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AFRIQUE

ANIENNE

CARTHAGE V

par M. Dureau de la Malle

NUMIDIE ET MAURITANIE
par M. Louis Lacroix

L’AFRIQUE CHRÉTIENNE
Histoire de la domination des Vandales
par M. Jean Yanoski

ñ‘ TOME SECOND » . ..,_:

‘ ÉDITIONS BOUSLAMA -TUNIS


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Avezac - Hawulaj nrmand cl‘,
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HISTOIRE ET DESCRIPTION"
DE TOUS LES PEUPLES.

AFRIQUE.
CARTHAGE
NUMIDIE ET MAURITANIE.
AFRJQUE CHRÉTIENNE.

REIMPRESSION

TOME SECOND

E DITIONS BOUSLA MA -TUN1S


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J. 2,

© ÉDITIONS BOUSLAMA-TUNIS

Toute reproduction d’un extrait quelconque de ce livre, par quelque procédé


que ce soit et notamment par photocopie ou microfilm, est strictement interdite.
AFRIQUE.
AFRIQUE ANCIENNE‘
(CYRÉNAIQUE, CARTIIAGE, NUMIDIE, mwmmmn) ,

PAR MM.

BUREAU DE LA MALLE,
il)!!!‘ ni L'Auniun nu lueur-nous n IILLIS-LITTAIS.

YANOSKI,
uonsslvn surru’ur Av cnuicx u nmcz ,
Aon'cl' n! L'mnvlnsxn'. ne.

CHEZ FIRMIN DIDOT FRÈRES, ÉDITEURS,


mPnmEuns-Lmnunxs ms L’INSÏITUT,
RUE JACOB, 56.

H DCCC XLII.
HISTOIRE ET DESCRIPTION
DE TOUS LES PEUPLES,
DE LEURS RELIGIONS, MOEURS, INDUSTRIE, COSTUMES ETC.
0.0... IOMIQOCOO” l.

CABTHAGE.
PAR M. BUREAU DE LA MALLE,
Il‘!!! DE L’IISTITUT.

CARTHAGE eut le triste destin de Utique. Cette princesse demanda,


ne jeter un grand éclat qu’au moment ditvon, aux naturels du pays qu’ils
de sa ruine, et de voir le soin de sa voulussent bien lui vendre. pour I’é
gloire abandonné à des historiens tablissement qu’elle méditait, autant
étrangers. La mémoire de ses écri de terrain qu en ourrait renfermer
vains nationaux s’est erdue depuis une peau de bœu . 0n.ne crut pas
longtemps; et, parmi es étranvers, devoir lui refuser une grâce si petite
il n’en est aucun qui ait écrit d’une en ap arcnce. Alors Didon divisa sa
manière suivie l’histoire de cette ré peau e bœuf en lanières fort étroites,
publique. et les étendit à la suite les unes des
Omerm; x1 FONDATION ne CAR autres, de manière à former une vaste
TBAGE , 878 AVANT J Ésus-Cmus'r. — enceinte. où elle construisit'd’abord
Il est certain que Carthage est une une citadelle qui, de la , fut appelée
colonie de 'I‘yr, car la langue puni BYIlSA (").
ue , comme plusieurs auteurs anciens Que les fondateurs deCarthage soient
lont aflirmé, et comme l’ont prouvé Zorus et Karchedon , ainsi que le pré
.plusieurs savants modernes, est la tendent Pl‘iilistus , Appien , Eusèbc et
même que la langue phénicienne. Selon saint Jérome; que ce soit Élisa ou
la tra ition poétique , recueillie par Bidon,‘ comme presque tous les au
Virgile et Trogùe-Pompée, cette ville teurs anciens nous l'ont transmis, on
aurait dû sa fondation a Didon , fem peut admettre, comme un fait histo
me de Sichée et sœur-de Pygmalion ,
roi de Tyr. Ce prince ayant fait mou (‘) 1369m, en grec. signifie peau. C'est
rir injustement Sichée, Didon , que ce qui a donné lieu ‘a cette ridicule étymo
les Tyriens appelaient aussi Elisa , logie dont les savants versés dans les lun
s'enfuit avec ses trésors, suivie d'une gues sémitiqucs oul montré la fausseté en
petite troupe de ses partisans , et vint l'aisaul remarquer que bosra , qui, en hébreu
aborder en Afrique, à six lieues de et ensyriaque , signifie citadelle, a été changé
Tunis, dans le golfe où s’élevait déjà par les Grecs en B6941.
1" Livraison. (CABTBAGE) 1
2
ri ue, qu’elle a été fondée par une aussi vraisemblable qu’il est possible
C0 onie de Tyriens, et comme une de l’entrevoir à travers les nuages de
opinion vraisemblable, que cette fon la fable et le long espace des siècles.
dation a eu lieu avant celle de Rome, FORMATION m: ACCROISSEMENTS
environ 878 ans avant l’ère vulgaire. DE CAn'rHAGE , m; 878 A 543 AVANT
Ceux qui adoptent cette date ont J. C. — Carthage, qui avait eu de
reproché à Virgile l’anachronisme qu’il très-faibles commencements, s’accrut
a commis en faisant paraître à la cour d’abord peu à peu dans le pays même,
de Didon un prince troyen qui aurait et forma plusieurs établissements de
existé plus de trois cents ans avant commerce à l’est et à l'ouest sur la
cette princesse. Cependant d‘babiles côte septentrionale de l’Afrique. Mais
critiques ont cru pouvoir justilier le sa domination ne demeura pas long
oëte latin, en faisant remonter la temps enfermée dans ces bornes étroi
ondation de Carthage à l’année 1255 tes. Cette ville ambitieuse porta ses
avant J. C., qui est à peu près celle conquêtes au dehors, envahit la Sar
de la guerre de Troie. Dans cette der daigne, s'empara d’une grande par«
nière hypothèse, Didon et Karchedon tie \de la Sicile, soumit presque
auraient seulement agrandi l’enceinte toute l’Espagne, et, ayant envoyé de
et augmenté la puissance de Cartha e. tous côtés de puissantes colonies, elle
Cette opinion, soutenue ar . es demeura maîtresse de la mer pendant
savants distingués, s’appuieral encore plus de six cents ans, et se fit un état
sur les autorités d’après lesquelles qui le pouvait dis uter aux plus grands
Procope raconte l’origine des Maures empires du mon e par son opulence,
et l’établissement des colonies phéni par son commerce, ar ses nombreuses
ciennes en Afrique. L’auteur bysan armées, par ses ottes redoutables,
tin , invoquant le témoignage unanime et surtout par le coura e et le mérite
de tous les historiens anciens de la de ses capitaines. La ate et les cir
Phénicie, assure que, lors de l’inva constances de plusieurs de ces con
sion de la Palestine par Josué, fils de quêtes‘ sont peu connues : à partir de
Navé (1590 ans avant'J. 0.), tous les la mort de Didon , il existe une lacune
peuples qui habitaient la région mari de près de trois cents ans dans l'his
time, depuis Sidon jusqu’a l’Évypte, toire de Carthage.
et qui étaient soumis à un seul roi, Gnnnnn ENTRE CYRÈNE et CAB
les Gergéséens, les Jébuséens et plu THAGE. —- C’est entre l’époque de sa
sieurs autres tribus, dont les noms fondation et l'année 509 avant Jésus
sont inscrits dans les livres histori Christ, que Carthage s’affrancbit du
ques des Hébreux , abandonnèrent tribut qu’elle avait consenti à payer
leur atrie et se portèrent, à tra aux Libyens, et qu’elle étendit ses
vers ’Égy te, dans l’Afrique. Pro conquêtes dans l’intérieur de l’Afri
:0 e ajou e qu’ils s’étendirent jus que et sur le littoral de la Méditerra
qu aux colonnes d’Hercule, qu’ils occu née. Le fait historique le ‘plus ancien
pèrent la région septentrionale tout ‘que nous connaissions avec quelques
entière, et qu’ils fondèrent dans ce e’tails est une contestation entre
vaste pays un grand nombre de villes, Cartilage et Cyrène au sujet des limites
dans lesquelles , de son temps, la lan de leur territoire. Cyrene était une
alese récits
phénicienne était encore
s’accordent en usage.
assez bien avec ville fortépuissante située sur le bord
de la M diterranée, vers la grande
ce que les anciens nous ont transmis Syrte, qui avait été bâtie par Battus,
sur la fondation d‘Utique, qu’ils pla de Lacédémone. «Entre les deux États,
cent deux ou trois cents ans avant « dit Salluste, se trouvait une plaine
celle de Carthage, et il nous semble « sablonneuse, tout unie, où il n’y
que le rapprochement de ces autori n avait ni fleuve ni montagne qui pût
tés présente , de l’établissement et de u servir à marquer les limites , ce qui
la formation de Carthage , un tableau « occasionna entre eux une guerre lon
CARTHAGE. 3
« âne et sanglante. Les armées des neurs divins , et depuis ce temps-là ce
a eux nations , tour à tour battues et lieu fut appelé LES A'U'rELs mas Pru
« mises en fuite sur terre et sur mer, LÈNES, aræ Philenorum, et servit de
«s’étaient réciproquement affaiblies.. home à l’empire des carthaginois,
n Dans cet état de choses, ces peuples -qui s’étendait depuis cet endroit jus
«craignirent de voir bientôt un en qu’aux colonnes d’Hercule.
« menu commun attaquer tout ensem L’Art de vérifier les dates place
«ble les vainqueurs et les vaincus, l’histoire des Philènes en l'an 460 avant
u alement épuisés. Ils convinrent Jésus-Christ, sans s’appuyer sur au
æzd une trêve, et réglèrent entre eux cune autorité. Commele premier traité
9 que de chaque ville on ferait partir de Rome avec Cartha e est de 509 , et
« eux députés; que le lieu où Ils se u’il eut être rang au nombre des
« rencontreraient, serait la borne res aits es mieux averés, nous avons
«Àpective des deux États. cru devoir reporter à une é oque an
« Carthage choisit deux frères nom térieure cette légende du dévouement
« més Philènes. Ceux-ci firent la plus des frères Philènes, qui, de même
« grande diligence. Les députés de Cy que le combat des Horaces et des Cu
« rène allèrent plus lentement, soit riaces, semble appartenir à l’histoire
« que ce fût leur faute, soit qu’ils eus fabuleuse plutôt qu’à l’histoire posi
« sent été contrariés par le temps; tive.
«car il s’élève souvent dans ces dé GUERRE CONTRE LES PHOCÉENS,
« serts, comme en pleine mer, des AVANT J. C. 543. — La marine de
« tempêtes qui arrêtent les voyageurs: Carthage qui, dans les siècles sui
«lorsque le vent vient à souffler sur vants, devint si formidable, paraît
«cette vaste surface toute nue, qui 's’être montrée avec avantage dans la
a ne lui résente aucun obstacle, il Méditerranée dès l’époque de Cyrus
a élève es tourbillons de sable, qui, et de Cambyse. Une victoire rempor
« emporté avec violence, entre dans la tée en ce temps-là par les flottes com
« bouche et dans les yeux et empêche binées des Etrusques et des Carthagi
« les voyageurs de marcher. Les Cy nois sur les Phocéens , ui étaient
«rénéensse voyant un peu en ar alors une des plus redoutab es nations
« rière, et craignant d’étre punis à sur la mer, nous présente Carthage
«leur retour du tort que leur retard comme la digue fille de Tyr dans Part
on aurait causé à leur pays, accusent de la navigation. Les vainqueurs, après
t les Carthaginois d’être partis avant la retraite des vaincus , restèrent maî
« le temps, et font naître mille diffi tres de l'île de Cyrne, aujourd’hui la
« cultés. Enfin , ils sont décidés à tout Corse.
a plutôt que de consentir à un partage ENTREPRISE DES CAn'rHAGrNoIs
«1 aussi inégal. Les carthaginois leur sur LA SICILE, 536 AVANT L’ÈRB
« offrant un nouvel arrangement, égal vULGAIaE. -— Bientôt l’amhition fit
« pour les deux artis, les C rénéens aspirer les carthaginois à de nouvelles
« eur donnent le tion, ou ’être en conquêtes. Malchus, qui avait déjà
« terrés tout vifs ans le lieu dont ils remporté des avantages signalés sur
« voulaient faire la limite de Carthage‘, les princes africains, voisins de Car
« ou de les laisser, aux mêmes condi thage, s’empara de la presque totalité
« tions, aller jusqu’où ils voudraient. de la Sicile. Ce généra est le premier
« Les Philènes acceptèrent la proposi qu’on trouve dans l’histoire avoir oc-.
« tion, heureux de faire à leur patrie cupé la dignité de suffète. Peut-être
« le sacrifice de leurs personnes et de est-ce à l’epoque où il vivait. ou quelq
e leurs vies : ils furent enterrés tout que temps auparavant, que la monar
- vivants. » x ' chie, à Carthage, a fait place à un
Les Cartiaginois élevèrent deux au gouvernement republicain, composé de
tels en leur nom au lieu de leur sépul trois pouvoirs.
ture, leur rendirent chez eux les. bon ,PEsTE A CAnruAeE ET GUERRE
1.
4
m: SLRDAIGNE. 530 ANS AVANT J. C. « peu de jours après, Carthalou , ayant
— La joie qu’avait répandue a Car « obtenu du peuple un congé, retourna
thage e succès de ses armes en Si « vers son père, et se montra à tous
cile , fut. bientôt troublée par une peste a les regards couvert de la pourpre et
horrible qui‘ désola les carthaginois. a des bandelettes du sacerdoce. » Mal
(Jeux-ci , voyant'dans le fléau dont ils chus le prit à part, lui reprocha de
étaient victimes un signe non équivo venir insulter, par le luxe de ses orne
que de la colère des dieux , crurent les ments, à ses malheurs et à ceux de
apaiser en immolant sur leurs autels ses concitoyens, lui rappela son refus
des victimes humaines. Justin, qui outrageant de compara tre devant lui
rapporte ce fait, assure que cette quelques jours auparavant, et, oubliant
atrocité, loin de rendre le ciel favo qu’il était père pour ne se souvenir
rable à Carthage, lui attira de nou que de sa qualité de général, il fit at
veaux malheurs. «La haine des dieux, tacher son malheureux fils, revêtu de
«1 dit-il , vint punir ces forfaits. Long ses ornements, à une croix très-éle
« temps vainqueurs en Sicile , les Car vée, en vue de la ville.
« thaginois, ayant porté leurs armes Au bout de quelques jours , il s'em
n en Sardaigne, y perdirent, dans une pare de Carthage , assemble le peuple,
« cruelle défaite, la plupart de leurs se plaint de son injuste exil qui l'a
« soldats. Ce revers fut attribué à Mal forcé de recourir aux armes, et dé
“ chus , et ce général, injustement ac clare que, content de sa victoire, il
«cusé, fut banni avec les débris de se borne à punir les auteurs de ces
a son armée vaincue. Indignés de ces désastres , et pardonne à tous les au
« rigueurs, les soldats envoient des tres de l'avoir injustement banni. Il
«dé utés à Carthage, d’abord pour fit mettre à mort dix sénateurs et ren
« s0 Iiciter leur retour et le pardon de dit la ville à ses lois. Bientôt, accusé
a leurs revers, et bientôt pour déclarer lui-même d'aspirer au trône, il fut
« qu’ils obtiendraient ar la force des puni du double parricide commis con
« armes ce que l'on re userait à leurs tre son fils et contre sa patrie.
« prleres. Prières et menaces sont éga TRAITÉ ENTRE LES CABTHAGINOIS
« ement dédaignées. Aussitôt ils s'em ET LES ROMAINS, 509 ANS AVANT L‘Èm;
« barquent et paraissent en armes de VULGAIBE. -— Polybe nous apprend
« vaut la ville. Là, ils jurent au nom qu’une année après ’expulsion des Tar
a de Dieu et des hommes, qu’ils ne quins, et vingt-huit ans avant l'irrup
« viennent point asservir , mais recou tion de Xerxès dans la Grèoe. sous le
« vrer leur patrie, et montrer à leurs consulat de J. Brutus et de M. Ho
« concitoyens que c’est la fortune, et ratius, se fit le premier traité entre
a non le courage, qui leur a manqué les Romains et les carthaginois. Je
« dans le dernier combat. Les com rapporterai en entier ce monument si
« munications sont coupées , et la ville curieux de l’antiquité. Polybe l'a tra<
« assiégée est réduite au désespoir. duit en grec sur l’original latin, le lus
« Cependant Carthalon, fils du gé exactement qu’il ‘llll a été possi le;
« néral exilé, à son retour de fl‘yr, où car, dit-il, la lannue latine de ces temps
a les Cartha inois l'avaient envoyé est si différente äe celle d’aujourd’hui,
« our offrir a Hercule le dixième du que les plus habiles ont bien de la
« utin que Malchus avait fait en Si peine à entendre ce vieux langage
« cile, passe près du camp de son « Entre les Romains et leurs alliés,
« père , et. appelé devant lui, il fait a et entre les carthaginois et leurs al
a répondre qu’avant d’obéir au de « liés, il y aura alliance à ces condi
« V011‘ particulier de fils, il satisfera « tions : que ni les Romains ni leurs
« au devoir public de la religion. In « alliés ne navigueront au delà du beau
« digné de ce refus, Malchus ne vou « promontoire, s’ils n’y sont poussés par
« lut cependant pas outrager dans son a la tempête, ou contraints par leurs
« tils la majesté même des dieux. Mais « ennemis : qu’en cas qu'ils aient été
CARTHAGE. 5
« poussés malgré eux, il ne leur sera pouvaient facilement infester les côtes
. permis d’y rien acheter ni d'y rien maritimes de l‘ltalie.
a prendre, sinon ce qui sera précisé AccaorssEMEN'rs DE CAn'rnAGE
« ment nécessaire pour le radoube sous MAGON, DE 509 A 489 AvAN'r
« ment de leurs vaisseau‘x, ou pour le L’ÈEE CHRÉTIENNE. — Magon, qui
«culte des dieux, et qu’ils en parti succéda à Malchus comme suffète et
. ront au bout de cinq lours; que ceux comme général, accrut, par ses talents,
a qui y viendront faire le commerce sa prudence et son adresse, l’empire et
« ne pourront conclure aucune négo la gloire de Carthage. C’est lui qui, le
« ciation si ce n’est en présence d’un premier, introduisit la discipline mili
« crieur et d’un greffier : que tout ce taire parmi les carthaginois; il recula
a qui sera vendu devant ces deux té les frontières de la république, étendit
« moins, la foi publique le garantira au son commerce, et laissa en mourant
« vendeur; qu'il en sera ainsi pour tout deux fils, Asdrubal et Amilcar, ui ,
« ce qui se vendra'en Afrique ou dans suivant les traces glorieuses de eur
a la Sardaîgne: que si quelques Ro père , tirent _voir qu'il leur avait trans
« mains abordent dans la partie de la mis son génie avec son sang.
a Sicile qui est soumise aux carthagi EXPÉDITION EN SAnDArGNE ET EN
« nois, ils y jouiront des mêmes droits SrcrLE; GUEnnEs CONTRE LES Arni
- que les carthaginois : que ceux-ci cArNs , sous LE COMMANDEMENT
« n‘inquiéteront en aucune manière D’AsDnUBAL ET D’AMILCAE, FILS DE
a les Antiates , les Ardéates, les Lau MAGoN; DE 489 A 460 AVANT J. C.
a rentins, les Circéens, les Terraci —Sous les ordres des deux fils de Ma
« niens (") et aucun des peuples latins äon, Carthage porta la guerre en Sar
« qui obéissent aux Romains; que s’il aigne et combattit les Africains, qui,
« y en a même quelques-uns qui ne depuis longtemps, lui demandaient en
« soient pas sous la domination ro vain le tribut annuel promis pour prix
« maine, les carthaginois n’attaque du sol qu’elle avait occupé. Mais, pour
« ront point leurs villes; ue s‘ils en cette fois, les Africains virentla jus
« prennent queläu’une, ils a rendront tice de leur cause couronnée par le
« aux Romains ans son entier; qu’ils sort des combats, et Carthage, posant
- ne bâtiront aucune forteresse dans les armes, finit la guerre en acquittant
« le pays des Latins; que s’ils y en sa dette. Asdrubal, grièvement blessé
u trent à main armée, ils n’y passeront en Sardaigne, laissa en mourant le
en pas la nuit. » commandement à son frère Amilcar.
Ce traité, dont la sim licité et la Asdrubal s’était vu onze fois revêtu
précision sont remarquab es, montre de la dignité de suffète, et(quatre triom
que, sous le consulat du premier Bru phes avaient été le prix e ses victoi
tus, il y avait des Romains qui s’ap res. Les regrets de ses concitoyens et
pliquaient au commerce; que la ma le souvenir de ses actions glorieuses
rine ne leur était pas inconnue; que honorèrent ses funérailles; et, comme
l'usage des vaisseaux marchands était s’il eût emporté dans le tombeau la
commun chez eux, et qu'ils faisaient puissance de sa patrie, les ennemis de
des voyages d’assez long cours. puis Carthage reprirent confiance.
qu'ils allaientjusqu’à Carthage. Il nous Quelques années après le traité de
montre aussi quelle était à cette é o 509, entre Carthage et Rome, les
que la puissance des "carthaginois, es carthaginois firent alliance avec Xér
uels etant maîtres de la mer, de la xès, roi des Perses. Ce prince voulait
ardaigne et d’une partie de la Sicile, exterminer les Grecs, et les Cartha i
Dois s’emparer du reste de la Sici e.
(‘) Les peuples ou villes dont il est parlé Ils saisirent avidement l’occasion fa
ici bordaient la côte de la mer et cou vorable ni se présentait d’en achever
vraient Rome sur ce point depuis l'embou la conqu te. Le traité fut donc conclu :
chure du 'l‘ibre jusqu'à Ten'acine. on convint que les carthaginois attav
6
queraient avec toutes leurs forces les droit où ils manquaient de tout, ne
brecs établis dans la Sicile, pendant purent pas s’y dé endre longtemps, et
que Xerxès en personne marcherait se rendirent a discrétion. Ce combat,
contre la Grèce. suivant quelques historiens, se donna
Les préparatifs de cette guerre du le jour même de la célèbre action des
Thermopyles. Hérodote et Aristote di
rèrent trois ans. S’il faut en croire les
historiens de Sicile, qui ont peut-être,sent au contraire que ce fut le jour de
par un sentiment de vanité nationale, la bataille de Salamine. Le témoignage
exagéré le nombre de leurs ennemis, de ces deux écrivains mérite sans doute
l’armée de terre ne montait pas à la préférence. Le premier de ces deux
moins de trois cent mille hommes, ‘ auteurs raconte même d’une autre
et la flotte comptait deux mille vais manière la mort d’Amilcar: il dit que
seaux et plus de trois mille petits bâ le bruit commun parmi les carthagi
timents de charge. Amilcar, le capi nois était ne, ce général, voyant la
taine de son temps le plus estimé, défaite entiere de ses troupes, pour
partit de Cartha e avec ce formidable ne pas survivre à sa honte, se préci
appareil. Il abor e à Palerme, et, après pita lui-même dans le bûcher où il
y avoir fait prendre quelque repo à avait immolé plusieurs victimes hu
ses troupes, il marche contre la ville maines.
d’Hymère, qui n’en est pas fort éloi Les carthaginois, impntant à leur
gnée, et en forme le siège. Théron, général la défaite u’ils venaient de
gouverneur de la place, ayant vaine recevoir, bannirent e Carthage' Gis
ment imploré le secours de Léonidas, con, son fils, qui, dans la suite, périt
roi de Lacédémone, dé ute à Syracuse, de misère à Sélinonte. Quelques siè
vers Gélon, qui s’en etait rendu maî cles après, ils rendirent à Amilcar
tre. Ce énéral accourt aussitôt au des honneurs presque divins.
secours e la ville assiégée, avec une La victoire complète que Gélon ve
armée de cinquante mille hommes de nait de remporter, loin de le rendre
pied et cinq mille chevaux. fier et intraitable, ne fit qu’augmenter
Gélon était un général fort habile et sa modestie et sa douceur, même à
savait employer à propos la force et la à l'égard de ses ennemis. Il accorda
ruse. On lui amena un courrier chargé la paix aux carthaginois, exigeant seu
d’une lettre que les habitants de Séli lement d’eux qu’ils payassent pour les
nonte adressaient à Amilcar, pour le frais de la ruerre deux mille talents
prévenir que la trou e de cavaliers (11 millons de francs), et qu’ils bâtis.
qu’il leur avait deman ée arriverait un sent deux temples où l’on exposerait
certain jour. Gélon en choisit dans en public et où l’on garderait les con
ses troupes un pareil nombre, qu’il fit ditions du traité.
partir au temps dont on était convenu. PUISSANCE DE LA FAMILLE DE MA
Ayant été reçus dans le camp des en GON; CRÉATION nu CENTUMVIBAT;
nemis comme venant de Sélinonte. ils DE 460 A 440 AVANT L’r‘tnn VULGAIBE.
se jetèrent sur Amilcar, qu’ils tuèrent, — Amilcar, mort dans. la guerre de
et mirent le feu aux vaisseaux. Dans Sicile, laissa trois fils : Imilcon, Han
le moment même de leur arrivée, Gé non et Giscon. Asdrubal avait un pa
lon attaqua avec toutes ses troupes les reil nombre d’enfants : Annibal, As
carthaginois, qui se défendirent d’a drubal' et Sappho. Toutes les affaires
bord fort vaillamment; mais quand ils de Carthage étaient alors confiées à
ap rirent la mort de leur général, et leurs mains. On fit la guerre aux Mau
qu ils ‘virent la flotte en feu, le courage res; on combattit les Nun'nides; on
et les forces leur manquèrent, et ils força les Africains à renoncer au. tri
. prirent la fuite. but que leur avait promis Carthage
Le carnage fut horrible : il y périt, naissante. Cette famille de généraux,
dit-on, cent cinquante mille hommes. qui réunissaient dans leurs mains le
Les autres s’étant retirés dans un en pouvoir exécutif et l’autoritéjudiciaire,
CARTHAGE. 1
parut dangereuse à la liberté. On for que par la peste; mais son chagrin le
ma un tribunal de cent sénateurs, à plus vif était de n’avoir pu mourir au
qui les généraux. au retour de leurs milieu de tant de braves, et de se voir
campagnes, devaient rendre compte de réservé, non pour goûter les douceurs
leur conduite, pour que la crainte sa de la vie, mais pour servir de jouet à
lutaire des lois et l'attente d'un lu l'adversité; que cependant, après avoir
ement servissent de frein à l'arbitraire ramené dans Carthage les tristes dé
u commandement militaire. bris de son armée, il allait à son tour
CONTINUATION DE LA GUERRE DE suivre ses compagnons d'armes , et
SICILE; MALADIE coNTAGIEUsE nANs montrer à sa patrie que s’il avait ro
L’ARMÉE; DE 440 A 410 AVANT L’ERE longé jusque-là ses 'ours, ce n' tait
CHRÉTIENNE. — En Sicile, Imilcon point par amour de a vie, mais par
succéda à Amilcar. Après avoir rem crainte d'abandonner, en mourant, au
porté plusieurs victoires sur terre et milieu des armées ennemies, ceux u’a
sur mer, et ris un rand nombre de vait épargnés le terrible fléau. D l'o
villes, il per it tout coup son armée rant ainsi son malheur, il entre ans
par les ravages d'un mal contagieux. la ville, arrive à sa maison, salue d’un
Apportée à Carthage, cette nouvelle dernier adieu le peuple qui le suivait,
longea les habitants dans le deuil. et, faisant fermer les portes sans per
es maisons et les temples se ferment; mettre à ses fils eux-mêmes de pa
on court au port; on ne voit sortir des raitre devant lui, il se donne la mort.
vaisseaux qu'un petit nombre de sol CONTINUATION DE LA GUERRE DE
dats écha pés à ce désastre. SICILE; PRISE DE SIâLINoNTE ET
Cepen ant, dit Justin, qui nous a n’HvMERE PAR LES CARTIIAGINOIS;
transmis ce fait,'le malheureux Imil ENVIRON 410 AVANT L’EaE vULGAIRE.
con sort de son vaisseau dans l’aban -— Après la défaite des Athéniens de
don de la douleur, couvert d'une tu vant Syracuse, où Nicias périt avec
nique d'esclave. A son aspect, les toute sa flotte , les Ségestains, qui s’é
groupes de citoyens éplorés se rassem taient déclarés pour eux contre les
lentautour de lui. Il élève les mains Syracusains, craignant le ressentiment
vers le ciel, déplorant tour à tour son de leurs ennemis, et se voyant dé'à
triste sort et les désastres de sa patrie. attaqués par Sélinonte, implorèrent ‘le
Il reproche aux dieux de lui ravir ses secours de Carthage, et se mirent, eux
triomphes, ses nombreux trophées qu'il et leur ville , à sa discrétion. Les Car
devait à leur appui; de détruire ar la thaginois, après avoir longtemps ba
peste et non par le fer cette arm e qui lancé à s'engager dans cette guerre,
avait pris tant de villes, et si souvent que la guissance de Syracuse et l'éclat
vaincu sur terre et sur mer. Il appor e ses ornières victoires devaient lui
tait du moins, disait-il, à ses conci faire redouter, y furent poussés par
toyens ce motif de consolation, que les conseils d’Annibal leur suffète;
l’ennemi pouvait bien se réjouir, mais et envoyèrent du secours aux Séges
non se glorifier de leurs désastres. tains.
Ceux qui étaient morts n'avaient pas Annibal tira de l'Afrique et de PES
succombé sous ses coups; ceux qui pagne un grand nombre de mercenai
revenaient dans leur patrie n’avaient res; il y Joi nit un nombre considé
pas fui devant lui. Le butin que le rable de Cart aginois , et débarqua en
Grec-avait enlevé dans un camp aban Sicile avec une armée qu’Éphore porte
donné n'était pas de ces dépouilles à 200 mille fantassins et 4 mille cava
que l'orgueil d’un vainqueur se plaît à liers, mais que Timée et Xénophon,
étaler, mais de celles que la mort for historiens plus dignes de foi . rédui
tuite de leurs maîtres a laissées va sent en tout à 100 mille combattants.
cantes et livrées aux mains qui s'en Annibal, petit-fils d’Amilcar ui avait
emparent. Vainqueurs de leurs enne été défait par Gélon et tu ‘devant
mis, ses soldats n'avaient été vaincus Hymère, et fils de Giscon, qui avait
été condamné à l'exil, était animé nommèrent encore pour général An
d'un vif désir de venger sa famille et nibal. Comme il s’excusait sur son
sa patrie‘, et d’effacer la honte de la rand âge, et refusait de se charger
dernière défaite. Sa première entre e cette guerre, on lui donna pour
prise fut le siège de Sélinonte. L’at lieutenant lmilcon, tils d’Hannon, qui
taque fut très-vive, et la défense ne était de la même famille. Les prépa
le fut pas moins: les femmes mêmes, ratifs de la guerre furent proportion
les enfants et les vieillards montrèrent nés au grand dessein que les Cartha
un courage au-dessus de leur âge et de ginois avaient conçu. Le nombre des
leurs forces. Après une longue résis troupes montait, selon Timée , à plus
tance, la ville fut prise d’assaut, et de 120 mille hommes; Éphore. les
livrée au pillage. Le vainqueur exerça orte à 300 mille. Les ennemis, de
les dernières cruautés, sans avoir égard car côté, s’étaient mis en état de les
ni au sexe, ni à l’dge. Il fit déman bien recevoir, et les Syracusains avaient
teler la ville, qu'il rendit aux habi cnvo ‘é chez tous les alliés pour y le
tants que le fer avait épargnés. à con ver es troupes, et dans toutes les
dition qu’ils se reconnaîtraient sujets villes de la Sicile , pour les exhorter
de Carthage et lui payeraient un tribut. à défendre courageusement leur li
Hymère, qu’il assiégea ensuite, et berté.
u’il prit aussi d’assaut, a rès avoir Agrigente s’attendait à essuyer les
eté traitée avec encore plus e cruauté, premières attaques. C’était une ville
fut entièrement rasée. Il fit souffrir uissamment riche, et environnée de
toutes sortes d‘ignominies et de sup onnes fortifications. Annibal com
plices à trois mille prisonniers, et les mence, en effet, la campagne par le
fit égorger tous dans l’endroit même siège de cette place, située, de même
où son grand-père avait été tué, pour que Sélinonte , sur la côte de Sicile
apaiser et satisfaire ses mânes par qui revarde l‘Afrique. Ne la iugeant
le sang de ces malheureuses victi renabîe que par un endroit, il tourne
mes. ous ses efforts de ce côté-là, fait
Après cette expédition, Annibal re approcher des murs deux tours d'une
tourna à Carthage, chargé d’un im hauteur extraordinaire, ordonne la'
mense butin. Toute la ville sortit au démolition des tombeaux qui envi
devant de lui, et le reçut au milieu ronnaient la ville, et fait construire,
des cris de joie et des applaudissements avec leurs décombres, un a ger qui
unanimes : car en quelques jours il s’élève jusqu’à la hauteur es mu
avait plus fait que les généraux qui l’a railles. Bientôt une peste effroyable
vaient précédé dans le cours de plu ravage l’armée carthaginoise; Anni
sieurs campagnes. bal même périt victime du fléau. Les
FONDATION DE LA VILLE DE Tann soldats superstitieux croient voir dans
uns , EN SICILE , nNvInoN 408 AVANT les ravages de cette terrible maladie
L’Ènn CHRÉTIENNE. —- Ces brillants une punition des dieux, qui vengeaient
succès inspirèrent aux carthaginois ainsi les morts de l’outrage qu’on avait
le désir et l'es ir de s’emparer fait à leur dernière demeure. On cesse
de la Sicile entière. Mais avant de de toucher aux tombeaux; on ordonne
commencer la guerre, ils fondèrent des prières d'après le rit de Carthage ,
sur la côte septentrionale, auprès et, suivant la coutume barbare obser
d'une source d’eau chaude, une ville vée dans cette ville, on immole un
à laquelle sa position lit donner le enfant à Saturne, et l’on jette plu
nom de Thermes; ils la peuplèrent de sieurs victimes dans la mer en l’hon
carthaginois et d’Africains. neur de Neptune.
EXPÉDITION n’ANNInAI. s1‘ p’lMIL Ce endant les Syracusains, avec une
coN, suie); d’AGIiIGENTn, 407 m arm e de trente mille hommes et de
406 AVANT L’isns VULGAIRE. —— uel cinq mille chevaux, viennent au se
que temps après, les carthaginois cours d’Agrigente. Ils remportent une
CARTHAGE. 9
grande victoire sur l’armée des Car quent de pillage. On y trouva un nom
thaginois; ils les tiennent bloqués bre iniini de tableaux , de vases , de
dans leur camp, leur coupent les vi statues de toute sorte; car les arts
vres, et les réduisent à la plus déplo d'imitation étaient très-florissants dans
rable extrémité. Effrayés de leur der Agrigente. Parmi ces monuments pré
nier échec, les'assiégeants n‘osaient cieux qu’lmilco'n envoya à Carthage,
sortir de leurs retranchements pour était le fameux taureau de Phalaris,
livrer bataille. Déjà la famine avait qui, 260 ans plus tard , après la ruine '
fait périr un grand nombre de sol e cette ville, fut rendu aux Agrigen
dats , déjà les mercenaires menaçaient tins par Scipion Émiiien.
de passer à l'ennemi, lorsqu’un évé SIEGE E1‘ pnrss ne GÉLA PAn
nement imprévu vint changer la face IMILcoN; ‘muni ENTRE LES CAB
des affaires. Imilcon apprend par un rHAGrNoLs et DENYS L'ANCIEN, 'rv
transfuge que les Syracusains envoient nAN DE Svu-AcUsE , 404 AVANT L‘itns
par mer a Agrigente un convoi c0nsi-' CHRÉTIENNE. — Le siégé d’Agrîgente .1
dérable de vivres. Aussitôt, ce général, avait duré huit mois. Imilcon avait
avec quarante trirèmes, leur dresse épargné les maisons articulières pour
une embuscade. Les Syracusains navi servir de quartier d‘ iver à ses trou
guaient sans ordre , persuadés que les pes. Lors u’elles se furent reposées
carthaginois, tant a cause de leur de leurs fa igues , il en sortit au com
défaite récente qu'à cause de la saison mencement du printemps et rasa en
des tempêtes qui approchait, n'ose tièrement la ville. Imrlcon assiégea
raient pas se mettre en mer. Imilcon ensuite Géla, et la prit malgré le se
prolite de leur négligence , détruit cours qu‘y mena Denys le 'I‘ ran , qui
toute leur flotte et s’cmpare du con s’était‘ emparé de l’autorit a Syra
vor. cuse. Ce prince éprouva un échec con
La famine passa alors du camp des sidérable.dans une attaque dirigée '
assiégeants dans la ville. Les Agrigen contre le camp des carthaginois- Le
tins se trouvèrent tellement pressés, seul résultat qu’il put obtenir , fut de
que. se voyant sans espérances et sans sauver, de la colère du vainqueur, les
ressources , ils prirent le parti d'aban ‘habitants de Géla et de Camarine,
donner leurs murailles. On marqua la dontril protégea la retraite avec ses
nuit suivante pour ‘le départ. Alors troupes, et qu’il établit sur ‘le terri
une foule innombrable d’hommes, de toile de Syracuse. Cependant,‘ une
femmes, d’enfants, protégés par les maladie conta ' use qui se déclara dans
soldats, sortent de lasville au milieu - le camp des mthagtnois et leur en
des émissements et des sanglots ,' leva la moitiëlde leur armée, engagea
aban onnant à la merci du vain ueur Imilcon à proposer aux Syracusains
leurs richesses, leurs foyers, eurs des conditions de paix. Denys, «qui
dieux ‘domestiques, et, ce qui‘aug - venait d'éprouver de grands revers,
mentait encore leur douleur, les bles ‘et dont la puissance uétait.pas. en-n"
sés, les malades et les 'vieiliards. Ces 'eoresolidement' établie à Svracuæ,
infortunés se réfugièrent d'abord à accepta avec joie ces pro sitions.
Géla, et obtinrent ensuite de la pitié Les conditions du traite furent que
des Syracusains la ville des Léontius les carthaginois . outre leurs anciennes
pour asile. . conquêtes dans la Sicile, demeure
Cependant Imilcon entra dans la raient maîtres du aÿs des Sicaniens,
ville, et fit égorger tous ceux qui y do Sélinonte, d’ grigente et d’Hy
étaient restés. On peut se faire une mère, comme aussi de celui de Géla
idée de l’immensité du butin dans une et de Camarine, dont les habitants
des cités les plus opulentes de la Si pourraient demeurer dans leurs villes
cile, peuplée, selon Diodore, de deux démantelées, en payant tribut aux Car
cent mille habitants, et qui n’avait thaginois; que les Léontins , les Mes
jamais souffert de siège, ni par consé séniens-et tous les Siciliens vivraient
10
selon leurs lois et conserveraient leur d'envahir toute‘ la Sicile; que si l’on
liberté et leur indépendance; qu’enfin n’arrêtait leurs ro rès, leur capitale
les Syracusains demeureraient soumis se verrait bient t e e-méme attaquée;
à Denys. qu’il fallait profiter, pour se délivrer
Imilcon, après la conclusion du e ces barbares, du moment où la
traité, retourna à Carthage, où les peste qui ravageait leur pays les met
débris de son armée apportèrent la tait hors d’état de se défendre. Les
peste , qui fit périr un grand nombre Syracusains ap laudissent le discours
de citoyens. et les projets e leur premier magis
RENOUVELLEMENT nEs nosrrmrÉs trat.
PAa DENYs LE TYRAN, 399 AVANT Sans aucun sujet de plainte, sans
L’EaE vULGAmE. — Denys n’avait déclaration de guerre, il abandonne
conclu la paix avec les carthaginois au pillage et à la fureur du peuple
que pour se donner le temps d’affer les biens et les personnes des Cartha
mir son autorité naissante, et de tra ginois, qui, sur la foi des traités,
vailler aux préparatifs de la guerre exerçaient le commerce à Syracuse;
qu’il méditait contre eux. Ses prépara on force leurs maisons , on pille leurs
tifs furent immenses. Syracuse en effets, on leur fait souffrir toutes
tière était devenue un vaste atelier, sortes d’ignominies et de supplices,
où , ‘de toutes parts, ou était occupé à en représailles des cruautés qu’ils
fabriquer des armes , des machines de avaient exercées contre les habitants
guerre (") et des vaisseaux. Corinthe du ‘ays, et cet horrible exemple de
avait, la première , construit des vais per (lié et d’inhumanité fut suivi dans
seaux à trois rangs de rames; c’est toute l’étendue de la Sicile.
du temps de Denys que Syracuse, Denys, après cette sanglante in
colonie de Corinthe, perfectionna cette fraction des traités, osa envoyer des
invention en construisant des navires députés aux carthaginois, our de
à quatre et à cinq rangs de rames. mander qu’ils rendissent la iherté à
Denys animait le travail par sa pré toutes les villes de Sicile, et leur dé
sence, par des libéralités et des louan clarer qu’en cas de refus , ils y seraient
ges qu’il savait dispenser à propos, et traités comme ennemis.
surtout par des manières populaires Cette provocation jeta une grande
et engageantes, moyens encore plus alarme à Cartha e, surtout à cause
efficaces que tout le reste pour réveil de l’état déplora le où elle se trou
ler l’industrie et l’ardeur des ouvriers, vait.
et il faisait souvent manger avec lui SIÈGE DE MorYA PAR LEs SYaA
ceux qui excellaient dans leur genre. cUsAINs , 397 ANs AvAN'r L’ÈEE CHRÉ
Quand tous ces préparatifs furent TIENNE. -— Denys ouvrit la campagne
achevés, et qu’il ont levé un grand par le siège de Motya, qui était la
nombre de troupes‘en différents pays, place d’armcs des carthaginois en Si
il fit sentir aux Syracusains que les cile, et il poussa vivement ce siégé,
carthaginois n’avaient d’autre but que sans qu’Imilcon, qui commandait la
flotte ennemie, pût s’y opposer. De
nys avait sous ses ordres uatre-vingt
(") Parmi les machines de guerre, Diodore
mentionne-les catapultes. Élicu et Pluiarque mille fantassins, trois mil e cavaliers ,
disenl qu'ellesfurent inventées alors en Sicile, deux cents vaisseaux de guerre et cinq
Mais il est sûr que cette arme terrible ful cm ' cents vaisseaux de charge. Débarque
prunlée par les Grecs auxpeuples orientaux; devant la lace, il lit avancer‘ ses
car les livres sacrés en font mention en 8x0 machines , a fit battre avec le bélier,
avant l'ère vulgaire , sous le règne d'Osias, approcha des murs des tours à six
roi de J‘èrusalcm. Voy. sur l'époque de cette étages, qui étaient portées sur des
invention la Poliorcétique des anciens, par roues et qui égalaient la hauteur des
M. Bureau de la Malle, pag. 356 et suiv. maisons. De la, il incommodait fort
Paris, 181g, chez F. Didot. ‘les assiégés par ses catapultes, ma
CARTHAGE. il
chinée jusqu'alors inconnues aux Car flotte, sous la conduite de' ‘Magma,
thàginois, et qui leur inspiraient une côtoyait les bords de la mer.
rande terreur par la force et le nom L’arrivée des Carthaginols jeta un
äre des traits et des pierres qu’clles and trouble dans la capitale de la
lançaient. La ville lit une longue et icile. Magon, à la tête de ses navires
vigoureuserésistance.L'enceinte prise, de guerre. chargés des dépouilles de
les habitants barricadèrent leurs mai- ' la flotte ennemie, sur laquelle il venait
sons, et s’y défendirent avec opiniâ de remporter une victoire signalée,
treté. Ce nouveau siège .coûta plus de entra comme en triomphe dans le grand
monde aux Syracusains que le pre port, suivi de ses vaisseaux de charge.
mier. Enfin, la ville fut‘prise, et tous On vit en même tem s, du côté de la
les habitants passés au fil de l’é ée, terre, arriver la nomgreuse armée que
excepté ceux qui se réfugièrent (ans conduisait Imilc'on. Ce général fit dres
leurs temples. On abandonna le pillage ser sa tente dans le temple même de
aux soldats. Denys, y ayant laissé une Jupiter. Le reste de l’armée campa
bonne garnison et un gouvernement dans les environs à douze stades ,
sûr, retourna à Syraeuse. c'estLà-dire , un peu plus d'une demi
SIÈGE DE SYnAcusE PAR LES cAn lieue de la ville. Bientôt il range ses
THAGINOIS, 396 ET 395 AVANT L’ERE troupes en bataille sous les murs de
CHRÉTIENNE. — Pendant que Denys la place, et s’efforce, mais en vain ,
assiégeait Motya, Imiicon, que les d’attirer les Syracusains au combat.
carthaginois avaient nommé suffète , Non content d'avoir ainsi obtenu des
occupé en Afrique des apprêts de la assiégés l’aveu de leur faiblesse sur
guerre , conçut un projet de diversion terre, il veut encore leur montrer que,
qui fut exécuté avec une audace re sur la mer, ils ne sont pas moins in
marquable. Il met un commandant férieurs aux carthaginois. Du grand
actif à la tête de dix vaisseaux légers , port qu’il occupait, il envoie cent vais
et lui ordonne de partir secrètement seaux d’élite qui s'emparent des au
la nuit, de voguer à toutes voiles vers tres ports sans résistance. Pendant
Syracuse, de forcer l'entrée du port trente jours , il porte le‘ravage et la
et de détruire les vaisseaux qu’on y désolation dans tout le territoire de Sy
avait laissés. L'officier entre la nuit, racuse. II se rend maître du faubourg
sans être aperçu, dans le port de Syra d’Achradine, pille les temples de Cérès
cuse, coule à fond tous les vaisseaux et de Proserpine, et, pour fortifier
qui s’y trouvaient, et reprend la route son camp, il abat tous les tombeaux
e Carthage. - qui environnaient la ville,et, entre au
L’année suivante, Imilcon revint en tres, celui de Gélon et de Démarète sa
Sicileavec une armée composée , sui femme, qui était d'une magnificence
vant Ephore, de trois cent mille hom extraordinaire.
mes de pied et de quatre mille chevaux; Cette impiété, dit Diodore, attira
mais que Timée, dont l’assertion nous sur Imilcon le courroux des dieux. La
paraît plus probable, ne fait monter en fortune changea de face, et d’affreux
tout qu’à cent mille combattants. Sa revers suivirent les brillants succès
flotte était composée de trois cents qui avaient signalé le commencement
‘vaisseaux de guerre , et de six cents de la campagne. D'abord les Syracu
vaisseaux de transport pour les vivres sains, ayant repris confiance , avaient
et les munitions. Il ahorda à Palerme, eu l'avantage dans quelques légères
recouvra Éryx par composition, Motya escarmouches. Des terreurs paniqués
par la force , prit et rasa Messine, et troublaient chaque nuit le camp des
s'empara de Catane et de quelques au Africains. Imilcon l’entoura de nou
tres villes. Animé par ses heureux suc veaux ouvrages et construisit trois
cès, il marche vers Syracuse pour en forts, l'un à Pleminyre, l’autre vers
former le siège, menant ses troupes le milieu du port, etle dernier près du
de pied par terre , ‘pendant que sa temple de Jupiter Il les approvisionna
12
de blé, de vin et de toutes les choses porté toutes leurs forces à la défense
nécessaires à la défense; car il pré de leur camp, se précipitent en tu
voyait que cette guerre serait plus multe vers e port pour tâcher de
longue et plus difficile qu'il ne l’avait sauver leur flotte. Mais la diligence
cru d’abor . des ennemis les a prévenus. Ils n’ont
Pzsrx HORRIBLE DANS LE CAMP pas eu le tem s de se mettre en dé
nus CAa'rnAcINols. — Mais bientôt fense que déjà a plu art de leurs vais
une maladie contagieuse se déclara seaux sont ris, cou és à fond ou con
dans son armée et y lit des ravages sumés par es flammes. Ces premiers
incroyables. On était dans le fort de succès augmentèrent tellement la con
l’été, et la ‘chaleur, cette année, était fiance des Syracusains , que les enfants
excessive. De plus, son camp était et les vieillards se mêlèrent à l’armée
placé dans une vallée basse et maré et à la flotte, et voulurent aussi avoir
cageuse, circonstances favorables au leur part des périls et de la victoire.
développement de l‘épidémie qui, dans La nuit mit n au combat, et Denys
le même emplacement, avait décimé plaça son camp en face du camp en
les Athéniens lorsqu'ils assiégèrent nemi , près du temple de Jupiter.
Syracuse. Imilcon, vaincu à la fois sur terre
La contagion commença par les et sur mer, envoya secrètement vers
Africains qui mouraient par centaines. Denys pour lui demander la permis
D’abord on enterrait les morts, ou sion d’emmener avec lui à Carthage le
soignait les malades;.mais tous les re peu qui lui restait de troupes. Il offrait
mèdes étant inefficaces, le mal se com pour obtenir cette grace tout l’argent
muniquant à tous ceux qui assistaient qu’il possédait encore, et qui ne se
les pestiférés, et le nombre des vic montait pas à plus de trois cents talents
times s'accroissent tous les jours, les (I650 mille francs). Il ne put obtenir
cadavres demeurèrent sans sépulture cette grâce que pour les Carthagmols
et les malades sans secours. Bientôt, avec lesquels il s’échappa pendant la
l’infecticn causée par la putréfaction nuit‘, laissant tous les autres soldats
de ces cadavres augmenta l'intensité à la discrétion de l'ennemi.
du fléau. - Ainsi, dit Diodore, ces conquérants
Cette peste, dit Diodore, indépen qui s’étaient emparés de toutes les
damment des bubons, des [lèvres vio villes de Sicile, à l’exception de Syra
lentes et des engorgements glandulai cuse que même ils regardaient déjà
res, signes caractéristiques de cette comme une proie assurée, se vo aient
maladie,
tômes était accom née
extraordinaires‘îaäe de symp
cruelles dys réduits à trembler pour le sa ut de
leur patrie. Ceux qui avaient détruit les
senteries , de pesanteurs dans les jam tombeaux des Syracusains laissaient
bes, de douleurs aiguës dans la moelle’ étendus sur la terre étrangère, et pri
épinière, de frénésie même et de fus vés des honneurs de la sépulture, cent
reur telles qu’ils se jetaient sur qui cinquante mille cadavres de leurs con
conque se trouvait sur leur passage et‘ citoyens que la peste avait moisson
les mettaient en pièces. nés. Ceux qui avaient porté le fer et
Denys, connaissant le déplorable le feu dans le territoire de Syracuse
état de l’armée des carthaginois, les avaient vu, par un juste retour du sort,
attaque de trois côtés à la fois avec leur flotte immense consumée par les
toutes ses forces. Dans la confusion flammes. Ceux qui avec toute leur ar
où cette ætriple attaque jette les Afri mée étaient entrés orgueilleusement
cains, il emporte ’assaut deux des dans le port de Syracuse, parés des
forteresses qu’ils avaient construites. dépouilles ennemies et dans tout l’é
En même temps la flotte syracusaine clat du triomphe, ne prévoyaient pas
vient fondre sur leurs vaisseaux. Les u‘ils seraient forcés de s’écha per
carthaginois, qui pensaient n'être at ivemeut au milieu de la nuit, a au
taqués que sur terre et qui avaient donnant leurs alliés, leurs compagnons
CARTHAGE. 13
d'armes aux vengeances d'un ennemi pays : pour réparer l'outrage ni leur
justement irrité. Le chef lui-même avait été fait par le pillage e leurs
d'une armée si nombreuse, ce fier temples, on leur érigea de magnifiques
Imilcon qui avait osé dresser sa tente statues; on leur donna pour prêtres
dans le temple de_ Jupiter olympien, les citoyens les lus distingués de la
et porter sur les trésors du dieu une ville; on leur 0 frit des sacrifices et
main sacrilège, est réduit à implorer des victimes selon le rit grec, et l'on
une capitulation honteuse pour rame n'omit rien de ce qu'on croyait pou
ner du moins à Carthage quelques voir rendre ces déesses propices à la
restes de ses concitoyens. Les dieux république. Après s'être acquitté en
lui infligent pour peine de son impiété vers les dieux, on‘s'occupa activement
une vie misérable, déshonorée, en butte des préparatifs de la guerre. Heureu
aux reproches, aux outra es, à la ma . sement pour les carthaginois, la nom
lédiction universelle. On e voit, con breuse année des rebelles était sans
traint d'humilier son orgueil, couvert chefs; nulles provisions, nulles ma
de misérables haillons, se prosterner chines de guerre, point de discipline
dans les temples, faire l'aveu public de ni de subordination: chacun voulait
son impiété. implorer le pardon de commander ou se conduire à son gré.
ces mêmes dieux qu'il avait outragés; La division s'étant donc mise parmi ces
enlin, ne pouvant échapper aux re troupes, et la famine augmentant tous
mords de sa conscience, il s'impose les jours de plus en plus dans leur
la faim pour supplice et se laisse ex camp, ils se retirèrent chacun dans
pirer d'une mort lente et douloureuse. son pays , et délivrèrent Cartilage d'une
RÉVOLTE DES AFRICAINS CONTRE grande terreur.
LES CAIITHAGINOIS , 395 AVANT L'EIIE EXPÉDITION DE MAG ON EN SIcILE;
VULGAIRE. —'— Un nouveau surcroît de TRAITÉ ENTRE LEs CARTIIAoINoIs ET
malheurs vint accabler les Carthagi DENYS , TvaAN DE SYnAcUsE; DE
nois. Les Africains, qui depuis long 395 A 383 AVANT J. C. — Cependant
temps supportaient avec peine la do les Carthaginois, ayant eu le temps de
mination de Carthage, irrités alors rétablir leurs forces , font passer Ma
jusqu'à la fureur de ce que le général gon en Sicile , à la tête d'une nouvelle
de cette ré ublique avait lâchement armée. Ce général reconquit les an
abandonné eurs compatriotes, et les ciennes possessions carthaginoises, fit
avait livrés aux vengeances des Sy révolter plusieurs villes soumises à De
racusains, se préparèrent à la révolte. nys, et s'avança jusqu'à Agyris (*).
L'état de détresse de leurs domina Denys s'y était porté de Syracuse, et
teurs leur inspirait l'espoir de recou les forces des deux partis étant balan
vrer facilement leur indépendance. Ils cées, les Siciliens et les Carthaginols
se liguent entre eux, arment jusqu'aux s'accordèrent sur les bases d'un traité
esclaves, forment en peu de temps de paix. Les conditions furent les
une armée de deux cent mille hommes, mêmes que celles du traité conclu en
s'emparent de Tunis, et après avoir tre Imilcon et Denys, après la prise
vaincu les carthaginois en rase cam d'AgrIgente et de Géla, dont nous
pagne, dans plusieurs combats, ils les avons déjà rapporté la substance. Il
forcèrent à se renfermer dans leurs n'y eut d‘ajouté que ces deux clauses :
murailles. La ville se crut perdue : on que Magon abandonnerait Tauromi
regarda cc soulèvement imprévu com nium aux Syracusains, et que les Si
me un effet et comme une suite de la cules, jusqu'alors libres et indépen
colère des dieux, qui poursuivait les dants, seraient à l'avenir sujets de
coupahlesjus ue dans Carthage même. Denys.
Les peuples, ans leurs malheurs, sont Ce traité dura neuf années consécu
poussés par la crainte à la supersti tives.
tion. Cérès et Proserpine étaient des (*) Eulre Enna cl Catane, à 20 lieues eu
divinités inconnues jusque-là dans le viron de Syracuse.
14
RENOUVELLEMENT DE LA GUERRE Magon se montra rudent et ‘modéré
EN SICILE; MORT DE MAooN, SUF dans la victoire. 1 accorda à Denys
EETE ET GÉNÉRAL DES CARTEAGI une paix honorable. Les carthaginois
NoIs; 383 AVANT L’EnE CHRÉTIENNE. conservèrent toutes leurs possessions
— Cependant Denys excite à la défec en Sicile, y acquireut en outre Séli
tion les villes soumises aux carthagi nonte etune partie du territoire d’A
nois, et les reçoit dans son alliance. grigente , et exigèrent mille talents (‘)
Ceux-ci, craignant pour leurs posses pour les frais de la guerre.
sions, envoient de nouveau Magon en SÉNATUs-coNsULTE QUI INTERDIT
Sicile, à la tête de quatre-vingt mille Aux CARTHAGINoIs D’APPRENDRE ET
hommes. Après quelques combats, où DE PARLER LES LANGUES ÉTRANGÈ
les succès furent balancés, une bataille REs. —Ce fut à peu près vers ce temps
décisive se livra auprès de Cabala. De là , dit-on , qu’un citoyen de Carthage
nVs y fit des prodiges de courage et ayant écrit en grec à Denys pour lui
d‘habileté, tua dix mille hommes aux donner avis du dé art de l'armée car
ennemis, et fit cinq mille prisonniers. thaginoise, il fut éfendu par arrêt du
Magon perdit la vie dans cette bataille, sénat aux carthaginois d'apprendre à
et les carthaginois effrayés demandè écrire ou à parler la langue grecque,
rent la paix‘ a Denys. Celui-ci leur ré pour les mettre hors d état d’avoir
ondit qu’il ne poserait les armes que aucun commerce avec les‘ ennemis ,
orsque les Cart aginois auraient con soit par lettre, soit de vive voix.
sent! à évacuer la Sicile entière , et L’existence de ce décret, dont Justin
à payer les frais de la guerre. seul fait mention, me semble peu pro
EXPÉDITION DE MAooN II EN SI bable. Du moins, s’il a jamais existé,
cILE, 382 AVANT L’ERE VULGAIRE. il dut bientôt tomber en désuétude.
—— Cesconditions leur semblèreut ex Les relations de guerre et de com
trêmement dures, et, pour les éluder, merce que Carthage avait avec la Si
ils recoururent à leur adresse accou cile et les provinces voisines rendaient
tumée. Ils feignent d'accepter ce traité son exécution presque impossible. Nous
désavantageux et humiliant; mais, sous savons d’ailleurs qu’Amilcar Barca et
prétexte qu’ils ne,peuvent livrer les le fameux Annibal haranguaient leurs
villes sans l’ordre du gouvernement, auxiliaires dans leur propre langue;
ils obtiennent une trêve assez longue que ce dernier, suivant Cornélius
our envoyer demander la ratification Népos et Plutarque, cultiva la litté
a Carthage. On y profite de ce répit rature grecque, et composa dans cette
pour lever et exercer de nouvelles trou langue les mémoires de ses campagnes
pes. On leur donne pour chef Magon, et l’inscription du temple de Junon
fils du général qui avait péri dans la Lacinia ni a été vue et mentionnée
dernière bataille. Il était encore dans la par Poly e. r
première jeunesse; mais déjà son ha PESTE A CARTRAGE; NOUVELLE mâ
)iletê, son courage, sa prudence, l'a voLTE DEs AFRICAINS ET DES SARDEs;
vaient fait distinguer. Pendant le court DE 379 A 368 AVANT L’ERE VULGAIRE.
espace de la trève ses encourage “Cartilage était affaiblie par une peste
ments et ses leçons etablirent la dis épouvantable qui avait fait de grands
cipline dans son armée, et lui inspi ravages dans ses murs. Les Africains
rèrent une juste confiance dans ses et les Sardes- voulurent profiter de
forces. cette occasion pour secouer le joug;
Aussitôt après l’expiration de la mais les uns et les autres furent
trève, il livra contre Denys une ba domptés et forcés de rentrer dans l’o
taille, où Leptine, l’un des lus habiles héissance.
énéraux du tyran, fut tu , et où les RENOUVELLEMENT DE LA GUERRE
Ëyracusains , à qui les ennemis ne fai ENTRE DENvs ET LEs CARTIIAGINOIS;
saient point de quartier, laissèrent
plus de quatorze mille morts. Lejcune (') 5,500,000 fr.
CARTHAGE 15
MORT DE DENvs; 368 AVANT L’ERE mesure à tous les excès de la haine et
VULGAIBE. —— Vers le même temps, de la vengeance. Les Syracusains se
Denys veut encore profiter des em révoltèrent de nouveau contre lui et
barras d'es carthaginois pour renou appelcrent à leur secours Icétas, ty
veler la guerre. Une armée de trente ran ‘de Léontium, qui s’cmpara de
mille Siciliens, de trois mille chevaux toute la ville, excepté de la citadelle
et de trois cents vaisseaux prend Séli où Denys réussit à se maintenir.
nonte, Entelle’ et Eryx. Mais elle est La conjoncture de ces troubles parut
obligée de lever le siège de Lilybée. La favorable aux Carthaginois pour réa
flotte de Denys est surprise par celle liser leur désir obstiné de s’emparer
des carthaginois qui lui enlèvent trente de la Sicile, et ils envo èrent dans
vaisseaux. Les deux partis, las de la cette ‘île une nombreuse totte et une
guerre, font un nouveau traité de armée de soixante mille hommes com
paix. Peu de temps après, Carthage mandés par Magon. Dans cette extré
se vit délivrée de son ennemi le plus mité, ceux d‘entre les Syracusains qui
formidable. Denys mourut après trente étaient le mieux intentionnés eurent
huit années de règne , âgé de soixante recours aux Corinthiens, leurs fonda
trois ans. Il eut pour successeur teurs, qui les avaient déjà souvent ai
Denys son-fils aîné, qu’on a distingué dés dans leurs périls. Ceux-ci leur en
par le nom de Denys le Jeune. vovèrent Timoléon. C’était un général
SECOND TRAITÉ ENTRE LES Ro habile et un citoyen vertueux, qui avait
MAINS ET LEs CARTHAGINoIs, L’AN signalé son zèle pour le bien public en
402 DE LA FONDATION DE Route, 352 afl'ranchissant sa patrie du joug de la
AVANT J. C. —- Nous avons déjà rap t'rannie, aux dépens de sa propre
porté un premier traité entre les Ro fâmille. Il partit avec dix vaisseaux
mains et les carthaginois. Il y en eut seulement, et, étant arrivé a Rhége,
un second qu’Orose dit avoir été conclu il éluda par un heureux stratagème la
la quatre cent deuxième année avant vigilance des carthaginois qui, ayant
la fondation de Rome, et par consé été avertis de son départ et de son
quent vers le temps dont nous parlons. dessein par Icétas, voulaient l'empê
Ce second traité contenait à peu près cher de asser en Sicile.
les mêmes conditions que le premier, Timol on n’avait guère plus de mille
excepté que les habitants de 'I‘yr et soldats avec lui; avec ce faible déta
d’Utique y étaient nommément com chement il marche hardiment au se
pris et joints aux carthaginois. cours de Syracuse, écrase auprès d’A
GUEIIIIE DES CAETIIAoINoIs coN driana l‘armée d’lcétas qui lui était bien
TRE DENYS LE JEUNE; TIMOLÉON supérieure en nombre , et, profitant de
VIENT AU SECOURS DE SYRAcUsE; DE sa victoire, il réussit à s’emparer d’une
352 A 342 AVANT L’ERE VULGAIRE. —— partie de la capitale de la Sicile. Icétas,
Après la mort du premier Denys, il effrayé de l’audace et des succès de
y eut de grands troubles à Syracuse. Timoléon ,' livre le grand port aux
Denys , qui, sans avoir aucun des ta carthaginois qui y font entrer cent
lents de son père, en avait exagéré cinquante vaisseaux , et débarquent
tous les défauts et tous les vices, se soixante mille hommes dans la partie
plongea dans la mollesse et la débauche, de la ville voisine de la rade. Etrange
et devint pour tous un objet de mépris position des Syracusains, où ils sem
et de haine. Syracuse lui déclara la blaient avoir perdu même jusqu’à l'es
guerre et le chassa de ses murs. Il fut pérance! Ils voyaient les carthaginois
accueilli parles Locriens sur lesquels maîtres du port, Denys de la citadelle,
il exerça pendant six ans une horrible Icétas de l’Achradine et de la ville
tyrannie. Chassé encore de Locres par neuve. Heureusement Denys, qui était
les habitants ligués contre lui, il re sans ressources, remit à Timoléon la
vint en Sicile, et rentra par trahison citadelle avec toutes les troupes, les
dans Syracuse où il s’abandonua sans armes et les vivres qui s’y trouvaient,
16
et en obtint un sauf-conduit pour se épouvanté de la supériorité des forces
réfugier à Corinthe. Il y eut alors une ennemies , que , dans sa nombreuse
suspension d’hostilités entre les trois garnison , Timoléon eut peine à trou
armées qui occupaient Syracuse. ver trois mille Syracusams et quatre
La plupart des, auxiliaires de Mavon mille mercenaires qui osassent le. sui
étaient Grecs. Ils se mélèrent pendant vre; encore, parmi ces derniers, il y
la trêve avec les soldats de Timoléon. en eut mille qui se laissèrent entraîner
Ceux-ci leur représentaient sans cesse par la crainte , et qui désertèrent pen
qu'il était indigne de leur nom et de dant la marche. Timoléon, loin d’être
leur courage d’employer leurs armes à ému de leur départ, regarda comme ,
la ruine d une des plus belles villes un avantage que ces lâches se fussent
fondées par les Grecs, pour la son déclarés avant le combat. Il encourage
mcttre à la domination barbare des par son air et par ses discours pleins
carthaginois; que l'appui que ceux-ci de confiance le reste de sa petite ar
prêtaient à Icétas n’était qu’un prétexte mée, et la mène droit à l’ennemi,
pour déguiser leurs projets ambitieux campé près du fleuve Crimise.
sur Syracuse et sur la Sicile. Ces insi ' Attaquer avec cinq mille fantassins
nuations se répandent dans le camp et mille cavaliers seulement une armée
des Africains; Magon, d’un caractère de soixante-dix mille hommes, abon
faible et pusillanime, que les entre ri damment pourvue de tous les moyens
ses hardies de Timoléon avaient éjà de défense, engager le combat à huit
frappé de terreur, se croit au moment journées de Syracuse , sans nul espoir
d’étre trahi et abandonné par ses trou de secours, sans aucun moyen de re
pcs, et la peur grossissant le péril à traite, c’était dans Timoléon un excès
ses yeux, il rembar ne son armée, s’é d’audace qui semblait tenir de la folie;
,loigne du port, et ait voile vers Car et cependant la témérité seule pouvait
thage. Dès que Magon fut arrivé dans donner la victoire. Il se sert habile
cette ville, on lui fit son procès; mais ment, pour rendre l’espoir à ses sol
il révint son supplice par une mort dats, du puissant mobile des présages
volontaire, et son corps fut attaché à ‘et des augures; il fait passer dans leurs
une croix et exposé en spectacle au âmes l’enthousiasme et la confiance
peuple. Le lendemain du départ de qui l’animent, et tombe à l’improviste
Magon, Timoléon attaque Syracuse par sur les Cartha inois, au moment où
trois endroits à la fois, renverse et ils passent la rivière. Au même ins
met en fuite les troupes d’Icétas, et tant, un ouragan épouvantable, ac
s’empare de la ville sans avoir-perdu compagné d'éclairs, de tonnerres, et
un seul de ses soldats. de grêlons énormes, éclata tout à coup
NOUVEAUX Erron'rs nEs CAn'mA sur leurs têtes : ce fut pour les Grécs
GINOIS EN SICILE; AmLeAn II E'r un puissant auxiliaire; car l’orage, les
ANNIBAL 11 50m auras un TIMO frappant par derrière, ne les incom
LÉON; 340 AVANT L’EnE vuLGArnE. modait que faiblement, tandis que le
-- Les carthaginois, jaloux de laver vent, la réle et les éclairs fra paient
la honte de leurs armes, é uipent deux en face es carthaginois. En utte à
cents vaisseaux longs, mi le vaisseaux la fureur des éléments, et vigoureuse
de charge, et les envoient en Sicile, ment pressés par les Grecs, ils ne
chargés de soixante-dix mille combat peuvent résister et prennent la fuite.
tants et d’un immense a pareil de Dès lors ce n'est plus qu’une déroute,
uerre. Ils abordèrent à Li ybée, sous une horrible confusion : les chars, les
a conduite d’Amilcar et d’Annibal, et cavaliers, les fantassins, se précipitent
résolurent d’aller d’abord atta uer les à la fois dans la Crimise, et s’embar
Corinthiens. Timoléon, sans tre ef rassent mutuellement dans leur fuite;
frayé de leur nombre, prit‘ aussitôt le fleuve, grossi par l’orage, les cas
le parti de marcher à leur rencontre; gloutit dans ses tourbillons. Ceux ui
mais à Syracuse, on fut tellement veulent chercher un refuge sur en
'CARTHAGE. 17
collines sont massacrés par les trou homme si uissant la découverte du
légères. La cohorte sacrée des r crime ne t plus funeste à l'État que
thaginois, composée de deux mille cinq le projet de son exécution. Se bornant
cents citoyens, les plus distingués par donc à prévenir la conspiration, ils
leurs richesses et par leur courage, fixèrent es frais des noces par un
combattit jusqu'au dernier soupir, et décret, qui, s'appliquant à tous les
se laissa massacrer tout entière plu citoyens, semblait moins désigner le
tôt que de se rendre. Les carthagi coupable que réformer un abus géné
nois laissèrent en outre dix mille ral. Hannon, entravé par cette mesure,
morts sur le champ de bataille : Ti excite les esclaves à la révolte, fixe
moléon leur fit quinze mille prison une seconde fois le jour des massacres,
niers et s'empara de leur camp, où il et, voyant encore sa trame découverte,
trouva des richesses immenses, qu'il s'empare d'un château fort avec vingt
abandonna tout entières à ses soldats mille esclaves armés. Là, tandis qu'il
sans en rien réserver pour lui-même. appelle à son secours les Africains et le
CONSPIBATION D'HANNoN coNTRE l‘Ol des Maures, il tombe aux mains
LE sENAT ET LE PEUPLE DE CAR des carthaginois, qui le font battre de
THAGE; 337 AVANT L’ERE CHËTIENNE. verges, lui font crever les yeux, rom-'
— Ce ‘fut probablement vers ce même pre les bras et les jambes, et lui don
temps, tandis que Carthage était af nent la mort aux yeux du peuple;
faibie par les revers qu'elle venait enfin son corps déchiré est mis en
d'éprouver en Sicile, qu'eut lieu la croix. Ses fils et tous ses parents,
conspiration d’Hannon, dont le récit même étrangers à son crime , sont ‘li
ne nous a été transmis que par le seul vrés au supplice, afin que de cette race
Justin. Hannon. le premier citoyen odieuse ne survécût personne qui pût
de Carthage, dont la richesse excessive imiter son exemple ou venger sa
était formidable pour la république, mort. ‘
employa ses trésors à l'asservir, et FIN DE LA GUERRE; NOUVEAU
voulut, en égorgeant le sénat, se frayer TRAITÉ DE PAIX ENTRE LEs SYRA
une route a la tyrannie. Il choisit, cUsAINs ET LEs CAR'rnAGINors; 338
pour exécuter son crime, le jour des AVANT L'ERE CHRÉTIENNE. — Après
noces de sa fille , afin de cacher plus ai la victoire remportée près du fleuve
sément, sous le voile de la reli ion, Crimise, Timoléon, laissant dans le
l'affreux dessein qu'il méditait. 1 fait pays ennemi les troupes étrangères,
dresser sous les portiques publics (*) our achever de piller et de ravager
des tables pour les citoyens, et, dans iiss terres des carthaginois, s'en re
l'intérieur de son palais, un festin tourna à Syracuse. En arrivant, il
pour le sénat, afin de le faire périr en bannit de Sicile les mille soldats qui
secret et sans témoins par des bois l'avaient abandonné en chemin, et il
sons empoisonnées, et d envahir plus les fit sortir de Syracuse avant le
aisément l'empire privé de ses chefs. coucher du soleil, sans en tirer d'au
Instruits de ce dessein ar ses servi tre ven eance.
teurs, les magistrats le dejouèrent sans Les arthaginois. aussi prompts à
le punir: ils craignaient qu'avec un se laisser abattre par les revers qu'à
s'enivrer d'espérances exagérées au
moindre succès , demandèrent la paix,
(') Ces portiques publics étaient la double que Timoléon leur accorda, à condi»
colonnade qui entourait le Car/ion, ou le
port militaire des carthaginois. Le palais tion que les bornes de leur territoire
d"Hannon s'élevait dans l'île qui occupait le seraient les rives du fleuve Halycus,
milieu du Cothôn. On peut en voir les pren qu'ils laisseraient à tous les Siciliens
ves dans les Recherche: sur la topographie la liberté d'aller s'établir à Syracuse
de Carthage, par M. Bureau de la Malle, avec leurs familles et leurs biens, et
p. 88 et planche 111. Paris, Firmin Didot. qu'ils ne conserveraicnt avec les ty
1835. rans ni alliances ni intelligences.
‘D
2' Livraison. (CAETEAGE)
18
RENOUVELLEMENT DES HOS‘I‘ILI contre les Campaniens, il fit conce
TÉS EN SlClLE; GUERRES nEs Can voir de lui de si hautes espérances,
TBAGINOIS connu AGATHOCLE, TY qu’il fut nommé général à la place de
nAN DE SYBACUSE; DE 319 A 309 Damascon qui venait de mourir , lais
AVANT L’ÈRE VULGAIRE. — Comme sant a sa femme d'immenses richesses.
l’histoire d‘Agathocle est intimement Agathocle aussitôt s’empressa d’épou
liée à l’histoire de Carthage, que ce ser la veuve, qui, depuis longtemps,
prince osa le premier porter la guerre vivait en adultère-avec lui. Ce passage‘
en Afriquc, et qu’il mit Carthage à inespéré de la pauvreté à l’opulence
deux doi ts de sa ruine,.il est né ne satisfit pas encore son ambition , il
cessaire ‘entrer dans quelques détails se fit chef de pirates et exer a ses bri
sur la naissance, sur les commence gandages contre sa patrie. es com
ments de cet homme extraordinaire, plices, faits prisonniers et mis à la
et sur les divers obstacles qu’il eut torture, le sauvèrent en ne l’accusant
à surmonter pour s‘élever à la tvran pas. Deux fois il tenta d’asservir S -
nie. ll naquit à Therma, en Sicile, racuse , et deux fois il fut condamn à
d’un otier de terre; son père l’ex l’exil.
posa ors de sa naissance, et l’avait Il s’était réfugié chez les Murgan
condamné à périr: il fut sauvé ar tins. Ceux-ci, en haine de Syracuse,
la tendresse de sa mère et élevé ciez le firent d’abord préteur et bientôt
un de ses oricles,_qui lui donna le général. Il entre en campagne, s’em
nom d’Agathocle. Son enfance fut pare de Leontium, et vient assiéger
aussi méprisable que son origine était Syracuse sa patrie. Les Syracusains
basse. Doué d’une rare beauté et d’une implorent la protection d’Amilcar, gé
grande perfection de formes, il ne néral des carthaginois, qui, abjurant
vécut longtemps qu’en prostituant sa ses sentiments de haine nationale,
pudeur: sitôt qu’il eut franchi l’âge leur envoie des secours. Syracuse vit
de la puberté, l’ardeur de ses assions donc à la fois un de ses citoyens l’as'
se dirigea des hommes vers es fem siéger avec toute l’ardeur d’un ennemi,
mes; bientôt en butte à la haine de et un ennemi la défendre avec le dé
l’un et de l’autre sexe, il se vit con vouement d’un citoyen. Comme la déc
traint d’embrasser le métier de bri fense était plus vigoureuse que l’atta
gand. Dans la suite, s’étant fixé à Sy ue , Agathocle fait supplier Amilcar
racuse, où son père et lui avaient e lui servir de médiateur auprès des
obtenu le droit de cité , il y vécut long Syracusains, promettant de reconnaî
temps dédaigné comme un homme qui tre ses bienfaits par ses services.
n’avait ni honneur ni fortune à per Amilcar, séduit par cette offre, et crai
dre; enfin, il servit comme simple gnant d’ailleurs les forces d’Agathocle,
soldat, et -on le vit toujours prêt à fait alliance avec lui, dans l’espoir
tout oser, aussi ardent pour le désor d’en obtenir, pour étendre sa puis
dre qu’il l’avait été pour la débauche. sance à Carthage, l’appui qu’il lui four
Il montrait en effet tour à tour une nirait contre les Syracusains. Il obtint
grande audace à la uerre, une élo donc, pour Agathocle, non-seulement
quence impétueuse ans les assem la paix, mais aussi la dignité de ré
blées. Aussi fut-il nommé centurion, teur à Syracuse. Agathocle fait a ors
et peu de temps après chiliarque , ou le serment solennel d’étre fidèle à Car
commandant de mille hommes. Peut thage, et reçoit d’AmiIcar cinq mille
être dut-il aussi cet avancement rapide Africains, par lesquels il fait égorger
à l’amour de Damascon, qui était les principaux Syracusains. Sous pré
éperdument épris de sa beauté. Dès texte de procéder à l’organisation des
sa première campagne, il donna aux pouvoirs, il convoque le peuple au
Syracusains des preuves signalées de théâtre , et rassemble d’abord le sénat
sa valeur dans une guerre contre les dans le gymnase , comme pour régler
habitants d’Etna. Dans la seconde, quelques préliminaires. Après avoir
CARTHAGE. l9
pris ces mesures, il fait marcher les PROJET DE PASSER EN AERIQUE; 310
soldats, enveloppe le peuple, égorge AVANT L'ERE vULoAIRE. — Les Car
le sénat, et se délivre encore, apres thaginois vainqueurs mettent- le siége_
ce massacre , des plébéiens les plus ri devant Syracuse. Agathocle , alors
ches et les audacieux. pressé par des forces de terre et de
Il lève alors des soldats, et ras mer supérieures aux siennes, mal pré
semble une armée avec laquelle il fond aré à soutenir un siège, délaissé par
brusquement sur les villes voisines, cas ses alliés révoltés de sa cruauté,
qui ne s'attendaient point à ces atta voyant la Sicile entière, à l'exception
ques. D'accord avec Amilcar, il mal. de Syracuse, au pouvoir des Barbares,
traite et persécute même les alliés de conçut un dessein si hardi et si impos
Carthage, qui envoient des députés sible à prévoir, que, même après
pour se plaindre aux carthaginois l'exécution et le succès, il parait en
moins d’Agathocle que d'Amilcar. «Le core presque incroyable. En effet, tan
« premier était un usurpateur et un dis qu'on pensait généralement qu'il
« tyran, le second un traître qui, par n'essayerait pas même de résister'aux
«un pacte frauduleux, abandonnait carthaginois, il laisse dans Syracuso
« ses alliés à leur lus cruel ennemi. une garnison suffisante, et passe en
« Pour prix d'un 0 ieux marché, dont Afrique avec l'élite de ses troupes. Au
v. le remier gage avait été le don dace vraiment extraordinaire, d'aller
« de g racuse, l'éternelle ennemie de attaquer dans leur capitale ceux contre
« Cart age, la rivale qui lui dispu lesquels il ne peut defendre la sienne;
« tait la domination de la‘Sicile, il d'envahir une terre étrangère, lors
« cédait maintenant les villes de leurs qu'il ne peut protéger sa patrie, et d'o
«i alliés. On verrait bientôt les effets 8er, vaincu, insulter à ses vainqueurs.
« de cette alliance de deux traîtres Il avait calculé que les citoyens de
et retomber sur Carthage et devenir Carthage, amollis par une longue paix,
« aussi funestes à l'Afrique qu’ils l'a ne pourraient résister à ses vieux sol
« valent été à la Sicile. » Ces plaintes dats, habitués à tous les travaux, à
irritèrent le sénat contre Amilcar; tous les périls de la guerre; que les
mais, comme la force était dans ses Africains, fatigués depuis longtemps
mains, la délibération fut secrète, et du joug oppresseur des Cartha inoIs,
les votes, avant d'être publiés, furent saisiraient avec joie l'occasion e s'en
renfermés dans une urne qui devait délivrer; qu'en un mot, par cette di
rester scellée jusqu'au retour d'un an version hardie, il arracherait l'ennemi
tre Amilcar, fils de Giscon , alors en du cœur de la Sicile, et transporterait
Sicile. La mort naturelle du général la guerre en Afrique. Le profond se
accusé rendit inutile l'adroite précau cret qu'il garda n'est pas moins sur
tion des sénateurs et la sentence se prenant que l'entreprise même. Il se
crètepar laquelle ils l'avaient condamné borna à éclater au peuple qu'il avait
sans 'entendre. Ce jugement, dont les trouvé la route de la victoire; qu'il ne
dispositions avaient transpiré, servit leur demandait que le courage de sou.
de prétexte à Agathocle pour déclarer tenir le siége pendant quelques l'ours;
la erre aux carthaginois. Il livra qu'enfin, ceux qu'effrayait l'étal pré
d'a rd, près d'H mère. une bataille sent des choses étaient libres de se
contre Amilcar, fi s de Giscon : il fut retirer. Seize cents citoyens seulement
vaincu, perdit la plus grande partie de quittèrent la ville; il fournit aux autres
son armée, et se vit contraint de se largent et les vivres nécessaires à sa
renfermer dans Syracuse. Bientôt, il défense, et n'emporta que cinquante
leva une armée plus considérable, et talents C’) pour les besoins présents,
tente une seconde fois, mais sans plus aimant mieux prendre le surplus a ses
de succès, la fortune des armes. ennemis qu'à ses alliés. Il affranchit
SIEGE DE SvRAcusE PAR LES CAR
TnAGINms; AGATROCLE FORME LE (‘) 275,000 fr.
2,.
20
tous les esclaves en état de porter les cuse, dont l'unique ressource est dé
armes, reçoit leur serment, les em sormais de faire souffrir à l'ennemi
barque et les incorpore dans ses trou ce qu'elle souffre aujourd'hui. « La
pes, persuadé qu'en confondant ainsi « guerre, leur dit-il, ne se fait pas
ces hommes de différentes conditions, a au dedans comme au dehors : au de
il établirait entre tous une émulation « dans, c'est à la patrie seule qu'il faut
de courage. Le reste fut laissé pour la « emprunter toutes ses ressources ,
défense de la patrie. « tandis qu'au dehors on peut vaincre
AGATIIOCLE TROMPE LA VIGILANCE a l'ennemi par ses propres forces, et
DES CARTHAGINoIs, ET DÉBABQUE a ses alliés rebelles, qui, las d'une
EN AERIQUE AVEC soN ARMÉE; 309 « longue servitude, accueillent avec
AVANT L'ERE vULeAIRE.-— Tout était « ‘oie des libérateurs étrangers. D'ail
prêt pour le départ; soixante vaisseaux « leurs, les villes, les châteaux de l'A
étaient armés, portant le roi et ses « frique, ne sont ni entourés de rem
deux fils, Archagathe et Héraclide; « parts, ni construits sur des monta
mais le port était bloqué par une « gnes, mais situés dans la plaine, et
flotte ennemie bien supérieure en nom « ouverts de tous côtés : la crainte de
bre. Tout à coup , un grand convoi de « leur destruction entraînera facile
vaisseaux chargés de blé se dirige vers « ment les places dans notre parti.
S racuse; les carthaginois lèvent le « L'Afrique elle-même va devenir pour
b Ocus , et courent, avec toutes leurs a Carthage une ennemie plus redouta
voiles, pour s'en emparer. Agathocle « ble que la Sicile. Tout va s'unir con
saisit l'instant propice, débouche du « tre une ville qui n'a guère pour appui
port et gagne la pleine mer : la flotte « ne son nom , et nous tirerons ainsi
puni ue alors se retourne vers lui, et « 6 cette terre ennemie les forces qui
aban onne les vaisseaux de charge, « nous manquent. De plus, l'épou
qui entrent dans la ville, désormais à a vante soudaine qu'inspirera tant
l'abri de la disette et de la famine. « d'audace contribuera puissamment
Agathocle, au moment d'être atteint a à la victoire. L'incendie des villages,
ar les carthaginois, est sauvé, d'a « le pillage des villes et des places qui
ord par la nuit, le lendemain par une « oseront se défendre, le siège de Car
éclipse totale de soleil qui leur dérobe «thage elle-même, montreront aux
sa marche. Enfin, apres six jours et « ennemis que leur pays n'est as à
six nuits d'une poursuite continue, il « l'abri du fléau de la guerre qu’i 3 ont
arrive aux côtes d’Afrique presque en « jusqu'ici toujours porté chez les au
même temps que les ennemis, et opère « tres. La victoire sur les Cartha '
son débarquement à la vue de la flotte a nois sera la délivrance de la Sici e.
punique, qui arrive pour en être té a Poursuivront-ils le siège de Syra
moin, mais trop tard pour s’y op «cuse, quand ils verront leur patrie
poser. Agathocle fait tuer ses vais « assiégée? Ainsi la guerre la plus
seaux à sec près des carrières où il « facile vous offre la plus riche proie;
était abordé (*), et les entoure d'un « car la Sicile et l'Afrique entière se
retranchement. « tout le prix de la conquête de Car
AGATHOCLE REVELR sEs PROJETS « thage. La gloire d'une si belle entre
A sEs soLDATs. — C'est alors que, « prise , perpétuée d'âge en à c ,
pour la première fois, Agathocle ré «triomphera du temps et de l’ou li.
vèle à ses soldats le dessein qu'il avait « On dira de vous que, seuls entre tous
conçu. Il leur rappelle l'état de Syra « les hommes, vous avez porté chez
« l'ennemi une guerre que vous ne
(') Lapidicinas AarogLizç. Ces carrières « pouviez soutenir chez Vous; que
dont parle Strabon (liv. un, p. 8'54), sont « seuls, après une défaite, vous avez
situées sur le côté oriental du golfe de Tunis, « poursuivi vos vainqueurs et assiégé
au sud du cap Bon, à un endroit appelé « ceux qui assiégeaient votre atrie.
Louaria, l'ancienne Aquilaria. « Entreprenez donc , pleins ‘espé
CARTHAGE. 21
« rance et de joie, une guerre où la « nous serions arrivés en Afrique.
a victoire vous romet d'immenses « Aidez-moi, soldats, à m’acquitter
« richesses, et la éfaite même un glo « de mon vœu; les déesses sauront
u rieux tombeau. » « bien nous dédomma er de ce sacri
AGATHOCLE nASSUnE sas SOLDATS «1 lice. Déjà même les victimes que je
EFFBAYÉS PAR L’ÉcLmsn E1.‘ MET LE « viens de leur immoler nous promet
FEU A SES VAISSEAUX. —— Tous les « tent un glorieux succès. » Aussitôt
soldats, enivrés d’espérance, applau il prend en main la torche sacrée; il
dirent à ce discours; ce ndant, ors en fait distribuer à chacun des capi
que la première impression fut calmée, taines; il met le feu à son propre‘vais
le souvenir de l’éclipse qui avait eu seau; chefs et soldats imitent son
lieu pendant leur voyage , agita de vives exemple, et, en un instant, aux ap
terreurs leurs âmes superstitieuses. laudissements et aux cris de joie de
Agathocle les rassura en leur faisant oute l’armée, la flotte entière n’est
entendre que ces variations dans le plus qu'un vaste monceau de cendres.
cours naturel des astres marquaient Les soldats n’avaient pas eu le temps
toujours un changement dans l’état de réfléchir. séduits par la ruse habile
résent; que l’éclipse,_ loin d’étre un d’Agathocle, .une ardeur aveugle et
uneste au ure, résageait indubita impétueuse les avait tous entraînés.
blement la n de eurs revers et le dé Mais lorsque leur enthousiasme se fut
clin de la prospérité de Carthage. refroidi, lorsque, mesurant dans leur
Alors, vo ant ses soldats bien dis esprit cette vaste étendue de mer qui
sés, il ex cuta une entreprise aussi les séparaitde leur patrie , ils se virent
ie et plus périlleuse eut-être qËJe en pays ennemi sans aucun moyen
sa diversion même en A rique; ce ut d'en sortir, une noire tristesse et un
de brûler entièrement la flotte qui l’y morne désespoir s’emparèrent de tous
avait amené. Plusieurs motifs puis les cœurs.
sants le déterminèrent à prendre un Agathocle, sans laisser à ce décou
parti si extrême. Il n’avait pas de port ragement le temps de se propager, se
en Afrique où il pût mettre ses vais hâte de conduire son armée vers ‘une
seaux en sûreté. Les carthaginois mai ville du domaine de Carthage, appelée
tresde la mer, s’empareraient facile Mégalopolis. Le pays qu’ils eurent à
ment de sa flotte, si elle n’étaitdéfendup traverser était orné de jardins, de vi
que ‘par une faible garnison; s’il laissait gnes, d’oliviers et de lantations de
assez de troupes pour la protéger, il toutes les espèces d’ar res fruitiers,
affaiblissait trop son armée active; entrecoupé de ruisseaux et de canaux
enfin, par la destruction de ses vais d’eau vive qui arrosaient abondamment
seaux, il enlevait à ses.soldats tout toutes les cultures. On trouvait à cha
espoir de retraite , et les mettait dans que pas des maisons de campagne,
la nécessité de vaincre en ne leur lais bâties avec une recherche et une ma
sant d’autre ressource que la victoire. gnifioence i attestaient l’opulence de
Après avoir fait approuver son pro'et leurs propriétaires, Les champs étaient
par tous ses ofliciers ui lui étaient é couverts d’immenses troupeaux de
voués, Agathocle et re un sacrifice à bœufs et de brebis, ‘et les prairies
Cérès et à Proserpine, et convo ue nourrissaient un grand nombre de su
l'assemblée des soldats. Alors, v tu perbes cavales. En un mot, cette belle
d’habits de fête, le front ceint d’une contrée, où les plus nobles et les lus
co ronne : « Lorsque nous partîmes riches Cartha inois avaient choisi eur
a e Syracuse, dit-il, au moment demeure, o ait partout des preuves
« d’être atteints par l’ennemi, j’invo de leur goût pour la vie champêtre,
« quai Proserpine et Cérès. divinités de leur amour pour les arts, et de
« protectrices‘ de la Sicile, et je leur leur habileté dans l’agriculture. L’as
a promis, si elles nous sauvaient dans pect de ce beau pays ranime le courage
et ce péril extrême, de brûler en leur abattu des soldats, et les entraîne à
- honneur tous nos vaisseaux, dès que braver tous les périls pour s’emparer
22
d’une si riche proie. Agathocle profite Il se trompa néanmoins dans ses pré
de leur ardeur et les mène à l'attaque visions. Bomilcar depuis longtemps
de Mégalopolis qui, assaillie à l'impro aspirait a la tyrannie. Jusqu’alors il
viste, et n’ayant pour défenseurs que n’avait ni trouvé l'occasion favorable,
des habitants sans expérience dans la ni obtenu le pouvoir nécessaire pour
guerre, est em ortée d'assaut. Aga arriver à son but. Revêtu alors du
thocle en aban onne le pillage à ses commandement de l'armée, il jugea
soldats. L'abondance règne dans le l'instant propice à ses desseins et en
camp; la confiance augmente, et aussi résolut l'exécution.
tôt ils s'emparent d'une ville que Dio Bientôt les deux généraux carthagi
dore appelle Leuco-Tunès ("), et qu'il nois marchèrent à l’ennemi , et l'ayant
place à deux mille stades de Carthage. atteint, rangèrent leur armée en ha
DErArrE n'HANNoN E1: DE BOMIL taille. Les troupes d’Agathocle ne mon
CAR PAR AGATHOCLE; 309 AVANT taient qu'à treize ou quatorze mille
L’ÈaE vULcAtaE. — Cependant les hommes, dont plusieurs même n'a
carthaginois, instruits par les habi vaient pas d'armes défensives. Aga
tants des campagnes du débarquement thocle leur en fabriqua avec les cou
d'Agathocle en Afrique, conçurent de vertures en cuir des boucliers de ses
grandes alarmes. Ils crurent; d'abord hoplites. Il s’aperçut ensuite que ses
que leur armée et leur flotte de Sicile soldats étaient effrayés de la supério
avaientétéentièrementanéantjes. Com rité du nombre de l’ennemi, et surtout
ment concevoir, en effet, qu'Agatho de sa cavalerie. L’habile politique em
cle, à moins d’être vainqueur, etlt osé ploie aussitôt un pieux stratagème
laisser Syracuse sans défense , et qu'il pour relever leur courage. Il sétait
se fût hasarde à traverser la mer, si procuré un certain nombre de chouet
les vaisseaux carthaginois en eussent tes privées. Il fait lâcher à la fois dans
encore été les maîtres? Le trouble et plusieurs parties de son camp ces
la terreur se répandent dans la ville; oiseaux consacrés à Minerve, qui, se
le peuple court en désordre au forum. posant sur les drapeaux et sur les
Le sénat s'assemble à la hâte et tu oucliers des soldats, semblent leur
multuairement. On délibère sur les promettre au nom de la déesse une
moyens de sauver la république. On victoire assurée.
n’avait pas sous la main de troupes ré La bataille s'engane : les chariots et
gulières qu’on pût o poser à l’ennemi, la cavalerie des Carfhaginois viennent
et l'imminence du anger ne permet se briser contre les rangs serrés de
tait pas d'attendre celles qu'on pourrait l'infanterie sicilienne. Hannon, à la
lever dans les campagnes et chez les tête de la cohorte sacrée, soutient
alliés. Les uns voulaient qu’on deman longtemps l’effort des Grecs, et les en
dâtla aixà A athocle, les autres qu’on fonce même quelquefois; mais bien
atten it des in 'ormations plus précises. tôt il tombe mort aux premiers rangs,
L'arrivée du commandantde la flotte fit accablé d'une grêle de traits et percé
connaître le véritable état des choses. d'innombrables blessures. La mort de
Il fut résolu enfin d'armer les citoyens. leur chef intimide les carthaginois et
Le nombre des trou es monta à qua redouble la confiance des soldats d'A
rante mille hommes ‘infanterie, mille gathocle. Bomilcar, dont les forces
chevaux et deux mille chariots armés etaient encore entières , aurait pu ré
en guerre. On nomma pour généraux tablir le combat; mais cet ambitieux
de cette armée Hannon ct Bomilcar conspirateur, jugeant que la victoire
qui étaient divisés par des inimitiés d’Agathocle et la défaite des Cartha
héréditaires. Mais le sénat voyait dans äinois étaient pour lui un moyen sûr
la haine mutuelle de ces citoyens puis 'arriver à la souveraine puissance,
sants une garantie pour la république. se retire avec son corps d'armée sur
une hauteur voisine. Cette lâche déser.
C’) La position de cette ville est inconnue. tion amène une déroute générale. La
CARTHAGE. 23
cohorte sacrée soutient seule pendant sit: ils avouèrent publiquement leur
quelque temps les efforts de l'ennemi; mauvaise foi et leur sacrilège avarice ,
mais, entourée de tous côtés, elle se et pour expier leur faute, ils envoyè
laisse massacrer presque tout entière rent a l'I-Iercule tyrien une grande
sur le corps de son général. Agathocle. somme d'argent et un nombre consi
après avoir quelque temps poursuivi dérable de riches présents.
les fuyards, revient sur ses pas et Leur superstition barbare imagina
s'empare du camp des carthaginois. aussi que Saturne, irrité contre eux,
Les historiens varient sur la perte leur envoyait ces revers pour les punir
qu'éprouvèrent les Carthaginois dans d'avoir négligé l'observation exacte des
cette bataille. Les uns la portent à pratiques de son culte. Anciennement
mille hommes seulement, les autres on immolait à Saturne les enfants des
à six mille, ce qui nous parait plus meilleures maisons de Cartha 3. Ils se
vraisemblable. Après cette victoire, reprochèrent d'avoir usé de raude et
Agathocle s'empare des villes , fait un de mauvaise foi envers le dieu en of
immense butin, égorge des milliers frant, à la place des enfants de leur
d'ennemis. Il vient asseoir son camp à noblesse, d'autres enfants de pauvres
Tunis pour que les habitants de Car ou d'esclaves qu'on achetait dans cette
thage puissent voir du haut de leurs vue. Pour expier cette transgression
murailles la ruine de ce qu'ils ont de sacrilége, ils immolèrent à leur dieu
plus cher, le ravage de leurs campa sanguinaire deux cents enfants choisis
gnes, l'incendie de leurs maisons. Mé dans les plus illustres familles de la
morable exemple des vicissitudes de la ville, et plus de trois cents personnes
fortune, qui, par un retour inattendu, qui se sentaient coupables de cette
élevait les vaincus au niveau des vain fraude impie s'offrirent elles-mêmes
queurs! En effet, les carthaginois, en sacrifice pour éteindre par leur sang
après avoir remporté en Sicile sur les la colère de Saturne.
Syracusains une victoire signalée, as PEooREs D'AcATHocLE EN Arni
slégeaient Syracuse , tandis qu'Agatbo QUE; DÉFEC’IION DES sUJETs ET DEs
cle, vainqueur contre son attente dans ALLIÉS DE CARTRAGE. — Ce ndant
un combat décisif, entourait les murs la renommée publie dans l'Afrique en
de Carthage de ses retranchements; tière que l'armée des carthaginois est
et, chose étonnante, ce général qui, détruite, qu’Agathocle s'est emparé
dans son propre pays, avec ses forces d'un grand nombre de villes et met le
tout entières, n'avait pu résister aux siège devant Carthage. On s'étonne
barbares, maintenant, sur la terre qu'un si puissant empire ait été si
ennemie, avec une faible portion des brusquement attaquétet par un en
débris de son armée vaincue, ébranlait nemi déjà vaincu. A la surprise suc
la puissance de Carthage. cède insensiblement le mé ris pour les
OEEEANDES ET sAcRImcEs DEs carthaginois, et Agathoc e voit bien
CARTHAGINoIs A HERcULE ET A SA tôt passer dans son parti, non-seule
TUBNE. — Ces revers réveillèrent dans ment les Africains tributaires, mais
Carthage les idées superstitieuses. Elle
encore de puissantes cités alliées‘, en
attribua ses malheurs à sa négligence traînées par l'amour du changement;
envers les dieux. C'était une coutume il en reçoit pour prix de sa victoire des
à Carthage , aussi ancienne que la vivres et de l'argent.
ville même , d'envoyer tous les ans à DEEAITE D'AMILcAE EN SICILE,
T r, d'où elle tirait son cri ine, la ENVIRON 309 AVANT L'EEE CHRÉ
diine de tous les revenus de a répu TIENNE. -— Dans cette osition cri- "
blique, et d'en faire une offrande à tique, les carthaginois épêchent un
Hercule, le patron et le protecteur des navire en Sicile pour instruire Amil
deux villes. Depuis que que temps les car de l'état des choses en Afrique,
carthaginois avaient diminué la va et le presser d’envo er du secours.
leur des offrandes. Le scrupule les sai Employant encore ans cette occa
24
sion leurs ruses accoutumées, ils font alliance un chef africain , appelé Élyma.
remettre à Amilcar les éperons de Profitant du départ d’Agathocle, les
Vaisseaux grecs qu'ils avaient en soin carthaginois dirigent toutes leurs for
de recueillir après l'incendie de la flotte ces contre Tunis, s'emparent du camp
d’Agathocle. Le général carthaginois retranché, approchent de la ville les
prescrit aux envoyés le (plus profond machines de guerre, et redoublent l'ac
silence sur les victoires es Siciliens , tivité de leurs attaques, pour s'en em
répand le bruit qu'Agathocle a été parer avant le retour du prince sicilien.
complètement battu, que.sa flotte est Agathocle, averti de la prise de son
au pouvoir des carthaginois, et pour camp et du danger qui menace '_I‘unis ,
preuve de son assertion , il montre les laisse devant Adrumète la plus grande
éperons des vaisseaux qu’on lui avait partie de son armée, et, ne prenant
expédiés. Cette nouvelle s'accréditait avec lui que sa garde et quelques fai
dans la ville; le grand nombre son bles détachements, il gravit en silence
geait déjà à se rendre et à capituler; une montagne d'où il pouvait être
le commandant même de la place, aperçu et par les habitants d'Adru
Antandros , frère d’Agathocle , qui était mète et par les carthaginois qui assié
loin d'avoir son courage et son éner geaient Tunis. Là il invente un strata
gie, parlait déjà de traiter avec l'en gème qui jette à la fois la terreur chez
nemi, lorsqu'un esquif à trente rames tous'ses ennemis. Pendant la nuit, il
qu'Agathocle avait fait construire à la fait allumer de grands feux qui con
hâte arriva dans le port, et parvint, vrent un Vaste espace de terrain. Les
non sans peine et sans danger, jus carthaginois occupés au siège de Tu
qu'aux assié és. Les Syracusams, que nis, croyant qu'il marchait au secours
la curiosité aisait courir-en foule vers de la place avec une nombreuse armée ,
le port, avaient négligé sur quelques s'enfuient dans leurs murs en aban
points la garde des murailles. Amilcar donnant leurs machines. Les habitants
rofite de l'occasion, et, fait attaquer ,d'Adrumète, persuadés que lgs assié
rusquemeut cette partie des remparts Ëlœnts reçoivent un renfort considéra
parMais
unelatroupe
nouvelle des victoires d'A a-I
d'élite. 81' sont à‘ pés de crainte et se ren
dent à discrétion. D'Adrumète, il se
thocle s'était répandue dans la vile, dirige vers Thapsus,qu'il
a
emporte d'as
et avait rendu la confiance et le cou saut; et après s etre rendu maître , tant
ra e à tous les habitants. Pleins d'une par la force que par la persuasion , de,
ar eur invincible, ils se précipitent‘ près de deux cents villes , il entreprend
sur les assaillants, et les repoussent une expédition dans l'intérieur de l'A-. ."
après en avoir fait un grand carnage. frique.
Découragé par cet échec, Amilcar A peine s'est-il éloigné-de quelques
leva le sié e de Syracuse, et envoya v journées de marche ne les carthagi
cinq mille mmes au secours de sa nois ièvent de.nouv es‘ troupes, les
patrie. _ joignent à celles qu'ils ont reçues de
' CoNQuÉTEs n'AoATIIocLE DANS LA Sicile,-et mettent, pour la deuxième
BYZACÈNE; sTRATAeI‘aME DE cE fois, le siége devant Tunis. Agathocle,
PRINCE; 309 AVANT J. C. —Pendant instruit par un courrier de cette atta
que ces événements se passaient en que imprévue, revient de suite sur ses
Sicile, Agatliocle, maître de la cam pas , place son camp à deuxcents stades
pagne, tourna ses armes contre les de l'ennemi , et, pour cacher son arri
villes maritimes soumises aux Cartha vée, il défend à ses soldats d'allumer
ginois. Il laisse dans son camp re des feux. Il se met en marche pendant
tranché à Tunis, une armée suffisante, la nuit; au point du jour, il surprend
marche contre Néapolis, prend la Ville les carthaginois hors de leur camp,
d'assaut, et traite es vaincus avec in dispersés dans la campagne, et fourra
dulgence. De là il va mettre le siége geant sans ordre et sans discipline. Il
devant Adrumète, et attire dans son tombe sur eux œmme la fondre, en
CARTIIAGE. 25
tue deux mille et fait un grand nombre l'ennemi, se troublent, hésitent, et
de risonniers. Ce nouveau succès ré finissent par prendre la fuite. Les uns
tabrit la supériorité d'Agathocle , u'on tombent dans des précipices, les au
croyait alors inférieur aux Cart agi tres sont écrasés par leur propre cava
nois, de uis ue ceux-ci avaient reçu lerie; d'autres, par une méprise ordi
des ren orts e Sicile et des secours naire dans ces rencontres nocturnes,
de leurs alliés d’Afrique. se combattent entre eux. Amilcar,
NOUVELLE ENTREPRISE‘ D'AMILcAn avec sa garde, soutint d'abord coura
coNTnE SvnAcUsE; DÉFAITE ET MORT eusement l'effort de l'ennemi; mais
DE cE GÉNÉRAL; 308 AVANT L'i‘zIiE ientôt, abandonné par ses soldats,
vULGAInE. —— Pendant que ces événe transis de trouble et d'effroi, il est pris
ments se passaient en Afrique, Amil« vivant par les Syracusains.
car, qui, à la tête d'une flotte et d'une Ce fut encore un des événements les
armée très-nombreuse, avait soumis la plus inattendus que présenta cette
Sicile presque tout entière, résolut de uerre si féconde en changements de
tenter un nouvel effort contre Syra ortunc. Agathocle, le plus habile gé
cuse. Il se porte du côté du temple de néral de son siècle, à la tête d'une
Jupiter olympien, et prend la résolu puissante armée , avait été vaincu , près
tion de donner brusquement l'assaut à (l’Hymère, par les carthaginois, et à
la ville; car les devins lui avaient pré avait perdu l'élite de ses ‘troupes;
dit qu'il y souperait le lendemain. maintenant un petit nombre de Syra
Les assiégés, devinant l'intention cusains vaincus , restés pour la défense
de l'ennemi, avaient placé sur les hau de leurs murailles, venaient de dé
teurs d'Euryèle trois mille fantassins truire la nombreuse armée punique
et quatre cents cavaliers. Les Cartha qui les assiégeait, et de prendre vivant
ginois ignoraient ces dispositions et Amilcar, le plus illustre des généraux
croyaient surprendre l'ennemi. La nuit de Carthage. Trois mille hommes dé
était sombre et pluvieuse. Amilcar terminés , n'ayant pour eux que l'avan
marchait en avant à la tête de sa garde , tage de leur position et l'imprévu de
suivi de sa cavalerie et de deux corps leur attaque, avaient suffi pour mettre
d'infanterie, composés d'Africains et en déroute une armée de plus de cent
de Grecs auxiliaires. Attirée par l'es vingt mille combattants.
poir du pillaae, une foule immense Les carthaginois, dispersés de tous
d'esclaves et de valets désarmés, sans côtés, ne se réunirent qu'avec peine,
ordre et sans discipline, s'était mêlée et se virent désormais hors d'état de
dans les rangs. Cette multitude turbu rien entreprendre.
lente se pressait, s'entassait confusé Les Syracusains rentrèrent dans la
ment dans les chemins étroits et embar ville chargés de riches dépouilles.
rassés qui conduisaient aux remparts. Après avoir fait souffrir à Ainilcar
Bientôt des rixes , des querelles , suivies toutes sortes de supplices , ils le firent
de cris discordants, s'élèvent parmi périr d'une mort ignominieuse, et en
ces masses avides de pillage, qui se voyèrent sa tête à Agathocle. Ce é
heurtaient pour arriver aux remiers néral s'approcha aussitôt du camp es
rangs. Leur désordre gagne es trou Africains, et y jeta le sanglant trophée
es régulières, et l'éveil est donné à qu'il venait de recevoir, pour leur ap
'ennemi. Alors les Syracusains, qui prendre dans quel état étaient leurs
s'étaient postés sur l’Euryèle, fondent affaires de Sicile.
brusquement sur les carthaginois, les SÉDITION DANS L'AEMÉE D'AGA
accablent d'une grêle de traits, et, les THocLE; DÉFECTION D'UNE PARTIE
attaquant de plusieurs côtés à la fois, DE SES TROUPES. -— Les carthaginois
leur coupent la retraite. Les Cartha étaient consternés. Agathocle, que la
ginois, assaillis à l'improviste au mi victoire avait couronné dans toutes ses
ieu des ténèbres, ignorant la configu entreprises depuis son débarquement,
ration du terrain et les forces de voyant qu'en Sicile et en Afrique l'en
neml ne pouvait plus résister à ses prolonger sa Vie ne l'ont fait souscrire
armes, se croyait au bout de ses tra a une action indigne de sa gloire, et
vaux et se livrait aux plus ambitieuses pour leur en donner la preuve, il tire
espérances, lorsque, du sein de sa son épée et menace de s'en frapper à
propre armée, s'éleva subitement une leurs yeux. On court vers lui; on s'em
tempête qui menaça d'engloutir à la presse d'arrêter son bras. Toutes les
fois sa vie et sa fortune. Lyeiscus , l’un voix proclament son innocence et l'in
de ses plus braves lieutenants, au mi vitent à reprendre les insignes de la
lieu d'un repas ‘où il était échauffé par royauté. Il cède à leurs instances réi
le vin, avait lancé des traits mordants térées; il leur exprime sa reconnais
contre Agathocle et contre son fils sance en versant des larmes de joie et
Archagate. Dans son ivresse, il s'était de tendresse; tous les cœurs sont émus,
même emporté jusqu'à reprocher à ce et les applaudissements unanimes de
dernier une liaison incestueuse avec sa l'assemblée célèbrent le rétablissement
belle-mère. Archagate, bouillant de complet du pouvoir de leur général et
colère, saisit un javelot, et frappe de leur roi.
Lyeiscus d'un coup mortel. La mort NOUVELLES DEEAITEs DEs CAR
de cet officier fut le signal d'une ré TIIAGINoIs PAR AGATHOCLE; sur.
Volte‘ générale. Chefs et soldats se ras PLICE DEs TRANsEUGEs; 808 AVANT
semblent en tumulte autour de la tente L'ERE CHRÉTIENNE. — Cependant Aga
du prince; tous demandent à rands thocle, qui ne négligeait aucun moyen
cris qu'on livre le meurtrier a leur d'affaiblir la puissance de Carthage,
Vengeance. Si Agathocle persiste à vou envoya des députés à Ophellas, roi de
loir le sauver, il tombera lui-même la Cyrénaique , pour l'attirer dans son
sous leurs coups. En même temps, ils alliance. Ce prince, qui avait été l'un des
exigent insolemment le payement de lieutenants d'Alexandre (*), et avait
leur solde arriérée; ils nomment des épousé une descendante du fameux Mil
généraux pour les commander, s'em tiade, nourrissait l'es oir ambitieux de
parent de Tunis , et placent des gardes soumettre l'Afrique a sa domination..
sur tous les oints des remparts de Agathocle lui fait représenter que Car
cette ville. A a nouvelle de cette ré thage estle seul obstacle à l'agrandisse
Volte, les carthaginois conçoivent l'es ment de leur puissance , que le motif de
pérance d'attirer les séditieux dans leur son invasion en Afrique a été , non l'am
parti. Ils font proposer aux soldats bition de conquérir, mais la nécessité
une pave plus forte, et aux officiers de de se défendre, et qu'après la destruc
magnifiques présents. Plusieurs de ces tion de l'ennemi commun, il lui aban
derniers se laissent corrompre, et s'en donnerait l'Afrique, et se contenterait
agentà passer avec leurs troupes dans de régner sur la Sicile entière. Ophel
6 camp africain. las se laisse séduire ar ces offres bril
Dans cette extrémité Agathocle, re lantes, et vient jOin reA atbocle avec
doutant la mort ignommieuse qu'il une armée com osée e dix mille
aurait à subir s'il était livré à l'en hoplites grecs,et 'un pareil nombre de
nemi, trouve dans l'énergie de son troupes irrégulières. Agathocle l'ac
désespoir le moyen de ramener ses cueil e d'abord avec la lus grande
soldats. Il uitte la pourpre, se cou bienveillance, le comble e caresses,
vre d’humb es vêtements et s'avance lui prodigue des - flatteries, l'invite
au milieu d'eux. Ce changement inat souvent à sa table, et lui fait même
tendu les frappe; tous tout silence, adopter un de ses fils. Mais ce prince
Agathocle prend alors la parole. Après n'avait jamais reculé devant un crime
leur avoir rappelé tous les succès qu'il
doit à leur courage, il leur déclare (“) Ophellas avait d'abord conquis et gou
u'il est prêt à mourir si sa mort peut Verné la Cyréna‘ique au nom de Plolémée
2tre utile à ses compagnons d'armes; Lagus , et avait fini par se rendre indépen
que jamais la crainte ou le désir de dant.
CARTHAGE. 27
utile à ses intérêts et à sa puissance. velle ville, malgré les pierres et les
Par une perfidie sans exemple, il dé traits qu'on lance sur eux de toutes
bauche une partie des troupes d'0 les maisons situées sur leur route;
phellas, le fait périr au milieu de son enfin ils occupent sur une éminence
camp, et s'attache son armée tout une position avantageuse C‘); mais
entiere par des présents et de magni tous les citoyens, ayant pris les ar
fiques promesses. nies, viennent camper devant les ré
CoNwnATIoN DE BOMILCAB; sup voltés.
PLIcE DE cE GÉNÉRAL; 307 AVANT L'affaire se termina par une amnis
L’EEE CHRÉTIENNE. -— Jamais, de uis tie générale que la foi punique rompit
le commencement de la guerre, ar envers le seu Bomilcar. On le fit périr
thage' ne s'était trouvée dans un si dans les plus cruelles tortures. Justin
grand péril. Aux ennemis étrangers ajoute que Bomilcar fut mis en croix
ont les forces venaient d'être doublées au milieu du forum , afin ne le même
par la réunion de l'armée d’Ophellas , lieu où on lui avait con eré les bon
sejoignait un ennemi domestique, non neurs suprêmes devint le théâtre de
moins dangereux et non moins redou son su p ice et de son ignominie.
table. Bomilcar, qui depuis lon temps Dio ore observe, comme une sin
aspirait à la tyrannie, jugea e mo gularité remarquable, que les Cartha
ment favorable pour exécuter son pro ginois ignorèrent entièrement les pron
jet. Il éloigna de Carthage sous diffé jets d’Agathocle contre Ophellas, et
rents prétextes la plus grande partie qu'à son tour A athocle n'eut aucune
de la noblesse qui aurait été un obstacle connaissance de a conjuration de B0
à ses desseins. Bientôt, ayant fait des milcar. S’il en eut. été autrement, ou
levées dans le faubourg nommé la bien les carthaginois se seraient ligués
Nouvelle ville, qui\est un peu en de avec Ophellas pour chasser Agathocle
hors de l'ancienne Carthage, il licen de l'Afrique , ou bien ce général aurait
cia tous ceux qu’il croyait attachés profité de la guerre civile allumée
au gouvernement. Il rassembla quatre dans les murs de Carthage , pour s'em
mille mercenaires et cinq cents de ses parer de cette ville.
concitovens, complices de ses projets, PEIsE D’UTIQUE ET D'HIPPozAnI
et se lit déférer par eux le pouvoir TUs; AGATnocLE PAssE EN SIcILE;
despotique. Il divise sa troupe en cinq 307 AVANT L’ÉEE vULGAInE. -—— Ce
corps et entre dans la ville, massa pendant Agathocle porte ses armes
crant tous ceux qu’il rencontre dans dans les provinces situées à l'occident
les rues. Une terreur incroyable se de Carthage. Il s'empare, après une
répand dans Carthage. Tous fuient, vive résistance, d’Utique et d'Hippo
persuadés que la ville a été livrée à l'en zaritus, qui avaient essayé de se sous
nemi, qu'Agathocle a pénétré dans son traire à sa domination. Dans le but
enceinte. Mais sitôt que la vérité est de prévenir désormais de areilles ten
connue, les jeunes citoyens courent tatIves , il inmge à ces eux cités un
aux armes, forment leurs rangs et châtiment exemplaire : il en abandonne
marchent contre le tyran. Celui-ci, le pillage à ses soldats , et fait passer
après avoir tué tous ceux qu'il ren au fil de l’épée la plus grande partie de
cpntre sur sa route, énètre dans le leurs habitants.
forum. Alors les Cart aginois, ayant Après cette sanglante exécution, il
occupé les maisons très-hautes qui soumit à son pouvoir la plus grande par
bordent cette place publique , font pleu tie des villes maritimes et les peu les de
voir une rôle de traits sur les conju l'intérieur,exceptélesNumides, ontles
rés qui, ans cette osition, setrou
vaient à découvert e tous les côtés. (‘2 Cette position est probablement le
Ceux-ci , trop maltraités , serrent leurs Djc eI-k/iawz près du cap Qalnart. V0 et
ran s, et, à travers les rues étroites , la Topographie de Carthage, par M. u
se ayent un passage jusqu'à la Nou reau de la Malle, p. 73 et planche IL
28
uns entrèrent dans son alliance, les au provinces de l'intérieur. Hannon, qui
tres restèrent neutres en attendant l'is lui était opposé , lui dressa une em
sue de la guerre. C’est alors que, se buscade , ou le. général syracusain périt
voyant supérieur aux Carthaginois, tant avec quatre mille fantassins, et deux
par ses propres forces , que par l’éten cents cavaliers.
duc de ses alliances et que, jugeant sa lmilcon, chargé des opérations de
domination solidement établie en Afri la guerre sur les routières méridiona
que, il se résolut à passeren Sicile , où les, s'était emparé d'une place forte
le mauvais état des affaires semblait sur la route que devait tenir Euma
exiger sa présence. Il n’emmena que chus. Celui-ci ayant présenté la ba
deux mille soldats, et laissa le com taille, le rusé carthaginois laissa dans
mandement du reste de l'armée à son la ville une partie de son armée avec
fils Archagate. l'ordre de fondre sur l’ennemi au
ÉTAT DES AFFAIRES EN AFBIQUE moment où il feindrait lui-même de
soUs LE COMMANDEMENT D’ABCHA prendre la fuite. Au même instant, il
GATE , 306 AVANT L’ÈnE CHRÉTIENNE. sort de la ville avec la moitié de ses
— La fortune sembla d’abord favoriser troupes, s'avance sous les retranche
les armes du nouveau général. Il fit, ments de l’ennemi, engage le combat,
par ses lieutenants, quelques expédi et s’enfuit aussitôt comme frappé d'une
tions heureuses dans la partie méri terreur soudaine. Les soldats d’Eu
dionale del’Afrique, et subjugua même, machus, croyant la victoire décidée,
dit Diodore , quelques tribus de peu rompent leurs rangs et s’abandonnent
ples nègres. en désordre à la poursuite des fuyards.
Cependant le sénat de Carthage, se Tout à coup, la portion de l'armée
relevant de l'abattement où l'avaient carthaginoise qui était‘ restée dans la
jeté les succès d’Agathocle , résolut ville, tombe sur eux, ran ée en bon
de tenter un dernier effort, et mit sur ordre et poussant de gran s cris : les
pied trois corps d’armée, composés Grecs, surpris par cette attaque im
chacun de dix mille hommes , qui, sous prévue, s'arrêtent, frappés de terreur,
le commandement d’Adherbal, d’Han et s'enfuient presque sans résistance.
non et d’Imilcon, devaient agir, l’un Mais l’ennemi leur avait coupé la re
sur les côtes de la mer, l’autre dans traite du côté de leur cam ; Euma
les provinces de l'intérieur, le troi chus fut contraint de se ré ugier avec
sième sur les frontières méridionales. ses soldats sur une éminence voisine,
Ils espéraient, ar ce plan de campa position assez forte, mais entièrement
gne, contrain re l’ennemi à diviser dépourvue d'eau : les carthaginois les
ses forces, délivrer la ville du blocus y poursuivent, entourent la colline
qui gênait l'importation des vivres, d’un retranchement, et l'armée grec
et enfin, raffermir la fidélité chance que périt tout entière, soit par la soif,
lante de leurs alliés, qui, voyant de soit par le fer de l’ennemi. De huit
nouveau les armées puniques en cam mille huit cents hommes dont elle
pagne , ourraient compter sur un se était composée, il ne se sauva, dit Dio
cours e cace. dore, que trente fantassins et quarante
Ce plan , bien conçu , obtint le ré cavaliers.
sultat qu’on en avait espéré. Plusieurs Archagate, consterné par ces revers
des alliés de Carthage, que la crainte inattendus, se retire à Tunis, réunit
seule avait forcés de se réunir aux autour de lui tout ce qui lui restait de
Grecs , s'en détachèrent et renouèrent troupes, et envoya en Sicile porter à
avec la république leurs anciennes liai son père la nouvelle de ces désastres ,
sons d'amitié. D'un autre côté , Archa et le supplier de venir aussitôt à son
gate, voyant les troupes carthaginoi secours. Déjà il était abandonné de
ses répandues dans toute l'Afrique, presque tous ses alliés; il était bloqué
partagea lui-même son armée en trois dans Tunis par les trois généraux car
corps. Eschrion, à la tête d'une de ces thaginois, et, la mer étant au pouvoir
divisions , était chargé de défendre les de l’ennemi , son armée abattue et dé
CARTHAGE. 29
couragée était en proie à toutes les inois, dans la poursuite, eurent soin
horreurs de la disette. ’épargner les Africains auxiliaires
AGATHOCLE BEPASSE EN AFBIQUB qu’ils espéraient engager à la défec
POUR sscounrn SON FILS Aucunes tion; ils s’acharnèrent a massacrer les
TEE. — Agathocle, après avoir obtenu Siciliens et les mercenaires, dont trois
d’abord quelques succès en Sicile, avait mille environ restèrent sur la place.
vu la plus grande partie de l’île se INCENDIE nu CAMP mas Cumu
soustraire à sa domination. Néanmoins GINOIS; TERREUR PANIQUE DANS LES
les nouvelles qu’il reçut d’Afrique lui DIEUX ABMÉES. — Pendant la nuit qui
parurent si désastreuses, u’il résolut, suivit la bataille, un événement inat
de s’embarquer sur-le-c amp pour tendu porta la terreur et le désordre
aller au secours de son armée. Il dans les deux armées. Tandis ne les
trompe, par un nouveau stratagème, carthaginois, en réjouissance e leur
la vigilance des carthaginois qui blo victoire,‘ immolaient aux dieux l’élite
quaient le port de Syracuse, en sort ‘de leurs prisonniers, le feu de l’autel
avec dix-sept galères, met en fuite la embrasa la tente du sacrifice. Favorisé
flotte supérieure en nombre ni le par un vent impétueux, l’incendie
poursuivait, et débarque en A rique. consuma en un instant le camp tout
Là, retrouvant ses soldats épuisés par entier, qui n’était qu’un assemblage de
la disette et abattus par le désespoir, cabanes grossièrement formées de
il relève leur courage par ses exhorta paille et de roseaux. Les rapides pro
tions, leur démontre qu’une victoire grès du feu rendent tout secours inu
décisive peut seule les sauver, et les tile. Les uns, surpris par les flammes
mène contre l’ennemi. Il lui restait dans les rues étroites du camp où ils
encore en infanterie six mille hommes s’étaient entassés, y trouvent le même
de troupes grecques , un pareil nombre supplice que leur impiété barbare vient
de mercenaires étrusques, celtes et d’mfliger à leurs prisonniers; les au
samnites, et dix mille Africains, sur tres, qui, en tumulte et en désordre,
la fidélité desquels il ne pouvait pas s’étaient jetés hors des retranche
entièrement compter. Il avait encore ments , y trouvent une nouvelle cause
quinze cents hommes de cavalerie grec de trouble et d’épouvante. Cin mille
que, et six mille chars de guerre mon Africains de l’armée d’Agathoc e dé
tés par des Africains. Les généraux sertaient en ce moment ses drapeaux,
carthaginois, quoiqu’ils eussent l’a et se rendaient au camp des carthagi
vantage du nombre et de la position, nois. Ceux-ci, les avant aperçus de
ne voulaient pas s’exposer aux hasards loin, supposent que l'armée des Grecs
d’une bataille contre un ennemi au vient tout entière les attaquer. Une
désespoir; ersuadés qu’en traînant la terreur incroyable se ré and dans l’ar
guerre en ongueur, et .en continuant mée; tous prennent la uite: les uns,
a lui couper les vivres, ils le force aveuglés par la crainte, se jettent dans
raient à se rendre. Agathocle, ne pou des précipices; les autres, dans l’obs
‘ vant attirer l’ennemi dans la plaine, curité de la nuit, croyant combattre
prend le parti d’attaquer les hauteurs l’ennemi, tournent leurs armes contre
sur lesquelles étaient retranchés les leurs camarades, et s’égorgen‘t entre
carthaginois. La détresse où il se eux. Cinq mille hommes périrent dans
trouvait justifiait à ses yeux la témé ce tumulte; le reste s’enfuit précipi
rité de l’entreprise. L’armée puni ue tamment vers Carthage, dont les ha
sort de son camp rangée en batail e; bitants, trompés par cette fuite désor
Agathocle, malgré tous les désavanta donnée, crurent que leur armée avait
ges de sa position, résiste longtemps été complétement défaite.
aux efforts des carthaginois. Enlin, Cependant, les déserteurs africains,
les mercenaires et les Africains a ant à l’aspect de l’incendie du camp des
été enfoncés, il est contraint e se carthaginois et du désordre qu’y avait
retirer dans son’ camp. Les Cartha jeté leur approche, n’avaient ose pour
30
suivre leur marche, et étaient retour l'espoir d'être secourus par Agatho
nés sur leurs pas. A leur retour, la cle, ne voulurent point souscrire à
même terreur panique qui venait d'é cette capitulation. Les 'Carthaginois
tre si fatale aux troupes carthagi mirent le siége devant ces villes, et,
noises, se répandit tout à coup dans après s'en être em arés , ils mirent en
le camp d'Agathocle. Les Grecs s'ima croix les chefs, r uisirent en escla
ginèrent aussi que l'armée ennemie va e les soldats, et forcèrent à faire
tout entière venait les attaquer; le 're eurir la culture dans leurs campa
tumulte et l'épouvante causés par cette gnes, ces mêmes mains qui y avaient
erreur produisirent sur eux les mêmes porté le ravage et la désolation.
effets, et coûtèrent la vie à quatre Telle fut la fin de cette guerre mé-‘
mille hommes. morable, i avait duré quatre an
AGATnocLE ADANDONNE soN AR nées et qu avait ébranlé dans sesfon
MÉE ET REPA‘ssE EN SIcILE; FIN déments la puissance de Carthage.
DE LA GUERRE; 806 AVANT L'ERE L'année suivante. un traité conclu
VULGAIRE. ——A rès ce nouveau dé entre Agathocle et les carthaginois
sastre, Agathoc e, se vovant aban rétablit es possessions des deux partis
donné par tous ses alliés, et trop faible en Sicile dans le même état où elles
‘désormais pour lutter avec les Cartha étaient avant la guerre. La république
ginois,‘ résolut d'abandonner l'Afri cousentit à payer pour ce traité au
que. Il manquait de vaisseaux pour prince syracusain trois cents talents
transporter ses troupes; d'ailleqrs, la et deux cent mille médimnes de blé.
mer tait au pouvoir des ennerms. Ces MORT D'AGATIIocLE; NOUVELLE
deux motifs le décidèrent à s’embar. EXPÉDITION nEs CARTIIAGINoIs EN
quer seul sur un vaisseau léger, lais» SIcILE, DE 305 A 278 AVANT L'ERE
sant ses deux fils et son armée exposés VULGAIRE. -—a Les vingt-cinq années
à toutes les chances de la guerre. A la qui suivirent le dernier traité avec
nouvelle de son départ, les soldats Agathocle furent probablement pour
épouvantés, et se croyant déjà dans Carthage une période de calme et de
les mains d'un ennemi implacable, s'é bonheur. Le silence de l'histoire est
criaient que, pour la seconde fois, leur presque une preuve de la tranquillité
roi les abandonnait au milieu des enne uniforme dont jouit alors cette répu
mis; que celui qui leur devait jusqu'à blique, Les é ues stériles pour les
la sépulture renonçait même à dé historiensson généralement heureuses
fendre leur vie. Ils veulent poursuivre pour les peuples. \
leur roi, mais, arrêtés par les Numi Agathocle était mort en 289 avant
des de l'armée carthaginoise, ils sont J. 0., après un règne de vingt-huit
forcés de rentrer dans leur camp. ans, dans la soixante-douzième, et
Alors, dans leur désespoir, ils égor suivant quelques historiens, dans la
gent les fils d'Agathocle, et trailent quatre-vingt-quinzième année de son
avej: les carthaginois. Les conditions go. La démocratie s'était rétablie dans
de cet accommodement furent ne les Syracuse; les dissensions intestines
Grecs, moyennant trois cen s ta qui, pendant neuf ans entiers , déchi
lents (‘), livreraient aux carthaginois rèrent cette malheureuse ville, réveil
toutes les villes dont ils étaient en lèrent chez les carthaginois l'espoir
possession; que ceux qui voudraient de s'en emparer. Ils vinrent l'assieger
servir dans les armées puniques y re par terre et par mer, avec cent vais
cevraient la aye ordinaire des trou seaux de guerre et cinquante mille
pes , et que es autres seraient trans hommes de troupes de débarquement.
portés à Suloute, en Sicile, où on leur TROISIÈME TRAITÉ DES RoiuAINs
donnerait les moyens de s'établir. Les. ET DES CARTrIAGINoIs; GUERRE EN
commandants de quelques plaoes,dans SICILE CONTRE PYRREUs; 278 AVANT
L'ERE VULGAIRE. -— Deux ans aupa
(e) I,65o,ooo francs. ravant, les carthaginois et les B0
CARTHAGE. 81
mains, alarmés de l'ambition de Pyr gociation fut rompue. Dès lors Pyr
rhus, roi d'Épire, qui menaçait à la rhusrésolutd'em oyertouslesmoyens
fois la Sicile et l'Italie, avaient renou pour s'emparer e Lil bée; mais les
velé leurs anciens traités, en v ajou Carthagiiiois, étant maitres de la mer,
tant la clause d'une alliance offensive avaient fait entrer des vivres et une
et défensive contre ce prince. Leur nombreuse garnison dans cette ville,
prévoyance n'avait pas été vaine : Pyr qui, située sur un promontoire es
rhus tourna ses armes contre l'Italie, c'arpé, de toute part environnée par
et y remporta plusieurs victoires. Les les eaux, ne sejoignait à la terre ferme
carthaginois, en conséquence du der que par un isthme fort étroit. Ils
nier traité, se crurent obligés de se avaient en outre fortifié avec le lus
courir les Romains, et leur envoyè grand soin cette partie, qui était la
rent une flotte de cent vingt vaisseaux, seule accessible. Pyrrhus employa vai
commandés par Magon.- Le sénat ro nement toutes les machines, tous les
main témoigna sa reconnaissance de procédés usités pour l'attaque des pla
l'empressement de ses alliés, mais ces. Après deux mois de tentatives
n'accepta pas leurs secours. inutiles, il fut obligé de lever le siége.
Magon, quelques jours après, alla Ce premier revers fut pour Pyrrhus
trouver Pyrrhus, sous prétexte de mé le présage de revers plus funestes. Il
nager un accommodement entre ce avait besoin de rameurs et de soldats
prince et les Romains, mais, en effet, pour l'exécution de ses rojets ambi
pour le sonder, et pour pressentir ses tieux: la dureté avec aquelle il en
desseins au sujet de la Sicile, qui, de exigea des villes de Sicile excita con
puis longtemps, l'appelait à son se tre lui un mécontentement universel.
cours. Les carthaginois, prompts à saisir une
En effet, les Syracusains, vivement occasion si favorable de recouvrer
pressés ar les carthaginois, avaient leurs anciennes possessions, envoyè
envoyé éputés sur députés à Pyrrhus, rent en Sicile une nouvelle armée, qui
pour le supplier de venir les délivrer. se grossit de jour en jour par le con:
Ce prince, ayant 6 ousé Lanassa, fille cours des mécontents. Alors Pyrrhus,
d’Agathocle, regar ait en quelque sorte ' sous prétexte de défendre les villes
la Sicile comme un hérita e qui lui contre les troupes puniques, y mit des
était dévolu. Il partit‘donc e Tarente, garnisons qui lui étaient dévouées , et
assa le détroit, et aborde en Sicile. t périr, comme coupables de trahison,
s peuplades grecques de cette île le les citoyens les plus distingués , dans
reçurent avec une joie extraordinaire, l'espoir u'il lui serait plus aisé de
et lui offriront à l'envi leurs villes, contenir a multitude privée de la pro
leurs troupes, leur argent et leurs tection de ses chefs. Ces actes de
vaisseaux. Pyrrhus avait amené avec cruauté décidèrent sa ruine. Dès lors,
lui trente mille fantassins, deux mille il se vit abandonné par le petit nombre
cinq cents cavaliers, et deux cents de villes qui jusque- là lui étaient res
vaisseaux de guerre. Ses conquêtes tées fidèles; la Sicile repassa sous la
furent d'abord si rapides, qu'il ne resta domination de ses anciens maîtres,
dans toute la Sicile aux carthaginois et il perdit cette belle et riche contrée
que la seule ville de Lilybée, dont il avec autant de rapidité qu'il l'avait
s apprétait à faire le siége. Alors les conquise. Plutarque rapporte que lors
carthaginois entrèrent en négociation qu’i se fut embarqué pour retourner
avec lui : ils consentaient même à ache à Tarente, il s'écria, les yeux tournés
ter la paixiau prix d'une flotte et d'une vers les côtes de Sicile : ‘a 0 le beau
somme d'argent considérable qu'ils « champ de bataille que nous laissons
livreraient entre ses mains. Pyrrhus « aux carthaginois et aux Romains! »
exigeait qu’ils abandonnassent la Sicile Cette prédiction fut pleinement justi
tout entière. Cette condition sembla fiée par les guerres acharnées que se
trop dure aux carthaginois, et la né firent ces deux peuples, et par les
32
sanglantes défaites qu'ils essuyèrent vREiuEnE GUERRE PUNIQUE.
tour à tour.
HIÉRON, ÉLEVÉ A LA RovAUTÉ A Ici les événements s'agrandissent,
SI'RApUsE, CONTINUE LA GUERRE coN et l'histoire prend un caractère plus
TRE LEs CARTIIAGINOIS , 275 A 268 imposant. Les deux; plus puissantes
AVANT L'ERE VULGAIRE. — Après le républiques du monde, alliées de uis
départ de Pyrrhus, la magistrature su plus de deux siècles et dont jusqu’a ors
prême de Syracuse fut remise aux aucun différend n'avait troublé la
mains d'Hiéron. Gagnées par l'attrait bonne intelligence, vont s'entrecho
de ses vertus, toutes les villes lui dé quer avec toutes leurs forces, avec
cernèrent d'un commun accord le com ‘un acharnement sans exemple. Car
mandement des troupes contre les thage avait pour elle d'immenses ri
carthaginois. Fils d’Hiéroclès,homme chesses , une marine formidable,
d'une naissance distinguée, qui des une cavalerie auxiliaire excellente:
cendait de Gélon, ancien tyran de la Rome, l'union et la force de son gou
Sicile,v son origine maternelle était vernement, l'austérité de ses vertus
obscure et honteuse. Il devait le jour antiques, le courage et la discipline de
à une esclave , et son père le fit expo ses armées nationales, exercées par
ser comme l'opprobre de sa maison. deux cents ans de victoires contre les
Bientôt, sur la foi de brillants pré peuplades guerrières de l'ltalie. Jamais
sages, qui annonçaient la grandeur fu on ne vit aux prises des nations plus
ture de cet enfant, Hiéroclès le prit belliqueuses, et jamais ces mêmes na
avec lui et s’appliqua à le rendre digne, tions ne déployerent plus de force et
des destins qui l'attendaient. A peine d'énergie. En effet, ce n'était pas seu
sorti de l'adolescence, il se distingua lement une médiocre province, c'était
dans "plusieurs actions, et reçut de l'empire du. monde que ces deux
Pyrrhus plusieurs récompenses mili peuples rivaux se disputaient dans l'é
taires. Doué d'une rare beauté, d'une troite arène de la Sicile.
force plus qu'ordinaire, plein de grâce CAUsEs DE- LA PREMIÈRE GUERRE
dans.ses paroles, de justice dans sa PUNIQUE, 268 ‘AVANT J, C. —— Déjà
conduite, de modération dans le pou quelques signes de refroidissement
Voir, il se vit déférer d'un consente s'étaient manifestés entre les Romains
ment unanime le nom et l'autorité de et les carthaginois pendant la guerre
roi. Il fut chargé de la guerre contre de Pyrrhus et le siégé de Tarente:
les carthaginois, et remporta sur eux mais ce furent les dissensions de Mes
de rands avantages. Mais bientôt des sine qui amenèrent entre les deux
int rêts communs unirent les Cartha peuples une rupture déclarée. Sous le
ginois et les Syracusains contre un règne d'Agathocle, tyran de Sicile,
nouvel ennemi, qui menaçait la Sicile, quelques aventuriers campaniens qui
et qui leur donnait aux uns et aux au étaient à la solde de ce rince s’é
tres de vives et justes alarmes. Il était taient ouvert par la perti ie l'entrée
aisé de prévoir que les Romains, qui de la ville de Messine , avaient égorgé
avaient conquis toute l’Italie jusqu'au une partie des habitants, chassé les
détroit de Sicile, ne s'arrêteraient pas autres, épousé leurs femmes, envahi
devant cette faible barrière, et qu'ils leurs biens, et étaient demeurés seuls
porteraient bientôt leurs armes victo maîtres de cette place importante. Ils
rieuses dans cette île riche et féconde, avaient pris le nom de Mamertins (*).
qui leur semblait en quelque sorte une A leur exemple, et par leur secours,
annexe de l'Italie. Il ne leur manquait une légion romaine, composée de sol
pour s'en emparer, qu'un prétexte ou dats campaniens, et commandée par
une occasion favorable: elle se présenta Décius Jubellus, citoyen de Capoue,
bientôt, et fut cause de la première
guerre punique. (*) Ce nom venait du mot Maman‘, qui,
dans la langue campanienne, signifiait Mars.
CARTHAGE. 33
avait traité de même la ville de Rhége’, flotte carthaginoise, et arrive à Mes
située vis-à-vis de Messine, de l'autre sine. Là, par son élo uence et de bril
côté du détroit. Les Mamertins, sou lantes promesses, il étermiue les ha
tenus par ces dignes alliés, accrurent bitants à réunir leurs efforts pour
rapidement leur puissance, et devin recouvrer leur liberté. Les Mamertins
rent un su'et de crainte et d'inquié emploient tour à tour les menaces, la
tude pour es Carthaginois et les Sy ruse, la force, et arviennent à chas
racusains,'qui se partageaient l'empire ser de la citadelle 'officier qui y com
de la Sicile. Mais sitot que les Bo mandait au nom des carthaginois.
maius, délivrés de la guerre contre Ceux-ci font mettre en croix le com
Pyrrhus, eurent tiré vengeance de la mandant dont la lâcheté ou l'impéritie
erfide légion qui s'était emparée de avait causé la perte de Messine, et
hége, et rendu la ville à ses anciens assiégent cette ville par terre et par
habitants, les Mamertins, demeurés mer. En même temps, Hiéron, jugeant
seuls et ‘sans appui, ne furent plus en l'occasion favorable pour chasser en
état de résister aux forces de Syra tièrement les Mamertins de la Sicile,
cuse , et crurent devoir recourir à une fait alliance avec les Carthaginols, et
protection puissante. Mais la division part de Syracuse pour se joindre à
se mit parmi eux : les uns livrèrent eux.
la citadelle aux Carthaginols, les au Le consul Appius Claudius qui, pen
tres envoyèrent à Rome un ambassa dant cet intervalle, était retourné à
deur pour offrir la possession de leur Rhége, essaye de traverser le détroit
ville au euple romain, et le presser de avec sa flotte, dans le but de faire
venir à eur secours. lever le siège de Messine. Ce fut d'a
L'affaire, mise en délibération dans bord en plein jour qu’il tenta ce pas
le sénat, fut envisagée sous deux points sage dangereux; mais la supériorité
de vue opposés. D'un côté, il parais et l'expérience de la flotte carthagi
sait indigne des vertus romaines de noise, l'impétuosité des vagues dans
protéger, en défendant les Mamertins, cette mer difficile et resserrée, et une
des brigands semblables à ceux qu'on violente tempête, qui s'éleva tout à
avait punis si sévèrement à Rhége; de coup, furent pour ses matelots peu
l'autre, il semblait important d'arrêter exercés des obstacles invincibles. Il
les progrès des carthaginois , qui, perdit quelques vaisseaux, et ne re
maîtres de Messine, le seraient bien gagna qu'avec beaucoup de peine le
tôt de Syracuse et de la Sicile entière, port de Rhége, d'où il était sorti.
et qui, ajoutant cette con uête à leurs L'âme ferme et constante du consul
anciennes possessions de ardaigne et ne se laissa point abattre a!‘ ce pre
d'Afrique, menaçaient de toutes parts mier revers. Persuadé qu'i ne pour
les côtes de l'Italie. Le sénat u'osa rait passer en Sicile tant que les Car
rendre aucune décision : il renvoya thaginois occuperaient le détroit, il
'affaire au peuple, qui, excité par les eut recours à un ingénieux stratagème.
consuls, résolu de secourir les Ma Il feignit d'abandonner l'entreprise,
mertins. de retourner à Rome avec sa flotte, et
PAssAoE ou DÉTEOIT DE SICILE, fixa ubliquement le jour et l'heure
ET OCCUPATION DE MEssINE PAn du épart. Sur l'avis qui leur en fut
LEs RoMAINs , 264 AvANT L'EEE donné, les ennemis qui bloquaient
vULoAInE. — Aussitôt, le consul Ap Messine du côté de la mer s'étant
pius Claudius se mit en marche avec retirés comme s'il n’ avait plus rien
son armée, et se rendit à Rhé e, où à craindre, le cousu , qui avait soi
il attendit l'occasion favorable c pas gneusement observé la nature du dé
ser le détroit de Sicile. Ce général au troit, s'empressa de saisir le moment
dacieux ose se confier à la mer sur favorable. Aidé du vent et de la ma
une frêle barque de pêcheur, passe, rée, profitant de l'absence des Cartha
sans être aperçu, au travers de la ginois et de l'obscurité de la nuit, il
3' Livraison. (CARTHAGIL) 3
34
effectue le passage et aborde à Messine. Alors les carthaginois, persuadés
L’accomplissement de cette entre que c'était à leur valeur et non il l'a
prise immortalisa le nom d’Appius. vantage du terrain qu’ils devaient la
Comme il avait transporté au milieu victoire , sortirent de leurs retranche.
de la nuit, à travers cette mer dange ments et poursuivirent les Romains.
reuse, la plus grande partie de ses Tout à coup la fortune changea avec
soldats sur des radeaux formés de la position des lieux; il ne resta à cha
troncs d'arbre et de planches grossiè cun que son propre courage. Les Car
rement jointes, on lui donna le surnom thaginois ne purent soutenir le choc
de Caudeæ, des mots caudices et cau des Romains. Il y en eut un grand
dicarivæ naves, par lesquels les Ro nombre de tués. Les autres se réfu
mains désignaient ces sortes d'embar gièrent soit dans les villes voisines.
cations. ' soit dans leur camp d'où ils n'osèrcnt
Ap;ius, se voyant pressé dans Mes plus sortir tant qu’Appius demeura
sine par des forces de terre et de mer dans Messine.
supérieures aux siennes, fit offrir la Appius, maître de la campagne, laisse
paix aux Carthaginois et aux S racu une forte arnison dans Messine, porte
sains, à condition qu'ils aban onne le rava e ans le territoire de Syracuse,
raient le siège de cette ville. Ces pro et met e siège devant cette ville dans
positions furent rejetées. Alors le con l'espoir de détacher Hiéron de l'alliance
sul, réduit à tenter la fortune des des carthaginois. La campagne finit
armes, résolut d'attaquer séparément sans qu’il e t pu réussir dans son des.
chacun de ses ennemis. Il fondit d'a sein , et il repassa en Italie.
bord sur l'armée d'Hiéron , qui, après CONTINUATION DE LA GUERRE ;
une assez vigoureuse résistance, fut TRAITÉ Des ROMAINS AVEC HIÉBQN;
vaincue et forcée de se retirer dans 263 AVANT L’ÈBE VULGAIBE. — L’an
son camp. Hiéron, déjà mal dis osé née suivante, les Romains, ayant à
envers les carthaginois, à cause e la cœur de terminer la guerre de Sicile ,
né ligence qu’ils avaient mise a garder y envoyèrent les deux nouveaux con
le äétroit, et, de plus, prévoyant , d'a suls avec quatre légions, et le nombre
près l'essai qu'il venait de faire des d'auxiliaires qui était attaché à chacun
armes romaines, que l'issue de la de ces corps (*). Avec ces forces impo
guerre leur serait favorable, s'échappa santes, tantôt unissant leurs trou es,
en silence au milieu de la nuit, et re tantôt les séparant, les consuls at
tourna promptement à Syracuse. tirent en plusieurs occasions les Car
DÉFAITE DES CABTHAGINOIS DE thaginois et les S racusains, et ré
VANT MESSINE; LES ROMAINS s'A pandirent partout a terreur'de leurs
VANCENT JUsQU’A SYRACUSE. —- Le armes. Leurs succès furent si rapides
lendemain , Appius , enhardi par la vie qu’ils se virent en peu de temps maî
toire et par la retraite des Syracusains, tres de soixante-sept villes, au nombre
résolut d'attaquer les carthaginois desquelles furent Catane et Taurome
dans leurs retranchements. Ils étaient nium. Alors Hiéron qui, voyant le dé
campés dans un lieu que la nature et couragement général. des peuples de la
l'art avaient fortifié. D'un côté la mer, Sicile, se dé lait de ses forces et de
de l'autre un marais large et profond, celles de ses alliés, envoya des députés
formaient une péninsule qu'ils avaient aux consuls pour traiter de la dpaix
fermée d'une muraille sur le seul point avec eux. Ceux-ci ne furent as i fli- ‘
par où elle était accessible. Les Ro ciles sur les conditions. En étachant
mains tentèrent de forcer cette bar de l'alliance des Cartha inois Hiéron,
rière; mais la difficulté des lieux, et la souverain des contrées es plus fécon
résistance opiniâtre des carthaginois des de la Sicile, ils se proeuraient les
rendirent leurs efforts inutiles. Appius
reconnut bientôt la témérité de son (") En tout 32 mille fantassins et 3600
entreprise, et ordonna la retraite. . cavaliers.
CARTHAGE. 35
moyens d'approvisionner leur armée, ments. En cette occasion comme en
qui ne pouvait que très-difficilement plusieurs autres, les lois rigoureuses
recevoir des vivres d’Italie, tant que de la discipline militaire sauvèrent
les flottes puniques étaient maîtresses l’armée romaine d’un désastre qui
de la mer. Les clauses du traité furent paraissait inévitable. Ces lois punis
qu’on se rendrait de part et d’autre saient de mort le soldat qui lâchait
les risonniers, qu’Hiéron serait réta pied dans une bataille ou qui abandon‘
bli 8ans la possession intégrale de son nait son poste. Aussi, quoique infé
royaume, et qu'il payerait cent talents rieurs en nombre aux assaillants, les
pour les frais de la guerre (*). Annibal, Romains chargés de la défense du
général des carthaginois, s’avançait camp soutinrent leur choc avec une
éjà avec sa flotte pour secourir Hié incroyable fermeté, leur tuèrent plus
ron qu’il croyait assiégé dans S racuse de monde qu’ils n’en perdirent, et
ar les Romains; mais lorsqu’i apprit donnèrent le temps aux cohortes de
a conclusion du traité, il jugea pru s’armer et de venir à leur secours.
dent de retourner sur ses pas. Alors, les carthaginois, qui s’étaient
TaoIsI‘EME ANNÉEDE LA 1" GUERRE vus au moment d’emporter les retran
PUNIQUE; sIEGE ET BATAILLE D'A chements, sont enveloppés de toutes
GBIGENTE; 262 AVANT L’I‘znE cuné parts, taillés en pièces ou mis en dé
IIENNE.—Cependant les carthaginois, route, et poursuivis jusqu’aux ortes
voyant les Romains fortifiés de l’al de la ville. Cet événement ren it à la
liance- d’Hiéron, jugèrent à propos fois les Romains plus circonspects,
d’envoyer en Sicile des forces plus con et les Carthaginois moins entrepre
sidérables, tant pour résister à leurs nants.
ennemis que pour conserver leurs an Ceux-ci n'engageant plus c rare
ciennes possessions. Ils joignirent à ment de légèresescarmouc s, les
leurs armées nationales un grand nom consuls divisèrent leur armée en deux
bre de mercenaires tirés de la Ligurie, corps, dont l’un fut placé devant le
de la Gaule et surtout de l’Espagne. temple d’Esculape, l’autre du côté de
Ils choisirent pour leur place d’armes la ville qui regarde Héraclée. Les deux
Agriyente que sa position naturelle et camps étaient protégés par une double
ses ortifications rendaient presque li ne de retranchements, l’une desti
imprenable , et y firent entrer des n e à empêcher les sorties des assié
vivres et une nombreuse garnison. gés, l’autre à garantir les derrières du
Les consuls romains, ayant réuni à cam , età intercepter les secours qu’on
leurs légions toutes les forces de leurs vou rait introduire dans la place. Des
alliés, viennent camper à mille pas postes fortifiés remplissaient l’espace
d'Agrigente , et forcent les Carthagi Intermédiaire entre les deux corps
nois à se renfermer dans les murs. Les d’armée.
moissons étaient alors parvenues à Le blocus durait depuis cinq mois.
leur maturité, et les soldats romains , Les Romains recevaient de leurs alliés
qui prévoyaient la longueur du siège , de Sicile des vivres en abondance.
s’étaient impîudemment dispersés dans Agrigente au contraire , où cinqlymte
la campa ne pour ramasser des grains. mille hommes se trouvaient entassés,
Les Cart aglnois , profitant de leur né< souffrait déjà toutes les horreurs de la
ligence, fondent à l’improviste sur les disette. Annibal, fils de Giscon, qui
ourrageurs et les mettent aisément en commandait dans la place, envoyait
fuite. De la ils marchent au camp des depuis longtemps à Carthage courriers
Romains , et partagés en deux corps, les sur courriers pour exposer sa détresse,
uns commencent a arracher les palis et demander des secours en vivres et
sades , tandis que les autres combattent en soldats. Enfin les carthaginois firent
les postes qui couvrent les retranche passer en Sicile le vieil Hannon avec
cinquante mille hommes d’inl‘anterie,
(") 550,000 fr. six mille chevaux et soixante éléphants.
3.
36
A ine ce général était-il débarqué à sollicité parles vives instances d’Anni
H raclée avec toutes ses forces qu'on bal qui lui mandait que les assiégés ne
lui livra la ville d'Erbesse , voisine du pouvaient plus résister à la famine et
camp latin, où l'on apportait de tous que plusieurs de ses soldats passaient
les points de la Sicile les vivres desti à l'ennemi, Hannon résolut de donner
nés à l'approvisionnement de l'armée la bataille sans lus différer, et con
romaine. Alors les Romains, assié vint avec Anniba qu'il ferait en même
geants à la fois et assiégés, se trou temps une sortie. Les Romains, par
vèrent réduits à la même pénurie qu'ils les pressants motifs que nous avons
faisaient éprouver à la garnison d'A indiqués , n'étaient pas moins disposés
grigente. La famine fit bientôt de tels à livrer le combat. La bataille s'en a
rogrès u'ils furent plusieurs fois sur gea dans une plaine située entre es
e point e lever le sié e, et ils y au deux camps. Le succès fut longtem s
raient été forcés si l'a resse et le zèle balancé. Enfin, par un dernier cf ort îe
d'Hiéron n'eussent réussi à leur faire consul Posthumius enfonce les rangs
passer elques convois qui soulagèrent des mercenaires qui combattaient en
eu eur détresse. Hannon, voyant tête de l'armée carthaginoise. Ceux-ci,
les omains affaiblis par la famine et reculant en désordre sur les éléphants
ar les maladies ai en sont la suite or et sur les troupes de la seconde ligne,
inaire, s'approc a de leur camp, ré portent le trouble et la confusion dans
solu de livrer une bataille générale. D'a toute l'armée. Dès lors plus de résis
bord il eut l'adresse d'attirer dans une tance; presque tous tombent sous le
embuscade leur cavalerie qui éprouva fer; Elannon se sauve à Héraclée avec
une perte considérable. Enhardi par une poignée de soldats. Les Romains
ce premier succès, Il porta son camp s'emparent du cam des carthaginois
sur une colline à quinze cents pas de et de presque tous Tes éléphants. An
l'armée romaine. Cependant la bataille nibal ne fut pas plus heureux dans sa
se donna beaucoup plus tard qu'on ne diversion. Il fit une sortie contre le
devait l'attendre de deux armées si camp romain, fut repoussé avec une
voisines l'une de l'autre, les Romains grande erte, et poursuivi jusqu'aux
et les carthaginois craignant alterna portes e la ville.
tivement de confier la décision de la Cependant il sut habilement saisir
guerre au hasard d'une seule journée. le moment favorable pour sauver sa
Ainsi, tant .qu’Hannon témolgna de garnison. Au déclin du jour, il remar
l’empressement pour en venir aux qua que les Romains, soit par l'ex
mains, les consuls se tInrent renfer trême confiance qui suit toujours la
més dans leurs retranchements , ef victoire, soit à cause des fatigues
frayés de la multitude et de la confiance d'une si rude journée, gardaient leurs
de leurs ennemis, et découragés en lignes avec plus de négligence qu'à l'or
outre ar la défaite récente de leur dmaire. Il sortit en silence au milieu
cavalerie. Mais quand ils s'a erçurent de la nuit, traversa les fossés des li
e leurs craintes et leurs dé ais affai gnes romaines sur des ‘pontons qu'il
blissaient le zèle et le courage de leurs avait préparés d'avance, et parvint à
alliés, ne les Carthaginoisen deve s'échap er avec toutes ses troupes à
naient p us fiers et plus hardis, et que l'insu es ennemis. Les Romains, au
la faim était un ennemi encore plus à point du jour, s'étant aper us de son
craindre pour eux que les soldats évasion, se contentèrent e harceler
d’Hannon , ils se décidèrent à accepter son arrière-garde et portèrent toutes
la bataille. Alors Hannon , à son tour, leurs forces à l'attaque de la ville.
parut en craindre l'événement et cher Agrigente, abandonnée de ses défen
cher les moyens de l'éviter. seurs, fut prise sans résistance et li
Deux mois se passèrent dans cette vrée au pillage; vingt-cinq mille de ses
alternative de confiance et de crainte habitants furent Vendus comme escla
sans aucun événement décisif. Enfin, ves. La conquête de cette place, dont
CARTHAGE. 81
le siége avait duré sept mois , fut éga ue aisible et tranquille, tandis e
lement utile et glorieuse aux Romains; l Itaiie était infestée par les'fréquen
mais elle leur coûta de grands sacrifi incursions des flottes puniques, ils
ces. Ils y perdirent plus de trente mille formèrent l'audacieuse et magnanime
hommes , tant de leurs soldats que des résolution de disputer à leurs ennemis
Siciliens leurs alliés. Aussi les consuls, l'empire de la mer. Ils n'avaient pas
se voyant désormais hors d'état de alors un seul vaisseau de guerre, pas
former aucune entreprise importante, un constructeur habile, pas un rameur
se retirèrent à Messine. expérimenté : une galère carthaginoise
QUATRIÈME ANNÉE DE LA GUEEEE à cinq rangs de rames, échouée sur leurs
PUNIQUE; 261 AVANT L'ÈEE CHRÉ côtes, leur sert de modèle. Ils se livrent
TIENNE. — Aucun événement impor avec une ardeur incroyable à des tra
tant n'a signalé la quatrième année de vaux, à des exercices entièrement nou
la première guerre puni ue. Les Car veaux pour eux. Les uns construisent
thaginois, indignés de a erte d'A les vaisseaux, les autres, imitant sur le
grigente et de la défaite 'Hannon, rivage les mouvements des rameurs,
estituèrent ce général et le condam s'exercent à la manœuvre. Les con
nèrent à une forte amende. Il fut suls animent tout par leur présence et
rem lacé en Sicile par un Amilcar, qu'il par leurs exhortations : à peine soixante
ne aut as confondre avec Amilcar jours s'étaient écoulés , et Rome avait
Barca, pere du fameux Annibal. La a l'ancre une flotte de cent vingt ga
flotte unique, envoyée en Italie pour lères , qui semblait sortie par miracle
empéc er le passage des consuls, ne tout armée et tout équipée des forêts
put accomplir son dessein; mais en de l’Italie.
Sicile elle réussit à recouvrer la plu Le commandement de l'armée de
part des villes maritimes dont les Ro terre en Sicile était échu à Duilius,
mains s'étaient emparés. Ceux-ci, ce celui de la .flotte à Cornélius. Ce der
pendant, depuis la prise d'A rige'nte nier avait pris les devants avec dix
qui avait répandu dans toute ‘île une sept vaisseaux, le reste de la flotte
consternation générale, s'étaient ren devait le suivre de près. Arrivé à Mes
dus maîtres de presque toutes les villes sine, il se livra avec trop d'imprudence
de l'intérieur, que les carthaginois à l'espoir qui semblait s'offrir de s'em
étaient hors d'état de défendre. Ainsi arer de lîle et de la ville de Lipari.
les Romains occupant les villes éloi es habitants, de concert avecAnnibal,
gnées des côtes aussi facilement que amiral de la flotte cartha irioise, lui
les carthaginois celles qui étaient si avaient promis de se ren re. Il part
tuées le long de la mer, et les deux avec ses dix-sept navires; mais à peine
euples conservant leurs conquêtes, est-il entré dans le port, qu'il y est
il existait entre leurs forces respecti bloqué par vingt galères que comman
' ves , uoique de nature différente , un dait Boodès , lieutenant d’Annibal.
équili re qui ne permettait pas de pré Alors, enveloppé de toutes parts, et
sager quel e,serait l'issue de la guerre. ne pouvant résister à deux ennemis à
CINQUIÈME ANNÉE DE LA GUERRE la fois , il est forcé de se rendre à Boo
PUNIQUE ; CONSTRUCTION DE LA FLOT dès qui le conduit en triomphe a Car
TE EoMAINE, PEIsE DU coNsUL Con thage.
NELIUs PAE LES CAnTIIAGINoIs; 260 INvENTIoN DU coEEEAU; BATAILLE
AVANT J. C. — Cependant les projets NAVALE ENTRE LEs RoMAINs ET LEs
et les espérances des Romains s'agran CAETIIAoINois. — Peu dejours après,
dissaient avec leurs victoires. La con le même excès de confiance qui avait
quête de Messine ne suffisait plus a causé la perte de Cornélius devint fu
leur ambition; ils méditaient mainte neste à l'amiral carthaginois. Il avait
nant celle de la Sicile entière. Lassés appris que la flotte romaine longeait les
d'un état de choses qui ne décidait côtes de l'Italie pour se rendre à Mes
rien, irrités d'ailleurs de Voir l'Afri sine.Plein de mépris pour un ennemi
88
sans expérience dans la navigation, la prise d'Agrigente, avait fait une re
et dans les combats maritimes , il traite si hardie, montait une galère
s'avança pour le reconnaître à la tête à sept rangs de rames que les Cartha
de cinquante galères. Dans sa pré ginois avaient prise dans leur guerre
somptueuse confiance, il marchait en contre Pyrrhus. Le dernier échec qu'il
désordre et'sans précaution, lorsque avait essuyé n'avait pas abattu sa pré
tout à coup, au détour d'un romon somptueuse confiance. A l'approche
toire d'ltalie, il rencontra a flotte des Romains ,' il s'avança dédaigneu
romaine voguant en bon ordre et toute sement contre eux, et, comme s'il ne
rête à combattre. Il fait de vains ef se fût pas agi de combattre , mais seu
orts pour réparer son imprudence et lement de recueillir des dépouilles dont
se trouve vaincu avant d'avoir pu même il se croyait déjà maître, il ne prit
disposer sa ligne de bataille. Il perdit pas même la peine de former sa li ne
la plus grande partie de ses Vaisseaux de bataille. L avant-garde des Cart a.
et eut bien de la peine à se sauver avec ginois fut pourtant un peu étonnée de
le peu qui lui en restait. ces machines élevées sur la proue de
La flotte victorieuse ayant appris le chaque vaisseau, et ‘qui étaient nou
désastre de Cornélius, en donna avis velles pour eux. Mais bientôt se ras
à Duilius son collègue, qui comman surant et se moquant même de l'in
dait les troupes de terre en Sicile, et vention rossière d'un ennemi igno
lui apprit en même temps son arrivée rant, ils ondent avec im étuosite sur
et l’avanta e qu'elle venait de rem les Romains. Alors les cor eaux, abais
porter sur 'ennemi. Duilius laissa le. sés tout à coup et lancés avec force
commandement de l'armée aux tribuns, sur leurs vaisseaux , les accrochent
et se mit à la tête de la flotte. Arrivé malgré eux, et, changeant la forme
à la vue des carthaginois près des du combat, les obligent à en venir aux
côtes de Mylæ (*), il se prépara au mains, comme si l'on eût été sur terre.
combat. Les uns sont massacrés; les autres,
'Mais s'apercevant aussitôt du dé frappés de stupeur à l'aspect de ces
savantage que ses pesants vaisseaux, mac _ines inconnues, se rendent Tison
construits grossièrement et à la hâte, niers. Les trente galères de lavant
' auraient en combattant ceux des Car garde , au nombre desquelles était le
thaginois, plus élancés , plus agiles et vaisseau amiral,furent coulées à fond
plus faciles à manier, il suppl a à cet ou prises avec tout leur équipage. An
inconvénient ar une machine qui fut nibal, voyant tout perdu, ne s'échappa
inventée sur- e-champ, et que depuis qu'avec peine dans une chaloupe.
on a appelée CorbeauÆlle se composait Le reste de la flotte des carthaginois
d'un mât planté sur la proue, auquel voguait avec ardeur pour fondre sur
s'adaptait un pont-levis, portant à son les Romains. Mais lorsqu'ils virent le
extrémité un cône de fer très-pesant désastre de leuravant-garde, ils s'avan
et très-aigu, ami de crochets mobi cèrent avec lus de circonspection, et
les. Cette ma . ines'abattant avec force cherchèrent a éviter par leurs manœu
d'une grande" hauteur, le cône. ar sa vres l'atteinte des redoutables cor
forme et par son poids, s'en onçait beaux. Ces habiles marins, se fiant à
dans le pont du vaisseau ennemi, y l'agilité de leurs galères et à la promp
fixait le pont-levis et donnait ainsi aux titude de leurs évolutions, espéraient
soldats romains un moyen facile de encore, en attaquant tantôt les fiancs,
monter à l'abordage. tantôt la poupe des vaisseaux romains,
La flotte carthaginoise se composait venir à bout de leurs ennemis. Mais
de cent trcntevaisseaux. Son comman comme ils se voyaient environnés de
dant Annibal’, le même qui, lors de tous côtés par ces terribles machines,
et comme, pour peu qu'ils s'approchas
(t) Mclazzo sur la côte septentrionale de sent, ils ne pouvaient éviter l'abor
la Sicile. - dage, la terreur les saisit, et ils pri
CARTHAGE. 89
rent la fuite après avoir perdu cin sieurs villes rentrèrent sous leur obéis
quante vaisseaux. C'est ainsi que les sance. Les Romains furent obligés de
Romains, qui l'emportaient dans les lever le siège de Mytistrate après l'avoir
combats de pied ferme par leur cou continué pendant sept mois et y avoir
rage, l'exercice et la bonté de leurs perdu beaucoup de monde. Quelque
armes, vainquirent aisément des en temps après, il s'éleva une dissension
nemis moins bien armés, ‘qui com - dans l'armée romaine entre les légions
taient beaucoup plus sur la légèreté e et les auxiliaires qui prétendaient oc
leurs vaisseaux que sur leur valeur per cuper le premier rang dans les batail
sonnelle et sur la vigueur de leurs bras. les. Amilcar, qui était alors à Palerme ,
Annibal sentait bien ce qu'il avait à ayant été instruit que, par suite de ces
craindre de ses concitoyens après sa divisions, les auxiliaires campaient sé
défaite. Il se hâta d'envoyer un ami à parément entre Paropc et Thermes (‘) ,
Carthage avant ne la nouvelle de son vint fondre tout à coup sur eux et leur
désastre y eût éte portée, et s'avisa de tua plus de quatre mille hommes; peu
cette ruse pour éviter le supplice dont s'en fallut même que toute l'armée ro
cette républi ue punissait souvent ses maine ne fllt détruite. Amilcar, après
généraux ma heureux. Le messager, cette victoire, reprit encore plusieurs
introduit dans la salle des délibérations villes, les unes de force et les autres
du sénat, informe l'assemblée que le par composition. '
consul Duilius est arrivé avec une nom SIXIÈME ANNÉE DE LA PEEMIEEE
breuse flotte, et lui demande si elle GUEnnE PUNIQUE; ExPÉnITIoNs DANS
est d'avis qu’Annibal livre la bataille. LA SAEDAIGNE ET DANS LA CORSE,
Tous s'étant écriés qu’Annibal devait 259 AVANT L'EEE vULGAInE. — Après
saisir au plus tôt l'occasion de combat sa défaite, Annibal re rit la route de
tre. « Eh bien, » reprit l'envoyé, « il Carthage avec ce qui lui restait de
« l'a fait et il a été vaincu. » Par cet vaisseaux. Quel ue temps après il
adroit stratagème, Annibal mit les sé équipa une nouvelle flotte, choisit pour
nateurs dans l'impossibilité de con commander ses vaisseaux les capitaines
damner une action qu'ils avaient con les plus expérimentés, et passa dans la
seillée eux-mêmes. Sardaigne. Les Romains lui opposè
Cette victoire signalée redoubla l'ar rent le consul Cornélius Scipio, a qui
deur et la confiance des Romains. était échu le commandement de la
Duilius débarqua en Sicile, reprit le flotte. Ce fut là leur première expédi
commandement de seslégions , fit lever tion contre la Sardaigne et la Corse.
le siège de Ségeste que les Carthaginols Ces deux îles, si voisines qu'on les
avaient réduite à la dernière extrémité, prendrait pour une seule et même île,
et emporta d'assautMacella, sans u'A sont cependant fort différentes pour
milcar, général des troupes cartiagi la nature du terroir et le caractère des
noises ostlt se présenter devant lui. habitants. La Sardaigne est grande et
Le consul, après avoir, par ses succès, fertile; elle possède de riches trou
assuré la tranquillité des villes alliées, peaux, des mines d'or et d'argent, et
voyant l'hiver approcher, s'en retourna produit du blé en si grande abondance
à Rome. qu'elle en a longtemps fourni à Rome
Les Romains lui rendirent des bon et à l'ltalie. La Corse ne saurait lui
neurs extraordinaires. Il fut le premier être comparée ni car la grandeur ni
à qui le triomphe naval fut accordé. pour la fertilité; e le est montucuse et
On lui érigea , une colonne rostrale pre, inaccessible et inculte en plu
avec une inscription qui existe encore sieurs endroits. Les habitants partici
aujourd'hui. ' peut de la nature sauva e du terroir,
DissENsioNs nANs L’AmuEE ao et sont d'un caractère ur et féroce.
MAINE rAvonAELEs AUx CABTHAGF Jaloux à l'excès de leur indépendance,
NoIs. —— L'absence de Duilius rétablit
les affaires des carthaginois, et plu (') Tliermœ liymereuscs.
40
ils ne se soumettent qu'avec peine à collègue de Cornélius, commandait les
une domination étrangere. légions romaines, Amilcar soutenait
Les carthaginois avaient longtemps encore la fortune de Cartbage. Enna et
fait la guerre aux habitants de ces deux Camarine lui avaient ouvert leurs por
îles, et ils avaient fini par s'emparer tes. Dré ane, situé près de la ville
de tout le pays, à l'exception de cer d’Éryx, ui oflrait un excellent port.
tains points inaccessibles et impratica Il s'empara d’Éryx , la détruisit de 0nd
hles à leurs armées. Mais il était plus en comble, et en fit passer tous les ha
facile de vaincre ces peuples que de les bitants à Dré ane, dont il fit une
dompter. Pour les tenir dans une en ville considéra le, u'il entoura de
tière dépendance, les carthaginois bonnes fortifications. nfin , il se serait
avaient arraché leurs blés , détruit leurs en peu de temps rendu maître de la‘
arbres fruitiers, et leur avaient dé Sici e entière, si le consul Florus .ne
fendu, sous peine de mort, de rien se fût opposé à la rapidité de ses pro
semer ou planter qui pût leur fournir grès en restant dans l'île malgré la ri
aucune espèce de nourriture. Par là, gueur de la saison.
ils les oblIgèrent à venir chercher en SEPTIÈME, ANNÉE DE LA GUERRE;
Afrique toutes les provisions néces PRISE DE PLUSIEURS VILLES EN SI
saires à leur subsistance, et les accou cILE PAR LES CONSULS A'I'ILIUs CA
tumèrent insensiblement au joug pé LA'rINUs R'r SULPITIUS PATEBCULUS ,
nible de la servitude. 258 AVAM' L'ERE VULGAIRE. — Les
Le consul Cornélius débarqua d’a nouveaux consuls arrivés en Sicile con
bord dans la Corse, et après avoir pris duisirent toutes leurs forces vers Pa
de force la ville d’Aléria, il se rendit lerme, où les carthaginois avaient
maître aisément de toutes les autres leurs quartiers d'hiver, et leur présen
laces de l'île. De là, il fit voile Vers tèrent la bataille. Ceux-ci l'ayant refu
a Sardaigne, où Annibal venait d’ar sée et fait ainsi l'aveu de leur faiblesse,
river avec ses vaisseaux. L'amiral car les consuls marchent sur Hi ne et
thaginois, bloqué dans un des ports l'emportent d'assaut. De là, 1s vont
de l'île par la flotte romaine, erdit la mettre le siége devant Mytistrate , place
plus grande partie de ses ga ères, et très-forte que leurs prédécesseurs
n'échappa point cette fois au ressenti avaient attaquée à plusieurs reprises,
ment de ses concitoyens. Il fut saisi mais toujours sans succès. La place
par ses propres soldats, irrités de son avait capitulé; mais le soldat, irrité
Impéritie, attaché tout vivant à une de sa résistance opiniâtre, massacra la
croix, et ne reçut la mort qu'après de lus rande artie des habitants et livra
cruelles tortures. vileaux ammes.
Cornélius marcha ensuite vers 0l L'armée romaine marcha ensuite
bia, dans le dessein d'en former le sur Camarine. Pendant le trajet, une
siége; mais se sentant trop faible pour habile manœuvre dugénéral carthagi
attaquer une ville défendue par sa po nois la mit à deux doigts de sa rte.
sition naturelle et par une nombreuse Ce général, suppléant par la ruse a l'in
garnison, il renon a pour le moment fériorité de ses forces, s'était hâté
a son entreprise, e retourna à Rome d’occu er les hauteurs qui dominaient
pour y lever de nouvelles trouples. une va lée où les Romains s'étaient té
A son retour, il reprit le siége d'Ol ia. mérairement engagés, et d'en fermer
Hannon avait succédé à Annibal dans toutes les issues. Ils se trouvaient pres
le commandement de la flotte cartha que dans la même situation u’aux
ginoise. Le consul battit son nouvel ourches caudines, et n'atten aient
adversaire, qui perdit la vie dans le plus que la mort ou une capitulation
combat, s'empara de la ville d’Olbia, Ignominieuse , lorsque le tribun M. Cal
et soumit en peu de temps toutes les purnius Flamma, par sa résence d'es
Villes de Sardaigne. prit et sondévouemcnt su lime , réussit
Dans la Sicile où le consul Florus, a sauver l’armée d'une perte certaine.
CARTHAGE. 41
Il se présente au consul et lui fait sentir reuse sortie ,dans laquelle ils blessèrent
l'imminence du danger. « Il faut te ou tuèrent un grand nombre de R0
- hâter, dit-il, si tu veux délivrer ton mains.
-‘ armée, d'envoyer quatre cents hom HUITIÈME ANNÉE DE LA GUEEnE,
a mes d'élite s'emparer de cette hau 257 AvAN'r L’EnE vULGAInE. — Cette
- teur. Notre diversion attirera toutes année il ne se passa entre les armées et
a les forces des ennemis; ils ne s'occu les flottes romaines et carthaginoises
« seront qu'à la repousser. Sans aucun aucune action remarquable. L'his
- oute nous y périrons tous; mais en ‘toire ne rapporte que quelques évé
c vendant cher notre vie, nous te don nements peu importants, où les suc
- nerons le temps de sortir du défilé - cès decpart et d’autre furent également
a avec tes légions. Il ne te reste plus balan 5.
a d’autre moyen de salut. n Les prévi NEUvIEnE ANNÉE DE LA PEEEIEnE
sions du tribun ne furent point trom GUERRE PUNIQUE; nA'rAILLE NAVALE
s. Il se rte sur la hauteur; l'in n'EcNoME; nErArrE nEs CAETIIA
anterie et a cavalerie carthaginoises GINoIs; 256 AvAN'r L'EnE cuné
enveloppent de toute part sa faible TIENNE. —- Cependant les deux peu
cohorte; elle se défend avec un courage pies rivaux, jugeant bien que l'issue
invincible; enfin, après d'incroyables e la guerre serait en faveur de ce
efl'orts, accablée par le nombre, elle lui qui resterait maître de la mer,
reste tout entière sur le cham de ba avaient employé toutes leurs ressour
taille. Mais la résistance avait té assez ces à des préparatifs immenses. Les
opiniâtre et assez longue ur que le Romains, avec une flotte de trois cent
‘consul eût le temps de égager son trente galères, abordèrent à Messine,
armée. L'issue d'une action 8! héroïque et de la se rendirent à Ecnome, où
est toute merveilleuse et en relève en leurs légions étaient campées. En même
core l’éelat. Calpurnius fut trouvé au temps Amilcar, qui commandait la
milieu des cadavres, criblé de blessu flotte carthaginoise, composée de trois
res, dont, par un hasard qui tient du cent cinquante vaisseaux de guerre,
miracle, aucune ‘n'était mortelle. Il avait abordé à Lil bée, et s’était. en
parvint à s'en guérir, reçut pour'ré suite porté sur H raclée, où il obser
com nse la couronne obsidionale, et vait les mouvements des Romains.
ren it encore de grands services à son Ceux-ci avaient conçu le projet auda
paIbélivré
s. du dan er, . Atilius alla met cieux de passer en Afrique, d'en faire
le théâtre de la guerre, et de réduire
tre le siége devan Camarine. Avec les par là les carthaginois à combattre
machines de guerre que lui fournit non pour la possession de la Sicile,
Hiéron, il renversa les remparts, s’em mais pour celle de leur territoire et le
para de la ville, et vendit comme es salut de leur patrie. Les carthaginois,
claves la plus grande partie des habi au contraire, sachant par expérience
tants.Enna, Sittana,Camicum, Erbesse combien l'accès et la conquête de l'A
et plusieurs autres villes de la province frique étaient faciles, ne craignaient
carthaginoise tombèrent en son ou rien tant que cette invasion, et avaient
voir. Enhardi ar ces succès, il 5 em résolu, pour l'empêcher, de tenter le
barqua pour a ler attaquer Lipari, où sort d’une bataille navale.
il croyait avoir un parti parmi les ha Les Romains firent leurs disposi
bitants. Mais Amilcar, ayant pénétré tions pour accepter le combat, si on le
ses desseins, était entré secrètement leur présentait, ou pour faire une ir
dans la ville, où il é iait l'occasion de ruption dans le pa s ennemi, si on n’y
le sur rendre. En e et, le consul qui mettait pas obstac e. Ils embarquèrent
croyait Amilcar bien éloignés'avançait l'élite de leur armée de terre, et divi
sous les murs de Li ari avec plus de sèrent toute la flotte en quatre esca
hardiesse que de pru ence, lorsque les dres , distribuant également les légions
carthaginois firent sur lui une vigou dans les trois premières, et réunissant
42
tous les triaires(*) dans la dernière. en l'éloignant du centre, et la compo
Chaque vaisseau contenait trois cents sèrent des vaisseaux les plus légers et
rameurs et cent vingt combattants , ce les plus propres , par la rapidité de leurs
qui portait les forces romaines à près manœuvres , à envelopper l'ennemi. Ils
de cent quarante mille hommes. Les ajoutèrent sur les derrières de l'aile
Carthaginois étaient supérieurs pour gauche une quatrième escadre qui s'é
le nombre, et avaient sur leurs vais tendait obliquement vers la terre. Han
seaux plus de cent cinquante mille non, le meme général qui avait été
hommes, tant rameurs que soldats. vaincu près d'Agrigente, commandait
Ces chiffres suflisent a eux seuls pour l'aile droite; Amilcar, qui avait battu
donner une haute idée de la puissance les Romains à Lipari, s'était réservé
et de l'énergie de ces deux grandes ré le centre et l'aile gauche. Celui-ci , pen
publiques. dant la bataille, employa un strata
Les Romains, calculant ue c'était gème qui faillit causer la perte des
surtout en pleine mer, où i s allaient Romains.
s'engager, que les carthaginois l'em Comme l'armée carthaginoise était
ortaient sur eux par la légèreté de rangée sur une simple ligne, qui, ar
Beurs vaisseaux , cherchèrent a suppléer cette raison, paraissait facile à tre
à ce désavantage ar une ordonnance enfoncée, les Romains commencent
compacte et diflici e à rompre. Dans ce l'attaque par le centre. Amilcar, pour
but, les deux vaisseaux à six rangs , que rompre leur ordre de bataille, avait
montaient les deux consuls Régulus et ordonné aux siens de prendre la fuite
Manlius, furent placés de front à côté sitôt que l'action serait engagée. Les
l'un de l'autre. Derrière eux s'allon Romains, se laissant emporter à leur
geaient, sur deux files obliques, la courage, poursuivirent les fuyards
première et la seconde escadre, figu avec une ardeur téméraire. Ainsi la
rant les deux côtés d'un triangle, dont première et la seconde escadre s'éloi—
la troisième escadre formait la base. gnèrent de la troisième qui remorquait
Cette troisième escadre remorquait les les vaisseaux de charge, et de la qua‘
vaisseaux de charge placés derrière trième où étaient les triaires destinés
elle sur une longue ligne parallèle; à les soutenir. Dès qu'il Voit que son
enfin, la quatrième escadre, ou les stratagème a réussi, Amilcar donne le
triaires, venait après, rangée de ma signal; les fuyards font volte-face, et
nière à déborder des deux côtés la fondent avec Impétuosité sur ceux ni
ligne qui la précédait. Cet ordre de ba les poursuivaient. Alors le combat e
taille; jusqu'alors inusité, rendait la vint terrible et le succès douteux. Les
flotte romaine également pro re à son. carthaginois l'emportaient sur les Ro
tenir le choc des ennemis et les atta mains ar la légèreté de leurs vais
quer avec avantage. seaux, 'agilité de leurs évolutions et
Cependant les généraux carthagi la précision de leurs manœuvres; mais
nois , après avoir exhorté leurs soldats les Romains compensaient ce désavan
à combattre courageusement dans une tage par leur vigueur dans les combats
action d'où dépendait le sort de Car de pied ferme, lorsque leurs corbeaux
tha e, les voyant pleins de confiance avaient accroché les vaisseaux enne
et d'ardeur, sortirent du port d’Héra mis, et par l'ardeur que leur inspirait
clée et allèrent au-devant de l'ennemi. la présence de leurs consuls, sous les
Ils disposèrent leur plan de bataille yeux desquels ils brûlaient de se si
d'après l'ordonnance des Romains. Ils gnaler.
partagèrent leur flotte en trois esca Pendant ce temps-là, Hannon, qui
dres rangées sur une seule ligne. Ils commandait l'aile droite, et qui, au
étendirent en pleine mer l'aile droite commencement du combat, l'avait te
nue à quelque distance du reste de la
, (9‘) Les triaires, chez les Romains, com- , flotte, tourne les vaisseaux des triai
posaient la dernière ligne de l'armée. res, les attaque brusquement par-der
CARTHAG 1:1.

