vrai: il fallait des rigueurs pouillé ar Octave de son gouverne
pour contenir une terre récemment ment, e ses dignités , de son armée
soumise, où Rome n’avait ni colonies, et de sa flotte. Cette chute de Lépidus
ni établissements, où la civilisation était le résultat de sa nullité person
avait à peine pénétré. César ferma les nelie; elle n'était pas causée, or la
yeux sur la conduite de Salluste; peut faiblesse de ses ressources, cari avait
étre même l'avait-il autorisé à tout autant de légions qu‘Octave, et autant
faire. Salluste fut remplacé par Sex de vaisseaux.Sans doute l'Afrique, où
tius, qui administra le pays de l'an 44 on l'avait relégué, le plaçait dans une
à l'an 40 avant notre ère. La Numidie grande infériorité politique à l'égard
n'ayant plus ses rois était plus que ja‘ de ses collègues; mais il trouvait
mais engagée dans les dissensions ci‘ tout autant de moyens materiels d'ac
viles de Rome: aussi fut-elle violem tion que ceux-ci dans leurs provinces,
ment agitéc par tous les événements et un autre homme aurait su en pro
qui éclatèrent à la mort de César. Sex fiter.
tius, partisan de ce dernier, prétendit Octave disposa du gouvernement
dépouiller Cornificius, gouverneur de des provinces d'Afrique après les avoir
l'Afrique ancienne. Cornificius prévint enlevées à Lépidus ; Il les confia à Sta
son attaque, et vint assiéger Cirta, ca t_ilius' Taurus, avec le titre de rocon
pitale de la nouvelle province. Mais, sul; et, en 35, Taurus obtint es bon
soutenu ar le Numide Arabion , dont ueurs du triomphe pour quelques
il a été ait mention plus haut, et par exploits contre les tribus insoumises.
les partisans de Sittius, Sextius déli , L'an 27 , Auguste, devenu définiti
vra Cirta , et après avoir vaincu Cor vement maître de l'empire, partagea
nificius, le reduisit à se donner la l'administration des provinces avec le
mort. Quelque temps après, il eut à sénat, se réservant pour lui les postes
défendre sa province contre un nou les lus périlleux, mais où étaient con
veau (gouverneur, Phangon , qui , par cen rées toutes les forces militaires.
le cré it d'Octave, venait d'être nommé L'Afrique fut donnée au sénat. Pen
à la place de Sextius. Phangon eut le dant quelque temps, la ,Numidie fut
même sort que Cornificius: vaincu, reconstituée en royaume en faveur de
abandonné de tous les siens, il se tua Juba; mais quand celui-ci eut été placé
de sa propre main. Sextius, irrité sur le trône des Mauritanies, la Nu
contre Octave, se déclara dès lors ar midie fut ajoutée aux provinces séna
tisan d'Antoine. Il possédait les aux toriales. Alors cette province, com
provinces romaines en Afrique. Par prise entre l’Ampsaga et la Tusca ,
une noire ingratitude envers Arabion commençait à se façonner au joug;
ui l'avait encore puissamment aidé des Romains et des Italiens s'y étaient
ans la guerre contre Phangon , Sex établis en rand nombre; les colonies
tius l'attira dans un piégé, et le lit s'y multip ièrent , la transformation
assassiner. Le territoire d'Arabion, de ce pays barbare commen it. En
qui comprenait presque tout l'ancien eu de temps, l'Afrique devint sem
pays des Massésyliens , fut ajouté aux lable à l'Italie, et le sé'our en était
deux provinces romaines. Mais Sex également interdit aux criminels d'État
tius ne jouit pas longtemps du fruit que multiplia bientôt la sombre tyran
de son crime. Antoine s'étant rappro nie de Tibère.
NUMIDIE ET MAURITANIE. 75
soULÈvaMEN-r DE TACFARINAS; IL mes, eu égard à la multitude des Nu
s1; LIGUE AVEC MAZIPPA; IL EST mides et des Maures; mais on évitait
BATTU un FURIUS CAMILLUS (17,de surtout d'inspirer à ces barbares une
notre ère). — Dès la troisième année crainte qui leur eût fait éluder nos at
du règne de ce prince,,l'Afrique et taques; en leur laissant espérer la
surtout la Numidie furent agitées par victoire, on réussit à les vaincre. La
la révolte d'un audacieux aventurier, légion fut placée au centre, les co
qui, pendant longtemps, tint en échec hortes légères et deux ailes de cavale
toutes les forces que Rome entrete rie sur les flancs. Tacfarinas ne refusa
nait dans cette province. Il s'appelait pas le combat. Les Numides furent
Tacfarinas. Tacite a raconté cette défaits; et la gloire des armes, après
guerre dans ses Annales. Il n'y a rien de longues années, rentra dans la mai
a ajouter, rien à retrancher dans son son des Furiusg... encore ce Furius
récit: nous le reproduirons ici tout dont nous parlons n'était-il pas re
entier. « Tacfarinas était un Numide gardé comme ou grand capitaine. Ti
déserteur des armées romaines , où il bère en fit plus volontiers , devant le
avait servi comme auxiliaire (‘). Il sénat, l'éloge de ses exploits. Les pères
réunit d’abord, pour le vol et le bu conscrits lui décernèrent les orne
tin, des bandes’ vagabondes, accoutu ments du triomphe; distinction qui,
mées au brigandage; bientôt il sut les grâce au peu d'éclat de sa vie , ne lui
discipliner", les ranger sous le drapeau, devint pas funeste. »
les distribuer en compagnies; enlin, TAcrABINAsAssrÉGB'UNaconon'rE
de chef d'aventuriers, il devint géné Romaine. MORT DE DÉCBIUS. DÉ
ral des Mnsulans ("*). Ce peuple puis FAITE DU ,NUMIDE A THALA; IL EST
sant, qui confine aux déserts de l'A BEPOUSSÉ DANS LE DÉSEBT (de 18 a 20
frique‘, et qui alors n'avait point de notre ère). —— Peu de temps après,
encore de villes, prit les armes, et en Tacfarinas recommença la guerre.
traîna dans la guerre les Maures , ses « Ce furent d'abord de simples cour
voisins: ceux-ci avaient pour chef ses (*), dont la vitesse le dérobait à
Mazippa. Les forces furent partagées; toutes les poursuites. Bientôt il sac
Tacfarinas se chargea de tenir dans cage les bourgades, entraîne après lui
des camps et d'habituer à l'obéissance d'immenses butins, et linit par assié
des hommes d'élite, armés à la ro ger, pres du fleuve Pagida(“'), une
maine, tandis que Mazippa, avec les cohorte romaine. Le poste avait pour
troupes légères, porterait partout l'in commandant Décrius, intrépide sol
cendie, le carnage et la terreur. Déjà dat, capitaine expérimenté, qui tint ce
ils avaient force les Cinithiens P“), siège pour un affront. Après avoir
nation considérable, de se joindre à exhorté sa troupe à présenter le com
eux , lorsque Furius Camillus, procon bat en rase campagne, il la range
sul d'Afrique, après avoir réuni sa lé devant les retranchements. Elle est re
gion, et ce qu il y avait d'auxiliaires poussée au premier choc. Décrius,
sous les étendards. marcha droit à sous unejgrêle de traits, se jette à tra
l'ennemi. C'était une poignée d'hom
(_‘) Tacit., Ann., liv. me. an. Nous conti
nuons à nous servir de l'excellente traduc.
(") TaciL, Ann., l. u , c..5a,trad. de M. tion de M. Burnouf.
Burnouf. C") M. Marcus pense que le Pagida était
("') Les Musulans. Mussini de Pline. situé sur laroute de Cirta à Igilgilis (Gigeri).
Musuni de Ptolémée. habitaient près du (Notes sur Mannert, p. 709 . n Le siège
confluent du Muthul (Hamise) et du Ba principal des guerres contre acfarinas est
grada (Madjerdab). dans le Jurgura et à l'entour d'Auzia, le
("”) Les Cinithiens, appelés Sintæ par fort Hamza, nommé par les Arabes J011!‘
Strabon , demeuraient, selon Ptolémée, sur Ghazlan. Or, ces cantons ne sont pas éloi
le fleuve Triton, du côté où il forme le lac gnés d'Alger de lus de vingt lieues. n (Re
Libya. cherches sur l'A rique sept. , p. 66.)
76
vers les fuyards, les arrête, crie aux maux qu’elle cause, mais pour la gloirr
porte-enseignes « qu'il est honteux que que d’autres pouvaient y acquérir. La
« le soldat romain tourne le dos à une Numidie appartenait au sénat : la gra
« bande de brigands et de déserteurs. » vité des événements qui s’y passaient,
Couvert de blessures, ayant un œil l'importance de toute la province, dé
crevé, il n’en fait pas moins face à terminèrcnt l'empereur à en disposer
l'ennemi, et combat jusqu’à ce qu’il lui-même. Il opéra ce changement à
tombe mort, abandonné des siens. sa manière ordinaire, par la ruse et la
« A la nouvelle de cet échec, L. dissimulation. Dans une séance du
Apronius, successeur de Camillus, plus sénat, il lut des lettres d'Afrique' qui
indigné de la honte des Romains qu’a annon ient une nouvelle apparition
larmé du succès de l'ennemi, fit un de Tac arinas, et il ajouta qu’il impor
exemple rare dans ces tem s-là, et tait que le sénat choisit un proconsul
d'une sévérité antique : il écima la habile et brave, capable de terminer
cohorte infâme, et tous ceux que dé une telle guerre. Un flatteur, préve
signa le sort expirèrent sous laverge. nant les pensées de Tibère, s'écria
Cet acte de rigueur fut si efficace, qu’il fallait se garder de choisir Lépi
qu'un corps de cinq cents vétérans dus. Tibère le craignait, précisément
élit seul les mêmes troupes de Tac parce qu’il avait toutes ces vertus qui
farinas devant le fort de Thala (*), désesperent un tyran. Le sénat, péné
qu’elles venaient attaquer. Dans cette trant et lâche , comprit le vœu de
action, Helvius Rufus, simple soldat, Tibère. On décida que César choisirait
eut la gloire de sauver un citoyen. lui-même le gouverneur d’Afrique. Ti
Apronius lui donna la pique et le col bère, qui ne se démasquait jamais,
lier. Comme proconsul , il ouvait désigna deux candidats, Lépidus et
ajouter la couronne civique : i laissa Junius Blésus. Lépidus devait refuser,
ce mérite au prince, qui s’en plaignit son salut en dépendait: il s’excusa sur
plus qu’il n’en fut offensé. Tacfarinas sa santé. Blésus, qui était oncle de
voyant ses Numides découragés et re Séjan , fut donc nommé au proconsulat
butés des sièges, court de nouveau la d’Afrique.
campagne, fuyant dès qu’on le presse, TACFABINAS DEMANDE DES un
et bientôt revenant à la charge. Tant nes A. n’nupxneun. GLonnmsB CAM
u’il suivit ce plan, il se joua des ef PAGNE ne nuâsus, QUI NÉGLIGB ne
orts de l’armée romaine, qui se fati L’AccAnLnn ‘tout A un (20 à 22 de
guait vainement à le poursuivre. Lors notre ère). — Au reste, Blésus n’était
qu'il eut tourné sa course vers les pays pas indigne de ce choix. - Tacfarinas,
maritimes, embarrassé de son butin, souvent chassé par nos troupes, dit
il lui fallut s’assujettir à des campe Tacite (*), et toujours revenu du fond
ments fixes. Alors Apronius Césianus, de l’Afrique avec de nouvelles forces,
envoyé par son père avec de la cava avait enfin poussé l’insolence 'usqu’à
lerie et des cohortes auxiliaires, ren envoyer à César une ambassa e, ui
forcées des légionnaires les plus agiles, demandait un établissement pour ni
battit les Numides, et les rec assa et pour son armée, ou menaçait d'une
dans leurs déserts (18 à 20). » guerre interminable. On rapporte que
TIBÈBE msrosx DU PBOCONSULAT jamais insulte à l’empereur et au peu
n’armqun. ——-Tacfarinas ne tarda pas ple romain n’indigna Tibère comme
à recommencer ses incursions. Déjà de voir un déserteur et un bri and
Tibère ressentait une inquiétude sé s’ériger en uissance ennemie. « 1 n’a
rieuse de la prolongation de cette lutte. « vait pas té donné à Spartacus lui
Il redoutait la guerre, non pour les a même, lorsqu’après la défaite de tant
- d’armées consulaires il saccageait
(') Thala, souvenl confondu avec Telepte, « impunément l’ltalie, lorsque les gran
ne correspond pas à celte ville, pvisqu elle
était sur la route de Constanline à Gigeri. (") Tacit., Ann., liv. m, e. 73.
NUMIDIE ET MAURITANIE. 77
a des guerres de Ëertorius et de Mithri rière lui des ennemis prêts à recom
« date ébranlaient la république, d'ob mencer la lutte. Tibère la considéra
«tenir un traité qui lui garantit le cependant comme terminée, et permit
«pardon; et l'empire, au faite de la que Blésus fût salué par ses légions
en puissance, se rachèterait par la paix, du nom d'imperator. Nul n'obtint plus
« et par des concessions de territoire, ce titre après lui (22). »
« des brigandages de Tacfarinas! » Il NOUVELLES coUnsEs m: TACFARI
chargea Blésus d'offrir l'impunité à NAS; IL ASSIÉGE ’IBUBUSQUE; 11. Est
ceux ui mettraient bas les armes, sUnPnIs un DOLABELLA, E1‘ su
mais e s'em arer du chef à quelque DONNE LA mon (24 de'notre ère). —
prix que ce f t. ‘ Ce ne fut que deux ans après que
«Beaucoup de rebelles profitèrent l'Afrique romaine fut délivrée de Tac
de l'amnistie. Bientôt, aux ruses du farinas. «Jusqu'alors nos généraux,
Numide on opposa le genre de guerre contents d'obtenir les ornements du
dont il donnait l'exemple. Comme ses triomphe, laissaient reposer l'ennemi
troupes, moins fortes que les nôtres, dès qu'ils croyaient les avoir méri
et meilleures pour les surprises ne tés (*). Déjà trois statues couronnées
pour le combat, couraient par ban es de lauriers s'élevaient dans Rome, et
détachées, attaquant tour a tour ou Tacfarinas mettait encore l'Afrique au
éludant les attaques et dressant des pillage. Il s'était accru du secours des
embuscades, l'armée romaine se mit Maures, quia abandonnés par la jen
en marche dans trois directions et sur nesse insouciante de Ptolémée, fils de
trois colonnes. Le lieutenant Corné J uba, au gouvernement de ses affran
lius Scipion ferma les passages par où chis, s'étalent soustraits par la guerre
l'ennemi venait piller le pays de Lep à la honte d'avoir des esclaves pour
tis, et se sauvait ensuite chez les Ga maîtres. Recéleur de son butin et com
ramantes. Du côté opposé, le fils de pagnon de ses ravages, le roi des Ga
Blésus alla couvrir les bourgades dé ramantes, sans marcher avec une ar
pendantes de Cirta. Au milieu, le gé mée, envoyait des troupes légères, que
néral luiumême, avec un corps d'élite, la renommée grossissait en proportion
établissait dans les lieux convenables de l'éloignement. Du sein même de la
des postes fortifiés; de sorte que les rovince, tous les indigents, tous les
barbares, serrés, enveloppés de toutes ommes d'une humeur turbulente,
parts, ne faisaient pas un mouvement couraient sans obstacle sous les dra
sans trouver des Romains en face, sur peaux du Numide. En effet, Tibère,
leurs flancs, souvent même sur leurs ‘croyant l'Afrique purgée d'ennemis
derrières. Beaucoup furent tués ainsi, par les victoires de Blésus, en avait rap
ou faits prisonniers. Alors Blésus sub pelé la neuvième légion; et le promu
divisa ses trois corps en plusieurs sul de cette année, P. Dolabella, n'a
détachements, dont il donna la con vait osé la retenir: il regrettait les
duite à des centurions d'une valeur ordres de César encore plus que les
éprouvée; et, l'été fini, au lieu de re périls de la guerre.
tirer ses troupes, suivant la coutume, « Cependant Tacfarinas ayant semé
et de les mettre en quartiers d'hiver le bruit que la puissance romaine, en
dans notre ancienne province, il les tamée déjà par d'autres nations, se
distribua dans des forts qui cernaient retirait peu à peu de l'Afrique, et
pour ainsi dire le théâtre de la guerre. n'en envelopperait facilement le reste
De là , envoyant à la poursuite de Tac es nôtres, si tous ceux qui référaient
farinas des coureurs qui connaissaient la liberté à l'esclavage vou aient fon
les routes de ces déserts, il le chassait dre sur eux , au mente ses forces,
de retraite en retraite. Il ne revint campe devant Thu usque (”), et inves
qu'après s'être emparé du frère de ce
chef; et ce fut encore trop tôt pour (‘) TaciL, Ann., 1. w, c. :3.
le bien des alliés, puisqu'il laissait der (") Thubusque est, selon Mannert (page
78
tit cette place. Aussitôt Dolabella nul ordre, nul mouvement calculé; ils
rassemble ce qu’il a de soldats; et, se laissent entraîner, égorger , pren
grâce à la terreur du nom romain, dre comme des troupeaux. irrité par
jointe à la faiblesse des Numides en le souvenir de ses fatigues, et joyeux
présence de l'infanterie , il chasse les d'une rencontre désirée tant de fois
assiégeants par sa seule approche, for et tant de fois éludée , le soldat s'eni
titie les postes avantageux, et fait tran vrait de vengeance et de sang. On fit
cher la tête à quelques chefs musu dire dans les rangs de s'attacher à Tac
lans qui préparaient une défection; farinas , connu de tous après tant de
puis, convaincu, par l'expérience de combats; car si le chef ne périssait,
plusieurs campagnes , qu'une armée la guerre n'aurait jamais de fin; mais
pesante et marchant en un seul corps le Numide, voyant ses gardes renver
n'atteindrait jamais des bandes vaga sés, son fils prisonnier, les Romains
bondes, il appelle le roi Ptolémée avec débordant de toutes parts, se préci
ses partisans, et forme quatre divi pite au milieu des traits, et se dérobe
sions, qu'il donne à des lieutenants ou à la captivité par une mort qu’il fit
à des tribuns. Des officiers maures payer cher. La guerre finit avec lui. 1»
choisis conduisaient au butin des trou— Ainsi périt Tacfarinas , aussi héroï
pes légeres; lui-même dirigeait tous qnement que Spartacus , et après une
les mouvements. lutte glorieuse contre Rome. Le roi
« Bientôt on apprit que les Numi des Garamantes fit sa soumission , et
des, réunis près des ruines d'un fort Ptolémée fut récompensé par le'sénat.
nomm'é Auzéa , qu'ils avaient brûlé L'histoire de Tacfarinas méritait d'au
autrefois , venaient d'y dresser leurs tant plus d'être rapportée entièrement,
huttes et de s'y établir, se fiant sur la que ce chef semble revivre de nos
bonté de cette position, tout entourée jours dans le prince africain qui op
de vastes forêts. A l'instant des es pose en ce moment aux armes de a
cadrons et. des cohortes, libres de France une résistance si acharnée. L'a
tout bagage, et sans savoir où on les nalogie est frappante : la tactique et
mène , courent à pas précipités. Au les ruses du chef actuel des tribus
jour naissant, le son des trompettes et africaines sont les mêmes que celles du
un cri effroyable les annonçaient aux Numide. Or, si les Romains , après
barbares à moitié endormis. Les che une occupation déjà longue , emplo è
vaux des Numides étaient attachés, ou rent sept années à réduire ce rebe le,
erraient dans les pâturages. Du côté faut-il s'étonner si nous n'avons pu
des Romains , tout était prêt pour le encore, aux débuts de notre établisse
combat, les rangs de l'infanterie ser ment dans ce pays, dompter un ennemi
rés, la cavalerie a son poste. Chez les dont les ressources sont, sans contre
ennemis, rien de prévu :point d'armes, dit, plus considérables ue celles de
Tacfarinas , et qui , de p us , agit sur
5 19), la même ville que’l‘ubusuptus, placée des populations encore fanatiques ,
par l'itinéraire d'Antouin à 38 milles de non - seulement par l'autorité mili
Guide, entre ce port et Sitifis. C'était une taire, mais par l'influence plus grande
des principales villes de l'intérieur. La carte de la religion?
de Shaw nomme cet endroit Burgh. On CALIGULA SÉPAR! ms Aurons
Voit, comme le remarquent les auteurs des
Recherches sur l'Afrique septentrionale, L’AnmmsTaA'rmN CIVILE m L'an
que le théâtre de cette guerre etait la partie mms'rna'rron murmura-Quoique
maritime de la province de Sitifis; Tacfa Tacfarinas fût abattu , l'Afrique con.
rinas porta toujours ses efforts sur ce point. tinuait toujours à donner du souci
Mais sa retraite était au sud; et quand on aux empereurs. Les nomades ne se
parvenait à le chasser, il fallait guerroyer fixaient pas encore , et l'intérieur du
vers le désert, et loin à l'est vers la Tri 0 pays était éternellement agité. On
lilaine, puisque'les' Garamanles ses aliies avait tout à craindre d'une province 81
habitaient la région actuelle du Fezzan. turbulente, où , comme en Égypte, le
NUMIDIE ET MAURITANIE. 79
rébellion séjournait dans le peuple, ehangement est rapporté aux temps de
et pouvait facilement entraîner les Dioclétien; mais il n'en est fait men
gouverneurs. Et cependant il impor tion la première fois que dans la no
tait de maintenir ce pays riche et po tice de l'empire d'Occident.
puleux, qui nourrissait Rome et I’Ita ÉTAT DE LA NUMIDIB m: 1)! LA
ie. Aussi Caligula sépara l'adminis MAUBITANIR sous Las ANTONINS;
tration militaire dans les provinces INCUBSIONS DES GÉTULES s1‘ mas
d'Afrique. Le proconsul n'eut plus le Mamans; CHANGEMENTS DANS L’An
commandement des armées , et, là où mN1srnA'r1oN.-—L’histoire de la Nu
il y avait deux pouvoirs et deux hom midie et de la Mauritanie, dans les
mes, l'union pour la révolte devenait deux premiers siècles de l'empire, se
plus difficile. Bien plus, les dissensions résume en deux faits : efforts des
des deux chefs, toujours en désaccord princes pour acclimater sur le sol
sur les limites de leurs attributions, africain la civilisation romaine; dé
étaient pour l'empereur une nouvelle fense des frontières contre les barba
cause de sécurité. Caligula avait pris res du sud, qui les franchissaient fré
cette mesure au moment où il confiait guemment. Déjà , au temps de Pline,
le proconsulat d’Afrique à M. Silanus, état social des anciens royaumes
dont le rang et l’illustration étaient de Juba et de Boccbus était grande.
bien ropres à lui inspirer des défian ment modifié. La Mauritanie césa.
ces. ‘ette disposition fut maintenue, rienne renfermait au moins treize co
et appliquée plus tard à toutes les au lonies romaines , trois municipes li
tres provinces. Ce fut une des grandes bres, deux colonies en possession du
modifications introduites par l'empire droit latin, et une jouissant du droit
dans l'ancienne administration répu italique. Toutes les autres villes étaient
blicaine. des villes libres ou tributaires. La Nu
LA MAUBITANIE DEVIENT PRO midie avait douze colonies romaines
vmcs ROMAINE (42 de notre ère). ou italiques, cinq municipes, et trente
Le règne de Claude complète la con et une ville's libres : les autres étaient
quête de l’Afriqne septentrionale , en soumises au tribut (').
effectuant la réunion de la Mauritanie. Les incursions des Musulans, des
Les deux nouvelles provinces formées Gétules et des autres tribus du désert,
alors, la Tingitaue et la Césarienne, avaient commencé dès le principat
furent au nombre de celles qui dé d’Auguste , et rarement les posses
pendaient de l'empereur, car il y fallait sions romaines furent en repos par le
entretenir des forces considérables. voisinage de ces barbares. On manque
Chacune était gouvernée par un pro de documents sur les actes d’hostili
curateur. Elles étaient séparées l'une tés qui avaient lieu continuellement
de l’autre par le fleuve Mulucha. Plus de part et d'autre. Seulement, on ren
tard, à une époque où les empereurs contre par intervalles, dans les histo
adoptèrent le système de subdiviser riens, de rares et courtes indications.
les provinces, la Mauritanie césarienne Ainsi on sait, par le biographe d’A
fut partagée en deux régions. Tout ce drien, Spartianus , qu'un certain Lu
qui était à l'ouest du port de Saldæ sius Quiétus ayant soulevé plusieurs
jusqu’au Mulucha, conserva le nom de tribus de la Mauritanie , dont il avait
Cæsariensis : depuis Saldæ jusqu'à le commandement, l'empereur chargea
l'Ampsaga , on créa la province de Martius Turbo de pacifierla province.
Mauritam‘a Sitifemis, ainsi appelée Ce général, formé ‘a l'école de Trajan,
de Sitifis (Sétif) , sa capitale( ). Ce quitta la Palestine, où il avait réprimé '
la turbulence des J uifs, et calma l’agiâ
(') Sitilis (Sétif) n'avait in! en d'im
portance sous les rois nulni es; c'était une vint très-prospère; des routes y aboutis
ville de l'intérieur. Les empereurs en firent saiont de loules les directions.
un centre considérable, l'agriculture y de (') Recherches sur'l’Afrique sept, p. u.‘
80
tation de la Mauritanie. Une statue que et dans la Bétique. En effet, dans
fut élevée en son ‘honneur. cette province sénatoriale, ñous voyons
Antonin força aussi les Maures rebel un P. Tullius Varro procurateur de la
les à demander la paix. Voici comment Bétique, c’est-à-dire gouverneur de la
Pausanias parle de cette guerre: « L’em Bétique au nom de l’empereur. Dans
pire, dit-il, fut attaqué parles Maures, ces inscriptions, où l’ordre de préémi
geuplade la plus considérable des Li nence des titres est très-régulier, le
yens indépendants. Ces Maures. noma mot procurateur succède à celui de
des comme les Scythes, sont bien plus légat progre’teur, et précède celui de
difficiles à vaincre ue ces peuples, préteur. r, Capitolin nous apprend
uisqu’ils voyagent a cheval, eux et que Marc-Aurèle fut contraint, par
eurs femmes, et non sur des cha es nécessités de la guerre, de changer
riots. Antonin les ayant chassés de la hiérarchie établie pour les provin
toute la partie del’Afrique soumise aux ces.
Romains, les repoussa aux extrémités « De même I’Afrique, province sé
de la Libye, dans le mont Atlas, et natoriale dont ce même Varron avait
sur les peuples voisins de cette chaîne.» été proconsul , s’était révoltée plus
Sous le règne de Marc-Aurèle, les tard , on avait été attaquée par les
dangers de l‘empire devinrent plus Maures, puisque MarcuAurèle y envoya
graves. Les barbares, comprenant que des troupes et la rendit province im
ce grand corps s’affaiblissait enfin, l’at périale : le gouverneur Dasumius n'eut
taquèrent avec un acharnement in plus dès lors ue le titre seul de légat,
croyable. Depuis ce temps, Rome ne ou celui de l gat propréteur.» Ainsi,
songea plus à envahir, s’estimant heu le danger del’em pire et l'intérêt public
reuse de pouvoir préserver ses fron forcèrent Marc-‘Aurèle à compléter ces
tières. Les Maures (et par ce mot il usurpations sur les droits du sénat, que
faut entendre les peuples indomptés les premiers empereurs avaient com.
voisins'de l’Atlas) ne furent pas les mencées par défiance et par tyrannie.
moins ardents ni les moins dangereux. L’unIQun sous LES SEVÈBES ; PRO
Julius Capitolinus, dans la vie de GnÈs DE LA CIVILISATION; ÉDIT DE
Marc-Aurele , nous révèle sur leurs CABACALLAV. — Cependant, à mesure
tentatives un fait important et cu ue la civilisation romaine se répan
rieux: a Ni les garnisons romaines, ni ait dans l’Afrique occidentale, cette
le détroit de Gadès, n’empéchèrent les contrée exerçait une influence de plus
hordes de I’A'tlas de prendre l’offen en plus grande sur les destinées généra
sive, de pénétrer en Europe, et de ra les de l’empire. Au commencement du
vaîer une grande partie de l’Espagne. troisième siècle de notre ère, l’homme
Te est du moins le sens qui semble qui gouvernait le monde romain était
ressortir des paroles un peu vagues de né en Afrique. C’était Septime Sévère.
Jules Capitolm ("), à moins u’on ne Il est vrai qu’iletait de Leptis, dans la
veuille supposer que ces hostl ités,ré province proconsulaire; mais il regar
primées enfin par les lieutenants de dait l'Afrique tout entière comme sa
’empereur, s’exerçaient par mer, et patrie, et ellefut toujours pour ce prin
qu’il y avait déjà alors sur les côtes ce un pays de rédilection. Ce n'était
d’Afrique des corsaires ou des pirates, lus Rome seu ement qui agissait sur
comme de nos jours nous en avons vu es provinces : celles-ci devaient domi
sortir des ports d’Alger. ner tour à tour dans la cité qui les avait
n Les inscriptions découvertes en conquises. La Gaule et l’Espagne
1829. à Tarquinies, prouvent qu’il y avaient placé sur le trône impérial les
eut des mouvements sérieux en Afri remiers empereurs'étrangers à I’Ita
ie : l'Afrique et la Syrie donnèrent la
(') Jul. CIpit, Ant. Philos., ut : u Cum dynastie des sévères. Une foule d’A
Mnurl lilupnnlu prope omnes valurent. t‘rlcnlnl, venus à Rome nous ces prin
ru per legalos bene gulæ mnt. nu ces. y brlllèrent au premier rang ,
NÜMIDIE ET MAURITANIE. et
à l'armée . au barreau, dans la littéra traversait à- désavouer Gordien.,Ce
ture. La Numidie, la Mauritanie elle lui-ci opposa son fils à cette attaque
méme présentaient partout l'aspect imprévue. Mais Capelien avait la répu
d'une terre civilisée. Des routes nom tation d'un vieux soldat plein d'ex‘pé
breuses et sûres, sillonnaient ces con rience et de bravoure; son adversaire
trées en tous sens, en loneeant les était plutôt connu par son luxe et ses
côtes, ou en énétrant dans les villes débauches que par ses talents militai
importantes e l'intérieur. Bientôt l’é res. Dans la bataille qui se livra, le
dit de Caracalla éleva tous les habi jeune Gordien fut vaincu et tué; son
tants libres de l'empire au rang de ci corps, enseveli sous un monceau de
toyens (216), et il n'y eut plus entre cadavres, ne fut retrouvé que plusieurs
les hommes d'autre distinction que jours après. A cette triste nouvelle,
celledeRomainsetd’esclaves.Cette me e vieux Gordien, considérant l’infé
sure n'avait as seulement pour objet riorité de ses forces, les ressources de
d'augmenter e nombre des contribua Capelien, l'instabilité de la foi afri
bles , elle tendait encore à multiplier caine, résolut de se donner la mort.
les ressources militaires de l'Etat et à Il se pendit. Le vainqueur usa cruel
faciliter sa défense, en donnant à tous lement de son triomphe; il dressa des
le droit d'être enrôlés dans les légions. échafauds, prononça des confiscations,
Du reste, on ne trouve aucune indica et n’épargna aucun des ennemis de
tion particulière sur la Numidie ou la Maximin: même les villes et les tem
Mauritanie à cette époque, excepté ces ples furent livrés au pillage, et le bu
mots de Lampride dans la vie d'A tin abandonné aux soldats. Capelien
lexandre Sévère : « Furius Celsus changea l'administration municipale
remporta des avantages dans la Mau des villes , et se rendit cher aux trou
ritanie Tingitane (*). » pes et à la populace. Cet ancien inten
TROUBLES EN AFRIQUE A LA MORT dant de la Mauritanie aspirait à la
n’ALnxANnnE snvitmt ; LES maux pourpre impériale , et préparait les
GORDIENS; ILS SONT VAINCUS un voies pour succéder à Maximin. On
CAPELIEN (237 et 238 de notre ère). ne sait rien sur la fin de sa carrière
—Alexandre Sévère ayant été assas (23s).
siné par le Goth Maximin, toutes les GALLIEN; INcUnsmNs DES FRANCS
provinces virent avec effroi ce barbare nu usunrnma‘; TREMBLEMENT DE
maître de l'empire. L'Afrique donna renne; L'UsUnrA'rann CELSUS ( de
l'exemple du soulèvement; le vieux 260 à 268 de notre ère). — Le règne
Gordien, qui la gouvernait, fut pro de Gallien fut signalé par des calamités
clamé à Tysdrus; il prit son fils pour et des hontes de toute espèce. Pendant
collègue, et le sénat les reconnut. Mais que l'anarchie intérieure semblait près
les deux Gordiens, proclamés en Afri de dissoudre l'empire , les barbares en
que, y trouvèrent aussi la ruine de ravageaient impunément les provinces.
leurs espérances et leur fin. La Mau Les Francs, après avoir tranchi le
ritanie avait pour gouverneur un cer Rhin, se répondirent dans la Gaule et
tain Capelianus, ennemi personnel de‘ dansl’Espagne. Lorsque le pays, épuisé
Gordien , et dévoué à Maximin. A après douze ans de ravages, ne leur
peine empereur, Gordien destitua Ca offrit lus de butin , ils s'emparèrent
pelien, et lui donna un successeur. de que ques vaisseaux dans les ports
Mais Capelien ayant réuni une armée d'Espagne, et passèrent en Mauritanie.
composée de Maures d'élite et d'autres « Quel dut être, dit Gibbon , à la vue
troupes rassemblées à la hâte, marcha de ces peuples féroces, l'étonnement
sur Carthage, forçant. les pays qu'il d'une région si éloignée? Lorsqu'ils
abordèrent sur la côte d'Afrique, où
l'on ne connaissait ni leur nom, ni
c‘) Aciæ'runi res féliciter et lu Maurita
uia Tiugiiana per Furium Celsum (c. Mm). leurs mœurs, ni leurs traits, ils pa
6' Livraison. (Nomme nr Mwmrmm.) 6
82
rurent sans doute tomber tout à coup ment l'Afrique}: Ces Quintquégentiens,
d'un nouveau monde (*). 2 Cette inva que plusieurs ont placés ans la Pen
sion passa sans laisser de traces; tapole, étaient des tribus voisines de
mais les Francs avaient indiqué la la Mauritanie 0') romaine, des Mau
route que les Vandales devaient sui res indépendants. Ces peuples étaient
vre deux siècles plus tard. Trébellius _ resque toujours armés les uns contre
Pollion mentionne aussi à cette époA es autres , comme le fait comprendre
que un terrible tremblement de terre Claudius Mamertinus, à travers l’em
qui bouleversn toute la Libye. La phase de son st le de rhéteur. « Là où
terre s‘entr‘ouvril; en plusieurs en‘ se perd la lumière, dit-il, ‘a l'endroit
droits, et la mer reflua sur les rivages où le mont Calpé se tourne vers le ri
et engloutit plusieurs villes. Toute vage de la Tingitane , et ouvre à l'O
fois, la Mauritanie et la Numidie fu céan le sein de la Méditerranée, les
rent a peine agitées par les désordres nations s'acharnent contre leur‘ ro
qui éclatèrentà cette époque où paru! pre sang. Privées du bonheur ‘a
rent les trente tyrans. Celsus , le seul partenir aux Romains, elles portent a
nsurpateur qui parut en Afrique; ne peine de leur indomptable férocité.
fut reconnu que par la Libye et la La nation des Maures se déchire les
proconsulaire, et encore son règne ne entrailles avec fureur, etc... » Cepen
dure que sept- jours. Ainsi, l’Afrique dant cette invasion des Maures indé
occidentale resta fidèle à Gallien. pendants dans la province romaine
EXPLOITS DE PnoBUs EN unique; semble prouver qu'ils avaient fait trêve
comme ne MAXIMIEN comme LES à leurs hostilités, pour piller ensem
QUINQUÉGENTIENS (297 de notre ère). ble les terres de l'empire. Maximien
— Probus , avant d'être empereur , lit dompta les Quinquégentiens. « Tu as
glorieusement la guerre en Afrique. vaincu , dit Mamertinus dans le pané
« Il combattit avec courage les Mar gyrique qu’il adresse à ce prince, tu
marides, dit Flavius Vopiscus, et les as soumis, tu as déporté les sauva es
vainquit. Etant passé de la Libye à tribus des Maures, malgré les mon a
Carthage , il y réprima les rébellions. gnes inaccessibles et les remparts na
Il provoqua et tua en combat singulier turels qui les protégealent. » Quant à
un chef de tribus africaines , nommé Julianus,'il fut réduit à se donner la
Aradion; et comme il avait reconnu mort.
en lui de la fermeté et de la bravoure Ce fut après avoir terminé cette
il lit élever en son honneur un grand guerre que Maxlmien opéra quelques
sépulcre : ce monument a 200 pieds changements dans l'administration de
de largeur, et il subsiste encore. Il le la Numidie et de la Mauritanie. La
fit élever par ses soldats , qu’il ne lais Numidie devint province consulaire.
sait jamais dans l'oisiveté ("). » La Mauritanie Sz‘tzZ/‘ensis fut détachée
Sous Dioclétien, les Mauritaniës et de la Césarienne, et la Tingitane fut
l'Afrique furent désolées par une réunie à l’Espagne, et en forma la sep
guerre sérieuse qui nécessita la pré tième province. .
sence de Maximien. Cet événement usunpumn D’ALnxANnnEmAxaN
n'est qu'indiqué dans Aurélius Victor, ce LE BENVERSB; IL orrnma L’A
Eutrope et les panégyristes. Point marqua; GOUVERNEMENT m; CONS
d'explications ni de détails; car, à cette TANTIN. —Dioclétien avait rétabli la
époque de décadence littéraire, l’his grandeur et la tranquillité de l'empire.
toire dé énère tout à fait en chroni La tétrarchie, en divisant le pouvoir,
ne. c Ju ianus et les Quinque’gentiens, rendait la défense des frontières plus
it Aurélius Victor, agitaient violem facile; mais quand Dioclétien se fut
retiré à Salone, les Augustes et les Cé
(") Gibbon, Décad. de l’emp. romain,
t. n, p. r33. (’) Voyez la note de M. Marcus, p. 717‘
C’) Flav. Vopisc. , Vie de Proî)., ch. rx. de la traduction de Mannert.
NUMIDIE ET MAURITANIE. 83
sars qu'il laissait après lui devinrent rement modifié l'état des esprits ; d'ail
tous rivaux. A la faveur de leurs dis leurs Constantin la combla de bienfaits,
sensions , un usurpateur s’éleva en et, depuis trois siècles, la reconnais
Afrique. C'était un Pannonien appelé sance envers les empereurs se manifes
Alexandre', de la plus basse origine, tait par leur apothéose. En 322, Cons
qui se maintint pendant trois ans dans tantin rendit un édit destinéà soulager
la contrée ( 308-311 ). Maxence , in l'Afrique de la profonde misère où la
quiété par Constantin, fut contraint tyrannie de Maxence l'avait plongée. Il
de le laisser jouir quelque temps de dit dans ce décret qu'il a appris que des
son usurpation. Mais, avant de lutter parents, pressés par le dénûment, ven
contre le fils de Constance Chlore, il daientleurs enfants, qu'ils ne pouvaient
renversa ce faible et'méprisable ad plus nourrir; il indique les secours à
versaire. Il envoya Volusianus, préfet donner à ces malheureux, et la source
du prétoire, avec quelques cohortes, où il faut les puiser; il accorda aussi une
et il suffit d'un co, ai; pour dépouil diminution d'impôts, et affranchit les
ler Alexandre. M ence désola Car provinces agricoles d’Afrique des tri
thage et toutes les plus belles parties buts de blé et (l'huile qu'elles avaient
de l'Afrique par ses cruelles vengean d'abord offerts volontairement à Se
ces , et s’y rendit aussi odieux qu'en time Sévère, et qui s'étaient changes
Italie. « Il paraît certain que la Numi depuis en contributions régulières et
die avait aussi accepté la domination forcées.
d'Alexandre, et même que ce timide ÉTAT RELIGIEUX DE ‘L'AFRIQUE AU
usurpateur, après avoir perdu Car QUATRIÈME SIÈCLE ; scHIsME DES
thage presque sans combat , s'était, nonursres-Mais un mal auquel
comme Adherbal, réfugié sous l'abri Constantin ne put remédier, ce furent
de la position forte de Cirta. Telle est, les dissensions religieuses qui éclatè
du moins, l'induction très - probable rent en Afrique quelques années a rès
qu'on peut tirer de la phrase d'Auré la défaite de Maxence. Aux rivalités
lius Victor , qui nous dit, avec sa con des ambitieux qui se disputaient le
cision ordinaire, que Constantin, vain siége primatial de Carthage se joigni
queur de Maxence, fit relever, embel rent les ardentes controverses d'héréA
lu la ville de Cirta, qui avait beaucoup tiques opiniâtres, et le schisme des
souffert dans le siége d'Alexandre, et donatistes prit naissance. Il dura trois
qu’il lui donna le nom de Constan siècles, et ne disparut de l'Afrique
tine (3*). » qu'avec le christianisme même. Il y
Lachute de Maxence excita dans tou eut deux évêques hérétiques du nom
tes les provinces qu’il avait opprimées de Donat : le premier , qui occupait le
la joie la plus vive. Constantin fut sa siége de Cases noires en Numidie,
lué comme un libérateur. Par une con commença le schisme vers 305, en re
tradiction singulière, le premier empe fusant d'admettre à la communion les
reur chrétien toléra et encouragea en traditeurs, c’est-à-dire ceux qui avaient
Afrique le culte idolâtrique de sa per livré les saintes Ecritures pendant la
sonne; il fit ériger un temple et institua persécution de Dioclétien. Il fit dépo
un collège de prêtres en l honneur de la ser Cécilien , évêque de Carthage, qui
famille flavienne, dont il se disait des usait d'indulgence envers les tradi
cendu. Une inscription prouve que ce teurs; mais il fut lui-même excommu
culte existait encore au temps de Cons nié par le pape Melchiade (313) et par
tance. Telle était la force des habitudes lusieurs conciles. Cependant Ceci
et des préjugés du paganisme; l'Afri ien fut réélu primat d’Afrique; mais
que se prêtait volontiers à cette ado-_ les évêques de Numidie , qui n'avaient
ration de la créature humaine,car«la foi point pris part à cette décision , se dé
chrétienne n’y avait pas encore entie clarèrent, au nombre de soixante-dix,
our un second Donat,*homme ha
l’) Recherches sur l’Afrique sept, p.36. ile, et qui affectait les dehors de la
6.
84
vertu la plus austère (316). Pour em contentement plus légitime. Vers la
pêcher ces déchirements de l’Eglise fin du règne de Valentinien I", l’Afri
d’Afri‘que, le ape et l’empereur irr— que était gouvernée par le comte Ro
tervinrent; et es décrets des conciles manus; plusieurs villes, 0 primées
d’Arles et de Rome , le jugement su par son odieuse tyrannie, emandè
prême de Constantin, dans son sacré rent justice à l'empereur. Romanus
Consistoire , reconnurent les droits de éluda , à force de ruses et d’intrigues,
Cécilien. L'exil fut prononcé contre une condamnation méritée, et les ré
les chefs du parti opposé; néanmoins, clamations de ces malheureuses cités
les donatistes se maintinrent dans plu ne servirent qu’à aggraver leur sort
sieurs ' provinces , particulièrement (371). Cette iniquité déposa dans tous
en Numidie, et quatre cents évêques les cœurs les germes d’une irrita
reconnurent l'autorité de leur primat. tion profonde , présages d’un soulève
u Mais l’invincible esprit de secte , dit ment .terrible. Enfin , les tribus bar
Gibbon, dévorait les entrailles de la bares , châtiées par Maximien, n’at
secte même , et l’Eglise schismatique tendaient aussi que le moment de se
était déchirée par _des dissensions in venger de ses rigueurs. Tout était fa
testines. Le quart des évêques donatis vorable à la révolte, et il ne fallait
tes suivaient la doctrine indépendante u’un chef pour commencer l’attaque,
des maximianistes. Le sentier étroit et iriger les forces des mécontents, et
solitaire que’ leur avaient marqué leurs opérer la séparation que tant d’hom
premiers conducteurs les éloignait de mes regardaient comme le seul remède
plus en plus du genre humain; et la à leurs maux.
petite secte , à peine connue sous le mâvom-e ne rnuuus; ss NAIS
nom de rogatiens , affirmait avec as SANCE; muse m; sa nÉBeLLIoN; IL
‘surance que si le Christ descendait du PILLE césures (371 de notre ère).—
ciel pour juger les humains, il ne re Ce chef tant désiré ne tarda pas à
connaîtrait la pureté de sa doctrine araître: ce fut le Maure Firmus,
que dans quelques villages obscurs homme influent, actif et habile, réu
e la Mauritanie Césarienne ("). u Irri nissant toutes les conditions nécessai«
tés par la persécution , les donatistes res à son rôle, et qui, dans l’histoire
prirent les armes: un grand nombre des résistances de l'Afrique contre
d’habitants des campagnes , enrôlés Rome, se place, par son esprit de
dans la secte des circoncellions, por ruse et sa bravoure , au-dessus de Tac
tèrent de tous côtés le ravage et l’in farinas et à côté de Jugurtha. Le
cendie. Constantin fut obligé de les même intérêt que nous avons trouvé
combattre, et on en lit un ‘grand car dans les autres guerres soutenues
nage. Ces troubles funestes nuisirent pour l’indépendance africaine se te
à la prospérité du pays, affaiblirent trouve encore dans cette dernière lutte,
l'autorité impériale , et encouragèrent qui nous offre aussi des rapproche
les révoltes des tribus indigènes. ments curieux et des leçons profita
HÉCONTENTBMRNT GÉNÉRAL mas bles. Malheureusement nous n’avons
PnovrNcEs AFRICAINES. — Ainsi , le plus pour guides des historiens comme
schisme des donatistes cessa d’être Tacite ou Salluste; la tentative de
une simple révolte contre l'unité de Firmus ne nous est racontée que dans
l'Église.‘ Ces fanatiques , proscrits par un des chapitres les plus mutiles d’Am-‘
les empereurs , aspirèrent à se sé a mien Marcellin ('). Cependant il faut
rer del empire. et conspirèrent à la ibis rendre à cet écrivain cette justice, qu’il
4 contre la société politique et contre la était habile homme de guerre, ins
communion chrétienne. Il existait en truit en géographie , et ami de l'exac
core en Afnque des causes d’un mé titude et de la vérité. D’ailleurs , Til
(') Gibbon, Décad. de l'empire romain; (f) Amm. MarceL, liv. nu, ch. au et
1.. IV, p. 165 ,'ch. xxr. suiv.