L'a-6.1"“ 1
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C\É7/0nflc/%u/za/a / a. Æa‘aj.
examen.‘ 4a
rière, et y jette le trouble et la confu Romains‘, vingt-quatre vaisseaux'seu
sion. D'un autre côté, les Carthaginols lement périrent dans le combat; aucun
de l'aile gauche, qui étaient rangés ne tomba en la puissance des ennemis.
ubliquement vers la terre, changeant DESCENTE nus ROMAINS 131v Arm
leur première dis sition, se forment QUE; PRISE DE CLYPEA ET DE PLU
en ligne de batail e, ,et fondentsur la smuns surnss PLACES. -— Bientôt les
troisième escadre, dont les galères Romains, après avoir radoubé leurs
étaient attachées aux vaisseaux de vaisseaux et complété tous les répa
charge pour les remorquer. Ainsi cette ratifs nécessaires pour une on ne
bataille présentait trois actions diffé campagne, mirent à la voile pour l A
rentes, séparées l’une de l’autre par fri ue, sans qu’Amilcar osât faire un
des distances considérables. L’avan seu mouvement pour s’opposer à leur
tage fut longtem s balancé de part et passage. Les premiers navires abordé
d’autre. Mais en n l’escadre que com rent au promontoire Hermæum, qui
mandait Amilcar est mise en fuite, et forme l’extrémité orientale du golfe de
Manlius attache à ses vaisseaux ceux Carthage. Ils y attendirent les bâti
qu’il avait pris. Régulus vient au se ments qui étaient en retard 'et, a rès
cours des triaires et des vaisseaux de avoir réuni toute leur flo ‘3, ilsv on.
charge, menant avec lui les galères de gèrent l'a côte jus u’à la ville de Clypea
la deuxième escadre, qui étaient sor (aujourd’hui Kali ia); ils,y' débarquè
‘zies du premier combat sans être en rent, et, après avoir.tiré leurs vais
Jommagées. Pendant qu’il est aux seaux à terre, et lesv avoir environnés
mains avec Hannon, les triaires, qui d’un fossé et d’un retranchement, ils
étaient près de se rendre, reprennent mirent le siège devant la ville.
courage , et retournent à la charge avec La nouvelle de la défaite d’Ecnome
une nouvelle vigueur. Les Carthagi avait ré anduœla consternation parmi
nois, assaillis par-devant et par-der les Cart aginoisî Tous s’attendaient à
rière, et ne pouvant résister_à cette voir les Romaius,.enorgueillis d‘un si
double attaque, gagnent la pleine mer brillant succès‘, tourner leurs armes vic
pour échapper à une destruction iné torieuses contre Carthage elle-même.
vitable. . _ _ Mais quand ils ap rirent que les con
Sur ces entrefaites, Manhus revient suls d barqués à C ypea perdaient leur
et aperçoit la troisième escadre acçulée temps au slége de cette ville, ils repri
contre le rivage par les carthaginois rent courage, et s’occupèrent à ras
de l’aile gauche. Les vaisseaux de semblerdes troupes pour mettre leur
charge et les triaires étant en sûreté, capitale et le pays d’alentour à l’abri
Régulus et lui unissent leurs forces des attaques de l ennemi.
pour la tirer du éril extrême où elle Les consuls avaient envoyé des cour
se trouvait; car a le soutenait une es riers à Rome our informer le sénat
pèce de siège; et elle aurait été im de ce qu’ils avaient fait jusqu’alors , et
manquablement détruite, si les Car le consulter sur les mesures ultérieures
thaginois, par la crainte des corbeaux à prendre. En attendant leur retour,
et de l’abordage, ne se fussent con ils fortifièrent Clypea pour en faire
tentés de la tenir bloquée contre la leur place d’armes; ils y laissèrent un
terre. Les consuls arrivent, envelop corps de troupes pour garder la ville et
pent de toutes parts les carthaginois son territoire , pénétrèrent dans le pays
et leur enlèvent cinquante vaisseaux avec le reste de leur armée, et ravage
avec tout leur équipage. Quelques-uns rent le plus beau canton de l’Afrique,
s’fléchappèrent en rasant la côte de Si qui, depuis le temps d’Agathocle, n'a
61 e. vait point é Jl‘OllVé les malheurs de la
Telle fut l’issue de cette grande ba guerre. Ils étruisirent un grand nom
taille navale. Trente vaisseaux cartha bre de magnifiques maisons de plai
ginois furent coulés à fond, soixante sance, enlevèrent une quantité im
quatre furent pris. Du côté des mense de bestiaux, et firent plus de
44
vingt mille prisonniers, sans trouver Cependant les carthaginois, qui
aucune résistance. De plus, ils prirent avaient élu pour généraux Asdrubal,
de force ou reçurent à composition fils d’Hannon, et Bostar, rappelèrent
plusieurs villes, dans lesquelles ils encore de Sicile Amilcar, qui, avec
trouvèrent quelques (léserteurs et un cinq mille hommes d’infanterie et cinq
bien plus grand nombre de Romains cents cavaliers , se rendit aussitôt d'Hé
faits prisonniers dans les dernières cam raclée à Carthave. Ces trois généraux,
pagnes, parmi lesquels était probable après avoir délibéré entre eux, se dé
ment Cn. Cornélius Scipio, que nous cidèrent à tenir la campagne, pour ne
voyons deux ans après élevé à un pas laisser le(paî's exposé impunément
deuxième consulat. aux ravages e 'ennemi.
Alors arriva la réponse du sénat. Régulus s’avançait dans la contrée,
Elle rescrivait à Régulus de rester s’emparant de toutes les villes qui se
en A rique avec quarante vaisseaux, trouvaient sur son passage. Arrivé de
quinze mille fantassins et cinq cents vant Adis (*), l’une des plus fortes
cavaliers, et à Manlius de retourner à places du pays, il en forma le siège.
Rome avec les prisonniers et le reste Les généraux carthaginois s'empres
de la flotte. sèrent de venir au secours de la ville.
DIxxEME ANNÉE DE LA GUERRE; Ils occupèrent une colline qui dominait
BATAILLE n’Ams; PRISE DE TUNIS le camp des Romains et qui paraissait,
PAR LES ROMAINS; 255 AVANT L’ÈEE au premier coup d’œil, une position
VULGAIRE. —— Les nouveaux consuls avantageuse. Mais l’inégalité et l’âpreté
furent Servius Fulvius Pætinus Nobi du terrain rendaient inutile la princi
lior et Marcus Æmilius Paulus. Le pale force de leur armée , qui consistait
sénat, pour ne pas interrompre le en cavalerie et en éléphants. Régulus,
cours des victoires de Régulus, lui con en habile général, profite de la faute
tinua le commandement de l’armée en de ses ennemis, et avant qu’ils eussent
Afri ue avec le titre de proconsul. Lui le temps de la réparer, en descendant
seul ut affligé d’un décret qui était si dans la plaine, i monte avec ses lé
glorieux pour lui. Il écrivit au sénat gions sur la colline, et les attaque de
que le régisseur des septjugères (") de deux côtés à la fois. La cavalerie et les
terre qu’il possédait à Pupinies était éléphants des carthaginois ne leur ren
mort, et ne l’homme dejournée , pro dirent aucun service. Les troupes mer
fitant de occasion, s’était enfui après cenaires combattirent avec une grande
avoir enlevé tous les instruments de valeur et mirent d’abord en déroute la
culture; u’il demandait donc qu’on première légion; mais, ayant rompu
lui envoygt un successeur, puis ne, si eurs rangs dans l’ardeur de la pour
son champ n’était pas cultivé, i n’au suite, ils furent entourés par les trou
rait plus de quoi nourrir sa femme et pes romaines qui attaquaient la colline
ses enfants. Le sénat ordonna que le de l’autre côté. et forcés eux-mêmes
cham de Régulus serait de suite af de prendre la fuite. Leur exemple en
ferm et cultivé, qu’on rachèterait aux trama le reste de l’armée. La cavalerie
frais de l’Etat les instruments dérobés , et les éléphants se sauvèrent dans la
et ne la république se chargerait aussi plaine. Les Romains poursuivirent pen
de a nourriture de sa femme et de ses dant quelque temps l’infanterie et re
enfants. Rare exemple du mépris des vinrent piler le camp des carthagi
honneurs et della fortune! L’éclat dont nois.
brille encore le nom de Régulus , après A rès cette victoire, Régulus, maî
une longue suite de siècles , prouve que tre e la campagne, ravagea impuné
la gloire est pour la vertu une récom ment tout le pays, et s’empara même
pense plus durable que la richesse. de la ville de Tunis. Cette position,
(") Le jugère valait un demi-arpeut: 24 (’) Aujourd'huiRhadès, à quelques lieues
ares, 68 céntiares. de Tunis.
CARTHAGE. 45
tant par sa force naturelle que par sa Le sénat de Carthage, sur le rapport
proximité de Carthage, lui parut très de ses envo 'és , fut tellement indigné
avantageuse pour l'exécution de ses de la duret .des lois qu'on lui impo
projets: il en fit sa place d'armes, et sait, que, malgré sa étresse, il rit
y établit un camp retranché. la généreuserésolution de tout son frir
NEGocIA'rIoNs INEnUcTUEUsEs EN et de tout tenter plutôt que de subir
TnE LES RoMAINs ET LEs CAETIIA la plus insupportable et la plus bon
GINOIS. — Les carthaginois avaient teuse de toutes les servitudes.
été battus par terre et par mer. Ils AnnIvEE DE XANTIIIPPE A CAn
avaient vu plus de deux cents places TIIAGE; DÉFAITB ET PRISE DE RÉGU
tomber au pouvoir des vain ueurs. Lus. — Telle était la situation des
Tant de défaites et de pertes reveillè carthaginois, lorsque les vaisseaux
rent contre eux la haine des Numides, qu'ils avaient envoyés dans la Grèce
leurs anciens ennemis , qui se répan pour y lever des troupes, revinrent
dirent dans leurs campagnes, y mirent avec un renfort assez considérable de
tout à feu et à sang, et y causerent soldats mercenaires. Dans le nombre
encore plus de terreur et de désola était Xanthippe de Lacédémone, ui,
tion que n'avaient fait les Romains formé dès son enfance à la discip ine
eux-mêmes. Les habitants de la cam austère de sa patrie, y joi nait une
pagne, se réfugiant de tous côtés à Car expérience consommée dans e métier
thage avec leurs femmes et leurs en de la guerre. Cet officier, instruit en
fants, pour y chercher un abn_, aug détail de la dernière défaite des Car
mentaient la consternation, et faisaient thaginois et des circonstances ui l'a
craindre la famine en cas de siége. vaient amenée, calculant de us les
Dans ces extrémités, les Carthagi ‘ressources qui leur restaient, enom‘
nois députèrent les principaux séna bre de leur cavalerie et de leurs élé
teurs au général romain pour demander phants, pensa en lui-même et dit à ses
la paix. Régulus ne se refusa Intàces amis que les carthaginois n'avaient pas
ouvertures; mais, abusant es droits été vaincus par les Romains, mais par
de la victoire, il leur imposa ces dures eux-mêmes et par l'incapacité de leurs
conditions : « Céder aux Romains la Si généraux. Ce mot se répand dans le
cile et la Sardaigne tout entières; leur public, et arrive bientôt aux oreilles
rendre tous leurs prisonniers sans ran des sénateurs. Les magistrats font
con, et racheter les prisonniers cartha appeler Xanthippe; il vient et justifie
ginois ; payer tous les frais de la guerre, clairement ce qu'il avait avancé. Il
et, de plus, se soumettre a un tribut leur démontre que , soit dans les mar
annuel. n Telles furent d'abord les ches, soit dans les campements, soit
rétentions du vainqueur. Il y ajouta dans les combats mêmes, on avait
‘autres obligations qui n'étaient pas toujours choisi les positions les moins
moins humiliantes pour les carthagi avantageuses. Il ajoute que s'ils vou
nois : qu'ils n'auraient d'autres amis laient suivre ses conseils, et- tenir
et d'autres ennemis que ceux des Ro constamment l'armée dans la plaine,
mains; qu'ils ne pourraient mettre en il leur répondait. non-seulement de
mer qu'un seul vaisseau de guerre, et leur salut , mais encore de la victoire.
qu'ils fourniraient aux Romains cin Tous les chefs de la république , et les
quante trirèmes toutes les fois u’Ils généraux eux-mêmes , par une généro
en seraient r uis. Les ambassa eurs sité bien rare et bien digne de louange,
sup lièrent Regulus de mettre plus de sacrifièrent leur amour-propre au sa
mo ération dans ses demandes , et de lut de la patrie,.et confièrent a un
leur prescrire des conditions plus sup étranger le commandement de leurs
portables ; mais il ne youlut se relâcher armées.
sur aucun point, ajoutant, avec un L'habileté avec laquelle Xanthippe
orgueil insu tant, qu il fallait ou savoir avait jugé l'ensemble de la guerre,
vaincre ou savoir obéir au vainqueur. avait déjà_ inspiré aux carthaginois
46
une grande confiance dans ses lumières. troupes placés derrière eux, et, pen
Mais uand on le vit ranger prompte dant ue l'ennemi serait aux prises
ment ’armée en bataille aux portes de avec a phalange carthaginoise, de
la Ville, commander des manœuvres sortir de côté et de l'attaquer en
savantes, faire exécuter en bon ordre flanc.
les évolutions les plus compliquées, un Régulus avait d'abord rangé son
enthousiasme universel s’em ara du armée en bataille suivant la méthode
peuple et de l’armée, et tous, éja sûrs ordinaire. Mais quand il vit la dispo'
de vaincre sous un tel généra , de sition des ennemis, pour se garantir
mandèrent, avec des cris de joie, à du choc des éléphants , il mit tous ses
marcher contre l'ennemi. vélites à la remière ligne. Ensuite, il
Xanthippe ne laissa pas refroidir plaça ses co ortes, dont il doubla les
cette ardeur, et alla chercher les Ro les, et distribua sa cavalerie sur les
mains. Son armée était composée de deux ailes , donnant ainsi à son ordre
douze mille hommes d'infanterie, de de bataille moins de front et plus de
quatre mille chevaux et d'environ cent profondeur qu'il n'avait fait d'abord.
éléphants. Régulus fut d'abord surpris Cette ordonnance, dit Polybe, était
de voir les carthaginois, changeant excellente pour résister aux éléphants ,
leur méthode ordinaire, diriger leur mais elle exposait les Romains à être
marche et asseoir leur camp dans la entourés par la cavalerie carthagi
plaine; mais, plein de mépris pour des poise, fort supérieure en nombre à la
roupes qu'il avait vaincues tant de eur.
fois , il était résolu de les combattre, Xanthippe alors fait avancer à la fois
quel que fût l'avantage de leur position. les éléphants pour enfoncer le centre
vint donc camper à mille toises de de l'armée romaine, et la cavalerie de
l'ennemi. . ses deux ailes pourcharger et envelop
Alors Xanthippe , par déférence r l'ennemi. Les Romains poussent
our les officiers e l’armée punique, eur cri de guerre, et marchent auda
es réunit en conseil de guerre, et les cieusement sur les carthaginois. La
consulta sur le parti qu’ils avaient à cavalerie romaine, trop infcrieure en
prendre. Mais, pendant cette délibéra nombreà celle des ennemis, ne put résis
tion , les soldats demandaient à grands ter longtemps , et laissa les deux ailes à
cris la bataille, et Xanthippe sup découvert. L'infanterie de l'aile gauche,
liant le conseil de ne pas aisser soit pour éviter le chocdes éléphants,
happer une occasion si favorable, soit pour montrer sa supériorité sur les
les chefs ordonnèrent à l'armée de se soldats mercenaires qui formaient l'aile
tenir prête, et laissèrent à Xanthippe droite des Carthaginois , les attaque ,
l'entière liberté d'agir comme il le ju les disperse et les poursuitjusqu'à leurs
gérait convenable. retranchements. Au centre qui était
Ce général rangea ainsi son armée opposé aux éléphants, les premiers
en bataille. Il mit en avant les élé ran s furent renversés et foulés aux
hants disposés sur une seule ligne. ie s par ces masses énormes. Le reste
Iherrière eux, à quelque distance, il u cor s de bataille, à cause de sa
pla la phalange carthaginoise qui rofon eur. resta quelque tem s iné
tait l'élite de son infanterie. Il répan ranlable. Mais lorsque les erniers
it la cavalerie sur les deux ailes, avec rangs, enveloppés par la cavalerie et
ceux des soldats auxiliaires qui étaient par les armés à la légère , furent con
le plus légèrement armés. Le reste des traints de faire volte-face pour leur
mercenaires fut placé à l'aile droite tenir tête, et que ceux qui avaient forcé
entre la phalan e et la cavalerie. Xan le passage au travers des éléphants
thippe avait or onné à ses soldats ar rencontrèrent la phalange des Cartha
més à la légère, a rès qu’ils auraient ginois , qui n'avait pas encore chargé ,
lancé leurs traits , e se retirer dans les‘ et qui était en bon ordre , la position
intervalles qui séparaient les corps de des Romains fut toutà fait désespérée.
CARTHAGE. 41
Les uns furent écrasés par les élé d’ailleurs une haine si violente , et pres
phants; les autres , sans sortir de que toujours si injuste.
eurs rangs , périrent sous les 'avelots NOUVELLE EXPÉDITION EN AFnI
de la cavalerie et des troupes égères. QUE; BATAILLE NAVALE ENTRE LEs
Il n’y en eut qu’un petit nombre qui ROMAINS ET LEs CARTIIAGINOIS;
cherchèrent leur salut dans la fuite; NAUFRAGE ET DESTRUCTION DE LA
mais dans cette plaine rase et unie, ils FLOTTE ROMAINE. -- La nouvelle de
ne purent échapper aux poursuites des la défaite et de la prise de Régulus ne
éléphants et de la cavalerie. Cinq cents découragea point les Romains. I'ls
hommes, qui s’étaient ralliés autour s’occu èrent aussitôt à construire une
de Régulus, furent faits prisonniers neuve lellotte et à sauver ceux de leurs
avec lui: Les carthaginois perdirent en concitoyens qui avaient échappé à ce
cetteoccasion huit cents soldats étran désastre. Les carthaginois soumirent
gers qui étaient opposésà l’aile gauche d'abord les Numides, et recouvrèrent
des Romains; et de ceux-ci , il ne se sans peine la plupart des villes qui
sauva que les deux mille qui, en pour avaient embrassé le parti des Romains.
suivant l’aile droite des ennemis, s’é Mais ils attaquèrent inutilement CIy
taient tirés de la mêlée, et qui parvin péa, dont la garnison fit une opiniâ
rent, contre toute espérance, a se ré tre résistance. Après avoir vainement
fugier dans les murs de Clypéa. L’armée employé tous les moyens pour la ré
victorieuse rentra en triomphe dans duire, ils furent contraints de lever le
Carthage, traînant enchaînés le pro siége. Sur l’avis qu’ils reçurent alors,
consul romain et les cinq cents soldats que les Romains equipaient une flotte,
qui avaient été pris avec lui. et se dis osaient à passer de nouveau
L’ivresse des carthaginois, après dans I’Atïique, ils radoubèrent leurs
cette victoire , fut d’autant plus grande, anciens vaisseaux, en construisirent
que le succès était inespéré. Ils célé de neufs, et se mirent en mer avec
brèrent leur triomphe par des fêtes deux cents galères complètement équi
religieuses, des festins publics et des pées, pour observer l’arrivée de len
réjouissances de toute espèce. Xan nemi.
thippe , qui avait sauvé Carthage d’une Au commencement de l’été, les Roe
ruine presque certaine , prit le sage mains partirent avec trois cent cin
parti de se retirer bientôt après dans quante vaisseaux , sous le commande
sa patrie. Il eut la prudence de s’éclip ment des deux consuls Marcus Æmilius
ser, de peur que sa gloire , jusque-là et Servins Fulvius, et se dirigèrent
pure et entière, après le premier éclat vers l'Afrique. lls rencontrèrent près
éblouissant qu’elle avait jeté, ne s’a du promontoire Hermæum, la flotte
mortît peu à peu et ne soulevàt contre carthaginoise, l’attaquèrent sur-le
lui l'envie et la calomnie, redoutables champ, et l’ayant mise en déroute,
surtout pour un étranger qui, loin de lui prirent quatorze vaisseaux avec
son pays, n’a ni parents, ni amis, ni tout leur équiqage. Néanmoins , après
aucun appui pour se défendre. A pien cette Victoire, ils évacuèrent Clypea,
et Zonare rapportent que les Cart Iagi emmenèrent la garnison et prirent le
nois , bassement jaloux de la gloire de chemin de la Sicile. On a lieu de s’é
Xanthippe, et humiliés de devoir leur tonner que les Romains, avec une
salut à un étranger, le firent périr par flotte si nombreuse‘ et après une vie
trahison, en le reconduisant dans la toire si décisive, n’aient songé qu’à
Grèce. Mais ce fait est peu probable; évacuer Clypea et à en retirer sa arni
aucun des historiens latins ne le rap son,‘au lieu de tenter la conquête e l’A
porte; et certes, s’ils l’avaient connu, trique, que Régulus, avec beaucoup
Ils n'auraient pas laissé échapper une moins de forces , avait presque achevée.
aussi belle occasion de couvrir d’un Zonare ajoute, il est vrai, que les
opprobre éternel ces ennemis du nom Romains remportèrent, près de Cly
romain, envers lesquels ils montrent péa, une grande victoire sur l’armée
48
de terre des Carthaginois. Mais il s’ac les Carthaginois les forcèrent de re
corde avec Polybe sur l’évacuation de noncer au siège de cette ville. Loin de
Clypéa par les Romains. Eutrope en se laisser décourager par cette tenta
donne pour motif le défaut de subsis tive infructueuse, ils allèrent mettre
tances. le siégé devant Palerme (*), capitale de
Une navigation favorable avait ame toutes les possessions carthaginoisesen
né la flotte romaine jus u’en Sicile. Sicile. Ils s’emparèrent du port, et les
Les pilotes avaient conseil é de retour habitants ayant refusé de se rendre,
ner de suite en Italie pour éviter la ils travaillèrent à environner la ville de
saison des tempêtes qui a prochait. fossés et de retranchements. Comme
Mais les consuls, méprisant eurs avis, le pays était couvert d’arbres jusqu’aux
s’obstinèrent à vouloir reprendre quel portes de la ville, les palissades, les
ques villes maritimes qui tenaient en agger et les machines avancèrent rapi
core pour les Carthaginois. Cette im dement. Ils poussèrent vigoureusement
prudence fut la cause d’un désastre leurs attaques, et renversèrent avec le
épouvantable. Ils furent assaillis tout bélier une tour située sur le bord de
à coup d’une si’ violente tempête, que la mer. Les soldats montèrent à Pas
sur trois cent soixante-quatre vais saut par la brèche, et après avoir fait
seaux , ils purent à peine en sauver un grand carnage, s’emparèrent de
quatre-vingts. cette partie de la place qu’on appelait
L’activité des Carthaginois sut met la Nouvelle Ville. Les habitants de
tre à profit cette faveur de la fortune. la Vieille Ville, manquant de vivres,
Ils envoyèrent une armée en Sicile, offrirent de se rendre, à condition
formèrent le siège d’Agrigente, pri qu’on leur laisserait la vie et la liberté.
rent en peu de jours cette ville, qui Les consuls n’acce tèrent point cette
ne reçut point de secours , et la rui proposition, mais xèrent leur rançon
nèren entièrement. Il paraissait pro a deux mines par tête (**). Il y en eut
bable que toutes les autres places des dix mille qui se rachctèrent à ce prix;
Romains auraient le même sort et se tous les autres, au nombre de treize
raient obligées de se rendre aux Cartha mille, furent vendus à l’encan avec le
ginois; mais la nouvelle du puissant reste du butin.
armement que l’on préparait à Rome La prise de cette ville fut suivie de
donna du courage‘ aux alliés, et les la reddition de plusieurs autres pla
engagea à tenir ferme contre les ennen ces (""*), dont les habitants chassèrent
mis. En effet, dans l’espace de trois la garnison carthaginoise ct embrassè
mois, deux cent vingt galères furent rent le parti des Romains.
mises en état de faire voile. Les consuls laissèrent une garnison
ONZIÈME ANNÉE DE LA GUERRE; dans Palerme et retournèrent a Rome.
TENTATIVE INUTILE DEs RoMAINs Pendant leur traversée , les Cartha
son DRÉPANE; PRISE DE CEPHA ginois leur dressèrent une embuscade
LŒDIUM ET DE PALEnME; 254 AVANT et leur enlevèrent quelques vaisseaux
L’EIIE VULGAIEE. — Les deux nou chargés d’argent et de butin.
veaux consuls , Cnéius Cornélius Scipio DOUZIÈME , TREIZIÈME ET QUATon
Asina et Aulus Atilius Calatinus , char ZIÈME ANNÉES DE LAPEEMIEEE GUER
gés du commandement de la flotte, se RE PUNIQUE , 253 A 250 AVANT L’ÈIIE
rendirent d'abord à Messine, où ils CBRÉTIENNE.— L’année suivante, les
recueillirent les bâtiments qui avaient consuls C. Servilius Cœpio et Caius
échappé au naufrage de l’année précé Sempronius Blocsus passèrent en Afri
dente. Delà, avec trois centsvaisseaux
de guerre, ils abordèrent à Cephalœ (*) Anciennement Panormus.
dium, qui leur fut livrée par la trahi (*') 182 fr. 95 c. Larançon des dix mille
son de quelques habitants. Ils essayè fut donc de 1,829,500 fr.
rent ensuite de s’emparer deDrépane; ("") Jétine , Pélrinum , Solunte , ’I‘ynda
mais les secours qu’y introduisirent ris, etc.
CARTHAGE. 49
que avec toute leur flotte. Ils se borne forces ‘ils avaient en Sicile. Mais
rent à longer la côte et à faire de temps comme eur trésor était épuisé ar les
à autre des descentes , dont le seul ré dépenses énormes d’une si ongue
sultat fut le pillage de quelques cam uerre , ils envoyèrent une ambassade
pagnes, tant les Carthaginols avaient a Ptolémée Philadelphe, roi d’Égypte,
ien pourvu alors à la garde et à la pour le prier de leur prêter deux mille
sûret de leur pays. Ils retournèrent talents (*). Celui-ci, qui était allié des
à Rome, en côtoyant les côtes de la deux peuples , a rès avoir vainement
Sicile et celles del Italie. Mais au mo interposé sa mé iation pour les récon
ment où ils doublaient le cap Palinure, cilier, refusa le prêt sollicité par les
il s’éleva une furieuse tempête qui Carthaginois , en disant qu’il ne conve
submergea cent cin uante vaisseaux nait pas à un ami de fournir des se
de guerre et un gran nombre de bâ- ‘ cours contre ses amis.
timents de charge. Quelle que fût la Alors les Carthaginois épuisèrent
constance des Romains, tant de dé toutes leurs ressources , et expédièrent
sastres consécutifs abattirent leur cou en Sicile Asdrubal avec deux cents
rage. Ils renoncèrent à disputer l’em vaisseaux , cent quarante éléphants et
pire de la mer, que les vents et les flots vingt mille hommes. tant d’mfanterie
semblaient leur refuser. Ils mirent que de cavalerie. Ce général emplova
désormais tout leur espoir dans leurs toute l’année suivante à exercer ses
légions , et se bornèrent à équiper troupes et ses éléphants, et les armées
soixante vaisseaux pour trans rter en romaines ne firent dans cette campa
Sicile les vivres et les muni ions né gne aucune action qui mérite d’étre
cessaires à leurs armées. rapportée.
Ce découragement des Romains re QUINzIEME ANNÉE DE LA PREMIÈRE
leva la confiance des carthaginois. Ja GUERRE PUNIQUE; L'ES CABTHAGINOIS
mais, de uis le commencement de la sou'r BATTUS PAR LEs ROMAINS sous
guerre , [état de leurs affaires n'avait LEs MuRs DE PALEBME; 250 AVANT
té plus florissant. Les Romains les L’ERE V‘ULGAIBE. — Le sénat romain,
avaient laissés maîtres de la mer, et voyant s’augmenter de jour en jour
ils commençaient à concevoir une le découragement des légions qui fai
meilleure o inion de leurs troupes de saient la guerre en Sicile , revint sur
terre. En e fet, les Romains , depuis sa premiere résolution , et se décida
la défaite de Régulus, ui avait été à tenter de nouveau, sur mer la fortune
décidée surtout par les él phants, s’é des armes. Les nouveaux consuls
taient fait de ces animaux belliqueux Caius Atilius Régulus et Lucius Man
une idée si terrible, que pendant les lius Vulso furent chargés de préparer
deux années suivantes, oùils campèrent et d'équiper avec lé p us, grand soin
souvent dans les campagnes de Lilybée une nouvelle flotte. Lucius Cœcilius
et de Sélinunte, à cinq ou six stades de Métellus, l’un des consuls de l’année
l’ennemi, ils n’osèrent ni accepter le précédente , fut continué dans le com
combat, ni descendre dans la plaine. mandement de l’armée de Sicile avec le
Privés de cette confiance qui leur fai titre de roconsul.
sait ordinairement chercher la bataille Asdru al avait remarqué que, pen
avec joie, ils se retranchaient soigneu dant les précédentes campa es, les
sement sur des montagnes esearpées et Romains avaient tacitement ait l’aveu
dans des positions inaccessibles. Aussi de leur crainte en évitant toujours les
toutes leurs opérations, pendant ces occasions de combattre en bataille
deux années de la guerre, se borne rangée. lnstruit que l’un des consuls
rent-elles aux sièges resque insigni était retourné en Italie avec la moitié
fiants de Thermes et e Lipari. des troupes , que Métellus était resté
Cependant les Carthaginols, jugeant seul en Sicile avec l’autre moitié; pressé
l’ocrasion favorable pour reprendre
l’offensive , résolurent d’augmenter les (") rx millions.
4' 1 Livraison. (CAB’IBAGL)
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d’ailleurs ar les instances de ses sol envoyant sans cesse de nouveaux se
dats, qui rûlaient de marcher à l’en cours à ses vélites qui étaient enga és
nemi , il résolut de profiter de ces cir avec l'ennemi. Les conducteurs des
constances favorables pour engager éléphants, iqués d’une noble émula
une action décisive. Il artit donc de tion et vou ant avoir l’honneur de la
Lilybée avec toutes ses orces , et vint victoire, chargent tous à la fois les
cam et sur la frontière du territoire premiers rangs des Romains , les ren
de alerme. Métellus se trouvait alors versent‘ et les poursuivent hardiment
dans cette ville avec son armée. jusqu’au bord du fossé. Mais alors, les
Celui-ci, ayant appris pardes espions éléphants , accablés d’une grêle de flè
carthaginois qu’il avait eu l’adresse de ches qu’on faisait pleuvoir du haut des
sur rendre qu’Asdrubal s’avançaitdans murs, et des traits que leur lan ient
le essein de lui livrer bataille, affecta les vélites rangés en avant du ossé,
de montrer de la crainte pour inspirer entrent en fureur, se tournent contre
à son ennemi une plus aveugle confian les carthaginois, écrasent tous ceux
ce, et se tint soigneusement enfermé qui se trouvent sur leur passage et
dans ses murailles. Cette terreur simu portent le désordre et la‘ confusion
lée accrut en effet la témérité d’Asdru dans leurs rangs. Métellus, qui n’at
bal. Il franchit les défilés, s’avance dans tendait que ce moment, sort avec ses
la plaine, mettant toutà feu et à sang , légions rangées en bon ordre , et tombe
et porte le ravage jusqu’aux portes sur le flanc des ennemis , effrayés et
mêmes de Palerme. Metellus ne fit déjà plus d’à moitié vaincus. Aussi
encore aucun mouvement dans l’espoir n’eut-il pas de peine à achever leur dé
d'engager les Carthaginois à franchir faite. On en tua un grand nombre sur
la riviere d’Orethus , qui coule le long le champ de bataille; on en fit un grand
de la ville, et ne laissa même pa carnage dans la fuite, et, pour sur
raître sur les remparts qu’un petit croît e malheur, un accident , qui au
nombre de soldats. A,sdrubal donna rait dû leur être favorable, contribua
dans le piège. Il fit passer la rivière à encore à leur désastre. La flotte car.
son infanterie et à ses éléphants , et, thaginoise ayant paru dans ce moment,
plein de mépris pour les Romains, il tous se précipitèrent au-devant d'elle ,
dressa ses tentes presque sous les murs dans l’espoir d’y trouver leur salut.
de. la ville, sans daigner même les Mais, avant de pouvoir atteindre les
protéger par un fossé et par un retran galères, ils furent ou écrasés par les
chement. Métellus aussitôt fit sortir léphants, ou tués parles Romains qui
quelques troupes légères pour harceler les poursuivaient, ou submergés dans
les carthaginois et les engager à mettre les lots. Les carthaginois perdirent
toutes leurs forces en bataille. Alors, dans cette journée vingt mille soldats,
vovant que son stratagème avait com et tous leurs éléphants tombèrent au
plétement réussi, il place une partie pouvoir de l’ennemi.
de ses vélites, armés de javelots, en Métellus , outre l’honneur d’une vic
avant du fossé et des murs de la ville, toire si mémorable, eut encore la
avec ordre de lancer tous leurs traits gloire d’avoir rendu leur ancienne
contre les éléphants dès qu’ils seraient confiance aux légions romaines qui,
à portée, et, s’ils se trouvaient trop dès ce moment, restèrent maîtresses
pressés, de se jeter dans le fossé pour de la campagne. Asdrubal, après sa
en sortir ensuite et revenir à la charge. défaite, se réfugia à Lilybe’e. Ce seul
Il fait mettre sous leurs mains, au malheur fit oublier aux carthaginois
pied des murailles, une grande pro tous les services ne cet habile géné
vision dejavelots , dispose sur les rem ral leur avait ren us. Il fut condamné
arts ses archers et ses frondeurs, et pendant son absence , et, lorsqu’il re
ui-méme, avec ses soldats pesamment vint à Carthage , il fut arrêté et mis à
armés , se tient derrière la porte op mort.
posée à l'aile gauche des carthaginois, LES Cumncmoxs lNvomNr Ri
CARTHAGE. 51
cours A ROME roun NÉGOCIER LA sa femme, ses enfants , sa patrie. Mais
PAIX; soN OPINION DANS LE SÉNAT; cette âme ferme et constante sacrifia
soN SUPPLICE ET sA IIonT. — Ce nou toutes ses affections à l'intérêt de son
veau désastre, ioint aux pertes consi pays, et déclara nettement u'on ne
dérables que les carthaginois avaient devait point songer à faire léchange
éprouvées sur terre et sur mer dans des prisonniers; qu'un tel exemple au
les dernières campagnes. les engagea à rait des suites funestes pour la répu
ouvrir des négociations de paix. Ils bliqne; que des cito cas qui avaient en
pensèrent que par l'entremise de Régu la lâcheté de livrer eurs armes à l'en
us, ils pourraient obtenir des condi nemi étaient indignes de compassion
tions plus favorables ou du moins et incapables de servir utilement leur
l'échange de leurs prisonniers, dont patrie; que pour lui-même, en le r
quelques-uns appartenaient aux pre dant, ils ne perdraient que les d ris
mières familles de Carthage. On lui d'un corps usé par la vieillesse et par
avait fait prêter serment de revenir la guerre , tandis ne les généraux
s'il ne réussissait pas dans sa négocia carthaginois , qu'on eur proposait d'é
tion. Il partit donc pour Rome avec les changer, étaient tous dans la vigueur de
ambassadeurs des carthaginois; mais l'âge, et pouvaient rendre longtemps
lorsqu'il fut arrivé, il ne voulut jamais encore de grands servicesà leur pays.
entrer dans la ville, uelques instances Les sénateurs admiraient, mais no
que lui fit le sénat, a léguant pour mo saient accepter cédévouement sublime.
tif de son refus que, suivant les cou Ils ne se rendirent enfin que sur les vives
tumes de leurs ancêtres , un député des instances de Régulus lui-même, qui,
ennemis ne pouvait point y être intro par une générosité sans exemple , s'im
duit, mais qu'on devait luI donner au molait à l'intérêt de sa patrie.
dience hors de l'enceinte de Rome. L'échange fut donc refusé; mais la‘
Les sénateurs s'étant donc assem famille, les amis , les concitoyens; de‘
blés hors des murs, Régulus leur dit: Régulus employèrent presque la force
c Les carthaginois, pères conscrits, pour le retenir. Le rand pontife lui
nous ont envoyés vers vous (car moi méme assurait qu’i pouvait rester à
aussi, par le droit de la guerre, je suis Rome sans être par ure à son 5er:
devenu leur esclave), et nous ont ment. Rien ne put branler la gêné‘
char és de demander la paix à des reuse obstination de cette âme inflexia'
con ltions qui puissent être agréées hle. Il partit de Rome pour se rendre‘
des deux peuples, sinon d’insister au à Carthage, sans se laisser attendrir‘
moins sur l'échange des prisonniers. 1» ni par la vive douleur de ses amis, ni
Après avoir rononcé ces mots , il se par les larmes de sa femme et de ses
retirait en si ence avec les ambassa enfants. Cependant il n'ignorait pas
deurs. Les consuls le pressaient vive quels supplices affreux l'attendaient à
ment d'assister à la délibération; mais son retour; mais il redoutait plus le
il n'y consentit qu'après avoir obtenu parjure que la cruauté de ses enne
la permission des carthaginois, qu’il mm.
regardait comme ses maîtres. En effet, lorsque les carthaginois
Les lpro sitions de paix furent écar apprirent que c'etait sur l'avis même
tées ; a élibération ne roula que sur de Régulus que l'échange des prisoné
l'échange des prisonniers. Invité par niers avait été refusé, ils lui firent
les consuls à donner son avis, il répon souffrir les plus affreux tourments. Ils
dit qu'il n'était lplus sénateur ni même le tenaient longtemps renfermé dans
citoyen romain e uis qu'ilétait tombé un noir cachot, d'où, a rès lui avoir
entre les mains e l'ennemi; mais il coupé les paupières, i s le faisaient
ne refusa pas d'émettre son opinion sortir tout à coup ur l'exposer au
comme simple particulier. Il n'avait soleil le lus vif et e plus ardent. Ils
qu'un mot à prononcer pour recouvrer, l'enferm rent ensuite dans un coffre
avec sa liberté, ses biens, ses dignités, hérissé de pointes de fer, où il expira,
4.
52
miné par la douleur et par les fatigues avaient été renversées; d’autres mena
d'une insomnie perpétuelle. çaient ruine, et les assiégeants s’avan
SIÈGE ne LILYBÉE 1mn LES R0, äaient de plus en plus vers l‘intérieur
nAINs. — Cependant les consuls par e la place. Alors la terreur et la
tirent de Rome avec quatre légions et consternation se répandirent dans la
une flotte de deux cents voiles , dans ville, quoique la garnison fût de dix
le dessein de venger la mort de Régu mille soldats, sans compter les habi
lus , et de profiter de la victoire de tants, et qu’Imilcon, leur comman
Palerme pour chasser entièrement les dant, déployât dans la défense de la
carthaginois de la Sicile. Après avoir place un courage et une habileté re
réuni a leur armée toutes les forces mar uables. En effet, l‘infatigable ac
qui étaient dans cette province , ils ré tivite de ce général pourvoyait à tous
solurent de faire le siége de Lilybée, es les besoins, et déjouait tous les efforts
pérant qu’après la prise de cette ville, des ennemis. S’ils creusaient une mine,
rien ne pourrait plus s’opposer a_leur il en ouvrait une autre our les traver
passage en Afrique. Les carthaginois ser; s’ils arvenaient a faire une brè
sentaient, aussi bien que les Romains, che, elle tait aussitôt réparée; si une
de quelle importance était cette place, portion du mur s’écroulait, un autre
soit pour la défense de l’Afrique, soit mur s'élevait en arrière pour le rem
ur la conquête. de la SiciIe._ Aussi placer. Toujours vigilant et attentif,
es deux peuples em loyèrent-ils tout toujours present au milieu du danger,
ce qu’ils avaient de orces pour l’atta il ne laissait ni ses soldats en repos, ‘
quer et pour la défendre. ' ni ceux des assiégeants en sûreté. op
Lilybée est située surle promontoire posant ses ouvrages, ses mines et ses
du même nom qui est tourné du côté armes, aux ouvrages, aux mines et
de l’Afrique. Cette ville, que les Car aux armes des Romains. Il épiait sans
tliaginois avaient fortifiée avec le plus cesse l'occasion de mettre le feu aux
grand soin, était entourée d’é aisses machines des assié eants, et, pour
murailles, d'un fossé profon et de y parvenir, le Leur, a nuit, à tous les
lagunes salées presque impraticables. instants favora les, ‘il faisait de brus
C’est à travers ces la unes que s’ou ques sorties, et livrait des combats
vrait l'entrée du port, ont l'accès était acharnés, plus meurtriers quelquefois
très-difficile pour ceux qui ne connais que des batailles rangées.
saient pas parfaitement la rade. Les . Pendant qu’Imilcon se défendait si
Romains ayant établi leurs camps sur courageusement, quelques officiers des
deux points 0 posés de la ville qui se soldats étrangers formerent entre eux le
rapprochaient e la mer, les Joignirent complot de livrer la ville aux Romains ,
entre eux par des lignes fortifiées d’un espérant entraîner dans leur défection
fossé , d’un mur et d un retranchement. les troupes qu’ils avaient sous leurs
Ils diri èrent leurs premières attaques ordres. Le général, dont la vi ilance
contre a tour la plus proche qui regar avait pénétré ce projet de révo te, ne
dait l’Afrique, ajoutant toujours de perd pas un instant. Il rassemble sur
nouveaux ouvrages aux premiers, et e forum tous les mercenaires; il ré
s'avançant de plus en plus, Enfin, ils veille dans leurs âmes les sentiments
renversèrent six tours contlgues à celle d’affection et de fidélité qu’ils doivent
dont nous avons parlé , et entreprirent à Carthage et à leur général; il leur
'd’abattre les autres avec le bélier. Dans ‘fait payer l’arriéré de leur solde; et
ce but, ils commencèrent à combler, enfin, par ses promesses, par son élo
pour y établir leurs machines, le fossé quence, il les détermine à punir les
qui, selon Diodore, avait soixante traîtres, et à se dévouer entièrement
coudées de large et quarante de pro avec lui à une cause qu’ils ont défendue
fondeur, et ils pousserent avec une jusque-là avec tant de courage et de
constance inébranlable ce_long et pé gloire.
nible travail. Déjà plusieurs tours Aivmnu. mssx a nuvnns LÀ
CARTHAG E 53
FLOTTE ROMAINE POUR INTnoDUmE aux habitants, les réunit tous sur la
DU SECOURS nANs LILYBÉE. — Bien place publique, et les décida à une
tôt de nouveaux secours que reçurent sortie générale par l’espérance d’une
les assiégés relevèrent encore leur con victoire infaillible et des récompenses
fiance. Les carthaginois qui, sans avoir dont elle serait suivie.
reçu aucun renseignement certain sur Assuré de leurs bonnes dis ositions ,
l’état de Lilybée, prévoyaient ce en -il assemble les principaux 0 ficiers, il
dant les dangers et les ‘besoins e la leur assigne les postes qu’ils doivent
ville assiégée, équipèrent une flotte de occu er, leur donne le mot‘ d'ordre,
cinquante vaisseaux, y embarquèrent fixe ’instant de la sortie, et, au point
dix mille soldats, et c argèrent Anni du jour, il attaque sur plusieurs points
bal, fils d’Amilcar, d’introduire des à la fois les ouvra es des Romains.
troupes à Lilybée, avec de l'argent et Ceux-ci, qui avaien pénétré d’avance
des vivres. Il reçut ordre de partir sans les desseins de l’ennemi, ne furent
délai, et de braver tous ‘les dangers point surpris par cette brusque atta
pour pénétrer dans la place. Annibal que. Ils se portent rapidement sur tous
aborde aux îles Éguses, situées près les points menacés et présentent par
de Lilybée, et y attend un vent favo tout une vigoureuse résistance. Les
rable pour y exécuter cette difficile en deux partis avaientdé loyé toutes leurs
treprise; car les Romains, dès le com forces. Vingt mille ommes étaient
mencement du siége, avaient Obstrué sortis de la ville; les assiégeants leur
l’entrée du port en y coulant à fond en avaientopposé encore un plus grand
quinze vaisseaux chargés de pierres. nombre. La mêlée devint générale et
Sitôt qu’un vent fort et propice à ses le combat sanglant. L’action était d’au
desseins s’éleva du côté de la mer, tant plus vive que, de part et d’autre,
Annibal déploya toutes ses voiles, et les soldats , abandonnant leur ordre de
se dirigea vers Lilybée, tenant sur le bataille, se battaient éle-méle et ne
pont de ses galères ses soldats rangés suivaient que leur impetuosité. On eût
en bon ordre et tout prêts à combattre. dit que dans cette multitude immense
La flotte romaine, surprise et comme homme contre homme, rang contre
frappée de stupeur par l’imprévu de rang, s’étaient défiés l’un l’autre en
cette manœuvre hardie, craignant combat singulier.
d’ailleurs que la violence du vent ne la Mais c’était surtout autour des ma
poussât dans. le port ou sur les bas chines que les efforts étaient plus vio
fonds qui bordaient le rivage, ne fit lents et la lutte plus acharnée. Les
aucun mouvement pour s’opposer au carthaginois dans l’attaque, les Ro
passage des vaisseaux ennemis. Anni mains dans la défense, rivalisaient
al, sans ralentir sa course. évitant d'audace et d’opiniâtreté. Les uns, pour
avec adresse tous les obstacles, entra repousser les défenseurs des machi
fièrement dans le port et débarqua ses nes, les autres, pour ne pas céder le
dix mille soldats, aux cris de joie et terrain, prodiguaient leur vie et tom
aux applaudissements de toute la ville. baient morts sur la place même où ils
SORTIE D’IMILCON; COMBAT sAN avaient commencé à combattre. Ce qui
GLANT AUTOUR DES MACHINES. -— Les mettait le comble au tumulte et à l’ho'r
Romains n’ayant pu empêcher l’intro reur de cette affreuse mêlée, c’était
duction du secours dans la ville assié les soldats qui, armés de torches et
gée, présumèrent qu’Imilcon, a rès d’étoupes enflammées pour aller met
avoir reçu un renfort si considéra le, tre le feu aux machines, se précipi
entreprendrait bientôt "de détruire taient comme des forcenés au milieu
leurs machines. Ils ne se trompèrènt des périls et du carna e. Les Romains,
point dans leurs conjectures. Imilcon, effrayés de tant d’au ace, furent plu
voulant profiter de ’ardeur des nou sieurs fois sur le point de céder et
velles troupes , et du courage que leur d’abandonner leurs ouvrages. Mais
arrivée avait rendu à la garnison et enfin Imilcon, voyant qu’il avait fait
54
de grandes pertes sans obtenir aucun soN vAIssEAU. — Cependant a Car
avantage décisif, fit sonner la_retralte. thage on ne recevait aucune nouvelle
Les Romains, satisfaits d’avoir pu con de ce qui se assait à Lilybée, et per
server leurs machines, ne songèrent sonne ne s’o frait pour aller s’en ins
point à le poursuivre. Dès la nuit sui truire. Annibal, surnommé le Rho
vante, Annibal , choisissant le moment dien, homme brave et entreprenant,
où les Romains fatigués du combat se fit fort de pénétrer dans la Ville
oardaient le port avec moins de vigi assiégée , d’en examiner avec soin
ance, sortit avec ses vaisseaux et re la situation , et de venir rendre un
joignit Adherbal à Drépane, ville ma compte fidèle de tout ce qu’il aurait
ritime située à cent vingt stades (*) de observé. Les Cartha inois applaudirent
Lilybée. Il emmena avec lui la cavalerie à son zèle et à son évouement, et ac
qui, n‘étant d’aucun usagedans la ville ceptèrent ses offres , bien qu’ils fussent
assiégée, pouvait être utilement.em persuadés qu’il aurait beaucoup de
ployée ailleurs. En effet, ces cavaliers, peine à accomplir sa promesse; car ils
par leurs incursions continuelles, ren savaient que les vaisseaux romains
dirent aux assiégeants les chemins dan étaient à l’ancre devant le port et en
gereux et le transport des convois fermaient presque entièrement l’en
difficile, exercèrent toutes sortes de trée. Mais Annibal, ayant équipé un
ravages dans les campagnes voisines, Vaisseau qui lui a partenait en propre,
et donnèrent beaucoup d’embarras et aborde à l’une es îles ui sont vis
d’inquiétude aux consuls. Adherbal ne à-Vis de Lilybée, et le len emain, ro«
leur en causait pas moins, du côté. de fitant d’un vent'favorable, il met a la
la mer, par de fréquentes et subites Voile vers le milieu du jour, passe à
incursions, tantôt sur les côtes de Si travers la flotte romaine , et entre dans
cile, tantôt sur celles de l’Italie. Cette le port à la vue des ennemis étonnés
tactique, suivie avec persévérance, de son audace. Le jour suivant, il se
amena dans le camp des Romains une disposait à retourner à Carthage. Mais
si grande disette, que, réduits pour le consul, pendant la nuit, avait choisi
tout aliment à la chair des animaux, dix de ses vaisseaux les plus légers, et
la plupart furent emportés par la fa les avait placés aux deux côtés de l’en
mine ou par les maladies qui en sont trée du port, étendant leurs rames
la suite ordinaire. comme des ailes, pour fondre au pre
Les consuls, ayant (perdu près de mier signal sur le navire carthaginois.
dix mille hommes, déci èrent que l’un Annibal, fort de son audace et de la
d’eux retournerait à Rome avec la légèreté de sa galère , part en plein jour
moitié'des légions, afin que cellesqui pour braver l’ennemi. Il passe, avec la
resteraient pour continuer le siege rapidité d’un oiseau, à travers les
eussent moins de difficulté pour se masses presque immobiles des vais
procurer des vivres. Décidés à conver seaux romains, et, se 'ouant de leurs
tir le siège en blocus, Ils entreprirent pesantes manœuvres, i revient sur ses
de fermer ar une digue l’entrée du pas, voltige sur leurs flancs, quelque
port de Li ybée; mais la rofondeur fois s’arréte pour les provoquer au
des eaux et la violence u courant combat, et ne s’éloigne enfin qu’après
avant rendu leurs efforts resque en avoir longtemps, avec un seul vais
tièrement inutiles, ils se ornerent _à seau, déjoné les efforts de toute l.
en garder I’entrée avec plus de vigi flotte romaine. L’heureuse issue de
lance qu'auparavant. cette entreprise, qu’Annibal réitéra
AUDACE D’ANNIEAL LE RHoDIEN; plusieurs fois avec le même succès , lit
IL PÉ‘NÈTRE PLUSIEURS FOIS DANS LE connaître aux Carthaginois les besoins
PORT DE LILYBÉE; IL EST PRIS AVEC de Lilybée, et leur donna les moyens
d’y pourvoir. Elle accrut en même
(') 11,340 toises, environ4 lieues de 20 temps la confiance des assiégés et abat
au degré. tit le courage des Romains, honteux
CARTHAGE

///./ l7] ‚Alm/‘(l u / n/zu %J.Î2a«a;/Ï44zwra/Ia

. ("thuya
CARTHAGE. 55
de voir leurs projets traversés par la sur eux à l'improviste, en tua dix
témérité insultante d’un seul homme. mille et força les autres à prendre la
L’audace présomptueuse du Cartha fuite.
ginois et la réussite constante de ses Quelques temps après, une circons
tentatives tenaient principalement à la tance imprévue fournit aux assiégés
connaissance approfondie qu’il possé l’occasion de détruire les ouvrages es
dait des écueils, des bascfonds et des Romains. Il s’éleva tout à conf) un ou
étroits passages de cette rade dange ragan impétueux qui ébranla eurs ga
reuse. Déjà son exemple était imité leries et renversa même les tours des
par d’autres navigateurs, quiallaient tinées à les protéger. Quelques soldats
a Lilybée et en revenaient impuné mercenaires jugèrent le moment d’au
ment, lorsque le hasard fit tomber au tant plus favorable pour les incendier,
pouvoir des Romains une quadrirème ne le vent les favorisait en soufflant
carthaginoise, remarquable par l’élé u côté de la ville. Ils communiquèrent
gance de sa coupe et la légèreté de ses leur idée à Imilcon et s’offrirent pour
mouvements. Les Romains , ayant exécuter l’entreprise. Imilcon approuva
choisi pour son équipage de braves sol ce projet et fit tous les préparatifs né
dats et d’excellents rameurs, s’en ser cessaires. Ils sortent partagés en trois
virent our observer ceux qui tente corps, et mettent à la fois le feu aux
raient e pénétrer dans le port. et machines sur trois points différents.
surtout Annibal. Celui-ci, qui était Ces machines , construites depuis long
entré de nuit dans la ville , en re artait temps et formées d’un bois desséché
en_plein jour. Serré de près par a qua par le soleil et les ardeurs de l’été,
drireme qui suivait tous ses mouve- . rirent feu aisément, et la violence de
ments, il la reconnut et ne ut se dé ’ouragan, portant de tous côtés les
fendre d’un sentiment de rayeur. Il débris des mantelets et des tours en
chercha d’abord à lui échapper par la flammées, pro agea l’incendie avec
rapidité de sa course; mais gagné de une rapidité ef rayante. Les Romains
vitesse, et au moment d’être atteint, accoururent our défendre leurs ou
il fut contraint de faire volte-face et vrages; mais eurs secours étaient di
d’accepter le combat. Alors , trop faible riges au hasard et leurs efforts impuis
pour résister au nombre et à la valeur sants; car le vent qu’ils avaient en face
des soldats romains, il fut pris avec poussait dans leurs yeux et dans leurs
son vaisseau. Les Romains équipèrent visages des tourbillons de cendre, de
ce navire avec le plus grand ’soin, et flamme et de fumée, et il en périt un
ils employèrent avec tant de succès ces grand nombre avant qu’ils eussent u
deux belles galères à la garde du port, même approcher des endroits qu’il al
que personne désormais n’osa plus en lait secourir. Les carthaginois, au
trer dans Lilybée. contraire , favorisés par la direction du
NOUVELLE sonjrm D’ImLcoN; IN vent, et ‘éclairés par le feu qui consu
CENDIE DES MACHINES. - A partir de mait les machines, lançaient leurs traits
ce moment, les assiégeants redoublè avec certitude, et manquaient rare
rent leurs assauts avec une nouvelle ment le but qu’ils voulaient atteindre.
vigueur, et attaquèrent les fortifica Enfin, les mantelets, les tortues, les
_tions voisines de la mer, pour attirer béliers, les balistes, toutes les machi
de ce côté toute l'attention et toutes nes destinées soit à creuser des mines ,
les forces de la garnison. Ils espéraient soit à battre les murs, furent entière
que, à la faveur de cette fausse atta ment consumées.
que , leurs troupes campées du côté de Dès ce moment, les Romains per
la terre pourraient s’emparer du mur dirent toute espérance de se rendre
extérieur de la ville. Ce projet réussit maîtres de Lilybée par la force. Ils se
d’abord; mais les Romains n’avaient bornèrent à entourer la ville d’un fossé
8 encore eu le temps de s’établir dans et d’un retranchement. Ils fermèrent
eurs positions, lorsqu’lmileon tomba leur camp par une forte muraille, et
56
changeant le siége en blocus , ils atten une atta e imprévue. Il choisit dans
dirent que la famine forçât la place à toute la otte deux cents vaisseaux, et
se rendre. Les assiégés, de leur côté , embar ua ses meilleurs rameurs et
relevèrent les fortifications qui avaient lès plus raves soldats des légions. Il
été renversées , et se ménagèrent tous sortit du port au milieu de la nuit,
les moyensd’une vigoureuse résistance. sans être aperçu des assiégés, et la
SEIZIÈME ANNÉE DE LA GnEnnE; tête de sa flotte n'était pas loin de
BATAILLE NAVALE DE DBEPANE; Drépane, quand le (jour parut et la
vIcToInE COMPLÈTE DES CAnTflA découvrit aux yeux 'Adherbal. Cette
GINOIS; 249 AVANT L’EnE vnLGAmE. apparition inattendue le surprit sans
—-Quand on eut appris à Rome qu’une le déconcerter. Entre les deux seuls
partie des troupes avait péri à Lilybée, partis qu'il avait à prendre, il fallait
soit dans l'incendie des machines , soit se déterminer romptement. Le pre
dans les autres opérations du, siége, mier était d’al er au-devant des Ro
cette fâcheuse nouvelle , loin d'abattre mains et de les combattre sur le champ,
les esprits, sembla renouveler l'ardeur l'autre de les attendre et de se laisser
et le courage des citoyens. Chacun se assiéger. Il rejeta ce dernier parti qui
hâtait de porter son nom ourse faire lui parut à la fois lâche etdangereux.ll
enrôler, et bientôt dix mi le hommes , rassemble sur le rivage les matelots et
et un renfort considérable de matelots les soldats; il leur fait entendre en
passèrent le détroit, et allèrent par peu de mots , mais pleins de force et
terre se joindre aux assiégeants. d’éner ‘e, ce qu'ils ont à espérer en
Le département de la Sicile était sortan du port pour livrer la bataille
échu au consul Publius Claudius Pul aux Romains , ce qu'ils ont à craindre
cher. C'était un homme d'un carac en se laissant investir.
tère dur et violent, entêté de sa no Tous ayant demandé le combat avec
blesse et de son propre mérite , plein de grands cris de joie, il leur ordonne
de confiance dans ses lumières, de mé de s'embarquer sur-le-champ et de
ris pour celles des. autres; punissant suivre la galère amirale, qu'il allait
es moindres fautes avec une extrême monter lui-même, sans la perdre de
rigueur, tandis que lui-même, dans les vue. Il agne le premier la haute mer
affaires les plus im rtantes, ne mon et fait fi er sa flotte derrière les rochers
trait pas moins 'extravagance que qui bordaient le côté du port opposé
d'incapacité. Ainsi, quoiqu'il eût blamé à celui par lequel entrait l’ennemi.
avec une aigreur excessive les derniers Claudius voyant, contre son attente ,
généraux d avoir tenté de fermer l'en que les carthaginois étaient sortis,
trée du port au moyen d'une digue, isposés à lui livrer bataille en pleine
il s'obstina à poursuivre» l'exécution mer, envoya ordre à ceux de ses vais
de ce projet impraticable et éclioua seaux qui étaient déjà dans le port ou
devant les mêmes obstacles. au moment d'y entrer, de revenir sur
Mais, de toutes les fautes qu'il comy leurs‘ pas pour se joindre au gros de
mit, la plus funeste fut l'attaque de la flotte. L'exécution de cette manœu
Drépane, où il perdit par son impru vre fut la cause d'un désordre extrême.
dence et par la valeur d’Adlierbal la Parmi les vaisseaux romains, les plus
flotte .a plus brillante que les Romains légers avaient déjà pénétré dans le
eussent mise en mer. Il s'était per port, d'autres les suivaient de près,
suadé qu'il serait facile de surprendre quelques-uns étaient arrêtés à l'entrée
Adherbal à Drépane; que ce général, même. Il en résulta que, dans cet es
instruit des pertes que la flotte ro pace étroit, tous faisant à la fois de
maine avait éprouvées au siége de grands efforts pour revirer de bord,
Li'lybée, et ignorant le nouveau ren ils s’embai'rassaient mutuellement, se
fort qu'elle avait reçu , ne s'attendrait lieurtaient les uns les autres et se bri
pas ‘a ce qu'elle reprit subitement l'of saieiit récipro uement leurs rame‘.
fensive et ne serait pas en garde contre Enfin s'étant égagés avec beaucoup
CARTHAGE. 57
de peine, ils se rangèrent en bataille La pesanteur de ses vaisseaux et l’in
le long de la côte, la proue tournée vers expérience de ses rameurs rendaient
l’ennemi. toutes ses manœuvres infructueu
Le trouble et la confusion causés ses. Rangés trop près du rivage, ses
ar cette manœuvre avaient commencé navires n’avaient ni l’espace néces
jeter de l’inquiétude et de la frayeur saire pour leurs évolutions, ni les
dans l’armée. Une action irréligieuse moyens de faire retraite lorsqu’ils
du consul acheva de la déconcerter et étalent pressés par l’ennemi : aussi la
de lui faire perdre tout courage et plu art échouèrent sur les bancs de
' toute espérance. Les Romains , à cette sab e ou allèrent se briser contre les
époque, avaient une confiance supersti rochers de la côte. Il ne s’en échappa
tleuse dans les présages et dans les que trente qui, étant au rès du consul,
augures. Au moment où la bataille prirent la fuite avec ni en glissant
était près de s’engager, on vint dire entre le rivage et la flotte victorieuse.
à Claudius que les poulets sacrés ne Tout le reste des vaisseaux , au nombre
voulaient ni sortir de leur ca e, ni de quatre-vingt-treize, tomba avec l’é
prendre de nourriture : a ou" 3 boi quipage en la puissance des carthagi
vent donc, puisqu’ils ne veulent point nois, dont la perte dans cette bataille
manger» , dit Claudius avec un ton fut peu considérable. Du côté des Ro
d’impiété railleuse, et il les fit jeter mains, huit mille hommes furent tués
dans la mer. ou noyés , vingt mille, tant soldats que
Cependant le consul, qui, aupara matelots, furent pris et conduits à
vant, était placé à l’arrière-garde, Carthage. Claudius , pour regagner plus
se trouva , par le mouvement ui venait sûrement Lilybée, en longeant les
de s'opérer, à la tête de l’ai e gauche côtes qui étaient au pouvoir des Car
et à l’extrémité de la ligne. En même tha inois , orna ses galères de palmes,
temps , Adherbahayant gagné la haute de auriers, de tous les signes de la
mer et tourné la flotte romaine, rangea victoire, et, par ce stratagème, il
ses galères sur une même ligne vis-à réussit, même en fuyant, à inspirer la
vis de celles des Romains qui s’éten terreur.
daient le long du rivage. Au signal Ce brillant succès , qui était dû tout
donné par les amiraux, le combat s’en entier à la prévoyance et à l'habileté
gagea, et fut d’abord soutenu de part d’Adherbal, lui valut de grands hon
et d’autre avec la même ardeur et un neurs à Carthage. A Rome, au con
succès à peu
la balance prèsenégal.
pencha Mais
lfaveur bientôt
des Cartha traire, on épunit par une forte amende
l’incapacit et l’impiété arrogante de
ginois qui, dans cette bataille, avaient Claudius, qui avaient été si funestes à
sur les Romains lusieurs avantages. la république.
Leurs vaisseaux taient beaucou plus Cependant Adherbal profita de sa
légers, leurs rameurs plus habi es et victoire pour enlever aux Romains,
plus ex érimentés. Ils avaient habile près de Palerme, un grand nombre de
ment c oisi leur position en mettant arques chargées de vivres; il parvint
la pleine mer derrière eux. En effet, à les introduire dans Lilybée, etra
s’ils étaient trop pressés, ils pouvaient mena ainsi l’abondance dans la ville
reculer sans aucun risque et éluder assiégée.
l’attaque de l’ennemi par l’agilité de CAETHALON AMÈNE DE CARTI-[AGE
leurs vaisseaux. Les Romains se lais UN BENEOET DE SOIXANTE-DIX vAIs
saient-ils emporter trop loin par l’ar sEAUx; IL SURPREND LA FLOTTE no
deur de la poursuite, ils se retour MAINE DEVANT LILYBÉE. —La lin de
naient tout à coup, les enveloppaient de cette année amena encore aux Romains
toutes parts , brisaient avec l’éperon de nouveaux désastres. Ils avaient
les flancs de leurs navires et les cou chargé Lucius Junius, l’un des con
]aient à fond. Claudius , au contraire, suls, de conduire à Lilvbée des vivres
avait toutes les difficultés à vaincre. et des munitions pour l’armée qui as
58
siégeait cette ville. Junius vint aborder ses éclaireurs qu’une armée navale
à Messine, où il trouva une infinité de composée de bâtiments de toute es èce
bâtiments detoute espèce qui s’y étaient se dirigeait vers Lilybée, il saisit ’oc
rassemblés de toutes les artles de la casion avec joie, et, lein de mépris
Sicile. Il en composa une otte de cent pour les Romains u’i avait déjà vain
vingt vaisseaux de guerre et de huit cus, il s’avance à eur rencontre pour
cents navires de trans ort, avec la leur livrer bataille. L’escadre com
quelle il se rendit à yracuse. Dès mandée par les questeurs, se jugeant
qu'il y fut arrivé, il fit partir les ques trop faible pour soutenir le combat,
teurs, avec la moitié des vaisseaux de alla aborder à une petite ville alliée,
charge et uelques galères, pour sub nommée Phintias, qui à la vérité n’a
venir aux esolns pressants des trou pas de port, mais où des promontoires
es qui blo naient Lilybée. Il attendit avancés dans la mer forment, pour les
ui-méme Syracuse les bâtiments vaisseaux, un abri commode et une
qui, partis de Messine avec lui , étaient rade facile à défendre. Ils y débarquè
restés en arrière, et l’arrivée des con rent, et, après y avoir disposé tout ce
vois de vivres que ses alliés lui en que la ville ut leur fournir de cata
voyaient des provinces éloignées de la ultes et de alistes, ils y attendirent
mer. ‘attaque des Carthaginois. Ceux-ci
Cependant Adherbal , enhardi ar ses pensèrent d’abord que les Romains
premiers succès et par un ren ort de effrayés se retireraient dans la ville et
soixante-dix vaisseaux que Carthalon leur abandonneraient leurs vaisseaux.
venait. de lui amener de Carthage, ré Mais trouvant, contre leur attente,
solut de frap er un cou décisif. Il une vigoureuse résistance , et se voyant
confie cent ga ères à Cart alon, il lui exposés dans cette position difficile à
ordonne de cingler vers Lilybée, et, des périls multipliés, ils se contentè
ar une brusque attaque, d’enlever, de rent d’emmener quelques vaisseaux de
brûler ou de couler à 0nd les vaisseaux charge qu’ils avaient pris, et se reti
romains qui étaient à l'ancre devant le rèrent dans le fleuve Halycus pour ob
port. Carthalon part aussitôt pour server le départ de la flotte romaine.
exécuter cet ordre. Il arrive avant le Vers le même temps le consul Ju
jour à Lilybée, fond avec impétuosité nius, après avoir terminé les affaires
sur la flotte romaine, enlève quelques qui le retenaient à Syracuse, doubla le
vaisseaux, en brûle quelques autres, promontoire Pachynum et cingla vers
et répand le trouble et la terreur dans Lilybée, i norant encore ce qui s’était
le camp des assiégeants. Ceux-ci ac passé à P intias. Carthalon, à cette
courent à la hâte pour défendre leurs nouvelle, mit sur-le-champ à la voile,
alères; mais Imilcon, gouverneur de dans le dessein de livrer bataille au
a ville assié ée, averti par le tumulte consul avant qu’il eût rejoint la divi
et les cris es combattants, fait une sion de sa flotte commandée par les
sortie à la tête de ses mercenaires et äuesteurs. Junius reconnut de loin la
tombe sur les derrières des Romains, otte nombreuse des Carthaginois;
dont le désordre s’accroît par cette mais trop faible pour soutenir un com
double attaque. bat, et trop proche de l’ennemi pour
MANŒUVEES DE CAnTHALoN DE échapper à sa‘ poursuite , il prit le parti
vANT LEs ELoTTEs noMAINEs; NAU d’aller jeter l’ancre près de Camarine,
EEAGE ET DESTRUCTION ENTIÈRE DE dans une rade entourée de rochers es
cEs DEUX FLOTTES. —— L'approche de carpés et presque entièrement inabor
la nouvelle flotte romaine empêche dable, aimant mieux s’exposer à périr
Carthalon de casser plus loin ses au milieu des écueils que de tomber
ayanta es. Il al a se poster à Héraclée avec toute sa flotte au pouvoir des en
pour 0 server l'arrivée des questeurs nemis. Carthalon se garda bien de
et leur couper la communication avec donner bataille aux Romains dans des
' l’armée de siégé. Bientôt, instruit par _ lieux si difficiles; il alla mouiller auprès
CARTHAGE. 59
d'un promontoire , d’où il était à portée raison de tous les temples de la Sicile.
d'observer en même temps les deux Un eu_au-dessous du sommet s’éle
flottes ennemies et de prendre sur elles vait a ville d’Éryiç, où l’on ne montait
tous ses avantages. que par un chemin très-long et très
Bientôt a rès, les vents commencè ifficile. Junius avait placé une partie
rent à sou fler avec violence, et les de ses troupes sur le plateau, gardant
pilotes carthaginois , accoutumés il na avec le plus grand soin les oints de la
viguer sur ces mers, conseillèrent à montagne accessibles du coté de Dré
Carthalon de uitter sa station et de pane; il fortilia même Égithalle, place
doubler sans élai le promontoire de située sur la mer au pied du mont
Pachynum. Carthalon suivit ce conseil, Éryx, et y laissa huit cents hommes
et parvint, après de grands efforts, à de garnison.
sitions, avoir Ilbien
croyait,
assurepar‘ces
sa con dis o
uélte;
mettre sa flotte en sûreté. Mais celles
des Romains , surprises l’une et l’autre mais Carthalon, ayant débarqu pen
par la tempête, au milieu des rochers dant la nuit ses troupes près id’Égi
et des bas-fonds , éprouvèrent un nau thalle, emporta cette place d’assaut,
frage si affreux, que de tant de vais tua ou prit ceux ni la défendaient, à
seaux il ne se sauva que deux galères, l’exception de ne ques-uns qui se ré
avec lesquelles le consul .lunius se ren fugièrent dans a ville d’Eryx.
dit à Lilybée. DIX-SEPTIÈME,DIX-HUITIÈME,DIX
JUNIUS s’EMPAnE PAR TRAHISON NEUVIÈME ET VINGTIÈME ANNÉE DE
DE LA MONTAGNE ET DE LA VILLE LA GUERRE, DE 248 A 244 AVANT
D’ÉEYX. — Ce dernier désastre acheva L’ÈRE CHRÉTIENNE; AMILCAE occupa
d’abattre les Romains déjà découragés LA FORTE POSITION n’Eac'rE'.—C’est
et affaiblis par les pertes précédentes. cette année que commence à paraître
Ils renoncèrent de nouveau à disputer sur la scène l’un des plus grands hom
l’empire de la mer aux carthaginois, mes oc guerre que Carthage ait pro
et tournèrent leurs efforts du côté de duits. Amilcar, surnommé Barca, père
la terre, résolus d’employer toutes du fameux Annibal, reçoit le com
leurs ressources pour maintenir la su mandement général des armées de terre
périorité qu’ils y avaient acquise. et de mer en Sicile. Il part avec toute
Ainsi, loin de renoncer au siége, ils en sa flotte, va porter le ravage sur les
poussèrent les opérations avec une côtes d’Italie, et revient, chargé de
nouvelle vigueur. L’armée ne manquait butin, aborder près de Palerme. Là,
ni de munitions ni de vivres, qui lui son coup d’œil habile lui fit reconnaître
étaient apportés par les peuples de Si dans Ercté une position admirable
cile, dont la plupart s’étaient soumis pour‘y retrancher son armée et braver.
volontairement aux Romains ou leur pendant longtemps les efforts de l’en
étaient unis par des traités d’alliunce. nemi. Ercté est une montagne d’une
Cependant le consul Junius, qui assez grande hauteur, située sur le
était resté à Lilybée, poursuivi par le bord de la mer, entre Éryx et Palerme ,
souvenir de ses fautes et de son nau escarpée de tous les côtés et couronnée
frage, cherchait à les faire oublier par par un plateau de cent stades de cir
ne que action d’éclat. Il se ménagea conférence ("). Ce lateau est très-fer
es intelligences secrètes dans Éryx, tile et produit d’a ondantes moissons
et se fit livrer la ville et le temple de de toutes sortes de grains. Du côté de
Vénus. L’Éryx , la plus haute montagne la terre et du côté de la mer, les flancs
de la Sicile après l’Etna, est située de la montagne sont presque entière
rès de la mer, entre Drépane et Pas ment revêtus de rochers à pic, inter
erme, mais bien plus ra prochée de rompus seulement par quelques ravins
Drépane. Au sommet de a montagne faciles à fortifier. Au milieu du pla
est un vaste lateau sur lequel on avait teau, s’élève une éminence que la na
bâti‘ le temp e de Vénus Erycine, le
plus beau et le plus riche sans compa (") Environ 9,500 toises.
60
ture semble avoir formée à la fois pour poste important à la sûreté de la ville
servir de citadelle et pour observer assiégée. Le consul s’en aperçut trop
tout ce qui se passe dans les campagnes tard, et, ne onvant aller au secours
voisines. Le pied de cette montagne, des siens, il onna l’assaut à Drépane
où l’on trouve une rande abondance avec toutes ses forces, espérant, par
d’eau douce, s’éten jusqu’à un port cette diversion, ou prendre la ville en
très-commode pour ceux qui, de Dré l’absence de son commandant, on fer
pane ou de Lilybée, font voile vers est ce dernier à revenir sur ses pas.
’Italie. On n’arrive au sommet du Il obtint l’un de ces avantages. Amil
mont que par trois chemins, deux du car étant retourné dans la ville pour
côté de la terre et un du côté de la repousser les assaillants, Fabius resta
mer, mais tous également pénibles et maître de l’île, qu’il joignit au conti
difficiles. C’est dans ce poste qu’Amil nent par une digue, et dont il se servit
car eut l’audace de s’établir. Il se pla utilement dans la suite pour y établir
çait au .milieu d’un pays ennemi, en ses machines et presser plus vivement
vironné de tous côtés par les armes les assiégés.
romaines, loin de ses alliés, loin de AmLcAn sE MAINTIENT PENDANT
toute espèce de secours, et cependant, 'rnors ANs A Eac'rE coN'rnE TOUS LES
par l’avantage de cette position, par Erronrs DES RoMA1Ns.—Cependant
son courage et son expérience dans le Amilcar conservait toujours sa forte
métier de la guerre, il sut créer aux position d’Ercté. Sans cesse, avec sa
Romains obstacles sur obstacles, et flotte, il infestait les côtes de la Sicile
les jeter dans des périls et des alarmes et de l’Italie, et même lorsque ‘les Ro
continuelles. mains commandés par Métellus se fu.
Succès D’HANNON EN AEEIQUE. — rent établis en avant de Palerme, à
Pendant qu’Amilcar rétablissait en Si cinq stades de ses retranchements, il
cile l’honneur‘ des armés puniques, sut encore déjouer leurs manœuvres et
Hannon, son rival de gloire, étendait se maintenir pendant trois ans dans
en Afrique la domination de Carthage. cette position formidable.
Ce géneral, pour exercer ses soldats Pendant ce long espace de temps il
et les nourrir aux dépens de l’ennemi , né se passa presque point de jour qu’il
avait porté la guerre dans cette partie’ n’en vînt aux mains avec ’ennemi.
de la Libye qui est aux environs d’Hé C’étaient des deux côtés des embûches ,
catompyle. Il s’était emparé de cette des surprises habilement préparées,
grande ville; mais jaloux de relever plus habilement déjouées , des attaques
par la clémence l’éclat de sa victoire, imprévues, des retraites simulées, en
Il se laissa attendrir par les prières des un mot, des combats de détail si fré
habitants , se conduisit à leur égard en quents, si semblables entre eux, que
vainqueur généreux, leur laissa leurs leur description a rebuté même la mi
biens et leur liberté, et se contenta nutieuse exactitude de Polybe. « Une
d’exiger trois mille otages pour garants « idée générale de cette lutte, où les
de leur fidélité. « succès furent également balancée,
SXÉGE DE DRÉPANE PAR LE CONSUL « suffira, dit-il, our faire juger de
FABrUs. — Vers le même temps le con « l’habileté des eux énéraux. En
sul Fabius faisait le siège de Dré ane. « effet, tous les stratagèmes que l’ex
Au midi de cette ville et tout pres du s périence peut apprendre, toutes les
riva e est une île ou plutôt un rocher, « inventions que peuvent suggérer l’oc
que es Grecs ap elaient l’île des C0 « casion et la nécessité pressante,
lombes. Le consu y envoya pendant la «toutes les manœuvres qui exigent le
nuit quelques soldats qui s’en emparè « secours de l’audace et de la témérité,
rent après avoir égorgé la garnison « furent employés de art et d’autre
cartha inoise. Amilcar, ui était ac a sans amener de résu tat important.
couru a la défense de Dr pane, sortit «Les forces des deux armées étaient
au point du jour pour reprendre ce « égales; les deux camps bien fortifiés
CARTHAGE. 61
u et inaccessibles; l’intervalle. qui les parés de la ville et du mont Éryx '.
« séparait fort petit. Toutes ces causes IIS avaient établi deux camps retran
« réunies donnaient lieu cha ue jour à chés , l’un vers le bas de la mon
a des combats partiels, ma 5 empé tagne , l'autre sur le plateau qui
c chaient que l’action devint jamais dé dominait la ville, en sorte qu’ils sem
« cisive; car, toutes les fois qu’on en blaient n’avoir rien à craindre pour
« venait aux mains, ceux qui avaient cette place défendue ar sa situation
« le dessous trouvaient dans la proxi naturelle et par cette ouble garnison.
« mité de leurs retranchements un asile Mais ils avaient à faire à un ennemi
« assuré contre la poursuite des enne dont la vigilance et l’activité auraient
« mis et le moyen de les combattre avec dû les tenir toujours en haleine. L'au
« avantage. » . dace d’Amilrar, à qui rien ne parais
Les nouveaux consuls (*)' ne furent sait impossible, se fit un jeu de ces
pas plus heureux en Sicile que leurs obstacles presque insurmontables. Il
prédécesseurs , ayant tou ours à lutter fait avancer ses troupes pendant la
contre les difficultés des ieux, contre nuit, se met à leur tête, gravit la mon
les entreprises hardies et les ruses tagne dans le-plus rofond silence, et
habilement concertées d’Amilcar. Ce après deux heures ’une marche aussi
grand général, par son activité, par pénible que dangereuse, il arrive de
son courage , par sa présence d’esprit, vant Eryx, l’emporte d’assaut, égorge
par son habileté à saisir l’occasion, une partie de la garnison ,‘ et fait con
savait, avec des forces inférieures, con duire le reste à Drépane.
server toutes les places qu’il avait pri A partir de ce moment, cette petite
ses , inquiéter ce les des ennemis, et montagne fut l’étroite arène où se dé
balancer en Sicile la fortune et la puis battirent les destins des deux plus
sance de Rome. Il résolut de secourir grandes républiques du monde. Amil
Lilybée, qui, bloquée par terre et par car, placé entre deux corps ennemis ,
mer , était en proie au découragement était assiégé par celui qu’il dominait,
et à la famine, et il y réussit par cet tandis qu il assiégeait lui-même le
adroit stratagème. Il ordonna à une camp placé au-dessus de sa tête. Les
partie de sa flotte de se tenir en pleine Romains , retranchés sur le plateau de
mer et de manœuvrer comme si elle la montagne , bravaient tous les périls
avait le dessein de pénétrer dans Lily et supportaient toutes les privations
bée. Dès que les Romains l’eurent avec une persistance opiniâtre. Les
aperçue, ils sortirent pour aller au carthaginois, par une constance qui
devant d’elle. Aussitôt Amilcar, avec tient du prodige, quoiqu’ils fussent de
trente de ses vaisseaux , qu'il avait toutes parts entourés par les ennemis,
tenus soigneusement cachés ,‘ se saisit quoiqu ils ne pussent se procurer de
du port, y fait entrer des vivres et des vivres que par un seul point de la côte
secours, et pourvoit à tous les besoins dont ils étaient maîtres , restaient iné.
de la garnison, dont sa présence relève branlables dans cette position sans
et fortifie encore le courage. exemple. Les deux peuples, par la
_ VINGT-UNIÈME ANNEE DELAGUEBRE; proximité de leurs camps, exposés à
PRISE DE LA VILLE D‘EnYx PAR AMiL des travaux et à des périls sans cesse
cAn; IL s’v MAINTIENTPENDANT DEUX renaissants, réduits tous les jours et
ANs ENTRE DEUX ABMÉBS BOMAINES; presque tous les instants à craindre ou
244 AvAN'r L’EnE VULGAIBE. -— L’an a soutenir le combat, à éviter les pié
née suivante , Amilcar, toujours infa ges ou à repousser l’ennemi , s‘étaient
tigable , conçut une entreprise encore volontaii ment condamnés à des souf
plus hardie. Les Romains , comme frances au-dessus des forces humaines.
nous l’avons rapporté, s‘étaient em Le manque de repos, la privation d’a
liments epuisaient leur vigueur sans
(') A. Manlius Torqualus et C. Sempro abattre leur coura e. Toujours égaux
nius Blæsus. et toujours invinci les, ils soutinrent'
62
pendant deux ans cette lutte acharnée, DEnNIEiIE ANNÉE DE LA GUERRE;
sans qu'aucun d'eux se rebutât de ses BATAILLE NAVALE DEs ILEs EGATEs;
défaites ou pût forcer l'autre à lui cé VICTOIRE DEs RoMAlNs; 242 AVANT
der la victoire. L’ÈEE CHRÉTIENNE. — Au commence
VINGT-DEUXIÈME ANNÉE DE LA ment du printemps, le consul Lutatius,
GUERRE; DÉFECTION DEs MERCENAIe ayant rassemblé tous les vaisseaux de
nEs cAETn AGiNoIs; BÉTABLISSEMENT la république et ceux des particuliers,
DE LA MAnINE ROMAINE; 243 AVANT passa en icile avec trois cents galè
L’ÈEE CHRÉTIENNE. — L'arrivée des res et sept cents bâtiments de trans
nouveaux consuls (*) ne changea point port. Il s'empara, sans trouver de
la face des affaires. La guerre se résistance, des ports de Drépane et de
continuait sur le même terrain avec Lilybée, parce que les carthaginois,
la même opiniâtreté et la même alter qui étaient loin de s'attendre à l'ar
native de revers et de succès , lorsque rivée d'une flotte romaine, s'étaient
les Gaulois et quelques autres corps retirés en Afrique avec tous leurs vais
de troupes mercenaires i étaient au seaux. Encouragé par cet heureux dé
service de Carthage,‘ m contents des but, le consul fit les approches autour
retards apportés au payement de leur de Drépane, et disposa tout pour le
solde, formerent le complot de livrer siége. Mais, en même temps, ce géné
aux Romains la ville d'Éryx, où ils ral , dont l'activité égalait la prudence,
étaient en garnison. Leur projet ayant prévoyant que la flotte punique ne
échoué, ils assèrent dans le camp des tarderait pas à paraître, et persuadé
consuls et urent les premiers étran que l'issue de cette longue guerre dé
gers admis à porter les armes au ser pendait d'une bataille navale, employait
vice de la république romaine. Cette tous les moyens pour préparer la vie
défection, qui diminuait les forces d'A toire. Il exerçait sans relâche les mate
milsar, sembla redoubler encore son lots, les rameurs et les soldats de ses
courage et son énergie. Ce général, galères, les formait à toutes les évo
qu'on ne pouvait ni surprendre par la lutions, les accoutumait à toutes les
rusefni dompter par la force, sutencore manœuvres, et enfin, par ces leçons
opposer une si vigoureuse résistance sans cesse répétées , il parvint, en peu
aux Romains, que ceux-ci, déses erant de temps, à leur donner une instruc
d'achever la conquête de la Sici e avec tion et une expérience presque égales à
leurs seules forces de terre , revinrent celles de leurs ennemis.
au projet de rétablir leur marine. V Cependant, les carthaginois, surpris
Mais la longueur de la guerre avait de'l'audace des Romains, qui venaient
épuisé le trésor public, et le_ peu d'ar de reprendre la supériorité sur mer,
ent qui restait suffisait a peine à songèrent sur-le-champ à ravitailler le
Fentretien des légions. L'amour de la camp d'Éryx. Dans ce but, ils firent
patrie et la générosité des principaux passer en Sicile , sous le commandement
citoyens suppléerent aux ressources d’Hannon, une flotte de quatre cents
qui man uaieiit à l'État. Grâce aux vaisseaux , chargés d'argent, de vivres
contributions volontaires de tous les et de munitions de toute espèce. Le
ordres de la république, Rome, en dessein d’Hannon était d'aborder près
peu de temps , arma une llotte de deux d'Eryx à l'insu des ennemis, d'y dé
cents alères à cinq rangs de rames. charger ses vaisseaux , de renforcer son
Elles urent construites sur le modèle armee navale par les vétérans aguerris
de celle qu'on avait prise à Annibal le qu'Amilcar lui fournirait, et d'aller
Rhodien, et l'on apporta les soins les ensuite, avec ce général, combattre la
lus attentifs à leur fabrication et à flotte romaine. Ces mesures .étaient
eur équipement. bien prises , si la vigilance de Lutatius
ne les eût déconcertées. Le consul,
(') C. Fundanius Fundulus et C. Sulpi ayant deviné les projets de l’ennemi, .
tius Gallus. fit embarquer sur sa flotte l'élite de ses
CAR'I'HAGE. . 63
légions , et lit voile vers É use, île si mis en mer une flotte équipée à la hâte,
tuée entre Drépane et Lily ée, d’où il et où tout accusait l'incurie et la pré
aperçut de loin la flotte ennemie. Il cipitation : soldats et matelots, tous
avertit les pilotes et les soldats de se mercenaires nouvellement levés , sans
préparer our combattre le lende expérience , sans courage, sans zèle
main, et es exhorta à bien faire leur pour la patrie, comme sans intérêt
devoir. pour la cause commune. Aussi la vie
Mais, au point du jour, voyant que toire ne fut pas longtemps incertaine.
le vent lui était aussi contraire qu'il Les Carthaginois plierent detous côtés
était favorable aux carthaginois, et dès la première attaque. Ils perdirent
ne la mer était extrêmement agitée, cent vingt galères, dont cinquante fu
i hésita d'abord sur le parti qu'il de rent coulées à fond, et soixante-dix
vait prendre. Cependant, il calculaque furent prises avec ceux qui les mon
si, malgré ces désavantages , il enga taient, au nombre de dix mille hommes.
geait de suite la bataille, il n'aurait à Le reste s'échappa , secondé par le
lutter que contre Hannon lui seul, vent, qui, ayant changé tout à coup,
contre des vaisseaux incomplètement favorisa leur fuite. Lutatius conduisit
armés, et. embarrassés d'un charge à Lilybée les vaisseaux et les prison
ment considérable de munitions et de niers dont il s'était emparé.
vivres, tandis que s'il attendait le cal TRAITÉ DE PAIX ENTRE ROME ET
me et laissait Hannon se joindre avec CABTHAGE. — Telle fut la célèbre ba
le camp d'Éryx, il lui faudrait com taille des îles Égates.Quand la nouvelle
battre contre des vaisseaux allégés du en fut portée à Carthage, elle y causa
poids de leur cargaison , contre l'élite d'autant plus de surprise qu’on s’y était
de l'armée de terre, et, ce qui était en moins attendu. Le sénat ne manquait ni
core plus formidable que tout le reste, de volonté ni de constance pour soute
contre le génie et l’intrépiditéd’Amil nir la guerre; mais il n’cntrevoyait
car. Ces motifs l'emportèrent dans son aucun moyen de la continuer. En effet
esprit, et le déterminèrent à saisir l'oc les Romains, étant maîtres de la mer,
casion présente. on ne pouvait envoyer à l'armée d'E
Comme les ennemis approchaient ryx ni vivres ni secours : abandonner
à pleines voiles, il lève l'ancre et s'a cette armée à ses propres ressources,
vance à leur rencontre. L'adresse et la c'était la livrer à l'ennemi; et dès lors
vigueur de l’équipage se jouent de la il ne restait plus à Carthage ni géné
résistance des vagues. La flotte se raux ni soldats. Dans cette extrémité,
range sur une seule ligne, la proue le sénat donna à Amilcar plein pouvoir
tournée vers l'ennemi. Les Carthagi d'agir comme il le jugerait convenable
nois, voyant ne les Romains leur our l’intérêtdela république. Ce grand
fermaient le c emin d'Eryx, serrent Iomme, tant qu'il avait entrevu quel
Leurs voiles et se préparent au com que lueur d'espérance,avaitfait tout ce
at. qu'on pouvait attendre du courage le
Mais ce n'étaient plus, de part et plus intrépide et de l‘expérience la plus
d’autre, ces mêmes flottes qui avaient consommée. Il avait disputé la victoire
combattu à Drépane; aussi le succès avec une constance et une opiniâtreté
devait-il être différent. Les Romains sans exemple. Mais lorsqu'il vit que
avaient fait de grands progrès dans la résistance devenait impossible, que
l'art de construire les vaisseaux. Leurs la paix était le seul moyen de sauver sa
équipages étaient formés d'excellents patrie et les soldats qui avaient partagé
matelots, de rameurs exercés et de ses travaux, il sut, en homme sage,
soldats choisis parmi les plus braves céder à l'impérieuse nécessité, et dé
de l'armée. Les Cartha inois, au con ploya autant de prudence et d'habileté
traire, trop confiants ans leur supé dans les négociations, qu'il avait mon
riorité, avaient depuis longtemps né tré de valeur et d'audace dans le com
ligé leur marine. Au premier bruit de mandementdes armées. 1l cave a donc
armement des Romains, ils avaient au consul Lutatius des députés char
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gés de lui faire des propositions de paix juger des efforts incroyables que firent
et d’alliance. les deux peuples, lorsqu'on les voit, à
Le consul, jaloux d’enlever à son la fin de la guerre, après les pertes
successeur la gloire de terminer une immenses éprouvées de part et d’au
guerre si importante, accueillit avec tre (‘), réunir dans une même bataille
joie ces ouvertures. Il savait d’allleurs navale sept cents galères à cinq rangs
que les forces et les finances de la ré de rames. Une é ale passion de domi
publique étaient épuisées; que le_peu ner animait les eux républiques. De
ple romain était las d’une lutte SI lon là, même audace dans les entreprises,
ue et si difficile. Il n’avait pas oublié même activité dans l’exécution, même
es funestes suites de la hauteur inexo constance dans les revers. Les Cartha
rable et imprudente de Ré ulus. Aussi, ginois l’emportaient ar la science de
il ne se montra point dif cile, et con la marine, par l’habi eté dans la cons
sentit à la paix aux conditions suivan truction des vaisseaux, par la préci
tes : que les Carthaginois évacueraient sion et la rapidité des manœuvres , par
entièrement la Sicile ; qu’ils ne feraient l‘expérience des pilotes, parla connais
la guerre ni contre HIéron et les Sy sance des côtes , des plages, des rades
racusains , ni contre leurs alliés; qu’ils et des vents; enfin par leurs riches
rendraient sans rançon aux Romains ses qu’alimentait un commerce floris
tous les prisonniers et les transfuges; sant , et qui leur donnaientles moyens
qu’ils leur ayeraient , dans l’espace de de subvenir à tous les frais d’une guerre
vingt ans , eux mille deux cents talents longue et dispendieuse. Les Romains
euboiques d’argent (*). n’avaient aucun de ces avanta es ;
Lutatius avait d’abord exigé ne les mais le courage, le zèle pour le ien
trou s qui étaient dans Éryx ivras public , l’amour de la patrie , une noble
sent eurs armes. Amilcar déclara qu’il émulation car la gloire, un vif désir
ne rendrait jamais aux ennemis _de son d'étendre eur domination , leur te
pays des armes que son pays lui avait naient lieu de tout ce qui leur man
confiées pour le défendre, qu’il perr quait d’ailleurs.
rait lui-même, qu’il laisserai périr sa Quant aux soldats, l’armée romainc
patrie plutôt que d’y retourner cou était bien supérieure à celle de Car
vert d’une areille Ignominie. Cette thage pour le courage et la discipline.
généreuse résistance força le consul à Quant aux généraux, aucun Romain ne
céder. peut être comparé à cet Amilcar, qui,
Ce traité, expédié à Rome, ne fut arrivé en Sicile au moment où les af
pas d’abord accepté par le peuple..0n faires étaient presque désespérées , les
envoya dix commissaires sur les lieux rétablit par les seules ressources de
pour examiner de plus pres l'état des son génie, sut, avec des forces infé
affaires. Ceux-ci ne changèrent rien a rieures, déjouer endant cinq années
l’ensemble du traité. Ils ajoutèrent seu entières tous les e forts de la puissance
lement aux premières conditions, ne romaine, et qui même, lors ue Carthage
les Carthaginois payeraient su_r- e succomba , eut la gloire e n’être pas
champ mille talents pour les frais de vaincu. Dans tout le cours de cette
guerre, et deux mille dans les dix ans guerre, il n’a paru chez les Romains
nées suivantes, et qu’ils abandonne aucun général dont les talents écla
raient toutes les îles situées entre la tants aient pu être regardés comme la
Sicile et l’Italie 0'"). cause de la Victoire, en sorte que c’est
Ainsi fut terminée l’une des lus uniquement par la force de sa consti
longues guerres dont il soit parlé ans tution et par ses vertus nationales que
l'histoire; elle dura près de vingt-qua Rome a triomphé de Carthage.
tre ans sans interruption. On peut (') Dans le cours de cette guerre, les
Romains perdirent, soit parles combats, soit
(') Environ 11 millions. par les naufrages, 700 vaisseaux de guerre,
("') Excepté la Sardaigne et la Corse. et les Carthaginois 500.
CARTIIAGE. 65
GUEnnE DE Lmva on coNTnn mettre un terme, entra en négocia
LES MEacENAmEs DE 240 A 237 tion avec leurs officiers. Il fut con
AVANT J. C. — A la guerre que les vcnu que les soldats, après avoir reçu
carthaginois venaient de terminer chacun une pièce d'or pour _les besoins
contre les Romains en succéda im les plus pressants, se retlreralent à
médiatement une autre, moins lon Sicca, qu’ils y attendraient l’arrivée'
gue, mais non moins dangereuse, du reste de leurs camarades, et qu'a
ui atta ua le cœur de l’Etat, et qui lors on leur payerait tous les arré
ut soui lée par des actes de barbarie rages qui leur étaient dus.
et de cruauté sags exemple. C’est celle A cette imprudence, on en a'outa
qu’ils eurent à soutenir contre les une autre, ce fut de les forcer ‘em
soldats mercenaires qui avaient servi mener avec eux leurs bagages, leurs
en Sicile et contre les Numides et les femmes et leurs enfants qu’ils deman
Africains qui étaient entrés dans leur ' daient à laisser, suivant la coutume,
révolte. Cette guerre où les Carthagi dans les murs de la capitale,_et qui
nois tremblèrent plusieurs fois, non auraient été des gages certains de
seulement pour la possession de leur leur fidélité. .
territoire, mais encore pour leur pro Lorsqu’ils furent réunis à Sicca,
pre salut et celui de Carthage, prouve ces hommes qui avaient été si long
combien il est dangereux pour un temps privés des douceurs du repos
État de s’appuyer avec trop (le con s'y livrèrent avec délices, et l’oisi
fiance sur des troupes étrangères et veté, mère des séditions, si dange
sur des soldats soudoyés. Voici quelle reuses surtout parmi les troupes étran
en fut l’occasion. ères, relàclxa tous les liens de la
CAnsEs DE LA GUERRE. — Aussitôt iscipline. Ils uccupaient leurs loisirsà
après que le traité avec les Romains calculer les sommes que la république
eut été conclu et ratifié, Amilcar leur devait. Ils grossissaient leurs
conduisit à Lilybée les troupes du créances de toutes les promesses qu’on
camp d’Éryx, et, s’étant démis du leur avait faites dans les occasions
commandement, laissa à Giscon, périlleuses , et les considérant comme
gouvemeur de la place, le soin de les des titres d’une validité incontestable,
faire passer en Afrique. Celui -ci, ils s’encourageaient les uns les autres
par une sage prévoyance, fit partir à en exiger le pa ement. Enfin leur
ces troupes par corps détachés et à avidité, se livrantatoute l’exa ération
des intervalles assez éloignés l'un de de ses espérances, jouissait éjà par
l’autre, pour que les premiers venus avance du bonheur et des avantages
pussent recevoir l’arriéré de leur qui devaient métro le fruit. I
solde, et être renvoyés chez eux avant COMMENCEMENTS DE LA uEvoLTE;
l’arrivée des autres. Le gouvernement LEs MERCENAIRES voNT cAMPEn A
de Carthage n’imita as la prudence TUNIS; 240 ANs AVANT L’ÈBE cann
de Giscon. Comme e trésor public TIENNE. — Quand les derniers corps
était‘ épuisé par les dépenses d’une furent arrivés de Sicile et que l’armée
longue guerre, on ne’ se pressa as tout entière fut réunie à Sicca ,
de payer les troupes à mesure qu’e les Hannon, gouverneur de la province,
arrivaient, au contraire on attendit leur fut envoyé ar le sénat de Car
qu’elles fussent toutes réunies a Car thage. Celui-ci, oin de satisfaire l'at
tiage, dans l’espoir qu’elles consenti tente et les prétentions exorbitantes
raient à une diminution surle montant des mercenaires, alléguant l'épuise
de leur solde. Mais ces vieux soldats, ment des finances de la république, et
nourris dans le tumulte de la guerre l'énormité des tributs imposés par
et accoutumés à toute la licence des l’ennemi, les supplia de consentir à
camps, troublaient nuit et jour la paix une réduction sur le montant de la
de la cité par leurs dérèglements‘ et solde qui leur était légitimement due.
leurs violences. Le sénat, pour y A peine a-t-il prononcé ces mots que
5' Livraison. (CARTHAGIL) à
66
la sédition éclate dans cette soldatesque contraire de ce qu’Hannon avait pro
avide et indisciplinée. Des groupes, posé. De là, l’inntilité de ses tentatives
des conciliabules se forment. D’abord , partielles, et partout l’incertitude, le
les soldats de chaque nation s’assem désordre et la méfiance.
blent séparément; bientôt toutes les Outre leurs autres sujets de plainte,
nations réunies ne forment qu’un les mercenaires reprochaient encore
attroupement général. La différence aux carthaginois d’avoir écarté à des
de peuples, la diversité de langages, sein les généraux qui avaient partagé
l’impossibilité de s’entendre l’un l’au leurs glorieux travaux en Sicile, et
tre, jettent dans cette multitude in leur avaient fait de magnifiques pro
' cohérente un trouble et une confusion messes, pour leur envoyer un homme
inexprimables. qui ne s’était trouvé à aucun des com
Si les carthaginois, dit Polybe. bats où ils s’étaient signalés. Enfin,
dans la com osition de leurs armées transportés de colère, pleins de mé
ont eu pour ut de prévenir les asso pris pour IIannon, de défiance pour
ciations et les révoltes générales, et eurs officiers, ils partent sur-le-cham ,
de rendre les soldats moins redou marchent sur Carthage au nombre e
tables pour leurs chefs, ils ont eu plus de vingt mille, et vont camper
raison de les former constamment de près de Tunis, 21 120 stades de la ca
troupes choisies parmi des nations pitale.
différentes. Mais lorsque la haine CoNsrEnNA'rIoN DES CARTHAGI
couve au fond des cœurs, que la NOIS; EXIGENCES DES nEvoL'rEs.
colère s’allume, que la sédition éclate; —- Alors les carthaginois reconnurent
lorsqu’il faut apaiser, éclairer, ra leurs fautes , lorsqu’il était trop tard
mener au devoir les esprits égarés, our les réparer. Dans la frayeur où
c’est alors qu’on sent tout le vice es jeta le voisinage de cette armée, ils
d’une institution pareille. De sem se résignèrent a tout céder, à tout souf
blables armées, lorsque la rébellion frir pour apaiser sa fureur. On en
les soulève , ne mettent point de bor voyait en abondance aux mercenaires
nes à leur fureur. Ce ne sont les des des vivres dont ils taxaient eux-mêmes
hommes; ce sont des bêtes éroces, le prix à leur gré. Chaque jour le sénat
dont la rage forcenée se livre à tous leur députait quelques-uns de ses mem
les excès d’une barbarie im itoyahle. bres pour les assurer qu’ils n’avaient
Les carthaginois en firent ans cette qu’à demander; qu’on était prêt à
occasion une triste expérience. Il y tout faire pour eux, pourvu que ce
avait dans cette multitude des Espa qu’ils demanderaient fut possible. Ce
gnols, des Gaulois, des Liguriens, pendant ils ajoutaient chaque jour à
des Baléares, des Grecs de toutes les ’exigence de leurs prétentions. La
nations, la plupart transfuges ou es terreur et la consternation u’ils li
claves, et surtout un rand nombre saient sur le front des Cart aginois
d‘Africains. Les assem ler dans un augmentaient leur audace et leur in
même lieu , et leur arler à tous en solence. Ils se persuadaient d’ailleurs
même temps , était c ose impossible; qu’aucun peuple du monde , à plus forte
les haranguer séparément et par na raison les carthaginois , n’oserait ris
tion ne l’était pas moins, aucun gé quer le combat contre des vétérans
néral ne possédant tant de langues di qui, si longtemps en Sicile, avaient
verses.‘ Il ne restait à Hannon que le rivalisé de gloire et de succès avec les
moyen d’employer les officiers pour légions romaines. A peine fut-on d’ac
faire entendre ses propositions aux cord sur le montant de la solde qu’ils
soldats. C’est celui qu’il adopta. Mais, demandèrent le prix des chevaux qu’ils
parmi ces officiers, les uns ne com avaient perdus. Cette proposition ad
prenaient pas ce qu’il leur disait; les mise , ils
argent le exigèrent qu’on
blé qui leur leurdfll ayât
était en
depuis
autres, soit par ignorance, soit par
malice, rapportaient aux soldats le longtemps, au plus haut prix qu’il s’e
CARTHAGE. 61
tait vendu pendant la guerre. C'étaient La crainte de tomber entre les mains
tous les jours de nouvelles exigences des Romains qui, d'après leurs lois,
que les brouillons et les séditieux dont auraient puni sa désertion des plus
cette soldatesque était remplie met cruels supplices, le porta à tout entre
taient en avant pour traverser les né prendre pour rompre l'accommode
gociations. Enfin , le sénat se mon ment. L'autre étaitun Africain nommé
trant disposé à les satisfaire dans tout Mathos . homme de condition libre , et
ce qui n'était pas impossible, obtint, qui avait aussi servi dans l'année,
par cette condescendance , qu'ils accep mais qui, ayant été l'un des principaux
teraient pour médiateur l'un des gé instigateurs de la révolte, s'attendait
néraux qui avaient commandé en Si à servir d'exemple, et à payer de sa
cile. tête le crime qu'il avait conseillé. Cette
GISCON EST CHOISI POUR AEm'rnE; communauté de craintes unit d'un lien
MATHos ET SPENDIUS ROMPENT LEs étroit ces deux hommes pervers. Ma
NEGociATwNs; ILS SONT ÉLUS CHEFS thos, de concert avec Spendius, se
DES MEncENAmEs. — Amilcar sem présente aux Africains. Il leur per
blait désigné pour cette fonction. Mais suade que sitôt que les troupes étran
il leur était suspect , parce que, s'étant gères auront reçu leur solde et se se
démis volontairement du commande ront retirées chacune dans leur pays ,
ment des armées, et n'ayant pas de restés seuls et sans défense , ils devien
mandé à être chargé de négocier avec dront les victimes de la colère des Car
eux , il semblait avoir abandonné leur thaginois, qui se vengeront sur eux de
cause. Giscon , au contraire, ui avait la révolte commune. A ces mots les
servi en Sicile , et qui, dans p usieurs esprits s'échauffent et s’irritent; et
circonstances , surtout à l'occasion de comme G iscon n'acquittait que l'arriéré
leur retour, avait pris à cœur leurs in de la solde, et remettait à une autre
térêts , s'était acquis leur confiance et époque le payement du prix des che
leur affection. Ils le choisirent donc vaux et du blé , ils saisissent avidement
our arbitre de leurs différends avec ce léger prétexte, s'attrou ent en tu
république. On fournit à Giscon l'ar multe, et s'élancent vers a place où
gent nécessaire. Il part de Carthage et se tenait l'assemblée.
débarque à Tunis. Il s'adresse d'abord Là, lorsque Spendius et Mathos se
aux chefs, et fait ensuite rassembler répandaient en invectives contre Gis
les soldats par nation. Alors , em con et les carthaginois, ils accueillaient
ployant des paroles douces et insi leurs discours avec une bienveillance
nuantes , il leur fait de légers re roches attentive. Mais si quelque autre se pré
sur leur conduite passée , leur ait sen sentait à la tribune pour leur donner
tir tout le dan er de leur situation pré des conseils , ils ne prenaient pas seu
sente, leur onne de sages conseils lement le tem s de s'instruire s'il était
our l'avenir, et les exhorte à renouer contraire on avorable à leurs chefs , et
es liens d'une ancienne affection avec l’accablaient d'une grêle de pierres
un État qu'ils ont servi si lon temps , avant même qu'il eût pu se faire en
et dont ils ont reçu tant é bien tendre. Plusieurs particuliers et un
faits. 4 grand nombre d'officiers périrent dans
Enfin, il se disposait à payer toutes ce tumultueux conciliabule où le mot
les dettes arriérées, lorsque deux sé frappe! quoique différent dans chaque
ditieux , rom ant l'accord qui commen langue, était le seul qui fût compris
çait à s'éta lir , remplirent tout le par toutes ces nations diverses, parce
camp de tumulte et de désordre. L'un qu'il était sans cesse accompagné de
était un certain Spendius, Campanien l'action qui en expliquait le sens. Mais
de nation , d'esclave devenu transfuge, c'est surtout lorsque échauffés par l'i
homme qui s'était distingué dans l'ar vresse , ils se réunissaient après le re
mée par sa force de corps extraordi as, que la fureur des factieux était
naire et par la témérité de son audace. e plus redoutable. A peine le mot fatal
5.
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était-il prononcé, l'imprudent ui avait à lui envoyer des secours. A son insti
osé se présenter , frappé de mil e coups gation presque tous les peuples afri
à la fois, succombait sans avoir pu ni cains se révoltèrent contre la domina
échapper, ni se défendre. Ces vio tion des carthaginois , et lui'fournirent
lences ayant écarté tous les concur des vivres et des renforts. Alors , ayant
rents , Mathos et Spendius furent choi partagé leurs troupes en deux corps,
sis pour commander l'armée. Mathos et Spendius allèrent mettre le
VIoLATioN DU DROIT DEs GENs siége devant Utique et Hippone, qui
ENvEiis GISCON ET sEs coMrA avaient refusé de prendre part à leur
GNoNs; sinon D’UTIQUE ET D'Hir rébellion.
non; 239 ANs AVANT L'EEE vuL PosI'rIoN CRITIQUE DEs CARTHA
GAIEE. — Au milieu de ce tumulte GINOIS. —— Jamais Carthage ne s'était
affreux , Giscon restait inaccessible à vue dans un si grand danger. Jusqu'a
la crainte. Décidé à se sacrifier aux in lors les revenus des propriétés parti
téréts de sa patrie , et prévoyant même culières avaient fourni à l'existence des
que si la rage de ces forcenés se dé familles; les tributs que payait l'Afri
cliaînait contre Carthage, l'existence que avaient alimenté le trésor public ,
même de la république etait menacée, et les troupes étrangères avaient tou
il accomplissait sa mission avec une jours composé l'élite de ses armées.
constance inébranlable. S'exposant à Toutes ces ressources non-seulement
tous les périls . tantôt il s'adressait aux lui manquaient à la fois , mais se tour
chefs , tantôt il rassemblait tour à tour naient contre elle et s‘unissaient pour
les soldats de cha ue nation, et s'effor l’accabler. La consternation et le dés
çait de calmer eurs ressentiments. espoir s'augmentaient encore par l'im
Mais les Africains , ui n'avaient as prévu d'un tel événement. Lorsque,
encore reçu l'arriér de leur sol e, épuisés par les longs efforts que leur
vinrent en demander le payement. avait causés la guerre de Sicile, ils
Comme ils l'exigeaient avec hauteur avaient enfin obtenu la paix, ils s'é
et avec insolence, Giscon, dans un taient flattés de pouvoir respirer un
mouvement de colère, leur répondit moment, et d'employer à rétablir leurs
u'ils n'avaient qu'à s'adresser à Ma affaires les années de calme et de tran
tios, leur général. Cette réponse les quillité dont ils se croyaient assurés;
transporta d'une telle fureur, qu'ils se et voilà qu'il surgissait tout à coup
jetèrent à l'instant sur l'argent réparé une nouvelle guerre plus terrible et
pour le pa ement de leur 50 de, et plus dangereuse encore que la pre
qu'ils arrac èrent de leur tente Giscon mière. Auparavant ils n'avaient à com
et les carthaginois qui l'avaient accom battre qu'une nation étrangère; il ne
pagne’. Mathos et Spendius, persuadés s'agissait que de la possession de la
qu'un attentat public au droit des gens Sicile: maintenant c'était une guerre
était un moyen sûr d'allumer la guerre , civile où leur patrimoine. leur salut,
irritaient encore l'exaspération de cette l'existence même de Carthage étaient
multitude turbulente. Ils livrent au en péril. Ils se trouvaient sans armes,
pillage l'argent et les bagages des Car sans tr_oupes ni de terre, ni de mer,
thagino‘s , chargent de fers Giscon et sans approvisionnements pour soute
ses compagnons, et les jettent dans un nir un siége, sans argent dans le tré
cachot, après les avoir abreuvés d'ou sor public , et, ce qui mettait le comble
trages et d'ignominies. Tels furent les à leurs malheurs, sans aucune espé-
causes et les commencements de la rance de secours étrangers de la part
guerre contre les mercenaires, qu'on de leurs amis ou de leurs alliés.
a appelée aussi guerre d’4frz‘que. Du reste, ils ne pouvaient attribuer
Mathos , après cet attentat, envoya ces malheurs qu'à leur conduite passée.
des députés à toutes les villes d'Afri Ils avaient traité avec une extrême du
que pour l'es exliorter à recouvrer leur reté les euples africains pendant le
libeité , à entrer dans son alliance, et cours de a guerre précédente. Prétex
CARTHAGE. 69
tant les dépenses qu'elle occasionnait , que jour par de nouveaux renforts,
ils avaient exigé des propriétaires ru s'élevait déjà à soixante-dix mille hom
raux la moitie de leurs revenus, et mes, pressaient, sans être inquiétés
des habitants des villes le double de par l'ennemi , le siége d'Utique et
l'impôt qu'ils supportaient auparavant, d‘Hippone. En même temps ils forti
sans accorder aucune grâce ni aucune liaient avec le plus grand soin leur
remise aux plus pauvres et aux plus camp retranché près de Tunis. et cou—
misérables. Entre les gouverneurs des paient ainsi aux carthaginois toute
rovinces, ce n'étaient point ceux qui communication avec le continent de
es administraient avec douceur et avec l'Afrique. En effet , Carthage est située
humanité auxquels ils prodiguaient sur une péninsule, bordée d'un côté
leur estime, mais ceux qui faisaient par la mer, de l'autre par le lac de
entrer de lus grosses sommes dans le Tunis. L'isthme qui la joint à l'Afrique
trésor puglic, et auprès desquels les est large d'environ vin t-cinq stades.
contribuables trouvaient le moins d'ac Utique et Tunis sont îäties l'une à
cès et d'indulgence. Hannon était du l'ouest, l'autre à l'est de Carthage , et
nombre de ces derniers. Des peuples toutes deux à une petite distance de
ainsi maltraités n'avaient pas besoin cette ville. De ces deux points les mer
d'instigations pour les pousser à la ré cenaires harcelaient sans cesse les Car
volte; c'était assez qu'on annonçât un thaginois. Le jour, la nuit, à chaque
soulèvement pour pu’ils fussent prêts instant, ils poussaient leurs excursions
à s'y joindre. Les emmes mêmes qui jusqu'au pied des murailles, et répan
avaient eu'souvent la douleur de voir daient le trouble et la consternation
traîner en- rison par les collecteurs parmi les habitants.
des impôts eurs maris et leurs pères, Hannon était habile et actif dans
montreront pour leurs vengeurs un l'organisation et dans l'administration
dévouement unanime. Elles se dépouil d'une armée; mais; en présence de
lèrent avec empressement de leurs bi l'ennemi , c'était un homme tout diffé
joux et de leurs parures, et en consa rent. Alors il ne montrait ni sagacité
crèrent le produit aux frais de la guerre; pour faire naître les occasions , ni éner
de sorte que Mathos et Spendius , gie pour en profiter, ni vigilance pour
après avoir payé aux soldats ce qu'ils se garantir des surprises. Ce général
leur avaient promis pour les engager s'était avancé au secours d'Utique. Il
à la révolte, se trouvèrent encore en remporta d'abord un avantage qui au
état de fournir abondamment à toutes rait pu devenir décisif, mais dont il
les dépenses de l'armée. , profita si mal, u'il aurait pu causer la
HANNoN , NOMMÉ GENEEAL DES perte de ceux m mes qu'il était venu se
CAnTHAGINoIs, ÉPROUVE,’ PAE sA courir. Il avait amené lus de cent
FAUTE, UN ÉCHEC coNsIDEnABLE A éléphants, et, s'étant a ondamment
UTIQUE. — Cependant les carthagi pourvu de catapultes , de balistes , et de
nois, au milieu de la détresse qui les toutes sortes de traits qu'il trouva dans
accablait, trouvèrent encore des res Utiqlue, il plaça son camp en avant de
sources dans leur énergie. Ils nom la V! le, et entreprit d'attaquer les re
ment pour général Hannon , le même tranchements des ennemis. Les élé
qui, quelques années au aravant , avait phants , poussés avec im étuosité , ren
soumis Hécatompyle. I s font venir de versent tous les obstac es. Les mer
tous côtés des soldats mercenaires; ils cenaires, ne pouvant soutenir leur
enrôlent dans l'infanterie et dans la choc, prennent la fuite et abandon
cavalerie; ils exercent aux manœuvres nent leurs retranchements. Un grand
tous les citoyens en âge de porter les nombre périt victime de la fureur de
armes; enfin ils équipent, sans perdre ces animaux redoutables. Ceux qui
de temps, tout ce qui leur restait de parvinrent à s'échapper se retirè
vaisseaux. De leur côté, Mathos et rent sur une colline escarpée et cou
Spendius, dont l'armée , grossie cha verte d'arbres, qui leur parut une posi
70
tion avantageuse et facile à défendre. AmLcAn BAncA, NOMMÉ AU cou
Hannon , accoutumé à faire la guerre MANDEMENT DE L’AEMEE A LA PLACE
contre des Numides et des Africains, D’HANNON , REMPORTE sUn LEs MER
ni, au premier échec, prenaient la cENAInEs UNE VICTOIRE sIcNALÉE,
uite et se dispersaient à deux ou trois FAIT LEVER LE sIEcE D’UTIQUE ET
journées de distance, crut que la vie s’EMPAEE DE PLUSIEURS VILLES,
taire était complète et qu’il n avait plus 238 AVANT L’EnE vULGAInE. — Les
d’ennemis à combattre. Préoccupé de Cartha ‘nois , ayant enfin reconnu l’in
cette idée, il ne songea plus à veiller capacit d’Hannon, rendirent à Amil
ni sur la discipline de son armée ni sur car, surnommé Barca, le commande
la défense de son camp. Il entra dans ment de l’armée. Ils le chargèrent de
la ville et se livra en pleine sécurité la conduite de la guerre‘; ils lui don
au repos et aux plaisirs. nèrent soixante-dix éléphants , tous les
Les mercenaires qui s’étaient retirés soldats étrangers qu’ils avaient pu ras
sur la colline étaient ces mêmes vété sembler, tous les transfuges et les
rans auxquels , dans une longue confra troupes d’infanterie et de cavalerie
ternité d’armes, Amilcar avait trans qu’ils avaient levées dans la ville. Cette
mis son audace. Pendant les campagnes petite armée s’élevait à peine à dix mille
de Sicile, ils s’étaient instruits par ommes. Dès sa première action il se
son exemple à‘ soutenir avec fermeté montra digne de son ancienne renom
toutes les vicissitudes de la guerre. mée, et remplit les espérances que sa
Plusieurs fois, dans le même jour, on nomination avait fait naître parmi ses
les avait vus faire retraite devant l’en concitoyens. A peine sorti de Carthage,
nemi, changer de front brusquement il tombe à l’improviste sur ses enne
pour l’attaquer à leur tour, et ces pé mis, et les frqppe d’une si grande ter
rilleuses manœuvres leur étaient deve reur que, per ant toute confiance, ils
nues familières. Alors, ayant appris(que abandonnent le siège d'Utique. L'im
l’ivresse de la victoire avait Intro uit portance de cet événement exige quel
dans l’armée ennemie la négligence et ques détails.
l’indiscipline, que le énéral s'était re Le col étroit de l’isthme qui joint
tiré dans la ville, que es soldats s'écar Carthage à l’Afrique est entouré de
taient sans précaution de leurs retran collines escarpées et d’un accès diffi
chements, Ils se forment en ordre de cile, sur lesquelles l’art a pratiqué des
bataille, viennent fondre sur le cam chemins qui ouvrent des communica
des Carthaginois, en tuent un gran tions avec le continent. Mathos avait
nombre, et forcent les autres à fuir fortifié avec soin tous les passaves de
honteusement jusque sous les murs de ces collines susce tibles de dé ense.
la ville. Ils s’emparèrent de tous les ba Indépendamment e ces fortifications
gages, de toutes les armes et de toutes naturelles, le Baccara (*), fleuve pro
les machines de siège qu’Hannon avait fond, qu’il est presque impossible de
fait sortir d’Utique, et qui, par cette traverser à gué dans cette partie de
imprudence, tombèrent au pouvoir de son cours, fermait à ceux qui venaient
ses ennemis. Ce ne fut pas la seule de Carthage le débouché dans l’inté
circonstance où ce énéral donna des rieur du pays. Ce fleuve n’avait qu’un
preuves d’incapacite. Quelques jours seul pont dont les mercenaires avaient
plus tard, comme il était campé près fortifié les abords, et au-dessus du uel
de la ville de Gorza, en face des enne ils avaient même construit une vile,
mis, l’occasion se présenta de les dé de sorte que non-seulement une armée,
faire deux fois en bataille rangée et mais même un homme seul ne pouvait
deux fois par surprise, et cependant, sortir de l’isthme sans être aperçu des
uoiqu’il fût à portée d’observer les ennemis.
antes de ses adversaires et d’en pro Amilcar, toujours attentif à saisir
fiter, il laissa toujours échapper ces
occasions décisives. (‘l 0u Basradn
CARTHAGE. 1.
les occasions que lui présentaient le valerie, rompent leurs rangs et la
temps et la nature des lieux , et voyant oursuivent avec impétuosité. Mais
l’impossibilité de débusquer l’ennemi l)orsque les cavaliers, faisant tout à
par la force, imagina cet expédient coup volte-face, se déployèrent sur les
pour ouvrir un passage à son armée. deux ailes de l‘infanterie qui s’avançait
Il avait observé que lorsque le ,vent en ordre de bataille, la terreur se ré
soufflait d'un certain oint pendant pandit parmi les Africains. L’ardeur
quelques jours, le lit u fleuve était Inconsidérée de la poursuite avait jeté
obstrué par le sable et qu’il s’y formait le désordre dans eurs rangs; aussi
une espece de banc uI permettait de n’opposèrent-ils presque aucune résis
le traverser à gué pr 5 de son embou tance; du premier choc ils furent mis
chure. Il tint son armée prête à se en fuite, culbutés les uns sur les au
mettre en marche, et sans s’ouvrir de tres, foulés aux pieds des chevaux et
son dessein à‘ personne, il attendit des éléphants, qui les pressaient sans
patiemment la circonstance favorable. leur donner le temps de se rallier. Six
Les vents soufflent; le gué se forme; mille hommes , tant Africains que mer
il part la nuit avec toutes ses troupes, cenaires, restèrent sur le champ de
et se trouve au point du jour de l’autre bataille. On lit deux mille prisonniers;
côté du fleuve, sans avoir été aperçu le reste se sauva, les uns dans la ville
de l’ennemi. La réussite de cette au bâtie au-dessus du pont, les autres
dacieuse entreprise frappa d’étonne dans le camp d’Utique. Amilcar, pro
ment et les mercenaires et les Cartha fitant de sa victoire, poursuit les
ginois eux-mêmes qui la croyaient fuyards sans relâche, et s’empare de la
Impossible. Amilcar poursuit sa route ville qui défendait le pont du Baccara
à travers une plaine découverte, et se et que les mercenaires avaient aban
dirige vers le pont qui était occupé par donnée pour se retirer à Tunis. En
En détachement de l’armée de Spen suite, s’avançant dans l. pa s, il se
Ius. rendit maître de plusieurs villes, dont
Celui-ci , instruit de l’approche d’A les unes se rendirent à composition et
milcar, fait sortir dix mille hommes les autres furent prises de vive force.
de la ville bâtie au-dessus du pont, et Par ces heureux succès il releva le cou
s’avance en rase campa ne à la ren rage et la confiance des carthaginois,
contre du général cartiaginois. En qui naguère désespéraient entièrement
même temps ceux qui assiégeaient Uti du salut de leur patrie.
que, au nombre de plus de quinze AMILCAR EsT BESSBBBÉ PAR LEs
mille, se hâtent d’arrIver au secours MEBCENAIRES DANs UNE POSITION
de leurs camarades. Ces deux corps DANGEREUSE; IL EN soRT PAR LE sn
d’armée réunis s’exhortent, s’encoura cOURs D‘UN CHEF DE NUMIDEs, QUI
eut à saisir l’occasion favorable et ABANDONNE LA cAUsE DEs BÉVOLTÉS
Ondent sur les carthaginois. POUR sa JOINDRE Aux CARTRAOI
Jusque-là Amilcar avait conservé NOIs. —- Cependant Mathos continuait
son ordre de marche, les éléphants à toujours le siège d’Hippone. Il donna
la tête; derrière eux la cavalerie et les à Spendius et à Autarite, chef des
armés à la légère; l’infanterie, pesam Gaulois, le sage conseil d’observer de
ment armée, formait l’arrière-garde. près l’ennemi, d’éviter les plaines où
Surpris par la brusque attaque des leurs éléphants et leur cavalerie don
mercenaires, il change en un moment naient aux carthaginois l’avantage , de
toute la disposition de son armée. Par suivre le pied des montagnes , de régler
un mouvement de conversion rapide, leur marche sur celle d’Amilcar, et de
il porte à la fois sa cavalerie sur les ne l’attaquer que lorsqu’ils le ver
derrières , et ramène son infanterie sur raient engagé ans quelque position
le front de bataille pour l’opposer à difficile. En même temps il expédie
l’ennemi. Les Africains, attribuant à la des messages aux Numides et aux Afri
crainte la marche rétrograde de la ca cains pour les engager à envoyer des
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renforts, et à ne pas laisser échapper telle hardiesse, l’accueillent avec ‘bien
l'occasion de recouvrer leur indépen veillance et le conduisent à leur éné—
dance. Spendius alors, ayant joint aux ral. Naravase lui dit qu’il portai une
deux mille Gaulois d’Autarite six mille affection sincère à tous les Carthagi
hommes choisis parmi les soldats de nois, mais qu’il désirait surtout être
toute nation qui étaient campés à Tu l'ami de Barca, u’il n'était venu que
nis, se met à observer la marche des dans le dessein e s'attacher à lui, et
Carthaginois et à suivre tous leurs que ‘désormais il serait le compagnon
mouvements en côtoyant toujours le dèle de tous ses périls et de tous ses
pied des monta nes. n jour qu’Amil travaux. Amilcar, frappé de la noble
car était camp dans une plaine, en confiance de ce jeune omme et de la
vironnée de tous côtés par des hauteurs franchise ingénue avec laquelle il avait
escarpées les renforts que Spendius exprimé ses sentiments, non-seulement
attendait des Numides et des Africains l’admit dans le conseil à la connais
lui arrivèrent à la fois par deux points sance de tous ses projets, mais encore
différents. Amilcar, pressé en même s’engagea par serment à lui donner sa
temps ar les Africains qui s'étaient fille en mariage, pourvu qu’il restât
retranchés en face de son camp, par les fidèle à l'alliance des Carthaginois.
Numides qui avaient pris position sur Après l’échange de ces promesses,
les derrières, ar Spendius qui mena Naravase conduisit au campd’Amilcar
çait les flancs e son armée , se trouvait deux mille Numides qu’il commandait.
enveloppé de toutes parts et n’entre ‘Renforcé par la jonction de ses.nou
voyait que des périls et des difficultés veaux allies, Barca présente la bataille
insurmontables. aux ennemis. Spendius se réunit aux
Une circonstance imprévue rétablit Africains,‘ descend dans la plaine avec
ses affaires. Les Numides avaient pour toutes ses forces .et en vient aux mains
chef Naravase, un des citoyens les plus avec les Carthaginois. Le combat fut
distingués de leur nation par sa nais long et opiniâtre; mais la victoire de’
sance et par sa bravoure. Ce jeune meura à Amilcar. Les éléphants se si
errier, nourri dans des sentiments gnalèrent dans cette journée, et la
’affection pour les carthaginois, avec rillante valeur de Naravase contribua
lesquels son père avait éte uni d’une puissamment au succès. Autarite et
étroite alliance, était encore entraîné Spendius se sauvèrent par la fuite , lais
par un vif enthousiasme pour le carac sant dix mille morts sur le champ de
tère et les exploits d’Amilcar. Jugeant bataille et quatre mille prisonniers au
donc le moment favorable pour s’ac pouvoir de l’ennemi. A rès cette vic
uérir l'estime et l'amitié de ce grand toire, Amilcar admit ans ses rangs
omme, il prend une escorte de cent ceux des prisonniers qui voulurent
cavaliers et se dirige vers le camp des s’enrôler au service de Carthage, et
Carthaginois. Arrivé près des retran leur distribua les armes qu’il avait
chements, il s'arrête avec une noble prises sur les ennemis. Quant à ceux
assurance, et fait signe avec la main qui refusèrent de prendre ce arti, il
qu’il demande à être introduit. Amil les rassembla tous dans ‘un m me lieu
car, surpris de cette démarche, lui et leur dit qu’il leur pardonnait leur
envoie un cavalier. Naravase sollicite conduite passée; qu’il leur laissait l’en
une entrevue avec le général. Celui-ci , tière liberté de se retirer chacun dans
se défiant de la foi des Numides, hési leur patrie, à condition qu’ils ne fe
tait à l’accorder. Alors Naravase remet raient plus la guerre contre Car
à un des hommes de sa suite son cheval thage; mais que ceux qu’on prendrait
et sa lance, et, plein d’une audacieuse dans la suite les armes à la main
confiance, il entre seul et sans armes devaient s’attendre aux plus‘ cruels
au milieu des retranchements ennemis. supplices.
Les Carthaginois, frappés à la fois Las CAnrHAGmoIs rEnnnN'r LA
d'étonnement et d’admiration pour une SAnnAIeNE. — Vers le même temps
CARTHAGE. 78
les mercenaires qui étaient préposés qu’en leur rendant la liberté il a en
à la garde de la ardaigne, entraînés seulement pour but d'attirer à lui par
par l'exemple de Mathos et de Spen cet appât trompeur ceux qui avaient
dius, se révoltèrent contre les Cartha encore les armes à la main, et d'exer—
ginois. Ils enfermèrent dans la cita cer sur eux tous une vengeance écla
delle Bostar leur commandant, et le tante dès qu'il les aurait en son pou
firent périr avec tous les carthaginois voir. Il ajoute encore qu’ils devaient
qui étaient avec lui. Bannon y fut en bien se garder de relâcher Giscon , s'ils
voyé avec de nouvelles troupes ur ne voulaient devenir l'objet du mépris
étouffer la sédition; mais ses s0 dats et de la risée des Cartha inois; que la
ayant passé du côté des rebelles, ceux ruine totale de leurs af aires suivrait
ci le prirent vivant, l'attachèrent à une infailliblement l'évasion de ce grand
croix, et massacrèrent tous les Car énéral, qui deviendrait sans aucun
thaginois qui se trouvaient dans l'île, oute leur ennemi le plus redoutable et
apres leur avoir fait souffrir les plus le plus acharné.
cruels supplices. Ensuite, ils attaquè Spendius parlait encore lorsqu'un
rent toutes les places l’une après l'au autre messager, qui se disait envoyé
tre, et se rendirent en peu de temps de l'armée de Tums , apporta dans l'as
maîtres de tout le pays. Mais bientôt semblée une lettre conçue dans les
la division s'étant mise entre eux et les mêmes termes que la première. A la
habitants de l'île, les mercenaires en lecture de cette lettre, Autarite s'écria
furent entièrement chassés et se réfu que leur cause était perdue s'ils se lais
ièrent en Italie. C'est ainsi que les saient prendre aux piéges que leur
artbaginois perdirent la Sardaigne, tendaient leurs ennemis. « Jamais , dit
lle d'une'grande importance par son il, je ne regarderai comme un compa
étendue, par sa fertilité et par le nom non fidèle celui ui aurait la faiblesse
bre de ses habitants. 'attendre son sa ut de leur humanité.‘
CBUAUTÉS DEs MEncENAmEs; sup N'écoutez, ne croyez, ne suivezv que
PLICE DE GISCON ET DE sEs COMPA ceux qui montrent pour les Carthagi
GNONS. — Cependant Mathos, Spendius nois la haine la plus franche et la plus
et Autarite, craignant que l'humanité déclarée. Ceux qui professent d'autres
d'Amilcar envers les prisonniers n'en sentiments , regardez-les comme des
courageât leurs soldats à la défection, ennemis et des traîtres. Pour moi_.,
résolurent de les rendre complices d'un mon avis est qu’il n'y a point de sup
nouvel attentat qui pût exaspérer la plice assez cruel pour Giscon et pour
fureur des carthaginois et_ rendre im ceux qui ont été pris avec lui; qu'il
possible toute réconciliation avec eux. faut les mettre à mort sur-le-champ;
Pour effectuer ce projet, ils réunirent et que désormais on ne doit plus faire
toute l'armée, et introduisirent dans aucune grâce aux prisonniers qui tomn
l'assemblée un courrier chargé d'une beront dans nos mains. un Autarite avait
lettre supposée de la part des révoltés une grande influence dans les assem
de Sardaigne. Cette lettre portait qu'il blées, parce que, ayant appris par un
fallait garder avec la plus grande vigi long usage à parler la langue punique,
lance Giscon et ceux de ses compagnons la plupart de ces étrangers compre
qui avaient été pris avec lui à Tunis; naient ses discours. Sa harangue obtint
qu'il se tramait secrètement dans l'ar les applaudissements et l'assentiment
mée un complot pour les faire évader. de la multitude.
Spendius, profitant de l'impression Cependant plusieurs soldats de tou
produite par cette fausse nouvelle, en tes les nations , mus par un sentiment
gage d'abord ses soldats à ne pas se de reconnaissance pour les bienfaits
aisser séduire par la feinte douceur qu'ils avaient reçus de Giscon, de—
d'Amilcar. .Il leur représente que ce mandèrent que, si sa mort était réso
n'est point par humanité que ce général lue, on lui épargnâtdu moins les tortu
a épargné la vie de ses prisonniers; res. Comme ils parlaient tous ensemble,
74
et chacun dans leur langue, on ne les L'unique moyen d'en finir était d'ex
entendit pas d'abord. Mais sitôt que terminer complétement ces barbares.
l'on eut compris qu'ils demandaient un Aussi dès ce moment ne leur fit-il
adoucissement de peine pour Giscon , plus de quartier. Les prisonniers qui
et que quelqu'un des assistants eut tombaient entre ses mains étaient ou
prononcé le mot frappe! ces malheu livrés aux bêtes , ou passés au fil de
reux furent en un instant assommés l'épée.
à coups de pierres. Spendius alors fait Déjà les carthaginois concevaient
conduire hors des retranchements Gis sur leur position de meilleures espé
con et les autres prisonniers carthagi rances, lorsque plusieurs événements
nois , au nombre de sept cents Un en inattendus vinrent changer subitement
face du camp, ces barbares leur cou la face des affaires. A peine les deux
pent d'abord les mains en commen généraux furent-ils réunis que la di
çant par Giscon , cet homme que na vision éclata parmi eux. Cette mésin
guère de proclamaient comme leur telligence non-seulement leur fit perdre
ienfaiteur, et qu'ils avaient préféré plusieurs occasions de battre l'ennemi,
à tous les Cartliaginois pour être l'ar mais encore les exposa souvent à des
bitre de leurs différends.A près les avoir surprises dont leurs adversaires au
ainsi mutilés, ils leur brisent les bras raient pu tirer un grand avantage.
et les jambes et les jettent encore vi Dans cette conjoncture, le sénat de
vants dans une fosse. Carthage décida qu'un seul général
A cette nouvelle, les carthaginois, serait chargé de la direction de la
énétrés de douleur et voulant donner guerre , et que l'armée choisirait elle‘
a Giscon et à ses compagnons une même celui des deux qu'elle 'ugerait
honorable sépulture, envoyèrent des digne de la comjnander. Ami car fut
députés aux mercenaires pour rede élu d'une voix unanime.
mander le corps de leurs malheureux En même temps, une nombreuse
concitoyens. Mais ces barbares , ajou flotte , qui leur arrivait de la Byzacène,
tant l'impiété à leur crime, refusèrent chargée de vivres et de munitions pour
de les rendre, et déclarèrent que si l'armée, périt tout entière submergée
désormais on leur adressait encore des par une horrible tempête. C'était pres
députés ou des hérauts, ils seraient que leur unique ressource depuis que
traités comme l'avait été Giscon. Sur la Sardaigne, dont ils tiraient de
le-champ il fut décrété. d'un consen grands secours, s'était soustraite à
tement unanime, que tout Carthagi leur domination.
nois qu'on prendrait dans _la suite Mais ce qui mit le comble à leur
perdrait la vie dans les supplices; que malheur, ce fut la défection d'Utiqne
tout allié des carthaginois leur serait et d'Hippone. Ces deux villes, qui
renvoyé, les mains cou ées; et cette seules entre toutes celles de l'Afrique
loi fut toujours observ depuis dans avaient résisté aux armes d'Agathocle
toute sa rigueur. et de Régulus, qui, dans la guerre
DIvIsIoNs DANS L'AEMËE CABTHA présente, avaient re oussé avec une
GINOISE ; PERTE D'UN coNvoI CONSI généreuse constance es attaques des
DÉIIABLE DE vIvnEsET DE MUNITIoNs; mercenaires‘. qui , en un mot, avaient
DErEcTIoN D'UTIQUE ET D'HIrPoNE. témoigné dans tous les temps un at
-— Amilcar, jugeant par la résolution tachement inviolable à Carthage , tout
désespérée des mercenaires combien à coup, sans le moindre prétexte,
la guerre serait difficile et opiniâtre, embrassèrent la cause de ses ennemis.
réunit à son armée les forces que com Et ce ui est presque inexplicable, c'est
mandait, sur un autre oint, un gé que, ès ce moment, elles se montrè
néral carthaginois appe é Hannon. Il rent aussi fidèles et aussi dévouées
pensait que toutes ces troupes, réunies à leurs nouveaux alliés qu’animées
en un seul corps, obtiendraient des d'une haine implacable contre leurs
succès plus prompts et plus décisifs. anciens amis. Les habitants de ces deux
CARTIIAGE. 75
cités massacrèrent et précipitèrent du avaient arrêté et conduit dans leurs
haut de leurs murailles environ cinq ports des vaisseaux marchands qui ap
cents hommes ne Carthage avait en portaientd'ltalie des vivres aux rebelles'
voyés pour les éfendre. Ils ouvrirent d’Afrique. Ils avaient jeté en prison
leurs portes aux Africains, et refusè ceux qui les montaient, et leur nom
rent même aux carthaginois, malgré bre s'élevait déjà à cinq cents lorsque
leurs instances, la faveur d’ensevelir les Romains commencèrent à mani
les corps de leurs concitoyens. fester leur mécontentement. Mais à
SIÈGE DE CAETIIAGE un as MEE la première réclamation, ceux-ci ob
cENAInEs; LEs CARTHAGINOIS IM tinrent la liberté de leurs concitoyens,
PLORENT LE SECOURS DE LEUns AL et, our ne pas se laisser vaincre en
LIÉS. — Ces circonstances favorables générosité, ils rendirent sur-le-champ
à leur cause accrurent tellement la a Carthage tout ce qui leur restait des
confiance de Mathos et de Spendius, prisonniers qu'ils avaient faits dans la
u'ils osèrent mettre le siége devant guerre de Sicile. A artir de cette
‘arthage elle-même. Amilcar alors epoque, ils s’empress rent de préve—
prend avec lui Naravase et Annibal, nir toutes les demandes des carthagi
qui avait été choisi pour remplacer nois. Ils permirent aux vaisseaux d'Ita
Hannon. Il divise ses forces en plu lie d'approvisionner Carthage de vivres
sieurs corps, ravage le pays, harcèle et de munitions, et leur défendirent
Mathos et Spendius par des escarmou d'en fournir aux rebelles. lls résisté
ches continuelles, et intercepté les vi rent aux sollicitations des mercenai
vres et les convois qu'on envoyait à leur res de Sardaigne, qui les. pressaient
armée. Dans cette occasion, comme de s'em arer de cette île, et poussè
dans beaucoup d'autres, le Numide rent m me la religieuse observance
Naravase lui rendit les phIs utiles ser des traités jusqu'à refuser de recevoir
vices. pour sujets les habitants d'Utique, qui
Cependant les Carthaginois, blo se soumettaient volontairement à leur‘
qués de toutes parts, se trouvèrent domination. Carthage trouva ainsi,
contraints d'implorer le secours de dans les secours fournis par ses al
leurs alliés. IIiéron, qui suivait d'un liés, des ressources pour soutenir le
œil attentif tous les événements de siege.
cette guerre, leur avait accordé jus LEs MEncENAInEs, coNTnAINTs DE
qu'alors avec bienveillance tout ce qu'ils LEvEn LE SIÈGE DE CAnTHAoE, SR
avaient demandé. Dans cette occasion EEMETTENT EN CAMPAGNE; 237 ANs
critique, il redoubla d’em ressement AVANT L'EEE CEEETIENNE. — Cepen.
et de zèle. Ce prince, dont a politique dant Mathos et Spendius, tout en a;
était à la fois habile et prudente, jugea siégeant Carthage, étaient eux-mêmes
bien u'il était de son intérêt d'empê assiégés. Amilcar leur coupait les vi
cher (ia ruine de Carthage. Il sentait vres, et les réduisit bientôt à une si
que, pour conserver sa domination extrême disette, qu'ils furent contrai nts
en Sicile, et maintenir son alliance de renoncer à leur entreprise.
avec les Romains, il lui importait que Peu de temps après , les deux chefs
la balance fût égale entre les deux des rebelles, ayant formé avec l'élite de
peuples rivaux, car, si l'équilibre était leurs troupes une armée de cinquante
une fois rompu, il se trouverait à mille hommes, au nombre desquels
la merci du plus fort. étaient l'Africain Zarzas et les auxiliai
Les Romains eux-mêmes, fidèles res qu'ilcommandait, reprirent leuran
observateurs du traité qu'ils avaient cienne tactique et se remirent en cam
conclu avec les Carthaginois,les avaient pagne, serrant de près Amilcar et
aidés de tout leur pouvoir, quoique observant tous ses mouvements. La
dans le commencement de la guerre crainte des éléphants et de la cavale
une querelle passagère eût altére leurs rie de Naravase les empêchait de se
relations d'amitié. Les carthaginois hasarder dans les plaines et les forçait
76
à se maintenir sur les montagnes et ces affreuses extrémités. Mais lors
dans les défilés. Dans cette cam agne, qu’ils eurent mangé tous leurs prison
les mercenaires , quoiqu’ils ne ussent niers et même leurs esclaves, aucun
inférieurs aux Carthaginois ni pour secours ne venant de Tunis, l’armée ,
l’activité ni pour le courage, éprou exaspérée par ses souffrances, éclata
vèrent souvent des échecs par l’igno en menaces contre ses chefs, Alors
rance et l’incapacité de leurs chefs. Autarite, Zarzas et Spendius résolu
AMlLCAB EXTEBMINE L’Anmân rent de capituler avec_Amilcar, et,
D’AUTAMTE ET DE SPENDIUS. — On ayant obtenu un sauf-conduit , se reua
voit par le détail des faits combien une dirent au camp des Carthaginois. Amil
tactique habile, fondée sur une pro car leur im osa ces conditions : Que
fonde connaissance du grand art de dix d'entre es rebelles, au choix des
la guerre, l’emporte sur la valeur in Carthaginiois, seraient livrés à leur
disciplinée et sur une aveugle routine. discrétion , et que les autres seraient
En etfet , lorsqu’ils s’écartaient par pe renvoyés sans armes et sans_aucun
tits détachements, Amilcar leur cou autre vêtement qu'une simple tuni ue.
pait la retraite, les enveloppait de Quand le traité fut signé, Ami car
toutes parts et les détruisait presque déclara sur-le-champ qu’en vertu des
sans com'bat. Lorsqu'ils marchaient conventions, il choisissait ceux qui
avec toutes leurs forces, Amilcar at étaient présents. C’est ainsi qu’Auta
tirait les uns dans des embûches habi rite, Spendius et les autres chefs les
lement préparées, tombait brusque plus distingués, tombèrent entre les
ment sur les autres, tantôt le jour, mains des Carthaginois.
tantôt la nuit, paraissait toujours Lorsqu’ils apprirent qu’on avait re
quand il était le moins attendu, et tenu leurs chefs, les révoltés, igno
les tenait ainsi dans des transes con rant la capitulation qui avait été con
tinuelles. Enfin, il eut l’adresse de les clue et se croyant trahis, coururent
engager dans une osition entièrement aux armes. Mais Amilcar fit avancer
désavantageuse à eurs troupes, et fa contre eux ses éléphants et son armée.
vorable de tous points aux Carthagi les enveloppa de toutes parts, et les
nois. Il se saisit de tous les passages, de extermina tous sans accorder ni grâce
tous les défilés , enveloppa le camp des ni pardon. Leur nombre dépassait
rebelles de fossés etde retranchements, quarante mille.
et les resserra de si près, que, n’osant Sm’en DE TUNIS un Amrcxn;
hasarder la chance d’un combat et ne SUPPLICE DE SPENDIUS; ANNIB’AL
pouvant échapper par la fuite, ils EST sunpms un Muuos ET ATTA
éprouvèrent en peu de jours toutes les CHÉ A UNE cnorx.— A rès cette san
horreurs de la disette. Bientôt, privés lante exécution, Ami car parcourut
de toute espèce d’aliments, pour apai e pays, accompagné de Naravase et
ser la faim qui les tourmentait, ils d’Annibal. Presque toutes les villes
furent contraints de se dévorer entre d’Afrique , découragées par ce dernier
eux. Juste punition, dit Polybe, de échec, lui ouvrirent volontairement
leur impiété et de leur barbarie. leurs portes, et rentrèrent sous l’o
Cependant ils ne faisaient aucune béissance des Carthaginois. Sans per
roposition de paix. La conscience de dre de temps, il marche contre Tunis,
eurs crimes passés , et la certitude des où commandait Mathos, et qui, de
supplices qui les attendaient s’ils tom puis le commencement de la guerre.
baient au pouvoir de l’ennemi, ,leur servait aux révoltés de refuge et de
en ôtaient même la pensée. Pleins place d'armes. Il fait camper Annibal
d’une aveugle confiance dans les pro en avant de la ville, du côté qui re
messes de leurs généraux, et bercés garde Carthage; lui-même établit son
par l’espoir que l’armée de Tunis arri camp sur le (point 0 posé. Ensuite,
verait pour les délivrer, ils supporr ayant fait con uire pr s des murailles
taient avec une incroyable constance Spendius etles autres chefs des rebelles
CARTE AGE. 77
qui avaient été pris avec lui, il les fit teurs, et les charge expressément d'em
attacher à des croix , à la vue de toute ployer tous les moyens possibles pour
la ville. Cependant Mathos s’aperçut réconcilier les deux généraux. Ces dé
qu'Annibal, ar l'excès de confiance putes leur représentent la situation
que donnent es succès, était devenu déplorable de la république, les con
moins attentif, et se gardait avec né jurent au nom des malheurs de la pa
gligence. Il fait une vigoureuse sortie, trie d'oublier leurs querelles passées,
attaque les retranchements des enne et de sacrilier leurs ressentiments au
mis , en tue un grand nombre, chasse bien de l‘État. Amilcar et Hannon, ne
les autres de leur camp , s'empare de pouvant résister à leurs longues et
tous les bagages et fait prisonnier An vives instances, abjurèrent avec une
nibal lui-même. Aussitôt on conduit noble générosité leur haine récipro
ce malheureux général au pied de la que, se lréconcilièrent de bonne foi,
croix de SpendIus. Là, les rebelles, et, dès ce moment, dirigèrent les 0 è.
après lui avoir fait souffrir les plus rations de la guerre avec un ensem le
cruels tourments, détachent le cada et un accord qui en assurèrent le suc
vre de leur chef, clouent à sa place cès. Ils en yagèrent Mathos dans une
Annibal encore vivant, et immolent multitude e etits combats, où il eut
sur le corps de Spendius trente des toujours le ésavantage. Ce chef de
plus illustres carthaginois rebelles , voyant que ce genre de guerre
La distance qui séparait les deux consumait inutilement ses forces, ré
camps était si considérable que Barca solut d'en venir à une bataille géné
n'apprit que fort tard la sortie de rale que les carthaginois, de leur côté.
Mathos et le danger que courait An ne desiraient pas avec moins d'ar
nibal. Même lorsqu'il en fut instruit, deur.
la difficulté des chemins l’empêcha de Les deux partis se préparèrent
se porter au secours de son collègue. comme ur une action qui devait à
Alors il leva le siège, et, côtoyant jamais écider de leur sort. Ils ré
le Baccara, il alla camper sur le bord unirent tous leurs alliés, et rappelé
de la mer, à l'embouchure de ce rent a leur armée les soldats de toutes
fleuve. Cet échec inattendu répandit les garnisons. Enfin , lorsque tout fut
de nouveau l'alarme et la consterna rét de part et d'autre, au jour et à
tion dans Carthage. A peine commen- , ‘heure convenus, les deux armées
çait-elle à se relever de ses malheurs descendirent dans l'arène. La victoire
passés et à entrevoir un avenir plus se déclara en faveur des carthaginois.
eureux , qu'elle voyait s'évanouir en; La plupart des Africains restèrent sur
core toutes ses espérances , tant le le champ de bataille, le reste se sauva
cours de cette guerre offrit une alter dans une ville qui se rendit quelque
native continuelle de succès et de re temps après. Mathos tomba vivant au
vers, de confiance et de désespoir. pouvoir des vainqueurs. Le résultat
REcoNcILIATIoN D'AMILCAR ET de cette victoire fut la soumission
D'HANNoN; ILs TERMINENT ENFIN LA complète de toutes les villes de l'A
GUERRE PAR LA DÉEAITE DE MATIIos frique. Hippone et Utique seules per
ET LA soUMIssIoN DES VILLES RE sistèrent dans leur rébellion. Les for
BELLES. — Cependant le sénat de Car faits dont elles s'étaient souillées dans
thage résolut de tenter un dernier le commencement de leur révolte leur
effort pour empêcher la ruine de la 'interdisaient tout espoir de miséri
républi ue. Il rassemble tout ce qui corde et de pardon. Mais Amilcar et
restait e citoyens capables de porter Hannon mirent le siège devant ces
les armes, et les renvoie à Amilcar deux villes, et les forcerent bientôt à
sous les ordres d'Hannon, le même subir les lois que Carthage voulut leur
‘u'i, quelque temps auparavant, avait imposer.
te dépouillé du commandement. Il y Ainsi finit, après trois ans et quatre
joint une députation de trente séna mois, la guerre des mercenaires qui
78 L'UNIVERS.
avait jeté Carthage dans de si grands L'histoire ne nous a pas transmis la
périls et dont chaque période avait été date précise de l'entrée des Carthagi
signalée par des actes d’impiété et de nois en Espagne. On sait seulement
barbarie sans exemple. On punit, dans qu’ils y étaient venus au secours de
les villes d'Afrique , les principaux Cadix , ville , ainsi que Carthage , d'o
chefs de la révolte. L'armée victorieuse rigine tyrienne , dont les rapides
rentra en triom he dans Carthage, accroissements avaient excité la ja
traînant enchaîn s l‘lathos et ses com lousie des euples voisins. Cette pre
pagnons, auxquels on fit expier, par mière expé ition eut un heureux ré
une mort cruelle et ignominieuse, sultat. Les Carthaginois délivrèrent
une vie souillée par tant de crimes et Cadix de ses ennemis et s'emparèrent
de si noires perfidies. d'une partie de la province, sans que
ABANDON DE LA SAnDAIcNE 1>An l’on connaisse exactement la limite où
LES CAnTuAeINoIs; 237 ANs AVANT s'arrétèrent leurs conquêtes. Pendant
J. C. '— A peine les Carthaginois neuf ans qu'Amilcar commanda les
commençaient-ils à respirer , qu'ils armées en Espagne, il soumit à la
‘ furent menacés d'une nouvelle guerre. domination carthaginoise un grand
Les mercenaires de Sardaigne, qui, nombre de peuples , les uns subjugués
comme nous l'avons dit, avaient par la force, les autres vaincus par la
d'abord fait d'inutiles instances au persuasion, et il trouva enfin sur le
près des Romains pour les engager champ de bataille. une mort honorable
a passer dans cette de et à s'en rendre et digne de toute sa vie. Ce fut dans
maîtres, les déterminèrent enfin à un combat sanglant et acharné contre
prendre ce parti. Les Carthaginois un ennemi puissant et belliqueux,
s’offensèrent de ce manque de foi, u’entraîné par son audace au plus
prétendant, non sans raison, que la ort de la mêlée , il succomba glorieu
domination de la Sardaigne leur ap sement les armes à la main.
partenait à bien plus juste_tltre qu'aux AsnnUBAI. SUCCÈDE A AMILCAB
Romains. Déjà ils equlpaient une soN BEAU-PÈRE DANS LE COMMAN
flotte pour passer dans cette île et DEMENT DES ARMÉES EN ESPAGNE;
punir les auteurs de la révolte. Les 227 AVANT L‘ÈnE VULGAIBE. — Les
Romains saisissent cette occasion et Carthaginois élurent à la place d'A
décrètent sur-le-champ la guerre con milcar, Asdrubal son gendre. Celui
tre Carthage, sous le frivole prétexte ci, plus politique que guerrier, s'at
que ses préparatifs sont dirigés contre tachant les petits princes de la contrée
eux et non contre les peuples de Sar par les liens d’une hospitalité géné
daigne. Les Carthaginois , affaiblis reuse, et par l'affection des chefs se
par la dernière guerre qui avait tant conciliant celle des peuples, eut l'art
épuisé leurs ressources , et hors d'état, d'accroître ainsi la puissance de Car
en ce moment, de résister à la puis thage , non moins que s'il eût employé
sance du peuple romain , cédèrent à la la uerre et les armes. Les Romains
force des circonstances. Non-seule re outant son caractère insinuant , et
ment ils abandonnèrent la Sardaigne , cet art merveilleux qu’il mettait à
mais encore, pour prévenir une lutte gagner les peuples, pour les réunir
inégale, ils consentirent à ajouter sous sa domination, avaient réglé
douze cents talents au tribut imposé avec lui, par un traité, que l’Ebre
par le dernier traité. serait la limite des deux empires , et
EXPÉDITIONS DEs CAnTuAGINoIs que Sagonte , qui se trouvait enclavée
EN ESPAGNE. — Lorsque les Cartha au milieu, conserverait son indépen
ginois eurent terminé la guerre d'A dance. Mais le plus éminent service
frique et réglé leurs différends avec les u’Asdrubal rendit à sa patrie, fut la
Romains , llS envo èrent en Espagne ondation de Carthagène. Cette ville,
une armée sous e commandement par l'avantage de sa situation, la
d’Amilcar (237 ans avant J. C. ). commodité de ses ports, les richesses
CARTHAGE

.f l‘li l'
CARTHAG E. 79
de son commerce, la force de ses béissance aux magistrats, afin de
rem arts, devint le plus solide appui s’accoutumer à courber la tête .sous
de a domination carthaginoise en le joug de l'égalité. Ses remontrances
Espagne. Après avoir gouverné cette furent vaines; la faction Barcine l'em
province pendant huit ans , Asdrubal porta, et Annibal partit pour PES
ut assassiné en pleine paix et dans sa pagne. .
ropre maison, par un esclave gau Dès qu'il parut à l'armée , il attira
ois qui voulait venger la mort de son sur lui tous les regards. Les vieux
maître. soldats s'imaginaient revoir leur Amil
ANNIEAL EsT ENVOYÉ EN ESPAGNE car, rendu a sa première jeunesse.
APnÈs LA MORT D’AsDEUEAL; cA C'était le même feu dans les yeux , le
BACTÈRE DE cE GÉNÉRAL, 220 ANs même caractère de vigueur empreint
AVANT J. C. —-— Trois ans avant sa sur toute sa figure : c'était tout son
mort, Asdrubal avait écrit à Carthage air et tous ses traits. Ils ne se lass‘aient
pour u'on lui envoyât Annibal qui oint de le contempler. Mais bientôt,
était aors dans sa vin t-troisième e souvenir du ère fut le moindre des
année. Cette demande ut mise en titres du fils a l'affection publi ue.
délibération dans le sénat que divi Jamais homme ne réunit au tu me
saient alors deux factions contraires. degré deux qualités entièrement oppo
La faction Barcine qui voulait qu’An sées , la subordination et le talent de
nibal commençat à se montrer aux commander; aussi n'eutsil pas été
armées , afin de pouvoir succéder à la facile de décider qui le chérissait le
puissance de son père, appuyait avec plus ou du général ou de l'armée.
chaleur la proposition d'Asdrubal. La C'était l'officier qu’Asdrubal choisis
faction contraire dont le chef était sait de préférence our les expéditions
Hannon , préférant aux chances d'une qui demandaient e l'activité et de la
guerre incertaine et dan creuse. une vi ueur. C'était le chef sous qui le
paix sûre qui conservât à a république se dat se sentait le plus de confiance
toutes les conquêtes d'Espagne, sa et d’intrépidité. Autant il avait d'au
larmait de ce nouvel accroissement de dace pour aller affronter le péril,
puissance dans la famille Barca, et autant il avait de sang-froid dans le
redoutait le caractère belliqueux et péril même. Nulle épreuve ne pouvait
entreprenant du jeune Annibal. Han dompter ni les forces de son corps,
non rappela aux sénateurs la puissance ni la fermeté de son courage. Il sup
excessive et la domination absolue ortait également le froid et la cha-_
d'Amilcar. Il leur représenta combien eur, la soif et la faim, les fatigues
il était imprudent de faire du com et l'insomnie. Il ne cherchait pas à se
mandement de leurs armées le patri distinguer des autres par l'éclat de ses
moine d'une seule famille. Il ajouta vêtements, mais par la bonté de ses
qu'il serait plus utile pour l'État et chevaux, de ses armes : il était sans
our Annibal lui-même que ce jeune contredit le meilleur cavalier et le
omme restât à Carthage afin d'y meilleur fantassin de toute l'armée.
apprendre l'obéissance aux lois, l'o
0.0...EOOIIIO‘MIO'OMMOOMMOC“MO‘OCMMÔMOMOOOCM‘MMMO‘O‘M

GARTI-IAGE.
DEUXIÈME PARTIE.

PAR M. JEAN YANOSKI


ANcIEN ÉLI‘IVE DE L'ÉCOLE NoauALE, Aonéonï DE L'UNIVERSITÉ.