NUMIDIE ET MAURITANJE. 85.
lemont a éclairci toutes les difficultés la ville d'Arles avec une petite flotte,
chronologiques ; les savants acadé et vient aborder sur la côte de la Mau
miciens cités plus haut ont discuté ritanie Sitifensis, que les habitants ap
tous les points de géographie avec une pellent lgilgitaine(‘). Romanus se trou
grande netteté; et, au moyen de tels .vait alors par hasard sur le même ri
secours. ou peut venir à bout de l'in vage : Tbéodose eut une entrevue avec
suffisance et des obscurités du texte lui, et, après quelques légers reproches
de l'auteur ancien. sur ce qui s'était passé, il le chargea
Firmus était fils de Nubel, puissant de surveiller les avant-postes et les
chef de tribus mauritaniennes. A sa frontières de la Césarienne. Il dépécha
mort. Nubel laissa une nombreuse pos vers Carthage Gildon , un des frères
térité, qui se disputa sa riche succes de Firmus, et Maximin , pour obser
sion; et dans ces querelles, Zamma , ver la conduite de Vincentius, le com
l'un de ses fils, fut tué par son frère plice des exactions de Romanus , qui
Firmus. Romanus, dont Zamma avait 'avait laissé dans cette ville en qualité
su se concilier la faveur, poursuivit la de vice-gouverneur. Ainsi Théodose
vengeance de ce meurtre lutôt par concentrait toute l'autorité entre ses
des motifs d’avarice ou de laine per mains avant de commencer cette lutte,
sonnelle que par amour de la justice , dont il ne voulaitétre distrait par au
qui cette fois cependant était de son cun embarras. Après avoir reçu des
côté. Il ne négligea rien pour perdre renforts, il pénétra dans l'intérieur du
Firmus, suscita contre lui des déla pays, et s'assura de Sitifis, qui était
teurs, qui aggravaient son crime en le restée fidèle, et qui fut le centre de
calommant auprès du prince. ll enleva ses opérations. Il ne se dissimulait pas
à l'accusé tout moyen de justification. toutes les difficultés de cette guerre,
Firmus comprit que sa perte allait se et nous le voyons dans Ammien médi
décider dans le Consistoire impérial; ter soucieusement son plan de campa
et, pour échapper à une condamnation gne. __« L'esprit rempli d’incertitudes ,
que le crédit de son adversaire ren 1l s’efforcait de trouver par quels
dait certaine, il prit les armes, et ap moyens 'il pourrait manœuvrer sur
pela les Africains à la révolte. De tou cette terre que l’ardeur du soleil avait
tes parts ou accourt à sa voix, et sa . brûlée , avec des soldats habitués aux
première tentative est de marcher sur frimas du Nord; comment il parvien
Césarée et de la livrer au pillage; puis drait à surprendre un ennemi agile et
il se fait reconnaître d'une grande par insaisissable, et combattant plutôt par
tie de la Numidie et de la Mauritanie surprises qu’en batailles rangées. » Les
césarienne. Malgré le silence d’Am obstacles du terrain semblaient insur
mien Marcellin , un passage de saint montables. « C’était dans la région la
Augustin , confirmé par les textes plus âpre et la plus escarpée de l'Afri
d’Aurélius Victor, d’Orose, et par que qu’existait e foyer le plus ardent de
l’exergue d'une monnaie , font soup l insurrection. C’est ce reseau de mon
çonner que Firmus prit la pourpre et, tagnes abruptes , c’est cet amas de
se fit proclamer empereur. orges, de défilés, de pics, de lacs et
LE cours THÉODOSE EST CHARGÉ e torrents qui se croisent sans inter -
DE LA GUERRE coNTns FIRMUS. ses ruption de Sétif à Cherche], entre les
PREMIÈRES OPÉRATIONS. IL sa PORTE deux chaînes de l'Atlas; c'est cette
A SITIFIS (372 de notre ère). —- Ces contrée presque inviable que Firmus
hardis commencements inspirèrent à avait habilement choisie pour y ame
Valentinien’une vive-inquiétude , et il ner les Romains et en faire le théâtre
envoya, pour châtier l'usurpateur, le de la guerre (**). n
meilleur de ses généraux, le comte (‘) Il dut prendre terre au port de Gi
Théodose, qu’Ammien compare à Cor gelli, que Shaw appelle Jigel, et qui se
‘bulon et aux plus habiles lieutenants trouve entre Bougie et le cap Bougiarone.
de Trajan. Théodose part sans bruit de ("’) Recherches sur l'Alriq. sept. , p. 3a.
8B
FIKMUS ESSAYE DE TROMPE]! ‘méc dus Petrensis (*), que l’un des frè
DOSE. — Firmus,
d’un caractère outre les avantages
persévérant, possédäait res de Firmus, Salmacès, venait de
faire construire avec une somptueuse
encore les ressources d’un esprit rusé magnificence. Non loin du théâtre de
et perfide. Pour inspirer à Théodose cette première bataille était la ville de
une fausse confiance, il affecta, comme Lamfocta , dont Théodose s'empara à
Jugurtha à l’égard de Métellus, de dé l'instant même. Avant de pousser plus
sirer vivement la paix, et députa au chef avant, il fit amasser dans cette'ville
romain quelques-uns des siens, chargés une grande quantité de vivres et de
de lui exprimer son repentir, et de reje munitions, afin d’avoir un magasin à
ter, sur ceux qui l’avaient poussé à bout sa portée, si la disette se faisait sentir.
à force d’injustices, le tort de tout ce qui Au milieu de ces préparatifs, Mascézil,
s’était passé. Théodose promit la paix, qui avait réparé ses pertes ar de nou.
si Firmus donnait des otages; mais il velles recrues, affronte e nouveau
ne se laissa pas prendre à ces manifes l’armée romaine; mais il est vaincu
tations suspectes, et il courut vers la une seconde fois, et ne dut qu’à la
station Panchariana (*), pour y faire rapidité de son cheval de ne pas tom
la revue des légions d'Afrique qu’il y ber aux mains des ennemis.
avait réunies. Sa présence et ses paro FEINTE SOUMISSION DE FIBMUS.
les excitèrent au plus haut point l’ar 'rmâouose LUI ACCOBDE LA PAIX. n.
deur des troupes. Il était également VA A CÉSARÉE. — Firmus, découragé
cher aux habitants de la province, dont par le mauvais résultat de ces opéra
il respectait les propriétés et qu’il ga tions qu’il avait dirigées, en revint à
rantissait de tout pillage. Apres avoir sa première ruse, et demanda la paix
opéré la jonction des légionnaires et avec une grande apparence de sincé
des troupes indigènes, il marcha vers rité. Il se servit de l’intermédiaire de
Tubusuptus, ville voisine des monta prêtres du. rit chrétien, dit Marcel
gnes de Fer. Là, il rencontra une nou in, pour entamer les négociations.
velle ambassade de Firmus ; mais Ceux-ci vinrent avec des otages, et' dé.
comme elle n’amenait pas les otages , sarmèrent le ressentiment de Théo
Il la renvoya. dose, qui consentit à une entrevue avec
Théodose avait pénétré les intentions Firmus. Le Maure se présenta lein
de Firmus, et le temps d‘a ir était de défiance, et monté sur un c eval
venu. Après une course rapi e, l’ar dont la vitesse pouvait le préserver en
mée de Théodose fut aux prises avec cas de surprise. Mais arrivé en pré
les tribus des Tyndenses et des Mas sence de Théodose, il se rassura a la
sissenses, que commandaient Mascézil vue de la majesté lo ale et imposante
et Dius, deux autres frères de Firmus. de ce chef redouta le; et, mettant
On combattit d’abord de loin avec des pied à terre, il courba la tête, et ,-dans
flèches , puis une mélée furieuse s’en une humble attitude, fit l’aveu de sa‘
gagea , et l’horre‘ur de ce combat était faute et en implora le pardon. Théo
augmentée par les hurlements plain dose lui donna le baiser de paix; et
tifs des barbares blessés ou‘vfaits pri deux jours après, conformément au
sonniers. Les Romains vainqueurs se traité, Firmus restitua les prisonniers,
répandirent dans la campagne, et mi les drapeaux, son butin et ses trésors.
rent tout à feu et à sang. ‘Ce fut dans Tout fut remis à Icosium(**). Ace
ce pillage qu'ils détruisirent de fond en prix, Flrmus arrêta Théodose, obtint
comble la superbe résidence du fun
(") Tout ceci se passe dans le Séboue ,
(") Lieu inconnu , ‘a moins qu’on ne district plat et fertile, entouré de monta
veuille y voir la même chose que la station gnes, au sud de Dellys.
Paratianis, aujourd'hui Pacdana, située près (") Selon Shaw, Alger serait sur l'empla
de la mer, sur la voie romaine de Saldæ à cement d'lcosium; selon d'autres, sur celui
Hippone. d’lommum.
NUMIDIE ET MAURITANIE. 87
du temps. et put préparer de nouvelles avec eux deux chefs de la nation des
perfidies. Maziees, Bellen et Féricius. dont ils
Cette soumission du chef n'avait s'étaient rendus maîtres. Théodose or
pas entièrement pacifié le pays. Théo donna leur supplice. Après la prise du
dose le parcourut en tous sens, et, fort de Gallonas et du tort Tingitanus,
après de longues marches, il entra à Théodose envahit le pays des Mazices
Tipasa (*), où il reçut les envoyés des en franchissant la chaîne de I’Ancora
Mazices ("),peuple maurequi avait sou rins (‘); il les défait complètement, et,
tenu Firmus, et qui voulait détourner poursuivant sans relâche la résolution
la colère des Romains. Loin de les de terminer la guerre par le châtiment
entendre, Théodose répondit qu’il ne de toutes les tribus, Il entre dans la
tarderait pas à les châtier, et se remit contrée des Musones. et s'avance jus
en marche. Il visita sur son chemin la qu’au municiped'AuZia , où Tacfarinas
ville de Césarée, que Firmus avait s’était autrefois retranché, Dans cette
pillée, et qui n'était plus qu'un mon région étaient une foule de tribus
ceau de ruines. Mais pendant qu’il son différentes de mœurs et de langage,
geait à réparer les désastres de cette mais toutes animées de la même haine
malheureuse cité et à y établir deux contre le nom romain. Cyria, sœur de
légions, il apprend que Firmus, trahis Firmus, femme déterminée, était au
sant sa foi , se dispose à le surprendre. ' milieu de ces peuples, leur communi
munis REPREND Les ARMES. quant son ardeur et leur prodiguant
111113011053 EST coN'rniuN'r ne macu ses immenses richesses. Si Théodose
LEB DEVANT LUI (373 de notre ère). s’engageait avec sa faible armée sur le
— A cette nouvelle, Théodose change territoire occupé par ces nombreuses
ses dispositions, et, avant de marcher tribus. sa perte était assurée. Firmus
contre les Mazices, il se porte, vers espérait que son ennemi commettrait
l’occident, à Succabar, municipe adossé la magnanime imprudence d’avancer
aux pentes du mont Transcellensis, et toujours, et c’était là qu’il comptait
il place un corps de troupes à Ti l’envelopper et l’anéantir. En effet,
gava (*“). Par ces manoeuvres , il occu Théodose sentit son courage se ré
pait tous les passages, et éloignait le volter à l’idée de reculer devant ces
danger d'une attaque soudaine. Des, adversaires méprisables, et il hésitait
conspirations. excitées armi les trou à donner le signal de la retraite. Déjà
pes par les intrigues e Firmus,_ne des multitudes d’ennemis serraient de
servirent qu'à faire ressortir la vigi près les flancs de sa petite armée, qui
lance et la fermeté u‘e Théodose. Il ne comptait que 3,500 hommes; ils
livra une partie des coupables à la fu. apparaissaient à tous les défilés, sur
mur des soldats; d’autres, en plus toutes les hauteurs. Alors, craignant
grand nombre, eurent les deux mains que ces hordes ne lui.barrassent le
coupées, et vécurent our servir cnemin vers la mer, il se décida enfin
d’exem le par le pectace de ce ter. à faire ce qui lui avait tant rép'ugné
rible ciâtiment. Alors arrivèrent au d’abord, et il revint sur ses pas, au
camp Gildon et Maximus, amenant milieu de dangers de toute espèce.
Après s'être arrêté quelque temps au
(") Tipasa est, selon Mannert, le même domaine de Mazuca, fundum nomz‘ne
que le port de Thapsus. Cette ville était à Mazucanum C"), il revint en février
l'orient de Césarée. (') Mont Ouannaséris.
("’) Les Mazices habitaient à l'occident (") in La villa Mazucana, dont le nom res
de Césarée, comme on le voit ‘par la di semble à celui de Mazices, est à chercher
rection de la marche de Théodose. entre Tipasa et Auzia. Mazuca est un des
C") Jihels-Doui, montagne au sud d'Herbtl frères de Firmus. Il est probable que le
et du Shélil'f, doit être le mont Transcel l'untlus Malin-anus. à prt'rsentllrluznna, était
leusis. —— Sur l'emplacement de Tigara sont une propriété de ce Mazuca. - (Recherches
des ruines appelées aujourd'hui Herba. sur l‘Al'rique'sepL, p. 59.)
88
373 sur la côte, dans la ville de Tipasa les armes en faveur de Firmus. Ils
(Dahmouse) , où il lit reposer ses étaient postés sur les hauteurs, et il
troupes. ' araissait impossible de les forcer dans
'rnsonosn cormoran pwsrnuns eurs positions. Pendant que Théodose
samusmnmnes; n. pounsnrr FIB étudie les lieux et médite son plan
iaus CHEZ LES ABANI; n. EST EN d'attaque, des tribus d’Éthiopiens ou
cona CONTBAINT ne nérnocnanea. de nègres viennent renforcer les Abani
— Théodose séjourna assez longtemps et accroître léur audace. Toutes ces
dans cette cité: toutefois, son repos hordes, se précipitant des montagnes,
n’était pas de l’inaction. Il répandit ‘fondent avec impétuosité, et en pous
parmi les tribus attachées à Firmus sant des cris affreux , sur les bataillons
de nombreux agents, qui, parlant au romains, qu’ils sont sur le point ‘d'en
nom de la puissance romaine. et agis tamer. Théodose fut encore contraint
sant sur les uns par des menaces de de rétrograder devant les Maures;
vengeance, sur les autres par des pro mais, comme la première fois, il fit sa‘
messes de récompenses magnifiques, retraite en bon ordre et d'une manière
arvinrent à ébranler la fidélité de ces menaçante, ayant ordonné aux siens
iordes, et à en ramener plusieurs à de serrer leurs rangs, et d’opposer aux
l'obéissance. La ligne qui avait arrêté barbares un mur, impénétrable de pi
Théodose, et qui était formée des ques et de boucliers. Il parvint ainsi,
Baiures, des Cantauriens, des Avas sans éprouver de perte, à la ville ap
tomates. des Casaves, des Dovares (f), pelée Contense, où il découvrit et
fut peu à peu dissoute par cette poli cbâtia exemplairement, selon sa cou
tiquerusée et habile, qui fut plus ef tume, de nouveaux traîtres.
ficace que les opérations militaires.‘ PREMIÈRE CAMPAGNE DE 'rmâo
Firmus, crai nant pour sesjours, prit nosx comme LES ISAFLIENS. IL vs
le parti de uir, quoiqu'il lui restât JUSQUE CHEZ LES JUBALÈNES. SON
encore des forces assez considérables. aa'roun A AUZIA ( 374 de notre
A la faveur des ténèbres de la nuit, il ère). — Théodose était encore à Con
disparaît, abandonnant à la merci du tense , quand on vint lui appren
Romain tous ceux qu’il a compromis; dre que Finnus s'était retiré chez
et il va se cacher, accompagné de sa les Isafliens. Il ordonne au chef de
femme, dans les monts Caprariens, cette tribu de lui livrer le fugitif, ainsi
dans des rochers solitaires et inacces que son frère Mazuca; et, sur son
sjbles. Les siens, ne retrouvant plus refus, il envahit ses domaines. Une
leur chef, s‘enfuirent précipitamment rande bataille fut livrée. où les bar
de leur camp, qui fut à l’instant oc ares montrèrent leur acharnement
cupé par les soldats de Théodose. accoutumé, et où la supériorité de la
Celuici poursuivaitson ennemi sans tactique assura l'avantage aux Ros
relâche, domptant, exterminant tout mains. Un grand nombre d’lsalliens
sur son passage, et imposant aux fut immolé; Firmus combattit avec
tribus consternées des chefs dont il valeur, et chercha plus d'une fois la
était sûr. Enfin, il arriva aux monts mort au milieu des rangs ennemis;
Caprariens, et dans le pays des Abani mais, à la fin, son cheval l’emporta en
ou Abennæ C"), qui tous avaient pris galopant à travers les rochers. Mazuca
(') « Ces tribus doivent être placées entre ‘ne fut pas si heureux: ayant été blessé
Tipasa et Auzia , probablement dans les mortellement, il tomba‘au pouvoir des
chaînes du Jibcl-Zickar et du petit Atlas Romains, fut conduit a Césarée, et y
au sud d’Alger. » (Rech. sur l’Afriq. sept, mourut de sa blessure. Après sa mort,
p. 60.) etc.. . . . L'emplacement des Mazices étant
(") - Les Abennæ sont désignés par l'ora connu. fixe celui des Abennæ. Celui de
leur Julius Honorius, auteurd‘une Cosmo l'oppidum conteuse‘ est bien incertain; on
graphie mentionnée par Cassiodore, comme eut néanmoins lui assigner sa place entre
voisins des Qninquègentiens , des Mazices , e grand et le petit Atlas. n (lbid. , p. 6:.)
NUMIDIE ET MAURITANIE. 89
sa tête fut séparée de son corps, et pour poursuivre et punir un brigand
exposée en public, à la satisfaction de sans ressources. Remets-le à l'instant
tous les habitants de Césarée, que ce entre mes mains , et sois assuré que
spectacle vengeait de la ruine de leur si tu n'obéis pas au commandement
cité. Cette défaite coûta cher aux Isa de mon invincible souverain, toi et ton
lliens; Théodose parcourut leur pays, peuple vous serez entièrement exter
pillant et dévastant tout sur son pas minés. » Igmazen ne répondit que par
sage. des injures, et se retira furieux. Le
S'étant avancé plus loin encore, lendemain, à la pointe du jour, les
Théodose rencontra la nation des Ju deux armées étaient rangées en ha
balènes(*), où était né Nubel, père taille, n'attendant plus que le signal
de Firmus. Ildissipa du premier choc de l'action. L'avant-garde de l'armée
les guerriers de cette tribu; mais, re barbare était composée de vingt mille
buté par l'âpreté du pays , la hauteur uerriers, et derriere se pressalent des
des montagnes, craignant d'être sur ataillons plus nombreux encore. C'é
pris dans ces gorges et ces défilés, tait la horde des Jesalenses, qui avaient
Il revient tranquillement à Auzia. Il y oublié leurs engagements avec Théo
reçut la soumission des Jesalenses (**), dose, et que Firmus avait regagnés à
qui offrirent d'eux-mêmes des secours sa cause. Se voyant en si grand nom
et des vivres. Tout autre chef que Théo bre, les barbares ne doutaient pas
dose eût regardé cette guerre comme qu'ils viendraient à bout d'envelopper
terminée, et fût revenu à la cour jouir les Romains. Le danger était grand
de sa gloire et se reposer de ses fati en effet; mais les Romains étaient
gues. Ainsi avaient fait autrefois les pleins de confiance dans leurs succès
généraux opposés à Tacfarinas . qu'ils passés et dans l'habileté de leur géné
croyaient dompté dès qu'il avait dis ral. Théodose recourut à sa tacti ue
paru. Mais la persévérance de Théo ordinaire: les hommes se rapproc è
dose ne se démentit pas un seul ins rent, les rangs se serrèrent , et, ap
tant. Après son séjour à Auzia et à puyés les uns contre les autres, cou
Castellum Medianum, il se remit en verts de leurs longs boucliers, ils ne
campagne, et envahit de nouveau le purent être entamés ar les Maures.
pays des Isafliens. Le combat dura tout e jour: vers le
SECONDE CAMPAGNE DE 'mEo soir, avant que le soleil eût disparu,
nosEcoNrEE LEs ISAËLIENS. GRANDE Firmus se montra aux deux armées ,
BATAILLE. EAvAGE DU PAYS DES JE monté sur un puissant cheval, revêtu
sALENsEs. —— Lorsqu'lgmazen , roi d’un éclatant manteau de pourpre; et
des Isalliens. apprit que Théodose en on l’entendit appeler à grands cris les
trait une seconde fois dans ses Etats, soldats à la défection, et accabler
il vint à sa rencontre, et lui demanda - Théodose d‘outrages, lui reprochant
d'un air insultant son nom et l'objet sa cruauté envers les siens, et les ‘sup
de sa venue. « Je suis, lui dit le comte plices qu'il inventait pour les punir.
d'un ton im osant et dédaigneux , je Ces paroles ne furent pas sans effet:
suis le éneral de Valentinien , mo si la plupart des soldats de Théodose
narque e l'univers; il m'envoie ici en furent indignés, quelques-uns se
laissèrent persuader par l‘usurpateur,
(’) Les Jubaleni habitaient la chaîne du et quittèrent les rangs. Quand la nuit
grand Atlas au-dessus de Titteri; les Isan fut venue, le comte romain opéra sa
flenses, les vallées situées entre cette chaîne retraite, et se dirigea vers la forte
et le Jurjurah. M. Dureau de la Malle assi resse Duodiense ("). Là, l'intlexible
mile les Isafliens aux Inschlowa de la plaine
de Casloula. (") Castellum Duodiense ou Vodiense. Sa
(") Les Jesalenses sont peut-être, selon position est inconnue, mais il devait élre
le même savant, les Welled-Eisa vers le Tit situé à l'ouest d'Auzia. Mannert, p. 383 de
teri-Dosh. la trad. de M.Marcus.
90
général mit en jugement ceux de ses manœuvres eurent un plein succès:
soldats qui s’étaient montrés lâches Firmus , ne comptant plus sur ces tri
ou traîtres; les uns eurent les mains bus découragées , se préparait à cher
coupées, les autres furent brûlés vifs. cher un asile dans des solitudes, ou
Ammien Marcellin exalte cette barbare chez des peuples plus reculés , lors
justice de son héros. qu’il s’aperçut qu’il n'avait plus‘la li
Les Isafliens avaient poursuiviThéo berté de s’enfuir : des gardes surveil
dose dans sa retraite; mais, repoussés laient toutes ses démarches. Alors il
dans une tentative nocturne sur son prit son parti , et, profitant du som
camp, ils rentrèrent chez eux. Alors mail de ses gardiens, il s’éloigna avec
Théodose se porta à marches forcées précaution, rampant plutôt qu’il ne
ar des chemins de traverse chez les marchait; et quand il fut arrivé dans
gesalenses, ravagea leur canton, et re un lieu retiré, il se pendit. Igmazen
vint à Sitili, en passant par les villes fut au désespoir de n’avoir qu'un ca
de la Césarienne. davre à présenter à Théodose; il fit
TROISIÈME CAMPAGNE CONTRE des excuses, et envoya le corps de Fir
LES ISAFLIENS; IGMAZEN 'rnAm'r mus, jeté négligemment sur un cha
FIRMUS; FIN DE CE DERNIER (375 de meau. Toutefois, ce présent ne laissa
notre ère). — Quelque temps après , pas que d'être tres-agréable à Théodose,
Théodose recommen a la guerre con qui campait alors près du fort Rusub
tre la tribu des Isa iens. Après de bicari. ll\‘lit exposer publi uement le
nouvelles défaites , le roi Igmazen, qui corps de Firmus; et quan il eut été
jusque-là avait la ré utation d’invinci reconnu de tous, il ramena ses trou
ble aux yeux des liilaures, craignant pes victorieuses à Sitili, où il rentra
pour son trône et pour sa vie , résolut avec tout l'appareil d’un triomphateur.
de se débarrasser du fugitif dont la BÉVOLTE DE olLDoN; ELLE Es'u
cause était désespérée. Comme il con BÉPBIMÉE PAR MASCÉZlL (397-398 de
naissait les dispositions des siens en notre ère). — L’Afrique, rattachée de
faveur de Firmus, il fut obligé de nouveau à l’empire, resta en repos
prendre les plus grandes précautions. sous la ferme domination de l'empe
Il partit seul de son camp, et eut avec reur Théodose, fils du vainqueur de
Théodose une entrevue secrète, où il Firmus. Mais les liens de cette réu
convint de livrer Firmus comme au nion se relâchèrent à la mort de ce
trefois Bocchus avait livré Jugurtha. grand prince, et ce fut l'un des frères
N’osant pas le revoir une seconde fois, de Firmus, le Maure Gildon, qui se
dans la crainte d'éveiller les soupçons lit le chef de cette dernière tentative
de Firmus et des Maures, Igmazen d’indépendance. En récompense des
en agea Théodose à lui envoyer Ma services qu’il avait rendus au comte
zil a, un des principaux chefs des Ma Théodose , Gildon avait été investi de
zices, homme sûr à qui l’on pouvait tous les immenses domaines qui ap
tout confier, et qui leur servirait d’in partenaient à sa famille. On l’éleva en
termédiaire. L’entremise de Mazilla suite à la dignité de comte militaire,
leur fut d'un grand secours; mais et il fut chargé du gouvernement de
comme les Maures montraient tou l’Afrique entière , qu’il administra
jours le plus grand attachement pour . pendant douze ans avec une autorité
Firmus. Igmazen n’osait exécuter son presque absolue. La faiblesse des fils
projet de trahison. ll engagea à des de Théodose lui fit concevoir le rejet
sein plusieurs combats avec Théodose, de s’emparer dela souveraineté e l’A
dans lesquels il avait soin de préparer frique, et, refusant à Honorius l’hom
sa défaite et le carnage des siens; en mage qu’il lui devait comme gouver
sorte que les Isalliens, accablés par neur d’une province de son empire, il
tant de pertes, commencèrent à se re reconnut en apparence l'autorité d’A r
froidir pour Firmus , et à trouver cadius, plus éloigné et plus faible, afin
qu’il leur était à charge. Toutes ces de n'obéit en réalité à personne (391).
NUMIDIE ET MAUBITANIE. 91
Le conseil de l'empereur d‘Occident, nie. Mascézil méprisait la multi ude
après l'avoir déclaré rebelle , prit les des ennemis et les bravades de eur
mesures nécessaires pour assurer son chef. Après avoir laissé reposer ses
châtiment. Stilichon ne passa pas lui soldats pendant trois jours , il donna
même en Afrique, mais .il confia le le signa d'une bataille générale. Il n'y
soin de cette guerre à un général ac eut presque pas de combat : en pre
tif, et animé du désir de venger sur le sence des vétérans de l'empereur, les
tyran des injures personnelles. C'était rebelles et les barbares qui soutenaient
encore un frère de Firmus. un des fils Gildon se sentirent intimidée. Un
de ce Nubel, dont la postérité était porte-étendard ayant par hasard baissé
depuis longtemps si activement mêlée son drapeau, tous l’imitèrent et se
à tous les troubles de l'Afrique. Cet rendirent, les autres se dispersèrent,
homme, appelé Mascézil, avait été très et cette multitude s'évanouit. Gildon
attaché au parti de Firmus, comme on gagna la mer pour se réfugier en
l'a vu plus haut; mais les indignes Orient. Rejeté par les vents contraires
procédés de Gildon à son égard, le sur la côte , il entra dans le port de
meurtre de ses deux enfants que ce Tabraca, qui est sur la limite de la
tyran avait massacrés , assuraient Sti Numidie et- de l'Afrique propre. Les
lichon qu'il trouverait en Mascézil habitants le saisirent et le jetèrent
l'homme le mieux disposé à servir les dans un cachot, où il termina ses jours
intérêts de Rome contre l’usurpateur. par une mort volontaire. Ses complices
Il lui donna une armée de vétérans , furent poursuivis et rigoureusement
composée des légions jovz'enne, her châtiés; la crainte fit rentrer tout le
culienne, augustienne, des auxiliaires, reste dans le devoir , et l'Afrique re
des soldats qui marchaient sous l'é devint une dépendance'de l'empire,
tendard du lion, et des corps des fortu jusqu'au moment où elle en fut sépa
nés et des invincibles. Les soldats qui rée par les Vandales (398).
remplissaient ces cadres magniliques CONSIDÉRATIONS sua L'ÉTAT n:
ne ‘s'élevaient pas au delà de 5,000; L'unique AU MOMENT DE L'IMA
car, dans l'empire romain, toute force SION DES “imams-Avant de ter
réelle avait fait place alors à une vaine miner cette histoire, nous em runte
ostcntation de mots. La flotte qui, tous à l'introduction des Rec erches
portait cette petite armée partit de sur l'Afrique septentrionale le assage
Pise en Toscane (398), évita les ro suivant, où les causes de ces erniers
chers de la Corse, relâcha dans le port troubles sont si nettement exposées,
de Caralis (Cagliari) en Sardaigne , et et qui fait parfaitement comprendre
aborda enfin sur la côte d’Afrique, en lagituation politique de ce pays au
un lieu que les auteurs du temps ne commencement du cinquième siècle de
désignent pas (*). ‘ l'ère chrétienne.‘
Gildon était parvenu à réunir sous « Ces deux ordres de faits, l'acces
ses ordres une armée de 70,000 hom sion si prompte de l'Afrique entière
mes. Il avait cherché des combattants à l'usurpation de Gildon,’ sa soumis
jusque parmi les Gétules et les Éthio sion plus rompte encore à l’em i're
piens, et il se vantait d'avance_que sa du faible onorius, ces deux aits
nombreuse cavalerie foulerait. aux ont une cause énérale qu'on :1 jus
pieds la petite troupe de Mascézil, et qu'ici né ligé e rechercher, et qui
ensevelirait dans un nuage de sable nous sem le évidente et palpable.
brûlant ces soldats, tirés des froides n Gildon était Maure et païen. mais
régions de la Gaule et de la Germa protecteur zélé des circoucellions et
des donatistes; il était frère de Firmus,
(“) Claudien a composé un poème sur la qui était mort en combattant pour
guerre de Gildon. Il n'en reste que le pre la liberté du pays: il représentait donc
micr livre, qui s'arrête au moment où la deux intérêts énéraux très-puissante,
flotte de Mascézil est en Sardaigne. celui de l'in épendance africaine et
92
celui d'une secte religieuse fort active du monde ne fut déchirée par aucune
et fort'étendue: l'accession du pays guerre civile ou étrangère (’). n
fut prompte et volontaire. CONCLUSION.——L'établissement des
« Mais la famille de Gildométait Vandales en Afrique , le sort de la Nu
chrétienne et orthodoxe; sa femme, midie et de la Mauritanie sous ces con—
sa sœur et sa fille furent des saintes. uérants , la restauration momentanée
Son règne dégénéra en tyrannie. Sa u gouvernement impérial dans ces
cruauté, sa lâcheté, son avarice et ses contrées jusqu'à l'invasion des Arabes,
débauches, plus offensantes dans un qui les en sépara pour toujours, sont
vieillard, lui aliénèrent le cœur de ses racontés dans une autre partie de
partisans. Mascézil arrive avec une poi cette histoire (**). La succession de
gnée de soldats; il représente, aux yeux tous ces faits , ces alternatives de con
des Maures, le sang des rois indigènes, quêtes étrangères et de retour à l'in
fils de Nubel; aux yeux des chrétiens, épendance et à la barbarie, cette in
la religion orthodoxe, qui, depuis l'é fériorité constante de la terre et de
piscopat de saint Cyprien, avait jeté la race africaine, à l'égard de l'Asie
en Afrique de profondes racines. Mas et de l'Europe , sont bien de nature à
cézil trouve des auxiliaires dans la fa inspirer, pour ce sol et pour ce peu
mille même du tyran : il s'appuie à son ple si peu privilégiés et vraiment mau
tour sur des intérêts généraux tout dits , une compassion profonde. Dans
puissants; l'Afrique entière se soumet l'histoire du développement de la ci
sans résistance. . vilisation humaine, l'Afrique n'a pas
« Aussi, la conquête achevée, Sti de place; elle ne contribue en rien à
Iichon, politique à la vue perçante, l'œuvre que poursuivent les autres
mais peu délicat sur les moyens, se peuples : ses sables sont trop stériles
débarrassa de Mascézil par un crime, pour produire, trop mouvantspour
qu’il déguise sous les apparences d'un conserver ; elle se complaît dans
accident fortuit. Stil_i_chon, trop ins son isolement et son ignorance, et
truit des secrets de la faiblesse de se fait hostile et inhospitalière pour
l'empire, eut évidemment pour but, tous les autres peuples. Sa haine con
en sacrifiant Mascézil, d'ôter un chef tre Carthage fut affreuse; la guerre
redoutable à l'indépendance africaine. ineæpz’able des mercenaires le prouve
« Un seul chiffre démontre quel ap assez. Cette haine aveugle la rap
pui la rébellion pouvait trouver en proche .de Rome , qu'elle détesta
Afrique. On compta , en 411 , au con tout autant quand il fallut subir son
cile de Carthage . composé de 576 joug. Rome pourtant la domina , la
membres , 279 évêques donatisteso et transforma même , ar l'action du
cette secte , depuis quarante ans , ap temps et de sa persév rance. Mais l'A
puyait toutes les tentatives formées frique frémissait toujours sous la
pour se séparer de l'empire. Aussi, main vigoureuse qui la pressait, et
tous les efforts du gouvernement , cependant Rome réussit à la rendre
toute l'énergie des Pères de l’Eglise, brillante et prospère, et à la faire comp
dirigée par saint Augustin, s'appli ter parmi les nations. Occupée , après
quèrent à extirper cette hérésie. qui la c ute de l'empire, par des conqué«
menacait à la fois la religion et l’Etat. rants moins civilisés et moins forts,
« L'Afrique même rotita pendant l'Afrique retourne à ses penchants na
quelque temps des mal eurs de l'ltalie turels; et après les Vandales, après
et du démembrement de l'empire; un les Arabes, elle retombe dans une
grand nombre de fidèles s'y réfugia
pour échapper à l'invasion des barba (') Recherches sur l'Afrique sept, introd.,
res , et vint accroître les forces du p. 34.
parti catholique et impérial. Enfin , (") Voy. l'Histoire de la domination des
depuis la révolte de Gildon jusqu'à Vandales en Afrique , et l'appendice sur la
l'arrivée des Vandales , cette partie domination byzantine, par M. J. Yanoski.
NUMIDIE ET MAURITANIE. 93
barbarie aussi grande et plus invétérée ressée, la plus généreuse de l’Europe.
que la première, car une religion mau Qu'elle persévère , cette nation, dans
vaise la consacre. Toutefois, ne peut la noble et difficile tentative si glorieu
on pas espérer pour elle un avenir difa sement commencée, et qui deviendra
fe'rent et des Jours meilleurs? Voilà la_ plus grande de notre siècle ! Qu'elle
que , de l’autre côté de la Méditerra rende à la société, à la civilisation ,
née, de braves soldats s'élancent sur ce rivage de la Méditerranée appelé si
cette antique patrie des Numides et longtemps terre de barbarie! En con
des Maures, et en recommencent la sidérant la rapidité de ses progrès de
conquête. Ils luttent avec une ardeur puis treize années seulement d'efforts,
et une constance invincibles contre ces ‘ et la lente opiniâtreté des Romains
mêmes obstacles devant lesquels Car dans la même entreprise, elle ne dou
thage échoua, et qui arrétèrent les tera plus du succès , elle achèvera une
Romains pendant deux siècles. Par œuvre qui importe à sa gloire et à sa
une disposition toute providentielle, puissance , et elle réalisera une espé
cette œuvre de conquête et de régé rance et un vœu qu’inspirent le senti
nération d’un peuple impuissant à ment patriotique et l'amour de l’hu
se former lui-même, est confiée à la manit .
nation la plus forte, la plus désintè
r r r ‘n 4 3‘
n ._ “5-25,
@ ' I J .
u'
‘HISTOIRE ET DESCRIPTION
DE TOUS LES PEUPLES,
1* ‘ses: sa- sñ‘r ü‘i‘s
DE LEURS RELIGIONS‘. MOEURS, INDUSTËRIE, COUTUMES, ETC.
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cm‘à L’À'FRIQUE
A c ÊRÉ’Ë'IENNE ,
.‘ m6. sa... PAR M. 'JEANËANDSKI,
à‘ ‘rififi’ 1 “a” si‘
w Animer’: un L'cmvnusrrit, raovnssenu n’nis'roms au coLLi-îcr: s'rAmsLAs, etc
(È ce .1‘. sa ' . “4M
' me
4.. ' “stricts-I‘ ‘tee’
Ï‘çfiAVANT- prîoros; PREMIERS succès qui attestŒnt l'héroïsmîde ses martyrs,
DU cnnrsTtsmsMr: EN AFRIQUE ; ETA la multitude de ses membres, la vio
BLISSEMENT nes évacués; pnemans lence de ses schismes, et la science de
CONCILES; AGRIPPINUS ET OPTAT , ses,doct.eurs. _, _ ,
ÉVÊQUES DE csnrnacsf- En nulle C'est l'histoire de cetteillustre Église
contrée de l'ancien monde le christia que nous voulons raconter. Pour arri
nisme n'a été plus florissant qu'en Afri ver à notre but il suffira donc'de consul
que. Sur la vaste étendue de côtes que ter tous les titres. anciens et vénérables,
baigne la Méditerranée, depuis les li qu’elle nous a transmis; de mettre en
mites les plus orientales de la régence œuvre, en un mot, les matériaux qu'elle
de Tripoli jusqu'à Tanger, s'élevaient mêmc, au temps de sa puissance et
jadis dans les villes, à la place occu de sa grandeur, avait pris soinv de ras
ée aujourd'hui par les mosquées, et sembler (l). 4* ph
lit même où l'on ne rencontre plus que
le désert ,.d'innombrables églises. Sur ( l ) Nous avontdonc beaucoup ami-té aux
anciennes Ié endes, aux canons des couciles et
cette terre où , pendant mille ans et aux livres es Pères. Toutefois, nous devons
plus, Mahomet a régné sans partage, dire que souvent aussi nous avons eu recours
on ne trouvait, du quatrième siècle au aux ouvrages modernes et que nous y avons
pris ( comme le témoignent nos citations )dcs
sixième , que des chrétiens. opinions , des vues et de savantes explications.
L’islamisme, il est vrai, a changé l'as Parmi ces ouvrages , il en est un dont nous
pect de l'Afrique. Il a fait disparaître de parlerons ici en quelques mots.
L'Afrique chrétienne de Morcelli (Slepimm'
la Tripolitaine, de la Byzacene , de la Anlonii Mnrcelli, e 8. J., præpasiti ecclesiœ
province carthaginoise, de la Numidie clarensis. Africa Christiania, in tres parles tri
et des trois Mauritaniesjusqu’au dernier buta. Bririæ, raie; in-4“ ) est un chef-d'œuvre
d‘érudilion. L'auteur dans ses trois volumes
vestige de la civilisation romaine et du n'a omis aucun des faits qui se rapportent à
christianisme. Cependant il n’a pu effa l'histoire du christianisme en Afrique. Mais
cer tous les souvenirs qui se rattachent d'un autre coté, il n’y a pas une idée générale
dans celle prodigieuse compilation. Morcelli
à l'ancien état social et religieux de semble se délier de sa raison. En général, it
ces contrées. L'Eglise d'Afrique avait s'abstient d'apprécier et de juger les hommes
lé ué avant l'invasion arabe. à l'Asie et et les événements. Il laisse a d'autres le soin de
tirer la conclusion gs faits u'il a si soigneu
à Europe, des documentssans nombre sement enregi' rce li a voulu prou—
A . cnarïr. l‘ t äæäm 1 -u
“m M, rameaux. æfl‘
aidait: panneau ,m-Jt « M.1» utérus] m
«(est ,ÎÂEWWËÀWI
2
A quelle époque et psr quels mis seraient de jurer par le génie des emc
sionnaires le christianisme fut-Il In pereurs et de sacrifier aux dieux.
troduit en Afri ue? On l'ignore. Sans Bientôt douze chrétiens de la ville de
doute,dès la n du premier siècle, Scilla (l) furent saisis et amenés à
quelques disciples des apôtres vinrent Carthage, devant le tribunal procon
Asse ou d'Europe, sur des vaisseaux sulaire. Saturnin leur promit le pardon
marchands, pour apporter l’Évangile des empereurs s'ils voulaient renoncer
dans les puleuses et riches cités du aux croyances qu’ils avaient embras
littoral a ricain.- Carthage dut étre le sées. Mais tous d'une voix unanime
point de départ de la prédication. Il s'écrièrent : Nous sommes chrétiens et
est vraisemblable que cefut aussi dans nous voulons rester chrétiens. S ’rat
la capitale de l'Afrique ne fut élevé le était le lus ardent des accusés; l sti
premier siégé épiscopa . La doctrine mulait e courage des autres par sa
nouvelle se répandit avec rapidité dans fermeté et la véhémence de ses réponses.
l'intérieur des'terres. Là, comme ail Enfin le proconsul cessa de promettre
leurs, elle gagna , ainsi ne l'attestent et menace. Les chrétiensvrestèrent in
d'anciens ' uments, es actes des ébranlabl'es. Alors Saturnin prononça
martyrs par exemple, des hommes de contre Spérat, Narzal, Cittin, Vetu
toutes les classes. depuis les esclsves rius, Félix , Acyllin, 'Letantius, et cinq
jusqu'à ceux qui occupaient le premier femmes, Januaria, Gencrosa. Vestina,
rang dans ‘la société romaine. Donata et Secundo, une sentence de
Saint Cyprien nous apprend que dès condamnation. (les premiers martyrs
la fin du second siècle Il y avait dans de l'Église d'Afrique se rendirent au
la Proconsulaire et dans la Numidio lieudu supplicesansproférerune lainte
un grand nombre d‘e'véche's (l). Agri , et sans rien perdre de leur réso ution.
pinus, le premierévéque connu Ils eurent la téte tranchée. Cette san
Carthage, convoque à cette é ue un lnnte exécution, loin de ralentir le zèle
concile où il lit statuer que les ‘réti chrétiens. ne lit o l'entlsmmer.
ques qui voudraient rentrer dans le Le nom des douze victimes était répété,
sein de l'Église , seraient soumis à un dans leurs réunions secrètes, avec vé
second baptême. L'opinion qui fut miration; plusieurs, purniles païens,
émise dans ce concile, et qu'approuve se laissèrent gagner aux doctrines '
plus tard saint Cyprien, a été oon tout de dévouement et d'3:
damnée par l'I-lglise. roisnso, et cous-li mêmes qui ne re
Optat, après la mort d'Agrippinus, nonoèrcnt point aux croyances et à la
occupa le siège épiscopal de Carthage. pratique de l'ancienne religion ne pu
nonos'rion nes Ins'ss culi rent s’ r d'ndmiror'los martyrs
rrsnnrs; LA rsnsticu'rron mv AI‘II si fameux dnns l'Église nous le no
Qus; LES rssn'rvns senti-ruse. — de martyrs museau.
Les idées chrétiennes se répondirent sn'rrsouslssln une cuisine,
avec rapidité dans toute l'Afrique. La nnknrrusmn. —
doctrine nouvelle obtint dans cette mort tet sono-pognon.
province un tel succès que bientôt le et toutes les riguam do la persécution
gouvernement impérial en conçut de n'svaicntdonc ' '
vives'alsrmes. Septime Sévère ordonna Loin de là, tessvsientexeitépsrmi
au proconsul Vigellius Saturnin de eux un redoublement d’ ' et d'asb
faire d'activcs recherches et de punir deur ' stlsit jusqu'à
par le dernier supplice ceux qui refu - Tel le progrès de est Manse
vnr, non qu'il savait penser. mais seulement 1:: là , comme ailleurs , la cruauté
'llss n gouverneurs romain in vaincu
a... i..‘:""......““m'a: :..... (sa:
Il snnsdoutelnseùbunnpqu‘it nttrechu‘- par la foule des victimes. Touts lu pro
déchue humeur. vince d'Afriquo ne 't d'églhss.
sauta; machus,!” d'évéchés. Le nombre, richesse des
un
mus une:
. (nom ovonsjunuls chrétiens s'nccroissaient dans la épo
loreellyuwnehñdguîthpào.
(lient-Inuit." d vint. —V.suss| mcettevtlleetsltsltuoo (infirmes
AFRIQ‘UE CHRÉTIENNE.
quœ de tolérance. Le zèle et la foi leurs idées , un prochain triomphe. L’zb
s’exaltaient dans les jours de persé pologétique disculpe, il est vrai, les
cution, et cette alternative favorisait chrétiens; elle montre la fausseté des
ainsi doublement l'essor du culte nous accusations portées contre eux; elle
veau (1). a réduit à néant les‘ calomnies que les
La persécution suivit son cours. partisans habiles du pol théisme répatt-‘
Tous les chrétiens qui furent ame daient à dessein parmi c peuple; mais
nés devant les magistrats imitèrent le but de l'auteur est-moins de prou.
l'exemple des Scimtaîns, leurs illus ver l'innocence des chrétiens que d'ins
tres devanciers; ils répondaient avec truire ceux auxquels il s'adresse; en un
fermeté à leurs juges, demeuraient mot, l'dpologétique est moins une jus
inébranlables dans leur conviction et tification qu'une prédication. C'est aussi,
marchaient au supplice tranquilles et contre l'ancienne religion, une violente
résignés. Cependant, à la vue du sang satire. En expliquant le christianisme
- versé, il y eut des voix qui s’élev‘erent Tertullien l'oppose nécessairement un
pour demander compte aux bourreaux‘ polythéisme, qu'il attaque avec une logi
de leurs inutiles fureurs. - Que ferez ue pressante et en skaidant plus‘ d'un.
vous, disait un chrétien d'Afrique, ois dans la discussion de mordantü
de ces milliers d'hommes, de femmes et amères railleries. Çà et là on rencom
de tout âge, de tout rang, qui ésen tre. dans son œuvre, à côté de l'ex»
tent leurs bras à vos chaînes? c com gération et de l'emphase africaines, des
bien de feux, de combien de glaives traits d'une haute éloquence. A ceux qui
n'aurez-vous pas besoin? Déeimereza s'étonnaient des réclamations des chré
vous Carthage? n Le plus éloquent in tiens et qui disaient :De quoi vous
terprète‘ de l'Église persécutée fut plai nez-vous, puisque vous voulez
alors un homme originaire de Car‘ son rir? il répond : - Nous aimons
thage, Tertullien, qui, après une vie les souffrances comme on aime la
agitée, avait adopté les croyances du guerre; ou ne s'y engage pas volait‘
christianisme et était entré, suivant tiers à cause des alarmes et des périls:
d'anciens témoignages, dans tes ordres mais on y combat de toutes’ ses forces
sacrés. lt écrivit, pour la défense de et on se réjouit de la victoire. Notre
ses frères, un livre célèbre, I’.4pologé combat consiste à être tralnés devant
tique. Dans les pages véhémentes de les tribunaux pour'y défendre la v6-»
ce plaidoyer il nimplore point hum.‘ rite aux dépens de notre vie; Vous
blement pour les chrétiens la pitié des avez beau nous montrer, comme chose
bourreaux. - La vraie doctrine, dit-il, infamante, les pieux auxquels vous
ne demande point de grâce, parce nous attachez, le sarment sur lequel
gn'elle n’est oint étonnée de son sort. vous nous brilles. Ce sont a nos 11''».
llesait qu'el e est nouvelle et étrangère bes de fêtes, nos chars de triomphe,
en ce monde et que parmi des étran les éclatants témoignages de notre
gers on trouve aisément des ennemis. ‘victoire. Nous sommes, dites-vous,
Sonorigine, sa demeure, son espérance, des furieux et des fous à cause de
sa puissance. sa gloire, tout est dans ce mépris de la mort qui a pourtant
le ciel. Pour le présent elle neyeut‘ rendu à jamais illustres Scévoia, Ré
qu'une chose, c'est qu’on ne la con äulus, Empédocle, Anaxarque et tant
amne pas avant de la connaître. Les ‘autres; ä quoi! faut-il doncsouffrir
lois humaines seront-elles affaiblies si toutes so 4 s de maux pour la patrie,
vous l'écoutez? » Il y a au contraire, pour l'empire, pour l'amitié, et rien
dans les paroles de Tertullien, cette au.‘ pour Dieu? a Ailleurs on trouve le
dace et nous dirions presque cet or passage tant de fois cité: a Puisque,
gueil que ressentent les partisans d'une comme nous l'avons dit, il nous est '
doctrine qui fait chaque jour de nou ordonné d'aimer nos ennemis, qui .
veaux progrès et qui prévoient, pour pourrions-nous haïr‘? De‘ même‘, s'il
nous est défendu de nous venger de
(I) M. Villemaln; de l'éloquence chrétiens
dans le quatrième siècle; voy. Les Nouveaux ceux qui nous offensent pour ne‘ asleur
' Mélanges, p. 654. ressembler, qui pourrions-nous o encart
l.
un: 1.»,
ajfl
4
Vous-mêmes, je vous en fais juges, immolez des chrétiens, condamnez
combien de fois vous êtes-vous déchamés nous , tourmentez-nous , déchirez-nous
contre les chrétiens, autant pour sa écrasezlnousl Notre sang est une se
tisfaire à vos préventions ue pour mense féconde. Nous multlplions quand
obéir à vos lois! Combien de ois , sans vous nous moissonnez. u
même attendre vos ordres , la populace, TERTULLIEN et ses œnvnss. —
de son seul mouvement, ne nous a-t-elle Tertullien, avait déjà parlé en faveur
pas poursuivis, les pierres ou les tor des chrétiens, mais avec moins d’é
ches a la main! Dans les fureurs des loquence, dans son ouvrage adressé
bacchanales, on n’épargne pas même aux Nations. Dans ce dernier ouvrage,
les chrétiens morts , détigurés , demi comme dans l’zlpologétique, ses dé
consumés; on les arrache, pour dis moustrations sont nécessairement, à
perser leurs restes, de l’asile de la mort, cause du cadre étroit où il se renferme» ,
du repos des sépulcres. Cependant nous succinctes et tronquées. Il les com
a-t-on jamais vus chercher à nous ven pléta par son traité du Témoignage de
ger ,_nous que l’on pousse avec tant d’a l’ame. Sa polémique contre le poly
charnement, nous que l’on n'épargne théisme ne l‘absorba pas tout entier;
pas même dans la mort? Pourtant, il lit encore une rude guerre aux juifs
il nous suffirait d’une seule nuit et et principalement aux chrétiens qui
de quelques torches, s’il nous était s’étaient écartés de ‘la tradition et de
‘permis de repousser le mal par le la vraie doctrine. C’est là qu'il excelle
mal, pour tirer des maux dont on par la logique. Les marcionites sont
nous accable, une terrible vengeance. rudement attaqués par Tertullien. Mar
Mais loin de nous l'idée qu’on puisse cion reconnaissait deux essences divines
venger une société divine par e feu supérieures à toutes les autres; l'une
humain, ,ou que cette société puisse active, l‘autre inactive; un dieu qui se
s’afiliger . des épreuves qui la font manifestait par des actes, un autre
connaître! Que si, au lieu d'agir sour qui restait immobile. Ces deux dieux
dement, nous en venions à des repré étaient égaux en puissance et coéter
sailles ouvertes, manquerions-nous de nels. Il y avait dans le système de Mar
forces et de troupes? Les Maures, les cion une vague tendance vers la doc
Marcomans, les Parthes même, quel trine orientale des deux principes du
que nation que ce soit renfermée dans bien et du mal, en ce sens que, pour
ses frontières, estvelle plus nombreuse lui, le dieu qui agit est l'auteur du
que nous. c'est-à-dire qu’une nation mal, tandis que le dieu inactif est es
qui n'a d’autres limites ue l'univers? sentiellement bon. Tertullien ne discuta
Nous ne sommes que (1’ ier, et nous point seulement contre Marcion , mais3
remplissons tout ce qui est à vous, aussi contre Hermogène, qui ne recon
vos villes, vos places fortifiées, vos naissait, il est vrai, qu’u‘neseule essence
colonies, vos bourgades, vos assem divine, laquelle est le principe du'bien ,
blées, vos camps, vostribus, vos mais qui faisait la matière coét‘ernelle
décuries , le palais , le sénat , le forum; à Dieu et cause première du mal. Puis,
nous ne vous laissons que vos tem il attaqua Praxéas qui, par une vive
ples! » Ce livre, si plein de raison, de réaction contre la doctrine du dualisme
chaleur et d’éloquence, dut avoir un divin. alla 'usqu'à nier la Trinité our
immense retentissement. Il gagna, on mieux étab ir l’unité de son dieu. er
peut le croire, bien des âmes à la tullien, on le conçoit , défendit la Tri
nouvelle religion et, d'autre part, il nité et conséquemment le dogme de
raffermit ceux que la persécution avait l'incarnation. llcombattit encore à lu
sieursv reprises les hérésiarque‘s‘ ans
ébranlés. Plus d‘un chrétien, sans
doute, en lisant l’œuvre de Tertullien, divers ouvrages et notamment dans son
dut répéter, dans un élan d‘irrésistible traité de la Chair du Christ (de Carne
enthousiasme, uelques-uns des mots Chrish'), dans le Scorpiaque, et dans
qui terminent ‘Apologétique : a Cou la discussion générale qui est connue
rage, magistrats! puisque le peu le sous le nom de Prescriptions. à‘
vous trouve meillqeflurs quand vous ni Tertullien s’élève avec une grande
AFRIQUE CHRÉTIENNE. 5
violence contre l'ancienne philosophie. jours été croissant. depuis le jour où
Il abhorre les gnostiques et tous ces il avait engagé le combat contre le po
savants, parmi les chrétiens, qui, de lythéisme, et qu'à la vue des périls
son temps déjà, enfantaient sur Dieu qui,_de toutes parts, menacaient l'É
et la création , des systèmes empreints glise , son indulgence pour les faibles
de l'esprit grec et de l’esprit oriental. et les hérésiarques s'était progressive
C’est dans cette haine contre la tradi ment affaiblie. il approuva sans hésiter
tion philosophique, si nous pouvons une morale qui n'avait point de par
nous exprimer ainsi , que se trouve une don pour les fautes les plus légeres.
grande part de ‘son originalité. A Ce changement dans ses convictions
défaut de la science u’il repousse et lui dicta sur le jeûne, la énitence,
a laquelle, cependant, n'est pas étran le martyre, des pages remp les de so
ger, Tertullieir s’appuie sur le bon phismes, et tout empreintesdu rigorisme
sens, et plus souvent encore il appelle à le lus exagéré. Plus tard, son esprit
son aide un auxiliaire plus puissant, à in épendant ledétacha des montanistes.
savoir, la vivacité de sa foi. Il se fit le chef d'une nouvelle secte
Dans les œuvres consacrées exclu dont les membres s'appelaient, de son
sivement à la polémique, comme dans nom, Tertu/lianistes. ils étaient nom
les traités sur le baptême, la péni breux en Afrique. Ce fut saint Augustin
tance, la prière, l'idolâtrie, les spec qui les ramena dans le sein de l’Eglise
tacles, le pallium , la chasteté, la pa catholique. Nous serions porté à croire
tience, etc. , on‘ trouve les qualités et que ces chrétiens austères jusqu'à l'ex
les défauts de l‘Apologétique : une le‘ ces favorisèrent au moins, s‘ils ne le
gique puissante, une chaleur qui se provoquèrent pas en partie, le schisme
manifeste souvent par des traits d'une des donatistes.
sublime éloquence. Ajoutez à cela une Toutefois, malgré- les écarts qu'ils
fine raillerie, une grande vivacité et reprochent à l'auteur de l’ApoIoge'tl
parfois aussi de la grâce. On rencon que, les docteurs les plus illustres du
tre, il est vrai, dans tous ces livres, christianisme lui ont tenu compte des
les vices de l'es rit africain, un goût efforts qu'il avait faits pour préciser et
renoncé pour es images hardies. de coordonner leurs dogmes aux yeux des
’exageration et de l'emphase, et çà et païens; ils n'ont pas oublié, nonobstant
là', de la‘ gêne, des obscurités et de sa chute, que sa controverse avait été ,
la confusion. Mais les beautés plus pour ainsi dire, le point de départ de
nombreuses et.plus saillantes que les tous leurs écrite; à toutes les époques,
défauts ont acquis à Tertullien une ils ont prodigué à cet. héroïque lutteur
gloire que le temps n'a point encore les louanges et les témoignages de la
affaiblie. > plus vive admiration; et parmi eux, il
Tertullien , suivant d'anciens récits, s‘esttronvéun saint,qui,faisantallusion
vécut séparé de-I‘Ëglise catholique, non point seulement au temps où Tertul
dans la seconde moitié de sa vie, et lien avait vécu, mais encore à son mé
partagea l'erreur des montam'stes. Ce rite, n'a pas craint del‘appeler le pre
changement s'explique par la nature mier des Pères de l’Eglise (l).
même de son esprit. Montan, le chef ‘i.
dela doctrine qu’il avait embrassée, (l) Voy. sur Terlullien et ses écrits : August
rétendait déjà de son temps que Neander; aulignastikus Geist des Tertulliunul
und Einleilung in dessert Schriftm; Berlin,
es chrétiens vivaient dans un funeste 1825. — M. J. P. Charpentier: Etude histo
relâchement; il voulait donc changer rique et littéraire sur Terlullien; Paris. I839.
leurs mœurs, les régénérer. D'autre — Henrl Rilter; Histoire de la philoso hic
chrétienne, traduite de l’allemand ar rul
part, il croyait au don de‘ prophétie. lard; t. I, p. 325 — 37e; Paris, l8 a. Bitter
Tertullien sexlaissa entraîner volon s’est servi plus d'une fois du livre de Neander.
tiers,-par safoi vive, dans l'erreur —- Fleury; Histoire ecclésiastique. l. ll, p. 5 et
suiv.; in-t". —— Bernult-Bercaslel ; Histoire de PI?
de Menton. Il crut'en deux femmes glise; t. i. p. 368 et suiv. — Rohrbacher; His
exaltées, Maximille et Pi'iscille, qui se toire universelle de l'Église catholique , t. V,
disaient animées de l’esprit de l)ieu._ . 243 et suiv.; Paris, [842. -— Voy. aussi‘:
Puis, comme son rigorisme avaititou udw. Gieseler; Lehrbuch der Kirchengescht
chie; t. I, p. 232 et suiv.; Bonn , [88L
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Tertullien était né dans la dernière mis assurément au nombre des plus
moitié du second siècle; il parvint, belles légendes du christianisme (l ).
suivant d'anciens témoignages, à une u On arrêta , à Carthage ( 202 ou 203) ,
extrême vieillesse. Bévocatus et Félicité, esclaves du même
sur“ D! LA yansécurron; lu maître , Saturnin et Secundulus , et avec
zrvns ne Panama, ne retiens. eux Vivia Pérpetua , issue d’une.famille
na m’rvocuus, ne surnom, na riche et puissante. Elle avait été élevée
sscuunutus et D3 ssrua. .. Mal— avec soin et bien mariée. Elle avait
gré l’dpologétique de Tertullienet les _son père et sa mère, deux frères, l’un
nombreuses réclamations, en faveur desquels était catéchumène, et un enfant
des chrétiens. qui arrivaientsans doute à la mamelle qu'elle nourrissait de son
de toutes les provinces, Septime Sévère lait. Son âge était d'environ vingt-deux
et. ses jurisconsultes ne cherchèrent ans. Elle-même a écrit de sa main et
point à se rendre compte des dogmes raconté, ainsi qu'il suit, l’histoire de
et des enseignements de la religion er son martyre:
sécutée. Ce qu'ils voyaient surtout ans « Comme nous étions encore avec
le christianisme, c'était une doctrine les persécuteurs , et que mon père con.‘
qui conduisait à l'infraction des lois. tinuait à vouloir me faire tomber par
Les chrétiens refusaient avec une obs' l'affection qu'il me portait, je lui dis:
tination invincible de jurer par le gé Mon père, voyezvvous ce vase qui est
nie des empereurs. C'était, aux yeux par terre? Oui, dit-il. J'ajoutai : Peut
de Sévère et de ses légistes, un acte de on lui donner un autre nom que le
rébellion, un crime de lèse-majesté. sien? Non, répondit-il. .le ne puis pas
Aussi, ils se montrèrent impitoyables, non plus, moi, me dire autre chose
et ils prescrivirent des rigueurs que de gré je ne suis, c'est-a-dire chrétienne.
vait encore aggraver le zèle religieux on père, touché de ce mot, se jeta
des juges qui étaient restés partisans sur moi pour m'arracher les yeux;
sinceres du polythéisme. Mais, nous mais il ne lit que me maltraiter et
l'avons dit, les chrétiens ne se laissé. s’en alla vaincu avec les inventions du
rcnt point effraver; inébranlables dans démon. Ayant été quelques jours sans
leur foi, animés en outre du plus vif voir mon père, j'en rendis grâces au
enthousiasme, ils se présentaient avec Seigneur , et son absence me soulagea.
résolution devant les tribunaux , répon Ce fut dans l'intervalle. de ce peu de
daient avec assurance, et ne perdaient jours que nous filmes baptisés; or,
rien de leur fermeté au milieu des plus je ne songeai, au sortir de l'eau, qu'à
horribles tortures. Ils se réjouissalent demander la patience dans les peines
en vue de ce qu’ils a pelaient eur triom corporelles. Peu de jours après, on
he prochain; par 013, ils se plaisaient nous mit en prison; j'en fus effrayée,
g raconter eux-mêmes, par écrit, la car je n'avais jamais vu de telles téné
longue série de leurs souffrances , et, bres. Oh! que ce jour me dura! quelle
quand le fer du bourreau arrêtait leur chaleur! ou étouffait à cause de la
main, ils confiaient à un de leurs freres foule; puis des soldats nous oussaient
le soin de dire aux Églises comment ils avec brutalité; enfin je séc ais d'in
étaient morts, et de terminer ainsi le quiétude pour mon enfant. Alors les
récit qu'ils avaient commencé. Nous bénis diacres Tertius et Pompoue , qui
avons déjà parlé des Scillt‘tains. Nous nous assistaient, obtinrent, à prix
devons raconter maintenant un autre d’argent , que pour nous rafraîchir nous
martyre, qui commença dans _les n passions passer en un lieu plus com
sons et se termina dans l’amphithé tre mode de la prison. Nous sortimes; cha
de Carthage. Nous reprodnirons lcl cun pensait à soi: je donnais à téter
textuellement, dans ses parties les à mon enfant qui mourait de faim.
plus importantes. un ancien document (I) Voy. le. recueil de Ruinart : Acta pn'—
‘ qui, si l'on considère les faits qu'il morum mnrlyrum sinccru et selecta (Paris,
contient. les circonstances au milieu I880. lnvt° ), p. 85. Nous empruntons la tra
dnctlonde Fleurv, revue et modifiée quelquefois
desquelles il a été écrit, et l'admira par l'abbé Rohrhaclrer. Nous avons essayé, A
ble simplicité de sa forme, doit être notre tour, de corriger cette dernière traduction.
AFRIQUE CHRÉTIENNE. 7
‘9
Inquiète pourlui. en parlaisà ma mère‘; fortifier, en disant: sur l'échafaud , il
je ortiliais mon ère et lui recomman arrivera ce qu’il plaira à Dieu; car sa
dais mon fils. Je séchais de douleur, chez bien que nous sommes en la puis
parce ue je les voyais eux-mêmes sé sance de Dieu , non pas en la nôtre. Et
chant e douleur pour l'amour de moi; il s’en alla tout triste. Le lendemain,
je passai plusieurs jours dans ces in comme nous dlnions, on vint tout d'un
quiétudes. M'étant accoutumée à garder coupnous enlever pour être interrogés .
mon enfant dans la prison, je me trou et nous arrivames à la place. Le bruit
vai aussitôt fortifiée, et la prison me de s'en répandit aussitôt dans les quartiers
vint un palais; en sorte que j’aimais voisins, et l’on vit accourir une foule
mieux y être qu'ailleurs. Mon frère me immense. Nous montàmes sur l'écha
dit alors : Madame et sœur, déjà vous - faud . Mes compagnons furent interrogés
êtes en grande faveur auprès de Dieu; et confessèrent. Quand mon tour vint,
demandez-lui donc qu’il vous fasse con mon père se présenta tout à coup avec
naître par quelque vision si‘ vous mon fils; il me lit descendre les degrés,
devez finir par le martyre ou par être et me dit d'une voix suppliante: Ayez
rendue à la liberté. - pitié de votre enfant! Le proeurateur
Perpétue, en effet, eut une vision Hilarien , qui remplaçait alors Minucius
pendant son sommeil. Elle comprit Timinien, qui venait de mourir, me
u’elle était destinée au martyre. Elle disait de son côté : Épargnez les che
Fe dit à son frère; et tous deux , suivant veux blancs de votre pèrel Épargnez
l’expression de la sainte, commencè l'enfance de votre fils! Sacrifiez pour
rent à n'avoir plus aucune espérance la prospérité des empereurs! Je n’en
dans le siècle. Perpétue reprend le ré ferai rien, répondis-je. Êtes-vous chré
cit en ces termes : « Peu de jours après , tienne? me dit-il. Et je lui répondis :
le bruit se répandit que nous devions Je suis chrétienne. Cependant, mon
être interrogés. Mon père vint de la père se tenait toujours la pour me faire
ville, consume de tristesse; il monta tomber. Hilarien commanda de le ches’
vers moi (l) pour me faire tomber dans ser; et il fut frappé d’un coup de bâ
l'apostasie, disant: Ma fille, ayez pitié ton. Je ressentis le coup de mon père
de mes cheveux blancs! ayez pitié de comme sij’eusse été frappée moi-même,
votre père, 8! du moins je suis digne tant je compatissais ‘a son infortunée
que vous m'appeliez votre père! Si moi vieillesse! Hilarien prononça la sentence,
méme, de mes mains que voilà, je vous et nous condamna tous aux hôtes. Et
ai élevée jusqu'à cette fleur de Page; si nous descendlmes joyeux à la prison.
je vous ai préférée à tous vos frères, Comme mon enfant etait accoutumé à
ne me rendez pas l'opprobre des hom recevoir de moi le sein et à demeurer
mes. Regardez vos frères, regardez votre avec moi dans la prison , j’envoyai aus
mère et votre tante; regardez votre fils sitôt le diacre Pompone pour le deman
qui ne pourra vivre apres vous. Quittez der à mon père; mais mon père ne
cette fierté, de peur de nous perdre voulut pas le donner. Et il plut à Dieu
tous; car aucun de nous n’osera plus que l'enfant ne demanda plus à téter,
parler , s’il vous arrive quelque malheur. et que je ne fusse pas incommodée de
Ainsi me parlait-mon père dans sa ten mon lait; de sorte que'ie restai sans
dresse, me baisant les mains, se jetant inquiétude et sans souffrance.»
à mes pieds et m’appelant avec larmes La sainte, après avoir raconté une
non plus sa fille,‘mais sa dame. Et seconde vision, ajoute‘: « L'inspecteur
moi, je pleurais sur les cheveux blancs Pudens. qui était gardien de la prison,
de mon pere, ‘e gémissals dece que, seul conçut une grande estime pour nous,
de toute ma amille, il ne se réjouissait pareequ'il voyait sans doute que notre
pas de mon martyre; et j'essayais de le courage venait de Dieu. Il laissait donc
(Anal: temps de ladomlnallon romaine. les entrer beaucoup de frères , afin que nous
sons de Carthage etalent situees sous le pa pussions nous consoler et nous encou
als prooonsulalre, elle palais lui-même se rager mutuellement. Quand le jour du
trouvait sur la colline ou s'élevait jadis la ci
tadelle de Byrsa Voy. dans ce volume la topo spectacle approeha . mon père vint me
graphie de Carthage. trouver. Il était accablé de tristesse;
.,‘_
il commença à s'arracher la barbe; mes doigts les une dans les autres, et ,
puis il se jeta à terre, et la face tournée le pressant, je le lis choir, et avec mes
vers le sol, il se mit à maudire ses an pieds je foulai sa téte. Le peuple se
nées et à se Iaindre en des termes qui mit à crier, et mes auxiliaires a chanter.
eussent ému a créature la plus insensi Je m'a pprocbaidu maître, qui me donna
ble. Et moi, je gémissais sur sa malheu le rameau avec un baiser, en disant:
reuse vieillesse. La paix soit avec vous, ma fille. Je
a La veille de notre combat. j’eus cette commençai a marcher avec gloire vers
vision : le diacre Pompone était venu la porte Sana-Vivaria de l’amphithéâtre.
à la porte de la prison, et frappait bien Je m'éveillai; et je com ris que je ne
fort;je sortis et lui ouvris. Il était vêtu combattrais pas contre es bêtes, mais
d’une robe blanche, bordée d’uneiulinite’ contre le démon; et je me tins assurée
de petites grenades d'or. Il me dit : Per de la victoirepvoilà ce que j’ai fait et
pétue, nous vous attendons; venez. Il me vu jus n'a la veille du spectacle; qu’un
prit par la main , et nous commençâmes autre rive, s’il veut, ce qui s’y pas
a marcher par des lieux rudes et tor sera. -
tueux. Enfin nous arrivâmes à l'amphi« lci , en effet, la narration de la sainte
théâtre à grand’peine et tout hors est interrom ue; mais, comme Perpé
d’baleine. Il me conduisit au milieu de tue l’avait desiré , il se trouva un chré
l’arène et me dit: Ne craignez point, tien qui raconta les derniers instants
je suis ici avec vous et je prends part à des martyrs. Illes visita dans la prison
vos travaux. Il se retira, et j’aper us et ne les quitta, comme on le voit par
un grand peuple qui regardait éba i. le document que nous avons sous les
Comme je savais que j'étais destinée yeux, qu’au moment où ils cessèrent
aux bêtes, je m'étonnais , car on ne de vivre. Ce fut- lui sans doute qui
les lâcliajt point. Il sortit alors contre plaça , entre les derniers mots tracés par
moi un Egyptien fort laid qui vint me Perpétue et-son pro re récit, une vision
combattre avec ses auxiliaires. Mais il écrite par un chr tien-condamné au
vint aussi vers moi des jeunes hommes dernier supplice. Ce chrétien s'appelait
bien faits, pour me secourir. Je fus Satur. Il était venu se livrer aux magis
dépouillée de mes vêtements, et me trats , et on l‘avaitjoint, dans l’arrét de
trouvai changée en homme; on me frotta mort, aux martyrs que nous avons
d‘huile pour; le combat, et je vis de l'au déjà nommés._Après avoir transcrit la
tre côté l’Egyptien se rouler dans la vision de Satur, a nouveau narrateur
poussière. Alors parutun homme mer s’exprime en ces termes : - Secundulus
veilleusement grand , en sorte qu’il était mourut dans la prison. Félicité était
plus bautquel'amphithéâtre,v tu d’une enceinte de huit mois, et, vu ant le
tunique sans ceinture avec deux bandes jour du spectacle si proche, e était
de pourpre par devant et semée de petits fort affli ce, craignant que son martyre
ronds dor et d‘argent. Il tenait une ba ne fût ifféré, parce u'il u’était pas
guette Î comme les maîtres des gladia permis d'exécuter les mes encein
teurs, et un, rameau vert où se trou tes. Elle craignait de répandre ensuite
vaient suspendues des pommes d’or. son sang innocent avec uelques scélé
A ant commandé le silence, il dit: Si rats. Les compagnons c son martyre
l’ëgyptien remporte la victoire sur la étaient sensiblement affligés, .de leur
femme, il la tuera par le glaive; mais côté, dela laisser seule, elle, une si bonne
si elle vient à le vaincre , elle aura ce compagne, dans le chemin de leur com.
rameau; et il se retira. Nous nous ap< mune espérance. lisse mirent donc tous
prochaines, et nous commençâmes à ensemble à gémir et à prier. Cela se
nous donner des coups de poing. Il passait trois jours avant le spectacle.
voulait me prendre par les pieds, mais Aussitôt a rès leur prière, les douleurs
je lui en donnais des coups daps le vi prirent Fé icité, et comme, l'accouche
sage. Je fus élevée en l'air et commençai ment étant naturellement plus difficile
à le battre comme si j.'eusse frappé la dans le huitième mois, elle se plaignait,
terre. Voyant que cela durait trop. un des guichetiers lui dit: Tu te plains,
je joignis mes deux mains, passant maintenant! Eh! que ferastu donc quand!
AFRIQUE CHRÉTIENNE. 9
tu seras ex osée à ces bêtes que tu as de sa couche pour combattre les bêtes
méprisées , orsque tu refusas de sacri et se purifier ainsi . comme par un se
fier? Elle répondit: C’est moi qui souf ‘cond baptême, dans son propre sano‘.
fre maintenant ce que je souffre; mais Lorsqu’ils furent arrivés a la porte (le
là, il. y en aura un autre en moi qui l‘amphithéâtre, on voulut forcer les
souffrira pour moi, parce que je souf hommes à revêtir le costume des pré
frirai pour lui. Elle accoucha d’une tres de; Saturne, et les femmes celui
petite lille, qu’une sœur éleva comme des prêtresses de Ce'rès. Ils s’ refusèrent
son enfant....... sur?’ es «'19 avec une fermeté invincibe, disant :
« Comme le tribun traitait les mar Nous ne sommes venus ici volontaire
tvrs très-rudement, parce ue , sur ment que pour conserver notre liberté;
l’avis de gens .sottement crédules, il nous avons sacrifié notre vie pour ne
craignait qu'ils ne se tirassent de la pri rien faire de semblable; cela a été ar
son par quelque sortilège, Perpétue lui rêté entre vous et nous. L'injustice re
dit en face : Pourquoi ne nous donnes connut la justice; le tribun consentit à
tu pas du soulagement, puisque nous ce qu’ils entrassent avec les vêtements
sommes les condamnés du très-noble u‘ils portaient. Perpétue chantait,
César, et que nous devons combattre à oulant déjà aux piedsla tête de I'Égyp
sa fête? N’est-il pas de ton honneur que tien. Révocatus, Saturnin et Satur sem
nous y paraissions en bon état? Le tri blaient dédaigner le peuple qui regar
bun eut peur et rougit : il commanda dait. Étant arrivés à la vue dHilarien,
donc qu’on les traitât plus humaine ils lui disaient par signe de la main et
ment; qu’on accordât aux frères et aux de la tête : Tu nous juges , mais Dieu
autres la liberté d'entrer dans la prison, tejugera. Le peuple en fut irrité, et de
afin que des deux parts on pdts’apporter manda qu‘ils fussent fouettés en passant
des soulagements. Le surveillant de la devant les Veneurs. Les martyrs se ré
prison était déjà croyant. La veille des jouirent de participer en quelque chose
jeux, on leur donna, suivant la con à la passion du Seigneur Celui qui a
tume ,.le dernier repas , que l‘on appe dit : Demandez et vous recevrez, leur
lait le repas libre, et qui se faisait en accorda la mort que chacun d’eux avait
public; mais les martyrs le convertirent souhaitée; car lorsqu’ils s’entretenaient
en une agape modeste, autant qu’il ensemble du martre, Saturnin avait
était en eux. Ils parlaient auipeuple manifesté le désir ‘être exposé à toutes
avecleur fermeté ordinaire, le menaçant sortes de bêtes, afin de remporter une
du jugement de Dieu, attestant les dé couronne plus glorieuse. Ainsi, dans le
lices qui se trouvaient dans leurs souf spectacle , lui et Révocatus , après avoir
frances, et raillant la maligne curiosité été attaqués par un léopard , furent en
de ceux qui accouraient auprès d’eux, core maltraités par un ours. Satur ne
Satur leur disait 2 Lejour de demain ne craignait rien tant ne l’ours. et souhai
vous suffit pas pour voir à votre aise tait’qu’un léopard e tuât d’un seul coup
ceux que. vous ha'issez. Aujourd'hui de dent. Il fut d'abord exposé à un san
amis, demain ennemis. Après tout, ne. Ëliel‘; mais le veneur qui avait lâché la
marquez bien nos visa es, afin de nous éte,_en recut. un coup dont il mourut
reconnaître au jour sa ennel. rte après les fêtes. Satur fut seulement
que tous :se retirèrent mm _ traîne’. Puis on lâcha un ours; mais
sieurs , dans cette foule , adopt ' es l'ours ne sortit point de sa loge. Ainsi
nouvelles croyances. Satur, étant sain et entier, fut rap clé
«Enfinparut le jour de leur victoire. pour la seconde fois. Les jeunes fém
Ils sortirent de la prisonpour l’amphi mes furent dépouillées et mises dans des
théâtre, comme pour le ciel : leurs vi filets pour être exposées à une vache
sages était rayonnants; ils étaient émus, furieuse. Le euple en eut horreur,
non de crainte, mais de joie. Perpétue voyant l’unc Sl délicate et l’autre en
suivait , calme dans ses traits et dans core malade de sa couche avec des ma
sa démarche, comme l'épouse chérie melles dégouttantes de lait. On les retira
du Christ; elle tenait les yeux baissés, doncet on les couvrit d’hahits flottants.
pour en dérober la vivacité. Félicité se Exposée la première, Perpétue fut jetée
réjouissait de s’étre assez bien relevée en l’air et‘ retomha sur les reins. Elle se
10
mit sur son séant, et va ant sa robe dé menat les chrétiens au milieu de l'am
chirée sur le côté, elle a rejoignit ur phithéâtre, pour les voir frapper et
cacher ses cuisses, plus occupée e la s'associer ainsi, par les regards, à l'ho
pudeur que de la douleur. On la reprit, micide. Les martyrs se levèrent, y allè
et elle renoua ses cheveux qui s'étaient rent d'eux-mêmes . après s'être donné
détachés, car il ne convenait point qu'un le baiser, afin de consommer le martyre
martyr souffrlt les cheveux épars, de par un acte solennel de paix. Ils recu
peur de paraître affligé de sa gloire. Elle rent ledernier coup, immobiles et en 'si
se leva, et voyant Félicité toute frois lence; quant à Perpétue, elle tomba
sée ar terre, elle lui donna la main et entre les mains d'un gladiateurinexpéri
l'ai a à se relever. Elles se tenaient de mente, qui la iqua entre les os et la
bout toutes les deux; mais le peuple, fit crier; elle ut obligée de conduire
dont la dureté avaitété vaincue, ne vou elle-même la main tremblante de son
lut pas qu'on les exposât de nouveau, bourreau. -
et on les reconduisit à la porte Sana Si ces pages, après tant de siècles,
Vinaria. Perpétue y fut reçue par un nous paraissent encore si belles et nous
catéchumène nommé Rustique, qui lui émeuvent fortement, qu'on jugede l'ef
était attaché. Alors elle s'éveilla comme fet qu'elles ont produit au temps des
d'un profond sommeil, tant elle avait été persécutions. On en fit sans doute de
ravie en esprit et en extase, etcommença nombreuses copies, que de pieux mes
à regarder autour d'elle, en disant, sagers transportaient. suivant un vieil
au grand étonnement de tout le monde : usage (l), d'Eglise en Église, non point
Quand donc nous exposera-t-on à cette seulement en Afrique, mais encore
vache? On lui dit ce qui s'était passé; enEurope et en Asie . dans les pays les
elle ne le crut que lorsqu'elle vit sur plus lointains. C'est ainsi que les chré
son corps et sur son vêtement les mar tiens de contrées diverses se transmet
ques de ce qu'elle avait souffert, et taient. pour ainsidire, le courage et le
qu'elle reconnut le catéchumène. Puis dévouement, et s'aidaient, malgré les
elle fitappeler son frère, et lui dit , ainsi distances, à l'aide d'un simple récit,
qu'à Rustique: Demeurez fermes dans à ne, rien perdre, au milieu des tors
la foi; aimez-vous les uns les autres, Ëures, de leur enthousiasme et de leur
et ne soyez pas scandalisés de nos 01.
souffrances. Satur, ‘a une autre orte , LA Psnss'currou sa un “un
suivait le soldat Pudens, et lui isait; DANS TOUTES LES mutins ns L'un,v
Me voici enfin commeje vous l'avais pré QUB;BLLB ss BALEN'HT; 'rnounus
dit; aucune bête ne m'a encore touché. INTÉRIEURS ns L'éGuss PENDANT LA
Croyez donc de tout votre cœur; Ije PAIX. — Ce ne fut int seulemebt à
m'en vais la , et je finirai par une sen e Carthage que l'édit eSeptime Sévère
morsure d'un léopard. Aussitôt (on était fut mis à exécution. Nous savons par
à la fin du spectacle) il fut présenté à NTortullien (2) que la persécution s'étendit
un léopard, qui, d'un seul coup dent, sur toutes les villes de l'Afrique. Parmi
le couvrit de sang. Le peuple s'écria : les magistrats impériaux, il yen ont qui se
Le voilà bien lavé, le voilà sauvé! montrèrent, à l'égard des chrétiens, doux
faisantuneallusionironiqueaubaptême. et modérés et qui essayèrent d'atténuer
Mais lui, se tournant vers Pudens: les rigueurs de la loi; mais d'autres, au
Adieu , lui dit-il , souvenez-vous de ma contraire, soitdans des vues d’ambition,
foi! Que ceci ne vous trouble point, soit par un sincèrel attachement aux
mais, au contraire, vous continuel doctrines du polythéismo, usèrent sans
Puis , il lui demanda l'anneau qu'il pitié, pour anéantir ceux qu'ils appe,
avait au doi t, le mit sur sa blessure,
et le lui ren it comme un gage de son
amitié et un souvenir de son sang. (nvoy. comme exemple, la lettre de l’éqltr
de Smyrne aux autres églises ooncernan c
Après quoi on l'exécuta au lieu où l'on martyre de saint Polycarpe lap. Rulnsrt. p.
avait coutume d‘ègorger ceux que les ‘18). le recueil de Rulnart (Acta primorun
bêtes n'avaient pas achevés. On nommait mnrlyrum aimera rtselecta ) contient plus d'un
document de ce genre.
ce lien spoliarium. - (2) Voy. la lettre adressée par Tertulli
e Le peuple demanda alors qu'on ra Iuproconsul scapula.
AFRIQUE CHRÉTIENNE. “
laient les ennemis de l'empire, des tor Cyprien mit bientôt sa science et son
turcs et des plus affreux supplices. Au zèle au service de la croyance u'il
nombre de ces‘ derniers se trouvaient avait embrassés. Il se livra avec ar sur
le proconsul Scapula et le gouverneur à l'étude des saintes Écritures et des
de la Mauritanie. ouvrages de Tertullien, ur lequel il
La persécution se ralentit enfin. Tou avait une admiration sans rues; puis,
tefois. il faut croire qu'il n'y eut de lorsqu‘il se sentit suffisamment fortifié
six véritable pour les chrétiens que sous par ses nouvelles lectures .ïil essaya, à
e règne d'Alexandre Sévère. L'Église son tour. par de nombreux écrits, de
d'Afrlque avait à peine joui de quel défendre le christianisme. Ses premiers
ques instants de re os qu'elle fut agi essais , on le comprend , sont empreints
tée par des querel es. Elle était déjà de la vive réaction qui s'est opéree dans
tourmentée et déchirée par les schis son esprit. D'abord , il adresse à un aie
mes et les hérésies.Ce fut probablement ses amis, Donat, une lettre sur le ._m
au temps d’Alexandre Sévère qu'un pris du monde; ensuite, comme lit Ar
concile se rassembla, en Numidie, dans nobe plus tard , pour donner en quel
la colonie de Lambèse. pour condam que sorte à ses nouveaux frères un gage
ner l'hérétique Privat. Suivant le té e sa foi, et peutétre pour se raffer
moignage de saint Cyprien (1), quatre mir lui-même, il attaque violemment
vingt-dix évêques (et ce seul fait prouve le polythéismedans son traité de la Va
les immenses progrès du christianisme nite' des idoles. Dans ce dernier ou
enAfrique) prirent placedans ce concile. vrage, Cyprien procède avec une exces
Après la persécution et la mort d'A sive réserve; il n’a point encore assez
grippinus et d'Optat, on vit paraître de confiance dans ses propres forces
successivement, sur le siége épiscopal de pour s‘écarter des opinions déjà émises
Carthage, Cvrus, Donat et Cyprien (2). par les docteurs de l'Église, ses pré
Ce dernier s’éleva au moment où Ter de'cesseurs, et il suit, pour ainsi dire, pas
tullien achevait sa longue carrière. à pas, Tertullien qu’il avait choisi pour
convulsion ne ssmr CYPBIEN; modèle. Sa manière est plus originale,
SIS Plllllls oUvsAGEs; [L DEVIENT ses allures sont plus libres dans ses
ivious ne CAITIIAGE. — Cyprien a - trois livres des Témoignages. Le pre
rtenait à une des familles les plus l - mier livre contient une discussion con
tres et les plus riches de l’Afrique tre les juifs; Cyprien y établit que la
romaine. Il avait été élevé, dans sa loi ancienne a ait son temps, et qu'il
jeunesse , avec beaucoup de soin. Dirigé faut nécessairement adopter et suivre
par des maîtres savants et habiles, il la loi du Christ, la loi nouvelle. Le
avait ris le goût des lettres et les avait second est consacré à l'exposition du
étud' s avec fruit. Il parut bientôt avec dogme de l’incarnation. Le troisième
éclat dans les écoles Justement renom es . suivant l'expression d'un écrivain
mées de Carthage. C'est là qu'il don ec ésiaslique, un traité de théologie
nait avec grand succès des leçons pu morale. Dans ces troislivres, on voit que
bliques d’éloquence, lorsque, dans un Cyprien a déjà étudié d'une manière
âge déjà assez avancé , il se fit chrétien. approfondie les saintes Écritures. Il lit
Les écrivains ecclésiastiques nous ap suivre ses Témoignages d'un traité
prennent que cette conversion fut l'œu sur la Conduite des vierges. Il est évi
vre d'un prêtre nommé Cecilius. dent que . dans ce dernier ouvrage , l'au
teur s'est encore inspiré de Tertullien.
l saint Cyprien. au moment où finissait la Il y avait un au à peine que Cy
( ) ordonnée par l'empereur Deciuset prien était prêtre, lorsque mourut Do
propos d'un concile qu'il suit convoqué à
cwth écrivait ces mots à saint corneille: nat, l'évêque de Carthage. Plusieurs se
Per rÏ-m nm num signifie-m‘ tibi . [nu/r, présentèrent alors pour occuper le siége
mine oauhagùum Privaln. veierem han vacant. Mais le clergé et le peuple appe
h‘cum in Laubesihma colon)‘ llllll.‘ mullœ/cre
omme, chaud!!! et m" de ' tu, uonayiuu lèrent Cyprien, qui setenait à l écart, et
une au lulu condamnation. Cyprlani tous, d’un commun accord. le procla
3m]. lst. 05.. _ l mèrent évêque en l'an 248 (l).
(a; (me mm“); t. 1, p.
Il ou’. (I) C'est. la date adoptée par Horœlli. Il ne
12
NOUVELLE rnaslicu'rton; nn'rnAt'rB persécution, et qui avaient confessé
DE SAINT CYPRIBN; ivoimnnusss sans crainte le nom du Christ au
APOSTASIES; TROUBLES vin‘ DIVISIONS milieu des plus horribles tourments.