-————-—°Çe—-————

CAUsEs DE LA DEUXIÈME GUERRE ces écrivains sont tombés dans l'exa é


PUNIQUE. —— Les exploits d'AmiIcar, ration. Il faut rechercher la vérita le
en Sicile, contre les Romains, en Afri cause de cette guerre dans l’espoir
que, contre les mercenaires, la con con u par les Carthaginois de sortir
quête récente de l'Espagne, les succès de ’état d'abaissement où les avait
d'Asdrubal, endre d’Amilcar, avaient placés le traité qui avait suivi la ba
donné dans a république une grande taille des îles Égates. Ils avaient
influence à la famille Barca. Un parti perdu leurs établissements de la Si
peu nombreux, il est vrai, mais puis cile, et Rome, au moment même Où
sant , le parti aristocratique, essayait ils avaient à se défendre, en Afri
de contre-balancer cette influence. que , contre les mercenaires , leur
Quand la famille Barca entra en lutte avait enlevé , au mépris de la foi ju
ouverte avec l'aristocratie qui refusait rée, la Corse et la Sardaigne. Car
de l'aider dans ses grandes entrepri thage voulut d'abord se dédommager
ses, elle tourna ses regards vers les de ces pertes par la conquête de PES
classes inférieures qui, jus u'à cette pagne. Bientôt les succès d'Amilcar et
époque, u’avaient eu qu'une aible part d'Asdrubal lui firent concevoir la peu
d action dans les affaires de l'Etat. Le sée de se rétablir dans ses anciennes
peuple se prononça volontiers pour possessions et de déchirer l'humiliant
ceux qui, au moment du danger,avaient traité que Rome lui avait imposé. Tou
sauvé la république, et qui s’étaient tefois, elle ne voulait point s'engager
illustrés ar de brillantes victoires. témérairementdans cette entreprise, et
L'appui u peuple donna bientôt la elle hésitait encorelorsque Aunibal, par
supériorité, dans le sénat, à la fac un coup hardi, mitfin à toutes les irré
tion Barcine. C'est la un événement solutions. Dès lors la guerre contre’
grave dans l'histoire de la constitu les Romains fut votée et poursuivie
tion de Carthage; car, ce qui n'avait avec un accord presque unanime. Il
été, dans l'origine, qu'un dissen existait, il est vrai, dans Carthage,
timent entre Hannon et Amilcar et un parti qui voulait la paix; mais ce
une querelle de familles , devint une parti, qui avait pour chef Hannon et
lutte plus sérieuse et plus générale qui était un reste de l'ancienne aris
entre l'aristocratie qui avait eu jus tocratie , était dominé par le peuple,
qu'alors, dans- le gouvernement de et même, dans le sénat, il avait contre
l‘Etat, l'autorité suprême, et la‘ dé lui une forte majorité. Pendant la
mocratie, qui s'élevait dans la républi deuxième guerre punique, Carthage ne
que et acquérait chaque jour de nou s’écarta point du but qu'elle s'était‘
velles forces. Plusieurs écrivains se proposé, et elle s'épuisa d'hommes et
sont fondés sur cette lutte des partis, d'argent, non-seulement pour conser
pour affirmer que la nécessité où se ver l'Espagne, mais encore pour se
trouvait Aunibal de séduire la multi— rétablir dans la Sicile et la Sardaigne.
tude par‘ des actions d'éclat avait 'été C'était une faute, assurément, que d'en
la seule cause de la deuxième guerre voyer des flottes et des armées nom
punique. En cela, nous le croyons, breuses dans ces contrées. Là ne de
CARTHAGE. 81
vait point se porter tout l'effort de. la ExPEnITIoN D'ITALIE; 219 et 218
guerre, et, comme le pensait Anni AVANT NOTRE ÈRE. —— Quand An
bal, il fallait d'abord, pour posséder la nibal se crut maître de la majorité des
Sicile, la Sardaigne et l'Espagne, vain votes, dans le sénat de Cartha e, il
cre les Romains en Italie. Ce fut en frappa un coup qui devait ren re la
vain, on le sait, qu'Annibal épuisa guerre inévitable. Parmi les villes.si
toutes les ressources du courage et du tuées au midi de l'Ebre, il y en avait
génie pour réparer les fautes du sénat une qui, refusant de se soumettre.
de Carthage. Certes, on ne ourrait aux carthaginois, avait contracté avec
accuser sans injustice la famil e Baron la république romaine une étroite al
de n'avoir agi alors que par des motifs liance. Rome, dans le traité qu'elle
d'ambition, et seulement our domi fit avec Asdrubal', avait compris les
ner dans l'Etat par son in uence. Les habitants de Sagonte au nombre de
faits, au contraire, semblent attester ses alliés. Au mépris de ce traité, An
qu'Annibal et ses frères n'eurent en nibal s'avance contre Sagonte; il l'as
vue, pendant toute la durée de la guer siége , et, après des combats multipliés
re , que le salut et la gloire de Car et sanglants où les Sagontins périssent
thage. jus u'au dernier, la ville est détruite
ANNIBAL SUCCÈDE A AsDEUEAL de ond en comble. Déjà, au moment
DANS LE COMMANDEMENT DE L'AR où le siége avait commencé, des am
MEE; GUERRE EN ESPAGNE CONTRE bassadeurs ‘romains s'étaient trans
LES INDIGRNES; LEs OCLADES , LEs portés à Carthage pourdemand rqu’on
VACCÉENS ET LES CARPÉTANs soNT leur livrât le général qui av t violé
vAINcUs; 221 —219 AVANT NOTRE les‘ traités. Quand on sut. à Rome, la
ÈRE. — Après la mort d'Asdrubal , les nouvelle de la ruine de Sagonte , toute
soldats se réunirent, et, d'une voix la ville fut plongée dans la consterna
unanime, ils décernèrent à Annibal le tion. Une nouvelle ambassade se diri
titre de général. L'élection faite par gea aussitôt vers l'Afrique; et, lorsque
l'armée fut bientôt ratifiée par le peu es Romains furent arrivés à Carthage,
le de Carthage. Annibal songea dès ils se firent introduire dans le sénat.
ors à renouveler la guerre contre les La se‘passa une scène qui est restée
Romains, et à mettre à exécution, célèbre dans l'histoire: un des en
par une expédition en Italie, les vastes voyés, Fabius, demanda satisfaction
projets de son père :mais avant de au nom de Rome, et une déclaration
tenter cette périlleuse entreprise, il qui établit que le gouvernement de
voulut tout à la fois essayer ses forces Carthage était resté étranüer à l'en
et affermir en Espagne la domination treprise d'Annibal. Enhardis par les
de Carthage. Il fit la guerre aux indi succès de leur général, les sénateurs
gènes, et il vainquit successivement carthaginois, malgré les efforts de
les Oclades et les Vaccéens. Cependant uelques ennemisde la famille Barca, re
ces deux peuples ne voulurent point usèrent d'accéder à la demande des en
se soumettre; ils soulevèrent les Car voyés romains. Alors Fabius fit un pli
pétans qui, 'usqu’alors, étaient restés à sa toge , et dit: « Je porte ici la paix
étrangers à la lutte , et tous ensemble ou la guerre, choisissez. » On s'écrie
ils levèrent une armée de cent mille de toutes parts : n Vous-même , choi
hommes. Le général carthaginois n'hé sissez. » Fabius laissa retomber sa
sita point à les attaquer; il livra ba toge, et répondit: Je vous laisse la
taille sur les bords du Tage, et rem guerre. » Tous les‘ sénateurs carthagi
porta sur les trois peuples réunis une nois répètent alors : « La guerre! nous
victoire signalée. l'acceptons, et nous saurons bien la
RUINE DE SAGoNTE; DÉCLARA soutenir. » Dans ce jour solennel, le
TIoN DE GUERRE EAITE PAR LEs Ro sénat de Carthage, en déclarant la
MAIN 5 DANS LE sENAT DE CARTHAGE; guerre avec un si grand enthousiasme,
PREPARATIES D'ANNIEAI. POUR soN prenait une sorte d'engagement avec
6' Livraison. (CARTHAGIL) 6
82
le général qui avait rompu les traités. sages de paix, et, sans plus tarder, il
Dès lors, tous les vœux d’Annibal traverse le pays jusqu'au Bhône, puis
étaient comblés , et il ouvait marcher il franchit le fleuve. Il apprit alors
librement à l‘accomp issement de ses qu'un général romain , Scipion , avait
vastes projets. ébarqué près de l'embouchure avec
Après la prise de Sagonte, Annibal une armée. Il eut une escarmouche
passe l'hiverà Carthagène,où il fait ses entre un détac ement de cavalerie ro
premiers préparatifs. Asdrubal son maine et une troupe de N umides; mais
frère doit rester en Espagne avec Annibal , pour ne pointuser ses forces,
uinze mille Carthaginois. vingt-quatre évita un combat général et continua sa
glé hauts et soixantegalèresu gouver marche. Il entra sur le territoire des
ne es provinces uis’étendent del'Èbre Allobroges , traversa la Durance , enfin
au détroitde Ga es. Bannon, avec onze il atteignit les Al es. Annibal touchait
mille Carthaginois , est préposé à la dé à l'ltalie, mais i lui restait encore à
fense du pays qui se. trouvecompris en franchir des montagnes couvertes de
treles Pyrenées et l'Ehre. Les troupes neige et de glace, où il fallait lutter
d'Hannon et d'Asdrubal forment aussi tout à la fois contre les hommes et
une réserve destinée à rejoindre, au contre les éléments. On sait uels
remier appel , l'armée qui marche sur furent les fatigues et les dangers e ce
l'Italie. Annibal, pour gagner l'affec mémorable assage qui coûta plus de
tion des soldats qu'il a choisis pour trente mille ommes à l'armée cartha
son expédition , leur fait de grandes ginoise. Après avoir surmonté tous les
largesses; puis il leur accorde, pour se obstacles , Annibal entra en Italie.
reposer, toute la saison d'hiver. C'est ANNIEAL EN ITALIE; COMBAT Du
alors qu'il se rend à Godes au temple TESIN; DÉFAI‘IE nEs CABTBAGINOIS
d'Hercule. Le bruit se répand en Espa A LILYBÉE; MARCHE D’ANNIEAL
gneque les dieux ont promis de le prov DANs LA CISALPINE; BATAILLE DE
téger, et qu'un envoye céleste est venu LA TnEEIE ; ANNIEAL PASSE EN ÉTEu
lui prédire que les soldats u’il com RIR;BATA1LLE DE TBASIMÈNE; 218
mandaitferaientlacon uéte el’Italie. ET 217 AVANT NoTEE EEE. —- Les
Quand , au retour de: a belle saison, Romains avaient essayé de faire face
l'armée carthaginoise fut rassemblée , à tous les dangers. Ils avaient envoyé
Annibal , qui avait amassé de grandes des armées en Espa ne , en Sicile , pour
sommes d'argent , et préparé , pour combattre les Cart agiuois , et en Ci
son expédition, d'immenses approvi salpine pour contenir les Gaulois qui
sionnements, se mit en marche avec menaçaient de se soulever. Scipion,
quatre-vingt mille hommes , et bientôt après avoir envoyé son frère Cneus en
il eut franchi I'Ebre et les Pyrénées(*). Espagne, attendait Annibal à la des
ENTEEE D’ANNIEAL DANs LEs cente des Alpes. Annibal , de son côté,
GAULEs; PASSAGE DEs ALPES; 218 commençait à désespérer du succès de
AVANT NOTRE ÈBE.—— A son entrée son entreprise quand il vit les Gaulois
dans les Gaules, Annibal rencontra cisalpins rester neutres, contre leurs
quelques peuples qui s'étaient armés promesses , etrefuser de venir se join
our le combattre. Il ne chercha point dre à l'armée carthaginoise._ Toutefois,
les vaincre; il leur envoya des mes un premier et brillant succès vint re
(") Le récit qui va suivre ne présentera nimer ses espérances. Il y eut un com
u'un résumé succinct des expéditions car bat de cavalerie sur les bords du Tésin ,
! aginoises en llalie, en Espagne, en Sicile où la victoire demeura aux Carthagi
et en Sardaigne. On trouvera ailleurs, dans nois. Le consul Scipion fut blessé dans
les volumes de l'Univers consacrés à ces cette rencontre. Rome se hâta de rap
différeuls pays , tous les détails de ces expé peler de la Sicile Sempronius, qui avait
ditions. Nous ne devons insister ici que sur déjà fait éprouver aux Carthaginois (les
les événements qui se ratlaehent directement pertes considérables. Le préteur Æmi
à l’histoire de Carthsge. ius avait détruit, près de Lilybée ,
CARTHAGE. 88
une flotte carthaginoise, et Sem ro ne se recrute qu’avec eine dans les
nius lui-même s’était emparé de ’île provinces centrales de ’ltalie, où les
de Malte. C'est alors que Sempronius, populations sont habituées depuis long
pour obéir au sénat, vint dans la Ci temps à la domination romaine. Mais
salpine au secours de son collègue enfin Fabius est remplace, et les con
Scipion. Annibal ne tarda point à se suls Paul Émile et Varron, qui lui
trouver en présence de l’armée romaine succèdent dans le commandement des
qui campait sur les bords de la Trébie. légions, en cessant de temporiser, of
Malgré les avis de Scipion, Sempro frent bientôt à Annibal l’occasion d’un
nius attaqua les carthaginois; mais nouveau triomphe. Il y eut une grande
bientôt il eut à se re entir de son im bataille près de Cannes , en Apulie, sur
rudence. Annibal ut vainqueur, et les bords de l’Auflde, où les Romains
es Romains perdirent dans la bataille perdirent quatre-vingt mille hommes,
trente mille soldats, qui. périrent les deux questeurs, vingt et un tribuns
armes à la main ou devinrent prison deslé Ions, uatre-vingts sénateurs et
niers. Cette éclatante victoire des Car Paul mile, ’un des consuls. Jamais,
thaginois fut le signal d’un immense depuis la funeste journée de l’Allia , la
soulèvement dans la Cisalpine. Les uissance de Rome n'avait été aussi
Gaulois n‘hésitèrent plus à se ranger ortement ébranlée.
du côté des ennemis de Rome. Après RÉSULTATS DE LA EATAILLE DE
la journée de laTrébie , Annibal compta CANNES EN ITALIE; L’ITALIE CEN
dans son armée quatreuvingt-dix mille TEALE EEsTE EIDELE AUX RoMAINs;
soldats. Il songea alors à pénétrer au LA CIsALPINE ET ‘L'ITALIE MÉRIDIO
centre de I’Jtalie. Il franchit l’Apennin NALE sE DONNENT A ANNIBAL; AN
et gagna l’Etrurie. Ce ne fut point sans NIBAL PoUEsUIT LA GUEEEE; 216 E1
s’exposer à de grands dangers qu’il tra 2l5 AVANT NoTEE EEE. — Lorsqu’on
versa une partie de cette contrée. Enfin reçut a Rome la nouvelle de la hataillle
il rencontra les Romains. Il attira le de Cannes, il y eut dans la ville un
consul Flaminius, non moins ré deuil public et toutes les manifesta.
somptueux et non moins impru ent tions d’une grande douleur. On se hâta
que son prédécesseur Sempronius , de faire de nouvelles levées, et les ci
ans une position défavorable. Il le toyens se soumirent volontairement
força à combattre, et une nouvelle ar aux plus grands sacrifices. La Cisalpine
mée romaine fut exterminée sur les se déclarait alors ouvertement pour les
bords du lac Trasimène. carthaginois, et les peuples de l‘Italie
ANNIEAL PÉNÈTBE AU cENTEE DE méridionale offraient leur alliance à
L’ITALIE; sA MARCHE; BATAILLE DE Annibal et lui promettaient de nom
ÇANNEs; 217 ET 216 AVANT NoTEE breux auxiliaires. Parmi les ennemis
EEE. —— Après la journée de Trasi. des Romains, on comptait les Apu
mène , Annibal passe en Ombrie et dans liens, les Messapiens, les Lucaniens,
le Picenum, ou il ravage les terres les Bruttiens , une partie des Samnites ,
des alliés de Rome; puis il s’avance et même quelques peuples de la Cam
dans la Sabine et le Samnium, où il anie. C’est Magon, le frère d’Anni
continue ses dévastations pour attirer al, qui va recevoir la soumission de
encore une fois les Romains au com ces nouveaux alliés de Carthage. Il n’y
bat. Mais dans cette marche. il ren avait que l’Italie centrale qui restât
contre un général plus prudent et plus fidèle à Rome. Annibal, après avoir
habile ue Sempronius et Flaminius; donné une partie de ses troupes àceux
c’est Fa ius, le bouclier de Rome, qui de ses lieutenants qui devaient retenir
observe Annibal, le suit pas à pas, et les peuples de l’ltahe méridionale dans
évite néanmoins tout engagement séç les liens de la fidélité, s’avance vers
rieux. En temporisant, Fabius obtient la Campanie avec vingt-cinq mille hom.
un important résultat; il use les forces mes. fil vient d’abord assiéger Naples.
de l’armée carthaginoise, qui ne vit et mais i échoue dans son entreprise. D9
6.
84
Naples, il se dirige vers Capoue, qui révalu, et qui se rapproche le plus de
lui ouvre ses portes. C'est alors qu'il a vérité. est qu'il n y en avait pas au
envoie Mavon à Carthage pour de delà d'un boisseau. Magon ajouta , pour
mander de 1l'argent et des troupes. faire sentir toute la grandeur des pertes
MAooN VIENT DEMANDER DEs sE é rouvées par les Romains, que les
couns A CAnTnAGE; DÉLIBÉRATION chevaliers et seulement les plus distin<
DU SÉNAT cAn'rnAciNois. — Tite äués pouvaient porter l'anneau d'or. Il
Live nous donne sur la mission du it, en terminant, que plus on avait
frère d'Annibal les détails suivants: l'espoir prochain de terminer glorieu
« Magon, fils d'Amilcar, était venu sèment la lutte , plus il fallait prodiguer
porter à Carthage la nouvelle de la vic à Annibal toute espèce de secours. En
toire de Cannes. Son frère ne l'avait effet, la guerre se faisait loin de Car
pas envoyé du champ de bataille même, thage, au milieu d'un pa s ennemi;
mais il l'avait retenu quelques jours elle absorbait beaucoup d’é vivres et
pour recevoir la soumission des Brut d'argent. Les batailles où les armées
tiens et de quelques autres peuples qui ennemies avaient été détruites avaient
s'étaient séparés des Romains. Intro aussi causé des pertes au vainqueur.
duit dans le sénat, Magon expose tout Il fallait donc envoyer de nouvelles
ce que son frère a_fait en Italie. a Il troupes, de l'argent et du blé our la
avait combattu en bataille rangée six solde et la nourriture des sol ats ui
généraux , dont quatre consuls , un dic avaient si bien mérité du nom cart 13'
tateur et un maître de la cavalerie, ginois. Ces paroles de Magon causèrent
défait six armées consulaires, tue’ à une rande joie dans le sénat. Alors
l'ennemi lus de deux cent mille hom Himi con, de la faction Barcine, crut
mes et ait plus de cinquante mille l'occasion favorable pour humilier Han
prisonniers. Des quatre consuls, deux non. «Eh bien, dlt'll. Hannon, re
avaient péri, le troisième était blessé, - grattez-vous encore que l'on ait fait
le dernier avait erdu toute son armée « a guerre aux Romains? Ordonnez
et s'était enfui, peine avec cinquante « maintenant de livrer Annibal; empê
soldats. Le maître de la cavalerie, qui « chez qu'au sein de la prospérité nous
était revêtu à l'armée du pouvoir con c rendions des actions de grâces aux
sulaire, avait été battu et mis en dé «dieux immortels! Écoutons ce que
route. Quant au dictateur, il était c va dire ce sénateur romain dans le
regardé comme le modèle des généraux - sénat de Carthage. » Alors Hannon :
par cela seul qu'il n’avait jamais osé c J'aurais aujourd'hui gardé le si
ivrer une grande bataille. Les Brut « lence , pour ne pas troubler l'allé
tiens et les A uliens, une partie des agresse universelle par des paroles
Samnites et es Lucaniens, avaient a qui ne respirent point l'enthousias
abandonné le parti de Rome pour se « me. Mais puisqu'un sénateur m'a
donner aux carthaginois. Capoue, la a demandé si je regrette encore que
capitale, non pas seulement de la Cam - l'on ait entrepris la guerre contre
panic, mais de l'Italie entière, depuis n Rome, je me hâte de ré ndre,
que la journée de Cannes avait abattu - parce que mon silence serait inter
la puissance romaine, s'était livrée à : prétédiversement: les uns pourraient
Annibal. Pour des triom hes si nom c ‘attribuer à mon orgueil, les autres
breux et si grands, il tait 'uste de c à la honte que l'on éprouve quand on
rendre aux dieux immortels e solen a a commis une erreur. Je ne suis ni
nelles actions de grâces. n En témoi « orgueilleux ni repcntant. Je dirai
nage de ces heureuses nouvelles, - donc à Himilcon n regrets sur
äîagon fit verser dans le vestibule du
sénat une quantité d'anneaux d'or si
prodigieuse, que certains auteurs pré
tendent qu'il en avait bien trois bois
seaux et demi; mais la tradition qui a
CARTHAGE. 85
e n'excuserai la rupture de l'ancienne - demander la paix? A-t-il été un seul
c paix qu'au moment où l'on aura fait a moment question de paix à Rome,
c une paix nouvelle. J'avoue que tous « d'après les rapports que l'on vous a
a ces brillants succès que Magon vient a faits? — Non, dit encore lllagon. —
- de nous raconter avec tant de com « Eh bien, s'écrie Hannon , nous avons
« plaisance, et qui, dans ce moment, a donc la guerre tout aussi entière que
n ont la joie d'Himilcon et des autres c le jour où Annibal a mis le pied en
a partisans d'Annibal, font aussi la a en Italie... Pour moi, si l'on met en
c mienne, parce que ces victoires, si «1 délibération, ou de proposer la paix
a nous voulons user sagement de la a à l'ennemi ou de la recevoir, je sais
« fortune, nous procureront une aix a quel avis j'ouvrirai. Si vous vous oc
en plus avantageuse; mais si nous ais «cupez seulement des demandes de
« sons échapper cet instant, où nous a Magon, je pense que si nos soldats
« pouvons paraître donner la paix « sont victorieux , il ne faut rien leur
- plutôt que la recevoir, je crains fort u envoyer; et s'ils nous abusent par
«que cet éclat éblouissant ne s'éva « de faux rapports et par de chiméri
« nouisse promptement. Au'ourd'hui u ques espérances, il faut se garder en
- même que vient-on nous ire? J'ai « core davantage de leur envoyer quel
« détruit les armées ennemies; en a que chose. v
« voyez-moi des soldats. Que deman a Le discours d’IIannon fit peu de
- deriez-vous si vous étiez vaincu? J'ai sensation. Son animosité contre la fa
- pris les deux camps ennemis remplis mille Barca le rendait suspect de
- sans doute de butin et de vivres; partialité, et les esprits étaient trop
«faites-moi passer du blé et de l'ar préoccupés des heureuses nouvelles du
« gent. Parleriez-vous autrement si moment pour que l'on pût rien enten
«1 l'ennemi vous eût enlevé vos res dre qui tendit à diminuer l'allégresse
« sources, eût forcé vos retranche générale. A Carthage, l'opinion com
- ments? Et pour que je ne sois pas mune était qu'avec le moindre effort
« seul à expliquer ce que tout cela a on pouvait mettre fin à la guerre.
- d'inconeevable (car, puisque j'ai ré Aussi l'on décréta à une immense ma
« pondu à Himilcon , j ai bien le droit jorité, dans le sénat, ue l'on enver
a de l'interroger à mon tour), je vou rait à Annibal un ren ort de quatre
« drais qu‘Himilcon lui-même, ou Ma mille Numides, quarante éléphants et
1 gon, me donnât quelque éclaircisse un grand nombre de talents d'argent.
« ment. Puisque la bataille de Cannes On fit partir aussi un dictateur avec
- entraîne la ruine entière de l'empire Magon pour l’Espagne, afin d'y lever
c romain , et qu'il est certain que toute vingt mille fantassins et quatre mille
- l'Italie est en pleine défection , qu'on chevaux destinés à compléter les_ ar
a me nomme d'abord quelque peuple mées d'Espagne et d'Italie. v
a de la confédération du Latium qui Les nouveaux préparatifs des Car
- ait embrassé notre parti; puis quel thaginois se tirent, comme le remar
- que citoyen des tribus de Rome qui que Tite-Live, avec négligence et une
- soit passé dans le camp d’Annibal. — extrême lenteur. Au reste , les renforts
« Je ne saurais en nommer, répondit votés par le sénat étaient insuffisants
- Magon. — Ainsi donc, reprit Han. pour achever la guerre. Annibal , trom
- non, il ne nous reste encore que trop pé dans ses espérances. n'eut plus re
a d'ennemis. Mais à Rome, quelle est cours alors qu'à sa prudence et à son
a la disposition " rus? Conser habileté pour se maintenir en Italie.
-ils encor wir? C'est un SUITE DE L'EXPÉDITION D'ANNI
que je aircir. — Je BAL; LUTTE DEs CAnTHAoINoIs ET
re, v‘ Rien pour DEs ROIAINS EN ITALIE JUSQU'AU
n'e‘ avoir, 'l ‘IOMBN’I 0U SvEAcUsE ET UNE PAE
anr ont-ils DE LA SIcILE ABANDONNENT L'AI.
des Anni' ANcE DEs Romns; 215 AVANT
86
NOTRE ÈRE. — Maître de Capoue. , An Annibal tourna ses regards vers la
‘nihal se prépara a de nouvelles expé Grèce. Il s’adressa à Philippe, roi de
ditions.MaislesRomainsluiopposèrent Macédoine, qui, craignant :1 politique
un général qui, par son activité, l’ar ambitieuse des Romains , n'hésita point
rêla dans presque toutes ses entrepri à faire alliance avec le général cartha
ses; c'était Marcellus , l'épée de Rome. ginois. Polybe nous a conservé le traité
Toutefois , Marcellus ne put empêcher qui fut conclu alors entre Annibal et le
Annibal de mettre le siège devant Ca roi de Macédoine.
silin. Ce siége traînait en longueur, « Voici le traité qu'ont juré le géné
lorsque le chef carthaginois le convertit « ral Annibal , Magon , Myrcal et Bar
en b cons, et revint à Capoue pour y « mocal, tous les sénateurs qui sont
prendre ses quartiers d'hiver. Ses sol « auprès d'eux et tous les Carthagi
dats ne s’amollirent pointalors ,comme « nois qui sont dans l'armée, avec
on l’a prétendu, dans une funeste oi « Xénophane, fils de Cle’omaque d'A
siveté, car, dans les premiers jours du « thènes, envoyé comme ambassadeur
printemps, ils se reportèrent avec une « au rès de nous par Philippe, fils de
nouvelle ardeur devant Casilin, qu'ils « D métrius, pour lui, les Macédo
forcèrent à capituler à la vue de deux « niens et leurs alliés.
armées romaines. Mais Annibal, qui u Ce traité a été juré en présence de
ne recevait point de Cartha e des se « Jupiter, de Junon et d'Apollon; en
cours suffisants, voyait ses orces dé « présence du génie de Carthage7 d’Her
croître de jour en jour. Les Romains, « cule et d’Iolaüs; en présence de
au contraire, faisaient les lus grands « Mars, de Triton, de Neptune et des
sacrifices; ils ordonnaient e nouvelles « dieux qui combattent avec nous; en
levées et augmentaient sans cesse le « présence du soleil, de la lune , de la
nombre de leurs soldats. Ils prescri « terre, des fleuves, des prairies et des
vaient en même temps à Marcellus et « eaux; en présence de tous les dieux
à leurs autres généraux de n'agir « qui protègent Cartilage; enlin de
qu'avec une extrême prudence. Anni a tous ceux qui protègent la Macédoine
bal ne pouvant se maintenir dans l’Ita « et le reste de la Grèce, et devant
lie centrale , se dirigea vers le Brutium , « tous les dieux qui président à la
où il devint maître de Pétilie, de Co « guerre, et sont témoins de ce ser
sentia , de Crotone et de Locres, qui « ment.
refusaient de s'allier aux Carthaginois. «Le général Annibal, tous les sé
Alors il revint dans les provinces qui « nateurs de Carthage qui sont auprès
avoisinent Rome, et il mit le siège « de lui, et tous les Carthaginois qui
devant Cumes. Repoussé avec perte, a sont dans son armée , avec l'assenti
il s’éloigna de nouveau et entra en - ment des nôtres et des vôtres, nous
Lucanie, où il prit ses quartiers d'hi a nous jurons alliance d'amitié et de
ver. Au printemps, il s’empressa d'ac « paix , comme amis, comme compa
courir au secours de Capoue, mais il « gnons et comme frères aux condi
éprouva sur tous les points une vive « tions suivantes:
résistance; et bientôt la défaite de son a Le roi Philippe, les Macédoniens
lieutenant Hannon, qui, dans un com « et les autres Grecs leurs alliés, prê
bat contre l'armée de Gracchus , perdit « teront assistance et secours au peu
seize mille hommes, lui enleva pour « ple carthaginois, au général Anni
toujours l’espoir de se maintenir dans « bal, à tous ceux qui l’accompagnent,
l‘ltalie centrale. « aux sujets de Carthage qui reconnais
ANNIBAL FAIT ALLIANCE AVEC « sent ses lois, aux habitants d’Utique ,
PHILIPPE DE MACÉDOINE; TRAITÉ « aux ‘villes et peuples soumis aux
ENTRE LE GÉNÉRAL cAn'raAclNors « Carthaginois , à l'armée, aux alliés ,
ET LE noms MACÉDOINE; 215 AVANT n à toutes les villes et à tous les peu
NOTRE ÈRE. — Privé des secours qu’il « ples avec lesquels nous sommes liés
attendait de Carthage et de l’Espagne , « en Italie, en Gaule et en Ligurie, et
CARTHAGE. 87
c avec lesquels nous pourrions encore « de le faire d'un commun accord (*). -
« contracter dans ces pays des relations CONTINUATION DE LA GUERRE EN
un amicales et des alliances. ITALIE JUsQU'A LA BATAILLE DU
« Assistance et aix seront aussi ac METAURE, EN 201 AVANT NoTRE
« cordées au roi P ilippe et aux autres .ÊBE.— Re'eté dans l'Italie méridio
u Grecs alliés. par les carthaginois, nale , Anniiial se vit contraint de sou
« les habitants d'Utique, toutes les tenir sans interruption , dans l'Apulie ,
«villes et tous les peuples soumis à la Lucanie et le Brutium, une lutte
« Cartba e, leurs alliés et soldats , acharnée contre les armées romaines.
« et par es villes et peuples qui, en La révolte de plusieurs villes de la Si
« Italie , en Gaule et en Ligurie, sont cile, et notamment de «Syracuse, qui
a ou pourraient devenir nos alliés. s'étaient déclarées pour Carthage, le
« Réciproquemeut nous ne nous ten délivra un instant de Marcellus u'il
« drons pas de pièges ou d'embûches. comptait parmi ses plus redouta les
un Vous serez ennemis des ennemis de adversaires. Cependant Rome ne ces
« Carthage; nous exceptons de ces en sait point de lui opposer ses meilleures
« nemis les rois , villes et peuples avec légions et ses plus habiles généraux.
u lesquels vousentretenez desalliances. En 213, il eut à soutenir les efforts
« De même nous serons ennemis des de deux armées consulaires. Celle
« ennemis du roi Philippe. en excep de ces armées où se trouvait en qua
« tant toutefois les rois, villes et peu lité de lieutenant Fabius, le bouclier de
« ples avec lesquels nous avons con
« tracté des alliances. Vous serez aussi (") Tite-Live parle aussi du traité qui fut
« nos alliés dans la guerre contre les fait entre Annibal et Philippe. roi de Ma
«Romains, jusqu'à ce que les dieux cédoine; il dit : «Le traité fut conclu aux
« nous donnent ainsi qu'à vous la paix. u conditions suivantes : que le roi Philippe,
«x Vous viendrez à notre secours, quand - avec une flotte très-considérable (il pou
« il sera nécessaire, et selon que nous «vait réunir deux cents vaisseaux), passe
n en conviendrons. Si les dieux vous u rail en Ilalie et ravagerait les côtes; qu'il
« favorisent, ainsi que nous, dans la « ferait la guerre de son côté sur terre et sur
« guerre contre les Romains, et que « mer; qu'au moment où elle serait termi
- ceux-ci viennent à demander la paix , « née, toute l'Italie et la ville de Rome ap<
a nous la ferons de manière que vous u parliendraient à Annibal et aux CartbaA
« ginois ainsi que la totalité du butin. Mais
«y soyez aussi compris. Il ne leur n une fois la conquête de l‘Italie achevée,
- sera pas permis d'entre rendre une « les Carthaginois à leur tour s'engageaient
en guerre contre vous. Les abitants de ou à se porter sur la Grèce, et à faire la
« Corcyre, d'Apollonie, d'Epidamne, « guerre aux rois ennemis de Philippe. Les
« de Pharos,de DimalIe, lesParthiniens - villes de la Grèce et les îles qui avoisi
« etlesAtintanes ne pourront être sous « nom la Macédoine devaient être rattachées
n la domination romaine. Ils rendront a au royaume de Philippe. Telles furent à
« aussi à Démétrius de Pharos tous les a peu près , ajoute 'l‘ite-Live , les clauses du
« hommes de sa nation qui sont sur a traité conclu entre le général carthaginois
a leur territoire. Mais si les Romains - et les députés macèdoniens. . . . . n ( Tile
« venaient à nous attaquer l'un ou l'au Live, xxIII, 33). La version de Polybc qui
« tre, nous nous assisterions comme a été admise jusqu'ici comme authentique
a les circonstances l'exigeraient; il en diffère en plusieurs points de celle de The
« serait de même si d'autres nous fai Live. Pourquoi l'historien latin fait-il inter
« saient la guerre, en exceptant tou venir, dans les conditions du traité, ce par
«jours du nombre de nos ennemis les tagc qui doit donner unjour Rome et l'Italie
aux Carthaginois et la Grèce entière à Phi
« rois, villes et peuples avec lesquels lippe 9 C'est qu'il a cru peut-être qu'en re
« nous vivons en alliance. courant à l'exagération il ferait mieux sentir
« Enfin, si nous jugions à propos à ses contemporains la grandeur du danger
« de retrancher ou d'ajouter quelque qui menaçait Rome et l'Italie à l'époque de
a chose a ce traité, il nous sera loisible l'expédition d'Annibal.
88
Rome, obtint sur Annibal quelques descente en Afrique, avait été repoussé
avanta es; mais, l'année suivante, le avec perte; et depuis lors, jusqu'à
généra carthaginois fit d'importantes l'arrivée de Scipion en 204, Carthage
conquêtes, et Il se rendit maître de n'eut pas besoin de rassembler des sol
Tarente, de Sybaris et de Métaponte. dats pour défendre ses murailles contre
Il profitait des moindres fautes de ses les attaques des armées romaines. Il
ennemis, et plusieurs généraux ro est vrai qu'en 213 , Sypbax, roi d'une
mains expièrent cruellement leur im artie de la Numidie , se déclara pour
prudence. Dans une seule rencontre es Romains; mais il en coûta peu aux
Il tua quinze mille soldats aux Ro Carthaginois pour combattre ce nou
mains qui , sous la conduite de Cente vel ennemi. Ils reçurent dans leur al
nius Penula, s'étaient engagés témé liance Gula, chef d'une autre partie
rairem'ent dans la Lucanie. En 211, de la Numidie, qui les aida uissam
Annibal accourut avec son armée au ment à refouler Syphax et es siens
secours de Capoue. Cette ville, qui jusque dans la Mauritanie Tingitane.
était restée si fidèle à l'alliance cartha Ainsi, pendant quinze ans, Carthage
ginoise, était alors assiégée par deux ut disposer de toutes ses forces pour
armées romaines. Annibal. désespé utter contre Rome, en Espagne, en
rant de faire‘lever le siége ,essaya, par Sardai ne, en Sicile et en Italie.
‘une ‘audacieuse diversion, dattirer Cart age , en effet, ne songeait point
sur lui tous les efforts des ennemis. Il seulement à combattre les armées ro
marcha sur Rome, et il dé loya ses en maines qui se trouvaient en Espagne
seignes près de la porte C ‘ne. Mais il et en Italie , elle voulait encore ressai
ne tarda pas à comprendre qu'avec des sir les provinces que les guerres précé
‘troupes peu nombreuses et épuisées par dentes lui avaient enlevées , et relever
de longues fatieues et des combats sans en Sardaigne et en Sicile ses anciens
cesse renouveles , sa tentative ne devait établissements. Après la bataille de
point avoir de résultats. Alorsil rétro Cannes, au commencement de l'année
grada et regagna le Brutium. Cepen 215, elle envo a en Sardaigne une ar
dant les Romains pressent lesiége de Ça. mée considéra le, sous le commande
poue et ils entrent enfin dans cette ville ment d’Asdrubal. Mais bientôt ses
où ils exercent de terribles vengeances. espérances s’évanouirent; l’armée de
Pendant les années 210, 209 et 208, la Sardaigne fut anéantie, et Asdrubal
lutte entre les carthaginois et les Ro futconduit à Romeà la suite du triom
mains se continue dans les provinces phateur.
de l’Italie méridionale. Fabius et Mar. Mais c'était principalement sur la
cellus reparaissent à la tête des légions. Sicile que s'était portée l'attention des
Fabius, en 209, enlève Tarente aux carthaginois. Dans les premières an
carthaginois; mais , l'année suivante, nées de la guerre, ils avaient équipé
Rome éprouve une grande perte. Mar une flotte nombreuse pour faire une
cellus, qui a été nommé consul, est descente dans l'île; mais cette flotte,
tué dans un combat où succombent comme nous l’avons dit plus haut,
avec lui Crispinus, son collègue , et les avait été détruite près de Lilybée, par
principaux officiers de l’armée ro le préteur Æmilius. Une perte aussi
maine. ‘ considérable fut loin d'enlever tout
ÉVÉNEMENTS DE LA DEUXIEME espoir aux carthaginois; ils entretin
GuEnnE PUNIQUE EN ArmQuE, EN rent dans la Sicile des émissaires , qui
SICILE ET EN SARDAIGNE; 219-207 excitaient la population à se révolter
AVANT NoTnE Eus. —Au connnence contre les Romains. Puis, ils équi
ment de la deuxième guerre punique, pèrent encore de nombreux vaisseaux;
Sempronius s’était emparé de l’île de et, peu de temps après la bataille de
Malte ; mais il n'avait point essayé d'at Cannes, le propréteur T. Otacilius écri
taquer les carthaginois sur leur propre vit au sénat : a Les États d’Hiéron sont
territoire. Servilius, qui avait tente une - dévaste‘s par une flotte carthaginoise.
CARTHAGE. 39
- Au moment où, sur les instances de geaitvers l’Italie. Il avait essayé, comme
a ce roi, je me disposais à lui porter nous l'avons dit, d'engager un combat
«secours, ou est venu m'apprendre sur les bords du Rhône; mais son. en
« qu'une autre flotte ennemie se tenait nemi lui avait échappé, et Scipion
«vers les îles Egates, toute prête, n'avait revu Annibal que sur les bords
« dès qu’on me saurait parti pour pro du Tésin. Toutefois, Cnéus Scipion,
« téger la côte de Syracuse , à fondre le frère du consul, avait continué sa
« sur Lilybée et sur les autres villes route vers l’Espagne avec une armée
« de la province romaine. Envoyez nombreuse. Il avait à peine opéré son
a donc des vaisseaux, si vous voulez débarquement à Empories qu'il vain
« défendre Hiéron votre allié, et vos quit Hannon, et se rendit maître de
« possessions de la Sicile. » Quand toutes les contrées qui se trouvent
Hiéron, ui avait été pendant cinquante comprises entre l’Ebre et les Pyrénées.
ans le fi èle allié des Romains, mou L'année suivante (217), Asdrubal lui
rut et laissa sa royauté de Syracuse à méme fut vaincu , etvCnéus Scipion,
son petit-fils Hiéronyme, un grand après avoir traversé I’Èbre, parcourut.
changement se fit en Sicile. La rébel. avec son armée victorieuse, toute la
lion fomentée par les carthaginois côte jusqu’aux colonnes d‘Herculc. Les
éclata , et près de soixante et dix villes carthaginois éprouvèrent alors en Es
se soulevèrent contre les Romains. pagne des revers multipliés. Ils avaient
Marcellus fut alors envoyé pour assié a combattre tout à la fois et l'armée
er S racuse. Les carthaginois, de des Scipions('), et les indigènes qui
eur coté, firent les plus grands efforts se déclaraient pour les Romains. As
pour soutenir les Siciliens qui avaient drubal avait déjà perdu la meilleure
embrassé leur parti. Bomilcar, Himil partie de ses forces lorsqu'il reçut ordre
con , Hannon et Mutine luttèrent sou du sénat de Carthage, après la bataille
vent avec succès contre les armées ro de Cannes , de remettre le gouverne
maines. La prise de Syracuse, par ment de l‘Espagne à Iiimilcon , et de
Marcellus , ne termina pomt la guerre; partir avec son armée pour rejoindre
les carthaginois se maintinrent sur Annibal en Italie. Il ‘se mit en marche;
tous les points; et, pendant plusieurs arrivé au bord de l‘Ebre, il rencontra
années, ils obtinrent sur leurs enne l'armée romaine qui s’op osait à son
mis d'importants avantages. Une trahi passage. Asdrubal livra ataille, fut
son rendit inutiles ces longs efforts de vaincu et rejeté en Espagne. Quand la
Carthage. Mutine livra Agrigente aux nouvelle en vint à Rome, par une
Romains, qui ne tardèrent point à lettre des Scipions, la joie fut univer
rentrer en maîtres dans les autres selle. On sentait toute l'importance de
villes. C'était en l’année 1210; dès lors, cette victoire qui empêchait Asdrubal
les carthaginois abandonnèrent pour de passer en Italie. Carthage envoya
toujours la Sicile qu'ils disputaient des renforts à ses armées d’Es agne;
aux Romains depuis si longtemps. mais les deux Scipions, Pub ius et
ÉVÉNEMENTS DE LA DEUXIÈME Cnéus , ne cessèrent point de vaincre.
GUEnnE PUNIQUE EN EsPAGNE DE Ils livrèrent deux grandes batailles
PUIS LE DEPAET D’ANNIEAL ms sous les murs d‘llliturgi et d’lntibili,
QU'AU MOMENT ou AsDEUEAL PE où ils firent éprouver aux carthagi
NETEE EN ITALIE; 219-207 AVANT No nois des pertes considérables. Ces der
‘I‘EE EEE. —— Dans les premiers temps niers succès eurent un immense ré
de la guerre, PubliusCornélius Scipion sultat, car, suivant la‘remarque de
avait été envoyé en Espagne pourpré Tite-Live.,pres ne tous les peuples de
venir les projets d’Annibal. Il se ren l’Espagne se déc arèrent alors pour les
dait au poste qui lui avait été assigné , Romains.
lorsqu'il apprit que le général cartha t’) Publius était venu rejoindre son frère
ginois. après avoir franchi les Pyré et lui avait amené trente vaisseaux et huit
nées, traversait la Gaule et se diri mille soldats.
90
Les Carthaginois ne furent point « un nombre considérable de scorpions
découragés par tant de revers, et ils « grands et petits. d’armes offensives
firent les plus grands efforts pour sou « et défensives; on prit aussi soixante
tenir en Espagne les armées que com « quatorze drapeaux. On porta au gé
mandaient alors Giscon , Magon et « néral une grande quantiié d’or et
Asdrubal. Cependant, chaque année «d’argent, deux cent soixante-seize
amenait pour eux de nouveaux désas u coupes d'or, ‘presque toutes du poids
tres : en 214 , ils furent vaincus dans « d’une livre, dix-huit mille trois cents
quatre batailles, à Illiturgi, à Bigerra, u livres d’argent monnayé et ciselé. et
a Munda et à Auringe. « Après cette « beaucoup de vases du même métal.
« brillante campagne, dit Tite-Live, « Tous ces objets furent comptés et
« les Romains éprouvèrent -un senti-' « pesés devant le questeur Caius Fia-
« ment de honte en songeant que Sa « minius; on trouva encore quarante
« gonte était depuis huit ans au pouvoir « mille boisseaux de froment et deux
a de leurs ennemis. Ils chassèrent de « cent soixante-dix mille boisseaux d’or
a la ville la garnison carthaginoise. et « ge. Soixante-trois vaisseaux furent
«y rappelèrent ceux des anciens ha a pris dans le port; parmi ces vaisseaux
« itants qui avaient échappé aux mal «il y en avait plusieurs qui étaient
« heurs de la guerre. » Par un brusque « chargés de blé, d’armes. de cuivre,
changement, la fortune devint bien a de fer, de voiles, de cordages, et
tôt contraire aux Romains. Les deux « d’autres agrès nécessaires à l’équipe
Scipions qui, tant de fois, avaient été « ment d’une flotte. » La prise de Car
vainqueurs, périrent avec une partie thagène et la politi ne de Scipion qui,
de leur armée. Rome était sur le point par des actes de c émence et de mo
de perdre en Espagne le fruit de ses dération, savait gagner aux Romains
nombreux succès, lorsqu'elle envoya les populations indigènes, portèrent en
dans cette province le 6 s de Publius, Espagueun coup mortel à ladomination
pour commander les légions. Le jeune carthaginoise. Toutefois, au moment
Scipion se dirigea vers I’Espagne avec même où Carthage venait d'éprouver
trente galères et dix mille hommes. Il de si grandes pertes, Asdrubal, par
joignit ces dix mille hommes aux trou un dernier effort, mit à exécution le
pes que Néron avait amenées l’année projet qu’il avait conçu depuis long
precedente, et aux débris de l’armée qui temps. Il passa l’Èbre, entra dans les
avait combattu si lorieusement sous Gaules par les Pyrénées, et après avoir
les ordres de son pere et de son oncle. franchi les Alpes, il pénétra enfin en
Scipion illustra bientôt son comman Italie.
dement par une action d'éclat : il se ASDRUBAL EN ITALIE; BATAILLE
porta sur Carthagène , qu’il prit d'as SUR LES Bonns DU Ménuns; rian
saut après un combat qui n’avait duré MÉE D'ASDRUBAL EST EXTEBMINÉE;
que quelques heures. Dans cette ville ANNIBAL CONCENTRE TOUTES ses
réputée inexpugnable, les Carthaginois ronces ‘DANS LE BnUTmM; 207
avaient déposé l’argent et les appro AVANT NOTRE ème. -—' Asdrubal com
visionnements qui servaient à la solde mit une grande faute en s’arrêtant dans
et à l’entretien de leurs armées. Au la Cisalpine et en mettant le siège de
reste, pour se faire une idée de l’im vant Plaisance. Roule eut le temps de
mensite des pertes que firent alors les faire de nouvelles levées et d'organiser
Carthaginois, il suffit de lire dans Tite deux armées pour résister aux enne
Live l’énumération suivante : « On mis qui la menaçaient au nord et
« s‘empara d’une prodigieuse quantité au midi. Asdrubal s’apereut enfin de
« de machines de guerre: c’étaient cent sa faute, et il essaya dela réparer en
« vingt catapultes de la première grau. se hâtant de traverser l'Italie pour re
«deur, deux cent quatre-vingts de ‘oindre Anuibal. Mais arrivé en Om
« randeur moyenne , vingt-trois gran rie, il rencontra le consul Livius sur
« ‘des balistes, cinquante-deux petites, les bords du Métaure. Néron , queRome
CARTEAGE. 91
avait opposé à Annibal, connaissait FIND‘ELADEUXIÈMEGUIIIIIE PUNI
depuis longtemps, par des lettres in QUE EN ITALIE, DEPUIS LA BATAILLE
terceptées, les plans d'Asdrubal. Il Du M ÉTAUIIE JUSQU'AU DÉPART D'AN
avait conlié son armée à un de ses lieu NIBAL; 207.203 AVANT NoTIIE ÈRE.
tenants, et il était venu dans le camp — Depuis l'instant où la mort de son
de son collègue Livius avec quelques frère Asdrubal avait fait évanouir ses
troupes d'élite. Une bataille sanglante plus belles espérances , Annibal ,comme
fut livrée sur les bords du Métaure. nous l'avons dit. avait concentré toutes
Asdrubal, y perdit la vie, et son armée ses forces dans le Brutium. A force
tout entière fut exterminée. Alors Né d’expédients , d'habileté et de courage,
ron revint dans son camp; il portait il se maintenait dans cette position
avec lui la tête d’Asdrubal, qu'il fit contre tous les généraux romains. Ce
jeter dans les retranchements d'Anni pendant les armées que Rome lui op
bal. On dit qu'il la vue de cette tête, posait lui enlevaient chaque jour
Annibal s'écria : « Je reconnais la for quelques-unes des villes qui avaient
tune de Carthage. » En effet, tout es embrassé son parti, et le refoulaient
oir de triompher des Romains en ltalie peu à peu à l'extrémité de l‘ltalie. Au
ui était désormais enlevé. C’est pour moment même où Carthage venait de
quoi il partit aussitôtde Canouse, et, perdre l'Espagne, il put espérer un
rassemblant les troupes qui lui res Instant de reprendre ‘offensive et de
taient, il concentra toutes ses forces reporter la guerre sur un théâtre plus
dans le Brutium, à l'extrémité de digne de lui. Il apprit que Magon, son
l'Italie. frere, avait débarqué en Ligurie avec
FIN DE LA DEUXIÈME cUEnEE PU une armée, et qu'il se préparait à mar
NIQUE EN ESPAGNE, DEPUIS LE mi. cher sur ses traces en traversant l'Ita
PAnT D'AsDnUEAL JUsQU'A LA PRISE lie; mais cette fois encore Annibal fut
DEGADEs; 209.205 AVANT NoTnE ÈRE. déçu dans ses espérances. Magon , après
—- La prise de Carthagène et le départ quelques succès, fut vaincu avec les
d’Asdrubal avaient livré aux Romains Gaulois ses alliés. Ce fut alors que
toute l'Espagne citérieure ou Tarrago Carthage, pressée en Afrique par les
naise. Magon et Giscon. avec les débris Romains, appela à son aide Magon et
des armées carthaginoises, se mainte Annibal.
naient, il est vrai, dans la Bétique; mais Les RonAINs Pon'rENT LA GUERRE
Scipion vint encore les attaquer dans ce EN AraIQUE; BXPÉDITIONS DE VA
dernier asile. Ce fut en vaIn que Car LEIIIUs LÆVINUS ET DE LÆLIUS ; Scl
thage envoya alors à ses généraux de PION DÉBAnQUE EN ArnIQUE AvEc
nouvelles troupes commandées par UNE ARMÉE ROMAINE; sEs PEEMIEES
Hannon; elle perdit sa dernière armée succès ; 207 - 204 AVANT NOTRE
dans une grande bataille livrée sur les ÈRE. — Après la bataille du Mé
conlins de la Bétique, et bientôt elle taure, les Romains avaient essayé de
ne posséda plus, dans la Péninsule, porter la guerre sur le territoire de
que la ville de Gades. Le roi Massi Carthage. Dès l'année 207, Valérius
nissa, qui jusqu'alors était resté fidèle Lævinus avait débarqué en Afrique,
aux carthaginois , et qui les avait uis et il avait poussé ses ravages jusque
samment aidés dans les guerres 'Es sous les murs d'Utique. Là se termina
pagne, passa aux Romains avec ses son expédition. A son retour, il ren
Numides. Scipion, de son côté, se contra une flotte carthaginoise, la
rendit en Afrique auprès de Syphax, battit et lui fit éprouver de grandes
qu'il gagna à l'alliance de Rome, et il pertes. Scipion, des son arrivée en Si
réunit ainsi contre Carthage les rois cile, avait envo é Lælius pour recon
des deux Numidies. Enfin la prise de naître et piller es côtes de l'Afri ue.
Gades, qui suivit de près ces événe Lui-même, après avoir obtenu l'a hé
ments, laça l'Espagne tout entière sion du sénat, ne tarda pas à suivre
sous la omination romaine. son lieutenant. Avant son départ, il
92
avait fondé de grandes es rances sur inois, comme dans celui des Numides ,
l'alliance qui unissait Syp ax aux Ro es soldatsélaient logés dans des ca
mains; mais il apprit lentôt qu'As banes faites de planches, de branches
drubal, en donnant sa fille Sophonisbe d'arbres et de joncs. Il conçut alors un
à Syphax, avait entraîné ce roi des hardi projet. Tant que dura l'hiver, il
Numides dans le parti des Carthagi ne cessa point d'envoyer à Syphax des
nois. D'autre part, Massinissa, qui messagers qui semblaient préparer, par
était resté fidèle à Rome, avait perdu l'intermédiaire du roi des Numides,
ses États. Ces fâcheuses nouvelles ne un traité de paix entre les Romains et
purent arrêter Scipion. Il débarqua les Carthaginois. Ces négociations sans
avec trente mille hommes, et, à son cesse renouvelées donnaient à Asdru
arrivée, il rencontra Massinissa qui bal et aux autres chefs de son armée
amenait avec lui deux cents cavaliers. une sécurité trompeuse et endormaient
guand les Romains touchèrent le sol leur vigilance. Au retour du printemps,
e l'Afrique, une terreur profonde se Scipion , par une attaque simulée, sem
répandit à Carthage et dans toutes les bla porter toutes ses forces vers Uti
villesvoisines. Les Carthaginois, dans que. Asdrubal et Sy hax étaient loin
leur imprévoyance, n’avaient point alors de soupçonner es véritables pro
songé à rassembler une armée. Ils or jets du général romain. Un soir, Sci
amsèrent à la hâte quelques troupes pion donna ordre à ses tribuns de
e cavaliers qui furent battues par faire rendre les armes aux soldats.
les Romains. Ce ne fut 'ue lorsque Quan ils furent prêts à marcher, il se
les premières craintes se issigèrent, mit à leur tête, et s'avança vers le
et au moment où Scipion s’arr ta vers camp des Carthaginois, qui était éloi
Utique, que les Carthaginois firent les gné du sien, dit Polybe, de soixante
réparatifs nécessaires pour arrêter stades. Il arriva aux retranchements
'invasion. ennemis vers la fin de la troisième
ScIPIoN AssIE'GE UTIQUE; IL sun veille. Il avait partagé son armée en
PEEND ASDEUBAL E'r SYPHAX; IL deux corps. Lælius et Massinissa se
MET LE FEU Aux CAMPS DEs CAn'rIIA portèrent sur le camp des Numides et
GINOIS ET DEs NumDEs; QuAnAN'rE Ils mirent le feu aux premières cabanes.
MILLE nomIEs PEEIssENr DANS L'incendie se propagea avec une ef
L'INCENDIE; L’AIIMEE D’AsDnUEAL frayante rapidité, et bientôt toutes les
EST ANÉANTIE DANS UNE BATAILLE; cabanes des Numides furent la proie
‘203 AVANT No'rnE EEE. -— Les Car des flammes. Massinissa gardait les
thaginois avaient enfin levé une armée , issues, et presque tous ceux qui es
et Syphax avait embrassé sincèrement sayèrent d'échapper au feu furent mas
leur alliance. Asdrubal s'avança alors sacrés. Scipion, de son côté, porta
avec des forces considérables contre l'incendie et le massacre dans le camp
Scipion, qui avait mis le siège devant des Carthaginois. Asdrubal et Syphax
Utique. L armée carthaginoise s'arrêta parvinrent, il est vrai, à s'échapper,
non loin des retranchements romains , mais, dans cette nuit désastreuse, ils
et se artagea en deux camps. Dans avaient fait des pertes considérables.
celui ‘Asdrubal, on comptait trente Quarante mille hommes avaient perdu
mille hommes de pied et trois mille la vie et cinq mille étaient tombés au
chevaux, et dans celui des Numides, pouvoir des Romains. A la nouvelle
que commandait Syphax, dix mille de l'incendie des deux camps, les Car
chevaux et cinquante mille hommes thaginois furent plongés dans la cons
d'infanterie. Les deux camps étaient ternation. Les sénateurs s’assemblèrent
séparés par un espace de dix stades. pour délibérer. Après de vives discus
Scipion, qui envoyait fréquemment sions, il fut décIdé qu'une nouvelle
des émissaires à Syphax pour le ra armée se mettrait en cam agne sous la
mener à l'alliance romaine, apprit conduite d'Asdrubal. On t des levées;
bientôt que dans le camp des Cartha on soudoya quatre mille celtibériens,
CARTHAGE. 98
et Syphax ne tarda point à donner au navires qui apportaient de la Sicile les
général carthaginois le secours de ses provisions destinées à l'armée de Sci
umides. Asdrubal avait réuni environ pion. Alors. sans doute, les carthagi
trente mille hommes, lorsqu'il fut en nois fondaient de grandes espérances
core atta lié par les Romains. Au sur l'arrivée d'Annibal(*). Ce énéral,
moment ou Scipion avait appris que les en effet, avait obéi aux or res du
carthaginois rassemblaient de nou sénat de Carthage, et il était parti
velles forces, il avait abandonné le pour l'Afrique avec son armée. Mais
sié e d'Utique pour aller combattre ce ne fut point sans une profonde dou
As rubal. Après cinq jours de marche, leur, et les historiens anciens l'ont
il était arrivé dans un lieu que Polybe attesté, qu'il abandonna cette Italie
appelle les Grandes-Plaines. C'est là dont il n'avait pas cessé de rêver la
que fut livrée une bataille qui enleva à conquête, et où il avait dépensé, pen
Carthage sa dernière armée et ses der dant quinze années, tant de courage
nières ressources. et de génie. Annibal aborda à Lep
DÉLIBÉBATION nu sEn AT cAnTHA tis; puis il vint à Adrumète, où il rit
GINOIS APRÈS LA BATAILLE DES quelques jours de repos, et delà i se
GnANnEs-PLAINEs; Sermon s'arti rendit à Zama.
PAEE nE TUNIS; ATTAQUE mmoEE ANNIEAL ET SCIPION ENTBENT EN
CONTnE LA FLOTTE ROMAINE QUI CONFÉRENCE; EATAILLEDEZAMM“).
ASSIÉGEAIT UTIQUE; LEs CAnTHAGt 202 ANS AVANT nous En. — C'é
NOIS ENVOIENT pas AMBASSADEURS tait sur les instances du sénat car
A BOME; ANMEAL nEEAaQUE A Lap thaginois qu'Annibal était venu cam
TIs; 203 ET 202 AVANT NOTRE ÈRE. per a Zama. Cependant l'armée ro
—- Le résultat de la bataille des Gran maine se trouvait encore assez éloignée
des-Plaines porta la terreur dans l'âme de cette ville, ui està cinqjournées de
des carthaginois et leur lit perdre toute Cartba e du coté du couchant. Bientôt
espérance. Les sénateurs décidèrent Anniba leva son camp, pour se rappro
alors qu'on fortiiierait la ville, qu'on cher encore desRomams.Déjà la bataille
ferait les préparatifs nécessaires pour entre le général carthaginois et Scipion
soutenir un siégé, et qu’on rappellerait était inévitable, lorsque ces deux illus
d'Italie Magon et Annibal. Le danger tres chefs se rendirent à une entrevue.
était pressant en effet; Scipion, met La conférence, comme il était facile de
tant à profit sa victoire, s’avan it sur le prévoir, n'eut aucun résultat, et l'on
Carthage, et déjà il était ma tre de se prépara au combat. Scipion rangea
Tunis. Les carthaginois essayèrent ses troupes dans l'ordre suivant : il
alors une diversion; llS envoyèrent des mit les hastaires sur la première ligne,
vaisseaux pour attaquer la flotte r0,
maine qui assiégeait Utique, et ils (") Magon de son côté avait quitté la Cisal
forcèreut Scipion à quitter Tunis et à pins et venait au secours de sa patrielorsqu’il
voler au secours d'une partie de son mouruten mer,àla hauteur de la Sardaigne.
armée. Après cette entreprise qui ne (") Les écrivains modernes s'accordent
leur réussit point, les carthaginois, généralement pour donner à cette bataille
privés des secours de Syphax leur le nom de Zama. Cependant la bataille fut
allié, qui était attaqué dans ses pro livrée loin de cette ville, entre Killa et Na
pres Etats par Lælius et Massinissa, ragara (V. Tive- Live et Appien). Le théi
demandèrent une trêve à Scipion, et tre de l'action n'est point indiqué d'une
manière précise dans Polybe. mais il est fa
envoyèrent des ambassadeurs à Rome cile de voir, ar le récit de cet historien,
pour demander la paix. Mais en cette que les Cartiaginois et les Romains n'en
circonstance, comme en bien d'autres , vinrent aux mains qu'à une assez grande
ils se montrèrent peu scrupuleux pour distance de Zama. Il faut ajouter que, sui
remplir les engagements qu'ils avaient vant Appien, il y eut à Zama, quelques
paris; ils s'emparèrent, à la faveur de jours avant la grande bataille, un combat
trêve, d'un convoi de deux cents entre des cavaliers romains vet carthaginois.
94
et laissa des intervalles entre chaque mirent en déroute. Cependant l'infan
cohorte; à la seconde ligne il plaça terie s'était abordée. Les soldats sou
les princes : les cohortes des princes doyés par Carthage se battirent d'abord
étaient posées non vis-à-vis des inter avec un grand courage; mais voyant
valles de la première ligne, comme cela que la seconde ligne restait immobile
se pratique chez les Romains, mais les et ne venait point à leur secours, ils
unes derrière les autres avec des in lâchèrent pied et se récipitèrent sur
tervalles entre elles, à cause des nom les Africains et les ‘arthaginois. La
breux éléphants qui se trouvaient dans seconde ligne d'Annibal , attaquée tout
l’armée ennemie. Les triaires for à la fois par les mercenaires et les Ro
maient la réserve. Sur l'aile gauche mains , fut taillée en pièces. Le géné
était Lælius avec la cavalerie d'Italie, ral carthaginois ne voulut pas que les
et, sur la droite, Massinissa avec ses fuyards vinssent se mêler aux soldats
Numides. Scipion jeta des vélites dans qui lui restaient : il ordonna au re
les intervalles de la première ligne, et mier rang de la troisième ligne de eur
leur do’nna ordre de commencer le présenter la pique, ce qui les obligea
combat, de manière pourtant que s'ils de se retirer le long des ailes dans la
étaient repoussés ou ne pouvaient sou plaine. Scipion se porta alors avec
tenir le choc des éléphants, ils se reti toute son infanterie, hastaires, prin
rassent, par les intervalles, derrière ces et triaires réunis, sur la troisième
l'armée. Annibal, de son côté, plaça ligne d’Annibal. Le combat fut long
sur le front de son armée plus de qua. et acharné. et la victoire était encore
tre-vingts éléphants; les mercenaires , indécise, lorsque Lælius et Massinis
Liguriens, Gaulois, Baléares et Mau sa, qui revenalent de la poursuite, se
res, occupaient la première ligne; der jetèrent, par derrière, sur l’infanterie
rière eux , sur la seconde ligne , se carthaginoise et en firent un grand
trouvaient les Africains et les Cartha carnage. Ce fut ainsi que se termina
ginois; enfin à la troisième ligne , qui la bataille. Les Romains perdirent dans
était éloi née de la seconde de plus cette mémorablejoumée plus de quinze
d'un sta e C‘), on voyait les trou es cents hommes; mais, du côté des Car
qui avaient fait les guerres d'Ita ie. thaginois, vingt millesoldats restèrent
Dans les deux armées, les Numides sur la place et vingt mille furent faits
commencèrent la bataille par des es prisonniers. Après cette terrible dé
carmouches. Ensuite Annibal fit avan faite , Annibal se sauva en toute hâte
cer les éléphants. L'infanterie romaine à Adrumète (").
eut beaucoup à souffrir de cette atta
que, mais les éléphants se retirèrent (*) Folard , dans le commentaire qui ac
par les intervalles que Scipion ‘avait compagne le récit de Polybe sur la halaille
ménagés sur sa triple ligne, et, à coups de Zama, a jugé peut-êlre Annibal avec
de traits, on les chassa hors du champ trop de sévérité. Après avoir essayé de dé
de bataille. Alors Lælius et Massinissa montrer, par une longue série d'arguments,
se précipitèrent sur les corps de cava que la conduile du général carlhaginois,
lerie qui leur étaient opposés, et les avant el pendant la bataille, ne répondit
point à sa réputation de prudence et d'ha
ileté, il ajoute: «Polybe, Tite-Live, et un
(") Tous ces détails sont empruntés à « grand nombred’autenrs fort éclairés parmi
Polybe. La narration d'Appien est très-cir « les modernes , ne peuvent s'empêcher
constanciée , mais elle est remplie d'un foule u d'admirer la merveilleuse disposition d'An
de traditions mensongères. Nous devons « nihal dans celte bataille : passe pour 'l‘ite
dire aussi, qu'en ce qui concerne les der « Live et pour ces derniers; ils n'ont pas
niers événements de la deuxième guerre a cru devoir se morfondre à faire l'analyse
punique, Appien est souvent en contradic « de ces deux ordres de bataille. Ils ont
tion avec Polybe et Tite-Live. Pour le récit a suivi le sentiment général, sans pénétrer
de la bataille de Zama nous avons donc pré « plus loin; mais que Polybe , qui était un
féré Polybe à l'historien alexandrin. « omme judicieux, grand historien , et
CARTHAGE.
Avant la bataille, dit Polybe, non mander la paix aux Romains. Onen
seulement l'Italie et l'Afrique, mais voya donc des ambassadeurs à Scipion ,
encore l'Espagne, la Sicile et la Sar qui leur ordonna de se rendre a Tunis
daigne étaient en suspens et suivaient où il conduisait son armée. Scipion
les événements avec une vive anxiété. songea un instant à faire le siége de
La victoire de Scipion mit fin aux in Carthage, et à terminer la guerre par
certitudes et rendit les Romains mai la ruine de cette ville. Mais bientôt,
tres du monde. craignant que, pendant les longueurs
LEs CARTHAGINOIS ENvoIENT DEs du siége qu'il méditait , un successeur
AHBASSADEUBS AScIProN; nEPoNsE ne vînt lui enlever le fruit de ses nom
DE ScIPIoN; DELIEEEATIoN DU sé breux succès et toute sa gloire , il ré
NAT cAETIIAoINoIs; LE sENAT ET solut d'accorder la paix aux carthagi
LE PEUPLE EoMAIN APPEoUvENT LE nois. Voici à quelles conditionsilvoulut
TRAITÉ DE PAIX coNcLU PAn SCI traiter:
PIoN; FIN DE LA DEUXIÈME GUEEEE « D'une part, les carthaginois gar
PUNIQUE; 202 ET 201 AVANT NOTRE deront en Afrique toutes les places
ÈRE-Annibal s'était enfui d'abord qu'ils avaient avant la dernière guerre,
à Adrumète; puis, rappelé à Carthage , ainsi que les terres , les esclaves et les
il était venu dans cette ville qu'il n'a autres biens dont ils étaient en posses
vait point vue depuis trente-six ans. Il sion; à partir de’ la conclusion du
conseilla alors aux carthaginois de de traité, il ne sera fait contre eux aucun
acte d'hostilité; ils continueront à
u tout ensemble un excellent homme de vivre suivant leurs lois et leurs cou
« guerre; que Polybe, dis-je , soit le pre tumes, et on neleur imposera point de
« mier qui ait été de ce sentiment, et qu'il garnisons.
a ait donné le branle à celui de tous les
d autres, voilà ce qui me surprend. Serait « D'autre part, les carthaginois res
titueront aux Romains tout ce qu'ils
« ce en vue de relever la gloire de Scipion
« qui était son ami,ou prévenu par les leur ont injustement enlevé pendant
«x grandes actions d’Annibal . ou faute de les tréves; ils leur remettront tous
« réflexion P. . . . . Pour peu qu'on ait de les prisonniers de guerre et trans
a connaissance de la guerre , on verra qu'An fuges qu'ils ont pris ou reçus; ils
a nibal ne se surpassa jamais moins que abandonneront tous leurs longs vais
11 dans cette bataille. . . . . Quoiqu'il soit seaux , à l'exception de dix gale
u toujours dangereux d'être singulier dans res: ils livreront tous leurs élé
au son opinion, et d'attaquer, comme j'ai phants; ils ne feront aucune guerre ni
a fait, un sentiment généralement reçu, 'e au dehors, ni au dedans de l'Afrique
a ne puis que je ne dise que cet ordre de sans l'adhésion du peuple romain; ils
« bataille est très-peu digne d'envie et de rendront à Massinissa les maisons,
- l'éloge de Scipion. . . . . J'avoue qu'il n'y terres, villes et autres biens qui lui
a a qu'une voix sur l'excellence de l'ordre ont appartenu ainsi qu'à ses ancêtres
u de bataille adopté à Zama par Annibal; (les Romains se réservaient de dési
« mais ce ne doit pas être une raison pour gner les pays où se trouvaient ces
a me soumettre à l'opinion de ces gens-là.
u Ils ont profondément examiné cette mé biens de Massinissa) ; ils fourniront des
u thode, dira-t-on, fort bien ; cela ne doit vivresa l'armée romaine pendant trois
a pas m'empêcher d'examiner à mon tour mois; ils payeront la solde de cette ar
a et voir s'ils ne se sont pas trompés. Il est. mée jusqu'au moment où le sénat et le
« aisé de juger si la chose méritait d'être peuple romain auront statué sur les
ce examinée‘. Il n'y a rien qui doive empê articles du traité; ils donneront dix
«cher de reconnaître des fautes dans un mille talents d'argent en cinquante ans ,
a homme extraordinaire, ainsi que dans un en payant chaque année deux cents ta
a autre. Personne n'est exempt de fautes, et lents eubo‘iques; enfin , comme garan
n le plus parfait est celui qui en a le moins tie du traité, le consul choisira ccnt
a commis. Annibal peut être mis de ce otages dans lajeunesse carthaginoise. »
« nombre. » Quand les ambassadeurs qui avaient
été envoyés à Tunis revinrent a Car : thaginois une douleur aussi rotonde
thage, et firent connaître le résultat - ue s’ils avaient vu l'ineen ie même
de leur négociation, il eut dans le a de Carthage. » Quand il fallut faire
sénat une rande hésitation. Plusieurs le premier payement des contributions,
sénateurs etaicnt d’avis de rejeter les les sénateurs carthaginois manifes
conditions proposées; et parmi eux, tèrent une vive affiiction , et plusieurs
Giscon essaya par un discours de mo d'entre eux versèrentdes larmes amères.
tiver son opinion. Il commençait à Alors Aunibal se prit à rire: sur le
parler lorsque Aunibal s'élança vers lui reproche que lui fit Asdrubal Hædus
et l’arracha de son siège. Aussitôt de d'insulter ar sa joie à la douleur
violents murmures eclatèrent dans publique, ont il était la première
l’assemblée. « Vous me pardonnerez , cause, il répondit : a Si l'œil qui
dit Annibal , si j’ai commis une faute distingue les mouvements extérieurs
contre les usages. Vous savez que uvalt lire au fond de l'âme , il serait
sorti de ma patrie à l'âge de neuf cile de reconnaître que ce rire qui
ans , je n'y suis revenu qu'a rès vous choque n’est pas l'expression de
trente-six ans d'absence. Veuil ez onc la joie , mais plutôt d'un délire causé
me pardonner la faute que j'ai coma par l'excès du malheur. Toutefois, ce
mise, et ne considérer ue mes inten rire est encore moins déplacé que votre
tions qui sont celles d'un on citoyen. : douleur. Quoi! au moment où l'on ar
Aunibal ajouta que rejeter, dans un rachait les dépouilles de Carthage,
danger si pressant, la paix accordée quand on la désarmait, vous ne pleu
par Scipion , c'était vouloir la ruine de riez point; et, dans ce jour où chaque
Carthage. Il termina en disant: a Ne cito en doit payer sa part du tribut,
délibérez point sur les articles, mais on dirait ne la perte de votre or est
recevez-les avec joie. Offrez des sacri une vérita le calamité publique. Hélas!
fices aux dieux, et priez-les de faire je crains qu’avant peu vous ne vous
en sorte que le peuple romain ratifie aperceviezque ce qui vous coûte au
le traité que l'on nous pro se.» Le jourd'hui des larmes, était de tous vos
sénat se rendit à l'opinion ’Annibal, maux le plus léger! »
et fit partir des ambassadeurs pour Scipion, avant de quitter l'Afrique ,
conclure la paix. Ces ambassadeurs se ajouta aux Etats que Massinissa tenait
dirigèrent vers Scipion qui campait à de ses ancêtres Cirta et les autres villes
Tunis, et de là ils allèrent à Rome. qui avaient appartenu à Syphax. C'était
introduits dans le sénat, Asdrubal car le récompenser de sa fidélité et
Hædus, l’un d'eux, prit la parole et 'attacher de plus en plus au parti des
implora la pitié des Romains. On leur Romains. Ainsi Carthage, épuisée d’ar
accorda la paix , et le traité conclu par gent par d'onéreuses contributions ,
Scipion fut ratifié par le peuple et les sans armées de terre et sans flotte, se
sénateurs. Alors , les ambassadeurs re vo ait livrée à la discrétion de sa ri
vinrent en Afrique. va e. Toutefois , Rome crai ait encore
«Les Carthaginois, dit Tite-Live, qu'elle ne pût se relever e tant de
« livrèrent leurs vaisseaux de guerre, désastres; et, pour la tenir toujours
a leurs éléphants, les transfuges, les faible et toujours humiliée, elle accrut
« esclaves fugitifs et quatre mille pri la puissance de Massinissa, l'ennemi
«sonniers, parmi lesquels se trouva éternel du peuple carthaginois. Au
« un sénateur, Q. Terentius Culleo. moment où Scipion partit pour aller
« Scipion fit conduire les vaisseaux en recevoir le triom he, il était dé'à évi
a pleine mer pour y être brûlés; ils dent que le trait qui avait mis n à la
« ormaient, suivant quelques histo deuxie’me guerre punique ne faisait
« riens, un total de cinq cents bâti qu’ajourner la ruine de Carthage.
a ments à rames. L’aspect de cet em-. Canrnmz Humus]; un LES Ro
cbrasement, qui tout à coup vint MAINS APRÈS LA DEUXIÈME GUERRE
- frapper les regards, causa aux Car PUNIQUE; AMBASSADBUBS BNVOYÉS
CARTHAGE. 97
Aux CAIITIIAeINoIs PAII LEs Ro se bâtèrent encore d'envo er à Rome
nAINs; EEPoNsE DEs CAIITnAGINoIs deux eent'mille mesures e blé et au
A cEs AMEAssAnEUns ; 20l-195 AVANT tant à l'armée de Macédoine. Quant a
NoTEE ÈRE. —— Après avoir succombé, Amilcar, il perdit la vie dans une ba
Carthage ne tarda pas à sentir com taille où les Gaulois furent vaincus (").
bien étaient rigoureuses et dures les Nous devons ajouter ici que les am
lois que Rome victorieuse im osait à bassadeurs qui étaient venus à Car
ses ennemis. Dès lors, en e et, elle thage avaient mission de poursuivre
fut obligée de subir, jusqu'au moment leur route en Afrique, et de se pré
de sa ruine, une longue série d'humi senter à Massinissa pour lui offrir de
liations et d'in'ustices. Ainsi, les Ro riches présents, et le féliciter, non
mains avaient a peine ratifié le traité seulement d'avoir reconquis les États
qui termina la guerre, que les Cartha de ses pères, mais encore d'avoir dé
ginois s’empresserent de remplir leurs pouillé de son royaume Syphax , l'allié
nouveaux engagements et de se son des carthaginois.
mettre à toutes les conditions qu'ils CONDUITE D'ANNIEAL PENDANT LA
avaient acceptées. Ils croyaient sans PAIX; LEs EÉroaMEs QU'IL OPÈRE
doute avoir satisfait aux exi ences DANs LE GOUVERNEMENT DE CAE
des vainqueurs, lorsque des am assa TIIAGE soULEvENT coNTnE LUI LE
deurs se présentèrent à eux , et PAIITI AnIsTocnATIQUE; ANNIEAL
parlèrent ainsi au nom de Rome : EcHAPPE Aux RoMAINs PAII LA
« Amilcar, un de vos concitoyens, est FUITE; 195 AVANT NoTEE ÈEE. —
«resté dans la Gaule; il a levé une Quand la guerre fut terminée, Anni
a armée de Gaulois et de Liguriens , et bal, chef de la faction Barcine, fut
a il fait la guerre aux Romains contre porté par ses concitoyens aux plus
c la foi des traités. Si vous désirez _ antes dignités de la république. Bien
en conserver la paix, rappelez Amilcar tôt il usa de son pouvoir et de son
« pour le livrer au peuple romain. n influence pour opérer dans le gouver
Ils ajoutèrent encore: a Tous les trans nement de Carthage d'importantes ré
« fuges n'ont point été rendus; il en formes; mais il ne put attaquer cer
u est resté un grand nombre, qui, tains vices de la constitution sans se
a d it-on, se montrent publiquement à faire, dans le parti aristocrati ue,
- Cartha e. Vous devez en faire une d'implacables ennemis. A cette po
a recherc e exacte et les arrêter, afin que, l'ordre des juges exerçait dans la
« de les remettre‘ aux Romains d'après ville une domination d'autant plus ab
« les termes du traité. » solue et tvrannique, que les charges
Amilcaravait agi sans la participation de cet ordre étaient inamovibles. Les
des carthaginois; ceux-ci ne pouvaient juges disposaient, suivant leurs ca
donc lui ordonner de suspendre une prices, des biens , de l'honneur et de la
guerre à laquelle ils étaient étran ers. vie même des citoyens. Il suffisait d'a
Toutefois, a la voix des ambassa eurs voir déplu à l'un d'eux pour être ex
romains, ils s’humilièrent, et firent cette posé à la haine de tous-les autres.
réponse: « Tout ce qui est en notre Annibal essaya d'attaquer les juges qui
« pouvoir, c'est d'exiler Amilcar et de depuis longtemps étaient devenus
a confisquer ses biens. A l'égard des odieux au peuple. Un jour qu'il siégeait
« transfuges, nous avons restitué ceux à son tribunal, il s'éleva fortement
II ne des recherches exactes nous ont contre eux, et les accusa d'avoir
a ait découvrir. Nous nous proposons , anéanti, par l'abus qu'ils avaient fait
a à ce sujet, d'envoyer des députés au de leur pouvoir et par leur arrogance,
-sénat romain pour lui donner des
« explications satisfaisantes.» Les Car. (’) 'I‘ite-Live nous apprend que , suivant
tbaginois ne se bornèrent point à pro certains historiens, Amilcar fut pris pen
tester ainsi, par leurs paroles, contre dapt la bataille et qu'on le vit paraître à
la malveillance de leurs ennemis, ils Rome , dans un triomphe.
1' maison. (CAnTIIAeL) 7
98
l'autorité des lois et des magistrats. équipée. C'est ainsi qu'Annibal quitta.
Quand Annibal s'aperçut que la mul l'Afrique; et dans sa fuite, dit Tite
titude écoutait son discours avec fa Live, il pensait plus souvent à la triste
veur, il lit passer une loi qui portait: destinée de Carthage qu'à ses propres
« qu'à l'avenir, on élirait chaque année malheurs.
de nouveaux juges, et que personne ne La nouvelle de la disparition sou
pourrait être juge deux ans de suite. » daine d'Annibal se répandit bientôt à
Cette grande mesure fut accueillie avec Carthage. Les bruits les plus divers
joie par le peuple, mais elle ne fit circulaient parmi la foule qui s’était
qu'irriter de plus en plus la faction rassemblée dans la place publique. Les
aristocratique. Bientôt une autre loi, uns disaient u’il avait pris la fuite;
faite dans un but d'utilité publique, les autres , etc était le plus grand nom
acheva d’exaspérer tous les ennemis bre, affirmaient qu'il avait été tué par
d’Annibal. Depuis longtemps, les re les émissaires des Romains; enfin, on
venus de l’Etat étaient dilapidés par apprit par des marchands qu'Annibal
ceux-là mêmeà qui la république les s'était montré dans l'île de Cercine.
avait confiés , ou enlevés par les grands, Les ambassadeurs romains, trompés
qui se les partageaient comme une dans leur attente, se présentèrent au
l'oie. Les sommes destinées à payer sénat de Carthage, où ils dirent : « qu’ils
ce tribut annuel imposé par les R0 n'ignoraient pas qu'Annibal entrete
mains se trouvant ainsi détournées, le nait des relations avec Philippe de Ma
peuple était soumis à d'onéreuses con cédoine, Antiochus , les Étoliens, et
tributions. Annibal, après avoir pris tous les ennemis de Rome; qu'il ne se
une connaissance exacte de l'étendue donnerait point de re os qu'il n'eût al
des revenus de l’Etat, força à une res lumé la guerre dans e monde entier;
titution les détenteurs des deniers pu que les Carthaginois ne devaient as
blics. Dès lors, il fut exposé à toute la laisser ces manœuvres impunies, s ils
haine de l'aristocratie. Ses ennemis voulaient prouver au peuple romain
écrivirent à Rome pour l'accuser d‘en qu'ils étaient complètement étrangers
tretenir avec le roi de Syrie,'Antio aux projets d'Annibal. » Les Cartha
chus, de coupables intelligences. ginois répondirent à ces arrogantes pa
‘Les Romains, qui craignaient tou roles, qu'ils étaient disposés à se son
jours Annibal, prêtèrent une oreille mettre en toutes choses aux volontés
favorable à ses accusateurs, et ils ré du peuple romain. Mais déjà il était
solurent, malgré l'opposition de Sci hors de leur pouvoir de combler les
pion l'Africain, de s'emparer de sa vœux de Rome, car Annibal en fuyant
personne. [Is envoyèrent à Carthage s'était mis à l'abri de la haine et de
C. Servilius, M. Claudius Marcellus et la perfidie de tous ses ennemis.
Q. Terentius Culléo, qui, d'après les ANNIEAL CHEZ ANTIocIIUs; sEs
conseils des ennemis d'Annibal, can TENTATIvEs PoUE nALLUIIEn LA
chèrent le but de leur voyage. Quand GUEIIEE coNTEE LES RoMAINs; IL
ils furent arrivés , Annibal ne se trompa ESSAIE , PAR UN DE sEs EMIssAInEs,
point sur leurs projets. Il fit ses ‘pré DE soULEVEE LEs CAIITHAGINoIs.
paratifs, et le jour même de sa uite 195-193 AVANT No'rnE EEE. — An
on le vit se promener longtemps sur nibal, après une heureuse navigation,
la place publique. Quand le soir fut arriva à Tyr, où il fut reçu comme
venu , il se rendit à une des portes de dans une seconde patrie. Il ne fit pas
la ville, suivi seulement de deux hom un long séjour dans cette ville , et il
mes qui ignoraient son dessein. Des s'empressa de se rendre a Antioche.
chevaux l'attendaient, et il partit ans Quand il apprit que le roi de Syrie
sitôt. Le lendemain, il arriva au bord était absent, il se remit en mer et il
de la mer, entre Acholla et Thapsus, se diri ea vers Ephèse, où il rencon
et là il s'embarqua sur une galère que tra en n Antiochus. Ce prince était
depuis longtemps il tenait prête et alors dans de grandes incertitudes, et
CARTHAGE. 99
il ne savait s'il devait entreprendre la sénateurs commencèrent à délibérer;
guerre contre les Romains. L'arrivée mais bientôt des débats s’élevèrentdans
d’Annibal mit fin à toutes ses irréso le sénat, les avis furent partagés, et
lutions. On a prit bientôt à Rome On se sépara ce jour'là sans avoir pris
qu’Antiochus alsait de grands prépa une décision. Quand le soir fut arri
ratifs. Cette fois encore, les Cartha vé, Ariston, vraisemblablement d'a.
ginois vinrent dénoncer Annibal au près les conseils des amis d'Annibal ,
sénat romain, et l'accuser d'avoir été vint avec des placards dans un des en
l'instigateur de la guerre qui allait com droits les plus fréquentés de la ville, et
mencer. En effet, Annibal , qui avait il les suspendit au-dessus du tribunal
gagné vla confiance d'Antiochus, lui où siéîeaieiit chaque jour les magis
avait inspiré une partie de sa haine trats. ui-méme, vers la troisième
contre les Romains. Il ne cessait de veille, s'embarque et prit la fuite. Le
lui dire que Rome était l'ennemie de lendemain, lors ne les suffètes se ren
tous les euples, que, pour lui résis dirent à leur tri unal pour rendre la
ter, il fa lait la pr venir et l'attaquer justice , on aperçut les placards; on les
en Italie. Il s'offrait pour conduire une détacha et on en lit lecture. Ils por
expédition dans cette contrée, qu'il taient : a que les instructions données
avait abandonnée avec tant de regret, à Ariston, n'étaient point secrètes et
Ï il disait au roi de Syrie, que si le qu'elles ne s'adressaient à aucun ci—
t éâtre de la guerre était porté encore toyen en particulier, mais à tous les
une fois en Italie, Carthage elle-même sénateurs. » Cette déclaration qui com
ne tarderait point à reprendre les ar promettait les familles les plus illus
mes. Après avoir fait goûter ses pro tres, fut cause qu’on ralentit toutes
‘ets à Antiochus, il voulut connaître les poursuites; cependant on crut né
'ies intentions de ses concitoyens. Il cessaire d'envoyer- une ambassade à
envoya à Carthage un émissaire adroit, Rome, pour informer les consuls et
le Tyrien Ariston , auquel il ne confia le sénat de ce qui s'était passé.
point'de lettres, mais seulement des PnEmEEEs ATTAQUES DE MAssI
Instructions verbales, et il l'adressa à NIssA CONTRE LES CAnTIIAGINoIs
ceux qu’il comptait encore au nombre QUI IMPLOEENT L'INTERVENTION DEs
de ses amis. ROIIAINS; OPINION DE POLYBE ET
Dès qu'Ariston parut à Carthage, DE TITE-LIVE sua LA CONDUITE DU
l'objet de sa mission fut connu de sENAT ROMAIN; 193 AvANT NOTEE
tous : alors la faction aristocrati EEE. —— Massinissa ne tarda pas à voir
que conçut de grandes craintes. Les que le stratagème d'Ariston avait ins
sénateurs étaient d'avis de faire com piréauxRomainsdescraintessérieuses;
paraître Ariston devant les magis Il profita de cette circonstance , et aussi
trats, de l'envoyer à Rome s'il ne des divisions qui existaient au sein de
pouvait donner sur son voyage des ex Carthage entre le sénat et le peuple,
plications satisfaisantes, et ils disaient pour agrandir ses États. Il attaqua les
qu’on devait maintenir la'république, carthaginois, et il exerça de grands
non-seulement à l'abri de tout repro ravages sur les terres qui leur étaient
che, mais encore de tout soupçon. soumises. Pol e a parlé en peu de
A Plielé devantles magistrats, Ariston
. mots de cette entative de Massinissa.
fit valoir, comme m0 en de défense, Il suffira, nous le croyons, de lire le
l'impossibilité Où l'on tait de produire court récit de cet historien pour cons
contre lui des preuves écrites. Cepen naître le système de conduite e les
dant il ne put trouver pour son voyage Romains avaient adopté alors à ’égard
un prétexte plausible, et il montra un des carthaginois. « En Afrique, dit Po
extrême embarras lorsqu'on lui fit ob— « lybe , Massinissa avait été fortement
server u'il n'avait en des entretiens « tenté de s'emparer du territoire qui
qu'avec es membres de la faction Bar a se trouve aux environs de la petite
cine. Après avoir entendu Ari‘ston , les « Syrte, et qu'on appelle Fmptm'a. Il
100
a y avait sur ce territoire un grand Ils envoyèrent en Afrique des com
«nombre de villes C‘); le pays était missaires qui devaient terminer la con
a beau, et on en tirait des revenus testation. Voici les curieux renseigne
« très considérables. Il prit enfin la ments que nous donne Tite-Live sur
« résolution d’envahir cette riche con la maniere dont ces commissaires s’ac
« trée. Il se rendit maître des cam quittèrent de leur mission : « Publius
a pagnes; mais , lorsqu’il voulut at « Scipion I’Africain , C. Cornélius Cé
« taquer les villes, il rencontra de « thégus et M. Minucius Rufus, après
a grands obstacles. Les carthaginois a avoir écouté et examiné l'affaire, ne
a les défendirent si bien, qu’il ne put « se prononcèrent pour aucune des
« y entrer. Pendant toutes ces hos a deux parties, et ils laissèrent toutes
« tilités, les carthaginois envoyaient « choses indécises. On ne sait s'ils agi
« des ambassadeurs à Rome pour se « rent ainsi de leur propre mouve
« plaindre du roi de Numidie; et le roi « ment, ou s’ils ne firent que se
a y députait aussi de sa part, pour se « conformer aux: instructions qu’ils
«justifier contre les carthaginois. « avaient reçues ; mais il est certain
a L'équité voulait qu’on se prononçat « que les circonstances uoulaientqu’on
a pour Carthage; cependant les 110 « aissat les carthaginois et le roi de
n mainsfauorisaz‘enl Massinissa , non « Numidæ dans une complète mésin
a que le bon droit fût du coté de ce « telligence ; autrement Scipion, par
«prince, mais parce qu’il était de a la connaissance eæacte qu'il avait
n t’intérét du sénat de décider en « de toute l’affaire , aurait pu tran
a sa faveur. Voici. la cause des hos « cher la difficulté. »
« tilite’s : le roi de Numidie ayant DERNIÈRES ANNÉES DE LA- vre
a demandé à traverser le territoire D’ANNIBAL; 193-183 AVANT NOTRE
« voisin de la petite Syrte pour pour ÈRE. — Annibal , dans son exil, vit
« suivre un rebelle appele Aphtéra bientôt avec douleur qu’Antiochus res
« te (’*), les carthaginois lui avaient tait inactif et mettait en oubli ses utiles
« refusé le passage. Ce refus leur coûta conseils. Des courtisans, jaloux de la
n cher. Ils furent tellement pressés par faveur dont il jouissait , avaient inspiré
« Massinissa, qu’à la fin ils perdirent au roi de Syrie des doutes sur sa sin
a la campagne et les villes; ils furent cérité. Il y avait déjà, dans les rapports
a même obligés de payer cin cents ta d’Aunibal et d'Antiochus. quelque re
“ lents pour les revenus qu’i s avaient froidissement lorsque des ambassa
« perçus depuis le commencement de deurs romains arriverent en Asie. L'un
n a contestation. n d’eux . Villius, se rendit à Ephèse, où
Les carthaginois, pendant toute la il se ménagea, dit-on, de fréquents
durée de la lutte, n’avaient cessé d’in entretiens avec le chef carthaginois.
voquer le traité par lequel _Sc_ipion, A la suite de ces entretiens diversement
après sa victoire, fixant les limites de interprétés, Antiochus craignit une
leurs possessions, avait enclavé dans trahison, et il cessa de confier ses pro
ces limites la contrée qu’on appelle jets à Annibal.
Emporia. Les Romains ne pouvaient Ici , la tradition place une anecdote
ouvertement violer le traité, et, d’au célèbre que nous allons rapporter.
tre part, leur intention n'était pas de P. Scipion l’Africain était au nombre
dépouiller Massinissa de sa nouvelle des ambassadeurs romains qui se ren
conquête. Pour mettre de leur coté, dirent à Éphèse. Dans une entrevue
au moins, les apparences de la justice, qu’il eut avec Annibal, il lui demanda
ils eurent recours au moyen suivant. quel était celui de tous les géné
raux qu’il plaçait au premier rang. —
(') Tire-Live prétend au contraire que Alexandre, répondit AnnibaL- Et au
dans tout le pays il n'y avait qu'une seule second rang? — Pyrrhus. —- Et au
ville. C‘élait Leplis. troisième? — Moi —même. — A quel
(") Tite-Live l'appelle Jp/u’r. rang vous placeriez-vous , dit Scipion
CARTHAGE. 101
en riant, si vous m'aviez vaincu? — Je Autiochus fit, il est vrai, des pré
me placerais avant Alexandra, avant paratifs; mais il a it avec tant de ‘en,
Szrrhus, et avant tous les autres gé teur et tant de nég igence , qu’Anmbai
raux, repartit Annibal. Scipion, vit s'évanouir alors ses dernières espé
ajoute la tradition , fut touché de cette rances. Le roi de Syrie passa en Grèce.
10m1: imprévue, qui le mettait ainsi où, par sa folle conduite, .il perdit une
hors toute comparaison (“). bataille, et donna aux Romains un
Annibal souffrit d’abord,sans profé prétexte ur entrer en Asie. Au'mo-‘
rer une plainte, les injurieux soupçons ment où Il regagnait en fuyant sa ville
d’Antiochus. Mais, enfin , il ne put d’Éphèse, Antiochus , dit-on , recon
résister au désir de se justifier et de nut la sagesse‘ des plans d’Annibal.
combattre les erlides insinuations de Mais le repentir venait trop tard et ne
ses ennemis. 1 se rendit un jour au pouvait le sauver, car déjà une armée
près d’Antiochus ,.et lui dit: a 0 roi, romaine se préparait à l'attaquer dans
« j'étais bien jeune encore lorsque mon ses États. Les événements justifièrent
« père Amilcar quitta Carthage pour les prédictions d’Annibal. Les Ro
a aller en Espagne. Avant son départ, mains passèrent en Asie , et Antiochus
a il me conduisit à l’autel où il sacri fut vaincu. Toutefois, pendant la
- fiait aux dieux; et, là, il me fit pro. uerre, le général carthaginois n’a
- mettre de vouer une haine éternelle andonna point celui qui lui avait ac
« aux Romains. Ce serment prêté à cordé l’hospitalité. Il aida le roi de
a mon père ,‘ devant les dieux, je l’ai Syrie de ses conseils et de sa longue
- âardé religieusement jusqu’à ce jour. expérience , jusqu’au jour où ce'priuce
a ’est pour ne point violer ce solennel lit la paix avec les Romains. Alors
c engagement que j'ai abandonné Car Annibal, cédant encore une fois à la
- thage asservie, et que je suis venu mauvaise fortune, alla chercher un
a dans vos États. Si vous trom nouvel asile. Il se rendit auprès de
« pez mes espérances, j’irai , fidèle à Prusias, et ce fut en Bithyme qu’il
ni mon premier serment, "irai artout passa les dernières années de sa vie. Il
un où je saurai gu’il y a es au data et y vivait en repos lorsque des ambassa
c des armes, a n de susciter des en deurs romains arrivèrent à la cour de
- nemis aux Romains. Je hais les Ro Prusias. L'un» d’eux , Flamininus, re
c mains, et "en suis haï: mon père proche au roi de donner asile au lus
- Amilcar et es dieux sont témoins de mplaeable ennemi des Romains. ru
-_ la vérité de mes paroles. 0 roi, si sias com rit aisément que les repro
x vous songez à faire la paix avec les ches de lamininus étaient des me
c Romains , vous pouvez m’enlever mecs, et il résolut de tuer ou de
« votre confiance; mais si vous vous livrer celui qui lui était uni par les
a préparez à leur faire la guerre, sa liens de l'hospitalité. Quand Annibal
a chez qu’Annibal est le meilleur et le vit qu’il ne lui restait aucun moyen de
a plus dévoué de vos conseillers ("3. r fuir, il prit du poison; et, avant de
Ces paroles , .dit Tite-Live, produi mourir, il chargea d’imprécations Pru
sirent une telle impression sur l’esprit sias et les Romains. Telle fut la fln de
du roi qu’il rendit à Annibal toute sa cet homme que son génie, ses bril
confiance, et qu’il se décida enfin à lantes victoires, ses malheurs sans
déclarer la guerre aux Romains. nombre et sa haine contre Rome ont
(') Voy. 'l‘ite-Live.—Plutarque, dans la rendu à jamais célèbre.
vie de Pyrrhus, raconte aussi cet entretien. Lune sans Lss Canrnsemors
Suivant lui, Annibal mil Pyrrhus au pie n'r Msssrmsss; Lss CABTHAGINOIS
mier rang, Scipion au deuxième, et lui pon'rsm' LEuns PLAINTES A Roue;
même se plaça au troisième. La tradition sur murmure‘ pas ARBITRES aousnvs;
laquelle l'lutarque fondait son récit ne t'ai 182-152 AVANT morne Èns. - Au
sait int mention d'Alexandre. moment même où Annibal ex irait
( Voy. Tite-Live et Cornélius Nepol. dans une contrée lointaine , Cart age,
102
vaincue et humiliée. s'était vue forcée en paix avec les alliés du peuple ro
de céder au roi de Numidie une nou main. Carthage ne savait que trop
velle portion de son territoire. Plein bien que Rome plaçait Massinissa au
de confiance dans l'amitié des Romains, nombre de ses alliés les plus fidèles et
et rassuré d'ailleurs ar l'approbation les plus dévoués. Unseul m0 en res
tacite qu'ils avaient onnée a ses pre tait aux Carthaginois : c'était e porter
m‘ières usurpations, Massinissa avait leurs plaintes au sénat romain. Les
renouvelé les hostilités. et il avait en ambassadeurs qu’ils envoyèrent alors
core enlevé une province aux Cartha demandèrent pour leurs com atriotes
ginois. Ceux-ci envoyèrent des ambas une de ces trois choses: ou e les au
sadeurs à Rome pour porter plainte toriser à discuter avec Massinissa sur
contre Massinissa. Les Romains nom‘ leurs droits respectifs au tribunal d'un
mèrent des arbitres qui prirent con peuple allié; ou de leur permettre
naissance de l'affaire, mais qui ne se d'opposer à une injuste agression une
prononcèrent point.Toutefois, ils lais défense légitime; ou bien , enfin, si la
sèrent provisoirement à Massinissa les faveur l'emportait sur le bon droit,
terres qu'il avait conquises. Les Car de déclarer une fois pour toutes ce
thaginols protestèrent longtemps cou qu'on voulait leur enlever pour le don
tre cette odieuse partialité. En effet, ner à Massinissa. a Si l'on ne veut ac
nous savons par Tite-Live que deux « corder aux Carthaginois, ajoutèrent
ans après l'envoi des commissaires,les « les ambassadeurs, aucune de ces trois
Romains , pour apaiser les plaintes de « choses; et si, depuis la paix accordée
Carthage, lui rendirent cent otages « par Scipion , on a quelque tort à leur
et lui garantirent la paix non-seule a reprocher, il faut agir ranchement à
ment avec eux-mémes, mais encore a leur égard. Ils aiment mieux une ser
avec Massinissa. Pendant quelques an « vitude tranquille sous la domination
nées, le roi de Numidie resta fidèle «des Romains u’une liberté exposée
aux engagements que les Romains « aux violences _ eMassinissa. - Ce dis
avaient ris pour lui: mais enfin il cours achevé, ils se prosternèrent en
ne put resister au désir de renouveler pleurant, et les sénateurs romains ne
contre les Carthaginois une guerre qui purent se défendre d'un mouvement
lui procurait de si grands avantages. de compassion. On jugea convenable
Il réclama, comme sa propriété, une d'interroger le fils du roi de Numidie,
portion de territoire connue sous le Gulussa , qui se trouvait alors à Rome.
nom de Grandes-Plaines, et une pro Gulussa, qui n'avait aucun moyen de
vince appelée Tysca, où l’on comptait justifier la conduite de son père, ré
un gran nombre de villes. Tandis que pondit que Massinissa ne lui a ant
les Carthaginois protestaient , .au nom transmis aucune instruction , i ne
de la justice, contre cette nouvelle pré pouvait donner les explications qui lui
tention , Massinissa s'empara des villes étaient demandées. Le sénat, après
et du territoire. avoir délibéré , décida que Gulussa re
Par le traité qui avait mis fin à tournerait en Numidie pour avertir
la deuxième guerre punique, les Car son père d'envoyer des ambassadeurs
thaginois se trouvaient tellement en chargés de répondre aux plaintes des
chalnés u'ils ne ouvaient repous Cart aginois. - On adéjà fait beaucoup,
ser la vie ence par a violence, et re disait le sénat, et l'on fera plus encore
courir aux armes pour se défendre pour récompenser Massinissa de son
contre le roi de Numidie. En effet, il attachement sincère; mais on respec
ne leur était pas permis de faire la tera la justice et l'on n’accordera rien
guerre au delà de leurs frontières; et à la faveur. Les Romains désirent que
quand bien même Rome les eût auto le territoire contesté reste à son pos
risés à user de représailles, ils étaient sesseur légitime, et que les anciennes
mcore liés par un article du traité qui limites tracées entre les deux États
leur ordonnait formellement de vivre soient respectées. Ils n’ont pas rendu
CARTHAGE. 103
aux carthaginois vaincus leurs villes PAETIs QUI DIvIsENT LA RÉPUBLI
et leur territoire, pour leur arracher QUE;CARIHAGE,APBÈSLADEUXIÈMB
par violence, durant la paix, ce qu’ils GUEEEE PUNIQUE, coNsEEvE EN
n’ont as voulu leur enlever par le coIIE ASSEZ DE PUISSANCE PoUn INs
droit ela guerre.» PIEEE D‘Es cnAINTEs sEEIEUsEs AUX
On pourrait s'étonner de cette déci RoMAINs. — Il n'y eut longtemps à
sion impartiale des Romains, si l'on Carthage que les deux partis qui, à
ne savait qu'au moment même où ils l'époque de la deuxième uerre puni
paraissaient disposés à écouter les que, avaient eu pour che s Hannon et
plaintes des carthaginois , ils couraient nnibal. Le parti d'Hannon, comme
de grands dangers. Le roi de Macé nous l'avons dit, re résentait l'an
doine, Perse’e, avait envoyé des am cienne aristocratie car haginoise, et le
bassadeurs aux carthaginois , et il leur parti d‘Annibal, connu dans l'histoire
avait proposé de se liguer avec lui pour sous le nom de faction .Barcine, était
combattre leurs ennemis communs. le parti populaire, et si nous enjugeons
Ce fut alors que, pour prévenir cette par ses actes, le parti vraiment na
redoutable coalition, le sénat se mon tional. Après la bataille de Zama, la
tra juste et blâma avec Iuelque sé faction Barcine ne rdit rien de son
vérité les a ressions de assinissa. influence. Annibal tait revenu a Car
Mais quand ersée fut vaincu , les Ro thage , où sa grande renommée lui avait
mains changèrent de langage, et ils ne acquis la considérationde tous et l'avait
montrèrent plus le même empresse porté aux premières dignités dela ré
ment pour donner atisfaction aux Car publique. Toutefois, laristocratie ne
thaginois. Ils envoyèrent, il est vrai, des subissait point sans peine la supériorité
commissaires en Afrique (‘); mais ces de la factionBarcine. Quand Annibal
commissaires n'avaient oint mission voulut introduire dans la républi ue
de forcer le roi de Numi ie à restituer d'utiles réformes, quand il attaqua es
le territoire qu'il avait injustement juges qui usaient tyrauniquement du
usurpé; ils proposèrent seulement à pouvoir qui leur avait été confié , quand
Massinissa et aux carthaginois de s'en Il for a une restitution ceux qui
remettre à leur arbitrage. Massinissa avaien dilapidé les trésors de l‘État,
accepta volontiers, parce qu'il ne pou les premières familles de Carthage,
vait (que gagner, à un jugement pro parmi lesquelles se trouvaient les ma
nonc par les Romains; mais les Car gistrats prévaricateurs, lui vouèrentL
thagino'is refusèrent. Ils disaient, pour une haine implacable. Comme le parti
raison , que le traité qui avait été donné aristocratique ne ouvait triompher,
par Scipion n'avait pas besoin de com par la force, de la action Barcine, il
mentaire, qu'on devait seulement s'en eut recours à un odieux moyen. Il en
quérir de ce qui avait été fait contre tI-etint à Rome des émissaires qui dé
ce traité. Cette fois encore, les com nonçaient comme attentatoires aux
missaires envoyés par Rome quittèrent traités conclus chacune des actions
l'Afrique sans prononcer un jugement. d'Annibal. Les Romains accueillirent ,
Mais i était facile de voir que la ques sans y croire peut-être, les délations
tion avait été tranchée en faveur de de l'aristocratle carthaginoise contre
Massinissa. Dès lors , le roi de Numidie celui dont le nom seul était pour eux un
ne cessa de susciter aux carthaginois objet de terreur. Annibal, on le sait,
de nouveaux embarras. Enfin, par ses s'expatria pour échapper à ses enne
attaques sans cesse renouvelées, il les mis. Privée de son chef et obligée de
entraîna dans une guerre qui devait céder aux circonstances, la faction
amener leur ruine. .Barcine abandonna le pouvoir au parti
ÉTAT INTEEIEUE DE CAETIIAGE; aristocratique, que les historiens de
l'antiquité ont justement fiétri en'le
‘(")_Caton était au nombre de ces com qualifiant de parti romain. Bientôt
missaires. par suite des succès de Massinisa e
104
des relations fréquentes des Numides de la province de Tysca et du territoire
avec Carthage, il se forma dans la ré des Grandes-Plaines, que les Romains
publique une troisième faction : celle avaient envoyé des commissaires en
ci favorisait ouvertement les préten Afrique. Pour pénétrer jusqu'au terri
tions du roi de Numidie , et se montrait toire qui faisant l'objet du débat, ces
non moins hostile que l'aristocratie au commissaires traversèrent une contrée
parti vraiment national. qui appartenait aux Carthaginois. Ils
Rassurés par la lutte des factions et virent alors des campagnes fertiles,
par les dissensionsqui éclataient chaque embellies par une savante agriculture,
jour au sein de la ville, se fiant d'ail et où l'on rencontrait d'immenses ap
eurs sur la vigilance de Massinissa,‘ provisionnements. A rès avoir rempli
leur fidèle allié, les Romains faisaient leur mission, ils entrèrent à Carthage.
la guerre en Espagne, en Illyrie et en Là ils furent fra‘p és d'étonnement. En
Grèce, et ils attendaient patiemment effet, en d'années s'étaient écoulées
l'occasion de porter le dernier coup à depuis a victoire de Scipion, et cepen
la puissance carthaginoise. Par son lan dant Carthage semblait avoir réparé
gage et par ses actes, Carthage sem toutes ses pertes. Elle brillait par ses
blait encore ôter aux Romains tout richesses, et dans ses rues circulait
sujet de crainte. Elle remplissait ses une innombrable population. Les com
engagements, payait exactement le missaires revinrent à Rome, où , rap
tri ut qui lui avait été imposé, et quand pelant leurs impressions, ils racon
les Romains entreprenaient une guerre, tèrent ce u’ils avaient vu. « Cartha e,
elle leur prêtait une loyale assis disaient-is, s'est relevée de ses âé
, tance(*). Il arriva un jour âRome des faites et elle a repris toutes ses forces.
ambassadeurs qui annoncèrent que les Dès à présent, les richesses et la puis
Carthaginois avaient amassé au bord sance de cette ville ennemie doivent
de la mer un million de boisseaux de nous inspirer des craintes sérieuses. »
blé et cinq cent mille boisseaux d'orge , Ce fut alors que Caton laissa tomber
et qu'ils étaient prêts à les faire trans dans le sénat des figues qu'il portait
porter où il plairait au sénat. Les dans sa toge. Les sénateurs admiraient
ambassadeurs ajoutèrent : « Ce présent la beauté et la grosseur de ces figues,
« et ce service sont loin, sans doute, lorsqu'il leur dit: « La terre qui les
a de répondre à notre bonne volonté et produit n'est qu'à trois journées de
« aux bienfaits du peuple romain; mais Rome. » Caton ne se bornait pas à faire
n vous savez que dans d'autres temps des allusions , il exprimait ouvertement
« et lorsque la fortune des deux peu sa pensée, et l'on sait qu’à cette épo
« ples était également prospère, nous que il terminait tous ses discours par
n avons maintes fois rempli les devoirs ces mots: « J'opine pour la destruction
en de bons et fidèles alliés. » Ce langage de Carthage. » Il trouva, il est vrai,
' abject et une si entière soumission en quelques contradicteurs dans le sénat,
tretenaient les Romains, à l'égard de mais la majorité de l'assemblée parta
Carthage, dans une complète sécurité. geait ses opinions. La destruction de
lllais bientôt leurs craintes se réveil Carthage fut donc résolue, et le sénat
lèrent, et ils portèrent toute leur at romain n'attendit plus qu'une occasion
tention sur cette ville, qu'après la ba favorable pour mettre son pro'et à
taille de Zama ils croyaient abattue et exécution. Cette occasion ne tar a pas
privée de ses dernières ressources. à se présenter.‘
Nous avons déjà dit, en parlant de LEs PARTISANS DE MAssINIssA
la contestation qui s'était élevée entre soNT ExPULsEs DE CAnTIIAcE PAR
les Carthaginois et Massinissa au sujet LE PARTI DE'MocnATIQUE; GUEnnE
ENTIIE LES CAnTIIAoINoIs ET LE noI
(") Pendant la guerre contre Persée, les DE NUMIDIE; 152-149 AVANT NOTRE
Carthaginois avaient envoyé des Vaisseaux ÈRE. -— Au moment même où les Ro
aux Romains. mains préparaient la destruction de
CARTHAGE. 105
Carthage, cette ville était en proie à Enfin, il y eut entre les deux armées
de violentes dissensions. Vers l'année une grande bataille. Pendant cette san
152 le parti démocratique l'emporta, glante mélée qui dura un jour entier,
et fit condamner à l'exil quarante ci Massinissa, âgé alors de quatre-vingt
toyens qui appartenaient à la faction huit ans, courait à cheval parmi les
du roi Massinissa. Dans cette circons siens , remplissant tout à la fois, dit
tance , le peuple s'engagea par serment Appien, les devoirs du général et du
à ne jamais rappeler ceux qu'il venait soldat. Vers le soir, la victoire était
d'expulser. Les citoyens bannis se re encore douteuse lorsque les deux ar
tirèrent alors en Numidie : là ils pres mées se séparèrent.
sèrent vivement Massinissa de déclarer Le jeune Scipion se trouvait à cette
la guerre à leurs concitoyens. Le roi , bataille, mais il n'y prit aucune part :
dit un historien ancien, cédant moins il se tenait à distance, sur une colline,
aux conseils qu'on lui donnait qu'à sa et de là il suivait avec attention les
propre inclination , n'hésita point à mouvementsdesdeuxarmées.Plustard,
s'engager dans une nouvelle lutte con il répéta souvent qu'il avait assisté à
tre les carthaginois. D'abord il réso de nombreuses batailles, mais qu'il n'a
lut d'envoyer a Carthage ses deux fils vait jamais éprouvé un plaisir aussi vif
Gulussa etMici sa, pour exiger qu'on quedanscettejournée,ouil avaitvu aux
rappelät ceux e ses partisans que le prises plus de cent mille combattants.
peuple avait bannis. Gulussa et Mrcipsa Il est vraisemblable qu'après cette
touchaient déjà aux portes de Carthage bataille Asdrubal conçut des craintes
lorsqu'ils apprirent que, par ordre des sérieuses sur l'issue de la guerre, car
magistrats, Il leur était défendu d'en il ria Scipion de s'employer our ré
trer dans la ville. On raconte qu'à leur ta lir la paix entre les Cart aginois
retour, les fils du roi de Numidie fu et Massinissa. Il disait que Carthage
rent attaqués par les carthaginois , et était prête à céder une portion de
qu'après avoir vu périr plusieurs hom son territoire (*); il promettait en
mes de leur escorte ils n'échappèrent outre , au nom de ses concitoyens, de
qu'avec peine à ceux qui les poursui faire payer à Massinissa mille talents:
vaient. Massinissa profita de ces cir deux cents immédiatement, et huit
constances pour s'emparer de la ville cents à une certaine époque que l'on
d'Oroscope , qu'il avait respectée jus fixerait d'un commun accord. Le roi
qu'alors, pour ne point violer trop ou de Numidie accepta ces propositions ,
vertement les traités. Une tentative mais il voulut aussi u'on lui renvoyât
aussi audacieuse mit fin à toutes les ses transfuges. Sur e refus des Car
hésitations des carthaginois. lls levè thaginois, les négociations furent rom
rent quarante-cinq mille fantassins et pues.
quatre cents cavaliers, et ils placèrent Alors Massinissa environna d'un
Asdrubal à la tête de cette armée. fort retranchement la ‘colline sur la
Asdrubal se mit en marche, et il vit quelle se trouvait l'armée d’Asdrubal.
bientôt ses forces augmentées de six Il intercepta l'arrivée des convois , et
mille cavaliers numides qui avaient il lit si bonne garde que les carthagi
abandonné le camp de Massinissa. Dans nois, ne pouvant sortir de leur camp
les premiers combats qui furent livrés, pour se procurer des vivres, furent
les carthaginois obtinrent l'avantage. bientôt en proie à une horrible famine.
Mais Massinissa usait de ruse, et par Quelques jours encore après la bataille ,
une fuite simulée il attira peu à peu ‘Asdrubal et les siens auraient pu tra
Asdrubal et son armée sur un terrain verser les rangs de l'armée ennemie
inculte et parsemé d'un grand nombre et revenir à Carthage; mais ils avaient
d'éininences. Le roi de Numidie resta appris que des ambassadeurs romains
alors dans la plaine, et les carthaginois
s'emparèrent des lieux élevés, croyant (") Suivant Appien , c'était le territoire
se ménager ainsi une forte position. qui se trouvait aux environs des Emporirs.
106
s'étaient rendus auprès de Massinissa , de l’armée , et un petit nombre de sol
et ils comptaient sur leur intervention. dats, qui revinrent à Carthage, et qui
Ils furent trompés dans leurs espéran survécurent à un si grand désastre.
ces; car, dit Appien , les ambassadeurs Les CARTBAGINOIS ENVOIENT DES
romains avaient reçu pour mission de .ursxssxnsnns POUR PRÉVENIR LA
mettre fin a la lutte si Massinissa était COLÈRE DES ROMAINS; BEPONSE nu
vaincu, mais d’encoura er ce prince SÉNAT nousxmUrrqns AnANnoNNn
à poursuivre la guerre sil était vain L’ALLIANCE ne Csnruser ; 149
queur. Ces premiers moments d’bési AVANT NOTRE tu. — Les carthagi
tation perdirent les carthaginois. nois virent bientôt toute l’étendue du
Massinissa redoubla de vigilance , et danger qui les menaçait. C’était
l’armée assiégée fut réduite aux der moins le roi de Numidie et son armée
nières extrémités. uand les carthagi victorieuse qu'ils craignaient alors ,
nois eurent é uisé es vivres qui leur qu’un autre ennemi bien plus redou
restaient, ils uèrent les chevaux et les table. Ils savaient que les Romains
bêtes de somme. Puis ils employèrent prendraient occasion de la guerre qui
les cuirs pour apaiser la faim qui les avait été faite à Massinissa, leur fidele
dévorait. Les chaleurs de l'été se fai allié , pour faire éclater contre Car
saient sentir alors dans toute leur vio thage leur vieille inimitié et toute leur
lence. Les mauvais aliments. l’inac animosité. « En cela, dit Applen, ils
tion , une brûlante atmosphère ne ne furent oint trompés. En e fet, aus
tardèrent point à amener la este dans sitôt que es Romains eurent appris la
l’armée carthaginoise. Les so dats, ren défaite des carthaginois, ils firent des
fermés dans un étroitespace, mouraient levées dans toute l Italie; et, sans dé
ar milliers; et l'odeur u’exhalaient voiler leurs projets, ils ordonnèrent à
es cadavres entassés d veloppait et leurs soldats de se tenir prêts à artir. n
accroissait de ljour en jour la terrible Les carthaginois, de leur c té, eu
maladie. Dé'à a plus grande partie de rent recours à un dernier moyen pour
l’armée cart aginoise avait succombé. prévenir, s’il en était tem s encore . les
lorsque Asdrubal tenta encore une fois, attaques des Romains. 1 s condamne
pour se sauver, la voie des négocia rent a mort Asdrubal , Carthalon , et
tions. Massinissa consentit à faire la quelques autres‘ qui s’étaient ouverte
aix aux conditions suivantes: « Que ment prononcés pour la guerre contre
es carthaginois lui rendraient ses Massinissa. Puis ils envoyèrent des
transfuges; qu’ils lui payeraient en ambassadeurs à Rome , pour déclarer
cinquante ans cinq cents talents d’ar que les seuls coupables étaient ceux
gent; qu’ils s'engageraient par serment que l’on venait de condamner. Dans
rappeler les citoyens qu’ils avaient le sénat romain, on répondit aux am
bannis, et que les soldats qui se trou bassadeurs : « Pourquoi n'avez-vous
vaient encore dans le camp assiégé sor « point fait cette déclaration au com
tiraient un à un, sans armes, et qu’ils « mencement de la guerre? Pourquoi
traverseraient ainsi son armée. » As « n’avez-vouscondamné Asdrubal et ses
drubal acce ta ces dures conditions. « complices qu’après la victoire de Mas
On dit que ulussa tomba à’ l’impro ‘ sinissa et votre propredèfaitei‘npleins
viste, avec ses cavaliers numides, sur de trouble , les carthaginois s’écrièrent
les soldats désarmés qui avaient repris alors: « Si vous nous croyez coupa
le chemin de Carthage, et qu’il les « bles, dites - nous au moins comment
massacra. « nous pouvonsobtenir notre pardon.
Dans cette guerre, les Cartha inois Le sénat ne leur dit que ces mots:
perdirent cinquante-huit mille om « En donnant satisfaction au peuple
mes C‘). Il n'y eut qu’Asdrubal , le chef « romain. » On interpréta diversement,
(') Asdrubal n’eut d'abord avec lui que la guerre, son armée reçu! de nombreux
quarante-cinq mille hommes, mais pendant renforts.
CARTHAGE. 107
à Carthage, la réponse du sénat ro voirs. Quand les envoyés carthaginois
main. Il s'agissait, suivant les uns, entrèrent à Rome , ils aptprirent e dé
d'ajouter de nouvelles sommes au tri part de l'armée et des eux consuls.
but imposé ar Scipion, et, suivant Ils ne balancèreut point alors, et ils
les autres, c céder à Massinissa le annoncèrent au sénat que leurs conci
territoire qu'on lui disputait. Enfin, toyens se mettaient, eux et leurs biens,
pour mettre un terme à toutes les in à la discrétion du peuple romain. On
certitudes, on résolut d'envoyer une leur répondit: « Puisque vous avez
seconde ambassade. Arrivés à Rome , « pris cette sage résolution, le sénat
les carthaginois furent introduits dans « vous laisse votre liberté, vos lois et
le sénat. u Que devons-nous faire , de « votre territoire. Toutefois, aucune de
mandèrent-ils, pour donner satisfac a ces choses ne vous sera accordée,
tion aux Romains? — Vous le savez , » « si vous n'envoyez à Lilybée, avant
dirent les sénateurs; et ils renvoyèrent « un mois, trois cents otages pris dans
les ambassadeurs avec cette vague ré « les premières familles dela république,
ponse. « et si vous refusez de vous soumettre
Une triste nouvelle vint porter au « aux ordres des consuls.» On congédia
comble la frayeur des carthaginois. ainsi les ambassadeurs, et en même
Utique , qui depuis tant de siècles était temps on fit avertir secrètement Mani
la fidèle alliée de Carthage, avait en lius et Censorinus de ne point s'écar
voyé des ambassadeurs à Rome pour ter des instructions qu’ils avaient re
déclarer qu’elle était prête à recevoir çues. _
la domination romaine. Le sénat ac La réponse du sénat romain fut loin
cueillit avec joie la soumission volon de dissiper les craintes des Carthagi
taire de cette ville, qui avait de bons nois. Ils ne savaient à quoi se résoudre,
orts et de fortes murailles; et, dès et ils liésitèrent longtemps avant d’en
ors, il ne cacha plus ses projets de voyer à Lilybée les otages qu’on leur
guerre. Il donna ordre aux deux con avait demandés. Au moment où les
suls Manilius et Censorinus de se diri 'eunes gens choisis parmi les lus no
ger. vers Utique. Les consuls avaient ides familles montèrent sur es vais
en outre une mission secrète; c'était seaux qui devaient les transporter en
de ne point terminer la guerre avant Sicile, toute la ville fut plongée dans
d'avoir détruit Carthage. Manilius et la tristesse. Ceux qui avaient payé une
Censorinus partirent avec une flotte part du funeste tribut pleuraient et
considérable , et bientôt ils arrivèrent poussaient des cris comme dans un
en Sicile. our de funérailles , et ce qui redoublait
Lss CAnTnAGnvors LivnsNT AUX ia commune aftliction , c'est qu'on pré
ROIAINS, Poux oBTsNin LA PAIX, voyait bien que des sacrilices si grands
Tnois cmvTs OTAGRS ET TOUTES et si douloureux ne pourraient apaiser
LsUas Aimes; LES CONSULS EN Arm les Romains. Enfin les vaisseaux levè
QUE; rznrxmn DES ROMAINS; 149 rent l'ancre et se dirigèrent vers la Si
AVANT NoTns ÈRE. — Les carthagi cile. Quand les otages furent livrés,
nois n'étaient point préparés à la les consuls refusèrent encore de dé
guerre. Ils avaient perdu récemment voiler aux ambassadeurs carthaginois
une armée, et, depuis leur dernière les véritables projets du sénat romain;
défaite, ils n’avaient point encore levé seulement ils leur dirent : « Vous sau
de nouvelles troupes. Quant à leur rez à Utique ce que vous avez à faire
ville, elle manquait d'approvisionne pour obtenir la paix. a
ments et n’était point en état de sou Manilius et Censorinus ne tardèrent
tenir un long siége. Ils furent donc int a passer en Afrique. Ils laissèrent
forcés de recourir aux négociations. eurs vaisseaux dans le port d Utique,
Ils choisirent pour ambassadeurs Gis et ils conduisirent leurs soldats non
con , Amilcar, Mides, Gillica et Magon, loin de cette ville, à l'endroit même
et ils leur confièrent des pleins pou où, vers la fin de la deuxième guerre
108
punique, Scipion avait campé; c'est là ordounèrent aux licteurs d'éloigner les
u'ils reçurent les ambassadeurs car Carthaginois.
t aginois. Censorinus leur dit alors: Les AMBASSADEURS REVIENNENT A
« Llvrez-nolfs vos armes. Dès aujour CARTHAGE; ILS FONT CONNAÎTRE AU
« d'hui , elles sont devenues inutiles, SÉNAT LA nÉroNsE DES 'CONSULS;
« puisque vous désirez sincèrement la 'rUuuL'rE DANS LA VILLE; LEs Can
« paix. » Les Carthaginois se résignè rnsemors sE PRÉPARENT A son
renta ce dernier sacrifice; seulement ils TENIR un 5112612; 149 AVANT Notas
déclarèrent aux Romains qu'Asdrubal ÈRE. — Se fondant sur le récit d'Ap
avait rassemblé vingt mille hommes, pien, quelques historiens ont pensé,
et u'ils ne pouvaient contraindre les avec raison peut-être, qu'il y avait des
sol ats de cette armée à livrer leurs traîtres parmi les ambassadeurs car
armes. « Laissez-nous ce soin, a'outè thaginois. En effet, Appien nous ap
« rent les consuls, et retournez Car prend qu'après avoir connu la volonté
«thage. » On vit bientôt arriver au du peuple romain, les ambassadeurs
camp romain d'innombrables chariots s'approchèrent des consuls et leur di
tout chargés d'armes et de machines rent: « Si vous nous abandonnez , nous
de guerre. Ils étaient suivis des am serons massacrés par nos concitoyens
bassadeurs carthaginois et d'une foule avant d’avoir achevé le récit de notre
de citoyens qui tenaient un rang dis mission‘. Nous vous prions de diriger
tingué dans la république. « En ce votre flotte vers Carthage, afin que la
‘eur, dit Polybe. On put apprécier toute vue de vos vaisseaux vienne en aide à
la puissance de Carthage, car elle livra nos paroles, et fasse comprendre au
plus de deux cent mille armures et peup e la nécessité où Il se trouve au
deux mille catapultes. » Se croyant jourd’hui d'obéir à vos ordres. - Cen
maîtres déjà d'un ennemi pris au dé sorinus partit alors avec vingt galères
pourvu et désarmé, les deux consuls à cinq rangs de rames, et il vint croi
n'hésitèrent plus à faire connaître la ser sur la côte de Carthage. Parmi les
volonté du peuple romain. Censorinus ambassadeurs, il y en eut plusieurs
s'adressa aux Carthaginois, et leur fit qui ne furent point encore assez ras
entendre ces terribles paroles : « Aban surés par cette démonstration du con
« donnez (éarthage, et choisissez, sur le sol et qui s'enfuirent par difiérents
« territoir que Rome vous a laissé, un chemins; les autres ne baläncèrent
« emplacement pour y transporter vos point à se diri er vers la ville‘ pour
« demeures. Toutefois,que la villenou apporter la fata e nouvelle à leurs con
u velle soit éloignée de la mer au moins citoyens.
« de trois lieues. Rome nous a envoyés A Carthage, on attendait avec im
en pour détruire Carthage. va Quand Cen patience le retour de ceux qu'on avait
sorinus eut .achevé, les Carthaginois envoyés au camp des Romains. Une
donnèrent tous les signes de la plus artie des habitants s'était portée sur
vive afiliction. Ils pleuraient, déchi es murailles, l'autre se tenait sur la
raient leurs vêtements, se jetaient à route d'Utique , afin d'épier le. moment
genoux, et invoquaient les dieux, de leur arrivée. Ils parurent enfin. Du
qu'ils prenaient à témoin de la per lus loin qu'on les vit, on courut à
die des Romains. Les consuls, pour sur rencontre. La démarche des am
échapper à de si justes plaintes , et pour bassadeurs et la tristesse qui était
ne pas voir plus longtem 5 cette scène peinte sur leurs visages jetèrent bien
de douleur, dirent aux arthaginois: tôt la foule qui les environnait dans
« Hâtez-vous d'obéir aux ordres du une inexprimable angoisse. On les
« sénat. Retournez prom tement a Car abordait, on les pressait de questions,
« thage.Vous n'avez rien redouter, car mais ils avançaient toujours et gar
en vous n'avez point encore perdu à nos daient le silence. uand ils arrivèrent
c yeux le caractère sacré _qui défend et à la porte de la V! le, tout le euple
- protégé les ambassadeurs. » Puis ils se précipita vers eux. Comme I s res
CARTHAGE. 109
taient silencieux, on voulut les massa mes complètement armés, fut choisi
crer. Effra és par les cris et les me pour commander, hors des murs de
naces qui es accueillaient de toutes Carthage, les trou es de la république ,
parts, ils dirent alors, pour échapper et un autre As rubal, petit-fils de
au danger, qu'ils allaient communi Massinissa par sa mère, fut chargé de
quer au sénat les nouvelles qu'ils ap veiller à la défense de la ville. Cette
portaient. Aussitôt le calme sembla généreuse résolution. chez un peuple
renaître; les flots pressés de la multi qui depuis un demi-siècle avait montré
tude s'ouvrirent et laissèrent aux am à l'égard de ses plus cruels ennemis
bassadeurs un libre passage. tant de faiblesse et une si lâche con
Le lieu où le sénat s'était réuni fut descendance, ne pourrait s'expliquer,
bientôt environné par une foule im si l'on ne savait que la révolution qui
mense. Quand les ambassadeurs intro venait d'éclater dans la république
duits dans l'assemblée firent connaître avait remis le pouvoir aux mains de
les ordres des consuls, les sénateurs ceux qui aimaient sincèrement leur a
poussèrent un cri auquel répondit, du trie. Quand les projets odieux es
dehors, la voix du peu le; puis, au traîtres vendus à Rome et à Massinissa
moment où les ambassa eurs racontè furent dévoilés, Carthage, comme au
rent ce qu'ils avaient dit pour fléchir temps de la uerre d'Annibal, n'hésita
les Romains , il y eut un morne silence; point à contrer ses destinées au parti
enfin, quand on apprit que les consuls démocratique. Dès lors, elle sembla
ne permettaient pas même aux Car se ranimer avec toutes ses forces pour
thaginois d'envoyer à Rome une am engager contre ses ennemis un dernier
bassade, les sénateurs firent entendre et glorieux combat.
un nouveau cri. Le peuple en fureur Les carthaginois avaient envoyé au
força alors l'entrée du sénat et se pré camp romain demander une trêve de
cipita au milieu de l'assemblée. trente jours. Cette trêve ne leur fut
En un moment, il y eut dans la ville oint accordée. Le refus des consuls,
un horrible tumulte. On,massacra les oin de les abattre, ne lit que leur ins
sénateurs qui avaient conseillé de li pirer une nouvelle audace. Hommes
vrer aux Romains les trois cents otages et femmes se précipitèrent alors dans
et toutes les armes; on poursuivit à les temples et les édifices spacieux pour
coups de pierres les ambassadeurs, et les transformer en ateliers. Là, ils
on se jeta, pour user de représailles, travaillèrent nuit etjour, sans relâche,
sur les Italiens qui se trouvaient alors à la fabrication des armes, et bientôt
à Carthage; puis il y eut un grand ils eurent en nombre suffisant des i
nombre de citoyens ui coururent aux ques, des épées et des boucliers. Il) y
ortes et aux murai les pour les dé eut un moment où l'on manqua de
endre contre l'ennemi que l'on atten cordages our les machines de guerre;
dait à chaque instant. « Toute la ville, «alors, it Appien, les femmes n'hé
dit Appien, était pleine de larmes, de sitèrent point à faire, pour la défense
fureur, de crainte et de menaces. » commune, le sacrifice de leurs che
Dans un danger si pressant, le sénat veux. 1:
carthaginois se montra ferme et résolu; COMMENCEMENT DE LA TROISIÈME
il ordonna à tous les citoyens de se GUEEEE PUNIQUE ; MANILIUs ET CEN
tenir prêts à combattre , et par un dé somNUs s'APPnocHENT DE CAETHA
cret, qu'un héraut était chargé de lire 6E; PREMIÈRES oPEEATIoNs DU SIE
publiquement, il affranchit les escla GE; 149 AVANT NOTRE ‘EnE. — Des
ves. On eut bientôt rassemblé de nom événements imprévus avaient arrêté
breux soldats. Asdrubal(*), qui avait Manilius et Censorinus. Le vieux roi
déjà sous ses ordres vingt mille hom de Numidie, Massinissa, n'avait point
vu sans douleur les Romains descendre
(’) C'était le même qui avait été condamné en Afrique pour lui arracher une con
à mort pour avoir fait la guerre à Massinissa. quête qu'il poursuivait depuis un demi
H0
siècle. Une chose surtout l'avait irrité, qu’il y avait au sud de Carthage une
c’est que les Romains l’avaieut laissé langue de terre étroite et allongée qui
dans .unei norance complète de leurs séparait le lac de Tunis de la mer.
desseins. I témoigna, par ses messa Cette langue de terre s’a pelait Tænia.
ges, son mécontentement à Manilius Au point de jonction de a Tænia et de
et à Censorinus: ceux'ci étaient donc la presqu’île où est bâtie Carthage,
eu rassurés sur les dispositions de s’élevait un mur qui n'était pas tres
eur plus fidèle allié , lorsqu’ils reçurent élevé et qui n'avait qu’une médiocre
des courriers qui annoncèrent que épaisseur. C’était .l’endroit le plus
Massinissa enverrait des secours aux faible des fortifications de Carthage(‘).
Romains, et qu’il leur préterait, Arrivés sous les murs de la ville,
comme par le passé, une loyale assis les deux consuls comhinèrent les opé
tance. Les consuls avaient encore un rations du siége. Manilius se plaça sur
autre sujet de crainte; ils ne se procul le continent, au nord de Carthage, non
raient des vivres qu’avec une extrême loin vraisemblablement de la porte
difficulté, et ils ne recevaient des con d’Utique. Censorinus avec la flotte se
vhois'que d’un etit nombre de villes orta à l'extrémité de la Tænia, vers
situées au bor de la mer. Asdrubal a partie faible de la muraille. Manilius
tenait toute la campagne, et il ne et Censorinus s’étaient promis une
cessait d’envoyer à Carthage d’im victoire aisées ils croyaient Carthage
menses approvisionnements. Ce en dépourvue d'armes et de soldats, et
dant, après plusieurs jours passés ans déjà ils se préparaient à livrer l’assaut ,
l’mcertitude, Manilius et Censorinus lorsqu’ils virent sur les murailles des
prirent enfin la résolution de venir hommes bien armés et ui faisaient .
attaquer Carthage, et ils se dirigè bonne contenance. Tant e résolution
rent vers cette ville avec toute leur et d’audace chez les assiégés étonna les
armée. consuls. Ils furent contraints alors,
Carthage était bâtie sur une pres pour ne point s’engager témérairement
qu'île, entre Utique, au nord-ouest, dans une périlleuse entreprise, de pren
et Tunis, au sud-ouest. Vers le conti dre de nouvelles dispositions. Enfin,
nent, la ville était défendue par une après uelques moments d’hésitation,
tri_le défense: un fossé bordé d'une ils vou urent tenter l’assaut et ils es
pa lssade, un mur d'une hauteur mé sayèrent une double attaque, mais ils
diocre, et un autre mur d’une éléva furent repoussés par les Carthaginois.
tion considérable. Du côté de la mer, Ce premier succes accrut encore le
Il n’y avait qu'une simple muraille. courage et l’ardeur des assiégés.
Au nord, se trouvait un faubourg On vit bientôt paraître sur les bords
qu’on a pelait la Ville neuve ou Me’ du lac de Tunis l’armée d’Asdrubal.
ara. n mur particulier séparait ce Craignant à leur tour d’être envelop
aubourg de l’ancienne ville. Au sud és et assiégés, Manilius et Censorinus
de Carthage se trouvaient deux ports; Ëortifièrent leurs camps et s’y tinrent
l'un était destiné aux vaisseaux mar renfermés; obligés de se prémunir
chands , l’autre auxvaisseaux deguerre. contre une double attaque, ils furent
Les deux ports communiquaient à la forcés de ralentir les opérations du
mer par une entrée commune. Il fallait siège. Asdrubal, en effet, surveillait
traverser le port marchand pour ar tous les mouvements des armées con
river au port militaire ou Cothôn. La sulaires. Un jour, Censorinus ayant
place où se tenaient les assemblées du traversé le lac de Tunis our se procu
peuple était située près du Cothôn; et rer le bois nécessaire a la construc
non loin de cette place, en se dirigeant tion des machines de guerre, il se vit
vers le nord, on rencontrait la cita
dalle connue sous le nom de B rsa. (:2 Nous renvoyons nos lecteurs à la par
Nous devons ajouter encore, a n de tie e notre travail que nous avons consa
rendre plus clair le récit qui va suivre, crée à la topographie de Culhagc.
CARTHAGE

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i>LAN DE CARTHAGE -ET DE LA PENIN SULE

rncnoroxn“,
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Jhzm re‘e/Ïc
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l'envie «I'Ewculapo .
for! me . (‘coton .
faim}! .lnu'rd .
Port Indium] .
Forum .

Ë 0.81m’u‘mu.
ligue de J've'pt'ond
' I. Àmpluäcâlh .
CARTHAGE. 111
attaqué à l'improviste par Himilcon, vaient du lac de Tunis, où se trouvait
surnommé Phamæas, général de la la flotte romaine. Déjà les équipages
cavalerie carthaginoise. Le consul per étaient soumis aux mali nes influences
dit cinq cents hommes dans cette ren de la saison, lorsque ensorinus or
contre. donna aux commandants des vaisseaux
Les Romains s'approchèrent alors de quitter le lac pour entrer dans la
des murs de la ville et tentèrent un mer. Les carthaginois profitèrent de
nouvel assaut, mais cette fois encore cette circonstr Ice; ils observèrent le
ils furent re oussés par les carthagi vent et lancèrent un jour des brtllots
nois. Cet éc ec fit croire à Manilius contre les vaisseaux ro‘mains. La flamme
que du côté où il avait établi son camp se communiqua à plusieurs galères, et
Carthage était inexpugnable, et il ne peu s'en fallut alors que toute la flotte
renouvela point ses attaques. Censo ne fût incendiée‘. Peu de temps après
rinus ne perdait point eoura e, et il ce dernier événement, Censorinus fut
conservait toujours l'espoir 'empor rappelé à Rome pour assister aux co
ter la ville en donnant 'assaut par la mIces où l'on devait élire les nouveaux
Tænia. Pour rendre plus faciles ses consuls.
manœuvres, ilélargit, en comblant une APRÈS LE DÉPART DE CENsonI
partie du lac, l'étroit espace Où cam NUs LEs CAETIIAOINOIS EEDOUELENT
paient ses soldats; puis il fit construire D'ACTIVITÉ; IMPEUDENCE DU CON
deux énormes béliers pour battre la sUL MANILIUs; L'AIIMEE EOMAINE
partie faible des murailles. Mises en EsT SAUVÉÉ PLUsIEUns FOIS PAE LE
mouvement par d'innombrables mains, JEUNE ScIPION; EXPÉDITION DE MA
les deux machines ouvrirent bientôt NILIUs CONTRE LE CAMP DE NÉPHÉ
une large brèche. Les carthaginois ne ms; 149 AVANT NOTRE EEE.-—Quand
restaient point inactifs et ils relevaient les carthaginois eurent appris le dé
pendant la nuit la partie des murailles part de Censorinus, leur audace s’ac
qui s'était éèroulée. Mais ils ne tarde crut, et ils conçurent le hardi pro'et
rent point à voir que le travail des d'attaquer Manilius dans ses retranc e
nuits était insuffisant pour réparer ments. Ils sortirent de nuit, et ils se
toutes les brèches que les machines fai préci itè'rent sur le camp romain. En
saient pendant le jour; alors ils s'é peu e temps le désordre fut au comble
lancèrent hors des remparts avec des dans l'armée de Manilius. Déjà les
torches, et ils incendierent les deux carthaginois avaient arraché une par
béliers. Les Romains, à leur tour, es tie des palissades, lorsque Scipion les
sayèrent de pénétrer dans la ville par repoussa avec une trou e de cavaliers ,
les brèches qui n'avaient oint été ré et les força à rentrer ans la ville. Au
arées. Ils apercevaient e loin, Iar milieu du tumulte, le jeune tribun
'ouverture des murailles, les CartIa s'était élancé hors du camp; il avait
ginois rangés en bataille, et cette vue tourné l'armée ennemie , et l'avait at
es irritait; ils se précipitèrent sur l'en taquée par derrière. Effrayés alors par
nemi qui les attendait de pied ferme, l'arrivée imprévue d'une troupe de ca
et une lutte terrible s'engagea. Enfin valiers, les carthaginois avaient pris
les Romains furent repoussés avec la fuite, et s'étaient retirés derrière
perte, et ils couraient déjà le danger leurs murailles. C'était la seconde fois
d'être massacrés jusqu'au dernier, lors que Scipion sauvait une armée ro
que le jeune Scipion , qui servait dans marne.
l armée en qualité de tribun, s'avança Depuis cette vive alerte, le consul
avec des troupes de réserve, et assura Manilius se montra vigilant et se tint
par ses prudentes dispositions le salut sur ses gardes. Puis, au lieu d'une
et la retraite des soldats qui fuyaient. palissade, il construisit un mur autour
On était en plein été, et la canicule de son camp. Malgré ces précautions ,
faisait ressentir toutes ses ardeurs. l'armée romaine courait encore de
Des exbalaisons pestilentielles s'éle grands dangers. Les vivres lui man
112
quaient. Les convois que l'on envoyait , de l’ennemi, c'était montrer plus de
par mer, à Manilius, étaient souvent lâcheté que de prudence. « Au moins,
interceptés par les Carthaginois. Pour ajouta Scipion , restons de ce côté du
protéger les débarquements, le consul fleuve , et attendonsqu'A sdrubal vienne
avait fait élever un fort sur la côte; nous présenter la bataille.» Les tri
mais, depuis longtemps, les provisions buns repoussèrent encore cet avis. « Si
qu'il recevait ne pouvaient lui suffire. nous devons ici, dit l'un d'eux, obéir
Il réunit alors dix mille fantassins et à Scipion , et non point au consul, je
deux mille cavaliers, et il leur ordonna suis prêt à jeter mon épée. n Apres
de se répandre dans les campagnes cette vive altercation , Manilius passa
pour enlever les blés et le fourrage. le fleuve. Il y eut bientôt entre les Car
Ce corps d'armée eut bientôt à redou thaginois et es Romains une sanglante
ter les attaques de Phamæas. Le géné« mêlée; mais il est vraisemblable que
ml de la cavalerie carthaginoise se l'avantage ne resta point aux Romains ,
cachait dans les vallées, et, lorsqu'il car, immédiatement après la bataille ,
voyait les fourrageurs romains épars ils se disposèrent à la retraite. Parmi
çà et là dans la campagne, il se préci eux, dit Appien, il y en avait déjà un
itait sur eux , et les massacrait. Parmi randnombre uiserepentaientd’avoir
es tribuns qui commaudaient à tour onné à Mani ius le conseil d'entre
de rôle les soldats qui sortaient du prendre cette périlleuse expédition.
camp, Scipion était le seul que Pha Au moment où l’armée , en se retirant,
mæas n’osât point attaquer. En effet, arriva aux bords du fleuve , l'embarras
le jeune tribun maintenait ses soldats fut extrême, car on ne trouvait qu'un
dans une discipline sévère; il ne leur petit nombre de bateaux pour trans
permettait point de s'écarter des rangs; porter les soldats d'une rive à l'autre.
et, lorsqu'il envoyait une troupe our Les Romains, craignant alors d'être
couper l'herbe et enlever le blé, i fai attaqués pendant les lenteurs du pas
sait garder les fourrageurs par de forts sage, rompirent leurs rangs, et bien
détachements de cavaliers et de fan tôt, parmi eux, le désordre fut à son
tassins. Scipion ne tarda point à rendre comble. Asdrubal épiait tous leurs
de nouveaux servicesà l'armée;d’abord mouvements. Quand il crut l'instant
il repoussa les Carthaginois qui avaient favorable . il se précipita sur eux et en
essayé d'enlever le fort que le consul fit un grand massacre. Trois tribuns
avait bâti au bord de la mer; ensuite des légions restèrent au nombre des
il sauva Manilius et les soldats romains morts ; c'étaient les mêmes qui naguère
qui s'étaient imprudemment engagés avaient conseillé à Manilius de persis
ans une ex édition contre Asdrubal. ter dans son dessein, et de livrer ba
Le généra carthaginois avait établi taille aux Carthaginois. L'armée ro
son camp à Néphéris. C'était de là maine courait grand risque d'être
u'il envoyait Phamæas pour harceler exterminée tout entière , lorsque Sci
es soldats romains. Le consul. mal pion , prenant avec lui un corps de ca
re' les avis de Scipion, prit un jour valerie, arréta l'ennemi par ses habiles
a résolution d’attaquer Asdrubal dans manœuvres. Il attira sur lui tout l'ef
ses retranchements. Il se mit en mar fort des Carthaginois , et donna le
che et il se dirigea, à travers un pays temps aux Romains de passer sur l'au
qui lui était inconnu , vers l'armée tre rive. Le consul et son armée se
ennemie. Les Romains n'étaient plus trouvant ainsi hors du péril ., Sci ion ,
séparés du camp d’Asdrubal que par avec ses cavaliers, se jeta dans le cave,
un espace de trois stades lorsqu'ils au milieu d'une grêle de traits , et il
rencontrèrent un fleuve. En cet ins parvint, non sans peine, à rejoindre
tant,'Sci ion conseilla à Manilius de ceux qu'il avait sauvés.
rétrogra er. Alors quelques- uns des Au moment où Asdrubal avait com
tribuns, qui étaient jaloux de la gloire mencé le combat , uatre cohortes ro
de Scipion , s'écrièrent que fuir à la vue maines avaient été séparées du gros
CARTHAGE. 118
de l'armée. Pour être en mesure de se de Carthage. Elle livra alors un nou
défendre, elles s'étaient retranchées veau combat dans lequel elle perdit
sur une éminence. Là elles ne tar encore plusieurs soldats.
dèrent point à être assiégées par toute MORT DE MAssINIssA; GULUssA
l'armée carthaginoise. Les Romains ne VIENT Au sECOuRs DEs RoMAiNs;
s'aperçurent qu'après le passage du MANILIUSENTREPREND UNE SECONDE
fleuve, de l'absence de ces uatre EXPÉDITION CONTRE LE CAMP DE
cohortes. Le consul et ses soldats urent Nérnéais; PHAMÆAS TRAiIiT LEs
alors en proie à de vives inquiétudes. CAnTHAGINoIs ET PAssE DANS LE
Ils ne savaient à quoi se résoudre: CAMP DES RoMAiNs; SCIPION En
les uns voulaient marcher encore une PHAMÆAS VONT A ROME; 149 ET 148
fois à l'ennemi pour délivrer leurs AVANT NOTRE ÈRE. — Sur ces entre
compagnons assiégés; les autres. au faites, on vit arriver en Afrique des
contraire , prétendaientqu'en essayant commissaires envoyés par le SéÎlat ro
d'arracher a la mort un petit nombre main; ils devaient, à leur retour, faire
d'hommes, on risquait de compro un rapport fidèle sur l'état de l'armée
mettre le salut de l'armée tout entière. et sur les événements qui s'étaient
Déjà ce dernier avis semblait préva accomplis. Les commissaires examine
loir, lorsque Scipion dit au consul: rent tout avec soin dans le camp de
« Nos soldats courent le plus grand Manilius. Là, ils remarquèrent le sen
danger, et nous ne devons point les timent d'admiration qu'inspirait non
laisser périr. C'est maintenant qu'il point seulement aux soldats , mais en
faut avoir recours à l'audace. Si vous core aux tribuns et au consul , la con
voulez me confier une partie de votre duite de Scipion. Ils revinrent à Rome,
cavalerie, j'essayerai de les délivrer, où ils firent part au sénat de toutes
ou je mourrai avec eux. » Quand Sci leurs observations. Il est vraisemblable
pion se mit en marche avec la troupe qu'après ce rapport, les Romains con
qu'il avait choisie, l'armée le suivit äurent des craintes sérieuses au sujet
es yeux avec tristesse, car on crai e la guerre d’Afrique, et qu'ils dou
gnait que lui-même ne revint as. tèrent du succès de leur entreprise,
Mais, contre toute espérance, il éli car ils envoyèrent alors des ambassa
vra les cohortes assiégées, et les ra deurs à Massinissa pour lui demander
mena au camp de Manilius. Par sa des secours contre les carthaginois.
noble conduite , le jeune Scipion s'at Quand les ambassadeurs arrivèrent en
tira l'admiration des soldats. Ses Numidie, Massinissa avait cessé de
louanges étaient dans toutes les bon vivre, et ses trois fils, Gulussa, Mi
ches. On le proclamait le digne héri cipsa et Manastabal , s'étaient partagé
tier de Paul Émile son père, et des ses vastes Etats.
Scipions qui l'avaient adopté. On di Peu de temps avant sa mort, le
sait même, et c'était l’o inion com vieux roi avait mandé Scipion, et l'avait
mune dans l'armée, qu’i avait pour chargé de régler les affaires de sa suc
conseiller et ur protecteur le dieu cession. Celui-ci s'était empressé d'ao
qui jadis avait accompagné le vain courir pour rendre ce dernier service
queur d'Annibal, et lui avait dévoilé au compagnon et à l'ami de son illustre
les secrets de l'avenir. aïeul. Se conformant aux intentions de
Cependant l'armée romaine conti Massinissa mourant, Scipion avait
nuait sa retraite au milieu des plus réglé les partages au gré de tous les
grands dangers , car Phamæas la sui héritiers , et a rès s'étre acquitté avec
vait de près avec sa cavalerie, et ne sagesse des onctions délicates qu'il
cessait de la harceler. Elle croyait avait acceptées, il était revenu avec
enfin toucher au terme de ses longues Gulussa au camp de Manilius. Les Ro
fatigues, et déjà elle se préparait à mains ne tardèrent point à voir qu'ils
rentrer dans son camp, lorsqu'elle fut avaient dans le jeune roi de Numidie
attaquée inopinément par la garnison un précieux auxiliaire , car, avec au
8' Livraison. (CARTBAGIL) 8
114
cavaliers agiles et expérimentés, il pré dangers, et il redoutait déjà pour‘son
venait toutes les ruses de Phamæas, armée les attaques d'Asdrubal. Le gé
et réprimait ses audacieuses tentatives. néral et les soldats étaient en proie à
Il arriva .un jour , pendant l'hiver, la crainte et à la honte, lorsqu'un des
que Phamæas et Scipion eurent ensem cavaliers numides de Gulussa apporta
ble un entretien. Ils suivaient l'un et une lettre à Scipion. On l’ouvrit en
l'autre, avec leurs soldats, les bords présence de Manilius, et on y lui; ces
d'un torrent, et ils n'étaient séparés mots : - Je me trouverai tel jour à tel
que par le courant profond et rapide, endroit; je vous attends. Dites à vos
lorsque Scipion. qui redoutait les ruses soldats de se tenir prêts à recevoir
du général carthaginois, s'avança en celui qui se présentera à eux pendant
tête de sa troupe pour reconnaître les la nuit. » Quoique la lettre ne fût point
chemins. Phamæas , de son côté, se signée , Scipion comprit aisément
sépara de ses soldats, et courut en qu'elle lui avait été adressée par Pha
avant, accompagné d'un seul cavalier. mæas. .Au jour convenu , il se dirigea,
Scipion, persuadé que le carthaginois avec l'assentiment du consul, vers l en
ne cherchait que l'occasion de lui par droit qui lui avait été désigné. Il y
ler, prit avec .lui un de ses amis et trouva Phamæas qui l‘aborda et lui
marcha 'usqu'à un endroit d'où il pou dit : « Je suis prêt à passer dans votre
vait se aire entendre de Phamæas; il camp; c'est à vous que je me confie,
lui cria alors : « Puisque vous ne pou et je remets mon sort ‘entre vos
vez sauver Carthage, pourquoi ne mains. n A rès un court entretien, le
point se et à votre propre sûreté? général cart aginois rejoignit les siens.
— Et que ois-je espérer des Romains, Le lendemain , Phamæas mit sa ca
dit Phamæas, moi, qui leur ai fait valerie en bataille, puis il ordonna aux
tant de mal? -—- Vous pouvez tout es ofllciers de sortir des rangs. Quand ils
pérer, répondit Scipion, et dès au furent rassemblés, il leur parla en ces
jourd'hul je m'engage, au nom de mes termes : « Si nous pouvions encore
concitoyens, à vous accorder la vie sauver Carthage, vous me verriez ten
sauve et une récompense. -— Je me fie ter avec vous les plus grands efforts
à vos paroles , répliqua Phamæas. pour écarter de notre malheureuse pa
Toutefois, je ne veux me décider trie le danger qui la menace. Mais au
qu'après mûre réflexion. Je vous ferai jourd‘hui que tout espoir est perdu,
connaître plus tard la détermination j'ai dû songer à me sauver moi-même.
que j'aurai prise. n A ces mots, Pha Je m'empresse d'ajouter que je ne vous
mæas et Scipion rejoignirent leurs sol ai point oubliés. Les Romains se sont
dats. . engagés à vous accueillir, vous comme
Cependant le consul Manilius voulait moi, si toutefois vous consentez à
effacer, par un éclatant succès, la suivre mon exemple. Réfléchissez à
honte de sa première expédition contre mes paroles, et voyez ce qu’il vous
Néphéris. Il lit donc ses préparatifs, reste a faire. » En achevant ces mots,
et après avoir ordonné aux soldats de il se dirigea vers les Romains, suivi de
se pourvoir de vivres pour quinze deux mille cavaliers. Alors Hannon,
jours, il se mit en marche et se dirigea rassemblant les débris de. la troupe de
vers le camp d’Asdrubal. Cette fois, Phamæas, ramena au camp d’Asdrubal
Manilius se montra plus circonspect les soldats qui ne s'étaient point laissé
ue dans sa première expédition, mais séduire par de honteuses promesses,
i ne fut pas plus heureux. Quand il se et qui, au jour du danger, n'avaient
trouva en vue des carthaginois, il ne point désespéré du salut de Carthage.
tarda pas à comprendre ne son entre Quand l’armée romaine vit arriver Sci
prise devait échouer, et ientôt il son pion accompagné de Phamæas et des
gea a la retraite. Mais le consul, mal autres transfuges, elle s'avança à sa
gré ses précautions, ne pouvait rétro rencontre et l'accueillit comme un
grader sans courir les plus grands triomphateur. La joie du consul était
CARTHAGE. 115
extrême, car il sentait qu'il pouvait la dernière extrémité de se rendre.
continuer sa retraite sans crainte d'être Calpurnius Pison se dirigea alors avec
inquiété par les carthaginois. Il se mit son armée vers Hip ne. Cette ville
donc en marche et hâta son retour. avait une forte ci elle, de bonnes
Peu de tem 5 après cette expédition murailles et un excellent port. Située
qui avait dur vingt jours, Manilius non loin de Carthage et d’Utique , elle
apprit que Calpurnius Pison avait été avait pris part à la guerre , et elle in
0 oisi pour le remplacer dans le com terceptait chaque jour les convois des
mandement de l'armée. Ce fut alors Romains. Le consul voulait se venger
que Scipion partit pour Rome‘avec avec éclat sur les habitants d’Hippone,
Phamæas. les soldats accompagnerent et il espérait en outre recueillir, après
le jeune tribun jusqu'à son vaisseau: la prise de la ville, un riche butin.
ils priaient les dieux de le ramener en Mais ses espérances furent déçues.
Afrique, car lui seul, disaient-ils, pou Les assiégés furent vainqueurs dans
vait détruire Carthage. A Rome, Sci deux sorties, et avec l'aide des Car
ion reçut les éloges du sénat. Quant à thaginois, ils incendièreut les machines
liamæas. on le combla de présents, et des Romains. Le siége d’Hippone
on lui fit entendre u’on lui donnerait dura tout l'été. Pison, désespérant
bien plus encore, sil restait fidèle aux enfin d'emporter la place. se retira à
nouveaux engagements qu'il avait con Utique, où il prit ses quartiers d'hiver.
tractés. Phamæas fit les plus grandes La fortune semblait ‘favoriser Car
promesses, et il ne tarda pas à partir thage. L'armée d’Asdrubal n'avait en
pour l'Afrique, où il rejoignit le camp core éprouvé aucune perte. Le consul
des Romains. Pison n'avait pas été plus heureux que
LE CONSUL CALPumviUs PisoN n ses prédécesseurs Manilius et Censo
L, MANCINUS VIENNENT PnENDiis rinus , et au moment même où les Ro
LE COMMANDEMENT DE L’Aiimis mains levaient le siége d'Hippone , huit
D'AvniQUE; succès DEs CAnTnAGi cents cavaliers numides abandonnaient
N015; LEs riiEiiEs DE GuLussA HÉ Gulussa pour s'enfuir dans le camp des
siTENT A ENVOYER DEs sEcouns Aux carthaginois. De plus, ceux que Rome
RoirAiivs; TnouELEs A CAnTiiAGE; comptait au nombre de ses alliés, en
148 AVANT nous En. — Au com Afrique, commençaient à manifester
mencement du printemps, on vit arri une grande irrésolution. Micipsa et
ver en Afrique le consul Calpurnius Manastabal, freres de Gulussa, n'a
Pison et L. Mancinus qui avait été vaiengéioint cessé de dire qu’ils étaient
choisi pour commander la flotte ro dispo s à envoyer aux Romains des
maine. L'armée ne leur laissa Mani armes et de l'argent, mais ils ne se
lius était si faibe et si découragée, hâtaient point de remplir leurs pro
’ils n‘osèrent point attaquer Car messes, et ils attendaient l'issue des
t age, et qu’ils se bornèrent à porter événements. Alors, les carthaginois
la guerre dans la contrée qui avoisinait sentirent leur courage s'accroître, et
le camp. Ils vinrent d’abord assiéger ils purent espérer un instant d'échapper
par terre et par mer la villelde Clypea; au danger ni les menaçait. D'abord;
mais cette première tentative ne fut ils mirent es troupes dans les pros
point heureuse, et ils furent repoussés. vinces voisines de Carthage; puis, ils
Peu de temps après, Pison entra dans répandirent dans toutes les parties de
une ville qu il pi la, malgré la ramasse l'Afrique des émissaires qui avaient
formelle qu'il avait faite aux abitants pour mission d'exciter les populations
de respecter toutes leurs propriétés. a faire la guerre aux Romains. Ces
Ce succès lui fut plus funeste,qu'utile, émissaires , _qui se rendirent aussi au
car les autres cités de l'Afrique, se près des rois Micipsa et Manastabal,
défiant de la parole de Pison, refusè disaient que les Romains n'étaient
rent d'écouter ses propositions, et elles point iuvincibles; que deux fois ils
aimèrent mieux se défendre jusqu'à avaient échoué contre Asdrubal, à
8.
Néphéris , et que naguère encore ils les rassurer. A nome , les citoyens se
avaient été forcés de lever le sié e racontaientà l’envi chacun des exploits
d’Hippone. Ils ajoutaient : a Vous é s du jeune tribun, et tous disaient que
menacés comme nous, car si Carthage pour terminer promptement la guerre,
succombe, les Romains ne tarderoht Il fallait élever Scipion au consulat, et
point à porter leurs armes victorieuses l'envoyer en Afrique. Lorsque le jour
ïisque sur votre ropre territoire. r des comices fut arrivé, Scipion brigua
es vCarthaginois ‘rent plus encore: l'édilité, mais le peuple, d'une voix
ils envoyèrent, s'il faut en croire Ap unanime, le nomma consul. Ce choix
pien,.d'es ambassadeurs en Macédoine du peuple était une infraction aux lois,
a celui qui se disait le fils du roi Per car le nouvel élu n’avait point encore
sée. lls l'exhortèrent à poursuivre avec atteint l'âge où l'on pouvait parvenir,
ardeur la guerre contre les Romains , dans la repuhli ce, a la première des
et ils s'en agèrent à lui fournir de dignités. Toute ois , après quelque hé
l'argent et des vaisseaux. sitation, le sénat ratiiia ce ‘qui avait été
Awmoment même où les Carthagi fait dans les comices. Scipion reçut le
nois déployaient une si grande activité commandement de l’armée d'Afrrque,
et manifestaient hautement leurs espé et , avant son départ, il fut autorisé à
rances, des querelles intestines agitaient lever en Italie et ailleurs de nombreux
la république. Asdrubal, qui deux fois, soldats.
à Néphéris, avait vu échouer l'armée de Cependant, le chef de la flotte ro
Manilius, voulait alors devenir le ma maine , L. Mancinus. s'était a proché
gistrat su réme de l’État et commander de Carthage et il avait essayé ‘ e s’em
dans Cart age. Pour réussir, il accusa parer de la ville par surprise. Il s'était
le chef de la république, qui, comme orté‘ sur un point des murailles que
nous l'avons dit plus haut, s'appelait es Carthaginois négligeaient de ar
aussi Asdrubal, et se trouvait lié par‘ der, parce ue cette partie de len
les liens de la parenté à la famille de ceinte était éfendue par une chaîne
Massinissa, d'entretenir avec Gulussa de rochers tres-oscar 's et par une mer
de coupables intelligences. Quoique semée d'écueils et de: bas-fonds. A la
cette accusation fût calomnieuse, dit vue de quelques-uns de leurs com -
un historien ancien, le premier magis-_ gnons qui pénétraient dans la vil e,
trat de Carthage subit le châtiment tous les soldats de la flotte de Manci
réservé aux traîtres , et fut mis à nus s'élancèrent impétueusement, la
mort (*). plupart sans armes , vers l'endroit des
ÉLECTION DES coNsULs A Roux; fortifications ui' avait été forcé. Là
SCIPION EST Pon'rE AU CONSULAT ils se crurent ans une forte position
PAR LEs snrrnaons UNANIMES DU et ils y passèrent la nuit; mais bientôt
PEUPLE; MANCINUS sE PEÉsENrE ils s'aperçurent qu'ils couraient de
DEVANT LES amas DE .CABTHAGE ET grands dangers : ils manquaient de
DONNE UN ASSAUT ; SCIPION , EN vivres , et ils pensaient avec effroi que
AFBIQUE , SAUVE D'UNE PERTE cEn les Carthaginois ,_ supérieurs en nom
TAINE MANCINUS et su 'rnoupns; 147 bre, pouvaient facilement les repous
AVANT No'rEE En. —La nouvelle des ser et les précipiter dans la mer du
échecs reçus par le consul Calpurnius haut des rochers. Mancinus se hâta
Pison jeta la crainte dans l'âme des Ro d'envoyer quelques hommes à Utique,
mains. Ils commençaient à croire que pour demander à Pison de prompts se
Carthage ne pouvait être détruite,lors cours. Les craintes des Romains étaient
que tout àcoup le souvenir des actions fondées, car le lendemain, au lever de
glorieuses accomplies par Scipion vint l'aurore, ils furent attaqués de tous
côtés par les Carthaginois. Mancinus
(') Nous dirons plus bas ce qu'il faut comptait à peine cinq cents hommes
E1581‘ du témoignage d'A pien . lorsque ce! armés parmi ceux qui s'étaient élancés
' torien nous parle d‘As rubal. avec lui pour surprendre la ville. Il
CAR’I‘HAG E. 111
soutint longtemps le choc des assail tous les objets qui n’étaient propres
lants; mais enfin il céda du terrain, et qu’à les corrompre et à les amollir.
déjà il allait succomber avec les siens Après avoir rétabli dans son armée
lorsqu’on aperçut au loin sur la mer l’ordre et la discipline, Scipion réso
de nombreux vaisseaux. C’était Scipion lut enfin de diriger une attaque contre
qui arrivait. Il avait reçu à Utique les murs de Carthage.
les lettres de Mancinus, et il s'était SCIPION PREND LE FAUBOURG DE
hâté de mettre à la voile et de se di MÉGAnA; LES SOLDATS CABTHAGI
riger vers Carthage. Quand les Cartha mois se BÉFUGIBNT DANS LE QUAR
rñ'lnois virent approcher cette nouvelle 'rnm DE LA CITADELLE; 147 AVANT
otte romaine, ils revinrent se placer NOTRE ÈRE. —- « Pendant la nuit, dit
derrière leurs murailles, et Sci pion put Appien (‘), et quand l’ennemi ne s’y at
recueillir sur ses vaisseaux Mancinus tendait pas, Scipiondmgea une double
et les soldats qui l'avaient suivi. Man attaque contre la partie de Carthage
cinus fut renvoyé en Italie, et Serranus qu ’on appelait Mégara.C<‘_est un quartier
lui succéda dans le commandement de très-grand qui est contigu aux murs
la flotte romaine. Alors Scipion réu extérieurs. Ayant envoye des troupes
nit ses troupes , et il songea àïconti our attaquer sur un point, Il se porta
nuer d’une manière suivie et régulière ui-même à vingt stades de distance,
le siège de Carthage. Pour mettre à avec des haches , des échelles et des le
exécution le projet qu’il avait conçu, viers , en gardant le plus profond si
il vint camper non’ oin de cette ville lence. Les sentinelles carthaginoises
avec toute son armée. Les carthagi placées sur les murs de Mégara , aver
nois, de leur côté, s’avancèrent hors ties de son approche, ayant poussé le
des murs pour prendre position en face cri d'alarme, son corps d'armée et ce
du camp romain, et is ne tardèrent lui qui faisait la fausse atta ue y ré
point à voir arriver dans leurs retran pondirent par un cri terrl le. Les
chements Asdrubal, le premier de leurs carthaginois furent effrayés de voir,
généraux , et Bithya , transfuge numi la nuit, tant d’ennemis les assaillir de
e, u’ils avaient mis à la tête de leur deux côtésà la fois. Cependant il ne put
cava erie. Asdrubal et Bithya ame s’emparer des murs, malgré tous ses
naient avec eux six mille fantassins efforts. Heureusement une tour déserte.l
et mille cavaliers d’élite. située hors des murs qu’elle égalait
SCIPION mineur mprscrpmnx en hauteur, s’élevait à peu de distance
DANS L’Aamâs nosumx; 147 AVANT de leur enceinte. Scipion y fait monter
NOTRE erie.-Scipion, à son retour en de jeunes soldats intrépides qui, avec
Afrique , avait remarqué dans la disci des solives et des planches appuyées
line de l’armée romaine un funeste re sur ‘la tour et le mur, forment un
achement. Sous le commandement de pont, renversent l’ennemi qui défen
Pison , les soldats s'étaient habitués à dait la muraille , s’en emparent, sau
vivre dans le désordre; chaque jour tent dans Mégara, et après avoir brisé
ils sortaient du camp. contre les lois une des portes y introduisent Sci
militaires, pour se livrer au pillage et
à la rapine, et chaque 'our aussi une
multitude d’étrangers s introduisaient (‘) Pour certains détails du siège nous
dans les retranchements pour vendre reproduirons fidèlement le récit d'Appien.
Comme les passages de ce récit qui servent
ou pour acheter. Puis, il y avait sans à déterminer la position des différents quar
cesse entre les soldats des uerelles, tiers de la ville assiégée et des lieux qui
des rixes et delsanglants com ats. Sci l‘avoisinent, ont été rendus avec une scru
pion porta remède au mal, en décla puleuse exactitude par M, Dnreau de la
rant que les moindres fautes seraient Malle , nous nous proposons de citer que].
punies par des châtiments sévères. Il quefois les excellentes traductions ue l'on
chasse alors du camp ceux qui n'étaient rencontre dans les Recherche: sur topo
point enrôlés, et il enleva aux soldats graphie de Carthage.
118
pion. Il y entre avec quatre mille hom 4: Cependant, ajoute Appien, après
mes, et, par une prompte fuite , les la prise de Mégara, Scipion lit brdlcr
carthaginois, comme si le reste de la le camp retranché que les carthaginois
ville était pris, se sauvent dans Byrsa. avaient abandonné la veille, lorsqu'ils
Les cris des prisonniers, le tumulte s’enfuirent dans la ville, et maître de
u'ils entendaient derrière eux, ef tout l'isthme (‘), il le coupa par un
rayèrent tellement les carthaginois qui fossé prolongé d'une mer à l'autre, qui
étaient dans le camp retranché , hors ne s'éloignait pas des murs ennemis
des murs, qu'ils abandonnèrent aussi de plus d'une portée de trait. Les as
cette position et se réfugièrent avecsiégés l'inquiétaîent toujours dans cette
opération où le soldat, sur un dévelop
les autres dans la citadelle. Mais comme
le faubourg de Még ra était rempli de pement de vingt-cinq stades, devait
jardins plantés d'a res fruitiers, sé tour à tour travailler et combattre. Ce
parés par des clôtures en pierres sè fossé achevé (qui était la circoiwalla
ches. des haies vives d'arbustes épi tion ) , il en fit un autre de même
neux, etcoupés par de nombreux canaux grandeur à une faible distance (la con
profonds et tortueux , Scipion , crai trevallation), qui regardait le continent
gnant de s'engager dans ce terrain de l'Afrique; il y ajouta deux fossés'
difficile dont les voies étaient incon transversaux qui donnèrent à l'ouvrage
nues aux Romains, et où l'ennemi, à total la forme d'un parallélogramme. et
la faveur de la nuit, pouvait lui dres les hérissa tous de palissades. Derrière
ser une embuscade, s'arrêta et fit les palissades s'élevait l’agger. Du côté
sonner la retraite. » qui regardait Carthage, Il construisit
ASDRUBAL MASSACRE Lss PmsoN un mur dans toute la longueur des
NIEBS ROMAINS; MOYENS EMPLOYÉS vingt-cinq stades, de douze pieds de
PAR ASDBUBAL POUR DOMINER DANS haut, sans les parapets et les tours
LA VILLE; SCIPION ENLÈVE AUX CAB qui flanquaient la courtine par inter
anxcrnors TOUTE COMMUNICATION valle. La largeur du mur était moitié
AVEC LE CONTINENT; FAMINE A CA n de la hauteur. Au milieu, était une
THAGE; [47 AVANT NoTaE iras. — tour en pierre très-haute, surmontée
Le lendemain, quand le jour parut, d'une tour de bois à quatre étages,
Asdrubal, à la vue des ennemis qui d'où la vue plongeait dans la ville. Il
campaient dans Mégara, fut en proie acheva cet’ ouvrage en vingt jours et
à la douleur et à la colère. Il rassembla vingt nuits. Toutes les troupes y fu
alors les soldats romains qui avaient rent employées, les soldats se relayant
été pris pendant la guerre, et après les tour à tour pour travailler et se battre,
, avoir livrés à d'horribles mutilations , pour manger et pour dormir. »
il les fit précipiter du haut des mu Dans ces lignes, l'armée romaine
railles. Il croyait sans doute, dit l'his trouva une forte position contre l’en
torien du siége, enlever ainsi à ses nemi. De plus, en coupant l'isthme
concitoyens tout espoir de traiter avec dans toute sa longueur, Scipion obtint
les Romains; mais cette horrible exé un important résultat; il empêcha l’ar
cution n'eut point le résultat qu’il at rivée des convois qui ,_ par la route du
tendait. Asdrubal s'aperçut bientôt continent, avaient fourni jusqu'alors
qu'il avait soulevé contre lui de vio d'abondantes provisions aux Carthagi
lentes haines. On lui reprocha même, nois assiégés. Une grande famine ne
en plein sénat, d'avoir montré, en tarda pas à se faire sentir à Carthage.
égorgeant ses prisonniers, plus de Les habitants, qui ne pouvaient percer
cruauté que de prudence. Pour étouf les lignes de Scipion pour rétablir leurs
fer les plaintes des mécontents, il fit communications avec le continent , ne
tuer ceux qui, parmi les sénateurs, se se procuraient des vivres qu'avec une
déclaraient ses adversaires et blâ maient
sa conduite. Dès lors, il régna dans la (') ‘Voyez plus bas la Topographie de
ville par la terreur. Carthage.
CARTHAGE. 119
extrême difficulté. Ils étaient forcés de tance, et qui, en toutes circonstances,
sortir avec leurs vaisseaux, et de faire se montrait dé urvu des qualités que
un long détour pour prendre au loin , possèdent or inairement ceux qui
sur le rivage, les provisions ne leur veulent commander et dominer dans
amenait à grand’peme Bithya, e géné une république. Voici . entre plusieurs
ml de leur cavalerie. Encore ces cour autres, un exemple de sa vanité. Quand
ses ne se faisaient point sans dan er, il arriva au lieu désigné à Gulussa
‘car il fallait que les vaisseaux, 22 eur pour l’entrevue, il parut armé compléh
départ et à leur arrivée, évitassent la tement et couvert d’un riche manteau
flotte romaine qui croisait devant la de pourpre. Il s’était fait accompagner
ville. D’un autre côté, Carthage ne par dix soldats. Cependant il laissa ses
pouvait tirer aucun secours des pays gardes derrière lui, à vingt pas envi
étrangers. Depuis le commencement de ron, et du bord du fossé qui le proté
la guerre, son commerce avait été geait , par un signe qu’il devait plutôt
anéanti, et les marchands n’osaient attendre que donner, il fit comprendre
plus pénétrer dans ses ports. Les con au roi de Numidie qu'il pouvait appro
vois qui arrivaient par mer ne pou cher. Gulussa, au contraire, vmt à
vaient subvenir à tous les besoins, et l'entrevue sans escorte, et vêtu, suivant
Asdrubal se vit bientôt forcé de ne l‘usa e des Numides , avec la plus
distribuer des vivres qu’aux trente ran e simplicité. Lorsqu’il fut près
mille soldats u’il avait choisis pour ‘Asdrubal, il lui deman a pourquoi il
combattre. A ors la population de s'était couvert d'une cuirasse et muni
Carthage qui, pendant la guerre, s'était de toutes ses armes : - Qui donc crai
encore accrue des habitants de la gnez-vousi’ lui dit-il. -— Je crains les
cam agne , fut en proie à d’effroyables Romains, reprit le carthaginois. —
sou frances. Je le vois bien , repartit Gulussa, car,
Asnnumn ESSAIE ne 'rnu'rnn s'il en était autrement, vous ne reste
AVEC LES ROMAINE; son nu'rasvua riez pas, sans cause , enfermé dans
AVEC. GULUSSA; minous]: ne Scr votre ville. Mais enfin, que souhaitez
rloN; 147 AVANT nous tu. — vous de moi? -— Je vous prie, dit As
Pressé de tous côtés par l'ennemi , en drubal, d’étre notre intercesseur au
vironné d’une foule immense dont les rès du général romain. Vous pouvez
maux déjà si grands et si profonds ui promettre, au nom de tous mes
s'aggravaient sans cesse , Asdrubal concitoyens, que s'il épargne Carthage
perdit courage. Ce fut alors que. sans et la laisse subsister. il trouvera en
espoir de réussir, il eut recours aux nous une entière soumission. - Gu
négociations. Il s'adressa, non point lussa se rit à rire, et s'adressant au
directement à Scipion. mais au roi de chef cart iaginois : « Vos paroles sont
Numidie, Gulussa, et il lui demanda des paroles d'enfant. Quoi! dans l'état
une entrevue. Appien ne parle point déplorable où vous êtes, assiégés par
de ces négociations; mais Polybe, qui mer et par terre, n’ayant plus de res
se trouvait dans le camp romain à sources et ne conservant pas même
l’époque du siége de Cartha e , les ra des espérances, vous n'avez pas d'au‘
conte avec assez d‘étendueFNous don tres propositions à faire que celles
nons ici la curieuse narration de ce qu’on a rejetées à Utique, avant le
dernier historien (‘). siége? — Nos affaires ne sont point
a Asdrubal, le chef des carthaginois, aussi mauvaises q 9 vous le pensez,
était un homme vain, rempli de jac— répondit Asdruba . Nos alliés arment
au dehors pour notre défense (*), et
(') Fragments du livre xxxxx.— Comme
Appien, dans ses Pli/tiques, n'a fait que re (") Polybe ajoute : il ne savait pas ce qui
produire le récit de Polybe, il y a lieu de .r'e'tailpasse‘ (lulu la Mauritanie. Nous igno
s'étonner u'il n‘ait pas même mentionné rom aussi les événements qui s’étaient ac
l'entrevue ‘Asdrubal et de Gulussa, complis alors dans cette partie de l'Afrique.
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les troupes que nous avons placées sur encore ses armes et son manteau de
différents points de notre territoire, pour re. A sa démarche lente et grave
n'ont point encore été attaquées. Mais ou e t dit qu'il jouait, dans une tra
c'est surtout dans les dieux que nous gédie, le rôle du tyran. Le général
mettons notre confiance. Ils sont trop carthaginois était gras de sa nature,
justes pour ne point nous venger de la mais ce jour-là son embonpoint parut
perfidie des Romains. Dites _au consul, plus grand qu'à l'ordinaire. Par sa
‘e vous prie, que même apres ses bril grosseur et son teint enluminé, cet
ants succès, les dieux et la fortune homme ressemblait bien plus aux bœufs
uvent faire triompher notre cause. que l'on engraisse dans les marchés,
nfin, dites-lui que les Carthaginois u'au chef d'une ville assiégée qui souf
ont pris la résolution de se faire mas rait des maux inexprimables. Après
sacrer ’usqu’au dernier plutot que de avoir connu, par Gulussa, les offres
se ren re. n Ici finit l'entrevue, mais du consul, il s'écria, en se frappant
avant de se séparer , Asdrubal et le roi la cuisse à coups redoublés : s Je
de Numidie s'engagèrent à revenir au prends les dieux et la fortune à témoin
même endroit trois jours après. que le soleil ne verra jamais Carthage
« Rentré au cam , Gulussa rendit étruite et Asdrubal vivant. Un hom
compte à Scipion e l'entretien qu'il me de cœur n'est nulle part plus no
avait eu avec Asdrubal. Scipion se mit blement enseveli que sous les ruines de
à rire, et dit : « En vérité, je ne con sa patrie, quand il n'a pu la sauver. n
çois pas qu'après avoir massacré cruel Résolution généreuse, magnifiques pa
lement nos captifs, cet homme ose roles qu’on ne peut trop admirer! mais
encore nous reprocher d'avoir violé les lus tard, au car du danger, on vit
lois divines et humaines. » Mais le roi ien qu’Asdru al n'était qu’un lâche
de Numidie fit alors remarquer à Sci et un fanfaron. D’abord , on peut lui
pion qu’il était de_son intérêt de finir reprocher d'avoir fait, au milieu de
au plus tôt la guerre; que, sans parler gens affamés, de somptueux repas et
des cas imprévus , le jour ou l'on fe d'avoir insulté, en quelque sorte, par
rait à Rome de nouveaux consuls ne son embonpoint aux souffrances de ses
tarderait pas à arriver, et qu'il était à concitoyens. Alors, en effet, le nombre
craindre, si l'hiver se passait en d'inu de ceux qui échappaient à la famine
tiles attaques , qu’un autre ne vint lui par la mort ou la fuite était immense.
ravir, sans l'avoir mérité, les bon Asdrubal se montrait impitoyable; il
neurs du triomphe. Scipion sentit ai raillait les uns, accablait les autres
sement la justesse de ces réflexions, d'outrages, et souvent même il tuait
et il chargea Gulussa d'annoncer au ceux qui lui faisaient ombrage. A force
énéral carthaginois, de sa part, qu'il de sang répandu , il intimida tellement
fhi accordait à lui, à sa femme, à ses la multitude, qu'il conserva jusqu'au
enfants et à dix familles parentes ou bout , dans Carthage assiégée , une
amies, la vie et la liberté, et qu’il lui puissance aussi absolue que le pour
rmettait en outre d'emporter de rait être celle d'un roi juste dans une
Carthage dix talents de son bien , et ville heureuse. p
d'emmener avec lui ceux qu'il voudrait EXAMEN nu JUGEMENT QUE Po
choisir parmi ses esclaves. Gulussa, LYBE Er QUELQUES AUTRES msTo
avec des offres qui devaient, ce sem mENs oNT PORTÉ SUR AsnnUBAL. -—
ble, être agréables à Asdrubal, se ren Il ne faudrait peut-être point admettre
dit le troisième jour à l'endroit fixé sans restriction le témoignage de P0
pour l'entrevue. . lybe et de quelques autres écrivains
.. Asdrubal y vint aussi. Il portait amis de Rome, lorsqu'ils font le por
trait d'Asdrubal et qu'ils essayent
Il est vraisemblable que Polybe avait raconté d'ap récicr' son caractère et ses actes.
ces événements, mais son récit n'est point Peu ant les six années qui précédèrent
parvenu jusqu'à nous. la ruine de Carthage, Asdrubal ma
CARTHAGE. 121
nifesta contre les ennemis de son pays de Zama) , et ils livrèrent aux consuls
une haine trop vive pour que les Ro Manilius et Censorinus toutes leurs
mains et tous ceux- qui s'étaient atta armes. Au moment même où les traî
chés à leur fortune aient pu le juger tres, en desarmant Carthage, prépa
sans prévention et avec impartialité. raient le triomphe des ennemis , le
Nous avons rapporté fidèlement l'os chef du parti populaire rassemblait
pinion de Polybe et celle d'Appien qui vingt mille soldats. Il prévoyait sans
a suivi avec tant d’exactitude le récit doute que ses concitoyens désahusés
de l'illustre Mégapolitain , et on a vu ne tarderaient point a le rappeler. En
que cette opinion était sévère. Il est effet, au retour des ambassadeurs qui
vraisemblable encore que Tite-Live, étaient allés recevoir à Utique la ré
dans la partie de son histoire qui n'est ponse des consuls, il y eut dans la ville
point arrivée jusqu'à nous, n'avait pas une sanglante réaction. Le parti vrai
épargné le blâme au dernier chef des ment national se releva plein de force
Cartha inois. Voilà sans doute de gra et d'énergie, pour engager contre les
ves , d imposantes autorités. Toute Romains une dernière et terrible lutte.
fois , en nous servant du récit même Au jour du danger, Asdrubal oublia
de Polybe et d’Appien, nous pouvons, les vieilles injures, et proclamé général
sinon transformer Asdrubal en un par la-voix du peuple, il se hâta d'offrir
grand capitaine et le montrer comme a ses concitoyens les soldats qu'avec
un homme exempt de fautes, au moins tant de sagesse il avait réserves pour
prouver qu'il aima sincèrement sa pa la défense de la patrie. Tandis que les
trie , et que toutes ses actions ne fu carthaginois assiégés repoussaient glo
rent pas, comme l'ont prétendu des rieusement les premiers assauts de
écrivains ennemis, contraires à la pru l'armée romaine, il se maintint dans
dence et à la justice. son camp de Néphéris, devant lequel
Au moment même où pour la pre vinrent échouer deux fois les légions
mière fois, l'histoire fait mention de Manilius. Enfin, lorsque Scipion
d'Asdrubal, nous le voyons figurer à étant consul, Carthage eut à soutenir
Carthawe dans le parti opulaire, c'est des attaques sérieuses et. multipliées, il
à-dire dans les rangs es ennemis im se jeta dans la ville et la défendit jus
placables du nom romain. Bientôt il qu'au moment où il ne vit plus autour
acquiert assez d'influence parmi ses de lui qu'un monceau de ruines.
concitoyens, pour accomplir avec eux Les historiens de l'antiquité ont ac
et ar eux une importante révolution. cusé Asdrubal de cruauté, et nous
Il fait bannir de la ville les partisans de avons rapporté précédemment les faits
Massinissa. Puis, il entreprend une qu’ils ont donnes à l'appui de leur as
guerre utile et juste contre le roi de sertion. Mais nous devons remar uer
Numidie, qui, fidèle allié de Rome, que ceux-là même ui, après l'arrivée
n'avait cessé , depuis un demi-siècle , des Romains en A riqne, furent victi
d'attaquer les carthaginois et de leur mes de la réaction populaire,‘ étaient
porter de continuels dommages. As soupçonnés, nous pourrions dire con
drubal , nous l'avons dit, échoua dans vaincus de s'être vendus à l'ennemi et
son expédition contre Massinissa. de trahir leur patrie. Ainsi le magistat
Alors, mettant à rofit les malheurs suprême ne fit mourir Asdrubal, était
publics, les amis es Romains repri le petit-fis de Massinissa, l'ami des
rent assez d'audace à Carthage pour Numides, et, de l'aveu d’Appien, il ne
proscrire le chef du parti populaire. perdit la vie que pour avoir été accusé
Non contents de condamner à mort d'avoir entretenu avec Gulussa de cou
Asdrubal et ses adhérents, ils vendirent pables intelligences. Ailleurs, l'histo
leur atrie aux Romains; ils envoye rien alexandrin nous apprend qu'après
rent a Libybée trois cents otages (les le massacre des prisonniers romains,
carthaginois n'en avaient remis que quelques-uns des sénateurs reproché
cent aux vainqueurs après la bataille rent a Asdrubal d'avoir agi avec plus
132
de cruauté que de prudence, et de s'enfermer dans une ville assiégée qui
leur avoir enlevé tout espoir de trai souffrait toutes les horreurs de la fa
fer avec l'ennemi; il ajoute que our mine.
étouffer leurs plaintes, Asdruba les On peut reprocher à Asdrubal de
lit tuer. Certes, quand on a suivi avec s'être écrié un jour en présence de
attention l'histoire des six années qui Gulussa : c Le soleil qui éclairera la
précèdent la ruine de Carthage, on est destruction de Carthage ne me verra
tenté de croire que ceux qui , au mo point vivant. s Comme il survécut à la
ment même où l'ennemi s'était rendu ruine de sa patrie, Polybe a pu dire:
maître d'une partie de la ville, pro a On vit bien au jour du danger que ces
clamaient hautement que l'on pourrait grandes et belles paroles étaient sorties
encore réussir par la voie des négocia e la bouche d'un fanfaron. n
tions, étaient des traîtres et les amis Ajoutons encore,‘ avant de terminer.
des Romains. Nous ne voulons point qu'entre tous les torts d'Asdrubal, le
ici excuser les crimes ou les fautes plus grand peut-être a été celui d'avoir
qu'Asdrubal a commis; nous essayons succombé et d'avoir abandonné, comme
seulement de montrer u'il a pu se sa malheureuse patrie , le soin de sa
faire que le dernier ’gén ral carthagi gloire à des historiens étrangers.
nois ait été'calomnie par les ennemis SUITE DU néon; SCIPION rsrmn
de Carthage. , L'EN'raEE DES PoErs PAR UNE JETÉB‘,
_ « Asdrubal , disent Polybe et Ap LEs Csnrnnomors s'oUvnEN'r UNE
pien, régnait sur le peuple par a NOUVELLB rssUE E'r ns'r'rEN'r UNE
terreur, et il conserva jusqu'à lafin, nous A LA MER; cousu NAVAL;
sur la multitude, une autorité sans 147 AVANT NOTRE izna.— Pour priver
bornes. » On peut croire aussi qu'As les Carthaginois des vivres u’ils rece
drubal régna sur la multitude, moins vaient par mer , et leur en ever leurs
ar la terreur que parce u'il était dernières ressources , Scipion résolut
Félu de cette multitude et e chef du de fermer l'entrée du port. « A partir
parti opulaire. de la bande de terre qui était entre le
En m, il n'est pas vraisemblable lac et la mer, dit Appien, il fit jeter
qu'au moment où les Carthaginois as une digue qui s'avançait presque en
siégés subissaient de cruelles priva droite ligne vers l'embouchure du
tions et souffraient de la famine, As port, peu distante du rivage. Cette
drubal se soit fait un jeu de la misère jetée avait vingt-quatre pieds de lar e
publique, et qu’il ait insulté à ses au sommet et quatre-vingt-seize à a
concitoyens malheureux, en donnant base (*). Scipion disposait d'une nom
àlquel ues-uns de ses amis de somp breuse armée qu'il faisait travailler
tueux anquets. a Scipion, dit Polybe, jour et nuit, et les Carthaginois, qui
fit annoncer au général carthaginois d'abord avaient ri de ce projet gigan
qu’il lui accordait à lui, à safemme, tesque, allaient se trouver entièrement
à ses enfants , et il dira fizmiües pa bloqués, car, ne pouvant recevoir de
rentes ou amies, la vie et la liberté, vivres par terre, et la mer leur étant
et qu’il lui permetiait, en outre, d'em fermée, la faim les eût contraints de
porter de Carthage dia: talents de se rendre à discrétion. C’est alors
son bien, et d'emmener avec lia‘ ceuœ qu'ils entreprirent d'ouvrir une nou
qu'il voudrait choisir parmi ses es velle issue dans une autre partie de
claves. ‘ Pourquoi Asdrubal repoussa
t-il alors les propositions de Scipion? (') «Cette jetée fut construite comme
Pourquoi préféra-t-il à une retraite celles des rades de Cherbourg et de Plymouth
tra nilla où il aurait tr vé le repos l'ont été depuis, en lançant à flot perdu
et le ien-être, le séjour e Carthage? d'énormes quartiers de roches qui , par
Assurément, pour se livrer à la bonne leur cohésion et l'inclinaison de leur plan ,
chère et pour donner de splendides fes pussenl résister à l'action de la mer. n 1“. Du
fins. c'était mal choisir son lieu que de reau de la Malle.
CARTHAGE. 128
leur ort qui regardait la pleine mer. qui était fort étroite, les vaisseaux ne
Ils c oisirent ce point parce que la pouvaient pénétrer qu’en petit nombre
profondeur de l'eau et la violence des a la fois et qu'avec une extrême difli
vagues qui s'y brisent rendaient im culté. Alors, pour ne point être atta
possible aux Romains de le fermer quées par les Romains, pendant les
avec une digue. Hommes, femmes et lenteurs de la retraite, les trirèmes
enfants y travaillèrent jour et nuit, en carthaginoises remontèrent le long de
commençant ar la partie intérieure , la côte et jetèrent l'ancre vers un quai
. et avec tant e secret que Scipion ne qui avait servi autrefois au débarque
put rien savoir des prisonniers qu'il lit ment des marchandises (‘). Au mo
alors , sinon qu’on entendait un grand ment méme où les bâtiments légers
bruit dans les ports, mais qu’on en venaient de se mettre à l'abri dans le
ignorait la cause et l'objet. En même port et où les gros navires s’arrêtaient
temps, les assiégés construisaient avec non loin des murailles, la proue tour
d'anciens matériaux des trirèmes et née vers la mer, on vit arriver la flotte
desquinquérèmes avec une adresse et ennemie. Il fallut encore soutenir une
une activité singulières. Enfin, lorsque nouvelle attaque. Quoique les Romains
tout fut prêt, les carthaginois, au eussent à se défendre et- contre les
pointdu jour. ouvrirent la communica équipages des vaisseaux et contre les
tion avec la mer, et sortirent avec cin troupes de terre qui étaient placées
quante trirèmes et un grand nombre sur le quai. ils firent cependant éprou
‘autres navires qui avaient été appa ver à la flotte des assiégés des pertes
reillés avec le plus grand soin, et de considérables. La nuit mit fin au com
manière à jeter la terreur parmi les bat. Alors seulement les gros navires
Romains. n des carthaginois parvinrent à se ré
Ceux-ci, en effet, à la vue de la fugier dans le port.
flotte carthaginoise, furent frappés de LESCABTBAGINOISA’ITAQUENTLES
crainte. Les lourds et pesants vais RoMAINs PENDANT LA NUIT ET nau
seaux de la station romaine n’avaient LENT LEURS MACHINES DE ananas;
ni rameurs ni soldats, car les équipa nu CÔTÉ DE LA man, SCIPION nasra
ges étaient descendus à terre pour ai. nAîrnn mas oUvaAGEs AvANcÉs DES
der Scipion dans ses travaux. Si les CAa'mAGiNors; 147 AVANT Noraa
carthaginois, par une attaque sou ÈRE. — Le lendemain matin, Scipion
daine, s'étaient ortés sur les vaisseaux s'empara du ‘quai à l'abri duquel s'é
ainsi désarmés. ils auraient obtenu une tait placée la otte carthaginoise. a Cet
victoire aisée, et ils auraient anéanti ouvrage , dit Appien , devenait un
d’un coup toutes les forces navales de point d'attaque tres-avantageux pour
l'ennemi; mais ils se contentèrent de entamer le port (le Cothôn). Alors
se montrer et d'insulter les Romains ayant amené beaucoup de machines et
par de vaines démonstrations. Quand battu avec des béliers la fortification
trois jours après ils vinrent présenter intermédiaire ( le rempart élevé dans
le combat, l'occasion favorable était la longueur du quai par les Carthagi
perdue et ils n'avaient plus les mêmes nois ), il en renversa une partie. Les
chances de succès : les rameurs et les assiégés firent une sortie la nuit et
soldats avaient regagné leurs vais se portèrent contre les machines des
seaux , et les carthaginois trouvèrent Romains, non par terre, car c'était
une flotte toute pré arée à recevoir impraticable, ni avec des vaisseaux ,
leurs attaques. Ils nhésitèrent point car la mer sur ce point est pleine de
cependant, et une lutte terrible s'en
gagea. On se battit pendant une jour C’) Ce quai était très-large. De peur qu'il
née entière, et ce ne fut que vers le ne servit d‘esplanade à l'ennemi pour l'at
soir que les carthaginois, fatigués et taque des murailles, les carthaginois l'avaient
non vaincus. se dirigèrent vers la nou coupé dans sa longueur par un fossé et un
velle entrée du port. Par cette entrée, rempart.
124
bas-fonds : ils y marchèrent tout nus , thaginois : c’était la présence à Néphé.
portant des torches non allumées pour ris d’une armée nombreuse fortement
n’être pas aperçus de loin. Ils entrent retranchée, et qui paraissait surveil
dans la mer sans être vus , et s'avan ler, malgré l’e'loignement, toutes les
cent les uns à la nage, les autres ayant opérations des Romains. Scipion avait
de l’eau jusqu'à la poitrine. Lorsqu'ils toujours à redouter une double atta
sont arrivés près des machines, ils que; et lorsque parfois il songeait aux
allument leurs torches, et alors le feu expéditions malheureuses du consul
les ayant découverts, ils reçurent sur Manilius , il n'était point sans inquié
leurs corps nus de terribles blessures. tude. Il crut, non sans raison, que la
Mais telle fut leur audace‘et la force destruction de l’armée deNéphéris pou
de leur désespoir, que, malgré ce dé. vait seule hâter les travaux du siége
savantage , ils enfoncèrent les Ro et consommer la ruine de Carthage. Il
mains et brûlèrent leurs machines. La se mit donc en marche avec une par
terreur même fut si grande, que Sci tie de ses troupes, et il se dirigea,
pion fut contraint de faire tuer quel avec Lælius et Gulussa, vers le camp
ques-uns des fuyards our forcer les carthaginois. Diogène y commandait
autres à rentrer dans e camp, où ils depuis le jour où Asdrubal s’était jeté
assèrent tout le reste de la nuit sous dans la ville assiégée. Scipion prit po
es armes. Les carthaginois , après sition non loin de Néphéris. Il s’aper
avoir brûle’ les machines, retournèrent çut bientôt qu'en deux endroits les
à la nage dans la ville. n retranchements carthaginois s’étaient
Les carthaginois se hâtèrent de ré écroulés. Il prit alors la résolution de
parer la partie de leurs fortifications recourir à un expédient qui lui avait
qui était tombée sous les coups du déjà réussi plusieurs fois : il se‘porta
bélier, et ils y élevèrent des tours en avec ses troupes vers une des breches,
bois de distance en distance. Mais les et là,tandis qu’iloccupait Dioîène par
Romains, après avoir construit d’au une attaque simulée, mille iommes
tres machines , renouvelèrent bientôt qu'il avait cachés s‘élancèrent dans le
leurs attaques : ils incendièrent quel camp ar l’autre brèche. Tandis que
ques-unes des tours, en lançant contre les sol ats romains faisaient dans l'in
elles des vases remplis de poix et de térieur des retranchements un horri
soufre enflammés. Enfin Scipion se ble massacre, Gulussa et ses cavaliers
rendit maître des ouvrages avancés des numides poursuivaient et tuaient dans
carthaginois. Il éleva alors un mur en la campagne tous ceux qui avaient pris
bri ne, égal en hauteur aux remparts la fuite. « Dans cette [journée, dit Ap
de a ville et à peu de distance de ces pien, soixante-dix mi le hommes per
remparts; puis il plaça sur ce mur, dirent la vie, dix mille furent pris, et
qui était protégé par un fossé, quatre quatre mille seulement parvinrent à
mille hommes de trait. Il pensait que s’échapper. n
ceücorps d’armée, dans une position L’armée carthaginoise ayant été
inexpugnable, suffisait pour contenir anéantie d’un seul coup, les Romains
les assiégés pendant toute la durée de se présentèrent devant es murs de Né
la grande expédition qu’il allait entre plieris. Après un siége de vingt-deux
pu- dre. jours, Scipion se rendit maître de la
XPÉDITION m; SCIPION coN'rnx place. Ce nouveau succès eut un grand
L'ARHÉE QUI se 'rnm'r A Nupnsnls; résultat. Quand Néphéris eut succomo
u CAMP nss Canrmcmors ss'r bé, toutes lrsdvilles avoisinantes se sou
PRIS; sises ma Nérnränrs; PLusisuns mirentanx Romains.Toutefois, au mo
VILLES se nsNnENr AUX ROMAINS; ment même où s’évanouissaient leurs
147 AVANT None ÈRE. — Jusqu'aux dernières espérances, les carthaginois
derniers événements que nous venons assiégés n'en persistèrent pas moins
de raconter, une chose avait entretenu dans l’héro‘que résolution de se dév
le courage et les espérances des Car fendre jusqu à la dernière extrémité.
CARTHAGE. 125
Sermon A'r-rAQuE LE Pour DE avec ses soldats sur la place publique.
CAarnAeE; Plus]: Du Cornôiv; LES Le lendemain, au point du liour, il
RoMAINs DANS CABTIIAGE; couEA'r appela à son aide quatre mille iommes
ACIIAENE DANS LES nul-2s QUI CON de troupes ‘fraîches. Au moment où
DuIsAIEN'r DE LA PLACE PUBLIQUE A ceux-ci entrèrent à Carthage, ils se
LA CITADELLE; 146 AVANT No'rnE précipitèrent dans le temple d’Apol
ÈRE. —- Scipion avait passé une année lon , et , sans tenir compte des mena
pres ue entière à préparer par. de si) ces de leurs officiers, llS enlevèrent
res dltérations la ruine de Carthage (‘). les lames d'or qui couvraient la statue
Après avoir détruit pendant l’hiver de la divinité. Ils n‘obéirent aux ordres
l'armée de Diogène, pris Néphéris, de Scipion que lorsqu'ils eurent par
reçu la soumission des villes d’Afrique tagé entre eux ces dépouilles sacrilé
qui tenaient encore pour les Cartha ges, qui valaient bien, dit un historien
inois, il résolut, aux a proches de la de l’antiquité, une somme de mille
elle saison, de tenter e vigoureuses talents.
attaques et de frapper les derniers Quand Scipion eut fait tous ses pré
coups. Il se dirigea d’abord vers le paratifs pour attaquer Byrsa. il se mit
port qui était appelé Cothôn; Asdru en marche avec ses troupes. Mais bien
al, qui croyait avoir découvert les tôt il s’aperçut qu’il ne parviendrait
pro'ets du général romain, fit mettre point sans peine jusqu'au pied de la
e eu, pendant la nuit, à la partie citadelle. Trois rues étroites, bordées
guadrangulaire de ce port. Tandis qu'il de chaque côté de maisons à six étages,
xait sur ce point toute son attention, montaient de la place publique a
Lælius escalada la partie ronde du Byrsa. Les soldats de Scipion étaient à
Cothôn qui était opposée à la partie peine entrés dans ces rues qu’une
quadrangulaire, et il ouvrit ainsi l’en ataille terrible s'engagea. Les Ro
trée de Carthage à l’armée romaine. mains furent alors accablés par une
Bientôt le port et les fortifications grêle de traits et de pierres. Il fallait
qui l’entouraient furent au pouvoir de pénétrer et se battre dans chaque mai
lennemi. Scipion alors pénétra dans son , et à chaque étage. Les Carthagi
la ville, et il s'établit, pour la nuit,‘ nois étaient partout, dans la rue, sur
(‘) u Si l'on examine attentivement l'en les toits, et l'armée romaine ne pouvait
semble du récit d‘Appien et l'histoire du avancer que lentement et pas à pas.
siège de Carthage pendant les trois ans de La ville présentait en ce moment un
sa durée, on sera convaincu que, malgré spectacle horrible; les uns périssaient
les forces immenses en troupes de terre et par l'épée, les autres par les traits qui
de mer employées par les Romains, il était étaient lancés; d'autres enfin, en tom
nécessaire de procéder de cette manière bout du haut des'maisons, étaient
lente et circonspecte pour obtenir la vie reçus sur les piques des soldats. On
toire. La position admirable de Carthage entendait aussi le bruit des armes qui
défendue par plusieurs enceintes séparées. se choquaient, les laintes, les gémis
indépendamment du Cothôn, l'égalité des sements et les cris e douleur des'bles
forces entre l‘assaillant et l‘assiégé, con sés et des mourants. Enfin , après une
traignirent Scipion à exécuter ses travaux lutte prolongée et des efforts inouis ,
gigantesques de circonvallation. Il lui fallut Scipion arriva devant Byrsa. Ce fut
marcher pas à pas dans cette lutte difficile. alors que voulant se ménager un vaste
Il est même probable que , si les Romains,
par une perfidie plus que punique, n'eussent emplacement pour les manœuvres de
enlevé d'abord aux carthaginois , déçus par ses troupes, il fit mettre le feu au
l'espoir de conserver la paix , leurs armes , quartier de la ville qu’il venait de tra
leurs machines et leurs vaisseaux , cette troi verser.
sième guerre se serait encore terminée par INCENDIE DE CAETIIAG.‘ ; CIN
un traité ekn‘aurait pas eu pour résultat la QUANTE MILLE CARTHAGINOIS DE
ruine et la destruction de Carthagemfll. Du MANDENT LA vIE ET sonTEN'r DE LA
rsau de la Malle. CITADELLE ; AsDnUBAL ET LES
136
raursruens IOMAINS sa pérennes-r veillait les soldats, les pressait et se
ENCOBEDANS Ln'rnnrLsD’EscULAPx; portait sur tous les points: c'était Sels
146 AVANT Nous iras. — Pour avanu pion. Enfin le septième jour, se trou
cer plus rapidement dans leur œuvre vant accablé de lassitude, il monta sur
de destruction, les Romains ne se une éminence et s’assit dans un lieu
contentèrent pas de mettre le feu aux d’où il pouvait encore examiner ce qui
édifices et de les démolir par portions, se faisait dans son armée. En cet ins‘
ils les espèrent parla base afin de faire tant, on lui amena plusieurs Carthagi
écrouler la masse entière. _On vit alors nois. lls venaient lui dire que tous ceux
une chose hideuse: des corps humains ui s’étaient enfermés dans l’enceinte
tombaient avec les décombres; c'étaient e la citadelle étaient prêts à se rendre,
les vieillards, les femmes et les enfants s'il promettait de ne pas les égorger.
qui jusqu'à ce moment étaient parvenus. un Je vous le promets, dit Scipion; les
à se dérober aux regards des vain transfuges seuls n’obtiendront oint de
queurs, en se cachant dans les réduits grâce. » Cinquante mille in ividus,
obscurs et dans les endroits secrets des hommes et femmes (") , sortirent alors
maisons. Ces corps étaient broyés sous de Byrsa et furent mis sous bonne
les pieds des chevaux qui passaient et garde. Il ne restait plus dans la citaa
repassaient; puis , arrivaient avec des delle que neuf cents transfuges ,
haches, des crocs et des fourches. ceux Asdrubal , sa femme et ses deux en
qui étaient chargés de déblayer le ter— fants.
rain. Ils enlevaient les monceaux de Asmiunsn ET LES 'raANsruoss sl
ruines et jetaient dans un même fossé, mr'rsn'r DANS LE TEMPL! n’Escu
les poutres, les pierres, les cadavres et LAPE; ASDBUBAL sa main); INCENDIE
les‘corps de ceux qui respiraient eue DU TEMPLE; nom‘. DE LA rmmn
core. «1 Ce n'était point par cruauté ni D'ASDRUBAL ; CONVERSATION m;
à dessein, dit un historien de l’anti SCIPION ET an Pour“; 146 aux!
quité , que les Romains agissaient NOTRE iras. —— Le temple d’Esculape
ainsi. D’abord, ils étaient animés par était bâti sur un roc élevé , au sommet
l'espoir d’une victoire prochaine; en duquel on ne pouvait parvenir qu’en
suite, le mouvement et l'agitation , la montant soixante degrés. C’est dans ce
voix des hérauts , les sons éclatants de temple que se jetèrent Asdrubal et les
la trompette, les commandements des transfuges. De ce lieu, ils pouvaient
tribuns et des centurions qui dirigeaient facilement repousser les assaillants et
le travail des cohortes, tous ces bruits soutenir longtemps encore les efforts
enfin d’une ville prise‘et saccagée ins de l’armée romaine. Ils se défendirent
pi raient aux soldats une sorte d’enivre d’abord avec tout le courage qu’inspire
ment et de fureur qui les empêchaient le désespoir; mais enfin, épuisés par les
de voir ce qu’il y avait d’horrible dans veilles, par la faim et par des combats
un pareil spectacle. » Dans ces dures sans cesse renouvelés, ils abandonne
aroles d’Appien, il est facile de saisir rent les alentours du temple et se ré
es impressions de Polybe qui assista fugièrent dans les parties élevées de
à la ruine et à la destruction de Car l'édifice. Ce fut alorsqu’Asdrubal sup
thage, et qui ressentit, dans le camp pliant vint se rendre à Sci pion. Le Ëé
romain , à côté de Scipion. son élève et néral romain le fit asseoir à ses pie s ,
son ami, tout l’enthousiasme de la et l’exposa ainsi prosterné et humilié‘,
victoire. aux regards destransfuges. Ceux-ci ao
L’armée romaine passa, six jours et cablèrent d’abord leur ancien chef des
six nuits à déblayer le terrain qui était plus cruelles injures, ensuite ils mirent
couvert de ruines. Les soldats se suc< le feu au temple et tombèrent ensevelis
cédaient dans te travail, pour ne point
succomber aux veilles et à la fatigue. (") Quarante mille hommes, suivant Flo
Il y avait un homme cependant qui ne rus ; trente mille hommes et vingtccinq mille
prenait ai sommeil. ni repos, qui sur-‘ femmes, suivant Orose.
CARTRAGE. 127
sous ses ruines. Au moment où l’in VINCE ROMAINE; 146 AVANT No'rnn
cendie commencait à dévorer l'édifice‘, Ènz. — Scipion permit à son armée
la femme d’Asdrubal , revêtue de ses de piller les ruines de Carthage; tou‘o
plus beaux vêtements, se présenta avec tefois, il fit mettre én réserve l'or,
ses deux enfants, à la vue de Scipion; l'argent et les objets qui avaient été
elle lui cria avec force : et Romain, les consacrés aux dieux dans les temples.
dieux te sont favorables, puisqu'ils Puis, il donna une ratification a ses
t'accordent la victoire. Souviens-toi de soldats. ll envoya aors à Rome un
punir Asdrubal qui a trahi sa patrie, vaisseau chargé de riches dépouilles,
ses dieux, sa femme et ses enfants. pour annoncer sa victoire. En même
Les génies qui protégeaient Carthage temps, il fit savoir aux peuples de la
s'uniront à toi pour cette œuvre e Sicile qu'il était prêt à leur restituer
vengeance.» Puis, se tournant vers tout ce qui leur avait été pris pendant
Asdrubal : n 0 le plus lâche et le plus leurs uerres avec les carthaginois (‘).
infâme des hommes! tu me verras Ce ut un soir que l’on vit arriver
mourir ici avec mes deux enfants; mais à Rome le vaisseau envoyé par Sci
bientôt tu sauras que mon sort est en ion et que l'on apprit la nouvelle de
core moins à plaindre que le. tien. Il a ruine de Carthage. La joie fut
lustre chef de la puissante Carthage, rande dans la ville. Pendant‘ la nuit,
tu orneras le triomphe de celui dont tu es citoyens s'abordaient, s'interro
baise les pieds, et après ce triomphe, geaient et s'adressaient de mutuelles
tu recevras le châtiment que tu mé félicitations. On racontait aussi les
rites. » En achevant ces mots, elle guerres passées,, et lorsqu'on rappe
égorgea ses deux enfants et se précipita lait les divers incidents de la derniere
avec eux au milieu des flammes. « Ce lutte, on trouvait qu'aucune victoire
n'était point la femme d'Asdrnbal, dit n'était comparable à celle que venaient
Appien, qui devait terminer sa vie par de remporter Scipion et son armée.
cette mort héroïque, mais Asdrubal Le succès même était si grand, que
lui-même. a parfois on était tenté de n'y point
On raconte que Scipion, en voyant croire, et l'on entendait des gens qui
autour de lui tout de ruines accumu disaient : 11 Mais est-il bien vrai que
lées, versa des larmes. Il pensait à la Carthage ait été détruite P n Toute la
triste destinée de Carthage qui avait nuit se passa ainsi en joyeux propos et
été si longtemps riche et puissante. Il en manifestations de la plus vive allé»
lui arrive, au milieu de ses réflexions , gresse. Le lendemain , a la pointe du
de s’écrier avec Homère : jour, on se rendit aux temples pour
« Viendra un jour où périra Troie , faire des prières et des sacrifices. Après
la ville sacrée, et où périrent avec elle avoir rendu auxgdieux de solennelles
Priam et le peuple de Priam ("). - actions de grâces, on donna des jeux‘
Polybe, qui se trouvait à côté de au peuple, et les fêtes commencèrent.
Soi ion, lui dit alors : a Quel sens at
tac ez-vous à ces paroles? — C’est (') « C'élaient.dit Diodore , des portraits
Rome qui occupe ma pensée, répondit peints de leurs hommes illustres, des sta
Scipion; je crains pour elle l'instabi tues exécutées avec un talent remarquable,
lité des choses humaines. Ne pourrait et des offrandes en or et en argent qu'on
avait faites à leurs dieux. Himère y retrouva
il point se faire qu'elle éprouvñt un sa statue personnifiée sous les traits d'une
jour les malheurs de Carthage? n femme et celle du ioëteslésichore; Segeste,
CAn'rnAGs numée; SCIPION PAR sa Diane ; Gcla, plusieurs objets d'art; Agri
TAGE LB nn'mv sN'rnE ses soLnA'rs; geute, le fameux taureau de Phalaris. Plu
1012 A Rem: A LA NOUVELLE DE LA sieurs villes d’Ilalie et d‘Afrique recouvre
PRISE DE CAn'rnAon; LE 'rsnnl'rolns. rent alors , par la libéralité de Scipion , les
cAnrnAmNots nsr xénon: surno objets précieux dont elles‘ avalent été dé
pouillées ar les CarthagtnoismM. Dufédl
l') lliade xv, v. x64 et :65. de la Ma 0.
128
Cependant, le sénat envoya en Afri Pour connaître à fond Carthage et son
que dix commissaires choisis dans histoire , il faut aller plus avant et pé
lordre des patrjciens. Ils devaient se nétrer, si nous pouvons nous exprimer
concerter avec Scipion pour régler le ainsi, dans les secrets de son organi
sort de la province carthaginoise. A leur sation intérieure. Dès l'antiquité, ceux
arrivée, ils ordonnèrent de détruire qui ont écrit sur cette puissante répu
ce qui restait encore de Carthage. Ils blique ne se sont oint bornés à con
déclarèrent que nul, à l'avenir, ne se signer, dans leurs ivres, les guerres et
rait autorisé à bâtir sur l'emplacement les traités de paix ou d'alliance; ils
de la ville ruinée , et surtout à l’en ont encore étudié sa constitution poli
droit où s'élevaient jadis les quartiers tique; son système d'administration;
de Byrsa'et de Mégara. Puis. comme l'etendue de ses possessions, de son
s'ils avaient craint de voir les Cartha commerce , de ses richesses et de ses
ginois sortir de leurs tombeaux, ils forces militaires; sa religion , etc. Nous
accompagnèrent cette défense de tout nous proposons, à notre tour, d’abor
l'appareil des cérémonies religieuses, der séparément chacun de ces points,
et IIS prononcèrent au nom des dieux, et d'exposer, dans un court sommaire ,
contre celui qui viendrait habiter ces en nous appuyant sur l'autorité des
lieux maudits, de terribles impréca écrivains de l'antiquité, tous les ren
tions. Après avoir récompensé les peu seignements qui nous ont été transe
ples et les villes qui avaient prêté aide mis sur cet important sujet (").
et appui aux Romains, dans la der CONSTITUTION. —A Carthage, le
nière guerre, et après avoir puni ceux pouvoir était aux mains d'une puis
qui étaient restés fidèles à Carthage, sante aristocratie. Toutefois , il ne fau
les commissaires délégués par le se drait pas croire qu'entre cette aristo
nat revinrent en Italie. Avant leur dé cratie et celle que l'on rencontre à
part, ils avaient réduit en province Sparte ou à Rome, il existât une ar
romaine toute la partie de l'Afrique l‘aite ressemblance. En effet, à ar
qui avait appartenu aux Carthagi tha e, il n'y avait point de noblesse
nois. fon ée sur des souvenirs de conquête
Dans la même année (146 avant ou sur une gloire héréditaire, mais
‘notre ère), on vit à Rome deux triom une noblesse ui tira’it ‘en général tout
phes; Scipion et Mummius montèrent son éclat de l'étendue de ses richesses.
au’Capitole , en étalant aux yeux d'un Il est vrai qu'à certaines époques, on
euple immense les dépouilles des vil vit s'élever dans la république des
es qu’ils avaient vaincues. Certes, les hommes qui acquirent une grande re
deux triomphateurs étaient loin de nommée, et qui transmirent à leurs
prévoir qu'un siècle à peine après leur familles, pour un temps plus ou moins
victoire, ‘Rome elle-même essaierait long, toute leur il ustration. Mais
de réparer ses propres injustices, et nous devons ajouter que ce fait ne se
ne César, en léguant aux héritiers produisit que rarement dans l'histoire
e sa puissance le soin de relever Co de Carthage ; et si les Magon , les Han
rinthe et Carthage , croirait faire sa non et lesBarca se virent en possession,
tisfaction à l'humanité outragée. pendant de nombreuses années des
dignités de l’Etat et de la eonsidérao
CONSTITUTION POLITIQUE , tion publique, c'est que , dans ces fa
coLomss ET AUTRES rossxssxozrs, xcnxcnn milles, les richesses se perpétuaient
Tutu , uolnuncl, mnus'rnrx , ARMÉLS,
saumon l1.‘ LI’ITÊMTUBI nu ennu (") Nous nous sommes aidé aussi del
amers. travaux de la critique moderne, et nous
avons consulté fréquemment les chapitres
L'histoire du peuple carthaginois que Ilecrcu a consacrés à Carthage, dans
n'est pas tout entière dans la série des son grand ouvrage sur la politique et le
événements que nous avons racontés. commerce de: peuple: de l'anliqum'
CARTHAGE. 129
aussi bien que les vertus. Trois siècles semblée (aäzflmac) paraît avoir été un
avant notre ère , Aristote avait saisi la corps déli rant; c'était à Carthage.
différence qui existait entre l’aristocrac pouremployeruneex ression moderne,
tie carthaginoise et l'aristocratie qui e pouvoir législatif? comme la petite
ouvernait Sparte. Il a insisté sur cette assemblée (1lpoucia)qu'AriSt0te appelle
äistinction; et les faits qu'il a rassemv le conseil suprême, était le pouvoir
blés, à ce sujet, dans sa Politique, eæe’cutÿ’. Le conseil suprême. qui re
nous fournissent sur la constitution çut la dénomination particulière de
de Carthage de précieux renseigne 'ppowia, se com ait de cent mem
ments. Aristote nous a encore appris bres. Dans le principe, il n'avait été
que, dans la république, les riches qu'un démembrement de la grande as
etaient les seuls qui parvinssent aux semblée, un comité char é spéciale
magistratures. Il s'exprime formelle— ment de faire la police de'l État, et de
ment à cet égard: a On pense. à (Jar juger les magistrats et les généraux
thage, dit-il , que celui qui veut exer prevaricateurs. Le conseil des Cent ne
cer une fonction publique doit avoir cessa point de se recruter parmi les
non-seulement de grandes qualités, notables de la république; mais peu à
mais encore de grandes richesses. » peu il se fit conférer des pouvoirs
Pouvoras ‘na L’ETAT; GRANDE extraordinaires, et il finit par se ré
ASSEMBLÉE (O'Û'ÏYJMTOÇ); CONSEIL su server la connaissance des affaires les
mu‘ms ou pas CENT (759mm); As plus importantes, et r s'arroger le
samsuäes DU PEUPLE; sursauts; droit de décider dans es grandes cir
GÉNÉnAux; CBNSEUB pas IIŒURS; constances. Ajoutons ici que plusieurs
ATTRIBUTIONS mas mrrnENTs POU écrivains de l'antiquité ont compris
volas DE L'ÉTAT. — La grande as les deux assemblées sous le nom com‘
semblée (capa-mec) était un cor 5 per mun de synédrin (awéôppov).
manent qui se composait de l’é ite des, «La sphère du sénat à Cartha
carthaginois, c'est-a-dire, des hommes « e, dit Heeren, en y réunissant
qui avaient acquis‘ par leurs richesses s e grand conseil (mh'xln'rec) et le
unmgrandc influence. Dans un État «conseil des Cent (permis), paraît
où les citoyens les plus notables sont ravoir été en général la même e
les citoyens les plus riches, les fonc «celle du sénat romain. Toutes es
tions publiques ne sont point hérédi «transactions avec l'étran er lui sont
taires. Comme nous l'avons dit, ar « confiées. Les rois ou su êtes qui le
suite de l'instabilité des grandes or - présidaient y font des rapports; il
tunes, l'aristocratie carthaginoise de « reçoit les ambassadeurs, il délibère
vait non point changer dans son es « sur toutes les affaires d’État, et son
sence, mais se renouveler sans cesse. « autorité était si grande qu'il décidait
La grande assemblée était soumise à « même de la guerre et de la ‘paix,
cette loi; et vraisemblablement les a quoique, pour la forme, la ratifica
places vacantes furent souvent rem « tion allat quelquefois au peuple (‘). .
plies par des hommes qui n'avaient Nous savons, en effet, qu il existait à
reçu aucune illustration de leurs aïeux , Carthage des assemblées du peuple.
mais qui, à force de travail et de peine , Mais, comme l’a remarqué le savant
par le commerce ou ar l'industrie, historien quenousvenons de citer, ces
étaientparvenusàacqu rirdesrichesses assemblées n’exer aient oint une in
considérables. Les écrivains anciens fluence réelle sur es af aires de I’E
ne nous ont point donné de renseigne tat (“).ll arrivait toutefois qu'en certai
ments sur l'organisation intérieure du
sénat cartha inois. Toutefois, d'après (") Heeren , De la litique et du com
quelques i ications empruntées aux merce de: peuples de Æntiquife’, t. IV, ce
historiens, il nous est permis de croire la traduction française, p. 140.
ne les membres qui le composaient (") En parlant ici de la constitution car
taient fort nombreux. .La grande as tbaginoise, nous n'avons en vue que l'épo
9' Livraison. (CAR’I‘BAGL)
130
mes circonstancesl'intervention du peu rité était loin d'être illimitée , et ils ne
ple était jugée nécessaire. Quand les ouvaient , à eux seuls, contre-balancer
pouvoirssupérieurs,quisecomposaient a puissance du conseil des Cent et de
des deux assemblées et des suffètes, la grande assemblée. Il fallait, il est
n'étaient point d'accord, c'était le vrai, que, pour l'adoption des me
peuple qui décidait. Les deux suffètes sures ugées indispensables par les
ou ‘rois étaient placés à la tête du gou assemb ées, ils donnassent leur ad
vernement (‘). Cependant leur auto hésion. Quand cette adhésion man
quait , le sénat avait encore un moyen
que où la république par ses conquêtes , par de l'emporter. Il s'adressait au peuple,
la grandeur et la nature de ses entreprises, qui décidait. Ce qui relevait la dignité
parle nombre des peuples tributaires, était
florissante et se trouvait à l'apogée de sa
es suffètes ‘a Carthage, c'était moins
puissance et de sa splendeur. A cette époque, l'importance des fonctions que les
e gouvernement, à Carthage, était pure distinctions’ honorifiques. Ainsi, ils
ment aristocratique et, comme nous l’avons avaient la préséance dans les assem
dit, le peuple n'avait dans les affaires de blées. Ils étaient choisis parmi les
l'Élat qu'une'faible _part d'action. C’est le membres les plus influents du sé
jeu des institutions qui étaient en vigueur, nat, mais leur élection était ratifiée
pendant cette période que nous venons d'ex par le peuple. Leur pouvoir était
pliquer. Plus tard , au moment où_ Carthage a vie, et par conséquent soumis à
se trouva en contact avec Rome, et après l'élection. Nous voyons quelquefois les
de longues guerres et dés désastres multi suffètes prendre ‘en main le comman
pliés, vil se fit dans la constitution de gra dement des armées de terre et des
ves changements. Le peuple à son tour voulut flottes , mais ce commandement n'était
intervenir dans le gouvernement et se mé point inhérent à leurs fonctions. Tout
nager dans les affaires de l’État une grande nous porte à croire, au contraire, que
vin uence. L'aristocralie soutint une lutte l'on abandonnait plus volontiers aux
opiuiâlre contre cette prétention nouvelle 'suffètes ce qui concernait l'adminis
et elle accable de toute sa haine la famille trationv civile. La république apportait
Berce qui appuyait les réclamations de la
démocratie. Cependant, au temps des guerres le plus grand soin dans le choix de
puniques, les circonstances étaient changées, ses généraux: on prenait pour com
et des événements imprévus nécessitaient, mander les armées, ceux qui‘, dans
peut-être , .dans la constitution des réfor les guerres, s'étaient distingués par
mes extraordinaires. Si l'aristocratie s'était . leur courage ou leurs talents’. D'abord
plétée de son plein gré aux réformes deman c'était le conseil supérieur ou des Cent
dées par le peuple, Carthage eût peut-être qui nommait; ensuite la grande as
échappé aux humiliations et aux malheurs semblée et le peuple 'sanctionnaient la
sans nombre qui vinrent fondre sur elle pen nomination. En plusieurs circonstan
dant undemi-siècle (202- 146 avant notre ère); ces, le choix fut laissé à l’armée elle:
peut-être aussi eût-elle évité une entière des même; ainsi, pendant la guerre des
truction. C’est l'opinion de Montesqnieu: Mercenaires , au moment où un funeste
-Car|hage, dit-il, périt parce que, lorsqu'il dissentiment éclata entre Hannon et
fallut retrancher les abus, elle ne put souf Amilcar, les soldats reçurent pouvoir
frir la main de son Annibal même.»(Grana’eur d’élire un chef.unique : Ils se pronon
et décadence des Romains, ch. vrrr.)Anni
bal, on le sait, fut, après Amilcar son père,
cèrent, on le sait , en faveur d'Amilcar.
le chef du parti démocratique. Au reste, Enfin , pour terminer cette no
nous avons raconté plus haut , avec quelque menclature , nous dirons que Cor
étendue,.les changements survenus dans la nélius Nepos parle d'un magistrat qui,
constitution de Carthage et la lutte de la
démocratie contre l'aristocratie. Voyez prin le gouvernement républicain. Malchus, qui
cipalement p. {30, 97 et suiv., 103, 108, commanda en Sicile et en Sardaigne (536-5 30
mg, x2: et suiv. avant notre ère), est le premier carthagi
(") Suivant les traditions, le gouverne nois qui, dans l'histoire, porte le titre de
ment monarchique avait précédé, à Carthage, sufjëte. Voy. plus haut, p. 3.
CARTHAGE. 181
à Carthage , aurait été revétu des fonc par ce monopole, i était loin de
tions de censeur des mœurs. contribuer à la prosp rité des colonies ,
Nous ne pouvons nous arrêter sur la république gagnait d‘incalculables
les institutions judiciaires des Cartha richesses. La_métro ole avait soin de
ginois, car nous n'avons sur ces insti transporter, là où e le établissait des
tutions que des données incomplètes. colons, ses dieux et son culte. La con
Nous savons cependant qu’il existait formité des croyances religieuses était
des magistrats spéciaux pour juger les assurément un ien puissant; mais Car
affaires civiles et criminelles. .hage eut encore recours à d'autres
SYSTÈME DE GOUVERNEMENT A moyens pour retenir les colonies sous
L’EGAED Des PEUPLES TBIBUTAIBES sa dégendance. Elle plaçait dans cha
SUE LE CONTINENT ArEIcAIN ET DEs cune ‘elles des ‘magistrats carthaginois
coLoNIEs. — Carthage tenait dans une chargésdel‘administrationcivileetmili
étroite dépendance toutes les villes qui taire.et souvent elle adäoignait aces ma
lui étaient soumises sur le continent gistrats’ une garnison exmercenaires.
africain. Loin de leur conférer des ÉTENDUE DE LA PUISSANCE can
privilèges étendus, elle les traitait en ‘IEAGINOISB ; PEUPLES soums A Can
villes conquises , et ellemontra parfois THAGB son LE CONTINENT AFRICAIN;
à leur égard une extrême dureté. Elle coLoIvIEs. — Carthage, après sa-fon
leur faisait payer de lourds impôts, dation , se trouva en lutte avec les peu
et, lorsqu'il s'agissait de rcevoir, le ples qui l’avoisinaient. Elle triompha
fisc de la république proeé ait avec une cependant, et elle compta enfin au
inflexible rigueur. Les gouverneurs nombre de ses tributaires tous les enne
délégués ur administrer les villes mis qui l’avaient attaquée. Par un long
avaient mission. avant tout, de faire contact, les hommes qui habitaient
entrer de grosses sommes dans le tré autour de Carthage et de quelques au
sor public ,- et les percepteur-s emx tres ‘établissements phéniciens e me
ployaient souvent d’éner iques moyens lèrent peu à peu aux colons venus de'l‘yr
{our extorquer l'argent es tributaires. ou de Sidon,et, parsuite de la fusion
es habitants des campagnes n'étaient qui s'était opérée, ils reçurent le nom
pas traités avec plus de modération, e Liby-Phéniciens: Dans les provinces
et, en plusieurs circonstances, on en voisines de Carthage s'élevèrent bien
leva aux cultivateurs propriétaires la tôt des villes nombreuses, et le sol fut
moitié de leurs revenus. Les habitants embelli et fertilisé par une savante
des villes et des campagnes qui res agriculture. Indépendamment des peu
taient soumis par la force. gardaient le ples sédentaires qui s'étaient presque
souvenir de ces odieuses exactions, et assimilés aux Phéniciens, il y avait
lorsqu'un ennemi mettait le pied sur encore des nomades qui s'étaient sou
le sol de Carthage, ils se rangeaient de , mis à la puissance carthaginoise. A
son côté et lui prêtaient aide et appui. l'ouest, quelques-unes des peuplades
Cette haine des peuples tributaires de la Numidie payaient un tribut. Au
contre la république se manifesta sur-‘ midi, jusqu'au lac Triton, et à l'est,
tout avec violence à l'époque de la jusqu'à la grande Syrto, on distinguait
guerre des Mercenaires ("). parmi les tributaires de Carthage les
Cartha e suivit la même règle de Ausenses, les Maxyes, les Machlyes,
conduite a l'égard de ses colonies. Elle les Lotophages et les Nasamons. La
leur iit sentir quelquefois sa‘ préémi soumission ou l'alliance de toutes ces
nence d’une manière tyrannique. Ainsi, tribus était précieuse à la république;
elle les obligeait à fermer leurs ports les unes lui servaient de barrière contre
aux marchands étrangers. C'était à les invasions, et les autres, en trans
Carthage seulement qu’on achetait les rtant ses denrées jusqu'aux rives du
produits des contrées lointaines, et iger, facilitaient son commerce dans
l'intérieur de l'Afrique.
(') Voyez plus haut, p. 68 et 69. COLONIES. — Il ne faut pas ranger
9.
132
au nombre des colonies carthaginoises dans mille entre rises diverses qui
certaines villes qui ut-étre, bien toutes eurent un p ein succès, jusqu’au
avant Carthage elle-m me, avaient été moment où elle se trouva en contact
fondées par des Phéniciens sur les côtes avec les Romains.
de l'Afrique. Salluste nous apprend SARDAIGNE. —- Justin parle d’une
que la plupart des villes du littoral, expédition des Carthaginois contre la
aux environs de Carthage, telles qu’A Sardaigne. Cette expédition, qui eut
drumète ,Hippo-Zarytes, la etite Lep
tis, devaient leur origine à dpes émi ra
lieu vraisemblablement entre 600 et
550, est une des premières que Car
tions phéniciennes. Il en était de in me thage ait dirigées contre cette île. La
pour Utique et la grande Leptis. La Sardaigne était. sans contredit, une
ville d'Utique formait un Etat indé des ossessions les plus importantes
pendant et n’était point soumise à des arthaginois dans la MéditerranéeÎ
Carthage. Dans deux traités que Po Tous les peuples de l’île furent soumis,
1 be nous a conservés et qui furent à l’exception de quelques indigènes qui
aits avec les Romains (509 et 348 se retirèrent dans les montagnes. Les
avant notre ère), et encore dans un Carthaginois, pour assurer leurs éta
autre traité qui fut conclu avec Phi blissements dans ce pays qui leur
lippe. roi de Macédoine, à l'époque de offrait de précieuses ressources, fon
la seconde guerre punique, les Cartha dèrent deux villes, Caralis et Sulchi.
ginois mentionnèrent Utique comme La Sardaigne est mentionnée expres
ville alliée et non point comme ville sément dans les deux premiers traités
tributaire. Il semble même , d‘après ces que Carthage fit avec Rome. Par l’un
traités , qu’ils la placèrent sur le même e ces traités, les Romains peuvent
rang que Carthage. ’ entretenir des relations commerciales
Apres avoir donne une nomencla avec la Libye, c’est-à-dire, avec les
ture des villes et des ports qui se trou habitants du territoire carthaginois en
vent sur la côte septentrionale de Afrique , et avec la Sardai ne; par l’au
l’Afrique jusqu’aux colonnes d’Her tre, Carthage leur défen de naviguer
cule, Scylax ajoute: «Les villes et vers ces deux pays. La Sardaigne, nous
places commerçantes, depuis les Hes le répétons , était pour les Carthaginois
érides (la grande Syrte) jusqu’aux co une précieuse ac uisition, car elle leur
onnes d’Hercule , appartiennent toutes fournissait du b é en abondance, et,
aux Carthaginois. » Carthage en effet, dans les temps de guerre, elle fut plus
dans un but commercial, avait fondé d'une fois le grenier de Carthage.
des établissements‘ nombreux sur le Cousu. —La possession de la Corse
littoral africain, ou bien encore elle n'offrait pas les mêmes avantages.
avait placé des comptoirs dans les villes Toutefois, les Carthaginois, sans trop
qui ne lui devaient point leur origine. se soucier d’une contrée qui ne devait
Carthage, par sa position et par la pas leur rapporter de grands rofits,
nature de ses entreprises , était animée ne se montrèrent point indi férents
de l’esprit de conquête. Il fallait pour lorsqu’il s’agit de savoir à qui appar
les intérêts de son commerce, qui re tiendraient les côtes de la Corse. Ainsi,
cevait chaque jour de nouveaux déve quand les Phocéens, fuyant la domi
loppements , qu'elle accrût et multipliât nation des Perses, vinrent chercher
ses possessions dans l'intérieur des dans l’île une nouvelle patrie et y fon
terres et au delà des mers. Elle com dèrent Alalia, les Carthaginois s’uni.
battait sans cesse pour acquérir, dans rent aux Etrusques pour les expulser.
les provinces qui l'avoisinaient, de Les Phocéens cédèrent à une coalition
nouveaux territoires et de nouveaux si puissante, et ils se dirigèrent vers
alliés, et pour lacer, dans les contrées un autre pays pour trouver enfin un
lointaines exporées par ses naviga asile et un durable établissement. La
teurs, des en onies ou des com toirs. Sardaigne et la Corse appartenaient à
Cette nécessité de s’agrandir a jeta Carthage, lorsque les Romains se ren
CARTHAGE . 183
dirent maîtres de ces deux îles en 237, Romains n'avaient franchi le détroit de
au moment où finissait la guerre des Messine pour descendre à leur tour
Mercenaires. dans cette sanglante arène. ll résulta
SICILE. — On connaît assez la po de cette guerre, dont les succès étaient
sition et l’état florissant de la Sicile partagés, que l’étendue du territoir
dans l’antiquité, pour savoir combien cartliaginois, en Sicile, varia sane
sa possession devait être utile à Car cesse. Tantôt les S racusains étaien’s
thage. Mais iamais la commerçante" réduits à défendre eurs propres mut
cité, malgré ‘ses efforts réitétés, ne railles, tantôt Carthage ne conservait
parvint à la posséder dans son entier. en Sicile lue Motya ou Lilybée. Ce
Elle rencontra sans cesse des obstacles , endant, depuis l’anñée 383, le petit
et le plus grand fut assurément la ri euve flalykus était regardé comme
valité des Syracusains, qui, eux aussi, une ligne de démarcation entre les deux
voulaient dominer en maîtres absolus parties belligérantes. On sait, par le
dans toute l‘étendue de la Sicile. Ce qui récit qui précède, comment, après une
ouvrit à Carthage l’entrée de l’île, ce guerre qui avait duré plus de vingt
fut d’abord sa parenté avec Eryx,Panor ans, les carthaginois, vaincus par les
me , Motya, Soloes, Lilybée, et quelques Romains, furent obligés de renoncer
autres villes qui étaient d'origine phé à la conquête de la Sicile.
nicienne; ensuite les rivalités qui exis ILES BALÉABES. — S’il faut en croire
taient entre les différentes colonies grec Diodore, Carthage eut des relations
ques. Après avoir fonde’ leurs premiers avec les îles Baléares deux siècles seu
établissements sur la côte qui avoisine lement après sa fondation. Les Cartha
Lilybée, les carthaginois ne tardèrent ginois surent apprécier de bonne heure
point à s’étendre, et à pousser leurs toute l’importance de ces îles. Ils y
conquêtes jusque dans la partie orien fondèrent une ville, Erésus. qui offrait
tale de la contrée. Nous devons remar. aux navigateurs un excellent port, et
quer ici que‘, par suite du système de qui brillait ar la beauté de ses édifices.
gouvernement adopté par la métropole Les îles Ba éares servaient d'entrepôt
à lîégard de ses colonies, les villes aux marchands qui allaient en Espa
carthaginoises de la Sicile ne furent gne, et elles fournissaient aux art
jamais bien florissantes. Carthage les mées de Carthage des soldats renom
maintenait dans un ran très-inférieur més pour leur habileté à lancer au loin
au sien , et ces villes , g‘ nées dans leur des projectiles, et surtout à se servir
développement, ne pouvaient rivaliser de la fronde. °
avec les colonies grecques ni par leur Pn'rrrns ÎLES DE LA MÉDITERRA
splendeur ni par leur population. Ce NÉB. -—'- Entre l’Afrique et la Sicile on
pendant Carthage connaissait toute voyait les deux îles de Gaulos et de
'im ortance d’une bonne osition en .Mélita, qui, à une époque fort recu
Sici e. A partir du jour où e le eut dans lée, avaient appartenu aux Phéniciens.
la partie occidentale de l’île de solides
Carthage s'en empara, et elles lui ser
établissements, elle devint conqué-_ virent de stations pour son commerce.
rante, et, comme nous l’avons dit, A Mélita (Malte) se trouvaient de
elle essayade s'agrandir. Ce fut alors nombreuses manufactures pour la fa
qu’u'ne ruerre terrible éclata entre elle brication des tissus.‘ Dans ces îles, com
et les yracusains ses rivaux. Dans me dans toutes les autres possessions
cette .guerre qui dura plusieurs siècles de la république, il y avait une garni
(de l'an 4l0 à l’an 264 avant notre ère), son de mercenaires à laquelle était
les carthaginois prodiguèrent leurs préposé un officier carthaginois.
trésors et leurs soldats; ils ne se lais ESPAGNB. -— Il serait difficile de pré—
sèrent point abattre par les succès de ciser le temps où Carthage mit le ied
Gélon , de Denys l’Ancien et d’Agatho pour la première fois sur le so ‘de
cle, et l'on ne saurait dire quelle au ’Espagne. Toutefois, il est avéré que
rait été l’issue de la lutte, si les déjà, à une époque fort ancienne, les
tu'
Carthaginois-envoyèrent des colons sur Himilcon explorait la côte occidentale
les, cotes de l’lbén‘e. Nous savons, au de l'Europe. Les fra ments de Festus
reste, ne les Phéniciens les avaient Avienus, qui parle e ce périple, ne
devancée en fondant des établissements nous apprennent rien de certain sur
célèbres‘, Gadès entre autres, sur la le but et le résultat du voyage d’Hi
côte méridionale de‘ l’Espagne. Les milcon. -
rapports de Carthage florissante avec Tesson PUBMC; sas nnvnnus. —
la péninsule ibérique furent tout pacic ‘Le trésor public, à Carthage, se rem
fiques. Plus tard seulement, quand la plissait facilement, soit par la rentrée
république. épuisée par de longues guer des impôts et des tributs , soit par la
res , se vit enlever par les Romains la part considérable que l‘État se réser
Sicile, la Corse .et la Sardaigne, elle vait dans les découvertes importantes
changea-de système à l'égard de l’Es que faisaient chaque jour ses colons
pagne‘ : elle ne se contenta ,plus'des ou ses navigateurs. En ce ui concerne
établissements fondés sur les côtes par cette (dernière branche e revenus,
les Phéniciens ou par elle-même; elle Carthage, comme nous l'avons dit pré
essaya de pénétrer dans l'intérieur du cédemment, trouva dans l'ex loitation
pays, de conquérir de grandes provin des mines de l’Espagne d'iuepuisables
ces et de compenser ainsi les pertes richesses. Les revenus fixes et régu
considérables qu’elle avait faites. Là , liers consistaient dans les tributs que
en‘ effet, les produits de la terre et les payaient les peuples soumis. Les villes,
mines à peine explorées étaient encore dans‘ toute ‘étendue des possessions
pour elle une source abondante de ri carthaginoises. donnaient de l'argent;
chesses. Nous ne rappellerons point les cultivateurs, et en général ceux qui
ici la lutte qu'elle soutint dans la pé n’habitaient point la côte, s'acquit
ninsule ibérique pour consolider ses taient- en nature envers=le fisc et ses
établissements et assurer ses conqué agents. La Sardaigne et la Sicile en_
tes, car nous avons résumé plus haut voyaient le blé qui servait aux ‘appro
l'histoire de‘la domination carthagi visionnements publics. Carthage s’en
noise en Espagne. richissait- aussi par les droits qu’elle .
Carthage n'avait point de colonies en percevait à l'entrée des ports de la ca
Gaule et en Italie. Dans la première pitale et des colonies. Bien souvent elle
de ces deux contrées, Massilia, fon se-procura de l'ar ent par la pirate
déc par les Phocéens ses ennemis, rie. Parfois elle con squa la charge des
dans la sœonde, Rome et les villes vaisseaux qui stationnaient dans son
de la Campanie, lui faisaient une trop port; mais elle n'avait recours à ces
redoutable concurrence. Il paraît ce moyens violents que dans les moments
pendant qu'elle eut de fréquents rap de détresse et lorsque de grands dan
ports avec la Gaule, car on voit des âers la menaçaient, comme à,l'époque
égions entières de Gaulois dans ses e la guerre des Mercenaires. Toute
armées de mercenaires. fois, bâtons-nous de le dire, quand le
Cô'rss occmannms ne L'Arm péril s'était éloigné, quand le calme
ous E1.‘ m; L‘Eunopn ; Primeurs renaissait, elle s'empressait de resti
D'HANNON BT n’HnuLcoN. — Les tuer, et elle indemnisait les marchands
Carthaginois franchirentle détroit de qui avaient eu à souffrir de ses injus
Gadès et ils explorèrent une partie des tes saisies. Ce qui contribua princi a
côtes occidentales de l'Afrique et de lement à rendre Cartha e riche et o
l’Europe. Nous savons que le roi Han rissante, ce fut la prosp rité de chacun
non fut chargé de passer le détroit et des individus soumis a ses lois. En
de fonder des colonies sur différents effet, ar l‘agriculture. le commerce
points de la côte africaine. Il condui et l'in ustrie, presque tous étaient
sait avec lui trente mille Liby-Phéni parvenus à se procurer l'aisance et le
ciens qui devaient peupler les nouveaux ien-étre.
établissements. A la même époque, Aemcumunn. —- Les Carthaginois
CARTHAGE. 185
habituèrent de bonne heure à la vie n'était pas seulement pratiquée dans
rurale les populations indigènes qui les toutes ses branches, mais encore trai
avoisinaient. Euxhmêmes ne se portè tée dans des écrits que les Romains
rent point exclusivement vers le com: ne dédaignèrent pas de faire traduire
merce ou l'industrie; ils s'adonnèrent dans leur langue (voy. l'alinéa que nous
aussi aux travaux de la campagne. avons consacre à la littérature des Car
L'agriculture, dans les terres de la thaginois). Le savant historien ajoute:
domination carthaginoise, était parve « A Carthage , l'amour de l'agricul
nue à un haut degré de perfectionne « ture semble même avoir surpassé
ment. Les étrangers qui parcouraient « l'amour pour le commerce. Dans
les environs de Carthage , traversaient, . a l'antiquité,- l'état de commerçant
non sans admiration , les campagnes,‘ « n'était as le plus estimé, et il est
ne de savants procédés avaient trans 4 a vraisem lab‘le que les carthaginois
ormées en de véritables jardins. a La « eurentà cet égard une opinion con
a contrée qu’Agathocle, après son dé « forme à celle des autres peuples.
u harquement en Afrique, traversa à « Nous savons que les grandes familles
« la t te de son armée, était, suivant « dela république possédaientdes biens
« Diodore, couverte de jardins , de &\ fonds et vivaient de leurs revenus,
« plantations, et coupée de canaux qui « mais nous ne trouvons aucun fait
a servaient à les arroser. De superbes a qui prouve qu'elles aient fait quelque
« maisons de campagne décelaient les a négoce. » Ici, nous le cru ons, HeeT
« richesses des propriétaires. Ces de ren s'est exprimé avec que que exagé
« meures offraient toutes les commo ration, mais il n'en reste pas moins
« dités de la vie, car, dans l'intervalle démontré jusqu'à l'évidence, ,par le té
« d'une longue paix, les habitants y moignage des écrivains de l'antiquité,
a avaient entassé tout ce qui peut flat queJes carthaginois , tout en se livrant
11 ter la sensualité. Le sol était planté au commerce et à l'industrie, donnè
a de vignes, d'oliviers et d'autres ar rent les plus grands soins aux travaux
« bres fruitiers. D'un côté s'étendaient de l'agriculture.
«des prairies où paissaient des trou Commence ET xnnusrnrs- Car
« peaux de bœufs et de brebis; de l'au thage fut pendant plusieurs siècles l'en
« tre , dans les contrées basses, se trou trepôt de toutes les richesses du monde
« vaient d'immenses haras. On voyait ancien. Ses vaisseaux lui amen‘aient
« partout l'aisance, car les Cartba i chaque jour les produits des contrées
. nois les plus distin ués y avaient es les plus lointaines, et ses caravanes,
« possessions et riva isaient de luxe. » qui traversaient les‘ déserts, appor
Polybe nous apprend que la campagne taient les trésors de l'intérieur de l'A
de Carthage offrait encore le même frique et même de l'Orient (*).
aspect au moment où l'armée de Re ' Commence PAn msm- On peut
äulus descendit en Afrique, c'est-à juger de l'étendue du commerce mari
ire cinquante ans après l'ex édition time de Carthage par le nombre de ses
d'Agathocle. Entre toutes es pro‘ colonies. Nous avons énuméré précé
vinces que les carthaginois possédaient demment les villes et les provinces qui
sur le sol de l'Afrique, la Byzacène avaient reçu ses colons ou qui étaient
tenait ltàpremier rang par son extrême soumises à sa domination. De tous ces
fécoudi . u Cette contrée habitée ar' points divers arrivaient dans ses ports
- des Lib eus, dit Scylax , est très- er des vaisseaux chargés de précieuses
« tile et e le offre un magnifique aspect. marchandises. Carthage, nous l'avons
u Elle abonde en trou aux, et ses dit, recevait de la Sicile et de la Sar
1 habitants sont très-rie es. 2 daigne de glandes provisions de blé,
Heeren a fait une remarque impor
tante que nous devons rappeler ici , ') Voyez sur le commerce de Carthage
c'est que , dans les provinces de l'Afri Wilhelm Bôtticher_(GescIsiehte der cartha
que soumises àCarthage , l'agriculture‘ ger), p. 66 et-suiv.’Be'rlin, T827.
mais elle prenait encore dans ces deux stations du désert , dep’uis I’Égyptejus—
îles, ainsi que dans la Corse, du miel qu'à Ammonium ,etdepuisAmmonium
et de la cire. Il est vraisemblable que jusqu'à la grande Leptis, ou jusqu'aux
les carthaginois exploitèrent les mines tentes des premières tribus nomades
de métaux ni sont en Sardaigne, et soumises à Carthage, elles transmet
ne, pour eur commerce de pierres taient les trésors de l'orient. D'un
nes, ils ‘surent tirer profit des sar autre côté, le commerce par terre
doines que l'on rencontre fréquemment s'étendait jusqu'au Niger, ou les Car
dans ce pays. Ils trouvaient à Lipara thaginois envoyaient du sel et d'autres
et dans les petites îles qui l'entourent, produits, et recevaient des grains-d'or
du bitume, et à Ilva (l'île d'Elbe) en échange. Outre les grains d'or, les
du minerai de fer. Les îles 'Baléares, carthaginois tiraient de l'intérieur de
où ils achetaient de nombreux escla l'Afrique des esclaves noirs, des dattes
ves. leur fournissaient en outre du et des pierres précieuses, ne Pline
vin, de l'huile et une laine trèsfine et appelle (,‘arbunculi carche mm. Les
très-recherchée. Les mulets des îles peuples nomades étaient, si nous pou
Baléares étaient aussi fort estimés. vons nous exprimer ainsi, les inter
Les produits naturels de l'Espagne médiaires de ce grand commerce. Ils
formaient une branche très-importante se chargeaient de porter les marchan
du commerce de‘ Carthage. Mais ce dises à leur destination. Cependant
qui attira principalement l'attention les carthaginois eux-mêmes se joi
e la république vers l'Espagne, ce fut gnaient quelquefois aux caravanes, et
l'exploitation des mines, qui produi nous savons qu'un certain Magon,
saient alors abondamment et qui marchand de Carthage, fit trois fois
étaient pour elle la source d'immenses le voyagedu désert.
richesses. Tout nous porte à croire. INDUSTRIE. -.— A Carthage, il y avait
que les carthaginois comme les Phé plus de commerce que d'industrie. Les
niciens firent un grand commerce avec carthaginois échangeaient souvent,
les côtes occidentales de l'Afrique'et sans les livrer à la fabrication,>les
de l'Europe. Les vaisseaux de Car produits u'ils allaient recueillir dans
thage, après avoir franchi le détroit les contrées lointaines. Toutefois, la
de Gadès, montaient au nordjusqu'aux magnificence et le luxe qui éclataient
îles Cassitérides, d'où ils revenaient à Carthage attestent que,'dans cette
chargés d'étain; on prétend même ville florissante, les arts manuels
qu’ils allaient chercher l'ambre jusque étaient pratiqués et cultivés avec soin.
sur les côtes de la mer Baltique. Car Certaines branches de l'industrie re
thage entretint aussi des relations avec äurent chez les carthaginois de grands
la Gaule, malgré la concurrence de éveloppements; nous citerons , entre
Massilia. autres , la fabrication des tissus. Dans
Dans la partie orientale de la Mé l’anti uité, les étoffes qui sortaient
diterranée, le commerce des Cartha des abriques carthaginoises étaient
ginois était beaucoup moins étendu fort recherchées. Athénée nous ap
ue dans la partie occidentale. Toute prend qu'un Grec, nommé Polémon ,
ois, ils avaient encore, pour les pro avait fait un traité spécial sur la fa
duits de leur industrie, de nombreux brication de ces étoffes (’). Carthage
débouchés en Grèce et en Italie. C'é possédait, dans l'île de Malte, de nom
tait là principalement que, outre les reuses manufactures qui produisaient
pierres tines et les esclaves noirs, ils des tissus renommés’ pour leur finesse
vendaient les objets sortis de leurs ma et leur beauté.
nufactures. Mouuussfl- Frappait-on , a Car
Commence PAR Tenue. -— Le com thage, des monnaies d'or et d'argent?
merce par terre était très-actif et très
etendu. Des caravanes arrivaient du (') L'ouvragede Polémon était intitulé :
fond de l'Arabie, et, passant par les "api 16v év Kapxnôôvt nium.
CARTHAGE
CÂRTHAGE.

ma.
L
CARTBAGE. 137
C’est là une question que les numis divers commandements des armées.
mates n'ont point encore résolue. Il La légion composée de carthaginois r
existe des monnaies qui ont été frap— était peu nombreuse. Si l’on en croit
sées par les carthaginois dans les villes Diodore, il arriva une fois que, dans
e la Sicile , et qui portent une inscrip une armée de soixante et dix mille
tion punique. Il est vraisemblable que hommes , on ne compta que deux
la métropole n’attendit point l’exemple mille cinq cents carthaginois. n Le
de ses colonies pour avoir une mon « nombre des citoyens carthaginois
naie. Toutefois, il est à peu près cer «qui servaient dans les armées, dit
tain que les carthaginois apprirent « Heeren , n'était jamais considérable.
dans les ‘villes grecques de la Sicile les et Les peuples tributaires de l’Afrique ,
éléments de l’art numismatique. Si, « que Polybe ap elle toujours Libyens,
dans les premiers siècles qui suivirent « ormaient l’é ite des troupes. Ils
sa fondation , Carthage n’eut point de « combatlaient à cheval ou à pied , et
monnaies , c’est que dans les pavs où « ils étaient le noyau de la grosse ca
elle pénétrait le commerce se faisait « valerie et de la grosse infanterie. Ils
par echange. « portaient de longues piques qu'An
Foncss munmxs un CAB « nibal changea, après la bataille de
THAGE; ARMÉES NAVALES. — Nous « Trasimène, contre des armes ro
croyons indispensable de donner ici « maines. A côté de ces troupes se
uelques détails sur les forces militaires « rangeaient les Espagnols et les Gau
e Carthage, sur ses armées de terre « lois. Les soldats espagnols étaient
et de mer. Au rapport des historiens, a les plusdisciplinés desarmées delaré—
il y avait deux ports à Carthage; l‘nn « publique; ils faisaient ordinairement
était destiné aux vaissaux du com « le service de la grosse infanterie. Ils
merce, l'autre aux vaisseaux de guerre. « portaient des habits blancs de lin
Ce dernier contenait ordinairement « avec des ornements rouges; une
cent cinquante et deux cents galères. « grande épée, qui pouvait tout la fois
Dans les premiers temps de la répu « rapper et percer , était la principale
blique, les vaisseaux étaient tous à n de leurs armes. Les Gaulois com
trois rangs de rames. Mais les forces cbattirent de bonne "heure dans les
navales de Carthage s’accrurentuconsi « rangs carthaginois. Dans la bataille
dérablement à l'époque où elle entra « ils étaient nus jusqu’à la ceinture, et
en lutte avec les Romains. Alors aussi « n'avaient qu’un sabre pour frapper
les Cartha inois firent de grands pro « l’ennemi. L‘ltalie grossissait le nom
grès dans î’art de construire les vais « bre des mercenaires de Carthage.
seaux. En effet, nous voyons que, «Les Liguriens paraissent dans ses
dans un combat livré à Régulus, la « armées au commencement de la lutte
[lotte carthaginoise se composait de « contre Rome, et les Campaniens
trois cent cinquante galères, à cinq « déjà à l’époque des guerres contre
rangs de rames. Chaque galère portait « Syracuse. La république avait aussi
cent vingt combattants et trois cents « des Grecs à son service. Les îles Ba
hommes pour la manœuvre. « léares fournissaient à Carthage jus
Amuses DE TERRE. — Les armées «'qu’à mille soldats. Ils portaient une
de terre entretenues par la république cr ronde qui avait presque l’effet de
étaient considérables. Elles se com a nos petites armes à feu, car les
posaient de soldats mercenaires que «pierres qu’elles lançaient brisaient
Cartba e avait levés en différents pays. « es boucliers et les cuirasses. Dans
Cepen ant, dans chaque corps d'ar « une bataille contre les habitants de
mée, il y avait une troupe ou les Car. «_Syracuse, ils assurèrent, par leur
thaginois seuls étaient admis; C’étaient « adresse , la victoire aux carthaginois.
les fils des grandes familles qui ve « Mais la force principale des armées
naient s’exercer au métier des armes , « de Carthage consistait en cavalerie
et se préparer, dans les combats, aux «légère, que la république tirait des
138
a tribus nomades placées sur les deux pour trois cents éléphants et quatre
.côtés de son territoire. Toutes ces mille chevaux. 11 ‘y avait des logements
- tribus,’ depuis les Massyliens limi pour vingt mille antassins, et des ma
« trophes jusqu’aux Maurusiens de gasins remplis de ce qui était néces
« meurant dans le Fez et le Maroc saire à la subsistance des hommes et
a modernes, avaient l’habitude de se des animaux employés à la guerre(voy.
« battre dans les armées des carthagi plus bas la Topographie de Carthage).
« nois, et d'être à la solde de cette na Le récit de la lutte terrible et dan
« tion. La levée des troupes était faite , gereuse que les carthaginois eurent à
a dans les provinces de lAfri ue aussi soutenir contre leurs propres soldats
c bien qu'en Europe , par es séna après la première guerre punique (*) ,
« teurs députés qui pénétraient jus » nous dispense d’entrer ici dans de lon
« qu'aux contrées les plus lointaines. gues considérations sur les avantages
« Les cavaliers numides couraient sur ou les périls réservés aux États qui en
c de petits chevaux non sellés, qui tretiennent des armées composées
« étaient dressés à des évolutions ra tout entières de mercenaires.’ En ter
- pides, et qu’ils dirigeaient sans frein. minant ce que nous avions à dire du
a La peau d’un lion ou d'un tigre leur’ système militaire des carthaginois,
« fournissait à la fois un vêtement et nous devons encore faire une remar
a une couche pendant la nuit; et,’ lors que , c’est que les Romains essayèrent
. qu'ils combattaient à pied, un mor constamment,‘ depuis’le ‘our où pour
- ceau de peau d’éléphant leur servait la première fois ils franc irent le dé
« de bouclier. Leur attaque était ter troit de Messine , de détacher de Car
« rible à cause de l’agilité de leurs thage toutes les provinces où elle en
« chevaux; et la fuite n’avait rien de rôlaitdes mercenaires. Ils lui enlevèrent
« honteux pour eux, puisqu’ilsfuyaient la Sicile, la Corse et la Sardaigne;.ils
« seulement pour faire une nouvelle at s'allièrent aux Phocéens de Marseille
« taque. La grosse cavalerie se compo et à quel ues-unes des nations qui ha
« sait, suivant Polybe , de Carthagi bitaient e midi de la Gaule; en Es
« nois, de Libyens, d’Espagnols et de pagne , par des actes de clémence et de
« Gauloisxn Dans les armées de Car générosité , ils se concilièrent un grand
thage, on voyait aussi des éléphants nombre de peuples; enfin, en Mauri
qui étaient guidés par des Ethio iens. tanie et en Numidie , à force d’adresse,
Heeren suppose que ce ne fut qu après ils se firent des amis nombreux et dé
les guerres de Pyrrhus, en Sicile , que voués. Cette politique réussit aux Ro
les carthaginois employèrent» ces ani mains, qui anéantirent ainsi peu àvpeu,
maux dans les batai les. mieux qu’ils ne l’auraient tait par de
Pour une partie de l’armée soudoyée grandes batailles, toutes les forces des
par Carthage , le service militaire fêtait carthaginois.
rmanent. Ainsi, comme nous l’avons RELIGION DES CABTEAGINOIS. _—
éjà remarqué, il y avait des ‘garni Les émigrés qui fondèrent Carthage
sons de mercenaires fixées dans les îles apportèrent avec eux , sur la côte .d'A
et'les provinces soumises à la républi frique, la religion de la Pbénicie. Ce
que. Les flottes et les armées de terre pendant, nous devons ajouter que, dans
avaient des chefs distincts. Toutefois. cette,religion,-par suite du ion con
les commandants —des flottes étaient tact des carthaginois avec les Li yens
subordonnés aux généraux des armées et les Grecsde la Sicile, il s'introdui
de terre lorsqu’ils agissaient conjoin sit un grand nombre d’éléments étran
tement. Dans les autres circonstances, gers. Nous donnerons ici les noms des
le commandant de la flotte recevait di principales divinités adorées a Çar
rectement les ordres du sénat. Enfin , tha e. Le premier de tous les dieux
nous savons qu'il existait des casernes était Baal ou Moloch, le seigneur. le
à Carthage. Dans les murs de ‘la. cita
dell’e, on avait pratiqué des écuries '(") Voyez plus haut p. 65 et suiv.
CARTHAGE. 189
roi du ciel. C'était le dieu suprême « sait silence aux sentiments ‘les plus
dans lequel les Grecs crurent voir Kro - sacrés de la nature, elle dégradait
nos, et les Romains Saturne. A ce dieu « les âmes par des superstitions tour
Baal, les carthaginois associèrent la - à tour atroces et dissolues, et l'on
puissante déesse Astarté. La déesse « est réduit à se demander quelle in
' Astarté ou Astaroth. (ce mot répond « fiuence vraiment morale elle put exer
àl’idée de souveraine du ciel- et des « cer sur les mœurs du peuple. Aussi
astres) fut appelée par les Grecs Ura c le portrait que l'antiquité nous a
nie, et par les Romains la Déesse cé «laissé des carthaginois est-il loin
leste ou Junon. A près Baal et Astarte' , - d'être flatteur: à ‘la fois durs et ser
nous devons mentionner le dieu Mel « viles, tristes et cruels, égoïstes et
carth. Chaque année, Carthage, par «cupides, inexorables et sans foi, il
un pieux respect et en souvenir de sa 5! semble que l'esprit de leur culte ait
parenté, envoyait dans sa_vieille mé « conspiré avec la jalouse aristocratie
tropole un vaisseau chargé de riches « qui pesait sur eux, avec leur existence
offrandes pour le dieu Melcarth, qui « toute commerciale et industrielle, à
était le génie tutélaire de la ville de « fermer leurs cœurs aux émotions
Tyr. Les carthaginois transportèrent « généreuses, aux besoins d'un ordre
dans toutes leurs colonies le culte de «élevé. Ils pouvaient avoir quelques
Melcarth. (Hercule tyrien), aussi bien « nobles croyances, mais dont la pra
que celui de Baal et d’ÂStŒÏté- Plu « tique se ressentait peu. Une déesse
sieurs écrivains de l'anti uité ont rangé « présidait à leurs conseils publics,
aussi au nombre des ieux puniques « mais ces conseils, ces assemblées se
Esmun-Esculape, ui avait son tem en tenaient la nuit, et l'histoire dépose
ple sur la colline e B rsa. Comme «des terribles mesures qui s'y agi
nous l'avons dit , les Cart aginois adop « taient. Le dieu de la clarté solaire,
tèrent quelques- unes des divinités « Hercule, fut le patron de Carthage
étrangères. Ils empruntèrent aux Grecs « comme celui de Tyr; il y donne
le culte de Cérès et de Proserpine, « l'exemple des grandes entreprises et
peut-être même celui d'Apollon‘; et, a des hardis travaux; mais le sang y
s'il faut en croire Diodore de Sicile, «x souillait sa lumière , et tous les
ils envoyèrent une fois des ambassa «ans, des victimes 'humaines tom
deurs au temple de Delpbes. Les fonc « baient au pied de ses autels aussi
tions du sacerdoce étaient recherchées «bien qu'aux fêtes de l'impitoyable
par les familles les plusillustres de la ré « Baal. Partout où les Phéniciens,
publique; cependant il n'y avait point « où les carthaginois après eux porte
a Carthage de caste sacerdotale ("). « rent leur commerce et leurs armes,
a Le caractère de la religion cartha « non-seulement à certaines époques ,
u ginoise fut comme celui de la nation «mais dans toutes les conjonctures
« qui la professa, mélancolique jus 1 critiques, leur fanatisme exalté re
-« qu'à la cruauté. La terreur était le « nouvela ces immolations sanguinai
âfilâ mobile de cette religion, qui avait « res. En vain Gélon de Syracuse, avec
soifde sang et s'environnait des plus « l'autorité de la victoire; en vain, par
noires images. A voir les abstinen « une pacifique influence, les Grecs eux
ces, les tortures volontaires, et sur « mêmes fixés à Carthage tentèrent
« tout les horribles sacrifices dont elle «1 ‘d'y mettre un terme, l'antique bar
- faisait un devoir aux vivants, on s'é « barie reparut sans cesse et se main
: tonne peu que les morts aient dû leur « tint dans la Carthage romaine. Au‘
- sembler dignes d'envie. Elle impo « commencement du troisième siècle
a de notre ère, on découvre encore des
(*) Voyez sur la religon des Carthaginois « vestiges de ce culte affreux , tout au
le savant ouvrage de Munter (Religion der a: moins alors pratiqué en secret. Dès
Oarthager); voyez aussi Wilhelm Bôtticher « l'an 655 de Rome, tous les sacrifices
(Guchiclm der 'C'arthager), p. 77 et suiv. «humains avaient ‘été prohibés; mais
140
a plus d'une fois les empereurs se trou. et ils en ont extrait de nombreuses ei
« vèrent dans la nécessité de répéter tations. Heeren dit, à propos du livre
« cette défense, et nous devons ajouter de Magon: «On ne saurait douter
a que, pendant longtemps, la sévérité qu'il n'y eût une littérature carthagi
« des lois romaines ne put mettre un noise..... Un ouvrage aussi étendu que
« terme ‘aces hideuses immolations("). n celui de Magon ne pouvait être, à Car
Lrr'rsaxrnna nss Cxamxomors. thage, ni la première ni la dernière
—Y avait-il une littérature à Car production littéraire. » Les Carthagi
thage ? Des documents assez nombreux nois durent se perfectionner dans la
et assez authentiques nous permettent littérature par l'étude des chefs-d'œu
de résoudre aflirmativement cette ques vre que le énie grec avait enfantés;
tion. Cependant dix vers en langue pu et cette étu e leur fut rendue facile par
nique qui se trouvent dans lePœnulus les voyages qu’ils faisaient dans‘ la
de Plante , dix vers que personne jus Grèce elle-même, et par leurs relations
qu'ici n'a- pu traduire même approxi suivies avec les peuples de la Sicile.
mativement, quolqu’en remontant aux Enfin nous savons qu’il y eut dans
sources primitives, c'est-à-dire, à la l'école grecque un philosophe cartha
lan ue hébraïque, qui ne devait as ginois. Clitomaque était le nom qu’il
différer beaucoup de la langue ph ni ortait à l'étranger ; dans sa patrie on
cienne, sont les seuls vestiges de la ‘appelait Asdru al (*).
littérature carthaginoise qui soient
parvenusjusqu’à nous; Mais nous avons (') « Wlnkelmann ( Kunst escliiclzte ),
en revanche le témoignage des écri nie que les beaux-arts aient lfi'uri a Car
vains grecs et romains qui attestent thage;mais l'architecture de son Cothôn et
ne les lettres furent cultivées à Car de ses doubles portiques , le temple et la
tiage. Pline l'ancien rapporte qu'après châsse d’Apollon, décrits ar Appien. la
la prise et la‘ destruction de la ville, mention l'aile par Polybe es monuments
élevés à Carthage et dans toutes ses colonies,
les Romains donnèrentles bibliothè en l'honneur d'Amilcar, fils d'Ha‘nnon; le
ques publiques aux princes (l'Afrique, bouclier d'argent cité par Tite-Live (xxv ,
leurs alliés. Salluste, de son coté, 39) , qui était décoré du portrait d'Asdrubal
quand il parle des premiers peuples et pesait 138 livres; les statues érigées dans
qui ont habité l'Afrique, invoque, a Carthage, à Cérès et à Proserpine; enfin
l appui de ses assertions, les hvres pu le goût des Carthaginois pour les chefs
niques (libri punici) qui avaient ap d'œuvre de la Grèce, semblent prouver que
partenu au roi Hiempsal. Les livres celte assertion tranchée d'un aussi habile
uniques, livres d'histoire vraisembla antiquaire doit être modifiée. Le style d'ar
blement, étaient ceux qu'après la chitecture des stèl_es volives chargées d'in
destruction de Carthage les Romains scriptions puniques , des médailles phéni
avaient donnés à leurs alliés d’Afrique. ciennes , surtout du médaillon maxime d'ar
Au reste, Polybe nous apprend aussi gent de la Bibliothèque royale, est tout à
que Carthage avait eu des historiens. fait grec, et nous induit à penser que le
Entre les ouvra es de la littérature car voisinage de la Sicile, que les relations fré
thaginoise . le p us estimé parles étran quentes entre cette île et Carlhage ont dû
gers fut un traité de Ma on sur l‘agri porter le goût et la culture des arts dans cette
culture. D. Silanus le tra uisit en latin. république riche et commerçante; qu'enfin,
s'ils n'ont pas eu de bons artistes nationaux.
Nous savons qu’il était divisé en vingt ce qui n'est pas prouvé, ils se sont servis
huit livres. Tous les auteurs qui ont des artistes grecs, comme l'ont fait depuis
écrit sur l'économie rurale , Caton , les Romains, pour la décoration de leurs
Pline, et Columelle , entre autres , ont maisons privés, de leurs édifices publirs et
fait de cet ouvrage le plus grand éloge, l'embellissement de leur capitale. Il existe
à Leyde un grand nombre de monuments
(‘) Religions de l'anti uite’, ouvrage de funéraires en terre cuite, couverts d'inscrip
Creuzer, refondu, comp été et développé tions phéniciennes, et décorés de bustes
par M. Guigniaut. d'individus des deux sexes, remarquables
CARTHA GE
Lettres Phmq'ues Lettres Françaises 5

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PAYS COMPILIS ENTRE CARTHAGE ET ZITNGHAR. J,

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CARTBAGE. “î
Nous av_ons essayé de réunir ici Les se trouvent le bourg moderpedeMersa
principaux renseignements que les et les hameaux de ‘Malqa et de Douar
écrivains de l'antiquité nous ont lais el-Schat. Cette position s'accorde d'ail
sés sur la constitution intérieure de leurs exactement avec les indications
Carthage; sur son système de gouver que l'on trouve dans Polybe. « Car
nement à l’égard des peuples qui lui « thage, dit cet historien, est située
étaient soumis , et de ses colonies; sur «dans un golfe’, sur une espèce de
l‘étendue de ses possessions, de son a chersonése, et elle est entourée dans
commerce, de ses ricchesses. de ses a la plus grande artie de son enceinte,
forces militaires; enfin sur sa religion « d'un coté par a mer, de l'autre, par
et sa littérature. Si nous avons parlé a le lac. L'isthme qui l'attache à la
de toutes ces choses avec quelque éten « Libye a de largeur environ vingt
due , c'est qu’elles se rapportaient in « cinq stades (‘). Du côté où cet isthme
timement à l'histoire d'une ville qui a « se tourne vers la mer est placée la
joué, comme on l'a vu, un grand rôle et ville d'Utique; l'autre côté, bordé
dans l'histoire du monde , et qui, par 0( par le lac, regarde la ville de Tunis. »
ses relations commerciales et ses loin Tite-Live évalue à douze milles ("*) la
tains voyages, a exercé sur la civilisa distance qui séparait cette dernière ville
tion de presque tous les peuples de de Carthage; et aujourd'hui cette dis
l’antiquité une notable influence. tance est encore la même entre Tunis
et l'extrémité méridionale du lac, où
TOPOGRAPHIE DE CAIITIIAGE. se trouvent les remières traces de
l’enceinte de la vi le ruinée.
POSITION on CARTEAGE. — Au Après avoir fixé la position de Car
fond du golfe de Tunis, entre le lac à thage, nous allons essayer de décrire
l'extrémité duquel est située cette chacune des parties de la ville, et d'énu
ville, et les marais saumâtres formés mérer les principaux édifices‘ que l’on
par l’ancienneembouchure et les allu y rencontrait (m).
vions du fleuve Medjerdah, s'avance SITUATION DES Pon'rs. —- Le lac
une haute péninsule, presqueentière de Tunis est séparé de la mer ar une
ment couverte de grandes masses de langue de terre, au milieu de aquelle
décombres. C'est la que tous les sa se trouve le fort moderne de la Gou
vants qui, jusqu'ici, se sont occupés Iette. Cette langue de terre est désignée
de Carthage , s'accordent à placer les par les auteurs anciens sous les noms
ruines de cette antique cité. Cependant de Tænia et de Ligula. Au point de
les uns mettaient la ville et le port au jonction de la péninsule sur laquelle
nord-ouest de la presqu'île, près du
cap Qamart, vis-a-vis l'ancienne Uti (") Le stade valait 180 mètres.
que; les autres, au sud-est, sur le (") Le mille romain valait “.72 melres.
lac de Tunis, et en regard de cette ('") Pour cette partie de notre travail,
ville. De nouvelles observations, et nous avons constamment suivi , comme gui
surtout les savantes recherches de de , M. Dureau de la Malle, dans ses savantes
M. Dureau de la Malle, semblent avoir Recherche: sur la topographie de Cari/rage.
démontré maintenant que ces deux M. Dureau de la Malle, qui a rassemblé
avec tant d'érudition et discuté avec tant
opinions sont également erronées, et
de sagacité tous les témoignages des auteurs
qu'il faut chercher désormais l’empla. anciens et modernes, est arrivé à des résul
cement de Carthage entre ces deux tais que la science, aujourd'hui, tient pour
positions extrêmes , c‘est-à-dire , à l’ex incontestables. N_0us nous sommes bornés à
tremité de la péninsule , à l'endroit où ne présenter que les résultats , parce que,
renfermés dans d'étroites limites , nous ne
par leurs traits africains et leurs cheveux pouvions énumérer ici tous les arguments
nattés comme ceux des portraits monétaires et toutes les preuves que M. Dureau de la
de Juha. n Dunsxu ne LA Maux, Recherche: Malle a donnés à l'appui de chacune de ses
un la topographie de Carthage. assertions.
142
est bâtie Carthage. et de la mm, «effet, cette île était située près de
en rencontre une petite anse formée, et l'entrée ui communiquait avec le
d'un côté, par la Tamia elle-mémé, - port ext ieur, et assez élevée pour
del’autre, par un môle construit de « que l'amiral pût voir tout ce qui ar
main d'homme. C'est là que se trou s rivait.par la mer, sans ce les navi
vait l'entrée du port marchand. A l'épo s gateurs vissent ce qui tait dans le
qeue du siège de Carthage, Soi Ion a Cothôn. Les'marchands, même en
rma cette anse ar une jetée don on « entrant dans leur port, ne ouvaient
distingue encore es débris. «apercevoir l'intérieur de 'arsenal,
PonT MARCHAND. — Le port mar a car il était entouré d'un double mus,
chand communiquait à la mer par une - et il y avait des portes qui introdui
entrée ou goulet de soixante-dix pieds csaient les commerçants du premier
romains de largeur (") , que l'on fer a port dans la ville, sans passer par
mait au moyen de chaînes de fer : il a le Cothôn.» Le même historien nous
formait une ellipse allongée de cinq apprend que le second port n'était pas
cents ieds sur trois cents. Dans toute comme le premier, de forme ellipti
l’éten ne de sa circonférence étaient que, mais u’il avait une partie cir
disposés de nombreux points d'attache culaire du c té de la ville et une partie
pour amarrer les navires. rectangulaire du côté de la mer. C'est
Pour MILITAIRE ou COTIIÔN. — par ce dernier côté que les Carthagi
Le port militaire, connu sous le nom nois ouvrirent une nouvelle entrée,
de Coi/101L (“), n'avait pas d'autre en lorsque Scipion eut fermé celle du port
trée que celle du port marchand :, il marchand. Ils choisirent cet endroit,
communiquait avec lui par un canal dit Appien , parce que la profondeur
voûté, semblable à celui qui unissait de l'eau et la violence des vagues qui
l'un à l'autre les deux ports d'Alexan s’y brisent n'auraient pas permis aux
drie. Le Cothôn était moins étendu que Romains d'y construire une seconde
le port marchand : il n'avait que qua digue. Cette nouvelle entrée subsista
tre cents mètres de longueur sur trois après la destruction de Carthage, et
cents de largeur, et une île de cent lorsque cette ville se releva de ses rui
cinquante mètres de diamètre en rétré nes et devint une colonie romaine,
cissait encore la surface. Voici, au. elle n'eut plus d'autre port ne le Co
reste, la description qu'en a donnée thôn, qui reçut plus tard e nom de
Appien : « Au milieu du port intérieur Mandracium.
1 s'élève une île; l'île et le port sont Foaum- La plaeeoù se tenaient les
1 bordés de vastes quais, sur lesquels assemblées du peuple était située près
« sont bâties des loges ou cales qui de Cothôn : elle étaitdeforme rectangu
« contiennentdeux cent vingt vaisseaux laire et entourée de maisons très-hau
s et des magasins de bois et c'agrès. tes. C’est Diodore qui nous a fourni ce
«En avant de chaque loge s'élèvent détail, en racontant la conjuration de
- deux colonnes ioniques; ainsi IEJJOI‘t Bomilcar.‘ Sur l'une des faces du Fo
« et l'île présentent l'apparence de eux rum s'élevait le temple d’Apollon.
a porti ues. C'est dans cette île qu'é CURIB. —- Le lieu ordinaire des as
a tait p acé le palais de l'amiral, qui, semblées du sénat était voisin du Fo
a de ce point, pouvait tout voir dans rum; et peut-être était-ce une des
«2 l'arsenal. C'est delà qu'il faisait don salles du temple d'ApolIon. Dansles
« ser le signal par la trompette, ou circonstances importantes , le sénat se
et ses ordres par la voix du héraut. En réunissait à Byrsa , dans le. temple
d'Esculape.
(') no mètres 6 décimètres. Le pied ro PRINCIPALES nous un CABTHAGB;
main valait 0"‘,ag45. Nous DE QUATRE un cas nues. —- Le
("') Servius, qui donne l'étymologie de Forum communiquait à la citadelle
ce mot , ‘dit qu'il signifie un port creusé de par trois‘ rues de quatre ou du dents
main d'homme. mètres de longueur. Ces rues taient
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CARTHAGE. 148
bordées de maisons à six étages; elles basse et de Mégara; son enceinte, du
étaient assez étroites ‘pour que, lors côté de l'ouest, se, confondait avec
de la prise de ce quartier, les soldats l'enceinte générale de la ville. Le point
romains pussent communiquer d'un le plus élevé de la colline était occupé
côté à l'autre , en plaçant des planches par le temple d’Esmun-Esculape, le
et des solives sur les terrasses des mai plus célèbre et le plus riche de Car
sons. . thage. A‘ côté se trouvait le palais ‘dont
Lorsque Scipion fut maître de ces la tradition attribuait la construction
trois rues, il y fit mettre le feu; puis, à Didon , et d'où. suivant Servius, on
afin de se ménager une esplanade pour découvrait la mer_ et toute la ville.
attaquer la citadelle, il entreprit de C'est dans l'enceinte de la citadelle
faire enlever tous les débris qui con qu'étaient situés le temple d'Astarté et
vraient le terrain. L'armée romaine , celui de BaaI-Moloch, où l'on offrait
composée de cent vin mille hommes , des sacrifices humains. _
y travailla jour et nuit; et le septième MÉGABA. — La nouvelle ville, ou
jour, lors ne les carthaginois retran Mégara C‘), s'étendait au nord de la
chés dans yrsa demandèrent à capitu citadelle, jusqu'à la mer et aux pre
ler, elle n'avait encore enlevé qu’une mières pentes du cap Qamart. Ce quar
partie des décombres. Ce fait, rap tier, le plus étendu de Carthage , était
porté par Ap ien , suffit pour don cependant le moins populeux. Il était
ner une idée u nombre et de la gran rempli de jardins plantés d'arbres frui
deur des édifices qui se trouvaient dans tiers, et séparés par des clôtures en
ce quartier. Les rues de Carthage ierres sèches et par des haies vives.
étaient dallées. Servius, dans son com‘ n —grand nombre de canaux profonds
mentaire, à propos de ce vers de le coupaient dans tous les sens. Ils n'a
I'Ene't'de, vaient sans doute été creusés que pour
« Minim- port“, stnpitumqno et mon: vient-t. I servir à l'irrigation des jardins et à la
défense de la ville; car les eaux qui
rétend que les carthaginois furent’ coulent sur le territoire de Carthage
- es premiers qui imaginèrent de paver _ et dans toute cette partie du littoral
les rues. de l'Afrique sont généralement sa_u
On connaît les noms. et la direction mattes et ne peuvent servir aux usages
de quatre rues; mais comme elles ap alimentaires. Le faubourg de Mégara
partiennent à Carthage colonie ro était protégé, du côté de l'isthme, par
maine , et que rien ne prouve qu'elles l'enceinte générale de la ville, qui,
aient existé avant la destruction de comme nous le dirons, se prolongeait
l'ancienne Carthage, nous nous con jusqu'à la mer. Il était entouré d'une
tenterons de les nommer. Ce sont les simple muraille du ‘côté de la mer et
rues d'lvîsmun ou Salas (via salutarz‘a);
du cap Qamart; un mur particulier le
d’Astarté ou Cœlestis (via cœlestz‘s); sé arait de Byrsa et de l'ancienne
des Mappales (via mappaliensis); et
vil e.
enfin , la voie des tombeauæ. '
PosITIoN DE LA CITADELLE, ou
NEcnoPoLEs DE CARTHAG‘B. —Le
nord et l'est du faubourg de Mégara
BYBSA. - La‘ citadelle, connue sous étaient consacrés à la sépulture des
le nom de Byrsa . était située au nord morts. On trouve encore, en cet en
du Forum et des ports, sur une col droit, de nombreux vestiges de tom
line de deux cents pieds de ‘hauteur. beaux. Les carthaginois ne brillaient
Elle avait vingt-deux stades de tour (‘) ,
point leurs morts; ils les enterraient ,
suivant Servius, et seulement deux
suivant l'usage de tous les peuples de
milles romains (*") , s'il faut s’en rap
pprter a'u témoi nage de Paul Orose.
race sémitique.
n double mur a séparait de la ville
(') Ce nom, suivant Isidore de Sévillc,
0) 3960 mètres. vient du mot punique MAGAR, qui signifie
(") :945 mètres. nouvelle ville.
144
CmcoNFÉnxNcx; POPULATION ne continent, la famine commença à se
CABTHAGB. - Les murs de Carthage, faire sentir parmi eux, et Asdrubal
suivant Strabon, présentaient un dé ne distribua plus de vivres qu’aux seuls
veloppement de trois cent soixante combattants, qui étaient au nombre de
stades (‘) dans toute leur étendue, et trente mille. En évaluant à vingt mille
de soixante stades (**) dans la partie le nombre de ceux qui avaient péri de
qui traverse l’isthme, du côté du con puis le commencement de la guerre,
tinent. Les auteurs anciens sont loin et en supposant que les hommes en
d’étre d'accord avec Strabon. Appien état de porter les armes formassent le
ne donne à l’isthme que vingt-cinq cinquième de la population, on voit
stades ("5) de largeur , et Tite-Live , a que celle de Carthage devait s’élever
la ville entière , seulement vingt- cinq environ à deux cent cinquante mille
milles romains (****) de circonférence. âmes.
Elle n’en avait que vingt ("‘""*) suivant On peut supposer encore, avec beau
Paul Orose. On a cherché à expliquer coup de vraisemblance, que, dès le
ces contradictions en supposant que commencement de la guerre, et lors
Strabon avait mesuré le développe que la ville se vit menacée d’un siège,
ment des murailles , en ayant égard à un grand nombre d‘hubitants la quit
toutes leurs sinuosités. Quoi qu’il en tèrent pour aller chercher de nouvelles
soit, en supposant même que telle ait demeures.
été l’idée de Strabon , la mesure qu’il TRIPLE DÉFENSE. — Carthage , maî
nous donne de la circonférence de Car tresse de la M éditerranée par ses flottes,
thage est évidemment exagérée, et protégée d’ailleurs du côté de la mer
l’état des lieux démontre qu’il faut s’en par la violence des vagues qui se bri
tenir à celles que nous trouvons dans sent avec fureur contre les rochers, et
'lfite-Live et Appien. Strabon n’exagère rendent impossible toute tentative d’a
pas moins la population de Carthage. bordage, n'avait à craindre une attaque
Elle était, suivant lui, de sept cent sérieuse que du côté de la terre. C’est
mille âmes au commencement de la aussi de ce côté qu’elle avait élevé ses
troisièmeguerre punique. Cependant meilleures fortifications. De l’extré
Appien nous apprend qu’après la prise mité septentrionale du lac de Tunis
de Mégara et du Cothôn , par Scipion jusqu’au' bord de la Seblta (*), s’éten
Émilien , tous les habitants se retire dait une triple défense. On voyait d’a
rent a Byrsa, et que, lors de la capi bord un fossé bordé d’une palissade,
tulation de la citadelle, il n’en sortit puis un premier mur en pierres, d'une
que cinquante mille individus, hommes élévation médiocre, et enfin un mur
et femmes. Ce nombre toutefois nous d’une hauteur considérable, protégé
paraît beaucoup trop faible, et il ne par un grand nombre de tours. Tous
faut peut-être pas prendre'à la lettre ces ouvrages suivaient les sinuosités
Passertion d’Appien , quand il nous dit des collines sur lesquelles la ville était
que tous les habitants s’étaient réfu assise , et faisaient de nombreux an
giés dans la citadelle. Un autre passage gles rentrants. Appien nous a laissé
de cet auteur a fourni à M. Bureau de une description des hautes murailles
la Malle un moyen de calculer plus qui formaient la partie principale de
exactement la population de Carthage; l’enceinte de Carthage. Voici cette
Lorsque Scipion , par ses lignes de cir description : («A partir du midi, vers
convallation , eut intercepté toutes les ‘le continent, du côté de l'isthme,
communications des assiégés avec le « où était placée Byrsa, régnait une A
t’) La Seé/ra formait autrefois un golfe
C’) 64800 melres. qui s’étendait jusqu’aux dernières pentes du
(") 10800 mètres. cap Qamart. Comhlée peu à peu par les al
("") 4500 mètres. luvions de la Medjerdah, elle ne présente
(""') 36812 mètres. plus aujourd'hui qu'une suite de lagunes
(‘"“) 29450 mètres. d'eau salée.
CARTHAGE

WNMM . ri
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lima ‘une
CARTHAGB. 145
n triple défense. La hauteur des murs , Pon'rzs. — Parmi les portes de Car
« était de trente coudées (*) , sans les thage, nous en connaissons cinq. dont
«1 créneaux et les tours, qui étaient dis la position nous est indiquée par des
« tantes entre ellesdedeux plèthres(*"), textes formels; ce sont cellé'de Mé
« et avaient chacune uatre étages, et ara, dont s’em ara Scipion , lors de
a trente pieds (“*) , epuis le sol jus a prise de ce faubourg; celle qui est
« qu’au fond du fossé. Les murs avaient désignée par Appien sous le nom de
« aussi deux étages; et, comme ils porte d’Utique; celle de Theveste,
a étaient creux et couverts, le rez-de qu'une inscription nous fait con
« chaussée servait d'écurie pour trois naître; celle de Furnos, dont parle
« cents éléphants, et de magasin pour Victor de Vite; et enfin celle ni con
‘u tout ce qui était destiné à leur nour duisait à Thapsus, et par aquelle
uriture. Le premier étage contenait Annibal s'enfuit, lorsque des envoyés
a quatre mille chevaux , avec le four romains vinrent à Carthage pour de
ex rage et l’orge suffisants pour les mander qu’il leur fût livré. Cette der
«nourrir; et, de plus, des casernes nière porte devait se trouver près de
« pour vingt-quatre mille soldats. Telles la Tænia et de la partie faible des murs.
« étaient les ressources pour la guerre, Puces PUBLIQUES. — Nous avons
- que les murs seuls contenaient dans parlé du Forum et de son emplace
u leur intérieur. » Toutes ces cons ment entre les ports et la citadelle.
tructions , suivant Paul Orose, étaient Dans le récit de l’attaque dirigée par
formées de pierres de taille. Les ruines le consul Censorinus contre la partie
n’ont pas tellement disparu, u’on ne faible des murailles, Appien nous ap
puisse encore suivre la trace es murs prend que, près de la, au point de
dans la plus grande partie de leur Jonction de la Tænia et de la presqu'île ,
étendue. se trouvait une seconde place. Elle
QUAIS. -— Le rivage de la mer, près était, comme le Forum, environnée
du Cotbôn. était bordé de larges quais de hautes maisons. Victor de Vite nous
où les marchands déposaient leurs de. fait connaître une troisième place, à
rées. Ces quais étaient en dehors de laquelle il donne le nom de place neuve ,
l'enceinte de la ville. Les carthagi Platea nova; celle-ci était ornée de
nois, pendant le siége, y construi grlzlidius, et située au centre de la
sirent un ouvrage avancé , à égale dis V! e.
tance du rempart et de la mer, afin TEMPLE D'ASTARTÉ. —Nous avons
que, si l’ennemi venait à_s’emparer de dit que le temple d’Astarté était com
ce quai , il ne pût lui servir d’esplanade pris dans l’enceinte de la citadelle. Cet
ou de place d'armes pour attaquer la édifice était situé sur une colline ,' au
ville. Cette précaution fut inutile; on nord de celle où s'élevait le temple
sait, en effet, que c’est précisément d’Esmun-Escula e. Un immense hié
de ce côté que Scipion dirigea sa der ron lui servait ’avenue. Cette cour,
nière attaque, dont le résultat fut la qui n’avait pas moins de deux milles
rise du Cothôn et de toute la ville romains (") de longueur, était revêtue
asse. . de larges dalles en pierre , ornée de mo
Les autres parties de la presqu’île saiques, de belles colonnes, et environ
n’étaient point garnies de quais. Elles née de tous les temples des divinités
étaient inabordables à cause des écueils inférieures. Parmi ces temples, secon
et des bas-fonds qui en défendaient daires, on distinguait celui d’Elisa ou
l’approche. Didon. Le temple d’Astarté, relevé
par les Romains avec une grande ma.
(’) 13 mètres 5 décimètres, la coudée gnificence, reçut sous les premiers
valant 0"‘,45. empereurs de nombreuses et riches
(") 60 mètres. Le plèthre valait xoo pieds offrandes. Son principal ornement était
grecs. _ _
c") 9 mèlres. Le pied grec valait 0'530. (') 2915 mètres.
10‘ Livraison. (CABTHAGEJ 10
146
un voile ou péplos d'une grande avait à Carthage un temple élevé en
beauté. l’bonneur de Melcarth , quoique les
TEMPLE DE BAAL-MOLOCH ou SA auteurs anciens n’aient jamais men.
TUBNE. — Ce temple était situé entre tionné cet édifice.
ceux d’Astarté et d'Esmun —Esculape , Les ‘carthaginois empruntèrent aux
et donnait son nom à un quartier de Grecs le culte de Cérès et de Proser
la ville (clous sertis). Saint Augustin pine. Diodore de Sicile , qui parle lon
nous apprend que le dieu Baal-Moloch guement des statues et des prêtres de
inspirait aux carthaginois une terreur ces deux déesses , ne nous donne aucun
religieuse si profonde , qu’osant à renseignement sur l'emplacement des
peine prononcer son nom , ils se con tem les qui furent consacrés à ces di
tentaient de le désigner par l’épithète vini és étrangères.
d'ancien (seriez). «La statue de ce Il nous est impossible aussi de dé
- dieu , suivant Diodore , était d’airain; terminer l’endroit où se trouvaient les
« elle avait les bras endants; ses deux temples que, suivant le même
- mains,dont la aume tait en dessus, historien , les carthaginois s’obligèrent
« étaient inclin es vers la terre, afin à élever la première année de la quatre
« que les enfants qu’on y plaçait vingt-cinquième Olympiade, pour y dé<
« tombassent immédiatement dans un poser le traité qu’ils avaient conclu avec
- gouffre plein de feu. » Gélon.
Le temple de Baal-Moloch contenait CITBBNES PUBLIQUES; GYMNASE;
les archives de la république. Le roi THÉATBE. — Outre les citernes parti
Hannon y avait'déposé la relation de culières, dont chaque maison devait
son voyage. être ourvue, dans un pays où les puits
TEMPLE n’APoLLoN; STATUE co ne urnissent que de‘ eau saumâtre,
LOSSALE DE CE DIEU. -— Nous avons Carthage possédait encore’ plusieurs
déjà dit que sur l'une des faces du citernes publiques, dont les ruines,
Forum s’élevait le temple d’Apollon. grâce à leur situation souterraine et à
Cet édifice, qui, selon M. Bureau la solidité des_constructions, sont à
de la Malle, échappa à la ruine de peu près tout ce qui a survécu de la
Carthage, et, plus tard, fut consa ville phénicienne. La plus considéra
cré au culte chrétien , sous le nom de ble de ces citernes était située au
Basilica rpetua restituta, était or nord-ouest de Byrsa , à l'extrémité et
né, lors e la prise de la ville par Sci dans l’enceinte même de la citadelle.
pion Émilien, d'une statue colossale Le village moderne de Malqa est cons
.revêtue de lames d’or. Le lendemain truit sur ses ruines. « On y voit en
de la prise du Cothôn , des soldats pé core, dit le voyageur Shaw. un en
nétrèrent dans le temple, s’emparèrent semble de vingt réservoirs contigus,
de ces lames d’or, et se ‘les partagè dont chacun avait cent pieds de long
rent. La statue fut emportée à Rome, sur trente de large. » Le P. Caroni ,
où elle fut placée près du grand cir qui a fait à Tunis un long séjour, donne
ue, à côté de la statue en bronze de à ces réservoirs les mêmes dimensions.
itus Quinctius Flamininus. Elle por Au treizième siècle, ce monument
tait le nom de grand Apollon de Car était encore presque intact; voici la
thage, et subsistait encore au temps description qu’en a faite Édrisi , géo
de Plutarque. graphe arabe de cette époque , qui était
TiznPLEs on Maximum-HEM né en Afriqne, et dont on s’accorde à
CLÈS, DE Génies ET DE PROSEBPINE. reconnaître la véracité et l’exaetitude.
-— Comme nous l’avons dit plus haut, « Parmi les curiosités de Carthage,
les carthaginois transportèrent dans « dit-il , sont les citernes, dont le
leurs colonies le culte de Melcartli , ui «nombre s’élève à vingt-quatre, sur
était le génie tutélaire de toutes es «i une seule ligne. La longueur de cha
villes d origine phénicienne. Nous _ « cune d’elles est de cent trente pas,
ous croyons fondés à penser qu’il y c et la largeur de vingt-six. Elles sont
CARTIIAGE. 147
« surmontées de coupoles; et, dans les et commencent de vastes réservoirs ap
« intervalles qui les séparent les unes « pelés citernes des diables. encore
«des autres, sont des ouvertures et a remplis d'une eau fort ancienne, ni
«des conduits pratiqués pour le pas a existe là depuis une époque inc -
« sage des eaux. Le tout est dis « nue. » M. Bureau de la Malle pense
a posé géométriquement avec beaucoup ne les citernes des diables et l'édi
« d'art. » Lorsque l'empereur Adrien ce appelé Moallalcah par Bekri sont
voulut conduire dans l'intérieur de le même monument, et qu'ils ne dit‘
Carthage les eaux de la source deSchou fèrent pas de celui dont les ruines ont
kar, pour mettre cette ville à l'abri été mesurées par le père Caroni.
des longues sécheresses, la citerne de Les deux grandes citernes dont nous
Malqa changea de destination; elle venons de parler sont évidemment de
devint le réservoir du grand aqueduc construction punique; tout le prouve:
dont nous allons arler. Sa position la nature des matériaux ui y sont em
au centre de la viiie la rendait propre ployés, les détails de eur architec
à cet usage. ture, et l'usage généralement répandu
Les autres grandes citernes publi chez les peuples de race sémitique, de
ques étaient situées près de la mer, à n'employer que l'eau des pluies aux
l est de Byrsa. Leurs ruines sont par usages alimentaires. En effet, il exis
faitement conservées. Ellesont, suivant tait de grandes citernes à Utique, qui
le père Caroni, plus de cent quarante était, comme Carthage, une colonie
ieds de longueur, sur cinquante de phénicienne. Tyr et Jérusalem qui, par
argeur et trente de hauteur. Les murs eur position au pied des monta nes,
ont cinq pieds d'épaisseur et sont flan pouvaient se procurer avec tant e fa
qués de six tours, aux angles et au cilité des eaux de source , n'employe
milieu. Nous empruntons à un écrivain rent cependant pour leurs usages que
du onzième siècle, Abou-Obaid-Bekri , des eaux de pluie. Au moins pouvons
un passage, où l'on trouve, avec la nous dire qu'il en fut ainsi jusqu'à
description de ces citernes,celle de deux l'époque où pénétrèrent en Syrie les
autres édifices qui méritent aussi de mœurs grecques et romaines.
fixer l'attention; nous voulons parler Virgile attribue à Bidon la cons
du gymnase et du théâtre. n On voit truction du théâtre de Carthage. Tou
« à Carthage, dit l'auteur arabe, un tefois, nous ne pensons pas que la
« palais appelé Moallakah, qui se dis fondation de cet édifice remonte à une
« tingue ‘par une étendue et une élé époque aussi ancienne (’). Tout nous
« vation prodigieuses. Il est composé orte à croire que le théâtre, comme
« de galeries voûtées qui forment plu e gymnase, n’appartinrent pas à la
« sieurs étages, et il domine la mer. ville punique, mais bien à la colonie
« Du côté de l'occident s'élève un autre romaine. Suivant la conjecture de
« monument appelé le Théâtre. Il est M. Bureau de la Malle, Carthage, re
« percé d'un grand nombre de portes construite et embellie par Auguste,
« et de fenêtres, et s'élève également devait ces deux édifices à la munifi
« par étages; sur chacune des portes cence de cet empereur.
« s'élèvent des figures d'animaux et AMPHITHÉATBE. — Nous ne pou
u des re résentations de toute espèce vons nous dispenser de faire ici men
n de pro essions. L'édifice appelé Hou
n mas ( lisez Djoumnas ) se compose (") Nous citons ici les vers de Virgile.
« également de plusieurs étages; il est Ces vers ne prouvent pas assurément l'ori
« orné de piliers de marbre de forme gine phénicienne du théâtre, mais ils don
« carrée, dont la grosseur et la hau nent du moins une haute idée de la gran
- teur présentent des dimensions pro« deur de ce monument.
« digieuses. Sur le chapiteau d'une de Bic alto Theatri
Fundamenn locant nliî , immanesqno eolumnn
c ces colonnes on voit douze hommes fluplbns exeidunt, semis d'ocr- nlta futnris.
1 assis autour d'une table. Près de là Bneid. l. un.
10.
148
tion de cet édifice, qui, selon toute gnement que nous possédions sur les
apparence, appartient, comme les deux bains de la ville punique. En ce qui
précédents, àl‘époque romaine, mais concerne Carthage romaine , les docu
dont les ruines sont au nombre des ments abondent. Sous les empereurs,
plus importantes de Carthage. Voici la il y eut dans cette ville un grand
description qu’en a donnée le géogra nombre de thermes. Nous citerons,
phe arabe dont nous avons déjà invo parmi les principaux établissements de
que le témoignage à repos des citernes ce genre, les thermes de Maximien
de Malqa : « Cet é ifice est de forme (Maæimianæ) , ceux de Gargilius (Gar
« circulaire et se compose d’environ gilz‘anæ), où se tint, en 411 , le synode
« cinquante arcades subsistantes. Cha qui condamna le schisme des donatis
« cune d’elles embrasse un espace d’en tes; enfin ceux de Théodora (Theodo
“icu-_ne...—
« viron vingt-trois pieds, ce qui fait rianæ), que les habitants de Carthage
« onze cent cinquante pieds pour la durent à la munilicence de Justiuien.
«circonférence totale. Au-dessus de AQUEDUC D’ADKIEN. — En parlant
«ces arcades, 's’élèvent cinq autres des citernes publiques, nous avons dit
« rangs d’arcades de même forme et de que celle de Malqa devint, sous la
1 même dimension. Au sommet de omination romaine, le réservoir ou le
a chaque arcade est un cintre où se château d’eaud’un immense aqueduc.
a voient diverses figures et représen Ce monument, bien que d'une époque‘
« tations curieuses d’hommes, d'ani postérieure à la prise de Carthage,
« maux et de navires sculptés avec un doit cependant obtenir ici une courte
un art infini. En général, on peut dire mention , parce que d’abord il explique
c. que les autres et les plus beaux édi la conservation d'un importantouvrage
u hces en ce genre ne sont rien en punique, qui ne fit que changer de
u comparaison de celui-ci. » Tel était destination , et aussi parce que ses
encore, au treizième siècle de notre ruines sont les plus belles et les plus
ère, l’état de conservation de l’amphi imposantes que l'on voie à Carthage.
théâtre de Carthage. « Il ne se recon On en jugera par cette description
« naît maintenant, dit M. Falbe, que qui est empruntée à l'ouvrage de
« par l’excavation intérieure, qui a en Shaw: «'On voit jusqu’à Zow-Wann
« viron deux cent quarante pieds dans u etZung-Gar, à cinquante milles pour
« la plus grande longueur de l’el en le moins dans les terres, des vesti
« lipse. La profondeur, qui n’est pas « ges du grand aqueduc qui fournissait
« moindre de quinze pieds . au-dessous « l’eau à Carthage. Cet ouvrage avait
« du chemin ,montrejusqu’à quel point a coûté beaucoup de peine et d’argent,
« sont accumulées les ruines de Car a et la partie qui allait le long de la
au thage. » n péninsule était fort belle et revêtue
CIRQUE. —— M. Falbe a reconnu au « de pierres de taille. On voit encore à
sud-ouest de la colline de Byrsa , à peu a Ariana, petit village à deux lieues
de distance de la triple défense, les « au nord. de Tunis, plusieurs arches
ruines d’un cirque, avec sa spina et « qui sont entières, et que j’ai trou
ses carceres. Nous savons, en effet, « vées , en les mesurant, avoir soixante
ar saint Augustin , que , de son temps , « et dix pieds de haut. Les pilastres
es Carthaginois étaient passionnés a qui les soutenaient avaient seize pieds
pour les jeux du cirque. En outre, « en carré. Au-dessus de ces arcades,
nous lisons dans Procope, que sous le « est le canal par lequel les eaux pas
règne de Justinien, il y eut une révolte « saient. [l est voûté par-dessus et re
de soldats dans le cirque de Carthage. « vêtu d’un bon ciment. Une personne
THERMES. — Nous savons par Va « de taille médiocre pourrait y marcher
lère Maxime qu’il existait à Carthage « sans se courber. L'eau p montait, à
des bains réservés aux sénateurs, et « ce qu’il araît, par es marques
où les hommes du peuple n’étaient cqu‘e le a aissées, à près de trois
point admis. C’est là l’unique rensei a pieds. Il y avait des temples à Zow
. EO<ŒBŒ<U .
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CARTHAGE. 149
- Wann et à Zung-Gar, au-dessus des à moitié ruinée, qui pouvaient donner
- sources qui fournissaient d'eau l'a. asile aux derniers et faibles débris du
a queduc. n peuple carthaginois. Les commissaires
PnIsoNs; PALAIS rEocoNsuLAIns. envoyés par le sénat romain pour as
— Lorsque Carthage romaine fut de sister à la destruction de Carthage
venue la capitale de la province d’Afri avaient expressément indiqué les quar
ue, les proconsuls établirent leur tiers de Byrsa et de Mégara, dans la
emeure sur la colline de B rsa. Les défense qu'ils avaient faite d'habiter
rois vandales, maîtres de arthage, dorénavant l'emplacement de la ville
choisirent pour habitation le palais pro-r vaincue. On peut induire de cette men
consulaire. L'historien Procope nous tion toute spéciale. que Rome, dans
apprend que les prisons étaient situées les premières années qui suivirent la
au-dessous de ce palais, et que, de victoire de Scipion, tolérait au moins,
leurs sou iraux, on pouvait apercevoir si elle n’autorisait pas, les nouveaux
la mer et es vaisseaux qui s'avançaient établissements fondés en dehors des
vers le port. M. Falbe a reconnu, sur quartiers de Byrsa et de Mégara. Il pa
la colline où était située Byrsa, à une raît même que le Cothôn , ancien port
hauteur de cent quatrecvingt-huit pieds militaire des carthaginois , fut trans
au-dessus de la mer, des voûtes de formé par les Romains eux-mêmes en
vingt à trente pieds de largeur, dont la port marchand ("). On comprend ai
construction lui a paru plus ancienne sément que les vainqueurs n'aient point
que celle des édifices dont les débris voulu perdre tous les avantages que
se voient encore au-dessus. Ces voûtes l’admirable position de ce port pou
sont, à n'en pas douter, de construc vait procurer, par le commerce, à la
tion punique. A l'époque de la domi province qu'ils venaient de conquérir.
nation romaine, e les devinrent les Les historiens racontent que les
prisons que l'on remarquait au-dessous ‘ Romains prononcèrent, au nom des
du palais proconsulaire. dieux, de terribles imprécations con
Nous avons essayé de donner ici, tre ceux qui essayeraient de relever et
d'après les auteurs anciens et moder d'habiter Carthage. Mais on ne saurait
nes, la description de l'ancienne Car établir, à l'aide de ce fait, que la ville
thage. Cette description demandait resta pendant quelques années entiè
peut-être de plus longsdéveloppements. rement déserte; car , 'il est trop évi
Toutefois, nous croyons avoir pré-' dent que les carthaginois, qui avaient
senté, dans le court résumé qui pré échappé à la mort ou à l'esclavage, ne
cède, les principaux‘renseignements devaient avoir aucune crainte de vio
qui ont été rassemblés jusqu'à ce jour ler les prescri tions d'une religion
sur la topographie et les édifices de étrangère et de graver les menaces des
cette ville célèbre. dieux romains qui n'étaient point leurs
dieux. D'ailleurs , les Romains eux
CONCLUSION; mé‘mes ne se montrèrent point scrupu
leux, et, comme le remarque Appien’,
CARTIIAGE SOUS LA DOMINATION ROMAINE.
Caîus Gracchus , sans tenir compte
Caîus Gnsccnus CONDUIT UNE des imprécations prononcées par les
coLoNIE ROMAINE sua L'EMPLACB‘ vainqueurs sur les débris encore fu
MENT DE CARTIIAGE PUNIQUE. — Au mants de la ville prise et saccagée,
moment où l'armée de Scipion quitta vint établir une colonie à l'endroit
l'Afrique, Carthage n'offrait plus'aux même où s'élevait, vingt années aupa
regards qu’un amas de ruines. Toute ravant, la cité punique.Voici comment
fois, le temps manqua aux Romains Blutarque raconte cet événement :
pour tout détruire, et, comme l'a dé n Rubrius, un des tribuns du peuple.
montré de nos jours un savant criti
ue, il restait encore, au milieu des (') Voyez M. Bureau de la Malle , Re
écombres. quelques édifices intacts ou cherche: sur la topographie de Cart/rage.
150
ayant proposé par une loi le rétablis préteur Sextilius te défend, ô Marins,
sement de Carthage ruinée par Sci d’entrer en Afrique. Si tu n’obéis point
pion , et cette commission étant échuc à ses ordres, il mettra à exécution,
ar le sort à Caîus Gracchus, il s’em contre toi, le décret du sénat qui- te
arqua pour conduire cette nouvelle condamne comme ennemi du peuple
colonie en Afrique.... Caïus était oc romain. — Dis au préteur, répond l’il
cupé du rétablissement de Carthage lustre proscrit, que tu as vu Marins
qu’il avait nommée Junonia, lorsque assis sur les ruines de Carthage. 1)
les dieux lui envo èrent plusieurs si Ce récit prouve évidemment que le
gnes funestes pour e détourner de cette prêteur Sextilius avait sa résidence
entreprise. La pique de la remièrc dans la colonie romaine, puisque, au
enseigne fut brisée par l’ef rt d’un moment même où Marins descendait
vent impétueux, et par la résistance en Afri ue, il fut informé de son arri
même que fit celui qui la portait pour vée et ni envoya un licteur. Marins
la retenir. Cet ouragan disperse les s’était probablement réfugié dans une
entrailles des victimes qu’on avait déjà des parties de la ville punique qui
osées‘ sur l'autel, et les transporta n'avaient point été relevées. Depuis
ors des palissades qui formaient l’en l’arrivée de Caïus Gracchus , la colo
ceinte de la nouvelle ville. Des loups nie n’avait pas encore pris des accrois
vinrent arracher ces palissades et les sements assez considérables pour cou
emportèrent fort loin. Malgré ces pré vrir tout l’emplacement de l’ancienne
sages, Ca'ius eut ordonné et réglé en Carthage.
soixante-‘dix. jours tout ce qui con A son retour d’Égypte, César pour
cernait l’établissement de cette colo suivit dans l’Afrique carthaginoise les
nie; après quoi il s’embarqua pour partisans de Pompée. Suivant une an
revenir à Rome (*).- au cienne tradition, il campait non loin
flls'romn m: CARTHAGE ROMAINE de Carthage, lorsqu'une nuit, pendant
DEPUIS L’ÉTABLISSEMENT mas (:0 un sommeil agité,“ vit en songe une
nous AMENÉS un Aramon un Gains grande armée qui l’appelait en gémis
Gnsccrrus, JUSQU'A TIBÈRE. — Ma sent et en pleurant. Le lendemain, à
rius proscrit par Sylla, se sauva en son réveil, César écrivit sur ses ta.
Afrique et descendit à Carthage. A blettes le nom de Carthage. Lorsqu’il
peine avait-il pris terre, qu’un llcteur revint à Rome, les citoyens pauvres
vint à sa rencontre, et lui dit : a Le lui demandèrent des terres : ce fut
alors qu’il envoya des colons à Corin
(”)‘Les patriciens n'avaient qu'un moyen tbe et à Carthage. Dion Cassius, en
d'accréditer
multitude, c'était
ce récit
de fabuleux
montrer que
auprès
les abris
de parlant de César . s’écrie avec une
sorte d’enthousiasme : « Relever deux
tres présages qui avaient accompagné l'étaé villes illustres, sans tenir compte de
blissement de la nouvelle colonie étaient un leur ancienne inimitié contre Rome,
effet de la colère des dieux contre celui qui et cela seulement en souvenir de leur
s’était fait un jeu des imprêcttions pronono puissance et de leur splendeur pas
cées sur les ruines de Carthage. Ne pour sées, c’est une gloire qui n'appartient
rait-ou point dire que le passage de Plutarque qu’à César. » Dion ajoute : « Ce fut
prouve d'une manière indirecte que Caius ainsi que ces deux cités célèbres , qui
Gracchus établit ses colons sur l'emplace jadis avaient été détruites à la méme
ment mème de la ville détrnitePMais, nous
’ ne, commencèrent à reprendre:
ne sommes point réduits, comme l'a dé
montré M. Bureau de la Malle, dans une
simultanément une nouvelle- vie et re
savante discussion, à ce genre de preuves,
dcvinrent une seconde fois trèsvfloris
Pline et Paul Orose nous apprennent d’une sautes. » On pourrait croire, d’après.
manière positive que Cartbage'romaine était ces paroles d’un grave historien, que
placée là où s’élevait jadis Carthage puni César fut le véritable fondateur de
‘ue. Nous pourrions citer encore, I'Épitomc Carthage romaine. Il n’en est rien toue
u livre 60 de Tite-Livc. tefois. César n’envoya en Afrique que
CARTHAGE. 15!
trois mille colons. Un passage de Solin les commoti-ms violentes qui agitaient
nous explique les apparentes contra plusieurs paw’aves de l'empire, lors
dictions qui existent pour cette époque qu’un événement subit vint lui enle
entre plusieurs historiens. Suivant cet ver pour quelques instants le repos et
auteur, la colonie de Caius Gracchus la sécurité. Nous reproduirons ici dans
eut des commencements faibles et sans son entier le récit de Tacite.
gloire. Elle n’avait point encore pris «1 Rome était en alarmes. L'Afri
de grands développements lorsque , que, disait-on, était soulevée; la ré
sous le consulat de Dolabella et de volte avait pour chef Pison, proconsul
Marc-Antoine . elle brilla d'un vif et gouverneur de la province. Ces
éclat, et fut vraiment en Afrique une bruits étaient faux; mais comme des
seconde Carthage. vents contraires iretardaient l'arrivée
Dion Cassius nous apprend qu’Au de la flotte d’Afrique qui portait des
guste envoya de nouveaux colons en blés à Rome, on croyait que Pison
Afrique, parce que Lépidus, non con avait fermé le port de Carthage et vou
tent de priver Carthage de ses privi lait at‘famer la capitale. D'ailleurs, la
léges de colonie romaine, lui avait province et les troupes regrettaient
encore enlevé une partie de ses ’ ' ' Vitellius et n'aimaient nullement Ves
tants. Quelle était la cause des s." “Pl pasicn. Tous deux avaient été procon
tés de Lépidusi’ On l’ignore. L‘lznb. suls d’Afrique, et, chose étonnante,
triumvir avait vraisemblablement en Vitellius avait emporté l’estime et Ves
rôlé les colons romains dans ses lé pasien la haine de cette province. Mu
gions , et lorscss’il avait privé de ses cien suscite contre Pison deux agents
privilèges une ville fondée j ir Caïus provocateurs, Sagitta, préfet d’un corps
Gracchus et re: ,mrée par Jules César, de cavalerie. et un centurion. Le lieu
il avait cru peu . titre, lui qui était un tenant de la 4' légion, Valérius Fesà
des chefs de l’aiistocratie, porter un tus, se joint à eux pour l’entrainer à
coup à la démocratie, qui était sur le la révolte. Pison repousse les sollici
point de triompher dans la personne tations du lieutenant et du préfet. Le
des empereurs. ' centurion de Mucien arrive : à peine
HISTOIRE DE CAMBAGE ROMAINE entré au port de Carthage, il proclame
DEPL’lS TmÈaa JusQU’A L’AnaIvnn Pison empereur; le peuple se précipite
DES VANDALES EN AFRIQUE. — Pom au Forum, et demande ne Pison y
ponius Méla, qui fut le contemporain paraisse. Celui-ci refuse, ait punir le
de Tibère , de Caligula et de Claude, centurion, ré rimande les Carthagi
disait en parlant de Carthage : « Cette nois par un it sévère, et se tient
colonie du peuple romain est déjà bril. renfermé dans son palais, sans même
lante et riche pour la seconde fois. » exercer les fonctions publiques de sa
En effet, Carthage prenait chaque charge. Festus, sitôt qu'il apprend l’a
jour de nouveaux accroissements et gitation du peuple. et le supplice du
s’embellissait par les somptueux édi centurion , penseà gagner'par un crime
fices qui s'élevaient dans son enceinte. la faveur de Mucien et envoie des_ca
Elle s’enrichissait par le 'commerce, valiers pour tuer Pison. Ceux-ci font,
et , comme autrefois, les vaisseaux pendant la nuit, une marche forcée,
ui sortaient de son port allaient tra arrivent au point du jour, se précipi
hquer dans presque toutes les parties tent, l'épée nue, dans le palais du
du monde ancien. Une chose encore proconsul, et l’égo‘îlgent (t). n
servait à sa prospérité et lui donnait La sédition pop aire fut bientôt
une grande im ortance, c’est qu’elle apaisée à Carthage , et pendant un
était devenue e véritable grenier de siècle, sous le gouvernement des Fla
l’Italie , et qu’elle pouvait en quelque viens et des Antonins, cette ville ne
sorte remplacer, pour le peuple de R0 cessa de jouir du calme heureux qui
me, l’Egypte et Alexandrie. Elle vivait
dans une eureuse paix sans éprouver (‘) Tacite , liv. tv des Histoires,
152
jus u’alors avait tant contribué à la vait plus d’espoir, mit lin à ses jours
ren re riche et florissante (“). en s’étranglant avec sa ceinture. Peu
Sous Commode, qui voulait que Car de temps après, on vit à Rome un
thage portât son nom et sappelât jeune enfant de la famille des Gordien
Alexandria Commoda Togala, .il y revêtu de la pourpre des Césars : il
eut quelques mouvements en Afrique. était âgé de douze ans à peine. Après
Nous savons que Pertinax, qui ‘était un règne qui fut bien court, il périt,
alors proconsu dans cette province, comme son père et son aïeul, par une
réprima plusieurs séditions. Le peu mort violente.
ple‘ était agité par les prophéties qui Après la révolte que nous venons
émanaient, à Carthage, du temple de de raconter, l’histoire ne nous dit pas
!“c.r_e—re
lune Cœlestis. Mais ces troubles ne que Carthage ait été le théâtre de
furent pas de longue durée , et pendant quelque grand événement politique._
un demi-siècle encore la ville vécut Nous savons seulement que l’empereur
dans une paix profonde ("*). Probus, dans ses courses rapides, vi
En 235 , Maximin devint le chef de sita cette ville et qu’il y com rima
l'empire. Cet ancien pâtre de la Thra. des séditions ("). Un auteur chrétien,
ce, qui était Goth d'origine, se rendit saint Prosper, nous apprend encore
bientôt odieux par son avarice et sa qu’en l’année 424, Carthage fut en
cruauté. L’Afrique carthaginoise fut la close de murailles : jusqu alors elle
première province qui se révolta con. était restée ouverte et non fortifiée.
tre lui. Quelques ennemis de Maximin Quel danger, en effet, menaçait la
forcèrent le proconsul Gordien à re province carthaginoise et sa capitale?
cevoir le titre d’empereur. Ce fut à Pendant longtemps les intérêts de B0
Carthage que ce vieillard, qui était me et de l’Afrique avaient été si bien
alors âgé de quatre-vingts ans, prit liés, qu’une seule légion avait suffi
les marques de la dignité impériale. ll pour garder tout le pays depuis Tan
associa a son nouveau pouvoir son fils, ger jusqu’à Cyrène. Dès l’e'tablisse
ui portait comme lui le nom de Gor ment de l’empire, la province cartha
ien. L'élection des nouveaux empe ginoise n’inspirait aucune crainte aux
reurs fut approuvée à Rome, en haine Romains; Auguste l'avait abandonnée
de Maximin. Mais Capellien, qui com à l’administration du sénat, et l’on
mandait en‘ Numidie, rassembla des sait que le prévoyant empereur avait
troupes et marcha contre Gordien. Les eu soin de se réserver les provinces des
habitants de Carthage prirent les ar frontières qui étaient sans cesse me
mes pour défendre celui qui avait été nacées et où campaient de nombreuses
élu et proclamé empereur au milieu légions ("‘*). Pourquoi donc, en 424,
d'eux. Les Cartha inois furent vain Tliéodose le jeune fit-il entourer Car
cus. Le jeune Gor ien fut tué dans la thage de fortes murailles? On ne le
bataille, et son père, qui ne conser sait. C’était peut-être par un vague
pressentiment des maux qui allaient
(') Les événements les plus importants
fondre sur l’Afrique. Mais, certes, on
qui signalent, à Carthage, le commencement
était loin de prévoir que les ennemis
et le milieu du deuxième siècle de notre ère,
qui devaient envahir cette province du
sont la construction du grand aqueduc par vieil empire romain étaient des barba
Adrien et l'incendie du Forum sous le règne res venus des bords de la Baltique.
d‘Anlouin le Pieux. PEBSISTANCE DE LA sacs PUNIQUE
t") Septime Sévère, s'il faut en croire
'l‘zelzès. tit élever un tombeau de marbre (') Sous le sixième consulat de Dioclélien
blanc au plus illustre des Carthaginois, à et le cinquième de Maximien, on éleva des
Annibal , qui était Africain comme lui. Si thermes ‘a Carthage. On les appela Thermes
Tlelzès dit vrai, ce tombeau de marbre de Mazîmien.
blanc fut vraisemblablement placé ‘a Car (") Tillemont, Histoire des empereurs,
thage, qui était la patrie d'AnnibaI. t.‘l,p.3 de l'édition in-n ; Bruxelles, 1707.
CARTHAGE. 153
nus CABTHAGE ROMAINE. — Il n'est nalogue dans les rits italiques, mais
point inutile de constater ici la per qui se rapprochaient beaucoup des pra
sistance de la race punique au sein tiques en usage dans l'orient. L'em
même de Carthage devenue colonie pereur fléliogabalc comprit aisément la
romaine. transformation qui s'était opérée; sous
La victoire de Scipion Émilien n'a le nom romain il distingua l'Astarté
vait pu anéantir d'un seul coup tous phénicienne, et lorsque, par un ca
les descendants des Phéniciens. D'a price bizarre, il voulut non par ma
bord , au commencement du siège que ria e le dieu Baal et la lune (.‘œlestz‘s,
nous avons précédemment raconté, Il n ignorait pas qu'il rapprochait ainsi
plusieurs familles avaient dû quitter deux divinites asiatiques qui apparte
Carthage pour se réfugier dans les vil naient à une seule et même religion.
les voisines. Ensuite, on peut croire Ce n'était point seulement par le
u'après le siége, au moment même genre des hommages qu'ils rendaient
de la destruction de la cité punique, a Junon Céleste que plusieurs habi
lusieurs de ceux qui avaient défendu tants de Carthage décelaient leur ori
eurs fo ers jusqu'a la dernière extré gine hénicienne, mais encore par les
mité écli’appèrent à la mort et à l'es sacri ces humains qu'ils faisaient à
clava e. leurs anciens dieux. Dans la colonie
a n fait très-curieux our'l'histoire romaine, le sang des hommes coula
de Carthage romaine, it M. Bureau plus d'une fois en l'honneur de Baal
de la Malle, se trouve égaré dans le et de Melcarth, et nous avons dit pré
vaste recueil d'Athénée où personne cédemment ue, sous les empereurs,
ne s'est avisé d'aller le chercher. Cet on fut oblig _de faire des lois sévères
auteur rapporte un discours du péripa pour arrêter ces terribles et sanglantes
téticien Athéuion, devant l'assemblée immolations.
du peuple d’Athènes, dans lequel ce A Carthage et dans le pays qui avoi
hilosophe affirme que non-seulement sinait cette ville, la langue punique
es peuples italiques, mais que les Car ne cessa point d'être en usage, même
thaginois même ont envoyé des ambas à l'époque de la domination romaine.
sadeurs à Mithridate, ur conclure Nous pourrions peut-être donner ce
avec lui une alliance of ensive dans le fait comme une preuve de la persis
but de détruire la puissance de R0 tance de la race vaincue. Apulée nous
me. Ce document curieux prouve qu'à apprend que, sous le règne d'Auto
cette époque beaucoup de carthaginois nin, on parlait également à Carthage
étaient ‘encore mêlés à la colonie ro le punique et le latin; et longtemps
maine, qui, formée d'ltaliens , parta encore après le siècle où vécurent An
geait la haine des vaincus contre le tonin et Apulée, on se servait, en
sénat obstiné à lui refuser le droit de Afrique, de la vieille langue des Phé
cité. » niciens, si l'on en juge par le passage
Mais il est une chose qui prouve suivant que nous empruntons à l'un
mieux encore la persistance de la race de nos Elus savants et de nos plus il
punique au milieu de _la_colonie ro lustres istoriens. « Le premier ou
maine, c'est la transmission non in vrage de saint Augustin contre les
terrompue des idées religieuses venues donatistes fut un canti ne en rimes
de l'orient. La religion des Carthagi acrostiches, suivant l’or re de l'alpha
nois se releva pour ainsi dire avec leur bet, pour aider la mémoire. Saint Au
ville. Parmi les anciens temples que les gustin le lit d'un style très-simple, et
Romains consacrèrent à leurs dieux, n'y observa point la mesure des La
il y en eut un qui acquit bientôt un tins , de peur d'être obligé d'y mettre
grand renom : ce fut le temple de Juno quel ne mot hors de l'usage vulgaire,
Cœlestis. La déesse Céleste, comme car i com sa ce cantique pour l'ins
on l’ap elait alors, fut honorée ar truction u bas peuple; ce qui fait
des cér monies qui n'avaient rien ’a voir qu'encore que la langue punique
tu
encore en usage dans cette partie tait un homme nourri dans les lettres
de l'Afrique, il y avait peu de gens et la philosophie, et qui lisait assidû
qui n’entendissent le latin (*). » ment les ouvrages de Tertullien. Il
_C'ABTHAGB cnnIâ'rmNNE. — On ne consuma sa vie à ranimer par ses écrits
saurait fixer d’une manière précise le» le zèle de ceux qui partageaient ses
temps où le christianisme pénétra pour croyances, et à combattre les ennemis
n la première fois dans l’Afrique cartha de la religion chrétienne. Il avait
ginoise. Nous savons seulement qu’à échappé bien des fois aux ruses des’
la fin du deuxième siècle de notre ère persecuteurs et à la fureur du peuple
on comptait déjà dans cette province qui ne cessait de crier : Cyprien aux
un grand nombre de chrétiens. C’était' lions! lorsqu’il souffrit le martyre sous
l’époque où vivait à Carthage un des l’empereur Valérien.
plus illustr écrivains de l’Eglise, Ter. Après les sanglantes persécutions de
tullien. Cet omme qui, suivant l’e’x Dioclétien et de Galérius, la religion
pression de Fleury, avait un'ge’m’e dur, chrétienne triompha enfin dans toutes
sévère et violent, une grande chaleur les parties de l’empire. Mais la lutte
d’imaglnation, composait dans cette contre le polythéisine était à peine
ville , our l'instruction ou la défense terminée, que l’Eglise fut agitée par
de ses ii‘èresten religion,- les éloquents des dissensions intestines et de gran
traité’s quil’ont rendu à jamais cé des discordes. A Carthage, l’élection
lèbre. contestée de l'évêque Cécilien devint
Les édite de persécution atteigni la cause d’un schisme. Les dissidents
rent‘ bientôt en Afrique les sectateurs donatistes se multiplièreut bientôt dans
des idées nouvelles. L'an 200 de notre toutes les parties de l'Afrique. Ce fut
ère, sous le règne de Septime Sévère, à l’occasion de ce schisme qu’on vit a
on amena douze chrétiens à Saturnin, alors à Carthage de nombreux conci
proeonsul de la province carthaginoi les, et qu’un des Pères les plus illustres
se.v Nous citerons ici les noms glorieux de l’Église, Au ustin, évêque d’Hip
de ces douze premiers confesseurs de pone‘; soutint ans ses écrits de lon
l'Église d’Afrique. Sept hommes : Spe— gues et célèbres controverses (‘). La
ratus, Narzal, Citti‘n, Veturius, Fe querelle entre les orthodoxes et les
lix, Acy‘llirr, Letantius; cinq femmes: onatistes n’était point encore apai
Januaria, Generosa, Vestina, Donata sée lorsque les Vandales passèrent en
et seconda, a‘imèrent‘ mieux, par un Afrique.
sublime dévouement, perdre la vie que Eux FLOBISSANT ET spLENnEUn
renoncer à leurs croyances. Ce fut DEx CABTHAGE sous LA DOMINATION
vraisemblablement à l’occasi‘on de ce noMxINE; ARRIVÉE DES VANDALES
martyre que Tertullien écrivit le plus EN Air-mous. —Au commencement de
céièhre de ses ouvrages‘, l’Apologéti l’empire, Strabon disait déjà de Car
que. Mais le hardi défenseur des-‘divisée thage : « Maintenant il u’existe point
tiens ne put se faire entendre, et‘, au de ville'len Libye qui soit plus peuplée; n
moment où circulait dans toutes les et Pom nius Meia , peu de temps
mains son éloquent plaidoyer, il vit, après, a représentait comme une cité
à Carthage, le supplice de Perpetueet riche et florissante. Sous le règne d’An
de Félicité (“). tonin, Apulée, en faisant une pom
Au milieu du_ troisième vsièciei, Cy pense description de Carthage, nous
prien illustra l’Eglise de Carthage; Gé arle de sa nombreuse population , de
a beauté de ses édifices. du luxe qui
(') Voyez Fleury, Histoire ecclésiastique,
liv'. xi'x. ' (") En ce‘ qui concerne l'Église de Carthage
(") Nulle légende chrétienneln'éga’le en et le schisme des donatistes, nous renvoyons,
beauté le récit des le net souffrances de pour de plus amples détails, à la partie de
Perpêtùe et de F'élici . voyez ‘les 4cm cet ouvrage qui est consacrée à l‘dfiîqùä
navrant aimera. chrétienne.
CARTHAGE. 155
éclatait de toutes parts dans son en cette ville qu’écrivirent et pa’rlèrent
ceinte, et de la richesse de ses habi Tertullien et Cyprien, et que. ‘saint
tants. Hérodien prétend qu’à l'époque Augustin enseigna la rhétorique.
de Gordien elle ne cédait qu’à Rome Pour compléter ce tableau, il nous
seule, et qu’elle disputait le second suffira de donner ici une description
rang àAlexandrie. Solin, qui écrivit, de Carthage faite par Salvien, au mo
comme l’a démontré Saumaise, avant ment même où l’empire était envahi
la translation de l'empire à Constanti» de tous côtés par les nations barbares.
nople, nous dit : « Carthage est main « Je prendrai, dit-il, pour exem le Car
tenant après Rome la seconde ville du thage, la première et presque a mère
monde. » Un géographe qui vécut sous de toutes les villes d’Afrique, toujours
l’empereur Constance vante la beauté la rivale de Rome, autrefois par ses
de ses rues et de ses places, la sûreté armes et son courage, de uis, par sa
de son port, et la magnificence du grandeur et par sa ma ni cence; Car
Forum décoré par le superbeport‘ ac thage , la plus cruel e ennemie de
des banquiers ("). Al’époque de Va en Rome, et qui est pour ainsi dire la
tinien et de Gratien , Ausone ne met Rome de l’Afrique. Là se trouventdes
au-dessus d’elle que Rome et Cons établissements pour toutes les fonc
tantinople. tions publiques, des écoles pour les
Les nombreux témoignages que nous arts libéraux, des académies pour les
venons de citer, uvent nous don philosophes, enfin des gymnases de
ner une haute id e de la splendeur toute espèce pour l’éducation physique
de Carthage romaine. Cette ville, en et intellectuelle; là se trouvent aussi
effet, voyait circuler dans son enceinte les forces militaires et les chefs qui diric
une innombrable population. Elle était ent ces forces; la s‘honore de résider
ornée de superbes edifices. Elle avait e proconsul qui, tous les jours, rend
un cirque. un théâtre, un am hithéâ la justice et dirige l’admmistration,
tre, un gymnase, un prétoire, e beaux proconsul uant au nom seulement,
temples (‘*), des rues et des places mais consu quant à la puissance; la
bien alignées et un immense aqueduc. résident enfin des administrateurs de
Elle s’enrichissait par le commerce et toute espèce, dont les emplois diffèrent
l’industrie. Elle possédait des sculp autant que les noms, qui surveillent.
teurs et des fondeurs habiles, et ses en quelque sorte, toutes les places et
œuvres d'art étaient recherchées. Elle tous les carrefours , qui tiennent sous
brillait aussi dans les sciences et dans leurs mains presque toutes les parties
les lettres; Apulée, sous le règne d’An de la ville et tous les membres de la
tonin, se faisait gloire d’être sorti des population. 1)
écoles de Carthage; et ce fut dans Quand Salvien écrivait ces mots,
dans un ouvrage célèbre, l'instant n’é
(") Voyez M. Bureau de la Malle, Re tait pas éloigné où , franchissant le
cherche: sur la topographie de Cart/rage. détroit de Gadès , les Vandales allaient
t") A partir de l'établissement du chris se répandre en Afrique et faire de
tianisme dans l'empire, on vit s'élever à Carthage la capitale de leur empire.
Carthage plus de vine! églises ou monastères.
muwmwmuuumsu \ huauwnwummnotnssnuunuum nununnumu

TABLE DES MATIÈRES


CONTENUES DANS CARTHAGE.