‘DANS L’écuss na CAB’I‘HAGE. —-— Cy Les évêques et les prêtres avaient égard
prien était à peine monté sur son siège aux recommandations des martyrs, et,
que l’empereur Decius promulgua un en leur considération, ils se montraient
édit de persécution (249). Les païens , volontiers indulgents et abrégeaient,
ui étaient encore nombreux a Car pour les faibles et les lâches, le temps
t age, se mirent à poursuivre les chré de la pénitence. En Afrique donc, et
tiens avec un acharnement quitenait surtout à Carthage, les apostats s'adres
de la fureur. C'était l'évêque surtout sèrent aux martyrs qui étaient en pri
qui était l’objet de leur haine; ils pro son ou ui avaient échappé tout à faitau
téraient hautement contre lui des me fer des ourreaux , et leur demandèrent
naces de mort; et quand ils‘ étaient des billets d'indulgence. Parmices mar
réunis dans l'amphithéâtre ils criaient : tyrs, il y en eut qui n’en donnèrent
Cyprien aux lions! Il fallait se cacher ou qu’avec uneextréme réserve; mais d‘au
périr. Cyprien crut sans doute que sa tres, trop fiers du courage qu’ils avaient
vie serait plus utile un-jour à ses frères montré et de leur victoire, s’imaginè
gué l'exemple de son martyre. et il se rent que, par leurs seuls mérites, ils
éroba, par une prompte retraite, au avaient le droit de réconcilier avec l'É
fer des persécuteurs. On le frappa, glise tous ceux qui étaient tombés. Un
quoique absent, par une sentence de certain Lucien fut de cenombre, et il dis.
prescription et par la confiscation de tribua indistinctement des billets d’in
ses' biens; dulgence à tous ceux qui lui en deman
Depuis Septime Sévère, un funeste dèrent. Il en vint à ce point d’arrogance,
relâchement s'était opérédans les mœurs qu’il adressa à Cyprien, dans saretraite,
des chrétiens. On le vit bien au jour la lettre suivante: a Tous les confesseurs
de la persécution. Si Mappalicus, Paul, à l'évêque Cyprien , salut. Sachez que
Fortunion, Bassus et quelques autres nous avons donné la paix à tous ceux
qui périrent soit au milieu des tortures, qui se sont bien conduits depuis leur
soit de la faim, dans les prisons de Car péché, et nous voulons que vous le fas
thage, s'illustrèrent par leur courage et siez savoir aux autres évêques. Nous
leur dévouement, l’ancienne gloire de souhaitons que vous ayez la paix avec
l’Église d’Afrique , comme on l’ap les saints martyrs. En présence d'un
prend de Cyprien lui-même, fut terme exorciste et d’un lecteur : écrit par
par des apostasies sans nombre. L’e'vê Lucien. » L’évéque ne tint compte d'une
que, de sa retraite, encourageait en semblable réclainationèill recommande,
vain ses frères à la constance; quel par lettres, à son clergé, de ne point ad
ques-uns, comme Rogatien , suivaient mettre, les apostats à la communion,
ses conseils; mais les autres cédaiQnt avant lejour où il serait permis de dis
lâchement et sacrifiaient en foule aux cuter librement sur les affaires de l’E
idoles. glise. D'autre part, commeil sentaitque
L’esprit de Cyprien n’était point seu depuis sa retraite l’autorité de sa parole
lement préoccupe de ces actes d'une dé pouvait être diminuée, il s'adresse à
plorable apostasie; il voyait encore avec ’Eglise de Rome, qui s'était illustrée
douleur que, dans ces moments de par sa fermeté dans la ‘persécution. Celle
péril, un schisme menaçait son Église. ci approuva et loua la conduite de Cy
Parmi les chrétiens qui avaient renié prien , blâma l'insistance des apostats,
leur foi et leur Dieu, plusieurs se re et condamna les abus qu'avait entraî
pentirent, et ils eurent hâte de rentrer nés une trop large concession des billets
en grâce auprès de l’Ê lise. Pour arri d'indulgence. L’opinion de l'Église ro
ver plus promptement a leurs (ins, ils maine donna une grande force aux re
s'adressèrent, suivant un vieil usage, à montrances de Cyprien.
ceux qui étaient restés fermes pendant la Enfin, la persécution avait cessé, et
croit pas qu’on puisse reporter en deçà de 248
déjà l'évêque se préparait à sortir de sa
ou au del‘a de 24a l'élection de saint Cyprien. retraite pour célébrer les fêtes de Pâques
AFRlQUE CHRÉTIENNE, 13
dans son église (‘251 ) , lorsqu'il apprit tien voulait donc se faire élire évêque
‘un schisme violent venait d'éclater de Rome; mais ses espérances furent
a Carthage. trompées. Corneille fut choisi par une
SCHISME ACABTHAGE ; LES ENNEMIS forte majorité. Novatien, dans son dé
DE SAINT cvParEN; maux CONCILES; pit, n'hésita pas à exciter un schisme ;
RAPPORTS DE L’somss ne CABTHAGE Il se fit, à son tour, nommer et sacrer
AVEC L'ÉGLISE DE nous; CELLE-CI par ses partisans.’ll écrivit alors à
CONDAMNE LES SCHISMATIQUES AFRI toutes les Eglises pour leur apprendre
camsrnsux TRAITÉS DE SAINT CY son élection; mais de toutes parts on
PntsN.'—.lI y avait alors dans la ville reconnut Corneille, et l'évêque de Car
un homme puissant qui s'appelait Féli thage ne fut pas le dernier à condamner
cissime. Par ses richesses et surtout par Novatien. ' eh?‘
ses intrigues il avait réussi à se faire Cyprien était rentré à Carthage. C'est
un parti. Les apostats, qui réclamaient la _ u’ôi’ 25| se tint un concile où se
pour leur faute un prompt et entier par lèrent soixante-dix évê ues. On
don, l'avaient choisi pour chef, et ils 'éra longtemps sur les af aires de
l’excitèrent , sans doute , à lutter ouver .olise, et onvy traita surtout les ques
tement contre Cyprien. L'évêque avait tions 'qui se rattachaient au fait de
envoyé , de sa retraite . deux évêques et l'apostasie et du schisme. Les schisma
deux prêtres our faire une enquete sur tiques furent excommuniés, et quant
la conduite e tous ceux qui apparte aux apostats qui se repentaient sincè
naient à son Église. Félicissime ne rement de leur chute, ou décida qu’ils
voulut point qu'ils remplissen 3!- leur seraient admis à la communion après
mission et les re oussa'avec menace. A trois ans. Au reste, les évêques pro—
cette nouvelle, prien prononça une portionnèrent à la gravité des délits
sentence d'excommunicatlon. Cette sen es rigueurs de la pénitence. L'Église
tence attei nait Félicissime et un cer d'Afrique, pour donner plus de poids à
tain Augen us, qui lui avait prêté aide ses décisions, envoya les règlements du
et appui. Parmi ceux qui provoquèrent concileà Corneille, évêque de Rome.
le schisme on comptait aussi cinq prê Celui-ci lesapprouva dans uneassemblée
tres, qui avaient ambitionné le siégé qui, sans compter les prêtres et les dia
épiscopal et qui avaient vu avec chagrin cres, se composait de soixante évêques.
l'élection de Cyprien. Le plus célèbre L'année suivante , 252, Cyprien c0n-.
de ces cinq prêtres est Novat. “531 voqua un autre concileàCarthage. Cette
C'était à Rome, surtout, que ce der fois, et à cause de l’approche d'une
nier devait se signaler. il se rendit en nouvelle persécution , les quarante
Italie au moment où l'Église romaine deux évêques qui s’étaient réunis , usè
se disposait à élire un nouvel évêque. rent d'indulgence à l'égard des apostats
Novat se lança, comme à Carthage, et Les admirent sans plus tarder à la
dans les intrigues. Il s'opposa, autant com_munion. Mais ce concile fut l'oc
qu'il le put, à ceux qui voulaient porter casion d'un nouveau schisme. Privat
leur choix sur‘CorneiIle, et il favorisa de Lambèse, qui, comme nous l'avons
les prétentions de Novatien. Celui-ci, vu, avait été condamné par les évêques
qui était admirateur de la philosophie de la Numidie, se présenta pour siéger
es stoîci‘ens, affichait des principes dans l'assemblée que présidait Cyprien.
d'une extrême rigidité. En ce qui con Il fut rejeté. Dans sa colère, il s'envi
cernaiâtâles. aposta'ts, par exemple, il ronna de quelques excommuniés. et choi
soutenait que l'Église ne pouvait ac sit un certain Fortunat, qu’il consacra
corder le "pardon, quelque pénitence etvproclama évêque de Carthage. Les
qu'ils lissent, à ceux qui étaient tombés schismatiques, pour assurerle succès de
ans la persécution. il devint le ch ‘ leur entreprise, écrivirent à Corneille
d'une secte qui se répandit hors d une lettre remplie des plus odieuses ea
l'ltalie. Les membres de cette sectê" lomnies. Ce fut Félicissime qui porta
s'appelaient eux-mêmes . d'un motgrec, cette lettre à Rome. Mais Corneille,
cathares, c'est-boire les purs, et ils qui connaissait Cyprien, repoussa ses
portaient des vêtements blancs. Nova accusateurs.
f
Il
La vie de l'évêque de Carthage , depuis de leur rendre courage. Cyprien écri
la fin de la persécution , était singuliè vit un traité où il envisageait les peines
rement u itée et laborieuse. Il écrivait terrestres suivant les croyances chré
lettre sur ettre , soità l'Églisede Bome, tiennes; il y montrait que ces peines
soit à ceux qui en Afrique, comme An ne sont que passagères et qu'elles doi
tonien de Numidie , lui demandaient ventétre sulpportées patiemment en vue
des conseils. Puis , il avait a se défendre de Dieu et e l'étermtéCe fut le traité
contre les scbismatiques qui troublaient de la Mortalité. A la même époque, il
Carthage. Malgré ses occupations nom adressa à Démétrien, magistrat impé
breuses et diverses , et le bruit des que rial qui résidait à Carthage , une lettre
relies qui retentissait à ses oreilles, il‘ sur un sujet qui fut longtemps débattu‘
écrivit encore son Traite’ des Laps et avec plus ou moins d'éloquence, entre
celui de l'Uni/e’ de l'Église. C’est dans les païens et les chrétiens, jusqu'au
ce dernier qu’il disait : a (Jeux qui doi— temps où vécurentSymmaque, saint Am
vent surtout tcnir fermement à cette broise, Libanius, saint Augustinet Sal
unité et la défendre , c'est nous évêques vien. L'antagoniste de l'évêque de Car‘
qui présidons dans l'Église , afin de thage attribuait aux chrétiens tous les
prouver que l'épiscopat lui-même est maux qui désolaient l'empire. C'est à
un et indivis. Oui, l'épiscopat est un, cette accusation que répondit Cyprien ,
et chaque évêque, sans toutefois pou dans la lettre dont nous arlons.
voir le iviser, en possède une portion. Déjà la réputation de l évêque de Cal’
L'Église de même est une et se répand , tbage s'étendait au loin. On le consultait
par sa fécondité , en une multitude tou de toutes les parties de l’Afrique'. Les
jours croissante. C'est un soleil dont les Églises, parce qu'il jouissait d'un im
rayons sont innombrables, mais qui n'a mense crédit, imploraieut son assistance
u'un seul foyer. C'est un arbre couvert dans leurs besoins Une fois, huit évé
e rameaux, mais tous ces rameaux ques de Numidie lui annoncèrent que
tiennent à un seul et même tronc. »Ces les tribus du désert s’étaient jetées sur
deux traités de Cyprien sontl'œuvre des leurs terres , et avaient enlevé un grand
circonstances. Dans l'un , il donne de sa nombre de chrétiens de l'un et de l'autre
lutaires conseils aux apostas; dans sexe. Ils demandaient un secours en ar
l'autre, il s'élève contre'leschisme. gent pour racheter les en tifs. Le saint,
RELATIONS rnsousmssmt CYPIIEN a cette nouvelle, versa es larmes. Il
AVEC mvsnsus laotiens; QUELQUES s’empressa de s'adresser à son Église
uns DE sus scarrs; sa Poumons qui, dans un élan de généreuse compas
courass’éeuss nolnlun ET LE PAPE sion ,- donna cent mille sesterces. Cy
SAINT ÉTIENNE. — En 252. la persé prien envoya cette somme aux évêques
cution recommença; toutefois, il‘ ne de Numidie avec une lettre où on lisait’
paraît pas qu'elle ait étendu ses ravages ces mots : - Si pour éprouver notre cha
en Afrique. Ce fut Rome surtoutqu'elle rité il arrivait encore un pareil mal
fra pa. Là , elle atteignit l'évêque Cor heur , ne craignez pointde‘ nous l'écrire;
nei le, qui fut une de ses premières et bien que notre Église demande qu’il
victimes. A cette occasion , Cyprien écri n'arrive plus rien de semblable, soyez
vit au clergé romain et au nouveau ape assurés qu'au jour du besoin , elle vous
Lucius, pour les féliciter de lagoire donnera, s'il le faut, de prompts et abon
que venait d'acquérir leur Église et dants secours. Et afin que vous fassiez
pour les encourager à la constance. des prières à l'intention de nos frères et
Nuit à défaut de la persécution, une de nos sœurs qui ont contribué de bonne
peste terrible vint bientôt désoler et dé grâce à cette œuvre, j'ai mis ici les
peupler l'Afrique. A Carthage le nom noms de chacun d'eux‘. - L'évêque de
re des morts fut immense. Pendant Carthage ne se contenta pas de donner;
la durée du fléau , les chrétiens , animés ilvoulut encore, r ses écrits, déve
par leur évêque , montrèrent une cha lopper dans les mes chrétiennes le
rite’ et un dévouement sans bornes. Tou sentiment de la charité. et il fit son livre’
tefois. parmi eux, il s'en rencontra qui des Bonnes œuvres et de l'Aumone.
le laissereut gagner par la crainte. Afin Ce fut vers ce temps que Cyprien,‘
AFRIQUE CHRÉTIENNE. x‘s
pour répondre àceux qui l'interrogeaient Psnaun VALÉRIBN; usures m!
de toutes parts, écrivit un grand nombre SAINT CYPRIEN. _..Dans les premiers
de lettres sur des sujets de discipline. temps de son règne, l'empereur Valérien
Ce n'étaient point seulement , comme s'était montré favorable aux chrétiens.
nous le voyons dans ses œuvres, les évé En257, il changea brusquement et il
ques dela Proconsulaire, de la Numidie _ ordonna de les oursuivre. La persécu
et de la Mauritanie qui s'adressaient à tion s'étendit ientôt dans tout l'em
‘lui , mais encore ceux de l'Espagne et pire.Ce futalors queCyprien.sous forme
de la Gaule. Quand il n'osait, en cer d'une lettre qu’il adressait à un certain
tains cas, s'en rapportera son propre Fortunat, composa pourles fidèles une
ju ement, il appelait autour de lui les exhortation au martyre. Il devait bientôt
év ques des provinces voisines, et leur lui-même encourager('Par son exemple,
soumettait les questions qui l'avaient ceux qu’il avait tant e fois animés par
embarrassé. ses écrits. Au mois d'août 257, il fut
Au reste, Cyprien, pendant son épis traduitdevant Paternus, proconsul d'A
copat, convoqua souvent des conciles. frique. Il répondit avec fermeté aux
Les deux derniers furent remar uables questions qui lui furent adressées; il
sar la lutte qu'il soutint contre l Église éclara qu’il était chrétien et évêque, et
e Rome. Certaines Églises d’Asie refusa , avec une généreuse indignation,
avaient pour coutume de rebaptiser les de dénoncer les prêtres de son Église.
hérétiques qui abjuraient leurs’ erreurs. Paternus se contenta de l’exiler. il ne
L'Église de Rome et Etienue, son évé resta point oisifdans son exil. De la, il
que, condamnaient cette coutume; Cy écrivait à Carthage, aux martyrs des
prien l’approuvait. L’o inion de l'évê diverses Églises de l'Afrique , et notam
que deCarthageétaitcel ed'Agrippinus, ment , à neufévêques qui avaient étécons
son Elus ancien prédécesseur. Cyprien damnés avec un grand nombrederhré<
com attit donc Étienne. il mit beaucoup tiens à travailler aux mines de cuivre de
d'ardeur dans la discussion , et quelque la Numidie et de la Mauritanie.
fois de l'amertume. Puis, pour donner En 258 , il obtint de l'empereur l'au
plus de oids à ses paroles et à ses torisation de revenir à Carthage. Mais
écrits , i fit approuver son opinion il ne devait pas y demeurer longtemps
par deux conciles. Dans le premier, il en paix. La persécution n'avait point
réunit, à Carthage, soixante et onze cesséÿoneeonseillait à l'évêque, dans
évêques ; dans le second, quatre-vingt l'intérêt de l'Église, de fuir et de se ca
cînq , qui étaient venus de la Procon cher. Il résista aux pressantes sollicita
sulaire , de la Numidie et de la Maurita-' tions de ses amis. Enfin, il fut arrêté
‘nie. Ce dernier concile s’ouvrit au mois par ordre de Galérius Maxime, qui
de septembre de l'année 256. Ce fut au avait succédé à Paternus. Quand on
temps de cette vive polémique que Cy sut dans la ville que Cyprien devait
prien écrivit deux traités , l'un sur l'U paraître devant le proconsul, il y eut
tilite’ de la patience, l'autre sur l’Envz‘e une immense émotion. La foule se
et la Jalousie, Nous devons dire, en finis précipita autour de la maison où l'on
sant , que l‘Eglise condamne saint Cy gardait l'évêque, et sur tous les visages
prien et approuve l'opinion du pape on voyait l'empreinte de la tristesse.
saint Etienne (1). Cyprien avait compris que le temps du
PEBSÉCUTION ORDONNÉE PAR L'EM martyre était proche. Cependant quand
il comparut devant le proconsul, il ne
(I) Schelslrate (Ecclesia a ricamt; dissert.
Ill,c. 2, p. 120 , Paris, I680) lame S. Cyprien perdit rien de sa fermeté. Voici l'in
et Easse ra idement sur ses démêlés avec terrogatoire tel qu’il nous a été con
S. tienne. eydecker, au contraire (Histona servé dans un ancien document (1) z
eccleu'æ qfricunœ illustrata; Utrecht, I690 — « Le proconsul Galérius Maxime dit à
dissert. de statu eccl. afr. met. 9 et Il : hist.
le. et donalistica. . us). a‘bprouve l'éve l'évêque Cyprien : N'es-tu pas Thascius
que de Carthage et rev ont plus ‘une fois avec Cyprien? ‘évêque Cyprien répondit :
eœndue sur cette célèbre controverse. Ou le
conçoit aisément : Schelstrale était bibliothé (l) Vpy. Acta proconwlaria S. Gym
du Vatican, et Leydecker protestant âptscopt et marlyrb; ep. Ruinart. p. 2176!
exa té. I8.
'16 '!
Oui, c'est moi. Le proconsul Galérius torches et- des cierges , dans une pro
Maxime dit : N'es-tu as le pape d'une priété du procurateur Macrobe Can
secte sacrilège? L’év que Cyprien ré-. dide, située dans la rue des Mappales
ndit : Oui. Le proconsul Galérius non loin des Piscines. Peu dejours
' axime dit : Les très-sacrés empereurs après mourut le proconsul Galérius
t’ordonnent de sacrifier. L'évêque Cy Maxime. » .
prien répondit : Je ne le ferai point. Telle fut la fin du plus illustre évêque
Galérius Maxime dit: Réfléchis. L’é de Carthage. Quand il souffrit le mar
vêqueCyprien répondit: Faisce qui t’est tyre (14 septembre 258), il y avait dix
commandé. En une chose évidemmt ans que, par le choix de ses frères, il
juste la réflexion est inutile. -— Galé avait été appelé aux fonctions épiscopa
rius Maxime (ici, nous reproduisons en les. Ce fut dans le court intervalle qui
core le document dont nous parlons,) sépare son exaltation de sa mort que
après avoir pris l’avis de ses assesseurs, clyprien. géniefacile, abondant, agrée.
s’adressa à Cyprien , en ces termes: be, comme dit Tillemont, mais non
« Tu as vécu longtemps avec un esprit sans vigueur, composa, àl’exception de
sacrilège; tu as rassemblé un grand trois, dans un style qui rappelle trop
nombre d’hommes pour les associer à souvent peut-être les exercices de l'école,
ton abominable conspiration; tu t’es les nombreux écrits que nous avons sié
déclaré l'ennemi des dieux romains et gnalés(l).
de la sainteté des lois; les pieux et SUITE mas PERSÉCUTIONS EN AFRI!
très-sacrés princes Valérien etGallien, QUE; NOMBREUX nsn'rvss; Nous
augustes, et Valérien , le très-noble cé mas ÉVÊQUES ne assumes QUI suc
sar, n’ont pu te ramener au culte de cimsN'r ACYPBIEN. —- La persécution
l’empire: c est pourquoi, toi, l’auteur qui avait frappé saint Cyprien fit, en
des crimes les plus odieux, tu serviras Afrique, de —grands ravages. L’évêque
d’exemple àceux que tu as choisis pour d’liippone, Théogène, fut mis à mort.
tes complices et tu sanctionneras la loi A Utique, on jeta dans un four à chaux
ar ton sang. » Après cette allocution cent cinquante, d’autres disent trois
e proconsul lut sur une tablette un arc cents chrétiens. Les fidèles rassemblé
rét ainsi conçu : u Je condamne au rent avec respect les ossements consu
glaive Thascius Cyprien.» A quoi l’évé més , et comme ils adhéraient les uns
que Cyprien répondit : « Grâces soient aux autres, ilsna pelèrent ces reliques,
rendues à Dieu. » Dès que les chré à cause de la con eur, la masse blanche.
tiens eurent entendu la sentence, ils se A Carthage,les martyrs .Lucius, Mon
dirent les uns aux autres: Allons et tanus, Flavien, Julien, Victoricus,
qu’on nous fasse mourir avec lui. Il s'é Primolus, Renus et Donatieu, suivirent
leva donc parmi eux une espèce de tu de près saint Cyprien. En Numidie, à
multe et ils se précipitèrent en foule, Cirta et à Lambèse, le glaive des per
en suivant l’évêque, vers le lieu de l’exé— sécuteurs immola de nombreuses vic
cution. Cyprien en arrivant se dépouille times, parmi lesquelles il fautcom ter
de son manteau, se mità genoux et Emilien, Agapius, Secundinus, a
pria. Puis, il ôta encore sa dalmatique, rien , Jacques, Antonia et Tertulla. La
qu’il donna aux diacres, ne conservant persécution ne cessa qu'au moment où
sur lui qu’une tunique de lin. Quand 'empereur Valérien tomba aux mains
le bourreau arriva, l'évêque ordonna aux des Perses. Mais elle devait encore. se
siens de lui compter vingt-cinq pièces rallumer deux fois avant le sanglant
d’or. Cependant les frères jetaient des édit de Nicomédie; d‘abord sous Aure
linges autour du martyr afin de recueil (l) Voy. sur saint Cyprien, indépendamment
lir son sang. Deux d’entre eux, sur ses de ses œuvres : Tillemont : Mémoires pour ser
ordres. Julien prêtre et Julien sous ‘air à l'histoire ecclésiastique des sis: premiers
siècles; t. IV, p. 45 et suiv. (Paris I704.)
diacre, lui attachèrent les mains. Ce Fleury; Histoire ecclésiastique; t. il, p. [52
fut alors que le bienheureux C rien — au, —- L'abbé Rohrbacher', Ilist. unit-un.
eut la téte tranchée. Les chr tiens de l‘Eglise catholique; t. V, .389- 486.
s’emparèrentde son corps, qu’ils trans —Au . Neander; allgemeinc eschichle der
christ ichen Religion illlld Kirclie (Hambou rg,
porterent en grande pompe, avec des 1842 ); t. I, p. 350 et suiv.
AFRIQUE CHRÉTIENNE. 17
lien, ensuite sous Dioclétien, en 296. chrétiens par le fer et la flamme, c'é
ce fut vers ces temps que la secte des tait porter, par une tentative vaine,
manichéens se répandit en Afrique. au sein des populations entièrement
Cyprien eut our successeurs, sur le envahies par echristianisme, la lus
siége épiscope de Carthage, Carpe. grave perturbation, et anéantir ’un
phore (1), Lucien et Mensurlus. coup le bon ordre que pendant vin t
i'mi'r DE mcomims; sns SUITES; années il avait maintenu avec tant e
SANGLANTE PEBSÉCUTION. — Au peine dans le monde romain. Dioclé
commencement du quatrième siècle, le tien, tolérant moins par nature peut
christianisme avait envahi tout l’em étre que par habileté, résista long
pire. Les partisans du polythéisme firent tem s à Galérius. Il discuta avec lui
alors les derniers efforts our anéantir pen ant tout un hiver; mais enfin,
cette vaste communauté c retienne qui soit que l’âge eût affaibli son esprit
contenaitdans son sein toutes les classes jusqu’alors si ferme, soit qu’il voulût
de la vieille société et qui les resserrait donner un .contentement à l'ambition
eux-méines dans un cercle qui chaque de son César qui laissait percer son
jour devenait plus étroit. Ils avaient dépit de n’occuper qu’un rang sec’ondaire
reconnu l’impuissance des édits impé dans la tétrarchie, il céda. et de son
riaux promulgués à diverses époques palais de Nicomédie (303) il promul
contre les chrétiens; ils voyaient ap gua l’édit de persécution (l).
procher letemps où ces édits cesseraient En vertu de cet édit, les églises de
d’étre applicables; ils se hâtèrent donc vaient être détruites et les livres de la
de s’armer en quelque sorte de la lé religion gproscrite consumés par les
galité qui leur échappait et qui allait flammes. Les chrétiens étaient mis
passer en d’autres mains.lls organisè hors la loi; les juges impériaux pou
rent, dans leurs conseils, le plan d'une vaient, suivant des cas déterminés , les
vaste extermination. Galérius,’ esprit exproprier, les priver de la liberté, les
violent et résolu, se fit l’instrument do tuer. Le zèle excessif, comme dit
cile des philosophes ,derniers sectateurs Fleury, de certains chrétiens vint
du polythéisme. Il mit à leur disposition encore aggraver les maux de l’Eglise.
ce qu’il possédait déjà d’autorité et son Les persécuteurs s’organisèrent et ils
immense crédit auprès de Dioclétien. se mirent à l’œuvre avec une violence
Celui-ci, politique habile, qui avait ré sans égale dans les provinces admi
générél’empire par une vsavante et sage nistrées par Dioclétien, Galérius et
administration, vit d’abord tout le dan par Maximien, l’auguste d’Occident.
ger d’une persécution, et il opposa les Il n’y eut que le césar Constance
raisons qu’il trouvait dans sa vieille Chlore, qui, dans l’Espagne, la Gaule
expérience à la fougue de Galérius. Il et la Bretagne, fpays dont le gouver
montra au César que poursuivre les nement et la dé ense lui avaient été
confiés, tempéra, par sa tolérance et
I) Fleury (Hist. eecle‘s. t. II, p. 3“ ), l'abbé sa noble modération, les rigueurs de
Bohrbacber (t. V, p. 485) et les autres écri l’ordonnance de N icomédie. '
vains ecclésiastiques ne font pas mention de LA PBBSÉCUTION EN AFRIQUE;
Carpo hore. Suivant eux. ce fut Lucien qui
au a immédiatement a saint Cyprien. C’est mousseux maa'rvns. — Quand l’é
Morcelll, dans son Jfrica. christianu, qui nous dit de persécution fut apporté en Afri
a fourni le nom de Carpophore ; les raisons sur que et notifié aux magistrats impé
lesquelles il s’appuie pour ajouter ce nom à la
liste connue des évêques de Carthage nous ont riaux, les hommes avides de faveurs et
paru décisives. Il dit: Nomen hujus servavit les partisans du polythéisme se mon
1mois 0 tata‘ codes: sangerma-nensis. In eo trèrent impitoyables pour les chré
em'm, u 1' Optatus agit de schismate Majorini
adt-ersus Cœm‘lianum legüimum episcopum, tiens. A Cirta, l’une des villes les plus
plena erat, inquit, cathedra episcopalis, erat considérables de la Numidie, ce fut
altare loco suo, in quo pacificie iscopi retro
temporis obtulerant. C rianus, rpophorus,
Lucianus et ceteri ( e Sehzsm. Don. l, 19 ). (l) Tillemont; Mémoires pour servir à l’hist.
Congruum quoque est, binas saltem episcopos eccles. des sl‘ntlrremiers siècles; t. V, p. 20cl suiv.
inter Cypn‘anum et Mensun'um fuisse: num — Fleury; ist. ecclésiasL; t. II, p. M5 et
inter utrumquefluzere amti plus minus quac suiv. — Dumont; Histoire romaine; t. III, p.
draginta. Voy. t. 1, p.62. 497 et suiv.; in-12.
AFB. cHaÉT. 2
un prêtre de la vieille religion, Mu brer les saints mystères. Les magis
natius Félix, flamine perpétuel, qui se trats les y surprirent une fois et les
chargea de mettre à exécution l'ordon firent arrêter ar leurs soldats. Qn les
nance des empereurs. Il lit démolir les conduisit à . arthage au nombre de
églises et procéda avec un zèle infati mutante-neuf.
gable à ‘la recherche des livres sacrés. Le danger qui les _ enaçait ne les
Ils’em ra non-seulement des vases, effraya point et,saisis_ , enthousiasme,
chaude iers, lampes et de tous les orne ils ne cessère t pendant toute la durée
ments qui servaient au culte proscrit, du voyage, de répéter des hymnes et
mais encore de certains objets que la des cantiques. A Cartha _e, ils ne se
charité _des chrétiens destinait au sou laissèrent gagner ni. par ça menaces.
lagement des pauvres. Ce fut ainsi que ni par les promesses du proconsul. lls
sur l’inventaire:de la saisie, on inscri confessèrent hardiment‘ le nom du
vit quatre-vin t-deux tuniques de fem ‘Christ et. sans crainte des châtiments
mes, trente uit voiles, seize tpp' infligés àceux qui _violaient les édits
ques d'hommes et soixante paires Le im riaux, ils avouèrent sans hésiter
chaussés. L’Église de se montra qu ils s'étaient réunis librement pour
faible en ces jours de persécution; célébrer les saint mystères.‘ Ils furent
ses prêtres et ses lecteurs se soumirent condamnésà sep rir età périr. Parmi
sans opposition aux ordres du flamine ces chrétiens que l'Église d’efrîque a
Félix et lui livrèrent les ornements du mis au nombre de ses plus illustres
culte et tous leurs livres. martyrs, on comptait le rjétre Satur
L'évêque de Tibiure (t), Félix, nin et ses fils, Dativu , Thelic'a,
n'imita point la conduite des prêtres Emeritus, Félix,'et ‘la vierge Victoria;
de Cirta. Quand le ma istrat de la L’ÉVËQUB ms‘ marinas ‘Massu
ville, Magnilien, lui dit : véque Félix, atus; sa noa‘t. —- A Carthage,, s’il
donnez-nous les livres et les arche faut en croire les documents contem
mins de votre Église, il répon it : Je porains, la perséçutioq- ne sévit point
les ai, mais je ne ‘les donnerai pas. avec autant de violence ‘qpe dans les
Pour ébranler sa résolution et "ef autres villes de [Attique- Soit par
frayer, on le conduisit, chargé de prainte d’pne séditcn dans cette popuc
chaînes, au tribunal du proconsul. _euse cite, soit que ces mfiuagements
Là, il ne se démentit point et resta lui fussent imposés par la conduite
inébranlable. Le îproconsul e voäa pleine de mesure et de sagesse de l’évé'
Félix au préfet du prétoire et e t que Mensprius, le proconsul attéuua
passer en Italie. L’évêque devait com? la rigueur des éditsi‘mpériaumMçnsu
araître devant les empereurs. Mais rius avait caché les livres de son Église;
a ville de Venusia, en Apulie, fut le pu pressait le proconsul d’ordonne'r à
terme de son voyage. il y ‘fut déca ses'ofliciers de faire une perquisition
pité. Jusqu’au dernier moment il ré dansla maison de l’évêque; il s'y refusa.
pondit aux juges et aux bourreaux qui Mensurius, de. son côté, était un homme
lui demandaient les livres de son Église: plein de modération; il usa‘ de l'auto
« .le les ai,.mais je ne les donnerai pas. - _ rité morale que lui donnait sa haute
L’évéque d’Abitine (2), ‘Fundanus, position dans l’É lise d'Afrique pour
pour se soustraire au dernier supplice, conseiller, par ettres, aux évêques
se hata, sur les ‘injonctions des magis ses frères, aux prêtres, à tous les
trats, _de livrer les Écritures. Cet acte chrétiens, de ne point irriter par un
de faiblesse attrista sans doute les zèle inconsidéré les magistrats des
chrétiens de la ‘ville, mais il ne les dé villes et des provinces. ll blâmait,
couragea pas. Quand ils eurent perdu avec raison, ceux ui n’étant point re
leurs églises, de se rassemblèrent dans cherchés venaient V ’eux-mémes s'offrir
des maisons particulières pour célé aux juges et aux bourreaux. Mensurius
cependant n’était pas un homme ti
(l) Tibiure. en latin Tibiura,civilas Tibiu mide, et il se dévouait volontiers pour
nnsium, Tibursicensium Burerurium, était une ses frères. C’est ainsi qu’il sauva Felix ,
petite ville de la Proconsulaire. un des diacres de son Église. Celui-ci
(‘1) C'était encore une ville de la Proconsulaire.
AFRIQUE CHRÉTIENNE. f9
était poursuivi pouravoir écrit un libelle bourreaux , du dépôt sacré quileur avait
contre l'empereur. L'évé e, au péril été confié. Ils leur appliquèrent, comme
_de ses jours, l'accueillit ans sa mai une note d'infamie, le nom de (radi
son, et le cacha. Puis, uand on vint teurs. Cette qualification injurieuse,
au rès de lui réclamer le coupable, il employée par des hommes violents et
re usa de découvrir le lieu où il était passionnés , ne devait pas tarder à sou
caché. Mensurius, à cause de la gravité ever dans les Eglises chrétiennes de
du cas , et pour sa résistance obstinée, nombreux orages. Elle servit, pour
fut mandé a la cour impériale. Il s'y ainsi dire , de mot de ralliement à ceux
rendit après avoir réglé les affaires de qui opérèrent, au_ moment éme où
son Eolise ; là , il plaida si bien sa cause cessait la persécution , un se tsme qui
qu'il 2fut absous et renvoyé. Mais ce devait être pour l'Afrique la cause ‘et
sage et courageux évêque ne devait l'origine des‘plus grandes calamités.
point revoir Carthage; il ‘mourut avant CECILIBN succt‘ma A arsNsuams;
d'y arriver. ' DONA'I‘ pas CASES-NOIRES; 'raoumss
' 'Aanosa. —.- Ce fut au tem s,de la DANS L'Éeusa ns CAB'IIIAGB‘, ont
persécution qu'un auteur célè re, Ar GIN: DU SCHISMB nss DONATISTES. —
nobe, qui avait enseigné la rhétorique ' Après la mort de Mensurius (311), les
dans la ville de'sicca, ecrivit un ouvrage chrétiens de Carthage procédèrent à
pour défendre les chrétiens. C’était , l'élection d'un nouvel évêque. Ils se
dans ces jours de péril, un acte de‘ réunirent, —prêtres et peuple, et tous,
courage.» Arnobe avait été païen, et d'un commun accord, ils roclamè
l'on voit que, dans son ouvrage, il a rent le diacre Cécilien. Ce ut Félix,
voulu prouver à ses nouveaux frères que évêque d'Aptonge. qui lui imposa les
sa conversion avait été sincère. Il se lit mains. Mais bientôt une vive opposi
dans ses idées une vive réactiqll. Après tion se manifesta contre cette élec
avoir longtemps expliqué et commenté tion. Mensurius, avantson départ , avait
‘avec amour les chefs- d'œuvre littérai remis, par prudence, aux anciens de
res de la vieille civilisation, il se laissa Carthaoe . les vases d'or et d'argent de
cm orter par son ardeur de néophyte; son Église. Cécilien, à peine assis sur
il emanda la destruction des théâtres, le siège é iscopal, s'adressa aux dépo
et voua aux flammes les œuvres des sitaires CIOlSlS par son prédécesseur et
poëtesjadis l'objet de son admiration (I). réclama les richesses qui leur avaient
Les 'rasm'rxuas. - Les spoliations été confiées. lls s’irritèrent de cette de
injustes, les tortures, les sup lices ne mande et se refusèrent à une restitu
furent point les plus grands es maux tion. Ils sejoi nirent, dans leur dépit,
gu'entralna à sa suite, pour l'Église à Botrus et a Celeusius, qui se plai
'Afrique, l'édit de Nicomédie. Parmi gnaient. vivement de ne lavoir point
les chrétiens persécutés, il y en avait emporté sur Cécilien. Puis. se liguant
plusieurs qui, comme nous l'avons dit, encore avec Lucilla, femme riche et
s'étaient signalés par leur héroïsme. puissante, ennemie de l'évêque qui
Mais d'autres s’étaient laissé entrai simple diacre, l'avait jadis offensée par
ner, par surprise eut-être. à des actes de justes et sévères remontrances, ils
d'une déplorable tgiblesse. On avait vu formèrent un parti qui s'enhardit enfin
des évêques et des prêtres se soumettre . jusqu'à protester hautement contre la
sans resistance à la loi de César, et récente election. L'âme et le chef de ce
livrer à ses exécuteurs les biens de leurs parti était Donat des Cases-Noires.
Églises et leurs livres sacrés. Quand la Pour arriver à leurs fins, ils s'adres
persécution se ralentit, ceux qui s'étaient sèreut aux évêques de la Numidie, qui,
montrés forts dans le danger s’exaltè vivement blessés de n'avoir point été
rent et poursuivirent de leur mépris et appelés à l'ordination de Cécilien, se
de leur haine les hommes qui par crainte rendirent en toute hâte à Carthiga
s'étaient dessaisis , dans les mains des pour prêter aide et appui aux ennemse
u nouvel élu. A leur tête se trouvait
( l) Voy. sur Arnobe. l’Histoire universelle de Secundus de Tigisi, le premier évêque
l'Eglise catholique , par l'abbé Rohrbacher, t.
V1, p. 55 et suiv. de la Numidie. Ils étaient au nom re
2.
N
de soixantedix. Parmi eux on voyait Églises à Carthage. n Telle fut , disent
les douze évêques qui, réunis à Cirta , les historiens ecclésiastiques , l’origiue
en 805, s'étaient avoués traditeura , à du «schisme des Donatisle: ,- car on
la suite de vives et mutuelles récrimina leur donna ce nom, à cause de Donat
tions. Les ennemis de Cécilien n‘osèrent des Cases-Noires, et d'un autre Donat,
point , à cause des manifestations du plus fameux, qui succéda à Majorin
peuple, se rendre dans la basilique qu’a dans le titre d‘evéqne de Carthage. a
vait illustrée Cyprien et où se trouvait cette- dissidence devait bientôt avoir,
la chaire épiscopale. Ils se réunirent non point seulement dans la capitale
probablement dans une autre basilique de l’Afrique, mais encore dans toutes
et s’or anisèrent en concile. lls citèrent les provinces, de graves résultats. Elle
d’abor Cécilien à comparaître devant engendra des désordres sans; nombre,
eux. Mais il lit bonne contenance et ré qui ne tardèrent point à attirer l’atten
pondit : J'attends mon accusateur. Ce tion de l’empereur. . ' .
n’est point r les fautes de Cécilien, nnQuÉrs mas DONA’I‘ISTES A L'mr
dirent ensuite les évêques rassemblés , rxnnun- ÇONCIIÆ ne nous. —— « Cons
ue l’élection est nulle, mais par celles tantin, dit Fleury, avait donné ordre
es évêques qui l’ont sacré. Félix d’Apà àAnulin, proconsul d'vAfrique, et à Pa
'tonge est un traditeur. — Que ceux trice ,vicaire du préfetdu prétoire, de
donc, repartit Cécilien , qui u’ont rien s’informer de ceux _ ui ,troublaient la
à se reprocher, viennent de nouveau aix de l’ lise catho ique, et quis‘ef
m’im oser les mains. Cette fermeté orçaient e corrompre le peuple par
irritaîes évêques ,et l’un d’eux , Marcien , leurs erreurs : cA’étaient', l'es donatist‘es;
proposa de recourir à l’excommunica et écrivant à Cécilien ,_ évêque de'jCar
tion. Un autre, Purpurius , de Limate, thage, il lui marquait de s'adresser aux
s’écria dans sa fureur homicide: « Qu’il magistrats impériaux pour avoir justice‘
vienne recevoir l’imposition des mains, de ces insensés. En, exécution de cet or;
et on lui cassera la tête our péni dre , Anulin exhorta les dissidents à la
tence. n C’était le même véque qui, paix : mais peu de jours apres, uel
dans la réunion de Cirta, avait ré ques-uns du parti contraire à Céci ien ,‘
ondu à ceux qui l’accusaient d'avoir ayant assemblé du peuple avec eux , vin
ait périr ses neveux : - J’ai tué et je rent présenter au proconsul un paquet
tue ceux qui sont’ contre moi. n h eacheté et un mémoire ouvert le priant
Enfin les évêques prononcèrent une instamment de’ les envoyer ‘la cour.
sentence de condamnation en se fon Le paquet portait pour titre 2 Mémoire
dant sur les trois chefs suivants : Céci (1 lEglise catholique‘ touchant les‘crig
lien n’avait'point voulu se rendre dans mes de Cécilien, présenté par ‘le , parti
leur réunion; il avait été sacré par de Majorin. Le memoire ouvert et atta.’
des traditeurs; enfin (ce qui ne fut ché à ce paquet‘ contenait ces" mots ‘:
jamais prouvé), il avait empêché les «Nous vous prions, Constantin , trèsé
fidèles, au temps de la persécution, alâuissant' empereur, vous qui êtes
de porter secours aux martyrs qui u ’une race juste ,dont le père a été le
avaient été jetés dans les risons. ou seul entre les empereurs‘ ‘qui nÎait
Ayant donc déclaré que le si ,ge épis '- point exercé la persécution, que,
,eopal de Carthage était vacant, les («puisque la Gaule est exempte de ce‘
membres du concile procédèrent à une ‘à crime, vous nous ‘fassiez donner des
nouvelle élection. Il choisirent pour ’« juges de Gaule, pour" les différends
évêque Majorin, attaché à la maison ‘a que nous avons en Ai‘riqne avec les
de Lucilla, et qui n'avait jamais rempli 7« autres évêques. Donné par‘Lucien,
dans l'Église que les fonctions de lecteur. « Digne, Nassutius, Capiton, ' Fidena,
Pour favoriser cette élection, Lucilla '« tius et les autres évêques du parti 'Mæ
distribua de grosses sommes d’argeut, « jorin. n L'empereur ayant reçu ces mé
qui ne furent point données aux pau moires avec la relation d’Anulin , lui
vres, commeon le prétendit alors, mais écrivit d’envoyer Cécilien et‘ses adver
à tous les ennemis de Cécilien. A par saires, chacun avec dix clercs de son
tir dehcet instant, il y eut donc deux parti, pour se trouver à Rome dansle}
4':
.«
AFRIQUE CHRÉTIENNE. 21
second jour d'octobre, et y êtrejugés par sentèrent un mémoire d'accusations
‘des évêques. Auulin exécute cet ordre, donné contre lui par ceux de son parti;
et en rendit compte à l'empereur, qui sous ce prétexte , ils prétendaient que
écrivit aussi au ape Miltiade et aux tout le peuple de Carthage l'avait ac
évêques de Gan e et d'ltalie, pour cusé. Mais les juges n'eurent point d'éc
s'assembler à Rome le même jour, et gard à ce mémoire, parce u‘il ne con
leur envoya tous les mémoires et les tenait que des cris confus ’une multi
papiers qu'Anulin'lui ‘avait envoyés tude, sans accusateur certain. Ils de
sur ce su‘et. La lettre au pape est aussi mandaientdes témoins et des personnes
adressée Marc, que l’on croit être ce qui voulussent soutenir l'accusation en
lui qui fut pape après saint Silvestre. leurs noms; mais ceux que Donat et les
L'empereur y dit: J'ai jugéà propos que autres évêques du parti de Majorin
Cécilhen aille à Rome avec dix évêques produisirent comme accusateurs et
de ceux qui l'accusent, et dix autres comme témoins , déclarèrent qu'ils n'a
qu'il croira nécessaires pour sa cause; vaient rien à dire contre Cécilien.
afin qu'en présence de vous, de Réti « Ensuite Cécilien accusa Donat d’a
cius, de Materne et de Marin , vos col voir commencé le schisme à Carthage
lègues, à qui j'ai donné ordre de se du vivant de Mensurius, d'avoir rebap
rendre en diligence à Rome pour ce tisé , d'avoir imposé de nouveau les
sujet, il puisse être entendu comme mains à des évêques tombés dans la per
vous savez qu'il convient à la très sécution. Enfin, dit-il, Donat et ses
sainte loi. Réticius et les deux autres collègues ont soustrait les accusateurs
étaient les évêques de Gaule. et les témoins, qu'eux-mémés avaient
c Cécilien avec les dix évêques ca amenés d'Afrique contre moi, tant leur
tholiques , et les dix de l'autre parti, qui calomnie était évidente. Donat confesse
avaient à leur tête Donat des Cases qu’il avait rebaptisé ot imposé les mains
Noires, se trouvèrent à Rome au jour aux évêques tombés, et promit de re
nommé; et le concile s'assemble dans présenter les personnes nécessaires à
le palais de l'impératrice Fausta, cette cause , qu'on l‘accusait d'avoir
nommé la maison de Latran, ce même soustraites. Mais après l'avoir promis
jour,- second'd’octobro 313, ui était deux fois, il se retira, et n'ose plus
un vendredi. Le pape Miltia e prési lui-même se présenter au concile, crai
dait; ensuite étaient assis les trois gnant que les crimes qu’il avait confes
:‘évêques'gaulois : Réticiul d‘Autun, sés ne le lissent condamner présent , lui
Materne'de Cologne, Marin d‘Arles; qui était venu de si loin pour faire con
puis quinze évêques italiens : Mérocles amner Cécilien. Le second jour, quel
‘de Milan, Stemnius de Rimini, Félix ques-uns donnèrent un libelle de dénon
de Florence, Gaudence de Pise. Pro ciation contre Cécilien. On examine
terius de Capoue, Théophile de Béné les ersonnes qui l’avaient donné , et les
vent, Savin de Terracinysecond de che s d'accusation qu'il contenait; mais
Preneste , Maxime d’Ostie , ‘et quelques ilne se trouva rien de prouvé. Le troi
autres, faisant en tout dixmeut‘ évé sième jour, on examine le concile tenu
ques , le pape compris. L'ordre de cette à Carthage par soixante-dix évêques
séance est remarquable, particulière qui avaient condamné Cécilien et ses
ment en ce querles trois évêques gau ordinateurs. C'était le grand fort de ses
loisy tiennent le premier rang, et ‘adversaires : ils faisaient sonner bien
ne, entre les Italiens, les év ques haut ce grand nombre d'évêques; et
‘Ostie et de Preneste, quoique suf qu'étant tous du pays, ils avaient jugé
fragants du pape , n'ont point de rang avec grande connaissance de cause.
particulier. On travailla trois jours du Mais Miltiade et les autres évêques du
rant'avec des notaires qui rédig'eaient concile de Rome n'eurent aucun égard
en même temps les actes , c’est-à-dire le au concile de Carthage, parce que Céci
procès-verbal. Le premier jour, les ju lieny avait été condamné absent et sans
‘ses informèrent qui étaient les accusa être entendu. Or, il rendait de bonnes
teurs et les témoins contre Cécilien. raisons pour ne s'y être pas présenté. Il
Les évêques du parti de Majorin prés’ savait que ces évêques avaient été appe
22
165 à Carthage par ses‘advers‘airés, qu’ils son avis, selon la coutume, et le pape
logeaient chez eux , et concertaient tout Miltiade‘ conclut l’action, disant le sien
avecîzux. Il savait les menaces de Pur en ces termes ,2 Puisqu’il est constant
urius , évêque de Lima'te, dont la vio que Cécilien n’a point été accusé pal‘
ence était connue. Les évêques du coli ceux qui étaient venus avec Donat,
cile de Rome jugèrent donc que tout ce comme ils l’avaient promis , et qu’il n'a
qui avait été traité en ce concile de été convaincu par Dona't sur aucun
Carthage était encore en ‘son entier : chef, je suis d’avis qu’il soit conservé
savoir, si Félix d'Aptonge était tradi en tous ses droits, dans la communion‘
teur , ou quelque autre de ceux qui ecclésiastique. Nous n’avons pas le
avaient ordonné Cécilien. Mais ils‘ trou reste dé la sentence sur les autres chefs‘.
vèrent cette uestioli difficile et inutile. Le pape etles autres évêques rendirent
Elle était di cile, parce qu’il ÿavait compte à l'empereur Constantin de ce
des témoins à interrovér, des actes à jugement, lui e‘nv‘o ant les actes du
examiner, et que Cécihen accusait ses concile, et lui maud rent que lès'acc'llè
accusateurs du même crime, d’avoir sateu‘rs .de Cécilien étaient aussitôt re-'
livré les saintes Écritures , à cause du tournés en Afriqiie. Le pape Miltiade
concile de Cirta où ils l'avaient cotiä ou Melchiade mourut trois mois après;
fessé. D’ailleurS, il était inutile d'exa le dixième de janvier, l’an 314(1). »
miner si Félix était traditeur, puisque, nsroun DE non“ si! ne cécitlifl
quand il l'eût été, il ne s’ensuivaît as’ EN, Aramon; s'urra uns TROUBLES;
que l’ordination de Cécilien fût nul e : LES noix/tristes bsnAnnsN-r LA ni‘
car la maxime était constante, qu’uri VISION nu JUGEMENT Qui LES A con
évêque, ‘tant qu'il était en place sans DAMN’ÉS A. nous; DÉCISION ne cous
‘être condamné ni déposé par un juge. n'iv'fin; CONCIÎÆ D’ÀnLss. —- Après
ment ecclésiastique , pouvait légitimes sa condamnation, Donat des‘ Cases-Non
ment faire des ordiuatio‘ns et toutes les res demanda l'autorisation de retournét
autres Fonctions épiscopales'. Les ëvde en Afrique; il. s’engageait à ne point
ques dü concile de Rome crurent dohc rentrer dans Cart ‘age. D’autre part,
ne deiiiir point toucher à cette ques en vue de la paix, éciiien re ut ordre
tion‘; ‘dépeund’exciter de nouveaux de ne point quitter I’ltalie et eséjou‘r
tro" ‘les daiis l’l‘lglise d’Afrique, aulieu 'ner à Bi'escia. Deux évêques‘ l'ùrenten}
de àÿacifier. lis déclarèrent Céc'iliéil voyés » alors comme commissaires à
iniiocent et approuvèren‘tsoñ ordiüaä ,Cartlia ‘e, pour notifier au clergé et au
tion; mais ils ne séparèrent pas de leur peuple , a sentence que le concile de
communion les évêques ‘qui __avaiérït Rome avait promul uée. Ils étaient
condamné Cécilien , m ceux qui avaient chargés en outre de site une enquête
été envoyés pour l’accuser. Donat des etde transmettre à l'empereur le résul
Cases-Noires fut le seul qu’ils 'coridam‘é tatfde leurs observations. Optat, évêque
nèrent. comme auteur de tout le n'ia‘l catholique, qui âcrivit plus tard l’his
convaincu de grands crimes, par sa toire .du schisme es dôii ‘tistes’, assure
propre confession. On lai'ssa le choix qu’apres un long et niré'xamen les
aux autres de demeurer dans leurs ‘sié: commissaires Eunomiu‘s et, Olympius
ges, quoique ordonnés par Majorin hors donnèreh tencore une fois gain de cause
de l’Eglise, à la charge de renoncer au àCéÎc'lien. Ce fui: sur cés éntrefaites
schisme. En sorte que dans tous les que läonat malgré ses promesses, re
lieux où il se trouverait deux‘ évêques , .vlutà' Ca hage; Cécilien, de son côté,
l’un ordonné par‘Cécilien , l’auti‘e’ par se hâte de quitter Brescia, où on l’av‘ait
Majorin , on conserverait celui;qui se
'rait ordonné le premier, et on pourvoi (i) Fleury; Hui. ecclésiasl. liv. x, t. III. p.
rait l’autre d’une autre Église. Voilà le 2s. -— Tillemont; mémoires pour servir (1 MM.
jugement‘flu concile de Rome, où l'on eccle’s, etc.. t. VI, p. 31 et suiv. — Bérault
voit une iscrétion singulière et un Bercastel; Miel. de l'Église; t. Il ._p. 13 et suiv.