A. une sédition dans son armée; augmente ses


Adherbal inquiète par ses incursions les forces d'une partie de l'armée d‘Opbellas
Romains qui assiégent Lilybée, 5/. a; rem qu'il fait mourir par trahison; s'empare
porte une victoire signalée sur la flotte du d‘Utique et d‘Hippozaritus; soumet à son
consul Claudius, et introduit des vivres dans pouvoir plusieurs villes maritimes et peu
Lilybée., 56 a, 57 b; confie cent: galères ‘a plus de l'Afrique; laisse le commandement
Carthalon et lui ordonne d'attaquer la flotte a Ambagatlte, l'un de ses fils, et retourne
romaine, 58 a. en Sicile, 2:’. a, 29 a; repasse en Afrique, y
Adrumèle prise par Agathocle, 24 a, b. essuie plusieurs revers; s'embarque seul
Africains, obtiennent par les armes le pour la Sicile, laissant ses deux fils, qui sont
payement du tribtt imposé à Carthage pour égorgés par leurs soldats; l'année suivante
prix de son territoire, 5 b ; sont forcés plus fait un traité avec les carthaginois ; sa mort
tard de renoncera" payement de ce tribut, vingt-cinq ans après ce traité; pendant ce
6 b; un grand nombre d'entre eux serrent tem )5 aucun événement remarquable. 29 a,
comme mercenaires sous Annibal, fils de 30 ; avait donné sa fille en mariage à
Giscou . 7 b; abandonnés par Imilcon de Pyrrbus, 31 a.
vant Syracuse , ils se révoltent, forment en Agrigente, assiégée par Annibal, fils de
Afrique une armée nombreuse. menacent Giscon. et Imilcon. fils d'Haunon. est aban
Carthage et se retirent sans aucun autre donnée par ses habitants; les Syracusains
avantage. t3 a, b; se révoltent de nottteau leur assignent une ville pour asile, 8 b, 9 a;
sans succès, 14 b; cinq mille Africains ser elle est rasée par Imilcon, 9 b; prise par
vent la cruauté d'Agathocle, 18 b; les Afric les Romains, 36 b; assiégée et ruinée en
cains tributaires de Carthage passent dans tièrement par’ les carthaginois, 1.8 a.
son parti, 23 b; cinq mille‘ Africains t'ou Alalia. fondée dans la Corse par les Pho
Iant quitter Agatbocle, répandent, par leur céens, 132 b.
apparition. la terreur parmi les carthagi Aléria, en Corse, prise par les Romains,_
nois, et par leur rentrée dans le camp d'A 40 a.
gatltocle y causent une égale frayeur, 29 b, Amilcar Barra, Carthaginois, général des
30 a; se joignent aux mercenaires dans armées de terre et de mer en Sicile, se re
leur révolte contre Carthage. 65 a. tranche sur la montagne d'Erctc, s'y main
Afrique. Quels peuples, d'après les livres tient trois ans, 59 b, 61 a; fait entrer des
des Hébreux, en ont occupé la région sep vivres et des secours dans Lilybée, 61 a;
tentrionale. 2 a. s'empare de la ville d‘Eryx et s'y maintient
Agatbocle, sa naissance; simple soldat deux ans, 61 a. b; après la conclusion du
dans les troupes syracusaines, se distingue traité de paix, se démet du commandement,
par sa valeur; se fait chef de pirates, est 65 a; était suspect aux mercenaires révol
deux fois exilé de Syracuse : il en fait le tés, 67 a; est chargé de mettre fin à la
siège; par l'appui d‘Amilcar il y est nommé guerre de Libye, et remporte plusieurs vic.
prêteur; sous quel prétexte il déclare la toires, 70 b. 72 b; il réunit à son armée les
guerre aux Catllmginois; vaincu deux fois, troupes d'Hannon; la division éclate entre
il rentre dans Stracnse, t8 a, 19 a; assiégé, les deux généraux, Amilcar reste seul à la
il échappe aux carthaginois et débarque en tête de l'armée, 74 a, b; il marche contre
Afrique, brt‘tle sa flotte, défait Hannon et les rebelles qui assiégeaicnt Carthage; il se
Bomilcar, reçoit des vivres et de l'argent joint de nouveau à Hanuon , et remporte
des Africains et de plusieurs cités puissan avec lui une victoire qui met fin à cette
tes. 19 a, 23 b ; assiégé et prend Adrumète; guerre, 74 b, 77 b; il passe en Espagne,
bat les Carthaginois devant Tunis; reçoit délivre (‘adix de ses ennemis et s'empare
des Syracusains la tète d'Atnilcar; apaise d'une partie de la province; il y commande
158 TABLE DES MATIÈRES
les armées avec succès pendant neuf ans, et ment de l'armee, soumet plusieurs peuples
meurt sur le champ de bataille, 78 a, b. en'lîspagne, 81 a, ruine Sagonte , allume
Amilcar remplace en Sicile le vieil Han ainsi la guerre entre Carthage et Rome
non. 37 a; fond sur les auxiliaires des Ro (voyez deuxième guerre punique); la guerre
mains, et bat. aussi l'autre partie de leur étant terminée, il fait d'importantes réfor
armée, 39 b. mes dans l'administration de la justice et
Amilcar, général carthaginois. est de des revenus de Carthage, 97 b, 98 a; pour
mandé par des ambassadeurs romains après suivi par les Romains , il se rend auprès
la fin de la deuxième guerre punique , d'Antiochus, roi de Syrie; Antiochus se
comme continuant la guerre dans la Gaule; décide à faire la guerre aux Romains, il est
il perd la vie dans une bataille, 97 a, I). vaincu; Annibal se rend auprès de Prusias,
Amilcar, fils de Magon , aborde à Palerme roi de Bithynie; celui-ci ayant résolu de
avec un armement considérable, fait le siège le livrer aux Romains , Annibal met lin à
d’Hymère, périt dans cette expédition ; deux ses jours par le'poison , 98 a , roi b.
traditions sur sa mort, 6 a, b. Annibal (le Rhodien), parti de Carthage ,
Amilcar Il, fils de Giscon, aborde à Li« entre dans le port de Lilybée et en sort en
lybée, est entièrement défait par Timoléon, présence de la flotte romaine; il réussit
16 a, 17 a; remporte une victoire sui;,Aga ainsi plusieurs fois à faire connaître. aux
tocle, 19 a; assiégé Syracuse, 19 b; repoussé Carthaginois les besoins de cette place; il
avec perte,illève le siège, 24a; l'attaque de est pris avec son vaisseau, 54 a, 55 a.
nouveau , et tombe au pouvoir des Syracu Apollon , son temple, à quel culte il fut
sains qui le l'ont mourir, 25 a , b. depuis consacré; à quelle époque subsistait
Annibal, joint à Amilcar, l'ait le siégé encore sa statue colossale, 146 a.
de Tunis dans la guerre de Libye; Mathos, Appien, cité sur les fondateurs présumés
dans une sortie, le fait prisonnier et le clone de Carthage, 1 b; sur la partie de Car
encore vivant sur la croix de Spendius, thage que Scipion fit écrouler par la sape ,
76 b» 77 a 126 a.
.Annibal , fils d‘Asdrubal. Appius Claudius , surnommé Caudex; se
Annibal snfl'éte, fils de Giscon , engage rend à Rhêge, perd quelques vaisseaux dans
les Carthaginois à secourir Ségeste contre sa première tentative de faire lever le siège
Syracuse ; il prend d'assaut Sélinonte et de Messine, réussit ensuite à y aborder;
Hymère, 7 b, 8 a; dans une seconde expé défait d'abord Hiéron , puis les Carthagi
dition, il fait le siège d’Agrigente et meurt nois; met le siège devant Syracuse, repasse
de«la peste devant cette place, 8 b. en Italie, 33 a, 34 b.
Annibal Il, joint à Amilcar Il, aborde à Apulèe , fait une pompeuse description
Lilybée, est entièrement défait par Timo de Carthage , 154 a.
léon, 16a, 17 a. Archagathe , un des fils d’Agathocle ,
Annibal , lils de Giscon, enfermé dans reçoit le commandement des forces syracu
Agrigente par les Romains, demande vive saines en Afrique, de son père qui retourne
ment des secours à Carthage, 35 1); après en Sicile; il essuie plusieurs revers; Aga
la défaite d'Hanuon s'échappe de la ville thocle revient en Afrique; mais bientôt
avec toutes ses troupes, 36 b; par'une ruse après, s'étant embarqué de nouveau , seul ,
ourdie avec les habitants de Lipal‘i , il fait pour la Sicile , ses soldats dans leur déses
tomber Cornélius, avec une partie de la poir tuent Archagathe et son frère, 28 a ,
flotte romaine, au pouvoir de Boodès, son 30 a.
lieutenant; vaincu par Duilius, il envoie à Ardéates , nommés dans le premier traité
Carthage un ami qui, par une demande entre les Romains et les Carthaginois ,
adroite dans le sénat, prévient la punition 5 a.
probable de sa dél'aite ,\ 37 b , 39 a; est Ariston , Tyrien , est envoyé à Carthage
mis à la tête d’une expédition contre la par Annibal réfugié chez Antiochus, dans
Sardaigne; bloqué dans un- des ports par la quelles vues , 99 a , b.
[lotte romaine, il est mis en croix par ses Aristote donne une époque remarquable
propres soldats, 39 b, 40 a. à la victoire de Gélon sur les Carthaginois
Annibal, fils d’Amilcar Barca. Son père en Sicile, 6 b.
le demande auprès de lui en Fspagne, âgé Asdrubal, fils de Magon , onze fois sul‘.
de vingtstrois ans; son caractère , 79 a , b; fête; a rès avoir en quatre fois les hon
il succède à Asdrubal dans le commande neurs u triomphe, il meurt en Sardaigne
CONTENUES DANS CARTHAGE. :59
des suites de ses blessures, 5 b; noms de ni la commandait; il le conduit a Car
les trois fils, 6 b. t age, 37 b.
Asdrubal débarque en Sicile, attaque Bostar, commandant des mercenaires à
Métellus près des murs de Palerme; est la solde de Carthage en Sardaigne, est tué
vaincu et se réfugie à Lilybée; il retourne par eux dans leur révolte, 73 a.
à Carthage, y est mis à mort, 49 b, 50 b. Byrsa, citadelle de Carthage, r b. Sa po
.Asdrubal, gendre d'Amilcar Barca, est sition, 143 a, b.
‘ élu pour lui succéder en Espagne; il accroîl, Byzacène (la), une des provinces cartha
en se conciliant l'affection des peuples, la ginoises en Afrique, d'une extrême fécon
puissance de Carthage; il fonde Cartha dité, 135 a.
gène et gouverne cette province pendant C.
huit ans; il est assassiné dans sa propre
maison par un Gaulois, 78 b, 79 a. Cabale, ville près de laquelle Denys le
Asdrubal Hædus , un des députés cartha Tyran remporte sur les carthaginois une
ginois, dans la deuxième guerre punique , victoire éclatante, t4 a.
prend la parole dans le sénat et implore la Caius Atilius Régulus, un des consuls
pitié des Romains , 96 a. sous lesquels les Romains remportent une
Asdruhal, général carthaginois, est en victoire navale près du mont Ecnome,
voyé en Sardaigne pendant la deuxième aborde en Afrique, y remporte de grands
guerre punique, son armée y est détruite, avantages; fait prisonnier, il est envoyé à
il‘esl conduit à Rome prisonnier, 88 b. Rome pour des négociations; à son retour
Athénée nomme le Grec Palémon comme à Carthage, il y est mis à mort, [.2 a, 52 b.
ayant écrit un traité sur la fabrication des C. Fundanius Fundulus.
étoffes tissues par les carthaginois, 136 b; C. Gracchus, conduit une colonie romaine
rapporte un discours prononcé à Atbènes sur l'emplacement de l'ancienne Carthage;
par Athénion. qui y affirme que les Car signes funestes qui y apparurent, 149 b,
tliaginois ont sollicité l'alliance de Mithri 150 a.
' date contre les Romains, 153 a. C. Scmpronius Illæsus et C. Servilius
Alilius Calalinus, consul, s'empare d'flip Cœpio, consuls, passent en Afrique avec
pane; est délivré d'un danger imminent par une flotte; à leur retour en Italie ils per
le tribun Calpurnius Flamma; prend Ca dent dans une violente tempête un grand
marine; reçoit d'Amilcar un échec près de nombre de vaisseaux et d'autres bâtiments,
Lipari, 40 b, 4: b. 1.8 h, 49 a.
Aulus Atilius Calatinus, consul dans la Camarine, en Sicile; ses habitants, après
première guerre iunique, avec Cn. Corn. l'entrée d'Imilcon dans Géla, reçoivent de
Scipio, s'empare e Palerme, 48 a, b. Dcnys le Tyran un asile sur le lerriloirc de
Autarite, chef des Gaulois dans la guerre Syracuse, 9 b; un traité, qui les rend tri
de Libye, 7: a. butaires de Carthage, leur permet de ren
trer dans leur ville, ibiti; elle ouvre ses
B.
portes à Amilcar, 40 b; est prise par les
Baal-Moloch. Voyez Saturne. Romains, 4: a. '
Baccara, fleuve profond dans l'isthme Camicum, en Sicile, prise par les Ro-'
quibsépare Carthage de l'intérieur du pays, mains, 41 a. '
70 . Carthage: son origine, date de sa fonda
Baléares (îles), ce qu'elles fournissaient tion, discussion sur ses fondateurs, r, a;
aux carthaginois, x36 a. ses accroissements jusqu'à l'an 543 avant
Battus, fondateur de Cyrène, a b. J. C.; ses guerres contre (‘.yrène, contre
Bomilcar, envoyé avec Hannon contre les Phocéens, a b, 3 b; détails sur ses ports,
Agathocle, se retire sur une hauteur voi ses places et ses fortifications lors de la
sine après la déroute e! la mort d'Hannon, troisième guerre punique, me a, li; sa
par quels motifs, 22 a, 23 a; il tente de constilulion au temps de sa splendeur, les
s'emparer à force ouverte de la souveraine deux sul'fetes, les généraux, m8 a, 131 a;
puissance; il péril dans les tortures, 27 sa rigueur envers les peuples ll‘llnllllll‘r's,
a, l). étendue de sa puissance en Afrique, ses
Boodès, lieutenant d'Annibal, prend, par colonies, 13‘ a, 132 b; ses revenus, 13/. b;
un stratagème, dans le port de Lipari, une état florissant de son agriculture, 134 l),
partie de la flotte romaine, et Coi-nélius 135 I); industrie, commerce par mer et par
160 TABLE DES MATIÈRES
terre, 135 b, 136 b; monnaies, 136 b, 137 nois pour obtenir la paix des Romains,
a; forces militaires, armées navales, armées 106 b, 107 a; les consuls se font remettre
de terre, 137 a, x38 b; religion, divinités, toutes les armes; les carthaginois se prépa
sacrifices, 138 b, 140 a, 153 a, b (voyez rent ‘a soutenir un siége, se fabriquent des
Victimes humaines); littérature, :40 a, b; armes, remportent de fréquents avantages;
position de Carthage, situation des ports, les Romains s'emparent d'une partie de la
un a, 142 b; forum, curie, rues princi ville; les habitants sont en proie à la famine;
pales, I/n b, 143 a; Mégara ou la nouvelle après diverses attaques et un affreux boule
ville, i133 b; nécropoles, iéid.,- circonfé versement, Carthage est anéanlie,_el tout le
rence. î‘population présumée, 14/, a, b; tri territoire qui lui a appartenu est réduit en
ple dé ense, quais, r44 b, 145 a; portes, province romaine, m8 a, 128 a.
places publiques, temples, (‘.5 b. x46 b; Cartlialon, fils du général carthaginois
citernes publiques, gymnase, théâtre, am Malclllus, est mis en croix par son père,
phithéâtre, cirque, r46 b, 148 a; cirque, /. a, .
thermes, aqueduc d’Adrieu, prisons, palais Carthalon amène de Carthage un renfort
pi'oconsulaire, r48 a, 149 a. — CAR’I'HAGI pour Lilybée; il surprend la flotte romaine;
sous m bourru-noir nouxma. Une colonie garantit sa flotte d'une tempête qui détruit
romaine y est établie malgré les impréca les deux floues des Romains, 57 b, 59 l).
lions antérieures et quelques signes funes Casilin. Annibal, en présence de deux
tes, 11.9 a, do a; César y envoie des co armées romaines, force cette ville à capilip
ions, mais elle ne prospère que sous le ler, 86 a.
consulat de Dolabella et de Marc-Anloine, Calane, prise par les Romains, 34 b.
r50 b; Auguste y envoie de nouveaux co Calapulles. Voyez la note page 10.
lons, 15: a; est dejà florissante sous Tibére; Cenlénius Pénula, général romain, s'en
quelques troubles s'y élèvent du temps de gage lémérairement dans la Lucanie; Anni
Vespasien et de Commode; elle se révolte bal lui fait essuyer une perte de quinze
contre Maximin: le proconsul Gordien mille hommes, 88 a.
prend ‘a Carthage les marques de la dignité Centumviral : but de son institution, 7 a.
impériale; mort de son fils et de son petit Cephalœdium, port de Sicile. est livré
lils, 15s a, [5’) h; la ville est entourée de aux Romains, 48 a.
murailles, I5-a b; faits divers attestant la César envoie des colons ‘a Corinthe et à
persistance .de la race punique dans cette Carthage, 150 b, 151 a.
colonie, r52 b, 154 a; la religion chrétienne Clypéa, ville d'Afrique, la première qui
y compte des défenseurs et des martyrs, y fut prise par les Romains, 43 b; ils l'éva
154 a, b; quels auteurs ont décrit Car cuent et en ramènent la garnison en Sicile,
thage comme riche et florissante. jusqu'au 47 b
‘temps où les Vandales en ont fait la capi Cneius Cornelius Scipion Asina, consul
lale de leur em ire, I5], b, :35 b. dans la première guerre punique avec Aul.
Carlliagène, ondée par Asdrubal, gendre Attil. Calaliuus, s'empare de Palerme,
d'Amilcar, 78 b, 79 a. (8 a, b.
carthaginois : leur entreprise sur la Si r Cneus Scipio, frère de Publius Corné
cile, 3 b; leur premier, deuxième, troisième ius.
traité avec les Romains. 4 b, I5 a, 30 1); Colonne rostrale. Voyez Duiliiis.
font alliance avec Xercès, 5 b; sont repous Corbeau, machine destinée à faciliter
sés en Sicile par Gélon, 6 a; forcés d'abord l'abordage dans les combats sur mer, 38 a.
de payer un tribu! aux Africains pour prix Corinthiens, fondateurs de Syracuse; ils
du lei1‘itoire de Carthage, 5 1), ils s'en af y envoient Timoléon pour repousser l’atla
frauchissent, 6 b; leurs expéditions souvent ' que des carthaginois et rétablir le calme
renouvelées contre la Sicile, 3 b, 32 a; Pyr ans la ville, 15 b.
rbus s'empare de toutes leurs possessions Cornélius, commandant de la flotte ro
en Sicile, à l'exception de Lilybee; ils en maine dans la première guerre punique,
voient en Sicile une nouvelle année et les est pris avec une partie de sa flotte dans le
recouvrent, 3I l); perdent leur allié Massi port de Lipari par Boodès, et conduit à
nissa, qui devient l'allié des Romains; dis ‘Carthage, 37 b.
sensions non apaisées par les Romains; Cornélius Scipio, consul, commande la
guerre funeste aux carthaginois (voyez Mas‘ ' floue dans l'expédition contre 1. slrdsigne
sinissa); sacrifices continuels des carthagi et la Corse, est vainqueur d'Annibal et
CONTENUES DANS CARTHAGE. ltil
d’l-lannon, et soumet toutes les villes de Dion Cassius , sur les colons envoyés par
Sardaigne, 39 a, 40 a. César à Corinthe et à Carthage, 150 b.
torse. Voyez Cyrne. Duilius, commande l'armée romaine en
coudée, son évaluation, 145 a. Sicile, dans la remière guerre punique;
Cyrne, aujourd'hui la Corse, conquise se met à la tète d’e la flotte; invente la ma
par les carthaginois, 3 h; ils s'unissent aux chine appelée corbeau; défait la flotte car
Étrusques pour en expulser les Phocéens; thaginolse, puis reprenant le commande
les Romains s'en rendent maîtres vers la lin ment de ses légions, fait lever le ‘siège de
de la guerre de Libye, 132 b, r33 a. Ségeste et s'empare de Macella; obtient le
premier le triomphe naval, 37 b, 39 a;
colonne rostrale érigée en son honneur,
Denys l'Ancien ou le Tyran, marche au 39, a.
secours de Géla assiégée ar Imilcon. Il y . n.
essuie un échec considéraiile ; mais, favorisé Ehre, devait être pour les Romains et
par la peste, il obtient des carthaginois un les carthaginois la limite des deux em
traité de paix qui confirme sa domination pires, 78 b.
dans Syracuse, 9 b, m a; fait de grands Écli se de soleil. favorise le débarque
préparatifs de guerre; livre à la fureur du ment ‘Agathocle en Afrique, :0 a.
peuple de Syracuse les biens et les personnes Ecnome; les carthaginois sont vaincus
des carthaginois; assiégé Motya et s'en em par les Romains prés de ce mont, et per
pare , 10 b , n a. La peste ravageant l'ar dent la plus grande partie de leur flotte,
mée des carthaginois qui assiégeait Syra 41 b, 43 a.
cuse, Denys les accable de toutes parts, Egates (les îles). Près de ces îles , le con
mais facilite à Imilcon sa retraite avec les sul Lutatius remporte sur la flotte cartha
carthaginois seulement, la a. b; perd les ginoise une victoire qui met fin à la pre
possessions carthagiuoises, dont il s'était mière guerre punique, 63 a, b.
emparé, et conclut un nouveau traité de Égithalle, en Sicile, prise d'abord par le
paix avec Magon , (3 l); excite par de nou consul Junius, est reprise par le général
velles hostilités les carthaginois. qu'il défait carthaginois (‘.arthalon, 59 b.
auprès de Cabala , 1/‘. , a; fait la paix après l-Lglise (l'Afrique, quels hommes et
avoir été vaincu par Magon Il; recommence quelles femmes l'ont illustrée, :54 a, l).
la guerre, et meurt peu de temps après avoir Éléphants; soixante sont amenés en
fait un nouveau traité de paix, 14 a, 15 a. Sicile par Hannon, presque tous pris par
Denys le Jeune, succède à Denys le Ty les Romains, 35 a, 36 b; employés par
ran, son père; chassé de Syracuse, puis les carthaginois devant Adis, 4/. 1); par
de Locres, rentre par trahison dans Syra Xanthi pe, [,6 I); par Asdrubal, 49 l).
cuse , où il ne possède plus que la citadelle; 50 a, M par Hannon dans la guerre de
il la remet à Timoléon; se réfugie à C0. Libye, 69 a; par Amilcar dans la même
rinthe, t5 a, 16 a. guerre, 7! a, l), 73 b; par Annihalà
Didon ou Elysa, fondatrice de Carthage Zama, 9/. a. . '
suivant la tradition poétique, 1, 2 a; selon Elyma, chef africain , fait alliance avec
Virgile a fait construire le théâtre de Car Agnthocle, 24 a, b.
thage , 11.7 h. Ephm'c. Sou évaluation de l'armée dé
Diodore, cité sur la population d'Agri .harquée en Sicile par Annibal. fils de
gente, 9 a; sur la peste qui désola l'armée Giscon, 7 l); if. pour le siége d'Agrigente
d’lmilcon devant Syracuse, n a; nomme par Annibal et Imilcon, lils d'Hannon,
Leuco-Tunés une ville située non loin de 8 b.
Carthage, sa a; sur la grandeur du fossé Erésus, ville fondée dans une (les îles
qui défendait Lilyhée, 52 a; cité sur Ophel Baléares par les (‘.arthaginois; utilité de
las et. sur Bomilcar, 27 la; sur l'époque à ces îles pour Carthage, 133 l).
laquelle Carthage commença à avoir des Eryx, ville située sur la montagne de ce
relations avec les îles Baléares, 133 b; sur nom, d'origine phénicieune, 133 a; prise
l'état ‘de l'agriculture chez les carthaginois, par Amilcar, {.0 b; le consul Junius s'y
135 a; sur la statué de Saturne, 146 a. ménage des intelligences et s’en rend ainsi
Diogèue, général carthaginois , est rain maître, 59 b; Amilcar Barca l'emporte
cu par Scipion qui l'attaque dans son camp d'assaut; cette montagne est, pendant deux
de Néphéris, 124 a, l). ans, le théâtre de la guerre,- quelques corps
11' Livraison. (tîsnwson). il
162 TABLE DES MATIÈRES
de l'armée d'Amilcar tentent de la livrer sont établis par Denys le Tyran sur le ter
aux Romains, 6: a, 62 a; tombe au pou ritoire de Syracuse, 9 b.
voir des Romains après la victoire rem Gélon, maître de Syracuse, remporte une
portée par Lutatius, 64 b. victoire signalée sur Amilcar qui assiégeait
Eschrion, un des lieutenants d'Archa Hymère, 6 a, b; tente en vain de mettre un
gathe, est chargé par lui de défendre les terme à l'immolation des victimes humaines,
provinces _de l'intérieur de l'Afrique; il 139 b; le traité qu'il lit avec Carthage deÏ
périt dans une embuscade dressée par Han vait y être déposé dans un temple, x46 b.
non , 28 a, b. Giscon, fils d'Amilcar, est banni de Car
Espagne. Les Phéniciens y fondèrent les thage, et périt de misére'à Sélinonte, 6 b.
premiers des établissements, entre autres Giscon , gouverneur de Lilybée, la pre
Gadès; Carthage ne pénètre dans l'intérieur mière guerre punique étant terminée, fait
qu'après qu'elle a perdu la Sicile, la Corse partir séparément pour l'Afrique les divers
et la Sardaigne; quels avantages elle en corps de l'armée de Sicile, 65 a.
retire, 133 b, 134 a; Amilcar y délivre Gordien, proconsul à Carthage, y reçoit
Cadix de ses ennemis, et y commande les le titre d'empereur; il est vaincu par Capel
armées carthaginoises pendant neuf ans, lien et met lin à ses jours, 152 a, 1); son
78 a , b. (Voyez Amilcar Barca; Aunibal, fils est tué dans le combat; son petit-fils,
son fils; deuxième guerre punique.) après un règne bien court, périt d'une mort
Espagntfls, servent comme mercenaires violente, ibid.
sous Anni al fils de Giscon , 7 b; de même Gracchus , défait Hannon , lieutenant
dans les rangs des Carthaginois pour la d'AnnibaI, 86 a.
défense d'Agrigente assiégée par les Ro Grecs, fournissent des mercenaires aux
mains , 35 b. Carthaginois, 45' b; tentent en vain de met
Étrusques joints aux Carthaginois, rem tre un terme à l'immolation des victimes
portent une victoire navale sur les Phoo humaines, 139 b.
céens, et les expulsent de l'île de Cyrne (la Guerre de Libye ou contre les merce
Corse), 3 b. nairesJCauses de cette guerre, 65 a, b; ils
Eumachus, un des lieutenants d'Archa marchent sur Carthage et campent Si Tu
gathe, est vaincu par Imilcon, 28 b. nis, 65 b, 66 b;'excilés par deux séditieux,
Eusèbe, cité sur les fondateurs présumés Spendius et Mathos, ils chargent de fers
de Carthage, 1 b. Giscon et ses compagnons, et mettent le
Eutrope, cité sur le motif de l'évacua siège devant Utique et Hippone, 67 a, 68 b;
tion de Clypéa par les Romains, 48 s. sont vaincus par Hannon, profitent de sa
négligence et le battent à leur tour, 69 b,
F. 70 a; sont défaits par Amilcar, 70 a, 7: b;
Fabius, consul, s'em are d'une île dans il les bat de nouveau et tente de terminer
laquelle il établit ses mac ines pour le siège la guerre, 71 b, 72 b; Spendius et Mathos
de Drépane, 60 a, b. la rallument en faisant mourir Giscon et les
Femmes, tl-availlent dans les temples, à prisonniers carthaginois, 73 a, 74 b ; ils as
Carthage, pour la fabrication des armes, sa siégent Carthage, éprouvent toutes les hor
crifient leurs cheveux pour faire des cor reurs de la famine; leurs chefs, d'après un
dages, 109 b; fin désespérée de la femme traité, sont retenus“par Amilcar, les révol
d'Asdrubal, (27 a. tés courent aux armes, Amilcar les exter
Festus Aviénus. On a de lui des frag mine, 75 a, 76 b; il fait le siège de Tunis;
ments où il parle du péri le d'Imilcon sur Aunibal son lieutenant y est pris et mis en
la côte occidentale de l’A ique, 134 a, b. croix par les rebelles, 76 b, 77 a; Hannon
Florus, consul romain, s'oppose en Sicile est adjoint à Amilcar; ils oublient leurs que
aux progrès d’Amilcar. relles et remportent une victoire décisive,
assiégent et soumettent Utique et Hippone,
G. 77 a, b.‘ n
Gaulois, servent comme mercenaires dans Guerres puniques. Causes de la premiere,
les rangs des Carthaginois, 35 a. 32 b, 33 a; défaite des Carthaginois et
Gaulos, petite île de la Méditerranée, ser rise de Messine; Syracuse est assiégée par
vait aux Carthaginois de station pour leur es Romains, 33 a, 34 a; rapidité de leurs
commerce, 133 b. progrès, font un traité d'alliance avec Hié
Géla, prise par Imilcon; les habitants en ron, 34 b, 35 a; assiégent Agrigente, rem
CONTENUES DANS CARTHAGE. 163
ponent la victoire sttr Annibal qui était sieurs corps de mercenaires, 61 a, 62 a; les
dans la place, et sur Hannon qui venait la Romains equipent une nouvelle flotte, sont
secourir; ils s'emparent de la ville, 35, a, vainqueurs près des îles Égates; un traité
37 a; les carthaginois recouvrent un grand de paix termine la guerre, 62 a, 6/; b.
nombre de villes maritimes; les Romains Deuxième guerre punique. Causes de cette
construisent une flotte; Cornélius est fait guerre, 80 a. b, 81 a; ruine de Sagonte par
prisonnier et conduit à Carthage, 37 a, b; Annibal; Fabius, dans le sénat de Carthage,
victoire navale de Duilius, ses succès en offre la paix ou la guerre, 81 a, b; Annibal
Sicile, 37 b, 39 a; suites fâcheuses de la dis entre dans les Gaules, franchit les Alpes,
sension entre les légions et les auxiliaires, entre en Italie, 82 a, b; remporte un avan
39 a, b; Annibal, à la tête d'une nouvelle tage sur les bords du Tèsin; le consul Sci
flotte, passe dans la Sardaigne; Cornélius pion y est blessé; Sempronius, qui s'était
Scipio s’empap d'abord de la Corse, puis emparé de Malte , vient au secours de son
détruit dans un des ports de la Sardaigne la collègue, il essuie une défaite sur les bords
plus grande partie de la flotte d'Annibal; il de la Trébie; les Gaulois dans la Cisalpine
défait ensuite Hannon et soumet toutes les prennent arti pour Annibal; il gagne l'E
villes de cette île; le consul Florus arrête trurie et al le consul Flalniuius sur les
les progrès d’A milcar, 39 b, 40 b; les Ro bords du lac Trasimène; le consul Fabius
mains marchent sur Camarine, s’engagent l'arrête; mais bientôt les consuls Paul Émile
témérairement dans des défilés, sont sauvés et Varron essuient près de Cannes une
par le dévouement de quatre cents hommes cruelle défaite, 82 b, 83 b; cependant An
d'élite et du tribun M. Calpurnius Flamma: nibal échoue devant Naples, mais Capoue
ils s'emparent de Camarine et de plusieurs lui ouvre ses portes; Magon son frère, se
autres villcs,essuient un échec sous les murs rend à Carthage et demande des secours,
de Lipari, 40 b, [.1 b; remportent une on lui en accorde d'insnflisants, 84 a, 85 b;
grande victoire navale près du mont Ec Rome lui oppose le consul Marccllus; il se
nome, la b, 43 b; abordent en Afrique et rend maître de plusieurs villes; mais son
y assirgent Clypéa, s'en emparent et la for lieutenant Hannon ayant perdu seize mille
tifient, 43 b; assiégent Adis, et défont les hommes, il n'espère plus se maintenir dans
(‘.artliaginois devant cette place, prennent l'ltalie centrale, 86 a; fait alliance avec
Tunis et y établissent un camp, [,4 b, 45 a; Philippe, roi de Macédoine, 86 a, 87 b; va
négociations infructueuses, ibid.; Xanthippe jusque sous une des portes de Rome, ré.
de Lacéde'mone reçoit le commandement trograde , mais ne peut empêcher la prise
de l'armée des carthaginois, et remporte de (‘.apone par les Romains, 87 b, 88 a; les
sur les Romains une victoire signalée; Ré Carthaginois font de nouveaux efforts pour
gulus est fait prisonnier, 45 b, 47 a; la recouvrer la Sicile, la perdent sans retour,
flotte romaine est détruite , en grande par 88 l), 89 a; ils éprouvent en Espagne des
tie, par une tempête, 48 a; les carthaginois revers continuels; ils perdent Cartltagène,
s'emparent d'Agrigente et la ruinent entiè leur trésor et leur arsenal; cependant As
rement, ibid.; prise de Palerme par les Ro drubal pénètre en Italie, 89 a, 90 b; son
mains, 48 b; ils perdent dans une tempête, armée y est exterminée, il périt dans le com
près de Palinure, un grand nombre de vais bat; I’Espague entière, après la prise de
seaux, 49 a; les carthaginois envoient de Gades, est sous la domination romaine,
nouvelles forces en Sicile, 49 b; essuient 90 b, 91 a; Annibal et Magon sont rappe
une sanglante défaite devangPalerme, 50 a, les en Afrique; Scipion Utique, il
1); ils envoient Régulus à Rome pour né surprend Asdrubal et Syphax, détruit la
gocier la paix; son opinion prononcée dans dernière armée de Carthage, 91 b, 92 b;
le sénat, son retour ‘a Carthage, où il subit Annibal est vaincu à Zama, conseille à ses
une mort cruelle, 50 b, 52 a; les Romains concitoyens de demander la paix, Scipion
assiégent Lilybée, longue résistance de cette en dicte les conditions, accroît la puissance
place, 52 a, 59 a; les Romains perdent leurs de Massinissa, 93 b, 96 b.
deux flottes par la tempête, 59 a; le consul Troisième guerre punique. Les consuls
.lunius s'empare de la ville d'Eryx, ibid.; Manilius et Censorinus assiégent Carthage;
Amilcar Barca s'empare d’Ercté et s'y main Manilius est attaqué dans ses retranc e
tient trois ans, 59 b, 61 a; il fait entrer des ments et sauvé par le jeune Sci ‘on, fils de
secours dans Lilybée, s’empare d'Eryx, n’est Paul Émile, 109 b, ru b;1 attaque le
point découragé par la défection de plu camp d'Asdrubal à Néphéris, est encore
11.
l64 TABLE DES MATlÈRES
sauvé ar Scipion, au a, 113 a; après la ne peut apaiscr la révolte des mercenaires
mort e Massinissa, Gulussa, un de ses fils, contre Carthage, 65 l), 66 l).
se joint aux Romains; Phamreas, général de Hannon , envoyé contre Agathocle en
la cavaleriecarthaginoise, passe aussi de leur Afrique, , est vaincu et tué dans la première
côté, un a, 115, a; Calpurnius Pison et bataille qu'il lui livre; Bomilcar son col
L. Mancinus prennent le commandement en lègue, par iuimitié contre lui et voulant
Afrique; au siège d’Hippone par Pison, les usurper le pouvoir , abandonne le champ
Carthaginois incendient les machines des de bataille, 22 a, 23 a.
Romains; Carthage est agitée par des divi Hannon, riche citoyen de Carthage, veut
sions intestines m5, a, 116 a; Scipion par la force s'emparer du pouvoir; il périt
nommé consul, sauve les soldats de Manci avec ses fils et tous ses parents au milieu
nus, prend le faubourg de Mégara, 117 b, des supplices, 17 a, l).
:18 a; Asdrubal massacre les prisonniers Hécatompyle, dans la Libye, est prise
romains, exerce des cruautés dans Carthage par Hannon, 60 a.
qui est en proie à la famine, essaye de trai Héliogabale veut unir le dieu Baal ct- la
ter avec les Romains, ses deux entrevues Juna Cœlestù, :53 b.
avec Gulussa, réponse de Scipon, 118 a, Héraclide, un des deux fils d’Agathocle,
120 l); Scipion ayant presque fermé l’en 20 8. V. Agathocle.
trée des'ports. les assiégés ouvrent une nou Hercule Tyrien, ou Melcarth-Héraclès,
velle issue, et engagent un combat naval; protecteur de T r et de Carthage; Cartha
ils brûlent les machines de guerre des Ro lon , fils de Ma chus, lui porte le dixième
mains; Scipion reste maître de leurs ouvra du butin fait en Sicile, 4 a; dans un temps
ges avancés, 123 b, m4 a; défait. entière de revers les Carthaginois lui envoient de
ment l'armée campée devant Népliéris et riches présents, 23 a, 1); ils transportèrent
prend cette ville, 124 a, b; prise et incen son culte dans leurs colonies , [46 a.
die de Carthage; toute la partie de l'Afrique Hermœum, promontoire en Afrique, où
soumise aux Carthaginois est réduite en abordèreut les premiers navires romains
province romaine, m5 a, 128 a. dirigés sur cette côté, 43 b.
Gula. chef numide. se joint aux Cartha Hérodote : à quel jour il fixe la victoire
ginois dans la deuxième guerre punique, de Gélon sur les Carthaginois qui assié
88 b. geaient l-lymère, 6 1); quelle fut. selon
Gulussa, fils de Massinissa, est interrogé lui, la mort d’Amilcar, fils de Magon,
à Rome sur la conduite de son père contre ibid.
les Carthaginois, 102 b; est envoyé par son Hiéron, roi de Syracuse, fait d’abord
père à Carthage avec une mission, il n’est avec succès la guerre aux Carthaginois ,
point admis dans la ville, 104 a; après la s'unit ensuite à eux contre les Romains
mort de son père, il est amené par Scipion pour recouvrer Messine, 32 a, 33 b; vaincu
dans le camp des Romains, x13 . ' par les Romains il retourne à Syracuse, _v
est assiégé par eux; il se sépare des‘Car
Il. thaginois et fait alliance avec les Romains,
Halycus , fleuve qui fut longtemps la 34 a , I); leur fait parvenir des vivres pen
limite entre les possessions des Carthagi dant qu’ils assiégent Agrigente, 36 a; leur
nois et celles des Syracusains en Sicile, fournit des machines pour le siège de Ca
133 l). marine, 41 a ; d'après le traité fait par les
Hannon (le vieil) est envoyé en Sicile avec Romains avec les Carthaginois , ceux-ci ne
un renfort pour Agrigente, 35 a; il qt feront la guerre ni contre Hiéron ni contre
vaincu par le consul Poslumius 36 b; des les Syracusains, 64' a; il est bienveillant
titué et condamné à une forte amende,37 a. envers les Carthaginois, surtout dans la
Hannon succède à Annibal dans le com guerre de Libye. 75 a ; ses États ‘sont dévas
mandement de la flotte qui défendait la tôs par une llotte carthaginoise, 88h; meurt
Sardaigne, est vaincu et perd la vie dans allié des Romains, 89 a.
un combat, 40 a. Hiéronyme, petit-fils du roi Hiéron , lui
Hannon s’empare d’Hécatompyle en Li succède à Syracuse , 89 a.
bye. traite les vaincus avec humanité, 60 a; Himilcon , général carthaginois , lutte
passe en Sicile pour se joindre à Amilcar. souvent avec succès contre les Romains en
est prévenu par le consul Lutatius qui l'at Sicile, 89 a; succède à Asdrubal dans le
taque et remporte la victoire, 62 'o. 63 1); gouvernement de l'Espagne, 89 b.
CONTENUES DANS CARTHAGE. 165
Hippane, en Sicile, prise par les Romains, d'un mal contagieux dans l’armée d'lmilcou
40 b. . en Sicile, 7 a, b; est le seul qui fasse men
Hippone, assiégée par les mercenaires tion d'un arrêt du sénat de Carthage qui
dans la guerre de Libye, 686; prend tout aurait interdit aux carthaginois l'étude et
à coup parti pour eux, 74 b ; soumise entin l'usage de la langue grecque, 1], b. Lui seul
par Amilcar et Hannon, 77 b; résiste aux aussi a transmis le récit de la conspiration
Romains‘, 115 a; saint Augustin en fut d'Hannon, 17 a, b; cité sur le supplice de
évêque, 154 b. r Bomilcar, 27 b; sur une expédition des
Hippozaritus, prise par Agatbocle, 27 b; carthaginois contre la Sardaigne, 13:) b.
avait été l'ondéorpar les Phéniciens , 132 a.
Hymére , assiégée par Amilcar et secou
Karchedon, un des fondateurs de Car
rue par Gélon , 6 a; prise d'assaut et Irai
tée cruellement par Annibal . petit-fils d'A thage, r b.
L.
milcar, 8 b.
1. Langue grecque, interdite, selon Justin .
aux carthaginois, 14 b.
lcélas , tyran de Léontiuln , s'empare de Léonidas , roi de Lacédélnone, refuse son
Syracuse, mais non de la citadelle ; est secours à Amilcar en Sicile, 6 a.
vaincu deux fois et repoussé par Timoléon, Lepline, un des généraux de Denys le
[5 b, 16 a. Tyran, est tué dans une bataille gagnée
[milcon , général carthaginois , défend par Magon, Il, 14 a.
courageusement Lilybée , 52 b ; attaque Leuco-Tunès. ville prise par Agatliocle,
vivement les machines des Romains; leur non loin de Carthage, 22 a.
fait perdre beaucoup de monde par une Lilybée, d'origine pbénicienne; les Car—
sortie; favorisé par un ouragan , il détruit tbaginois fondèrent sur cette côte leurs
leurs machines par le feu, 55 a, b. premiers établissements en Sicile, 133 a.
Imilcon, fils d'Amilcar; après plusieurs Asdrubal en part pour attaquer Métellus;
victoires en Sicile , son armée y est désolée vaincu, il s'y réfugie, 49 b, 50 b; est assié
par une maladie contagieuse, Il en ramène gée par les Romains; courageusement dé
les débris à Carthage et s'y donne la mort , fendue par Ilnilcon, reçoit un renfort amené
7 a, b. par Annibal, des vivres par Adberbal, des
Imilcon, fils d'Hannon, est donné pour secours et des vivres par Amilcar, 52 a, 61
lieutenant ‘a Annibal; il assiége Agrigente a; Lutatius s'empare du port; il y amène
et s'en rend maître par la famine, 8 b, 9 ; ses prisonniers et les vaisseaux qu'il a pris
ne peut empêcher la prise de Motya par près des îles Égates, 62 b. 63 b.
Denys le Tyran, :0 b; étant nommé suf Lucius Junius, consul dans la première
fète, il envoie secrètement à la tête de dix guerre punique, est chargé d'amener des vi
vaisseaux légers un commandant qui coule vres et des munitions à l'armée qui assiége
à fond tous les vaisseaux qui se trouvaient Lilybée; jette l'ancre près de Camarine,
dans le port de Syracuse; ‘son retour en Si plage dangereuse; lés deuxlfloltes romaines
cile où il reprend Motya et plusieurs autres y sont presque entièrement détruites par la
villes, forme le siège de Syracuse, commet tempête, 57 b, 59 a; il s'empare de la mon
des actes d’impiété, n a, b; une maladie tagne et de la ville d'Éryx; la place d'liîgi
contagieuse accable son armée ; il est vaincu tballe lui est enlevée par (‘arthalon, 59 a, b.
par Denys sur terre et sur mer , la a, b; Lucius Manlius Vulso , consul , chargé
à quel prix il se retire avec les seuls Car avec C. Atilius Régulus de préparer une
tbaglnois; linit misérablement-à Carthage, nouvelle flotte, 49 b.
m b , 13 a. Lutatius, consul, passe en Sicile à la tête
I. d'une llotte nombreuse; remporte, près des
Jérôme (saint), cité'sur les fondateurs iles Êgates, une victoire qui met fin à la
présumés de Carthage, r b. première guerre punique, 62 b, 64 a.
Junius. V. Lucius Junius. Lyciscus, un des lieutenants d‘Agathocle,
Junonia , nom donné à la ville qui fut est tué par Archagatbe au milieu d'un re
fondée par la colonie romaine établie sur pas, 26 a.
le sol de Carthage, r50 a. M.
Justin , cité sur‘ les victimes humaines Macella, ville de Sicile, emportée d'as
innnolées à Carthage, 4 a; sur les ravages saut par Duilius Ïig a.
166 TABLE DES MATIÈRES
Magon, sufl‘ète et général carthaginois, dans un combat, 88 a; Syracuse s'étant dé
vient avec une flotte au secours des Romains, clarée pour les carthaginois, il en avait fait
aprèsleurs défaites par Pyrrhus, 3: a; dans le siége et s'en était emparé, 89 a.
quel but il a une entrevue avec lui, ibid. Marcus Æmilius Paulus, consul pendant
Magon, sull'ète et général carthaginois, la première guerreJxunique, 1,4 a.
établit le premier la discipline militaire, Massinissa, roi ‘une partie de la Numi
augmente la puissance de sa patrie et laisse die, allié de Carthage, passe du côté des
deux [ils illustres, 5 b; pouvoir de cette Romains, 9! a; agit avec eux lors de l'in
famille, institution d'un tribunal destiné à cendie du camp des carthaginois par Sci
le tempérer; 6 b, 7 a. pion, 92 b; combat avec les Romains à la
Magon, a la tête de la flotte jointe à l'ar Journée de Zama, 94 a; reçoit de riches
mée d'lmilcon, remporte une victoire signa présents des ambassadeurs romains, 97 b;
lée sur la flotte syracusaine, u b. attaque les carthaginois, 99 b, 100 b; ses
Magon, suffète et général carthaginois envahissemeuts ne sont point franchement
est envoyé contre Denis le Tyran; reprend rèprimés par les Romains, 101 b, 103 a;
les anciennes possessions carthaginoises, et quarante citoyens de Carthage, partisans de
conclut un nouveau traité de paix avec De Massinissa, sont bannis de cette ville, ils
nys, 13 b; est de nouveau envoyé contre excitent à la guerre Massinissa, qui s'empare
Denys; bataille décisive auprès de Cabala; d'Oroscope, 1'05 a; une première bataille
,Magon vaincu y perd la vie. 14 a. livrée par Asdrubal laisse la victoire do‘u
Magon [1, fils du précédent, remporte teuse; la peste ravage l'armée des Cartha
sur Denys de grands avantages, 14 a, b; en ginois; Massinissa accorde la paixà de dures
voyé à la tête d'une forte armée et d'une conditions, :05 a, 106 a; promet aux Ro
flotte nombreuse pour s'emparer de Syra mains une loyale assistance dans leurs nou
cuse assiégée par Timoléon, ilzse croit trahi velles entreprises contre Carthage, uo a;
par ses troupes et les ramène à Carthage; charge Scipion de régler les affaires de sa
il prévient par une mort volontaire le sup succession, 1 x3 b.
plice auquel il est condamné, [5 b, 16 a. Mathos, chef des mercenaires dans la
Malchus s'empare de la plus grande par guerre de Libye. Voyez Guerre de Libyc.
tie de la Sicile, 3 b; banni de Carthage, Mauritanie Tingitane. Syphax et les siens
comme l'auteur des revers essayés en Sar sont repoussés jusque dans cette contrée par
daigne, il y rentre par la force des armes les carthaginois dans la deuxième guerre
près avoir fait mourir son fils; fait mettre punique, 88 b.
à mort dix des sénateurs; bientôt après il Mégalopolis, emportée d'assaut par Aga
périt lui-même accusé d'aspirer au trône, tliocle, 22 a.
4 a, b. Mégara, ou la nouvelle ville, partie la
Malga, village moderne; sur quelles rui moins peuplée dans Carthage. x43 b.
nes il est bâti, 146 b. Mercenaires, tirés de l'Afrique et de l'Es
Malte ou Mèlita, avait appartenu aux pagne par Annibal, fils de Giscon, 7 b;
Phéniciens, Carthage s'en était emparée; Etrusques, Celtes et Samnites sous Agatho
était renommée pour ses tissus, 133 b; cle, 29 a; levés par les carthaginois, dans la
Sempronius s'en rend maître, 88 a. première guerre punique , dans la Ligurie,
Mamertins (les) se rendent maîtres de Mes la Gaule et surtout dans l'Espagne, 35 a;
sine, s'unissent à une légion romaine, qui, chez les Grecs pour résister aux Romains,
avec leur secours, s'empare de Rhége, 32 b, 45 1); quatre mille d'entre eux soutiennent
33 a; bientôt après, les uns livrent la cita Bomilcar qui aspirait à la tyrannie, 27 a;
delle de Messine aux carthaginois; les au . les carthaginois, dans un avantage qu'ils ont
tres offrent cette ville aux Romains qui sur Agathocle, accablent les mercenaires et
leur promettent de les secourir, 33 a. en tuent environ trois mille, 28 a, b; les
Manlius, consul, remporte avec Régulus mercenaires des carthaginois, revenus de
une victoire navale sur les carthaginois, Sicile en Afrique après la première guerre
rès du mont Ecnome, 42 a, 43a; reçoit punique, se révoltent contre Carthagmvoy.
‘ordre de retourner à Rome avec les pri Guerre de Libye; se révoltent aussi en Sar
sonniers romains retrouvés en Airique, et daigne; les soldats d’Hannon se joignent à
une partie de la flotte, 44 a. eux, massacrent Hannon et tous les Cartha
Marcellus, consul, arrête Annibal dans ginois qui étaient dans l'île; ils sont ensuite
presque toutes ses entrepises, 86 a; est tué expulsés par les habitants de la Sardaigne.
CONTENUES DANS CARTHAGE. 161
qui est ainsi perdue pour les carthaginois, Peste : désole Carthage après sa conquête
.7: b, 73 a. - . d'une grande partie de la Sicile, 3 b; ra
Mutine est occupée par les Mamertlns, vage en Sicile l'armée d’lmilcon, 7 a; dé
3: b; devient le sujet de la première guerre sole: l'armée cartbaginoiae , et fait mourir
punique; les habitants, excités par les pro Annibal, fils de Giscon, au siége d'Agri
Inæses du consul romain qui s'est introduit gente, 8 b; Imilcon, maître de Géla, mais
dans la lace, chassent de la citadelle le forcé par une maladie contagieuse de faire
commun ant qui la tenait pour les Cartha la paix avec Denys le Tyran, ramène la
ginois : ceux-ci assiégent la ville; elle tombe peste à Carthage, 10 b; au siége de Syra
au pouvoir des Romains, 32 b, 34 b. cuse , il voit de nouveau son armée en proie
Métaure, fleuve de l'Ombrie, sur les à ce fléau. sa a; il affaiblit de nouveau
bords duquel Asdrubal est vaincu par les Carthage, la b; ravage l'armée carthagi
Romains, 90 b, 9! a. noise dans la guerre contre Massinissa,
Micipsa, fils de Massinissa. 106 a.
Mille romain : son évaluation, :41 b. Phamæas , général de la cavalerie cartha
Motya, en Sicile, ville d'origine phéni ginoise, combat souvent contre les Ro
cienne, 183 a; prise par Denys le Tyran, mains avec avantage, puis passe de leur
[0 b, H a; reprise par Imilcon, n a. côté, une, u5b. '
Mutine, général carthaginois, livre Agri Philènes (les frères) : leur dévouement
gente aux Romains, 89 a. pour Carthage leur patrie, a6, 3 b.
Mylæ, en Sicile. Près de cette ville , Dui Philippe, roi de Macédoine, fait un
lius remporte une victoire natale sur les traité avec Annibal , 86 a, 87 b.
carthaginois, 38 a. Philistus, cité sur les fondateurs pré
Mytistrate. Les Romains sont obligés sumés de Carthage , r b.
d'en lever le siége , 39 b; elle capitule , est Phocéens, sont vaincus sur mer par les
néanmoins livrée aux flammes, 40 b. Étrusques et les carthaginois réunis , 3 b.
N.
Pied grec, son évaluation, x45 a.
Plèthre, son évaluation , 145 a.
Naravase, un des chefs des Numides . Plutarque, rapporte l'exclamation de
dans la guerre de Libye, passe du côté d'A Pyrrhus s'éloignant de la Sicile, 31 b.
milear , et contribue puissamment à ses vic Polybe. Texte donné par lui du premier
toires, 72 a, b, ‘75 a, b. traité entre les Romains et les carthagi
Neptune. Les carthaginois lui sacrifient nois, 4 b, 5 a; cité sur la longue lutte entre
plusieurs victimes humaines , 8 b. Amilcar Barca et les généraux romains,
Numides, se joignent aux mercenaires 60 b; sur la guerre contre les mercenaires,
dans leur révolte contre Carthage, 65 a. 66 a; rendus furieux par la faim , dit-il,
les mercenaires se dévorent entre eux,
0.
66 a; rapporte le traité fait entre Philippe,
Olbia. en Sardaigne, est prise par les roi de Macédoine, et Annibal, 86 a, 87 b;
Romains, 40 a. raconte deux entrevues d’Asdrubal et de
Olcades , peuples d'Espagne vaincus par Gulussa, m9 a, 120 b; son jugement sur
Annibal, 81 a. _ Asdrubal, examen de ce jugement, i'ao b,
Ophellas, roi de la Cyrénaîque, périt vic I 22 b; cité sur l'aspect florissant de la cam
time de la perfidie d'Agathocle, a 6 b , 27 a. pagne de Carthage lors de la première
Orethus, rivière qui coule près de Pa guerre punique, 135 a. .
lerme, 50 a. Procope, cité sur l'origine des Maures et
Orose , donne la date d'un second traité l'établissement des colonies phéniciennes
entre les Romains et les carthaginois, 15 a. en Afrique, 2 a.
Proserpine, dut avoir un temple et des
P.
prêtres à Carthage, r46 a, b.
Palerme ou Panorme. Amilcar y aborde Ptolémée Philadelphe, refuse aux Car
avec une flotte redoutable, 6 a: prise par thagiuois de leur prêter une somme dont
les Romains, 48 b; était d'origine phéni ils lui faisaient la demande, 49 b.
cienne, x33 :1. Puhlius Claudius Pulcher, consul dans
Palinure, cap sur la côte d'Italie; en le la première guerre punique; son impru
doublant, une flotte romaine a beaucoup dence cause la perte de la flotte romaine;
à souffrir d'une violente tempête, 49 a. ses paroles et son action irréligieuses au
168 TABLE .DES MATIÈRES,
ornent où l'action-allait s'engager; il est terroir et caractère des habitants, 39 b;
puni par une forte amende, 56 ‘a, 57 b. soumise par les Romains, 40 a; retombe au
. Pyrrhus, remporte en Italie‘ plusieurs pouvoir des habitants dans la guerre de
victoires sur les Romains; gendre _d‘gga Libye, ‘;a b, 73 a; les'carthaginois équi-J
tllocle, il pouvait ,se faire de cette alliance pent une flotte pour la reconquérir; les
untitre pour posséder la Sicile; il y aborde, Romains leur déclarent la guerre; les Car
enlève aux Carthaginois tout ce qu’ils y thaginois abandonnent la Sardaigne, 78 a;
possédaient, excepté Lilybée; il en fait le ils y avaient fondé deux villes, mais n'a
siégtsansguccès; excite le mécontente vaient pu en soumettre tous les habitants;
ment des Siciliens par sa dureté; perd importance de cette île pour Carthage,
toutes ses conquêtes et retourne à Tarente, 132 b.
îob, 3x b. Saturne. Un enfant lui est immolé dans
la peste qui ravage l‘armêe des Carthagi
nois au siège d'Agrigente , 8 1); était aussi
Régulus, un des consuls sous lesquels nommé Bual Moloch; ce que contenait son
laÿflotte romaine fut vaincue près du mont temple , 146 a; à quel affreux usage ser
Ecnome en Sicile, 42 a, 43 a. vait sa statue, ibid.
Régulus, prisonnier ‘a Carthage. Voyez Scylax, cité sur l'étendue du territoir'e
Caius'Atilius Requins. carthaginois, en Afrique, 132 a;'sur la
Rhége. Une‘ legion romaine s'empare de fécondité de la Byzacène, 135, a. - '
cette ville et s'allie aux Mamertins, maîtres Ségeste. Ses habitants implorent l’appui
de Messine; les Romains rendent la ville de Carthage et se mettent à sa discrétion,
à ses anciens habitants, 32 b, 33 a. 7 b; assiégée et réduite à la dernière ex
. Romains. Premier traité entre eux et les trémité par les Carthaginois; Duilius en
Carthaginois, 46; second traité, 15 a; troi fait lever le siège, 39 a.
5ième traité, d'après quels motifs, ,39 b, 31 Sélinonte devait envoyer à Amilcar, en
a; n’aceeptent point les secours que leur Sicile, un renfort de cavaliers, 6 a.
envoient les Carthaginois d'après ce traité, Sempronius s’empare de l’ile de Malte,
31 a; un traité de paix termine la première 88 a.
guerrepunique, 63 b, 64 a; les traités sont Serranus remplace Mancinus dans son
fidèlement observés ar les Romains pen commandement en Afrique, 117 a.
dant la guerre'de Ligye, :75 a, b; ils éta Servilius tente une descente en Afrique;
blissent en E5 agne, par un traité avec As est repoussé avec perte, 88 a, b.
drubal, que 1' re sera la limite des deux Servius Fulvius , consul avec Marcus
empires, 78 b; par quels moyens ils ren Æmilius, met en déroute la flotte carthagi
dirent de plus en plus‘ difficiles aux Car noise près du promontoire Hermæum, 47 b.
thaginois les levées de mercenaires, 128 b. Servius Pætinus Nobilio, consul pendant
la première guerre punique, 44 a.
S. Sicca, ville de Numidie : la révolte des
'Sagonte, enelavée entre les limites des mercenaires contre Carthage y éclate, 65 b.
Romains et celles des Carthaginois en E9 Sicile, est presque en entier conquise par
pagne, devait conserver son indépendance, les Carthaginois, commandés par Malclms,
78 b; est minée par Aunibal; devient 3 a; renfermait plusieurs villes d’origine
ainsi la cause de la deuxième guerre puni< phéuicieune; établis d'abord sur la côte de
que, 81 a; rétablie huit ans après par les Lilybée, les Carthaginois, en y étendant
Romains, 90 a. V leurs conquêtes, y soutiennent des guerres
Saint Augustin. Sur la terreur inspirée fréquentes jusqu'au temps de leur expulsion
par le dieu Baril-Moloch, 146 a; quel fut par les Romains, 133 a (voyez Agathocle,
son premier ouvrage contre les donatistes, Denys l'Ancien, Denys le Jeune, Gélon, T1
153 b; ses longues controverses, 154 b. moleon, Pyrrhus, première guerre punique);
Salluste: son récit sur la guerre entre est abandonnée pour jamais par les Cartha
Carthage et Cyrène, et sur le dévouement ginois, 89 a.
des frères Philènes, a b, 3 b. Silanus, a traduit en latin un traité de
Sardaigne, envahie par les Carthaginois, Magon sur l'agriculture. 140 a.
9. b; dans quels cas, à quelles conditions Soloès, en Sicile, ville d'origine phéni
ils permettent aux Romains d'y aborder, cienne, 133 a.
d’y faire-le'commerce,4 b, 5 a; nature du Stade; son évaluation, :4: b, 144 a.
CONTENUES DANS CARTHAGE. 169
Spendius, chef des mercenaires dans la Tertullien, nature de son génie, 154 a.
guerre. Thermes, fondés par les carthaginois, I
Suffètes. Malchus est le premier nommé 8 a.
par l‘histoire, 3 b, :30; Asdrubal revêtu Timée. Son évaluation de l'armée débar
onze fois de cette dignité, 5 b. quée en Sicile par Annibal, fils de Giscon,
Syphax, roi d'une partie de la Numidie, 7 b; it. pour e siége d'Agrigente par An
se déclare pour les Romains; les carthagi nibal et tmilcon, fils d‘Haunon. 8 b.
nois le repoussent, 88 b. Timuléon, envoyé par les Corinthiens au
S_\ racusains, secourent d'abord avec suc secours de Syracuse, défait leétas, entre
cès Agrigente assiégée, mais ne peuvent en dans Syracuse, reçoit de Denys le Jeune la
empêcher la prise par la famine, 8 b, 9 a; citadelle et toutes les troupes qui s’y trou
donnent à ses habitants la ville des Léontins vaient; Magon lI, effrayé, retourne a Car
pour asile, 9 a; d'après un traité conclu thage qui envoie de nouveau une armée
avec les carthaginois demeurent soumis à nombreuse; Timoléon, favorisé par un
Dcnys le Tyran, 10 a; suite de leurs guer orage, la défait entièrement; il accorde la
res contre les (‘arthaginois, 10 a, 30 b.Voy. paix aux carthaginois, 15 b, 17 b.
Denys le Tyran. Tite-Live rapporte la mission à Carthage
Syracuse donne une idée de sa puissance de Magon, frère d'Annibal. 84 a. 85 b;
par la défaite des Atbéniens sous Nicias, énonce les conditions du traité fait entre
7 b; devient, sous Denys le Tyran, un Annibal et Philippe, roi de Macédoine, 87
vaste atelier de vaisseaux, d'armes et de b (voy. la note); rapporte, d'après certains
machines contre Carthage. 10 a; troubles historiens, qu‘Amilcar, vaincu dans la Gau
après la mort de Denys le Tyran; Cartha le, fut pris et mené à Rome, où il parut
ge, Icétas et Timuléon, envoyés par les C0 dans un triomphe, 97 b (voy. la note).
rinthiens, se disputent cette ville; Denys le Tyr. Carthage en est une colonie, r a;
Jeune en sort et se réfugie àCorintbe; Ti chaque année elle y envoyait la dîme de
moléon s'en rend maître , 15 a, :6 a; sous tous ses revus, 23 a.
Agathocle reste la seule ville en Sicile non U.
soumise'aux barbares, 19 b; est assiégée
A par les carthaginois; Agathocle en sort Utique, sa position, 1 a; fondée avant
pour les attaquer dans l'Afrique même, 19 Carthage, a a; mentionnée comme alliée de
, no'a; Amilcar en lève le siège, 21 b; il Carthage dans le second traité entre les
l'attaque de nouveau, est défait et y est mis carthaginois et les Romains, 15 a, :32 a;
à mort, 25 a, b; après la mort d‘Agatbœ est prise par Agathocle, 27 b; est assiégée
cle,_la démocratie ramène les dissensions par les mercenaires dans la guerre de Libye,
dans Syracuse; les Carthaginoîs l‘assiégent 68 b; prend tout à coup parti pour eux,
par terre et par mer, 30 b; les Syracusains 74 l); soumise enfin par Hamilcar et Han
députent vers Pyrrhus pour implorer son non, 77 b.
secours; ceroi est bientôt forcé d'abandon V.
ner la Sicile, 3! a, ,b; Hiéron est nommé Vaocéens, peuples d’Espagne, vaincus par
roi par les Syracusains, 32 a; dans la deuxiè Annibal, 8 r a.
me guerre punique, embrasse le parti des Vénus Érycine avait, sur le mont Éryx,
carthaginois; est prise par Marcellus, 89 a. le plus beau de tous les temples de la Si
'1'.
cile, 59 a; il tombe au pouvoir du consul
Junius, ibid.
Tage :près de ce fleuve, Annibal défait Victimes humaines immolées à Carthage
les Oleades, les Vaceéens et les Carpétans dans un tem de peste, /. a; immolées,
réunis, 8! a. suivant Héroäâte, par Amilcar sur un bû
Talent. Son estimation. cher dans lequel il se précipite lui-même,
Tluvanegâ Phalaris, transporté à Car 6 b; immolées ‘a'Saturne et à Neptune pour
! e,st 9 b. uauxAgrigentins P8 rSci P1‘on
äilien, obtenir la fin de la peste lors du siège d'A
grigente, 8 b; immolém en très-grand nom
Tauromeuium‘, prise par les Romains, bre i Saturne par les carthaginois, après
34 b. leurs revers dans la guerre contre Agatho
Terneiniens, nommés dans le premier de, 23 b; immolent aussi aux dieux l'élite
5traité’ entre les Romains et les carthaginois, de leurs prisonniérs, 29 a; combien de
a. siècles durèœut ces immolations, 139 b‘,
170 TABLE DES MATIÈRES, arc
:40 a; dans quel lieu elles se faisaient, Xénophon. Son évaluation de l'armée
143 l). ' débarquée en Sicile par Annibal, fils de
Virgile. Quelques critiques ont cru pou Giscon, 7 b.
voir justifier son anachronisme, a a; attri Xercès fait alliance avec les Carthagi
bue à Didon la construction du théâtre de nois, dans quelles vues, 5 b, 6 a.
Carthage, 147 1),
Z.
X
Xanthippe, de Lacédémone, un des offi Zarzas, Africain, un des chefs des merce
ciers amenés de la Grèce avec une levée de naires dans la guerre’ de Libye, 75 b, 76 l).
mercenaires, par les Carthaginois; ils le Zonare. Son opinion sur la mort de Xan
mettent à la tête de leur armée; il remporte thippe, [.7 a; est ,rité sur la victoire rem
sur Régulus une victoire complète et se portée par les Romains près de Clypéa ,
retire dans sa patrie ; discussion sur ce que cependant ils êvacuèrent, 47 b, 48 a.
qn'Appien et Zonare rapportent sur sa Zorus. un des fondateurs de Carthage,
mort, 45 b, 47h. d'après plusieurs auteurs anciens, 1 b.

MWMMMWIAMHAnMmMmm““n\‘u“u““nu“\A‘\u ‘maman umuun‘umumbv

AVIS POUR LE PLACEMENT DES GRAVURES.

Numéros. Pages. Numéros. Pages.


1. Plan de Carthage et de la Péninsule 9. Colonne rostrale élevée i Rome en
(no)........................ rat-r49 l'honneur de Duilius. . . . . . . . . . . . . . 39 a.
a. Carthage punique et romaine. . . . . . . . . ibid. 1o.Anuihal........... ..... 79
3. Pays compris entre Carthage et Znnghuæibid. u.Sciion . . . . . . . . . . . . . .......nlb.
4. Ruines de Carthage............ . . ...ibid. u. Méd’ailles représentant des vaisseaux an
5. Alphabet. Lettres hébraïques, puniques. ciens . . . . . . . . . 54-55, (37
françaises..." .. ........xzio x3. Temple d’Ugga. .
6. Tombeaux pnniq .. .. 143 x4. Ruines d'un aqueduc antique.
7. Médaillcs........ . 136-13; s5. Thermes de Kawnnn . . . . . . . . . . . . .’.‘ibid.
8.Médailles.... . . . . . ....n-..........ibid.
\
N ‘U M IDI E ET MAUBITAN IE ,
‘PAR M. LOUIS LACROIX,
rlm‘zsuun u'ulxtonn AU (.DLLÉGI: IOLLIR.

IÇWFRIQUE CHRÉTIENNE
E'I‘ DOMINATION DES VANDALES EN AFRIQUE,
PAR M. J. YANOSKI.

PARIS,
CHEZ FIRMIN DIDOT FRÈRES, ÉDITEURS,
mmmnUxs-Lmnunns me L’ms'n'ru'r,
mm .ucon, 56.

M DCCC XLII.
HISTOIRE ET DESCRIPTION
DE TOUS LES PEUPLES,
DE LEURS RELIGIONS, MOEURS, COUTUMES, me.
“O‘ÙCMWI‘O‘C ton-00.00.00.00 mmnnnmn W’QQ‘M“

HISTOIRE DE LA NUMIDIE ET DE
LA MAURITANIE,
DEPUIS LES TEMPS LES PLUS ANCIENS JUSQU'À L’ARRIVÉE DES VANDALES
EN APRIQUB;

PAR M. L. LACROIX,
Aucun! inâvl nu L'ÉCOLI Imam/lu, AORici DE L'UNIVERSITÉ, I-Ronssum D'HISTOIRE
AU couûoz ROLLIR.

m- -——<

PREMIÈRE PARTIE. aussi injuste, ni aussi fâcheux qu’on


pourrait le croire. On n'a point a re
NUMXDIE JUSQU’A LA RÉDUCTION EN gretter ici la perte des annales d’un
PROVINCE ROMAINE. grand peuple : I’histoire ne commence
INTRODUCTION. — Les Numides, ordinairement qu’avec la civilisation.
comme la plupart des peuples barba Les Numides. ainsi que les Maures
res de l’antiquité, n'ont point en d'his leurs voisins, restèrent dans la mono
toire nationale : tout ce que nous sa tonie insignifiante de la vie barbare,
vons sur leur compte nous a été jusqu'au temps où leurs rapports avec
transmis par les écrivains de la Grèce Carthage'_'et«.ROme les firent entrer
et de Rome: encore l‘attention de ces dans une‘ voie nouvelle. Alors seule
derniers ne se porta sur ces tribus in ment ils commencèrent à devenir une
digènes de l'Afrique septentrionale nation, un royaume; 'usque-là ils n’a
qu'au temps où le commerce et la vaient été que des tri us nomades. et
guerre eurent établi avec elles de fré l’ignorauce de tout‘ ce passé n'est
quentes relations, et elle se- concentra presque rien pour nous, tandis que la
principalement surles moments mêmes science déplorera toujours la nuit pro
où s'accomplirent les événements de la fonde qui enveloppe les premiers siè
conquête; en sorte que tout ce qui pré eles de la grande république de Car
cède l'époque où les armes romaines pé thage. Les critiques et savants moder
nétrèrent en Afrique, tout ce qui ne se nes ont montré le même dédain pour
rapporte point au fait de l'invasion est l’histoire anciennedes Numides et des
vaguement indiqué, ou entièrement Maures,qui n'a été traitée spécialement
omis. Après tout , ce silence n'est ni par personne, si ce n’est par les auteurs
1" Livraison. (NUIÏIDIE ET MAUBITANIE.) 1
2
de la grande Histoire untverseüe, com keeaer, Base et Bureau de la Malle,
posée en anglais par une société de fut chargée de s’occuper spécialement
gens de lettres (*). L'histoire des Nu de la éoîraphie ancienne de la ré
mides se trouve au tome XII' de la gence ’A ‘ger, et de la colonisation ro
traduction française publiée à Ams maine dans cette contrée. La commis
terdam et à Leipzig en 175|. Elle lionvse mit à l'œuvre. et lit paraître
n'est recommandable ni pour la dis un volume contenant une‘introduction
cussion des faits , ni pour l'exactitude historique .et des études géographi
géographique, ni ,pour l'intérêt de la ucs sur les Mauritanies et la‘ Numi
narration. Mais c est un utile travail ie, travail digne de l’Académie et
préparatoire par l’abondance des ci des savants à qui ellegl’avait confié .
tations, et le soin avec lequel les au Malheureusement, rien n'a été pu
teurs ont tiré des sources ce'qu'elles blié depuis 1835. Cependant, l'un des
pouvaient fournir. C’est là le princià membres de la commission , et notre
al et peut-être le seul ouvrage où collaborateur à cette histoire de I’Afriâ
’histoire ‘ancienne de la Numidie ait que ancienne, M. Bureau de la Malle,
été particulièrement étudiée et repro a fait paraître un travail complet sur
duite, tous les autres historiens l’ayant la province de Conslaaline, sous le ti
toujours confondue avec celle de Rome tre suivant : Recueil de remet‘ ne
et de Carthage. Pour la géographie, ments pour l'eæpédilion ou l’éfa lis
les recherches les plus complètes et sement des Français dans cette par
les plus consciencieuses sur cette par tie de l'Afrique septentrionale. Ce
tie de l’Afrique avaient été faites par traité est plein d'utiles recherches et
Christophore (Zellarius, qui publia, en d’jngénieux rapprochements qui attes.
1701, sa Notitia orbis antiqm‘ , dont tent la science et la sagacité de l’au
Conrad Schwartz a donné une se teur. Enfin , on a publié récemment,
conde édition en 1773. en 1842, sous les auspices et par or
Mais ces contrées, depuis que le dre du ministère de la guerre. le Ta
drapeau français y a été arboré par la bleau de la géographie ancienne des
conquête, sont devenues our nous États barbaresques, d’après l'alle
du plus grand intérêt, et ‘objet d’é mand de Mannert. M. Louis Marcus,
tudes toutes particulières. Non-seule qui a donné ce livre au public, n’a pas
ment on a dû s’enquérir de la statis seulement fait une utile traduction, il
tique, des mœurs , du caractère des a encore intercalé, dans sa version, des
tribus, des ressources actuelles, en un passages complétant le texte de Man
mot de l'état présent du pays, mais nert , et il a ajouté , à la fin de l'ou
on a été ramené à l’examen des docu vrage, des notes où se trouvent éclair
ments anciens, pour trouver dans le cis , d'après les découvertes récentes,
passé des leçons applicables et utiles. plusieurs points jusque-là controver
Ce qu’il importait de bien connaître, sés. Ainsi , grâce à la conquête de
c'était la colonisation de l’Airique sep l’Algérie, la connaissance historique
tentrionale par les ,Romains; c'était et géographique de ce ays, tel qu’il
aussi, comme nous l'avons déjà dit, était autrefois , a fait c grands pro
le fait que l’histoire ancienne et le grès. et les savants se sont engagés
mieux conservé. En 1833, le ministre avec empressement dans la voie que
de la uerre écrivit au secrétaire per les soldats avaient frayée. On a fait de
pétue de l’Académie des inscriptions l'étude des anciens documents une
et belles-lettres , pour attirer son at chose éminemment pratique; on y a
tention sur ce point; et en 1834. une cherché des applications immédiates,
commission, composée de MM.Walc et l’histoire nest pas restée ici une
vaine spéculation. Les travaux que
(') L'Art, de vérifier les dates ne donne nous avons indiqués nous seront
que deux notices très-courtes sur la Numidie d’un grand secours dans le résumé
et la Mauritanie. historique qui va suivre; ils nous ai
NUMIDIE ET MAURITANIE. I
deront à donner à notre récit au in pas que ces indications ne s'appliquent
térêt actuel en ymultipliant les ra pro qu'à un temps donné de l'histoire de
chements et les analogies, à emp cher la Numidie, qu'à une autre ‘époque on
qu'il soit absolument indifférent àeeux en réunit toute la partie occidentale à
qui ont vu cetteterreafricaine, où nous la Mauritanie, avec des dénominations
recommençons le rôle des Romains, et nouvelles, et que cette incertitude
que ce ne soit pas une lettre morte, rend difficile la séparation de l'his
sans instruction et sans utilité. Tou toire des Numides de celle des Mau
tefois , ces excellents intermédiaires res. aussi, après avoir posé la géo
ne nous sépareront pas des anciens graphie générale de la Numidie, nous
auteurs que nous avons constamment indiquerons toutes les variations suc
consultés, et sans la connaissance im cessives dans les détails du récit.
médiate desquels on ne doit ni ou ne La Numidie est une contrée mon
ut faire un pas dans la science de tagneuse, traversée de l'est à l'ouest
,
antiquité. _ par les deux lignes de l'Atlas, qui ‘dé
ssracr GÉOGRAPHIQUE in: LA im tachent de leurs flancs vers la mer des
mnia; DIVISIONS NATURELLES n chaînes secondaires , courant du sud
POLITIQUES; rLaUvas , MONTAGNES, au nord, formant les bassins des fleu
VILLES. —- Une contrée sans limites ves, et découpant le pays en vallées
naturelles, habitée par un peuple va profondément séparées. où les tribus
äabond. dut fréquemment changer de vivaient et vivent encore, isolées ou
ivisions et de frontières. Il en fut ennemies les unes des autres (*). Les
ainsi de la ré ion connue des anciens
sous le nom e Numidie. Elle a varié (') Comme la géographie physique ne
selon les différentes époques ; aussi les change s, nous pouvons donner une idée
géographes et les historiens n'en par exacte e l'aspect général de lagNuinidie, en
ent pas tous’ de la même manière. citant le passage suivant d'un écrivain dont
L'étendue de cette contrée était tout la perte récente affligé encore la philoso
autre au temps des guerres puniquas, phie et l'université. uEn jetant les yeux
et sous ‘les premiers Césars. Pline ne sur la carte de l‘Algérie , on voit que cette
donne le nom de Numidie qu’au pays contrée, qui s'étend entre le grand Atlas'et
situé entre les deux rivières de Tusca la mer sur une longueur de deux cent cin
(aujourd'hui Zaine ou El-Berher) et quante lieues et une rofondeur moyenne
d'Ampsaga (aujourd'hui Oued-el-Ké de soixante. est partagée d'un bout à l'autre
par la chaîne du petit Atlas en deux régions,
bir). Ptolémée la restreint encore, distinctes, la région supérieure, entre le
puisqu'il en sépare le district des Cir- grand Atlas et le petit, la région maritime,
tésiens ou le pays de Cirta. Pomponius entre le petit Atlas et la cote. Si l'on cher
Mela prétend qu'elle s'étendait depuis che les voies de communication ménagées
le fleuve de Mulucha ou Malva,jus par la nature entre ces deux régions‘. on
qu'aux limites de l'Afrique propre ne trouve que quelques sombres défilés, par
ment dite, u'il place aux environs de > lesquels, sur trois ou quatre pointsJas eaux
la ville de Cirta. Strabon est, de tous de la première se font jour pour arriver à
les géographes anciens, celui qui en a la mer. Ces issues ouvertes parla force du
le mieux‘détermiué les bornes, en les courant, le courant les remplit; l'homme
indiquant à l'époque de.‘ leur plus oscà peine s'y engager, et elles laissent isolées
grande étendue; il comprend, dans la les deux régions qu'elles devraient noir. La
Numidie, les deux royaumes des Mas division ne s'arrête pas là. De la chaîne
syliens et des Massésyliens. et termine intermédiaire du petit Atlas partent, au nord
le premier à la Tusca, à l'est, et le et au sud, de nombreux rameaux qui l'unis
second à la rivière Mulucha, à l'ouest; desent au grand Atlas d'une part, et au rivage
l'autre, et qui découpent ces deux re
au nord la Méditerranée, au sud la giom en une multitude de vallées qui n'ont
Gétulie, les derniers sommets de l’At entre elles aucune communication commo
la's,et la région des sables, en complè de; de telle sorte que le pays, divisé en
tent les limites. Toutefois, n'oublions deux longues mo‘itiés par le petit Atlas et
1.
4
rincipales montagnes nommées par , Tusca, l’Armoniacus ou Armua (Ma
es anciens étaient, en allant de l'estfrag), qui sortent du mont Tham
à l'ouest: le mont Thambès, qui s'é bès; le Rubricatus (Seibouse) , à
tendait jusqu'à Tabraca (au'ourd’hui l'embouchure duquel est Bone (Hip
Tabarca); le mont Audns, 'où sor o-Regius); le Muthul (Hamise) ,
tait le fleuve de ce nom (au moyen âge 'Am saga, sur les bords duquel s'éle
mons Aurasius, aujourd'hui Djebel vait a ville de Cirta (Constantine);
Erress); le Mampsarus. qui n'était l’Audus (ouedsMansouriah), qui se je
que le prolongement du mont Audus, tait dans le Sinus Numidicus (golfe de
et qui enveloppait la province de Si Bougie); le Serbès ou Aves (aujour
tifi (aujourd'hui le Jurjurah) ; le mont d’hui Ouedjer), à l’ouest de Saldæ(");
Ferratus, qui Iongeait la côte depuis le Savus (aujourd’hui Jimmil), qui se
Tubusuptum 'usqu‘à Russucurrum perdait dans la mer , à l'est d'lcosium
(près de Coléali); le mont Zalacon, (Cherchell). La plus nde rivière du
nommé par Ptole’mée , et longeant au pays était, à l'ouest, ans l'ancien ter
midi le Chinalaph; le Malethubalon ritoire des Massésyliens, lus tard
et le Kennaba. (Louat-el-Merjeja) au Mauritanie césarienne, le hinalaph
sud; la chaîne des -monts Garapha de Ptolémée (Chéliff). qui se jetait au
(Zuckar). où le Chinalaph rend sa sud du cap d’Apollon (aujourd‘hui
source. La dernière chaîne l'ouest Mostaganem), et tout près de Ce'sarée.
est celle des monts Dourdos (Djebel Les eaux de ce fleuve sont abondan
Ammer), qui donnent naissance à la tes; les Arabes ont appelé le lieu où
Malva, et dont une ramification for il prend sa source , les Soixante-dia:
mait les monts Chalcorychia, dont les fontaines; au delà, à l’ouest, Le petit
mines de cuivre, mentionnées ar fleuve appelé Salsum Flumen, que
Ptolémée, -n’ont pas été retrouv es. Shaw nomme Oued-el-Mailab; puis la
Les fleuves sont nombreux et peu con Siga (Tafna), et enfin, à l'extrémité du
sidérables , si ce n'est dans certain pays des Massésyliens , laMalv'a ou
temps de l’année, où leurs’eaux gon Mulucha ou Moloch‘ath-Lqüi ‘fut la li
flées en font de ra’pides torrents. mite des possessions des plus puis
Ces fleuves sont, de l‘està l‘ouest : la sants rois numides , Massinissa et Ju
äurtha, et qui fut plus tard la ligne
subdivisé en nombreuses fractions par les e séparation des deux Mauritanies.
rameaux qui s'en échappent, ressemble à Au temps de son indépendance , la
un échiquier dessiné par des montagnes, Numidie ne renfermait pas un grand
et n'offre que des barrières aux populations nombre devilles; mais elles se multi
qui l'habitent. Vous cberrheriez en vain un plièrent beaucoup, dès querla domina
centre naturel à ce pays découpé; la nature tion romaine y eut pénétré. La capi
le lui a refusé. Les centres secondaires tale du pays des Massyliens était Cirta,
n'existent pas davantage. Toute la région dont le vrai nom, Klrta, est d'origine
maritime est composée d'étroites vallées per phénicienne ou carthaginoise. Selon
pendiculaires à la mer, et qui, rangées côte Strabon, ce fut Massinissa qui contri
à côte , ressemblent aux crèches d'une éta bua le plus à l'agrandissement et à
ble. Chacune a son fleuve ou plutôt son l'embellissement de cette ville, où il lit
torrent qui prend sa source au fond et venir des colons grecs. Voici comment
coule en droite ligne au rivage. Les vallées
de la région supérieure sont plus grandes, Mannert en décrit la osition : a L'em
parce que les eaux, longtemps retenues par placementde Cirta of re les plus grands
la barrière du petit Atlas, y ont formé de avantages : il est à l'abri des attaques
lus vastes bassins. Mais elles ne sont point des hordes nomades, et propre à sou
iées l'une ‘a l'autre , et chacune d'elles est tenir un siége régulier; les environs
un monde. Pour en dominer deux, il faudrait sont bien arrosés, et la végétation en
s'établir sur la chainequi les sépare. . . . .n
Article de 'I‘h. Jouil'roy, inséré dans la (’) Saldœ répond à 'l‘edeles, selon M.Mar
Revue des deux mondes. Juin 1838. cul; selon M. Bureau de la Malle, i Bougie.
NUMIDIE ET MAURITANIE. 5
est riche et variée. Un affluent consi lui donna le nom de Césarée; Jom
dérable de l’Ampsaga, à l’est, dont les nium, municipe romain, dont la posi
auteurs anciens ne nous disent pas le tion correspond à peu près à l'empla
nom , après avoir coulé du sud-ouest cement actuel d‘AIger : Choba, aujour
au nord-est par un grand espace de d’hui Bougie, selon Mannert , tandis
terrain,..... se réunit au nord de Mi que, selon M. Bureau de la Malle,
lah (autrefois Mileum), à l’affluent oc Bougie serait l'ancienne Saldæ, que
cidental du même fleuve. Les sinuo Mannert appelle Tedèles. Dans l‘inté
sités de ce bras oriental de l’Ampsaga rieur, Sitiiis (Sétii). Castellum Media
sont flanquées de plusieurs hautes num (Médéah), Castra Nova (Mas.
rangées de coteaux , et forment une cara), Quiza Castellum (Oran). Pto
presqu’île élevée, qui n’est jointe au lémée , Strabon , Mela , l’ltinéraire,
reste du pays que vers le sud-ouest; citent un grand nombre d'autres vil
d'où une plaine fertile, dont Sall'ustc a les, et nous pourrions multiplier les
déjà signalé l'existence , s’étend d’un rapprochements de la géographie an
côté jusqu'à Milah, et de l’autre ‘us cienne et moderne; mais notre but
qu’aux sources de la rivière ’Or n’est point de faire la description dé
(Ouedel-Dzahab). qui forme, avec le taillée des lieux : nous avons seulement
Jimmilah, l’affluent occidental de voulu pré arer le lecteur à l'intelli
l’Ampsaga. C’est dans cette presqu’île gence des aits historiques, et en même
que se trouve la ville de Cirta (*). » temps reporter , par de fréquentes
Cette ville est aujourd'hui Constan comparaisons , son esprit du passé au
tine, qui est encore la plus forte place présent, ‘pour l'aider à comprendre les
de l'Algérie orientale. Parmi les au aits nouveaux dont ces contrées sont
tres villes du pays des Massyliens, le théâtre. Ajoutons seulement que les
nous indiquerons celles qui ont con deux régions occupées par les Massy.
serve aujourd'hui quelque importance: liens et les Massésyliens correspon
sur la côte Rusicada (de Ptolémée), dent à peu près, dans les limites que
connue présentement sous le nom de nous avons indiquées, aux quatre pro
Stora, près de laquelle est le nouveau vinces que comprenait la régence d’Al
port de Pbilippeville, Hip o-Regius, ger , savoir : province d’Oran , pro
que les Arabes appelaient a ville des vince d’Alger , province de Tittery,
Jujubes (Blaid-el-Aneb) , aujourd’hui province de Constantine.
Bone; Collops Magnus (Collo). La ca 0B_IGINB DES PEUPLES QUI ONT oc
pitale du pa s des Massésyliens, au cure LES CÔTES OCCIDENTALES DE
temps de Syp iax, étaitla ville de Siga, L‘AFBIQUE nu NOB_I).— Il est impos
à quelque distance du port du même sible, en traitant cette question, de
nom, et non-loin de la rivière qui est s’occuper seulement des Numides; car
la Taies de nos jours : c'était une des ce nom ne désigne pas une race parti
anciennes colonles'tyriennes ou villes culière, mais quelques tribus de cette
métagonitz‘ ues, alliées ou tributai grande famille qui peupla le littoral
res de Cart age. Florissante au temps septentrional de l'Afrique, depuis le
des guerres puni ues, elle ,était en lac Triton jusqu’aux rivages de l’At
leine décadence à ‘époque d'Auguste. lantique. Les anciens avatent constaté
trabon dit même qu'elle fut ruinée les rapports de ressemblance qui exis
par les‘ Romains. Mais Pomponius taient entre toutes ces tribus. 1: Les
Mela, Ptolémée , et I’Itinéraire d’An Maurusîens, et les Massésyliens qui les
vtonin. attestent qu’eHe existait encore; avoisinent, dit Strabon , et les Libyens
Icosium (Cherchell), Ici ou Cæsarea pour la plupart, s’habillent de la même
('lîennès), la résidence du jeune Juba, manière, et se ressemblent en tous
qui, par reconnaissance pour Auguste, les autres points (‘). un Saint Augustin
atteste la similitude du langage. On
') TraducLde MM._Marcus et Duesberg,
p. 368.
(’) Strabon , liv. xvn, p. 1184.
6
eut admettre comme un fait certain ne tiennent guère devant la critique.
3 conflnuuauté d'origine de ces tri Le changement du nom de Mède en
bus; mais il est plus difficile de se celui de Maure n'a rien de conforme
prononcer sur cette origine même. à l'analogie, et nous indiquerons dans
Salluste. qui gouverna ln Numidie, l’histoire de la Mauritanie une explica
rapporte les traditions africaines rela tion plus probable sur l‘origine de
tives à cette question : «Après la mort cette dénomination. De plus, la vie
d’Hercule , qui , selon les Africains , nomade devait être antérieure à l'arri
finit ses jours en Espagne , son armée, vée de ces Perses errants, qui ont plu
composée de toutes sortes de nations. tôt subi eux-mêmes l'influence locale,
se divisa par l'ambition des chefs, qui qu'ils n’ont pu imposer leurs mœurs
aspiraient tous au commandement. aux anciens iabitants de la contrée.
Entre autres peuples qui la compo Procope a conservé une autre tradi
saient. les Perses, les-Mèdes et les tion qui a plus de vraisemblance. Il
Arméniens passèrent en Afrique sur assure qu'à l'époque de l'invasion de
des vaisseaux, et vinrent s'établir sur la Palestine ar Jésus (Josué) , fils de
les côtes de la illéditerranée. Les Per Navé, tous es peuples qui habitaient
ses s'étendirent du côté de l'océan. et la région maritime, depuis Sidon jus
renversèrent leurs barques pour s’en qu'à l‘Egypte, et qui obéissaient à un
servir comme de logement; car il n'y seul roi, les Gergéséens, les Jébuséens,
avait dans le pays ni matériaux pro et les autres tribus nommées dans les
pres aux bâtiments, ni facilité d’eu ti livres hébreux , abandonnèrent leur
rer d’Espagne, la mer et l'ignorance patrie pour échapper au glaive exter
des langues mettant obstacle au com minateur des Israélites , et se porte
merce. Peu à eu ils se mêlèrent aux rent, à travers I'Égypte, dans l'Afri
Gétules par es alliances; et parce que. Il dit qu’ils s’eteudirentjusqu’uux
qu’ils allaient sans cesse çà et là cher colonnes d’Hercule , qu'ils occupèrent
chant les meilleurs pâturages, on les la région septentrionale tout entière ,
appela Numides, c’est-à-dire pasteurs. et qu’ils fondèrent dans ce pays d'a
De même que les Perses s’etaient al doption un grand nombre de villes
liés aux Gétules . les Mèdes et les Ar dans lesquelles la langue phénicienne
méniens se méièrent aux Libyens. était encore en usage de son temps ,
Ceux-ci étaient plus voisins de la mer c'estpà-dire, au sixieme siècle de l'ère
Méditerranée que les Gélules, qui s’é chrétienne (‘). Procope ajoute encore
tendent davantage au midi. Ils bâti
rent aussi plus tôt des villes, au moyen (‘) Prorop. VandaL, II, ro. Il est bien
du commerce avec l’Espagne, dont ils certain que la question des origines des
ne sont séparés que par un bras de peuples n’est au fond qu'une question de
mer. La prononciation barbare chan langue et de philologie comparée. Les déno
gea leur nom de Mèdes en celui de minations géographiques d'un grand nom
Maures (*). u Salluste ajoute que les bre de villes et autres points de l'Afrique
septentrionale prouvent suffisamment que
Numides s‘agrandirent par la force des la race qui l'a peuplée était d'origine
armes , et que toute la basse Afrique araméenne ou sémitique. Nous emprun
devint Numidie, les peuples vaincus tous au président de Brosses les explirations
ayant pris le nom et les mœurs des suivantes de certains noms par la langue
vainqueurs. Du reste, Salluste n’ac. pbénicienne.
capte pas la responsabilité de ces tra Tan r, le marché, la faire.
ditions , qu’il avait trouvées dans les Cirl -, la ville.
livres du roi Hiempsal; et il faut lui V'aem, la vacherle.
savoir gré de sa réserve , car de telles cqu. la ville sert“ entre la roche”.
Tabmu, la Feuillée.
assertions ont peu d'authenticité, et Sulhul. la ville des aigles.
Calame, la colline.
sien, les tentes.
' (’) Salluste, Bell. Jugurth., ch. outra Zama. la fontaine du chant.
duct. de de Brosses, t. I, p. 39.‘ Bar-Barca, le désert.
NUMIDIE ET MAURITANIE. 7
ce fait précis et positif : - Ces émigrés et belles-lettres, dont nous avons cité
ont construit un château fort dans lus haut l'ouvrage, pensait bien dif
uneville de‘ Numidie, au lieu où est la éremment , et avec plus de sagesse ,
ville maintenant appelée TI' isis. Là, quand elle disait : «Certes. l’espoir de
près d'une source très-a ondante, retrouver des stèles aussi curieuses
sont deux. stèles de marbre blanc por pour l'histoire , et qui sont indiquées
tant une inscription en lettres phéni avec tant de précision par un auteur
ciennes gravées , et qui, dans cette véridique, par un témoin oculaire, mé
langue, exprime ces mots : et Nous rite qu'on dirige des explorations et
sommes ceux qui ont fui loin de‘ la des fouilles entre Lambasa (Tezzoute)
face du brigand Jésus. fils de Navé... et Tamugadis, où était placée Tigi
Suidas atteste aussi l'existence de ces sis (");r et quand elle reproduit le
monuments. Certes , voilà de graves passage entier de Procope sur l‘ori-‘
témoi nages qu'il est difficile de récu ine des divers peuples qui habitent
un [s ont pourtant trouvé des In 'Afrique, parce qu'il lui a semblé un
créduies. Gibbon croit aux colonnes, modèle de raison , de jugement et de
mais il doute des inscriptions. Man saine'critique. Pour nous, nous ne
nert (") réfute le passage entier de pensons pas que l'Afrique septentrio
Procope‘. Il ne veut nullement des émi nale ait été peuplée en une seule fois,
grations chananéennes, qui lui parais et définitivement, par l'arrivée des
sent impossibles: comme si ce vtäyaiîe fu itifs de la Palestine ;mais, en con.
d'un peuple fugitif d'un rivage e a si tirant la tendance des races phéni
Méditerranée à un autre était une ciennes et arabes à se répandre sur le
chose invraisemblable, et sans exem rivage africain, la facilité avec laquelle
ple. Il dit que parmi les anciens au elles s'y établissent, les nombreuses
teurs, il n'en est pas un seul à qui Il affinite’s ue l'on découvre entre elles
soit venu dans l'idée de donner les et les tri us dont‘ nous faisons l'his
Phéniciens pour aïeux aux Numides toire', nous croyons non-seulement à
indigènes, et que cette belle décou l'émigration qu'atteste Procope, mais
verte était réservée au sixième siècle, encore à beaucoup d'autres des m6
tandis que Procope s'appuie formelle mes peuples dans es mémes contrées,
ment sur le témoignage unanime des en sorte que pour nous le fond de la
plus anciens'écrivalns de la Phénicie. population numide et mauritanienno
Enfin il raille agréablement sur l'exis doit être rattaché à la race sémitique.
tencedesdeuxcolonnes,dontilsouhaite ANTIQUITÉS DE LA NUMIDŒ. TEMPS
la découverte aux voyageurs futur! . FABULEUX.—- L'histoire de la Numi
ce qui est faire ‘grand tort à Procope; die est, pendant plusieurs siècles, en
si exact et si judicieux, et cela sans vlronnée de la nuit la plus obscure.
convaincre personne. La savante com Les premiers faits dont cette contrée
mission de 1 Académie des inscriptions a été le théâtre sont du domaine de la
mythologie, autant et encore plus que
Jmpu‘c, la rivière large. de celui de l'histoire. Eusèbe aflirme
Sima. la rivière ronge. qu'Hercule se couvrit de gloire en
mon. la rivière du hérisson!
Bqmh, la rivière lente.
Afrique, après avoir vaincu le géant
Mulutha, le fleuve royal. Antee dans la partie la plus reculée de
Tenu, la rivière. la Mauritanie, environ 50 ans avant la
Ennui. la rivière de le mort. m. fondation d'Utique, qui elle-même, au
Il faut bien que les peuphqui ont nommé rapport des historiens phéniciens, pré
ccslieux aient parlé la laagpe perlaqualle ces céda de 287 ans celle de Carthage.
noms s'expliquent, De tels rapprochements
sont plus que des présomptions en faveur Salluste, Florus et Orose nous ap
de l'opinion qui donne aux peuples de prennent que cet Hercule , qui est le
l'Afrique septentrionale une origine semi
tique. (‘) Recherches sur l'histoire de la ré
(") Géogr. une. des États barb., p. 244,. gence d’Alger, t. I, p. 116.
a
8
héros phénicien , fonda la ville de mées , secours qui lui fut souvent fu
Capsa, ce qui prouve qu'il porta ses neste. Au temps de ses guerres contre
armes dans la Numidie après avoir Denys, les mercenaires africains se
soumis la Mauritanie où régnait An révoltent; ils prennent Tunis , mais
tée, ou bien que le royaume de ce leur désunion et le manque de vivres
prince comprenait aussi le pays appelé les empêchent d'emporter Carthage.
Numidie plus tard. Nous reviendrons Ces révoltes se renouvelèrent fréquem
sur ces deux personnages d‘Antée et ment dans le cours de ces luttes de
d'Hercule à propos de. la Mauritanie, Carthage avec les Grecs de Sicile; et
à laquelle ces faits se rattachent plus Agathocle, qui connaissait bien les
particulièrement. A l'époque de la fon dispositions des Numides, en profita
dation de Carthage, Iarbas régnait sur -dans son invasion en Afrique, et en
les Libyens nomades ou Numides. On fit le fonds principal de ses espéran
sait les démêlés de ce prince avec Di ces. Il prit le titre de roi d‘Afrique,
don; nous ne reviendrons pas sur ces et Diodore nous apprend que plusieurs
faits peu constatés , qui d'ailleurs ont des chefs de tri us nomades tirent
trouvé leur place dans l'histoire de avec lui des traités par lesquels ils re
Carthage. Remarquons seulement que connaissaient sa souveraineté. Euma
les députés carthaginois envoyés par que, un de ses généraux, soumit plu
Didon à Iarbas, n'osant rapporter à sieurs peuples qui refusaient son
la reine que le roi barbare la deman alliance, et pénétra même chez des
dait pour épouse, lui dirent qu’il nations plus méridionales et entière
souhaitait qu’on lui envoyât quelqu'un ment noires, selon Diodore de Sicile.
capable de le civiliser lui et ses su Nul doute que les expéditions d'Agatho
jets, mais qu'aucun des Phéniciens cle en Afrique n'aient rendu la liberté
venus avec Didon ne consentit a aller à plusieurs peuplades assujetties par
vivre parmi les barbares. Ce fait, rap Carthage, en sorte qu'après lui le
porté par Justin, fait entrevoir (ce qui pouvoir resta entre les mains des na
arriva plus tard) que le nouvel établis turels du pays. C'est alors que se for
sement des Tyriens en Afrique devait ment les royaumes des Massyliens et
y introduire des germes de civilisa des Massésyliens, et que s'affermissent
tion qui en modifièrent la barbarie, et les dynasties barbares d'où sortirent
qui preparèrent le florissant état so Syphax et Massinissa.
cial que l'on y trouve au temps des ronMA'rroN pas BOYAUMES 121‘ pas
Romains. En effet, les Numides ne se DYNASTIES sommes. —- C'est alors
civilisèrent pas par eux-mêmes, ils fu aussi que la Numidie se divise bien
rent toujours dominés par la supério nettement en massylienne et en mas
rité des peuples qui leur tirent la guerre sésylienne. Les rois des Massésyliens
pour les asservir. et la suite démon résidaient à Siga, vers l'occident, près
trera suffisamment cette assertion. du fleuve de ce nom; les autres à Za
Si l’histoire de Carthage n'avait pas ma , beaucoup plus voisine de Car
elle-même disparu , nous aurions sur thage. Le plus ancien de ces princes
ces temps reculés de la Numidie de est celui que Polybe appelle Narva ou
précieux détails ; car il _v eut de fré Naravase, qui, entraîné par son ad
quentes guerres entre les Carthaginois miration pour le grand Amilcar, mit
et les Numides. Justin nous apprend toutes ses forces au service de Car
que Carthage dissipa toutes les ligues thage pendant la guerre des mercenai
formées par les tribus maures et nu res, et contribua puissamment à la sau
mides contre sa puissance. et qu'après ver. ll fut père de GaIaouGula, quieut
s'être affranchie de tout tribut, elle pour fils Massinissa. Avant de racon
étendit peu à peu sa domination à l'oc ter l'histoire. des princes de cette fa
cident. Elle sut, même se servir des mille, nous en présenterons le tableau
barbares africains au profit de sa généalogique.
grandeur, et elle en composa ses ar
NUMIDIE ET MAURITANIE. 9
Tableau généalogique des rois de Numidie.
Narnuse. roi du Nnmides massyliens.
épouse une sœur d'Annibal . fille d'Amilcar Baron.
’.__———_—————————/\————ñ
Gull. roi de Numidie. üEwalcès‘ roi de Numidie.
ep. une nièce d'Annibal.
M ,y’uw- -\_
Massinissa. roi de Numidie. Une fillemnriée Capusa, roi de Lucumacès, roi de Numidie.
e'p.sophonisba.fille d'Asdrubal, à un prince nu Numidie. lue‘ par nous la tutelleel le gouvernement
plusieurs autres femmes et con- uiide. Méselul. de Mésetul.
cubines.
| Massive.

Micipsa. Manastubal. Gulussa, roi. Une fille, Masgaba. Melbymnat. Stemba. Misälgi'nes.\
roi de roi. | mariée à en tout 44 enfants de Massinissa.
Numidie. I I Asdrubal.
M‘ \
Adherbal- M_\
Hiempsal. Jugurlha. ép. Gaudl. fliempsal, roi de Numidie, chez qui le Mlssivl, tué par
roi d'une une fille jeune Marins se réfugie. Bomilcar.
parliede la de Bocchus. I
Numidie.. w
Hiarbas. détrôné
par Pompée.
.«——‘d\_‘-\ W\
Masintha ou Oximha. pris Hiouha ou .luba. roi de Numidie et de Mau
avec son père et captif à Borne. rillnie. tue’ après la bataille de Tapsus.
mrm
John, roi de Numidie, de Muuritauie, de Ge'tulir. ép. Cléopâtre. fille d'An
toine et de Cle‘opàtre, et Glnphyre, fille d'Archélaüs. roi de Cappadoce.
/W\
Ptole'me'e. roi de Mauritanie. Drusilla.

Quant à Svphax , les historiens ne qu'ils avaient remportés en Espagne .


parlent pas de ses ancêtres, et ne men résolurent de susciter des embarras
tionnent que son fils Vermina et son à Carthage dans l'Afrique même. pour
petit-fils Arc-Bar-Zau ou Arcbobar soulager autant que possible Rome et
zane; en sorte qu‘il apparaît presque l’ltalie. gémissant encore sous Anni
isolé dans l’histoire, et que nous n’a bal. Attentifs à tous les événements
vous pas à dresser la liste de ses aïeux, qui pouvaient survenir, ils saisirent
ni de sa postérité. la première occasion favorable qui se
PREMIÈRES RELATIONS mas no présenta. lls surent que Syphax , roi
MAINS AVEC LES NUMIDES ; LEUR des Numidesoccidentaux,aveccette mo
ALLIANCE AVEC SYPHAX (213 ans av. bilité qui caractérise ce peuple, était
notre ère). La seconde guerre puni tout à coup devenu ennemi de Car
que, qui avait commencé l’an 219 thage. Ils lui envoyèrent comme dé
avant Jésus-Christ , ne s’était pas, putés trois centurions qui firent al
comme la première. concentrée dans liance et amitié avec lui. Dans les
la Sicile et dans les mers qui l'envi entrevues qu’ils eurent avec le roi bar
ronnent , mais elle avait embrasé en bare. les députés romains l'engage
un instant toutes les contrées qui bor rcntàfaire aux carthaginois une guerre
dent la Méditerranée occidentale. Les Bressante. lui promettant que la répu
rois des Numides massyliens et mas lique, à qui il rendrait un service si
sésyliens étaient des alliés trop im gnalé, ne négligerait rien pour lui en
portants pour que Rome et Carthage témoigner une entière reconnaissance.
ne songeassent pas à se les attacher. Syphax reçut cette ambassade avec
Ce fut l‘an 213, sous le consulat de satisfaction. Dans les entretiens qu‘il
Fabius Maximus , fils de Fabius Cunc eut avec ces centurions , qui connais
tator, et de Scmpronius Gracchus, que saient parfaitement la guerre, il apprit
les deux Scipions Publius et Cnéus, d'eux des choses qui l'étonnèrent sur
animés par lesusuccès considérables l’art militaire, et il vit, parla compa
10
raison de la tactique romaine avec‘la nois, il les vainquit en bataille rangée.
méthode barbare, combien il avait en LES CABTHAGINOIS 'rnu'rsn'r AVEÇ
core à apprendre dans ce métier. GULA. - Carthage, inquiétée par cet
svrusx VEUT nlsclpmnsn ses ennemi, devenu en peu de tempsre
missions. — Syphax conçut à l’instant doutable par les leçons des Romains,
le projet de profiter de ses nouveaux chercha à lui opposer lîautre roi. de_la
alliés pour rendre son armée plus ca Numidie, Gula , dont le percuta
pable de lutter contre Carthage‘. il de 'ravase {avait été pour eux- un ‘auxi
manda aux députés, comme premier liaires: dévoué. Ils lui, représentêrent
gage de l'amitié et de l'alliance qu’ils que Syphux ne s'était joint aux 110
venaient de contracter,‘ que 'deux'seu mains qu’afln dese'fortliler de ‘leur
lement retournassent auprès de leurs secours contre les‘ autresroisj' et les
généraux pour leur rendre compte'de autres peuples de l’Afrique. ll impor
leur commission. mais que, Ie'troisième tait donc a Gula et aux carthaginois
restât auprès'de lui pour former les d'unir leurs forces au plus'tôt , avant
Numidrs dans l‘arl. de combattre à que Syphax passât en Espagne ou les
pied , auquel ils n’entendaient'rien. Il Romains en Afrique , et d‘accable! le
ajouta que , dès la première origine de premier, qui n'avait encore que le ti
leur nationfles Numides n'avaient ja tre d'allié des Romains, sans avoir
mais fait la guerre autrement qu'à reçu d’enx (les secours réels.
cheval; lui et les siens avaient appris SYPHAX xs'r tumeurs}! MASSI
cet exercice dès l'enfance ; mais ayant IISSA , site on‘ ou“. -— Ainsi Car
entête des adversaires redoutables tha e et Rome faisaient servir à leurs
par leur infanterie.. il voulait leur op interéts l’inimitié naturelle qui divi
poserldes forces égales , et avoir comme sait .les deux royaumes barbares‘, et
eux des fantassins. Ce n'était pas des les envelo pèrent dans leur grande
soldats qui lui manquaient, mais des querelle. ula avait un fils âgé de 17
hommes capables de les former à la ans , dont TiteLive dit, la première
tactique et à la discipline, pour leur fois qu’il en fait mention dans son his
apprendre à renoncer à leur coutume toire, que les vertus de sa jeunesse
de se ranger et de combattre au ha faisaient espérer qu’il laisserait à ses
sard. Les centurions consentirent à descendants un royaume plus floris
cette demande, et laissèrent auprès de sant et plus étendu qu’il ne l’avait reçu
Syphax l’un d’eux, qui se nommait Q. de ses pères. Ce jeune prince était
Statorius. Les deux autres partirent , Massinissa, qui d’abord,'comme son
accompagnés des députés que Syphax père, allié des carthaginois , mérita ,
çnvoyait'à son tour aux Scipions, et par son changement de politique, d‘é
a qui il avait donné l'ordre d’entrai tre flatté sans réserve par l’historien
ner à la défection tous les Numides romain. L'ardeur du jeune Massinissa
auxiliaires des Cartha inois en Espa détermina facilement son père à se dé
gne. Cette recomman ation eut un ré clarer contre Syphax. Massinissa unit
sultat très-avantageux pour les Ro ses guerriersaurr trou es carthaginoi
mains, et le parti carthaginois fut af ses. et lit changer la ortune. Syphax
faibli ar de nombreuses désertions. fut vaincu dans un grand combat où
Cepen ant Statorius enrôlait une on dit qu'il perdit 30,000 hommes. Es
nombreuse 'eunesse armi les sujets corté seulement d'un petit nombre de
de Sypbax, l exerçait toutes les evo cavaliers. il abandonna Siga (Sou-Ro
lotions militaires, à suivre le drapeau, ma). sa capitale, et s’enfuitgà l'ouest.
à garder les rangs, à obéir à la voix chez les tribus'voisines des Maures,
qui commande. Les barbares se fa . ui peut-être‘reconnaissaient déjà sa
nnèreut promptement. et bientôt omination; car le bruit de l'arrivée de
yphax compta sur son infante ce chef puissant attira autour de lui
rle autant ne sur sa cavalerie; et une grande multitude, et il reforma
ayant. marc é contre les carthagi bientot une armée avec laquelle il vou
NUMIDIE ET MAURITANIE. 11
lait passer le détroit de Gadès pour re niers qu'il avait faits dans cette expé
joindre les Romains en Espagne; mais dition, il apprit d'eux, entre autres
Massinissa survint avec son armée choses, que Massinissa se trouvait à
victorieuse, et, sans le secours des Carthage avec 5,000 Numides; qu'on
carthaginois, il remporta sur l'ennemi faisait de grandes levées dans toute la
de nouveaux avantages. Numidie pour fortifier l'armée d'Es
MAssIIussA. EN ESPAGNE, PREND pagne que commandait Asdrubal, dont
un A LA DÉFAITE pas scIPIoNs e projet de passer en Italie était déjà
(212 ans avant notre ère).— Après bien arrêté. Peut-être Massinissa de
avoir humilié et dépouillé Svphax , vait-il conduire toutes ses recrues
Massinissa franchit le détroit et passa africaines , et accompagner le frère
en Es a ne, où il rejoignit les deux d’Annibal sur le sol de l'ltalie, où il
Asdru a et Magon , qu’il servit avec aurait partagé son funeste sort. Mais
zèle. La situation des deux Scipion la fortune en décida autrement.
était alors très-périlleuse; la tentative srpusx se mm; H. CONTINUE
qu’ils avaient faite en Afriqne compro ses RELATIONS AVEC nous (510 avant
mit et rulna entièrement leurs affai notre ère). — Nous avons laissé Sy
res en ‘Espagne; car les carthaginois phnx repoussé par Massinissa dans la
furent fortifiés par la déroute de Sy partie la plus occidentale de l'Afrique,
phax , et disposèrent de tous les Nu et dépouillé de ses Etats. Ce prince ne
mides. Publius et Cnéus s'étaient sé tarda pas à rétablir ses affaires : Mas
parés, pour faire face à tous leurs sinissa guerroyait en Espagne; Svphax
ennemis. Massinissa , qui combattit n'avait plus ce rival en tête; il lui était
d’abord dans l'armée opposée à Pu facile de se relever dans la Numidie.
blius, le harcela sans relâche. Il in Les circonstances du retour de Syphax
quiétait les Romains jour et nuit: dans son royaume ne sont pas con
nomseulement il tombait sur eux nues; mais on sait le résultat de
uand ils allaient chercher du bois et ses tentatives et le temps où il faut les
u fourrage, mais il les attaquait au placer, par Tite-Live , qui , sans entrer
dacieusement jusque dans leur camp, dans aucun détail, mentionne l'arrivée
ortant soudainement l'alarme et l'ef des ambassadeurs de ce prince sous le
roi au milieu des postes qui veillaient consulat de Valérius Lévinus et de
à la garde des retranchements. Sci Marcellus, en 210. Les envoyés de
pion et les siens étaient comme assié Syphax venaient informer le sénat des
gés, et ils man uaient de toutes cho victoires de leur maître sur les Car
ses. Dans le com at, les Numides firent thaginois, et de la situation prospère
des prodiges; et Massinissa, plus tard de ses affaires. Ils renouvelèrent en
l'ami de Scipion l'Africain, dut comp son nom l'assurance de son amitié
ter au nombre de ses premiers exploits pour Rome et de sa haine contre Car
cette bataille où périt Puhlius. thage. Ce n'était plus seulement avec
Pendant plusieurs années, Massi les représentants de la république en
nissa employa son ardente jeunesse Espagne qu’il voulait traiter. mais
au service des carthaginois. L histoire avec le sénat lUiQmême. Le sénat ré
n'a as fait mention de tout ce qu’il pondit avec bienveillance aux envoyés
fit dans cette période de son active . numides, et fit partir trois députés qui
existence; mais elle laisse conjecturer offrirent au roi barbare des présents
qu'il .fut pour cette république un consistant en une toge et une tunique
auxiliaire dévoué, comme il le devint de pourpre, un sié e d'ivoire. et une
lus tard pour les Romains. En 210, coupe d'or du poi s de cinq talents.
[. Valérius Messala, commandant la La députation visita aussi d'autres
station navale des côtes de la Sicile, petits rois (reguli) numides à qui elle
fit une incursion sur le territoire d'U offrit des présents de moindre valeur,
ti e, et revint treize jours après en savoir, des robes prétextes et des
LI ybée. Ayant interrogé les prison coupes du poids de trois talents. Ainsi
12
Rome ne négligeait rien pour soulever voudrais-tu bien retourner au rès de
l'Afrique contre Carthage et multiplier ton oncle? - A cette question, ‘enfant
les ennemis à ses portes, et c'était par pleura, et répondit qu’il le désirait
ce mélange heureux de la politique et vivement. Alors Scipion lui lit donner’
des armes qu’elle résistait au génie un anneau d’or, une tunique Iaticlave,
puissant d’Annibal. une saie espagnole, une agrafe d'or, et
CONDUITE m; PUBLIUS SCIPION A un cheval tout équipé; puis, ayant or-"
L'ÉGARD DE MASSIVA. — Il restait donné à des cava iers d’esoorter le
encore une chose à faire, c'était de prince aussi loin qu’il voudrait, il le
détacher Massinissa du parti cartha congédia. Que dut penser Massinissa
ginois. Le jeune Scipion , qui seul avait d'un tel ennemi, quand il vit son neveu
osé se charger de la guerre d'Es agne de retour, ainsi honoré par le général
après la mort de ‘son père et e son romain? Cette énérosité, que rien
oncle (211), ne négligea rien pour at n'avait provoqu e, devait être d'un
teindre ce but. On en voit la preuve effet infaillible. Nul doute que Massi
dans la manière généreuse dont il se nissa n’en ait été vivement pénétré, et
conduisit à l’égard_d'un ieune prince qu’il n’ait commencé à ressentir ‘pour
de lafamilledes rois massyliens. Après Scipion l'Africain cette profonde adn
la bataille de Bæcula, gagnée sur Mas miration dont il donna dans la suite 5.97a_;. )E_-.=—p_;«:-,—esx.H4_:

sinissa et Asdrubal, le questeur de tant de preuves.


l’armée romaine procedait à la vente nN'rnnvUn on HASSINISSA AVEC
des captifs, lorsqu'on lui signala parmi sruxus; IL se nom“: AUX no
les Africains un jeune homme que son lums; RAISONS ne ce CHANGEMENT
noble extérieur faisait distinguer de (201 avant‘ notre ère). — Cependant il
tous les ‘autres. Ayant appris qu'il resta encore quelque temps au service
etait de race royale, il l'envoya à Sci de Carthage, combattit une dernière
pion, qui lui demanda qui il était, de fois pour elle avec Magon et Hannon,
quel pa s, et comment, si jeune en lieutenants d‘Anuibal , et partagea
core, i s’était trouvé à la bataille. encore leur défaite. Mais il ,n’atren
' L’enfant répondit, les larmes aux yeux, dit pas davantage, et sa foi chance
- qu’il était Numide, qu’il s'appelait lantesuccomba enfin (207). Scipion‘
Massiva; que la mort de son père était retourné à Tarragone. Massinissa
l'ayant laissé orphelin, il avait été eut,,en Béti ne, une entrevue secrète‘,
élevé par Gala, qui était son aïeul avecsilanus, ieutenantde Scipion, et se
maternel; ne son oncle Massinissa, livra franchement à l'alliance romaine.
qui venait ‘arriver avec des renforts Toutefois ,,sans rompre ouvertement
de cavalerie, l’avait mené avec lui en avec Carthage , il partit accompagné
Espagne; mais que, jusque-là, il ne d’un petit nombre des siens, et passa en
lui avait pas permis, a cause de sa Afrique pour-‘attirer au parti desRo
jeunesse, d’assister à aucun combat; mains toute sa nation.’ Tite-Llve n’in
que cependant, le jour de la dernière dique aucun des‘ motifs qui décidèrent
bataille, il s’était procuré, à l'insu de Massinissa’à ce.brusque changement; -
son oncle, un cheval et des armes, et il se contente de faire remarquer que
qu’il s'était secrètement jeté dans la la. constance avec laquelle il persévère
mêlée; enfin, que pendant l'action son jusqu'à l'extrême vieillesse dans son
cheval s’était abattu, qu'il avait été amitié pour Rome ne permet pas de
renversé car terre et pris par les Ro croire qu’il ait embrassé ce parti sans
mains C‘). - Scipion l’entendit, chargea de bonnes raisons. llxn’est point diffi
quelqu’un de le garder, et, après avoir cile d’assigner à cette détermination
r le toutes les añ‘aires portées à son ses causes rim‘itives. Massinissa su
tri nal, il fit venir dans sa tente le bissait l’in uence de ces nobles séduc
jeune Numide. « Massiva, lui dit-il, tions que Scipion exerça sur tant d'au
tres chefs barbares : il se sentait pour
(') ‘rite-Live , liv. nm. lui un penchant décidé. Les procédés
de NUMIDIE ET MAURITANIE. 13
ait de Carthage envers lui étaient tout procha lus tard la témérité. Il partit
différents; et il est évident que cette de Cart agène avec deux vaisseaux, et
république, qui cherchait alors à rega suivi de Lélius. Dans le même temps,
gner Syphax à sa cause, froissait par Asdrubal, fils de Giscon , quittait l'Es
là l'amour-propre de Massinissa, si agne avec sept navires; il poursuivit
longtemps son principal allié. Enfin. es deux galères romaines, et les aurait
une raison bien puissante encore, c'é prises sans un vent favorable qui les
tait la décadence de la fortune de sauva. Asdrubal , renonçant a leur
Carthage, qui n'avait plus que des donner la chasse. résolut aussi de se
revers pour ses alliés et pour elle. rendre auprès de Syphax, et y devança
Massinissa, qui était aussi politique l‘arrivée de Scipion, qui ne se fit pas
que brave, considérait les événements, longtemps attendre. L’orgueilleux Sy
et le spectacle des choses présentes phax se sentit flatté de cette. recherche
lui donnait un secret et infaillible opiniâtre dont il était l’objet, de la part
pressentiment du triomphe futur de des deux plus puissantes républiques
Rome; il aima mieux vaincre avec elle de l'univers. Il voulut d'abord engager
que de périr avec sa rivale. Ce dernier Sci ion et Asdrubal à terminer leurs
rôle, il l‘abandonna à l'imprudent Sy dif érends par un accord. et remplir
phax. le personnage de médiateur. Mais Sci
VARIATIONS DE SYPEAX. scrProN pion lui rappela que ce n’était point la
LE VISITE DANS ses ÉTATS; IL Y ’objet de sa venue : il consentit tou
iisNcoN'rns ssnnuaan. ——,Il était ce tefois à converser avec Asdrubal, et,
pendant facile à Syphax de se main pour plaire au roi, il mangea à la
tenirdans l’alliance des Romains qu’il même table et s'assit au même lit à
avait déjà possédée, et de partager côté du carthaginois qu'il avait vaincu.
aussi les dépouilles de Carthage’. Mais Scipion déploya dans ces entrevues
son ambition et son inconstance le toutes les grâces de son esprit et tous
précipitèrent dans le plus mauvais les charmes de ses manières; il sédui
parti. Malgré ses traités avec Rome , sit Asdrubal lui-même, et lui arraclia
il s'était depuis peu rapproché de Car cet aveu, que l'entretien de Scipion
thage. Étant alors le plus puissant roi lui avait inspiré de son ennemi une
de l’Afri ue, il était sollicité par les plus haute idée que ses victoires et ‘ses
deux répu liques, et se plaisait à flotter conquêtes mêmes. Asdrubal, qui avait
de l’une à l’autre, et à les laisser toutes pénétré l'intention du Romain, était
deux dans l'incertitude. Il avait ré dévoré d’inquiétudes sur les effets du
cemment traité avec Carthage; mais rapprochement de Rome et de Syphax.
les derniers revers qu’elle avait éprou Il neflput l'empêcher, malgré ses ef
vés en Espagne et en ltalie l'attiraient forts; et Scipion, après avoir fait une
de nouveau vers les Romains. Scipion, ligue offensive et défensive avec Sy
ui méditait déjà son expédition d’A phax contre Carthage, revint à Cartha
rique, résolut de fixer enfin la mobile gène. Son absence n’avait duré que
politique de ce prince. Il lui envoya quatre jours.
Lélius, son ami, avec des présents ENTREVUE DE MASSINISSA ET ne
considérables; et Syphax se laissa re-. sermon (206). — L'alliance de Mas
gagner par ces avances flatteuses du sinissa avec les Romains était encore
vainqueur. Cependant, il déclara qu'il secrète, et le prince numide ‘avait
ne voulait rien conclure qu'avec Sci— sauvé les apparences en rejoignant
pion en personne. Lélius obtint des Magon à Cadix . la seule place que Car
garanties pour la sûreté de Scipion, thage possédât encore en Espagne. Il
et lui rapporta la)réponse du roi. Le désirait ardemment une entrevue avec
général romain etait si pénétré de Scipion pour traiter avec lui d'une
l’importance decette négociation, qu’il manière définitive. Celui-ci y consen
n’hésita pas à entreprendre une peril tit, et, ayant quitté Tarragone, se
leuse démarche. dont Fabius lui re rapprocba de la Bétique. Massinissa,
14
prétendant que sa cavalerie dépérissait (Boue), l’avertit de se garantir de la
dans l'enceinte étroite de l'île où elle flottc'carthaginoise, et se plaignit des
était renfermée, passa sur le continent lenteurs de Scipion.
comme pour ravager les terres voi SYPHAX Épouse soPnoNIsnn n'a
sines. Trois chefs numides allèrent TRAITE avec CARTBAGB. —— De son
trouver Scipion pour convenir avec lui côté, Syphax. oubliant la visite de
du temps et du lieu de l'entrevue: Scipion et la foi jurée, se laissa rega
deux d entre eux restèrent comme gner par les Carthaginois. Asdrubal,
otages, et le troisième amena Massi fils de Giscon, qui avait été l'hôte de
nissa au lieu indiqué. Le Nulnide ne Syphax en même temps ne Scipion,
put dissimuler la joie et l'étonnement était père de la célèbre ophonisbc,
u’il éprouva à la vue du héros dont dont tous les auteurs anciens s'accor
i avait déjà une si haute idée. Il pro dent à vanter la beauté extraordinaire.
testa du désir qu'il avait de servir la Dans le temps où Massinissa avait
république romaine: il engagea Scipion commencé à combattre pour Carthage,
à éprouver son zèle en passant en Sophonisbe lui avait été fiancée; mais
Afrique à la tête d'une armée, l'assu comme elle était encore trop jeune, le
rant que s’il exécutait ce dessein, on mariage avait été remis à un autre
verrait bientôt la fin de l'empire de temps. Quelques années plus tard,
Carthage. Ainsi Massinissa se donnait Sophonisbe était dans tout l'éclat de
aux Romains avec une ardeur qui allait sa beauté. Asdrubal, qui connaissait
presque, selon Tite-lflive, jusqu’a l'en le défaut naturel du peuple numi'de,
thousiasme; et Scipion dut compren résolut de subjuguer Svphax par les
dre u’il venait de s'assurer un allié charmes de sa fille; il réussit sans
plus fidèle et plus sincère que Syphax peine : Syphax épousa Sophonisbe; et,
(206 avant J. C.). non content de cette alliance domes
MASSINISSA Pnnssn ‘LBS norums tique qui l‘unissait à un des principaux
on PASSER au AFBIQUB. — Cette dé citoyens de Carthage, il conclut'un
fection générale des princes humides traité avec la république, et s'engagea
répandit l'épouvante à Carthage: le par serment à reconnaître les mêmes
moment était venu de l'attaquer sur amis et les mêmes ennemis que les
son propre territoire; mais, soit jalou Carthaginois.
sie, soit prudence, Fabius arrêta l’ar nsnulimn AMBAssAnn nn svpnax
deur de Scipion, et l'expédition fut A SCIPION; RÉPONSE DE sctPioN. —
retardée de deux ans. Pendant cet Le rusé Asdrubal avait rendu à sa
intervalle, la Numidie int troublée par patrie un service important, en com:
des événements ui y modifièrent gran promettant Syphax auprès des Ro
dement la face es choses. Massinissa mains. Mais il n'avait pas oublié que
fut dépouillé de son royaume par une ce prince avait récemment donné sa
suite de circonstances que nous rap parole à Sci ion; il connaissait l'esprit
porterons tout à l’heure; Syphax chan inconstant u roi barbare, et il dési
gea encore une fois de parti, et devint rait l'amener à une rupture définitive
plus puissant que jamais. Il n’y eut avec Rome. Il détermina donc 5 phax,
que la fidélité de Massinissa pour ses tant par ses discours que par es ce
nouveaux amis qui ne se dementit pas. resses de S0 honisbe, à envoyer en
Malgré le désastre de ses affaires, il Sicile des am assadeurs, qui déclarè
avait encore une troupe considérable rent a Scipion que les promesses de
de cavaliers et de fantassins qu'il met leur maître n'étaient plus un motif
tait àladisposition du général romain, suffisant pour qu'il passât en Afrique.
s'il voulait se hâter. Le‘lius a ant fait Ils lui apprirent que Syphax avait
une incursion sur les côtes ’Afrique épousé la fille d‘Asdrubal, et n'en
pendant le séjour de Scipion en Sicile, conséquence de ce mariage, qui c ré
Massinissa , alors’. dépouillé de ses conciliait avec les Carthaginois, il dé
États, vint le trouver près d‘Bippone sirait que la guerre entre les deux
NUMIDIE ET MAURITANIE. l5
républiques se fit toujours loin de Massinissa à l’écrivain romain , nous
l'Afrique, pour qu'il ne fût pas dans a valu un des fragments les plus
la triste nécessité de se rononcer pour considérables que nous ayons sur
l’un ou l’autre peuple. ls termineront l'histoire intérieure de la Numidie.
en déclarant que si les Romains ve Pendant que Massinissa combattait
n'aient attaquer Carthage, Syphax ne encore en Espagne pour les Cartha
pourrait se dispenser de combattre ginois , le roi Gala, son ère , mourut.
pour la contrée qui lui avait donné elon la coutume qui nägissait la suc
naissance, et pour la patrie de son cession royale, Désalces, frère de
épouse et de son beau-père. Un tel Gala, monta sur le trône à sa place.
langage équivalait à unedéclaration Désalcès était déjà d'un âge très
de guerre. Scipion avait beaucoup avancé; il mourut aussi peu de temps
compté sur Syphax pour la réussite de après , et l’héritage paternel passa en
son projet; mais les menaces d'un Nu tre les mains de Capusa, l’aîné de ses
mide ne ouvaient faire reculer un de'ux fils , dont leplus jeune était en
Romain; cipion répondit à Syphax core enfant. Mais Capusa ne sut pas
our l‘exhorter à ne point violer les s'affermir sur un trône qu’il ne devait
ois de l'hospitalité; il lui parla au qu'au droit de la naissance. et nulle
nom de sa foi, de sa conscience; il ment à son propre mérite. Il y avait
iuvoqua le respect dû aux dieux. t6 alors cher les Numides Massyliens un
moins et vengeurs des traités. Tous homme appelé Mézétule, qui n'était
ces motifs n'étaient guère propres à pas étranger par son cri lue à la race
toucher le barbare; mais, en répondant royale. mais qui. sortait ‘une famille
ainsi, Scipion mettait la modération ennemie et toujours en rivalité avec
et la justice de son côté. Il se hâta de celle qui possédait alors le pouvoir.
renvoyer les ambassadeurs humides; Mézétule, affectant une haine violente
et quand ils furent partis, il lit croire contre la tu auté, acquit un grand
à ses soldats qu‘ils étaient venus pour crédit dans a nation, et l’excita à la
l’exhorter à presser son dé art, et il révolte. Quand il fut assez fort, il mar
représenta Syphax comme aisant des cha contre Capusa, qui fut forcé d’en
vœux pour son entreprise. aussi bien venir aux mains avec le rebelle. Dans
que Massinissa. Telles furent les né ce combat, où il s’a‘gissait de sa cou
gociations de Rome et de Carthage ronne, Capusa fut vaincu, et resta
avec les souverains dela Numidie avant avec ses grincipaux partisans sur le
la fin de la seconde guerre punique. champ de ataille. Alors les tribus qui
Elles nous font com rendre toute l'im formaient son royaume reconnurent
portance que les eux rivales atta pour chefMézétule, qui rit l'autorité,
chaient à lassistance de ces princes; en refusant habilement 9 titre de roi.
et les détails dans les uels nous som Il couronna même un enfant, Lucu
mes entrés à ce sujet orment le com macès, le seul qui eût survécu de la
plément de l'histoire de cette seconde postérité de Capusa , et gouverna
guerre punique dont l’cnsemble a été comme tuteur de ce jeune prince. Mé
présente plus haut, dans la partie de zétule rechercha l'amitié de Carthage;
ce volume qui traite de Carthage. il épousa une femme d'une des prin
AFFAIRES INTÉRIEURES DE LA NU cipales familles de cette ville. qui était
mme; nom: on GALA; nésarciæs; nièce d’Annibal . et qui avait déjà été
CAPUSA; LUCUMACÈS; usUaPnIoN donnée en mariage à Désalcès. Il re<
DE MEZÉTULB. — La fidélité de Mas noua avec Syphax les liens d'une an
sinissa au parti romain a déterminé cienne hospitalité. Il prenait toutes ces’
Tite-Live à insérer dans son histoire précautions contre Massinissa , dont
un long épisode sur les variations de Il craignait le retour et les tentatives.
fortune que ce prince eut à subir alors MASSINISSA nnvlnu'r au Nomme:
en perdant et en recouvrant son DE EST
IL nucunacîts;
vamoueun n. m;
PACIFIE t2 ' s
mâzé'ruLn
royaume; et cet intérêt, inspiré par
16
mm!!! (206 avant notre ère). -En ils avaient encore reçu de sy hax un
apprenant la mort de son père et le corps de 15,000 fantassins; eur ca
meurtre de Capusa , Massinissa quitta valerie s'élevait à 10,000 hommes.
l'Espagne et passa en Mauritanie (206). Malgré l'infériorite’ de ses forces, Mas
Depuis longtemps il ne cherchait sinissa eut l'avantage. Il dut la victoire
qu'un prétexte pour abandonner‘ les au courage des vieux soldats de son
carthaginois, qui , de leur côté, se dé père et à sa propre expérience de la
tiaient de ses dispositions. Aussi, au guerre. qu'il avait acquise en combat
rapport d’Appien, Asdrubal, craignant tant en Espagne. Le jeune roi et son
les résultats de son retour en Numidie, tuteur se refugièrent , avec une petite
essaya-t-il de le faire assassiner. Mas troupe de cavaliers , sur le territoire
sinissa échappe, et se présenta aupres carthaginois. Massinissa avait recouvré
de Bocchar, roi des Maures. Il obtint son royaume; mais comme il pré
de lui, par les plus humbles et_les voyait qu'il aurait bientôt à soutenir
plus pressantes prières, un corps de une guerre plus dangereuse avec Sy
4,000 hommes, qui devaient seulement hax , il jugea à propos de se réconci
lui servir d'escorte pour le voya ier avec son parent. Il fit proposer à
ge, Bocchar refusant (le lui donner Lucumacès de revenir en Numidie,
du secours pour la guerre qu’il al l'assurant qu’il occuperait auprès de
lait entreprendre. A peine arrivé sur lui le même rang, et qu'il jouirait des
les frontières de l'ancien royaume de mêmes honneurs que Désalcès auprès
Gula , Massihissa fait un appel à ses de Gula. Quant à Mézétule, il lui pro
amis et à ceux de son père. Environ mettait le'pafidon, et la restitution de
500 Numides vinrent le trouver. Il tous. ses biens. L'un et l'autre accepta,
renvoie les cavaliers maures avec les revint dansvlaîNumidie. qui aurait pu
quels il avait traversé les Etats de être tranquille sans les ennemis du
Syphax, et, réduit à d'aussi faibles dehors. '
ressources , mais plein d'ardeur et ASDBUBAL DÉTEBMINE sxmux a
d'espérance, il entreprend la conquête .t'r'rxqusn MAsSlNISSA;CELUl-Cl xs'r
de l'héritage paternel. Le hasard. lui VAINCU ET MIS EN FUITE (205 avant
procura une heureuse rencontre. Lu J. C. ) -— En effet, Asdrubal était-fou
cumacès , é uvanté à son approche , jours auprès de Sypbax, à qui il im
se rendait c ez Syphax pour demander portait beaucoup que le royaume fût
du secours. Massinissa le surprit en entre les mains de Lucumaces plutôt
chemin , le vainquit , et le força à se qu'au pouvoir de Massinissa. Asdru
réfugier dans Thapsa, près de laquelle bal ne négligea rien pour augmenter
s'était livré le combat. Ensuite, ayant les craintes que cette révolution ins
investi la ville, il l’emporta presque pirait au roi son gendre. Il lui repré
aussitôt: de ceux qui entouraient Lu senta que c'était une grande erreur de
cumacès, une partie se rendit au vain croire que Massinissa se contenterait
queur , une autre fut massacrée, et le des États qu'avaient possédés Gula et
reste parvint , avec le roi, à gagner le Désalcès; qu’il y avait en lui plus
royaume de Syphax. Le bruit de cet d'ambition et de courage que dans au
heureux commencement s'étant ré cun autre prince de sa race; qu'en Es
pandu partout, les Numides accouru pagne il avait donné, aux yeux de ses
rent en foule auprès de Massinissa, et alliés et des ennemis, des reuves d'un
parmi eux se trouvaient des vétérans grand caractère; que si es carthagi
de Gula, qui avaient à cœur le réta nois et Syphax ne s'entendaient pas
blissement de son fils, et ni se dé pour détruire cette flamme naissante,
vouèrent à lui. De part et 'autre on ils seraient bientôt dévorés eux-mêmes
se prépara à une action décisive. Mé par un vaste incendie; qu’il fallait pro
zétule et Lucumacès avaient une ar ‘ter du momentoù Massinissa était en
mée plus considérable que celle de core assez mal affermi sur son trône.
Massinissa; car, outre leurs partisans, Ces raisons persuadèrent Syphax , qui
NUMIDIE ET MAURITANIE. 17
se présenta avec une armée sur les fron pays des Numides. Ces brigandages de
tières des Massyliens, réclamant un ter Massinissa firent plus de tort aux Car
ritoire contesté depuis longtemps , et thaginois, et leur coûtèrent beaucoup
pour la possession duquel Il avait lui plus d'hommes vendus ou massacrés,
même souvent combattu avec Gula. que ne l'aurait fait une guerre régu
Si Massinissa cédait la province en lière. Les compagnons du roi fugitif
question, Syphax devait, profitant de étaient. devenus si hardis, qu'ils al
sa faiblesse, pénétrer jus u’au cœur laient sur le rivage vendre les dépouil
de son royaume; s'il le d fendait les les à des marchands attirés par les
armes à la main, l‘infériorité de ses profits de ce singulier commerce.
forces donnait à ses ennemis l'espoir BOCCI-IAB , LIEUTENANT DE sv
de sa défaite. Cette dernière prévision PHAX, ronce MASSINISSA A QUITTER
se réalisa. Massinissa, voulant repous CETTE RETRAITE. — Les carthagi
ser l'invasion ,‘ fut totalement vaincu , nois, qui souffraient considérablement
et contraint de prendre la fuite avec de ces ravages, s’adressèrent à Sy
quelques cavaliers. phax, afin qu'il exterminât ces débris
MASSINISSA sE EEEUGIE sua LE dangereux du parti vaincu. Mais ce
MONT BALBUS ; sEs coUEsEs sUE LBS prince, jugeant indigne de lui de pour
TEaEEs DE CARTIIAGE. — Massinissa suivre dans les montagnes une troupe
supporta héroïquement ce nouveau re. vagabonde de brigands, chargea Boc
vers de fortune. Pendant que tout son char, un de ses lieutenants. homme ac
royaume subissait la loi du vainqueur, tif et coura eux, du soin de cette ex
il se retrancha sur le mont Balbus("), pédition. Il ui donna 4,000 fantassins
avec quelques familles qui lui restèrent et 2,000 chevaux , et l‘exalta par l'es
fidèles. Elles s’établirent sur la mon poir des plus grandes récompenses, s'il
tagne avec leurs tentes et leurs trou ui rapportait la.tête de Massinissa ,
peaux, qui formaient toute leur -ri ou, ce ui aurait été un bonheur inap
chesse. Cette montagne renfermait préciabe, s'il le lui amenait vivant.
plusieurs sources d'eau, et était cou Profitant de la sécurité et de la négli
verte de pâturages. Les réfugiés nu gence de Massinissa et des siens, Boc
mides pouvaient donc y faire paître char les assaillit à l'improviste; il fit
leurs trou eaux. dont le lait et la chair main basse sur les troupeaux et la
servaient a leur subsistance. D'abord multitude de ceux qui étaient sans dé
ils firent furtivement des incursions fense , et c'erna le chef lui- même et
nocturnes dans les cam agnes envi ses guerriers sur le sommet du mont
ronnantes; puis, enhar is par leurs Balbns.Bocchanregardantl'expédition
premiers succès, ils étendirent leurs comme presque terminée, envoya à
ravages et ne se cachèrent plus. Ils Syphax tout e butin qu'il avait fait,
pillaient de préférence les terres des . avec une partie de ses troupes, ne
carthaginois, où le butin était plus gardant avec lui que 500 fantassins et
abondant et plus facile que dans le 200 cavaliers, qui lui suffisaient pour
(') Le mont Balbus est aujourd'hui le
achever la guerre. Il contraignit Mas
DjebeI-el-Resas entre Nabal»(Neapolis) et sinissa à quitter les hauteurs, et l’en
Rhades (Maxula). Sur le flanc de la mon ‘ferma dans une vallée étroite, où il
tagne est un lieu a pelé El-Arbaim le: Qua extermina presque toute sa bande, à
ranle, à cause ‘un groupe de quarante l'exception de 50 cavaliers, qui échapn
tombeaux que les gens du ays regardent ' pèrent avec leur chef par des passages
comme les monuments fuuè res de pieux inconnus. Cependant Bocchar retrouva
musulmans morts en défendant lepr patrie leurs traces; Il les atteignit de nou
ado tive. D'autres voudraient y voir les veau sur le territoire de Clypea (Cly- '
tom eaux des compagnons d'armes de Mas bea auj. ), non loin de la mer, et leur
sinissa, qui furent massacrés pour la plu livra un dernier combat . dont il n’é
part par les soldats de Bocchar. Voir Man chnppa que quatre hommes avec Mas
nert, traduct. de Marcus, p. 700. sinissa, qui, dangereusement blessé ,
2' Livraison. (NUMIDIE ET MAURITANIE.) 2
18
faillit tomber au pouvoir du vainqueur. te Cirta et Hippone. Cette fois , Sy
Bocchar répandit ses cavaliers dans la phax, voulant en finir avec cet ennemi
campagne, pour atteindre ces derniers indomptable, marcha lui-même contre
fuyards. Ceux-ci, serrés de près , ar Massinissa, accompagné de son fils
rivèrent sur les bords d'une large ri Vermina. Bientôt les deux armées fu
vière , où ils se Ijetèrent sans hésita rent en résence. Syphax ordonna à
tion, préférant e moindre des deux son fils ‘attaquer secrètement et par
dangers. La force du courant entraîna derrière, tandis qu'il mettait ses trou
les plus faibles , qui s'ahîmèrent dans pes en bataille pour en venir ouverte.
le gouffre sous les yeux même, des ment aux mains. Massinissa comptait
ennemis. Ils crurent que Massinissa sur l'avantage de sa position , et Il ac
avait subi le même sort; mais il eut cepta bravement le combat. L'action
le bonheur d'échapper avec deux des fut sanglante et lon temps douteuse:
cavaliers qui lui restaient, et il par l'ardeur des Numi es de Massinissa
vint à gagner l'autre rive, où Il se compcnsait la supériorité numérique
cacha dans un taillis. Bocchar n’osa de l'ennemi. Mais quand le corps d'ar
franchir le fleuve; il arrêta sa pour mée de Vermina eut donné sur l'ar
suite , qu'il considérait désormais rière-garde , Massinissa et-les siens,
comme inutile, et il revint auprès de enveloppés de tous côtés, ne purent
Syphax, affirmant que Massinissa avait tenir plus longtemps, et la victoire
succombé. Des envoyés annoncèrent cessa d'être outeuse. Le carnage
cette heureuse nouvelle à Carthage, commença, les Massyliens périrent ou
où elle excita la joie la plus vive. furent faits prisonniers; il n'en restait
MASSINISSA se CACHE DANS UNE lus que 200 , qui, groupés autour de
caveaux; 1L sauras mus SON eur chef, résistaient en désespérés. Ces
novsnus, PERD UNE GRANDE BA braves n'avaient plus n'a succomber
TAILLE courus SYPHAX et sa {orN'r en combattant, ou a se airejour à tra
AUX nonunvs (204 avant J. C. ). — vers l'ennemi le fer à la main. Massi
Pendant que Syphax et les Carthagi nissa prend ce dernier parti : il divise
nois célébraîent par de grandes ré ses gens en deux troupes, et leur or
jouissances la mort de Massinissa, ce donne de percer comme ils pourraient
prince avait trouvé un asile sûr dans les bataillons de Syphax, en leur indi
une caverne ignorée, où ses deux com quant un lieu de ralliement. Deux de
pagnons ‘lui apportèrent des herbes ces pelotons ne purent échapper; car
pour panser ses blessures. Il y resta l'un ayant perdu courage mit bas les
plusieurs ‘ours en repos, nourri par armes, et l'autre fut écrasé par le
es vols e ses fidèles cavaliers. jus nombre; le troisième, commandé par
qu'au moment où, ses plaies étant ci le roi lui-même, et qui se composait de
catrisées, il re arut de nouveau au 70 cavaliers , parvint à se dégager.
grand jour , et etonna ses adversaires Puis, se répandant dans la campagne,
par un nouveau trait d'audace. Il ren il parvint, à force de courses et de dé
tra subitement dans son royaume . où tours, à lasser Vermina, qui s'était at
la joie inespérée qu'on eut de le revoir, taché à le poursuivre. Toujours infati
après l'avoir cru mort, rassembla en gable et audacieux maigre ses revers,
peu de temps autour de lui 10,000 Massinissa parcourut en pillant la
iommes de pied et 4,000 cavaliers. En côte et les villes carthaginoises; et ,
un instant il se retrouva maître de s'avançant jusqu'à la petite syrte , se
toute la contrée , et recommença ses retira chez les Garamantes. Peu de
ravages sur les terres des Carthagi temps après, Lélius arriva en Afrique
nois et sur les frontières de Syphax. avec la flotte romaine , et Scipion ne
Comme il prévoyait bien que ce der tarda pas à le suivre. Massinissa vint
nier répondrait a ces provocations , il se joindre à ses alliés, selon uel nel
posa son camp sur une montagne, uns, avec 2,000 chevaux , se on ‘au
dans un terrain très-avantageux, en tres , avec 200 seulement; d'après ce
NUMIDIE ET‘ MAURITANIE. I9
ne nous venons de dire du fâcheux son rival avec la plus grande activité.
état de ses affaires, on peut conclure Conseillé par sa passion et par sa
que. cette dernière évaluation est la haine, il était le véritable chef des opé
plus vraisemblable, rations, et imposait ses plans à Lélius.
L’ABBIVÉI ns scirIoN native Il avait à cœur d'occuper à l'instant
IASSINISSA sa‘ RUINE sushi." Cirta , où Syphax avait résidé depuis
Jusque-là la fortune s'était acharnée que son royaume s'était agrandi vers
à poursuivre Massinissa ; mais dès que l'orient, et ilpersuaiia à Léllus de le
les Romains eurent mis le pied en suivre avec linfanterie, tandis qu'il
Afrique. les choses changèrent de face. courrait en avant avec les cavaliers
Ici l'histoire des deux rois numidcs pour investir la place. Ce n'était pas
se confond entièrement avec celle de seulement pour se rapprocher de Car
la seconde guerre punique , qu'il thage que Sypliax avait choisi ce sé
n’entre pas dans notre sujet de ra jour. Cirta était la place la plus forte
conter. Cependant il importe de sul de toute la Numidie , comme aujour
vre la destinée de Massinissa et de Sy d'hui encore la ville moderne qui la
phax, devenus les seconds de Rome et remplace ("). Massinissa arriva devan.
de Carthage dans cette grande lutte , les murs de Cirta avant que la nou
où ils terminèrent aussi leurs longs velle de la captivité de Syphax y fût
démêlés (‘). Syphax apportait à ses al parvenus. Il demanda une entrevue
liés une armée , un trésor . de vastes aux principaux de la ville; mais ni les
ressources: Massinissa fut beaucoup roiiiesses ni les menaces ne pouvaient
plus utile aux siens en leur consacrant es déterminer à se rendre; alors on
sa valeur, son expérience et sa fidélité. leur montra Syphax enchaîné. A ce
Il prit une part glorieuse à tous les triste spectacle , un cri de douleur
exploits de Scipion et de Lélius, à échappe de leur poitrine, et toute la
la ruine de l'armée d'Hannon , à l'in ville fut bientôt dans la consternation.
cendio des camps d’Asdrubal et de On ne songea plus à se défendre; les
Syphax, à la victoire des grande» plai uns , par crainte . abandonnèrent les
nes,.qui laissa Carthage sans défense, murailles; les autres , pour obtenir le
et la contraignit à rappeler Annibal; pardon du vainqueur,'ouvrirent les
enfin, à la défaite de ce dernier ‘a portes et se rendirent. Massinissa
Zama. En récompense de tant de ser plaça (les gardes aux portes et autour
vices , les Romains l'aideront à ruiner des murailles pour empêcher la déser
la puissance de Syphax. Lélius ra’ tion des habitants, et il courut de
mena Massinissa dans son royaume. toute la vitesse de son cheval au palais
Syphax. qui s'était enfui dans ses États. de Syphax pour s'en rendre maître.
tenta encore une fois le ‘sort des bu. mscouns on SOPHONISBI A lus
tailles, et il suœomba devant les lé SINISSA. —Au moment où il entrait
gions de Lélius. Il combattit brai/9'
ment; mais son cheval s'étant abattu, (') Constantine. On trouve sur l‘ein la‘
il se blessa dans la chute, fut fait pri cement de cette ville de nombreuses ruines
sonnier, et conduit d'abord à Massi antiques, un arc de triomphe tel qu'on en
nissa. qui gciita toutefois le plaisir de voit i'i Rome, un édifice de marbre construit
la vengeance en voyant l'abaissement rès d'une fontaine d'une un très-froide.
de celui qui ‘l'avait proscrit autrefois ors de l'enceinte de Conslsntina.sbaw
a vu plusieurs ci pas couverts d'inscriptions
ïgomfEusuits Sypbu fut livré à Lé funéraires. Au edam de la ville sont plu
ius. sieurs débris de constructions romaines. un
cran . CAPITALE DE SYPIIAK , palais, un amphithéâtre; enfin le pont du
101m3 AU POUVOIR DE IABSINIIIA. Rummel, ouvrage romain d'une architec
—Massinissa poursuivit la perte de ture remarquable. Les ‘voyageurs Show et
Poire! ont usé que la ville modernon'est
À 0') Voyez dans ce volume l'fliuolre de pas aussi tendue que le fut l'ancien!»
Carthage, deuxième partie, p. 91. Cirta.
2!
20
sous le vestibule du palais. Sopho thage. Mais l'ancien amour de Mas
nisbe, fille d’Asdrubal, épouse de Sy sinissa, les feuæ mal éteints, la joie
phax, se présente à lui. Elle distingua de retrouver sa maîtresse, sont des in
facilement le roi de sa suite, à l'éclat de ventions romanesques de nos histo
ses armes et à la richesse de tout son riens (’). Sophonisbe était alors dans
vêtement militaire. et, s'étant pros toutl‘éclat de sa jeunesseetde sa beauté.
ternée à ses pieds, elle lui parla ainsi : Massinissa, qui la voyait pour la pre
« Les dieux, votre courage et votre mière fois, fut à l'instant enflammé
« fortune vous ont rendu’ maître ab d'un ardent désir de la posséder, et il
« solu‘de mon sort. Mais s'il est per conçut l'imprudent dessein de l'épou
a mis à une captive d’implorer en sup ser, pour ôter à Lélius et à Sci
« pliant celui qui est l'arbitre de sa ion la possibilité de disposer d'une
a vie et de sa mort , si vous m'accor emme qu'il aurait prise pour épouse.
« dez la faveur d'embrasser vos ge Ainsi, la séduisante Sophonisbe faillit
« noux et cette main victorieuse, je être aussi dangereuse pour Massinissa
n vous conjure, par la majesté royale que pour Syphax.
« dont nous étions encore tout à l'heure ENTREVUE nn SYPHAX ET DE scr
en environnés, par le nom de Numide PION. ——Sypl|ax avait été conduit de
« qui vous est commun avec Syphax, vant Scipion, et son entretien lit com
« par les divinités rie ce palais que je prendre à celui-ci tout le danger du
« prie de regarder votre arrivée plus nouveau mariage de Massinissa : «1 Quel
« favorablement qu'elles n'ont vu son « démon t'a poussé, dit Scipion au
a triste départ; je vous conjure de «prisonnier, à renoncer à l’alliance
« m'accorder cette grâce, que vous dé q romaine, et à préférer celle de Car.
« cidiez vous - même de mon sort, « thage, qui t'avait toujours combat
« quelles que soient vos dispositions a tu? - Syphax répondit: « C’est So
en à l'égard de votre prisonnière, et de - phonisbe, fille d‘Asdrubal. Je l'ai
a ne point souffrir que je tombe sous c aimée, pour mon malheur. Elle aime
a la superbe et cruelle domination « ardemment sa patrie, et est habile à
cd’aucun Romain. Quand je n'aurais « persuader ce u'elle veut. C'est elle
a été que la femme de Syphax, j'aurais m qui m'a fait ’allié de Carthage, et
« toujours préféré la foi d’un prince n qui m'a précipité dans cet abîme de
« numide, né dans l'Afrique comme « maux. Prenez garde qu'elle ne sé
« moi, à celle d'un étranger. Mais « duise aussi Massinissa, et qu'elle ne
a vous comprenez ce u'une Cartha « l'entraîne à son parti.» Il parlait ain
u inoise, ce que la G le d’Asdrubal si, autant par dépit de l'infidélité de So
« oit redouter des Romains. S'il n'y phonisbe, que par jalousie et par haine
a a que la mon‘. qui puisse me sous contre Massinissa. Ces paroles furent
« traire à leur puissance, je vous prie bien accueillies de Scipion, qui garda
n et je vous conjure de me la don Syphax auprès de lui, et le consulta
1 ner. n fréquemment, dit Ap ien, comme au
massrmsss Épouse sopnomsns. tret'ois Cyrus, le roi e Lydie Crésus,
—Tlte-Live , qui raconte au long la qui était aussi son captif. Peut-être
dramatique histoire de Sophonisbe, ne Scipion se ménageait-il les moyens
parle nullement des engagements qui, d'inquiéterMassinissa, si les prévisions
selon Appien , avaient été contractés de Syphax se réalisaient.
déjà entre elle et Massinissa avant sermon nécuux sopnomsnx;
son mariage avec Syphax. Cepen (‘) Rollin, le président de Brosses em
dant ce silence sur ce point ne dé ploient ces expressions à propos de celte
truit pas entièrement le témoignage entrevue de Massinissa et de Sophonisbe.
d'Applen; et Asdrubal, par les mêmes Le sujet de Sophonisbe a été traité trois
motifs qui le déterminèrent à donner fois par trois poëles tragiques d'une valeur
sa fille à S phax, avait pu auparavant bien différente, Mniret , Corneille, Voltaire.
la fiancer son rival, allié de Car Aucun n'y a réussi.
NUMIDIE ET MAURITANIE. 21,
nnssmrsse LUI ENVOIE nu POISON. plainte pour mourir avec dignité,
— Lélius avait fortement blâmé Mas avala le funeste breuvage. Alors les‘
sinissa de ce qu’il avait faitret avait Romains survinrent; Massinissa n'eut
été sur le point d’enlever Sophonisbe, qu’un cadavre à leur montrer. Il lit à
pour la réunir aux autres prisonniers. Sophonisbe de royales funérailles, et
Massinissa le supplie de la lui laisser, retourna près de Scipion. Telle était
et Lélius consentit à s'en rapporter l'humiliation d'un roi puissant et dé
au jugement de Scipion. Celubci or. voué en présence de ces fiers républi
donna hautement que Sophonisbe, cams.
femme de Syphax , lui fût remise. ANNIBAL VAINCU A une; SCIPION
Rien ne fait mieux comprendre la hau DONNE A nassrmsse L’lNvEsTITUan
teur romaine _à.l’égard de quiconque DE TOUTE LA NUMIDIB (202 avant notre
rétendait avoir une volonté contraireère). — Annibal n'avait pas encore été
celle de Rome, que la manière dont .vaincu, et les espérances que Carthage
Sci ion contraignlt Massinissa à sa conservait encore de ce côté avaient fait‘
cri er cette femme qu’il voulait sau à Scipion la nécessité d'être inflexible
ver. Tite-Live, qui dans ses admirables envers Sophonisbe, qui pouvait cham
narrations n’a pas toujours exacte ger Massinissa. Annibal trouva encore
ment représenté le caractère des faits des alliés parmi les Numides : le prince
ni des personnages, représente Scipion des Aréacides, tribu dont le pays n'é
inquiet des dispositions de Massinissa, tait guère éloigné d'Adrumète' Ver
et tachant de le ramener par des pa mina, fils aîné de Syphax; Mésetule,
roles pleines de douceur et de ména l’ancien tuteur de Lucumacès; Tychée,
Fements, où il mêle à des raisons po prince numide, an ‘en allié de Sy
itiques des conseils relatifs au mépris phax, se joignirent a lui. Mais Massi
des passions et à l’empire sur soi nissa était a lui seul préférable a tous
méme. C’est une le on de morale qu’il ces vaincus, qui n’empéchèrent pas le
invente, et non un ait qu’il rapporte. désastre de Zama (20|). Avant de quit
Scipion pouvait parler en maître, et ter l'Afrique, Scipion récompense di
il ne manque pas de le faire. Appien, gnement son allie. Massinissa fut re
moins élégant et moins habile que connu roi au nom du peuple romain.
Tite-Live, est beaucoup plus près de Il reçut en présent, de Scipion, une
la vérité, et son récit est plus frap couronne et une coupe d'or, une chaise
pant. Il dit que Massinissa ayant env curule, un sceptre d’ivoîre, une robe
trepris de toucher Scipion à l’égard de pourpre brodée . et tous les orne
de Sophonisbe, commençait à lui ra ments dont se parajent les triompha
contertoutel’infortune decettefemme, teurs. Après‘avoir imposé à Carthage
lorsque Scipion l'interrompit dure le traité qui termina la seconde guerre
ment par ces mots : « Vous ne devez punique, Sci pion déclara publiquement
n pas priver Rome de ses dépouilles : qu’il ajoutait aux États que Massinissa
c il faut tout mettre en commun. tenait de ses pères la ville de Cirta
« Vous demanderez ensuite , et on et les autres places que les Romains
a vous accordera si vous savez obte avaient enlevées à Syphax, établissant
« nir. n Massinissa se tut, et parut se ainsi aux portes de Carthage un en
résigner. Accompagné de quelques soi nem'bacharné qui devait préparer sa
dats romains, il partit comme pour li ruine par de continuelles agressions.
vrer Sophonisbe. Mais ayant pris les FIN DE SYPBAX ; venmNA se MAIN
devants, il la vit en secret et llll donna’ rnm'r nms UNE PARTIE mas ÉTATS
du poison, en lui disant: « Prenez ne son PÈRE (200 avant notre ère).
- ceci, ou devenez l’esclave des Ro — Lélius avait été chargé par Sci
. mains. un Il 'n’ajouta rien de plus, et ion de conduire à Bome Syphax et
remonta sur son cheval le cœur dé es prisonniers numides les plus in].
chiré. Sophonisbe montra la coupe à portants :la vue de tous ces captifs
sa nourrice, et, s’abstenant de toute causa parmi le peuple une grande allé
22
resse. Le sénat déllbéra sur le'sort unique, toute la Numidie était tom
e Sypbax, et on décida qu’il serait ée sous l’aseeudam des Romains:
enfermé à Albe, qui devint dès lors la ceux‘ ci ‘ne possédaient pas encore
prison ordinaire des rois vaincus. _Sy un pouce de terre en Afrique, mais
phax ne tarda pas à y mourir de tris déjà tout y dépendait de leur volon»
tes’seetd’ennui (*).Vermina,après avoir té. Cependant la famille de syphax
partagé la défaite d’Annibal a Zama, n'oublia jamais que Rome était la
leva encore une armée pour la con cause de son abaissement, et eut tou
duire à Carthage, que Scipion mena jours plus d’inclination pour Carthage.
ait d'un siége. La cavalerie romaine Lorsque Caton le censeur voulut prou
’ayant enveloppé, lui prit et lui tua ver au sénat qu’il fallait détruire Car
plus de quinze mille hommes. Ver tirage, il donna. comme une des preu
inina s’écha pa au milieu du‘ tumulte, ves qu’e‘le redevenait à craindre, les
avec un petll nombre des siens, et se secours considérables qu’Ai-ehobarza
retira dans les provinces les plus recu ne, petit-fils de Sypbax, avait armes
lées et les plus barbares du royaume pour la soutenir contre Massinissa.
de son père. Mais il n’y avait pas de commun un MAssiNIssA A n’e
sûreté pour lui- s’il ne désarmait le GAnD DE cAnTHAoE ET DE ROMB,DB
courroux des Romains. Il envoya une rüls LA FIN DE LA SECONDE GUEIËBE
ambassade à Rome, pour rejeter sur rumeur: JUSQU'À sa mon (de 200 à
les Cartha inois tout le tort de sa 148 avant notre ère). -— Le plus grand
conduite a ’égard de la république. Il malheur de Carthage, après celui d’a
promettait d'imiter Massinissa dans voir en Rome pour rivale, fut d'être
son zèle et son attachement au peuple inquiétée continuellement pendant un
romain, si. comme lui, il parvenait demi-siècle par l’ambition de Massi
à être traité en allié et en ami. Le‘ sé nissa. Les Romains laissèrentàsa haine
nat répondit que le titre d’allié était le soin d’e‘m écher Carthage de se re
un honneur qu il n’accordait qu’à ceux lever; ils lui permirent de lui enlever
,qui_avaient rendu de grands services; ses ‘meilleures provinces, de la dégarnir
qu’avant de demander d'être traite en de tous côtés, d’anéa‘ntir ses‘dernières
ami , Vermina devait se contenter ressources; et quand ils le jug‘èrent
d’obtenir la paix -, que les envoyés de a propos, ils lui arrachèreut sa proie,
la républi ne allaient passer en Afri et ruinèrent cette malheureuse ville
äue, et qu ils lui signifieraientles cou de fond en‘ comble. Pour tous les évé
. itions auxquelles on consentalt a tral nements de cette lutte de Massinissa
ter avec lui. Quand Vermina sut que avec la république phénicienne, nous
I’am assade romaine se dirigeant vers renvoyons à l’hlstolre même de Car
ses tats, il s’empressa d’aller au de thage, où les envahissements du roi
vant d’elle jusqu'à ses frontières. Il se numide et l'inique intervention des
soumit sans réclamer à toutes les con Romains sont complètement racon
ditions qu’on voulut bien lui pres tés l’). Ainsi, nous n’ajouterons rien
crire, disant que toute paix avec les à ce qui a été dit déjà sur les agres
Romains lui paraîtrait juste et avan sions successives par les uelles Massi
tageuse. La paix lui fut donc accor nissa se rendit maître e la province
(lée et imposee d’autorité, et il reçut appelée Emporiu, du territoire des
l'ordre d'envoyer des députés à Rome rdndes plaines, de la rovince de
pour en recevoir la ratification (200). g‘jsca, enfin de la ville d’ roscope; ni
Ainsi, à la [in de la seconde guerre sur la guerre provoquée par cette der
niere usurpation, dans laquelle Mas
(') Syphax mourut au moment où il quit sinissa, combattant avec‘ toute l'ar
tait Albe pour paraître au triomphe de deur de la jeunesse, extermina l'armée
Scipion I'Ai'ricain. Les Romains lui firent carthaginoise. Rome n’avait rien à
des funérailles convenables. Tous les pri
sonniers numides obliurent leur liberté. (') Carthage, deuxième partie, p. 101.
NUMIDIE ET MAURITANIE. 28
craindre en Italie, tandis que Carthage les consuls Censorinus et Manilius vin
avait en Afrique, tout autour de ses rent lui demanderdes secours, il ré
frontières. un ennemi puissant et ba pondit sèchement qu'il leur fournirait
bile qui la détestait. Sa ruine était des troupes dès qu’ils en auraient be
inévitable. Dans le reste de sa longue‘ soin‘. Mais s'il avait persévéré, ‘les Ro
carrière, le roi numide conserva tou mains n'auraient-ils pas eu le droit de
jours l'amitié des Romains par son l'accuser d'ingratitude? Rome avait
empressement à les servir. Quand fait sa grandeur, à condition qu’il se
cenxsci tirent la guerre à la Macé consacrer-ait tout entier à son service.
doine,“ leur fournit un corps de mille Et qui pouvait songer à se pourvoir
cavaliers, autant de fantassins et en présence de ce peuple envahisseur
trentedeux éléphants. et nomma son qui, depuis longtemps, se sentait ap
fils Misagènes pour commander ces peléà tout asservir? Aussi, cette irri
renforts. Il leur envoya, à différentes tation de Massinissa ne fut qu’un mo
reprises, des quantités considérables de ment d'erreur dont il revint bientôt.
grains; et, comme Carthage en faisait D'ailleurs, quels que fussent les désirs
autant pour désarmer le sénat, il en et les projets de Massinissa, il ne sen
résulta que l'Afrique commença dès tait plus en lui la force nécessaire
lors à suppléer à l’insuffisance de la pour rien entreprendre et rien réali
production agricole en Italie. et à ser davantage. Si son âme conservait
nourrir le euple-roi. La conduite de son énergie et son ambition , son
Massinissa a l’ésard des deux républi cor 5, si longtemps robuste et infati
ques était habilement calculée dans gab e’, était enfin brisé par l’âge, et la
l’intérét de se grandeuri Si Rome con vie allait l'abandonner.
servait sa puissance, Massinissa jouis nsnmitnns DlSPOSITlONS ne MAS
sait toujours du bénéfice de son al stmssa; SA mon; sermon ÉMILIEN,
liance; si quelque roi de l'Orient avait animé PAR LUI, VIENT mienne LES
fini par l'sbaisser, le Numide n’avait unrnss ne LA NUMIDIE (148 avant
plus qu’à mettre la main sur Carthage, notre ère). — Alors, renonçant à tous
qu’il affaiblissait tous les jours, eta les plans qu'il avait formés, il ne son
se proclamer sonverainde toute I’Aa gea plus qu’à préparer un avenir pai
frique. Il sraisseit bien, à l‘acliarne sible à ses enfants. Sentant sa fin pros
ment de assinissa à poursuivre Car chaîne, il flt_prier Sci ion Émillen,
thage que ce prince travaillait pour qui n'était alors que tri un dans l'ar
lui-même; et c'était la seule crainte du mée romaine, de se rendre auprès de
sénat qu’il n‘enfinît que trop tôt avec lui. Ses anciennes relations d'amitié
elle,etqu'il ne lniportât le dernier coup. avec la famille des Scipions, la haute
Aussi cette défiance, que les Romains réputation que le 'eune Emilien avait
avaient conçue de leur allié, devint déjà a uise, le éterminèrent à lui
presque la seule défense de Carthage, confier e soin de partager ses États
et prolongée quelque temps son ‘exis entre ses fils. pour les placer sous un
tencer Car si le sénat lâchait Massi patronage puissant. Il voulait leur as
nissa e'ontre elle. il le retenait aussi. surer‘ un appui à Rome, et un média
Massinissa sentait sa dépendance, et, teur qui préviendrait leurs propres
à mesure u'il devenait plus puissant. dissensions. Mais, prévoyant qu’il ai
il en sauf rait davanta . Quand les lait mourir avant l’arrivée d’Émilien,
humains se décidèrent a achever Car il fit venir sa femme et ses enfants, et
tirage et déclarèrent la troisième guerre leur dit 1 qu’il laissait à Scipion le
punique, le roi deNumidie ne put dissi pouvoir suprême de disposer de ses
mulet le mécontentement que lui causa iens et de partager son royaume entre
il procédé de Rome. Il vit avec dou ses lils; qu il voulait que tout ce qu’il
leur qu’il n’avait été que l’instrument aurait décidé fût exécuté ri oureuse
du sénat; que le résultat de ses efforts ment comme si lui-même lavait ar
n’était pas pour lui. Aussi, lorsque rété par son testament. » Il termina en
24
conseillant à ses fils de cultiver cons occupent dans l'histoire romaine une
tamment l’amitié des Romains, de place aussi considérable que Massi
ne point contracter de nouvelles al nissa. La longue durée de son règne
liances, de placer toute leur confiance contribua beaucou à changer l'état
et toute leur force dans la protection social de la Numi ie. Dans plusieurs
du sénat. uelques instants après, il contrées de son vaste empire, ce prince
expira, âge de quatre-vingt-dix-sept s'attacha à fixer les habitants au sol,
ans, l'an 148 avant l'ère chrétienne. à leur faire abandonner les habitudes
Il avait confié son anneau à l’aîné de de la vie errante , en leur enseignant
ses fils , Micipsa. Il laissa quarante à tirer parti de la fertilité de leur ter
quatre enfants de diverses femmes; ritoire, et à se livrer à l'agriculture. Il
mais trois seulement furent considé s'efforça surtout de discipliner ses sol
re's comme ses héritiers légitimes, sa dats, de les façonner a la tactique
voir :Micipsa, Gulussa et Manastabal. romaine, de réprimer en'eux l’instinct
A peine Massinissa avait-il rendu l’es du brigandage. Lui-même donna lus
prit, que Scipion Émilien arriva à d’une fois l‘exemple du respect 0 à
Cirta. Il lit le partage du gouverne la propriété, principalement à l'égard
ment et des Etats de la Numidie entre des dieux. Valere Maxime nous apprend
les trois fils légitimes, en assurant que ses vaisseaux ayant fait unedes
aussi le sort de leurs frères. Micipsa cente dans l'île de Malte, les soldats
eut Cirta, la capitale, et l’autorlté qui les montaient pillèrent un temple
principale. Gulussa, prince habile et consacré à Junon , et y enlevèrent une
belliqueux, eut le commandement de grande quantité d’ivoire, que le chef
l’armée et la direction de tout ce qui e l’expédition vint offrir au roi. Mas
avait rapport à la guerre. Manastabal, sinissa, regardant ce présent comme
le plus jeune des trois, fut chargé de sacrilège , rendit tout cet ivoire aux
présider aux jugements , à tout ce qui prêtres du temple, et fit graver en cas
était de la justice. Les immenses tré ractères numides, surquelques-u nesdes
sors de leur père leur furent laissés en pièces renvoyées par son ordre , qu’il
commun, et ils eurent tous trois le avait restitué ces objets par respect
titre de roi. Quand tout fut réglé, pour la déesse à laquelle on les avait
Scipion repartit de Cirta. emmenant consacrés. Ce fait nous atteste de plus
avec lui un corps de troupes numides, que les Numides avaient un alphabet
sous la conduite de Gulussa, pour ren qui leur était particulier. Les rela
forcer l’armée romaine, occupée alors tions de ce prince avec les Scipions,
au siège de Carthage. On peut remar les Romains les plus élégants et les
quer avec quelle adresse Scipion s’ac plus polices de leur temps , lui firent
quitta de la tâche difficile que Mas connaître les raffinements de la civi
sinissa lui avait léguée : en disséminant lisation grecque; et Athénée nous\ap
l'autorité entre les trois frères, il les prend qu'il avait des musiciens grecs
rendait plus dépendants de Rome, et a ses repas. Le second de ses fils, Ma
établissait un équilibre par lequel ces nastabal, connaissait parfaitement la
trois rois se retenaient les uns les au langue grecque. Mais ce qu’il y a de
tres. Ainsi la mort de Massinissa était, plus remarquable dans Massinissa ,
comme sa vie tout entière , un événe c'est que tout en comprenant les avan
ment favorable à la fortune des Ro tages de la civilisation, et en s’effor
mains. Carthave allait périr, et la çant de la répandre autour de lui. et
Numidie, loin d'inspirer des craintes, parmi ses sujets , il ne changea rien
était plus dépen‘dante que jamais. pour lui-même aux coutumes deses
QUELQUES PABTICULARITÉS sUn pères , ni aux habitudes de l’éducation
HASSINISSA; sEs EFFORTS POUR cr rude et forte ui avait été celle de son
vrusan SON PEUPLE; SES BABITU enfance. Pen ant que les étrangers
mas DE VIE; sa TEMPÉBANCE; sa qu’il admettait à sa table étaient sel‘
VIGUEUR, etc. -- Peu de rois barbares vis dans de la vaisselle d'or, et qu’on
NUMIDIE ET MAURITANIE. 25
étalait à leurs yeux des vases précieux ses vastes États, que, deux années plus
par la matière et le travail, le roi man tard, la prise de Cartha e devait en
geait dans de la vaisselle de terre. Il core agrandir. Scipion Ëmilien , à la
se contentait des aliments les plus fin du long sié e qui allait avoir pour
simples. PlutarqueI d'après Polybe, issue l'entière estruction de la rivale
raconte que, le lendemain d’une grande de Rome , trouva dans les fils du vieux
victoire sur les carthaginois , on l'a roi, et surtout en la personne de Gu
vait trouvé,devant sa tente, faisant son lussa , d'utiles et dévoués auxiliai
repas d’un morceau de pain bis. Pen res (*). Après l'anéantissement de
dant toute sa vie il s’exe au travail Carthage, les vainqueurs , distraits à
et à la fatigue : selon Poly e, il se te l’orient et à l'occident par des guer
nait souvent debout au même endroit res importantes , ne songèrent point à
depuis le matin jusqu’au soir, sans étendre leurs conquêtes en Afrique.
se donner le moindre mouvement; et Se bornant à occuper et à placer
d’autres fois il demeurait assis durant sous leur surveillance immédiate la
le même espace de temps. Sa force et province qui avoisinait la ville détruite,
son agilité, entretenues ar ce genre de Ils laissèrent en Afrique les vastes ré
vie, etaient extrêmes. 1' était le meil gions de l'ouest et du sud aux rois
leur cavalier de toute la Numidie, et numides dont ils connaissaient les ami
restait à cheval plusieurs jours et plu‘ cales dispositions.
sieurs nuits de suite. Il conserva cette Massinissa avait eu trois fils, Ma
vigueur jusque dans sa vieillesse la nastabal, Gulussa et Micipsa. Après
plus avancée, et à l'âge de quatre la mort de ses deux frères, Micipsa
vingt-dix ans on le voyait encore, tête se trouva seul héritier et souverain du
une , monter seul sur son cheval sans royaume de Numidie. Ce royaume
selle. et s’y tenir un jour tout entier. comprenait tous ‘les pays situés entre
Sa constitution se conserva si robuste le Mulucha et l'extrémité sud-ouest de
jusqu'à la fin, ne le dernier de ses la petite Syrte; il fallait en retrancher
fils,nomméStem al, n’avaitquequatre toutefois la nouvelle province romaine.
ans quand il mourut. ll dirigea lui Micipsa gouverna en paix les nombreu
même la guerre qu’il fit aux Cartlia ses tribus disséminées dans ses États ,
ginois deux ans avant sa mort, et. s'y et pendant le cours de son long règne
montra aussi actif, aussi infatigable il sut, comme ses frères et son père, se
que soixante-dix ans auparavant quand maintenir non point seulement dans
1 commença ‘a lutter contre Syphax l'alliance, mais encore dans‘ l'amitié
et a combattre les Romains en Espagne. des Romains. Pendant trente années
Tel fut Massinissa, habile guerrier, environ, le roi numide n'eut donc à
bon politique, attaché aux Romains combattre ni ennemis au dehors, ni
sans bassesse, d'un caractère fier et révoltes au dedans; néanmoins il ne
généreux , exempt de ces crimes odieux fut pas heureux, et dans les derniers
si communs dans la vie des rois bar jours de sa vie surtout il fut en rare
bares, et par la même placé au-dessus a de vives alarmes et à une pro onde
deJugurtha, le seul de sa race qui tristesse.
puisse lui être opposé. Il fut le héros Il avait élevé près de lui, avec ses
de la Numidie. deux enfants Adberbal et Hiem
RÈGNE ne IIICIPSA; LA FAMILLE sal , un neveu , Jugurtha, qui était fi s
nu n01; JEUNESSE m; JUGUBTEA (148 naturel de Manastabal. Jugurtha avait
à 119 avant notre ère) (‘L-Massinissa l'esprit étendu , vif, délié, énétrant;
en mourant (148) avait légué à ses fils il était beau de visage, et ‘une force
l'amitié li précieuse des Romains, et qui ne s'amoindrit jamais dans les plai
sirs et les excès. Il était sobre comme
(') M. Yanoslu nous a communiqué des
notes qui nous ont considérablement aidé (') Voy. ci-dessus Histoire de Carthage,
pour toute l'histoire de Jugurtha. deuxième partie, p. 113.
26
tous les hommes de sa race. Dès son dres duquel il avait été placé, et de
adolescence il s’adonna avec passion tous les officiers qui l'environnaient.
aux exercices du cor s; il montait, à Là. dans les travaux de la guerre , les
la manière des Numi es,un cheval qui repos et les veilles du camp. Jugurtha
n’avait ni selle ni frein , le lançait au étudia, avec sa vive pénétration , le
galop,et-accomplissait tout arme, pen caractère de ses compagnons d'armes.
ant les courses les plus rapides . ces Il se lia d'amitié avec certains houl
brusques évolutions que les anciens mes très-influents, mais qui, en gé
admiraient et que nous admirons en néral , suivant l'expression d'un his
core aujourd'hui chez les cavaliers torien de l'antiquité, étaient plus amis
africains. Jugurtha était brave aussi; des richesses que de la vertu et de la
dans les grandes chasses, il se préci probité. Il recherche de préférence les
pitait hardiment, avec seulement un plus corrompus , comptant sur eux
javelot , à la poursuite du lion et des pour réussir un jour dans ses projets
autres animaux féroces qui habitent le ambitieux. Ce fut de ces hommes dé
désert. Les Numides admiraient et ai criés que le jeune Numide apprit, dit
maient Jugurtha. Micipsa ne se fit Salluste, c qu’à Rome on obtenait
point illusion sur les dangers qui me tout à prix d'argent. » Enfin , Scipion
naçaient ses deux fils; il comprit que, prit et renversa Numance. Après le
parmi ces tribus africaines qui accep succès ilrenvoya ses auxiliaires’. Toll
tent volontiers pour chef le guerrier tefois , il ne se sépara point du corps
le plus brave et le cavalier le plus ha des Numides sans lui avoir témoigné
bile, son neveu avait acquis des droits hautement sa satisfaction , et il donna
plus réels que ceux de la naissance, et‘ à leur chef, pour Mici sa, une lettre
qui devaient l'emporter un joursur ainsi conçue: « Jugurt a , ton neveu,
ceux d'Adherbal et .de Hiempsal. Il « a montré la plus grande valeur dans
songea plus d'une fois ‘comme l'at « la guerre de Romance. Rêjouis-toi:
teste Sa luste, à faire périr Jugurtha; - les services qu’il a rendus à l'armée
mais la crainte d'exciter un soulève et romaine lui ont acquis mon affec
ment parmi les, tribus soumises à son « tion; ‘e ferai tout pour lui assurer
commandement l'arréta. A l’époque 1 celle u‘sénat et du uple romain.
du siège de Nuninnce,‘ il crut enfin c Pour toi, je te félicite à cause de
avoir trouvé une occasion favorable et l'amitié qui nous u'nit; car tu as
de se défaire de celui qui lui inspirait a dans ce neveu un homme digne de
ur l'avenir de si vives inquiétudes. a toi et de son aïeul Massinissa. n Cette
Es Romains avaient demandé au r i lettre, loin de porter la joie dans l'âme
de Numidie, leur allié, un corps‘ e de Micipsa, ne lit sans doute que ra
troupes. Micipsa se hâte de leur en virer ses craintes et sa tristesse. Mais
voyer en Èspaone des cavaliers et des il n’y avait plus à hésiter; il fallaitjus
fantassins qu'il avait placés sous les qu'au bout conserver des ménage
ordres de Jugurtha; il pensait lie le ments et des dehors d'affection pour
jeune prince, emporté par son 'uil celui qui, par ses qualités ersonnelles
ant coura're et sa témérité, trouve et sa conduite habile, eétalt rendu
rait la moâ dans les rangs ennemis, également cher aux Numides et aux
et le dis oserait insi de recourir à Romains. '
un crimé ont l'éit ution jus d'alors mon‘! mi trams; site niaüthss
lui avait‘ paru si périlleuse. ais a‘r pneus‘. à‘ De la la ‘attire de ne
rivé au camp des Romains‘, Ju ur msnce, le roi a Numidle traite Ju
tha sut contenir son ardeur_(i 3). gurtha comme l'égal de’ ses ropr'es
Chargé ‘ avant par Scipion de mis enfants; et plus tard, uand l sentit
sions di ciles, il lès remplit avec au approcher sa fin , il réso ut de lui don
tant de prudence que de coura c; en ner une part dans son héritage, afin
peu de temps il sut acquérir laffec qu’il ne fut pas tenté de prendre le
tion de l'illustre général sous les or tout. Couche’ sur son lit de mort, il
NUMIDIE ET MAURITANIE. ‘27
ne appeler Adherbal , Hiem' sal, et ce Ce fut à l'occasion du partage que
lui qu’il appelait son fils ‘adoption , la discorde éclata entre les trois prin
et adressa aux trois jeunes princes ces. Jugurtlia aurait hésité longtemps
une touchante allocution. Il leur re eut-être à mettre à exécution ses pro
eommanda de vivre en paix et de le Jets ambitieux , s'il n'avait été ‘violem
téter, dans les circonstances’ diffici ment excité et entraide malgré lui par’
es, un mutuel secours. Il termina en le caractère t'otlgueuxet hautain de
disant: « Je vous laisse un royaume Hiempsal. Un Jour, dans une réunion
solidement afférmi, si dans vos rap. des trois princes, Hlempsal, le lus
ports vous êtes loyaux et gens de bien; jeune , s’assit à la droite d‘Adher al ,
mais aisé à détruire, si vous ne l’étes afin 'ue Jugurtha n’rût pas la place
pas: car l'union augmente les forces du m lieu, ,ue les Humides regardent
des plus petites choses; la désunion comme la p us honorable; cependant,
ruine insensiblement les lus grandes. à la fin, pour se débarrasser des ins
c’est a toi, Jugurtha, p utôt u'à tes tentés de son frère, il consenilt, quoi
fréres,'ui uetues le plusâgée le plus que avec peine, à siéger dtun autre
sage, pr venir les événements qui côté. Ce fut dans la même réunion que
amènent la discorde et les ruptures; Jugurtha ayant insinué qu’il convenait
‘arcs que, dans tout démêlé, le plus d’annuler les mesures prises par Mi
ort, quoique attaqué le premler,_ne cipsa dans les cinq dernières années
laisse pas, a raison même de sa supério de sa vie, parce que le roi ne jouissait
rité, de passer pour l’agresseur. Pour plus alors de toute sa raison , Hiemp
vous, Adherbal et Hiempsal, respectez sal repartit vivement : et J’)! consens;
et honorez Jugurtlia. S0 ez comme lui vous cessez donc d'être roi, puisque
braves et habiles, et aites en sorte vous n’avez été appelé à partager le
qu’à l’égard de mes enfants je ne pa royaume que depuis trois ans. » Cette
raisse pas avoir été plus heureux par réponse fit sur l’âme de Jugurtha une
l’adoption que par la nature. u J ugur vive impression, et il résolut de ne
tha témoigna sa reconnaissance au roi pas tarder à tirer vengeance de celui
mourant par les plus vives protesta qui l’avait outragé.
tions. Mais Micipsa avait 21 eme fermé JUGUBTIIA ASSASSIN]! HIEMPSAL;
les yeux, que sa famille ut accablée ADHEBBAL IMPLORE L’AssisTANcn
de tous les maux qu’il avait prévus mas BOMAINS; PABTIALITÉ DU s19.
(119). lu'r; DES coMMissAinns SONT EN
PARTAGE DU nOYAUMB; La nisv voYÉs EN AFRIQUE (de H8 a 114 de
connu ricane xiv'rne LES PRINCES. notre ère). —— Après avoir accompli le
s-- Les trois princes songèrent d’abord partage d’un commun accord , les
à se partager les provinces que Mi princes s’étaieiit séparés. Hiempsal se
cipsa leur avait léguées. Après des ar rendit à Thermida (’J. Jugurtha, qui
rangements pris‘et acceptés d’un coni
mun accord , Adherbal reçut pour sa vail , qui a pour titre : Parallèle entre les
part les terres confinées entre I'Amp opérations militaires de Mite/lu: et de Ma
MgMOued-el-Kebir), la Tucca (laine), rius contre 111 art/ta, les première: inva
et le Mut/ml (Hamise); Jugurtiia fut sions des Arafés et les exploits de: Fran
a pelé à régner des rives de la Malu fais dans l'A/ge’rie. C'est à la suile de la ira
c ' jusqu'à celles de I'Ampsaga; tout duction de l'ouvrage de Mannert, faite en
le reste des États. de Micipsa tombait commun avec M. Duesberg, que M. Marciis
en partage à Hiempsal (‘). a rejeté, sous forme d’appendice. le travail
très-remarquable dont nous parlons.
ç") Nous empruntons ces délimitations si ') u Thermida ou Thirmida parait être
precisesà un excellent travail de M. L. Mar la même ville que Timirla de la Pruconsu
cus. Nous devons déclarer ici que nous nous laire. ou province de Carthage. Cette ville
confurinerons en général, dans le récit qui porte souvent le nom de lirgia dans les
va suivre, aux opinions émises dans ce ira Actes de l‘Eglise ; son emplacement coïncide,
28
avait introduit ses soldats dans la aux sénateurs furent touchantes. Apres
ville, par trahison, l’y fit assassiner. avoir exposé ses malheurs , il dévoila
La nouvelle de ce meurtre se répandit indirectement les manœuvres des émis.
bientôt; mais Jugurtha, sans tarder, saires de J ugurtha, et laissa entendre
appelle autour de lui ses artisans, ue plusieurs parmi ses juges avaient
qui étaient nombreux et dévoués , et té gagnés à l’avance. « Pères cons
se met' en mesuré de s’emparer de crits, dit-il. Massinissa nous 3 for
toute la Numidie. Adherbal épouvanté més , par sa conduite et par ses paro
s’était hâté d’envoyer'des ambassa les , à‘u’e nous attacher qu’au peuple
deurs à Rome, pour implorer l'assis romain, a ne faire ni alliances ni con
tance du sénat. Toutefois, sans at fédérations nouvelles, à nous croire
tendre leur retour, il s’avance contre très-puissants par votre amitié‘ seule;
les meurtriers de son frère, à la tête et si la fortune de votre empire venait
des Numides ni se sont dévoués à sa à changer, à nous ensevelir en même
fortune. Mais es soldats de Jugurtha temps sous ses ruines. Votre valeur
étaient plus braves et mieux exercés et la faveur des dieux ont assuré votre
ne les siens; dès le remier combat grandeur et votre puissance; tout se
i fut vaincu, et force de se réfpgier coude vos vues et obéit à vos lois;
dans la partie de l'Afrique qui avait rien donc de plus aisé pour vous que
été réduite en province romaine. De ‘de venger les in'ures faites à vos al-v
là il gagna lfltalie et Rome. Le vain liés. La seule c ose que je craigne,
queur ne fut pas complètement ras c’est que quelques-uns de vos. citoyens,
suré par la fuite d’Adherbal; il crai séduits par des liaisons peu éclairées
gnait ‘les Romains, et, our diminuer avec Jugurtha, ne traversent vos in
l’effet que devaient pr uire sur le sé tentions; etj’ap rends, en effet, qu’ils
nat les plaintes de celui qu’ilavait dé n'épargnent ni e forts. ni brigues, ni im-’
pouillé , il envoya , de son côté, avec portunités auprès de chacun de vous,
des sommes considérables en or et en pour vous engager à ne rien décider
argent, des émissaires qui devaient en son absence, et sans avoir examiné
gagner à sa cause les plus notables pa le fond de l'affaire; qu’ils m’accusent
triciens. Ces émissaires s'adressèrent d’exagérer et de feindre que j'ai été
d’abord aux nobles romains que Ju forcé de fuir , quoique je sois libre de
gurtha avait connus au siége de Nul rester dans mon royaume. Puisse-je le
mance; puis, à l'aide de ces anciens voir , le parricide auteur de mes maux‘,
amis, ils en gagnèrent de nouveaux. réduit à feindre comme moi ! Puissiez
L’or et les promesses firent alors dans vous un jour, vous ou les dieux im
les esprits un si grand changement, mortels , prendre connaissance des
qu'après avoir été l’objet de la haine afi‘aires des hommes, alin que le mal
la plus vive , Jugurtha, suivant le té heureux qui aujourd'hui s’enorgueillit
moignage de Salluste, jouit tout à et se prévaut de ses crimes , livré alors
coup des bonnes grâces et de la faveur à tous les supplices imaginables, soit
de la noblesse. Quand on assigna un rigoureusement puni de son ingrati
jour à Adherbal pour entendre ses tude envers notre père, de l'assassi
plaintes , sa cause, dansle sénat, était nat de mon frère, et de’ mes pro res
déjà perdue. malheurs. » Après avoir écouté Ad 1er
Les paroles adressées par Adherbal bal, les sénateurs donnèrent la .parole
aux ambassadeurs de Jugurtha. Ils
selon toutes les apparences avec celui de la dirent que les Numides avaient tué
moderne Jama, prise à tort par plusieurs Hiempsal a cause de sa cruauté; qu’A
géographes de notre époque, pour l'ancienne dherbal, ayant été l'agresseur, se plai
Zama Regia, dont le nom actuel est Zona gnait, apres avoir été vaincu, de n'avoir
rin. n M. Marcus; vby. les notes qui suivent pu réussir. dans son entreprise; que
sa traduction de la Géographie de l'Afri Jugurtha conjurait le sénat de ne le
que ancienne, par Mannert, p. 703. point croire autre qu’on ne l'avait
NUMIDIE ET MAURITANIE. 29
connu à Numance , et de ne pas s’en tant d’ailleurs, pour ses entreprises
rapporter aux invectives de son en futures , sur la puissance de son or,
nemi plutôt qu’à ses actions. Les dis n’liésita point à reprendre les armes
cours étant terminés , les deux parties et à faire une guerre injuste au mal
quittèrent l’assemblée. Le sénat entra heureux Adlierbal. Ce n'était point
alors en délibération. Le nombre de seulement une large part de la Numi
ceux qui avaient été gagnés par l'or de die qu'il convoitait, Il voulait encore
Jugurtha était plus grand qu’Adherbal régner seul sur les vastes contrées qui
lui-même, dans ses craintes, ne l’a avaient appartenujadis à Massinissa et
vait pensé. Quelques hommes austèc à Micipsa. il se jeta donc avec des
res se levèrent , il est vrai, pour pren cor s armés sur les frontières d’Ad
dre la défense de l‘op rimé; mais leurs her al , porta le ravage dans les cam
paroles furent étouffées par ceux qui pagnes et dans les villes, et fit un
voulaient justifier Jugurtha. a Le parti grand butin. Adherbal, qui connais
victorieux dans le sénat, dit Salluste, sait la force et les ressources de son
fut celui qui référait la richesse ou rival, n’essaya point de se venger: il
la faveur à la justice. Il fut arrêté que tenta encore la voie des négociations.
dix commissaires régleraient, entre (Je ne fut qu’après le retour de ses
Jugurtha et Adherbal, le partage des ambassadeurs , qui avaient été reçus
États de Micipsa. On mit a la tête de avec mépris et insulte, et lorsque son
cette commission Lucius Opimius , ennemi pénétra de nouveau dans son
personnage fameux, et qui avait alors royaume avec une puissante armée,
un grand crédit dans le sénat, pour qu'il se décida à lever des troupes. Ju
avoir, pendant son consulat, fait pé urtha n'avait rien tant désiré que de
rir Caîus Gracchus avec M. Fulvius, ‘amener à cette extrémité. Les deux
et poussé jusqu'à la barbarie la vie armées se rencontrèrent un soir, aux
toire de la noblesse sur le peuple. Il environs de Cirta. Pendant la nuit
s’était déclaré à Rome pour J u urtha, ui suivit cette rencontre , les soldats
et ce prince le reçut avec une istinc 'Adherbal se livrèrent au repos, en
tion particulière; à force de présents attendant le jour qui devait éclairer la
et de romesses , il l’amena au point bataille; mais Jugurtha, profitant de
d’en obtenir le sacrifice de sa réputa 'l’obscurité, se jeta à l'improviste'sur
tion , de son devoir. en un mot, de le camp de ses ennemis, plongés dans
ses plus chers intérêts: il tenta les le sommeil; il remporta une facile
autres commissaires par les mêmes victoire . et extermina tous ceux qui
voies, et la plupart se laissèrent a lui opposèrent de la résistance. Adhér
gner; bien peu préférèrent leur e bal, escorté d'un petit nombre de ca
voir à l'argent‘. Dans le partage, la valiers, se sauva en toute hâteà Cirta.
partie de la Numidie, voisine de la Il était suivi de près par les vain
Mauritanie, qui est la plus fertile et queurs , ni ne s’arrétèrent qu'aux
la plus peuplée , fut assignée à Jugur portes de a ville, défendues par des
tha; l’autre partie, qui a plus d'appa soldats italiens. Jugurtha voulant finir
rence que d'avantages réels , et qui est la guerre d’un coup, et comptant sur
mieux pourvue en ports de mer et un facile succès , vint investir Cirta.
en édifices, devint la portion d'Ad Mais la ville, par sa position et par la
herbal. » bravoure des soldats italiens , était
LA GUERRE RBCOEMENCE 1mn]; bien défendue. Jugurtha fut donc forcé
JUGURTBA ET ADHERBAL ; CELUI-cl de commencer un siége en règle. Il
ns'r VAINCU; SIÈGE DE clan; PRISE employa de nombreuses machines , et
DE LA VILLE; mon n'amasse“. donna de fréquents assauts our em
(112 et 113 avant notre ère). —Après porter la place. Cependantle ruit des
le départ des commissaires, J ugurtha, événements qui s’accomplissaient alors
enhardi par le succès que ses envoyés en Afrique était venu jusqu'à Rome.
avaient obtenu dans le sénat, et comp Le sénat envoya trois députés aux
30
deux rois, pour ‘arranger, s'il était avaient combattu si bravement, rdi.
temps encore, tous leurs différends à rent courage, et prirent la réso ution
l'amiable. Jugurtha trom a les Ro de se sauver à tout prix. Ils conseil
mains par des paroles ple nes de sou lèrent à Adherbal de remettre sa pere
mission, et en protestant de son bon sonne et la ville entre les mains de
droit. Les députés revinrent en Italie Jugurtha, en stipulant toutefois qu’il
sans avoir delivré Adherbal, et lais aurait la vie sauve; et ils lui firent env
sant toutes choses indécises. core espérer, pour l'avenir, l’ap ni du
Jugurtha redoubla alors de surveil sénat. Ce conseil était un ordi'e. et
lance, et pressa de plus en plus le siège le malheureux roi. abandonna sa per"
de Cirta. Adherbal , prévoyant les sonne et la ville à son implacable
maux qui l‘attendaient, résolut de s'a ennemi. Oubliant ses serments, Jugur
dresser encore une fois au sénat ro tha livra Adherbal aux plus affreux
main. Il choisit , parmi ceux qui l'a tourments; puis il fit massacrer toute
vaient accompagné dans sa fuite. deux la garnison. sans épargner les Ita
hommes dévoués, et prêts à braver liens, qui invo uercnt en vaimœmme
pour lui tous les périls. Il les encou. leur sauvegar e, la majesté du peuple
ragea par des promesses, et les pressa romain.
de traverser le camp ennemi et de a comme nus noruxus; CALPUR
gner le rivage. Ils devaient se ren re mus BESIIA ET scAUnUs; mon»
en Italie, et demander au sénat romain _ un coanourr LES Géniaux soc.
une prompte assistance. Les deux Nu MAINS (112 avant notre ère).—Quand
mides réussirent à écha per à l'en ces nouvelles vinrent à Rome, l’indio
nemi, et en peu de jours! s portèrent gnation du peuple fut portée à son
à Rome la lettre d’Adherbal. Touché. comble, et le sénat se vit contraint
des prières du roi assiégé et de ses d'adopter contre .lu urtha des mesu
pressantes instances , les sénateurs res énergiques. L. alpurnius Bestia.
décidèrent que de nouveaux députés l'un _des consuls, fut désigné our por
partiraient sans retard pourl'Afrique. ter la guerre en Numidie. 8e fut en
On les choisit parmi les personnages vain que le roi numide envoya en Ita
qui jouissaient dans la république, par lie son fils, et deux de ses plus intimes
leur âge et les charges qu'ils avaient confidents. On leur refusa l'entrée de
remplies. d'une grande illustration. Rome , et Calpurnius. réunissant son
Arrivés à Uti ue, ils signilièrent à Ju. > légions, passa de Rliegium en Sicile,
Ëurtha que, ans un brefdélal, il eût et de là en Afrique. Le consul com-_
se rendre auprès d'eux dans la pro mença la guerre avec vigueur; il ra
vince romaine. Jugurtha hésitait. 1| vagea la Numidie , et s'empara de
voulut tenter encore, avant d'obéir quelques vllles- Calpurnius , s'il faut
aux ordres des députés , de prendre en croire Salluste, était un homme
Cirta par la force. Il donna un assaut brave et habile; mais ces qualités
général, mais il échoua. Il se décida étaient gâtées par une insatiab e ava
alors à se rendre dans la province r0’ rice. Quand Jugurtha connut le carac
maine. Accompagné d'un petit nom« tère du général qui lui était opposé,
bre de cavaliers, il se présenta devant il se mit a l'œuvre pour le corrompre.
les envoyés du sénat, qui lui firent de Il tenta é alement. par son or, lelreu
terribles menaces. Il ne se laissa point tenant aurus , qui, par prudenu
déconcerter; il eut recours à l'astuce, plutôt que par vertu, lui avait d'abord
et peut-être à l'argent; et , après bien té opæpsé. Calpurnius ne résista int
des conférences inutiles, les Romains aux 0 es, sans doute considère les,
quittèrent l'Afrique sans avoir fait le qqu‘on lui fit. Après avoir reçu l’or du
ver le si 'ae de Cirta. A cette nou umide, ce cœur malade d’avariee,
voile, le ésespoir s'empara d’Adher dit Salluste, changea aisément de vues.
bal et de la garnison de la ville assié Cependant, il fallait traiter secrète
gée. Les italiens , qui jusqu’alors ment avec J ugurtha. Celui-ci, comme
NUMIDIE ET MAURITANIË. 31
par soumission, se rendit au camp ro conjoncture, devait être plus efficace
main, où il essaya, en présence de tous our lui que celle de ses anciens amis
les officiers, de se disculper des crimes es sénateurs. C’était le tribun du peu.
et des manquements de foi qu'on lui ple C. Bébius. Quand Jugurtha parut
reprochait. En public, il ne cessa de devant l'assemblée, on l'accabla de tou
protester de ses bonnes intentions; tes parts , malgré son humble conte
mais en secret il s'arrangea avec Cal nance, d'injures et de menaces. Le
purnius et Scaurus, et avec eux il se tribun Memmius contint le peuple, et
débarrassa de la guerre aux conditions lui rappela ne le roi avait reçu un
suivantes : il livra au questeur de Cal sauf-conduit. uis il interrogea Jugur
purnius trente éléphants, du bétail, tha sur ses crimes, et sur ses rapports
un grand nombre de chevaux, et une avec les nobles romains. On attendait
somme d'argent peu considérable. A une réponse, lorsque C. Bébius, usant
ce prix, comme le consul le lui avait du privilège de sa charge, .se tourna
promis, il devait rentrer ên grâce au vers le roi , et lui défendit de parler.
près du peuple romain. Après ce traitéI L'indignation du peuple fut portée à
Calpurnius, enrichi mais déshonoré, son comble; et Bébius, malgré les cla«
revint à Rome pour l'élection des ma meurs et les menaces de ceux qui
gistrats. l'environnaient , persistant à imposer
JUGUBTHA A nous; LES 'rniBUNs silence à Jugurtha , l'assemblée , à la
MEMMIUS n'r BÉBIUS', MASSIVA EST fin, se sépara. Dès lors le roi numide,
ASSASSINÉ ; JUGURTBA son‘ Dl et ceux que l'enquête roposée par
JIOME (111 av. notre ère). — « Quand Memmius avait menac s , reprirent
on eut, dit Salluste, la nouvelle de ce courage.
qui s'était passé en Afrique, et de la Jugurtha , débarrassé d'Adherbal ,
manière dont les choses s'y étaient et arrivé à ses fins, uisqu'il se troue
faites, il n'y eut à Rome ni lieu , ni vait seul maître de a Numidie, eût
assemblée où l'on ne s'entretînt de la évité peut'étre la guerre avec Rome,
conduite du consul. Le peuple en avait si, par un excès d'audace,_il ne se fût
un vif ressentiment ; les sénateurs porté, sous les yeux mêmes de ses en
étaient fort embarrassés , et ils ne sa nemis et de ses accusateurs, à un nou
vaient s'ils devaient ratifier une préva veau crime. Il y avait alors dans la
rication si marquée, ou casser ce qui ville un fils de Gulussa; on l'appelait
avait été réglé par le consul. C'était Massiva. Le successeur de Calpurnius
surtout le crédit de Scaurus , le con dans le consulat, Spurius Albinus, lui
seiller et l'associé de Bestia dans cette fit espérer une part de la Numidie, et
affaire , qui les empêchait le plus de l'engagea, dans ce but, à présenter une
se déclarer pour la raison et la jus requête au sénat. Albinus désirait
tice. » Cependant le peuple, excité par moins soutenir le fils de G ulussa qu'ex
les tribuns, surtout par 'éloquence de citer en Numidie une guerre qui ,
C. Memmius, se décida à mander Ju comme il le prévoyait, nécessiterait
gurtha à Rome. Il voulait vérifier, par l'envoi d'une armée consulaire. Mas
les dépositions du roi numide, le crime siva se laissa tenter; mais ses démar
de prévarication que l'on reprochait ches lui coûtèrent la vie. Jugurtha fit
au consul et à Scaurus. On envoya aposter, par Bomilcar, son parent,
donc en Afrique le prêteur L. Cassius, des assassins qui tuèrent le nouveau
ni donna à Jugurtha un saufoeon prétendant. Cet attentat porta le der
uit. Le roi n'était pas encore décidé‘ nier ‘coup au crédit de Jugurtha. Il eut
ou préparé à lutter ouvertement contre beau protester de son innocence, ré
Rome; il résolut d'obéir, comptant pandre son argent à pleines mains, il
cette fois encore, non sans raison, sur ne put se soustraire à l'indignation
la puissance de son or et de ses pré publique. Bomilcar parvint à se sau
sente. ll agna en effet à sa cause un ver et a regagner la Numidie; et Ju
homme ont l'assistance, dans cette gurtha lui-même , sur l'ordre du sé
32
nat, fut obligé de quitter l’Italie. On dit Salluste, et la situation avanta‘
dit qu'au moment où il sortit de geuse de la place, en rendaient la prise
Rome, il tourna ses regards vers la et même le siège impossibles; car, si
ville, et s’écria , après uelques ins tuée au sommet d'une montagne es
tants d’une profonde mégitation : a 0 carpée , les murailles en étaient envi
- ville vénale, tu périras bientôt, si tu ronnées d'une plaine limoneuse , dont
- trouves un acheteur! » les pluies d'hiver avaient fait un ma
GUERRE coN'rnB JUGUBTHA‘, CON rais. Cependant, soit par feinte, afin
murs ne sPUnms ALBtNUs 31' DE d’intimider le roi, soit par un désir
SON FBEBB AULUS ; L’Anmie no aveugle de s’emparer de ce poste, à
MAINB PASSE sous LE JOUG (110 av. cause des trésors qu’il renfermait,
notre ère). — La guerre était donc dé Aulus fit avancer les galeries, élever
cidée. En conséquence, le consul Spu des terrasses, et préparer toutes les
rius Albinus passa en Afrique avec choses nécessaires au succès de l’en
d’abondantes provisions et des renforts treprise. n Néanmoins Jugurtha, pour."
considérables. Il commença la cam dégager la place, employa une ruse qui
pagne avec vigueur, comptant sur un lui réussit. Il se montra disposé à se
prompt et heureux succès. Mais il avait soumettre ; uis, pour inspirer 21 Au
affaire à un ennemi habile, plein d’ex lus une con ance encore plus grande ,
pédients et de ruses , qui l’amusa par il feignit de se sauver avec les troupes
de feintes soumissions, lui lit perdre qui jusqu’alors avaient surveillé les
en délais un temps précieux, et ren opérations de l’armée romaine. Le
dit vaines toutes ses opérations. Quand propréteur n’hésita pas un instant à
le consul retourna à Rome pour les poursuivre l’ennemi , qu’il'croyait ré
comices, les légions romaines n’avaient duit à’ la dernière extrémité. C’est
fait en Numidie aucun progrès. Spu ainsi que le roi numide l’attira peu à
rius Albinus avait laissé en partant le peu dans des lieux d’un difficile accès,
commandement des troupes à son et se prépara à frapper un grand coup.
frère Aulus, qui avait été ropréteur. Une nuit, pendant qn'Aulus et ses
Aulus voulut mettre à profit l autorité soldats, pleins de sécurité, se livraient
dont il jouissait, pour s'illustrer par au repos , Jugurtha . favorisé par les
une action d’éclat, ou pour forcer Ju ténèbres et aussi par la trahison , se
gurtha à lui payer de grosses sommes jeta sur le camp romain. Il y pénétra
d’argent. C'est pourquoi il ordonna aisément. Si les Numides , au lieu de
aux troupes de sortir de leurs quar
tiers d’hiver, et au mois de janvier il la première fois par M. Bureau de la Malle,
s’avanca à marches forcées sur la place dans un article publié dans le Journal des
de Suthul, où le roi avait déposé ses Débats, sur les routes qui mènent de la
trésors (’). c La rigueur de la‘ saison , côte à Constantine, et plus tard dans sa
description de la province de ce nom (p. 20).
(') u Salluste dit, en parlant de Suthul, On a depuis copié à Guelma plusieurs ins
que le propréteur Aulus Posthumius marcha criptions latines, dont quelquesrunes ont
sur cette ville avec quarante mille hommes, été publiées, par les soins de M. Base’, dans
dans l'espoir de s'emparer des trésors que le Journal des savants, de 1837. Il serait
Jug-urtha y avait entassés; mais le prince bien plus intéressant d'éditer les légendes
numide le surprit, et le força de capituler en caractères inconnus qui couvrent, à ce
avec tout son monde. Orose (v. 15) raconte qu’on dit, plusieurs ruines de Guelma, parmi
que cet événement a eu lieu près de Ca lesquelles on distingue surtout treize lou
lama; or, la position de cette place, qu’Edrisi relles et un cirque d’une étendue considé
nomme Calema, est connue; c'est la ville rable. Il ne faut pas confondre Calama avec
moderne de Guclma. où les troupes fran Cala, dont Possidius, l'auteur de la Vie de
çaises avaient établi un camp fortifié lors saint Augustin, était évêque à l'arrivée des
de la première expédition contre Constan Vandales en Afrique, :- Marcus; voyez les
tine; donc Sulhul correspond également à notes qui suivent sa traduction de Man
Guelma. Cette synonymie a été établie. pour nert, p. 702.
NUMIDIE ÊT MAURITAN1E. 38
mettre leur victoire à profit, ne s’é siounements et de fortes. levées ; puis
taient livrés au pillage, l’armée d'Au il s’embarqua ur l’Afrique. Là, il la
lus périssait tout entière. Mais ils don. vue des désor res qui régnaient parmi
nèrent le temps aux Romains, sinon les troupes, il comprit aisément que la
de s’armer pour combattre , au moins négligence de Spurius Albinus et de
de fuir par toutes les-issues, et de se son frère Aulus était l’unique cause
rassembler sur une hauteur voisine. du désastre éprouvé par les armes ro
Le résultat de cette nuit fut pour Rome maines. Il résolut de porter au, mal
une humiliation non moins grande un remède prompt et énergique. Avant
que celle des Fourches Caudines. En de se mettre en campagne et de com-1
effet, dès le matin, Jugurtha fit inves mencer une guerre décisive , il rétablit
tir de toutes parts la hauteur où les la disci line dans le camp. ll endurcit
Romains s’étaient réfugiés. Ceux-ci les sol ats aux fatigues par de rudes
avaient laissé leurs armes dans le exercices, et leur enleva tout ce qui
camp, ils ne pouvaient donc résister. pouvait les porter à la mollesse et à la
Ils avaient, pour sortir du danger où lâcheté. Il décampait chaque jour ,
les avait jetés leur imprudent général, faisait de longues marches, puis s’ar
à choisir entre la mort et la honte. lls rétait pour élever de forts retranche
préférèrent la honte. Voici à quelles ments qu’il abandonnait bientôt. En
conditions Aulus traits pour lui et les peu de temps son armée se trouva
siens avec Jugurtha 2 son armée de a‘guerrie , vigilante et pleine de vi
vait passer sous le joug, et sortir en gueur : alors'commença la guerre. Ju
dix jours de la Numidie. gurtha connaissait Métellus. Il ne lui
Dès qu’on sut à Rome lauouvelle restait, pour éloigner de sa personne et
de ce traité, l’indignation fut extrême. de ses États un ennemi si dangereux ,
Le sénat, se rendant alors l’interprète qu'un dernier moyen, la ruse; et il
de tous les bons cito eus, déclara que, lemploga. Il fit porter au consul, par
sans son ordre et ce ni du peuple , on des am assadeurs, des paroles de sou
n’avait pu faire aucun traité. D’autre mission , déclarant que si on accordait
part, le consul Albinus se hâta de lever à lui et à ses enfants la vie sauve, il
des ‘recrues pour l’armée, et de de était prêt à abandonner son royaume
‘mander des troupes auxiliaires, comp et ses richesses à la discrétion du
tant que par sa promptitude, et à peuple romain. Métellus ne se fia
l’aide de orces supérieures, il par point, avec raison , à ces trompeuses
viendrait à battre J ugurtha , et à ré avances, et rejeta les prières du roi
parer ainsi le honteux échec subi par numide: il fit plus, il essaya de gagner
son frère. Il revint donc en Afrique; les ambassadeurs de Jugurtha , les
mais il nîy trouva-que des soldats dé excitant par de grandes promesses à
moralisés, qui vivaient dans la licence trahir et à livrer leur maître; puis ,
et l’indiscipline, et il se vit contraint sans tarder, il entra en Numidie.
de renoncer à ses entreprises et de pnsmsnss OPÉRATIONS ne mâ
rester en repos. ' ' TELLUS. — D’abord il ne rencontra
MÉTELLUS; IL mineur LA ms. oint l’ennemi. a Les maisons, dit Sal
CIPLINE nANs L'Amnâs ROMAINE; uste, comme s’il n’eût pas été ques
cnAmrns ne JUGUBTHA.( 109 avant tion de guerre, étaient habitées, et les
notre ère). — Métellus lui succéda. campagnes couvertes de- bestiaux et
C’était un homme habile et courageux, de laboureurs; les officiers du roi ve-,
qui, malgré son opposition au peuple, naient des villes et des hameaux au
tait estimé de tous les citoyens pour devant de l’armée, et offraient de
ses bonnes qualités. On avait foi , à fournir du blé, de porter les provisions,
l’avance, enses succès, parce qu’on de faire enfin tout ce qui leur serait
le savait incorruptible. Métellus, avant _ ordonné. - Métellus néanmoins, mal
de se rendre en Numidie, fit à Rome gré ces a parences, marchait en ordre
et chez les alliés de grands approvi e batai le et avec les. plus grandes
3' Livraison. (Numnn: n'r MAumrAmn.) 8
précautions ; il se tenait à la tête des tachement, comme le montre les évé
troupes, et Caius Marins, son lieute nements qui suivirent, devait attaquer
nant, formait I’arrière-garde avec la les Romains en tête, au moment où
cavalerie. L’armée romaine s’avança Jugurtha se jetterait tout à la fois, avec
ainsi, sans être inqnlétée, jusqu'aux en les troupes qui lui restaient, sur leur
virons de Vacca, l'une des villes les plus arrière-garde et sur leurs flancs. Dans
florissantes de la Numidie ("). Métel ce but. le roi numide prit position sur
lus envoya garnison dans cette place , le penchant de la colline, non loin de
qui lui offrait pour ses opérations de l’étroite plaine où devait passer Mé-j
grands avantages. Alors Jugurtha es tellus. Celui'ci , en effet, parut bientôt
saya encore une fois d’obtenir la paix. au sommet de la montagne. En des:
Ce fut en vain; le consul poussa les cendant vers la plaine, il examina la
ambassadeurs à la trahison, et les colline qui était placée dèvant lui, et
renvoy‘a. Trompe’ dans ses espérances, il ne tarda pas à reconnaître l’ennemi.
Jugurtha n'hésita plus, et rassembla Cependant, à cause des bruyères et
des troupes pour tenter la fortune ‘des des arbrisseaux qui cachaient en partie
armes. Il fit d’abord observer par ses‘ les hommes et les chevaux, il ne put
cavaliers la marche de Métellus; et ni connaître les forces, ni se rendre
quand il put se rendre compte de la compte des projets de Jugurtlia. Pour
irection que renaît l’ennemi, il par ne int s’avan‘cer témérairement,’ il
tit en. toute h te pour occuper, sur la fit aire halte à ses troupes, puis il
route que devaient parcourir les Ro changea ses dispositions. ll plaça trois
mains, une forte position. corps de réserve à sa droite, qui était
BATAILLE ou MU'I‘HUL. — Dans la roche de l’ennemi; entre les batail
partie de la Numidie où se trouvait ohs il jeta les frondeurs et les archers,
alors l’armée de Métellus, était un et mit toute sa cavalerie sur les ailes.
fleuve nommé Muthul, qui avait sa Après avoir pris toutes ses mesures et
source au midi (**). A vingt milles de rangé son armée en bataille, il des;
ce fleuve, et parallèlement à son cours, cendit dans la plaine. Les Numides ne
s’élevait une montagne stérile et in firent aucun mouvement. Métellus,
culte, vers le milieu de laquelle venait que cette inaction rendait de plus en
aboutir une longue colline couverte plus défiant, et qui craignait d’étre‘
de myrtes et d’oliviers sauvages. Il n’y arrêté trop longtemps dans un pays
avait entre la colline et la montagne sans eau, voulut, sans plus‘ tarder, se
qu’une plaine, ou plutôt une gorge diriger vers le Muthul. Il détacha donc
,étroite entièrement privée d’eau. Ce Rutilius, un de ses lieutenants, avec
fut sur la colline ne se posta Jugur les cohortes armées à la légère et une
tha. Il détacha d’a ord Bomilcar avec partie de la cavalerie, pour s’assurer,
une partie de son infanterie et ses non loin du fleuve, d’une forte posi
éléphants, et lui ordonna de continuer tion. Rutilius se mit en marche et prit
sa marche en suivant le défilé. Ce dé l'avance. Quant au consul, il s'avança
au petit pas, en colonne serrée. Son
(*) Vacca répond à Bedja. M. Marcus,
arrière-garde avait à peine dépassé les
dans ses notes sur Mannert, réfute avec rai
Numides, que ceux-ci, par une con
son le géographe allemand, qui voit dans version rapide, se jetèrent sur elle à
Bedja l’ancienne ville de Balla regia, pag. l’improviste; puis, la débordant des
703; voy. aussi p. 679. deux côtés, ils attaquèrent les Ro
("‘) Mannert(trad. par MM. Duesberg et mains tout à la fois sur les derrières
Marcus , p. 442) , confondant le Mut/ml de et sur les flancs. Jugurtha avait eu
Salluste avec le Rubricatus de Plolémée , soin d’abord de faire occuper par
voit dans ce fleuve la Sejbome. M. Marcus, 2,000 fantassins la partie de la mon
dans ses notes (p. 703), prétend avec rai tagne d’où le consul était descendu
son , suivant nous , que le Mut/mln’es! point en plaine. L’apparition subite des Nu
la sefbousz, mais l'Hamise. 'mides jeta la confusion dans l’armée
NUMIDIE ET MAURITANIE. 85
romaine. Au premier choc,lles rangs en cela les lois de la guerre. Telle est
furent rompus; mais Métellus parvint la coutume du pays ("). »
peu à eu ‘a rallier ses soldats. La
mêlée ura jusqu'à la nuit. A la fin, (*) Voici comment M. L. Mai-eus déter
les Romains voyant qu’ils ne pou mine les lieux où s’accomplirent les événe
valent battre en retraite, qu’ils per ments que nous venons de raconter: «Mé
daient une partie de leurs'avantages tellus prit au printemps de l'an 109 le com
dans cette action où la tactique était mandement des troupes romaines destinées
inutile, s’apercevant d'ailleurs que le à combattre contre le roi de Numidie. Il
jour était àson déclin , gagnérent, sur employa les premiers mois de son séjour
es ordres de Métellus, le sommet de en Afrique à rétablir la discipline dans les
la colline. Les Numides ne pouvaient rangs de l'armée, et à laisser e soldat s'en
son er à les forcer dans cette position, durcir aux travaux et aux fatigues de la
et i s prirent la fuite. guerre par des exercices de tout genre. En
suite, il pénétra dans la Numidie du côté
Bomilcar ne fut pas plus heureux de la Tua-a. La première grande ville qu'il
que Jugurtha. Il laissa d abord passer rencontra sur sa route dans le royaume dé
utilius; puis, quand il sut que le Jugurtha portait le nom de Vacca (Bedja);
lieutenant du consul avait assis son elle était située, suivant Salluste, à une
cam et se tenait au repos, il disposa journée de marche des lieux où les troupes
ses antassins et ses éléphants, et s'ap romaines passèrent l'hiver de m9 à 108.
préta à l'attaquer. Rutilius fut averti De Vacca, Métellus s'avança sur les rives de
de l'approche de l’ennemi par les tour l'Hamis-e, ue Sallnste appelle MuthuL. . . .
billons de poussière que soulevait’, en La vaste c inc de montagnes qui courait
marchant sur un sol aride, la troupe dans la même direction que le Mutbul est
de Bomilcar- Il se hâta de sortir de figurée, dans le quatrième segment‘ de la
ses retranchements et de se mettre en Table de Peutinger, sur la rive droite du
bataille. On se chargea bientôt de part I'Hamise; elle s'étend sur cette carte de la
et d’autre'avec un grand acharnement. source de cette rivière jusqu’auprès de son
Les Numides tinrent bon jusqu'au mo embouchure, et formels Ërfie nord-est du
ment où les Romains eurent pris qua dos montueux que Ptolém nomme Busara.
La colline transversale dont Salluste fait
tre éléphants et tué tous les autres, mention paraît être identique avec la hau
au nombre de quarante. Ils se sauve teur dont Abou-Obaîd signale l'existence à
rént ensuite, et n‘échappèrent à la l'ouest de Tamedilh, qui correspond à l'an
mort‘ qu'à la faveur de la nuit. Ruti cienne Zama, où Annibal fut vaincu par
lius, après savictoire, abandonna son Scipion. Cette place était située dans le voi
camp, et rejoignit le gros de l’armée sinage de Naragarra, au midi de la route
sur la colline où Métellus avait pris qui menait dudit endroit à Sima Vénerie.
osition. Le consul demeura quatre Les itinéraires marquent trente milles ro
{ours dans ses ‘retranchements sans mains (dix lieues) d'intervalle entre ces deux
aire un mouvement. a Quant à Juvur places; Sicca était voisine du point de jonc
tha, dit Salluste, il s'était retiré dans tion de l’liamise avec la Medjerdah ,- il n'est
des lieux couverts de bois et fortifiés donc pas surprenant que ce soit la première
par la nature; il y formait une nou ville de la Numidie qui ait pris volontai
velle armée plus nombreuse, mais ‘sans rement parti pour les Romains , immédia
expérience et sans force réelle, com tement après leur victoire sur Jugurtha. La
posée de gens‘ plus propres à faire va bataille du Mut/ml a en lieu quelques jours
a rès l'entrée de Métellus dansla Numidie;
oir les terres et les troupeaux qu'aux ele fut donc livrée à quel cas lieues de
expéditions militaires. Cela vient de ce distance , vers le couchant de ‘embouchure
que chez les Numides il n’y a que la de l’Hamise, qui est éloignée de Ï’acea d’en
cavalerie de la garde du roi qui le viron dix-huit lieues en ligne droite. L’eln
suive dans une déroute; les autres lacement des lieux couverts de bois et
soldats se dis ersent, et chacun se re ‘un accès difficile, où Jugurtha se retira
tire où bon lui semble, sans enfreindre après sa défaite, doit être cherché, dans
3.
86
uaratws nAVAGB La somme; Romains de colline en colline; il cher
11. EST BABCELÉ PAR JUGUn'mA. — chait à s'assurer d'une occasion ou
Enlin Métellus, après avoir pris soin d'un poste favorable pour attaquer; il
des blessés et donné des récompenses brûlait les fourrages, em isonnait les
aux soldats qui s'étaient distingués sources la où l'ennemi evait passer;
dans les deux batailles, abandonna la il se montrait tantôt à Métellus, tantôt
colline où il était campé. Il comprit à Marius; il attaquait l'arrièregarde
alors qu'en poursuivant l’ennemi et eu pendant la marche; et quand les Ro
le poussant à une action générale, il mains étaient prêts à le repousser, il
n'arriverait point a son but, qui était regagnait les hauteurs au galop; puis
d'abattre Jugurtha et de terminer il revenait donner l'alarme aux uns,
promptement la guerre. Il perdait plus aux autres, sans jamais engager une
par sa récente victoire que les vaincus action. C'est ainsi qu’il ne laissait
mêmes. Il se jeta donc sur la plus aucun repos à Métellus et à ses sol
riche partie de la Numidie, et la ra dats. \
vagea, par le fer et le feu , dans tous MÉTELLUS ASSIÉGE ZAMA; IL NE
les sens. Ce nouveau système de guerre, PEUT EMPon'rEn LA PLACE; 11. DE
comme le remarque Salluste, inquiéta cAuPe. — Le consul, sans cesse pour.
plus le roi que la défaite de ses trou suivi et harcelé par Jo urtha, se lassa
pes. Comme il n'osait s'opposer en à la fin de parcourir a Numidie. l_l
plaine à Métellus. il tint le gros de son résolut alors de mettre le siège devant
armée dans des lieux couverts, et sur Zama C‘). En attaquant cette place
veilla, avec sa cavalerie seulement, la importante, il comptait forcer Jugur
marche des Romains. Il gênait ainsi tha à se montreren plaine, et à engager
leurs mouvements, et, profitant des une action décisive dans un lieu où il
occasions qui lui étaient offertes, il ne pourrait fuir sans éprouver une
leur fit essuyer plus d'une fois, par perte considérable. Mais le roi avait
ses attaques imprévues, des pertes été averti par des transfuges des pro
considérables. Métellus redoubla de jets du général romain. il le devance,
surveillance pour ne donner aucune jette des renforts dans Zama, engage
prise à l’ennemi. Quand il fallait du es habitants à faire bonne résistance,
le ou du fourrage, les cohortes, avec leur promet de ne point les abandon
toute la cavalerie, escortaient les four ner, et se retire avec ses troupes à
rageurs. Le consul avait divisé son quelque distance. De la position qu'il
armée; il en commandait une partie, avait choisie, il épiait tous les mouve
et Marius l'autre. Ils campaient sépa ments de ses ennemis. Au moment où
rément, il est vrai; mais ils se te Métellus approchait de la place, il
naient à peu de distance l’un de l’au faillit surprendre Marins, qui avait été
tre, et quand il s'agissait de se mettre détaché avec quelques cohortes pour
en force. ils se réunissaient prompte faire provision de blé à Sicca. Ce ne
ment. Le but des dispositions de Mé fut point là le plus grand danger que
tellus était, suivant le grand histo courut l'armée romaine. Un jour que
rien de cette guerre, de répandre plus Métellus livrait un assaut à Zama, le
au loin la désolation et l'effroi. Cepen roi numide se jeta à l'improviste sur
dant J ugurtha suivait toujours les son camp, qui était gardé avec négli
gence, et s’en empara. Ce ne fut pas
les derniers mamelons du Djebel Mahama, sans de grands efforts et de grandes
à l'ouest de Ripasa et sur la route de Guelma pertes que les assiégeants parvinrent
à MenÏaz Hammar, où l'on rencontre beau a rentrer dans leurs lignes. D'autre
coup de forêts coupées en parcs naturels. » part, la garnison de la ville, qui se
'Voyez I'Appendice i1 Mannert déjà cité; composait en grande partie de trans
M. Marcus cile ‘a l'appui de ses dernières fuges, se battait avec bravoure, et re
assertions l'ouvrage de M. Ëvariste Baveux
(figer, t. II, p. 9/, , I841. (') Aujourd'hui Zonarin.
NUMIDIE. ET MAIÎRITANIE. 87
poussait toutes les attaques. Le consul ordres. Cette fois. le roi de Numidie
se vit enfin forcé, apres plusieurs as refusa brusquement d'obéir au consul.
sauts meurtriers, de lever le siège de Il aperçut le piège qu'on lui tendait;
Zaina. Comme la mauvaise saison ap et, se prenant à réfléchir au châtiment
prochait, il mit des garnisons dans que lui préparaient sans doute les Ro
toutes les villes qui s'étaient rendues mains humiliés, il résolut, quoique
à lui, et se retira avec ses trou es dans rivé de la meilleure partie de ses
la province romaine qui con ne 21 la orces, de recommencer la guerre.
Numidie. Ce fut vers ce temps que le sénat
MÉIELLUS ESSAYE DE sa menons romain, après avoir mis en délibéra
MAÎTRE DE JUGUB’I‘HA Pan TRAHI tion le partage des provinces, décréta
soN; BOMILCAR; JUGUB’I‘BA sa DÉ que Métellus serait maintenu dans le
cmn A FAIRE LA PAIX avec LES commandement de l'armée d'Afrique;
BOMAINS, ET A se menons (109 avant LAGUEBRE RECOMMENCE ; nÉvo ne
notre ère). -— Métellus ne resta pas ne vaccx (108 av. notre ère). —Une
oisif dans ses quartiers d'hiver. Il chose pouvait favoriser Jugurtha , c'é
chercha, suivant l'expression de Sal tait la désunion qui existait entre Mé
luste, à substituer les ruses et la per telluset ses principaux officiers.l\larius,
fidie à la force des armes, qui jus fatiguédeservireuseconddansl'armée,
qu'alors , malgré son habileté et sa aspirait alors au premier rang. Suivant
prudence, lui avait peu réussi. Il es une vieille tradition, un aruspice lui
saya donc de corrompre les confidents dit un jour, pendant un sacrifice. qu'il
mêmes du roi. Il s'adressa à Bomilcar, était reservé à de grandes et merveil
que l'assassinat de Massiva, à Rome, leuses destinées. Marins rit les secrets
avait gravement com romis. Il lui fit mouvements de son am ition pour la
espérer, dans le cas ou il livrerait Ju voix du ciel; et, après le siège de
gurtha mort ou vif, sa grâce et la pos Zama, il déclara à Métellus qu'il était
session libre de tous ses biens. Bomil décidé à quitter l'Afrique pour briguer
car se laissa gagner. le consulat. Celui-ci , orgueilleux comme
Jugurtha était en proie, depuis l'ar tous les patriciens, se moqua des pro
rivée de Métellus en Afrique, à de jets de son lieutenant, plébéieu sans
vives inquiétudes. Bomilcar ne l’igno naissance, sans richesses et sans cré
rait pas. Il profita d'un instant où le dit. Marius ne pardonna point à Mé
roi était plongé dans la tristesse et tellus ses dédains et ses paroles pleines
le découragement pour l'engager a faire d'ironie. Il fomenta le mécontentement
la paix, même aux conditions les plus parmi les troupes, et fit si bien, que
dures, avec les Romains. J ugurtha ientôt officiers et soldats écrivirent à
suivit ses conseils.’ Il envoya des am Rome pour se plaindre de Métellus et
bassadeurs au consul, pourlui déclarer demander son rappel. Dans toutes les
qu'il abandonnait sans réserve sa per lettres Marins était loué sans mesure ,
sonne et son royaume à sa discrétion. et représenté comme le seul homme
Alors Métellus, de l'avis de ses offi capable de mener à bonne fin la guerre
ciers, lui ordonna de livrer sans retard d’Afri ne.
200,000 pesant d'argent, tous ses élé Ce ut sur ces entrefaites que J u
pliants, et une certaine quantité de gurtha recommença la guerre. Son
chevaux et d'armes. Ces premières premier soin fut de reprendre Vacca ,
conditions furent acceptées; uis Mé où Métellus avait mis garnison. Il ga
tellus exigea encore les trans uges. Ils âna les habitants, qui, à un jour.
furent amenés au camp romain pieds onné , se jetèrent sur les soldats ro
et poings liés. Enfin Jugurtha fut mains et les massacrerent. Titius Tur
mandé à Tisidium (') pour recevoir des pilius Silanus , leur commandant , fut

(') La ville numide de Tisidium, que Stra de Vacca (Bea'ja), aux confins du territoire
bon appelle TWIQOÜÇ, était située non loin romain et du royaume de Numidie.
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le seul qui échappa; il parvint à se quartiers où étaient les Romains , pour
sauver et à rejoindre le consul. A la les empêcher de ravager impunément
nouvelle du massacre de Vacca, Mé la campagne; mais, frappé de la gran
tellus part en toute hâte avec une lé deur du crime qu’il allait commettre,
gion et un détachement de cavalerie. il resta dans l’inaction au jour mar
Il se jette sur la ville , qui ne s’atten qué. Bomilcar, impatient d’exécuter
daitpoint à une atta ue aussi prompte; son projet, et craignant d’ailleurs que
et quand il est ma tre des portes et 'l’épouvante ne fit changer de des
des murs, il tire du massacre de ses sein à son complice , lui écrivit ar
soldats une affreuse vengeance. Les des gens affidés, pour lui reproc er
habitants de la grande et opulente son hésitation et sa pusillanimité’.
Vacca sont égorgés , et leurs biens li a C’est à vous de ter lui disait-il en
vrés au pillage. terminant, entre es récompenses et
TRAHISON na BOMILCAB. —Métel les supplices.» Au moment même où
lus s’était vengé, mais il n'avait‘pas arriva cette lettre, Nabdalsa , fatigué
vaincu Jugurtha._Le roi numide avait d’un exercice violent, se reposait sur
fait de grands préparatifs , rassemblé son lit. Il lut d’abord la lettre de B0
des troupes, et Il pouvait résister long milcar , puis il médita longuement sur
temps encore aux Romains. Pour abat son contenu; enfin , il s’abandonna au
tre enfin cet ennemi redoutable, le sommeil. Il avait pour confident un
consul, suivant en cela les traditions Numide qui le servait, et auquel il
invariables de la oliti ue du sénat, avait fait part de tous ses projets , ex
eut recours aux p us 0 ieux moyens; capté du dernier. Celui-ci , sur l’avis
il entretint des traîtres aux côtes mé qu’il a de l’arrivée d’un message, pen
mes de Jugurtha. Parmi eux se trou sant que, suivant sa coutume , on
vaitv Bomilcar, dont nous avons déjà peut avoir besoin de son ministère ou
parlé. Cet homme se mit à la tête d’un de son talent, entre dans la tente de
vaste complot, qui échoua par un con son maître, prend , tandis u’il dort,
cours de circonstances que Salluste la lettre de Bomilcar , et la it avec at
nous a fait connaître, et que nous de tention. Quand il a connaissance de
vons rappeler, à notre tour , dans ce la conspiration . il se hâte d’aller trou
récit. Bomilcar, à l'instigation de qui ver le roi. Nabsalda s’éveille peu de
Jugurtha avait entamé le traité de sou temps après, ne trouve plus sa lettre,
mission qu’il abandonna ensuite par et apprend de ses esclaves tout ce qui
crainte , se voyant suspect au roi et se s’est passé : il fait'd‘abord poursuivre
défiant de lui, aspirait à un change le dénonciateur; mais vo ant qu’il ne
ment; il cherchait une rose pour le pouvait l’atteindre , il va ui-même im
perdre, et travaillait nuit et jour pour plorer la clémence de Jugurtha, et le
mettre à exécution son criminel des conjure avec larmes de ne point le
sein. A force de tentatives, il engagea soupçonner de complicité dans la tra
enfin dans son complot Nabdalsa , hison qu’on lui avait dévoilée. Le roi
homme considérable parmi les Numi lui pardonna en effet; mais il fit
des . par sa naissance , ses biens et ses mourir Bomilcar et plusieurs de ses
qualités. Nabdalsa jouissait de toute la complices. Depuis cette conspira
aveur du roi, qui lui confiait 'volon- ' tion, Jugurtha ne goûta plus un seul
tiers , dans ses expéditions , des corps instant de repos. En proie , de jour et
de troupes nombreux, et l’initiait au de nuit, aux plus vives inquiétudes,
secret de toutes ses affaires. Bomilcar le moindre mouvement, le bruit le
et son complice fixèrent ensemble le plus léger l’épouvantaient. Quelque
jour,où ils dresseraient un piège à Ju- ‘ fois , dans les circonstances où il n’y
urtha, et convinrent , pour le reste, avait pas même l’apparence du dan
e régler leurs démarches suivant l’oc ger, il s’éveillait en sursaut , se jetait
currence. Nabdalsa allajoindre l’armée sur ses armes , et donnait l'alarme a
qu’il avait ordre de tenir autour des ses troupes. Les accès de sa frayeur
NUMIDIE ET MAURJTANIE. 39
ressemblaient, s'il faut en croire les des troupes romaines sous les murs du
historiens romains, aux accès de la fort, leur fait bien augurer de leur en
folie. treprise. Effectivement, Thala se rend
DERNIÈRE CAMPAGNE DE MÉTEL au bout d’un siège de quarante jours;
Lus coNTns JUGUnInA (108 avant mais Jugurtha s’était enfui nuitam
notre ère). — a Les mouvements des ment du fort à l'approche de l’ennemi.
troupes numides , dit M. Marcus ("), Il s'en alla, suivi de peu de gens, dans
vont bientôt se ressentir de la er le ays des Gétules, peuple farouche
lexité d'esprit où se trouve leur c lei‘. et arbare qui ne connaissait point le
étellus en profite pour fondre sur nom romain. Il les assemble , les ac
elles à l‘improviste, et les met en dé coutumé peu à peu à garder les rangs,
route. Sa victoire lui vaut la conquête à suivre les enseignes, à exécuter les
de Cirta (Constantine), qui le reçoit ordres du commandant, en un mot
dans ses murs , pendant que son ad à s’acquitter de toutes les fonctions de
versaire va gagner la forteresse de la guerre. En même temps il amène
Thala ("‘) par des voies détournées , Bocchus, son beau-père, qui régnait
en traversant des lieux déserts , avec dans la Maurz‘tunie Tingitane, a lui
les transfuges et une partie de sa ca-' prêter main forte contre les Romains.
valerie. Tliala était une ville grande Les deux rois marchent sur cirtla, où
et opulente; Jugurtha y faisait élever Métellus avait déposé le butin fait à
ses enfants d’une manière digne de Thala et le gros bagage de ses trou
leur rang, et il y avait mis beaucoup pes. Le général romain fait dresser
d’or en réserve. La place avait deux un camp bien retranché dans le voisi
fontaines devant ses portes; mais il nage de Cirta, pour y attendre le choc
fallait franchir un espace de cinquante de l’ennemi; mais celui-ci n’ose point
milles romains (16 lieues deux tiers) l’y attaquer. Sur ces entrefaites , Mé
pour trouver de nouveau de l’eau dans tellus apprend que le peuple avait an
la direction de la route que l’armée nulé le choix que le sénat avait fait de
romaine avait à suivre pour marcher lui pour la direction de la guerre cou
contre Thala. Cependant Métellus ne tre Jugurtha pour l’armée a venir , et
recule point devant cette difficulté; qu'il l’avait conféré à Marius , revêtu
ou charge des bêtes de somme des vi e la dignité consulaire pour cet es
vres nécessaires pour faire subsister pace de temps. Cette nouvelle le for
l’armée expéditionnaire pendant dix tifie dans la résolution de ne pas sortir
jours , ainsi que d’outres de cuir et de de son camp; toutefois, les jours qu’il
vases de bois qu’on remplit d'eau pui y passa ne furent point perdus : il les
sée dans la rivière qui se trouvait à employa à détacher Bocchus de l’al
cinquante milles de distance de ladite lianceîavec Jugurtha, et il eut la satis
place 0'“). Une pluie abondante qui faction de voir qu’il n’entreprit rien
tombe du ciel, la veille de l’arrivée contre les Romains tant qu’il resta en
Afrique. n
(') Voy. I’Appendice à Mannert déjà cité, DÉPART DE MÉTELLUS; RETOUR
DE MABIUS EN Antique; ses PRE
p. 761.
(") Il ne faut pas confondre, comme l’ont MIsns succîas ; Pniss DE cAPsA
fait quelques savants, Tlmla avec T/zelepte. ( 107 avant notre ère). — Marins avait
Ce sont deux villes différentes. La ville de enfin obtenu de Métellus, après de
Thala, dont parle Salluste, était située non vives instances, de retourner en Italie.
loin de l'endroit où le Bousellam et le Arrivé à Rome, il s’était ligué avec
Oued-Ziam'n se réunissent pour former les tribuns, et s'était montré l’un des
I'Jjeééi. . ennemis les plus acharnés des patri
("") Cette rivière est le Oued-eI-Dzahab, ciens. Ses violents discours plus que
qui se jette dans la rivière de Constantine ses glorieux services lui avaient con
(ancienne Cirta), aux environs de l'ancienne cilié l’affection du peuple. Aussi ,
Tucca Finis. quand le temps des comices arriva ,
40
Marins, au grand regret des sénateurs Jugurtha d'un grand avantage, et pour
et des nobles, fut élevé au consulat. nous d'un diflicile accès ; d'ailleurs, on
Il se lit donner alors le commande avait affaire à une nation inconstante,
ment de l’armée d’Afrique. Il disposa perfide, qui jusque-là n’avait été re
tout pour réussir; il leva des soldats tenue ni par les bienfaits , -ni par la
dans les classes qui lui étaient dé crainte. » La prise de Capsa donna à
vouées et auxquelles il devait son élé Marins , dans l'armée et à Rome,
vation , se pourvut abondamment de beaucoup de crédit et de considération.
vivres, d’argent et d'armes , et s'em manms s'ennuie DE LA FORTE
barqua enfin pour l'Afrique. Il aborda nsssa ou ÉTAIEN‘I DÉPOSÉS LES
en peu de jours à Utique. Le com 'rnssons DE JUGURTEA; .uuuvtân
mandement de l’armée lui fut remis na SYLLA EN AFBIQUE. -— Le succès
par le lieutenant Publius Rutilius; rendit le consul de plus en plus auda
car Métellus, évitant la présence de cieux. Non loin du Mulucha (*) , qui
Marins , s'était hâté de retourner à séparait la Numidie de la Mauritanie ,
Rome. où ré nait Bocchus, s’élevait, au mi
Arrivé à ses quartiers, le nouveau lieu 'une plaine, un rocher d'une
consul y maintint la discipline sévère étendue considérable et d'une immense
qu’avait établie son habile prédéces hauteur. Au sommet de ce rocher
seur; puis il mit son armée en mou était une forteresse, où l'on ne pouvait
vement. Il l’habitua aux marches , aux arriver que par des sentiers étroits , et
fatigues, et, par des combats partiels, bordés de toutes parts de précipi
il entretint son ardeur. Il battit plus ces (**). C'était dans cette forteresse
d’une fois les tribus qui prêtaient aide que Jugurtha avait déposé ses trésors.
et a pui à Jugurtha , et obtint sur le Marins voulut s'en emparer , et, sans
roi ui-méme un avantage considéra se rendre compte des diflicultés de
ble aux portes de Cirta. Mais ce que l'entreprise, il vint établir son camp
Marius recherchait avant tout, c'était au pied du rocher. Il eut échoué peut
une de ces actions d’éclat qui, comme étre. sans l'audace d'un soldat ligurien.
la prise de Thala, pouvait illustrer Celui-ci découvrit sur le flanc de la
d’un coup toute une campagne. Il montagne, à distance du camp romain,
voulut donc, comme Métellus, s'em un sentier qui n’était pas gardé par
arer d’une place considérable , et en l’ennemi; il lit part au consul de sa
ever ainsi à son ennemi une de ses découverte. Marins envoya des‘trou
principales ressources. Il jeta les yeux pes légères vers le point qui lui était
sur Capsa (*). Cette ville était située désigné, et, pour cacher son dessein ,
'au milieu d'un désert inculte, et entiè il se porta d'un autre côté, et feignit de
rement privé d’eau. Marins fit ses pré vouloir emporter la place. Tandis qu’il
paratifs avec prudence; et quand il occupe les soldats de Jugurtha, le Li
eut pourvu pour plusieurs jours aux urien et ses compagnons gravissent
besoins de son armée, il se mit en e rocher, et pénètrent dans l'intérieur
marche. Il surprit Capsa un matin, et de la forteresse en escaladant la par
s’y jeta avec ses troupes. Il brilla la tie des murs qui n'était point gardée.
ville,massacra ou vendit les habitants; Ce fut ainsi que Marius se rendit maî
il se montra si cruel, que sa conduite tre des trésors de Jugurtha. Sur ces
parut odieuse à ceux-là même qui, entrefaites, Sylla, ui avait été nommé
comme Salluste, essayèrent de le jus questeur de l'armée d’Afrique, arriva
tifier. c Cette rigueur, contraire aux au camp avec un puissant renfort de
lois de la guerre, dit l'historien , ne cavalerie.
vint ni de l'avarice , ni de la cruauté (") La Molouya.
du consul; mais la place était pour (”) L'emplacement de cette forteresse cor
respond, suivant M. Mal‘cllS, à celui du
(') Capsa (Gafia) étaitla ville principale château fortifié appelé par les Arabes Ka
de la partie orientale de la Ge’lulie Numide. Iaat-el-Oucd, ou le château de la rivière.
NUMIDIE ET MAURITANIE. 4l
BOCCHUS se sont!‘ A JUGUBTHA; de Rome, et promit d’abandonner Ju
MABIUS neurone maux vicmmxs gurtha. Mais, après le de’ art de Sylla
sua LES nors strass; IL PREND ses et de Manlius,i changea rusquement
QUARTIERS n‘mvxn. — Après tant de résolution. Ce ne fut qu’au moment
d’heureux succès, Marius voulut don où le consul prépara une nouvelle ex
ner du repos à ses troupes, et il se pédition , u‘il parut se décider fran
mit en marche vers la côte pour pren chement à aire la paix. Il envoya des
dre ses quartiers d'hiver. Jugurtha, ambassadeurs au camp de Marius ,
malgré ses pertes, n’était point abattu. puis à Rome. Là, on répondit en ces
Il avait entraîné dans son alliance Boc termes à ses propositions : a Le sénat
chus. roi de la Mauritanie. Les deux et le peuple romain ne perdent jamais
rois avaient sous leurs ordres une ca le souvenir des bons et des mauvais
valerie considérable , avec laquelle ils offices qu'on leur rend. Néanmoins,
surveillaient la retraite de l'armée ro puisque Bocchus se repent de sa faute,
maine. Un soir , ils se jetèrent à l'im Ils la lui pardonnent : ource qui est
proviste sur Marius, non en corps ni de leur alliance et de eur amitié, on
en ordre de bataille, mais en foule et les lui accordera lorsqu'il les aura mé
par pelotons formés au hasard. Cette ritées. n Bocchus ne pouvait se mé
attaque inattendue jeta d'abord le dé prendre sur le sens de ces dernières
sordre parmi les Romains. Ils se dé paroles, et dès lors il chercha , non
rendirent avec peine jusqu'au moment sans hésiter souvent encore , à rem
où Marius, après avoir rallié ses sol plir les intentions du sénat. Voici les
dats , occupa deux éminences. Les curieux détails que Salluste nous a
Numides n’oserent point le forcer transmis sur l’odieuse trahison ui
dans cette position; ils se contente mit fin d'un coup à la guerre d'A ri
rent d’environner les collines. Pendant que :
la nuit, au moment où ils se livraient u Bocchus écrivit à Marins de lui
au repos, le consul les surprit à son envoyer S lla, afin de remettre à son
tour, leur fit éprouver de grandes er arbitrage a décision de leurs intérêts
tes, et continua sa marche. Peu ant communs. Le consul l’y envoya avec
quatre jours l’ennemi ne reparut pas; une escorte de cavalerie, d’infanterie,
mais aux environs de Cirta, les cava et de {rondeurs des îles Baléares; il y
liers de Jugurtha et de Bocchus atta avait en outre des archers et une co
quèrent les. Romains par quatre côtés. horte pélignoise, tous armés légère
Cette nouvelle apparition des Numi ment, afin d'aller plus vite, mais aussi
des était aussi imprévue que la pre en sûreté avec cette armure qu’avec
mière; aussi elle jeta d’abord le désor toute autre contre les faibles traits des
dre dans l'armée consulaire. Cepen ennemis. Cependant , le cin nième
dant. grâce à l'activité etau courage jour de la marche, Volux, fils e Boc
de Marius et de Sylla son questeur, chus, parut tout àcou ‘dans la plaine
l’ennemi est forcé de prendre la fuite. avec un corps de cava erie qui n’était
Les Romains entrèrent enlin à Cirta. que de mille hommes, mais qui, mar
IBBÉSOLUTION na noccuUs; n. chant écartés et sans ordre, tirent
murs avec LES BOMAINS; IL TRA craindre à Sylla et aux autres que le
BIT ET Lrvan JUGUBTBA (106 avant nombre n’en fût plus grand, et que ce
notre ère). - Découragé par sa der ne fût un corps d'ennemis. Chacun se
nière défaite, Bocchus songea à trai prépare donc au combat, essaye ses
ter avec les Romains. Quand le consul armes et ses traits, et se tient sur ses
connut ses dispositions, il lui envoya gardes : on a quelque crainte; mais la
Sylla et Aulus Manlius, sbn lieutenant, confiance l'emporte, comme il est na
qui lui avait dé'à rendu de grands ser turel à des vainqueurs qui rencontrent
vices pendant a guerre. Ces deux of des gens qu’ils ont vaincus plusieurs
ficiers eurent une entrevue avec le roi fois. Cependant, les cavaliers envoyés
de Mauritanie, qui demanda l'alliance à la découverte rapporteront, comme
42
il était vrai, qu’il n’y avait rien à a Celui-ci le prie avec larmes de se
craindre. désabuser; il l'assure qu’il n‘y a de sa
u Volux , en arrivant, s’adresse au part aucune connivence, et que c’est
questeur, et lui dit que son père l’en simplement un effet de l'adresse de
voie pour recevoir les Romains et Jugurtha, qui a eu connaissance de sa
our les escorter. Ils marchent ensem marche par le moyen des espions;
le ce jour-là et le suivant san‘s au qu’au reste, ce prince ayant peu de
cune alarme; mais le soir, après que monde, et n'ayant d’espérance et de
le camp est posé, le prince maure ac ressource ' ue dans la protection de
court précipitamment vers Sylla, d’un Bocchus, i'lest probable qu’il n’osera
air inquiet et effrayé; il lui dit qu’il rien entreprendre ouvertement sous
vient ’apprendre par ses espions que les yeux du fils de son protecteur; que
Jugurtha n'est pas loin, et il le presse le parti donc qui lui paraît le meilleur
vivement de se dérober secrètement est de traverser son camp en plein
avec lui pendant la nuit. Sylla lui ré jour;et ne ourlui, soit qu’on veuille
pond avec fierté qu’il ne craint point envoyer es aures en avant ou les
un Numide battu tant de fois; qu il est laisser au lieu mémeqoù l’on est, il
assez rassuré par la confiance qu’il a ira seul avec Sylla. Cet expédient, vu
dans la valeur de ses troupes; mais la con'oncture. est approuvé; on part
que quand sa perte serait infaillible, aussitot, et l'on passe sans accident,
i resterait, plutôt que de trahir ceux parce que Jugurtha, surpris d'un abord
qui ont été confiés à sa garde. Le si imprévu, ne sait.à quoi se détermi
prince, là-dessus, lui conseillant de ner. Peu de jours apres, on arrive au
décamper, du moins pendant la nuit, rendez-vous.
il approuve cet avis , et sur-le-champ « Il y avait au rès de Bocchus un
il ordonne aux soldats de prendre de Numide, nommé spar, faisant sa cour
la nourriture, d’allumer beaucoup de assidument et avec succès; J ugurtha
feux dans le camp , et d’en sortir ayant su que Sylla avait été mandé ,
en silence à la première veille. Après l’avait envoyé d’avance àtitre d’agent,
cette marche nocturne, qui avait fati et pour pénétrer adroitement les des
gué tout le monde, Sylla, au lever du seins de Bocchus. Il y avait encore
soleil. traçait un camp, lorsque des Dabar, fils de Massugrada, de la mai
cavaliers maures viennent annoncer son de Massinissa; mille excellentes
que Jugurtha est campé en avant, à qualités lui avaient gagné les bonnes
quelque deux milles de distance. Cette grâces et la faveur du roi maure. Boc
nouvelle jette l’épouvante parmi nos chus ayant déjà éprouvé, en plusieurs
gens ; ils se croient trahis, et engagés occasions , qu’il etait affectionné aux
par Volux dans une embuscade; quel Romains, se hâta de le députer vers
ques-uns même sont d’avis qu’il faut Sylla, pour lui dire de sa part qu’il
s’en venger sur sa personne, et ne pas est prêt à se soumettre; qu’il ait à
laisser impuni un crime si atroce. choisir lui-même le ‘cm, le lieu et le
« Mais Sylla, quoiqu’il ait les mêmes moment de la con érence; qu’aucun
pensées, s oppose à cette violence; il engagement n’a prévenu leur délibé
exhorte les siens à avoir bon courage; ration commune; que l’envoyé de Ju
il leur représente qu’il est souvent ar gurtha ne doit faire aucun ombrage;
rivé à une poignée de braves de l’em qu’on ne l’a appelé que our traiter
porter sur le grand nombre; que, plus librement, parce ue ‘on ne pou
moins ils se ménageront dans l’actlon, vait autrement se déro er aux artifices
lus ils seront en sûreté; qu‘il est de ce prince. Pour moi, ajoute Sal
lionteux, quand on a les armes en luste, j'ai des preuves que Bocchus,
main, de ne compter que sur la fuite. par une insigne mauvaise foi plutôt
Ensuite, ayant pris les dieux ‘a témoin que dans aucune des vues qu’il pré
de la perfidie de Bocchus , il ordonne textait, amusait tout à la fois les Ro
à Volux desortir du camp. mains et le roi numide par des espé
NUMIDIE ET MAURITANIE. 48
rances de paix; qu'il avait souvent « tière. Quant à mes dispositions à l'é
balancé s'il livrerait Jugurtha aux Ro « gard de votre république, apprenez
mains, ou Sylla à ce prince; et que «les en deux mots. Je n'aijamais fait
son ‘penchant le décidait contre nous, «ni voulu faire la uerre au peuple
mais que la crainte le détermina en « romain; mes frontières ont été atta
non‘; fl‘îvelël‘. d .quées. j'ai pris les armes pour les
n yena préséance
chose r n itd’Aspar;
qu'il dirait u de
qu'inles'ex a éfendre : j y renonce, puisque vous
«le voulez. Faites, à votre gré , la
pliquerait sur le reste sans témoin, a guerre à Jugurtha; le fleuve Mulu
ou du moins devant peu de person «cha, qui bornait mes États et ceux
nes : il régla en même temps ce qui a de Micipsa , est une barrière que je
lui serait répondu. Quand ils furent - ne passerai point, ,et je ne la laisserai
assemblés comme ils en étaient conve «point passer à Jugurtha; si vous
nus, Sylla dit qu'il était venu de la «exigez quelque autre chose qui soit
part du consul pour savoir si Bocchus a digue de vous et de moi, je ne vous
eutendaittprendre le parti de la guerre «la refuserai point. »
ou celui a la paix. Le roi, confor «Sur ce qui lui était personnel,
mément aux instructions qu'il avait Sylla répondit en peu de mots et avec
reçues, lui dit de revenir dans dix modestie; sur ce qui concernait la
jours; qu'il n'était pas encore décidé, paix et les intérêts communs, il s’é
mais qu'il lui donnerait ce jour-là une tendit davantage. Il finit par faire en
réponse précise. Là-dessus, chacun se tendre au roi quele sénat et le (peuple
retira dans son cam . Mais quand la romain, ayant eu la supériorité es ar
nuit fut bien avec c, Bocchus fit ve mes, ne regarderaient point ses pro
nir Sylla secrètement; ils ne prirent messes comme une faveur, et qu'il
tous deux que des interprètes sûrs; faudrait y ajouter quelque action qui
mais ils y ajoutèrent Dabar, homme de pût leur-plaire; qu'il avait pour cela
probité, qui, en qualité de tiers, leur une belle occasion , puisqu'il ouvait
prêta le serment qu'ils jugèrent a pro- ' disposer de Jugurtha; que s'i le li
V s d'exiger; et aussitôt le roi parla vrait aux Romains, ils lui en auraient
0 premier ences termes : la plus grande obligation; que leur
«Je n'ai ‘jamais pensé qu'étant le amitié, leur alliance, et la partie de la
a plus grau roi de cette contrée, et Numidie qu'il réclamait, en seraient
s maîtred'un des plus puissants États aisément le prix.
e que je connaisse, je puisse avoir des a Le roi fit d'abord beaucoup de ré
tobli ations ‘a un sim le particulier; sistance : il observa qu'il tenait à ce
a et véritablement, Syl a, avant que je prince par le sang, par une alliance,
cvous connusse, plusieurs ont im par un traité; qu'il avait d'ailleurs à
‘ploré mon secours avec succès; j'ai .craindre que ce manque de fidélité ne
nnême prévenu les prières de quel révoltat ses sujets , à qui J ugurtha
ques autres, et jamais je n'ai eu be était cher et les Romains odieux. A la
asoin de personne. Cette diminution fin, fatigué des instances réitérées de
« de puissance, si affligeante pour d'au Sylla, il promit de faire ce qu'on lui
«tres, est pour moi un sujet dejoie. demandait. Puis, après avoir pris leurs
«J'ai à me féliciter d'avoir besoin de mesures, ils se séparèrent.
ni votre amitié, qui est ur mon cœur c Dès le lendemain, Bocchus manda
c le plus récieux des biens. Vous pou Aspar, envoyé de In urtha; il lui dit
- vez là- essus memettre à l'épreuve: que, par l'entremise e Dabar, il sait,
- armes, soldats , argent, enfin tout e Sylla même, qu'il y a des moyens
«ce que vous jugerez à propos, pre de terminer la guerre; qu'il s'informe
unez-le, disposez-en à votre gré; et donc à ce sujet des intentionsdu roi son
a tant que vous vivrez, ne meregardez maître. Celui-ci , bien je eux, se rend
- jamais comme quitte envers vous : au camp de Jugurtba. ourvu d'am
I ma reconnaissance sera toujours en ples instructions, il revient en dili
44
gence à celui de Bocchus, après un ceux qui sont apostés l‘cnvcloppent de
voyage de huit jours; il lui déclare toutes parts. On fait main basse sur
que Jugurtha est disposé à tout ce ceux qui l'accompagnent; pour lui, on
qu’on voudra; mais qu’il se lie peu à le livre pieds et poings liés à Sylla,
Marins ; que l'on a déjà traité plu qui le mène à Marins. »
sieurs fois de la paix avec les géné FIN DE LA GUERRE (106); TRIOM
raux romains sans aucun effet; qu'au PIIE DE MARIUS; Monr DE JUGUn
reste Bocchus, pour la sûreté des deux 'rnx (104).—Quand on sut a ltome
rois et pour hâter la aix, devrait, tue Jugurtha était tombé au pouvoir
sous prétexte d'en con érer, ménager e Marins, la joie fut extrême. Jus
un congrès général, où il lui livrerait qu’alors les courages avaient été abat
Sylla; que quand il aurait entre les tus par les désastres répétés qu’a
mains un homme decetteimportanee, vaient éprouvés en Gaule les armes
le sénat et le euple-romain ne mau romaines. Les flots de barbares qui
queraient pas ’ordonnerlaconclusion inondaieut cette belle contrée se rap
du traité, et qu’on ne laisserait pas prochaient de plus en plus de l’ltalie.
au pouvoir des ennemis un homme La prise de Jugurtha soulagea pour un
du premier rang, qui serait prisonnier instant, de leurs inquiétudes et de leurs
non par une lâcheté, mais par son zèle craintes, le peuple et le sénat. Marins
pour la république. arut grand à tous les yeux; et, comme
« Le roi maure, après de longues c dit Salluste, on le regarda dès ce
réflexions. ‘promit enfin de le faire. moment comme l’espérance et l'ap
s'engageait-il avec Jugurtha par feinte pui de la république. On le lit consul
ou avec véritéPJe l'ignore. Toutefois, pour la seconde fois, et on lui décerna,
après qu'on eut réglé le temps et le d'une voix unanime, le commandement
lieu du congrès pour traiter de la paix, des troupes qui devaient combattre en
Bocchus faisait venir tantôt Sylla , Gaule. Mais avant de partir pour une
tantôt l'agent de Jugurtha; il les re guerre nouvelle, il triompha, au mi
cevait avec honnêteté, et leur faisait lieu des acclamations générales, pour
à tous deux les mêmes romesses: les victoires qu’il avait rem ortées en
tous deux, également satis aits, étaient Afrique. QuantàJugurtha, i suivit eu
pleins de confiance. Mais on dit que, la chaîné le char du vainqueur. On dit
nuit qui précéda le jour marqué pour que, pendant le triomphe, l’excès du
la conférence, le roi maure, après malheur et de la honte lui enleva-la
avoir mandé ses confidents, prit tout raison. Jeté dans un cachot, il fut livré
à coup un autre parti, et les congédia; aux outrages des geôliers, qui lui ar
et que, livré à une foule de réflexions, rachèrent ses riches vêtements, et lui
et changeant plusieurs fois d'air, de déchirèrent les oreilles pour avoir ses
couleur, de maintien, comme de peu anneaux d’or. Ce fut en pénétrant
sées, son extérieur, malgré son silence, dans l’humide prison qu’il se prit à
fitassez connaître l'état intérieurde son rire, et s'écria : « Par Hercule! les
âme. A la lin pourtant, il lit venir étuves des Romains sont bien froi
Sylla, et concerta avec lui les mesures des! » On le laissa sans nourriture, et,
pour surprendre le roi numide. Lors avant de mourir, il fut en proie. pen
qu’au jour marqué l’on annonça que dant six jours entiers, aux affreux
Jugurt a approchait, Bocchus, suivi tourments de la faim (104).
d’un petit nombre des siens, s'avança ÉTAT DE LA NUMIDIE APRÈS LA
avec notre questeur, comme par civi DÉFAITE DE JUGUBTHA; GAUDA;
lité, jusque sur une éminence à portée oxvu'rss. — Après la défaite de Ju
de la vue de ceux qui étaient en cm gurtha. les Romains disposèreut de la
buscade. Le prince numide, avec la Numidie à leur gré. Bocchus obtint,
plupart de ses amis, s'y rend aussi comme récompense de ses services, le
sans armes, comme on en était con pays des Massésyliens, contigu à la
venu; aussitôt on donne le signal, et Mauritanie. Cette province lui avait
NUMIDIE ET MAURITANIË. 45
été promise par Jugurtha, s'il traliissait senti à servir l'lnimitié de Marins
les Romains; il aima mieux la tenir contre Métellus; et ce fut en récompense
de ces derniers, qui la lui avaient éga des complaisanccs de son père pour
lement promise. La Numidie propre le vainqueur de Jugurtha, qu'Hiar
ment dite, ou le pays des Massyliens, bas reçut une part dans la dépouille du
fut divisée en trois parties : l'une vaincu. Indépendamment des liaisons
d'elles fut annexée à la province d'A de Gauda avec Marius, la concession
frique, formée après latroisième guerre faite à Hiarbas d'une partie de la Nu«
punique du territoire de Carthage. Les midie s'explique encore par l'esprit de
deux autres furent données à deux la politi ue romaine, qui, ne voulant
princes de la famille royale de Numi point et‘ ectuer la réunion définitive de
die. L'un de ces princes était Hiem sal cette vaste et embarrassante contrée,
11, nommé par Appien Mandresta ; il préférait la diviser et la confier aux
était fils de Gulussa et petit-fils de rinces restants de la famille royale.
Massinissa : l'autre était Hiarbas ou e sénat était sûr de leur docilité, ou
Hierta, fils de Gauda, frère de Jugur— du moins il ne craignait plus de résis
tha. Il paraît‘ ue Jugurtha avait forcé tance sérieuse de ces petits rois, que
Gauda , son rère, à se jeter dans le la chute récente de Jugurtha devait
parti des Romains. Voici la mention faire trembler, et que leur faiblesse
que Salluste fait de ce prince : a Il y coutraignait au repos et à la soumis
« avait dans notre armée un prince sion(*). Quant aux deux fils de Ju
« numide appelé Gauda , fils de Ma gurtha, ils survécurent à leur père;
« nastabal et petit-fils de Massinissa. mais ils terminèrent leurs jours dans
en Ce prince était si accablé d'infirmités, la captivité. Ils étaient détenus à Ve
« que son esprit s'en ressentait un nouse, en Apulie. Cependant ‘l'un
a peu. Il avait demandé à Métellus une d'eux, nommé Oxyntas, eut l'occasion
« compagnie de cavalerie romaine pour de jouer un rôle tout passif, il est
a sa arde, et le droit de s'asseoir à vrai, dans la guerre sociale. Aponius,
« côte de lui, selon la coutume des l'un des chefs des alliés, assiégeant la
« rois. Métellus lui avait refusé l'un et ville d'Acerres, avait pour adversaire
a l'autre : la prérogative, parce qu'elle Sext. J ul. César, dont l'armée était en
a ne s'accorde qu'a ceux que la répu partie composée de Numides. Connais
« blique reconnaît pour rois; la garde, sant le respect de ceux-ci pour le sang
« parce qu’il lui semblait honteux que de leurs rois, il fit'venir Oxyntas de
u des cavaliers romains fussent satelä Venouse, le revêtit de la pourpre, le
u lites d'un barbare. Marius profita traita avec honneur, et le montra aux
« du chagrin de Gauda pour lui offrir Numides de l'armée opposée. Ceux-ci ,
« ses services contre l'injustice du gé. voyant le fils de leur ancien roi dans
« néral. Il n'eut as de peine à ren le camp des alliés, commencèrent à
« verser cette tête aible, en la traitant déserter en foule; et César, se défiant
« de roi, d'homme respectable, de pe du reste, renvoya toute cette cavale
« tit-fils de Massinissa, a qui le royau rie en Afrique (90 avant l'ère chré
a me appartiendrait sans contestation
et si Jugurtha était pris ou tué. C'est (') Il n'est pas certain qu'Hiempsal était
a ce qui arriverait, ajouta-t-il, bientôt, fils de Gulussa. Le président de Brosses in
cline à croire qu'il était de la race des rois
en si, comme consul, j'avais le com maures plutôt que de celle des rois numides,
- mandement de l'armée. Par de tels et peut-être l'un des fils de Bocchus , l'ami
« propos, il engagea ce prince. . . . . à de Sylla. Il paraît , ajouie-t-il, que la race
ni écrire à Rome d'une manière désa. nnmide avait pris parti pour Marius, et la
u vantageuse sur le compte de Métel race maure pour Sylla. (I-Iist. de la répub.
« lus, et a demander Marins pour gé romaine, t. I, p. 332). Cette opinion est
« néral (t). u Ainsi, Gauda avait con confirmée en effet ar la conduite que tin
(") Nous empruntons la traduction du rent Hiarbas et I-Iiempsal dans les guerres
président de Brosses. civiles de Mariuset de Sylla.
40
tienne). L'autre’ fils de Jugurtha est oint y entendre, et la rebutoit : tou
resté entièrement inconnu. ' efois à la fin, voyant qu'il n'avait
, CONDUITE n'mAaBAs E'r n’mmuu point d'autre moyen de s'échapper de
sAL PENDANT LA nIvALrrE DE MABIUS là, et considérant'qu’elle faisoit toutes
ET‘DB SYLLA ; PEnrmrE n’nnmPsAL choses à leur avantage plus diligemL
A L'ÉcAan nu JEUNE MAaIus; HIAE ment et plus affectueusement qu'elle
BAS sE .JOIN’I‘ A DOMITIUS ET DE n'eût fait si elle n'eût tendu à autre
‘IBÔNE HIEMPSAL; IL EST vAtNcu PAR fin qu'à jouir seulement de son plaisir,
POMPÉE , QUI DONNE soN novAunn il commença à la fin à accepter ses
A mEuPsAL (de 88 à 81 de notre ère). caresses, tant que finalementelle lui
—La ma'xime du sénat romain, de dis donna moyen de s'enfuir et de se sau
viser pour dominer, ne s'est jamais dé ver,_lui et ses amis. Il se retira vers
mentie. En distribuant à deux rois les V son père; et, après qu’ils se furent
restes de la Numidie mutilée, il savait embrassés et salués, en cheminant le
bien qu'il y établissait deux rivaux. long de la marine ils rencontrèrent
Hiarbas et Hiemps’al , empressés à se deux scorpions qui se combattoieat
nuire, embrassèrent chacun, dans les ,l'un contre l'autre. Cela sembla un
guerres civiles de Sylla et de Marins, mauvais résage à Marius;à l'occasion
un parti opposé. Par un étonnant re de quoi i s montèrentvitement sur un
vers de fortune, Marins, ‘chassé de bateau depécheur, et passèrent enl’ll‘e
Rome, s'était enfui vers les côtes d’A de Cercina, qui n'est guère distante
frique, et se voyait réduit à mendier, de la ‘côte de terre ferme. Ils n'eurent
pour lui et sa famille, les secours de pas plutôt levé l'ancre qu’ils‘ a erçu
ces mêmes Numides qu'il avait vain rent des gens de cheval que e roi
cus. Déjà son fils, Céthégus et plus Hiempsal avoit envoyés au lieu dont
sieurs autres, étaient arrivés àla cour ils étoient partis, et ce fut l'un des
d'Hiempsal, dont ils attendaient du plus grands dangers auxquels il eût
secours et une bonne réception. Ma échappé (*).n Pen ant que Biempsal se
rius, après avoir erré sur les ruines jetait dans le parti de Sylla; Hiarbas
de Cart age, s'apprêtait à les rejoin se déclarait pour Marius, et ce fut
dre, lorsqu'il apprit à temps que son probablementrdans les États de ce
parti ne_pouva1t pas compter sur ce. dernier que Marius et son fils, avec
roi. Voici comment Plutarque raconte Céthégus, Graniu‘s, AlbinovanuskLæm
la réception perfide que Hiempsal fit toi-ius’ et d'autres ‘encore, passerent
à Marius et à ses amis 2 « Cependant‘ l'hiver de l'année 88, qui ‘avait com
Hiempsal, roi des Numides, ne sa mencé si misérablement pour eux.
chant à quoi serésoudre, faisoit bon Après leur dé art, les deux rois nu
‘honneur et bon traitement au jeune mides s‘e firent a uerre, ‘vidant léur's
Marius et à ceux de sa compagnie‘ différends particu iers au nom des
mais ‘quand ils s'en voulaient aller, il ‘partis i divisaient Rome. Partout
contlfiouvoit toujours quelque nouvelle ceux u1 s'étaient attachésà lafor
occasion pour es retenir, et il étoit tune e Marins succombèrent. Il n'y
aisé de voir qu'il ne reouloit point eut qu'en Afrique où l'année siens l'em
ainsi pour occasion quelconque qui fût porta; car Hiarbas dépouilla Hiem '
bonne; toutefois, il advint à une chose de son royaume. » Aussi Demi ius
qui servit à les sauver. c'est que le Ænobarbus ,. fuyant l'ltalie'où Sylla
jeune Marins, étant beau de ‘visa était revenu triomphant, se réfugia
(on le surnommnit fils de Mars et e chez Hiarbas, ni se joignit à lui avec
Vénus, et cause de sa beauté), fit pitié les forces dont l s'était servi pour (lé
à l'une des concubines le voyant en tel trônèr Hiempsal. Sylla chargea Pom
état. cette pitié fut un commencement pée de poursuivre Domitius et de paci
et une couverture de l'amour qu'elle
lui portait: mais- le jeune homme, à d'Amyot.
(‘l Plulai-que', Vie de Marins,
ses premières approches, ne voulait
NUMIDIE ET MAURITANIE. 47
fier l'Afrique. Pompée partit donc de Quant à Hiarbas, il fut assiégé dans
Sicile avec six lé ions, 120 vaisseaux Bulla, pris et mis à mort. Pompée re
de guerre et 800 âtiments de charge. vint à Utique, après une campagne qui
qui portaient des munitions de toute n'avait duré que quarante jours (81).
espèce. Il vint prendre terre à Curubis, JURA 1"‘ succiæne A soN PËRË
petit port voisin de- Carthage, non HIEMPSAL 11; IL DsvrRN'r L'RNNRatt
loin du promontoire de Mercure, et PERSONNEL m; CÉSAR. — Lorsque
marcha vers Utique , où Domitius et Sylla et Marins eurent disparu, de nou
Hiarbas étaient campés avec des forces veaux ambitieux prirent leur place, et se
nombreuses. Les deux armées se trou firent les chefs des partis qui existaient
vaient en présence; mais elles étaient dans l’État. César et Pompée se dispu
séparées par un ravin dont la descente tèrent a leur tour l'empire du monde,
était rude et le sol raboteux. Domitius en s'appuyant, l'un sur la démocratie,
jugea l'attaque impossible , d'autant l’autre sur l'aristocratie. La Numidie
lus qu’il tomba pendant presque tout prit à leurs démêlés une part plus im
e jour une grosse pluie, accompagnée portante qu'aux troubles précédents,
d'un vent violent. Il se retira vers son et.fut d'un grand poids dans les évé
camp. Alors Pompée jugea que le mo nements de cette lutte. Le royaume
ment favorable était venu; il passa le de Hiempsal avait été agrandi par
ravin, et fondit à l'improviste sur l'ar Pompée; la mort de Hiarbas avait dé
mée qui se retirait. Le désordre se mit barrassé ce prince d'une rivalité qui
bientôt dans les rangs de Domitius et l'affaiblissait, et il avait transmis à
de Hiarbas. Ajoutez qu'ils avaient en son fils J uba 1" un royaume étendu et
face la pluie et le ventvAussi éprouve florissant. Outre la reconnaissance qui
rent-ils une entière défaite. Les sol attachait Juba à la cause de Pompée,
dats de Pompée voulaient le proclamer ce prince avait contre César des mo
imperator sur le champ de bataille; tifs de mécontentement personnel.
mais leur chef leur ayant déclaré qu'il Suétone raconte qu'un différend s’é
n’acce terait cet honneur qu'après la tant élevé entre Htempsal et un noble
prise 11 camp ennemi, ilsy marchèrent numide appelé Masintha , celui-ci im
àl’instant, et le forcèrent. Il était déjà
plora la protection de César, qui com-‘
nuit; Pompée combattit tête nue, pour mençait alors sa carrière politique.
être reconnu par ses soldats et éviter César embrassa avec tant de chaleur’
toute méprise funeste. Le campvfut la cause de Masintha, que, dans une
emporté , et Domitius resta sur la violente altercation avec Juba, fils de
place. Le carnage fut grand , et de - Hiempsal, il s'emporta jusqu'à le'pren
20.000 hommes il n’en échappa que dre par la barbe. C'était le plus san
3,000. Hiarbas prit la fuite, abandon glant outra e que l'on pût faire à un
nant ses éléphants , que Pompée voua Numide. In a ne l'oublia jamais, et
lut plus tard atteler à son char de nous allons le voir dévoué à la cause de
triomphe. Ce prince essaya de rentrer Pompée , non-seulement par recon
dans son royaume; mais il en fut em naissance et par dévouement pour lui,
péché par les Maures auxiliaires que mais aussi par haine pour son adver
Gauda, fils de Bocchus, avait conduits saire.
à l'armée de Pompée. Il fut donc obligé’ EXPÉDITION m1 cuaroN RN. AFRI
de se renfermerdans Bulla. Cependant QUE. JUBA MARCHE. AU SECOURS un
Pompée avait pénétré dans le pays VABUS. IMPaUDRNcu DR cURIoN.
pour rétablir Hiempsal; les Numides Rusa DE JUBA; sa CBUAUTÉ APRÈS
effrayés prenaient tumultueusement LA VICTOIRE (49 avant notre ère). —
les armes pour résister à cette inva Au début de la guerre civile, César
sion; mais Gauda, parcourant la con avait rapidement enlevé l'ltalie à Pom
trée , vainqnit toutes les bandes qu’il pée et à ses partisans. L'un d'eux, At
trouva formées, et Pompée rétablit tius Varus, chassé d'Auximnm, se ré
sans peine Hiempsal sur son trône. fugia dans la province d'Afrique, en
48
expulsa Tubéron, et s’y rendit indé Juba osât venir l’attaquer, tant ses
endant de‘ l'autorité du sénat. Comme premiers avantages , et ceux de César
Il tenait pour Pompée. Juba fit alliance en Espagne, lui avaient inspiré de con
avec lui , et César dépécha à sa pour fiance..Mais uand il fut certain que
suiteCurion, cet ancien tribun qui de Juba n’était p us qu’à 25 milles cl’Uti-v
puis peu se montrait si zélé pour sa que, il prit sagement le parti de se re
cause. Ainsi Curion devait enlever tirer dans le camp cornélien, position
l’Afri ueà Varus et à Juba,‘ comme avantageuse où le premier Scipion
autre ois Pompée à Domitius et à avait campé autrefois. Dans ce poste
Hiempsal. Mais le lieutenant de S lla il n’était pas seulement en lieu sûr ,
avait remporté une victoire là ou le mais rien ne lui manquait : bois, blé,
lieutenant de César ne trouva qu’une eau , sel , ‘tout était sous sa main. Il
défaite et la_mort. Curion. imprudent pouvait communiquer avec la mer, et
et plein d'ardeur, n'avait pris que la il envoya des ordres pour hâter l'arri
moitié des forces que César avait mi vée des deux légions u’il avait laissées
ses àœsa. disposition. Il vint camper en Sicile. Il pouvait onc se tirer d'af,
avec deux légions et 500 cavaliers sur faire en temporisant.
les bords du Bagrada. Juba se hâta Mais il ne ersévéra pas dans ces
d’envoyer des renforts à Utique; car, prudentes réso utions, et sa précipita
indépendamment de son antipathie tion naturelle le fit tomber dans un
pour César, il détestait Curion our piège ‘que lui dressa le rusé Juba.
un motif tout particulier. Enletfet, Quelques déserteurs d’Uti ne lui don
Curion, étant tribun du peu le , avait nèrent le faux avis que In a , rappelé
proposé une loi pour con squer le par une guerre contre des peuples voi
royaume de Juba et en faire une pro sins, était retourné sur ses pas, en
vince romaine. Dans une première vo ant à sa place Sabura, son géné-.
rencontre, 600 auxiliairesnumides fu— ra , pour dé ivrer Utique. Curion ac
rentbattus par la cavalerie de Curion, cueillit avec une confiance précipitée
et se retirèrent aprèsune perte de cette feu se nouvelle , et résolut d’ac
120 hommes. Au commencement de cabler Sa ura. Ce qui donnait une ap
cette campagne, Curion et Varus fu parence_de vérité au faux bruit dont il
rent seuls aux prises, et le lieutenant était la ‘dupe, c’est que Sabura avait
de.César eut toujours Pavantage. Il af été envoyé en avant avec un corps peu
fermit la fidélitehchancelante de ses lé considérable, et ‘qu'il se trouvait près
giqns, formées dedéserteurs ppm du camp, non loin du Bagrada; mais
géiens, et que Varus essa a de lui dé Juba le suivait avec toutes ses forces ,
aucher. Il remporta sur arus la vie préparé à le soutenir. Il s’était arrêté
toire d'Utique‘, où il ne perdit qu'un en arrière, à la distance de 6,000 pas.
seul homme , au rapport» .de César Tout ce que Juba avait prévu se réa
dans ses Commentaires. Enfin il con lisa. Curion fit partir sur le soir sa
traignit l’ennemi à se renfermer dans cavalerie , qui tomba de nuit et à l'im
Utique, et il en vint faire le siège. La proviste sur les Numides commandés
population d’Utique,‘ peu belliqueuse par Sabura. Plusieurs furent tués;
et toute commerçante, et d’ailleurs quelques-uns , faits prisonniers , fu
bien disposée pour César, dont elle rent conduits à Curion, qui s’était mis
avait reçu quelques services, voulait se en marche et qui était déjà loin de son
rendre , et pressait Varus ‘d’ouvrir les camp. Il interroge les prisonniers, et
portes. Mais les courriers de Juba ar leur demande le nom de celui qui les
rivèrent‘, annonçant que le ’roi appro commande. Quand ils eurent nommé
chait avec des forces considérables, et Sabura, Curion n’en demanda pas da
exhortant la villeeà' tenir bon quel ue vantage; et rapprochant le témoignage
temps. Ces nouvelles changèrent l’ tat de ces captifs avec celui des transfu
des esprits. Curion, qui'en fut égale ges de la ville , il demeura plus con
ment avertit ne pouvait croire que vaincu que jamais que Juba était bien
NUMIDIE ET MAURITANIE. 49
loin. Ses troupes partageaient sa con tite armée lit des prodiges. César, qui
fiance; il les enflamma encore par une raconte cette défaite au second livre
allocution animée, où il les exhortait à de ses Commentaires sur la guerre ci
aller non au combat , mais à la vic vile, se plaît à rendre cette justice aux
toire. Puis il ordonne de se remettre en soldats et à leur général. Malgré leur
route; mais sa cavalerie, fatiguée par etit nombre et leur fatigue, les cava
une double marche , ne put suivre les Fiers romains faisaient merveille par
fantassins : un grand nombre resta en tout où ils donnaient, et forçaient tou
chemin , s'arrêtant de distance en dis jours l’ennemi à fuir devant eux; mais
tance, là où leur fatigue devenait ex il leur était impossible de les poursui
tréme. et il n’y en eut que 200 qui pu vre, dans la nécessité où ils étaient de
rent accompa ner l’infanterie. Mais ménager leurs chevaux. Tous leurs ef
Curion regar ait le succès comme forts ne pouvaient empêcher la cava
trop certain, pour être arrêté par cet lerie numide d‘exécuter la manœuvre
inconvénient. De son côté , Sabura que Sabura avait prescrite. Peu à peu
avait informé Juba du combat noc les soldats romains furent entourés;
turne qu’il avait soutenu. Le roi , quelques cohortes se détachèrent pour
comprenant ue tout dépendait ' de briser le cercle qui enveloppait l'ar
l’action qui aflait s'engager , envoya à mée; mais les Numides, sans attendre
son général 2,000 chevaux espa nols leur choc, se retiraient avec vitesse
et gaulois de sa garde, et ses meil eurs avant d'avoir perdu un seul homme;
fantassins. Lui-même se mit en mar puis ils se réunissaient à une certaine
che, mais plus lentement, avec le reste distance, et ils revenaient attaquer en
de ses forces et 40 éléphants. Sabura foule ceux qui les avaient poursuivis,
montra autant de prudence et de vraie et ni s’étaient ainsi séparés du gros
habileté que Curion de présomption et de ’armée. Dans une telle position,
d’ineptie. Après avoir rangé son ar tout était danger pour les Romains:
mée en bataille, il fit avancer vers les rester en place , conserver les rangs ,
Romains un détachement, comme pour courir à l’ennemi , rien ne pouvait s’o
engager l'action; mais avec ordre de pérer sans les plus grands risques.
reculer peu à peu, et de prendre la fuite La troupe de Sabura ne faisait
en donnant tous les si nes de terreur qu'augmenter par les nombreux se
et d’épouvante. Cet or re fut parfaite cours que Juba lui dépéc‘hait en avan
ment exécuté. Curion, déjà plein d’es çant lui-même en bon ordre. Les for
pérance, fut encore aveuglé d'avantage ces des soldats romains commençaient
par la vue des ennemis fuyant précipi à s’épuiser. Ceux qui avaient reçu des
tamment devant lui, et, quittant es blessures ne pouvaient ni s’éloigner du
hauteurs où il était toujours en sûreté, champ de bataille, ni se retirer en
il descendit avec tous les siens dans lieu sûr , car toute la plaine était fer
la plaine. Ainsi, sans cavalerie, avec mée par la cavalerie numide. Alors les
une infanterie harassée ar une mar Romains commencèrent à désespérer
che rapide de 16 milles,i descendit en de leur salut, et, comme il arrive or
rase campagne , en présence'de forces dinairement à des hommes qui voient
su érieures. C'était se livrer soi-même leur dernière heure approcher, ils dé
à ’ennemi. Sabura, après avoir par. ploraientvleur malheureux sort. ou ils
c‘ouru ses rangs, exhorté ses soldats, se recommandaient leurs proches les
donne le signal de l’action ;.toutefois, uns aux autres, dans le cas où la for
son infanterie resta immobile en ar tune en sauverait quelques-uns de ce
rière, car il ne voulait point la com-' commun danger. Tous étaient cons
promettre avec les lévionnaires : ce ternés par la crainte et la douleur.
fut sa nombreuse cavalerie qui se dé Curion , voyant les siens épouvantés,
ploya rapidement pour envelop er les et ne pouvant plus rien sur eux , tu
ennemis. Curion se comporta rave par les exhortations , ni par les rie
ment dans ce dernier combat. Sa pe res, reconnut la faute qu’ll avait me,
4' Livraison. (Nummn m MAUm'rANm.) 4
60
et voulut regagner les hauteurs. Il ce "fut envain, tous demandaient à
réunit ce ui lui restait. et ordonna grands cris d'être ramenés en Sicile.
d’aller rep acer les étendards sur les Mais dès que la défaite de Curion eut
collines; mais Sabura le prévint, et fit été connue à Utique, Flamma, com
occuper ces collines par sa cavalerie. mandant de la flotte, s'était bâté, au
Ainsi plus de ressource : la situa rapport d'Appien, de lever l'ancre,
tion de larmée romaine était entière sans songer à secourir les malheureux
ment désespérée. Les uns’prennent la restes de l’armée vaincue. Il fallut
fuite , et sont tués par les Numides; donc traiter avec des négociants qui
les autres sont massacrés en combat étaient en rade avec leurs navires,
tant à leur rang. Cn. Domitius, qui pour obtenir d'eux le passage. Au mo
commandait la cavalerie romaine, vou ment de l'embarquement , le bruit se
lut au moins sauver le général. Il lui répandit que les troupes de Juba ap
proposa de l'accompagner jusqu’au prochaient avec les légions de Varus.
camp avec les cavaliers qui pouvaient Quelques-uns crièrent qu’ils aperce_
encore combattre. Cinq cohortes vaient la poussière soulevée par cette
avaient. été laissées à la garde du multitude. Alors une terreur panique
camp, et il était possible de s’y défen s'emparant de tous les Romains, ils
dre. Domitins promettait à Curion de se ruèrent sur les barques avec tant
ne point l'abandonner qu’il ne l'eût de précipitation, qu'elles furent pres
mis en sûreté. a Non, répondit Cu que toutes submergées. Quel nes-uns
- rion, je ne paraîtrai Iiamais aux yeux parvinrent cependant à gagner a pleine
on de César, après avoir perdu l’armée mer. Mais les marchands qui les trans
cr qu’il avait confiée à ma conduite. 1 portaient les jetèrent dans les flots
Il continua de combattre 'usqu’à ce pour s'emparer de leur argent. Un
qu’il fût tué par l’ennemi. a tète, sé très-petit nombre seulement arriva en
parée de son corps, fut apportée à Sicile. Une partie des cohortes n’avait
Juba. Toute l'infanterie fut taillée en point voulu fuir, et s'était rendue à
pièces, et il n’en resta pas un seul Juba, sur la promesse qu’on leur con
omme. Quelques cavaliers échappé serverait la vie sauve. Mais J uba pré
rent; ceux qui étaient restés en che tendit que ces prisonniers lui apparte
min retqurnerent au camp. Cette dé naient, et, au mépris de’ la capitula
faite eut lieu près du Bagrada, non tion, il les fit égorger sous les remparts
loin du camp Cornélien que Curion d'Utique. excepte uelques-uns qu’il
avait quitté la nuit même (*). emmena dans ses tats. Varus nosa
Les troupes du camp étaient com pas réclamer contre une action si per
mandées par le questeur M. Rufus, fide et si outrageante; car Juba , fier
qui fit tous ses efforts pour rendre de ses forces et de ses services , impo
quelque courage à ses soldats abattus; sait ses volontés au chef pompéien,
et parlait plutôt en maître qu’en auxi
(") «Iecamp Cornélien, dit Mannert, était lialre du parti qu'il soutenait. Il donna
et situé au nord du Bagrada.. . . C'était non encore d autres preuves d’arrogance:
c pas une ville, mais un port vaste et sur; il fit son entrée à Utique, à cheval, es.
- les hauteurs qui le dominent offraient un corté par plusieurs sénateurs, entre
- emplacement favorable pourla construction autres par Serv. Sulpicius et Licinius
a d'un camp, ce qui ‘donnait àcette position
Damas]
pendît dpepus; et quoique
l'empire romain,cette
il 3'ville dé
fit tout
- une grande importance stratégique. Aussi
- est-ce sur ce point que les Romains diri
. gèrent continuellement leurs attaques en ce11:,“ lui plut tant qu'il y emeura,
a débarquant sur la côte d‘Afrique. n Ce ap quoi il retourna dans son
port servait au commerce d'Utique, qui royaume.
n’avait qu'une rade. Aujourd'hui, sur l'em APRÈS LA BATAILLE na mucus,
placement dæ Caslra Corne/l'a, se trouve us rurrrssns ne vous: sa n
‘Porto Farina, qui sert de gare à la plus ruenm'r me “mon: aurais ml
grande partie de la flotte de Tunis. JURA (48 avant notre ère). —- La (l6
NUMIDIE ET MAURI’I‘ANIE. 5l
faite et la mort de Curion assurait au Juba , le prince numide avait pris la
parti pompéien la supériorité en Afri place d'honneur entre lui et Sci ion ;
que; mais partout ailleurs César avait Caton, choqué de la prétention u roi
triomphé. Pompée, vaincu à Pharsale, barbare , transporta lui - même son
périt sur la côte d'Égypte d'une mort siège pour mettre Scipion au milieu ,
déplorable. César, après avoir vaincu entre le roi et lui. Quant à la querelle
la résistance des Alexandrins et la entre Scipion et Varus au. sujet du
vaine tentative de Pharnace, roi de commandement, Caton la fit cesser en
Pont‘ , se prépara à poursuivre les se déclarant pour Scipion. On avait
vaincus, qui s'étaient réunis en Afri offert à Caton luhmême l'autorité su
que auprès de J uba , leur dernier ap prême; mais il la refusa par un vain
pui. Ce prince avait été comblé d’honn scrupule de légalité dont il se repéntit
rieurs par les amis de Pompée, qui lui amèrement plus tard. Il prétendit
avaient conféré le titre de roi de toute qu'il ne convenait pas à un homme qui
la Numidie. De son côté, César l'avait n'avait été que preteur , de comman
déclaré ennemi dela république, et avait der là où il y avait un personnage con
adjugé la souveraineté de ses États sulaire , et il fit déférer le pouvoir à
à Bocchus et à Bognd, deux rois mau Scipion , qui avait été consul. Varus,
res qui alors étaient entièrement dans Afranius, Pétréius et Labiénl‘is suivi
ses intérêts. Mais cette décision resta rent son exemple , et la concorde fut
nulle tant que César fut occupé par les rétablie dans le parti romain. Aucun
soins de la guerre d’Orient. La puis choix ne pouvait être plus agréable à
sance de Juba ne faisait que s'accroî Juba, qui avait pris sur l'esprit de Sci
tre ainsi que son orgueil; et les vain pion un grand ascendant.
cus de Pharsale, groupés autour de JUBA PROPOSE DE DÉTIIUIBB UTI
lui, ne paraissaient être que ses lieu Qus. CATON sAuvs cs'r'rn PLACE, LA
tenants. Varus , qu'il avait maintenu FORTIFIE ET s’Y BENFEIIME (47 avant
dans sa province d'Afrique par la mort notre ère). — Il était important pour
de Curion , subissait continuellement les chefs pompéiens et pour Juba de
ses caprices et ses hauteurs. Métellus s'assurer des dispositions de la puis
Scipion , beau-père de Pompée , était sante cité d'Utique. Depuis la chute
un personnage plus considérable; de Carthage , cette ville était devenue
mais son arrivée en Afrique, où il la capitale de la province d'Afrique;
vint retrouver Juba, ne servit qu'à elle était le siégé du proconsul romain,
faire ressortir davantage l'humiliation d'un grand nombre de marchands ita
du parti pompéien. Labiénus, Pétréius liens, et même de chevaliers que le
et Afraiiius n'avaient pas non lus as commerce y attirait. Nous avons déjà
sez d'importance ni assez d’é évation dit que les habitants d’Utique étaient
dans le caractère pour re rendre la favorablement disposés pour César.
supériorité qui convenait des Ro J uba les avait traités avec sa violence
mains. D'ailleurs la mésintelligence ordinaire, lorsqu'il avait séjourné dans
s'était glissée entre les principaux leur ville après la défaite de Curion.
chefs fugitifs ziscipion et Varus se Les chefs réunis ayant délibéré sur le
disputaient le commandement, dont parti qu'il y avait à prendre à l'égard
l'un et l'autre étaient également indi de cette cité, Juba proposa de la dé
gnes; et Juba, à la faveur de ces dis truire et d'en exterminer les habi
sensions, les écrasait par son orgueil tants. Scipion, fidèle à son système de
et son faste barbare. Il n'y eut que basse et timide adulation , se pronon
Caton qui sut se conduire envers Juba çait, quoique faiblement, pour l'avis
avec énergie et dignité. Il était arrivé du roi. Mais Caton parla avec force
le dernier de tous les vaincus de Phar contre un tel dessein; il reprocha à
sale, après avoir arcouru les côtes de Juba sa cruauté, et, par la véhémence
la Libye et forti ‘é Cyrène. Dans sa de ses reproches et de son indignation,
première entrevue avec Scipion et il fit repousser ce projet inhumain. Il
4.
52
fit plus encore, il se char en de défen n'omettant rien de ce qui a rapporta
dre cette place, et de a soustraire l'intervention de. Juba dans cette lutte
aux armes de César. Dès lors il ne où les plus grands intérêts étaient agi
quitta plus Utique, et il renon à tés, et dont les résultats furent si con
agir avec des hommes qui, pour éc ap sidérables pour la Numidie et l’Afri
per a la domination de César, s'abais que tout entière.
saient tous les jours devant l'orgueil CÉSAR POSE soN CAMP PRÈS DE
de Juba. Tout son rôle dans cette EusPnvA; n. DÉFAIT LABIÉNUS; scr
rande erre d’Afrique se borna donc PION Anaivs AVEC sonanm’m (46 av.
a la dé ense d’Utique, où il se donna notre ère).— La villed‘Adrumète, près
la mort quandla situation fut entière de laquelle César avait mis pied’ à terre,
ment désespérée. était au pouvoir de l'ennemi : il tenta
cuEaaE D'ArarQuE; DÉPART ratée. de s'en emparer; mais n'ayant pu gagner
cmrrE DE CÉSAR; IL sE raouvE D'A le gouverneur, il s’éloigna et fut in
Boan DANS UNE SITUATION carn quiété dans sa marche par la garnison,
QUE (47 avant notre ère). —Pendant qu'il mit en fuite. Il vint camper à
que Juba et les pompéiens'faisaient à Rus ina, autre ville de la Byzacène,
grand bruit leurs préparatifs de guerre, situ e au sud d'Adrumète. II.y arriva
César, avec sa célérité ordinaire, par le 1" janvier de l'an 46, et Il y prit
tait de Rome vers la lin de décembre possession de ‘son troisième consulat
de l'année 47, et, après une traversée et de sa troisième dictatui'e. En peu
périlleuse, il débarquait près d'Adru ‘de temps César s'assura d'importantes
mète avant le 19' janvier de l'an 46, ositions sur cette côte qui regarde
avec 3,000 hommes de pied seulement ‘orient, et où se trouvaient tous ces
et 150 chevaux; le reste avait été dis ports. qui l'avaient fait appeler Empo
persé, par la tempête et ne put le re ria. Ruspina , Leptis Minor , et d'au
joindre que plus tard. Pour tout autre tres places’, se rendirent. César s'oc
que César , Il eût été im rudent de se cupalt en même temps d'amasser des
présenter avec si en e forces sur vivres, de réunir tous ses navires dis
une côte bordée 'dennemis, et d'af ersés sur les côtes d'Afrique, et de
fronter, avec une poignée d'hommes, aire venir de Sicile et de Sardaigne
les puissantes armées de Juba et de de nouveaux renforts. Mais avant d’a
‘Scipion. Curion , qui avait tenté la voir rassemblé toutes ses forces, il eut
fortune avec autant de précipitation , sur les bras l’armée de Labiénus, qui
avait été puni de sa témérité. Mais ce était'composée en grande partie d'A
qui était une faute dans un homme or fricains, parmi lesquelson comptait
dinaire devenait, entre les mains de Cé 8,000 cavaliers numides. César, qui
sar, un moyen de succès. Par l'impé était sorti ‘de son camp pour aller aux
tuosité de son attaque et son audace fourrages , fut assailli par cette armée
même, il déconcertait l'ennemi et se de beaucoup su érieure à la sienne;
préparait la victoire. Toutefois , les et, après avoir été enveloppé, il ne se
commencements de cette guerre fu déga en que par un combat qui dura
.rent pénibles pour le vainqueurde Phar sept eures. Peu de temps après, Sci
sale: il fut quelque temps ‘dans une pion parut avec huit légions et 4,000
position critique, dont il ne sortit qu'à chevauxpet César, déjà embarrassé
force d'habileté et d'énergie. Nous ne par l'arrivée de Labiénus, se trouvait
voulons pas entrer dans tous les dé alors dans une position réellement pé
tails rapportés dans les Commentaires rilleuse. Les vieilles troupes n'étaient
de César, ou, si l'on vent, dans le point encore transportées en Afrique;
livre d'Hirtius de Bello africano , les vivres étaient très-rares, tandis que
sur cette guerre importante , dont le l'ennemi avait tout en abondance. Cé
récit complet appartient plutôt à l'his sar était resserré contre la mer, en
toire romaine. Cependant nous don fermé dans un espace de six milles
nerons un résumé général des faits, en seulement d'étendue. et n'ayant pour
NUMIDIE ET MAURITANIE. 5a
nourrir ses chevaux que de l‘algue ma et d'autres munitions de guerre. De
rine lavée dans de l'eau douce. cette forte position , Sittius se répan
JURA sa un EN MARCHE POUR dait dans les campagnes et menaçait
REJOINDRE SCIPION; CÉSAR rAr'r AT les cités de la Numidie. Juba, rappele
TAQUER LA NUMIDIE PAR SITTIUS.-— par le danger de ses propres États.
Juba, instruit de la détresse de l'en fut ‘contraint de rétrograder , et il se
nemi , partit de son royaume avec des contenta d'envoyer à Scipion trente
forces considérables d'infanterie et de éléphants, qui même n'étaient pas en
cavalerie. C'en était fait de César, si core instruits et dressés.
la ‘onction de Juba avec Scipion et CÉSAR sUscrrE A JURA DE NOM
La iénus s’opérait dàns ce moment RREUsEs DIFFICULTÉS ; IL BEçOïT
où il était encore si faible et si au dé nEs RENroR'rs; rr. DiirArr L'ARMÉE
ourvu; mais une diversion heureuse DE scrProN. — Cette diversion , tout
e sauva. Il y avait en Afrique un R0 en dissipant'les graves inquiétudes de
main appelé Sittius , qui avait été mis César, ne le délivrait pas des deux ar
en accusation autrefois, et qui s'était mées qu'il avait sur les bras. Recon
sauvé de Rome pour échapper à sa naissant qu'il était trop faible pour
condamnation. Cet homme actif, en livrer bataille, il se résigna à attendre
treprenant , audacieux ,- avait réuni dans son camp, u'il avait rendu inex
autour de lui une bande considérable pugnable. En m me temps il envoyait
d'aventuriers ramassés en Italie, en des députés aux villes et aux tribus de
Espagne, et s'était mêlé à toutes les l’Afrique,.pour les détacher de Sci
guerres qui avaient eu lieu entre les pion et de Juba , contre lesquels il y
petits princes , auxquels il vendait chè avait partout de graves sujets de mé
rement ses services. On avait remar contentement. Il réussit auprès de plu
qué que le parti pour lequel ilcom sieurs , et il parvint même à ‘entretenir
battait avait toujours été victorieux , des intelli ences dans le camp ennemi.
et le bonheur qui accompagnait tou Les Gétu es et les Numides avaient
tes ses entreprises lui avait donné une conservé un souvenir ineffaçable du
grande réputation. Aussi recherchait grand nom de Marius. Quand ils su
ou avec le plus grand empressement rent que César était l'allié du chef
l'appui de Sittius. Il avait entretenu qu'ils avaient tant appris à redouter,
des relations avec Catilina , qui comps’ et qu'il continuait son parti, ils com
tait sur sa coopération pour renverser mencèrent à se refroidir pour» leurs
la république; mais l’éloi nement des généraux et à les abandonner. Les
lieux et la chute de Catilina avaient tribus gétuliennes, qui bordaient le
sans doute empêché Sittius de se dé royaume de Juba, montraient toutes
clarer. Lorsque César vint en Afrique, les dispositions les plus favorables
il entama des négociations avec un pour César; et leur ‘attitude devint
auxiliaire si ‘utile; et les anciennes telle, que Juba fut encore obligé de dé
liaisons 2e Sittius avec Catilina le dé tacher de son armée quelques troupes
terminer nt sans doute à se déclarer pour les surveiller. Enfin , les secours
pour un'homme qui avait été l'ami de et les vivres arrivèrent. César-affronta
ce conspirateur contre les chefs d'un l'ennemi, et remporta la victoire dans
parti par lequel Catilina avait suc une action de cavalerie. Scipion , dé
combé. Ce fut au moment où Juba sespérant de vaincre seul, pressait
sortait de son royaume pour rejoindre Juba de le rejoindre à tout prix pour
Scipion, que Sittius rendit à César un terminer la guerre par une bataille dé
service éminent. Ayant réuni sa troupe cisive , rejetant les conseils de Caton ,
à l'armée de Bogud, il envahit les qui l'engageait à temporiser.
frontières de la N umidie, surprit Cirta, ARRIVÉE DE JURA; s'rRA'rAeEm:
et s'empara d'une forteresse située sur RurLovE PAR cEsAR POUR RAssUREn
une montagne, dans laquelle Juba avait sEs soLDA'rs. — Le roi de l‘tumidie
mis en sûreté des vivres , des armes , ayant appris la nouvelle du combat où
54
Scipion avait eu le dessous, et rece mains de tous les partis; on voit qu’il
vant les lettres par lesquelles celui-ci avait conçu le dessein de faire cesser
implorait son secours, se remit en leur domination en‘ Afrique, puisque,
marche après avoir confié à Sabura, selon Dieu, il ne se rendit aux ins
dont l’habileté lui était bien connue, tances de Scipion que lorsqu’il en eut
le soin de combattre Sittius. Quand obtenu l'assurance d’étre mis en pos
le bruit se répandit que Juba était sur session de tout ce que les Romains
le point d’arriver, les césariens , qui possédaient dans cette contrée,dès que
avaient déjà fort à faire avec Scipion César en aurait été chassé. Et cepen
et les autres pompéiens , se laissèrent dant il dissimulait ses projets, sa haine
aller à la crainte et au découragement. personnelle contre César, en se pro
La renommée publiait des choses ef clamant le défenseur du sénat et du
frayantes touchant les forces du roi peuple romain. Ainsi, son but était
barbare , et César avait tout à redou de détruire César et de dominer les
ter de la consternation où il voyait ses pompéiens , ou du moins de les reje
soldats. Pour dissiper ces terreurs, il ter tout à fait de l’Afrique. Cette cons
imagina un expédient singulier qui lui ception était grande et audacieuse;
réussit pleinement. Il résolut d’en mais Juba n'avait ni dans l’esprit, ni
chérir encore sur les bruits qui alar dans le caractère, les ressources né
maient tant ses légions, et les ayant cessaires pour la réaliser; il n’y avait
rassemblées, il leur dit : « Je sais que que la faiblesse et la pusillanimité de
« Juba arrive avec dix légions, 30,000 Métellus Scipion en sa présence , qui
1 chevaux , 100,000 soldats armés a la pussent lui inspirer desi hauts desseins
x légère, et 300 éléphants. Que les cu et lui en faire croire l’exécution pos
« rieux de nouvelles cessent donc de sible. l-lirtius rapporte deux faits qui
a faire des recherches inquiètes et de montrent jusqu’où allaient la hauteur
«bâtir des systèmes, et qu’ils s'en du Numide et l’humiliation du chef
u rapportent à ce que je leur annonce romain. On a vu que les désertions
a sur des avis certains; ou bien je les étaient fréquentes dans l’armée de Sci
« embarquerai sur le plus vieux de mes pion , par l’infiuence qu’exerçaient,
« navires, et je les abandonuerai au sur l’esprit des barbares , les noms de
« gré des vents, pour être portés en César et de Marins. Scipion surveil
a quelque terre que ce puisse être. n lait les ,démarches des siens, pour
Cette exagération conlirma d’abord empêcher toute relation avec l’ennemi.
toutes les terreurs , mais elle servit à Un jour, ayant aperçu un sénateur
les dissiper entièrement quand la vé de son parti, M. Aquinius, conver
rité fut connue. En effet, Juba ayant sant avec un officier de César appelé
établi son camp auprès de Scipion, Saserna , il lui fit dire-qu’il ne devait
mais à part, on reconnut bien que ses point s’entretenir avec les ennemis, et
forces n’étaient pas si considérables qu’il ferait bien d’en rester là. Aqui
qu’on l’avait craint jusque-là. Enfin, >nius ne tint pas compte de cette invi
on sut qu’en outre de sa cavalerie nu tation , et renvoya le messager de
mide et de son infanterie légère , qui Scipion. Alors Juba lui dépêcha un
étaient très-nombreuses, il n’avait que viateur qui lui dit, en présence de Sa
trois légions , 800 chevaux , et 30 elé serna : a Le roi vous défend de conti
pliants. Alors toute cette crainte ima nuer cet entretien. » Aquinius ont
ginaire s’évanouit , et les soldats de Cé peur, et il se retira. Ce n’est pas seu
sar en vinrent à ne faire aucun cas de ement à l'égard d’Aquinius , homme
la jonction de Juba avec leurs en nouveau et simple sénateur , que Juba
nemis. montra tant de hauteur; mais il ne
NOUVEAUX TRAITS D'ABBOGANCE ménagea pas plus Scipion , un homme
ms JUBA. — Juba fit payer bien cher d'un nom si recommandable par ses
les secours qu'il amenait à Scipion. ancêtres , et qui avait lui-même exercé
Au fond , ce prince détestait les Ro les plus hautes dignités. En effet, Sci
NUMIDIE ET MAURITANIE. 55
vtes continuelles qu’ils avaiênt éprouc
lpäion portait, ainsi que le roi, la cotte
’armes couleur de pourpre {Juba fut vées dans ces rencontres, J uba et.Sci,
choqué de voir Scipion porter le même pion reculaient maintenant devant une
vêtement que lui, et lui dit que cela action générale. Ils s’étaient postés
ne convenait pas : alors Scipion re d’une manière avantageuse dans un
nonça à se parer de la pourpre, et rit camp fortement retranché, où César
une cette d’armes blanche, Ce er. ne pouvait les contraindre à'combat
nier trait est si fort de part et d'au tre. ll résolut de les tirer de là en ai
tre, qu’il est pres ue incroyable. Hir lant faire le siège de Thapsus , ville
tius lui-même ne e donne pas comme importante , située au sud de Leptis
un fait certain, et il peut avoir été Minor, queles ennemis ne pouvaient
inventé par la haine et le mépris des sans honte se dispenser de secourir.
çésariens contre Ju'ba et Scipion. Ce qu’il avait prévu arriva; Scipion et
connus mvsas; BATAILLE DE Juba le suivirent pour défendre la
nurses; minus na JUBA ET mas lace, et Virgilius qui en commandait
POMPÉIRNS (46 avant notre ère). — a garnison; ils vinrent se poster dans
Vers le même temps, César reçut le deux camps différents, à huit mille pas
reste de ses légions , entre autres la de Thapsus. Cette ville était sur le bord
dixième, sur laquelle il comptait le de la mer, et couverte, du côté de la
plus; en sorte‘ que les deux partis terre, par un marais salant, entre le
‘ayant réuni toutes leurs forces, la que quel et la mer ‘restait un espace de
relle dut bientôt se décider. César pro quinze cents pas. Scipion avait compté
fita du temps qui lui fut encore laissé sur ce passage pour jeter du secours
pour châtier quelques désordres restés dans la place; mais César, ui's'en
tmpunis, resserrer la discipline, et doutait, avait-posté en cet en mit un
exercer ses soldats à combattre contre ‘bon corps de troupes; Scipion , trou-.
les éléphants et les Numides. Plu vaut la voie interceptée, renonça à
sieurs rencontres eurent lieu avant la son remier projet, et commença à
bataille de Thapsus, et sa présence forti er son camp. De son côté, Cé
décida toujours de la victoire. Une sar préparait tout pour engager l’ac
fois entre autres, il vainquit Varus en tion; il laissait deux légions à la amie
laine mer, le poursuivit jusque dans de son camp devant Tha sus, aisait
a rade d’Adrumète, où il ni offrit un approcher ses vaisseaux e plus près
nouveau combat que l’ennemi n'ose possible du rivage,‘et marchait lui
pas accepter. Une autre fois , César méme avec le reste de ses forces con
étant sorti pour piller les souterrains tre les retranchements ennemis. Sci
où les habitants du pays gardaient pion s’était préparé à soutenir l’atta
leurs grains, Labién’us le rencontra que; son armée, rangée en' bataille,
et en vint aux mains avec lui. Mais couvrait les travailleurs qui conti
ses Numides prirent la fuite à l’ins nuaient l’ouvrage commencé . et les
tant. Le lendemain, Juba fit saisir éléphants étaient distribués à droite et
tous ces fuyards, et les fit mettre en à gauche sur les ailes. Ici les relations
croix. Toutes les actions de Juba sont des historiens anciens nous présentent
empreintes du même caractère de des circonstances singulières, et diffi
cruauté et d’or ueil. Les habitants de ciles à concilier. L'auteur des mémoi
Vacca avaient ait demander à César res sur la guerre d’Afrique assure que
des secours,‘en remettant de se don César voulut retenir l’ardeur de ses
ner a lui et de ui fournir des muni soldats au moment où l’action allait
tions de ‘guerre : Juba, informé de s'engager, mais que ceux-ci, entraînés '
leur démarche , prévint le secours de par une impétuosité irrésistible, con
César; il courut lui-même sur Vacca, tinuèrent leur course après avoir fait '
s’en empara , et, après en avoir ex sonner la charge, sans que leur géné
terminé les habitants. il fit détruire la ral en eût donné l'ordre , et qu’alors
'ville de fond en comble. Ce endant, César, ne pouvant arrêter le torrent ,
rendus plus circonspects par es défai donna enfin le signal, et pour mot la
56
félicite’. On peut conjecturer que Cé forts de César pour les sauver. Dix
sar n'opposa ce dernier retard que mille restèrent sur la place, les camps
pour donner encore plus d’élan et de furent pris; il ne restait plus rien de
vigueur au courage de ses soldats; cette formidable coalition. César laissa
mais Hirtius ne paraît pas soupçonner trois légions pour réduire Thapsus, fit
cette intention dans l'esprit du géné investir Tysdrus, et marcha pour em
ral, et présente la résistance de César porter Utique , où l'intrépide Caton
comme le résultat d'une hésitation sé pouvait encore l'arrêter longtemps.
rieuse. D’un autre côté , que penser FIN DE JUBA ET pas cases DU
de cette circonstance dont Plutarque PARTI POMPÉIEN. -— Mais les habi
fait mention, et qui ne se trouve dans tants d’Utique, qui n'étaient as à la
aucun autre auteur, à savoir. qu’au hauteur de son héroïsme , re usèrent
commencement du combat César fut de le seconder, et Caton échappa à
surpris d'un accès d'épilepsie , mal César par une mort volontaire, Tous
auquel il était sujet, et qu‘à l'appro les autres ennemis de César succom
che des premières convulsions , avant bèrent aussi d'une manière misérable.
ne d’y succomber entièrement, il se Sittius ayant vaincu et tué Sabura, le
‘t porter dans une tour voisine, où il royaume de Juba ne pouvait plus of
demeura pendant toute la durée de la frir un asile sûr aux. fugitifs : Faus
bataille ? Comprend - on qu’Hirtius tus Sylla et Afranius furent pris par
n'ait rien dit de ce fait étrange? Com Sittius, au moment où ils fuyaient en
prend-on que la victoire de Thapsus Espagne avec quinze cents chevaux.
ait pu être remportée, César absent? Scipion,qui était parvenu à gagner la
Nous nous contenterons d'indiquer mer, fut arrêté par le mauvais temps,
ces diflicultés , sans grossir notre ré et surpris par la flotte de Sittius à
cit des interprétations oue nous pour Hippone , où il relâcha. Il se tua sur
rions en faire; ce qui est certain, c'est son vaisseau. Juba ne fut pas plus heu
que les soldats de César combattirent reux; après la bataille de Thapsus, il
en cette journée comme ils l'avaient s’était enfui avec Pétréius, et il était
toujours fait sous les yeux d'un tel parvenu, en se cachant le jour dans
chef. La déroute des ennemis com les métairies et marchant la nuit seu
mença par les éléphants; ces animaux, lement, à rentrer dans son royaume.
effarouchés par les traits et les flèches La défaite et la mort de Sabura, la
dont on les accabla , se retournèrent présence de Sittius avaient provoqué
vers les rangs de leur propre armée, une défection presque universelle.Juba
et, dans leur fuite précipitée et fu se présenta d’abord devant Zama C‘),
rieuse, ils écrasèrent tout sur leur qui était sa capitale, et où se trouvaient
passage. Ils renversèrent même les sa femme et ses enfants. Ily avait mis
portes du camp, qui n'étaient point en sûreté ses trésors et tout ce qu'il
encore consolidées. La cavalerie de possédait de plus précieux. Les habi
Juba, déconcertée par ce désordre, se tants de Zama étaient violemment ir
débanda sans résistance, et les sol rites contre lui. Avant de partir pour
dats de César entrèrent dans le pre marcher contre César, Juba, ayant
mier camp en même temps que les quelques doutes sur l’issue de la lutte,
fuyards : Scipion, Pétréius, Labiénus, avait pris ses mesures pour entourer
Atranius, tous les chefs avaient pris sa mort volontaire, supposé qu’il fût
la fuite. Les débris de l’armée vaincue vaincu, d’une pompe sanguinaire, digne
ne pouvant se rallier-ni se défendre, de son orgueil et de sa cruauté. Il
quittèrent le camp de Scipion pour avait fait dresser sur la lace publique
chercher un asile dans celui de Juba; de la ville un vaste bûclier sur lequel
mais les césariens l'avaient déjà oc il déclara qu'il jetterait les habitants
cupé. et tous ces malheureux, tombant
au milieu des vainqueurs . que le feu (') Cette ville de Zama-Regia (Zoouarin).
du combat avait animés , furent mas n'est pas le bourg de Zama près duquel
sacrés imuitovablemeut. malgré les ef Annibal fut vaincu.
NUMIDIE ET MAURITANIE. 51
de la ville, a rès les avoir égorgés, et vendreà Zama tous les domaines de ce
qu'il s'y br lerait ensuite lui-mémé roi, et les biens des citoyens romains
avec sa femme, ses enfants , et toutes établis dans cette ville qui avaient
ses richesses. Les habitants de Zama, soutenu la cause de Juba. Ainsi se
que cette résolution avait remplis d'é termina cette guerre d'Afrique , ‘a la
pouvant‘e, apprirent avec joie la vie quelle César ii‘employa que cinq mois
toire de César et les succès de Sittius. et demi. Le résultat en était immense:
Quand ils surent que J uba approchait, l'Afrique , qui appartenait ‘au parti
ils fermèrent leurs portes et refusèrent aristocratique, venait de passer,comme
de le recevoir. Ni les menaces qu'il les autres provinces, entre les mains
proféra d'abord , ni les prières aux du parti contraire; et la Numidie, ui
quelles il s'abaisse ensuite, ne purent avait soutenu la cause des grandes a
les fléchir. Enfin Juba se réduisit à milles patriciennes, espérant dans ce
demander qu'on lui rendit sa femme conflit se soustraire à toute espèce de
et ses enfants, et on lui refusa encore sujétion , cessait d'être un royaume,
cette satisfaction. Alors il prit le et tombait dans la condition de pro
parti de se retirer dans sa maison de vince romaine. Toutefois , la partie
cam agne avec Pétréius et quelques occidentale de la Numidie et la Mau
cava iers. Les habitants avaient prié ritanie étaientlibres encore; mais leur
César de venir les protéger, et celui asservissement ne devait pas tarder.
ci avait quitté Utique et marchait ra RENSEIGNEMENTS sua LE couven
pidement vers Zama; tout se portait NEMEN’I‘, LA RELIGION, LA LANGUE,
sur ses pas et se rendait à lui. Juba LA MANIÈRE ou commune , LEs
vit que le moment de mourir était nœuns ET LES con'ruMss DES NU
venu. Il fit préparer un grand festin, mnEs.—La victoire de César à Thap
et après le repas que Pétréius avait sus termina pour toujours les desti
artagé avec lui, ils se précipitèrent nées politiques de la Numidie. Ce
‘un sur l'autre, espérant se tuer mu royaume est devenu province romaine,
tuellement; mais Juba, qui était plus et l'opposition aux envahissements de
fort, immola Pétréius, et lui survécut. Rome, tentée par son dernier roi, ne
Il essaya de se percer lui-même , et, pourra plus se reproduire. Le nom
n'ayant pas réussi, il se fit égorger par même de la Numidie, sans disparaître
un esclave. entièrement, se restreint dans de plus
LA NUMIDIB aiinurrn EN Pao étroites limites; celui de Mauritanie
VINCE noMAiNE (46 avant notre ère). va bientôt en désigner toute la partie
—César étant venu à Zama, réduisit orientale. La Numidie ne sera plus
la Numidie en province romaine. Il qu'une partie de la domination ro
en donna le gouvernement à Salluste, maine en Afrique; et si nous la voyons
qu’il décora du titre de proconsul. On encore reparaître pour quelques ins
sait que Salluste commit de grandes tants à titre de royaume, cette appa
exactions dans sa province. Dion rente résurrection ne sera qu'une ine
pense qu'il reçut de César des instruc sure administrative ‘ordonnée ar Au
tions secrètes, sans lesquelles il n'en- guste , et dans laquelle il fau ra bien
rait osé prévariquer si ouvertement. se garder de voir un véritable affran
Les habitants de Zama, ui avaient les chissement. Aussi ,- au moment où
premiers résisté à Juba, urent récom cette nation est effacée de l'histoire
pensés par l'exemption de toute es ece ourse confondre dans la vaste unité
d'impôts. Sittius, ui avait rendu e si e l'empire romain , il importe de re
grands servicesàC sar, fut mis en pos cueillir quelques indications éparses
session du territoire voisin de Cirta , dans les écrivains de l'antiquité sur
dont il s'était emparé, et qui s'appela les coutumes . les mœurs, la manière
aussi, depuis ce temps. colonie des su d'être des Numides. Ces rensel ne
tiens. Le fils de In a , encore enfant, ments n'ont pu trouver leur place ans
fut épargné par le vainqueur, qui fit le récit qui vient d'être présenté;
‘mais, pour traiter com Iétement ce des deux Syrtes. Il décrit aussi quel
sujet, il est à propos e les réunir ques-unes des tribus qui occupaient
dans un chapitre séparé. Tout ce que a B sacèneet les environs de ce qu’il
nous avons pu recueillir sur ce peuple appe le le fleuve Triton; mais il ne va
‘se réduit à peu de chose, car aucun pas au delà , et ses recherches , si cu
‘historien ancien n’a été curieux de rieuses sur les nations de l’Afrique
décrire les mœurs des Numides ; septentrionale, s’arrêteut à peu près au
voilà urquoi nous voulons faire un point où commencela Numidie pro
tout à): ces détails, qui ne peuvent preme'nt dite. Cependant on y voit
avoir quelque importance que par leur que tous les peuples ui s’étendaient
‘réunion. ans l'Afrique occi entale avaient
L'autorité des rois numides, comme aussi le nom général de Libyens; et
Sypbax, Massinissa, Juba, paraît avoir ce qu’il y a de singulier , c’est qu’Hé
été absolue. Cependant elle devaittrou radote applique le nom de Nomades
ver des limitesdans le pouvoirdes petits ou
entreNumides à ceuxde 'ti’lîgypte
les frontières ui habitaient
et le
chefs de tribus qui les reconnaissaient
pour leurs maîtres. Ces chefs , assez fleuve Triton, et qu’il les oppose aux
semblables aux émirs chez les Arabes, Libyens de l’ouest à l’océan Atlanti
étaient souvent en révolte, tantôt iso que , auxquels il refuse cette dénomi
lés, tantôt réunis; et ce n’était que par nation, qui leur fut plus tard exclusi
la force et le despotisme que les sou vement réservée. Cette distinction im
verains venaient à bout de vles con portante, qui n'est faite ar aucun
tenir. Jamais il n’y- eut complète autre auteur, prouvé que e nom de
unité politique dans la Numidie. Qn Numidie ne fut donné par les Grecs
voit à toutes les époques de son his aux provinces situées au delà des Syr
toire des chefs non soumis au prince tes que dans les temps postérieurs à
qui s’était' rendu dominant, et combat Hérodote. Pline, Solin et Strabon, en
tant dans le parti opposé. Carthage indiquant que les Numides de leur
s'attacha toujours à conclure avec'les temps observaient les mêmes coutu
différents chefs numides des traités mes que les Libyens nomades d’Héro
par lesquels elle en obtenait des trou dote, nous autorisent à extraire du
‘pes mercenaires. Aucun écrivain n’a passage de cet écrivain quelques
arlé du gouvernement intérieur de la traits généraux sur la religion de ces
&umidie : on ignore de même si quel barbares,’ dont on ne sait rien d'ail
ques-uns des princes numides ont été leurs. « Pour les serments et la divi
législateurs, et quelles lois ils‘ peuvent nation, dit-il (*) , ils observent les
avoir portées. Nul doute quedes prin Eratiques suivantes : ils jurent par les
ces comme Massinissa , Micipsa , Ju onimes qui passent parmieux pour
gurtha lui-même , n’aient établi sou avoir été les plus justes et les plus
vent des dispositions législatives ; braves, et ils p ac'ent la main sur leurs
mais on sera toujours dans une igno tombeaux. Pour deviner,.ils vont dans
rance complète sur ce point. lsi les sépulcres de leurs ancêtres, font
dore de Séville, dans ses Origines, leur prière et s'y endorment, et le
dit que quelques lois des Medes et des songe qu’ils ont alors leur tient lieu
Perses s’observaient dans plusieurs d’oracle. Pour gage de foi, ils se don
districts de la Numidie; et il adopte nent réciproquement à boire dans le
l’o inion depar
étePpeuplé Salluste, que cedepays
une colonie avait
Medes et creux de la main; et, s’ils n’ont aucun
liquide , ils prennent de la poussière à
de Perses. On ne peut faire aucun cas terre et la lèchent. » Plus loin, Hérodotc
de cette assertion. parle des Machlyes et des Ausiens,
Hérodote a parlé lon uement, au tribus qui habitaient aux environs du
quatrième livre de son histoire, des lac Tritonide, séparées par le fleuve
peuples de la Libye , m_ais particulie
rement de ceux qui habitaient le long ("') Hérodote , H7. 11.
NUMIDIE ET MAURITANIE. 59.
Triton, “que l’on peut considérer d'origine araméenne. Le nom même
comme appartenant à la vraie Numi de Numidie, revendiqué par les Grecs,
die. «Ces peuples, dit-il, célèbrent peut être ra porté aux langues de l’E
chaque année, en l’honneur de Mi- gypte et de a Phénicie. Le mot nome
nerve, une fête dans laquelle leurs signifiantpartie, portion, division, est
'eunes filles, divisées en deux bandes, égyptien ou syriaque, et le mot ida
luttent ensemble à coups ‘de pierres et ou yeda, dans les mêmes idiomes,
de bâtons. Elles prétendent par là ho signifie places, limites, contrée. Par
norer à la manière de leur père la la réunion de ces deux mots, le nom
déesse indigène, celle que nous appe de la Numidie s’explique d'une manière
lons Minerve... Ils disent encore que aussi naturelle que par une étymologie
Minerve est fille de Neptune et du lac grecque.
Tritonide; mais qu’ayant eu envers Les Numides étalent divisés en tri
son père uelque sujet de mécontens bus. Strabon compare leur manière de
tement, e e se donna elle-même à Ju vivre à celle des Arabes Scénites. Com
piter , qui l’adopta pour sa fille..... me eux, ils parcouraient avec leurs
Voici maintenant leur manière de sa troupeaux les vastes contrées qu’ils
crifier. Ils coupent comme prémices occupaient, dressant leurs tentes là
l’oreille de l’animal , et la jettent par où ils trouvaient de l’eau et des pâtuo
dessus la maison. Cela fait, ils lui ti rages , et les abattant lorsqu’ils avaient
rent le cou en arrière. Ils ne sacrifient tout épuisé. Leurs tentes, qu’ils appe
qu’au soleil et à la lune. Tous les Li laient mapalia ou magaria, étaient
bycns sacrifientà ces divinités; mais de forme oblongue. et ressemblaient ,
ceux des environs du lac Tritonide sa dit Salluste, à un vaisseau renversé.
crifient principalement à Minerve , et, D'autres tribus plus sédentaires ha
après elle , à Triton et à Neptune... Je bitaient dans des villagés formés de
crois que le cri des fêtes vient de ce cabanes , et s’adonnaient à la culture
pa 5, car il est fort en usage chez les du sol en même temps qu’à l’éduca
Li yenncs , et dans leur bouche il est tion du bétail. Ces mœurs se retrouvent
beau. Les Nomades ensevelissent leurs encore dans les mêmes contrées chez
morts à la manière des Grecs, à part les les Berbers ou Kaba les, descendants
Nasamons , qui les enterrent assis, des indigènes de l’A rique, et chez les
ayant grand soin, au moment où l’âme Bédouins ou Arabes du désert, race‘
s’en va, de tenir l'homme sur son qui n'habita ce pays que depuis l’appa
séant, de crainte qu'il ne meurecouché rition de Mahomet. Les Numides des
à la renverse. » Nulle part Hérodote ne villes n’étaient ne les imitateurs de la
parle de statues . de temples , de pré civilisation cart aginoise ou romaine,
tres, chez les Nomades. On peut pré et n’ont plus la même originalité que
sumer que les Numides, voisins des ceux qui restaient errants.
carthaginois , adoptèrent quelques Les Numides furent les meilleurs
unes des divinités phéniciennes , sur cavaliers de l'antiquité; leurs chevaux
tout si l’on admet qu'ils étaient venus étaient excellents. « Oppien place la
eux-mêmes de la Phénicie. race des chevaux maures ues parmi
Les Numides parlaient une langue celles qu’on estimait le pus de son
qui leur étaîtpropre , avaient un al temps; et Némésien, poete carthagi
phabet particulier; mais leur langue nois du troisième siècle, nous a laissé
n’était point éloignée de la langue phé un portrait frappant des individus de
nicienne, et leurs lettres ressemblaient cette race, qui ressemblent en tout point
assez à celles de l'alphabet punique (‘). aux chevaux de l’Algérie. Suivant cet
Nous avons établi, par des analogies auteur, le cheval maure de pure race
tirées du langage,que ces peuples étaient né dans le Jurjnra, n’a pas de forme:
élégantes : sa tête est peu gracieuse,
(') Voyez plus haut les ét ologies des son ventre difforme , sa crinière lou
principaux noms de localités ela Numidie. gue et rude; mais il est facile à mur
60
nier,il n’a pas besoin de frein, et on mot Metagonz'um, nom ropre d’un
le gouverne avec une verge. Rien n'é promontoire, ainsi que u pays des
gale sa rapidité; à mesure que la course Massyliens , appelé souvent terre mé
echauffe son sang , il acquiert de nou tagonite. a Ce mot, disent-ils , est in
velles forces et une plus grande vi contestablement équivalent à ceux de
tesse; enfin même, dans un âge avan meteg jonihh ou metegjonialzh, quel
cé , il conserve toute la vigueur de ses qu'un qui met à part, ou qui a mis
jeunes années : aussi les anciens atta à part sa bride. Cette étymologie est
chaient-ils un grand prix à ces précieux bien lus naturelle que celle qu’on
animaux. Chacun avait son nom, sa peut gériver de la langue grecque.» On
généalogie; venaient-ils à mourir, on a remarqué aussi que les Massyliens,
leur dressait un tombeau et on leur quand ils étaient en guerre, tâchaient
consacrait une épitaphe. Voici la tra ordinairement d’en venir à une action
duction d'un de ces curieux monu générale pendant la nuit. La déser
ments, dont le texte se trouve dans le tion n’était pas un crime aux yeux des
recueil d’inscriptions d’Orelli : Numides; apres une déroute, ils pou
«‘ Fille de la Gélule Hanhw,
vaient s’en retourner chez eux, s’ils
Il Fille du GétuIe‘ Equl'luls, n'aimaient mieux rester à l'armée :
« Rapide_à la course connue les vents . aussi les voit-on fréquemment aban
« Ayant toujours vécu vierge.
« Spendius , tu habites les rives du Léthô.
donner le parti pour lequel ils s’étaient
engagés d abord. '
« C’est surtout dans les montagnes, Outre la guerre, la chasse était une
suivant Solin, que les Numides éle des principales occupations des Nu
vaient des chevaux (*). » Les Numides, mides. Leur pays abondait en bêtes
particulièrement les Massyliens, mon féroces ou sauvages, ânes, lions, élé
taient ces excellents chevaux à cru, hants, panthères. etc., qu’ils com
sans selles ni brides; et ce que dit le attaient continuellement, autant pour
poète Némésien est confirme par les le profit qu’ils tiraient de leur capture
récits des historiens , qui nous repré et de leurs dépouilles, que pour assu
sentent Massinissa, le meilleur et le rer leur tranquillité. Salluste nous in
plus infatigable cavalier de son temps, dique qu’un rand nombre de guerriers
courant et combattant à cheval jusque‘ périssaient ans ces expéditions; car
dans sa vieillesse la plus reculée, sans il dit que les Numides étaient d'une
aucun harnais. Les cavaliers numides constitution si saine et si robuste ,
furent très-recherchés comme auxi qu’ils parvenaient presque tous à un
liaires par les Carthaginois d’abord, et ge avancé, excepté ceux qui étaient
ensuite par les Romains. Libres de tués dans la guerre ou dévorés par les
leurs deux mains, ils combattaient avec bêtes féroces.
beaucoup d'adresse et étaient très-ha Les Numides étaient sobres : ils
biles à lancer des dards. Ils avaient un se nourrissaient ordinairement de
soin extrême de leurs chevaux : ainsi grains, de légumes, mangeaient rare
les Numides d’Annibal, après la ba ment de la viande, et buvaient très
taille de Trasimène, lavèrent les mem peu de vin. Ce régime ‘explique leur
bres de leurs coursiers, épuisés par le ongévité et leur vigueur. Appien ajou
voyage et la guerre, avec des vins te encore, comme une autre cause des
vieux que leur avait procurés le pillage mêmes effets, que leur climat était fort
de l‘Ombrie et duPice’num. Virgile don tempéré, la chaleur en été n’appro
ne aux Numides l’épithéte d’injreni. chant pas à beaucou près de' celle qu’il
Les auteurs de l’Histoire universelle faisait dans les In es et en Éthiopie
tirent de cet usage l'explication du dans la même saison. Leur passion
dominante était l'amour : Tite-Live
(‘) Nous empruntons cette citation il l'on insiste , dans l’histoire de Syphax et
vrsge de M. Bureau de la Malle sur la pro de Massinissa, sur le penchant des
vince de Couslantiue, p. 91. Numides pour ce genre de plaisir;
NUMIDIE ET DE LA MAURITANIE. 6!
aussi la polygamie était-elle autorisée et des gétägraphes. o: C’est Polybe le
chez eux. Salluste dit que chez les premier, it Mannert, qui fixa pour
Maures et les Numides les mariages toujours la position errante de l’At
ne forment pas une chaîne fort étroite, las : dans le cours de son voyage il vit
parce qu'en proportion de sa fortune une énorme chaîne de montagnes dres
on y prend beaucoup de femmes, les ser ses flancs escarpés du sein de l'O
uns dix, d'autres davantage, et les céan, et il comprit que ce devait être
rois beaucoup plus encore. Les Numi là ce mont fabuleux cherché inutile
des de la basse classe étaient presque ment pendant tant de siècles. Avant
nus, ou ne portaientque des vêtements Polybe, nul écrivain ne l'avait cherché
misérables; les Numides d'un rang de ce côté; désormais tous les géogra
supérieur portaient des habits longs phes lui assignent la position que Po
et sans ceintures. Selon un fragment ybe lui avait donnée (‘). » Juba II, le
de Nicolas Damascène, ils comptaient plus savant des rois africains, con
le temps par nuits, et non par jours. firme le témoignage'de Polybe; et les
Tacite dit‘ la même chose des Ger renseignements qu’il donne sur ces
mains. montagnes de son royaume sont con
sultés par Pline , et servent à attester
DEUXIÈME PARTIE. l'exactitude de l'historien grec. Pline,
ainsi que Strabon, donnent le nom
MAUnITANIE JUsQU’A LA RÉDUCTION par lequel les indigènes désignaient
EN PROVINCE ROMAINE. ’Atlas : ils l'appelaient Dyris. Ainsi,
DESCRIPTION DE LA MAUEITAME; au temps des empereurs , la position
sEs LIMITES; L'ATLAS; NATURE DU du grand Atlas était bien constatée, et
soL; PRINCIPALES PnoDUcTIoNs DU la limite méridionale de la Mauritanie
PAYS ; ELEUvEs. —- La Mauritanie était fixée à l’endroit où la ligne prin
était la contrée la plus occidentale de cipale de cette chaîne vient aboutir à
l'Afrique du nord. Strabon l'appelle la l’Océan, auprès du cap appelé aujour
Maurusie. Plusieurs médailles et mon d’hui cap de 6€?‘ ou d’Aguer.
naies , frappées à Rome au temps « Nous allons pénétrer actuellement
d’Adrien , et reproduites dans les re dans l’intérieur de la Mauritanie, où
cueils de Gruter et d'Eckhel , la dési nous suivrons d'abord l'Atlas. D'après
gnent par le nom de Maurétanie; il les rapports des gouverneurs romains
n’y en a qu'un petit nombre qui por et du roi Juba, Pline nous le décrit
tent le mot de Mauritanie, et cepen comme une chaîne élevée, avec des pen
dant il est ‘resté le plus en usage. Les tes rapides; les sommets en portaient
peuples qui habitaient cette contrée des neiges éternelles. Dans les régions
étaient les Mauri, Maures, dénomi inférieures, les flancs des montagnes
nation qui s'étendit de plus en plus à étaient revêtus d'immenses forêts; de
l’orient, et qui finit par envahirpresque nombreux cours d’eau se'précipitaient
toutelaNumidie.La Mauritaniepropre des hauteurs, et portaient la fécondité
ment dite est celle que l’on appela plus au sein des contrées voisines. Des gé
tard Tingitarw, du nom de Tingis (Tan néraux romains étaient parvenus jus
ger), sa capitale. Elle était séparée du qu'au pied des nombreux rameaux de
pays des Massésyliens par le fleuve l’Atlas, qui se répandent dans le pays
Malva ou Mulucha; la mer Méditerra en tout sens, et prétendaient y avoir
née et l’océan Atlantique l’entouraient vu des choses merveilleuses; Pline ne
au nord et a l'ouest; mais sa limite au nous a pas transmis leurs récits, qu’il
sud était plus incertaine, et fut long“ traite de fables. Un seul de ces géné
temps inconnue. On s’accordait à lui raux, Suétone Paulin, s’aventura dans
donner l'AtIas pour bornes de ce côté; l'intérieur de ces montagnes. Après dix
mais personne n'avait vu cette vaste jours de marche il atteignit l‘Atlas;
chaine , et sa position était toujours
livrée, aux conjectures des historiens (") Trad. de Marcus, p. 562.
\
après l'av‘oirfranchî , il trouve de l’au n'était pas encore passé sous la domi
tre côté des plaines couvertes d'un nation immédiate de Rome, les anciens
sable noir, où coulait une rivière nom-l donnent des détails à peine croyables
mée Ger. ' sur la fertilité du sol. a La récolte,
« Vers l'est, les ramifications de adit Strabon au livre xvrr , se fait
l'Atlas atteignent une hauteur consi c deux fois par an, au printelnps et
dérable. En se dirigeant vers le nord, a en automne. Les épis attei nent une
il envoie quelques branches latérales x hauteur de cinq coudées : i s ont l’é4
dans la Césarienne, et s'abaisse insen a paisseur du petit doigt; la terre rend
siblement à mesure qu'il se rapproche a deux cent quarante grains pour un.
de la Méditerranée, où il vient se tera a A vrai dire, les habitants ne sèment
miner à l'ouest de la rivière de Malva a pas. Sur les grains qui se ‘sont épar
( Malouïa ). A partir de ce point, les « pillés sur le sol à la moisson , ils
montagnes suivent de fort près la côte « passent des buissons épineux pour les
se tentrionale de la province; près des « enfoncer sous terre, et bientôt sur
co onnes d’Hercule ( détroit de Gi « git l'espoir d'une récolte nouvelle.
braltar ), elles s'avancent d'Abylé (cap « Les Maures font du vin avec le suc
de Ceuta. appelé Dljebel-Zatouta, mont « d'un arbre qu'ils appellent melilo
aux Sin es, par ce indi ènes ) , qui « tum. La vigne y acquiert une gros
portait lune des deux ce onnes, vers « seur prodigieuse; deux hommes suf
les Sept-Frères (Ceuta ) , et se termi « fisent à peine pour l'embrasser; les
nent au nord par le promontorium «raisins ont jusqu'à une coudée de
Cotes (cap Spartel ). On voit que le a long. Par contre, le pays fourmille
pays n'est pas sillonné de montagnes « de lions , de panthères , d'éléphants,
a ‘intérieur, comme l'est la Césarien « de bnffles et de singes; dans les gran
‘ne ; il'est encaissé sur trois côtés par - des rivières il y a des crocodiles; on
des chaînes lus ou moins hautes, au a trouve aussi des serpents, des draa
pied desquel es s'étend une vaste plaine a gons, des scorpions ailés ou sans
entrecoupée ar quelques coteaux. Le «ailes. Pour éviter les morsures de
versant s'incine tout entier du côté a ces animaux venimeux , les Maures
de l'ouest vers l'océan, dont les rives « portent des bottes , frottent les pieds
sont unies. « du lit avec des gousses d'ail, et les
et Le pays n'est guère fertile du côté x enveloppent de touffes d'épines. Les
de l’est, où les steppes de la Gétulie « montagnes renferment des mines de
av‘bisinent les montagnes et la rivière « cuivre , des plantes marines pétri
de Malva , ni vers le nord et aux en « fiées, et des escarboucles. » .
virons du détroit, où des chaînes peu m Il nous reste à parler de deuxpro
élevées bordent les côtes. Le petit ductions que la Mauritanie fournissait
nombre de villes que l'on trouvait dans exclusivement au luxe des Romains.
ces'contrées étaient toutes situées sur Le versant de l'Atlas était partout
la mer Atlantique; on avait abandon couvert de forêts immenses, riches en
né les montagnes aux singes et aux arbres de toute es èce, dont les Ro
bêtes féroces; les éléphants avaient mains essayaient e faire la descrip
établi leur demeure; nul étab issement tion avant même qu'ils leur eussent
romain dans ces pays si rapprochés de trouvé des noms. Parmi ces arbres, il
l'Espagne; ils étaient habités ar les y en avait dont le tronc était si épasi
tribus nomades indigènes, mélees aux qu'on pouvait, en le coupant horizon
anciens colons phénicieus des côtes. talement, en fabriquer de grandes ta.
« Les régions qui avoisinent l'Océan bles rondes faites d'une seule pièce.
vers l'ouest sont d'une grande fécon Les Romains estimaient beaucou ces
dité, ainsi que l'intérieur des terres tables, u’ils appelaient monoæy i ( à
aux environs de Méquinez, où les Ro un seul ois). On attachait encore plus
mains avaient fondé de grands établis de prix à certaines espèces de lima
sements... A une époque où ce pays çons qui fournissaient une pourpre
NUMIDIE ET MAURITANIE. 63
très-luisante; on allait les chercher comme les Numides, menèrent d'abord
dans les montagnes , situées près des la vie nomade , occupés de chasse et
côtes et sur la lisière du grand dé de guerre, ardents au pillage, et habi
sert (*). » les a dompter et à diriger des chevaux
La Mauritanie était traversée par semblables à ceux dela Numidie. Mille
un assez grand nombre de fleuves, conjectures ont été faites pour expli
dont plusieurs étaient navigables. Le quer l’origine du nom de Maure. Le
plus oriental était le Mulucha ou octeur Hyde croit qu’il dérive de
Malva, qui appartenait aussi à la Nu Main-i ou Mavri, quelqu'un qui gît
midie, et qui, plus tard , sépara la le long du passage , et qu’il vient de
Mauritanie tingitane de la césarienne. ce qu’ils habitaient près du détroit des
Au dela, vers l'ouest, était la Thaluda colonnesd’Hercule. Manilius et Isi
ou Tamida (Tétouan), que les géogra dore de’Séville disent que les Maures
phes désignent par différents noms : ont été a pelés ainsi, par allusion à la
comme le Mulucha , il se jette dans la couleur e leur peau. Salluste prétend
Méditerranée; la Zilis ou Zilia, près que ce nom est une corruption de celui
d'une ville du même nom : elle a son de Mèdes. De Brosses, en rejetant cette
embouchure dans l’Atlantique ; le étymologie , fait dériver ce nom du
Lixus, à l’embouchure duquel était la mot oriental mer, qui signifie changer,
colonie phénicienne du même nom trafiquer, passer. Nos termes francais,
(aujourd’hui Larache);au sud du Lixus, commerce et marchand, dit-il, déri
la rivière de Subur (Subu). Au nord vés immédiatement du latin meræ et
de ces deux rivières était le sinus em mercator , viennent originairement
poricus, le golfe du commerce, que les de la même racine. Les peuples de
Carthaginoisævaient couvert d’éta ‘ Mauritanie-sont aujourd'hui et ont‘
blissements après le périple d‘Hannon; de tout temps été grands commer
la Sala (Beni-Tamer), qui côtoyait les cants. Les Arabes et les Turcs appel
frontières du pays de Sahara. Ptolé lent Mares, Maures, ceux qui habi
mée, Pline, etc;, font mention d’au tent les villes et s'adonnent au trafic.
tres fleuves dont on ne peut détermi Cependant de Brosses lui-même sem
ner les positions. La Mauritanie était ble préférer l’explication de Bochart,
située sur les confins du monde connu et nous sommes de son avis. Bochart
de l'antiquité, et c'était a l'ouest de établit que Maure est équivalent du
ses côtes que les anciens plaçaient les terme'Ma/Lur, ou, comme rien n’est
îles Fortunées , séjour mysterieux du plus commun dans les langues orien
bonheur, que l'imagination des poëtes talesque l’élision desgutturales, Maur,
avait inventé, et que la science ne c’est-a-dire qui est à l’occident. Les
pourra certainement jamais décou auteurs anglais de l’Histoire univer
vrir(**). selle donnent une explication équiva
pas MAURES; ÉTYMOLOGIES DE CE lente, en traduisant Maure par celui
110T‘, DIVISIONS EN TBIBUS. — La qui vient de l’eætrémité. La position
nation des Maures ne se distinguait en c ce peuple autorise l'une et l’autre
rien des Numides, qui furent confon interprétation.LesMauresétaient ar
dus plus tard avec elle. Les Maures, tagés en plusieurs cantons ou tri us,
dont Pline et Ptolémée indiquent les
(') Mannert, trad. de Marcus, p. 47 7. principalesLesMetagonitæ habitaient
("’) La Tingitane correspondait non-seu aux environs des colonnes d’Hercule.
lement au royaume de Fez, mais encore à Sur cette côte se trouvait aussi un
l'empire de Maroc, dont Fez n’est plus cap Metagonium, qu’il, ne faut pas
u’une province. Toutefois la domination confondre avec celui du même nom
es Romains ne s‘exerça réellement que dans dans le pays des Massyliens; les Suc
le nord-ouest de celte contrée, c'est-à-dire cosz’i ou (‘ocosii occupaient la côte de
dans la partie qui fut plus tard le royaume la mer d’lbérie; les Masz‘ces, les Vé
de Fez. rues et les Verbicæ s’établirent parmi
64
ces deux peuples; les Salz'sæ se fixe. tous deux fils de Neptune; tous deux
rent plus a l'ouest vers l’Océan, et les dominent dans une grande partie de
Volubiani vers le sud; les Maurensii l'Afrique, et particulièrement dans la
et les Herpeditani possédaient la par Tingitane. Hercule défit et tua Antée
tie orientale qui confine à la Mulucha; dans la même guerre où il enleva le
les Angaucam‘, les Nectibêres , les monde libyen à Atlas. Il les repousse
Zagrensii, les Banz‘ubæ, qui sont de l’Égypte, qu’ils avaient envahie en
probablement ceux que Pline appelle semble; il les combat dans la guerre
Baniuræ, s’étendaient depuis les pen des dieux. C’est pour l’un et l’autre la
tes méridionales de l‘Atlas minor de même histoire , les mêmes attribu
‘Ptolémée, jusqu’au pied de son Atlas tions : il est impossible‘ de ne pas les
major. Méla nomme encore les Atlan identifier. Antée ou Atlas résista cou
tes, qu’il place dans les parties occi rageusement à Hercule, qui l’attaqiiait
dentales de la Mauritanie. Au delà du ‘avec des troupes égyptiennes et éthio
cours de la Sala commençaient les tri piennes. La Libye lui fournissait de
bus gétules, qui restèrent toujours in nombreux renforts. Mais Hercule ayant
domptées. Les Gétules formèrent sur intercepté une troupe de Maures qui
les frontières des provinces romaines, venaient rejoindre Antée, marcha une
en Afrique, une ligne de tribus barba dernière fois contre lui, et lui fit
res, toujours prêtes à envahir les pays éprouver une défaite complète. Alors
vaincus et civilisés par Rome. Ils‘ pa il occupa tout le pays, et y fit un riche
raîtront fréquemment dans les temps butin. .Bochart trouve dans ces faits
de l’empire. l’explication de toutes les fables fa
TEMPS ANCIENS DE LA MAUBITA briquées sur Hercule et Antée. Her
NIE; TRADITIONS FABULEUSES E1‘ _ cule prive Antée des forces renais.
HYPo'rnÈsns sun sa PniMi'rivE nis santés qu’il puisait dans sa terre na
TOIBlL-LCS premiers temps histori tale, en interceptant Îles secours qui
ques de 'la Mauritanie sont aussi obs lui arrivent; ou bien i l’enlève du sol
curs que ceux de la Numidie; seule africain, en le forçant à combattre
ment, il s’y rattache un plus grand sur-mer, où il le défait. Bochart pense
nombre de faits; mais tous sont res même que la stature gigantesque
tés fabuleux, car les noms de Neptune, d’Antée signifiait la grandeur des vais
d’At-las, d'Antée , d’Hercule , sont les seaux qui composaient ses flottes:
premiers qu’on ‘y rencontre. Les poë quant à ces pommes d'or enlevées par
tes, les mythologues , les historiens Hercule après la défaite du dragon qui
même, ont parlé longuement de tous les gardait , c’était le prix de la vie
ces événements incertains. Les criti toire, la conquête même de la Mauri<
ques modernes en ont disserté plus tanie et des trésors d’Antée.
longuement encore; efforts inutiles Plus on recueille de témoignages
des uns pour inventer des faits sur sur des points si douteux, plus l’em
une époque dont rien n'était parvenu, barras ne fait qu’augmrnter. Ce que
et des autres pour éclaircir des inven nous avons dit sur Atlas et Antée
' tions sans fond et sans réalité. Voici pourrait suffire; mais voici d’autres
les principaux résultats de tout ce textes bien différents: Diodore fait
travail des anciens et des modernes : d’Atlas un fils d’Ouranos; l’évêque
leur exposé démontrera suffisamment Cumberland , dans ses notes sur les
ne notre jugement n'est pas trop dé fragments de Sanchoniaton, prétend
aigneux. Selon les uns, le roi ou dieu que cet Ouranos est Noé. Eusèbe dit
Neptune régna le premier sur la Mau qu’Antée est fils d‘Atlas. Apollodore
ritanie, sur la Nubie, etsur une grande prétend qu’Atlas était fils de Japhet;
partie de la Libye. Après lui viennent et par conséquent petit-fils de Noé,
deux princes , Atlas et Antée , qui ne a'oute l’évêque Cumberland, qui vent
sont vraisemblablement u’un seul et a solument faire remonter cette his
même personnage. En e fet, ils sont toire à l’époque du déluge. Toute la
NUMIDIE ET MAURITANIE. 65
généalogie atlantique ne vaut guère la gneurs d'Égypte, s'opposa à ses suc
peine qu'on la discute; mais on ne cès. Il perdit beaucoup de monde;
peut sempécber de sourire de cette mais à la fin Hercule ayant intercepté
étran e préoccupation de l'évêque de un corps de Maures qui marchait au
Péter orough, qui confond tous ces secours d’Antée, remporta une grande
mythes grecs avec l'antiquité bibli victoire sur eux, subjugua tout le con
que, et qui arrive par là à faire Her tinent de la Libye, et tua Antée lui
cule contemporain de Mizraîm. même, près d'une ville de la Thébaîde,
SYSTÈME DE NEwToN. — Enfin, ui reçut à cette occasion le nom
pour en finir avec toutes ces incerti ä'Antæa, ou d’Antæopolis(‘). -
tudes, nous produirons l'autorité d’un De leur côté, les auteurs anglais de
grand nom, auquel les annalistes de l’Hisloire universelle emploient tou
histoire ancienne ont pris l'habitude tes sortes de raisons, bonnes ou mau
de s'en rapporter sur cette matière. vaises, pour confirmer les résultats
Le même omme qui a découvert la obtenus par Newton, à qui ils donnent
loi de la gravitation a aussi appliqué si justement la qualification d'incom
la pénétration de son sublime génie parable. Il y a donc, chez les histo
aux questions épineuses de la chrono riens, unanimité pour proclamer l'ex
logie, et, dans ce genre de travail, il cellence des combinaisons chronologi
a surpassé les plus habiles (*). L’Art ques de ce grand génie , et nous ac
de verç’fier les dates s'est contenté de ceptons aussi sur ce point lejugement
résumer son système, et voici l'exposé de ceux qui nous ont précédé, malgré
qu'il en donne : les nombreuses objections que ce sys
« AMMoN , père de Sésac , roi d'É tème peut soulever, malgré tous les
gypte, a été, selon Newton , le pre doutes qu'il laisse à l'esprit, toutes les
mier roi de Libye , ou de cette vaste contradictions qu'il présente. Mais il
étendue de pays qui sépare les fron est la seule lumière que l'on rencontre
tières de l’Egypte des bords de l'océan dans ces ténèbres, et il faut s'en con
Atlantique , c est-à-dire. de la Mauri tenter. On n‘en trouverait pas de plus
tanie. La conquête en fut faite envi satisfaisante, et on‘ ne gagnerait rien
ron 1000 ans avant Jésus-Christ, par à pénétrer davantage dans ces temps
Sésac, du vivant de son père. et ces contrées, dont l'histoire a com
- SEsAc eut à défendre la Maurita pris qu’elle devait désespérer.
nie contre les Libyens, qui, ayant à LA MAURITANIE AU CINQUIÈME
leur tête Neptune, se révoltèrent con SIÈCLE‘, AU TEMPS DE LA DEUXIÈME
tre lui et le tuèrent (973). GUERRE PUNIQUE ; AU TEMPS DE
c NEPTUNE, frère et amiral de Sé JUGURTIIA; RoccIIUs TRAIIIT JU
sac, après avoir envahi la Mauritanie, GURTIIA ; soN EXPÉDITION DANS
étendit encore sa domination sur la L'ATLAS; sEs DEUx rILs. —- On ne
llîubie et une grande partie de la Li rapporte rien de remarquable sur la
ye. Mauritanie, depuis la lutte d'Hercule
a ATLAS ou ANTEE, fils deNeptune, et d’Antée jusqu'au tempsoù les Ro
portait ses vues encore plus loin que mains commencèrent à pénétrer en
son père. Son projet était-d'envahir Afrique. Justin et Diodore de Sicile
l'Égypte même. Il avait la fermeté et ne font mention des Maures que pour
la valeur nécessaires à une areille en dire qu'ils servaient comme merce
treprise. Des renforts nom reux, que naires dans les armées de Carthage, et
lui fournissait la Libye, le mettaient u'ils eurent, de même que les Numi
en état de la soutenir longtemps. Her es, plusieurs démêlés avec cette ré
cule, général de la Thébaîde et de l'É publique. Au cinquième siècle , le
thiopie pour les dieux ou grands sei royaume de Mauritanie existait, puis