— Voy. aussi M. de Potier; Hzsl. du chris
exemple remarquable de dispense contre tianisme. etc., époq. l, Ilv. V1, ch 3; I. Il,
la rigueur des règles pour le bien de la p. I130 et suiv. -— Morcelli (.ljrica chris
paix. En ce concile , chaque évêque dit tiana ,l; ad au. 813; I. Il, p. 209.
AFRIQUE CHRÉTIENNE. 28
relégué et de reprendre possession de consacré par des évêques traditeurs ,
son siége épiscopal. ne furent point établis sur des preuves.
L'assemblée des évêques réunis’ à Les Pères du concile d’Arles prononcè
Rome n’avait rien terminé, et, à l’arria relit donc en faveur de Cécilien une
vée, eu Afri ne, des deux chefs de pare sentence d’absolution. Avant de se sé
ti, les quere les‘ recommencèrent. Les parer, ils adressèrent à l’évéque de
donatistes disaient qu'on les avait cons Rome‘ une lettre où on lisait ces mots :
damnés à Rome , sans avoir pris cons c Au bien-aimé pape Sylvestre, tous les
naissance de tous les faits qu’ils avaient évêques, salut éternel dans le Seigneur.
allégués, et avec une. extrême préci 'ia Unis ensemble ar le lien de la charité
tation. Ils rappelaient. pour exetnp e, et par l'unité e notre mère l'Église
que Félix, l'évêque d’Aptonge, tradi-' catholique, après avoir été amenés en
teur suivant eux , n'avait point été mis‘ la ville d’Arles par la volonté du très
en cause. Constantin, pour les satis ieux empereur, nous vous saluons de
faire, ordonna aux magistrats de l’A à, très-glorieux Père, avec la vénération
frique de juger Félix. Ce fut Êlien, le qui vous est due. Nous y avons eu à
proconsul , qui‘ résida a l’interroga; supporter des hommes em ortés et per
toire. Après de on ues et minutieuses nicieux à notre loi et à— a tradition;
recherches, ‘qui étab irent dans tout son mais l'autorité présente de notre Dieu,
‘our, au témoignage des écri vans catho la tradition et la règle de la vérité les
iques, l‘innocence de l’accusé, le juge‘ ont repoussés de telle sorte, qu’il n’y
impérial déclara que Félix n’était point avait de consistance et d’accord , ni dans
un traditeur. V leurs discours, ni dans leurs accusa
Les donatistes ne se laissèrent pas tions, ni dans leurs preuves. C'est pour
abattre par cette nouvelle sentence. Ils quoi, par lejugement de Dieu et de
s’adresserent encore à l’empereur, qui, lEglise, notre mère, laquelle connaît
‘pour pacifier une de ses plus belles pro’ les siens et les approuve, ils ont été
v1 nces, usa de patience et soumit de nou ou condamnés ou repoussés. Et plût à
veau l’affaire a un concile. Les lettres de Dieu, bien-aimé frère, que vous eussiez
convocation tiraient à Arles le lieu de assisté à ce grand spectacle: vous-même
l'assemblée. Cécilien et ses accusateurs‘ jugeant avec nous, leur condamnatioii
n'étaient pas les seuls membres du en eût été plus sévère, et notre joie plus
clergé d’Afrique qui fussent appelés grande (1). n Les membres du concile
dans les Gaules. Ils devaient être assis ne s'étaient point seulement occupés de
tés, aux termes des lettres impériales ,_ Cécilien et de ses accusateurs, ilsavaient
d'un certain nombre d'évêques appelés encore fait divers règlements relatifs à
de la Tripolitaine, de la Byzacène, de la discipline générale de l'Église. Néan
la Proconsulaire, de la Numidie et des moins, parmi ces règlements, il en est
Mauritanies. Nous‘ savons que Chres plusieurs qui montrent que les évêques
tus, évêque de Syracuse, les accompa étaient vivement émus par le grand dé
na. bat auquel ils avaient assisté et qui font
8 Le concile s’ouvritle premier du mois une allusion directe aux querelles qui
d’août de l’année ‘314. On com tait dans agitaient l’Afrique : « Ceux, dit le con;
l'assemblée seize évé ues gau ois, deux cile , qui sont coupables d’avoir livré les
Bretons (ceux d’Yor et de Londres), Ecritures ou les vases sacrés, ou dé
et plusieurs qui étaient venus de l‘_Italie noncé leurs frères, seront, dé osés de
et de l'Espagne. L'évêque de Bonté, l’ordre du clergé, pourvu qu‘i s soient
saintSylvestre,étaitré résenté ardeux convaincus par des actes publics, non
prêtres, Claudien et “tue, et eux dia ar de simples paroles. S'ils ont conféré
cres, Eu ène et Cyriaque. On‘ examina es ordres a un homme digne d'ailleurs ,
d’abord ’affaire de Cécilien. Les deux l'ordination sera valable. » Et plus
faits qu’on ne cessait de lui reprocher, loin : «4 Parce que plusieurs résistent
à savoir, de s'être opposé par violence, àla règle de l’Église, et prétendent être
à l'époque de la persécution, aux chré
tiens qui portaient de la nourriture aux (1) Rohrbacher; Hist. univers. de l’Égl. ca
martyrs emprisonnés , et d’avoir été thol.; t. V1, p. 22e
.24
admis àaccqser avec des ‘témoins _cor noncé, ils protestèrent contre sa sen
rompus . par argent, qu’ils ne soient tence. Constantin répondit cette fois à
point reçus en leurs demandes. Ils de— leurs protestations par la menace des
.vront prouver, au réalable, par des ac peines les lus sévères. Déjà, il avait
tes pu lics, cequ’i s ont avancé. n Enfin reoomman é à Celsus, ' son vicaire,
on lit dans les actes du concile : u Ceux dans une lettre que saint Optat nous
qui accuseront faussement leurs frères a conservée , de procéder à. l'égard ‘des
ne recevront la communion qu'à la donatistes avec une extrême sévérité. Il
mort (1). v . .1 avait annoncé, en même temps, ne
Le concile d’Arles n’éteignit point, lui-même se disposait à passer en A ri
en Afrique,les passions et les bains. Le que pour trancher toutes les diflicultés
schisme continua. Les donatistes, per et opérer, s'il en était besoin, par la
sévérant àse croire mal jugés, interje force. la pacification d'une des portions
tèrent appeldes deux sentences qui les les plus importantes de son empire.
avaient condamnés ; ils s‘ad ressèrent di Celsus se conforme aux ordres qu'il
rectement à l’empereur, le priant d’exa avait reçus. Il poursuivit les donatistes
miner lui-même et de prononcer dans et bannit d'Afrlque les hommes les plus
leur cause. Vivement irrité de cette de. marquants du parti (1).
mande, qui tendait ä olon et la dis ‘Les dispositions de l’emperenr inci
cussion et les uere les, onstantin tërent sans doute les catholiques à la
s'emporta contre es donatistes, et leur persécution , et. plus d’une fois , ils eu
reprocha leur opiniâtreté et leur audace. rent recours pour combattre leurs ad
Neanmoins, il résolut de tenter encore versaires, non plus à la discussion, mais
une fois la voie des conciliations. Il à la violence. Les magistrats, de leur
évoqua à son tribunal la cause qui lui vcôté, essavèrent , en usant de rigueur,
était soumisehet par un jugement pro de com la'ire'à Constantin._ Cette con
noncé à Milan,en 315, il confirma l’ar duite, cm d’étouffer le schisme, ne fit
rét porté contre les donatistes dans les‘ que _raviver les haines. ‘Les’ donatistes
conciles de Rome et d'Arles (2). se laissèrent emporter par le désir de la
Mesures nmounsusss Pnrsns PAR vengeance ‘Z sous des chefs énergiques,
CONSTANTIN eoN'rnn LES DONATIS sous Menallus et sllvanus, ar exemple‘
ras; LUTTES 31‘ “verres; LES cin ils opposèrent la force à a force; ils
coNcELmoNs. — Constantin, comme s’em arèrent, comme à Constantine (2).
nous l'avons dit, même en promettant des eglises et résistèrent ouvertement
aux donatistes d'écouter leur plainte aux catholiques et à l'empereur. La sé
et de les juger, avait donné un libre vérité des édits portés contre eux ne
cours à sa colère. Son emportement les arrêta point-,_ leur zele ne fit que
avait du faire prévoir aux ennemis de s'accroître, et bientôt dans les classes
Cécilien une nouvelle condamnation. inférieures qui embrasserent, en géné
Néanmoins, quand l'empereur eut pro ral , la cause du schisme, ce zele prit le
caractère d'un violent et sombre en
(l) Labbe; ConciL. t. 1, col. 1727 et I728. On housiasme.
trouve dans ce recueil non-seulement les canons
d‘u concile d’Arles. mais encore les lettres de 4- Ce fut alors que se montrèrent les
Constantin. ' premières bandes de circorwelliom (8).
(2) Voy. sur le concile d‘Arles et sur les éve
nemenls qui le précédèrent et le suivirent jus (l) En 321, sur la requête des donatistes, ceux
qu'en l’année “6 , indépendamment des conci iavalent été bannis à cause du schisme et
les et des auteurs anciens , saint Optat, saint es troubles qui l'avaient suivi. furent autorisés
Auguslin et l-ïusebe (Oplat. milev. de sclusm. à rentrer en Afrique. Constantin romit même,
‘Don. I, 25 et sq q. —- 5. Aug. epilst. 50 mi sur la demande qui lui en avait 6 faite . de ne
8071.; eplst. 182 ad Glor. Bleus. ; epist. let. ad point contraindre les dissidents il communi
Genen; elpist. losad Donat.;elc., etc. '— Euseb. quer avec Oécillen. Voy. Fleury; mu. ,eccle‘a,
llist. etc 23., X, 5); 'I‘illemont; Mematrer pour t. llLCp. 76, et Moreell ad au. 321.
uruLrà l’hixl. ecclésiasL, elc., t. V I. p. 50 cl. suiv. (2) était Cirta. Elle quitta alors son ancien
— Fleury; Hist. eccles., t. lll. p.1}? et suiv. — Bé nom pour celui de Continuum.
I'aull-Bercastel; mu. de l’lîglue; t. il, p. ID Êa) MoreeuuAjric. chrisL. t. n, p. me)
et suiv. — Bohrbacher; l. e. -- Potier; t. II. di , à propos des événements qui s'accompli
p. 135; —- et surtout Morcelll, ad an. au, au. rent en en : ortum habitue anime-alliance,
m5 et 316. C’est Morcelli que nous avons suivi fur-ion‘ illi danatislarum satellites, pardi“:
pour‘. la date_du auîement rendu 3 Milan; sima fezdpopuli et agrutium lalmum mul
Voy. 4h. éhmt, . I, p. 218 et 2x1. mudo a omne jacmus congregata. — En
AFmQUF. CHRÉTIENNE. 2:
La querelle entre Cécilien et ses enne célèbres de leurs chefs , de se livrer à
mis avait eu, dans toute l'Afrique, un de graves désordres. Ils s’abandonnaient
grand retentissement. Les populations (et cela est inévitable dans les grandes
s’étaient divisées. Les classes inférieu réunions où l’on ne trouve ni frein, ni
res, excitées pard‘ardentes prédications, règle) à la débauche et à tous les excès.
se rangèrent volontiers du côté de ceux Ils pillaîent, brdlaient, massacraient.
qui se sentaient d'avoir seuls traversé, Les choses en vinrent à ce point que
avec courage , les temps de la. persécu lesdonatistes eux-mêmes qui les avaient
tion et d'être sortis de la lutte sans suscités implorèrent, pour les réprimer,
souillure; et par une conséquence né l'assistance des officiers impériaux. On
cessaire , elles déclarèrent une guerre à envoya des troupes contre les circon
mort aux catholiques qu'on leur dési cellions; mais il s’écoula bien des an
gnait comme impurs, comme traditeurs. nées avant le retour de l’ordre et la sou
Les chefs donatistes réglèrent sans doute mission complète, en Afrique, des po
'les remiers mouvements des hommes pulations insurgées(1).
u‘i s avaient soulevés. Mais bientôt ils CARACTÈRE nu scnismn pas ne
rent dépassés : les esclaves, les colons, narrsras ET DU SOULËYBMENT nus
les ‘petits propriétaires ruinés par le cmconceLLioNs.-—- Ledonatisme, dit
fisc que, pour leur vagabondage autour M. Saint-Marc Girardin (2), n’est point
des lieux habités, on appela circoncel une hérésie , c’est un schisme; car les
lions, formèrent des bandes semblables donatistes croient ce que croit.l'Église
à celles qui parcoururent, au moyen âge, catholique; seulement, selon eux, les
sous des noms divers, l’Allemagne, la traditeurs ont souillé la ureté du ca«
France, I’Angleterre, l’Espagne et l’i ractère épiscopal; ils ont interrompu la
‘talie. Ces circoneellions ne s'inquiéte descendance spirituelle des apôtres. Ne
rent point seulement, il faut le dire, de cherchez ici aucune des subtilités fami
la querelle qui séparait Donat de Céci lieres aux hérésies de la Grèce ou de
lien; comme ils appartenaient presque l’orient. L’esprit africain est à la fois
tous à la classe oppriméevet souffrante, simple et violent, et il ne va pas jusqu'à
ils‘ voulurent une réorganisation sociale l’hérésîe :il s'arrête au schisme; mais
et tentèrent'd‘établir, en ce monde , ce il met dans le schisme un acharnement
e, sous le fouet du maître et au mi singulier. il y a peu d’hérésies qui soient
lieu des plus rudes travaux, ils avaient nées en Afrique. L’arianisme n’ vint
appelé si souvent de leurs vœux, à sa qu’avec les Vandales, et encore ‘aria
voir, le règne d'une parfaite égalité. Ce. nisme, tel ce le professaient les Gotbs
pendant, c'est le côté religieux qui do— et les Van ales, n'était pas l’arianisme
mine danscette grande insurrection. Les subtil, tel que l’orient l’avait connu ,
circoncellions, qui se donnaient le nom disputant sur la consubstantialité du
de saints, se crurent chargés d'une mis (l) Les circonceilions se dissipèrent, il est
sion divine. S'opposer à eux,c’e'tait, dans vrai; mais les croyances qui avaient soulevé
leurs idées, résister à Dieu même; donc, les populations devaient survivre a l'insurrec
périr dans la lutte, c’était acquérir des tion armée. Pendant longtemps ‘on vit en
Afrique des hommes errer çà et la , dans les
droits à la félicité éternelle. Dans leur campagnes, pour perpétuer, au sein des classes
farouche enthousiasme , ils recherché opprimees. la doctrine sociale et religieuse qui
’rent avidement le ‘martyre. lls s’of les avait si vivement agitées. Ces hommes. or
la plupart, étaient engagés dans les or ‘res,
fraient, par troupes , au fer de leurs en et tous. ils a arteuaient au parti donatisle.
nemis, et quand on refusait de les C’est a ces p icateurs errants , appeles'aussi
frap r, ils se tuaient eux-mêmes. La clrconcellions, que s’appllque la note insérée à
le pa e 34 de notre Histoire de la dommalwn
rigl ité deleur doctrine ne les empêche des andules eut-Afrique. . u
point, sous Maxida et Fasir, les plus Nous renvoyons encore ici, pour ce qui con
cerne les donatistes et les circoncelllons, aux
effet . l’insurrection dut s'organiser au moment renseignements bibliographiques rassemblés
mémeou. pour obéir aux ordres de Constantin, ar J. C. Ludw. Gieseler. Voy. Lehrbuch des
les magistrats de I‘Al‘ri ue commencèrent l Eiælængeschichte; t. I, p. 323, 324 et 325;
sévir contre les donntis es. Fleury ( t. III. p. 0 I7 et suiv. _ _
SI?) et quetques autres historiens ont reporté (2) M. saint-Marc Glrardm; l'A que sous
a l'année au et même plus tard. a tort sui saint Anguslin. Voy. la Revue des en: Mati
vant nous, l'apparition des drooneeiiiom. des ; le septembre I842; p. 987.
26
Père et du Fils ; s’était un arianisme plus qui sont naturelles à cette sorte d’hom}
simple et plus à la portée de l‘esprit des mes. Ils haïssent les maîtres et les
barbares, qui faisait du Père et du Fils riches , et uand ils rencontrent un
deux dieux, dont l’un était plus grand maltre mon sur son chariot et entouré
et plus puissant que l’autre. Les héré de ses esclaves, ils le font descendre,
sies africaines, et elles sont en petit font monter les esclaves dansle char
nombre , n’ont jamais rien de subtil et
de milice. Leseéli‘col'es, dont saint Au-v
et forcent le maître à courir à pied ; cai
ils se vantent d’etre ven'us o'ur rétablir
gustin parle quelque part, nesont qu'une l'égalité sur la terre, et il: appellent
secte qui penche vers le déisme primi les esclaves à la liberté :' tout cela, au
tif des Juifs, et semblent être en Afri nom, disent-ils, des principes du chris
que les précurseurs lointains du ma: tianisme, qu’ils dénaturent en l’exa ‘é
hométisme. rant, et dont surtout ils n'ont pas ès
«1 Les do'n'atistes' africains n’ont ni mœurs. Ôtez-leur le fanatisme , ce sont
avec le judaïsme. ni avec le mahomé ‘les Bagaudes de la‘ Gaule , de soiltlü
tisme aucuheanalogie de (dogmes, car ancêtres de la 'Jacqiierie ;,c’est la vieillê
ils ne contestent aucune des croyances guerre entre l’escla've et le maître, eii:
chrétiennes; mais ils cm avec ces deux tre le riche et le pauvre’; seulement
religions une grande ressemblan’œ exté cette guerre a pris la marque de l'Afri
rieure. C’est la même allure de fana que : ce ‘sont des nomades; ‘- et la‘
tisme, c’est le même goût pour la force marque du temps : ceso'iit des bandes
matérielle. Les donatistes ont, comme fanatiques. C’est le fanatisme, en 'efi'e‘t,
tous les partis, leurs modérés et leurs qui leur donne un caractère à Ils
zélés; les modérés, ui s'appellent sur‘-v sont cruels contre eux-mêmes et èüiitre
tout les donatistes; es’ zélés, qui sont les autres; ils se tüetit avec une facilité
les cîrconcellions. Les donatistes sont incroyable , alid , disent-ils,‘ d’étl'é nu.
les docteurs’ et les diplomates du parti; tyrs' et de monter au ciel‘. Ils‘ tuéht lès
ils désavouent l’usage de la violence; autres-sans plus de scrupule, en comble
ils font des requêtes aux empereurs; nantd’affrcuses' tortures, pleines des
ils inventent dhabiles chicanes pour‘ raffinements de la cruauté africaine.
échapper aux arrêts rendus contre leur Parfois cependant, ils s"_lhqu‘lètent dë
schisme; ils écrivent contre les doua savoir s’ils ont le droit de se tuer, et
teurs catholiques; ils les calomnient et alors ils forcent le premier venu à les
les insultent. Ils ne‘ sont du reste ‘ni frapper, afin de ne‘ pas compromettre
moins obstinée, ni moins ardents que le mérite du martà're par le péché du
les cir'c'o'ncelIions. Ils se déclarent les suicide. Malheur, u resté, au voyageur
seuls saints,‘ les seuls purs, les seuls‘ qui refuserait de leur réter sa ma ri pour
catholiques. Les circoncellion'snsont les tuer! Il périrait ui-mêliie sous les
l’armée et le peuple du parti, et ils re coups de leurs longs bâtons , q‘u’lls op;
résentent, dans le donatisme, l’Afrique pellent des israélites à moins qu’il n’ait
arbare, comme les donatistes repré a présence d’esprit d’un jeune homme
sentent l'Afrique civilisée. Les circon de la ville de Madaure, ui renconti'a
cellions sont des bandes nomades qui un jour une de leurs ban es. ces fana:
se mettent sous un chefet parcourent le tiques avaieht'résolu depuis lusieurs'
pays. Ils font profession de continence; jours d’étre martyrs, et, se on leur
mais le vagabondage amène la débauche usage, imité des gladiateurs, ils s’é
dans leurs bandes. Le but de leurs taient. avant leur mort, livrés à tous
courses est de faire reconnaître la s'ain les plaisirs de la vie, et surtout aux
teté de leur Église; aussi leur cri de plaisirs de la table. Ils cherchaient donc
guerre est : Louanges à Dieu (Laudes avec impatience quelqu’nn qui les vou
Deo), cri redouté, car, partout où il lût tuer. A l'aspect de ce jeune homme,
retentit, il annonce le pillage et la mort. ils coururent à lui avec de grands cris‘,
Comme les circoncelhons sont 'la ‘plu et lui présentèrent‘une é ée nue, le me
part des esclaves fugitifs ou des labou naçant de l’en percer s’i ne voulait as
reurs qui ont renoncé au travail pour les en plercer eux-mêmes. a Mais, dit le
s’enfuir au désert, ils ont les haines jeune omme, qui me répond, quand
AFRIQUE CHRÉTIENNE. 21
j'aurai tué deux ou trois d'entre vous, l'Afrique a gardée sous toutes les do
e les autres ne changeront pas d'i-g minations. ‘ Dans le donatisme, cette
ée, et ne me tueront pas? Il faut‘ originalité a été jus u'au schisme en
donc que vous vous laissiez lier. 1: Ils y religion; et elle se ra liait volontiers à
eonsentirent, et, une fois bien liés , Il la révolte en politique (1). v
les laisse sur le chemin et s'enfuit. surranxs 'rnounuts; vauvas un
« Les circoncellions représentent, tuivns na CONCILIATION; CONCILB
dans le donatisme, les mœurs de l'A na CAITHAGE. -— Dans cette lutte
frique barbare; mais il y a dans le do acharnée des donatistes contre les ca
natisme quelque chose qui caractérise tholiques ou, comme disaient les dissi
I'Afri ne en général : c'est l'esprit d'in dents, contre les traditeurs, il y eut,
dépen ance à l'égard des empereurs; par un accord tacite, des instants de ré«
c'est la haine de l'unité, soit de l'unité pit et des trêves. Le rappel des exilés
temporelle de l'empire,'soit de l'unité donatistes, en 321, semble indiquer un
religieuse de I'Eglise...... - ralentissement dans la lutte et un affai:
Plusloin, M. Saint-Marc Girardin dit blissement dansles haines. Cet état
encore (1) : c Quand on écarte de la dis de choses dura d'abord jusqu'en 326,
cussion entre les donatistes et les ortho année où, suivant Morcelli (2), finit
doxes tout ce qui est déclamation et in l'épiscopat de Cécilien. On put croire
i'ure, on voit que le principal grief contre un instant que fa guerre allait recom
c donatisme , c'est qu'il a rompu l'unité mencer; mais le repos de l'Afrique ne
catholique. De ce côté. le refrain du fut pas troublé. Les catholiques choi
chant rimé de saint Augustin résume sirent Rufus pour évêque; ce fut pro
fort bien les reproches qu'il fait aux bablement à la même époque que les
donatistes: dissidents procédèrent à l'élection de
Omnes qui gaudetis de pace, Donat (3). On serait tenté de croire que
Modo verum judicate.
La paix, c’est-à-dire l'unité, voilà le
sentiment et le principe que saint Au (0 Cette appréciation du schisme des do
natistes et du soulèvement des circoncellions
ustin atteste contre les donatistes. C'est nous semble profondément vraie. Cependant
la en effet le, sentiment qui leur répua nous devons dire que nous n'acceptons point
gne, c'est par là u'ils sont rebelles; ils sans réserve toutes les opinions de M. Saint
Marc Girardin. Nous croyons. par exemple,
n‘ontavec les art odoxes aucun dissen ne cette phrase : L'esprit africain. est a la
timent dogmatique; seulement ils veu ÿois simple et violent , et il ne va pas jux u’à
lent faire une Église à part. lln' a point l'hc‘n’sie; il s'arréle au schisme, conlien un
jugement trop absolu. Nous nsons, -— et
avec eux de controverse théo ogique, ici nous invoquons l'autorité de tous les
car ils disputent sur des faits plutôt que historiens ecclésiastiques, - que les bére
sur des opinions. Dans le donatisme , sies Gt eu sur l'Afrique, si l'on peut s'ex
primer ainsi, plus de prise que ne le croit
ce n’est oint comme dans la lupart M. Saint-Marc Girardjn. D'autre part, l'es rit
des hérésies, l'indépendance de 'esprit africain , suivant nous, se prêtait volont ers
humain qui en est cause, c'est l'indé aux profondes méditations et à la controverse;
et dans, la’ d' mission il se distinguait leur ‘a
pendance de l'Afrique; et, ce qui achève tour ‘ r la igrce de la dialectique et par la
de le prouver, c'est que les tentatives dé suhti ‘té. C'est un iaitque l'on peut constater
révolte que font quelques gouverneurs dans les ouvrages detom les Africains, qui
écrivirent depuis Tertullien jusqu'a saint
d'Afrique, entre autres le, comte Gel Augustin. Seulement. dans ces ouvrages, ce
don en 397 , sont a‘ppuïées par les do qu'il a de logique, d'ingénieux, de delic, de
natistes. ils sont les a liés naturels de subti :, disparail sous l'exagération de la for.
me, sous l'enilure des mots. Il semble même
quiconque veut rompre l'unité de l'em ' ue l'Afrique ait communiqué l'esprit des
pire dans l'ordre politique, ‘comme ils iscussions habiles au x étrangers, aux barbares,
veulent la rompre dans l'ordre reli exemple , qui fréquenlerent ses. écoles et
qui étudierent ses œuvres littéraires his
gieux..... - ' toriques et philosophiques. Nous rappel erons
Enfin il ajoute(2) : - Le donatisme est, ici, comme preuve. le nom de Tlirasamund,
au quatrième et au cinquième siècle, un de ce roi vandale qui était théologien, non
int ala manière du fameux roi des Franks,
témoignage expressif de l'originalité que g‘i’lpéric, mais a la manière (les Byzantins.
(2) Africa chrisliuua;ad an. 326 et 327.
(I) M. Saint-Have Girardin; Ibid. p. 900. Voy. l. ll, p. 230 M23].
(2) id. lbid. p. 992. (3) Ce fut cet évêque et Donat des Cases
28 ' -r""î"'
les deux nouveaux élus songèrent d’a entraîner par la colère jusqu’à proférer
bord à remédier aux maux de l‘Eglise des injures contre l'empereur devant ses
et que leurs premiers soins eurent pour deux représentants. Donat de Bagaîa
but d’opérer entre les deux partis un fit plus encore : il appela à son aide les
sincère rapprochement. C’est, à notre bandes non encore anéanties des cir
sens , l'explication du concile que, sui concellions, souleva la population des
vaut le témoignage de saint Augustin, villes et des cam agnes, et s‘appréta
les donatistes ouvrirent à Carthage, à résister par la orce aux ordres de
en l’année 328 (1). Ce qui prouvela force Constant. Paul et Macaire n’hésitèrent
du schisme. c’est que l’on vit accourir, point : ils s’adressèrentÿ, en vertu de
de divers lieux, dans ce concile, deux eurs instructions, au comte Sylvestre,
qui mit des soldats àleur disposition.
cent soixante-dix évêques. Des scènes de violence ne tardèrent pas
Les membres de cette grande réunion
tentèrent les voies de la conciliation. à éclater de toutes parts, et la guerre
commença; mais elle ne fut pas de Jon
Ils se relâchèrent de leur rigorisme et gue durée. La victoire- resta bientôt
déclarèrent qu’à l’avenir ils communi aux délégués impériaux. Ceux-ci ne
queraient volontiers avec les traditeurs, trouvant plus de résistance poursuivi
sans les soumettre à un second baptê rent les dissidents avec une grande ri
me. On en vit plusieurs qui, comme l’é gueur. Les évêques donatistes furent
véque Deuterius, de la Mauritanie si
chassés de leurs sièges , exilés ou tués.
tifienne, observèrent fidèlement ce qui Les persecuteurs. que du nom du plus
avait été décrété; et ce fut à ces hommes
violent de leurs chefs on appela Maca
que l’Afrique dut la paix dont elle jouit riens , ne s’arrêtèrent que sous le règne
encore pendant quelques années.
LA LUTTE BECOMMENCE; PEBSÉCU de l’empereur Julien.
TION MACARŒNNB. —— Vers l’année Au moment même (349) où Paul et
348. la lutte recommença. Quelle fut Macaire venaient de vaincre les schisma
la cause de cette guerre nouvelle? on tiques ar la force des armes, Gratus
l’ignore. Les écrivains catholiques pré assemb a à Carthage un concile , où sié
tendent que l'obstination et les violences
èrent les évêques catholiques de toutes
de Donat, évêque schismatique de Car es provinces de l’Afrique. Le but des
Pères qui vinrent à ce concile était prin
thage, et d’un autre Donat, évêque de
Baga‘ia, ranimèrent les anciennes dis
cipalement de condamner les donatis
cordes (2). L'empereur Constant avait “35 mimes?‘ , .
envoyé en Afrique deux ofliciers, Paul L EMPEREUR JULXEN; BEACTION. —
Julien voyait avec joie les schismes et
et Macaire.l qui avaient our mission les hérésies qui déchiraient I’Eglise. il
d’apaiser dans cette contr les q rel ne cherchait point à terminer les diffé
les religieuses. Les dissidents co ais rends , à étouffer les haines. Il laissait
saient sans doute à l’avance les disposi pleine et entière liberté à tous les aÿi
tions des deux délégués impériaux et
leurs rapports avec Gratus, évêque ca tateurs, persuadé qu’en définitive es
tholique de Carthage. Paul et Macaire querelles entre chrétiens nuiraient plus
au christianisme que la plus rigoureuse
avaient à peine touché les côtes de l’A et la plus sanglante des persécutions.
frique que les donatistes se soulevèrent
contre eux ..de toutes parts. Donat de En Afrique, Julien devait donc re
Carthage , suivant saint Optat , se laissa
constituer contre l’orthodoxie le parti
puissant que les macarien: avaient pres
Noires qui, comme nous l’avons vu plus que anéanti. Il rendit la paix aux do
haut , donnèrent leur nom aux dissidents. natistes persécutés depuis quatorze ans ,
(l) Morcelli< Afric. christ. ); ad an. 328.
Voy. t. ne
(2) il il .faut
p. 232.
pas oublier u'il ne nous reste (1) C'est le premier concile de Carthage dont
sur les querelles religieuses e l’Afrique que les nous ayons les canons. -— Morcelli a rassem
écrits des catholiques. le devoir d’un historien blé avec un grand soin, sur cette période de
impartial est de n'admettre qu’avec une extrême l'histoire du schisme. tous les renseignements
réserve les accusatlonsgorlées contre les dissi contenus dans les anciens documents . et princi:
dents, même par saint plat et saint Auguslin. paiement dans les ouvrages de saint Opial et
Les donatistes ont beaucoup écritdans le cours de saint Augustin. Voy. Afric. christ. (ad au.
du IV', siècle ; mais leurs livres ne sont pas'ar 348 et sqq.); t. il, p. 247 et suiv.
rivés jusqu'à nous.
AFRIQUE CHRETIENNE. 29
et, par cette mesure seule, il les releva. illustres deces adversaires, il fautcomp,
Les schismatiques obtinrent de rappe ter assurément Optat, évêque de Mi
ler leurs évêques qui avaient été bannis lève. c Parménien, évêque donatiste de
et de rentrer en possession de leurs Carthage et successeur de Donat dit
lises. On peut à peine se faire une Fleury, ayant écrit contre I’Égl ise,_
i ée de la réaction qui se lit alors. Les plusieurs catholi ues avaient désiré une
évêques et les prêtres donatistes , accom conférence des eux artis : mais les
pagnés de nombreux soldats , se jetèrent donatistes l'avaient re usée, ne voulant‘
sur les églises , s'en emparèrent de vive pas même parler aux catholiques ni apo.
force et massacrèrent ceux qui voulaient procher d'eux , sous prétexte de ne pas
les défendre. Ils se portèrent aux plus communiquer avec les pécheurs. Optat‘
odieux excès, pillant et tuant, et n'é ar répondit donc par écrit a Parménien , ne
gnant pas même les vieillards, les em le pouvant faire autrement. 1» Dans les'
mes et les enfants qui tenaient au parti sept livres de son ouvrage (1), l'évêque
de leurs persécuteurs. Tout ce qui avait’ de M ilève se propose de défendre con
servi‘ au culte des catholiques, ils le tre les schismatiques l'unité de l’ '
repoussèreut et, dans leur fureur, glise et de repousser toutes les accusa
ils n’hésitèrent point à jeter l’Eucharis tions Eortées parles donatistes contre
tie aux chiens. Le désordre fut porté lescat cliques, qu'à la lin du IVe siècle
au comble, non point seulement dans ils appelaient encore traditeurs. Optat
le pays qui avoisinait Carthage, mais ne se borne as à discuter : comme le;
encore dans la Numidie et dans les Man. schisme des onatistes reposait tout .enà.
ritanies. . tler , en queläe sorte , sur cette ques
A la nouvelle de tant de violences, tion de fait: 'cilien et les évê ues ca
Julien et ceux qui dans les diverses gar tholiques, ses partisans , ont-ils ivré les
ties de l'empire n'avaient point a an Écritures, au temps des persécutions ?.
donné les doctrines du olythéisme, sont-ils traditeurs? il remonte à l'ori
durent éprouver une gran e oie; mais gine des dissensions et raconte. Il op
le triomphe des donatistes ut court. pose des faits aux faits allé ués par ses
Les édits‘de Valentinien ramenèrent adversaires. C'est ainsi qu en combat.
bientôt pour les schismatiques de l'A tant Parménien, il mêle la narration à
frique le temps de l'exil et de la persé la discussion et suit , jusqu'à son temps,
cutlon (l). l'histoire des luttes religieuses de l'A
’ SAINT orrx'r, ÉVÊQUE m: mnizva; frique. Suivant Fleury (2), Optat‘écrivit
POLÉMIQUE nNran LES Écnrvarrvs son ouvrage sous Valentinien (364-375).
cunotlquas ET LES ricnrvxms n04 Comme nous l'avons dit, la violente
NA'IISTBS; Lor ne VALENTINIEN. — réactîon des donatistes contre les ca
Depuis l'origine du schisme, une polé tholiques cessa avec le règne de Julien.
mique vive, ardente, s'était engagée Les schismatiques _ne pouvaient dé
entre les écrivains des deux Égli sormais espérer l'impunité pour leurs
ses. Elle dura pendant près d'un siècle‘ excès. Les empereurs'qui succédèrent à
sans interruption. Presque tous les ou Juli‘èn n'auraient pas tardéà réprimer
vrages qui furent composés alors et qui > en Afrique les désordres que, par un
se rapportent aux querelles religieuses sentiment de haine contre toutes les
de l'Afrique sont perdus aujourd'hui. c mmunions chrétiennes, le restaura
Nous n'avons rien des donatistes. tei r du paganisme pouvait seul tolérer.
Nous ne- connaissons les opinions des Mais les donatistes avaient à peine mis
schismatiques africains et les arguments un terme à leurs vengeances, que les
qu'ils employaient dans la discussion catholiques, à leur tour, se relevèrent et
que parles ouvrages de leurs adversaires. réclamerent l'assistance du ' pouvoir
Parmi les plus vigoureux et les plus impérial pour vaincreleurs adversaires.
_(|) Inde ndamment des ouvr de saint (l) uelquel auteurs ont pensé que le sep
0ptat(de chimLDonaLll, 19;‘! ,‘Zet sqq) et 11ème ivre n'avait pas été écrit par Oplat. »
de saint Au ustin (nous faisons surtout a lu (2) Fleury; llist. mm. t. IV, p. 226 et suiv..
sion ici a la ettre 166, al. les, ad Donatùt.), Voy. aussi sur saint Optat : Rohrbacher; met.
voy. sur cette réaction : Fleury, t. IV, p. 67 et univers. de l'Église catholique, l. Vil, p. Il)’: et
suiv: Potter, t. il. p. “2. suiv.
30
Valentinien leur vint en aide; cepen Ce fut aussi vers ce temps qu'il se laissa
dant ce ne fut u’au mois de février de séduire par la doctrine des manichéens.
l'année 373 u’i promulgua, à Trèves, Augustin , après avoir achevé ses
une loi par a uelle uiconque, parmi études, revint encore à'l‘agaste , où il
les évêques ou es pr tres , rebaptisai't', enseigna successivement la grammaire
était condamné et déclaré indigne du et la rhétorique. Mais la petite ville où
sacerdoce: cette loi, qui atteignait les il avait pris naissance n’était pas à ses
donatistes , fut adressée au proconsul yeux un théâtre où il pût se produire
d’Afrique , Julien. il est vraisemblable avec éclat et acquérir, comme maître,
toutefois que, dans les intentions de la gloire que sans dopte il avait rêvée.
l'empereur, elle était applicable aussi Il quitta donc Tagaste et reprit le
aux partisans que les schismatiques chemin de Carthage. ,Il reparut comme
africains avaient rencontrés à Rome professeur dans les écoles de cette ville;
et en Espagne. Les donatistes ne se mais il n’y fit pas un long séjour. Il se
laissèrent point abattre par le décret de décida à passer lamer, et, trompant
Valentinien; la sévérité des lois impé la vigilante tendresse de sa mère, il
riales ne fit sans doute que raviver leur s’embarqua pour l‘ltalie et vintà Rome.
haine contre les catholiques et les af Là, il continuaità étudierles hilosophes,
fermir dans le schisme. lorsque la ville de Milan emanda au
suN'r AUGUSTIN; ses conneries préfet Symmaque un professeur de
usn'rs ; n. qui!“ n'auront; ;sÉJoUn_ rhétori ue. Sur la puissante recomman
A nous 31 A mua; sa couven dation es mapjchéens , et après avoir,
sroiv (1). -- Au moment même où l’évêy au préalable, prouvé sa capacité par
que de Milève, Optat , achevait son ou _un discours , Augustin fut désigné aux
vrage, saint Augustin, qui devait être citoyens de Milan. Nous devons remar
l’adversaire le plus redoutable des dg‘ quer ici que , déjà à cette époque, Au
natistes, commen ait à paraître avec gustin n'avait plus confiance en la doc
éclat dans
naquit les éco
en 354, _es de ’Afrique.