1,52...N.72to'
311.5in .1. M,àw'"
6.Le’... ' ‘’f (') Art de vérifier lesdstmnn , p. 458,
‘dit. du ring.
5' Livraison. (NUMIDIE ET MAURITANIE.) 5
66
que le Carthaginois Hannon fait al Mauritanie tingitane, et il légua ses
liance avec le roi de ce pays avant nouvelles acquisitions à Bocchus, son
d’exécuter la révolution qu’il médite. second fils; par conséquent, celui-ci
Autempsdela seconde guerre punique, devint roi du pays qui formait plus
le royaume de Mauritanie reparaît dans tard la Mauritanie césarienne. Depuis
Tite-Live. Il bornait les Etats de Sy ce partage des États de Bocchus en
phax à l’ouest, et l’histoire romaine en tre ses deux enfants, dit M. Marcus,
nomme le roi Bocchar, qui donna une la Mauritanie tingitane, si on ne l'ap
escorte à Massinissa pour le conduire pelait pas Terre des Maures ou Mau
dans ses États, mais qui lui refusa ses ritanie, fut surnommée Bogudz'ana,
secours pour la guerre. Les Romains et la Césarienne, si on ne la désignait
commencèrent à connaître la Mauri pas par son ancien nom, qui était
tanie d'une manière plus certaine, à Terre des Massésylz’ens, reçut l’épi
partir de la guerre contre Jugurtha. thète de Mauritanie de Bocchus. Le
Bocchus y régnaitalors: on a vu, dans partage eut lieu entre les années 91 et
l’histoire de Jugurtha, comment Boc 81 avant J. C. C‘).
chus, après avoir quelque temps son ‘EXPÉDITIONS m: ssn'ronms sua LBS
tenu son gendre , se déshonora en le CÔTES DE LA MAUBITANIE; ASCALIS,
livrant aux Romains par une indigne FILS D’IPHTBA (82 avant l’ère chré
trahison. En récompense de cet odieux tienne). — Un passage de la vie de
service, il reçut du sénat tout le terri Sertorius par Plutarque fait entrevoir
toire ui s’étendait depuis le fleuve qu’il n’y avait pas dans le royaume de
Muluc a jusqu’à la ville de Saldæ, et Mauritanie qu’un seul monarque, car
' ui devint la seconde Mauritanie. Loin il désigne d'autres princes que ceux de
e rougir de ‘sa lâcheté , il s’en fit la famille de Bocchus , et dont aucum
gloire aux yeux des Romains, et il écrivain n’a fait mention. Sertorius,
consacra dans le Capitole, à Rome, attaqué en Espagne par Annius, lieute‘
plusieurs trophées représentant les nant de Sylla, s’était embarqué a Car
événements les plus importants de son thagène, et avait navigué vers l’Afri
règne, et entre autres l’extradition de que. Etant arrivé sur la côte de Man
J ugurtha. Strabon ajoute quelques dé ritanie, il prit terre, et envoya ses gens
tails sur ce prince. Avant de livrer pour renouveler les provisions des
J ugurtha,il renforça son armée, sous équipages; mais pendant qu’ils mar
prétexte d’en expédier une partie con chaient sans défiance le long du ri
tre les Éthiopiens occidentaux, dont il vage, les barbares fondirent à l’im
avait à se plaindre. Ildirigea un corps proviste sur les compagnons de Ser
de troupes vers les tribus qui habitent torius, et en tuèrent un grand nombre.
l’Atlas. Jugurtha , au sujet de cette Cette réception inhospitalière força le
expédition, rapporte que les Maures fugitif à se confier de nouveau au ha
y virent des camélopardalis (girafes); sard des mers. Il croisa sur les côtes
des serpents, appelés par les naturels d’Afrique et d’Espagne, en compagnie
t/ez'ses, gros comme des éléphants (boa de pirates ciliciens, qui espéraient faire
constrictor); des roseaux si gros (bam de bonnes prises sous un si grand chef.
bous), qu’un seul de leurs nœuds con Mais quand ils apprirent que Serto
tenait huit chénices d’eau; et une es _rius , fatigué de cette vie errante et
pèce d’asperge ou une liliacée incon des agitations politiques sans cesse re
nue, qui n‘était'pas moins grande, naissantes, avait résolu d’achever dou
et dont Bocchus fit présent à sa cement ses jours dans les îles Fortu
femme (*). A sa mort, Bocchus pla a nées, ils l’abandonnèrent pour tenter
son fils aîné Bogud sur le trône de a de nouvelles aventures. Ils firent voile
vers l’Afrique, et s’engagèrent au ser
(’) Recherches sur l'Afrique septetilrio
uale, par l’Académie des inscriptions, 92, (') Addition au textede Mannert, insérée
note 3. par M.Marcus au chap. 1 du liv. m, p. 453.
NUMIDIE ET MAURITANIE. 67
vice d'Ascalis, fils d'lphtha , qu'ils de et ses rois, comme ceux de la Numi
vaient replacer sur le trône de Mauri die, se partagèrent entre les factions
tanie. Quel était ce prétendant? l'his selon leurs intérêts ou leurs sympa
toire n'en sait pas davantage sur ce tbies. L'an 46 avant notre ère, les
prince. C'était robablement un rival deux rois de Mauritanie s'appelaient
des fils de Bocc us. Sertorius, autant encore, au rapport de Dieu Cassius,
pour occuper ses soldats que pour se Boccbus et Bogud. Étaient-ce les fils
venger des corsaires qui l'avaient dé de Boccbus I“, ou de nouveaux prin
laissé, se déclara pour le parti con ces du même nom? C’est une question
traire, vainquit Ascalis , et l'assiégea qu'on ne peut résoudre, car les histo
dans la ville de Tingis, où il s'était re riens anciens se taisent absolument sur
tiré. A cette nouvelle , Sylla envoya la Mauritanie pendant près de qua
Paccianus au secours d'Ascalis : Ser rante ans. Dion ne dit pas dans quelle
torius fut de nouveau vainqueur, tua portion de ce pays régnait chacun de
Paccianus, et obligea son armée à se ces deux princes, mais on peut inférer
réunir à lui. Puis il marcha contre des faits qui suivent que Boccbus était
Tingis , la prit d'assaut , et y fit pri roi de la Tingitane et Bogud de la Cé
sonniers Ascalis et ses frères. Une an sarienne. De là encore on peut con
tique tradition, répandue chez les Mau clure qu'ils n'étaient point les fils du
res , plaçait près de cette ville le tom beau<pere de Jugurtha , puisque celui
beau d’Antée. Sertorius, pour s'assurer ci avait légué la Tingitane, a Bogud,
de la vérité des bruits extraordinaires et la Césarienne à Boccbus. Des deux
accrédités sur la grandeur de ce héros, 'princes qui régnaient en 46, à l'épo
fit ouvrir son sépulcre, et y trouva , à que où César passa en Afrique pour
ce qu'on dit, un corps de soixante cou combattre Scipion et Juba, l'un se dé
dées de haut. Frappé d'une terreur re clara pour le vainqueur de Pharsale,
ligieuse , ajoute Plutarque, il immola l'autre resta fldèle aux pompéiens.'l‘ite
des victimes, fit respectueusement re Live et Hirtius appellent Bogud l'allié
fermer le tombeau, et par la il aug de César, mais Appien désigne Boc
menta beaucoup le respect et la véné chus: l'accord des deux premiers au.
ration qu'on avait pour ce géant dans teurs est une raison suffisante pour
toute la contrée, et confirma les récits préférer leur témoignage. Donc Bogud
qu'on en faisait. combattit pour César; il_ se ligua avec
Vers le même temps (81 ) , Pom ée, Sittius pour envahir les Etats de Juba.
après avoir vaincu Domitius Æno ar Ils attaquèrent à l'improviste Cirta,
bus, dépouillait Hiertas ou Hiarbas, s'en emparèrent ainsi que de deux au
roi d'une partie de la Numidie. Il fut tres places, et furent très-utiles'à Cé
aidé dans cette guerre par Boccbus ou sar par cette diversion. Quelque temps
Bogud, l'un des iilsde Boccbus 1'", ni après. Bogud fut ‘attaqué dans son
fit marcher son fils Gauda, et enva it royaume par le jeune Cnéus Pompée,
les Etats d’Hiertas (*). qui s'avança avec trente vaisseaux et
INTERVENTION DES BOIS n'AunEs une petite armée sur les côtes de la
DANS LES TaoUnLEs cIvILs DE nous, Mauritanie. Il, crut surprendre la ville
AU TEMPS DE cEsAa ET APRÈS sA d’Ascurus(‘), où Bogud entretenait
MORT; 1015 DES MAUaITANIEs A une garnison. Les gens d'Ascurus
CETTE ÉPOQUB.-— L'Afrique étant de (") Les savants académiciens auteurs des
venue un des principaux théâtres des Recherches sur l'Afrique septentrionale re
luttes acharnées engagées entre les trouvent Ascurus dans Askoure,peüte ville
ambitieux qui se disputaient l'autorité située à dix lieues sud-ouest de Boue, entre
dans Rome, la Mauritanie fut entraî ce port et Constantine, et qui, selon Sbaw,
née à jouer un rôle dans ces guerres, est assise sur un monceau de ruines romai
nes, p. 71. Ils appellent Boccbus le roi allié
(') Voyez plus haut, dans l'l-lisloire de de César. Nous ne sommes pas en cela de
la Numidie,;n 47. leur avis. Au reste, ce point est insoluble.
5.
laissèrent la troupe de Pompée appro Bocchus fut contraint de céder à Ara
cher des murailles. Rien ne bougea bion le pays qu’il revendiquait.,Ara
lusqu'à ce que l'ennemi fût près des bion réussit même à faire périr l'aven
portes; mais alors la garnison lit une turier Sittius , dont la munificence de
vive sortie, dis ersa les pompéiens, et César avait fait un puissant person
en fit un gra carnage. Cnéus , dé nage en Afrique. Mais les possessions
concerté par cet échec, quitta la côte, de Sittius restèrent au pouvoir de ses
et se retira vers les îles Baléares. parents et de ses compagnons d'armes.
Les services de Bogud méritaient Arabion réussit à prendre rang en
une récompense. D'ailleurs, ce n'était Afrique tant qu’il fut soutenu par Ses
pas la première fois qu'il signalait son tius , partisan d’Antoine, et gouver
attachement à la cause de César. Déjà, neur de la Numidie; ais son perfide
en 48, ce prince avait passé en Espa allié l'assassina, et rcunit ses Etats à
gne, sur l'invitation de Cassins, et il la province romaine. Ils ne furent pas
avait aidé le lieutenant de César à rendus à Bocchus, fils de Bogud.
vaincre Marcellus , qui défendait la EXPÉDITION DU DERNIER nooun
province au nom de Pompée. Après la EN ESPAGNE; IL EST DÉTBÔNÉ; BOC
victoire de Thapsus , César donna à crIUs nÉuNI'r LES DEUX MAURITA
Bogud une partie des États de Manas NIES (31 avant notre ère).—Les efforts
sès, chef numide , ui avait combattu des rois de la Tingitane se dirigeaient
avec Juba : cette onation ajouta au de préférence du côté ‘de l'Espagne,
royaume de Bogud tout le territoire -avec laquelle la pointe occidentale de
compris entre le méridien de Saldæ à l'Afrique a une Sl grande communauté
l'ouest, et le cours de I’Ampsaga à d'intérêts. Après Bocchus , qui était
l’est. Voilà ce que raconte Hirtius mort vers l'an 40 , c'était son fils Bo
touchant Bogud; mais Suétone ajoute gud qui ré nait à Tin, is. En 38, ce
que César aima Eunoé , femme de ce prince, fidè ement attac é au parti que
prince, et il semble expliquer par'là sa son père avait préféré, fit de nouveaux
générosité envers Bogud. efforts pour enlever l’Espagne à Oc
L'année suivante, en 45, Bogud reo tave.Lucius Antonius, apres la ridicule
‘paraît en Espagne pour aider César à guerre de Pérouse, avait été envoyé en
écraser les restes du parti aristocrati Espagne en qualité de proconsul. Mais
que, groupés autour de Sextus et de Octave s'était bien gardé de lui con
Cnéus Pompée. Les fils de Bocchus, férer toute la puissance attachée à ce
roi de la Tingitane, combattirent pour titre : l'autorité restait entre les mains
ces derniers a Munda. de ses légats. Lucius, irrité de la nul
Ces deux princes persistèrent jus lité à laquelle il était réduit, déter
qu'à la fin dans le parti qu'ils avaient mina Bogud à faire une invasion en
adopté. Après le meurtre de César, le Espagne pour déposséder les lieute
roi de la Tingitane montra le même nants d'Octave. L'issue de cette ten
éloignement pour son fils adoptif 0c tative fut désastreuse pour le roi de la
'tave , et il essaya , en 40 , d'enlever Tingitane, Le roi de la Césarienne,
l'Espagne à Carmes, qui la gouvers Bocchus , fit une invasion dans ses
nait pour le jeune triumvir. États; les habitants de Tingis se ré
De son côté, le fils de Bogud souf voltèrent, et se constituèrent en répu
frait pour la cause que son père avait blique. Bogud ne putrentrer dans son
si vivement soutenue. Cc rince, qui royaume, et il s'enfuit auprès d’An
était encore un Bocchus, ut attaqué toine à Alexandrie. Antoine lui donna
par Arabion, fils de Manassès, qui ré un commandement dans son armée
clama l'hérita e paternel dont César quand il concentra toutes ses forces
l'avait dépouillé en faveur de Bogud. sur la Grèce, après sa dernière rup
César n'était plus; Octave avait sur ture avec Octave. Mais au moment
les bras bien d'autres affaires que le où il débarquait à Méthone, ville de
soin de soutenir son allié en Afrique. Messénie, il fut surpris par Agrippa ,
NUMIDIE ET MAURITANIE. 69
qui s’empara de sa personne, et lui fit obtint la main de Cléopâtre Sélène, fille
trancher la tête (31 avant J. C.). d’Antoine et de la fameuse Cléopâtre,
Après la fuite de'Bogud, Bocchus et reçut un établissement conforme à
reçut d'Octave l'investiture de la Tin cette alliance. Auguste lui rendit les
itane , et régna pendant cinq ans sur Etats de son père. Il comptait sur
es deux Mauritanies; seulement Tin l'influence d'un prince descendant de
gis fut séparée de son royaume et dé Massinissa, habitué à l'obéissance, im
clarée cité libre. Bocchus établit sa bu des mœurs romaines, pour conte
résidence à J01, appelée plus tard Cé nir les barbares , toujours rebelles à
sarée et aujourd’hui Tennès. Il y mou l'action immédiate des agents de Rome.
rut en l’an 33. Voici comment la politique d’Auguste
« Après sa mort, Octave jugea à est appréciée dans un ouvrage souvent
propos de ne pas lui donner de succes cité dans cette histoire : u Juba est le
seur. Par ses ordres, des colonies fu modèle de ces reges inservientes, ces
rent établies dans les régions des deux rois esclaves, si bien peints par Ta
royaumes voisines de la côte. Du res cite. Juba est chargé de façonner son
te , le pays ne fut pas entièrement peuple à la crainte de Rome et à la
transformé en province romaine, bien soumission. Quand Bocchus et Bogud
qu'on datât les années depuis le décès sont morts, laissant leurs États au
e Bocchus d'après l'èrede la pro peuple , ou plutôt à l’empire romain,
vince, sur les monnaies et dans les Auguste reprend à son élève la Numi
actes publics et privés, témoin plu die romanise’e, si l’on peut hasarder
sieurs inscriptions qu’on a découver ce mot, par ses soins et par son exem
tes dans les provinces occidentales de le; il la réduit en rovince, et donne
l’Algérie (*). u a Juba les Maures arouches, les Gé
RÈGNE DE JUBA n; GUERRE courus tules indomptés, pour apprivoiser len
LES GÉTULES; rnsvsux LITTÉRAI tement ces bêtes sauvages des déserts
nxs DE ce PRINCE (de l’an 25 avant africains. Ce n’est enfin ue lorsque
J. C. à l’an 23 de l’ère chrétienne); — ces rois esclaves ont remp i leur mis
Pendant plusieurs années , l'Afrique sion, lorsque deux règnes successifs de
occidentale fut administrée ardes gou princes mariés à des Romaines, lors
verneurs romains; mais. a difficulté ue des colonies civiles ou militaires,
de régir ces contrées, encore à demi ormées de Romains, de Latins, d’l
barbares, détermina Auguste à leur taliens, ont infiltré de plus en plus
rendre un roi national. Il y avait alors dans le pays l'usage de la langue, le
à Rome un jeune prince numide ap désir des lois, le goût des mœurs, des
pelé Juba , fils de celui que César avait habitudes , des vertus , et même des
vaincu à Thapsus. Après avoir orné le vices du peuple conquérant; ce n'est
triomphe du dictateur, et avoir été qu’a rès avoir si bien préparé les voies,
frappe de verges, selon le rapport dou que e sénat décrète la réunion à l'em
teux de Suidas, le jeune Juba avait été pire, que les deux Mauritanies sont à
mis en liberté par Césàr. On lui donna jamais réduites en provinces sujettes
une éducation distinguée; et ce prince, et tributaires (*). v
doué d’un heureux naturel et d'une Ce fut l'an 17av.J.C. qu’Auguste ju
intelligence peu commune, acquit de. geaà propos de déplacer e trône de Ju
vastes connaissances qui le rendirent a, etdelui donner, au lieu de l'héritage
bientôt l’égal des savants les plus cé paternel, la souveraineté des deux
lèbres de la Grèce et de l’Italie. Il plut Mauritanies et du pays des Gétules,
à Auguste, qui l'attacha à sa personne, Ce nouveau royaume comprenait tout
et qui apprécia sa valeur dans les guer ce qui s'étendait àl’occident du port de
res où il l’employa. En l’an 25, Juba
(') Recherches sur l'histoire de l'Afrique
(") Addition au texte de Maunert, par septentrionale, par l'Académie des inscrip
M. Marcns, p. 46x. tions, p. 6.
70
Solde. Dans les commencements, Juba une Histoire d’Assyrie, où, selon Ta
fut inquiété par les incursions des tien et Clément d’Alexandrie, il avait
Gétules. Ces turbulents sujets, ne vou pris Bérose pour guide; 3° des Anti
lant pas d’un maître dont les qualités quités romaines, dont Etienne de By
étaient des défauts à leurs yeux , pri zance cite le premier et le deuxième
rent les armes, et envahirent ies pro volume ; 4° une Histoire des théâtres.
vinces soumises à Juba. En vain ce On en trouve des fragments dans Athé
prince fit marcher ses troupes et ses née et Hésycliius, où il traite des dan
généraux; il éprouva de grandes pertes, ses, des instruments de musique et de
et Auguste fut contraint (l'envoyer à leurs inventeurs; 5° une Histoire de
son secours des légions romaines. Cor la peinture et des peintres; 6° des ou
nélius Cossus, qui les commandait, fut vrages de grammaire et de botanique,
vainqueur, et prit le surnom de Gé savoir, un Traité de la corruption de
tulicus (an 6 de notre ère). Du reste, la diction, un Traite’ des mètres, et
Juba eut un règne très-paisible. Il une description de la plante appelée
établit sa résidence à Jol , où le der cuphorbia; 7° enfin un Traité sur les
nier Bocchus avait aussi demeuré; il sources du M1, et d’autres écrits dont
enibellitcette ville de magnifiques cons les titres même ne sont pas connus. Il
tructions, et pour complaire à Auguste est probable que ce prince avait plus
lui donna le nom de Cæsarea, qui de science que de critique, car dans un
lui est resté. Les peuples qu’il rendit de ses livres il raconte sérieusement
heureux par ses soins et son amour de qu’un‘homme mort fut ressuscité par
la paix conçiirent pour leur roi une la vertu de certaines plantes d’Arabie;
vive affection, et à sa mort ils le pla et dans son Traité sur les sources du
cèrent au nombre de leurs dieux , Nil, il faisait sortir ce fleuve d’une
comme le témoignent Lactance et Mi montagne de Mauritanie voisine de
nutius Félix. Les étrangers même l’Océan , se fondant, dit Ammien Mar
partagèrent cette espèce de vénération cellin, sur ce que les poissons, les her
pour Juba. Les habitants de Cartha bes et les animaux de cet endroit res
gène lui élevèrent un monument avec semblent à ceux qu’on voit sur les
une inscription où ils 's’exprimèrent bords du Nil (*). Juba mourut vers
en termes très-honorables pour ce l‘an 23 de l’ère chrétienne (**).
prince; la ville de Cadix l’élut duum PTOLÉMÉE succèns A JUBA son
vir; Athènes lui dressa une statue. Il PÈRE; IL EST ASSASSINÉ pan CALI
fut roi pendant près d’un demi-siècle, GULA (de 23 à l’an 40 de l’ère chré
et on a retrouvé des médailles datant tienne). — Tibère, qui n‘aimait pas à
de la quarante-cinquième année de son changer le gouvernement des rovin
règne. Après la mort de Cléopâtre il ces, laissa Ptolémée, fils de Je a, sur
épousa Glaphyre, veuve d’Alexandre, le trône de son père. Ptolémée aida les
fils d’Hérode. Josèphe est le seul his Romains à vaincre Tacfarinas. Alors,
torien qui mentionne ce fait. dit Tacite, on renouvela un usage des
Juba fut surtout célèbre par son im premiers temps : un sénateur fut dé
mense savoir. Il composa un grand puté à Ptolémée pour lui offrir le scep
nombre d’ouvrages cités souvent dans tre d’ivoire, la toge brodée, ainsi que
l’antiquité, et dont il reste quelques (*) Voir la Dissertation de l'abbé Sévin ,
fragments épars çà et là dans les au Académie des inscr. et belles-lettres, t. IV,
teurs qui nous sont parvenus. L’abbé
Sévin a consacré à ce prince une no p. 457.
(") L’Art de vérifier les dates se trompe
tice historique et littéraire où il dresse en le faisant mourir l'an :7. En effet, Stra
le catalogue de ses ouvrages. Juba bon composa le sixième livre de sa Géogra
avait composé : 1° une Histoire d’Ara Khie la cinquième année du règne de Ti
bic, destinée à instruire le jeune Caius ère, c'esl-à-dire l’an 19; et dans le dix
César de l’état de cette contrée. Pline septième livre, qu’il écrivitplus tard, il dit
en reproduit quelques passages; 2° que le roi Jiiba venait de mourir.
NUMIDIE ET. MAURITANIE. 71
des présents du sénat, et le saluer des Numides, il ne nous est parvenu qu’un
noms de roi, d'allié et d'ami. Ptolé petit nombre de détails sur tous ces
mée régna paisiblement tant que Tiv points si intéressants dans l'histoire
bère vécut; mais il fut victime des d'un peuple.
fureurs de Caligula, dont sa circons Que peut-on dire du pouvoir des rois
ection ne put le préserver. Caligula de la Mauritanie , de leur manière de
‘ayant fait venir à Rome, con ut con gouverner, des lois, de la constitution
tre lui une jalousie violente. n jour Intérieure de leurs .tats? Sansdoute
les Romains avaient reçu avec bon les Bocchus , les Bogud , les Boccbar,
neur le fils de Juba, lorsque, revêtu devaient exercer un pouvoir à peu près
de la pourpre, il s'était présenté au absolu , et régner , comme les souve
théâtre. Caligula le fit assassiner. rains de la Numidie, en despotes sur
REvoLTE D'EDEMON. CAMPAGNES les tribus et les chefs qui les avaient
DE sUETONIUs PAULINUs ET DE sI reconnus. Il parait évident, d'après
DIUs CETA. RÉDUCTION DE LA MAU quel ues passages des anciens auteurs,
RITANIE EN PROVINCE ROMAINE (42 que eancoup de tribus maures res
de notre ère). —— La famille de Massi taient libres. Ap ien parle de Maures
nissa était éteinte : le temps était venu autonomes, ui n obéissaient point aux
d'effectuer définitivement la réunion rois qui rési aient à Tingis. Il y a tou
du reste de l'Afrique à l'empire. Il ne jours en , et il y a encore en Afrique ,
fallut que peu d'efforts pour obtenir de ces tribus restées indépendantes
ce résultat, que la politique avait pré et en dehors des empires constitués,
paré depuis si longtemps. Édémon , af pour lesquels ils sont un objet d'in
franchi de Ptolémée , avait pris les ar quiétudes continuelles. Les rois mau
mes en Mauritanie pour venger son res faisaient souvent des excursions
maître; Claude, successeur de Cali pour les réduire ou les tenir en res
gula, envoya une armée qui dispersa pect. Malgré le goût de ces barbares
les troupes rassemblées par Edémon. africains pour une liberté absolue, le
L'empereur triompha des exploits de système monarchique prévalut tou
ses lieutenants. L année suivante, 41, jours , en Mauritanie connue en Nu
Suétonius Paulinus fit une campagne midie; et il faut bien que le pouvoir
plus glorieuse, défit l'ennemi, ravagea de ces rois ait été grand, puisqu'on en
tout le pays jusqu'à l'Atlas, et pénétra voit dont les noms sont donnés à leurs
dans la Gétulie(*). Sjdius Géta, qui royaumes; « car pendant longtemps ,
prit le commandement après Paulinus, dit Pline, la Tingitane s’appela Bogu
attit deux fois le Manse Salabus, et le diana, et la Césarienne, Mauritanie de
poursuivit jusque sur les confins du Bocchus. » _
grand désert. La grande divinité de ces peuples
(42). A partir de cette époque, la était la mer ou le'dieu de la mer. Ils
Mauritanie fut réduite en province ro rendaient donc un culte à Neptune et
maine. La division en Tingitane et à sa femme Neptys, et les noms de ces
en Césarienne fut fixée d'une manière deux divinités signifiaient roi et reine.
certaine; et Claude, après avoir fait Plusieurs savants ont rapproché le
pacifier le pays, en donna le gouver nom de Neptune de celui de Nepkthu
nement à deux chevaliers romains. hz‘m , qui ésigne dans la Genèse une
PARTICULARITES sUR LES MAURES. partie des descendants de Mizraim, fils
GOUVERNEMENT, RELIGION, LANGUE, de Cham , et qui signifie le peuple de
MŒURS, COUTUMES, ARTS, SCIENCES. la cote maritime. Chez les Egyptiens,
- Pour les Maures , comme pour les la mer s'appelle Nephthys. Ainsi les
Maures, comme tous les Libyens, ado
(‘) Suétonius Paulinus avait écrit l'his rèrent la vaste mer qui bordait leurs
toire de ses expéditions en Mauritanie. Il rivages , et du sein de laquelle ils pa
ne reste rien de celouvrage, dont la perte raissaient sortir. Ils donnèrent aussi
est si regrettable. les attributs de la divinité aux héros
72
de leur nation; ainsi Ne tune fut di qu’ils portaient constamment leurs
vinisé, et Antée et Juba, ans une épo— èches avec eux, pour se défendre des
que bien éloignée des temps fabuleux. attaques des bêtes féroces dont ils
énèque affirme qu'à l'imitation des étaient toujours menacés. Horace parle
Phéniciens et des Carthaginois , les quelque part de leurs traits empoison
Maures offraient à leurs dieux des sa nés : ils s'en servaient plutôt contre les
crifices humains. L'auteur des Diony lmonstres du désert que dans les com
siaques , Nonnus , prétend qu’ils ado ats.
raient Bacchus. Enfin Pomponius Méla Les Mauresdedistinctiondéployaient
parle de la vénération particulière un rand luxe dans leurs vêtements,
qu'ils avaient pour le bouclier d’Antée. qu’i s ornaient d'or et d'argent. Ils
On ne nous dit pas si le langage des poussaient à un degré extrême le soin
Maures différait de celui des Numides. e leur personne. Ils entretenaientavec
Ces deux peuples devaient parler deux coquetterie la blancheur de leurs dents,
dialectes dérivés d'une même origine. la pro reté de leurs ongles; leur barbe
Ils avaient un alphabet semblable. Si était ongue et bien peignée. Quand
la lan ue actuelle des Kabyles est dé ils se rencontraient, ils prenaient garde
rivée 5e l'ancien idiome des Numides de s'approcher de trop près, de peur
et des Maures , on pourrait remonter de déranger les boucles de leurs che
à l'origine probable de ces langues de veux. Les figures des médailles afii
l'Afrique du nord , et l'on serait vrai caines sont en effet remarquables par
semblablement amené à placer leur la beauté de la barbe et de la cheve
berceau en Orient. Mais il n'appar lure. Les Maures de la classe inférieure
tient ‘qu'aux orientalistes de traiter n'avaient qu'un vêtement, qu’ils por
ces questions ("). taienthivercommé été. La plupartd’en
On peut ap Iiquer aux Maures tout tre eux couchaient la nuit par terre, ga
ce qui a été it touchant les chevaux rantis seulement par leurs habits. Le
et les cavaliers numides. C'était, de voyageur Shaw dit la même chose des
part et d'autre , même manière de Kabyles et des Arabes , qui se servent
monter à cheval, même vigueur et de leurs manteaux comme de lit et de
même agilité chez l'homme et le cour couverture. Les Maures , en général ,
sier. L’infanterie maure, dans les com n'aimaient point le travail , s'adon
bats , se servait de boucliers faits de naient peu ‘à l'agriculture , excepté
cuir d'élé haut, et était vêtue de dans quelques cantons. Strabon four
peaux de ion, de léopard et d'ours, ait à ce sujet des détails que nous
qu'elle portait jour et nuit. Les cava. avons cités plus haut, dans la descrip
liers étaient armés de lances courtes , tion de la Mauritanie. Comme les Nu
et avaient des boucliers faits aussi de mides, ils étaient très-sobres, vivaient
peaux de bêtes sauvages. Leur vête de grains, de légumes, qu'ils mangeaient
ment ressemblait à celui du fantassin. souvent verts, sans aucune prépara
Tous étaient fort habiles à se servir de tion. Ils n'avaient, pour la plupart, ni
leurs boucliers. Hyginus rapporte que huile ni vin, ne sachant ni cultiver
les Maures , ainsi que tous les autres l'olivier et la vigne, ni en préparer les
Africains, combattaient avec des mas produits. Leurs demeures étaient des
sues, jusqu'à ce que Bélus, fils de Ne tentes ou mapalz‘a. Ainsi le cure de
tune, leur eût enseigné à se servir e vie de la plus grande partie e la na
l'épée. Les Maures étaient de très tion ne différent en rien de celui des
bons archers. Hérodien et Élien disent nomades.
La polygamie était usitée chez eux
(') Le docteur Shaw a donné plusieurs comme chez les Numides , et cela bien
mots du vocabulaire africain, et plusieurs longtemps après la con uête romaine.
d'entre eux trouvent leur équivalent dans On lit dans Procope e passage sui
des mots arabes ou hébreux, presque sem vant : «x Vous nous menacez , disaient
blables et ayant la même signification. les Maures à Salomon, de tuer nos en
NUMIDIE ET MAURITANIE. 18
fants, livrés par nous en otages. Ro est certain u'une partie des Maures
mains, vous tenez àvotre progéniture, fut initiée , ès les temps les plus an
parce que , dans vos mœurs , dans vo ciens, au commerce, à la navigation.
tre religion , vous ne pouvez avoir et à toutes les connaissances qui les
qu'une femme : nos lois nous en per accompagnent. Si Pomponius Me’la re
mettent cinquante, nous ne craignons présente la Mauritanie comme un pays
as de voir notre race s'éteindre. » Ce pauvre et sans importance, Strabon en
angage exprime parfaitement les con parle comme d'un royaume riche et
séquences sociales de la polygamie: opulent. Cela prouve que ces écrivains
un tel usage empêche la formation de ne l'ont envisagé que partiellement, et
la vie de famille, et le développement qu'il y avait dans cette terre un grand
des affections qui la constituent. contraste de barbarie et de civilisa
Tous les Maures n'étaient pas étran tion , de misère et de richesse. Toute
ers aux arts et aux connaissances de fois, Strabon est plus près de la vérité.
a civilisation. Les villes étaient plei Les anciennes fables sur les pommes
nes d'une population industrieuse et d'or des Hespérides, les rapports cer
commerçante qui dut être formée de tains sur le commerce des Maures ,
bonne heure par le contact des peuples l'importance acquise par les derniers
navigateurs, et surtout des Phéniciens. rois de la Mauritanie, Boccbus, Bogud.
Cette partie de la nation mauritanienne Juba, montrent assez que ce royaume
s'enrichit par le commerce. Elle le possédait de grandes ressources , et
faisait par mer avec l'Espagne , l'Ita que cette nouvelle et dernière acquisi
lie, la Grèce, et même l'orient; par tion des Romains n'était pas une des
terre, avec les tribus de l'intérieur de moindres provinces de leur vaste em
l'Afrique (*). Onomacrite, l'auteur des pire.
Argonautiques, attribuées aussi à 0r
phée, assure qu'ils formèrent un éta 'I'noIsIEME PARTIE.
lissementà lentrée de la Colchide. NUMIDIE ET MAURITANIIËSOUS L’LD'
C'est à Neptune et à sa race que les MINISTBATION IMPBRIALE.
traditions rapportent l'introduction de
la civilisation dans les villes de la Mau Les deux premières parties de cette
ritanie. et le développement primitif histoire ont été consacrées au récit de
des sciences. Pline , Cicéron , dans ses tout ce qui a rapport à la Numidie et
Tusculanes , disent u‘Atlas inventa à la Mauritanie, tant qu'elles restèrent
l'astrologie et la doctrine de la sphère. indépendantes. La troisième partie
Diodore explique par. cette tradition la traitera de l'état de ces contrées sous
fable qui place les cieux sur les épaules l'administration impériale; des chan
d'Atlas. Il rapporte aussi qu'Atlas en gements qui y furent introduits alors;
seigna toutes ces choses à Hercule, et des soulèvements dont elles furent le
que ce héros rapporta ces connaissan théâtre, et de la part qu’elles prirent
ces dans la Grèce. singulière asser aux affaires générales du monde ro
tion , qui fait des Grecs les disciples main.
des barbares africains, et qui retourne LA NUnmIE soUs sALLUsTE , sEx
d'Occident en Orient la marche de la TIUs, LEPmUs; AUGUSTE PAETAGE
civilisation humaine! Mais les Grecs LEs PEovINcEs AvEc LE SÉNAT ;
ont tant erré sur ces anciennes choses! JUEA II; LA NUMIDIE , PROVINCE
Selon quelques auteurs ce fut Nep sENAToErALE. — César, après la vic
tune, suivant d'autres ce fut Atlas qui, toire de Tapsus, ne réduisit en pro
le ‘premier, applique des voiles aux vince qu'une partie de la Numidie,
grands navires , et qui mit en mer la le reste ayant été partagé entre Bo
première flotte. Quoi qu'il en soit, Il gud et Sittius (46 av. Jésus-Christ).
Crispus Sallustius, l'historien, fut le
(') Heeren, Idées sur le commerce , etc., premier gouverneur de cette province‘
t. IV. de la Numidie prqmrment dite, à la
74
quelle était jointe la Byzacène que ché d’Octave le sacrifia; et toute l'A
J uba avait possédée;on l'appelait aussi frique romaine, réunie et étendue par
«(frique nouvelle, par opposition à ses soins, fut donnée en gouverne
l‘défi'i ue ancienne ou Zeugitane , for ment au triumvir Lépidus, qui l'admi
m e (in territoire de Carthage. Sal— nistra en maître absolu pendant quatre‘
luste traita la Numidie comme un pays ans. En 36 (avant l'ère chrétienne),
de conquête: il y laissa un nom odieux, Lé idus, après avoir contribué à la
et il s'y déshonora. Sa tâche était dif dé aite de Sextus Pompée , fut dé
ficile, Il est vrai: il fallait des rigueurs pouillé ar Octave de son gouverne
pour contenir une terre récemment ment, e ses dignités , de son armée
soumise, où Rome n’avait ni colonies, et de sa flotte. Cette chute de Lépidus
ni établissements, où la civilisation était le résultat de sa nullité person
avait à peine pénétré. César ferma les nelie; elle n'était pas causée, or la
yeux sur la conduite de Salluste; peut faiblesse de ses ressources, cari avait
étre même l'avait-il autorisé à tout autant de légions qu‘Octave, et autant
faire. Salluste fut remplacé par Sex de vaisseaux.Sans doute l'Afrique, où
tius, qui administra le pays de l'an 44 on l'avait relégué, le plaçait dans une
à l'an 40 avant notre ère. La Numidie grande infériorité politique à l'égard
n'ayant plus ses rois était plus que ja‘ de ses collègues; mais il trouvait
mais engagée dans les dissensions ci‘ tout autant de moyens materiels d'ac
viles de Rome: aussi fut-elle violem tion que ceux-ci dans leurs provinces,
ment agitéc par tous les événements et un autre homme aurait su en pro
qui éclatèrent à la mort de César. Sex fiter.
tius, partisan de ce dernier, prétendit Octave disposa du gouvernement
dépouiller Cornificius, gouverneur de des provinces d'Afrique après les avoir
l'Afrique ancienne. Cornificius prévint enlevées à Lépidus ; Il les confia à Sta
son attaque, et vint assiéger Cirta, ca t_ilius' Taurus, avec le titre de rocon
pitale de la nouvelle province. Mais, sul; et, en 35, Taurus obtint es bon
soutenu ar le Numide Arabion , dont ueurs du triomphe pour quelques
il a été ait mention plus haut, et par exploits contre les tribus insoumises.
les partisans de Sittius, Sextius déli , L'an 27 , Auguste, devenu définiti
vra Cirta , et après avoir vaincu Cor vement maître de l'empire, partagea
nificius, le reduisit à se donner la l'administration des provinces avec le
mort. Quelque temps après, il eut à sénat, se réservant pour lui les postes
défendre sa province contre un nou les lus périlleux, mais où étaient con
veau (gouverneur, Phangon , qui , par cen rées toutes les forces militaires.
le cré it d'Octave, venait d'être nommé L'Afrique fut donnée au sénat. Pen
à la place de Sextius. Phangon eut le dant quelque temps, la ,Numidie fut
même sort que Cornificius: vaincu, reconstituée en royaume en faveur de
abandonné de tous les siens, il se tua Juba; mais quand celui-ci eut été placé
de sa propre main. Sextius, irrité sur le trône des Mauritanies, la Nu
contre Octave, se déclara dès lors ar midie fut ajoutée aux provinces séna
tisan d'Antoine. Il possédait les aux toriales. Alors cette province, com
provinces romaines en Afrique. Par prise entre l’Ampsaga et la Tusca ,
une noire ingratitude envers Arabion commençait à se façonner au joug;
ui l'avait encore puissamment aidé des Romains et des Italiens s'y étaient
ans la guerre contre Phangon , Sex établis en rand nombre; les colonies
tius l'attira dans un piégé, et le lit s'y multip ièrent , la transformation
assassiner. Le territoire d'Arabion, de ce pays barbare commen it. En
qui comprenait presque tout l'ancien eu de temps, l'Afrique devint sem
pays des Massésyliens , fut ajouté aux lable à l'Italie, et le sé'our en était
deux provinces romaines. Mais Sex également interdit aux criminels d'État
tius ne jouit pas longtemps du fruit que multiplia bientôt la sombre tyran
de son crime. Antoine s'étant rappro nie de Tibère.
NUMIDIE ET MAURITANIE. 75
soULÈvaMEN-r DE TACFARINAS; IL mes, eu égard à la multitude des Nu
s1; LIGUE AVEC MAZIPPA; IL EST mides et des Maures; mais on évitait
BATTU un FURIUS CAMILLUS (17,de surtout d'inspirer à ces barbares une
notre ère). — Dès la troisième année crainte qui leur eût fait éluder nos at
du règne de ce prince,,l'Afrique et taques; en leur laissant espérer la
surtout la Numidie furent agitées par victoire, on réussit à les vaincre. La
la révolte d'un audacieux aventurier, légion fut placée au centre, les co
qui, pendant longtemps, tint en échec hortes légères et deux ailes de cavale
toutes les forces que Rome entrete rie sur les flancs. Tacfarinas ne refusa
nait dans cette province. Il s'appelait pas le combat. Les Numides furent
Tacfarinas. Tacite a raconté cette défaits; et la gloire des armes, après
guerre dans ses Annales. Il n'y a rien de longues années, rentra dans la mai
a ajouter, rien à retrancher dans son son des Furiusg... encore ce Furius
récit: nous le reproduirons ici tout dont nous parlons n'était-il pas re
entier. « Tacfarinas était un Numide gardé comme ou grand capitaine. Ti
déserteur des armées romaines , où il bère en fit plus volontiers , devant le
avait servi comme auxiliaire (‘). Il sénat, l'éloge de ses exploits. Les pères
réunit d’abord, pour le vol et le bu conscrits lui décernèrent les orne
tin, des bandes’ vagabondes, accoutu ments du triomphe; distinction qui,
mées au brigandage; bientôt il sut les grâce au peu d'éclat de sa vie , ne lui
discipliner", les ranger sous le drapeau, devint pas funeste. »
les distribuer en compagnies; enlin, TAcrABINAsAssrÉGB'UNaconon'rE
de chef d'aventuriers, il devint géné Romaine. MORT DE DÉCBIUS. DÉ
ral des Mnsulans ("*). Ce peuple puis FAITE DU ,NUMIDE A THALA; IL EST
sant, qui confine aux déserts de l'A BEPOUSSÉ DANS LE DÉSEBT (de 18 a 20
frique‘, et qui alors n'avait point de notre ère). —— Peu de temps après,
encore de villes, prit les armes, et en Tacfarinas recommença la guerre.
traîna dans la guerre les Maures , ses « Ce furent d'abord de simples cour
voisins: ceux-ci avaient pour chef ses (*), dont la vitesse le dérobait à
Mazippa. Les forces furent partagées; toutes les poursuites. Bientôt il sac
Tacfarinas se chargea de tenir dans cage les bourgades, entraîne après lui
des camps et d'habituer à l'obéissance d'immenses butins, et linit par assié
des hommes d'élite, armés à la ro ger, pres du fleuve Pagida(“'), une
maine, tandis que Mazippa, avec les cohorte romaine. Le poste avait pour
troupes légères, porterait partout l'in commandant Décrius, intrépide sol
cendie, le carnage et la terreur. Déjà dat, capitaine expérimenté, qui tint ce
ils avaient force les Cinithiens P“), siège pour un affront. Après avoir
nation considérable, de se joindre à exhorté sa troupe à présenter le com
eux , lorsque Furius Camillus, procon bat en rase campagne, il la range
sul d'Afrique, après avoir réuni sa lé devant les retranchements. Elle est re
gion, et ce qu il y avait d'auxiliaires poussée au premier choc. Décrius,
sous les étendards. marcha droit à sous unejgrêle de traits, se jette à tra
l'ennemi. C'était une poignée d'hom
(_‘) Tacit., Ann., liv. me. an. Nous conti
nuons à nous servir de l'excellente traduc.
(") TaciL, Ann., l. u , c..5a,trad. de M. tion de M. Burnouf.
Burnouf. C") M. Marcus pense que le Pagida était
("') Les Musulans. Mussini de Pline. situé sur laroute de Cirta à Igilgilis (Gigeri).
Musuni de Ptolémée. habitaient près du (Notes sur Mannert, p. 709 . n Le siège
confluent du Muthul (Hamise) et du Ba principal des guerres contre acfarinas est
grada (Madjerdab). dans le Jurgura et à l'entour d'Auzia, le
("”) Les Cinithiens, appelés Sintæ par fort Hamza, nommé par les Arabes J011!‘
Strabon , demeuraient, selon Ptolémée, sur Ghazlan. Or, ces cantons ne sont pas éloi
le fleuve Triton, du côté où il forme le lac gnés d'Alger de lus de vingt lieues. n (Re
Libya. cherches sur l'A rique sept. , p. 66.)
76
vers les fuyards, les arrête, crie aux maux qu’elle cause, mais pour la gloirr
porte-enseignes « qu'il est honteux que que d’autres pouvaient y acquérir. La
« le soldat romain tourne le dos à une Numidie appartenait au sénat : la gra
« bande de brigands et de déserteurs. » vité des événements qui s’y passaient,
Couvert de blessures, ayant un œil l'importance de toute la province, dé
crevé, il n’en fait pas moins face à terminèrcnt l'empereur à en disposer
l'ennemi, et combat jusqu’à ce qu’il lui-même. Il opéra ce changement à
tombe mort, abandonné des siens. sa manière ordinaire, par la ruse et la
« A la nouvelle de cet échec, L. dissimulation. Dans une séance du
Apronius, successeur de Camillus, plus sénat, il lut des lettres d'Afrique' qui
indigné de la honte des Romains qu’a annon ient une nouvelle apparition
larmé du succès de l'ennemi, fit un de Tac arinas, et il ajouta qu’il impor
exemple rare dans ces tem s-là, et tait que le sénat choisit un proconsul
d'une sévérité antique : il écima la habile et brave, capable de terminer
cohorte infâme, et tous ceux que dé une telle guerre. Un flatteur, préve
signa le sort expirèrent sous laverge. nant les pensées de Tibère, s'écria
Cet acte de rigueur fut si efficace, qu’il fallait se garder de choisir Lépi
qu'un corps de cinq cents vétérans dus. Tibère le craignait, précisément
élit seul les mêmes troupes de Tac parce qu’il avait toutes ces vertus qui
farinas devant le fort de Thala (*), désesperent un tyran. Le sénat, péné
qu’elles venaient attaquer. Dans cette trant et lâche , comprit le vœu de
action, Helvius Rufus, simple soldat, Tibère. On décida que César choisirait
eut la gloire de sauver un citoyen. lui-même le gouverneur d’Afrique. Ti
Apronius lui donna la pique et le col bère, qui ne se démasquait jamais,
lier. Comme proconsul , il ouvait désigna deux candidats, Lépidus et
ajouter la couronne civique : i laissa Junius Blésus. Lépidus devait refuser,
ce mérite au prince, qui s’en plaignit son salut en dépendait: il s’excusa sur
plus qu’il n’en fut offensé. Tacfarinas sa santé. Blésus, qui était oncle de
voyant ses Numides découragés et re Séjan , fut donc nommé au proconsulat
butés des sièges, court de nouveau la d’Afrique.
campagne, fuyant dès qu’on le presse, TACFABINAS DEMANDE DES un
et bientôt revenant à la charge. Tant nes A. n’nupxneun. GLonnmsB CAM
u’il suivit ce plan, il se joua des ef PAGNE ne nuâsus, QUI NÉGLIGB ne
orts de l’armée romaine, qui se fati L’AccAnLnn ‘tout A un (20 à 22 de
guait vainement à le poursuivre. Lors notre ère). — Au reste, Blésus n’était
qu'il eut tourné sa course vers les pays pas indigne de ce choix. - Tacfarinas,
maritimes, embarrassé de son butin, souvent chassé par nos troupes, dit
il lui fallut s’assujettir à des campe Tacite (*), et toujours revenu du fond
ments fixes. Alors Apronius Césianus, de l’Afrique avec de nouvelles forces,
envoyé par son père avec de la cava avait enfin poussé l’insolence 'usqu’à
lerie et des cohortes auxiliaires, ren envoyer à César une ambassa e, ui
forcées des légionnaires les plus agiles, demandait un établissement pour ni
battit les Numides, et les rec assa et pour son armée, ou menaçait d'une
dans leurs déserts (18 à 20). » guerre interminable. On rapporte que
TIBÈBE msrosx DU PBOCONSULAT jamais insulte à l’empereur et au peu
n’armqun. ——-Tacfarinas ne tarda pas ple romain n’indigna Tibère comme
à recommencer ses incursions. Déjà de voir un déserteur et un bri and
Tibère ressentait une inquiétude sé s’ériger en uissance ennemie. « 1 n’a
rieuse de la prolongation de cette lutte. « vait pas té donné à Spartacus lui
Il redoutait la guerre, non pour les a même, lorsqu’après la défaite de tant
- d’armées consulaires il saccageait
(') Thala, souvenl confondu avec Telepte, « impunément l’ltalie, lorsque les gran
ne correspond pas à celte ville, pvisqu elle
était sur la route de Constanline à Gigeri. (") Tacit., Ann., liv. m, e. 73.
NUMIDIE ET MAURITANIE. 77
a des guerres de Ëertorius et de Mithri rière lui des ennemis prêts à recom
« date ébranlaient la république, d'ob mencer la lutte. Tibère la considéra
«tenir un traité qui lui garantit le cependant comme terminée, et permit
«pardon; et l'empire, au faite de la que Blésus fût salué par ses légions
en puissance, se rachèterait par la paix, du nom d'imperator. Nul n'obtint plus
« et par des concessions de territoire, ce titre après lui (22). »
« des brigandages de Tacfarinas! » Il NOUVELLES coUnsEs m: TACFARI
chargea Blésus d'offrir l'impunité à NAS; IL ASSIÉGE ’IBUBUSQUE; 11. Est
ceux ui mettraient bas les armes, sUnPnIs un DOLABELLA, E1‘ su
mais e s'em arer du chef à quelque DONNE LA mon (24 de'notre ère). —
prix que ce f t. ‘ Ce ne fut que deux ans après que
«Beaucoup de rebelles profitèrent l'Afrique romaine fut délivrée de Tac
de l'amnistie. Bientôt, aux ruses du farinas. «Jusqu'alors nos généraux,
Numide on opposa le genre de guerre contents d'obtenir les ornements du
dont il donnait l'exemple. Comme ses triomphe, laissaient reposer l'ennemi
troupes, moins fortes que les nôtres, dès qu'ils croyaient les avoir méri
et meilleures pour les surprises ne tés (*). Déjà trois statues couronnées
pour le combat, couraient par ban es de lauriers s'élevaient dans Rome, et
détachées, attaquant tour a tour ou Tacfarinas mettait encore l'Afrique au
éludant les attaques et dressant des pillage. Il s'était accru du secours des
embuscades, l'armée romaine se mit Maures, quia abandonnés par la jen
en marche dans trois directions et sur nesse insouciante de Ptolémée, fils de
trois colonnes. Le lieutenant Corné J uba, au gouvernement de ses affran
lius Scipion ferma les passages par où chis, s'étalent soustraits par la guerre
l'ennemi venait piller le pays de Lep à la honte d'avoir des esclaves pour
tis, et se sauvait ensuite chez les Ga maîtres. Recéleur de son butin et com
ramantes. Du côté opposé, le fils de pagnon de ses ravages, le roi des Ga
Blésus alla couvrir les bourgades dé ramantes, sans marcher avec une ar
pendantes de Cirta. Au milieu, le gé mée, envoyait des troupes légères, que
néral luiumême, avec un corps d'élite, la renommée grossissait en proportion
établissait dans les lieux convenables de l'éloignement. Du sein même de la
des postes fortifiés; de sorte que les rovince, tous les indigents, tous les
barbares, serrés, enveloppés de toutes ommes d'une humeur turbulente,
parts, ne faisaient pas un mouvement couraient sans obstacle sous les dra
sans trouver des Romains en face, sur peaux du Numide. En effet, Tibère,
leurs flancs, souvent même sur leurs ‘croyant l'Afrique purgée d'ennemis
derrières. Beaucoup furent tués ainsi, par les victoires de Blésus, en avait rap
ou faits prisonniers. Alors Blésus sub pelé la neuvième légion; et le promu
divisa ses trois corps en plusieurs sul de cette année, P. Dolabella, n'a
détachements, dont il donna la con vait osé la retenir: il regrettait les
duite à des centurions d'une valeur ordres de César encore plus que les
éprouvée; et, l'été fini, au lieu de re périls de la guerre.
tirer ses troupes, suivant la coutume, « Cependant Tacfarinas ayant semé
et de les mettre en quartiers d'hiver le bruit que la puissance romaine, en
dans notre ancienne province, il les tamée déjà par d'autres nations, se
distribua dans des forts qui cernaient retirait peu à peu de l'Afrique, et
pour ainsi dire le théâtre de la guerre. n'en envelopperait facilement le reste
De là , envoyant à la poursuite de Tac es nôtres, si tous ceux qui référaient
farinas des coureurs qui connaissaient la liberté à l'esclavage vou aient fon
les routes de ces déserts, il le chassait dre sur eux , au mente ses forces,
de retraite en retraite. Il ne revint campe devant Thu usque (”), et inves
qu'après s'être emparé du frère de ce
chef; et ce fut encore trop tôt pour (‘) TaciL, Ann., 1. w, c. :3.
le bien des alliés, puisqu'il laissait der (") Thubusque est, selon Mannert (page
78
tit cette place. Aussitôt Dolabella nul ordre, nul mouvement calculé; ils
rassemble ce qu’il a de soldats; et, se laissent entraîner, égorger , pren
grâce à la terreur du nom romain, dre comme des troupeaux. irrité par
jointe à la faiblesse des Numides en le souvenir de ses fatigues, et joyeux
présence de l'infanterie , il chasse les d'une rencontre désirée tant de fois
assiégeants par sa seule approche, for et tant de fois éludée , le soldat s'eni
titie les postes avantageux, et fait tran vrait de vengeance et de sang. On fit
cher la tête à quelques chefs musu dire dans les rangs de s'attacher à Tac
lans qui préparaient une défection; farinas , connu de tous après tant de
puis, convaincu, par l'expérience de combats; car si le chef ne périssait,
plusieurs campagnes , qu'une armée la guerre n'aurait jamais de fin; mais
pesante et marchant en un seul corps le Numide, voyant ses gardes renver
n'atteindrait jamais des bandes vaga sés, son fils prisonnier, les Romains
bondes, il appelle le roi Ptolémée avec débordant de toutes parts, se préci
ses partisans, et forme quatre divi pite au milieu des traits, et se dérobe
sions, qu'il donne à des lieutenants ou à la captivité par une mort qu’il fit
à des tribuns. Des officiers maures payer cher. La guerre finit avec lui. 1»
choisis conduisaient au butin des trou— Ainsi périt Tacfarinas , aussi héroï
pes légeres; lui-même dirigeait tous qnement que Spartacus , et après une
les mouvements. lutte glorieuse contre Rome. Le roi
« Bientôt on apprit que les Numi des Garamantes fit sa soumission , et
des, réunis près des ruines d'un fort Ptolémée fut récompensé par le'sénat.
nomm'é Auzéa , qu'ils avaient brûlé L'histoire de Tacfarinas méritait d'au
autrefois , venaient d'y dresser leurs tant plus d'être rapportée entièrement,
huttes et de s'y établir, se fiant sur la que ce chef semble revivre de nos
bonté de cette position, tout entourée jours dans le prince africain qui op
de vastes forêts. A l'instant des es pose en ce moment aux armes de a
cadrons et. des cohortes, libres de France une résistance si acharnée. L'a
tout bagage, et sans savoir où on les nalogie est frappante : la tactique et
mène , courent à pas précipités. Au les ruses du chef actuel des tribus
jour naissant, le son des trompettes et africaines sont les mêmes que celles du
un cri effroyable les annonçaient aux Numide. Or, si les Romains , après
barbares à moitié endormis. Les che une occupation déjà longue , emplo è
vaux des Numides étaient attachés, ou rent sept années à réduire ce rebe le,
erraient dans les pâturages. Du côté faut-il s'étonner si nous n'avons pu
des Romains , tout était prêt pour le encore, aux débuts de notre établisse
combat, les rangs de l'infanterie ser ment dans ce pays, dompter un ennemi
rés, la cavalerie a son poste. Chez les dont les ressources sont, sans contre
ennemis, rien de prévu :point d'armes, dit, plus considérables ue celles de
Tacfarinas , et qui , de p us , agit sur
5 19), la même ville que’l‘ubusuptus, placée des populations encore fanatiques ,
par l'itinéraire d'Antouin à 38 milles de non - seulement par l'autorité mili
Guide, entre ce port et Sitifis. C'était une taire, mais par l'influence plus grande
des principales villes de l'intérieur. La carte de la religion?
de Shaw nomme cet endroit Burgh. On CALIGULA SÉPAR! ms Aurons
Voit, comme le remarquent les auteurs des
Recherches sur l'Afrique septentrionale, L’AnmmsTaA'rmN CIVILE m L'an
que le théâtre de cette guerre etait la partie mms'rna'rron murmura-Quoique
maritime de la province de Sitifis; Tacfa Tacfarinas fût abattu , l'Afrique con.
rinas porta toujours ses efforts sur ce point. tinuait toujours à donner du souci
Mais sa retraite était au sud; et quand on aux empereurs. Les nomades ne se
parvenait à le chasser, il fallait guerroyer fixaient pas encore , et l'intérieur du
vers le désert, et loin à l'est vers la Tri 0 pays était éternellement agité. On
lilaine, puisque'les' Garamanles ses aliies avait tout à craindre d'une province 81
habitaient la région actuelle du Fezzan. turbulente, où , comme en Égypte, le
NUMIDIE ET MAURITANIE. 79
rébellion séjournait dans le peuple, ehangement est rapporté aux temps de
et pouvait facilement entraîner les Dioclétien; mais il n'en est fait men
gouverneurs. Et cependant il impor tion la première fois que dans la no
tait de maintenir ce pays riche et po tice de l'empire d'Occident.
puleux, qui nourrissait Rome et I’Ita ÉTAT DE LA NUMIDIB m: 1)! LA
ie. Aussi Caligula sépara l'adminis MAUBITANIR sous Las ANTONINS;
tration militaire dans les provinces INCUBSIONS DES GÉTULES s1‘ mas
d'Afrique. Le proconsul n'eut plus le Mamans; CHANGEMENTS DANS L’An
commandement des armées , et, là où mN1srnA'r1oN.-—L’histoire de la Nu
il y avait deux pouvoirs et deux hom midie et de la Mauritanie, dans les
mes, l'union pour la révolte devenait deux premiers siècles de l'empire, se
plus difficile. Bien plus, les dissensions résume en deux faits : efforts des
des deux chefs, toujours en désaccord princes pour acclimater sur le sol
sur les limites de leurs attributions, africain la civilisation romaine; dé
étaient pour l'empereur une nouvelle fense des frontières contre les barba
cause de sécurité. Caligula avait pris res du sud, qui les franchissaient fré
cette mesure au moment où il confiait guemment. Déjà , au temps de Pline,
le proconsulat d’Afrique à M. Silanus, état social des anciens royaumes
dont le rang et l’illustration étaient de Juba et de Boccbus était grande.
bien ropres à lui inspirer des défian ment modifié. La Mauritanie césa.
ces. ‘ette disposition fut maintenue, rienne renfermait au moins treize co
et appliquée plus tard à toutes les au lonies romaines , trois municipes li
tres provinces. Ce fut une des grandes bres, deux colonies en possession du
modifications introduites par l'empire droit latin, et une jouissant du droit
dans l'ancienne administration répu italique. Toutes les autres villes étaient
blicaine. des villes libres ou tributaires. La Nu
LA MAUBITANIE DEVIENT PRO midie avait douze colonies romaines
vmcs ROMAINE (42 de notre ère). ou italiques, cinq municipes, et trente
Le règne de Claude complète la con et une ville's libres : les autres étaient
quête de l’Afriqne septentrionale , en soumises au tribut (').
effectuant la réunion de la Mauritanie. Les incursions des Musulans, des
Les deux nouvelles provinces formées Gétules et des autres tribus du désert,
alors, la Tingitaue et la Césarienne, avaient commencé dès le principat
furent au nombre de celles qui dé d’Auguste , et rarement les posses
pendaient de l'empereur, car il y fallait sions romaines furent en repos par le
entretenir des forces considérables. voisinage de ces barbares. On manque
Chacune était gouvernée par un pro de documents sur les actes d’hostili
curateur. Elles étaient séparées l'une tés qui avaient lieu continuellement
de l’autre par le fleuve Mulucha. Plus de part et d'autre. Seulement, on ren
tard, à une époque où les empereurs contre par intervalles, dans les histo
adoptèrent le système de subdiviser riens, de rares et courtes indications.
les provinces, la Mauritanie césarienne Ainsi on sait, par le biographe d’A
fut partagée en deux régions. Tout ce drien, Spartianus , qu'un certain Lu
qui était à l'ouest du port de Saldæ sius Quiétus ayant soulevé plusieurs
jusqu’au Mulucha, conserva le nom de tribus de la Mauritanie , dont il avait
Cæsariensis : depuis Saldæ jusqu'à le commandement, l'empereur chargea
l'Ampsaga , on créa la province de Martius Turbo de pacifierla province.
Mauritam‘a Sitifemis, ainsi appelée Ce général, formé ‘a l'école de Trajan,
de Sitifis (Sétif) , sa capitale( ). Ce quitta la Palestine, où il avait réprimé '
la turbulence des J uifs, et calma l’agiâ
(') Sitilis (Sétif) n'avait in! en d'im
portance sous les rois nulni es; c'était une vint très-prospère; des routes y aboutis
ville de l'intérieur. Les empereurs en firent saiont de loules les directions.
un centre considérable, l'agriculture y de (') Recherches sur'l’Afrique sept, p. u.‘
80
tation de la Mauritanie. Une statue que et dans la Bétique. En effet, dans
fut élevée en son ‘honneur. cette province sénatoriale, ñous voyons
Antonin força aussi les Maures rebel un P. Tullius Varro procurateur de la
les à demander la paix. Voici comment Bétique, c’est-à-dire gouverneur de la
Pausanias parle de cette guerre: « L’em Bétique au nom de l’empereur. Dans
pire, dit-il, fut attaqué parles Maures, ces inscriptions, où l’ordre de préémi
geuplade la plus considérable des Li nence des titres est très-régulier, le
yens indépendants. Ces Maures. noma mot procurateur succède à celui de
des comme les Scythes, sont bien plus légat progre’teur, et précède celui de
difficiles à vaincre ue ces peuples, préteur. r, Capitolin nous apprend
uisqu’ils voyagent a cheval, eux et que Marc-Aurèle fut contraint, par
eurs femmes, et non sur des cha es nécessités de la guerre, de changer
riots. Antonin les ayant chassés de la hiérarchie établie pour les provin
toute la partie del’Afrique soumise aux ces.
Romains, les repoussa aux extrémités « De même I’Afrique, province sé
de la Libye, dans le mont Atlas, et natoriale dont ce même Varron avait
sur les peuples voisins de cette chaîne.» été proconsul , s’était révoltée plus
Sous le règne de Marc-Aurèle, les tard , on avait été attaquée par les
dangers de l‘empire devinrent plus Maures, puisque MarcuAurèle y envoya
graves. Les barbares, comprenant que des troupes et la rendit province im
ce grand corps s’affaiblissait enfin, l’at périale : le gouverneur Dasumius n'eut
taquèrent avec un acharnement in plus dès lors ue le titre seul de légat,
croyable. Depuis ce temps, Rome ne ou celui de l gat propréteur.» Ainsi,
songea plus à envahir, s’estimant heu le danger del’em pire et l'intérêt public
reuse de pouvoir préserver ses fron forcèrent Marc-‘Aurèle à compléter ces
tières. Les Maures (et par ce mot il usurpations sur les droits du sénat, que
faut entendre les peuples indomptés les premiers empereurs avaient com.
voisins'de l’Atlas) ne furent pas les mencées par défiance et par tyrannie.
moins ardents ni les moins dangereux. L’unIQun sous LES SEVÈBES ; PRO
Julius Capitolinus, dans la vie de GnÈs DE LA CIVILISATION; ÉDIT DE
Marc-Aurele , nous révèle sur leurs CABACALLAV. — Cependant, à mesure
tentatives un fait important et cu ue la civilisation romaine se répan
rieux: a Ni les garnisons romaines, ni ait dans l’Afrique occidentale, cette
le détroit de Gadès, n’empéchèrent les contrée exerçait une influence de plus
hordes de I’A'tlas de prendre l’offen en plus grande sur les destinées généra
sive, de pénétrer en Europe, et de ra les de l’empire. Au commencement du
vaîer une grande partie de l’Espagne. troisième siècle de notre ère, l’homme
Te est du moins le sens qui semble qui gouvernait le monde romain était
ressortir des paroles un peu vagues de né en Afrique. C’était Septime Sévère.
Jules Capitolm ("), à moins u’on ne Il est vrai qu’iletait de Leptis, dans la
veuille supposer que ces hostl ités,ré province proconsulaire; mais il regar
primées enfin par les lieutenants de dait l'Afrique tout entière comme sa
’empereur, s’exerçaient par mer, et patrie, et ellefut toujours pour ce prin
qu’il y avait déjà alors sur les côtes ce un pays de rédilection. Ce n'était
d’Afrique des corsaires ou des pirates, lus Rome seu ement qui agissait sur
comme de nos jours nous en avons vu es provinces : celles-ci devaient domi
sortir des ports d’Alger. ner tour à tour dans la cité qui les avait
n Les inscriptions découvertes en conquises. La Gaule et l’Espagne
1829. à Tarquinies, prouvent qu’il y avaient placé sur le trône impérial les
eut des mouvements sérieux en Afri remiers empereurs'étrangers à I’Ita
ie : l'Afrique et la Syrie donnèrent la
(') Jul. CIpit, Ant. Philos., ut : u Cum dynastie des sévères. Une foule d’A
Mnurl lilupnnlu prope omnes valurent. t‘rlcnlnl, venus à Rome nous ces prin
ru per legalos bene gulæ mnt. nu ces. y brlllèrent au premier rang ,
NÜMIDIE ET MAURITANIE. et
à l'armée . au barreau, dans la littéra traversait à- désavouer Gordien.,Ce
ture. La Numidie, la Mauritanie elle lui-ci opposa son fils à cette attaque
méme présentaient partout l'aspect imprévue. Mais Capelien avait la répu
d'une terre civilisée. Des routes nom tation d'un vieux soldat plein d'ex‘pé
breuses et sûres, sillonnaient ces con rience et de bravoure; son adversaire
trées en tous sens, en loneeant les était plutôt connu par son luxe et ses
côtes, ou en énétrant dans les villes débauches que par ses talents militai
importantes e l'intérieur. Bientôt l’é res. Dans la bataille qui se livra, le
dit de Caracalla éleva tous les habi jeune Gordien fut vaincu et tué; son
tants libres de l'empire au rang de ci corps, enseveli sous un monceau de
toyens (216), et il n'y eut plus entre cadavres, ne fut retrouvé que plusieurs
les hommes d'autre distinction que jours après. A cette triste nouvelle,
celledeRomainsetd’esclaves.Cette me e vieux Gordien, considérant l’infé
sure n'avait as seulement pour objet riorité de ses forces, les ressources de
d'augmenter e nombre des contribua Capelien, l'instabilité de la foi afri
bles , elle tendait encore à multiplier caine, résolut de se donner la mort.
les ressources militaires de l'Etat et à Il se pendit. Le vainqueur usa cruel
faciliter sa défense, en donnant à tous lement de son triomphe; il dressa des
le droit d'être enrôlés dans les légions. échafauds, prononça des confiscations,
Du reste, on ne trouve aucune indica et n’épargna aucun des ennemis de
tion particulière sur la Numidie ou la Maximin: même les villes et les tem
Mauritanie à cette époque, excepté ces ples furent livrés au pillage, et le bu
mots de Lampride dans la vie d'A tin abandonné aux soldats. Capelien
lexandre Sévère : « Furius Celsus changea l'administration municipale
remporta des avantages dans la Mau des villes , et se rendit cher aux trou
ritanie Tingitane (*). » pes et à la populace. Cet ancien inten
TROUBLES EN AFRIQUE A LA MORT dant de la Mauritanie aspirait à la
n’ALnxANnnE snvitmt ; LES maux pourpre impériale , et préparait les
GORDIENS; ILS SONT VAINCUS un voies pour succéder à Maximin. On
CAPELIEN (237 et 238 de notre ère). ne sait rien sur la fin de sa carrière
—Alexandre Sévère ayant été assas (23s).
siné par le Goth Maximin, toutes les GALLIEN; INcUnsmNs DES FRANCS
provinces virent avec effroi ce barbare nu usunrnma‘; TREMBLEMENT DE
maître de l'empire. L'Afrique donna renne; L'UsUnrA'rann CELSUS ( de
l'exemple du soulèvement; le vieux 260 à 268 de notre ère). — Le règne
Gordien, qui la gouvernait, fut pro de Gallien fut signalé par des calamités
clamé à Tysdrus; il prit son fils pour et des hontes de toute espèce. Pendant
collègue, et le sénat les reconnut. Mais que l'anarchie intérieure semblait près
les deux Gordiens, proclamés en Afri de dissoudre l'empire , les barbares en
que, y trouvèrent aussi la ruine de ravageaient impunément les provinces.
leurs espérances et leur fin. La Mau Les Francs, après avoir tranchi le
ritanie avait pour gouverneur un cer Rhin, se répondirent dans la Gaule et
tain Capelianus, ennemi personnel de‘ dansl’Espagne. Lorsque le pays, épuisé
Gordien , et dévoué à Maximin. A après douze ans de ravages, ne leur
peine empereur, Gordien destitua Ca offrit lus de butin , ils s'emparèrent
pelien, et lui donna un successeur. de que ques vaisseaux dans les ports
Mais Capelien ayant réuni une armée d'Espagne, et passèrent en Mauritanie.
composée de Maures d'élite et d'autres « Quel dut être, dit Gibbon , à la vue
troupes rassemblées à la hâte, marcha de ces peuples féroces, l'étonnement
sur Carthage, forçant. les pays qu'il d'une région si éloignée? Lorsqu'ils
abordèrent sur la côte d'Afrique, où
l'on ne connaissait ni leur nom, ni
c‘) Aciæ'runi res féliciter et lu Maurita
uia Tiugiiana per Furium Celsum (c. Mm). leurs mœurs, ni leurs traits, ils pa
6' Livraison. (Nomme nr Mwmrmm.) 6
82
rurent sans doute tomber tout à coup ment l'Afrique}: Ces Quintquégentiens,
d'un nouveau monde (*). 2 Cette inva que plusieurs ont placés ans la Pen
sion passa sans laisser de traces; tapole, étaient des tribus voisines de
mais les Francs avaient indiqué la la Mauritanie 0') romaine, des Mau
route que les Vandales devaient sui res indépendants. Ces peuples étaient
vre deux siècles plus tard. Trébellius _ resque toujours armés les uns contre
Pollion mentionne aussi à cette époA es autres , comme le fait comprendre
que un terrible tremblement de terre Claudius Mamertinus, à travers l’em
qui bouleversn toute la Libye. La phase de son st le de rhéteur. « Là où
terre s‘entr‘ouvril; en plusieurs en‘ se perd la lumière, dit-il, ‘a l'endroit
droits, et la mer reflua sur les rivages où le mont Calpé se tourne vers le ri
et engloutit plusieurs villes. Toute vage de la Tingitane , et ouvre à l'O
fois, la Mauritanie et la Numidie fu céan le sein de la Méditerranée, les
rent a peine agitées par les désordres nations s'acharnent contre leur‘ ro
qui éclatèrentà cette époque où paru! pre sang. Privées du bonheur ‘a
rent les trente tyrans. Celsus , le seul partenir aux Romains, elles portent a
nsurpateur qui parut en Afrique; ne peine de leur indomptable férocité.
fut reconnu que par la Libye et la La nation des Maures se déchire les
proconsulaire, et encore son règne ne entrailles avec fureur, etc... » Cepen
dure que sept- jours. Ainsi, l’Afrique dant cette invasion des Maures indé
occidentale resta fidèle à Gallien. pendants dans la province romaine
EXPLOITS DE PnoBUs EN unique; semble prouver qu'ils avaient fait trêve
comme ne MAXIMIEN comme LES à leurs hostilités, pour piller ensem
QUINQUÉGENTIENS (297 de notre ère). ble les terres de l'empire. Maximien
— Probus , avant d'être empereur , lit dompta les Quinquégentiens. « Tu as
glorieusement la guerre en Afrique. vaincu , dit Mamertinus dans le pané
« Il combattit avec courage les Mar gyrique qu’il adresse à ce prince, tu
marides, dit Flavius Vopiscus, et les as soumis, tu as déporté les sauva es
vainquit. Etant passé de la Libye à tribus des Maures, malgré les mon a
Carthage , il y réprima les rébellions. gnes inaccessibles et les remparts na
Il provoqua et tua en combat singulier turels qui les protégealent. » Quant à
un chef de tribus africaines , nommé Julianus,'il fut réduit à se donner la
Aradion; et comme il avait reconnu mort.
en lui de la fermeté et de la bravoure Ce fut après avoir terminé cette
il lit élever en son honneur un grand guerre que Maxlmien opéra quelques
sépulcre : ce monument a 200 pieds changements dans l'administration de
de largeur, et il subsiste encore. Il le la Numidie et de la Mauritanie. La
fit élever par ses soldats , qu’il ne lais Numidie devint province consulaire.
sait jamais dans l'oisiveté ("). » La Mauritanie Sz‘tzZ/‘ensis fut détachée
Sous Dioclétien, les Mauritaniës et de la Césarienne, et la Tingitane fut
l'Afrique furent désolées par une réunie à l’Espagne, et en forma la sep
guerre sérieuse qui nécessita la pré tième province. .
sence de Maximien. Cet événement usunpumn D’ALnxANnnEmAxaN
n'est qu'indiqué dans Aurélius Victor, ce LE BENVERSB; IL orrnma L’A
Eutrope et les panégyristes. Point marqua; GOUVERNEMENT m; CONS
d'explications ni de détails; car, à cette TANTIN. —Dioclétien avait rétabli la
époque de décadence littéraire, l’his grandeur et la tranquillité de l'empire.
toire dé énère tout à fait en chroni La tétrarchie, en divisant le pouvoir,
ne. c Ju ianus et les Quinque’gentiens, rendait la défense des frontières plus
it Aurélius Victor, agitaient violem facile; mais quand Dioclétien se fut
retiré à Salone, les Augustes et les Cé
(") Gibbon, Décad. de l’emp. romain,
t. n, p. r33. (’) Voyez la note de M. Marcus, p. 717‘
C’) Flav. Vopisc. , Vie de Proî)., ch. rx. de la traduction de Mannert.
NUMIDIE ET MAURITANIE. 83
sars qu'il laissait après lui devinrent rement modifié l'état des esprits ; d'ail
tous rivaux. A la faveur de leurs dis leurs Constantin la combla de bienfaits,
sensions , un usurpateur s’éleva en et, depuis trois siècles, la reconnais
Afrique. C'était un Pannonien appelé sance envers les empereurs se manifes
Alexandre', de la plus basse origine, tait par leur apothéose. En 322, Cons
qui se maintint pendant trois ans dans tantin rendit un édit destinéà soulager
la contrée ( 308-311 ). Maxence , in l'Afrique de la profonde misère où la
quiété par Constantin, fut contraint tyrannie de Maxence l'avait plongée. Il
de le laisser jouir quelque temps de dit dans ce décret qu'il a appris que des
son usurpation. Mais, avant de lutter parents, pressés par le dénûment, ven
contre le fils de Constance Chlore, il daientleurs enfants, qu'ils ne pouvaient
renversa ce faible et'méprisable ad plus nourrir; il indique les secours à
versaire. Il envoya Volusianus, préfet donner à ces malheureux, et la source
du prétoire, avec quelques cohortes, où il faut les puiser; il accorda aussi une
et il suffit d'un co, ai; pour dépouil diminution d'impôts, et affranchit les
ler Alexandre. M ence désola Car provinces agricoles d’Afrique des tri
thage et toutes les plus belles parties buts de blé et (l'huile qu'elles avaient
de l'Afrique par ses cruelles vengean d'abord offerts volontairement à Se
ces , et s’y rendit aussi odieux qu'en time Sévère, et qui s'étaient changes
Italie. « Il paraît certain que la Numi depuis en contributions régulières et
die avait aussi accepté la domination forcées.
d'Alexandre, et même que ce timide ÉTAT RELIGIEUX DE ‘L'AFRIQUE AU
usurpateur, après avoir perdu Car QUATRIÈME SIÈCLE ; scHIsME DES
thage presque sans combat , s'était, nonursres-Mais un mal auquel
comme Adherbal, réfugié sous l'abri Constantin ne put remédier, ce furent
de la position forte de Cirta. Telle est, les dissensions religieuses qui éclatè
du moins, l'induction très - probable rent en Afrique quelques années a rès
qu'on peut tirer de la phrase d'Auré la défaite de Maxence. Aux rivalités
lius Victor , qui nous dit, avec sa con des ambitieux qui se disputaient le
cision ordinaire, que Constantin, vain siége primatial de Carthage se joigni
queur de Maxence, fit relever, embel rent les ardentes controverses d'héréA
lu la ville de Cirta, qui avait beaucoup tiques opiniâtres, et le schisme des
souffert dans le siége d'Alexandre, et donatistes prit naissance. Il dura trois
qu’il lui donna le nom de Constan siècles, et ne disparut de l'Afrique
tine (3*). » qu'avec le christianisme même. Il y
Lachute de Maxence excita dans tou eut deux évêques hérétiques du nom
tes les provinces qu’il avait opprimées de Donat : le premier , qui occupait le
la joie la plus vive. Constantin fut sa siége de Cases noires en Numidie,
lué comme un libérateur. Par une con commença le schisme vers 305, en re
tradiction singulière, le premier empe fusant d'admettre à la communion les
reur chrétien toléra et encouragea en traditeurs, c’est-à-dire ceux qui avaient
Afrique le culte idolâtrique de sa per livré les saintes Ecritures pendant la
sonne; il fit ériger un temple et institua persécution de Dioclétien. Il fit dépo
un collège de prêtres en l honneur de la ser Cécilien , évêque de Carthage, qui
famille flavienne, dont il se disait des usait d'indulgence envers les tradi
cendu. Une inscription prouve que ce teurs; mais il fut lui-même excommu
culte existait encore au temps de Cons nié par le pape Melchiade (313) et par
tance. Telle était la force des habitudes lusieurs conciles. Cependant Ceci
et des préjugés du paganisme; l'Afri ien fut réélu primat d’Afrique; mais
que se prêtait volontiers à cette ado-_ les évêques de Numidie , qui n'avaient
ration de la créature humaine,car«la foi point pris part à cette décision , se dé
chrétienne n’y avait pas encore entie clarèrent, au nombre de soixante-dix,
our un second Donat,*homme ha
l’) Recherches sur l’Afrique sept, p.36. ile, et qui affectait les dehors de la
6.
84
vertu la plus austère (316). Pour em contentement plus légitime. Vers la
pêcher ces déchirements de l’Eglise fin du règne de Valentinien I", l’Afri
d’Afri‘que, le ape et l’empereur irr— que était gouvernée par le comte Ro
tervinrent; et es décrets des conciles manus; plusieurs villes, 0 primées
d’Arles et de Rome , le jugement su par son odieuse tyrannie, emandè
prême de Constantin, dans son sacré rent justice à l'empereur. Romanus
Consistoire , reconnurent les droits de éluda , à force de ruses et d’intrigues,
Cécilien. L'exil fut prononcé contre une condamnation méritée, et les ré
les chefs du parti opposé; néanmoins, clamations de ces malheureuses cités
les donatistes se maintinrent dans plu ne servirent qu’à aggraver leur sort
sieurs ' provinces , particulièrement (371). Cette iniquité déposa dans tous
en Numidie, et quatre cents évêques les cœurs les germes d’une irrita
reconnurent l'autorité de leur primat. tion profonde , présages d’un soulève
u Mais l’invincible esprit de secte , dit ment .terrible. Enfin , les tribus bar
Gibbon, dévorait les entrailles de la bares , châtiées par Maximien, n’at
secte même , et l’Eglise schismatique tendaient aussi que le moment de se
était déchirée par _des dissensions in venger de ses rigueurs. Tout était fa
testines. Le quart des évêques donatis vorable à la révolte, et il ne fallait
tes suivaient la doctrine indépendante u’un chef pour commencer l’attaque,
des maximianistes. Le sentier étroit et iriger les forces des mécontents, et
solitaire que’ leur avaient marqué leurs opérer la séparation que tant d’hom
premiers conducteurs les éloignait de mes regardaient comme le seul remède
plus en plus du genre humain; et la à leurs maux.
petite secte , à peine connue sous le mâvom-e ne rnuuus; ss NAIS
nom de rogatiens , affirmait avec as SANCE; muse m; sa nÉBeLLIoN; IL
‘surance que si le Christ descendait du PILLE césures (371 de notre ère).—
ciel pour juger les humains, il ne re Ce chef tant désiré ne tarda pas à
connaîtrait la pureté de sa doctrine araître: ce fut le Maure Firmus,
que dans quelques villages obscurs homme influent, actif et habile, réu
e la Mauritanie Césarienne ("). u Irri nissant toutes les conditions nécessai«
tés par la persécution , les donatistes res à son rôle, et qui, dans l’histoire
prirent les armes: un grand nombre des résistances de l'Afrique contre
d’habitants des campagnes , enrôlés Rome, se place, par son esprit de
dans la secte des circoncellions, por ruse et sa bravoure , au-dessus de Tac
tèrent de tous côtés le ravage et l’in farinas et à côté de Jugurtha. Le
cendie. Constantin fut obligé de les même intérêt que nous avons trouvé
combattre, et on en lit un ‘grand car dans les autres guerres soutenues
nage. Ces troubles funestes nuisirent pour l’indépendance africaine se te
à la prospérité du pays, affaiblirent trouve encore dans cette dernière lutte,
l'autorité impériale , et encouragèrent qui nous offre aussi des rapproche
les révoltes des tribus indigènes. ments curieux et des leçons profita
HÉCONTENTBMRNT GÉNÉRAL mas bles. Malheureusement nous n’avons
PnovrNcEs AFRICAINES. — Ainsi , le plus pour guides des historiens comme
schisme des donatistes cessa d’être Tacite ou Salluste; la tentative de
une simple révolte contre l'unité de Firmus ne nous est racontée que dans
l'Église.‘ Ces fanatiques , proscrits par un des chapitres les plus mutiles d’Am-‘
les empereurs , aspirèrent à se sé a mien Marcellin ('). Cependant il faut
rer del empire. et conspirèrent à la ibis rendre à cet écrivain cette justice, qu’il
4 contre la société politique et contre la était habile homme de guerre, ins
communion chrétienne. Il existait en truit en géographie , et ami de l'exac
core en Afnque des causes d’un mé titude et de la vérité. D’ailleurs , Til

(') Gibbon, Décad. de l'empire romain; (f) Amm. MarceL, liv. nu, ch. au et
1.. IV, p. 165 ,'ch. xxr. suiv.
NUMIDIE ET MAURITANJE. 85.
lemont a éclairci toutes les difficultés la ville d'Arles avec une petite flotte,
chronologiques ; les savants acadé et vient aborder sur la côte de la Mau
miciens cités plus haut ont discuté ritanie Sitifensis, que les habitants ap
tous les points de géographie avec une pellent lgilgitaine(‘). Romanus se trou
grande netteté; et, au moyen de tels .vait alors par hasard sur le même ri
secours. ou peut venir à bout de l'in vage : Tbéodose eut une entrevue avec
suffisance et des obscurités du texte lui, et, après quelques légers reproches
de l'auteur ancien. sur ce qui s'était passé, il le chargea
Firmus était fils de Nubel, puissant de surveiller les avant-postes et les
chef de tribus mauritaniennes. A sa frontières de la Césarienne. Il dépécha
mort. Nubel laissa une nombreuse pos vers Carthage Gildon , un des frères
térité, qui se disputa sa riche succes de Firmus, et Maximin , pour obser
sion; et dans ces querelles, Zamma , ver la conduite de Vincentius, le com
l'un de ses fils, fut tué par son frère plice des exactions de Romanus , qui
Firmus. Romanus, dont Zamma avait 'avait laissé dans cette ville en qualité
su se concilier la faveur, poursuivit la de vice-gouverneur. Ainsi Théodose
vengeance de ce meurtre lutôt par concentrait toute l'autorité entre ses
des motifs d’avarice ou de laine per mains avant de commencer cette lutte,
sonnelle que par amour de la justice , dont il ne voulaitétre distrait par au
qui cette fois cependant était de son cun embarras. Après avoir reçu des
côté. Il ne négligea rien pour perdre renforts, il pénétra dans l'intérieur du
Firmus, suscita contre lui des déla pays, et s'assura de Sitifis, qui était
teurs, qui aggravaient son crime en le restée fidèle, et qui fut le centre de
calommant auprès du prince. ll enleva ses opérations. Il ne se dissimulait pas
à l'accusé tout moyen de justification. toutes les difficultés de cette guerre,
Firmus comprit que sa perte allait se et nous le voyons dans Ammien médi
décider dans le Consistoire impérial; ter soucieusement son plan de campa
et, pour échapper à une condamnation gne. __« L'esprit rempli d’incertitudes ,
que le crédit de son adversaire ren 1l s’efforcait de trouver par quels
dait certaine, il prit les armes, et ap moyens 'il pourrait manœuvrer sur
pela les Africains à la révolte. De tou cette terre que l’ardeur du soleil avait
tes parts ou accourt à sa voix, et sa . brûlée , avec des soldats habitués aux
première tentative est de marcher sur frimas du Nord; comment il parvien
Césarée et de la livrer au pillage; puis drait à surprendre un ennemi agile et
il se fait reconnaître d'une grande par insaisissable, et combattant plutôt par
tie de la Numidie et de la Mauritanie surprises qu’en batailles rangées. » Les
césarienne. Malgré le silence d’Am obstacles du terrain semblaient insur
mien Marcellin , un passage de saint montables. « C’était dans la région la
Augustin , confirmé par les textes plus âpre et la plus escarpée de l'Afri
d’Aurélius Victor, d’Orose, et par que qu’existait e foyer le plus ardent de
l’exergue d'une monnaie , font soup l insurrection. C’est ce reseau de mon
çonner que Firmus prit la pourpre et, tagnes abruptes , c’est cet amas de
se fit proclamer empereur. orges, de défilés, de pics, de lacs et
LE cours THÉODOSE EST CHARGÉ e torrents qui se croisent sans inter -
DE LA GUERRE coNTns FIRMUS. ses ruption de Sétif à Cherche], entre les
PREMIÈRES OPÉRATIONS. IL sa PORTE deux chaînes de l'Atlas; c'est cette
A SITIFIS (372 de notre ère). —- Ces contrée presque inviable que Firmus
hardis commencements inspirèrent à avait habilement choisie pour y ame
Valentinien’une vive-inquiétude , et il ner les Romains et en faire le théâtre
envoya, pour châtier l'usurpateur, le de la guerre (**). n
meilleur de ses généraux, le comte (‘) Il dut prendre terre au port de Gi
Théodose, qu’Ammien compare à Cor gelli, que Shaw appelle Jigel, et qui se
‘bulon et aux plus habiles lieutenants trouve entre Bougie et le cap Bougiarone.
de Trajan. Théodose part sans bruit de ("’) Recherches sur l'Alriq. sept. , p. 3a.
8B
FIKMUS ESSAYE DE TROMPE]! ‘méc dus Petrensis (*), que l’un des frè
DOSE. — Firmus,
d’un caractère outre les avantages
persévérant, possédäait res de Firmus, Salmacès, venait de
faire construire avec une somptueuse
encore les ressources d’un esprit rusé magnificence. Non loin du théâtre de
et perfide. Pour inspirer à Théodose cette première bataille était la ville de
une fausse confiance, il affecta, comme Lamfocta , dont Théodose s'empara à
Jugurtha à l’égard de Métellus, de dé l'instant même. Avant de pousser plus
sirer vivement la paix, et députa au chef avant, il fit amasser dans cette'ville
romain quelques-uns des siens, chargés une grande quantité de vivres et de
de lui exprimer son repentir, et de reje munitions, afin d’avoir un magasin à
ter, sur ceux qui l’avaient poussé à bout sa portée, si la disette se faisait sentir.
à force d’injustices, le tort de tout ce qui Au milieu de ces préparatifs, Mascézil,
s’était passé. Théodose promit la paix, qui avait réparé ses pertes ar de nou.
si Firmus donnait des otages; mais il velles recrues, affronte e nouveau
ne se laissa pas prendre à ces manifes l’armée romaine; mais il est vaincu
tations suspectes, et il courut vers la une seconde fois, et ne dut qu’à la
station Panchariana (*), pour y faire rapidité de son cheval de ne pas tom
la revue des légions d'Afrique qu’il y ber aux mains des ennemis.
avait réunies. Sa présence et ses paro FEINTE SOUMISSION DE FIBMUS.
les excitèrent au plus haut point l’ar 'rmâouose LUI ACCOBDE LA PAIX. n.
deur des troupes. Il était également VA A CÉSARÉE. — Firmus, découragé
cher aux habitants de la province, dont par le mauvais résultat de ces opéra
il respectait les propriétés et qu’il ga tions qu’il avait dirigées, en revint à
rantissait de tout pillage. Apres avoir sa première ruse, et demanda la paix
opéré la jonction des légionnaires et avec une grande apparence de sincé
des troupes indigènes, il marcha vers rité. Il se servit de l’intermédiaire de
Tubusuptus, ville voisine des monta prêtres du. rit chrétien, dit Marcel
gnes de Fer. Là, il rencontra une nou in, pour entamer les négociations.
velle ambassade de Firmus ; mais Ceux-ci vinrent avec des otages, et' dé.
comme elle n’amenait pas les otages , sarmèrent le ressentiment de Théo
Il la renvoya. dose, qui consentit à une entrevue avec
Théodose avait pénétré les intentions Firmus. Le Maure se présenta lein
de Firmus, et le temps d‘a ir était de défiance, et monté sur un c eval
venu. Après une course rapi e, l’ar dont la vitesse pouvait le préserver en
mée de Théodose fut aux prises avec cas de surprise. Mais arrivé en pré
les tribus des Tyndenses et des Mas sence de Théodose, il se rassura a la
sissenses, que commandaient Mascézil vue de la majesté lo ale et imposante
et Dius, deux autres frères de Firmus. de ce chef redouta le; et, mettant
On combattit d’abord de loin avec des pied à terre, il courba la tête, et ,-dans
flèches , puis une mélée furieuse s’en une humble attitude, fit l’aveu de sa‘
gagea , et l’horre‘ur de ce combat était faute et en implora le pardon. Théo
augmentée par les hurlements plain dose lui donna le baiser de paix; et
tifs des barbares blessés ou‘vfaits pri deux jours après, conformément au
sonniers. Les Romains vainqueurs se traité, Firmus restitua les prisonniers,
répandirent dans la campagne, et mi les drapeaux, son butin et ses trésors.
rent tout à feu et à sang. ‘Ce fut dans Tout fut remis à Icosium(**). Ace
ce pillage qu'ils détruisirent de fond en prix, Flrmus arrêta Théodose, obtint
comble la superbe résidence du fun
(") Tout ceci se passe dans le Séboue ,
(") Lieu inconnu , ‘a moins qu’on ne district plat et fertile, entouré de monta
veuille y voir la même chose que la station gnes, au sud de Dellys.
Paratianis, aujourd'hui Pacdana, située près (") Selon Shaw, Alger serait sur l'empla
de la mer, sur la voie romaine de Saldæ à cement d'lcosium; selon d'autres, sur celui
Hippone. d’lommum.
NUMIDIE ET MAURITANIE. 87
du temps. et put préparer de nouvelles avec eux deux chefs de la nation des
perfidies. Maziees, Bellen et Féricius. dont ils
Cette soumission du chef n'avait s'étaient rendus maîtres. Théodose or
pas entièrement pacifié le pays. Théo donna leur supplice. Après la prise du
dose le parcourut en tous sens, et, fort de Gallonas et du tort Tingitanus,
après de longues marches, il entra à Théodose envahit le pays des Mazices
Tipasa (*), où il reçut les envoyés des en franchissant la chaîne de I’Ancora
Mazices ("),peuple maurequi avait sou rins (‘); il les défait complètement, et,
tenu Firmus, et qui voulait détourner poursuivant sans relâche la résolution
la colère des Romains. Loin de les de terminer la guerre par le châtiment
entendre, Théodose répondit qu’il ne de toutes les tribus, Il entre dans la
tarderait pas à les châtier, et se remit contrée des Musones. et s'avance jus
en marche. Il visita sur son chemin la qu’au municiped'AuZia , où Tacfarinas
ville de Césarée, que Firmus avait s’était autrefois retranché, Dans cette
pillée, et qui n'était plus qu'un mon région étaient une foule de tribus
ceau de ruines. Mais pendant qu’il son différentes de mœurs et de langage,
geait à réparer les désastres de cette mais toutes animées de la même haine
malheureuse cité et à y établir deux contre le nom romain. Cyria, sœur de
légions, il apprend que Firmus, trahis Firmus, femme déterminée, était au
sant sa foi , se dispose à le surprendre. ' milieu de ces peuples, leur communi
munis REPREND Les ARMES. quant son ardeur et leur prodiguant
111113011053 EST coN'rniuN'r ne macu ses immenses richesses. Si Théodose
LEB DEVANT LUI (373 de notre ère). s’engageait avec sa faible armée sur le
— A cette nouvelle, Théodose change territoire occupé par ces nombreuses
ses dispositions, et, avant de marcher tribus. sa perte était assurée. Firmus
contre les Mazices, il se porte, vers espérait que son ennemi commettrait
l’occident, à Succabar, municipe adossé la magnanime imprudence d’avancer
aux pentes du mont Transcellensis, et toujours, et c’était là qu’il comptait
il place un corps de troupes à Ti l’envelopper et l’anéantir. En effet,
gava (*“). Par ces manoeuvres , il occu Théodose sentit son courage se ré
pait tous les passages, et éloignait le volter à l’idée de reculer devant ces
danger d'une attaque soudaine. Des, adversaires méprisables, et il hésitait
conspirations. excitées armi les trou à donner le signal de la retraite. Déjà
pes par les intrigues e Firmus,_ne des multitudes d’ennemis serraient de
servirent qu'à faire ressortir la vigi près les flancs de sa petite armée, qui
lance et la fermeté u‘e Théodose. Il ne comptait que 3,500 hommes; ils
livra une partie des coupables à la fu. apparaissaient à tous les défilés, sur
mur des soldats; d’autres, en plus toutes les hauteurs. Alors, craignant
grand nombre, eurent les deux mains que ces hordes ne lui.barrassent le
coupées, et vécurent our servir cnemin vers la mer, il se décida enfin
d’exem le par le pectace de ce ter. à faire ce qui lui avait tant rép'ugné
rible ciâtiment. Alors arrivèrent au d’abord, et il revint sur ses pas, au
camp Gildon et Maximus, amenant milieu de dangers de toute espèce.
Après s'être arrêté quelque temps au
(") Tipasa est, selon Mannert, le même domaine de Mazuca, fundum nomz‘ne
que le port de Thapsus. Cette ville était à Mazucanum C"), il revint en février
l'orient de Césarée. (') Mont Ouannaséris.
("’) Les Mazices habitaient à l'occident (") in La villa Mazucana, dont le nom res
de Césarée, comme on le voit ‘par la di semble à celui de Mazices, est à chercher
rection de la marche de Théodose. entre Tipasa et Auzia. Mazuca est un des
C") Jihels-Doui, montagne au sud d'Herbtl frères de Firmus. Il est probable que le
et du Shélil'f, doit être le mont Transcel l'untlus Malin-anus. à prt'rsentllrluznna, était
leusis. —— Sur l'emplacement de Tigara sont une propriété de ce Mazuca. - (Recherches
des ruines appelées aujourd'hui Herba. sur l‘Al'rique'sepL, p. 59.)
88
373 sur la côte, dans la ville de Tipasa les armes en faveur de Firmus. Ils
(Dahmouse) , où il lit reposer ses étaient postés sur les hauteurs, et il
troupes. ' araissait impossible de les forcer dans
'rnsonosn cormoran pwsrnuns eurs positions. Pendant que Théodose
samusmnmnes; n. pounsnrr FIB étudie les lieux et médite son plan
iaus CHEZ LES ABANI; n. EST EN d'attaque, des tribus d’Éthiopiens ou
cona CONTBAINT ne nérnocnanea. de nègres viennent renforcer les Abani
— Théodose séjourna assez longtemps et accroître léur audace. Toutes ces
dans cette cité: toutefois, son repos hordes, se précipitant des montagnes,
n’était pas de l’inaction. Il répandit ‘fondent avec impétuosité, et en pous
parmi les tribus attachées à Firmus sant des cris affreux , sur les bataillons
de nombreux agents, qui, parlant au romains, qu’ils sont sur le point ‘d'en
nom de la puissance romaine. et agis tamer. Théodose fut encore contraint
sant sur les uns par des menaces de de rétrograder devant les Maures;
vengeance, sur les autres par des pro mais, comme la première fois, il fit sa‘
messes de récompenses magnifiques, retraite en bon ordre et d'une manière
arvinrent à ébranler la fidélité de ces menaçante, ayant ordonné aux siens
iordes, et à en ramener plusieurs à de serrer leurs rangs, et d’opposer aux
l'obéissance. La ligne qui avait arrêté barbares un mur, impénétrable de pi
Théodose, et qui était formée des ques et de boucliers. Il parvint ainsi,
Baiures, des Cantauriens, des Avas sans éprouver de perte, à la ville ap
tomates. des Casaves, des Dovares (f), pelée Contense, où il découvrit et
fut peu à peu dissoute par cette poli cbâtia exemplairement, selon sa cou
tiquerusée et habile, qui fut plus ef tume, de nouveaux traîtres.
ficace que les opérations militaires.‘ PREMIÈRE CAMPAGNE DE 'rmâo
Firmus, crai nant pour sesjours, prit nosx comme LES ISAFLIENS. IL vs
le parti de uir, quoiqu'il lui restât JUSQUE CHEZ LES JUBALÈNES. SON
encore des forces assez considérables. aa'roun A AUZIA ( 374 de notre
A la faveur des ténèbres de la nuit, il ère). — Théodose était encore à Con
disparaît, abandonnant à la merci du tense , quand on vint lui appren
Romain tous ceux qu’il a compromis; dre que Finnus s'était retiré chez
et il va se cacher, accompagné de sa les Isafliens. Il ordonne au chef de
femme, dans les monts Caprariens, cette tribu de lui livrer le fugitif, ainsi
dans des rochers solitaires et inacces que son frère Mazuca; et, sur son
sjbles. Les siens, ne retrouvant plus refus, il envahit ses domaines. Une
leur chef, s‘enfuirent précipitamment rande bataille fut livrée. où les bar
de leur camp, qui fut à l’instant oc ares montrèrent leur acharnement
cupé par les soldats de Théodose. accoutumé, et où la supériorité de la
Celuici poursuivaitson ennemi sans tactique assura l'avantage aux Ros
relâche, domptant, exterminant tout mains. Un grand nombre d’lsalliens
sur son passage, et imposant aux fut immolé; Firmus combattit avec
tribus consternées des chefs dont il valeur, et chercha plus d'une fois la
était sûr. Enfin, il arriva aux monts mort au milieu des rangs ennemis;
Caprariens, et dans le pays des Abani mais, à la fin, son cheval l’emporta en
ou Abennæ C"), qui tous avaient pris galopant à travers les rochers. Mazuca
(') « Ces tribus doivent être placées entre ‘ne fut pas si heureux: ayant été blessé
Tipasa et Auzia , probablement dans les mortellement, il tomba‘au pouvoir des
chaînes du Jibcl-Zickar et du petit Atlas Romains, fut conduit a Césarée, et y
au sud d’Alger. » (Rech. sur l’Afriq. sept, mourut de sa blessure. Après sa mort,
p. 60.) etc.. . . . L'emplacement des Mazices étant
(") - Les Abennæ sont désignés par l'ora connu. fixe celui des Abennæ. Celui de
leur Julius Honorius, auteurd‘une Cosmo l'oppidum conteuse‘ est bien incertain; on
graphie mentionnée par Cassiodore, comme eut néanmoins lui assigner sa place entre
voisins des Qninquègentiens , des Mazices , e grand et le petit Atlas. n (lbid. , p. 6:.)
NUMIDIE ET MAURITANIE. 89
sa tête fut séparée de son corps, et pour poursuivre et punir un brigand
exposée en public, à la satisfaction de sans ressources. Remets-le à l'instant
tous les habitants de Césarée, que ce entre mes mains , et sois assuré que
spectacle vengeait de la ruine de leur si tu n'obéis pas au commandement
cité. Cette défaite coûta cher aux Isa de mon invincible souverain, toi et ton
lliens; Théodose parcourut leur pays, peuple vous serez entièrement exter
pillant et dévastant tout sur son pas minés. » Igmazen ne répondit que par
sage. des injures, et se retira furieux. Le
S'étant avancé plus loin encore, lendemain, à la pointe du jour, les
Théodose rencontra la nation des Ju deux armées étaient rangées en ha
balènes(*), où était né Nubel, père taille, n'attendant plus que le signal
de Firmus. Ildissipa du premier choc de l'action. L'avant-garde de l'armée
les guerriers de cette tribu; mais, re barbare était composée de vingt mille
buté par l'âpreté du pays , la hauteur uerriers, et derriere se pressalent des
des montagnes, craignant d'être sur ataillons plus nombreux encore. C'é
pris dans ces gorges et ces défilés, tait la horde des Jesalenses, qui avaient
Il revient tranquillement à Auzia. Il y oublié leurs engagements avec Théo
reçut la soumission des Jesalenses (**), dose, et que Firmus avait regagnés à
qui offrirent d'eux-mêmes des secours sa cause. Se voyant en si grand nom
et des vivres. Tout autre chef que Théo bre, les barbares ne doutaient pas
dose eût regardé cette guerre comme qu'ils viendraient à bout d'envelopper
terminée, et fût revenu à la cour jouir les Romains. Le danger était grand
de sa gloire et se reposer de ses fati en effet; mais les Romains étaient
gues. Ainsi avaient fait autrefois les pleins de confiance dans leurs succès
généraux opposés à Tacfarinas . qu'ils passés et dans l'habileté de leur géné
croyaient dompté dès qu'il avait dis ral. Théodose recourut à sa tacti ue
paru. Mais la persévérance de Théo ordinaire: les hommes se rapproc è
dose ne se démentit pas un seul ins rent, les rangs se serrèrent , et, ap
tant. Après son séjour à Auzia et à puyés les uns contre les autres, cou
Castellum Medianum, il se remit en verts de leurs longs boucliers, ils ne
campagne, et envahit de nouveau le purent être entamés ar les Maures.
pays des Isafliens. Le combat dura tout e jour: vers le
SECONDE CAMPAGNE DE 'mEo soir, avant que le soleil eût disparu,
nosEcoNrEE LEs ISAËLIENS. GRANDE Firmus se montra aux deux armées ,
BATAILLE. EAvAGE DU PAYS DES JE monté sur un puissant cheval, revêtu
sALENsEs. —— Lorsqu'lgmazen , roi d’un éclatant manteau de pourpre; et
des Isalliens. apprit que Théodose en on l’entendit appeler à grands cris les
trait une seconde fois dans ses Etats, soldats à la défection, et accabler
il vint à sa rencontre, et lui demanda - Théodose d‘outrages, lui reprochant
d'un air insultant son nom et l'objet sa cruauté envers les siens, et les ‘sup
de sa venue. « Je suis, lui dit le comte plices qu'il inventait pour les punir.
d'un ton im osant et dédaigneux , je Ces paroles ne furent pas sans effet:
suis le éneral de Valentinien , mo si la plupart des soldats de Théodose
narque e l'univers; il m'envoie ici en furent indignés, quelques-uns se
laissèrent persuader par l‘usurpateur,
(’) Les Jubaleni habitaient la chaîne du et quittèrent les rangs. Quand la nuit
grand Atlas au-dessus de Titteri; les Isan fut venue, le comte romain opéra sa
flenses, les vallées situées entre cette chaîne retraite, et se dirigea vers la forte
et le Jurjurah. M. Dureau de la Malle assi resse Duodiense ("). Là, l'intlexible
mile les Isafliens aux Inschlowa de la plaine
de Casloula. (") Castellum Duodiense ou Vodiense. Sa
(") Les Jesalenses sont peut-être, selon position est inconnue, mais il devait élre
le même savant, les Welled-Eisa vers le Tit situé à l'ouest d'Auzia. Mannert, p. 383 de
teri-Dosh. la trad. de M.Marcus.
90
général mit en jugement ceux de ses manœuvres eurent un plein succès:
soldats qui s’étaient montrés lâches Firmus , ne comptant plus sur ces tri
ou traîtres; les uns eurent les mains bus découragées , se préparait à cher
coupées, les autres furent brûlés vifs. cher un asile dans des solitudes, ou
Ammien Marcellin exalte cette barbare chez des peuples plus reculés , lors
justice de son héros. qu’il s’aperçut qu’il n'avait plus‘la li
Les Isafliens avaient poursuiviThéo berté de s’enfuir : des gardes surveil
dose dans sa retraite; mais, repoussés laient toutes ses démarches. Alors il
dans une tentative nocturne sur son prit son parti , et, profitant du som
camp, ils rentrèrent chez eux. Alors mail de ses gardiens, il s’éloigna avec
Théodose se porta à marches forcées précaution, rampant plutôt qu’il ne
ar des chemins de traverse chez les marchait; et quand il fut arrivé dans
gesalenses, ravagea leur canton, et re un lieu retiré, il se pendit. Igmazen
vint à Sitili, en passant par les villes fut au désespoir de n’avoir qu'un ca
de la Césarienne. davre à présenter à Théodose; il fit
TROISIÈME CAMPAGNE CONTRE des excuses, et envoya le corps de Fir
LES ISAFLIENS; IGMAZEN 'rnAm'r mus, jeté négligemment sur un cha
FIRMUS; FIN DE CE DERNIER (375 de meau. Toutefois, ce présent ne laissa
notre ère). — Quelque temps après , pas que d'être tres-agréable à Théodose,
Théodose recommen a la guerre con qui campait alors près du fort Rusub
tre la tribu des Isa iens. Après de bicari. ll\‘lit exposer publi uement le
nouvelles défaites , le roi Igmazen, qui corps de Firmus; et quan il eut été
jusque-là avait la ré utation d’invinci reconnu de tous, il ramena ses trou
ble aux yeux des liilaures, craignant pes victorieuses à Sitili, où il rentra
pour son trône et pour sa vie , résolut avec tout l'appareil d’un triomphateur.
de se débarrasser du fugitif dont la BÉVOLTE DE olLDoN; ELLE Es'u
cause était désespérée. Comme il con BÉPBIMÉE PAR MASCÉZlL (397-398 de
naissait les dispositions des siens en notre ère). — L’Afrique, rattachée de
faveur de Firmus, il fut obligé de nouveau à l’empire, resta en repos
prendre les plus grandes précautions. sous la ferme domination de l'empe
Il partit seul de son camp, et eut avec reur Théodose, fils du vainqueur de
Théodose une entrevue secrète, où il Firmus. Mais les liens de cette réu
convint de livrer Firmus comme au nion se relâchèrent à la mort de ce
trefois Bocchus avait livré Jugurtha. grand prince, et ce fut l'un des frères
N’osant pas le revoir une seconde fois, de Firmus, le Maure Gildon, qui se
dans la crainte d'éveiller les soupçons lit le chef de cette dernière tentative
de Firmus et des Maures, Igmazen d’indépendance. En récompense des
en agea Théodose à lui envoyer Ma services qu’il avait rendus au comte
zil a, un des principaux chefs des Ma Théodose , Gildon avait été investi de
zices, homme sûr à qui l’on pouvait tous les immenses domaines qui ap
tout confier, et qui leur servirait d’in partenaient à sa famille. On l’éleva en
termédiaire. L’entremise de Mazilla suite à la dignité de comte militaire,
leur fut d'un grand secours; mais et il fut chargé du gouvernement de
comme les Maures montraient tou l’Afrique entière , qu’il administra
jours le plus grand attachement pour . pendant douze ans avec une autorité
Firmus. Igmazen n’osait exécuter son presque absolue. La faiblesse des fils
projet de trahison. ll engagea à des de Théodose lui fit concevoir le rejet
sein plusieurs combats avec Théodose, de s’emparer dela souveraineté e l’A
dans lesquels il avait soin de préparer frique, et, refusant à Honorius l’hom
sa défaite et le carnage des siens; en mage qu’il lui devait comme gouver
sorte que les Isalliens, accablés par neur d’une province de son empire, il
tant de pertes, commencèrent à se re reconnut en apparence l'autorité d’A r
froidir pour Firmus , et à trouver cadius, plus éloigné et plus faible, afin
qu’il leur était à charge. Toutes ces de n'obéit en réalité à personne (391).
NUMIDIE ET MAUBITANIE. 91
Le conseil de l'empereur d‘Occident, nie. Mascézil méprisait la multi ude
après l'avoir déclaré rebelle , prit les des ennemis et les bravades de eur
mesures nécessaires pour assurer son chef. Après avoir laissé reposer ses
châtiment. Stilichon ne passa pas lui soldats pendant trois jours , il donna
même en Afrique, mais .il confia le le signa d'une bataille générale. Il n'y
soin de cette guerre à un général ac eut presque pas de combat : en pre
tif, et animé du désir de venger sur le sence des vétérans de l'empereur, les
tyran des injures personnelles. C'était rebelles et les barbares qui soutenaient
encore un frère de Firmus. un des fils Gildon se sentirent intimidée. Un
de ce Nubel, dont la postérité était porte-étendard ayant par hasard baissé
depuis longtemps si activement mêlée son drapeau, tous l’imitèrent et se
à tous les troubles de l'Afrique. Cet rendirent, les autres se dispersèrent,
homme, appelé Mascézil, avait été très et cette multitude s'évanouit. Gildon
attaché au parti de Firmus, comme on gagna la mer pour se réfugier en
l'a vu plus haut; mais les indignes Orient. Rejeté par les vents contraires
procédés de Gildon à son égard, le sur la côte , il entra dans le port de
meurtre de ses deux enfants que ce Tabraca, qui est sur la limite de la
tyran avait massacrés , assuraient Sti Numidie et- de l'Afrique propre. Les
lichon qu'il trouverait en Mascézil habitants le saisirent et le jetèrent
l'homme le mieux disposé à servir les dans un cachot, où il termina ses jours
intérêts de Rome contre l’usurpateur. par une mort volontaire. Ses complices
Il lui donna une armée de vétérans , furent poursuivis et rigoureusement
composée des légions jovz'enne, her châtiés; la crainte fit rentrer tout le
culienne, augustienne, des auxiliaires, reste dans le devoir , et l'Afrique re
des soldats qui marchaient sous l'é devint une dépendance'de l'empire,
tendard du lion, et des corps des fortu jusqu'au moment où elle en fut sépa
nés et des invincibles. Les soldats qui rée par les Vandales (398).
remplissaient ces cadres magniliques CONSIDÉRATIONS sua L'ÉTAT n:
ne ‘s'élevaient pas au delà de 5,000; L'unique AU MOMENT DE L'IMA
car, dans l'empire romain, toute force SION DES “imams-Avant de ter
réelle avait fait place alors à une vaine miner cette histoire, nous em runte
ostcntation de mots. La flotte qui, tous à l'introduction des Rec erches
portait cette petite armée partit de sur l'Afrique septentrionale le assage
Pise en Toscane (398), évita les ro suivant, où les causes de ces erniers
chers de la Corse, relâcha dans le port troubles sont si nettement exposées,
de Caralis (Cagliari) en Sardaigne , et et qui fait parfaitement comprendre
aborda enfin sur la côte d’Afrique, en lagituation politique de ce pays au
un lieu que les auteurs du temps ne commencement du cinquième siècle de
désignent pas (*). ‘ l'ère chrétienne.‘
Gildon était parvenu à réunir sous « Ces deux ordres de faits, l'acces
ses ordres une armée de 70,000 hom sion si prompte de l'Afrique entière
mes. Il avait cherché des combattants à l'usurpation de Gildon,’ sa soumis
jusque parmi les Gétules et les Éthio sion plus rompte encore à l’em i're
piens, et il se vantait d'avance_que sa du faible onorius, ces deux aits
nombreuse cavalerie foulerait. aux ont une cause énérale qu'on :1 jus
pieds la petite troupe de Mascézil, et qu'ici né ligé e rechercher, et qui
ensevelirait dans un nuage de sable nous sem le évidente et palpable.
brûlant ces soldats, tirés des froides n Gildon était Maure et païen. mais
régions de la Gaule et de la Germa protecteur zélé des circoucellions et
des donatistes; il était frère de Firmus,
(“) Claudien a composé un poème sur la qui était mort en combattant pour
guerre de Gildon. Il n'en reste que le pre la liberté du pays: il représentait donc
micr livre, qui s'arrête au moment où la deux intérêts énéraux très-puissante,
flotte de Mascézil est en Sardaigne. celui de l'in épendance africaine et
92
celui d'une secte religieuse fort active du monde ne fut déchirée par aucune
et fort'étendue: l'accession du pays guerre civile ou étrangère (’). n
fut prompte et volontaire. CONCLUSION.——L'établissement des
« Mais la famille de Gildométait Vandales en Afrique , le sort de la Nu
chrétienne et orthodoxe; sa femme, midie et de la Mauritanie sous ces con—
sa sœur et sa fille furent des saintes. uérants , la restauration momentanée
Son règne dégénéra en tyrannie. Sa u gouvernement impérial dans ces
cruauté, sa lâcheté, son avarice et ses contrées jusqu'à l'invasion des Arabes,
débauches, plus offensantes dans un qui les en sépara pour toujours, sont
vieillard, lui aliénèrent le cœur de ses racontés dans une autre partie de
partisans. Mascézil arrive avec une poi cette histoire (**). La succession de
gnée de soldats; il représente, aux yeux tous ces faits , ces alternatives de con
des Maures, le sang des rois indigènes, quêtes étrangères et de retour à l'in
fils de Nubel; aux yeux des chrétiens, épendance et à la barbarie, cette in
la religion orthodoxe, qui, depuis l'é fériorité constante de la terre et de
piscopat de saint Cyprien, avait jeté la race africaine, à l'égard de l'Asie
en Afrique de profondes racines. Mas et de l'Europe , sont bien de nature à
cézil trouve des auxiliaires dans la fa inspirer, pour ce sol et pour ce peu
mille même du tyran : il s'appuie à son ple si peu privilégiés et vraiment mau
tour sur des intérêts généraux tout dits , une compassion profonde. Dans
puissants; l'Afrique entière se soumet l'histoire du développement de la ci
sans résistance. . vilisation humaine, l'Afrique n'a pas
« Aussi, la conquête achevée, Sti de place; elle ne contribue en rien à
Iichon, politique à la vue perçante, l'œuvre que poursuivent les autres
mais peu délicat sur les moyens, se peuples : ses sables sont trop stériles
débarrassa de Mascézil par un crime, pour produire, trop mouvantspour
qu’il déguise sous les apparences d'un conserver ; elle se complaît dans
accident fortuit. Stil_i_chon, trop ins son isolement et son ignorance, et
truit des secrets de la faiblesse de se fait hostile et inhospitalière pour
l'empire, eut évidemment pour but, tous les autres peuples. Sa haine con
en sacrifiant Mascézil, d'ôter un chef tre Carthage fut affreuse; la guerre
redoutable à l'indépendance africaine. ineæpz’able des mercenaires le prouve
« Un seul chiffre démontre quel ap assez. Cette haine aveugle la rap
pui la rébellion pouvait trouver en proche .de Rome , qu'elle détesta
Afrique. On compta , en 411 , au con tout autant quand il fallut subir son
cile de Carthage . composé de 576 joug. Rome pourtant la domina , la
membres , 279 évêques donatisteso et transforma même , ar l'action du
cette secte , depuis quarante ans , ap temps et de sa persév rance. Mais l'A
puyait toutes les tentatives formées frique frémissait toujours sous la
pour se séparer de l'empire. Aussi, main vigoureuse qui la pressait, et
tous les efforts du gouvernement , cependant Rome réussit à la rendre
toute l'énergie des Pères de l’Eglise, brillante et prospère, et à la faire comp
dirigée par saint Augustin, s'appli ter parmi les nations. Occupée , après
quèrent à extirper cette hérésie. qui la c ute de l'empire, par des conqué«
menacait à la fois la religion et l’Etat. rants moins civilisés et moins forts,
« L'Afrique même rotita pendant l'Afrique retourne à ses penchants na
quelque temps des mal eurs de l'ltalie turels; et après les Vandales, après
et du démembrement de l'empire; un les Arabes, elle retombe dans une
grand nombre de fidèles s'y réfugia
pour échapper à l'invasion des barba (') Recherches sur l'Afrique sept, introd.,
res , et vint accroître les forces du p. 34.
parti catholique et impérial. Enfin , (") Voy. l'Histoire de la domination des
depuis la révolte de Gildon jusqu'à Vandales en Afrique , et l'appendice sur la
l'arrivée des Vandales , cette partie domination byzantine, par M. J. Yanoski.
NUMIDIE ET MAURITANIE. 93
barbarie aussi grande et plus invétérée ressée, la plus généreuse de l’Europe.
que la première, car une religion mau Qu'elle persévère , cette nation, dans
vaise la consacre. Toutefois, ne peut la noble et difficile tentative si glorieu
on pas espérer pour elle un avenir difa sement commencée, et qui deviendra
fe'rent et des Jours meilleurs? Voilà la_ plus grande de notre siècle ! Qu'elle
que , de l’autre côté de la Méditerra rende à la société, à la civilisation ,
née, de braves soldats s'élancent sur ce rivage de la Méditerranée appelé si
cette antique patrie des Numides et longtemps terre de barbarie! En con
des Maures, et en recommencent la sidérant la rapidité de ses progrès de
conquête. Ils luttent avec une ardeur puis treize années seulement d'efforts,
et une constance invincibles contre ces ‘ et la lente opiniâtreté des Romains
mêmes obstacles devant lesquels Car dans la même entreprise, elle ne dou
thage échoua, et qui arrétèrent les tera plus du succès , elle achèvera une
Romains pendant deux siècles. Par œuvre qui importe à sa gloire et à sa
une disposition toute providentielle, puissance , et elle réalisera une espé
cette œuvre de conquête et de régé rance et un vœu qu’inspirent le senti
nération d’un peuple impuissant à ment patriotique et l'amour de l’hu
se former lui-même, est confiée à la manit .
nation la plus forte, la plus désintè

“0.0.0... nnnmooomnnoonmmmmon 00000000000000.0000...

“TABLE DES MATIÈRES


CONTBNUES

DANS L'HISTOIRE DE LA NUMIDIE ET DE LA MAURITANIE.

Adherdal , fils de Micipsa , roi de Numi Antiquités de la Numidie , 7 b; et de la


die, 27 a; sa rupture avec Jugurtha; il im Mauritanie , 64 a.
pioreles secours de Rome, 28; assiégé dans Antonin , force les Maures rebelles à de
Cirta: sa mort, 29 et suiv. mander la paix, 80 a. '
Afrique , division en Afrique ancienne et Antonius ( Lucius ) , frère de Marc-An
en Afrique nouvelle, 74 a; considérations toine; relégué en Espagne par Octave, il y
sur la destinée du sol et des peuples de appelle Bogud pour dépouiller les lieute
l'Afrique, 92 b. nants d Octave , 68 b.
Agathocles,'ses relations avec les Nu Ap‘pien , historien grec; son récit de la
mides , 8 b. mort e Sophonisbe, préféré à celui de Tite
Albinus (Spurius), consul romain envoyé Live , ai a.
contre Jugurtha, 32 a. Apronius, gouverneur d'Afrique, défait
Alexandra, usurpateur en Afrique , battu Tacfarinas, decime une cohorte ; son fils
par Volusianus , 83 a. poursuit les Numides dans le désert, 76 a.
Ammien Marcellin, historien latin, a Arabion , prince numide , fils .de Manas
raconté la guerre deThéodose contre Fir ses, reprend sur Bocchus son héritage ,
mus , 84 b. 68 a; il soutient Sextius contre Cornificius.
Ampsaga, fleuve de la Numidie, 3 a. et contre Phangon; il est mis à mort par
Antée, roi de Mauritanie, 8 a; lutte Sextius , 74 a.
contre Hercule , 64 a; confondu avec At Aladion , chef africain , tué par Probus,
las , 54 b.‘ 82 a.
94 TABLE DES MATIÈRES
Archobarzane, petit-fils de Syphax; 22 b, Constantin , délivre l'Afrique de la tyran
Aspar, Numide , envoyé par .Iugurthn nie de Maxence. 83 a.
près de Bocchus, La b. Constantine , nom donné par Constantin
Atlas. montagne de Mauritanie, 6! b. à l'ancienne Cirla , 83 a.
Auguste donne la Numidie à J uba II, Cornificius, gouverneur de l'Afrique an
puis la Mauritanie, 69 a. cienne , vaincu par Scxtius , 74 a.
Augustin (saint), son opinion sur le lan Cumberland , ses hypothèses bizarres sur
gage des Libyens , 5 b; ses efforts contre les antiquités de la Mauritanie, 64 b.
les Donalisles , 92 a. (.‘urion, lieutenant de César, vainqueur
Aurèle (Marc) , troubles en Afrique sous de varus. battu et tué par Juba sur les
ce prince; incursions des Maures en Espa bords du Bagrada , 47 et suiv.
gne , 80 a.
Dabar, ms de Massugrada , son rôle dans
Balbus (mont), où Massinissa vaincu cheru la trahison de Bocclius, 43 a.
chu un asile , ‘17 a. Décrius , chef d'une cohorte , périt héroï
Blésus (1.), oncle de Séjan, proconsul quement en combattant 'l‘acfarinas , 75 b.
d’Afrique; il bat 'l‘acfarinas et néglige de Désaloès , frère de Gala, roi de Numi
l‘accahler tout à fait. die, 15 b.
Bocchar, lieutenant de Syphax , force Donstistes, origine de leur schisme ,
Massinissa à quitter le mont Balbus et le 83 b.
poursuit, :7 b.
Bocchus , nom de trois rois de Mauritanie, Édémon, affranchi de Ptolémée, prend
65 b et suiv. ; trahison de Bocchus , beau. les 'armes pour venger son maître, 7: a.
père de Jugnrtha , 4x et suiv. Edit de Carat-alla , qui étend le droit de
Bogud , nom de plusieurs rois de Mauri cité à tous les habitants libres de l'empire,
tanie , 66 et suiv. 81 a. .
Bomilcar, chef numide; il trahit Jugur
tha, qui le met à mort, 38 b. Firmus , chef maure, fils de Nubel , se
révolte et est vaincu par Théodose, aprt‘z
Caligula; il fait assassiner Ptolémée, 70h; plusieurs campagnes , 84 b et suiv.
il sépare en Afrique l'administration civile Furius Celsus , réprime des troubles dans
de l'administration militaire , 78 b. la Tingitane, 8! a.
Calpurnius Bestia , consul, fait la. guerre
contre Jugurtha, 30 b; se laisse corrom Gala ou Gula , père de Massinissa , roi de
pre , 31 a. Numidie, 8 b.
Camillns (E) , proconsul d’Afrique, bat Gauda , fils de Manastahal et frère de
Tacfarinas , 75 a. Jugurtha , s'attache à Marins qui s'en sert
Capelianus, partisan de Moximin, ren pour renverser Métellus , 45 a.
verse les Gardiens en Afrique , 81 a. Géographie de la Numidie , 3 a et suiv.;
Capnsa , fils de Désaloès , roi de Numidie, de la Mauritanie , 61 a et suiv.
renversé par Mézétule , r5 b. Gildon , frère de Firmus; il se révolte et
Caton (d'Utique) , fait donner le comman est vaincu par Mascézil, 90 b.
dement à Méleilus Scipion ; il rabaisse l'or Gulussa, fils de Massinissa, obtient de
gueil de Juba , 51 ; il sauve Utique , la for Scipion Émilien la direction des forces mi
tifie et y meurt, 5x et 56 b. .litaires de la Numidie, 24 a.
César, vainqueur à Tapsus, de Juba et
des chefs pompéiens, réduit la Numidie en Hercule, enlève h Libye à Anlée, 65 b.
inœ romaine , 55 et suiv. Hiarbas , roi numide, vaincu par Pom
Césarienne (Mauritanie) , province d’Afri pée. 47 a- _ _ _
que. 79 a. Hiempsal , fils de Mtcrpsa, tue par Ju
Chevaux numides, leur agilité , 59 a. gurlha, 27 l); autre roi numide, sa per
Chu , œpitale de la Numidie. son emplæ fidie à l‘égard du fils de Marins , 46 a.
œtnent, 4 a. Hirlius , auteur présumé de l'llisloire de
. Claude , réduit la Mauritanie en pro« la guerre d'zlfrique. 52 l.
nnce romaine , 7: a. Histoire des Numides et des Maures
Cleoâtr Stalag)" , m" f... e de
Jubaliîôâli. (introduction à l’) , r a. I
CONTENUES DANS L'HISTOIRE DE LA NUMIDIE, ETC.
Igmuomroi maure, s‘o pose ûThéo entrevue de Massinissa et de Scipion , 13 b;
dose, et accueille Firmus ne ses États, il presse les Romain; de passer en Afrique,
8 a; il trahit Firmus et le lim uu'oolnte 14 a; ‘il revient en Numidie; il est vein
T ose, 90 a. , queur de Mézélule et do Loin-m, il po
Iol, ville de Mauritanie, o'epitalo de eifie la Numidie, :0 u il eut attlquéet
Jnlnäl, 70 l. k . _ misenfuite Spllfl,(6bîill0m
les ions, peup d‘Afrique. i soutint gie sur le mont Bal i, d’où il est eluué par
Firmus et fut battu par Théodose‘, 89 b. Boccbar, un; il se cache dlllutæaq
verne , rentre dans son royaume, p“ un
Juba, fils d’flieuipul II, roi de Numib grande bataille contre Syplu. et le joint
clic, L7 b,-_il devient l'ennemi‘porwnnol de aux Romains, Il a; il prend Cirta, 19 ‘a;
César, ibid. ; il marche au secours devenu. il épouse Supbonisbe et lui envoie du poi
but CILI‘ÎOIJ. la cruauté ami. Il xictolro, son, no ni] reçoit l'investiture de tout. la
48 et suiv. ; il uecueillelesc fs pom ’iens , Numidie, a: 6; sa conduite à l'égard Il
56 b; défait par César, il se donne mort Carthage et de Rome depuis la lin de la ce
après un festin, 57 a. ' 1 ' conde guerre punique jusqu'à le mort, en b;
Juba 11', fils du précédent, replacé sur v quelques particularités sur Massinissa, ses
le trône par Auguste, 69 u; ses travaux efforts pour civiliser son peuple , etc. , 24 a.
littéraires, 70 a. A ' Massive, neveu de Massinissa; généro
Jugurtha, fils de lhnuubul , neveu de cité de Scipion l son'e'gard, n a.
" un jeunesse, 15 a; il semaine lîhuyliem, nom des Numides orientaux,
Hiempsal, il poursuit ÏAdberbal , 27 b; 8 .
l'plro de Clfll, 29 a; il corrompt les Mauritanie (donaiption di le), M I.
'nénux romains, 30 b; vient ‘a Rome’ où Mazilla, chef du Milieu, mm .
assassine Massive, 3| a; il résiste à Mé trahir Firmus, 90 a.
tellus , 33 et suiv.; à Marins , 39 b et suiv. ; Mania , frère de Firmus‘, battu par néo
il s'enfuit chez Bocchus, qui le livre aux dose, 88 b; il est pris et meurt à Césarée,
Romains, 4: et suiv. ' .89 u. .
Men-rine , tribun du , ‘ses in.
Lélius , ami de Puhlius‘ Scipion , l’nccoun vcctives contre ceux qui l‘ lent laissé
pagne en Afrique; son rôle dans la seconde corrompu par Jugurtha; il cite celui-ci à
guerre unique, a: b . Rome’, 31 s.
Lépi’ us, triumvir, gouverne l'Afrique Métellus Nunidicui , fait la guerre contre
de 40 i 36 av. J. C., 74 b. Jugurtha, de m9 à 107 av. J. C., 33 l
Lucumacès, fils de Cupuu, placé sur le ' et suiv.
trône par Mézétule, 15 b. . ' Mœurs des Maures , 7x et suiv.; des Nu
mides. 57 cl suiv.
Manassès, chef numide, allié de Juba, ' Montagnes de Numidie, 3 b; de Mauri
dépouillé par César, 68 a‘. A tanie , 62 u.
Manastabal , fils de Massinissa, a‘ u. Musulans , peuple de l'Afrique , alliés de
Marins , il prend le commandement con Tacfarinas, 75 a.
tre Jugurtha en m7, 39 b. ues camrmzmsc3
ibid. et suiv.'; il triomphe de Jugurlha , Nabdllsa , chef nur'nide , complote contre
44 b. , Jugurtha, 33 b.
Mescézil, père de Firmus , vaincu par Naravase ou Narva, père de Gala, 8 b.
Théodose, 86 b. ; chargé de la guerre contre Newtun (système chronologique de), 65 a.
Gildon , 90 b. Nubel, roi maure, père de Firmus , 85 a.
Masintha, noble numide que César pro , Numidie (description de la), 3 u.
tége contre Juba, 47 b.
Massessyliens, nom des Numides occi Octave, il réprime les rois de Mauri
dentaux , 8 b. tanie déclarés contre lui, 68 a.
Musinim, fils de Gala; il s'attache d'a Ouvrages du roi Juba, 70 a.
bord aux carthaginois , il bat Syphax , Oxyntas, fils de Jugurtha, ‘repartit au
:0 b; il passe en Espagne et prend part à siège d'Acerres , 45 b.
la défaite des Scipions , n a; entrevue de
Massinissa avec Silanus, il se donne aux Phangon , gouverneur substitué i Sextiue
Romains , raisons de ce changement , 12 b; en Afrique , puis vaincu par lui, 7/. u.
TABLE DES MATIÈRES.
Polygamie, en usage chez les Numides, Sévère (Septime), né à Leptis, protège
6: n, et cher. les Maures, 73 a. .;. les Africains, 801. g:
Pompée, poursuit en Afrique Domitius Sitifeusis, division de la Mauritanie,
et le bat avec Hiarbas, 1.6 a. 79 a.
Probus, exploits de cet empereur en Sittius, aventurier, chef de bande, se dé
Afrique, 82 a. -, clare pour César contre Juba . 53 a. ‘i
Procope, son opinion sur l'origine des Sophonisbe, fille d'Asdrubal, ' se de
peuples qui ont habité l'Afrique septen Syphax, sa mort, a: b. 4.
trionale, 6 b. 1 Sylla, lieutenant de Marius, se fait livrer
.Ptolémée , (ils de Juba II, roi de Mau Jugurtha
Syphax,parroiBocchus, 4:. a., allié des Car
de Numidie
ritanie, assassiné par Caligula, 70 b.
thaginois. fait prisonnier par Lélius, con
Bîfligion des Numides , 58 a; des Maures, duit à Rome; il meurt ‘a Albe, sa a.
7x Rommus
. , gouverneur d’Afrique sous
Tableau géalogique des rois numides
‘Valentinien I", provoque par ses exactions de la famille de Naravuse . 9. :-_v .
la révolte de Firmus, 84 b. ' Tacfariuas, récit de ses guerres contre
les Romains, 75 u et suiv. -;
Sabura, lieutenant de Juba, défait Cu Théodose (le comte), ses exploits contre
rion , 49 a; vaincu par Sittius, 56 b. Firmus , 85 a et suiv. a.
Salluste, gouverneur de Numidie, his Tingitane (Mauritanie), 6: a.
torien de la guerre contre Jugurtha , 57 a.
Salmacès, frère de Firmus, possesseur Caton,
Utique,
56 b.ville d’Afrique . défendue
.:r_-- ..
du Funduo Petrensis, 86 b.
Scipions (les); Cneus et Publius défaits
enEspagne, u a; Publius Scipion Afri Vermina, fils de Syphax, obtient la paix
canus gagne Massinissa, x3 b; termine la des Romains, an a. ,e
seconde guerre punique, 21 b; Scipion Vincenlius, lieutenant de Romanus, 85 b.
Émilicn fait le partage du royaume de Mas Volux , fils de Bocchus , conduit Sylla
sinissa , a a; Sci ion Métellus, chef des 110 chez son père , 43 a. I ‘a.
mains réfugiés c ez Juba, vaincu à Thap
sus par César, 55 a. Zamma , fils de Nubel, tué par son frère
Sertorius, ses guerres en Mauritanie, 66 b. Firmus, 85 a. remis!
à _ I , x; j...‘ j ._,| :5
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‘HISTOIRE ET DESCRIPTION
DE TOUS LES PEUPLES,
1* ‘ses: sa- sñ‘r ü‘i‘s
DE LEURS RELIGIONS‘. MOEURS, INDUSTËRIE, COUTUMES, ETC.
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cm‘à L’À'FRIQUE
A c ÊRÉ’Ë'IENNE ,
.‘ m6. sa... PAR M. 'JEANËANDSKI,
à‘ ‘rififi’ 1 “a” si‘
w Animer’: un L'cmvnusrrit, raovnssenu n’nis'roms au coLLi-îcr: s'rAmsLAs, etc
(È ce .1‘. sa ' . “4M
' me
4.. ' “stricts-I‘ ‘tee’
Ï‘çfiAVANT- prîoros; PREMIERS succès qui attestŒnt l'héroïsmîde ses martyrs,
DU cnnrsTtsmsMr: EN AFRIQUE ; ETA la multitude de ses membres, la vio
BLISSEMENT nes évacués; pnemans lence de ses schismes, et la science de
CONCILES; AGRIPPINUS ET OPTAT , ses,doct.eurs. _, _ ,
ÉVÊQUES DE csnrnacsf- En nulle C'est l'histoire de cetteillustre Église
contrée de l'ancien monde le christia que nous voulons raconter. Pour arri
nisme n'a été plus florissant qu'en Afri ver à notre but il suffira donc'de consul
que. Sur la vaste étendue de côtes que ter tous les titres. anciens et vénérables,
baigne la Méditerranée, depuis les li qu’elle nous a transmis; de mettre en
mites les plus orientales de la régence œuvre, en un mot, les matériaux qu'elle
de Tripoli jusqu'à Tanger, s'élevaient mêmc, au temps de sa puissance et
jadis dans les villes, à la place occu de sa grandeur, avait pris soinv de ras
ée aujourd'hui par les mosquées, et sembler (l). 4* ph
lit même où l'on ne rencontre plus que
le désert ,.d'innombrables églises. Sur ( l ) Nous avontdonc beaucoup ami-té aux
anciennes Ié endes, aux canons des couciles et
cette terre où , pendant mille ans et aux livres es Pères. Toutefois, nous devons
plus, Mahomet a régné sans partage, dire que souvent aussi nous avons eu recours
on ne trouvait, du quatrième siècle au aux ouvrages modernes et que nous y avons
pris ( comme le témoignent nos citations )dcs
sixième , que des chrétiens. opinions , des vues et de savantes explications.
L’islamisme, il est vrai, a changé l'as Parmi ces ouvrages , il en est un dont nous
pect de l'Afrique. Il a fait disparaître de parlerons ici en quelques mots.
L'Afrique chrétienne de Morcelli (Slepimm'
la Tripolitaine, de la Byzacene , de la Anlonii Mnrcelli, e 8. J., præpasiti ecclesiœ
province carthaginoise, de la Numidie clarensis. Africa Christiania, in tres parles tri
et des trois Mauritaniesjusqu’au dernier buta. Bririæ, raie; in-4“ ) est un chef-d'œuvre
d‘érudilion. L'auteur dans ses trois volumes
vestige de la civilisation romaine et du n'a omis aucun des faits qui se rapportent à
christianisme. Cependant il n’a pu effa l'histoire du christianisme en Afrique. Mais
cer tous les souvenirs qui se rattachent d'un autre coté, il n’y a pas une idée générale
dans celle prodigieuse compilation. Morcelli
à l'ancien état social et religieux de semble se délier de sa raison. En général, it
ces contrées. L'Eglise d'Afrique avait s'abstient d'apprécier et de juger les hommes
lé ué avant l'invasion arabe. à l'Asie et et les événements. Il laisse a d'autres le soin de
tirer la conclusion gs faits u'il a si soigneu
à Europe, des documentssans nombre sement enregi' rce li a voulu prou—
A . cnarïr. l‘ t äæäm 1 -u
“m M, rameaux. æfl‘
aidait: panneau ,m-Jt « M.1» utérus] m
«(est ,ÎÂEWWËÀWI
2
A quelle époque et psr quels mis seraient de jurer par le génie des emc
sionnaires le christianisme fut-Il In pereurs et de sacrifier aux dieux.
troduit en Afri ue? On l'ignore. Sans Bientôt douze chrétiens de la ville de
doute,dès la n du premier siècle, Scilla (l) furent saisis et amenés à
quelques disciples des apôtres vinrent Carthage, devant le tribunal procon
Asse ou d'Europe, sur des vaisseaux sulaire. Saturnin leur promit le pardon
marchands, pour apporter l’Évangile des empereurs s'ils voulaient renoncer
dans les puleuses et riches cités du aux croyances qu’ils avaient embras
littoral a ricain.- Carthage dut étre le sées. Mais tous d'une voix unanime
point de départ de la prédication. Il s'écrièrent : Nous sommes chrétiens et
est vraisemblable que cefut aussi dans nous voulons rester chrétiens. S ’rat
la capitale de l'Afrique ne fut élevé le était le lus ardent des accusés; l sti
premier siégé épiscopa . La doctrine mulait e courage des autres par sa
nouvelle se répandit avec rapidité dans fermeté et la véhémence de ses réponses.
l'intérieur des'terres. Là, comme ail Enfin le proconsul cessa de promettre
leurs, elle gagna , ainsi ne l'attestent et menace. Les chrétiensvrestèrent in
d'anciens ' uments, es actes des ébranlabl'es. Alors Saturnin prononça
martyrs par exemple, des hommes de contre Spérat, Narzal, Cittin, Vetu
toutes les classes. depuis les esclsves rius, Félix , Acyllin, 'Letantius, et cinq
jusqu'à ceux qui occupaient le premier femmes, Januaria, Gencrosa. Vestina,
rang dans ‘la société romaine. Donata et Secundo, une sentence de
Saint Cyprien nous apprend que dès condamnation. (les premiers martyrs
la fin du second siècle Il y avait dans de l'Église d'Afrique se rendirent au
la Proconsulaire et dans la Numidio lieudu supplicesansproférerune lainte
un grand nombre d‘e'véche's (l). Agri , et sans rien perdre de leur réso ution.
pinus, le premierévéque connu Ils eurent la téte tranchée. Cette san
Carthage, convoque à cette é ue un lnnte exécution, loin de ralentir le zèle
concile où il lit statuer que les ‘réti chrétiens. ne lit o l'entlsmmer.
ques qui voudraient rentrer dans le Le nom des douze victimes était répété,
sein de l'Église , seraient soumis à un dans leurs réunions secrètes, avec vé
second baptême. L'opinion qui fut miration; plusieurs, purniles païens,
émise dans ce concile, et qu'approuve se laissèrent gagner aux doctrines '
plus tard saint Cyprien, a été oon tout de dévouement et d'3:
damnée par l'I-lglise. roisnso, et cous-li mêmes qui ne re
Optat, après la mort d'Agrippinus, nonoèrcnt point aux croyances et à la
occupa le siège épiscopal de Carthage. pratique de l'ancienne religion ne pu
nonos'rion nes Ins'ss culi rent s’ r d'ndmiror'los martyrs
rrsnnrs; LA rsnsticu'rron mv AI‘II si fameux dnns l'Église nous le no
Qus; LES rssn'rvns senti-ruse. — de martyrs museau.
Les idées chrétiennes se répondirent sn'rrsouslssln une cuisine,
avec rapidité dans toute l'Afrique. La nnknrrusmn. —
doctrine nouvelle obtint dans cette mort tet sono-pognon.
province un tel succès que bientôt le et toutes les riguam do la persécution
gouvernement impérial en conçut de n'svaicntdonc ' '
vives'alsrmes. Septime Sévère ordonna Loin de là, tessvsientexeitépsrmi
au proconsul Vigellius Saturnin de eux un redoublement d’ ' et d'asb
faire d'activcs recherches et de punir deur ' stlsit jusqu'à
par le dernier supplice ceux qui refu - Tel le progrès de est Manse
vnr, non qu'il savait penser. mais seulement 1:: là , comme ailleurs , la cruauté
'llss n gouverneurs romain in vaincu
a... i..‘:""......““m'a: :..... (sa:
Il snnsdoutelnseùbunnpqu‘it nttrechu‘- par la foule des victimes. Touts lu pro
déchue humeur. vince d'Afriquo ne 't d'églhss.
sauta; machus,!” d'évéchés. Le nombre, richesse des
un
mus une:
. (nom ovonsjunuls chrétiens s'nccroissaient dans la épo
loreellyuwnehñdguîthpào.
(lient-Inuit." d vint. —V.suss| mcettevtlleetsltsltuoo (infirmes
AFRIQ‘UE CHRÉTIENNE.
quœ de tolérance. Le zèle et la foi leurs idées , un prochain triomphe. L’zb
s’exaltaient dans les jours de persé pologétique disculpe, il est vrai, les
cution, et cette alternative favorisait chrétiens; elle montre la fausseté des
ainsi doublement l'essor du culte nous accusations portées contre eux; elle
veau (1). a réduit à néant les‘ calomnies que les
La persécution suivit son cours. partisans habiles du pol théisme répatt-‘
Tous les chrétiens qui furent ame daient à dessein parmi c peuple; mais
nés devant les magistrats imitèrent le but de l'auteur est-moins de prou.
l'exemple des Scimtaîns, leurs illus ver l'innocence des chrétiens que d'ins
tres devanciers; ils répondaient avec truire ceux auxquels il s'adresse; en un
fermeté à leurs juges, demeuraient mot, l'dpologétique est moins une jus
inébranlables dans leur conviction et tification qu'une prédication. C'est aussi,
marchaient au supplice tranquilles et contre l'ancienne religion, une violente
résignés. Cependant, à la vue du sang satire. En expliquant le christianisme
- versé, il y eut des voix qui s’élev‘erent Tertullien l'oppose nécessairement un
pour demander compte aux bourreaux‘ polythéisme, qu'il attaque avec une logi
de leurs inutiles fureurs. - Que ferez ue pressante et en skaidant plus‘ d'un.
vous, disait un chrétien d'Afrique, ois dans la discussion de mordantü
de ces milliers d'hommes, de femmes et amères railleries. Çà et là on rencom
de tout âge, de tout rang, qui ésen tre. dans son œuvre, à côté de l'ex»
tent leurs bras à vos chaînes? c com gération et de l'emphase africaines, des
bien de feux, de combien de glaives traits d'une haute éloquence. A ceux qui
n'aurez-vous pas besoin? Déeimereza s'étonnaient des réclamations des chré
vous Carthage? n Le plus éloquent in tiens et qui disaient :De quoi vous
terprète‘ de l'Église persécutée fut plai nez-vous, puisque vous voulez
alors un homme originaire de Car‘ son rir? il répond : - Nous aimons
thage, Tertullien, qui, après une vie les souffrances comme on aime la
agitée, avait adopté les croyances du guerre; ou ne s'y engage pas volait‘
christianisme et était entré, suivant tiers à cause des alarmes et des périls:
d'anciens témoignages, dans tes ordres mais on y combat de toutes’ ses forces
sacrés. lt écrivit, pour la défense de et on se réjouit de la victoire. Notre
ses frères, un livre célèbre, I’.4pologé combat consiste à être tralnés devant
tique. Dans les pages véhémentes de les tribunaux pour'y défendre la v6-»
ce plaidoyer il nimplore point hum.‘ rite aux dépens de notre vie; Vous
blement pour les chrétiens la pitié des avez beau nous montrer, comme chose
bourreaux. - La vraie doctrine, dit-il, infamante, les pieux auxquels vous
ne demande point de grâce, parce nous attachez, le sarment sur lequel
gn'elle n’est oint étonnée de son sort. vous nous brilles. Ce sont a nos 11''».
llesait qu'el e est nouvelle et étrangère bes de fêtes, nos chars de triomphe,
en ce monde et que parmi des étran les éclatants témoignages de notre
gers on trouve aisément des ennemis. ‘victoire. Nous sommes, dites-vous,
Sonorigine, sa demeure, son espérance, des furieux et des fous à cause de
sa puissance. sa gloire, tout est dans ce mépris de la mort qui a pourtant
le ciel. Pour le présent elle neyeut‘ rendu à jamais illustres Scévoia, Ré
qu'une chose, c'est qu’on ne la con äulus, Empédocle, Anaxarque et tant
amne pas avant de la connaître. Les ‘autres; ä quoi! faut-il doncsouffrir
lois humaines seront-elles affaiblies si toutes so 4 s de maux pour la patrie,
vous l'écoutez? » Il y a au contraire, pour l'empire, pour l'amitié, et rien
dans les paroles de Tertullien, cette au.‘ pour Dieu? a Ailleurs on trouve le
dace et nous dirions presque cet or passage tant de fois cité: a Puisque,
gueil que ressentent les partisans d'une comme nous l'avons dit, il nous est '
doctrine qui fait chaque jour de nou ordonné d'aimer nos ennemis, qui .
veaux progrès et qui prévoient, pour pourrions-nous haïr‘? De‘ même‘, s'il
nous est défendu de nous venger de
(I) M. Villemaln; de l'éloquence chrétiens
dans le quatrième siècle; voy. Les Nouveaux ceux qui nous offensent pour ne‘ asleur
' Mélanges, p. 654. ressembler, qui pourrions-nous o encart
l.
un: 1.»,
ajfl
4
Vous-mêmes, je vous en fais juges, immolez des chrétiens, condamnez
combien de fois vous êtes-vous déchamés nous , tourmentez-nous , déchirez-nous
contre les chrétiens, autant pour sa écrasezlnousl Notre sang est une se
tisfaire à vos préventions ue pour mense féconde. Nous multlplions quand
obéir à vos lois! Combien de ois , sans vous nous moissonnez. u
même attendre vos ordres , la populace, TERTULLIEN et ses œnvnss. —
de son seul mouvement, ne nous a-t-elle Tertullien, avait déjà parlé en faveur
pas poursuivis, les pierres ou les tor des chrétiens, mais avec moins d’é
ches a la main! Dans les fureurs des loquence, dans son ouvrage adressé
bacchanales, on n’épargne pas même aux Nations. Dans ce dernier ouvrage,
les chrétiens morts , détigurés , demi comme dans l’zlpologétique, ses dé
consumés; on les arrache, pour dis moustrations sont nécessairement, à
perser leurs restes, de l’asile de la mort, cause du cadre étroit où il se renferme» ,
du repos des sépulcres. Cependant nous succinctes et tronquées. Il les com
a-t-on jamais vus chercher à nous ven pléta par son traité du Témoignage de
ger ,_nous que l’on pousse avec tant d’a l’ame. Sa polémique contre le poly
charnement, nous que l’on n'épargne théisme ne l‘absorba pas tout entier;
pas même dans la mort? Pourtant, il lit encore une rude guerre aux juifs
il nous suffirait d’une seule nuit et et principalement aux chrétiens qui
de quelques torches, s’il nous était s’étaient écartés de ‘la tradition et de
‘permis de repousser le mal par le la vraie doctrine. C’est là qu'il excelle
mal, pour tirer des maux dont on par la logique. Les marcionites sont
nous accable, une terrible vengeance. rudement attaqués par Tertullien. Mar
Mais loin de nous l'idée qu’on puisse cion reconnaissait deux essences divines
venger une société divine par e feu supérieures à toutes les autres; l'une
humain, ,ou que cette société puisse active, l‘autre inactive; un dieu qui se
s’afiliger . des épreuves qui la font manifestait par des actes, un autre
connaître! Que si, au lieu d'agir sour qui restait immobile. Ces deux dieux
dement, nous en venions à des repré étaient égaux en puissance et coéter
sailles ouvertes, manquerions-nous de nels. Il y avait dans le système de Mar
forces et de troupes? Les Maures, les cion une vague tendance vers la doc
Marcomans, les Parthes même, quel trine orientale des deux principes du
que nation que ce soit renfermée dans bien et du mal, en ce sens que, pour
ses frontières, estvelle plus nombreuse lui, le dieu qui agit est l'auteur du
que nous. c'est-à-dire qu’une nation mal, tandis que le dieu inactif est es
qui n'a d’autres limites ue l'univers? sentiellement bon. Tertullien ne discuta
Nous ne sommes que (1’ ier, et nous point seulement contre Marcion , mais3
remplissons tout ce qui est à vous, aussi contre Hermogène, qui ne recon
vos villes, vos places fortifiées, vos naissait, il est vrai, qu’u‘neseule essence
colonies, vos bourgades, vos assem divine, laquelle est le principe du'bien ,
blées, vos camps, vostribus, vos mais qui faisait la matière coét‘ernelle
décuries , le palais , le sénat , le forum; à Dieu et cause première du mal. Puis,
nous ne vous laissons que vos tem il attaqua Praxéas qui, par une vive
ples! » Ce livre, si plein de raison, de réaction contre la doctrine du dualisme
chaleur et d’éloquence, dut avoir un divin. alla 'usqu'à nier la Trinité our
immense retentissement. Il gagna, on mieux étab ir l’unité de son dieu. er
peut le croire, bien des âmes à la tullien, on le conçoit , défendit la Tri
nouvelle religion et, d'autre part, il nité et conséquemment le dogme de
raffermit ceux que la persécution avait l'incarnation. llcombattit encore à lu
sieursv reprises les hérésiarque‘s‘ ans
ébranlés. Plus d‘un chrétien, sans
doute, en lisant l’œuvre de Tertullien, divers ouvrages et notamment dans son
dut répéter, dans un élan d‘irrésistible traité de la Chair du Christ (de Carne
enthousiasme, uelques-uns des mots Chrish'), dans le Scorpiaque, et dans
qui terminent ‘Apologétique : a Cou la discussion générale qui est connue
rage, magistrats! puisque le peu le sous le nom de Prescriptions. à‘
vous trouve meillqeflurs quand vous ni Tertullien s’élève avec une grande
AFRIQUE CHRÉTIENNE. 5
violence contre l'ancienne philosophie. jours été croissant. depuis le jour où
Il abhorre les gnostiques et tous ces il avait engagé le combat contre le po
savants, parmi les chrétiens, qui, de lythéisme, et qu'à la vue des périls
son temps déjà, enfantaient sur Dieu qui,_de toutes parts, menacaient l'É
et la création , des systèmes empreints glise , son indulgence pour les faibles
de l'esprit grec et de l’esprit oriental. et les hérésiarques s'était progressive
C’est dans cette haine contre la tradi ment affaiblie. il approuva sans hésiter
tion philosophique, si nous pouvons une morale qui n'avait point de par
nous exprimer ainsi , que se trouve une don pour les fautes les plus légeres.
grande part de ‘son originalité. A Ce changement dans ses convictions
défaut de la science u’il repousse et lui dicta sur le jeûne, la énitence,
a laquelle, cependant, n'est pas étran le martyre, des pages remp les de so
ger, Tertullieir s’appuie sur le bon phismes, et tout empreintesdu rigorisme
sens, et plus souvent encore il appelle à le lus exagéré. Plus tard, son esprit
son aide un auxiliaire plus puissant, à in épendant ledétacha des montanistes.
savoir, la vivacité de sa foi. Il se fit le chef d'une nouvelle secte
Dans les œuvres consacrées exclu dont les membres s'appelaient, de son
sivement à la polémique, comme dans nom, Tertu/lianistes. ils étaient nom
les traités sur le baptême, la péni breux en Afrique. Ce fut saint Augustin
tance, la prière, l'idolâtrie, les spec qui les ramena dans le sein de l’Eglise
tacles, le pallium , la chasteté, la pa catholique. Nous serions porté à croire
tience, etc. , on‘ trouve les qualités et que ces chrétiens austères jusqu'à l'ex
les défauts de l‘Apologétique : une le‘ ces favorisèrent au moins, s‘ils ne le
gique puissante, une chaleur qui se provoquèrent pas en partie, le schisme
manifeste souvent par des traits d'une des donatistes.
sublime éloquence. Ajoutez à cela une Toutefois, malgré- les écarts qu'ils
fine raillerie, une grande vivacité et reprochent à l'auteur de l’ApoIoge'tl
parfois aussi de la grâce. On rencon que, les docteurs les plus illustres du
tre, il est vrai, dans tous ces livres, christianisme lui ont tenu compte des
les vices de l'es rit africain, un goût efforts qu'il avait faits pour préciser et
renoncé pour es images hardies. de coordonner leurs dogmes aux yeux des
’exageration et de l'emphase, et çà et païens; ils n'ont pas oublié, nonobstant
là', de la‘ gêne, des obscurités et de sa chute, que sa controverse avait été ,
la confusion. Mais les beautés plus pour ainsi dire, le point de départ de
nombreuses et.plus saillantes que les tous leurs écrite; à toutes les époques,
défauts ont acquis à Tertullien une ils ont prodigué à cet. héroïque lutteur
gloire que le temps n'a point encore les louanges et les témoignages de la
affaiblie. > plus vive admiration; et parmi eux, il
Tertullien , suivant d'anciens récits, s‘esttronvéun saint,qui,faisantallusion
vécut séparé de-I‘Ëglise catholique, non point seulement au temps où Tertul
dans la seconde moitié de sa vie, et lien avait vécu, mais encore à son mé
partagea l'erreur des montam'stes. Ce rite, n'a pas craint del‘appeler le pre
changement s'explique par la nature mier des Pères de l’Eglise (l).
même de son esprit. Montan, le chef ‘i.