à Tagastc, petite vil e tripe des m'amche’ens ; ses rapports et
ses discussions avec les- hommes les
de la Numidie. Patrice, son père , était lus influents de la secte , avec l’évéque
un des hommes notables de la cité; il auste surtout, avaient jeté le doute
faisait partie du corps des décurions. dans son esprit; toutefois il ne s’était
Sa mère, qui exerça une si grande in pas encore séparé ouvertement de ceux
lluence sur sa vie,et ui tint une si dont il avait été pendant plusieurs an
grande placedans ses a fections , s’ap nées le sincère partisan.
pielait Moniquea Il étudia d’abord à En 384, il se rendit à Milan, où arri
adaure; puis, il revint à Tagaste; vèrentbîentôt Monique sa mère etdeux
delà il seirendit à Carthage, .où il acheva hommes, comme lui originaires de l’A
ses études. Ce fut dans les écoles jus frique , et qu’il chérissait entre tous,
tement renommées de la capitale de Al plus et Nebridius. C'était dans cette
l’Afrique, qu'en lisant les traités de vil e que devait commencer pour Au
Cicéron , il se prit d’un vif amour pour gustin une vie nouvelle. ‘
la philosophie. Il se mit dès lors avec Son esprit, en proie depuis si long
une ardeur sans égale à la recherche temps à l incertitude, et qui avait cher
de la vérité. Il voulut connaître fâes ché en vain la vérité, soit dans les livres
ouvrages où sont exposés les dog es de Cicéron et des académiciens, soit
fondamentaux du christianisme; mais dans le système (les manichéens, se fixa.
le style des saintes Écritures devait Les vœux ardents de Monique , les ser
rebuter un homme qui étudiait assidû mons de saint Ambroise, et plus encore
ment Cicéron et les auteurs qui avaient les ouvrages de Platon, qu’il lut dans
vécu à la belle époque de la latinité. Il une traduction latine , mirent fin a tou
laissa donc de côté les livres chrétiens. tes ses irrésolutions.‘Platon, comme il
l’avoue, lui fit entrevoir la vérité tant
(l) Pour toute cette ‘partie biographique de désirée. Puis, les saintes Écritures, qu’il
notre travail nous avons toujours en sous les
yeux les Confessions et la Vie de saint Augus étudia alors avec attention et avec ar
tm écrite par Possidius. deur, achevèrent de lui dévoiler ce qui
AFRIQUE CHRÉTIENNE. s1
n'apparaissait encore que d’une ma deux livres: l’un surla Morale et les
nière vague et confuse, même dans la mœurs de l'Église catholique, l’autre
plus sublime des doctrines de la philo sur la Morale et les mœurs des mani
sophie grecque. Il voulut être sincère chéens. Le résultat de cette comparai
ment chrétien. " son. on le conçoit aisément‘, est tout
Pour se préparer avec plus de re entier à l’avantagede l’Église catholique.
cueillement au baptéme ,Augustin cessa Augustin ne se contenta pas de montrer
d'enseigner et se retira dans une mai au grand jour‘ la corruption des mani
son de cam agne avec sa mère et Adéo chéens; il les attaqua dans un des
dat, lils del une'des femmes nombreuses points fondamentaux de leur système ;
qu’il avait aimées. Il fut suivi dans sa et en examinant cette question: D’où
retraite par ses amis les plus chers. Ce vient le mal P il combattit la doctrine
fut la qu'à la suite de doux et graves des deux principes, l'un bon, l’autre
entretiens, il composa plusieurs ouvra mauvais , qu’ils admettaient. Ce fut
- es. qui sont ‘parvenus Jusqu’à nous. Il sans doute cette controverse qui le
crivit d’abord contre les académiciens; conduisit à écrire son traité du Libre
puis il fit les deux traités de la Vie heu arbitre. En faisant au libre arbitre, dans
reuse et del’ordre. Il commep aussi tous les actes, une large part (beaucoup
les soliloques. u’il complété, pËs tard pluslarge que celle qu’il lui accorda plus
par le traité de Immortalité de Mme. tard , dans la lutte contre Pélage et
Peu de temps après, il composa encore Célestius),il réfutait encore la doctrine
deux trait'és:celui'de la Grammaire, ui des deux princi es.Il n'acheva ce dernier
n’est point arrivé jusqu'à nous ,‘et ce ni traité qu’en A rique, où il arriva enfin
de la lllusiq'iæ, qui ne fut achevé qu’en dans les derniers mois de l’année 388.
Afrique. Au printemps de l’année 387, Il demeura quelque temps à Carthage;
il revint à Milan , où il fut baptisé avec puis, il revintà Tagaste, où il vécut, pen
Adéodat, son fils, et Alypius, son'ami, dant trois ans e'nviron, dans une pro
par saint Ambroise. fonde retraite. Il yacheva son ouvrage
" AUGUSTIN QUITTE MILAN; IL Psnn de la Musique. Il composa à la même
sa liane ; SÉJOUR ABOME; n. REVIENT époqueles deux livres de la Genèse, des
ms AFBIQUB; LU'rrns comme LES tinés à réfuter l’opinion des manicliéens
uAnrcmânNs ET LES noNa'rIsrss; sa sur l’Ancien Testament , le livre du Mai
instaure; IL EST NOMME successi tre, qui est un dialogue entre lui et son
VEMENT même et ÉVÊQUE me L'É fils Adéodat,et le traité delq Vraie rec
GLISE n’nrrrona. — Augustin . après ligion. Il sortit enfin de la retraite, et
son baptême, prit la résolution de re sur la demande d’un de ses amis qui
tourner en Afrique‘. Il quitta Milan, et voulait quitter le siècle et désirait ar
accompagné de sa mère et de son fils, il demment le voir et l'entendre , il vint à
se dirigea vers le ort d‘0stie. Il atten Hippone. Il y fut retenu malgré lui , en
dait le'moment e s’embarquer, lors quelque sorte, par les vœux du peu le;
que Monique fut prise d'une fièvre qui et ourl’attacher àson église, lév que
lemporta 'en neuf jours, Augustin res Va ère l’ordonna prêtre, en 391. Le
dernier lien qui unissait Augustin ‘au
sentit à la mort de sa mère une violente
douleur qui bouieversa pour un ins monde avait été rompu par la mort.
tant tous ses projets. Il ne songea rématu rée d’Adéodat. Aussi, dès qu’il
plusàl’Afriqueet,d’0stie,ilvintàRome, ut entré dans les ordres sacrés , il re
où il séjourna endant plus d’une an- . doubla d’austérités, et sa vie fut encore
ñée. Il ne cherc ait plus alors à briller plus retirée u’à Tagaste. Il fonda un‘
dans les écoles; il voulait, avant tout, monastère ou il rassembla autour de
mettre au service de la doctrine qu’il lui ses amis les plus chers, Alypius, Evo—,
venait d’embrasser les connaissances dius et Possidius. Il ‘ne sortait de sa re
qu’il avait acquises et son éloquence. Il traite que sur les ordres de Valère , son
attaqua l’hérésie avec force, etpar une évêque, our instruire le peuple tou
réaction naturelle chez un nouveau con jours avi e de l'entendre.
verti , il combattit d‘abord ceux dont il La réputation d’Augustin était déià
avait partagé les erreurs. Il composa grande à cette époque. Les évêques s'a
32
dressaient volontiers à lui pour lui de la classe opprimée qui avait été ga
demander des prières et des conseils. gnée presque tout entiers à la cause du
D'autre part, il exerçait sur le peuple schisme.
qu’il instruisait une autorité sans hor Ce fut vers cette époque que Valère,
nes. Ainsi, jusqu’à son temps, les évêques accablé d‘ans et d’inlirmités, choisit Au
s’étaient en vain opposés dans la ville à gustin pour coadjuteur et le litnom
certaine fête qui entralnait à sa suite mer évêque d‘llippone.
la débauche et de graves désordres. 'rnavxux n‘AuGusnN DANS L'ÉPts
Un concile même, tenu à Hippone en cocu‘; IL connu‘ LES m'tnssxns; sa
393, n’avait pu abolir les vieux usages. BÉPU’I‘ATION s’srsnn AU LOIN. — L'é
En 394, la parole seule d’Augustin fut piscopat ne changea en rien la vie d’Au
,plus puissante ne les décrets du con gustin. Il sortit , il est vrai , du monas
cile et que les ex iortations des évêques ; tère qu’il avait choisi pour asile; mais,
elle lit cesser la fête populaire. au milieu du monde auquel il devait dès
Au milieu des occupations nombreu lors se mêler , il conserva les habitudes
ses que lui imposait sa qualité de pré austères que depuis. sa conversion il
tre, Augustin trouvait encore le temps s'était imposées. Seulement son activité
de servir I’Église ar ses ouvrages. Il devint plus grande et le cercle de ses
écrivait son traité e I’Utiiité de croire , travaux s’agrandit. Il faisait au peuple
pour ramener à la foi un de ses amis de fréquentes instructions, visitait ou
appelé Honorat, et son livre des Deux accueillait tous les citoyens d‘llippone
âmes, pour réfuter les manichéens. Il qui réclamaient son assistance, et in
attaqua encore ces derniers, en 394 , en tervenait comme juge et comme média
soutenant contre l’un d'eux , Adimante, teur dans les différends qui s’élevaient
que l’Ancien et le Nouveau Testament entre les membres de son Église.
n’étaient pas opposés l'un à l’autre , et On conçoit à peine qu’au milieu d'oc
que là même ou ils semblaient se con cupations si diverses et si nombreuses .
tredire, il était facile de les concilier. Augustin ait trouvé pour écrire quelques
Il entrait aussi volontiers en conférence instants de loisir. Cependant dans les
publique avec les ennemis de sa doc premiers temps de son épiscopat, il
trine; c’est ainsi qu’en 392 il discuta composa le Combat chrétien et le livre
pendant deux jours contre le prêtre de la Croyance aux choses qu’on ne voit
manichéen Fortunat, qui s’avoua vaincu. pas. Un peu plus tard, vers 397, il
Mais en Afrique ce n'était point le mani reprit la lutte contre les manichéens, et
chéisme qui avait porté les plus rudes réfuta d’abord la lettre de Manès . ap
coups à l'unité de l’Église; le catholi pelée I'Epitre du fondement ,- puis, il
cisme avait dans cette contrée des ad lit ses Trenle-trois livres contre Fauste.
versaires plus puissants et plus nom Les ariens fixèrent aussi son attention,
breux, les donatistes. Les partisans du et il commença, pour les combattre,
schisme dominaient dans un grand ses quinze livres de la Trinité. Il écri
nombre de provinces. Dans une deleurs vait aussi à la même époque le plus
réunions à Bagaia , on compta plus de connu de tous ses_ouvrages, les Con
quatre cents évêques dissidents. Augus fassions.
tln tourna bientot tous ses efforts con Tant d’activité et de science portèrent
tre ces redoutables ennemis. Il essaya au loin la ré utation d’Augustin. On
d’abord de ramener, par la persuasion, le consultait e toutes parts. Pour lui,
les donatistes nombreux qui se trou il ré ondait avec un zèle infatigable
vaientà Hippone; puis il composa une aux amandes qu’on lui adressait. Ce
sorte de chanson populaire où il racon fut ainsi qu’au milieu des grands tra
tait l’histoire du donatisme. Il méla au vaux que nous venons d’éuumérer, il
récit une réfutation du schisme. La composa pour Deogratias, diacre de
forme qu'il avait adoptée dut contribuer l’Église de Carthage, un traité sur la
singulierement à propager son œuvre. manière d’instruire les ignorants , et
Ses idées étaient mises ainsi à la portée qu’il fit (vers 397) deux livres pour ré
detous, et pouvaient aisément pénétrer soudre certaines questions qui lui
dans les villes et les campagnes, au sein avaient été soumises par Simplicien,
AFRIQUE CHRÉTIENNE. B3
évé ne de Milan et successeur de saint les lettres de Pétilien , évêque donatiste
Am roise. Le dernier de ces deux li de Cirta ou Constantine.
vres mérite une sérieuse attention. il L’Eglise catholique d’Ai‘rique, aussi
y expose dé'à clairement, à propos de bien qu’Augustin, avait repris courage
ccspa’roles el’Apôtre, « Qu'avez-vous et force. Elle multi lia alors les con
gué vous n’ayez reeu? » cette doctrine ciles. Les Pères se reunirent une fois à
e la grâce qui annihilait complètement Hi pone; mais en généralCarthage était
le libre arbitre, et qu’il devait pousser le iieu fixé pour les assemblées. En 398,
Jusqu’à ses dernières conséquences, on compta dans la capitale de l’Afri
dans sa lutte contre Pélage. que, sous la présidence d’Aurélius, deux
LES DONATISTES; LEURS DIVISIONS; cent uatorze évêques. La question
LIVRES DE SAIN’! AUGUSTIN; CONCI du schisme était toujours agitée dans
LES. — Mais alors Augustin était sur ces grandes réunions, et les Pères ne se
tout occupé par ses discussions contre séparaient jamais sans avoir promulgué
les donatistes. L'occasion était bien quelques canons contre les donatistes.
choisie pour combattre le schisme. De— nsemens VESTIGES DU POLYTHÉIS
puis plusieurs années dé'à, l'église do m: EN AFRIQUE; LE TEMPLE ne JU
natiste était en proie à c randes di NON-CÉLESTE; POLÉMIQUE DE SAINT
visions. Vers la fin du sièc e, les 0 i AUGUSTIN comas LES miens. -— Le
nions de‘Ticonius, qui fut parmi es schisme et l’hérésie n’étaient pas les
dissidents, suivant saint Augustin lui seuls ennemis que l’Eglise catholique et
méme , un éloquent et savant docteur, saint Augustin eussent à combattre en
fournirent un nouvel aliment aux que Afrique. Le paganisme avait laissé dans
relles et aux dissensions. La .mort de cette contrée une profonde empreinte.
Parménien, évêque donatiste de Car Dans les Mauritanies, la Numidie, la
thage., acheva de désorganiser le schis Proconsulaire , la Byzacène , à Carthage
me. Primien, qui fut élu , vers l’an 392, même, on trouvait-encore, au commen
avait excommunié un de ses diacres, cement du V" siècle , de nombreux ado
Maximien. Ce dernier, pour se venger, rateurs des anciens dieux. Les temples
se lit un parti, et occupa par la force le avaient été fermés , il est vrai , par ordre
sige de celui qui l’avait condamné. de Théodose', mais la sévérité des lois
Deux conciles se prononcèrent contre im ériales n’empéchait pas les païens de
Primien; mais un troisième, qui se tint se iivrer, comme par le passé, aux pra
à Baga'ia, prit sa défense et déclara cou tiques de leur religion, et ils ne cessèrent
able Maximien et ses adhérents. Ce fut ' point dans les jours solennels de se ras
à l’occasion d'une guerre où prim'ianis sembler pour faire des'sacriflces. La plus
tes et maæz‘mianisles montrèrent une célèbre et la plus vénérée de toutes les
extrême violence. ‘ divinités de l’Afrique était l’Astarté
Il faut encore ajouter à ces deux par des Phéniciens. La race punique n'avait
tis , dont le premier dominait à Cartha point été anéantie tout entière au mo
- ge, dans la Proconsulaire et la Numidie, ment où Scipion avait renversé 'l’an
et le second, dans la Byzÿacène, celui cienne Carthage. Parmi les hommes de
des rogatz'sfes, qui l’emportaient par cette race, beaucoup échappèrent alors
le nombre sur tous les autres dissi au fer des Romains ou à l’esclavage, et
dents, dans la Mauritanie césarienne. continuèrent à vivre sur la terre d'Afri
Augustin voyait avec joie toutes ces que. Les descendants des Phéniciens se
divisions. Elles lui fournissaient, dans soumirent, il est vrai, aux lois des vain
ses conférences avec les évêques dona queurs; mais ils ne perdirent pour cela
tistes, avec Glorius et Fortunius, par ni leur caractère national ni les tradi
exemple , aussi bien que dans ses écrits tions de leurs ancêtres. lls conservé
contre le schisme, des arguments sans rent leurs dieux et leur culte, et les rap
réplique. Ce fut vers l'an 400 qu'il com porlèrent dans la colonie de Caîus
posa trois livres pourrél‘uterune lettre de Gracehus, où ils relevèrent le tem le
Parménien adressée à Ticonius; sept d’Astarté. Il était dans la politique es
livres sur la question tant controversée Romains, non de combattre les croyan
du baptême , et trois livres enfin contre ces religieuses des vaincus, mais de les
AFB. cnné'r. 3
34
adopter, ou plutôt de les combiner avec blé, pour ainsi dire, lpour le protéger
leurs propres croyances. Ainsi, ils es et le défendre, tout e genre humain
sayèrent de concilier le culte d'Astarté dans son vaste empire. Tant que notre
avec celui de leurs divinités , et sous le religion a régné sans partage, l’em ire
nom de Junomcéleste ils adorèrent la romain n’a pas rétrogradé et nul ar
déesse phénicienne. Le temple de Ju bare n’a franchi impunément ses fron
non-Céleste fut, au temps de l'empire , tières. Qu'est-il arrivéaprès le triomphe
le plus riche et le plus révéré de Carv du christianisme? l'empire a été en
thage : Théodose le fit fermer en 391. proie à d’effroyables calamités; il a été
Un peu plus tard, l'évêque Aurélius en sans cesse harcelé, envahi, ravagé,
prit possession et le dédia au Christ. amoindri par les populations barbares.
Mais après cetteconsécration , les païens Nos dieux se sont vengés, et il semble
(c'étaient sans doute des hommes de même qu'ils aient fait éclater particu
race punique et les derniers descendants lièrement leur colère à l'égard des em»
des carthaginois) ayant osé pénétrer pereurs partisans et protecteurs du
dans son enceinte pour y renouveler en christianisme. Y eut-il jamais une fa
l’honneur d’Astarté leurs sacrifices et mille plus malheureuse que celle de
leurs cérémonies, il fut renversé de fond Constantin? il faut donc attribuer si no
en comble (i). tre religion les anciennes prospérités
L’empereur Honorius, dans son zèle, de l’empire, et au christianime tous les
ne se borna pas à persécuter en Afri maux qui nous accablent‘. Voilà le
que le polytheisme oriental, grec ou ro grand argument que firent valoir sou
main; il envoya aussi dans les diverses vent avec une haute éloquence, comme
provinces des officiers qui avaient pour Libanius et Symmaque, les défenseurs
mission de détruire, comme cela se lit du polythéisme. La prise de Rome,
avec éclat dans la Mauritanie, les par alaric, en 410, sembla justifier
images des dieux adorés par les po es raisons des païens. Le coup qui avait
pulations indigènes. Mais les païens frappé la ville éternelle eut dans toutes
étaient encore nombreux et puissants les provinces un long retentissement.
sous le fils de Théodose, et plus d'une Il y eut alors bien des hommes qui, dans
fois ils opposèrent une vive résistance des instants de doute et de décourage,
aux édits impériaux. A Suffëte, par ment, furent tentés d'attribuer au chris
exemple, dans la Byzacène, ils massa tianisme les calamités de l’empire.
crèrent soixante chrétiens qui avaient Ce fut au milieu de ces grandes ca.
brisé une statue d’Hercule. tastrophes que se mirent à l'œuvre Paul
‘lis écrivirent aussi pour défendre Orose et Augustin : l'un composa son
leurs croyances; et parmi eux il se Histoire, l'autre sa Cité de Dieu. Tous
trouva des hommes instruits et éloquents deux ar des voies diverses tendaient
qui firent une rude guerre au chrisv au m me but. Ils voulaient raffermir
tianisme. Ce fut l’iiifatigable Augustin leurs frères qui chancelaient, amener à
qui, oubliant alors pour un instant la foi ceux qui ne croyaient pas en
le schisme et l’hérésie, se chargea de ré core, et pour cela ils sefforcèrent de
futer les doctrines du polythéisme. De. montrer à tous les yeux combien étaient
puis longtemps les païens faisaient vaines les accusations que le polythéisme,
valoir contre la religion chrétienne un aigri par sa récente défaite et le senti
argument qui pouvait ébranler les igno ment de son impuissance, avait portées
rants. ils isaient : Quand nos dieux contre le christianisme victorieux.
étaient adorés, il y avait sur cette terre, LES DONATISTES soiv'r PoUBsUivIa
pour les hommes , bonheur et sécurité. avec ACHABNEMENT; CONCILES Dz
C’est avec l’assistance de ces dieux CARTBAGB; coivriânaivces ne L'AN
que Rome a conquis le monde, qu'elle 4! i ; CONDAINATION nns DONATISTES;
l'a soumis à ses lois et qu’ellea rassem LB 'IBIBUN minceLLiN; Loi n’iloivm
mus. -— Quels que fussent les travaux
(i) Voy. sur la religion des carthaginois , le d’Augnstin, ses yeux et son attention
temple d Astarlé et la persistance deJa race pu ne se détournaient jamais des donatis
nique en Afrique, noire Histoire de Carthage,
p. H9, H5 et les. tes. L’extinction du schisme était sa
AFRIQUE CHRÉTIENNE 35
grande affaire et, en cela , il se confor nées pour la religion catholi ne, ‘et
mait à la pensée de tous les catholiques l'empereur lui donne ouvoir e prenc
de l'Afrique. Il arriva un moment où dre entre les officiers u proconsul, du
ceux-ci, poussés par le vif désir d'opé vicaire, du préfet du prétoire et de tous
rer la réunion des deux Églises, recou les autres juges, les personnes néces
rurent au mo en extrême d'invoquer saires pour l'exécution de sa commis
l'intervention u pouvoir temporel. En sion. Le rescrit est daté de Ravenne,
404, les Pères d'un concile rassemblé la veille des ides d'octobre, sous le
à Carthage s’adressèrent à l'empereur consulat de Varane, c’est-à-dire le ua
pour obtenir de lui aide et appui dans torzième d'octobre 4l0........ Le tri un
eur lutte contre le donatisme. Dès lors Marcellin étant venu à Carthage donna
ils ne cessèrent plus d'implorer son as son ordonnance, par laquelle il avertit
sistance. Honorrus accueillit leurs de tous les évêques d’Afrique, tant catholi«
mandes, et pour obéir aux instructions ques que donatistes, de s’lv trouver dans
qu'ils avaient reçues de Ravenne, les of uatre mois, c’est-à-dire e premierjour
ficiers qui gouvernaient l'Afrique trai e juin, poury tenirun concile. Il charge
tèrent les partisans du schisme avec tous les officiers desvilles de le faire sa,
une excessive rigueur. Mais ce fut sur voir aux évêques et de leur signifier le
tout vers 410 que l'empereur donna rescrit de l'empereuret cette ordonnan
aux catholiques des preuves éclatantes ce. Il déclare, quoiqu'il n’en eût pas d'or
de sa bienveillance. dre de l'empereur, que l'on rendra aux
Il y avait longtemps qu'on voulait évêques donatistes qui promettront de
amener les évêques des deux Églises à s'y trouver, les églises qui leur avaient
discuter , dans une conférence publique, été ôtées selon les lois, et leur permet
les motifs de la séparation. Depuis Théo de choisir un autrejuge, pour être avec
dose, les catholi ues désiraient ardem lui l'arbitre de cette dispute. Enfin il
ment cette con érence. lls l’offrirent leur proteste avec serment qu’il ne leur
plusieurs fois aux donatistes. Ceux-ci, fera aucune injustice, qu’ils nesouffri.
prévoyant les résultats qu'entraînerait ront aucun mauvais traitement, et re
inévitablement à sa suite une condam tourneront chez eux en leine liberté.
nation sous des empereurs qui leur Il défend cependant que ‘on fasse au
étaient ouvertement hostiles , repousse cune poursuite, en vertu des lois pré
rent jusqu'en l'année 410 les proposi cédentes. Cet édit était du quatorzième
tions des catholiques.Alors quelques des calendes de mars, c'est-‘a-dire du
uns d'entre eux se laissant entraîner seizième de février 411, en sorte que
acceptèrent la discussion publique. Les les quatre mois, à la rigueur, échéaient
catholiques et l'empereur Honorius se le seizième de mai ; mais par indugence
hâtèrent de profiter de ces dispositions, il donnait jusqu'au premier de juin.
et un rescrit émané de la chancellerie Les évêques donatistes se rendirent à
impériale enjoignit aux évêques des deux Carthage au plus grand nombre u'ils
Églises de se rendre à Carthage. « Ce purent, pour montrer que les cat oli
rescrit, dit Fleury , fut adressé à Fla ques avaient tort de leur reprocher leur
vius Marcellin, tribun et notaire, di etit nombre. La lettre que chacun de
gnité alors considérable. C'était un eurs primats envoya, selon la coutume,
homme pieux et ami de saint Jérôme et à ceux de sa province, et que l'on nom
de saint Augustin, comme il paraît par mait Tractoria, portait ue, toutes af
leurs lettres. Le rescrit ordonne que faires cessant, ils se ren issentà Car
les évêques donatistes s’assembleront thage en diligence , pour ne as perdre
à Carthage dans quatre mois, afin que le p us grand avantage de eur cause.
les évêques choisis de part et d'autre En effet, tous y vinrent, excepté ceux
puissent conférer ensemble. Que si les que la maladie ou l'extrême vieillesse
donatistes ne s'y trouvent pas, après retint chez eux , on arrêta en chemin:
avoir été trois fois appelés, ils seront dé et ils se trouvèrent environ deux cent
ossédés de leurs églises. Marcellin est soixante et dix. Ils entrèrent à Carthage
abli juge de la conférence, ur exé ‘le dix-huitième de mai, en corps et en
cuter cet ordre et les autres ois don procession , en sorte qu’ils attirèrent les
3.
86
yeux de toute la ville : les évêques ca Enfin, le moment de comparaître et
tholiques entrèrent sans pom e et sans de discuter arriva. Alors les donatistes,
éclat, mais au nombre de eux cent qui se défiaient de Marcellin et de ses
quatre-vingt-six. Quand ils furent tous vingt assesseurs laïques, et qui se
arrivés, Marcellin publia une seconde croyaient sans doute condamnés à l'a
ordonnance, où il avertit les évêques vance, élevèrentd ifficultéssur difficultés
d'en choisir sept de chaque côté pour pour arrêter la conférence. D’abord Pe
conférer, et sept autres pour leur servir tilien de Cirta contesta au délégué im
de conseil en cas de besoin , à la charge périal le droit de siéger dans uneréu
de garder le silence, tandis que les pre nion d'évêques et de décider dans une
miers parleraient. Le lieu e la con question purement religieuse. Puis ,
férence, ajoute-t-il, sera les thermes les prélats donatistes demandèrent à
Gargiliennes. Aucun du peuple, ni même assister à la discussion, non plus au
aucun autre évêque n'y viendra, pour nombre fixé parMarcellin, mais en corps.
éviter le tumulte. Mais avant lejour de Ces débats préliminaires durèrent long
la conférence tous les évêques de l’un temps, il est vrai, mais ils ne firent
et de l'autre parti promettront par leurs as perdre de vue aux catholiques le
lettres , avec leurs souscriptions, de ra ut qu’ils s'étaient proposé. Ils enta
tifier tout ce qui aura été fait par leurs mèrent la discussion; ils parlèrent du
sept députés. Les évêques avertiront le schisme en général; ensuite ils abordè
peuple, dans leurs sermons, de se tenir rent la question de fait depuis un siècle
en repos et en silence. Je publierai ma controversée qui concernait Cécilien et
sentence, et l'exposerai au jugement de son élection. On lit dans les documents
tout le peuple de Carthatîe : je publierai contemporains que les donatistes ne pu
même tous les actes de a conférence, rent répondre aux arguments de leurs
et, pour plus grande sûreté, je souscri adversaires. « Enfin le tribun Marcellin
rai le premierà toutes mes paroles, et dit :Si vous n'avez rien à dire au con
tous les commissaires souscriront de traire, trouvez bon de sortir, afin que
même aux leurs, afin que personne ne l’on puisse écrire la sentence qui pro
puisse nier ce qu’ilaura dit (i). n _ nonce sur tous les chefs. Ils se retire
Pour plus de sûreté encore, Marcellin rent de part et d'autre; Marcellin dressa
choisit, dans chaque parti, quatre évê la sentence, et ayant fait rentrer les
ues char és de surveiller la rédaction parties, il leur en fit la Iecture.llétait
des actes e la conférence. Puis, il s'oc déjà nuit, et cette action finit aux flam
cupa de maintenir à Carthage la tran beaux quoiqu’elle eût commencé dès le
quillité publique. L’aflluence des étran point du jour, et que ce fut le huitième
gers devait être grande alors dans cette de juin. Aussi les actes en étaient très
ville déjà si populeuse; toutefois rien longs, et contenaient cinq cent quatre
n’indique que des désordres y aient vingt-sept articles. Il nous en reste deux
éclaté. Les évêques exhortèrent le peu cent quatre-vingt-nn , c’est-à-dire jus
ple à la modération et à la paix, mais ques à l'endroit où saint Augustin com
nul, il faut le croire, n'exerça plus mençait à traiter la cause générale de
d'autorité sur la foule que saint Augus l'Église. On a perdu le reste, qui con
tin. Dans ces circonstances solennelles tenait plusieurs actes importants et cu
l'évêque d’Hippone était accouru pour rieux; mais saint Augustin nous en a
donner à l'Église dont il était déja de conservé la substance et nous avons la
puis longtemps un des plus fermes sou table entière des articles, dressée par
tiens, l’appui de son érudition, de son un officier nommé Marcel, à la priere
éloquence et de son nom. Quand en. eut de Severien et de Julien. La sentence
réglé l'ordre de la conférence, les catho du tribun Marcellin ne fut proposée en
liques le mirent au nombre de leurs sept public que le vingt-sixième de juin. Il
commissaires, lui ad'oignant ses amisles y déclare que comme personne ne doit
plus chers : Alypius eTagaste, Possîdius être condamné pour la faute d'autrui,
de Calame et Aurelius de Carthage. les crimes de Cécilien, uand même ils
ni!) Fleury ;' Hier. eccle‘s. , t. V , p. en , 320 et auraient été prouvés, n auraient porté
aucun préjudice à l'Église universelle;
AFRIQUE CHRÉTIENNE. 37
qu’il était prouvé que Dona était l'au personne ne fait point de préjugé con
teur du schisme; que Cécilien et son or tre une. autre. Cependant le tribun Mar
dinateur Félix d’Aptonge avaient été cellin ayant fait son rapport à l'empe
pleinement justifiés. Après cet exposé, reur Honorius de ce qui s'était passé
il ordonne aux ma istrats, aux proprié dans la conférence, et les donatistes
taires et locataires es terres d’empêcher ayant appelé devant lui, il‘y eut une
les assemblées des donatistes dans les loi donnée à Ravenne, le troisième des
villes et en tous lieux; et à ceux-ci de calendes de février, sous le neuvième
délivrer aux catholiques les églises qu’il consulat d’Honorius et le cinquième de
leur avait accordées pendant sa commis Théodose, c‘est-à-dire le troisième de
sion; que tous les donatistes ni ne janvier 412, ui, cassant tous les res
voudrontpas seréuniràl’Église, emeu crits que les onatistes pouvaient avoir
rerontsujets àtoutes les peinesdes lois , obtenus, et confirmant toutes les an
et que pour cet effet tous leurs évêques ciennes lois faites contre eux , lesvcon
se retireront incessamment chez eux; damne à de grosses amendes , suivant
enfin, que les terres où l’on retire des leur condition, depuis les personnes il
troupes de circoncellions seront confis lustres jusqu’au simple peuple , et les
quées. Ces actes de la conférence furent esclaves à punition corporelle; ordonne
rendus publics, et on les lisait tous les que leurs clercs seront'bannis d’Afrique
ans toutentiers dans l’Église à Carthage, et de toutes les églises rendues aux ca
à Tagaste , à Co'nstantine , à Hippone et tholiques. La conférence fut le coup
dans lusieurs autres lieux; et cela pen mortel du schisme des donatistes; et
dant e carême, lorsque le jeûne donnait depuis ce temps ils vinrent en foule se
au peuple plus de loisir d’entendre cette réunir à l’Église, c’est-à-direles évêques
lecture. Toutefois, il y avait peu de gens avec les euples entiers (1). n
qui eussent la patience de les lire en En ef et, la masse des sehismatiques,
particulier , à cause de leur longueur et suivant la remarque de Fleury et de quel
des chicanes dont les donatistes avaient ques autres historiens, revint à l'Église
affecté de les charger. C'est ce qui obli catholi ue. Mais cette conversion, œu
gea saint Augustin d’en faire un abrégé, vre de a force, n'était point sincère.
qui en comprend toute la substance; Les donatistes voulaient, avant tout,
et ily avait ajouté des nombres. pour échapper aux amendes, à l’expropria
avoir facilement recours aux actes mê tion , à l’exil , à tous les châtiments en
mes. Les donatistes se déclarèrent ap fin prononcés par l’édit d’Honorius
pelants de la sentence de Marcellin, contre ceux qui persévéraient dans le
sous prétexte u’elle avait été rendue schisme. Ils cpnservaient sous les dehors
de nuit et que es catholiques l’avaient d'une apparente soumission un vifres
corrompu ar argent: ce qu’ils avan sentiment de leur défaite. Ils le montrè
çaient au iasard sans aucune preuve. rent bientôt. Deux ans à peine s’étaient
Ils disaient aussi ne Marcellin ne leur écoulés depuis la conférence de Carthage,
avait pas'permis e dire tout ce qu’ils qu'ils profitèrent de la rébellion du
voulaient. et qu’il les avait tenus enfer comte Héraclien‘et des désordres qui
més dans le lieu de la conférence, comme la suivirent pour se venger. Ils s‘atta
dans une prison. Mais saint Augustin chèrent surtout à erdre le tribun Mar
réfuta ces calomnies par un traité u’il cellin, le plus im acable de leurs enne
lit ensuite, adressé aux donatistes ai mis. Ils lefirent décapiter avecson frère.
ques,_où il releva tous les avantages Quand le pouvoir impérial se fut raf
que I’Eglise catholique avait tirés de la fermi en Afrique , ils cédèrent etse sou
conférence, les efforts ne les donatis mirent de nouveau. Ils- vécurent ainsi,
tes avaient faits‘ pour éviter qu'elle ne caehantleur haine,jusqu’enl’année429,
se tint; l'es chicanes dont ils avaient où l’invasion des barbares leur offrit l'oc
usé pour ne point entrer en matière; casion d’exercer sur les catholiques de
les plaintes u'ils avaient répétées deux nouvelles vengeances.
fois, qu’on es y faisait entrer malgré OPINIONS DE SAINT AUGUSTIN son
eux; enfin ce mot important qui leur
était échappé, qu’une affaire. ni une (1) Fleury; Hist. ecclc’s., t. V, p. 345 et suiv.
'38
L’rN'rsnvsN'rmN un pouvoir! ‘IBIPŒ - que nous puissions en effet paraître
nm. DANS LES Arnlnss DU scmslu. - étrangers la mort de ces hommes qui
— Saint Augustin montra à tous les ins « sontsoumisa votre jugement, non sur
tants de la lutte qu’il eut à soutenir con « notre accusation, mais sur l‘avis de
tre les donatistes, de la modération , de a ceux auxquels est confié le soin de la
la douceur et de la charité; plus d’une « paix publique, nous ne voulons pas
fois, cependant, il se laissa entraîner par « que les souffrances des serviteurs de
les passions de son parti et de son temps. « Dieu soient vengées, d’apres la loi du
Sa polémique fut alors dure etviolente; « talion, par des supplices semblables.
il demanda et en même temps déclara lé -Non que nous voulionsempêcberqu’on
gitime l’intervention du pouvoir tempo « ôte aux hommes coupables le moyen
rel dans les affaires religieuses, et il in «de mal faire; mais nous souhaitons
voqua la persécution. Mais, nous le ré— «- que ces hommes, sans perdre la vie, et
pétons , l'esprit de charité domina c sans être mutilés en aucune partie de
toujours dans saint Augustin. Au mo< « leur corps, soient, par la surveillance
ment même où il se réjouissait de la sen « des lois, ramenés, d’un égarement fu
tence portée par le tribun Marcellin et u rieux, au calme du bon sens , ou dé
de l’édit d‘Honorins, où les officiers im « tournés d’une énergie malfaisante ,
ériaux sévissaient avec rigueur contre a pour être employés à quelque travail
es donatistes, son âme s’attendrit, la « utile. Cela même est encore une con
douceur l’emporta sur la passion, et a damnation; mais peut-on ne pas y
comme le prouve le fait que nous allons « trouver un bienfait plutôt qu’un sup
raconter, il devint le protecteur des « plice, puis u’en ne laissant plus de
persécutés. A Hippone. les donatistes « laee à l’au ace du crime, elle permet
étaient nombreux. Après la conférence « le remède du repentiri’Juge chrétien
de Carthage ils se soulevèrent et se por « remplis le devoir d’un père tendre;
tèrent à de graves excès; ils tuèrent un « dans ta colère contre le crime, sou
Brêtre catholique appelé Restitut et en « viens-toi cependant d’être favorable
. Iessèrent un autre. Les coupables furent a à l‘humanité; et en punissant les at
jetés en prison, battus de verges, con a tentats des pécheurs, n’exerce pas
duits enfin devant les magistrats im « toi-même la passion de la vengeance. -
périaux. Ce fut alorsque saint Augustin Augustin terminait cette lettre tou
écrivitaux juges Marcellin et Apringius chante par des raisons prises dans l’in
deux lettres où l’on trouve les passages térêt du christianisme, et qui lui com»
suivants : mandaient la douceur: « J'atteste, di
« J’ai appris. dit-il à Marcellin , que « sait-il, que cela seul est utile, est
a ces ci rconcellionset ces clercs du parti ( salutaireà l'Église catholique; ou, pour
« donatjste, ue l'autorité publique avait « ne point paraître sortir de ma juridic
« transférés ela juridiction d’flippone « tion,je l'atteste du moins, de l’église
« à votre tribunal, avaient été enterr « d’Hippone. Si tu ne veux pas écouter
« dus par votre excellence, et que la plu e. la prière d'un ami, écoute le conseil
« part d’entre eux avaient avoué l‘homi « d'un évêque. n La lettre qu’il adres
c-cide qu’ils avaient commis sur le pré sait au proconsul A ringius était non
« tre catholique Restitut et les blessures moins expressive : a pargne, lui dis-ait
«qu’ils ont faites à innocent, rêtre « il,cescoupablesconvaincus;laisse-leur
- catholique,en lui crevant un œi et en « la vie et le temps du repentir (l). t
a lui coupant un doigt. Cela m'a jeté Rapprochons encore de ces paroles
- dans une grande inquiétude que votre les opinions pleines de tolérance et de
1' excellence ne veuille les punir avec douceur que saint Angustin rofessa ,
a toute ta rigueur des lois, en leur fai à diverses époques, soit dans es livres,
- sant souffrir ce qu’ils ont fait. Aussi, soit dans les discours qu'il adressa aux
cr j’inveique par cette lettre la foi que fidèles de son Église : « L’homme n’apas
a vous avez en Jésus-Christ; et, au nom été douéde la faculté de prévoir infami
- de sa divine miséricorde, je vous
a conjure de ne point faire cela , et de (I) M. Villemain; de l’É/nquencc chrétienne
dans le quatrième siècle. Voy. Me'ldngcs une.
C ne point permettre qu’on le fasse. Quoi murs, 1). 471 et suiv.
AFRIQUE CHRÉTIENNE. 39
blement ce que penseront, dans la suite venons de transcrire, on oublie volon
des temps, ceux de ses semblables qu’il tiers que parfois, dans l‘ardeur de la
juge être actuellement dans l'erreur; il lutte, saint Augustin se laissa emporter
ne sait pasjusqn‘à uel pointles fautes jusqu'à prêcher l’intolérance.
des méchants centri uent au perfection LE PELAGIANISME EN unions. —
nement des bons." faut donc bien se L'Église catholique en Afrique venait à
garder d’ôter la vie à ceux-là; car vou peine de triompher du schisme qu’elle
lant tuer des méchants, on ne ferait sou fut exposée à un nouveau dan er. C'é
vent que tuer ceux qui sont destinés à tait l‘hérésie, cette fois, qui evait le
rentrer dans la bonne voie, ou bien on diviser.
nuirait aux bons, auxquels, quoique Au commencement du cinquième
malgré eux , les méchants sont utiles. siècle, deux hommes originaires de la
On ne peut porter dejugement fondé et Grande-Bretagne, Pélage et Célestins
équitable sur les hommes qu’à la lin de se mirent à sonder, soit dans la médita
leur vie, lorsqu'il n‘ya plus possibilité, tion, soit dans leurs entretiens, les
ni de changer de conduite, ni de servir questions les plus graves et les plus dif
la cause de la vérité par la comparaison ciles qui aient jamais agité l'esprit
de l'erreur. Mais ce jugement, il n’est humain. Ce fut , dit-on , un certain Ru
donné qu’aux anges de le porter, et lin, venu de Syrie , qui leur donna I’im
non aux hommes...... Reste bon et ulsion et leur fournit quelquesunes de
souffre les méchants. Il vaut mieux, eurs solutions. lls vivaient alors à
demeurant dans le sein de l'Église sup Rome, où ils arrétèrent leur doctrine.
porter les méchants à cause des cas, Ils s’étaient demandé: Dieu intervient
ne de s’ex oser à s'en séparer, aban il dans nos actes? Sommes-nous libres
onnant et es bons et les méchants. S’il d'accomplir, à notre gré ,. le bien et le
y aavectoi des bêtes féroces, c’est-à-dire mal? Est-ce Dieu qui veut pour nous, et
s’il y a avec toi dans l’É lise des apôtres ne sommes-nous que des instruments
(le doctrines erronées, e faux croyants, dont les mouvements sont prévus et
hérétiques ou schismatiques, ou mau réglés à l'avance P Si, disaient-ils, nous
vais catholiques , cherchant, comme les ne pouvons nous déterminer par nous
bêtes féroces, àdévorer les âmes, qu’el mémes , nous ne sommes point respon
les soient tolérées jusqu'à la fin des siè sables du bien et du mal que nous fai
cles...... Tolère; tu es né pour cela .5 sons; nous ne méritons m ne déméri
tolère, car tu as probablement aussi tons. — Ces raisonnements les cohduisi:
besoin d’indulgence. Si tu as toujours rent eu à lpeu à rejeter la grâce divine ,
été bon, montre-toi miséricordieux; si sans aquel e, suivant l’Égli‘se, l’homme
tu as commis des fautes, n'en perds pas ne peut rien, et à rapporter exclusive
la mémoire. il faut souffrir l‘ivraie dans ment, dans chacun de nos actes, le
le bon grain, les boues entre les che bien et le mal à la faculté que ‘nous
vreaux, les béliers entre les moutons. avons de nous déterminer par nous
Ce mélange aura un terme , et le temps mêmes, à notre libre arbitre.
de la moisson viendra...... Sois bon, Pélage et Célestins quittèrent Rome
et prends le mal en patience. Sois bon vers 409, pour aller en Sicile : de la ils
intérieurement; car si tu ne l’es pas passèrent en Afrique. [15 s’arrétèrent
de cette manière , tu ne peux pas te Van d’abord àlrlippone (410); puis, ils se
ter de l’étre. Quand tu seras bon inté
rieurement, tu supporteras celui qui
est méchant intérieurement et extérieu ne, etc. , du Christianisme, t. il, p. [50. —
ous devons alouter ici que parmi les écrivains
rement. Tolère l’hérét/ique déclaré, to ecclésiastiques, plusieurs, eujoqrd‘hui même,
lère le paiemtolère le Juif, tolère enfin semblent apàirouver les pages ou saint Augus
le mauvais chrétien caché. » Ce sont là tin. garlant e l’inlervention du pouvoir tempo
rel ans le schisme des donalislcs, admet la
de grands et généreux sentiments que persécution comme moyen le itlme (le répres
de nos joursles ennemis les plus ardents sion. Les doctrines deces criveins ne sont
de I’Églisecatholique ont loués et admi point de notre siècle, et ne portent pas l'em-'
prelnte du véritable esprit ehrflien. D'ailleurs,
rés (l). En lisant les lignes que nous e mme nous venons de le voir’ elles sont oen
(l) Voy. M. de Potterï; Histoire philosophi amnees par saint Augnslln luimé’me.
40
rendirent à Carthage. C’est de là que eux la théorie du libre arbitre , telle que
partit Pélage pour aller dans la Pales la formulaient Pélave et ses disciples ,
tine. Célestins était resté dans la capi était un excès de ‘orgueil humain.
tale de l'Afrique pour y propager la Prétendre que l'homme avait la faculté
nouvelle doctrine. C’était, s'il faut en de vouloir, de se déterminer, indépen
croire ses contemporains, un homme damment de toute influence supérieure ,
plus audacieux encore ne Pélave. Il ne et conclure, de là, que sans l’assistance
reculait devant aucune es conséquences de Dieu , il pouvait, suivant qu’il faisait
de. son système; et bientôt on le vit un bon ou mauvais usage de son libre
repousser, comme contraire à la théorie arbitre, mériter ou démériter, n’était-ce
du libre arbitre, la croyance au péché point enlever à Dieu une partie de sa
originel et nier la nécessité du baptême toute-puissance. égaler en quelque sorte
et de la rédemption. l’homme à Dieu? n’était-ce point
L’Église d’Afrique s’alarma des pro comme le disait saint Jérôme, renouve
grès de l’hérésie, et un concile convoqué ler la tentative des anges rebelles‘? Aux
à Carthage (412) condamna Célestins. yeux des défenseurs de la foi catholi
Le pélagianisme, comme on l’ap rend que, our employer l‘énergique expres
par l’acte d’accusation ui fut ressé sion 'un écrivain moderne, satan aussi
alors, atta un , dès son ébut, les doc avait été pélagien (1).
trines de l’ iglisecatholique avec une sin Après avoir hésité quelque temps,
ulière hardiesse. On reprochait à saint Augustin se lança avec ardeur
élestius d’avoirdit : « 1° qu’Adam avait dans la discussion.“ n'essaya point de
été créé sujet à la mort; 2° que son transiger , de concilier la liberté avec la
péché n’avait nui qu’à lui et ne s'était grâce; il s’avanca aussi loin dans la
pas communiqué à sa race, ce qui dé théorie de la grâce que Pélage dans
truisait la croyance du péché originel; celle de la liberté.
3'’ que les enfants en naissant sont dans a De toutes les doctrines psychologi
le même état où était Adam avant son ques de saint Augustin, la plus digne
péché; 4' que le péché d’Adam n'est ‘attention est celle qu’il a émise sur
as la cause de la mort de tout le genre la nature du libre arbitre. Les rapports
umain, non lus que la résurrection de étroits qui existententre cette question
Jésus-Christ a cause de la résurrection etcelle de la grâce, et l’autorité dont
de tous les hommes; 5° que la loi natu jouit l’évêque d‘Hippone dans l'Église,
relle conduit au royaume des cieux princi alement à cause (le la manière
comme l’Evangile; 6 que même avant donti a combattu les pélagiens, don
la venue de Jésus-Christ. il y avait des nent une importance particulière à ce
I‘ommes impeccables , c'est-a-dire sans qu’il a écrit sur cet objet. Le traité du
pt :hé ; 7° que les morts sans baptême Libre Arbitre, divisé en trois livres , fut
ont la vie éternelle. n Après sa condam achevé par saint Augustin en 395, vingt
nation Célestius se retira en Asie (1). deux ans, par conséquent, avant la
SAINT AUGUSTIN COMBAT LES PÉ condamnation de Pélage par le pape
LAGIENS; CONCILE; RAPPORTS DES Innocent l",en 417. Il était dirigé con
Écmsas D'AFnIQUE AVEC L'ÉGLISE DE tre les manichéens, qui affaiblissaient la
noms. —— Le concile de Carthage n’avait liberté en soumettant I‘hommeà l’action
po'int arrêté les progrès de l’hérésie: le d’un principe du mal. égal en puissance
pélagianisme pénétrait en tous lieux. au principe du bien. il étaitnaturel que,
Alors,pour conjurer ce pressant danger, pour combattre avec succès de pareils
les docteurs les plus illustres de l’Église adversaires, saint Augustin accordait le
catholique se mirent à l’œuvre. Pour plus possible au libre arbitre. Aussi
' vo|t.on, par une lettre adressée 51 Mar
, q) Nous ne pouvons, dans ce résumé rapide, cellin, en 412, qu'il n’est pas sans crainte
traiter avec uelque étendue la question du
pélagianisme. ous renvoyons sur ce point aux que les pélagiens ne s‘autorisent de ses
diverses histoires de l lise. Il est inutile, sui livres composés longtemps avant qu’il
vant nous . de signaler ci, parce qu'elles sont fût question de leur erreur. La philoso
connues de tous. les pages qui ont été écrites
de nos jours sur ce grave sujet par MM. Gui (l) Rohrbacher ; Hist. univers. de l'Église ca
zotet J. J. Ampère. tholique , t. VIl, p. 504.
AFRIQUE CHRÉTIENNE. 41
phie ne peut donc rester indifférente libre arbitre, il déclare ne ce libre ar
au désir d’étudier de quelle manière bitre est dans la dé en ance d’un pou
l’auteur du traité du Libre Arbitrea pu voir supérieur, qu‘i est complètement
se retrouver plus tard le défenseur ex subordonné à la grâce.
clusifde la grâce , et concilier les prin L’opinion de saint Augustin fut adopu
cipes philosophiques avec les données tée par l'Église d’Afrique. En 416, les
de la révélation. Nous ne pouvons toute évêques de cette Église tinrent deux
fois , sur ce point, présenter que de conciles, l’un à Carthage, l’autre à
courtes explications. Dans ses livres sur Milève, où ils condamnèrent Pe'lage
le Libre Arbitre, saint Augustin recon et Célestins. Puis, ils s'adressèrent au
naît ne le fondement de la liberté est page Innocent qui, en 417 , donna son
dans e principe même de nos détermi ad ésion à la sentence qu’ils avaient
nations volontaires. Le point de départ prononcée. Mais on put craindre un
de tout acte moral humain est l'homme Instant (418) que Zozime, successeur
lui seul, considéré dans la faculté qu'il d’lnnocent, n’approuvât, comme l’a
a de se déterminer sans l'intervention vaient déjà fait avant lui les évêques
d’aucun élément étranger (de Lib. Arb., d’Orient, rassemblés à Diospolis , quel
lib. 111, c. 2). Dans sa manière de dé ques-unes des opinions du pélagianisme.
finir le libre arbitre , le mérite de la Sa conduite pleine de modération à
bonne action appartient à l'homme; rien l’égard de Pélage et de Célestius excita
n’a agi sur sa volonté en un sens ou en en Afrique de vives appréhensions.
un autre; sa détermination est arfai Les évêques se rassemblerent de nou.
tementlibre.Saint Augustin a-t-i main. veau à Carthage, en 418, et là ils con
tenu ces rincipes dans sa controverse firmèrent en quelque sorte, par une
contre Pé age? Une étude plus attentive nouvelle condamnation de l'hérésie,
des saintes Écritures, et principalement leurs premières décisions. La sentence
de saint Paul, ne luia-t-elle pas fait mo qu’ils prononcèrent nous fait connaître
difier sa manière de voir? L‘examen phi les hardies conséquences que les péla
loso hique de ses écrits ne nous sem giens avaient tirées de leur theorie
ble aisser au critique impartial aucun du libre arbitre. a Quiconque dira qu’A
doute à cet égard (1). » Au moment où dam a été fait mortel, en sorte que ,
parut le pélagianisme , saint Augustin soit qu’il échât ou qu’il ne péchât
avait déjà modilié ses premières opinions point, il d t mourir, c’est-à-dire sortir
sur le libre arbitre. Dès l’année 398, du corps, non par le mérite de son pé
comme nous l’avons dit, dans une lettre ché, mais par la nécessité de sa nature;
adressée à Simplicien, et. à propos de qu’il soit anathème! Quiconque dit qu’il
ce texte de Saint Paul : Ou’avez-vous ne faut pas baptiser les enfants nou
quevousu'ayez. reçu? il avait amoindri, veau-nés; ou que, bien qu’on les bap
si nous pouvonsinous servir de cette ex tise pour la ‘rémission des péchés , ils
ression, le libre arbitre pour exalter ne tirent d’Adam aucun péché originel
a grâce. Sa lutte contre Pélage et Cé qui doive être expié par la régénéra
lestius ne lit que rendre ses opinions tion, d’où s'ensuit que la forme du bap
plus absolues. Dès lors dans ses con tême pour la rémission des péchés est
versations, ses sermons, ses ouvrages fausse à leur égard; qu’il soit anathè
(du Mérite et de la rémission des pé me! Quiconque dira que la grâce de
cités; de la Grâce du Nouveau Testæ Dieu qui nous justifie par Jésus-Christ ,
1'nent;de i‘L‘sprit et de la lettre; Traité ne sert que pour la remission des pé
de la nature et de la grâce; de la Per chés déjà commis, et non pour nous
feclion de la justice de l'homme,- Let aider encore à n’en plus commettre;
ire à Hilaire en Sicile) , il aflirme que qu’il soit anathème! Si quelqu’un dit
l’homme ne veut et ne peut que par que la même grâce nous aide à ne point
Dieu, et si parfois il parle encore du pécher seulement en ce qu’elle nous
ouvre l’intelligence des commande
(l) Voy. Dictionnaire des Sciences philoso ments, afin que nous sachions ce que
fihique: par une société de professeurs de phi nous devons chercher et ce que nous
osophie: art. Saint dugustm; t. I, p. 257; Pa
ris, I814. devons éviter; mais qu’elle ne nous
62
donne pas d’aimer encore et de peu lurent point se soumettre a cette,con—
voir ce que nous devons faire; qu’il damnation. Ils s‘adressèrent à l’Eglise
soit anathème! Quiconque dira que de Rome qui, prêtant l'oreille à leurs
la grâce de lajustification nous est don prières, essaya de les imposer à ceux
née, afin que nous puissions accomplir ni les avaient rejetés. Les évêques d’A
plus facilement par la grâce ce qu’il rique protestèrent contre cette inter
nous est ordonné de faire par le libre vention qui tendait à infirmer leurs
arbitre, comme si, sans recevoir la décisions et ,à amoindrir leur autorité.
grâce, nous pouvions accomplir les Ils l’emportèrent', et le jugement qui
commandements de Dieu, uoique dif avait condamné Apiarius et Antoine
ficilement; qu'il soit ana ème! » A fut maintenu (l).
Rome, Zozime s’était enfin prononcé, et SEIl-PÉLAGIBNS‘, DsnNrxns TRA
il avait condamné les pelagiens. On VAUX DE SAINT AUGUSTIN. — Comme
ne se contenta plus alors, pour rame nous i’avonsdit, l’opinion de saint Augus
ner les hérésiarques , des censures ec tin sur la race était celle del‘Église ca
clésiastiques; on eut recours au ou tholique. outefois, il y avait dans cette
voir temporel, à la rigueur des ois. opinion uelque chose de si absolu , il
Nul,.suivant saint Augustin, ne fut fallait te lement, pour l’embrasser, sa
lus ardent dans cette persécution ue crifier la raison à la foi, que des hommes
e prêtre Sixte, qui occupa plus tar la jusqu’alors fermement attachés aux dog
chaire de Saint-Pierre. Honorius lit un mes de l’Église se sentirent ébranlés. Il
édit qui bannissait de Rome Pélage et se lit chez eux une réaction : ils se de
Célestins, qui organisait contre leurs mandèrent si saint Augustin n’était
adhérents un système de délation, qui point tombé dans l’erreur en immolant
punissait enfin, dans toute l'étendue de d’une manière absolue le libre arbitre à
‘empire d’Occident, de l’exil et de la grâce, en l’annihilant, et conséquem<
l’expropriation, ceux qui étaient con ment en détruisant la responsabilité hu
vaincus de pélagianisme. Toutefois, au maine. Ils cherchèrent alors un système
temps même de la persécution , l’héréc de conciliation.
sie trouva des défenseurs.‘ Le plus célè Le mouvement se lit d’abord sentir
bre de tous est Julien. évêque d'Éclane. en Afrique. Quelques moines d’Adrumet
Il attaqua saint Augustin à pro os du s’élevèrent contre un écrit où saint
livre intitulé du Mariage et de con Augustin anéantissait, suivant eux , le
cupiscence. Dès lors s’engagea entre libre arbitre. L’évêque d'Hippone se bêta
eux, par écrit, une lutte qui nedevait de leur répondre par deux ouvrages ( de
avoir our terme que la mort de l’illus la Grade et du librearbitræde la Cor
tre évsque d’flippone. ‘ rection et de la grâce). Cette fois,i| sem
Il y avait eu sur la question du éla bla transiger, et lit, si nous pouvons nous
giamsme dissentiment entre les év ques servir de cette expression, quelques
africains et le pape Zozime (1). Mais ce concessions au libre abitre.
dissentiment , comme nous l'avons dit, Il y avait aussi en Gaule des hommes
n’avait pas été de Ion ue durée. Plus éminents qui n’admettaient pas dans
tard, l’intervention de ‘Église de Rome toutes ses arties le système de saint
dans les affaires de l’Afrique devait Augustin. armi e‘uxse ‘trouvaient saint
amener un nouveau désaccord. Il éclata Hilaired’Arles et Cassîen. Celui-ci ,dans
au temps de saint Boniface et de saint des conférences spirituelles qu’il écrivit,
Célestin. Les évêques d’Afrique refu vers 426, pour ses moines de Marseille,
sèrent, en deux circonstances , d’accep essaya de concilier le libre arbitre avec
ter les instructions qui leur venaient la grâce. Il ne porta pas atteinte, comme
d’ltalie. Le prêtre Apiarius, et plus les, élagiens, aux dogmes de l'Église ca
tard, l’évéque Antoine avaient été con tlr‘o ique ; seulement il prétendit que le
damnés, pour leur scandaleuse conduite, (l) Voy. sur les rapports de l’ "lise d’Afri
parles évêques africains. Ils ne vou que avec celle de Rome et sur les coords que
nous venons d'indiquer : Fleury; Hist. ecclé
(l) Indépendamment des écrivains catholi des t. t. V. p. 494, 515, 527.579. 530 et 582; et
lqnes, voyez sur ce dissentlment : Leydecker; Rohrbacher; Hiat. univers. de l'Église calhoL,
de Lioerlale Bcclm‘æ africain, p. 523 et suiv. t. vn, p. Me, 55? et suiv; ses, 577 et sulv.
AFRIQUE CHRETIENN E. 4‘
libre arbitre était nécessaire pour l’ac qui opère en vous de, vouloir et de faire,
complissement du bien , nécessaire et si quelques-uns ne sont pas encore
comme la grâce. Il alla plus loin encore : appelés , prions Dieu qu’il les appelle ,
il déclara que la grâce était donnée par car peut-être ils sont redestinés. Quant
Dieu à ceux qui l’avaient méritée, à ceux aux réprouvés, il ne aut jamais en par:
qui d’abord avaient voulu le bien par ler qu'en tierce personne, en disant, par
eux-mêmes en vertu de leurs propres dé exemple: a Si quelques-uns obéissent
terminations. Ainsi, suivant Cassien, le maintenant, et ne sont pas prédestinés,
libre arbitre était le principe de la grâce. ils ne sont que our un temps, et ne de-‘
Ce nouveau système agita vivement meurerontpas ans l'obéissancejusques
les esprits. Les uns l‘embrassèrent har à la fin. Surtoutil faut exhorter les moins
1iment( ce furent les semi-pélagiens); pénétrants à laisser les disputes aux
d’autres, assaillis parle doute et plus ti savants (1). o Pour avoir trop accordé
mides, voulurent, avant tout, prendre à la grâce, saint Augustin , on ne sau
conseil de celui qui, dans la grande que raitle dissimuler, arrivait au fatalisme.
relle suscitée par Péla e, avait été l’in Il semble que saint Augustin ait été
terprète de l’Eglise catiolique. Ils s'a absorbé tout entier, dans les dernières
dressèrent donc à saint Augustin. L’é années de sa vie par sa lutte contre le
vêqued'Hippone ne refusa point d'entrer pélagianisme. Il n’en est rien pour
dans une nouvelle discussion. tant. Pendant les discussions les plus
Il poussa alors ‘usqu’à ses dernières vives, il trouvait encore du temps pour
conséquences la octrine de la grâce. écrire sur mille sujets divers. Il répon
Dans ses deux Iivresdela Prédestination dait souvent, par de longues lettres, à
des Saints (1) qu’il adressa à Prosper et à tous ceux qui lui proposaient des dif
Hilaire, il admet sans réserve et dans le ficultés à résoudre ou lui demandaient
sens le plus illimité, en vertu de son rin
cipe de la grâce qu'il s'efforçait daéta des conseils. Il composait son Enchiri
dion ; un petit livre adressé à saint Pau<
blir, la prescience divine et la prédesti lin de Nole. sur la piété’ envers les morts
nation. Aux semi-pélagiens, qui lui 0b. et son traité contre le mensonge. Il re
jectaient que, dans un pareil système , produisait aussi parécrit sa conférence
on devait rejeter nécessairement comme avec l'évêque arien Maxime et rédigeait
inutiles la prédication, les exhortations, ses Re'tractations. Sur la fin de sa vie ,
toute pénalité , il répondait: « Il est vrai cédantaux prières de Quodvultdeus, qui
qu’il faut user de discrétion en prêchant fut plus tard évêque de Carthage , il
au peuple cette doctrine; et ne pas dire : promit d'écrire une histoire des hérésies.
La prédestination de Dieu est absolu Il ne recula point devant les difficultès
ment certaine, en sorte que vous êtes que présentait un semblable travail.
venus à la foi , vous qui avez reçu la vo « Il exécuta sa promesse. dit Fleury,
lonté d’obéir, et vous autres demeurez et envoya quelque temps après à Quod
attachés au péché, parce que vous n’avcz vultdeus un traité des hérésies où il en
pas encore reçu la grâce pour vous en compte quatre-vingt-huit commençant
relever. Mais si vous êtes prédestinés, auxsimoniens et finissantaux pélagiens.
vous recevrez la même grace, et vous Il ne prétend pas toutefois avoir connu
autres, si vous êtes réprouvés, vous ces toutes les hérésies, puisqu’il y en a de si
serez d'obéir. Quoique tout cela soit vrai obscures qu’elles échappent aux plus
dans le fond et à le bien prendre, la ma curieux; m avoir expliqué tous les dog
nière de le dire avec dureté et sans mes des hérétiques qu'il a nommés,
ménagement , le rend insupportable. puisqu'il y en a que plusieurs d'entre
Ilfaut plutôt dire:La prédestination cer eux ignorent. A ce premier livre, il pré
taine vous a amenés de l'infidélité à la tendait en joindre un second, où il don
foi, et vous y fera persévérer. Si vous nerait des règles pour connaître ce qui
êtes encore attachés a vos péchés , rece fait l‘hérétique et se garantir de toutes
vez les instructions salutaires, sans les hérésies connues et inconnues; mais
toutefois vous en élever ; car c’est Dieu la mort qui le prévint ne lui permit pas
(l') Le second livre a un titre particulier :
du Don de la Persévérance. (1) Traduction de Fleury.
44
d’exécuter cette seconde partie (1). - étendue, comment et par quelles cauu
L’INvAsIoN nes VANDALES; Mon'r ses les Vandales se précipitèrent sur l’Ao
DE SAINT AUGUSTIN; SOUFFBANCES frique (1). Genséric, ‘appelé par le comte
DE L'unique CHRÉTIENNE—EII 426, Boniface, quitta l’Espagneet, passant la
saint Augustin avait désigné, avec l’as mer, aborda , au mois de mai de l’an
sentiment du peuple d’Hippone, le prêtre née 429, sur les côtes de la Mauritanie.
Héraclius our son successeur. Il lui D’abord il conquit et ravagea tout le
avait confié), en partie, l’administration pays compris entre l'océan et l‘Ampsaga.
de son Église et s’était ménagé ainsi Puis, quand Boniface, réconcilié avec
quelques instants de silence et de re Placidie, rejeta l’alliance des barbares
cueillement. Mais il nejouit pas long pour redevenir le défenseur de l’empire,
temps du calme qu’il avait cherché. L‘in le chef vandale poussa vers l’est et se
vasion des Vandales en Afrique nedevait jeta sur la Numidie. _
pastarder à troubler sa retraite et à rem Ala nouvelle des désastres qui étaient
plir d’amertume ses derniers jours. venus fondre sur l’Afrique , saint Au
Nous avons dit ailleurs, avec quelque gustin dut se repentir amèrement d’a
(1) Nous croyons devoir signaler ici ‘à nos
voir quelquefois, au moment des dis
lecteurs l’article Saint Augustin publie dans cordes religieuses, appelé sur les en
un recueil nouveau que nous avons déjà nemis de sa doctrine la rigueur des
cité et qui a pour titre : Dictionnaire des lois et la persécution. Les donatistes,
sciences hilosophiguee. On y trouve d’abord
la classi ‘cation suivante : « Parmi les nom en effet, poussés au désespoir parlesédits
breux ouvrages de saint Augustin plusieurs d’flonorius, n’avaient pas hésité à se le
appartiennent plutôt à la philosophie qu’à la ver en masse pour prêter aide et appui,
theologie; d'autres appartiennent à l’une et s
l’autre-I d'autres. enfin, sont purement théologi en haine des catholiques, à la horde
ques; nous indiquerons ceux des deux premie barbare qui venait attaquer l’empire.
res classes. Les écrits de saint Augustin à peu Les manichéens, les pélagiens, les
rès exclusivementphilosophiques sont: l' les
rois livres contre les Académiciens ; ‘2° le livre ariens , qui eux aussi étaient proscrits
de la I'-i_e heureuse, 3° les deux livres de l'Or par les lois, avaient suivi l’exemple des
dre ; 4° le livre de l’lmmortalité de Mme; donatistes. A ces sectaires s’étaientjoints
5° de la. Qualité de t'Ame; 6° ses quatorze pre
mières Lettres. —- Ses écrits mêlés de philoso sans doute .les hommes, derniers restes
rhie et de théolo ie sont: 1° les soliloques ; 2° le dela race punique, qui,en dépitdu temps,
lvre duMattre,-3 les trois livres du Libre arbi du christianisme et de la législation
tre,- 4” des Mœurs de l’Égiise; 5° de la Vraie
Religion; 6“ Réponaeso' quatrc-vingt-tmisques impériale, n’avaient pas cesséd’observer,
tions; 7” Conférence contre Fortunat: 8° Trente au sein même de Carthage. les pratiques
trois Disputes contre Faustc et les manichc'ens; de la religion apportée jadis sur les cô
9° traité de la Créance des choses que l’on. ne
conçoit pas; lu“ les deux livres Contre le Men tés de l’Afrique par les colons phéni
songe; Il“ Discours sur la Patience; l2“ de la. ciens. Voilà les puissants auxiliaires que
Cité de Dieu,- l3° les Confessions; “0 Traité de la persécution avait donnés à l'invasion
la Nature contre les manichéens; 15° de la
Trinité. u L’auteur de l’arlicle résume ensuite barbare; et ils ne furent pas les seuls
les doctrines philosophiques contenues dans que rencontra l’armée vandale. Elle se
ces divers ouvrages. ldivise son résumé en recruta encore au sein des populations
deux parties : d'une part, les idées sur Dieu
de l’autre, les idées sur l’homme. En un mot, il voisines du désert qui n’étaient qu’à
expose. pour employer ses expressions, la moitié chrétiennes, parmi les tribus
Théodicéc et la Psychologie de salut Auguslln. maures, et même dans les campagnes
Nous renvoyons sur ces points, étrangers à la
question qui nous occupe , au recueil que nous et les villes romaines. Les uns, guidés
signalons. Toutefois, nous devons dire ici que par l’appât du gain, accouraient dans le
l’auteur de l’arlicle aurait pu trouver encore, campde Genséric pour piller et ravager;
en ce qui concerne les doctrines philosophiques les autres, propriétairesruinés, voulaient
de saint Auguslin , des renseignements précieux
dans tusienrs ouvrages que nous avons cités, se dérober à la déplorable condition où
et qu a tort, suivant nous, il exclut de sa liste. les avait préci ités, à force d'exigences
Nous ajouterons , en finissant, que nous ado
tons sans réserve son opinion sur la Cite‘ e et de rigueur, a fiscalité romaine.
Dieu , vantée au delà de ce qu’elle contient ,
comme il le dit, par des écrivains qui n’en con (l)_Voyez dans ce volume notre Histoire de la
naissent que le titre oulqul n’en ont lu que de dommatzon des Vandales en Afrique , p. 8 et
courts fragments. Voy. ictionnaire des Scien suiv. C'est le com [émeut indispensable, a par
ces philosophique: par une société de profes tir de l’anne’e 429, e notre Histoire de l'Afrique
seurs de, philosophie; art. Saint Augustin. chrétienne.
AFRIQUE CHRÉTlENNE. 4b
Itien désormais ne pouvait résister, difficiles l’administration et _la surveil
en Afrique aux soldats de Genséric. Bo lance ecclésiastiques. ‘On la divisa donc,
niface essaya en vain de les arrêter. il comme nous l’avonsdit, en deux parties,
fut battu et rejeté dans Hippone. Là se et ce fut vers la fin du quatrième sic
trouvait saint Augustin, qui entendit cle que l’on vit paraître comme provin
bientôt retentir à ses oreilles les cris de ces distinctes, la Mauritanie césarienne
l’armée barbare. Les maux que souf et la Mauritanie sitifienne. Peut-être
fraient alors l’empire et l'Église lui cau y eut-il , vers cette époque, un autre
sèrent une immense douleur, qui sans démembrement, a la suite duquel on
doute hâta sa mort. Au moment où il forma une septieme province de la
ferma les yeux, il ne restait plus, dit Mauritqnic tz‘rigitane. Un metropoli
un contemporain, des innombrables tain était. prépose_ a chacune des cir
églises qui couvraient autrefois le pays conscriptions territoriales lie nous
ne celles de Carthage, d’Hippone et de avons indiquées_;\ le premier e- ces mé
Cirta. tropolitains était‘l’évéque de Carthage.
ORGANISATION DE L’EGLIsE D’A Avant l'arrivée‘ desVandales on voyait
FRIQUE DEPUIS LA FIN DU DEUXIÈME dans les villes et les campagnes de
SIÈCLE .iiison’xu COMMENCEMENT DU l’Afrique des églises et des ,couvents
CINQUIÈME. — L’Afrique chrétienne sans nombre. Carthage seule possédait
et civilisée, suivant l'expression d'un pres de vingt édifices de ce ‘genre (1).
écrivain ecclésiastique , sembla mourir LISTE DES EvEcnEs DE L’Ariu
avec saint Augustin. En effet, depuis QUE, AUX Ivc ET ve sIECLEs. — Mais
les rapides conquêtes de Genséric, elle rien ne saurait nous représent l‘ avec
ne fit que languir et décliner. Mais avant lus de vérité et d'une manière plus
d’entrer dans cette période dedécadence, rappante l’état florissant de l'Église
portons encore une fois nos regards d’Afrique, dans le quatrième sièc oct
vers le passé, pour étudierl'organisation au commencement du cinquième, que
de l’Eglise d’Afrique au temps de sa la simple nomenclature des évéchés
force et de sa grandeur. qui étaient constitués , à cette époque,
Carthage, nous l’avons dit , fut pour ans les diverses provinces que'nous
l’Afrique le point de départ des pré avons énumérées. Nous donnerons ici
dications chrétiennes. De Carthage le cette nomenclature d'après le savant
christianisme se répandit de roche en ouvrage de Morcelli (2). La liste sèche
proche jusqu’aux extrémités e la Pro (I) Voici, d'après Morcelli , l’énumérailon des
consulaire. Puis, il entreprit la con basiliques de Carthage : Basilzca Perpétue
quête de la Numidie. Dans les premiers Resliluta ( c'était la‘ cathédrale '); Fausti basi
lica; Sancti' Agilei basilica ; baailica Major aut
tem s de l’e’piscopat de saint Cyprien, Majorum; basilica martyrum Scillilaiwrum;
I’Ég ise d’Afrique ne possédait que les basilica Cela-[mie martyns ; basilica Novariim;
deux provinces que nous venons d’in basilica Gratiani ; basilica Theodasiana ,- lia .
silica Honoriana; basiliea Theoprepria; ba<
diquer. Elle en eut bientôt une troi silica Tricellarum; busilica Petri; basili'm
sième, qui fut la Mauritanie. Les idées Pauli; basilica martyrisJuliani. En outre. deux
chrétiennes ne s’étaient pas seulement églises avaient été bâties, dans les faubourgs,
en l’honneur de saint Cy rien; l’une sur le lieu
répandues à l'occident de la Proconsu de son sqpplice; l'autre ans la rue des Mamm
laire, mais encore à l’orient. Elles les. à l'en mit en il avait été enseveli. Apres -la
avaient pénétré dans la Byzacène et la chute de la domination vandale, Justinien iitélec
ver à Carthage deux nouvelles églises , l’une à la
Tripolitaine, qui formèrent, dès le com Vierge, l'autre àsainte Prime. "ajouta aussi un
mencement du quatrième siècle, deux couvent: ceux qui se trouvaient déjà dans la ville
nouvelles provinces ecclésiastiques. il le lit bâtir pres du Mandracium. Voy. Mor
celli ( .l/ric. christ. ); t. i. p. 49. — M. Bureau
Aux cin que nous avons nommées, il de la Malle, dans ses Recherche: sur la topa
faut joindre une sixième qui fut formée graphie de Carthage ( p. 2M et suiv. ), ajoute
plus tard d’un démembrement de la un nom à ceux ui nous ont été fournis par
Morcelli. Il appel e basilique de Tertullieu celle
Mauritanie. Réduire en une seule ro où se réunissaient les tertuliianistes au temps
viiice la vaste contrée qui s’éten de de saint Augusiin.
l’Océan à l’Ampsaga , à une époque où (2) 4 Hc. chrisL; t. I, p. 34 sqq. Morcellla
le christianisme l'avait couverte d’é retranc é de sa liste soixante évec és environ ,
parce qu’il ne pouvait, comme il le dit (ibid.,
véchés et d’églises, c’eût été rendre bien p. 43 ), en assigner la véritable position.
46
et aride qui va suivre ne sera point Clbalianensie.
Cicsitana.
sans intérêt, nous le croyons, our Cilibiensis.
tous ceux qui applaudissent aux ef orts Clncaritana.
que nous faisons depuis treize ans pour Ciumtulurbi.
Clypiensis.
reporter sur la côte septentrionale de Cubdensis.
l'Afrique le christianisme et la civili Culcitanensis. quœ et culsiiana et Culusitana.
sation, et quise plaisent à chercher, si Curbitana, quæ et Curuhltana.
Drusilianensis.
nous pouvons nous exprimer ainsi, Duassenemsalltana.
des espérances et comme un gage Egugensis.
pour l’avenir, dans tous les faits qui Furuitana.
Gi ensis, que et li a nsis.
attestent l'ancienne splendeur de cette Gir_ cnsis, ques et Ger nsis et Gervlinna.
belle contrée. Gisipensis, quæ et Glslpensium majorant.
Grutrambacariensis.
Nous avons fait subir à la liste de Morcelli Gorcnsis.
quelques chan ements. Tous les noms mar Gunelensis que et Guuelmensis.
ques d’un astér sque ont été modifiés, déplacés Hillensis.
ou ajoutés. Ces corrections ne nous appartien Hipponis Diarrhyti , quœ et Hipponenelum
nent point. Elles avaient été faites, par ou sa Zaritorum et Hipzarltensis.
vaut membre de l’Académie des inscriptions, Bonoriopolilana.
sur l’exemplalre de I'Africa cltn'alianu que Rorreensis.
nous avons eu entre les mains. Labdensis, que et Lapdensis.
Lacubazensis.
ECCLESIÆ PRDVINCIÆ PROGOKISULA Il l8 . Larensis sive Larlum.
Libertinensis.
Abarliana. ‘ Lupercianensis.
Abbenzensis. llianensis.
Abbir maloris. . axulitana.
Abbir Germanicianæ', quæ et Abblrltlna. Me lapolitana.
Abltinensis. Me zitana, quæ ct Melsiung.
Aborensil. Memblosilana.
Absasallensis. Membresltana , qua: et Membressllana et Mem
Alêtiugnensls , ques et Autumnltana et Aptun brosilana.
«nsis. Mlgirpemll.
Abziritensis , que et Abdcrlhm. Missuensis.
Advocatensis. Mizigitana.
A ensis. Mullilana.
A tiburlenals, que et ' Altlborlende. Muserlitana.
Amaderensis, que et musulmans“. “' Mustitana.
Aptucensis. llluzuensls.
Aradilana. Naraggarltana, qui et Nagu‘garitml.
Arensis. Neapohlanl.
Assuritana. Nigrensium majorant
Ausafensis. Numnulitana.
Ausanensis. Ofilana.
Auzu nsls,quæ et Ausoagensis sereine. Pqppianenlls , que et Pupinnemis.
" Basarididaœnsls. ‘ ariensis.
Belalitensis. Pertusensis.
Bencennensis. Pisilensis.
Beneventensis. ' Pocoieltensis.
" Betagbarensis. Pupitana , quæ et Pu itana.
Biltensis. Rucumensls , qua: et ucummæ et Roman.
Blnensis. Itusucensls.
Bollitana. Sajensis.
Bonustensis. Scrlitana.
Bosetensis. Sebargensis.
Bullamensis. sedelensls.
Bullensis .' Vullensls. seminensil.
Bulleriensis. Senempsalensis.
Bulnensis ' Serrensis.
Buritana. Siccenensie.
Buslacena. Siccensis.
Buuncis. Sicilibbensls, que; et sicllippæ etsleilln.
Cæciritana. simidlcensls.
Callbieneis. siminensis, quœ et simminiensil.
Canapitanorum. Simingitana. .
Carpitana. Simitlensis, quæ et Semitensis.
Carthagi-nlensls. Sinnarensis ,quæ et sinuarllensil.
œl‘alensis. Succubensis.
Celerinensil. Suensis.
Cellensis Taborensis.
Cerbalitana. Tahucensis.
AFRIQUE CHRÉTIENNE. 47
Tacîæ Montanensis , que: et Taliœ Haut. et ‘l'a Casarum Nigrensium.
canensis. Casarum silvanæ.
'I‘adduensis. Casasmedianensis.
'l‘ngaratensis. Casensis Bastalensls.
Ta orensls. Casensis * Calanensis.
Ta rensis. Castellana.
'l‘auracinæ. Caslelli Sinltensis.
'lfelensis. Castelli Tilulitani.
'\ tîeudialensls, que et 'I‘beodalensll et Inde Castrorum Galbæ.
ens s. . Calaquensis.
'Ijhinisæ. que et Tlnnisensis. Cemeriniana.
'lhuccabom, quæ et Tuccaborensls. Centenariensis.
1:_burslcensis Buræ. Cenluriensis.
'l'lsimmensis. Cenlurlonensis , que et Oenturianensh.
'l‘imedensis , que et Timidæ Reglœ. Ceramussensis.
'l tsilltensis , quœ et Tlsilensis. Circensis. _
'1 itulltana. Cirtensis. ques et Constanliniensls.
'hnnonensls, quæ et Tennonensis. Cuiculitana.
'I‘rlslpellis. Cullitana.
'{ rlsipensis. Dinnensis.
Tuburbll‘anorum majorum. Edistianensis
'I‘uburbitanorum miuorum. Enerensis.
Tuburnicensls. Fatensis.
Tuccæ. quœ et Togiæ. Fesseitana.
'l'ulanensis. Fissanensis.
Tuuejensis, quze et Tuniensis. Formensls ad ldlcram.
Turuziteusis. Formensis Missoris.
T zicensis. Fossalensis , quæ et Fussalensls.
allltana. Garbensis.
Vazlensis, quæ et Vazuensis Geudiabensis.
Veremis. Gaurianensis.
Vicoturrensis. Gazauralæ.
Villa magnensls. “.emellensls.
Visicensis. Germaniensis.
Ucilana. Glbbensls.
Uculensis. Gilbensis.
Urcitana, quæ et Uracitana et Uricttana. Girensls.
Uticensis. Girumarœlli.
Ullmmirensls. Girutarasi.
Ullnensis, que et ' Utinieensls. Bipponeregiensis, quæ et Blpponenslum ne
U121 paritana, que et Dzip arilann. giorum.
Uza ensis, quæ et Uzlalens . Hizirzadensis, que: et Izirianensis.
Zarnensls. Hospitensis.
Zemlensis, qnæ et Zenœnsls. Jacterensls , quæ et Zaltarensls.
Zurensis. Idassensis.
ICGLBSIÆ PROVINCIÆ NUIID‘IÆ.
ldicrensis.
Jucundianensls.
Ajurensis, qui! et Azurensls. Lamasuensls , que et Lamasbæ.
Amporensls. Lambesensls.
Anguiensls. Lambiritena.
Appissanensls. Lamfuensls , que et Lampuensls et Immortels.
Aquæ Nobensls. Lamiggigensis gemina.
Aquarum 'l‘lbilltanamm. Lamsorlensis.
Aquensis. ‘ Lamzellensis.
Arsicarilnna. Larilanus.
Assabensis. Legensis.
Augurensis. Legiensis.
Ausucurrensls. Legisvoluminiensis.
Babrensis. Liheraliensis.
Badiensis. Limatensis.
Ba ajensîs. Lugurensls.
Ba nnensls quæ et Vajanensls. Macomadiensis . quæ et Macomuiensil.
Bajesltana. Madaurensis.
Bmnaocorensis. quœ et Vamaccorcnsls Madensis.
Bazarilana, que et Vazaritana. Magarmelitana.
Belesasensls. Manazenensium Regiorum.
Bereeritana , que et Becerritana. Masculitana.
Bol’etana. Matharensis.
Bucconiensis , que et ‘ Bocconiensis Maximianensis , quæ et Maximinensis.
Bufladensis. Mazacensis.
Bullensium Regiornm. Megarmitana.
Burcensis quæ et Burgensis. Mesarfeltensis.
Clellanensis. Melensis.
Cæsariensis. Midilensis.
Culamensil'. Milel, que: et Mllevltana.
48
Monlensis, quœ et Montena. sccuasw PROVINCIÆ sureau.
Moxorîtana. Abaradirensis.
Muliensls. Abiddensis.
Munlcipensis. Ablsseusis.
Muslitana. Acolilana.
Mutugensis. Ad rumelina.
Naralcatensis, ques et Nnraccalensls. Al‘uleniensis.
Nibensis. Aggarilana.
Nicibensis. Aggerltana.
Nobabarbarensls, que et Novabarbareusls. Amudarsensls.
Nobagermanîensis. Ancusensis.
Nobas arsensis, quæ et Nobaspartensis. A me Albensls.
Nobas nensis , quæ cl Novasinensls. AI nsis.
Novapetrensis. Aquensis.
Octabensis. Aquensium Regloru m.
Pudentianensis. Aquiabensls.
Putiensis. Arensis.
"‘ Regiariensis. Arsnritana.
Respeclensis. Autentensis , qnze et Aulenlensls.
Ressianensls. Auzagerensis, qua: et Auzegerensls
Rotariensis. Banensis.
Rusiccadiensis. Ben nel‘ensls._
Rusticianensis. Bladiensis.
Selemselitana, que et Silemsllensis. Bulelialensis‘, quæ et Bubelialensis.
Seleucianensis. Byzaclensis.
Siguitensis, quæ et Suggitana. Cabarsussitana.
Silensis. Capsensis , que et Capsltana.
sillitanus. Carcabianensis.
Slstronianensls. Carianensis sive Casularum Carianensium.
Suavensis. Cellensis.
Summensls, quæ et Zummensis Cenoulianensis.
Susicaziensis. Cenensls.
Tabracensis. Cililana, quze et Cillitana.
Tabudensis. Cireitana.
Tacaratensls. Crepedulensis.
Tagastensis. Cun'utensis.
Tagorensis. Cululitana.
Tamogadensis , que ct Tamogaziensls. Delorianensis, que et Decorianensls.
Tarasensls , quæ et Tharasensis. Dicensis.
Tebestina. quæ et Tevestina et Thebeslis. Dionysianensis.
Teñlutensis , que et Tegulatensis. Durensis.
" iiabensis. Eliensis.
Thibilitana. Febianensis. _
Tibursicensis , qua: et Tubusicensis. Feradimnjensis , quæ et Feradrlana major.
Tididitana. quæ et Tisedilana. Feraditana miuor.
Tigillabensis. Filacensis.
Tigisituna. Forontonlanensis, quæ et Ferontonianensis.
Tignicensis. Fortianensis , ques et Forianensis et Foralln
Tipasensis. nensls.
Tubuniensis. Frontonianensis , quæ et Frotonianensls.
Tuccæ, quæ et Tuggæ et Tuncensis. Gaguaritana , quæ et Gauvarrlnna.
Tunudensis. Garrianensis, . _
Tnrrensis. Gattianensls , que et Galranensis.
Turrisrotundæ, Germanicianensis.
Turrium Ammeniarum. Gummitana. _ _
Turrium Concordiæ. Gnrgaitensis , quæ et a Gurgmbus.
Tuzudrumes. Hermianensis. _ _
Vadcnsis. Hierpinianensis. quæ et Hlrprmanensis.
Vageatensis. Hirenensis , que et Hirinensrs et lrensis.
Va ensis. Horreæ Aninicensis.
agraulensis. Borreæ Cœliensis.
Vegeselitana, quæ ct Veselilana. J ubaltianensis.
Ve esilana. Juncensis. _
Vensanensis. Leptiminensis, quæ et Leptltana.
Vioopacatensis , quæ et Vioopacensis. Llmmicensis.
Villamngnensis. Macomadiensis Rusliciana.
Villaregiensis. Macrianensis major.
Villavlctorianensls. Maclaritana.
Ullitnna. Mandasumitana. quœ et Madassumilana.
Urugitana. Maraguiensis.
Utmensls. Marazanensis.
Zabensis. Masclianensis.
Zamensis. Mataritana.
Zaradtensis, quæ et Zaraitensls. Marlerianensls.
Zertensis. v Maximicnsis, quæ et Masslmanensls.
AFRIQUE CHRÉTIENNE. 49
Medefessitana, quæ et Menel‘essitana. Zellensls.
Medienensls. ECGLBSIÆ PROVINCIÆ IAURIÏI‘ÀNIÆ GISÀ
Mlbiarcensis. 111311818 E1‘ 'I'IIIGITMÆ.
Midicensis.
Midllana, quæ et Mldidltana. Adqucslrensls.
Miminnensls. Adsinuadensls.
Mozotcoritana. A rensis.
Munntianensle. A amiliaremls.
Muzucensis , quæ et Muzulensis. Albulensis.
Narensls. Altabcnsis.
Natlonensls. Amaurensls.
Ne titans , que et Neplensls. Ambiensis.
0c abensls. Aquensls.
octabiensls. _ Aquislrensls.
0p nnensls, qnœ et opemiensis. Arenensls.
P erodiadensls. Arsinuaritana.
Peradainiensis. Bacanarlensis.
Præcausensis. Balianensls.
Præsidiensis. Baparensis.
Puliensis. Benepotensls.
uæslorianensis. Bidensis.
ufinianensis. Bitensls.
Ruspensis , quæ et Rusfensls et Rufcnels. Boncariensis , qnæ et Voncarlensla.
Ruspitensis. Bnlturiensis.
Sasuritana. Buronitana.
scebatianensis. Bnruc.
Seberianensis. Cæsarlensis.
Segermltann. Caltadriensls.
Septimunicensis. Caprensis.
Sublectina. Caputcillensls.
Sufetana , quæ et Sullum. Cartennltana.
Sulelulensis, quæ et Suliculcnsls. Castellana.
Sullanensis. Castelli labarltanl.
Tabaltensls, que: et Tasbaltcnsls. _ Caslelli Medlanl.
Tagamutensis, que: et Thagamuleusis. Castelli Minorilnni.
Tagarbalensis , quæ et Targabolensls. Castelli Ripensis.
Tagariatana. Castelll Tatroportehsis.
'I‘ nsls. Castrorum Nobensium.
'I‘ aptensls , gare et Talaplnlensis. Castrorum Seberianenslum .
Tamallensls. Catabllana.
Tamallumensis. Cstrensis.
Tamatenl. Calulensis.
Tambajensls , quæ et Tambeltana. cessitana , se et Cissilana.
Taprurensis. * (Zolurn na ensis.
Tapsltana. Cornicn anensis.
Tara uensis, qnæ et 'I‘nrazensls. Elfantariensis , qnæ et Elephantarlensîs.
Telep ensis. ïallabensia.
Temoninnensis, ques et Temoniarensts. Fenucletensls.
Tetcilana. Fidolomensls.
Thenitana.quæetThenîslorum. Florianensis.
Tbeuzilana. Flumenzeritana.
Thibaris , ques et Tibaritana. Frontensis.
Ticensis. Girumontensls.
ä‘jcua‘temäs. Gratianopolltana, que et Grallnopolîtann.
gua ens - Gunugilana.
Tiziensis. Gypsariensis.
Trolinianensis. Icosllnna.
Tubulbacensls. Idensis.
Turdltana, quæ et Tusdrilana. Itensis
Turreblandina. Jommitensis.
Turrensls. Juncensis.
Turretamallumensls qnæ etTnrriumTnmnlus. Lapidiensis.
Tuzurilana, quze et 1I'uziritana. Ma'ucensls.
Vadenlinianensis, quæ et Vnlentinianensis. Ma ianensls, quæ et Millanensls.
Vagensis. ' Mammillensw.
Vararitana. Manaecenseritana.
Vassinassensis. Masuccabensis.
Vegeselilana, que et Vegeiselitana. Malurbensis.
Vicensis. Maurensis.
Vicoaleriensis. Maurîanensis.
Viclorianensis. Maxitensis.
Vitensis. Medlensis.
Uniricopolitaua, quæ et Unorecopolitana. Minensis , qnæ et Minnensis et Minuensis.
Umzibirensis , quæ et Unizlverensis. Murconensis vel Nureonensis.
Usulensis , ques et Usilabensis. Muruslagensis.
AFB. cnniâr.
v50
Mulecitana. Fleensis.
Flumenpiseensls‘
Nabalensis. Gecitana.
Nasbincensis, me et Narblneensls.
Nobæ. que et ovensis gemlna. Horrensis.
leraütana.
Nobicensis. lgilgitana, quæ et lgillitana.
Numidiensis.
Obbensis. Lemelefensis.
Lemfoctensis , que et Lamfoctensls.
Oboritana gemina
v Oppidonebensis. Lesvitana.
Macrensis.
Oppinensis. Macrianensis.
Pamariensis. Maronanensis , quæ et Mnronensis.
Panaloriensis. Maxitensis.
Priscianensis, que et Prisianensis.
Medianorum Zabuniorum.
uidiensis. Molicunzensis, quæ et Molicuntensis.
egiensis. M0 tensis . quæ et Moctensis et lllozoteusle.
Re rltana. No licianensis.
R icariensis, Olivensis.
Rusadilanus. Partheniensie
Rusgoniensis , quæ'et Rusguniensis.
Rusubiccariensis. Perdioensis.
Privatensis.
Rusubirilana. Salditana.
Rusuecurrensis , que: et Rusuccuritana.
Satafensis.
Satafensis. . Serteitana.
Sereddelitana. Sltifensis.
Sertensis. Sociensls.
Sestensis. Suristensis.
Sfasl‘eriensis. Tamagristensis.
Slccesitana. Tamallumensis.
Sinnipsensis. 'I‘amascaniensis.
Sitensis. Thuœensis.
Subbaritana , quæ et Suharilana.
Tubiensis.
Suœrdensis. Tugusubditana, quæ et Tubusubditzma.
Sul‘asaritana, quæ et Sularltana.
Vamallensis.
Sululitana. Vescerilana.
Summulensis. Zabensis. —- Zallatensls.
Tabadcarensis , me et Tabarcarensis.. ECCLESIÆ PllOVlNClÆ TRIPOLITAN Æ
Tablensis. Glrbensis , quæ et Girbitana et Gerbitana.
Taborentensis.
'l‘abuniensis. _ Gillensis.
'l‘adamatensis . que et Tadamensng. Leptimagnensis.
Tamndensis, quæ et Tanudajensis. Neapolitana.
Tamazuœnsis , quæ et Tamazensis. Oensis.
Tnsaccnrrensis. Sabratensis.
Ternamunensis, quæ et Ternamueenajs. Tacapitana.
Tifillensis. Telle était l’étendue et la force de
Tigabitana. l’Église d’Afrique lorsque les Vandales
Tigamilienensis.
Tigisitana. parurent, en 429, sur les côtes de la
Tlmicitona. ' Mauritanie.
Timidanensis, que et Timidianensis.
Tingartensis.
L’Anumsmrz EN AFRIQUE', RÈGNE
Tipasilana. ne GENSÉBIC. — La marche de Gen-,
Tubunensis. série en Afrique , comme nous l’avons
"Tuscamiensis. dit, fut marquée par- d‘effroyables dé
Vagalilana.
Vannidensis. vastations. La soif du butin ou de la
Vardimissensis. vengeance , les passions religieuses qui
Ubabensis. animaient les Vandales et leurs alliés,
"illanobensis
Vissalsensis. couvrirent de sang et de ruines, en
Voncarianensis. moins d’un an, les trois Mauritanies et
Usinadensis. une grande partie de la Numidie. Les
Zucabiaritana , quæ'ret Zugabbaritana.
EGCLESIÆ' PROVINGIÆ IAURE’I‘A‘NIÆ SITIFENSIS. églises tombèrent; les évêques et les
prêtres furent massacrés ou obligés de
Aculidensis. chercher un asile sur les terres encore
Aquæ,Albensis.
Assafensls. soumises à la domination romaine (l).
Assuoremixtensis. La furie de l'invasion qui atteignit
Castellana.
Cedamusensis. (I) Nous n’avons pas besoin de dire, que
Cellensis. r le rém't qui va suivre, nous n'avons
Coviensis. aurais cessé d’avoir sous les yeux ce que Rui
llminenlianensis. nart a écrit sur la persécution vandale.
‘Equlzotensis , quæ et Equlzetana.
AFRIQUE CHRÉTIENNE. et
surtout la population catholique ne fut force aux haines religieuses qui ani
point de ce me durée. Elle ne perdit maient les Vandales et attira sur les
rien de sa orce pendant dix ans. En Mauritanies et la Numidie les affreux
439, le premier soin de Genséric, mai ravages dont nous avous déjà parlé.
tre de Carthage, fut de perséeuter les Ce ne fut pas seulement au moment
catholi ues et de dépouiller les églises des expéditions, dans lesinstants de péril
de la vi le de leurs vases sacrés et de etde guerre, mais encore pendantla paix,
leurs riches ornements. Toutefois, ce que l’esprit de secte poussa à la persécu
fut au moment même où Carthage tion et a la cruauté les conquérants bar
tomba au pouvoir des Vandales que bares. Ainsi, dans les années qui séparent
cessèrent , au moins en partie , les vio la prise d’Hippone de celle de Carthage ,
lences et les immenses désordres qui en 437 , à une époque où il avait trêve
avaient désolé, depuis 429, l’Afrique entre l’empire et les Vanda es, Genséric
chrétienne et civilisée. Dès lors, en effet, traita lescatholi ues, dans les provinces
Genséric contint ses soldats pour ne soumises à sa omination, avec une
point épuiser le pays où , apres avoir excessive rigueur. Il ne se borna pas à
anéanti toute. résistance , il avait résolu chasser de leurs églises les évêques et
de se fixer. les prêtres; il sévit même contre les
L’intérét donc et le changement qui laïques , et il en fit mourir plusieurs qui
se lit. de 439 à 442, dans ’état social n'avaient pas voulu embrasser l’aria
des Vandales empéchèrent le pillage, nisme. Plus tard (il était déjà 'maître de
le meurtre et la dévastation; mais ils ne Carthage),on saisit par son ordre l’évê
mirent point un terme à la persécution que Quodvultdeus et un grand nombre
contre les catholiques. Deux choses e clercs; on les dépouilla d’abord de
principalement devaient, en quelque’ leurs vêtements, puis on les placa sur
sorte, perpétuer en Afrique cette per des vaisseaux à moitié brisés qui furent
sécution. C’était, d'une part, l'esprit lancés à la mer et abandonnés à la fu
de secte qui animait les conquérants reur des vents (1).
barbares; de l’autre, l’état de guerre Une chose encore, dès les premiers
dans lequel la nation vandale, sous temps de la conquête , aggrava les souf
Genséric, fut obligée de se maintenir frances des catholiques , ce fut la crainte
pour résister aux attaques de l’empire. qu’ils inspirèrent à Genséric. Le roi
Les Vandales, suivant certains bis? barbare n‘ignorait pas qu’ils désiraient
toriens, avaient adopté l'arianisme ardemment le rétablissement de l’au
pendant leur séjour en Espagne; sui torité impériale; que leurs regards
vant d’autres (et nous partageons l'o étaient sans cesse tournés vers l’ltalit
pinion de ces derniers), ils avaient été ou vers Byzance; qu’ils le baîssaiene
gagnés à l’hérésie, avant la grande in. comme arien et comme barbare, et qu’ils
vasion de 406, à l’époque ou ils cam étaient prêts à soutenir toute armée qui
aient sur les frontières de l’empire viendrait sur les côtes de l’Afrique
’Orient, dans les provinces qui avoi pour les rattacher à l’un des deux em
sinent le Danube. Dès l’instant où ils pires. Il les persécuta donc aussi pour
parurent en Afrique , ils ne se déclarè des raisons politiques, parce qu’ils se
rent point seulement ennemis de l’em déficient d’eux; et sa sévérite à leur
pire , mais encore ennemis des catholi égard, il faut le croire , augmenta toutes
ues et, par là, ils doublèrent leurs les fois qu’une-expédition fut dirigée
orces et assurèrent le succès de leur par les Romains vers les provinces qu’il
audacieuse entreprise. Ils virent ac avait conquises.
courir dans leurs rangs, nous l’avons
dit aussi, tous ceux qui avaient souffert (l) L’éveque de cartha e uodvulldeus et ses
pour leurs croyances sous le règne compagnons écliappèren à a mort. Ils furent
d’Honorius ; les donatistes surtout, qui, poussés par le vent sur la cote de Naples. Gen
sericus, Quodvultdeum et maximum turbam
pour se venger de leurs persécuteurs , clericomm, mwîbus fractis impositos, mains
n’hésitèrent rpoint sans doute à asser algue erpoliatas expelli præcepit : ques Deus,
mlserationc bonitatis sure, p'mspera Mvigatimæ
en grand nombre du schisme à ’héré Ncupolim Campaniæ perducere dignatm est
sie. Cette alliance donna une nouvelle civilatem. Victor de Vite; l, 5.
4.
52
Toutefois, il semble que, vers la fin mort. Cet édit reproduisait, dans leurs
de sa vie, Genséric se soit relâché de sa principales dispositions, toutes les lois
rigueur. C'est qu'alors nul ennemi ne romulguées jadis par Honorius contre
lui. faisait ombrage. Il avait conduit à c schisme ou l’hérésie.
sa chute l'empire d’Occident, ruiné la L’édit de Hunéric ne contenait point
marinedes Byzantins, et ildominait, par de vaines menaces; il fut bientôt exé
ses ‘flottes, sur toute la Méditerranée. coté avec rigueur dans toutes les par
Rien ne lui résistait en Afrique. En 476, ties de l'empire vandale , et alors com
sur la prière de l'empereur Zénon, il men a une persécution qui fut marquée
ermit aux catholiques de rouvrir leurs par es supplices et de sanglantes exé
glises‘s‘et il lrappe a les évêques qu'il cutions. Ce fut d'abord sur les évêques
avait exilés. On pourrait induire de ce ui s'étaient rendus à la conférence de
fait, qu'en général, il les persécuta, non arthage que tomba la colère du roi. Il
comme dissidents religieux, en ,haine ne se borna oint à les dépouiller de
de leurs croyances , mais comme enne leurs églises; i les ‘fit tous arrêter: puis,
mis de sa domination (I). il condamna les uns à cultiver la terre ,
comme esclaves, les autres a couper
ÉDlT ms 484 coN'rnE LES CATHOLI
QUES; ÉTAT DE L'ÉGLISE n'aurons et à préparer , dans l'île de Corse, les
sous LES nois HUNÉRIC, GUNTHAMUND bois qui devaient servir à la construc
m THRASAMUND. — Hunéric,fils et suc tion de sesvaisseauxfl).
cesseur de Genséric , ne persécuta point Sous le règne de Gunthamund, les
les catholiques dans les premières années catholiques jouirent de uelques ins,
de son règne. Il ne fut cruel alors que tants de repos. Alors les vêques exilé
pour les membres de sa propre famille revinrent de toutes parts et, parmi euxs
et pour les hommes les lus illustres de Eugène, qui, en 487, reprit possession du
la nation vandale. Ce ut seulement en siége épiscopal de Carthage (2). Mais ce
483 , qu'entraîne par l'es rit de secte, il repos ne devait pas être de longue durée .
tourna ses fureurs contre es catholiques. Thrasamund, qui devint roi en 496 ,
Il voulut les contraindre à embrasser persécuta de nouveau les catholiques.
l’arianisme. Ceux qui résistèrent furent C'était un homme lettré, d'un esprit sub
dépouillés de leurs biens et exilés. Les til , qui aimait la controverse et se plai
rêtres surtout eurent à souffrir du zèle sait aux discussions théologiques. Il
intolérant de Hunéric; ils furent dépor traita les ennemis de sa croyance à la
tés par milliers, sans défense et sans manière de Julien. Il les attaqua par les
ressources, dans les déserts de l’Afri railleries, le mépris et l'outrage. Cepen
que. dant, il ne put toujours soutenir son
Pour se donner sans doute un pré role; plus d'une fois, renonçant à feindre
texte de sévir, le roi convoqua un grand la modération et la tolérance, il laissa
concile à Cartha e. Ariens et catholi librement éclater sa haine contre ceux
ques se réunirent ans cette ville en 484; qui ne partageaient point ses opinions
mais à la suite de désordres rovoqués religieuses. Ce fut ainsi qu'il força Eu
peut-être par Hunéric lui-m me et par gène à quitter encore son siège épisco
es évêques qui l'environnaient, les con gai et à s'exiler de Carthage, et que ,
férences furent interrompues. La seu ans l'année 507 , il fit xdéporter en
tence de condamnation avait été pré a Sardaigne les évêques de la B zacène.
rée à l’avance. Le roi, accusant es L'Église d'Afrique ne sont‘ rait pas
catholiques d'avoir mis obstacle à,la seulement alors de l'intolérance des rois
discussion, publia un édit qui les pri vandales , elle était encore attaquée et
vait de leurs é Iises et renonçait con. affaiblie par les tribus du désert. Celles
tre eux les ch timents es plus sévères, ci, profitant de la faiblesse des succes
à savoir : les amendes, les confiscations , seurs de Censéric , avaient recommencé
les peines corporelles, l'exil, et même la I) Nous avons déjà donné, dans ce volume,
1’ lt de 484, et_raconté. avec quelque éten
(l) Voy. sur l'état de l'Église d’Afrique. au due, la persécution qui le suivit. Vo .notre
temps de Genséric, notre Histoire de la domi Histoire de la domination des Van ales en
nation des Vandales en A/rique, p. [0 et suiv.; «(frique. p. 33 et suiv. . -
26 et suiv. (2) Morcelli ( 4/110. christ. ); t. I, p. 55.
AFRIQUE CHRÉTIENNE. 53
la guerre contre la civilisation.Elles s’é- frique au nom de l'empereur. Les ra
taientjetées sur l'empire vandale et elles pides et brillants succès du général
avaient rapporté le paganisme dans les yzantin donnèrent enfin la victoire et
contrées qu elles avaient envahies. la paix à l'Église catholique.
LA TOLÉRANCE pu ne: BILDÉRIC NOUVELLE RÉACTION; Ém'r DE
AMÈNE UNE BÉVOLUTION; cnLmEn; JUSTINIEN; RAPPORTS AVEC L'ÉGLISE
L'ÉGLISE CATHOLIQUE TRIOMPHE un DE nous; CONCILB; ÉTAT DE L'ÉGLISE
BËLISAIBB. -— Thrasamund mourut en D‘ArmQUs sous LA DOMINATION
523. Il laissait le trône à Hildéric , qui BYZANTINB. — Une ancienne tradition
avait longtemps vécu à Constantinople racontée par Procope (1) nous montre
et qui était peut-être catholique. Al a Elle les catholiques, depuis le règne de
vénement de ce prince, la persécution enséric iusqu aux victoires des soldats
cessa. Tous les exilés pour cause de de Justinien, n’avaient point cessé de
religion furent rappelés. Les supplices conspirer , au moins en pensée , contre
ou l'exil avaient faitde grands vides dans les conquérants barbares. En 533, ils
l'épiscopat, Hildéric ne s'opposa point , accueillirent Bélisaire comme un libéra
comme son prédécesseur, à ce qu'ils teur. Il est vraisemblable que dès l'ins
fussent remplis. Dans toutes les provin tant où le re résentant de Justinien
ces, les catholiques furent remis en pos arut sur les c tes de l’Afri ue, ils l'ai
session des églises qui leur avaient été’ èrent de leurs conseils et de leurs se
enlevées. Ils 'ouirent des lors d'une telle crets avis. D'ailleurs ,' en ne résistant
liberté que eurs évêques n’hésitèrent point à l'armée impériale, en lui lais
point àse rassembler, à Carthage même , santlibre passage dans toutes les villes ,
pour délibérer publiquement sur les be depuis Sy lectum jusqu'à Carthage , ils
soins de l’Eglise. Ce fut là, en effet, contribuèrent, autant qu’ils le pouvaient
sous les yeux du roi, qu'ils tinrent, en âlqrs, à la chute de la domination van
524 ou 525, un concile présidé par le a c.
primat de l'Afrique , Bomface (1). Une nouvelle réaction religieuse sui
Mais les hommes de race vandale et vit de rès la victoire de Bélisaire. Les
même les Romains qui avaient embrassé catholiques s'empressèrent de profiter
l’arianisme blâmaient la tolérance et la de la défiance que les hérésiar ues et
modération de Hildéric. Ils n'avaient les schismatiques inspiraient à a cour
oint cessé , avec raison, de considérer de Byzance pour se venger de tous les
es catholi ues comme de mortels en maux qu’ils avaient soufferts. Ils s'a
nemis. Ils es accusaient de chercher, dressèrent à Justinien. C'était princi
par leurs relations secrètes avec l'emc palement l'hérésie qui avait donné force
pire, le renversement de la domination et durée à l'empire vandale. C'était
vandale. ‘A la fin, Hildéric lui-même, elle aussi qui , peu d'années aupara
qui entretenait avecla cour de Constanti vant, avait précipitédu trône Hildéric ,
nople de fréquents ra ports, et qui avait le protecteur des orthodoxes etl’ami des
eu l’imprudence de p acer sur ses mon Byzantins. Justinien ne l’ignorait pas ,
naies l'effigie de Justinien, fut soup et , par politique autant que par zèle reli
çonné de partager, contre sa nation et sa gieux, il prit, contre les ariens, les do
propre famille, les haines des catholi natistes et les autres dissidents, de sé
ques. Une révolte éclata; Hildéric fut vères mesures. Par un édit de 435 , il
renversé du trône et Gélimer le rem les écarta des fonctions publiques, les
plaça. dépouilla de leurs biens, leur enleva
Cette réaction de l’arianisme ne fut leurs églises, et leur défendit d'élire des
pas de longue durée. J ustinien leva une évêques, de conférer les ordres et de
année pour soutenir le roi déchu. Ce baptiser (2). Les juifs aussi furent enve
fut en 533 que Bélisaire mit fin à la do loppés dans l'arrêt de prescription.
mination des Vandales et que , Hildéric C’était donc la peur qui avait dicté
étant mort, il prit.possession de l'A cette loi violente. Plus d une fois alors
(l) Voy. notre llist. de la domination des Van
(|) On com(pta 59 évêques dans ce concile. Voy. dates en Afrique, p. 58.
Hardouin; tout‘. t. il, p, 1151. (2)13aroniuu, ad. au. 535
54
on accusa les dissidents de conspirer, maine , ce fut la guerre continuelle que
non sur des preuves, mais seulement firent à l’empire et à la civilisation
arce qu’on les craignait. Toutefois, il les populations indi ènes. Salomon,
Faut dire que les Vandales, dépossédés Jean Tro lita, Genna ius, eux-mêmes,
etlnon exiles , que les hérésiarques et les les plus i lustres de tous les généraux
schismati ues qui s’étaient attachés à qui vinrent de Constantinople, ne purent
la fortune es conquérants barbares, dé toujours refouler et contenir les tribus
siraient ardemment la chute de la do du désert. Guidées, pendant un siècle ,
mination byzantine. Ils prirent part, il par des chefs qui, comme Yabdas, An
n’en fautpas douter, à tous les troubles talas , Carcasan et Gasmul, avaient ravi
ui bouleversèrent l’Afrique depuis le sans doute à la tactique romaine quel
épart de Bélisaire jusqu’à l’invasion ques—uns de ses secrets , elles ne ces
arabe. Par la force des choses, ils de sèrent de faire des progrès, agnant
vaient conspirer contre Justinien_et ses chaque jour une nouvelle part e terri
successeurs, comme les catholiques, toire sur la civilisation, et ramenant jus
depuis Genséric jusqu’à Gélimer , qu’à la côte le paganisme et la bar
avaient conspiré contre les Vandales. barie.
Les Byzantins achevaient à peine de Les Arabes, de 647 à 697, achevèrent
soumettre les provinces qui avaient l’œuvre des tribus indigènes et porté
appartenu aux Vandales que l’Église rentà la domination romaine le dernier
catholique d’Afrique songea à se réor coup. En moins d’un demi-siècle, en
aniser. D’abord, pour traiter les nom effet, ils établirent l’islamisme, par la
reuses affaires que lui donnait sa si force du sabre, sur toute la côte se
tuation nouvelle, elle tint un concile. tentrionale de l’Afrique. Alors les év -
Ce fut à cette fin que deux cent dix ques et les lprêtres s’enfuirent et se dis
sept évêques se réunirent à Carthage, persèrent; es uns se retirèrent sur les
en 534, sous la présidence du rimat terres encore soumises aux empereurs
Réparatus (1). Ensuite elle se remit dans de Constantinople; les autres en Italie;
des rap orts assidus avec Rome et les d’autres, enfin, comme Potentinus,
autres glises du monde chrétien (2). évêquefl’Utique, cherchèrent un asile
Elle forma, peut-être dès la même en Espagne (1).
époque, les quatre provinces ecclésiasti CONCLUSION. — Après cette terrible
ques qui subsistaient encore, suivant invasion il resta pourtant des chrétiens
‘anciens documents, en l'année 649. en Afrique. Nul, aujourd'hui, ne sau
Ces quatre provinces étaient ; 1° la rait dire précisément à quelles condi
Proconsulaire; 2° la Numidie; 3° la tions les conquérants arabes laissèrent
Mauritanie; 4° la Byzacène. Sous au milieu d'eux, endant plusieurs siè
le nom général de Mauritanie se trou cles , cette part de a population romaine
vaient comprises la Césarienne, la Siti qui n’avait abandonné ni son culte ,‘ ni
fienne et la Tingitane. La ’l‘ripolitaine sa foi. Un seul fait nous semble hors de
avait été rattachée à la Byzacène. doute, c’est que l’existence de cette
Depuis la conquête accomplie par population, vouée par l’islamisme au
Bélisaire iusqu’à l’invasion des Arabes, mépris et aux outrages, exposée sans
l’Église d’Afrique eut sans doute beau cesse à une complète extermination, ne
coup à souffrir des révoltes et des trou fut qu'une longue suite de souffrances.
bles‘qui à diverses époques éclatèrent à Nous savons, en effet, par d’anciens
Carthage et dans toutes les provinces documents, combien fut triste et misé
soumises à la domination byzantine. rable l’état de l'Église d’Afri ne, pen
Mais ce qui contribua surtout à l’affai dant le moyen âge. Elle souf it alors,
blir, et, si nous pouvons nous servir de nonvseulement de la persécution , mais
cette expression, à amoindrir son de encore de ses discordes. Elle ne cessa
pas d'être en proie à ces querelles et à
(làlîardouin; Coutil. t. II, 1154 et 1177. ces divisions qui, dans le cours du qua
—- eparalus venait de succe et sur le siege
épiscopal de Carthage à Bonifaœ.
(2) Voy. Morcelli(dfr.chist.); ad an. 535; (1) Morcelli (mica christiana); ad un.
t. III, p. 282 et sqq. 669; t. III, p. 392.
AFRIQUE CHRETIENNE. 5'5
trième siècle, avaient tant fait pour sa que, il fut victime des interminables
ruine. En l’année 893, des députés de discordes de ses freres les chrétiens. Ac
l’Afrique vinrent à Rome et s adressé cusé par eux auprès des Sarrasins, il
rent au pape, lui demandant ses con eut à supporter les plus odieux traite
seils et sa médiation pour arrêter un ments et les plus cruels outragesfl).
schisme qui avait éclaté entre les évê Ce sont là les derniers et tristes sou
ques (1). venirs laissés par l‘Église dont nous
Plus tard , vers 1054, une lettrevenue voulions écrire l’histoire. _Vers 1146 ,
de Carthage à la cour du souverain pon la secte des Almohades, qui vainquit et
tife atteste une nouvelle discorde. Le extermina celle des Almoravides , porta
métropolitain Thomas écrit à Léon [X en Afrique le dernier coup au christia
pour se plaindre de l'évêque de Gum nisme (2).
mase, en Byzacène, qui se croyait et Les chrétiens d’Europe savaient en
se disait son égal. Le pape reconnaît, core vaguement au moyen âcre que par
dans sa réponse, les droits de Thomas. dela la Méditerranée, non T01" de l’[
a Après le souverain pontife, lui dit-il , talie, de la France et de l’Espagne se
nul n’est plus élevé, en Afri ue, que trouvait une côte belle et fertile où
l’archevêquede Carthage. » Il declare que avaient existé jadis des églises sans
les autres évêques ne peuvent ni sacrer, nombre et de populeuses cités, etils s’é
ni déposer, ni assembler des conciles murent aux lamentables récits que leur
sans l’assentiment du métro olitain. firent . sans doute, ceux qui avaient
Léon IX vo ait avec tristesse ‘état de échappe par la fuite au fer des Al
l’Église d’A ri ue, et ce n'était pas sans mphades. Alors, dans ce temps d’hé
une profonde ouleur, comme il le di roique ‘ignorance où rien ne paraissait
sait lui-même, qu’il ne comptait que impossible a quiconque croyait et vou
cinq évêques dans une contrée qui jadis lait fermement, plusieurs son èreiit à
en réunissait plus de deux cents pour reconquérir, au profit du christianisme ,
ses eonciles (2). cette terre désolée. En l’année 1226,
Ces cinq évêques étaient réduits à deux de pauvres religieux, n’ayant pour res
vers 1076. Ce fut alors que Grégoire sources et pour appui que leur foi et que
Vil écrivit, à Carthage, au métro 0 leur_zele, s’embarquèrent pour l'Afrique,
litain Cyriaque , pour lui recomman er, ou ils essayèrent en vain _de prêcher
lorsqu'il n’ aurait que deux évêques en l’Evangile. En 1270, un roi de France
Afrique, e procéder à l’élection d’un cam a avec son armée sur les ruines de
troisième , qui se rendrait à Rome et s’y Cart age. Mais alors et depuis , pendant
ferait sacrer. C’est afin, dit le pape, sept siècles , les efforts de ceux qui son
que plus tard les consécrations puissent mettent les peuplespar l_’épée ou par la
se faire, en Afrique même , par les évê aroledemeurèrent impuissants. Toutes
ques réunis au nombre prescrit par eurs entreprises échouerent, et quand
les canons; et il sacra lui-même, pour ils parvinrent a prendre possession de
commencer, Servandus , qui devait être (l) Hardouiii; Cana, t. VI,p. 134i. —Greg.
évêque d’Hippone. Alors, tout .ce_qui vii Epist, lib. l, 22.
rappelait l’ancienne gloire de l’A_frique (2) il resta pourtant quelques chrétiens sur
était tellement oublie, que Grégoire Vli la cote d’Afri ne. Placés au milieu d’une po
pulation fanatique et barbare, ils étaient dans
ne savait en uelle province était le une situation déplorable. ;Guillaume_de Nan
siège épiseopa illustré par saint du‘ is nous apprend qu'au temps de l’ex édition
gustin. Dans la lettre qu’il écrivit _a de saint ouis , i y avait encore Tunis
des prêtres et des églises. Les musulmans 1e
propos de l’élection de Servandus, _il tèrenl en prison tous les chrétiens quand ils
lace Hippone dans la Mauritanie Si_ti apprirent que i’armée française avait touché
enne. Quant au métropolitain Cyria les cotes de l’Afrique. Erat m urbe Timcrum
multitudo christianorumj ugo {amen servitutis
(l) Frodoard; IV ,_2. . _ Sarraeenorum oppressa , et fmtru-m Prædicq
(2) Decus cceleszarum .qfripa'narum tta forum con regatw, ac ercleszæ conslruclæ m
co'nculcatum a geniibus mqmum do_lemu_s, quibusflde es quolidie confluebanj : quos ovrmes,
ut modo via: quinque invemantur episcopz , en‘ cm‘ regis pnæceptœ, Sarmcen} captes encar
ubi olim ducenti quinque salebqnt par conci ce’ravemnt cumfines suas intmvzsse Francorum
liaplenaria computari. Hardouin; Çoncil. t. ezercitum cognovz’ssent. Gesta Philippi III;
Vi, p. 950. Voy. les Historiens de France, I. XX , p. 478.
56 L’UNIVERS. AFRIQUE CHRÉTIENNE.
quelques oints de la côte, leurs établis croisade , s’est enfin montrée; elle est
sements urèrent peu. L’Europe pour sortie de la France, pays privilégié au
tant ne s'est jamais lassée et ses espé uel la Providence avait réservé la gloire
tances n’ont pas été vaines. La race de e rattacher l'Afrique au système oli
guerriers qu un écrivain ecclésiastique tique des nations européennes et e la
appelait de tous ses vœux , au commen faire articiper de nouveau à la vie du
cement de‘ notre siècle, pour une dernière moncre chrétien et civilisé.
nm ne L’AFBIQUE CHRÉTIENNE.
OQCOOOO'CQOO MWW‘OWWMMMO’M‘OMI‘MOMMM'I O...
APPENDICE.
LISTES D’ÉVÊQUES.
Nous avons dû faire un choix armi Eugenius fut sacré en 479. Il fut
les nombreuses cités ul couvraient le chassé d’Afrique ar le roi Thrasamund
sol de l’Afrique ancienne. D’abord et mourut dans es Gaules à la fin du
nous avons pris Carthage, la grande cinquième siècle.
métropole chrétienne, ensuite quelques Fabius Furius Fulgentius Planciada?
unes des villes qui sont soumises aujour Morcelli le rejette de sa liste.
d’hui à la domination française. Bomfacius monta sur le siège épisco
Canrnacs.
pal vers 523. Il mourut en 535 après la
chute de la domination vandale.
4grippinus; c’est le premier évêque Reparatus lui succéda. On sait qu’il
connu. Son épiscopat peut être reporté se rendit à Constantinople en 551.
aux dernières années du second siècle. Primasius. Morcelli pense qu’il ne
Optatus fut évêque au commence mourut pas avant l’année 565.
ment du troisième siècle. Il succéda Publianus était encore évêque en 581 .
peut-être à A rippinus. Dominicus occupait déjà le siège
Cyrus doit tre placé après Optatus, épiscopal en 591. Il vivait encore en
suivant Morcelli. 601.
Donatus mourut en 248. Fortuhius était évêque en 640.
Cyprianus (S. Cyprien ) lui succéda. Victor occupait encore le siégé épis
Il fut déca ité en 258. copal en 649.
Carpop orus lui succéda , suivant Après l'invasion des Arabes il faut
Morcelli. franchir quatre siècles pour retrouver
Lucîanus fut évêque vers la fin du un évêque de Carthaqe.
troisième siècle. . Thomas occupait e siége épiscopal
' Jllensurius occupait déjà le siège en 1054. Il fut en relation avec le pape
épiscopal à l’épo ue où fut promulgué Léon IX.
l’édit e Nicoméäie. Il mourut en 311. Cyriacus, évêque de Cartba een I076,
Cœcilianus. Ce fut à pro os de son fnten relation avec le pape Grâgoire Vll.
élection que commença le se isme des De 1461 à 1804 , douze prélats euro
donatistes. On sait positivement u’il péeus, suivant Morcelli ont porté le
vivait encore en 321 . Il assista peu tre titre d'évêques de Carthage.
au concile de Nicée en 325.
,crim (CONSTAN’I‘INB ).
Rufus est nommé dans un concile de
337. Crescen: est le premier évêque connu.
Gralus présida un concile à Carthage En 255 , il vint à Carthage pour assis
en 349. ter au concile présidé par saint Cyprien
Restitutus était évêque de Carthage et où devait être débattue la question
en 359 du baptême des héréti ues.
Geneclius en 381. Paulus était évêque orsque fut pro
.lui'elius monta sur le siège épiscopal mulgué l'édit de Nicomédie (303). Il
de Carthage en 391. Il mourut vers 426. mourut vers 305.
Capreolus était évêque vers 435. sylvanus succéda à Paulus. _
Quodvultdeus prit possession du siège Zeuzius occupait le siégé épiscopal
épiscopal vers 437. en 330;
Deogratias fut évêque de 454 à 457. Gemrosus , vers 400.
58 APPENDICE.
Profuturus succéda à Generosus; on ropéens ont porté le titre qu’avait il
ne saurait porter au delà de 410 la durée lustré saint Augustin. Morcelli- en
de son épiscopat. compte quarante-trois (de 1375 à 1795).
Fortunatus assista à la conférence de
Carthage , en 411 . Il fut un des sept com Smrr (SÉTIF ).
missaires choisis par le parti catholi Severus, vers 400.
que. Novalus assista à Carthage , à la con
Honoratus Anioninus était évêque férence de 411 et au concile de 419.
sous le règne de Genséric. Donatus vint au concile convoqué en
I/ictor est le dernier évêque de Cirta 484 , par Hunéric , roi des Vandales.
ou Constantine dont l'histoire nous ait Optatus vint au concile convo né en
conservé le souvenir. il vint, en 484, au 525 par Boniface, évêque de Cart age.
concile convoqué à Carthage par Huné
ric , roi des Vandales. IOL-CÆSAREA ( Cnsncnnr. )
Nous n'avons pas besoin de dire que
nous n'avons pas nommé ici les évêques Quatre noms seulement ont échappé
donatistes. Il en est un pourtant qui mé à l'oubli.
rite d'être mentionné à cause de sa Fortunatus était évêque de Iol-Cæsa
rea, en 314. Il assista au concile d'Ar
grande réputation; c'est Pétilien.
les où furent condamnés les donatis
HIPPO-REGIUS (BONE *). tes.
Théogêne est le premier évêque Clemens occu ait le siége épiscopal
connu. Il assista au concile convoqué en au temps de la revolte de Firmus, vers
372.
255 par saint Cyprien.
Fidentius occupa le siége épiscopal Deuterius assista à la grande confé
vers 304 (P). rence qui eut lieuà Carthage, en 411,
Leontius., n ne saurait préciser l’é entre les catholiques et les donatistes.
po ue où ' occupa le siége épiscopal. . Apocorius, enfin, vint au concile qui
fut convoqué, en 484, par Hunéric,
Il ut p —être le successeur e Fiden
tius.
roi des Vandales.
Fauslinus était donatiste. Suivant CUICULUM (Jmmnxn).
Morcelli , il fut contemporain des empe
reurs Constance et Julien. Pudenlianus assista , en 255 , au con
Valen‘as était déjà évêque d'Hippone cile de Carthage où fut discutée la ques.
lorsque saint Augustin revint d'ltalie. tion du ba tême des hérétiques.
Augastinus (saint Augustin ), de 395 Elpidep crus assista, en 348, au con
à 430. cile de Carthage présidé par le métro
Heraclius avait été désigné au choix politain Gratus.
du clergé et du peu le ar saint Au Cresconias assista à la conférence
gustin lui-même. Il evait lui succéder; ni eut lieu à Carthage, entre les ca
mais il est vraisemblable , qu’il ne rem t cliques et les donatistes, en 411.
plit pas ses fonctions, puisque la ville Fz'clor vint au concile convoqué , en
d'Hippone fut saccagée et brûlée par 484 , par Hunéric ,.roi des Vandales.
les Vandales. Elle ne se releva que plus Crescens se rendit à Constantinople
tard. ' et assista, en 553 , au cinquième concile
Servandus fut sacré évêque d’Hippone œcuménique.
par le pape Grégoire VII, vers 1076. Icoswu ( ALcnn ).
De tous les évêques ui ont résidé
àHippone , Servandus est edernier dont Crescens assista , en 411 , à la confé
le nom soit arrivé jusqu'à nous. Nous rence de Carthage. Il était du parti des
devons dire qu'à partir du quatorzième donatistes.
siècle un grand nombre de prélats eu Laurentius assista , en 419 , au concile
convoqué à Carthage par l'évêque Au
(") La ville moderne de Boue, comme nous relius.
l'avons dit dans notre histoire des Vandales,
est située a quelque distance de l'emplacement I’îctor vint au concile convoqué, en
d’lltppo-Regius. 484 . par llunéric , roi des Vandales.
APPENDICE. 59
IGILGILI (11cm.). Sunna (BOUGIE).
Urbicosus assista, en 411, à la confé
rence de Carthage. . Pose/rastas est le .seul évêque de, cette.
Dommanus vint au concile convœ ville dont le nom en écha pé a. loubli.
92:35:, 484’ par H‘mém’ . '0'. des Hunéric, roi des convo
Il vint au concile vandaties.’
u en 484 ’ par
l‘ ICMDIICOOQÇ'OMIÔV5t.Û.‘CECI.à.IOIOOICDÉOQ‘IQ‘OiO'OCQIIII'OOQCOOQ “0.000.000.”
TABLE
DE L’AFRlQUE CHRÉTIENNE.
Galen‘us Maxime (le proconsul d’Afrique) lllacaire persécuté les donatistes; p. 28. a et b.
jugebet condamne à mort saint Cyprien; p. lllacariemte (persécution ); p. 28. a et b. _
15. . Illajon‘u est opposé comme evéque a Cécilien;
Galerius (le César) pousse Dioctétien a la per . 20. a.
sécution; p. 17. net b. lgniehe‘emfleur conduite a l’arrivée des Van
Gargiliennes (les Thermes); les donatistes et dales en Afrique; p. 44. b. '
l les catholiques s’y rassemblent pour leur con Marcellin le tribun) réside la conférence des
féreuce; p. 36. a. évêques onatistes e catholiqlues a Carthage?
Gàsmul, chef des tribus maures; p. 54. a. il est favorable aux catholques; p.» 35 et
Ge'limer remplace Hildéric; réaction de l’aris suiv. . sa mort: p. 37. b.
nisme sous son règne; . 53. a. Masse-blanche; c'est le nom donné aux reliques
Gennadius, général byzan in, combaten Afrique des martyrs d’Utique; p. l6. b.
les tribus maures; 64. a. _ Maxida, chef des circonoelllons; p. 25. a.
Gemén‘e, roi des Van ales, persécuté lesealbo Illaznme ( l’évêque arien) discute avec saint
liques; son règne; . 50 et suiv. Angustin; p. 43. b.
Glas-ms, évêque doua le; p. 33. a. Mazzmianistee; p. 33. a.
cmâuùévêque catholique de Carthage ; p. sa. lllazimien, évêque donatiste de Carthage; p.
a . 83 a.
giiœ'âmmiàï‘îà‘ 2'353.
67€ 05 VII l ' ‘Y
p'ports ec l'é Nmsun’us évêque de Carthage; p. le. 1). Sa
prudence; son courage; sa mort; p. 18. b;
19. a.
B. Milan (arrêt de) qui confirme les sentences
prononcées contre les donatistes par les con
He'mclieu (le comte); sa révolte en Afrique; ciles de Rome et d‘Arles; p. 24. a.
. 37. b. Niltz‘ade 12e pape) condamne les donatistes;
Hguclim (le prêtre) est choisi pour succéder p. 2| ' 2.
DE L’AFRIQUE CHRÉTIENNE. es
Mom’llnson ouvrage intitulé A/rica cima Satur,-3mn martyre; p. cet suiv.
ana ; atppréciatiou de cet ouvrage; note de Saturnm (Vigellius), proconsul d’Afriquc, ju e
ap. l. . et condamne les martyrs scillitains; p. 2., ).
N. SatmI-nm; son martyre; p. 6et suiv. _
Ne'bridius, ami de saint Augustin ' p. 30. h. Sczlhtams Smarlyrs); leur condamnatio‘h et
Nicome’die (édit de ); p. 17. a et l). leur supp ice; p. 2. b.
Naval, prêtre carthaginois; ses intrigues a Car Secundulus; son martyre; p. 6 et suiv.
thage et à Rome; p. 13. a et b. Secundulus, évêque de Tiqisi; il se met a la
tête des évêques qui veu ent annuler l'élec
0. tion de Cécilien; . 19 b.
Scmi-pe'lagianisme lîle); p. 42 et suiv.
gptat, second évêque de Carthage; p. 2. a. Scrvandus, évêque ’Hippone, est sacré par le
plat (saint), évêque de Miléve; son ouvr e pape Grêgoire Vll; p 55. h.
sur le schisme des donatistes; p. 29. a et . Sévère (Sept'une) persêcute les chrétiens d’A fri
Orose (Paul); p. 34. D. que, p. 2. a; I0. b.
P. Slmph‘cwn, évêque de Milan ; ses rapports avec
saint Augustin; p. 32. b.
Paîens, encore nombreux en Afrique au com Sn'te (le prêtre) poursuit les Pélagiens avec
mencement du Ve siècle; saint Augustin les
ardeur; p. 42. a.
combat; p. 33. b; 34. a et b. Suffètc, ville de la Byzacène; soixante chrétiens
Parmc’nzen, évêque donatisle de Carthage; p. y sontmassacrés; p. 34. a. .
33. a.
Paul .persécute les donatistes; p. 28. a et b.
Pardi-n de Note; saint Augustin lui adresse un - j T.
de ses traités; p. 43. b. Tertullien et ses œuvres; p. 4. b.
Déluge et sa doctrine: p. 39 etsuiv. ,
Tlzéoge‘ne, évêque d’ltippone;'p. 16. b.
’e'lagianismc; son histoire; . 39 et suiv. Thomas, évêque de Carthage au moyen tige;
i’c'lagiens; leur conduite a ’arrivée des Van . 54. b.
dates; p. 44. h. ‘‘ T2) nsammzd, roi vandale;son intolérance; il
Perpétue ' sainte); son martyre; p. 6 et suiv. persécuté les catholiques; p. 52. l).
Péliliegr, vêque donatiste de Cirta; p. a; Tzcauius, savant docteur donaliste; p. 33, a.
36. . Traditeurs. Ce nom fut donné a ceux qui livrè-«
Possidius, amide saint Auguslin; p. :31. b; 36. a. - rent les ornements et les livres des églises
Potentz’nus, évêque d’Utique; p. 64 . b. au temps de la persécution dioclêtienne; la
Primianistes; p. 33. a. ' qualification de truditeur devient la cause
Primien, évêque donatiste de Carthage; p. 33. a. ’un schisme; p. 19. a et b. '
Privut est condamné pour hérésie dans un Trogh'ta (Jean ). général byzantin, combat
œncile tenu à Lambêse, en Numidie; p. Il, en Afrique les tribus maures; p. 54. a.
a; il est de nouveau condamné à Carthage ou
il excite un schisme ; p. 13. b. _ '
Prospcr, ses rapports avec saint Augustin; p. V.
43. a. Valentinien (l’empereur') poursuit les dona
Provinces ecclésiastiques en Afrique; p. 45. a listes; son édit: P. 29. b.
et b; 54. a. Valèrc, évêque dI-Iippone; il attache saint
Pugpurius, évêque de Limate; ses fureurs; p. Augustin a son église; p. 31. b; 32. a.
2 . a. l’ale’n‘en ( l’empereur) persécuta les chrétiens
Q. . d’At‘rique; p. 15. a; le. b. .
Quodvultdeus, évêque de Carthage, persécuté Vandales (les); leur arrivée en Afrique; leurs
ravages; p. 44 et suiv.; ils, persecutent les
par Genséric; p. 51. b. - catholiques ‘:1 p. 50 et suiv.
R.
Reparalus, évêque de'Carthage; p. 54. a. _ . Y.
Itestitut, prêtre catholique, tue par les donatis Yabdas, chef des tribus'maures; p. 54. a. X.‘
tes à l-llppone; p. 38. a. ' _
Révocalus; son martyre; p. c et suiv. _ _ Z.
Rome(l’église de); ses rapports avec l'église
d’Atrique; p. lit); la. b; 14. a; 15. a;20 et Zénon ( l’em reur) intercêde, pour les catho
suiv.;'4l. b; :12. aetl); 54. aetb; 55. aetb. liques de ‘Atrique, auprès de Gensêric; p.
Rufns, évêque de Carthage; p. 27. b. 51 b. ' _ _
_ S. Zozi‘ifie (le ape) montre de lamoderahon a
l’égnrd de étage et de Célestins; son irre
Salomau. général byzantin, combat en Atrique solution; ses rapports avec les eveques (le
les tribus dudéscrt; p. 54. a. l’Afriquc; p. 41, b ; 42. 41.
‘mana-mm“ hnmumflflümmnmmummmmnw
PRÉCIS DE L'HISTOIRE
n’arnrqun
SOUS LA DOMINATION BYZANTINE.
—w
APPENDICE
A ,L’HISTÛIBE D’AFRIQUE
SOUS LA. DOIIIA'IION BYZAN'I'INB.
un on L’APPENDICE.
uwu“umuuunuunwmwuuuummmwm mana.“ uuumum u u “ml . ‘ u
TABLE
DE L’HISTOIBB D’AFBIQUE SOUS LA DOMINATION DES VANDALES
Il’! SOUS LA DOMINATION BYZÀN’IINR.
Il‘.
Ze‘non (l'empereur) demande la paix à
Genséric, .26 a;-il négocie avec Hunéric ,
Uliaris, officier des gardes de Bélisaire, 29 b. '
54 a; il tuo,._.:Jean l’Arménien , 67 b; il Zeugitane‘, province (l'Afrique occupee
, obtient son pardon, 68 a. par les Vandales, :7 b.
0.00m MOCMMOCOÇM“
TABLE GÉNÉRALE
DE L'HISTOIRE DE L’AFRIQUE ANCIENNE. ‘
Pages.
FIN DU VOLUME.
_
‘1092-100
5-20
961 A956a 1981 2
I I I I I I I I I IJI I HI MI I IHI JI I HI J MHUI I I JI I I I I I I I
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NORTHWESTERN
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BOOK CARD
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En tête de la deuxième partie se trouve l’histoire de Carthage, par
MM. Dureau de la Malle et Jean Yanoski. C’est le morceau le plus complet qui
ait été écrit sur cette ville célèbre. On y rencontre tous les faits et tous les résul
tats critiques contenus dans les travaux des érudits français, et aussi dans les
ouvrages composés à l’étrañger par Campomanes Münter, Heeren, Bottiger,
etc. Elle renferme, sur la troisième guerre punique, des détails pleins d’intérét
et très-dramatiques, que l’on ne.trouve dans nul autre livre.
Vient ensuite l’histoire de la Numidie et de la Mauritanie. Les faits qui
'se rapportent à cette histoire étaient disséminés dans mille ouvrages divers.
L’auteur les a tous recueillis avec soin et classés. Il a divisé son travail en trois
parties : 1° la Numidie, iusqu’aux Romains; 2° la Mauritanie, iusqu‘aux
Romains; 3 ° la Numidie et la Mauritanie sous les Romains. jusqu ’à la conquête
de l’Afrique par les Vandales. Cette division répand sur l'ensemble des faits
une vive lumière. L'auteur de ce travail est M. L. Lacroix. ancein élève de
l‘Ecole normale, professeur d’histoire au collège Rollin.
M. Jean Yanoski a repris alors. dans leur ensemble, toutes les provinces.
depuis les limites les plus orientales de la Tripolitaine iusqu‘à I'Atlantique.
pour raconter les origines, les développements successifs. la grandeur. la déca
dence et la chute de l’Eglise d’Afrique. Rien d'important. en ce qui concerne
les hommes et les dœtrines, n’a été omis dans ce fragment d‘histoire ecclésias
tique. qui a pour titre l’Afrique chrétienne.
Enfin. M. Jean Yanoski a terminé le volume par une histoire de
l’Afrique sous la ‘domination vandale et sous la domination byzantine.
L'auteur ne s’est ‘point borné à donner ses propres recherches; il a en soin de
reproduire tout ce qu’avaient écrit. avant lui. à diverses époques, Lebeau
Gibbon, Mannert. Saint-Martin, l‘Acade‘mie des inscriptions et belleslettres.
etc., et tout récemment MM. Louis Marcus et Papencordt.