dela doctrine qu’il avait embrassée, (l) Voy. sur Terlullien et ses écrits : August
rétendait déjà de son temps que Neander; aulignastikus Geist des Tertulliunul
und Einleilung in dessert Schriftm; Berlin,
es chrétiens vivaient dans un funeste 1825. — M. J. P. Charpentier: Etude histo
relâchement; il voulait donc changer rique et littéraire sur Terlullien; Paris. I839.
leurs mœurs, les régénérer. D'autre — Henrl Rilter; Histoire de la philoso hic
chrétienne, traduite de l’allemand ar rul
part, il croyait au don de‘ prophétie. lard; t. I, p. 325 — 37e; Paris, l8 a. Bitter
Tertullien sexlaissa entraîner volon s’est servi plus d'une fois du livre de Neander.
tiers,-par safoi vive, dans l'erreur —- Fleury; Histoire ecclésiastique. l. ll, p. 5 et
suiv.; in-t". —— Bernult-Bercaslel ; Histoire de PI?
de Menton. Il crut'en deux femmes glise; t. i. p. 368 et suiv. — Rohrbacher; His
exaltées, Maximille et Pi'iscille, qui se toire universelle de l'Église catholique , t. V,
disaient animées de l’esprit de l)ieu._ . 243 et suiv.; Paris, [842. -— Voy. aussi‘:
Puis, comme son rigorisme avaititou udw. Gieseler; Lehrbuch der Kirchengescht
chie; t. I, p. 232 et suiv.; Bonn , [88L
6
Tertullien était né dans la dernière mis assurément au nombre des plus
moitié du second siècle; il parvint, belles légendes du christianisme (l ).
suivant d'anciens témoignages, à une u On arrêta , à Carthage ( 202 ou 203) ,
extrême vieillesse. Bévocatus et Félicité, esclaves du même
sur“ D! LA yansécurron; lu maître , Saturnin et Secundulus , et avec
zrvns ne Panama, ne retiens. eux Vivia Pérpetua , issue d’une.famille
na m’rvocuus, ne surnom, na riche et puissante. Elle avait été élevée
sscuunutus et D3 ssrua. .. Mal— avec soin et bien mariée. Elle avait
gré l’dpologétique de Tertullienet les _son père et sa mère, deux frères, l’un
nombreuses réclamations, en faveur desquels était catéchumène, et un enfant
des chrétiens. qui arrivaientsans doute à la mamelle qu'elle nourrissait de son
de toutes les provinces, Septime Sévère lait. Son âge était d'environ vingt-deux
et. ses jurisconsultes ne cherchèrent ans. Elle-même a écrit de sa main et
point à se rendre compte des dogmes raconté, ainsi qu'il suit, l’histoire de
et des enseignements de la religion er son martyre:
sécutée. Ce qu'ils voyaient surtout ans « Comme nous étions encore avec
le christianisme, c'était une doctrine les persécuteurs , et que mon père con.‘
qui conduisait à l'infraction des lois. tinuait à vouloir me faire tomber par
Les chrétiens refusaient avec une obs' l'affection qu'il me portait, je lui dis:
tination invincible de jurer par le gé Mon père, voyezvvous ce vase qui est
nie des empereurs. C'était, aux yeux par terre? Oui, dit-il. J'ajoutai : Peut
de Sévère et de ses légistes, un acte de on lui donner un autre nom que le
rébellion, un crime de lèse-majesté. sien? Non, répondit-il. .le ne puis pas
Aussi, ils se montrèrent impitoyables, non plus, moi, me dire autre chose
et ils prescrivirent des rigueurs que de gré je ne suis, c'est-a-dire chrétienne.
vait encore aggraver le zèle religieux on père, touché de ce mot, se jeta
des juges qui étaient restés partisans sur moi pour m'arracher les yeux;
sinceres du polythéisme. Mais, nous mais il ne lit que me maltraiter et
l'avons dit, les chrétiens ne se laissé. s’en alla vaincu avec les inventions du
rcnt point effraver; inébranlables dans démon. Ayant été quelques jours sans
leur foi, animés en outre du plus vif voir mon père, j'en rendis grâces au
enthousiasme, ils se présentaient avec Seigneur , et son absence me soulagea.
résolution devant les tribunaux , répon Ce fut dans l'intervalle. de ce peu de
daient avec assurance, et ne perdaient jours que nous filmes baptisés; or,
rien de leur fermeté au milieu des plus je ne songeai, au sortir de l'eau, qu'à
horribles tortures. Ils se réjouissalent demander la patience dans les peines
en vue de ce qu’ils a pelaient eur triom corporelles. Peu de jours après, on
he prochain; par 013, ils se plaisaient nous mit en prison; j'en fus effrayée,
g raconter eux-mêmes, par écrit, la car je n'avais jamais vu de telles téné
longue série de leurs souffrances , et, bres. Oh! que ce jour me dura! quelle
quand le fer du bourreau arrêtait leur chaleur! ou étouffait à cause de la
main, ils confiaient à un de leurs freres foule; puis des soldats nous oussaient
le soin de dire aux Églises comment ils avec brutalité; enfin je séc ais d'in
étaient morts, et de terminer ainsi le quiétude pour mon enfant. Alors les
récit qu'ils avaient commencé. Nous bénis diacres Tertius et Pompoue , qui
avons déjà parlé des Scillt‘tains. Nous nous assistaient, obtinrent, à prix
devons raconter maintenant un autre d’argent , que pour nous rafraîchir nous
martyre, qui commença dans _les n passions passer en un lieu plus com
sons et se termina dans l’amphithé tre mode de la prison. Nous sortimes; cha
de Carthage. Nous reprodnirons lcl cun pensait à soi: je donnais à téter
textuellement, dans ses parties les à mon enfant qui mourait de faim.
plus importantes. un ancien document (I) Voy. le. recueil de Ruinart : Acta pn'—
‘ qui, si l'on considère les faits qu'il morum mnrlyrum sinccru et selecta (Paris,
contient. les circonstances au milieu I880. lnvt° ), p. 85. Nous empruntons la tra
dnctlonde Fleurv, revue et modifiée quelquefois
desquelles il a été écrit, et l'admira par l'abbé Rohrhaclrer. Nous avons essayé, A
ble simplicité de sa forme, doit être notre tour, de corriger cette dernière traduction.
AFRIQUE CHRÉTIENNE. 7
‘9
Inquiète pourlui. en parlaisà ma mère‘; fortifier, en disant: sur l'échafaud , il
je ortiliais mon ère et lui recomman arrivera ce qu’il plaira à Dieu; car sa
dais mon fils. Je séchais de douleur, chez bien que nous sommes en la puis
parce ue je les voyais eux-mêmes sé sance de Dieu , non pas en la nôtre. Et
chant e douleur pour l'amour de moi; il s’en alla tout triste. Le lendemain,
je passai plusieurs jours dans ces in comme nous dlnions, on vint tout d'un
quiétudes. M'étant accoutumée à garder coupnous enlever pour être interrogés .
mon enfant dans la prison, je me trou et nous arrivames à la place. Le bruit
vai aussitôt fortifiée, et la prison me de s'en répandit aussitôt dans les quartiers
vint un palais; en sorte que j’aimais voisins, et l’on vit accourir une foule
mieux y être qu'ailleurs. Mon frère me immense. Nous montàmes sur l'écha
dit alors : Madame et sœur, déjà vous - faud . Mes compagnons furent interrogés
êtes en grande faveur auprès de Dieu; et confessèrent. Quand mon tour vint,
demandez-lui donc qu’il vous fasse con mon père se présenta tout à coup avec
naître par quelque vision si‘ vous mon fils; il me lit descendre les degrés,
devez finir par le martyre ou par être et me dit d'une voix suppliante: Ayez
rendue à la liberté. - pitié de votre enfant! Le proeurateur
Perpétue, en effet, eut une vision Hilarien , qui remplaçait alors Minucius
pendant son sommeil. Elle comprit Timinien, qui venait de mourir, me
u’elle était destinée au martyre. Elle disait de son côté : Épargnez les che
Fe dit à son frère; et tous deux , suivant veux blancs de votre pèrel Épargnez
l’expression de la sainte, commencè l'enfance de votre fils! Sacrifiez pour
rent à n'avoir plus aucune espérance la prospérité des empereurs! Je n’en
dans le siècle. Perpétue reprend le ré ferai rien, répondis-je. Êtes-vous chré
cit en ces termes : « Peu de jours après , tienne? me dit-il. Et je lui répondis :
le bruit se répandit que nous devions Je suis chrétienne. Cependant, mon
être interrogés. Mon père vint de la père se tenait toujours la pour me faire
ville, consume de tristesse; il monta tomber. Hilarien commanda de le ches’
vers moi (l) pour me faire tomber dans ser; et il fut frappé d’un coup de bâ
l'apostasie, disant: Ma fille, ayez pitié ton. Je ressentis le coup de mon père
de mes cheveux blancs! ayez pitié de comme sij’eusse été frappée moi-même,
votre père, 8! du moins je suis digne tant je compatissais ‘a son infortunée
que vous m'appeliez votre père! Si moi vieillesse! Hilarien prononça la sentence,
méme, de mes mains que voilà, je vous et nous condamna tous aux hôtes. Et
ai élevée jusqu'à cette fleur de Page; si nous descendlmes joyeux à la prison.
je vous ai préférée à tous vos frères, Comme mon enfant etait accoutumé à
ne me rendez pas l'opprobre des hom recevoir de moi le sein et à demeurer
mes. Regardez vos frères, regardez votre avec moi dans la prison , j’envoyai aus
mère et votre tante; regardez votre fils sitôt le diacre Pompone pour le deman
qui ne pourra vivre apres vous. Quittez der à mon père; mais mon père ne
cette fierté, de peur de nous perdre voulut pas le donner. Et il plut à Dieu
tous; car aucun de nous n’osera plus que l'enfant ne demanda plus à téter,
parler , s’il vous arrive quelque malheur. et que je ne fusse pas incommodée de
Ainsi me parlait-mon père dans sa ten mon lait; de sorte que'ie restai sans
dresse, me baisant les mains, se jetant inquiétude et sans souffrance.»
à mes pieds et m’appelant avec larmes La sainte, après avoir raconté une
non plus sa fille,‘mais sa dame. Et seconde vision, ajoute‘: « L'inspecteur
moi, je pleurais sur les cheveux blancs Pudens. qui était gardien de la prison,
de mon pere, ‘e gémissals dece que, seul conçut une grande estime pour nous,
de toute ma amille, il ne se réjouissait pareequ'il voyait sans doute que notre
pas de mon martyre; et j'essayais de le courage venait de Dieu. Il laissait donc
(Anal: temps de ladomlnallon romaine. les entrer beaucoup de frères , afin que nous
sons de Carthage etalent situees sous le pa pussions nous consoler et nous encou
als prooonsulalre, elle palais lui-même se rager mutuellement. Quand le jour du
trouvait sur la colline ou s'élevait jadis la ci
tadelle de Byrsa Voy. dans ce volume la topo spectacle approeha . mon père vint me
graphie de Carthage. trouver. Il était accablé de tristesse;
.,‘_

il commença à s'arracher la barbe; mes doigts les une dans les autres, et ,
puis il se jeta à terre, et la face tournée le pressant, je le lis choir, et avec mes
vers le sol, il se mit à maudire ses an pieds je foulai sa téte. Le peuple se
nées et à se Iaindre en des termes qui mit à crier, et mes auxiliaires a chanter.
eussent ému a créature la plus insensi Je m'a pprocbaidu maître, qui me donna
ble. Et moi, je gémissais sur sa malheu le rameau avec un baiser, en disant:
reuse vieillesse. La paix soit avec vous, ma fille. Je
a La veille de notre combat. j’eus cette commençai a marcher avec gloire vers
vision : le diacre Pompone était venu la porte Sana-Vivaria de l’amphithéâtre.
à la porte de la prison, et frappait bien Je m'éveillai; et je com ris que je ne
fort;je sortis et lui ouvris. Il était vêtu combattrais pas contre es bêtes, mais
d’une robe blanche, bordée d’uneiulinite’ contre le démon; et je me tins assurée
de petites grenades d'or. Il me dit : Per de la victoirepvoilà ce que j’ai fait et
pétue, nous vous attendons; venez. Il me vu jus n'a la veille du spectacle; qu’un
prit par la main , et nous commençâmes autre rive, s’il veut, ce qui s’y pas
a marcher par des lieux rudes et tor sera. -
tueux. Enfin nous arrivâmes à l'amphi« lci , en effet, la narration de la sainte
théâtre à grand’peine et tout hors est interrom ue; mais, comme Perpé
d’baleine. Il me conduisit au milieu de tue l’avait desiré , il se trouva un chré
l’arène et me dit: Ne craignez point, tien qui raconta les derniers instants
je suis ici avec vous et je prends part à des martyrs. Illes visita dans la prison
vos travaux. Il se retira, et j’aper us et ne les quitta, comme on le voit par
un grand peuple qui regardait éba i. le document que nous avons sous les
Comme je savais que j'étais destinée yeux, qu’au moment où ils cessèrent
aux bêtes, je m'étonnais , car on ne de vivre. Ce fut- lui sans doute qui
les lâcliajt point. Il sortit alors contre plaça , entre les derniers mots tracés par
moi un Egyptien fort laid qui vint me Perpétue et-son pro re récit, une vision
combattre avec ses auxiliaires. Mais il écrite par un chr tien-condamné au
vint aussi vers moi des jeunes hommes dernier supplice. Ce chrétien s'appelait
bien faits, pour me secourir. Je fus Satur. Il était venu se livrer aux magis
dépouillée de mes vêtements, et me trats , et on l‘avaitjoint, dans l’arrét de
trouvai changée en homme; on me frotta mort, aux martyrs que nous avons
d‘huile pour; le combat, et je vis de l'au déjà nommés._Après avoir transcrit la
tre côté l’Egyptien se rouler dans la vision de Satur, a nouveau narrateur
poussière. Alors parutun homme mer s’exprime en ces termes : - Secundulus
veilleusement grand , en sorte qu’il était mourut dans la prison. Félicité était
plus bautquel'amphithéâtre,v tu d’une enceinte de huit mois, et, vu ant le
tunique sans ceinture avec deux bandes jour du spectacle si proche, e était
de pourpre par devant et semée de petits fort affli ce, craignant que son martyre
ronds dor et d‘argent. Il tenait une ba ne fût ifféré, parce u'il u’était pas
guette Î comme les maîtres des gladia permis d'exécuter les mes encein
teurs, et un, rameau vert où se trou tes. Elle craignait de répandre ensuite
vaient suspendues des pommes d’or. son sang innocent avec uelques scélé
A ant commandé le silence, il dit: Si rats. Les compagnons c son martyre
l’ëgyptien remporte la victoire sur la étaient sensiblement affligés, .de leur
femme, il la tuera par le glaive; mais côté, dela laisser seule, elle, une si bonne
si elle vient à le vaincre , elle aura ce compagne, dans le chemin de leur com.
rameau; et il se retira. Nous nous ap< mune espérance. lisse mirent donc tous
prochaines, et nous commençâmes à ensemble à gémir et à prier. Cela se
nous donner des coups de poing. Il passait trois jours avant le spectacle.
voulait me prendre par les pieds, mais Aussitôt a rès leur prière, les douleurs
je lui en donnais des coups daps le vi prirent Fé icité, et comme, l'accouche
sage. Je fus élevée en l'air et commençai ment étant naturellement plus difficile
à le battre comme si j.'eusse frappé la dans le huitième mois, elle se plaignait,
terre. Voyant que cela durait trop. un des guichetiers lui dit: Tu te plains,
je joignis mes deux mains, passant maintenant! Eh! que ferastu donc quand!
AFRIQUE CHRÉTIENNE. 9
tu seras ex osée à ces bêtes que tu as de sa couche pour combattre les bêtes
méprisées , orsque tu refusas de sacri et se purifier ainsi . comme par un se
fier? Elle répondit: C’est moi qui souf ‘cond baptême, dans son propre sano‘.
fre maintenant ce que je souffre; mais Lorsqu’ils furent arrivés a la porte (le
là, il. y en aura un autre en moi qui l‘amphithéâtre, on voulut forcer les
souffrira pour moi, parce que je souf hommes à revêtir le costume des pré
frirai pour lui. Elle accoucha d’une tres de; Saturne, et les femmes celui
petite lille, qu’une sœur éleva comme des prêtresses de Ce'rès. Ils s’ refusèrent
son enfant....... sur?’ es «'19 avec une fermeté invincibe, disant :
« Comme le tribun traitait les mar Nous ne sommes venus ici volontaire
tvrs très-rudement, parce ue , sur ment que pour conserver notre liberté;
l’avis de gens .sottement crédules, il nous avons sacrifié notre vie pour ne
craignait qu'ils ne se tirassent de la pri rien faire de semblable; cela a été ar
son par quelque sortilège, Perpétue lui rêté entre vous et nous. L'injustice re
dit en face : Pourquoi ne nous donnes connut la justice; le tribun consentit à
tu pas du soulagement, puisque nous ce qu’ils entrassent avec les vêtements
sommes les condamnés du très-noble u‘ils portaient. Perpétue chantait,
César, et que nous devons combattre à oulant déjà aux piedsla tête de I'Égyp
sa fête? N’est-il pas de ton honneur que tien. Révocatus, Saturnin et Satur sem
nous y paraissions en bon état? Le tri blaient dédaigner le peuple qui regar
bun eut peur et rougit : il commanda dait. Étant arrivés à la vue dHilarien,
donc qu’on les traitât plus humaine ils lui disaient par signe de la main et
ment; qu’on accordât aux frères et aux de la tête : Tu nous juges , mais Dieu
autres la liberté d'entrer dans la prison, tejugera. Le peuple en fut irrité, et de
afin que des deux parts on pdts’apporter manda qu‘ils fussent fouettés en passant
des soulagements. Le surveillant de la devant les Veneurs. Les martyrs se ré
prison était déjà croyant. La veille des jouirent de participer en quelque chose
jeux, on leur donna, suivant la con à la passion du Seigneur Celui qui a
tume ,.le dernier repas , que l‘on appe dit : Demandez et vous recevrez, leur
lait le repas libre, et qui se faisait en accorda la mort que chacun d’eux avait
public; mais les martyrs le convertirent souhaitée; car lorsqu’ils s’entretenaient
en une agape modeste, autant qu’il ensemble du martre, Saturnin avait
était en eux. Ils parlaient auipeuple manifesté le désir ‘être exposé à toutes
avecleur fermeté ordinaire, le menaçant sortes de bêtes, afin de remporter une
du jugement de Dieu, attestant les dé couronne plus glorieuse. Ainsi, dans le
lices qui se trouvaient dans leurs souf spectacle , lui et Révocatus , après avoir
frances, et raillant la maligne curiosité été attaqués par un léopard , furent en
de ceux qui accouraient auprès d’eux, core maltraités par un ours. Satur ne
Satur leur disait 2 Lejour de demain ne craignait rien tant ne l’ours. et souhai
vous suffit pas pour voir à votre aise tait’qu’un léopard e tuât d’un seul coup
ceux que. vous ha'issez. Aujourd'hui de dent. Il fut d'abord exposé à un san
amis, demain ennemis. Après tout, ne. Ëliel‘; mais le veneur qui avait lâché la
marquez bien nos visa es, afin de nous éte,_en recut. un coup dont il mourut
reconnaître au jour sa ennel. rte après les fêtes. Satur fut seulement
que tous :se retirèrent mm _ traîne’. Puis on lâcha un ours; mais
sieurs , dans cette foule , adopt ' es l'ours ne sortit point de sa loge. Ainsi
nouvelles croyances. Satur, étant sain et entier, fut rap clé
«Enfinparut le jour de leur victoire. pour la seconde fois. Les jeunes fém
Ils sortirent de la prisonpour l’amphi mes furent dépouillées et mises dans des
théâtre, comme pour le ciel : leurs vi filets pour être exposées à une vache
sages était rayonnants; ils étaient émus, furieuse. Le euple en eut horreur,
non de crainte, mais de joie. Perpétue voyant l’unc Sl délicate et l’autre en
suivait , calme dans ses traits et dans core malade de sa couche avec des ma
sa démarche, comme l'épouse chérie melles dégouttantes de lait. On les retira
du Christ; elle tenait les yeux baissés, doncet on les couvrit d’hahits flottants.
pour en dérober la vivacité. Félicité se Exposée la première, Perpétue fut jetée
réjouissait de s’étre assez bien relevée en l’air et‘ retomha sur les reins. Elle se
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mit sur son séant, et va ant sa robe dé menat les chrétiens au milieu de l'am
chirée sur le côté, elle a rejoignit ur phithéâtre, pour les voir frapper et
cacher ses cuisses, plus occupée e la s'associer ainsi, par les regards, à l'ho
pudeur que de la douleur. On la reprit, micide. Les martyrs se levèrent, y allè
et elle renoua ses cheveux qui s'étaient rent d'eux-mêmes . après s'être donné
détachés, car il ne convenait point qu'un le baiser, afin de consommer le martyre
martyr souffrlt les cheveux épars, de par un acte solennel de paix. Ils recu
peur de paraître affligé de sa gloire. Elle rent ledernier coup, immobiles et en 'si
se leva, et voyant Félicité toute frois lence; quant à Perpétue, elle tomba
sée ar terre, elle lui donna la main et entre les mains d'un gladiateurinexpéri
l'ai a à se relever. Elles se tenaient de mente, qui la iqua entre les os et la
bout toutes les deux; mais le peuple, fit crier; elle ut obligée de conduire
dont la dureté avaitété vaincue, ne vou elle-même la main tremblante de son
lut pas qu'on les exposât de nouveau, bourreau. -
et on les reconduisit à la porte Sana Si ces pages, après tant de siècles,
Vinaria. Perpétue y fut reçue par un nous paraissent encore si belles et nous
catéchumène nommé Rustique, qui lui émeuvent fortement, qu'on jugede l'ef
était attaché. Alors elle s'éveilla comme fet qu'elles ont produit au temps des
d'un profond sommeil, tant elle avait été persécutions. On en fit sans doute de
ravie en esprit et en extase, etcommença nombreuses copies, que de pieux mes
à regarder autour d'elle, en disant, sagers transportaient. suivant un vieil
au grand étonnement de tout le monde : usage (l), d'Eglise en Église, non point
Quand donc nous exposera-t-on à cette seulement en Afrique, mais encore
vache? On lui dit ce qui s'était passé; enEurope et en Asie . dans les pays les
elle ne le crut que lorsqu'elle vit sur plus lointains. C'est ainsi que les chré
son corps et sur son vêtement les mar tiens de contrées diverses se transmet
ques de ce qu'elle avait souffert, et taient. pour ainsidire, le courage et le
qu'elle reconnut le catéchumène. Puis dévouement, et s'aidaient, malgré les
elle fitappeler son frère, et lui dit , ainsi distances, à l'aide d'un simple récit,
qu'à Rustique: Demeurez fermes dans à ne, rien perdre, au milieu des tors
la foi; aimez-vous les uns les autres, Ëures, de leur enthousiasme et de leur
et ne soyez pas scandalisés de nos 01.
souffrances. Satur, ‘a une autre orte , LA Psnss'currou sa un “un
suivait le soldat Pudens, et lui isait; DANS TOUTES LES mutins ns L'un,v
Me voici enfin commeje vous l'avais pré QUB;BLLB ss BALEN'HT; 'rnounus
dit; aucune bête ne m'a encore touché. INTÉRIEURS ns L'éGuss PENDANT LA
Croyez donc de tout votre cœur; Ije PAIX. — Ce ne fut int seulemebt à
m'en vais la , et je finirai par une sen e Carthage que l'édit eSeptime Sévère
morsure d'un léopard. Aussitôt (on était fut mis à exécution. Nous savons par
à la fin du spectacle) il fut présenté à NTortullien (2) que la persécution s'étendit
un léopard, qui, d'un seul coup dent, sur toutes les villes de l'Afrique. Parmi
le couvrit de sang. Le peuple s'écria : les magistrats impériaux, il yen ont qui se
Le voilà bien lavé, le voilà sauvé! montrèrent, à l'égard des chrétiens, doux
faisantuneallusionironiqueaubaptême. et modérés et qui essayèrent d'atténuer
Mais lui, se tournant vers Pudens: les rigueurs de la loi; mais d'autres, au
Adieu , lui dit-il , souvenez-vous de ma contraire, soitdans des vues d’ambition,
foi! Que ceci ne vous trouble point, soit par un sincèrel attachement aux
mais, au contraire, vous continuel doctrines du polythéismo, usèrent sans
Puis , il lui demanda l'anneau qu'il pitié, pour anéantir ceux qu'ils appe,
avait au doi t, le mit sur sa blessure,
et le lui ren it comme un gage de son
amitié et un souvenir de son sang. (nvoy. comme exemple, la lettre de l’éqltr
de Smyrne aux autres églises ooncernan c
Après quoi on l'exécuta au lieu où l'on martyre de saint Polycarpe lap. Rulnsrt. p.
avait coutume d‘ègorger ceux que les ‘18). le recueil de Rulnart (Acta primorun
bêtes n'avaient pas achevés. On nommait mnrlyrum aimera rtselecta ) contient plus d'un
document de ce genre.
ce lien spoliarium. - (2) Voy. la lettre adressée par Tertulli
e Le peuple demanda alors qu'on ra Iuproconsul scapula.
AFRIQUE CHRÉTIENNE. “
laient les ennemis de l'empire, des tor Cyprien mit bientôt sa science et son
turcs et des plus affreux supplices. Au zèle au service de la croyance u'il
nombre de ces‘ derniers se trouvaient avait embrassés. Il se livra avec ar sur
le proconsul Scapula et le gouverneur à l'étude des saintes Écritures et des
de la Mauritanie. ouvrages de Tertullien, ur lequel il
La persécution se ralentit enfin. Tou avait une admiration sans rues; puis,
tefois. il faut croire qu'il n'y eut de lorsqu‘il se sentit suffisamment fortifié
six véritable pour les chrétiens que sous par ses nouvelles lectures .ïil essaya, à
e règne d'Alexandre Sévère. L'Église son tour. par de nombreux écrits, de
d'Afrlque avait à peine joui de quel défendre le christianisme. Ses premiers
ques instants de re os qu'elle fut agi essais , on le comprend , sont empreints
tée par des querel es. Elle était déjà de la vive réaction qui s'est opéree dans
tourmentée et déchirée par les schis son esprit. D'abord , il adresse à un aie
mes et les hérésies.Ce fut probablement ses amis, Donat, une lettre sur le ._m
au temps d’Alexandre Sévère qu'un pris du monde; ensuite, comme lit Ar
concile se rassembla, en Numidie, dans nobe plus tard , pour donner en quel
la colonie de Lambèse. pour condam que sorte à ses nouveaux frères un gage
ner l'hérétique Privat. Suivant le té e sa foi, et peutétre pour se raffer
moignage de saint Cyprien (1), quatre mir lui-même, il attaque violemment
vingt-dix évêques (et ce seul fait prouve le polythéismedans son traité de la Va
les immenses progrès du christianisme nite' des idoles. Dans ce dernier ou
enAfrique) prirent placedans ce concile. vrage, Cyprien procède avec une exces
Après la persécution et la mort d'A sive réserve; il n’a point encore assez
grippinus et d'Optat, on vit paraître de confiance dans ses propres forces
successivement, sur le siége épiscopal de pour s‘écarter des opinions déjà émises
Carthage, Cvrus, Donat et Cyprien (2). par les docteurs de l'Église, ses pré
Ce dernier s’éleva au moment où Ter de'cesseurs, et il suit, pour ainsi dire, pas
tullien achevait sa longue carrière. à pas, Tertullien qu’il avait choisi pour
convulsion ne ssmr CYPBIEN; modèle. Sa manière est plus originale,
SIS Plllllls oUvsAGEs; [L DEVIENT ses allures sont plus libres dans ses
ivious ne CAITIIAGE. — Cyprien a - trois livres des Témoignages. Le pre
rtenait à une des familles les plus l - mier livre contient une discussion con
tres et les plus riches de l’Afrique tre les juifs; Cyprien y établit que la
romaine. Il avait été élevé, dans sa loi ancienne a ait son temps, et qu'il
jeunesse , avec beaucoup de soin. Dirigé faut nécessairement adopter et suivre
par des maîtres savants et habiles, il la loi du Christ, la loi nouvelle. Le
avait ris le goût des lettres et les avait second est consacré à l'exposition du
étud' s avec fruit. Il parut bientôt avec dogme de l’incarnation. Le troisième
éclat dans les écoles Justement renom es . suivant l'expression d'un écrivain
mées de Carthage. C'est là qu'il don ec ésiaslique, un traité de théologie
nait avec grand succès des leçons pu morale. Dans ces troislivres, on voit que
bliques d’éloquence, lorsque, dans un Cyprien a déjà étudié d'une manière
âge déjà assez avancé , il se fit chrétien. approfondie les saintes Écritures. Il lit
Les écrivains ecclésiastiques nous ap suivre ses Témoignages d'un traité
prennent que cette conversion fut l'œu sur la Conduite des vierges. Il est évi
vre d'un prêtre nommé Cecilius. dent que . dans ce dernier ouvrage , l'au
teur s'est encore inspiré de Tertullien.
l saint Cyprien. au moment où finissait la Il y avait un au à peine que Cy
( ) ordonnée par l'empereur Deciuset prien était prêtre, lorsque mourut Do
propos d'un concile qu'il suit convoqué à
cwth écrivait ces mots à saint corneille: nat, l'évêque de Carthage. Plusieurs se
Per rÏ-m nm num signifie-m‘ tibi . [nu/r, présentèrent alors pour occuper le siége
mine oauhagùum Privaln. veierem han vacant. Mais le clergé et le peuple appe
h‘cum in Laubesihma colon)‘ llllll.‘ mullœ/cre
omme, chaud!!! et m" de ' tu, uonayiuu lèrent Cyprien, qui setenait à l écart, et
une au lulu condamnation. Cyprlani tous, d’un commun accord. le procla
3m]. lst. 05.. _ l mèrent évêque en l'an 248 (l).
(a; (me mm“); t. 1, p.
Il ou’. (I) C'est. la date adoptée par Horœlli. Il ne
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NOUVELLE rnaslicu'rton; nn'rnAt'rB persécution, et qui avaient confessé
DE SAINT CYPRIBN; ivoimnnusss sans crainte le nom du Christ au
APOSTASIES; TROUBLES vin‘ DIVISIONS milieu des plus horribles tourments.
‘DANS L’écuss na CAB’I‘HAGE. —-— Cy Les évêques et les prêtres avaient égard
prien était à peine monté sur son siège aux recommandations des martyrs, et,
que l’empereur Decius promulgua un en leur considération, ils se montraient
édit de persécution (249). Les païens , volontiers indulgents et abrégeaient,
ui étaient encore nombreux a Car pour les faibles et les lâches, le temps
t age, se mirent à poursuivre les chré de la pénitence. En Afrique donc, et
tiens avec un acharnement quitenait surtout à Carthage, les apostats s'adres
de la fureur. C'était l'évêque surtout sèrent aux martyrs qui étaient en pri
qui était l’objet de leur haine; ils pro son ou ui avaient échappé tout à faitau
téraient hautement contre lui des me fer des ourreaux , et leur demandèrent
naces de mort; et quand ils‘ étaient des billets d'indulgence. Parmices mar
réunis dans l'amphithéâtre ils criaient : tyrs, il y en eut qui n’en donnèrent
Cyprien aux lions! Il fallait se cacher ou qu’avec uneextréme réserve; mais d‘au
périr. Cyprien crut sans doute que sa tres, trop fiers du courage qu’ils avaient
vie serait plus utile un-jour à ses frères montré et de leur victoire, s’imaginè
gué l'exemple de son martyre. et il se rent que, par leurs seuls mérites, ils
éroba, par une prompte retraite, au avaient le droit de réconcilier avec l'É
fer des persécuteurs. On le frappa, glise tous ceux qui étaient tombés. Un
quoique absent, par une sentence de certain Lucien fut de cenombre, et il dis.
prescription et par la confiscation de tribua indistinctement des billets d’in
ses' biens; dulgence à tous ceux qui lui en deman
Depuis Septime Sévère, un funeste dèrent. Il en vint à ce point d’arrogance,
relâchement s'était opérédans les mœurs qu’il adressa à Cyprien, dans saretraite,
des chrétiens. On le vit bien au jour la lettre suivante: a Tous les confesseurs
de la persécution. Si Mappalicus, Paul, à l'évêque Cyprien , salut. Sachez que
Fortunion, Bassus et quelques autres nous avons donné la paix à tous ceux
qui périrent soit au milieu des tortures, qui se sont bien conduits depuis leur
soit de la faim, dans les prisons de Car péché, et nous voulons que vous le fas
thage, s'illustrèrent par leur courage et siez savoir aux autres évêques. Nous
leur dévouement, l’ancienne gloire de souhaitons que vous ayez la paix avec
l’Église d’Afrique , comme on l’ap les saints martyrs. En présence d'un
prend de Cyprien lui-même, fut terme exorciste et d’un lecteur : écrit par
par des apostasies sans nombre. L’e'vê Lucien. » L’évéque ne tint compte d'une
que, de sa retraite, encourageait en semblable réclainationèill recommande,
vain ses frères à la constance; quel par lettres, à son clergé, de ne point ad
ques-uns, comme Rogatien , suivaient mettre, les apostats à la communion,
ses conseils; mais les autres cédaiQnt avant lejour où il serait permis de dis
lâchement et sacrifiaient en foule aux cuter librement sur les affaires de l’E
idoles. glise. D'autre part, commeil sentaitque
L’esprit de Cyprien n’était point seu depuis sa retraite l’autorité de sa parole
lement préoccupe de ces actes d'une dé pouvait être diminuée, il s'adresse à
plorable apostasie; il voyait encore avec ’Eglise de Rome, qui s'était illustrée
douleur que, dans ces moments de par sa fermeté dans la ‘persécution. Celle
péril, un schisme menaçait son Église. ci approuva et loua la conduite de Cy
Parmi les chrétiens qui avaient renié prien , blâma l'insistance des apostats,
leur foi et leur Dieu, plusieurs se re et condamna les abus qu'avait entraî
pentirent, et ils eurent hâte de rentrer nés une trop large concession des billets
en grâce auprès de l’Ê lise. Pour arri d'indulgence. L’opinion de l'Église ro
ver plus promptement a leurs (ins, ils maine donna une grande force aux re
s'adressèrent, suivant un vieil usage, à montrances de Cyprien.
ceux qui étaient restés fermes pendant la Enfin, la persécution avait cessé, et
croit pas qu’on puisse reporter en deçà de 248
déjà l'évêque se préparait à sortir de sa
ou au del‘a de 24a l'élection de saint Cyprien. retraite pour célébrer les fêtes de Pâques
AFRlQUE CHRÉTIENNE, 13
dans son église (‘251 ) , lorsqu'il apprit tien voulait donc se faire élire évêque
‘un schisme violent venait d'éclater de Rome; mais ses espérances furent
a Carthage. trompées. Corneille fut choisi par une
SCHISME ACABTHAGE ; LES ENNEMIS forte majorité. Novatien, dans son dé
DE SAINT cvParEN; maux CONCILES; pit, n'hésita pas à exciter un schisme ;
RAPPORTS DE L’somss ne CABTHAGE Il se fit, à son tour, nommer et sacrer
AVEC L'ÉGLISE DE nous; CELLE-CI par ses partisans.’ll écrivit alors à
CONDAMNE LES SCHISMATIQUES AFRI toutes les Eglises pour leur apprendre
camsrnsux TRAITÉS DE SAINT CY son élection; mais de toutes parts on
PntsN.'—.lI y avait alors dans la ville reconnut Corneille, et l'évêque de Car
un homme puissant qui s'appelait Féli thage ne fut pas le dernier à condamner
cissime. Par ses richesses et surtout par Novatien. ' eh?‘
ses intrigues il avait réussi à se faire Cyprien était rentré à Carthage. C'est
un parti. Les apostats, qui réclamaient la _ u’ôi’ 25| se tint un concile où se
pour leur faute un prompt et entier par lèrent soixante-dix évê ues. On
don, l'avaient choisi pour chef, et ils 'éra longtemps sur les af aires de
l’excitèrent , sans doute , à lutter ouver .olise, et onvy traita surtout les ques
tement contre Cyprien. L'évêque avait tions 'qui se rattachaient au fait de
envoyé , de sa retraite . deux évêques et l'apostasie et du schisme. Les schisma
deux prêtres our faire une enquete sur tiques furent excommuniés, et quant
la conduite e tous ceux qui apparte aux apostats qui se repentaient sincè
naient à son Église. Félicissime ne rement de leur chute, ou décida qu’ils
voulut point qu'ils remplissen 3!- leur seraient admis à la communion après
mission et les re oussa'avec menace. A trois ans. Au reste, les évêques pro—
cette nouvelle, prien prononça une portionnèrent à la gravité des délits
sentence d'excommunicatlon. Cette sen es rigueurs de la pénitence. L'Église
tence attei nait Félicissime et un cer d'Afrique, pour donner plus de poids à
tain Augen us, qui lui avait prêté aide ses décisions, envoya les règlements du
et appui. Parmi ceux qui provoquèrent concileà Corneille, évêque de Rome.
le schisme on comptait aussi cinq prê Celui-ci lesapprouva dans uneassemblée
tres, qui avaient ambitionné le siégé qui, sans compter les prêtres et les dia
épiscopal et qui avaient vu avec chagrin cres, se composait de soixante évêques.
l'élection de Cyprien. Le plus célèbre L'année suivante , 252, Cyprien c0n-.
de ces cinq prêtres est Novat. “531 voqua un autre concileàCarthage. Cette
C'était à Rome, surtout, que ce der fois, et à cause de l’approche d'une
nier devait se signaler. il se rendit en nouvelle persécution , les quarante
Italie au moment où l'Église romaine deux évêques qui s’étaient réunis , usè
se disposait à élire un nouvel évêque. rent d'indulgence à l'égard des apostats
Novat se lança, comme à Carthage, et Les admirent sans plus tarder à la
dans les intrigues. Il s'opposa, autant com_munion. Mais ce concile fut l'oc
qu'il le put, à ceux qui voulaient porter casion d'un nouveau schisme. Privat
leur choix sur‘CorneiIle, et il favorisa de Lambèse, qui, comme nous l'avons
les prétentions de Novatien. Celui-ci, vu, avait été condamné par les évêques
qui était admirateur de la philosophie de la Numidie, se présenta pour siéger
es stoîci‘ens, affichait des principes dans l'assemblée que présidait Cyprien.
d'une extrême rigidité. En ce qui con Il fut rejeté. Dans sa colère, il s'envi
cernaiâtâles. aposta'ts, par exemple, il ronna de quelques excommuniés. et choi
soutenait que l'Église ne pouvait ac sit un certain Fortunat, qu’il consacra
corder le "pardon, quelque pénitence etvproclama évêque de Carthage. Les
qu'ils lissent, à ceux qui étaient tombés schismatiques, pour assurerle succès de
ans la persécution. il devint le ch ‘ leur entreprise, écrivirent à Corneille
d'une secte qui se répandit hors d une lettre remplie des plus odieuses ea
l'ltalie. Les membres de cette sectê" lomnies. Ce fut Félicissime qui porta
s'appelaient eux-mêmes . d'un motgrec, cette lettre à Rome. Mais Corneille,
cathares, c'est-boire les purs, et ils qui connaissait Cyprien, repoussa ses
portaient des vêtements blancs. Nova accusateurs.

f
Il
La vie de l'évêque de Carthage , depuis de leur rendre courage. Cyprien écri
la fin de la persécution , était singuliè vit un traité où il envisageait les peines
rement u itée et laborieuse. Il écrivait terrestres suivant les croyances chré
lettre sur ettre , soità l'Églisede Bome, tiennes; il y montrait que ces peines
soit à ceux qui en Afrique, comme An ne sont que passagères et qu'elles doi
tonien de Numidie , lui demandaient ventétre sulpportées patiemment en vue
des conseils. Puis , il avait a se défendre de Dieu et e l'étermtéCe fut le traité
contre les scbismatiques qui troublaient de la Mortalité. A la même époque, il
Carthage. Malgré ses occupations nom adressa à Démétrien, magistrat impé
breuses et diverses , et le bruit des que rial qui résidait à Carthage , une lettre
relies qui retentissait à ses oreilles, il‘ sur un sujet qui fut longtemps débattu‘
écrivit encore son Traite’ des Laps et avec plus ou moins d'éloquence, entre
celui de l'Uni/e’ de l'Église. C’est dans les païens et les chrétiens, jusqu'au
ce dernier qu’il disait : a (Jeux qui doi— temps où vécurentSymmaque, saint Am
vent surtout tcnir fermement à cette broise, Libanius, saint Augustinet Sal
unité et la défendre , c'est nous évêques vien. L'antagoniste de l'évêque de Car‘
qui présidons dans l'Église , afin de thage attribuait aux chrétiens tous les
prouver que l'épiscopat lui-même est maux qui désolaient l'empire. C'est à
un et indivis. Oui, l'épiscopat est un, cette accusation que répondit Cyprien ,
et chaque évêque, sans toutefois pou dans la lettre dont nous arlons.
voir le iviser, en possède une portion. Déjà la réputation de l évêque de Cal’
L'Église de même est une et se répand , tbage s'étendait au loin. On le consultait
par sa fécondité , en une multitude tou de toutes les parties de l’Afrique'. Les
jours croissante. C'est un soleil dont les Églises, parce qu'il jouissait d'un im
rayons sont innombrables, mais qui n'a mense crédit, imploraieut son assistance
u'un seul foyer. C'est un arbre couvert dans leurs besoins Une fois, huit évé
e rameaux, mais tous ces rameaux ques de Numidie lui annoncèrent que
tiennent à un seul et même tronc. »Ces les tribus du désert s’étaient jetées sur
deux traités de Cyprien sontl'œuvre des leurs terres , et avaient enlevé un grand
circonstances. Dans l'un , il donne de sa nombre de chrétiens de l'un et de l'autre
lutaires conseils aux apostas; dans sexe. Ils demandaient un secours en ar
l'autre, il s'élève contre'leschisme. gent pour racheter les en tifs. Le saint,
RELATIONS rnsousmssmt CYPIIEN a cette nouvelle, versa es larmes. Il
AVEC mvsnsus laotiens; QUELQUES s’empressa de s'adresser à son Église
uns DE sus scarrs; sa Poumons qui, dans un élan de généreuse compas
courass’éeuss nolnlun ET LE PAPE sion ,- donna cent mille sesterces. Cy
SAINT ÉTIENNE. — En 252. la persé prien envoya cette somme aux évêques
cution recommença; toutefois, il‘ ne de Numidie avec une lettre où on lisait’
paraît pas qu'elle ait étendu ses ravages ces mots : - Si pour éprouver notre cha
en Afrique. Ce fut Rome surtoutqu'elle rité il arrivait encore un pareil mal
fra pa. Là , elle atteignit l'évêque Cor heur , ne craignez pointde‘ nous l'écrire;
nei le, qui fut une de ses premières et bien que notre Église demande qu’il
victimes. A cette occasion , Cyprien écri n'arrive plus rien de semblable, soyez
vit au clergé romain et au nouveau ape assurés qu'au jour du besoin , elle vous
Lucius, pour les féliciter de lagoire donnera, s'il le faut, de prompts et abon
que venait d'acquérir leur Église et dants secours. Et afin que vous fassiez
pour les encourager à la constance. des prières à l'intention de nos frères et
Nuit à défaut de la persécution, une de nos sœurs qui ont contribué de bonne
peste terrible vint bientôt désoler et dé grâce à cette œuvre, j'ai mis ici les
peupler l'Afrique. A Carthage le nom noms de chacun d'eux‘. - L'évêque de
re des morts fut immense. Pendant Carthage ne se contenta pas de donner;
la durée du fléau , les chrétiens , animés ilvoulut encore, r ses écrits, déve
par leur évêque , montrèrent une cha lopper dans les mes chrétiennes le
rite’ et un dévouement sans bornes. Tou sentiment de la charité. et il fit son livre’
tefois. parmi eux, il s'en rencontra qui des Bonnes œuvres et de l'Aumone.
le laissereut gagner par la crainte. Afin Ce fut vers ce temps que Cyprien,‘
AFRIQUE CHRÉTIENNE. x‘s
pour répondre àceux qui l'interrogeaient Psnaun VALÉRIBN; usures m!
de toutes parts, écrivit un grand nombre SAINT CYPRIEN. _..Dans les premiers
de lettres sur des sujets de discipline. temps de son règne, l'empereur Valérien
Ce n'étaient point seulement , comme s'était montré favorable aux chrétiens.
nous le voyons dans ses œuvres, les évé En257, il changea brusquement et il
ques dela Proconsulaire, de la Numidie _ ordonna de les oursuivre. La persécu
et de la Mauritanie qui s'adressaient à tion s'étendit ientôt dans tout l'em
‘lui , mais encore ceux de l'Espagne et pire.Ce futalors queCyprien.sous forme
de la Gaule. Quand il n'osait, en cer d'une lettre qu’il adressait à un certain
tains cas, s'en rapportera son propre Fortunat, composa pourles fidèles une
ju ement, il appelait autour de lui les exhortation au martyre. Il devait bientôt
év ques des provinces voisines, et leur lui-même encourager('Par son exemple,
soumettait les questions qui l'avaient ceux qu’il avait tant e fois animés par
embarrassé. ses écrits. Au mois d'août 257, il fut
Au reste, Cyprien, pendant son épis traduitdevant Paternus, proconsul d'A
copat, convoqua souvent des conciles. frique. Il répondit avec fermeté aux
Les deux derniers furent remar uables questions qui lui furent adressées; il
sar la lutte qu'il soutint contre l Église éclara qu’il était chrétien et évêque, et
e Rome. Certaines Églises d’Asie refusa , avec une généreuse indignation,
avaient pour coutume de rebaptiser les de dénoncer les prêtres de son Église.
hérétiques qui abjuraient leurs’ erreurs. Paternus se contenta de l’exiler. il ne
L'Église de Rome et Etienue, son évé resta point oisifdans son exil. De la, il
que, condamnaient cette coutume; Cy écrivait à Carthage, aux martyrs des
prien l’approuvait. L’o inion de l'évê diverses Églises de l'Afrique , et notam
que deCarthageétaitcel ed'Agrippinus, ment , à neufévêques qui avaient étécons
son Elus ancien prédécesseur. Cyprien damnés avec un grand nombrederhré<
com attit donc Étienne. il mit beaucoup tiens à travailler aux mines de cuivre de
d'ardeur dans la discussion , et quelque la Numidie et de la Mauritanie.
fois de l'amertume. Puis, pour donner En 258 , il obtint de l'empereur l'au
plus de oids à ses paroles et à ses torisation de revenir à Carthage. Mais
écrits , i fit approuver son opinion il ne devait pas y demeurer longtemps
par deux conciles. Dans le premier, il en paix. La persécution n'avait point
réunit, à Carthage, soixante et onze cesséÿoneeonseillait à l'évêque, dans
évêques ; dans le second, quatre-vingt l'intérêt de l'Église, de fuir et de se ca
cînq , qui étaient venus de la Procon cher. Il résista aux pressantes sollicita
sulaire , de la Numidie et de la Maurita-' tions de ses amis. Enfin, il fut arrêté
‘nie. Ce dernier concile s’ouvrit au mois par ordre de Galérius Maxime, qui
de septembre de l'année 256. Ce fut au avait succédé à Paternus. Quand on
temps de cette vive polémique que Cy sut dans la ville que Cyprien devait
prien écrivit deux traités , l'un sur l'U paraître devant le proconsul, il y eut
tilite’ de la patience, l'autre sur l’Envz‘e une immense émotion. La foule se
et la Jalousie, Nous devons dire, en finis précipita autour de la maison où l'on
sant , que l‘Eglise condamne saint Cy gardait l'évêque, et sur tous les visages
prien et approuve l'opinion du pape on voyait l'empreinte de la tristesse.
saint Etienne (1). Cyprien avait compris que le temps du
PEBSÉCUTION ORDONNÉE PAR L'EM martyre était proche. Cependant quand
il comparut devant le proconsul, il ne
(I) Schelslrate (Ecclesia a ricamt; dissert.
Ill,c. 2, p. 120 , Paris, I680) lame S. Cyprien perdit rien de sa fermeté. Voici l'in
et Easse ra idement sur ses démêlés avec terrogatoire tel qu’il nous a été con
S. tienne. eydecker, au contraire (Histona servé dans un ancien document (1) z
eccleu'æ qfricunœ illustrata; Utrecht, I690 — « Le proconsul Galérius Maxime dit à
dissert. de statu eccl. afr. met. 9 et Il : hist.
le. et donalistica. . us). a‘bprouve l'éve l'évêque Cyprien : N'es-tu pas Thascius
que de Carthage et rev ont plus ‘une fois avec Cyprien? ‘évêque Cyprien répondit :
eœndue sur cette célèbre controverse. Ou le
conçoit aisément : Schelstrale était bibliothé (l) Vpy. Acta proconwlaria S. Gym
du Vatican, et Leydecker protestant âptscopt et marlyrb; ep. Ruinart. p. 2176!
exa té. I8.
'16 '!

Oui, c'est moi. Le proconsul Galérius torches et- des cierges , dans une pro
Maxime dit : N'es-tu as le pape d'une priété du procurateur Macrobe Can
secte sacrilège? L’év que Cyprien ré-. dide, située dans la rue des Mappales
ndit : Oui. Le proconsul Galérius non loin des Piscines. Peu dejours
' axime dit : Les très-sacrés empereurs après mourut le proconsul Galérius
t’ordonnent de sacrifier. L'évêque Cy Maxime. » .
prien répondit : Je ne le ferai point. Telle fut la fin du plus illustre évêque
Galérius Maxime dit: Réfléchis. L’é de Carthage. Quand il souffrit le mar
vêqueCyprien répondit: Faisce qui t’est tyre (14 septembre 258), il y avait dix
commandé. En une chose évidemmt ans que, par le choix de ses frères, il
juste la réflexion est inutile. -— Galé avait été appelé aux fonctions épiscopa
rius Maxime (ici, nous reproduisons en les. Ce fut dans le court intervalle qui
core le document dont nous parlons,) sépare son exaltation de sa mort que
après avoir pris l’avis de ses assesseurs, clyprien. géniefacile, abondant, agrée.
s’adressa à Cyprien , en ces termes: be, comme dit Tillemont, mais non
« Tu as vécu longtemps avec un esprit sans vigueur, composa, àl’exception de
sacrilège; tu as rassemblé un grand trois, dans un style qui rappelle trop
nombre d’hommes pour les associer à souvent peut-être les exercices de l'école,
ton abominable conspiration; tu t’es les nombreux écrits que nous avons sié
déclaré l'ennemi des dieux romains et gnalés(l).
de la sainteté des lois; les pieux et SUITE mas PERSÉCUTIONS EN AFRI!
très-sacrés princes Valérien etGallien, QUE; NOMBREUX nsn'rvss; Nous
augustes, et Valérien , le très-noble cé mas ÉVÊQUES ne assumes QUI suc
sar, n’ont pu te ramener au culte de cimsN'r ACYPBIEN. —- La persécution
l’empire: c est pourquoi, toi, l’auteur qui avait frappé saint Cyprien fit, en
des crimes les plus odieux, tu serviras Afrique, de —grands ravages. L’évêque
d’exemple àceux que tu as choisis pour d’liippone, Théogène, fut mis à mort.
tes complices et tu sanctionneras la loi A Utique, on jeta dans un four à chaux
ar ton sang. » Après cette allocution cent cinquante, d’autres disent trois
e proconsul lut sur une tablette un arc cents chrétiens. Les fidèles rassemblé
rét ainsi conçu : u Je condamne au rent avec respect les ossements consu
glaive Thascius Cyprien.» A quoi l’évé més , et comme ils adhéraient les uns
que Cyprien répondit : « Grâces soient aux autres, ilsna pelèrent ces reliques,
rendues à Dieu. » Dès que les chré à cause de la con eur, la masse blanche.
tiens eurent entendu la sentence, ils se A Carthage,les martyrs .Lucius, Mon
dirent les uns aux autres: Allons et tanus, Flavien, Julien, Victoricus,
qu’on nous fasse mourir avec lui. Il s'é Primolus, Renus et Donatieu, suivirent
leva donc parmi eux une espèce de tu de près saint Cyprien. En Numidie, à
multe et ils se précipitèrent en foule, Cirta et à Lambèse, le glaive des per
en suivant l’évêque, vers le lieu de l’exé— sécuteurs immola de nombreuses vic
cution. Cyprien en arrivant se dépouille times, parmi lesquelles il fautcom ter
de son manteau, se mità genoux et Emilien, Agapius, Secundinus, a
pria. Puis, il ôta encore sa dalmatique, rien , Jacques, Antonia et Tertulla. La
qu’il donna aux diacres, ne conservant persécution ne cessa qu'au moment où
sur lui qu’une tunique de lin. Quand 'empereur Valérien tomba aux mains
le bourreau arriva, l'évêque ordonna aux des Perses. Mais elle devait encore. se
siens de lui compter vingt-cinq pièces rallumer deux fois avant le sanglant
d’or. Cependant les frères jetaient des édit de Nicomédie; d‘abord sous Aure
linges autour du martyr afin de recueil (l) Voy. sur saint Cyprien, indépendamment
lir son sang. Deux d’entre eux, sur ses de ses œuvres : Tillemont : Mémoires pour ser
ordres. Julien prêtre et Julien sous ‘air à l'histoire ecclésiastique des sis: premiers
siècles; t. IV, p. 45 et suiv. (Paris I704.)
diacre, lui attachèrent les mains. Ce Fleury; Histoire ecclésiastique; t. il, p. [52
fut alors que le bienheureux C rien — au, —- L'abbé Rohrbacher', Ilist. unit-un.
eut la téte tranchée. Les chr tiens de l‘Eglise catholique; t. V, .389- 486.
s’emparèrentde son corps, qu’ils trans —Au . Neander; allgemeinc eschichle der
christ ichen Religion illlld Kirclie (Hambou rg,
porterent en grande pompe, avec des 1842 ); t. I, p. 350 et suiv.
AFRIQUE CHRÉTIENNE. 17
lien, ensuite sous Dioclétien, en 296. chrétiens par le fer et la flamme, c'é
ce fut vers ces temps que la secte des tait porter, par une tentative vaine,
manichéens se répandit en Afrique. au sein des populations entièrement
Cyprien eut our successeurs, sur le envahies par echristianisme, la lus
siége épiscope de Carthage, Carpe. grave perturbation, et anéantir ’un
phore (1), Lucien et Mensurlus. coup le bon ordre que pendant vin t
i'mi'r DE mcomims; sns SUITES; années il avait maintenu avec tant e
SANGLANTE PEBSÉCUTION. — Au peine dans le monde romain. Dioclé
commencement du quatrième siècle, le tien, tolérant moins par nature peut
christianisme avait envahi tout l’em étre que par habileté, résista long
pire. Les partisans du polythéisme firent tem s à Galérius. Il discuta avec lui
alors les derniers efforts our anéantir pen ant tout un hiver; mais enfin,
cette vaste communauté c retienne qui soit que l’âge eût affaibli son esprit
contenaitdans son sein toutes les classes jusqu’alors si ferme, soit qu’il voulût
de la vieille société et qui les resserrait donner un .contentement à l'ambition
eux-méines dans un cercle qui chaque de son César qui laissait percer son
jour devenait plus étroit. Ils avaient dépit de n’occuper qu’un rang sec’ondaire
reconnu l’impuissance des édits impé dans la tétrarchie, il céda. et de son
riaux promulgués à diverses époques palais de Nicomédie (303) il promul
contre les chrétiens; ils voyaient ap gua l’édit de persécution (l).
procher letemps où ces édits cesseraient En vertu de cet édit, les églises de
d’étre applicables; ils se hâtèrent donc vaient être détruites et les livres de la
de s’armer en quelque sorte de la lé religion gproscrite consumés par les
galité qui leur échappait et qui allait flammes. Les chrétiens étaient mis
passer en d’autres mains.lls organisè hors la loi; les juges impériaux pou
rent, dans leurs conseils, le plan d'une vaient, suivant des cas déterminés , les
vaste extermination. Galérius,’ esprit exproprier, les priver de la liberté, les
violent et résolu, se fit l’instrument do tuer. Le zèle excessif, comme dit
cile des philosophes ,derniers sectateurs Fleury, de certains chrétiens vint
du polythéisme. Il mit à leur disposition encore aggraver les maux de l’Eglise.
ce qu’il possédait déjà d’autorité et son Les persécuteurs s’organisèrent et ils
immense crédit auprès de Dioclétien. se mirent à l’œuvre avec une violence
Celui-ci, politique habile, qui avait ré sans égale dans les provinces admi
générél’empire par une vsavante et sage nistrées par Dioclétien, Galérius et
administration, vit d’abord tout le dan par Maximien, l’auguste d’Occident.
ger d’une persécution, et il opposa les Il n’y eut que le césar Constance
raisons qu’il trouvait dans sa vieille Chlore, qui, dans l’Espagne, la Gaule
expérience à la fougue de Galérius. Il et la Bretagne, fpays dont le gouver
montra au César que poursuivre les nement et la dé ense lui avaient été
confiés, tempéra, par sa tolérance et
I) Fleury (Hist. eecle‘s. t. II, p. 3“ ), l'abbé sa noble modération, les rigueurs de
Bohrbacber (t. V, p. 485) et les autres écri l’ordonnance de N icomédie. '
vains ecclésiastiques ne font pas mention de LA PBBSÉCUTION EN AFRIQUE;
Carpo hore. Suivant eux. ce fut Lucien qui
au a immédiatement a saint Cyprien. C’est mousseux maa'rvns. — Quand l’é
Morcelll, dans son Jfrica. christianu, qui nous dit de persécution fut apporté en Afri
a fourni le nom de Carpophore ; les raisons sur que et notifié aux magistrats impé
lesquelles il s’appuie pour ajouter ce nom à la
liste connue des évêques de Carthage nous ont riaux, les hommes avides de faveurs et
paru décisives. Il dit: Nomen hujus servavit les partisans du polythéisme se mon
1mois 0 tata‘ codes: sangerma-nensis. In eo trèrent impitoyables pour les chré
em'm, u 1' Optatus agit de schismate Majorini
adt-ersus Cœm‘lianum legüimum episcopum, tiens. A Cirta, l’une des villes les plus
plena erat, inquit, cathedra episcopalis, erat considérables de la Numidie, ce fut
altare loco suo, in quo pacificie iscopi retro
temporis obtulerant. C rianus, rpophorus,
Lucianus et ceteri ( e Sehzsm. Don. l, 19 ). (l) Tillemont; Mémoires pour servir à l’hist.
Congruum quoque est, binas saltem episcopos eccles. des sl‘ntlrremiers siècles; t. V, p. 20cl suiv.
inter Cypn‘anum et Mensun'um fuisse: num — Fleury; ist. ecclésiasL; t. II, p. M5 et
inter utrumquefluzere amti plus minus quac suiv. — Dumont; Histoire romaine; t. III, p.
draginta. Voy. t. 1, p.62. 497 et suiv.; in-12.
AFB. cHaÉT. 2
un prêtre de la vieille religion, Mu brer les saints mystères. Les magis
natius Félix, flamine perpétuel, qui se trats les y surprirent une fois et les
chargea de mettre à exécution l'ordon firent arrêter ar leurs soldats. Qn les
nance des empereurs. Il lit démolir les conduisit à . arthage au nombre de
églises et procéda avec un zèle infati mutante-neuf.
gable à ‘la recherche des livres sacrés. Le danger qui les _ enaçait ne les
Ils’em ra non-seulement des vases, effraya point et,saisis_ , enthousiasme,
chaude iers, lampes et de tous les orne ils ne cessère t pendant toute la durée
ments qui servaient au culte proscrit, du voyage, de répéter des hymnes et
mais encore de certains objets que la des cantiques. A Cartha _e, ils ne se
charité _des chrétiens destinait au sou laissèrent gagner ni. par ça menaces.
lagement des pauvres. Ce fut ainsi que ni par les promesses du proconsul. lls
sur l’inventaire:de la saisie, on inscri confessèrent hardiment‘ le nom du
vit quatre-vin t-deux tuniques de fem ‘Christ et. sans crainte des châtiments
mes, trente uit voiles, seize tpp' infligés àceux qui _violaient les édits
ques d'hommes et soixante paires Le im riaux, ils avouèrent sans hésiter
chaussés. L’Église de se montra qu ils s'étaient réunis librement pour
faible en ces jours de persécution; célébrer les saint mystères.‘ Ils furent
ses prêtres et ses lecteurs se soumirent condamnésà sep rir età périr. Parmi
sans opposition aux ordres du flamine ces chrétiens que l'Église d’efrîque a
Félix et lui livrèrent les ornements du mis au nombre de ses plus illustres
culte et tous leurs livres. martyrs, on comptait le rjétre Satur
L'évêque de Tibiure (t), Félix, nin et ses fils, Dativu , Thelic'a,
n'imita point la conduite des prêtres Emeritus, Félix,'et ‘la vierge Victoria;
de Cirta. Quand le ma istrat de la L’ÉVËQUB ms‘ marinas ‘Massu
ville, Magnilien, lui dit : véque Félix, atus; sa noa‘t. —- A Carthage,, s’il
donnez-nous les livres et les arche faut en croire les documents contem
mins de votre Église, il répon it : Je porains, la perséçutioq- ne sévit point
les ai, mais je ne ‘les donnerai pas. avec autant de violence ‘qpe dans les
Pour ébranler sa résolution et "ef autres villes de [Attique- Soit par
frayer, on le conduisit, chargé de prainte d’pne séditcn dans cette popuc
chaînes, au tribunal du proconsul. _euse cite, soit que ces mfiuagements
Là, il ne se démentit point et resta lui fussent imposés par la conduite
inébranlable. Le îproconsul e voäa pleine de mesure et de sagesse de l’évé'
Félix au préfet du prétoire et e t que Mensprius, le proconsul attéuua
passer en Italie. L’évêque devait com? la rigueur des éditsi‘mpériaumMçnsu
araître devant les empereurs. Mais rius avait caché les livres de son Église;
a ville de Venusia, en Apulie, fut le pu pressait le proconsul d’ordonne'r à
terme de son voyage. il y ‘fut déca ses'ofliciers de faire une perquisition
pité. Jusqu’au dernier moment il ré dansla maison de l’évêque; il s'y refusa.
pondit aux juges et aux bourreaux qui Mensurius, de. son côté, était un homme
lui demandaient les livres de son Église: plein de modération; il usa‘ de l'auto
« .le les ai,.mais je ne les donnerai pas. - _ rité morale que lui donnait sa haute
L’évéque d’Abitine (2), ‘Fundanus, position dans l’É lise d'Afrique pour
pour se soustraire au dernier supplice, conseiller, par ettres, aux évêques
se hata, sur les ‘injonctions des magis ses frères, aux prêtres, à tous les
trats, _de livrer les Écritures. Cet acte chrétiens, de ne point irriter par un
de faiblesse attrista sans doute les zèle inconsidéré les magistrats des
chrétiens de la ‘ville, mais il ne les dé villes et des provinces. ll blâmait,
couragea pas. Quand ils eurent perdu avec raison, ceux ui n’étant point re
leurs églises, de se rassemblèrent dans cherchés venaient V ’eux-mémes s'offrir
des maisons particulières pour célé aux juges et aux bourreaux. Mensurius
cependant n’était pas un homme ti
(l) Tibiure. en latin Tibiura,civilas Tibiu mide, et il se dévouait volontiers pour
nnsium, Tibursicensium Burerurium, était une ses frères. C’est ainsi qu’il sauva Felix ,
petite ville de la Proconsulaire. un des diacres de son Église. Celui-ci
(‘1) C'était encore une ville de la Proconsulaire.
AFRIQUE CHRÉTIENNE. f9
était poursuivi pouravoir écrit un libelle bourreaux , du dépôt sacré quileur avait
contre l'empereur. L'évé e, au péril été confié. Ils leur appliquèrent, comme
_de ses jours, l'accueillit ans sa mai une note d'infamie, le nom de (radi
son, et le cacha. Puis, uand on vint teurs. Cette qualification injurieuse,
au rès de lui réclamer le coupable, il employée par des hommes violents et
re usa de découvrir le lieu où il était passionnés , ne devait pas tarder à sou
caché. Mensurius, à cause de la gravité ever dans les Eglises chrétiennes de
du cas , et pour sa résistance obstinée, nombreux orages. Elle servit, pour
fut mandé a la cour impériale. Il s'y ainsi dire , de mot de ralliement à ceux
rendit après avoir réglé les affaires de qui opérèrent, au_ moment éme où
son Eolise ; là , il plaida si bien sa cause cessait la persécution , un se tsme qui
qu'il 2fut absous et renvoyé. Mais ce devait être pour l'Afrique la cause ‘et
sage et courageux évêque ne devait l'origine des‘plus grandes calamités.
point revoir Carthage; il ‘mourut avant CECILIBN succt‘ma A arsNsuams;
d'y arriver. ' DONA'I‘ pas CASES-NOIRES; 'raoumss
' 'Aanosa. —.- Ce fut au tem s,de la DANS L'Éeusa ns CAB'IIIAGB‘, ont
persécution qu'un auteur célè re, Ar GIN: DU SCHISMB nss DONATISTES. —
nobe, qui avait enseigné la rhétorique ' Après la mort de Mensurius (311), les
dans la ville de'sicca, ecrivit un ouvrage chrétiens de Carthage procédèrent à
pour défendre les chrétiens. C’était , l'élection d'un nouvel évêque. Ils se
dans ces jours de péril, un acte de‘ réunirent, —prêtres et peuple, et tous,
courage.» Arnobe avait été païen, et d'un commun accord, ils roclamè
l'on voit que, dans son ouvrage, il a rent le diacre Cécilien. Ce ut Félix,
voulu prouver à ses nouveaux frères que évêque d'Aptonge. qui lui imposa les
sa conversion avait été sincère. Il se lit mains. Mais bientôt une vive opposi
dans ses idées une vive réactiqll. Après tion se manifesta contre cette élec
avoir longtemps expliqué et commenté tion. Mensurius, avantson départ , avait
‘avec amour les chefs- d'œuvre littérai remis, par prudence, aux anciens de
res de la vieille civilisation, il se laissa Carthaoe . les vases d'or et d'argent de
cm orter par son ardeur de néophyte; son Église. Cécilien, à peine assis sur
il emanda la destruction des théâtres, le siège é iscopal, s'adressa aux dépo
et voua aux flammes les œuvres des sitaires CIOlSlS par son prédécesseur et
poëtesjadis l'objet de son admiration (I). réclama les richesses qui leur avaient
Les 'rasm'rxuas. - Les spoliations été confiées. lls s’irritèrent de cette de
injustes, les tortures, les sup lices ne mande et se refusèrent à une restitu
furent point les plus grands es maux tion. Ils sejoi nirent, dans leur dépit,
gu'entralna à sa suite, pour l'Église à Botrus et a Celeusius, qui se plai
'Afrique, l'édit de Nicomédie. Parmi gnaient. vivement de ne lavoir point
les chrétiens persécutés, il y en avait emporté sur Cécilien. Puis. se liguant
plusieurs qui, comme nous l'avons dit, encore avec Lucilla, femme riche et
s'étaient signalés par leur héroïsme. puissante, ennemie de l'évêque qui
Mais d'autres s’étaient laissé entrai simple diacre, l'avait jadis offensée par
ner, par surprise eut-être. à des actes de justes et sévères remontrances, ils
d'une déplorable tgiblesse. On avait vu formèrent un parti qui s'enhardit enfin
des évêques et des prêtres se soumettre . jusqu'à protester hautement contre la
sans resistance à la loi de César, et récente election. L'âme et le chef de ce
livrer à ses exécuteurs les biens de leurs parti était Donat des Cases-Noires.
Églises et leurs livres sacrés. Quand la Pour arriver à leurs fins, ils s'adres
persécution se ralentit, ceux qui s'étaient sèreut aux évêques de la Numidie, qui,
montrés forts dans le danger s’exaltè vivement blessés de n'avoir point été
rent et poursuivirent de leur mépris et appelés à l'ordination de Cécilien, se
de leur haine les hommes qui par crainte rendirent en toute hâte à Carthiga
s'étaient dessaisis , dans les mains des pour prêter aide et appui aux ennemse
u nouvel élu. A leur tête se trouvait
( l) Voy. sur Arnobe. l’Histoire universelle de Secundus de Tigisi, le premier évêque
l'Eglise catholique , par l'abbé Rohrbacher, t.
V1, p. 55 et suiv. de la Numidie. Ils étaient au nom re
2.
N
de soixantedix. Parmi eux on voyait Églises à Carthage. n Telle fut , disent
les douze évêques qui, réunis à Cirta , les historiens ecclésiastiques , l’origiue
en 805, s'étaient avoués traditeura , à du «schisme des Donatisle: ,- car on
la suite de vives et mutuelles récrimina leur donna ce nom, à cause de Donat
tions. Les ennemis de Cécilien n‘osèrent des Cases-Noires, et d'un autre Donat,
point , à cause des manifestations du plus fameux, qui succéda à Majorin
peuple, se rendre dans la basilique qu’a dans le titre d‘evéqne de Carthage. a
vait illustrée Cyprien et où se trouvait cette- dissidence devait bientôt avoir,
la chaire épiscopale. Ils se réunirent non point seulement dans la capitale
probablement dans une autre basilique de l’Afrique, mais encore dans toutes
et s’or anisèrent en concile. lls citèrent les provinces, de graves résultats. Elle
d’abor Cécilien à comparaître devant engendra des désordres sans; nombre,
eux. Mais il lit bonne contenance et ré qui ne tardèrent point à attirer l’atten
pondit : J'attends mon accusateur. Ce tion de l’empereur. . ' .
n’est point r les fautes de Cécilien, nnQuÉrs mas DONA’I‘ISTES A L'mr
dirent ensuite les évêques rassemblés , rxnnun- ÇONCIIÆ ne nous. —— « Cons
ue l’élection est nulle, mais par celles tantin, dit Fleury, avait donné ordre
es évêques qui l’ont sacré. Félix d’Apà àAnulin, proconsul d'vAfrique, et à Pa
'tonge est un traditeur. — Que ceux trice ,vicaire du préfetdu prétoire, de
donc, repartit Cécilien , qui u’ont rien s’informer de ceux _ ui ,troublaient la
à se reprocher, viennent de nouveau aix de l’ lise catho ique, et quis‘ef
m’im oser les mains. Cette fermeté orçaient e corrompre le peuple par
irritaîes évêques ,et l’un d’eux , Marcien , leurs erreurs : cA’étaient', l'es donatist‘es;
proposa de recourir à l’excommunica et écrivant à Cécilien ,_ évêque de'jCar
tion. Un autre, Purpurius , de Limate, thage, il lui marquait de s'adresser aux
s’écria dans sa fureur homicide: « Qu’il magistrats impériaux pour avoir justice‘
vienne recevoir l’imposition des mains, de ces insensés. En, exécution de cet or;
et on lui cassera la tête our péni dre , Anulin exhorta les dissidents à la
tence. n C’était le même véque qui, paix : mais peu de jours apres, uel
dans la réunion de Cirta, avait ré ques-uns du parti contraire à Céci ien ,‘
ondu à ceux qui l’accusaient d'avoir ayant assemblé du peuple avec eux , vin
ait périr ses neveux : - J’ai tué et je rent présenter au proconsul un paquet
tue ceux qui sont’ contre moi. n h eacheté et un mémoire ouvert le priant
Enfin les évêques prononcèrent une instamment de’ les envoyer ‘la cour.
sentence de condamnation en se fon Le paquet portait pour titre 2 Mémoire
dant sur les trois chefs suivants : Céci (1 lEglise catholique‘ touchant les‘crig
lien n’avait'point voulu se rendre dans mes de Cécilien, présenté par ‘le , parti
leur réunion; il avait été sacré par de Majorin. Le memoire ouvert et atta.’
des traditeurs; enfin (ce qui ne fut ché à ce paquet‘ contenait ces" mots ‘:
jamais prouvé), il avait empêché les «Nous vous prions, Constantin , trèsé
fidèles, au temps de la persécution, alâuissant' empereur, vous qui êtes
de porter secours aux martyrs qui u ’une race juste ,dont le père a été le
avaient été jetés dans les risons. ou seul entre les empereurs‘ ‘qui nÎait
Ayant donc déclaré que le si ,ge épis '- point exercé la persécution, que,
,eopal de Carthage était vacant, les («puisque la Gaule est exempte de ce‘
membres du concile procédèrent à une ‘à crime, vous nous ‘fassiez donner des
nouvelle élection. Il choisirent pour ’« juges de Gaule, pour" les différends
évêque Majorin, attaché à la maison ‘a que nous avons en Ai‘riqne avec les
de Lucilla, et qui n'avait jamais rempli 7« autres évêques. Donné par‘Lucien,
dans l'Église que les fonctions de lecteur. « Digne, Nassutius, Capiton, ' Fidena,
Pour favoriser cette élection, Lucilla '« tius et les autres évêques du parti 'Mæ
distribua de grosses sommes d’argeut, « jorin. n L'empereur ayant reçu ces mé
qui ne furent point données aux pau moires avec la relation d’Anulin , lui
vres, commeon le prétendit alors, mais écrivit d’envoyer Cécilien et‘ses adver
à tous les ennemis de Cécilien. A par saires, chacun avec dix clercs de son
tir dehcet instant, il y eut donc deux parti, pour se trouver à Rome dansle}
4':

AFRIQUE CHRÉTIENNE. 21
second jour d'octobre, et y êtrejugés par sentèrent un mémoire d'accusations
‘des évêques. Auulin exécute cet ordre, donné contre lui par ceux de son parti;
et en rendit compte à l'empereur, qui sous ce prétexte , ils prétendaient que
écrivit aussi au ape Miltiade et aux tout le peuple de Carthage l'avait ac
évêques de Gan e et d'ltalie, pour cusé. Mais les juges n'eurent point d'éc
s'assembler à Rome le même jour, et gard à ce mémoire, parce u‘il ne con
leur envoya tous les mémoires et les tenait que des cris confus ’une multi
papiers qu'Anulin'lui ‘avait envoyés tude, sans accusateur certain. Ils de
sur ce su‘et. La lettre au pape est aussi mandaientdes témoins et des personnes
adressée Marc, que l’on croit être ce qui voulussent soutenir l'accusation en
lui qui fut pape après saint Silvestre. leurs noms; mais ceux que Donat et les
L'empereur y dit: J'ai jugéà propos que autres évêques du parti de Majorin
Cécilhen aille à Rome avec dix évêques produisirent comme accusateurs et
de ceux qui l'accusent, et dix autres comme témoins , déclarèrent qu'ils n'a
qu'il croira nécessaires pour sa cause; vaient rien à dire contre Cécilien.
afin qu'en présence de vous, de Réti « Ensuite Cécilien accusa Donat d’a
cius, de Materne et de Marin , vos col voir commencé le schisme à Carthage
lègues, à qui j'ai donné ordre de se du vivant de Mensurius, d'avoir rebap
rendre en diligence à Rome pour ce tisé , d'avoir imposé de nouveau les
sujet, il puisse être entendu comme mains à des évêques tombés dans la per
vous savez qu'il convient à la très sécution. Enfin, dit-il, Donat et ses
sainte loi. Réticius et les deux autres collègues ont soustrait les accusateurs
étaient les évêques de Gaule. et les témoins, qu'eux-mémés avaient
c Cécilien avec les dix évêques ca amenés d'Afrique contre moi, tant leur
tholiques , et les dix de l'autre parti, qui calomnie était évidente. Donat confesse
avaient à leur tête Donat des Cases qu’il avait rebaptisé ot imposé les mains
Noires, se trouvèrent à Rome au jour aux évêques tombés, et promit de re
nommé; et le concile s'assemble dans présenter les personnes nécessaires à
le palais de l'impératrice Fausta, cette cause , qu'on l‘accusait d'avoir
nommé la maison de Latran, ce même soustraites. Mais après l'avoir promis
jour,- second'd’octobro 313, ui était deux fois, il se retira, et n'ose plus
un vendredi. Le pape Miltia e prési lui-même se présenter au concile, crai
dait; ensuite étaient assis les trois gnant que les crimes qu’il avait confes
:‘évêques'gaulois : Réticiul d‘Autun, sés ne le lissent condamner présent , lui
Materne'de Cologne, Marin d‘Arles; qui était venu de si loin pour faire con
puis quinze évêques italiens : Mérocles amner Cécilien. Le second jour, quel
‘de Milan, Stemnius de Rimini, Félix ques-uns donnèrent un libelle de dénon
de Florence, Gaudence de Pise. Pro ciation contre Cécilien. On examine
terius de Capoue, Théophile de Béné les ersonnes qui l’avaient donné , et les
vent, Savin de Terracinysecond de che s d'accusation qu'il contenait; mais
Preneste , Maxime d’Ostie , ‘et quelques ilne se trouva rien de prouvé. Le troi
autres, faisant en tout dixmeut‘ évé sième jour, on examine le concile tenu
ques , le pape compris. L'ordre de cette à Carthage par soixante-dix évêques
séance est remarquable, particulière qui avaient condamné Cécilien et ses
ment en ce querles trois évêques gau ordinateurs. C'était le grand fort de ses
loisy tiennent le premier rang, et ‘adversaires : ils faisaient sonner bien
ne, entre les Italiens, les év ques haut ce grand nombre d'évêques; et
‘Ostie et de Preneste, quoique suf qu'étant tous du pays, ils avaient jugé
fragants du pape , n'ont point de rang avec grande connaissance de cause.
particulier. On travailla trois jours du Mais Miltiade et les autres évêques du
rant'avec des notaires qui rédig'eaient concile de Rome n'eurent aucun égard
en même temps les actes , c’est-à-dire le au concile de Carthage, parce que Céci
procès-verbal. Le premier jour, les ju lieny avait été condamné absent et sans
‘ses informèrent qui étaient les accusa être entendu. Or, il rendait de bonnes
teurs et les témoins contre Cécilien. raisons pour ne s'y être pas présenté. Il
Les évêques du parti de Majorin prés’ savait que ces évêques avaient été appe
22
165 à Carthage par ses‘advers‘airés, qu’ils son avis, selon la coutume, et le pape
logeaient chez eux , et concertaient tout Miltiade‘ conclut l’action, disant le sien
avecîzux. Il savait les menaces de Pur en ces termes ,2 Puisqu’il est constant
urius , évêque de Lima'te, dont la vio que Cécilien n’a point été accusé pal‘
ence était connue. Les évêques du coli ceux qui étaient venus avec Donat,
cile de Rome jugèrent donc que tout ce comme ils l’avaient promis , et qu’il n'a
qui avait été traité en ce concile de été convaincu par Dona't sur aucun
Carthage était encore en ‘son entier : chef, je suis d’avis qu’il soit conservé
savoir, si Félix d'Aptonge était tradi en tous ses droits, dans la communion‘
teur , ou quelque autre de ceux qui ecclésiastique. Nous n’avons pas le
avaient ordonné Cécilien. Mais ils‘ trou reste dé la sentence sur les autres chefs‘.
vèrent cette uestioli difficile et inutile. Le pape etles autres évêques rendirent
Elle était di cile, parce qu’il ÿavait compte à l'empereur Constantin de ce
des témoins à interrovér, des actes à jugement, lui e‘nv‘o ant les actes du
examiner, et que Cécihen accusait ses concile, et lui maud rent que lès'acc'llè
accusateurs du même crime, d’avoir sateu‘rs .de Cécilien étaient aussitôt re-'
livré les saintes Écritures , à cause du tournés en Afriqiie. Le pape Miltiade
concile de Cirta où ils l'avaient cotiä ou Melchiade mourut trois mois après;
fessé. D’ailleurS, il était inutile d'exa le dixième de janvier, l’an 314(1). »
miner si Félix était traditeur, puisque, nsroun DE non“ si! ne cécitlifl
quand il l'eût été, il ne s’ensuivaît as’ EN, Aramon; s'urra uns TROUBLES;
que l’ordination de Cécilien fût nul e : LES noix/tristes bsnAnnsN-r LA ni‘
car la maxime était constante, qu’uri VISION nu JUGEMENT Qui LES A con
évêque, ‘tant qu'il était en place sans DAMN’ÉS A. nous; DÉCISION ne cous
‘être condamné ni déposé par un juge. n'iv'fin; CONCIÎÆ D’ÀnLss. —- Après
ment ecclésiastique , pouvait légitimes sa condamnation, Donat des‘ Cases-Non
ment faire des ordiuatio‘ns et toutes les res demanda l'autorisation de retournét
autres Fonctions épiscopales'. Les ëvde en Afrique; il. s’engageait à ne point
ques dü concile de Rome crurent dohc rentrer dans Cart ‘age. D’autre part,
ne deiiiir point toucher à cette ques en vue de la paix, éciiien re ut ordre
tion‘; ‘dépeund’exciter de nouveaux de ne point quitter I’ltalie et eséjou‘r
tro" ‘les daiis l’l‘lglise d’Afrique, aulieu 'ner à Bi'escia. Deux évêques‘ l'ùrenten}
de àÿacifier. lis déclarèrent Céc'iliéil voyés » alors comme commissaires à
iniiocent et approuvèren‘tsoñ ordiüaä ,Cartlia ‘e, pour notifier au clergé et au
tion; mais ils ne séparèrent pas de leur peuple , a sentence que le concile de
communion les évêques ‘qui __avaiérït Rome avait promul uée. Ils étaient
condamné Cécilien , m ceux qui avaient chargés en outre de site une enquête
été envoyés pour l’accuser. Donat des etde transmettre à l'empereur le résul
Cases-Noires fut le seul qu’ils 'coridam‘é tatfde leurs observations. Optat, évêque
nèrent. comme auteur de tout le n'ia‘l catholique, qui âcrivit plus tard l’his
convaincu de grands crimes, par sa toire .du schisme es dôii ‘tistes’, assure
propre confession. On lai'ssa le choix qu’apres un long et niré'xamen les
aux autres de demeurer dans leurs ‘sié: commissaires Eunomiu‘s et, Olympius
ges, quoique ordonnés par Majorin hors donnèreh tencore une fois gain de cause
de l’Eglise, à la charge de renoncer au àCéÎc'lien. Ce fui: sur cés éntrefaites
schisme. En sorte que dans tous les que läonat malgré ses promesses, re
lieux où il se trouverait deux‘ évêques , .vlutà' Ca hage; Cécilien, de son côté,
l’un ordonné par‘Cécilien , l’auti‘e’ par se hâte de quitter Brescia, où on l’av‘ait
Majorin , on conserverait celui;qui se
'rait ordonné le premier, et on pourvoi (i) Fleury; Hui. ecclésiasl. liv. x, t. III. p.
rait l’autre d’une autre Église. Voilà le 2s. -— Tillemont; mémoires pour servir (1 MM.
jugement‘flu concile de Rome, où l'on eccle’s, etc.. t. VI, p. 31 et suiv. — Bérault
voit une iscrétion singulière et un Bercastel; Miel. de l'Église; t. Il ._p. 13 et suiv.
— Voy. aussi M. de Potier; Hzsl. du chris
exemple remarquable de dispense contre tianisme. etc., époq. l, Ilv. V1, ch 3; I. Il,
la rigueur des règles pour le bien de la p. I130 et suiv. -— Morcelli (.ljrica chris
paix. En ce concile , chaque évêque dit tiana ,l; ad au. 813; I. Il, p. 209.
AFRIQUE CHRÉTIENNE. 28
relégué et de reprendre possession de consacré par des évêques traditeurs ,
son siége épiscopal. ne furent point établis sur des preuves.
L'assemblée des évêques réunis’ à Les Pères du concile d’Arles prononcè
Rome n’avait rien terminé, et, à l’arria relit donc en faveur de Cécilien une
vée, eu Afri ne, des deux chefs de pare sentence d’absolution. Avant de se sé
ti, les quere les‘ recommencèrent. Les parer, ils adressèrent à l’évéque de
donatistes disaient qu'on les avait cons Rome‘ une lettre où on lisait ces mots :
damnés à Rome , sans avoir pris cons c Au bien-aimé pape Sylvestre, tous les
naissance de tous les faits qu’ils avaient évêques, salut éternel dans le Seigneur.
allégués, et avec une. extrême préci 'ia Unis ensemble ar le lien de la charité
tation. Ils rappelaient. pour exetnp e, et par l'unité e notre mère l'Église
que Félix, l'évêque d’Aptonge, tradi-' catholique, après avoir été amenés en
teur suivant eux , n'avait point été mis‘ la ville d’Arles par la volonté du très
en cause. Constantin, pour les satis ieux empereur, nous vous saluons de
faire, ordonna aux magistrats de l’A à, très-glorieux Père, avec la vénération
frique de juger Félix. Ce fut Êlien, le qui vous est due. Nous y avons eu à
proconsul , qui‘ résida a l’interroga; supporter des hommes em ortés et per
toire. Après de on ues et minutieuses nicieux à notre loi et à— a tradition;
recherches, ‘qui étab irent dans tout son mais l'autorité présente de notre Dieu,
‘our, au témoignage des écri vans catho la tradition et la règle de la vérité les
iques, l‘innocence de l’accusé, le juge‘ ont repoussés de telle sorte, qu’il n’y
impérial déclara que Félix n’était point avait de consistance et d’accord , ni dans
un traditeur. V leurs discours, ni dans leurs accusa
Les donatistes ne se laissèrent pas tions, ni dans leurs preuves. C'est pour
abattre par cette nouvelle sentence. Ils quoi, par lejugement de Dieu et de
s’adresserent encore à l’empereur, qui, lEglise, notre mère, laquelle connaît
‘pour pacifier une de ses plus belles pro’ les siens et les approuve, ils ont été
v1 nces, usa de patience et soumit de nou ou condamnés ou repoussés. Et plût à
veau l’affaire a un concile. Les lettres de Dieu, bien-aimé frère, que vous eussiez
convocation tiraient à Arles le lieu de assisté à ce grand spectacle: vous-même
l'assemblée. Cécilien et ses accusateurs‘ jugeant avec nous, leur condamnatioii
n'étaient pas les seuls membres du en eût été plus sévère, et notre joie plus
clergé d’Afrique qui fussent appelés grande (1). n Les membres du concile
dans les Gaules. Ils devaient être assis ne s'étaient point seulement occupés de
tés, aux termes des lettres impériales ,_ Cécilien et de ses accusateurs, ilsavaient
d'un certain nombre d'évêques appelés encore fait divers règlements relatifs à
de la Tripolitaine, de la Byzacène, de la discipline générale de l'Église. Néan
la Proconsulaire, de la Numidie et des moins, parmi ces règlements, il en est
Mauritanies. Nous‘ savons que Chres plusieurs qui montrent que les évêques
tus, évêque de Syracuse, les accompa étaient vivement émus par le grand dé
na. bat auquel ils avaient assisté et qui font
8 Le concile s’ouvritle premier du mois une allusion directe aux querelles qui
d’août de l’année ‘314. On com tait dans agitaient l’Afrique : « Ceux, dit le con;
l'assemblée seize évé ues gau ois, deux cile , qui sont coupables d’avoir livré les
Bretons (ceux d’Yor et de Londres), Ecritures ou les vases sacrés, ou dé
et plusieurs qui étaient venus de l‘_Italie noncé leurs frères, seront, dé osés de
et de l'Espagne. L'évêque de Bonté, l’ordre du clergé, pourvu qu‘i s soient
saintSylvestre,étaitré résenté ardeux convaincus par des actes publics, non
prêtres, Claudien et “tue, et eux dia ar de simples paroles. S'ils ont conféré
cres, Eu ène et Cyriaque. On‘ examina es ordres a un homme digne d'ailleurs ,
d’abord ’affaire de Cécilien. Les deux l'ordination sera valable. » Et plus
faits qu’on ne cessait de lui reprocher, loin : «4 Parce que plusieurs résistent
à savoir, de s'être opposé par violence, àla règle de l’Église, et prétendent être
à l'époque de la persécution, aux chré
tiens qui portaient de la nourriture aux (1) Rohrbacher; Hist. univers. de l’Égl. ca
martyrs emprisonnés , et d’avoir été thol.; t. V1, p. 22e
.24
admis àaccqser avec des ‘témoins _cor noncé, ils protestèrent contre sa sen
rompus . par argent, qu’ils ne soient tence. Constantin répondit cette fois à
point reçus en leurs demandes. Ils de— leurs protestations par la menace des
.vront prouver, au réalable, par des ac peines les lus sévères. Déjà, il avait
tes pu lics, cequ’i s ont avancé. n Enfin reoomman é à Celsus, ' son vicaire,
on lit dans les actes du concile : u Ceux dans une lettre que saint Optat nous
qui accuseront faussement leurs frères a conservée , de procéder à. l'égard ‘des
ne recevront la communion qu'à la donatistes avec une extrême sévérité. Il
mort (1). v . .1 avait annoncé, en même temps, ne
Le concile d’Arles n’éteignit point, lui-même se disposait à passer en A ri
en Afrique,les passions et les bains. Le que pour trancher toutes les diflicultés
schisme continua. Les donatistes, per et opérer, s'il en était besoin, par la
sévérant àse croire mal jugés, interje force. la pacification d'une des portions
tèrent appeldes deux sentences qui les les plus importantes de son empire.
avaient condamnés ; ils s‘ad ressèrent di Celsus se conforme aux ordres qu'il
rectement à l’empereur, le priant d’exa avait reçus. Il poursuivit les donatistes
miner lui-même et de prononcer dans et bannit d'Afrlque les hommes les plus
leur cause. Vivement irrité de cette de. marquants du parti (1).
mande, qui tendait ä olon et la dis ‘Les dispositions de l’emperenr inci
cussion et les uere les, onstantin tërent sans doute les catholiques à la
s'emporta contre es donatistes, et leur persécution , et. plus d’une fois , ils eu
reprocha leur opiniâtreté et leur audace. rent recours pour combattre leurs ad
Neanmoins, il résolut de tenter encore versaires, non plus à la discussion, mais
une fois la voie des conciliations. Il à la violence. Les magistrats, de leur
évoqua à son tribunal la cause qui lui vcôté, essavèrent , en usant de rigueur,
était soumisehet par un jugement pro de com la'ire'à Constantin._ Cette con
noncé à Milan,en 315, il confirma l’ar duite, cm d’étouffer le schisme, ne fit
rét porté contre les donatistes dans les‘ que _raviver les haines. ‘Les’ donatistes
conciles de Rome et d'Arles (2). se laissèrent emporter par le désir de la
Mesures nmounsusss Pnrsns PAR vengeance ‘Z sous des chefs énergiques,
CONSTANTIN eoN'rnn LES DONATIS sous Menallus et sllvanus, ar exemple‘
ras; LUTTES 31‘ “verres; LES cin ils opposèrent la force à a force; ils
coNcELmoNs. — Constantin, comme s’em arèrent, comme à Constantine (2).
nous l'avons dit, même en promettant des eglises et résistèrent ouvertement
aux donatistes d'écouter leur plainte aux catholiques et à l'empereur. La sé
et de les juger, avait donné un libre vérité des édits portés contre eux ne
cours à sa colère. Son emportement les arrêta point-,_ leur zele ne fit que
avait du faire prévoir aux ennemis de s'accroître, et bientôt dans les classes
Cécilien une nouvelle condamnation. inférieures qui embrasserent, en géné
Néanmoins, quand l'empereur eut pro ral , la cause du schisme, ce zele prit le
caractère d'un violent et sombre en
(l) Labbe; ConciL. t. 1, col. 1727 et I728. On housiasme.
trouve dans ce recueil non-seulement les canons
d‘u concile d’Arles. mais encore les lettres de 4- Ce fut alors que se montrèrent les
Constantin. ' premières bandes de circorwelliom (8).
(2) Voy. sur le concile d‘Arles et sur les éve
nemenls qui le précédèrent et le suivirent jus (l) En 321, sur la requête des donatistes, ceux
qu'en l’année “6 , indépendamment des conci iavalent été bannis à cause du schisme et
les et des auteurs anciens , saint Optat, saint es troubles qui l'avaient suivi. furent autorisés
Auguslin et l-ïusebe (Oplat. milev. de sclusm. à rentrer en Afrique. Constantin romit même,
‘Don. I, 25 et sq q. —- 5. Aug. epilst. 50 mi sur la demande qui lui en avait 6 faite . de ne
8071.; eplst. 182 ad Glor. Bleus. ; epist. let. ad point contraindre les dissidents il communi
Genen; elpist. losad Donat.;elc., etc. '— Euseb. quer avec Oécillen. Voy. Fleury; mu. ,eccle‘a,
llist. etc 23., X, 5); 'I‘illemont; Mematrer pour t. llLCp. 76, et Moreell ad au. 321.
uruLrà l’hixl. ecclésiasL, elc., t. V I. p. 50 cl. suiv. (2) était Cirta. Elle quitta alors son ancien
— Fleury; Hist. eccles., t. lll. p.1}? et suiv. — Bé nom pour celui de Continuum.
I'aull-Bercastel; mu. de l’lîglue; t. il, p. ID Êa) MoreeuuAjric. chrisL. t. n, p. me)
et suiv. — Bohrbacher; l. e. -- Potier; t. II. di , à propos des événements qui s'accompli
p. 135; —- et surtout Morcelll, ad an. au, au. rent en en : ortum habitue anime-alliance,
m5 et 316. C’est Morcelli que nous avons suivi fur-ion‘ illi danatislarum satellites, pardi“:
pour‘. la date_du auîement rendu 3 Milan; sima fezdpopuli et agrutium lalmum mul
Voy. 4h. éhmt, . I, p. 218 et 2x1. mudo a omne jacmus congregata. — En
AFmQUF. CHRÉTIENNE. 2:
La querelle entre Cécilien et ses enne célèbres de leurs chefs , de se livrer à
mis avait eu, dans toute l'Afrique, un de graves désordres. Ils s’abandonnaient
grand retentissement. Les populations (et cela est inévitable dans les grandes
s’étaient divisées. Les classes inférieu réunions où l’on ne trouve ni frein, ni
res, excitées pard‘ardentes prédications, règle) à la débauche et à tous les excès.
se rangèrent volontiers du côté de ceux Ils pillaîent, brdlaient, massacraient.
qui se sentaient d'avoir seuls traversé, Les choses en vinrent à ce point que
avec courage , les temps de la. persécu lesdonatistes eux-mêmes qui les avaient
tion et d'être sortis de la lutte sans suscités implorèrent, pour les réprimer,
souillure; et par une conséquence né l'assistance des officiers impériaux. On
cessaire , elles déclarèrent une guerre à envoya des troupes contre les circon
mort aux catholiques qu'on leur dési cellions; mais il s’écoula bien des an
gnait comme impurs, comme traditeurs. nées avant le retour de l’ordre et la sou
Les chefs donatistes réglèrent sans doute mission complète, en Afrique, des po
'les remiers mouvements des hommes pulations insurgées(1).
u‘i s avaient soulevés. Mais bientôt ils CARACTÈRE nu scnismn pas ne
rent dépassés : les esclaves, les colons, narrsras ET DU SOULËYBMENT nus
les ‘petits propriétaires ruinés par le cmconceLLioNs.-—- Ledonatisme, dit
fisc que, pour leur vagabondage autour M. Saint-Marc Girardin (2), n’est point
des lieux habités, on appela circoncel une hérésie , c’est un schisme; car les
lions, formèrent des bandes semblables donatistes croient ce que croit.l'Église
à celles qui parcoururent, au moyen âge, catholique; seulement, selon eux, les
sous des noms divers, l’Allemagne, la traditeurs ont souillé la ureté du ca«
France, I’Angleterre, l’Espagne et l’i ractère épiscopal; ils ont interrompu la
‘talie. Ces circoneellions ne s'inquiéte descendance spirituelle des apôtres. Ne
rent point seulement, il faut le dire, de cherchez ici aucune des subtilités fami
la querelle qui séparait Donat de Céci lieres aux hérésies de la Grèce ou de
lien; comme ils appartenaient presque l’orient. L’esprit africain est à la fois
tous à la classe oppriméevet souffrante, simple et violent, et il ne va pas jusqu'à
ils‘ voulurent une réorganisation sociale l’hérésîe :il s'arrête au schisme; mais
et tentèrent'd‘établir, en ce monde , ce il met dans le schisme un acharnement
e, sous le fouet du maître et au mi singulier. il y a peu d’hérésies qui soient
lieu des plus rudes travaux, ils avaient nées en Afrique. L’arianisme n’ vint
appelé si souvent de leurs vœux, à sa qu’avec les Vandales, et encore ‘aria
voir, le règne d'une parfaite égalité. Ce. nisme, tel ce le professaient les Gotbs
pendant, c'est le côté religieux qui do— et les Van ales, n'était pas l’arianisme
mine danscette grande insurrection. Les subtil, tel que l’orient l’avait connu ,
circoncellions, qui se donnaient le nom disputant sur la consubstantialité du
de saints, se crurent chargés d'une mis (l) Les circonceilions se dissipèrent, il est
sion divine. S'opposer à eux,c’e'tait, dans vrai; mais les croyances qui avaient soulevé
leurs idées, résister à Dieu même; donc, les populations devaient survivre a l'insurrec
périr dans la lutte, c’était acquérir des tion armée. Pendant longtemps ‘on vit en
Afrique des hommes errer çà et la , dans les
droits à la félicité éternelle. Dans leur campagnes, pour perpétuer, au sein des classes
farouche enthousiasme , ils recherché opprimees. la doctrine sociale et religieuse qui
’rent avidement le ‘martyre. lls s’of les avait si vivement agitées. Ces hommes. or
la plupart, étaient engagés dans les or ‘res,
fraient, par troupes , au fer de leurs en et tous. ils a arteuaient au parti donatisle.
nemis, et quand on refusait de les C’est a ces p icateurs errants , appeles'aussi
frap r, ils se tuaient eux-mêmes. La clrconcellions, que s’appllque la note insérée à
le pa e 34 de notre Histoire de la dommalwn
rigl ité deleur doctrine ne les empêche des andules eut-Afrique. . u
point, sous Maxida et Fasir, les plus Nous renvoyons encore ici, pour ce qui con
cerne les donatistes et les circoncelllons, aux
effet . l’insurrection dut s'organiser au moment renseignements bibliographiques rassemblés
mémeou. pour obéir aux ordres de Constantin, ar J. C. Ludw. Gieseler. Voy. Lehrbuch des
les magistrats de I‘Al‘ri ue commencèrent l Eiælængeschichte; t. I, p. 323, 324 et 325;
sévir contre les donntis es. Fleury ( t. III. p. 0 I7 et suiv. _ _
SI?) et quetques autres historiens ont reporté (2) M. saint-Marc Glrardm; l'A que sous
a l'année au et même plus tard. a tort sui saint Anguslin. Voy. la Revue des en: Mati
vant nous, l'apparition des drooneeiiiom. des ; le septembre I842; p. 987.
26
Père et du Fils ; s’était un arianisme plus qui sont naturelles à cette sorte d’hom}
simple et plus à la portée de l‘esprit des mes. Ils haïssent les maîtres et les
barbares, qui faisait du Père et du Fils riches , et uand ils rencontrent un
deux dieux, dont l’un était plus grand maltre mon sur son chariot et entouré
et plus puissant que l’autre. Les héré de ses esclaves, ils le font descendre,
sies africaines, et elles sont en petit font monter les esclaves dansle char
nombre , n’ont jamais rien de subtil et
de milice. Leseéli‘col'es, dont saint Au-v
et forcent le maître à courir à pied ; cai
ils se vantent d’etre ven'us o'ur rétablir
gustin parle quelque part, nesont qu'une l'égalité sur la terre, et il: appellent
secte qui penche vers le déisme primi les esclaves à la liberté :' tout cela, au
tif des Juifs, et semblent être en Afri nom, disent-ils, des principes du chris
que les précurseurs lointains du ma: tianisme, qu’ils dénaturent en l’exa ‘é
hométisme. rant, et dont surtout ils n'ont pas ès
«1 Les do'n'atistes' africains n’ont ni mœurs. Ôtez-leur le fanatisme , ce sont
avec le judaïsme. ni avec le mahomé ‘les Bagaudes de la‘ Gaule , de soiltlü
tisme aucuheanalogie de (dogmes, car ancêtres de la 'Jacqiierie ;,c’est la vieillê
ils ne contestent aucune des croyances guerre entre l’escla've et le maître, eii:
chrétiennes; mais ils cm avec ces deux tre le riche et le pauvre’; seulement
religions une grande ressemblan’œ exté cette guerre a pris la marque de l'Afri
rieure. C’est la même allure de fana que : ce ‘sont des nomades; ‘- et la‘
tisme, c’est le même goût pour la force marque du temps : ceso'iit des bandes
matérielle. Les donatistes ont, comme fanatiques. C’est le fanatisme, en 'efi'e‘t,
tous les partis, leurs modérés et leurs qui leur donne un caractère à Ils
zélés; les modérés, ui s'appellent sur‘-v sont cruels contre eux-mêmes et èüiitre
tout les donatistes; es’ zélés, qui sont les autres; ils se tüetit avec une facilité
les cîrconcellions. Les donatistes sont incroyable , alid , disent-ils,‘ d’étl'é nu.
les docteurs’ et les diplomates du parti; tyrs' et de monter au ciel‘. Ils‘ tuéht lès
ils désavouent l’usage de la violence; autres-sans plus de scrupule, en comble
ils font des requêtes aux empereurs; nantd’affrcuses' tortures, pleines des
ils inventent dhabiles chicanes pour‘ raffinements de la cruauté africaine.
échapper aux arrêts rendus contre leur Parfois cependant, ils s"_lhqu‘lètent dë
schisme; ils écrivent contre les doua savoir s’ils ont le droit de se tuer, et
teurs catholiques; ils les calomnient et alors ils forcent le premier venu à les
les insultent. Ils ne‘ sont du reste ‘ni frapper, afin de ne‘ pas compromettre
moins obstinée, ni moins ardents que le mérite du martà're par le péché du
les cir'c'o'ncelIions. Ils se déclarent les suicide. Malheur, u resté, au voyageur
seuls saints,‘ les seuls purs, les seuls‘ qui refuserait de leur réter sa ma ri pour
catholiques. Les circoncellion'snsont les tuer! Il périrait ui-mêliie sous les
l’armée et le peuple du parti, et ils re coups de leurs longs bâtons , q‘u’lls op;
résentent, dans le donatisme, l’Afrique pellent des israélites à moins qu’il n’ait
arbare, comme les donatistes repré a présence d’esprit d’un jeune homme
sentent l'Afrique civilisée. Les circon de la ville de Madaure, ui renconti'a
cellions sont des bandes nomades qui un jour une de leurs ban es. ces fana:
se mettent sous un chefet parcourent le tiques avaieht'résolu depuis lusieurs'
pays. Ils font profession de continence; jours d’étre martyrs, et, se on leur
mais le vagabondage amène la débauche usage, imité des gladiateurs, ils s’é
dans leurs bandes. Le but de leurs taient. avant leur mort, livrés à tous
courses est de faire reconnaître la s'ain les plaisirs de la vie, et surtout aux
teté de leur Église; aussi leur cri de plaisirs de la table. Ils cherchaient donc
guerre est : Louanges à Dieu (Laudes avec impatience quelqu’nn qui les vou
Deo), cri redouté, car, partout où il lût tuer. A l'aspect de ce jeune homme,
retentit, il annonce le pillage et la mort. ils coururent à lui avec de grands cris‘,
Comme les circoncelhons sont 'la ‘plu et lui présentèrent‘une é ée nue, le me
part des esclaves fugitifs ou des labou naçant de l’en percer s’i ne voulait as
reurs qui ont renoncé au travail pour les en plercer eux-mêmes. a Mais, dit le
s’enfuir au désert, ils ont les haines jeune omme, qui me répond, quand
AFRIQUE CHRÉTIENNE. 21
j'aurai tué deux ou trois d'entre vous, l'Afrique a gardée sous toutes les do
e les autres ne changeront pas d'i-g minations. ‘ Dans le donatisme, cette
ée, et ne me tueront pas? Il faut‘ originalité a été jus u'au schisme en
donc que vous vous laissiez lier. 1: Ils y religion; et elle se ra liait volontiers à
eonsentirent, et, une fois bien liés , Il la révolte en politique (1). v
les laisse sur le chemin et s'enfuit. surranxs 'rnounuts; vauvas un
« Les circoncellions représentent, tuivns na CONCILIATION; CONCILB
dans le donatisme, les mœurs de l'A na CAITHAGE. -— Dans cette lutte
frique barbare; mais il y a dans le do acharnée des donatistes contre les ca
natisme quelque chose qui caractérise tholiques ou, comme disaient les dissi
I'Afri ne en général : c'est l'esprit d'in dents, contre les traditeurs, il y eut,
dépen ance à l'égard des empereurs; par un accord tacite, des instants de ré«
c'est la haine de l'unité, soit de l'unité pit et des trêves. Le rappel des exilés
temporelle de l'empire,'soit de l'unité donatistes, en 321, semble indiquer un
religieuse de I'Eglise...... - ralentissement dans la lutte et un affai:
Plusloin, M. Saint-Marc Girardin dit blissement dansles haines. Cet état
encore (1) : c Quand on écarte de la dis de choses dura d'abord jusqu'en 326,
cussion entre les donatistes et les ortho année où, suivant Morcelli (2), finit
doxes tout ce qui est déclamation et in l'épiscopat de Cécilien. On put croire
i'ure, on voit que le principal grief contre un instant que fa guerre allait recom
c donatisme , c'est qu'il a rompu l'unité mencer; mais le repos de l'Afrique ne
catholique. De ce côté. le refrain du fut pas troublé. Les catholiques choi
chant rimé de saint Augustin résume sirent Rufus pour évêque; ce fut pro
fort bien les reproches qu'il fait aux bablement à la même époque que les
donatistes: dissidents procédèrent à l'élection de
Omnes qui gaudetis de pace, Donat (3). On serait tenté de croire que
Modo verum judicate.
La paix, c’est-à-dire l'unité, voilà le
sentiment et le principe que saint Au (0 Cette appréciation du schisme des do
natistes et du soulèvement des circoncellions
ustin atteste contre les donatistes. C'est nous semble profondément vraie. Cependant
la en effet le, sentiment qui leur répua nous devons dire que nous n'acceptons point
gne, c'est par là u'ils sont rebelles; ils sans réserve toutes les opinions de M. Saint
Marc Girardin. Nous croyons. par exemple,
n‘ontavec les art odoxes aucun dissen ne cette phrase : L'esprit africain. est a la
timent dogmatique; seulement ils veu ÿois simple et violent , et il ne va pas jux u’à
lent faire une Église à part. lln' a point l'hc‘n’sie; il s'arréle au schisme, conlien un
jugement trop absolu. Nous nsons, -— et
avec eux de controverse théo ogique, ici nous invoquons l'autorité de tous les
car ils disputent sur des faits plutôt que historiens ecclésiastiques, - que les bére
sur des opinions. Dans le donatisme , sies Gt eu sur l'Afrique, si l'on peut s'ex
primer ainsi, plus de prise que ne le croit
ce n’est oint comme dans la lupart M. Saint-Marc Girardjn. D'autre part, l'es rit
des hérésies, l'indépendance de 'esprit africain , suivant nous, se prêtait volont ers
humain qui en est cause, c'est l'indé aux profondes méditations et à la controverse;
et dans, la’ d' mission il se distinguait leur ‘a
pendance de l'Afrique; et, ce qui achève tour ‘ r la igrce de la dialectique et par la
de le prouver, c'est que les tentatives dé suhti ‘té. C'est un iaitque l'on peut constater
révolte que font quelques gouverneurs dans les ouvrages detom les Africains, qui
écrivirent depuis Tertullien jusqu'a saint
d'Afrique, entre autres le, comte Gel Augustin. Seulement. dans ces ouvrages, ce
don en 397 , sont a‘ppuïées par les do qu'il a de logique, d'ingénieux, de delic, de
natistes. ils sont les a liés naturels de subti :, disparail sous l'exagération de la for.
me, sous l'enilure des mots. Il semble même
quiconque veut rompre l'unité de l'em ' ue l'Afrique ait communiqué l'esprit des
pire dans l'ordre politique, ‘comme ils iscussions habiles au x étrangers, aux barbares,
veulent la rompre dans l'ordre reli exemple , qui fréquenlerent ses. écoles et
qui étudierent ses œuvres littéraires his
gieux..... - ' toriques et philosophiques. Nous rappel erons
Enfin il ajoute(2) : - Le donatisme est, ici, comme preuve. le nom de Tlirasamund,
au quatrième et au cinquième siècle, un de ce roi vandale qui était théologien, non
int ala manière du fameux roi des Franks,
témoignage expressif de l'originalité que g‘i’lpéric, mais a la manière (les Byzantins.
(2) Africa chrisliuua;ad an. 326 et 327.
(I) M. Saint-Have Girardin; Ibid. p. 900. Voy. l. ll, p. 230 M23].
(2) id. lbid. p. 992. (3) Ce fut cet évêque et Donat des Cases
28 ' -r""î"'
les deux nouveaux élus songèrent d’a entraîner par la colère jusqu’à proférer
bord à remédier aux maux de l‘Eglise des injures contre l'empereur devant ses
et que leurs premiers soins eurent pour deux représentants. Donat de Bagaîa
but d’opérer entre les deux partis un fit plus encore : il appela à son aide les
sincère rapprochement. C’est, à notre bandes non encore anéanties des cir
sens , l'explication du concile que, sui concellions, souleva la population des
vaut le témoignage de saint Augustin, villes et des cam agnes, et s‘appréta
les donatistes ouvrirent à Carthage, à résister par la orce aux ordres de
en l’année 328 (1). Ce qui prouvela force Constant. Paul et Macaire n’hésitèrent
du schisme. c’est que l’on vit accourir, point : ils s’adressèrentÿ, en vertu de
de divers lieux, dans ce concile, deux eurs instructions, au comte Sylvestre,
qui mit des soldats àleur disposition.
cent soixante-dix évêques. Des scènes de violence ne tardèrent pas
Les membres de cette grande réunion
tentèrent les voies de la conciliation. à éclater de toutes parts, et la guerre
commença; mais elle ne fut pas de Jon
Ils se relâchèrent de leur rigorisme et gue durée. La victoire- resta bientôt
déclarèrent qu’à l’avenir ils communi aux délégués impériaux. Ceux-ci ne
queraient volontiers avec les traditeurs, trouvant plus de résistance poursuivi
sans les soumettre à un second baptê rent les dissidents avec une grande ri
me. On en vit plusieurs qui, comme l’é gueur. Les évêques donatistes furent
véque Deuterius, de la Mauritanie si
chassés de leurs sièges , exilés ou tués.
tifienne, observèrent fidèlement ce qui Les persecuteurs. que du nom du plus
avait été décrété; et ce fut à ces hommes
violent de leurs chefs on appela Maca
que l’Afrique dut la paix dont elle jouit riens , ne s’arrêtèrent que sous le règne
encore pendant quelques années.
LA LUTTE BECOMMENCE; PEBSÉCU de l’empereur Julien.
TION MACARŒNNB. —— Vers l’année Au moment même (349) où Paul et
348. la lutte recommença. Quelle fut Macaire venaient de vaincre les schisma
la cause de cette guerre nouvelle? on tiques ar la force des armes, Gratus
l’ignore. Les écrivains catholiques pré assemb a à Carthage un concile , où sié
tendent que l'obstination et les violences
èrent les évêques catholiques de toutes
de Donat, évêque schismatique de Car es provinces de l’Afrique. Le but des
Pères qui vinrent à ce concile était prin
thage, et d’un autre Donat, évêque de
Baga‘ia, ranimèrent les anciennes dis
cipalement de condamner les donatis
cordes (2). L'empereur Constant avait “35 mimes?‘ , .
envoyé en Afrique deux ofliciers, Paul L EMPEREUR JULXEN; BEACTION. —
Julien voyait avec joie les schismes et
et Macaire.l qui avaient our mission les hérésies qui déchiraient I’Eglise. il
d’apaiser dans cette contr les q rel ne cherchait point à terminer les diffé
les religieuses. Les dissidents co ais rends , à étouffer les haines. Il laissait
saient sans doute à l’avance les disposi pleine et entière liberté à tous les aÿi
tions des deux délégués impériaux et
leurs rapports avec Gratus, évêque ca tateurs, persuadé qu’en définitive es
tholique de Carthage. Paul et Macaire querelles entre chrétiens nuiraient plus
au christianisme que la plus rigoureuse
avaient à peine touché les côtes de l’A et la plus sanglante des persécutions.
frique que les donatistes se soulevèrent
contre eux ..de toutes parts. Donat de En Afrique, Julien devait donc re
Carthage , suivant saint Optat , se laissa
constituer contre l’orthodoxie le parti
puissant que les macarien: avaient pres
Noires qui, comme nous l’avons vu plus que anéanti. Il rendit la paix aux do
haut , donnèrent leur nom aux dissidents. natistes persécutés depuis quatorze ans ,
(l) Morcelli< Afric. christ. ); ad an. 328.
Voy. t. ne
(2) il il .faut
p. 232.
pas oublier u'il ne nous reste (1) C'est le premier concile de Carthage dont
sur les querelles religieuses e l’Afrique que les nous ayons les canons. -— Morcelli a rassem
écrits des catholiques. le devoir d’un historien blé avec un grand soin, sur cette période de
impartial est de n'admettre qu’avec une extrême l'histoire du schisme. tous les renseignements
réserve les accusatlonsgorlées contre les dissi contenus dans les anciens documents . et princi:
dents, même par saint plat et saint Auguslin. paiement dans les ouvrages de saint Opial et
Les donatistes ont beaucoup écritdans le cours de saint Augustin. Voy. Afric. christ. (ad au.
du IV', siècle ; mais leurs livres ne sont pas'ar 348 et sqq.); t. il, p. 247 et suiv.
rivés jusqu'à nous.
AFRIQUE CHRETIENNE. 29
et, par cette mesure seule, il les releva. illustres deces adversaires, il fautcomp,
Les schismatiques obtinrent de rappe ter assurément Optat, évêque de Mi
ler leurs évêques qui avaient été bannis lève. c Parménien, évêque donatiste de
et de rentrer en possession de leurs Carthage et successeur de Donat dit
lises. On peut à peine se faire une Fleury, ayant écrit contre I’Égl ise,_
i ée de la réaction qui se lit alors. Les plusieurs catholi ues avaient désiré une
évêques et les prêtres donatistes , accom conférence des eux artis : mais les
pagnés de nombreux soldats , se jetèrent donatistes l'avaient re usée, ne voulant‘
sur les églises , s'en emparèrent de vive pas même parler aux catholiques ni apo.
force et massacrèrent ceux qui voulaient procher d'eux , sous prétexte de ne pas
les défendre. Ils se portèrent aux plus communiquer avec les pécheurs. Optat‘
odieux excès, pillant et tuant, et n'é ar répondit donc par écrit a Parménien , ne
gnant pas même les vieillards, les em le pouvant faire autrement. 1» Dans les'
mes et les enfants qui tenaient au parti sept livres de son ouvrage (1), l'évêque
de leurs persécuteurs. Tout ce qui avait’ de M ilève se propose de défendre con
servi‘ au culte des catholiques, ils le tre les schismatiques l'unité de l’ '
repoussèreut et, dans leur fureur, glise et de repousser toutes les accusa
ils n’hésitèrent point à jeter l’Eucharis tions Eortées parles donatistes contre
tie aux chiens. Le désordre fut porté lescat cliques, qu'à la lin du IVe siècle
au comble, non point seulement dans ils appelaient encore traditeurs. Optat
le pays qui avoisinait Carthage, mais ne se borne as à discuter : comme le;
encore dans la Numidie et dans les Man. schisme des onatistes reposait tout .enà.
ritanies. . tler , en queläe sorte , sur cette ques
A la nouvelle de tant de violences, tion de fait: 'cilien et les évê ues ca
Julien et ceux qui dans les diverses gar tholiques, ses partisans , ont-ils ivré les
ties de l'empire n'avaient point a an Écritures, au temps des persécutions ?.
donné les doctrines du olythéisme, sont-ils traditeurs? il remonte à l'ori
durent éprouver une gran e oie; mais gine des dissensions et raconte. Il op
le triomphe des donatistes ut court. pose des faits aux faits allé ués par ses
Les édits‘de Valentinien ramenèrent adversaires. C'est ainsi qu en combat.
bientôt pour les schismatiques de l'A tant Parménien, il mêle la narration à
frique le temps de l'exil et de la persé la discussion et suit , jusqu'à son temps,
cutlon (l). l'histoire des luttes religieuses de l'A
’ SAINT orrx'r, ÉVÊQUE m: mnizva; frique. Suivant Fleury (2), Optat‘écrivit
POLÉMIQUE nNran LES Écnrvarrvs son ouvrage sous Valentinien (364-375).
cunotlquas ET LES ricnrvxms n04 Comme nous l'avons dit, la violente
NA'IISTBS; Lor ne VALENTINIEN. — réactîon des donatistes contre les ca
Depuis l'origine du schisme, une polé tholiques cessa avec le règne de Julien.
mique vive, ardente, s'était engagée Les schismatiques _ne pouvaient dé
entre les écrivains des deux Égli sormais espérer l'impunité pour leurs
ses. Elle dura pendant près d'un siècle‘ excès. Les empereurs'qui succédèrent à
sans interruption. Presque tous les ou Juli‘èn n'auraient pas tardéà réprimer
vrages qui furent composés alors et qui > en Afrique les désordres que, par un
se rapportent aux querelles religieuses sentiment de haine contre toutes les
de l'Afrique sont perdus aujourd'hui. c mmunions chrétiennes, le restaura
Nous n'avons rien des donatistes. tei r du paganisme pouvait seul tolérer.
Nous ne- connaissons les opinions des Mais les donatistes avaient à peine mis
schismatiques africains et les arguments un terme à leurs vengeances, que les
qu'ils employaient dans la discussion catholiques, à leur tour, se relevèrent et
que parles ouvrages de leurs adversaires. réclamerent l'assistance du ' pouvoir
Parmi les plus vigoureux et les plus impérial pour vaincreleurs adversaires.
_(|) Inde ndamment des ouvr de saint (l) uelquel auteurs ont pensé que le sep
0ptat(de chimLDonaLll, 19;‘! ,‘Zet sqq) et 11ème ivre n'avait pas été écrit par Oplat. »
de saint Au ustin (nous faisons surtout a lu (2) Fleury; llist. mm. t. IV, p. 226 et suiv..
sion ici a la ettre 166, al. les, ad Donatùt.), Voy. aussi sur saint Optat : Rohrbacher; met.
voy. sur cette réaction : Fleury, t. IV, p. 67 et univers. de l'Église catholique, l. Vil, p. Il)’: et
suiv: Potter, t. il. p. “2. suiv.
30
Valentinien leur vint en aide; cepen Ce fut aussi vers ce temps qu'il se laissa
dant ce ne fut u’au mois de février de séduire par la doctrine des manichéens.
l'année 373 u’i promulgua, à Trèves, Augustin , après avoir achevé ses
une loi par a uelle uiconque, parmi études, revint encore à'l‘agaste , où il
les évêques ou es pr tres , rebaptisai't', enseigna successivement la grammaire
était condamné et déclaré indigne du et la rhétorique. Mais la petite ville où
sacerdoce: cette loi, qui atteignait les il avait pris naissance n’était pas à ses
donatistes , fut adressée au proconsul yeux un théâtre où il pût se produire
d’Afrique , Julien. il est vraisemblable avec éclat et acquérir, comme maître,
toutefois que, dans les intentions de la gloire que sans dopte il avait rêvée.
l'empereur, elle était applicable aussi Il quitta donc Tagaste et reprit le
aux partisans que les schismatiques chemin de Carthage. ,Il reparut comme
africains avaient rencontrés à Rome professeur dans les écoles de cette ville;
et en Espagne. Les donatistes ne se mais il n’y fit pas un long séjour. Il se
laissèrent point abattre par le décret de décida à passer lamer, et, trompant
Valentinien; la sévérité des lois impé la vigilante tendresse de sa mère, il
riales ne fit sans doute que raviver leur s’embarqua pour l‘ltalie et vintà Rome.
haine contre les catholiques et les af Là, il continuaità étudierles hilosophes,
fermir dans le schisme. lorsque la ville de Milan emanda au
suN'r AUGUSTIN; ses conneries préfet Symmaque un professeur de
usn'rs ; n. qui!“ n'auront; ;sÉJoUn_ rhétori ue. Sur la puissante recomman
A nous 31 A mua; sa couven dation es mapjchéens , et après avoir,
sroiv (1). -- Au moment même où l’évêy au préalable, prouvé sa capacité par
que de Milève, Optat , achevait son ou _un discours , Augustin fut désigné aux
vrage, saint Augustin, qui devait être citoyens de Milan. Nous devons remar
l’adversaire le plus redoutable des dg‘ quer ici que , déjà à cette époque, Au
natistes, commen ait à paraître avec gustin n'avait plus confiance en la doc
éclat dans
naquit les éco
en 354, _es de ’Afrique.
à Tagastc, petite vil e tripe des m'amche’ens ; ses rapports et
ses discussions avec les- hommes les
de la Numidie. Patrice, son père , était lus influents de la secte , avec l’évéque
un des hommes notables de la cité; il auste surtout, avaient jeté le doute
faisait partie du corps des décurions. dans son esprit; toutefois il ne s’était
Sa mère, qui exerça une si grande in pas encore séparé ouvertement de ceux
lluence sur sa vie,et ui tint une si dont il avait été pendant plusieurs an
grande placedans ses a fections , s’ap nées le sincère partisan.
pielait Moniquea Il étudia d’abord à En 384, il se rendit à Milan, où arri
adaure; puis, il revint à Tagaste; vèrentbîentôt Monique sa mère etdeux
delà il seirendit à Carthage, .où il acheva hommes, comme lui originaires de l’A
ses études. Ce fut dans les écoles jus frique , et qu’il chérissait entre tous,
tement renommées de la capitale de Al plus et Nebridius. C'était dans cette
l’Afrique, qu'en lisant les traités de vil e que devait commencer pour Au
Cicéron , il se prit d’un vif amour pour gustin une vie nouvelle. ‘
la philosophie. Il se mit dès lors avec Son esprit, en proie depuis si long
une ardeur sans égale à la recherche temps à l incertitude, et qui avait cher
de la vérité. Il voulut connaître fâes ché en vain la vérité, soit dans les livres
ouvrages où sont exposés les dog es de Cicéron et des académiciens, soit
fondamentaux du christianisme; mais dans le système (les manichéens, se fixa.
le style des saintes Écritures devait Les vœux ardents de Monique , les ser
rebuter un homme qui étudiait assidû mons de saint Ambroise, et plus encore
ment Cicéron et les auteurs qui avaient les ouvrages de Platon, qu’il lut dans
vécu à la belle époque de la latinité. Il une traduction latine , mirent fin a tou
laissa donc de côté les livres chrétiens. tes ses irrésolutions.‘Platon, comme il
l’avoue, lui fit entrevoir la vérité tant
(l) Pour toute cette ‘partie biographique de désirée. Puis, les saintes Écritures, qu’il
notre travail nous avons toujours en sous les
yeux les Confessions et la Vie de saint Augus étudia alors avec attention et avec ar
tm écrite par Possidius. deur, achevèrent de lui dévoiler ce qui
AFRIQUE CHRÉTIENNE. s1
n'apparaissait encore que d’une ma deux livres: l’un surla Morale et les
nière vague et confuse, même dans la mœurs de l'Église catholique, l’autre
plus sublime des doctrines de la philo sur la Morale et les mœurs des mani
sophie grecque. Il voulut être sincère chéens. Le résultat de cette comparai
ment chrétien. " son. on le conçoit aisément‘, est tout
Pour se préparer avec plus de re entier à l’avantagede l’Église catholique.
cueillement au baptéme ,Augustin cessa Augustin ne se contenta pas de montrer
d'enseigner et se retira dans une mai au grand jour‘ la corruption des mani
son de cam agne avec sa mère et Adéo chéens; il les attaqua dans un des
dat, lils del une'des femmes nombreuses points fondamentaux de leur système ;
qu’il avait aimées. Il fut suivi dans sa et en examinant cette question: D’où
retraite par ses amis les plus chers. Ce vient le mal P il combattit la doctrine
fut la qu'à la suite de doux et graves des deux principes, l'un bon, l’autre
entretiens, il composa plusieurs ouvra mauvais , qu’ils admettaient. Ce fut
- es. qui sont ‘parvenus Jusqu’à nous. Il sans doute cette controverse qui le
crivit d’abord contre les académiciens; conduisit à écrire son traité du Libre
puis il fit les deux traités de la Vie heu arbitre. En faisant au libre arbitre, dans
reuse et del’ordre. Il commep aussi tous les actes, une large part (beaucoup
les soliloques. u’il complété, pËs tard pluslarge que celle qu’il lui accorda plus
par le traité de Immortalité de Mme. tard , dans la lutte contre Pélage et
Peu de temps après, il composa encore Célestius),il réfutait encore la doctrine
deux trait'és:celui'de la Grammaire, ui des deux princi es.Il n'acheva ce dernier
n’est point arrivé jusqu'à nous ,‘et ce ni traité qu’en A rique, où il arriva enfin
de la lllusiq'iæ, qui ne fut achevé qu’en dans les derniers mois de l’année 388.
Afrique. Au printemps de l’année 387, Il demeura quelque temps à Carthage;
il revint à Milan , où il fut baptisé avec puis, il revintà Tagaste, où il vécut, pen
Adéodat, son fils, et Alypius, son'ami, dant trois ans e'nviron, dans une pro
par saint Ambroise. fonde retraite. Il yacheva son ouvrage
" AUGUSTIN QUITTE MILAN; IL Psnn de la Musique. Il composa à la même
sa liane ; SÉJOUR ABOME; n. REVIENT époqueles deux livres de la Genèse, des
ms AFBIQUB; LU'rrns comme LES tinés à réfuter l’opinion des manicliéens
uAnrcmânNs ET LES noNa'rIsrss; sa sur l’Ancien Testament , le livre du Mai
instaure; IL EST NOMME successi tre, qui est un dialogue entre lui et son
VEMENT même et ÉVÊQUE me L'É fils Adéodat,et le traité delq Vraie rec
GLISE n’nrrrona. — Augustin . après ligion. Il sortit enfin de la retraite, et
son baptême, prit la résolution de re sur la demande d’un de ses amis qui
tourner en Afrique‘. Il quitta Milan, et voulait quitter le siècle et désirait ar
accompagné de sa mère et de son fils, il demment le voir et l'entendre , il vint à
se dirigea vers le ort d‘0stie. Il atten Hippone. Il y fut retenu malgré lui , en
dait le'moment e s’embarquer, lors quelque sorte, par les vœux du peu le;
que Monique fut prise d'une fièvre qui et ourl’attacher àson église, lév que
lemporta 'en neuf jours, Augustin res Va ère l’ordonna prêtre, en 391. Le
dernier lien qui unissait Augustin ‘au
sentit à la mort de sa mère une violente
douleur qui bouieversa pour un ins monde avait été rompu par la mort.
tant tous ses projets. Il ne songea rématu rée d’Adéodat. Aussi, dès qu’il
plusàl’Afriqueet,d’0stie,ilvintàRome, ut entré dans les ordres sacrés , il re
où il séjourna endant plus d’une an- . doubla d’austérités, et sa vie fut encore
ñée. Il ne cherc ait plus alors à briller plus retirée u’à Tagaste. Il fonda un‘
dans les écoles; il voulait, avant tout, monastère ou il rassembla autour de
mettre au service de la doctrine qu’il lui ses amis les plus chers, Alypius, Evo—,
venait d’embrasser les connaissances dius et Possidius. Il ‘ne sortait de sa re
qu’il avait acquises et son éloquence. Il traite que sur les ordres de Valère , son
attaqua l’hérésie avec force, etpar une évêque, our instruire le peuple tou
réaction naturelle chez un nouveau con jours avi e de l'entendre.
verti , il combattit d‘abord ceux dont il La réputation d’Augustin était déià
avait partagé les erreurs. Il composa grande à cette époque. Les évêques s'a
32
dressaient volontiers à lui pour lui de la classe opprimée qui avait été ga
demander des prières et des conseils. gnée presque tout entiers à la cause du
D'autre part, il exerçait sur le peuple schisme.
qu’il instruisait une autorité sans hor Ce fut vers cette époque que Valère,
nes. Ainsi, jusqu’à son temps, les évêques accablé d‘ans et d’inlirmités, choisit Au
s’étaient en vain opposés dans la ville à gustin pour coadjuteur et le litnom
certaine fête qui entralnait à sa suite mer évêque d‘llippone.
la débauche et de graves désordres. 'rnavxux n‘AuGusnN DANS L'ÉPts
Un concile même, tenu à Hippone en cocu‘; IL connu‘ LES m'tnssxns; sa
393, n’avait pu abolir les vieux usages. BÉPU’I‘ATION s’srsnn AU LOIN. — L'é
En 394, la parole seule d’Augustin fut piscopat ne changea en rien la vie d’Au
,plus puissante ne les décrets du con gustin. Il sortit , il est vrai , du monas
cile et que les ex iortations des évêques ; tère qu’il avait choisi pour asile; mais,
elle lit cesser la fête populaire. au milieu du monde auquel il devait dès
Au milieu des occupations nombreu lors se mêler , il conserva les habitudes
ses que lui imposait sa qualité de pré austères que depuis. sa conversion il
tre, Augustin trouvait encore le temps s'était imposées. Seulement son activité
de servir I’Église ar ses ouvrages. Il devint plus grande et le cercle de ses
écrivait son traité e I’Utiiité de croire , travaux s’agrandit. Il faisait au peuple
pour ramener à la foi un de ses amis de fréquentes instructions, visitait ou
appelé Honorat, et son livre des Deux accueillait tous les citoyens d‘llippone
âmes, pour réfuter les manichéens. Il qui réclamaient son assistance, et in
attaqua encore ces derniers, en 394 , en tervenait comme juge et comme média
soutenant contre l’un d'eux , Adimante, teur dans les différends qui s’élevaient
que l’Ancien et le Nouveau Testament entre les membres de son Église.
n’étaient pas opposés l'un à l’autre , et On conçoit à peine qu’au milieu d'oc
que là même ou ils semblaient se con cupations si diverses et si nombreuses .
tredire, il était facile de les concilier. Augustin ait trouvé pour écrire quelques
Il entrait aussi volontiers en conférence instants de loisir. Cependant dans les
publique avec les ennemis de sa doc premiers temps de son épiscopat, il
trine; c’est ainsi qu’en 392 il discuta composa le Combat chrétien et le livre
pendant deux jours contre le prêtre de la Croyance aux choses qu’on ne voit
manichéen Fortunat, qui s’avoua vaincu. pas. Un peu plus tard, vers 397, il
Mais en Afrique ce n'était point le mani reprit la lutte contre les manichéens, et
chéisme qui avait porté les plus rudes réfuta d’abord la lettre de Manès . ap
coups à l'unité de l’Église; le catholi pelée I'Epitre du fondement ,- puis, il
cisme avait dans cette contrée des ad lit ses Trenle-trois livres contre Fauste.
versaires plus puissants et plus nom Les ariens fixèrent aussi son attention,
breux, les donatistes. Les partisans du et il commença, pour les combattre,
schisme dominaient dans un grand ses quinze livres de la Trinité. Il écri
nombre de provinces. Dans une deleurs vait aussi à la même époque le plus
réunions à Bagaia , on compta plus de connu de tous ses_ouvrages, les Con
quatre cents évêques dissidents. Augus fassions.
tln tourna bientot tous ses efforts con Tant d’activité et de science portèrent
tre ces redoutables ennemis. Il essaya au loin la ré utation d’Augustin. On
d’abord de ramener, par la persuasion, le consultait e toutes parts. Pour lui,
les donatistes nombreux qui se trou il ré ondait avec un zèle infatigable
vaientà Hippone; puis il composa une aux amandes qu’on lui adressait. Ce
sorte de chanson populaire où il racon fut ainsi qu’au milieu des grands tra
tait l’histoire du donatisme. Il méla au vaux que nous venons d’éuumérer, il
récit une réfutation du schisme. La composa pour Deogratias, diacre de
forme qu'il avait adoptée dut contribuer l’Église de Carthage, un traité sur la
singulierement à propager son œuvre. manière d’instruire les ignorants , et
Ses idées étaient mises ainsi à la portée qu’il fit (vers 397) deux livres pour ré
detous, et pouvaient aisément pénétrer soudre certaines questions qui lui
dans les villes et les campagnes, au sein avaient été soumises par Simplicien,
AFRIQUE CHRÉTIENNE. B3
évé ne de Milan et successeur de saint les lettres de Pétilien , évêque donatiste
Am roise. Le dernier de ces deux li de Cirta ou Constantine.
vres mérite une sérieuse attention. il L’Eglise catholique d’Ai‘rique, aussi
y expose dé'à clairement, à propos de bien qu’Augustin, avait repris courage
ccspa’roles el’Apôtre, « Qu'avez-vous et force. Elle multi lia alors les con
gué vous n’ayez reeu? » cette doctrine ciles. Les Pères se reunirent une fois à
e la grâce qui annihilait complètement Hi pone; mais en généralCarthage était
le libre arbitre, et qu’il devait pousser le iieu fixé pour les assemblées. En 398,
Jusqu’à ses dernières conséquences, on compta dans la capitale de l’Afri
dans sa lutte contre Pélage. que, sous la présidence d’Aurélius, deux
LES DONATISTES; LEURS DIVISIONS; cent uatorze évêques. La question
LIVRES DE SAIN’! AUGUSTIN; CONCI du schisme était toujours agitée dans
LES. — Mais alors Augustin était sur ces grandes réunions, et les Pères ne se
tout occupé par ses discussions contre séparaient jamais sans avoir promulgué
les donatistes. L'occasion était bien quelques canons contre les donatistes.
choisie pour combattre le schisme. De— nsemens VESTIGES DU POLYTHÉIS
puis plusieurs années dé'à, l'église do m: EN AFRIQUE; LE TEMPLE ne JU
natiste était en proie à c randes di NON-CÉLESTE; POLÉMIQUE DE SAINT
visions. Vers la fin du sièc e, les 0 i AUGUSTIN comas LES miens. -— Le
nions de‘Ticonius, qui fut parmi es schisme et l’hérésie n’étaient pas les
dissidents, suivant saint Augustin lui seuls ennemis que l’Eglise catholique et
méme , un éloquent et savant docteur, saint Augustin eussent à combattre en
fournirent un nouvel aliment aux que Afrique. Le paganisme avait laissé dans
relles et aux dissensions. La .mort de cette contrée une profonde empreinte.
Parménien, évêque donatiste de Car Dans les Mauritanies, la Numidie, la
thage., acheva de désorganiser le schis Proconsulaire , la Byzacène , à Carthage
me. Primien, qui fut élu , vers l’an 392, même, on trouvait-encore, au commen
avait excommunié un de ses diacres, cement du V" siècle , de nombreux ado
Maximien. Ce dernier, pour se venger, rateurs des anciens dieux. Les temples
se lit un parti, et occupa par la force le avaient été fermés , il est vrai , par ordre
sige de celui qui l’avait condamné. de Théodose', mais la sévérité des lois
Deux conciles se prononcèrent contre im ériales n’empéchait pas les païens de
Primien; mais un troisième, qui se tint se iivrer, comme par le passé, aux pra
à Baga'ia, prit sa défense et déclara cou tiques de leur religion, et ils ne cessèrent
able Maximien et ses adhérents. Ce fut ' point dans les jours solennels de se ras
à l’occasion d'une guerre où prim'ianis sembler pour faire des'sacriflces. La plus
tes et maæz‘mianisles montrèrent une célèbre et la plus vénérée de toutes les
extrême violence. ‘ divinités de l’Afrique était l’Astarté
Il faut encore ajouter à ces deux par des Phéniciens. La race punique n'avait
tis , dont le premier dominait à Cartha point été anéantie tout entière au mo
- ge, dans la Proconsulaire et la Numidie, ment où Scipion avait renversé 'l’an
et le second, dans la Byzÿacène, celui cienne Carthage. Parmi les hommes de
des rogatz'sfes, qui l’emportaient par cette race, beaucoup échappèrent alors
le nombre sur tous les autres dissi au fer des Romains ou à l’esclavage, et
dents, dans la Mauritanie césarienne. continuèrent à vivre sur la terre d'Afri
Augustin voyait avec joie toutes ces que. Les descendants des Phéniciens se
divisions. Elles lui fournissaient, dans soumirent, il est vrai, aux lois des vain
ses conférences avec les évêques dona queurs; mais ils ne perdirent pour cela
tistes, avec Glorius et Fortunius, par ni leur caractère national ni les tradi
exemple , aussi bien que dans ses écrits tions de leurs ancêtres. lls conservé
contre le schisme, des arguments sans rent leurs dieux et leur culte, et les rap
réplique. Ce fut vers l'an 400 qu'il com porlèrent dans la colonie de Caîus
posa trois livres pourrél‘uterune lettre de Gracehus, où ils relevèrent le tem le
Parménien adressée à Ticonius; sept d’Astarté. Il était dans la politique es
livres sur la question tant controversée Romains, non de combattre les croyan
du baptême , et trois livres enfin contre ces religieuses des vaincus, mais de les
AFB. cnné'r. 3
34
adopter, ou plutôt de les combiner avec blé, pour ainsi dire, lpour le protéger
leurs propres croyances. Ainsi, ils es et le défendre, tout e genre humain
sayèrent de concilier le culte d'Astarté dans son vaste empire. Tant que notre
avec celui de leurs divinités , et sous le religion a régné sans partage, l’em ire
nom de Junomcéleste ils adorèrent la romain n’a pas rétrogradé et nul ar
déesse phénicienne. Le temple de Ju bare n’a franchi impunément ses fron
non-Céleste fut, au temps de l'empire , tières. Qu'est-il arrivéaprès le triomphe
le plus riche et le plus révéré de Carv du christianisme? l'empire a été en
thage : Théodose le fit fermer en 391. proie à d’effroyables calamités; il a été
Un peu plus tard, l'évêque Aurélius en sans cesse harcelé, envahi, ravagé,
prit possession et le dédia au Christ. amoindri par les populations barbares.
Mais après cetteconsécration , les païens Nos dieux se sont vengés, et il semble
(c'étaient sans doute des hommes de même qu'ils aient fait éclater particu
race punique et les derniers descendants lièrement leur colère à l'égard des em»
des carthaginois) ayant osé pénétrer pereurs partisans et protecteurs du
dans son enceinte pour y renouveler en christianisme. Y eut-il jamais une fa
l’honneur d’Astarté leurs sacrifices et mille plus malheureuse que celle de
leurs cérémonies, il fut renversé de fond Constantin? il faut donc attribuer si no
en comble (i). tre religion les anciennes prospérités
L’empereur Honorius, dans son zèle, de l’empire, et au christianime tous les
ne se borna pas à persécuter en Afri maux qui nous accablent‘. Voilà le
que le polytheisme oriental, grec ou ro grand argument que firent valoir sou
main; il envoya aussi dans les diverses vent avec une haute éloquence, comme
provinces des officiers qui avaient pour Libanius et Symmaque, les défenseurs
mission de détruire, comme cela se lit du polythéisme. La prise de Rome,
avec éclat dans la Mauritanie, les par alaric, en 410, sembla justifier
images des dieux adorés par les po es raisons des païens. Le coup qui avait
pulations indigènes. Mais les païens frappé la ville éternelle eut dans toutes
étaient encore nombreux et puissants les provinces un long retentissement.
sous le fils de Théodose, et plus d'une Il y eut alors bien des hommes qui, dans
fois ils opposèrent une vive résistance des instants de doute et de décourage,
aux édits impériaux. A Suffëte, par ment, furent tentés d'attribuer au chris
exemple, dans la Byzacène, ils massa tianisme les calamités de l’empire.
crèrent soixante chrétiens qui avaient Ce fut au milieu de ces grandes ca.
brisé une statue d’Hercule. tastrophes que se mirent à l'œuvre Paul
‘lis écrivirent aussi pour défendre Orose et Augustin : l'un composa son
leurs croyances; et parmi eux il se Histoire, l'autre sa Cité de Dieu. Tous
trouva des hommes instruits et éloquents deux ar des voies diverses tendaient
qui firent une rude guerre au chrisv au m me but. Ils voulaient raffermir
tianisme. Ce fut l’iiifatigable Augustin leurs frères qui chancelaient, amener à
qui, oubliant alors pour un instant la foi ceux qui ne croyaient pas en
le schisme et l’hérésie, se chargea de ré core, et pour cela ils sefforcèrent de
futer les doctrines du polythéisme. De. montrer à tous les yeux combien étaient
puis longtemps les païens faisaient vaines les accusations que le polythéisme,
valoir contre la religion chrétienne un aigri par sa récente défaite et le senti
argument qui pouvait ébranler les igno ment de son impuissance, avait portées
rants. ils isaient : Quand nos dieux contre le christianisme victorieux.
étaient adorés, il y avait sur cette terre, LES DONATISTES soiv'r PoUBsUivIa
pour les hommes , bonheur et sécurité. avec ACHABNEMENT; CONCILES Dz
C’est avec l’assistance de ces dieux CARTBAGB; coivriânaivces ne L'AN
que Rome a conquis le monde, qu'elle 4! i ; CONDAINATION nns DONATISTES;
l'a soumis à ses lois et qu’ellea rassem LB 'IBIBUN minceLLiN; Loi n’iloivm
mus. -— Quels que fussent les travaux
(i) Voy. sur la religion des carthaginois , le d’Augnstin, ses yeux et son attention
temple d Astarlé et la persistance deJa race pu ne se détournaient jamais des donatis
nique en Afrique, noire Histoire de Carthage,
p. H9, H5 et les. tes. L’extinction du schisme était sa
AFRIQUE CHRÉTIENNE 35
grande affaire et, en cela , il se confor nées pour la religion catholi ne, ‘et
mait à la pensée de tous les catholiques l'empereur lui donne ouvoir e prenc
de l'Afrique. Il arriva un moment où dre entre les officiers u proconsul, du
ceux-ci, poussés par le vif désir d'opé vicaire, du préfet du prétoire et de tous
rer la réunion des deux Églises, recou les autres juges, les personnes néces
rurent au mo en extrême d'invoquer saires pour l'exécution de sa commis
l'intervention u pouvoir temporel. En sion. Le rescrit est daté de Ravenne,
404, les Pères d'un concile rassemblé la veille des ides d'octobre, sous le
à Carthage s’adressèrent à l'empereur consulat de Varane, c’est-à-dire le ua
pour obtenir de lui aide et appui dans torzième d'octobre 4l0........ Le tri un
eur lutte contre le donatisme. Dès lors Marcellin étant venu à Carthage donna
ils ne cessèrent plus d'implorer son as son ordonnance, par laquelle il avertit
sistance. Honorrus accueillit leurs de tous les évêques d’Afrique, tant catholi«
mandes, et pour obéir aux instructions ques que donatistes, de s’lv trouver dans
qu'ils avaient reçues de Ravenne, les of uatre mois, c’est-à-dire e premierjour
ficiers qui gouvernaient l'Afrique trai e juin, poury tenirun concile. Il charge
tèrent les partisans du schisme avec tous les officiers desvilles de le faire sa,
une excessive rigueur. Mais ce fut sur voir aux évêques et de leur signifier le
tout vers 410 que l'empereur donna rescrit de l'empereuret cette ordonnan
aux catholiques des preuves éclatantes ce. Il déclare, quoiqu'il n’en eût pas d'or
de sa bienveillance. dre de l'empereur, que l'on rendra aux
Il y avait longtemps qu'on voulait évêques donatistes qui promettront de
amener les évêques des deux Églises à s'y trouver, les églises qui leur avaient
discuter , dans une conférence publique, été ôtées selon les lois, et leur permet
les motifs de la séparation. Depuis Théo de choisir un autrejuge, pour être avec
dose, les catholi ues désiraient ardem lui l'arbitre de cette dispute. Enfin il
ment cette con érence. lls l’offrirent leur proteste avec serment qu’il ne leur
plusieurs fois aux donatistes. Ceux-ci, fera aucune injustice, qu’ils nesouffri.
prévoyant les résultats qu'entraînerait ront aucun mauvais traitement, et re
inévitablement à sa suite une condam tourneront chez eux en leine liberté.
nation sous des empereurs qui leur Il défend cependant que ‘on fasse au
étaient ouvertement hostiles , repousse cune poursuite, en vertu des lois pré
rent jusqu'en l'année 410 les proposi cédentes. Cet édit était du quatorzième
tions des catholiques.Alors quelques des calendes de mars, c'est-‘a-dire du
uns d'entre eux se laissant entraîner seizième de février 411, en sorte que
acceptèrent la discussion publique. Les les quatre mois, à la rigueur, échéaient
catholiques et l'empereur Honorius se le seizième de mai ; mais par indugence
hâtèrent de profiter de ces dispositions, il donnait jusqu'au premier de juin.
et un rescrit émané de la chancellerie Les évêques donatistes se rendirent à
impériale enjoignit aux évêques des deux Carthage au plus grand nombre u'ils
Églises de se rendre à Carthage. « Ce purent, pour montrer que les cat oli
rescrit, dit Fleury , fut adressé à Fla ques avaient tort de leur reprocher leur
vius Marcellin, tribun et notaire, di etit nombre. La lettre que chacun de
gnité alors considérable. C'était un eurs primats envoya, selon la coutume,
homme pieux et ami de saint Jérôme et à ceux de sa province, et que l'on nom
de saint Augustin, comme il paraît par mait Tractoria, portait ue, toutes af
leurs lettres. Le rescrit ordonne que faires cessant, ils se ren issentà Car
les évêques donatistes s’assembleront thage en diligence , pour ne as perdre
à Carthage dans quatre mois, afin que le p us grand avantage de eur cause.
les évêques choisis de part et d'autre En effet, tous y vinrent, excepté ceux
puissent conférer ensemble. Que si les que la maladie ou l'extrême vieillesse
donatistes ne s'y trouvent pas, après retint chez eux , on arrêta en chemin:
avoir été trois fois appelés, ils seront dé et ils se trouvèrent environ deux cent
ossédés de leurs églises. Marcellin est soixante et dix. Ils entrèrent à Carthage
abli juge de la conférence, ur exé ‘le dix-huitième de mai, en corps et en
cuter cet ordre et les autres ois don procession , en sorte qu’ils attirèrent les
3.
86
yeux de toute la ville : les évêques ca Enfin, le moment de comparaître et
tholiques entrèrent sans pom e et sans de discuter arriva. Alors les donatistes,
éclat, mais au nombre de eux cent qui se défiaient de Marcellin et de ses
quatre-vingt-six. Quand ils furent tous vingt assesseurs laïques, et qui se
arrivés, Marcellin publia une seconde croyaient sans doute condamnés à l'a
ordonnance, où il avertit les évêques vance, élevèrentd ifficultéssur difficultés
d'en choisir sept de chaque côté pour pour arrêter la conférence. D’abord Pe
conférer, et sept autres pour leur servir tilien de Cirta contesta au délégué im
de conseil en cas de besoin , à la charge périal le droit de siéger dans uneréu
de garder le silence, tandis que les pre nion d'évêques et de décider dans une
miers parleraient. Le lieu e la con question purement religieuse. Puis ,
férence, ajoute-t-il, sera les thermes les prélats donatistes demandèrent à
Gargiliennes. Aucun du peuple, ni même assister à la discussion, non plus au
aucun autre évêque n'y viendra, pour nombre fixé parMarcellin, mais en corps.
éviter le tumulte. Mais avant lejour de Ces débats préliminaires durèrent long
la conférence tous les évêques de l’un temps, il est vrai, mais ils ne firent
et de l'autre parti promettront par leurs as perdre de vue aux catholiques le
lettres , avec leurs souscriptions, de ra ut qu’ils s'étaient proposé. Ils enta
tifier tout ce qui aura été fait par leurs mèrent la discussion; ils parlèrent du
sept députés. Les évêques avertiront le schisme en général; ensuite ils abordè
peuple, dans leurs sermons, de se tenir rent la question de fait depuis un siècle
en repos et en silence. Je publierai ma controversée qui concernait Cécilien et
sentence, et l'exposerai au jugement de son élection. On lit dans les documents
tout le peuple de Carthatîe : je publierai contemporains que les donatistes ne pu
même tous les actes de a conférence, rent répondre aux arguments de leurs
et, pour plus grande sûreté, je souscri adversaires. « Enfin le tribun Marcellin
rai le premierà toutes mes paroles, et dit :Si vous n'avez rien à dire au con
tous les commissaires souscriront de traire, trouvez bon de sortir, afin que
même aux leurs, afin que personne ne l’on puisse écrire la sentence qui pro
puisse nier ce qu’ilaura dit (i). n _ nonce sur tous les chefs. Ils se retire
Pour plus de sûreté encore, Marcellin rent de part et d'autre; Marcellin dressa
choisit, dans chaque parti, quatre évê la sentence, et ayant fait rentrer les
ues char és de surveiller la rédaction parties, il leur en fit la Iecture.llétait
des actes e la conférence. Puis, il s'oc déjà nuit, et cette action finit aux flam
cupa de maintenir à Carthage la tran beaux quoiqu’elle eût commencé dès le
quillité publique. L’aflluence des étran point du jour, et que ce fut le huitième
gers devait être grande alors dans cette de juin. Aussi les actes en étaient très
ville déjà si populeuse; toutefois rien longs, et contenaient cinq cent quatre
n’indique que des désordres y aient vingt-sept articles. Il nous en reste deux
éclaté. Les évêques exhortèrent le peu cent quatre-vingt-nn , c’est-à-dire jus
ple à la modération et à la paix, mais ques à l'endroit où saint Augustin com
nul, il faut le croire, n'exerça plus mençait à traiter la cause générale de
d'autorité sur la foule que saint Augus l'Église. On a perdu le reste, qui con
tin. Dans ces circonstances solennelles tenait plusieurs actes importants et cu
l'évêque d’Hippone était accouru pour rieux; mais saint Augustin nous en a
donner à l'Église dont il était déja de conservé la substance et nous avons la
puis longtemps un des plus fermes sou table entière des articles, dressée par
tiens, l’appui de son érudition, de son un officier nommé Marcel, à la priere
éloquence et de son nom. Quand en. eut de Severien et de Julien. La sentence
réglé l'ordre de la conférence, les catho du tribun Marcellin ne fut proposée en
liques le mirent au nombre de leurs sept public que le vingt-sixième de juin. Il
commissaires, lui ad'oignant ses amisles y déclare que comme personne ne doit
plus chers : Alypius eTagaste, Possîdius être condamné pour la faute d'autrui,
de Calame et Aurelius de Carthage. les crimes de Cécilien, uand même ils
ni!) Fleury ;' Hier. eccle‘s. , t. V , p. en , 320 et auraient été prouvés, n auraient porté
aucun préjudice à l'Église universelle;
AFRIQUE CHRÉTIENNE. 37
qu’il était prouvé que Dona était l'au personne ne fait point de préjugé con
teur du schisme; que Cécilien et son or tre une. autre. Cependant le tribun Mar
dinateur Félix d’Aptonge avaient été cellin ayant fait son rapport à l'empe
pleinement justifiés. Après cet exposé, reur Honorius de ce qui s'était passé
il ordonne aux ma istrats, aux proprié dans la conférence, et les donatistes
taires et locataires es terres d’empêcher ayant appelé devant lui, il‘y eut une
les assemblées des donatistes dans les loi donnée à Ravenne, le troisième des
villes et en tous lieux; et à ceux-ci de calendes de février, sous le neuvième
délivrer aux catholiques les églises qu’il consulat d’Honorius et le cinquième de
leur avait accordées pendant sa commis Théodose, c‘est-à-dire le troisième de
sion; que tous les donatistes ni ne janvier 412, ui, cassant tous les res
voudrontpas seréuniràl’Église, emeu crits que les onatistes pouvaient avoir
rerontsujets àtoutes les peinesdes lois , obtenus, et confirmant toutes les an
et que pour cet effet tous leurs évêques ciennes lois faites contre eux , lesvcon
se retireront incessamment chez eux; damne à de grosses amendes , suivant
enfin, que les terres où l’on retire des leur condition, depuis les personnes il
troupes de circoncellions seront confis lustres jusqu’au simple peuple , et les
quées. Ces actes de la conférence furent esclaves à punition corporelle; ordonne
rendus publics, et on les lisait tous les que leurs clercs seront'bannis d’Afrique
ans toutentiers dans l’Église à Carthage, et de toutes les églises rendues aux ca
à Tagaste , à Co'nstantine , à Hippone et tholiques. La conférence fut le coup
dans lusieurs autres lieux; et cela pen mortel du schisme des donatistes; et
dant e carême, lorsque le jeûne donnait depuis ce temps ils vinrent en foule se
au peuple plus de loisir d’entendre cette réunir à l’Église, c’est-à-direles évêques
lecture. Toutefois, il y avait peu de gens avec les euples entiers (1). n
qui eussent la patience de les lire en En ef et, la masse des sehismatiques,
particulier , à cause de leur longueur et suivant la remarque de Fleury et de quel
des chicanes dont les donatistes avaient ques autres historiens, revint à l'Église
affecté de les charger. C'est ce qui obli catholi ue. Mais cette conversion, œu
gea saint Augustin d’en faire un abrégé, vre de a force, n'était point sincère.
qui en comprend toute la substance; Les donatistes voulaient, avant tout,
et ily avait ajouté des nombres. pour échapper aux amendes, à l’expropria
avoir facilement recours aux actes mê tion , à l’exil , à tous les châtiments en
mes. Les donatistes se déclarèrent ap fin prononcés par l’édit d’Honorius
pelants de la sentence de Marcellin, contre ceux qui persévéraient dans le
sous prétexte u’elle avait été rendue schisme. Ils cpnservaient sous les dehors
de nuit et que es catholiques l’avaient d'une apparente soumission un vifres
corrompu ar argent: ce qu’ils avan sentiment de leur défaite. Ils le montrè
çaient au iasard sans aucune preuve. rent bientôt. Deux ans à peine s’étaient
Ils disaient aussi ne Marcellin ne leur écoulés depuis la conférence de Carthage,
avait pas'permis e dire tout ce qu’ils qu'ils profitèrent de la rébellion du
voulaient. et qu’il les avait tenus enfer comte Héraclien‘et des désordres qui
més dans le lieu de la conférence, comme la suivirent pour se venger. Ils s‘atta
dans une prison. Mais saint Augustin chèrent surtout à erdre le tribun Mar
réfuta ces calomnies par un traité u’il cellin, le plus im acable de leurs enne
lit ensuite, adressé aux donatistes ai mis. Ils lefirent décapiter avecson frère.
ques,_où il releva tous les avantages Quand le pouvoir impérial se fut raf
que I’Eglise catholique avait tirés de la fermi en Afrique , ils cédèrent etse sou
conférence, les efforts ne les donatis mirent de nouveau. Ils- vécurent ainsi,
tes avaient faits‘ pour éviter qu'elle ne caehantleur haine,jusqu’enl’année429,
se tint; l'es chicanes dont ils avaient où l’invasion des barbares leur offrit l'oc
usé pour ne point entrer en matière; casion d’exercer sur les catholiques de
les plaintes u'ils avaient répétées deux nouvelles vengeances.
fois, qu’on es y faisait entrer malgré OPINIONS DE SAINT AUGUSTIN son
eux; enfin ce mot important qui leur
était échappé, qu’une affaire. ni une (1) Fleury; Hist. ecclc’s., t. V, p. 345 et suiv.
'38
L’rN'rsnvsN'rmN un pouvoir! ‘IBIPŒ - que nous puissions en effet paraître
nm. DANS LES Arnlnss DU scmslu. - étrangers la mort de ces hommes qui
— Saint Augustin montra à tous les ins « sontsoumisa votre jugement, non sur
tants de la lutte qu’il eut à soutenir con « notre accusation, mais sur l‘avis de
tre les donatistes, de la modération , de a ceux auxquels est confié le soin de la
la douceur et de la charité; plus d’une « paix publique, nous ne voulons pas
fois, cependant, il se laissa entraîner par « que les souffrances des serviteurs de
les passions de son parti et de son temps. « Dieu soient vengées, d’apres la loi du
Sa polémique fut alors dure etviolente; « talion, par des supplices semblables.
il demanda et en même temps déclara lé -Non que nous voulionsempêcberqu’on
gitime l’intervention du pouvoir tempo « ôte aux hommes coupables le moyen
rel dans les affaires religieuses, et il in «de mal faire; mais nous souhaitons
voqua la persécution. Mais, nous le ré— «- que ces hommes, sans perdre la vie, et
pétons , l'esprit de charité domina c sans être mutilés en aucune partie de
toujours dans saint Augustin. Au mo< « leur corps, soient, par la surveillance
ment même où il se réjouissait de la sen « des lois, ramenés, d’un égarement fu
tence portée par le tribun Marcellin et u rieux, au calme du bon sens , ou dé
de l’édit d‘Honorins, où les officiers im « tournés d’une énergie malfaisante ,
ériaux sévissaient avec rigueur contre a pour être employés à quelque travail
es donatistes, son âme s’attendrit, la « utile. Cela même est encore une con
douceur l’emporta sur la passion, et a damnation; mais peut-on ne pas y
comme le prouve le fait que nous allons « trouver un bienfait plutôt qu’un sup
raconter, il devint le protecteur des « plice, puis u’en ne laissant plus de
persécutés. A Hippone. les donatistes « laee à l’au ace du crime, elle permet
étaient nombreux. Après la conférence « le remède du repentiri’Juge chrétien
de Carthage ils se soulevèrent et se por « remplis le devoir d’un père tendre;
tèrent à de graves excès; ils tuèrent un « dans ta colère contre le crime, sou
Brêtre catholique appelé Restitut et en « viens-toi cependant d’être favorable
. Iessèrent un autre. Les coupables furent a à l‘humanité; et en punissant les at
jetés en prison, battus de verges, con a tentats des pécheurs, n’exerce pas
duits enfin devant les magistrats im « toi-même la passion de la vengeance. -
périaux. Ce fut alorsque saint Augustin Augustin terminait cette lettre tou
écrivitaux juges Marcellin et Apringius chante par des raisons prises dans l’in
deux lettres où l’on trouve les passages térêt du christianisme, et qui lui com»
suivants : mandaient la douceur: « J'atteste, di
« J’ai appris. dit-il à Marcellin , que « sait-il, que cela seul est utile, est
a ces ci rconcellionset ces clercs du parti ( salutaireà l'Église catholique; ou, pour
« donatjste, ue l'autorité publique avait « ne point paraître sortir de ma juridic
« transférés ela juridiction d’flippone « tion,je l'atteste du moins, de l’église
« à votre tribunal, avaient été enterr « d’Hippone. Si tu ne veux pas écouter
« dus par votre excellence, et que la plu e. la prière d'un ami, écoute le conseil
« part d’entre eux avaient avoué l‘homi « d'un évêque. n La lettre qu’il adres
c-cide qu’ils avaient commis sur le pré sait au proconsul A ringius était non
« tre catholique Restitut et les blessures moins expressive : a pargne, lui dis-ait
«qu’ils ont faites à innocent, rêtre « il,cescoupablesconvaincus;laisse-leur
- catholique,en lui crevant un œi et en « la vie et le temps du repentir (l). t
a lui coupant un doigt. Cela m'a jeté Rapprochons encore de ces paroles
- dans une grande inquiétude que votre les opinions pleines de tolérance et de
1' excellence ne veuille les punir avec douceur que saint Angustin rofessa ,
a toute ta rigueur des lois, en leur fai à diverses époques, soit dans es livres,
- sant souffrir ce qu’ils ont fait. Aussi, soit dans les discours qu'il adressa aux
cr j’inveique par cette lettre la foi que fidèles de son Église : « L’homme n’apas
a vous avez en Jésus-Christ; et, au nom été douéde la faculté de prévoir infami
- de sa divine miséricorde, je vous
a conjure de ne point faire cela , et de (I) M. Villemain; de l’É/nquencc chrétienne
dans le quatrième siècle. Voy. Me'ldngcs une.
C ne point permettre qu’on le fasse. Quoi murs, 1). 471 et suiv.
AFRIQUE CHRÉTIENNE. 39
blement ce que penseront, dans la suite venons de transcrire, on oublie volon
des temps, ceux de ses semblables qu’il tiers que parfois, dans l‘ardeur de la
juge être actuellement dans l'erreur; il lutte, saint Augustin se laissa emporter
ne sait pasjusqn‘à uel pointles fautes jusqu'à prêcher l’intolérance.
des méchants centri uent au perfection LE PELAGIANISME EN unions. —
nement des bons." faut donc bien se L'Église catholique en Afrique venait à
garder d’ôter la vie à ceux-là; car vou peine de triompher du schisme qu’elle
lant tuer des méchants, on ne ferait sou fut exposée à un nouveau dan er. C'é
vent que tuer ceux qui sont destinés à tait l‘hérésie, cette fois, qui evait le
rentrer dans la bonne voie, ou bien on diviser.
nuirait aux bons, auxquels, quoique Au commencement du cinquième
malgré eux , les méchants sont utiles. siècle, deux hommes originaires de la
On ne peut porter dejugement fondé et Grande-Bretagne, Pélage et Célestins
équitable sur les hommes qu’à la lin de se mirent à sonder, soit dans la médita
leur vie, lorsqu'il n‘ya plus possibilité, tion, soit dans leurs entretiens, les
ni de changer de conduite, ni de servir questions les plus graves et les plus dif
la cause de la vérité par la comparaison ciles qui aient jamais agité l'esprit
de l'erreur. Mais ce jugement, il n’est humain. Ce fut , dit-on , un certain Ru
donné qu’aux anges de le porter, et lin, venu de Syrie , qui leur donna I’im
non aux hommes...... Reste bon et ulsion et leur fournit quelquesunes de
souffre les méchants. Il vaut mieux, eurs solutions. lls vivaient alors à
demeurant dans le sein de l'Église sup Rome, où ils arrétèrent leur doctrine.
porter les méchants à cause des cas, Ils s’étaient demandé: Dieu intervient
ne de s’ex oser à s'en séparer, aban il dans nos actes? Sommes-nous libres
onnant et es bons et les méchants. S’il d'accomplir, à notre gré ,. le bien et le
y aavectoi des bêtes féroces, c’est-à-dire mal? Est-ce Dieu qui veut pour nous, et
s’il y a avec toi dans l’É lise des apôtres ne sommes-nous que des instruments
(le doctrines erronées, e faux croyants, dont les mouvements sont prévus et
hérétiques ou schismatiques, ou mau réglés à l'avance P Si, disaient-ils, nous
vais catholiques , cherchant, comme les ne pouvons nous déterminer par nous
bêtes féroces, àdévorer les âmes, qu’el mémes , nous ne sommes point respon
les soient tolérées jusqu'à la fin des siè sables du bien et du mal que nous fai
cles...... Tolère; tu es né pour cela .5 sons; nous ne méritons m ne déméri
tolère, car tu as probablement aussi tons. — Ces raisonnements les cohduisi:
besoin d’indulgence. Si tu as toujours rent eu à lpeu à rejeter la grâce divine ,
été bon, montre-toi miséricordieux; si sans aquel e, suivant l’Égli‘se, l’homme
tu as commis des fautes, n'en perds pas ne peut rien, et à rapporter exclusive
la mémoire. il faut souffrir l‘ivraie dans ment, dans chacun de nos actes, le
le bon grain, les boues entre les che bien et le mal à la faculté que ‘nous
vreaux, les béliers entre les moutons. avons de nous déterminer par nous
Ce mélange aura un terme , et le temps mêmes, à notre libre arbitre.
de la moisson viendra...... Sois bon, Pélage et Célestins quittèrent Rome
et prends le mal en patience. Sois bon vers 409, pour aller en Sicile : de la ils
intérieurement; car si tu ne l’es pas passèrent en Afrique. [15 s’arrétèrent
de cette manière , tu ne peux pas te Van d’abord àlrlippone (410); puis, ils se
ter de l’étre. Quand tu seras bon inté
rieurement, tu supporteras celui qui
est méchant intérieurement et extérieu ne, etc. , du Christianisme, t. il, p. [50. —
ous devons alouter ici que parmi les écrivains
rement. Tolère l’hérét/ique déclaré, to ecclésiastiques, plusieurs, eujoqrd‘hui même,
lère le paiemtolère le Juif, tolère enfin semblent apàirouver les pages ou saint Augus
le mauvais chrétien caché. » Ce sont là tin. garlant e l’inlervention du pouvoir tempo
rel ans le schisme des donalislcs, admet la
de grands et généreux sentiments que persécution comme moyen le itlme (le répres
de nos joursles ennemis les plus ardents sion. Les doctrines deces criveins ne sont
de I’Églisecatholique ont loués et admi point de notre siècle, et ne portent pas l'em-'
prelnte du véritable esprit ehrflien. D'ailleurs,
rés (l). En lisant les lignes que nous e mme nous venons de le voir’ elles sont oen
(l) Voy. M. de Potterï; Histoire philosophi amnees par saint Augnslln luimé’me.
40
rendirent à Carthage. C’est de là que eux la théorie du libre arbitre , telle que
partit Pélage pour aller dans la Pales la formulaient Pélave et ses disciples ,
tine. Célestins était resté dans la capi était un excès de ‘orgueil humain.
tale de l'Afrique pour y propager la Prétendre que l'homme avait la faculté
nouvelle doctrine. C’était, s'il faut en de vouloir, de se déterminer, indépen
croire ses contemporains, un homme damment de toute influence supérieure ,
plus audacieux encore ne Pélave. Il ne et conclure, de là, que sans l’assistance
reculait devant aucune es conséquences de Dieu , il pouvait, suivant qu’il faisait
de. son système; et bientôt on le vit un bon ou mauvais usage de son libre
repousser, comme contraire à la théorie arbitre, mériter ou démériter, n’était-ce
du libre arbitre, la croyance au péché point enlever à Dieu une partie de sa
originel et nier la nécessité du baptême toute-puissance. égaler en quelque sorte
et de la rédemption. l’homme à Dieu? n’était-ce point
L’Église d’Afrique s’alarma des pro comme le disait saint Jérôme, renouve
grès de l’hérésie, et un concile convoqué ler la tentative des anges rebelles‘? Aux
à Carthage (412) condamna Célestins. yeux des défenseurs de la foi catholi
Le pélagianisme, comme on l’ap rend que, our employer l‘énergique expres
par l’acte d’accusation ui fut ressé sion 'un écrivain moderne, satan aussi
alors, atta un , dès son ébut, les doc avait été pélagien (1).
trines de l’ iglisecatholique avec une sin Après avoir hésité quelque temps,
ulière hardiesse. On reprochait à saint Augustin se lança avec ardeur
élestius d’avoirdit : « 1° qu’Adam avait dans la discussion.“ n'essaya point de
été créé sujet à la mort; 2° que son transiger , de concilier la liberté avec la
péché n’avait nui qu’à lui et ne s'était grâce; il s’avanca aussi loin dans la
pas communiqué à sa race, ce qui dé théorie de la grâce que Pélage dans
truisait la croyance du péché originel; celle de la liberté.
3'’ que les enfants en naissant sont dans a De toutes les doctrines psychologi
le même état où était Adam avant son ques de saint Augustin, la plus digne
péché; 4' que le péché d’Adam n'est ‘attention est celle qu’il a émise sur
as la cause de la mort de tout le genre la nature du libre arbitre. Les rapports
umain, non lus que la résurrection de étroits qui existententre cette question
Jésus-Christ a cause de la résurrection etcelle de la grâce, et l’autorité dont
de tous les hommes; 5° que la loi natu jouit l’évêque d‘Hippone dans l'Église,
relle conduit au royaume des cieux princi alement à cause (le la manière
comme l’Evangile; 6 que même avant donti a combattu les pélagiens, don
la venue de Jésus-Christ. il y avait des nent une importance particulière à ce
I‘ommes impeccables , c'est-a-dire sans qu’il a écrit sur cet objet. Le traité du
pt :hé ; 7° que les morts sans baptême Libre Arbitre, divisé en trois livres , fut
ont la vie éternelle. n Après sa condam achevé par saint Augustin en 395, vingt
nation Célestius se retira en Asie (1). deux ans, par conséquent, avant la
SAINT AUGUSTIN COMBAT LES PÉ condamnation de Pélage par le pape
LAGIENS; CONCILE; RAPPORTS DES Innocent l",en 417. Il était dirigé con
Écmsas D'AFnIQUE AVEC L'ÉGLISE DE tre les manichéens, qui affaiblissaient la
noms. —— Le concile de Carthage n’avait liberté en soumettant I‘hommeà l’action
po'int arrêté les progrès de l’hérésie: le d’un principe du mal. égal en puissance
pélagianisme pénétrait en tous lieux. au principe du bien. il étaitnaturel que,
Alors,pour conjurer ce pressant danger, pour combattre avec succès de pareils
les docteurs les plus illustres de l’Église adversaires, saint Augustin accordait le
catholique se mirent à l’œuvre. Pour plus possible au libre arbitre. Aussi
' vo|t.on, par une lettre adressée 51 Mar
, q) Nous ne pouvons, dans ce résumé rapide, cellin, en 412, qu'il n’est pas sans crainte
traiter avec uelque étendue la question du
pélagianisme. ous renvoyons sur ce point aux que les pélagiens ne s‘autorisent de ses
diverses histoires de l lise. Il est inutile, sui livres composés longtemps avant qu’il
vant nous . de signaler ci, parce qu'elles sont fût question de leur erreur. La philoso
connues de tous. les pages qui ont été écrites
de nos jours sur ce grave sujet par MM. Gui (l) Rohrbacher ; Hist. univers. de l'Église ca
zotet J. J. Ampère. tholique , t. VIl, p. 504.
AFRIQUE CHRÉTIENNE. 41
phie ne peut donc rester indifférente libre arbitre, il déclare ne ce libre ar
au désir d’étudier de quelle manière bitre est dans la dé en ance d’un pou
l’auteur du traité du Libre Arbitrea pu voir supérieur, qu‘i est complètement
se retrouver plus tard le défenseur ex subordonné à la grâce.
clusifde la grâce , et concilier les prin L’opinion de saint Augustin fut adopu
cipes philosophiques avec les données tée par l'Église d’Afrique. En 416, les
de la révélation. Nous ne pouvons toute évêques de cette Église tinrent deux
fois , sur ce point, présenter que de conciles, l’un à Carthage, l’autre à
courtes explications. Dans ses livres sur Milève, où ils condamnèrent Pe'lage
le Libre Arbitre, saint Augustin recon et Célestins. Puis, ils s'adressèrent au
naît ne le fondement de la liberté est page Innocent qui, en 417 , donna son
dans e principe même de nos détermi ad ésion à la sentence qu’ils avaient
nations volontaires. Le point de départ prononcée. Mais on put craindre un
de tout acte moral humain est l'homme Instant (418) que Zozime, successeur
lui seul, considéré dans la faculté qu'il d’lnnocent, n’approuvât, comme l’a
a de se déterminer sans l'intervention vaient déjà fait avant lui les évêques
d’aucun élément étranger (de Lib. Arb., d’Orient, rassemblés à Diospolis , quel
lib. 111, c. 2). Dans sa manière de dé ques-unes des opinions du pélagianisme.
finir le libre arbitre , le mérite de la Sa conduite pleine de modération à
bonne action appartient à l'homme; rien l’égard de Pélage et de Célestius excita
n’a agi sur sa volonté en un sens ou en en Afrique de vives appréhensions.
un autre; sa détermination est arfai Les évêques se rassemblerent de nou.
tementlibre.Saint Augustin a-t-i main. veau à Carthage, en 418, et là ils con
tenu ces rincipes dans sa controverse firmèrent en quelque sorte, par une
contre Pé age? Une étude plus attentive nouvelle condamnation de l'hérésie,
des saintes Écritures, et principalement leurs premières décisions. La sentence
de saint Paul, ne luia-t-elle pas fait mo qu’ils prononcèrent nous fait connaître
difier sa manière de voir? L‘examen phi les hardies conséquences que les péla
loso hique de ses écrits ne nous sem giens avaient tirées de leur theorie
ble aisser au critique impartial aucun du libre arbitre. a Quiconque dira qu’A
doute à cet égard (1). » Au moment où dam a été fait mortel, en sorte que ,
parut le pélagianisme , saint Augustin soit qu’il échât ou qu’il ne péchât
avait déjà modilié ses premières opinions point, il d t mourir, c’est-à-dire sortir
sur le libre arbitre. Dès l’année 398, du corps, non par le mérite de son pé
comme nous l’avons dit, dans une lettre ché, mais par la nécessité de sa nature;
adressée à Simplicien, et. à propos de qu’il soit anathème! Quiconque dit qu’il
ce texte de Saint Paul : Ou’avez-vous ne faut pas baptiser les enfants nou
quevousu'ayez. reçu? il avait amoindri, veau-nés; ou que, bien qu’on les bap
si nous pouvonsinous servir de cette ex tise pour la ‘rémission des péchés , ils
ression, le libre arbitre pour exalter ne tirent d’Adam aucun péché originel
a grâce. Sa lutte contre Pélage et Cé qui doive être expié par la régénéra
lestius ne lit que rendre ses opinions tion, d’où s'ensuit que la forme du bap
plus absolues. Dès lors dans ses con tême pour la rémission des péchés est
versations, ses sermons, ses ouvrages fausse à leur égard; qu’il soit anathè
(du Mérite et de la rémission des pé me! Quiconque dira que la grâce de
cités; de la Grâce du Nouveau Testæ Dieu qui nous justifie par Jésus-Christ ,
1'nent;de i‘L‘sprit et de la lettre; Traité ne sert que pour la remission des pé
de la nature et de la grâce; de la Per chés déjà commis, et non pour nous
feclion de la justice de l'homme,- Let aider encore à n’en plus commettre;
ire à Hilaire en Sicile) , il aflirme que qu’il soit anathème! Si quelqu’un dit
l’homme ne veut et ne peut que par que la même grâce nous aide à ne point
Dieu, et si parfois il parle encore du pécher seulement en ce qu’elle nous
ouvre l’intelligence des commande
(l) Voy. Dictionnaire des Sciences philoso ments, afin que nous sachions ce que
fihique: par une société de professeurs de phi nous devons chercher et ce que nous
osophie: art. Saint dugustm; t. I, p. 257; Pa
ris, I814. devons éviter; mais qu’elle ne nous
62
donne pas d’aimer encore et de peu lurent point se soumettre a cette,con—
voir ce que nous devons faire; qu’il damnation. Ils s‘adressèrent à l’Eglise
soit anathème! Quiconque dira que de Rome qui, prêtant l'oreille à leurs
la grâce de lajustification nous est don prières, essaya de les imposer à ceux
née, afin que nous puissions accomplir ni les avaient rejetés. Les évêques d’A
plus facilement par la grâce ce qu’il rique protestèrent contre cette inter
nous est ordonné de faire par le libre vention qui tendait à infirmer leurs
arbitre, comme si, sans recevoir la décisions et ,à amoindrir leur autorité.
grâce, nous pouvions accomplir les Ils l’emportèrent', et le jugement qui
commandements de Dieu, uoique dif avait condamné Apiarius et Antoine
ficilement; qu'il soit ana ème! » A fut maintenu (l).
Rome, Zozime s’était enfin prononcé, et SEIl-PÉLAGIBNS‘, DsnNrxns TRA
il avait condamné les pelagiens. On VAUX DE SAINT AUGUSTIN. — Comme
ne se contenta plus alors, pour rame nous i’avonsdit, l’opinion de saint Augus
ner les hérésiarques , des censures ec tin sur la race était celle del‘Église ca
clésiastiques; on eut recours au ou tholique. outefois, il y avait dans cette
voir temporel, à la rigueur des ois. opinion uelque chose de si absolu , il
Nul,.suivant saint Augustin, ne fut fallait te lement, pour l’embrasser, sa
lus ardent dans cette persécution ue crifier la raison à la foi, que des hommes
e prêtre Sixte, qui occupa plus tar la jusqu’alors fermement attachés aux dog
chaire de Saint-Pierre. Honorius lit un mes de l’Église se sentirent ébranlés. Il
édit qui bannissait de Rome Pélage et se lit chez eux une réaction : ils se de
Célestins, qui organisait contre leurs mandèrent si saint Augustin n’était
adhérents un système de délation, qui point tombé dans l’erreur en immolant
punissait enfin, dans toute l'étendue de d’une manière absolue le libre arbitre à
‘empire d’Occident, de l’exil et de la grâce, en l’annihilant, et conséquem<
l’expropriation, ceux qui étaient con ment en détruisant la responsabilité hu
vaincus de pélagianisme. Toutefois, au maine. Ils cherchèrent alors un système
temps même de la persécution , l’héréc de conciliation.
sie trouva des défenseurs.‘ Le plus célè Le mouvement se lit d’abord sentir
bre de tous est Julien. évêque d'Éclane. en Afrique. Quelques moines d’Adrumet
Il attaqua saint Augustin à pro os du s’élevèrent contre un écrit où saint
livre intitulé du Mariage et de con Augustin anéantissait, suivant eux , le
cupiscence. Dès lors s’engagea entre libre arbitre. L’évêque d'Hippone se bêta
eux, par écrit, une lutte qui nedevait de leur répondre par deux ouvrages ( de
avoir our terme que la mort de l’illus la Grade et du librearbitræde la Cor
tre évsque d’flippone. ‘ rection et de la grâce). Cette fois,i| sem
Il y avait eu sur la question du éla bla transiger, et lit, si nous pouvons nous
giamsme dissentiment entre les év ques servir de cette expression, quelques
africains et le pape Zozime (1). Mais ce concessions au libre abitre.
dissentiment , comme nous l'avons dit, Il y avait aussi en Gaule des hommes
n’avait pas été de Ion ue durée. Plus éminents qui n’admettaient pas dans
tard, l’intervention de ‘Église de Rome toutes ses arties le système de saint
dans les affaires de l’Afrique devait Augustin. armi e‘uxse ‘trouvaient saint
amener un nouveau désaccord. Il éclata Hilaired’Arles et Cassîen. Celui-ci ,dans
au temps de saint Boniface et de saint des conférences spirituelles qu’il écrivit,
Célestin. Les évêques d’Afrique refu vers 426, pour ses moines de Marseille,
sèrent, en deux circonstances , d’accep essaya de concilier le libre arbitre avec
ter les instructions qui leur venaient la grâce. Il ne porta pas atteinte, comme
d’ltalie. Le prêtre Apiarius, et plus les, élagiens, aux dogmes de l'Église ca
tard, l’évéque Antoine avaient été con tlr‘o ique ; seulement il prétendit que le
damnés, pour leur scandaleuse conduite, (l) Voy. sur les rapports de l’ "lise d’Afri
parles évêques africains. Ils ne vou que avec celle de Rome et sur les coords que
nous venons d'indiquer : Fleury; Hist. ecclé
(l) Indépendamment des écrivains catholi des t. t. V. p. 494, 515, 527.579. 530 et 582; et
lqnes, voyez sur ce dissentlment : Leydecker; Rohrbacher; Hiat. univers. de l'Église calhoL,
de Lioerlale Bcclm‘æ africain, p. 523 et suiv. t. vn, p. Me, 55? et suiv; ses, 577 et sulv.
AFRIQUE CHRETIENN E. 4‘
libre arbitre était nécessaire pour l’ac qui opère en vous de, vouloir et de faire,
complissement du bien , nécessaire et si quelques-uns ne sont pas encore
comme la grâce. Il alla plus loin encore : appelés , prions Dieu qu’il les appelle ,
il déclara que la grâce était donnée par car peut-être ils sont redestinés. Quant
Dieu à ceux qui l’avaient méritée, à ceux aux réprouvés, il ne aut jamais en par:
qui d’abord avaient voulu le bien par ler qu'en tierce personne, en disant, par
eux-mêmes en vertu de leurs propres dé exemple: a Si quelques-uns obéissent
terminations. Ainsi, suivant Cassien, le maintenant, et ne sont pas prédestinés,
libre arbitre était le principe de la grâce. ils ne sont que our un temps, et ne de-‘
Ce nouveau système agita vivement meurerontpas ans l'obéissancejusques
les esprits. Les uns l‘embrassèrent har à la fin. Surtoutil faut exhorter les moins
1iment( ce furent les semi-pélagiens); pénétrants à laisser les disputes aux
d’autres, assaillis parle doute et plus ti savants (1). o Pour avoir trop accordé
mides, voulurent, avant tout, prendre à la grâce, saint Augustin , on ne sau
conseil de celui qui, dans la grande que raitle dissimuler, arrivait au fatalisme.
relle suscitée par Péla e, avait été l’in Il semble que saint Augustin ait été
terprète de l’Eglise catiolique. Ils s'a absorbé tout entier, dans les dernières
dressèrent donc à saint Augustin. L’é années de sa vie par sa lutte contre le
vêqued'Hippone ne refusa point d'entrer pélagianisme. Il n’en est rien pour
dans une nouvelle discussion. tant. Pendant les discussions les plus
Il poussa alors ‘usqu’à ses dernières vives, il trouvait encore du temps pour
conséquences la octrine de la grâce. écrire sur mille sujets divers. Il répon
Dans ses deux Iivresdela Prédestination dait souvent, par de longues lettres, à
des Saints (1) qu’il adressa à Prosper et à tous ceux qui lui proposaient des dif
Hilaire, il admet sans réserve et dans le ficultés à résoudre ou lui demandaient
sens le plus illimité, en vertu de son rin
cipe de la grâce qu'il s'efforçait daéta des conseils. Il composait son Enchiri
dion ; un petit livre adressé à saint Pau<
blir, la prescience divine et la prédesti lin de Nole. sur la piété’ envers les morts
nation. Aux semi-pélagiens, qui lui 0b. et son traité contre le mensonge. Il re
jectaient que, dans un pareil système , produisait aussi parécrit sa conférence
on devait rejeter nécessairement comme avec l'évêque arien Maxime et rédigeait
inutiles la prédication, les exhortations, ses Re'tractations. Sur la fin de sa vie ,
toute pénalité , il répondait: « Il est vrai cédantaux prières de Quodvultdeus, qui
qu’il faut user de discrétion en prêchant fut plus tard évêque de Carthage , il
au peuple cette doctrine; et ne pas dire : promit d'écrire une histoire des hérésies.
La prédestination de Dieu est absolu Il ne recula point devant les difficultès
ment certaine, en sorte que vous êtes que présentait un semblable travail.
venus à la foi , vous qui avez reçu la vo « Il exécuta sa promesse. dit Fleury,
lonté d’obéir, et vous autres demeurez et envoya quelque temps après à Quod
attachés au péché, parce que vous n’avcz vultdeus un traité des hérésies où il en
pas encore reçu la grâce pour vous en compte quatre-vingt-huit commençant
relever. Mais si vous êtes prédestinés, auxsimoniens et finissantaux pélagiens.
vous recevrez la même grace, et vous Il ne prétend pas toutefois avoir connu
autres, si vous êtes réprouvés, vous ces toutes les hérésies, puisqu’il y en a de si
serez d'obéir. Quoique tout cela soit vrai obscures qu’elles échappent aux plus
dans le fond et à le bien prendre, la ma curieux; m avoir expliqué tous les dog
nière de le dire avec dureté et sans mes des hérétiques qu'il a nommés,
ménagement , le rend insupportable. puisqu'il y en a que plusieurs d'entre
Ilfaut plutôt dire:La prédestination cer eux ignorent. A ce premier livre, il pré
taine vous a amenés de l'infidélité à la tendait en joindre un second, où il don
foi, et vous y fera persévérer. Si vous nerait des règles pour connaître ce qui
êtes encore attachés a vos péchés , rece fait l‘hérétique et se garantir de toutes
vez les instructions salutaires, sans les hérésies connues et inconnues; mais
toutefois vous en élever ; car c’est Dieu la mort qui le prévint ne lui permit pas
(l') Le second livre a un titre particulier :
du Don de la Persévérance. (1) Traduction de Fleury.
44
d’exécuter cette seconde partie (1). - étendue, comment et par quelles cauu
L’INvAsIoN nes VANDALES; Mon'r ses les Vandales se précipitèrent sur l’Ao
DE SAINT AUGUSTIN; SOUFFBANCES frique (1). Genséric, ‘appelé par le comte
DE L'unique CHRÉTIENNE—EII 426, Boniface, quitta l’Espagneet, passant la
saint Augustin avait désigné, avec l’as mer, aborda , au mois de mai de l’an
sentiment du peuple d’Hippone, le prêtre née 429, sur les côtes de la Mauritanie.
Héraclius our son successeur. Il lui D’abord il conquit et ravagea tout le
avait confié), en partie, l’administration pays compris entre l'océan et l‘Ampsaga.
de son Église et s’était ménagé ainsi Puis, quand Boniface, réconcilié avec
quelques instants de silence et de re Placidie, rejeta l’alliance des barbares
cueillement. Mais il nejouit pas long pour redevenir le défenseur de l’empire,
temps du calme qu’il avait cherché. L‘in le chef vandale poussa vers l’est et se
vasion des Vandales en Afrique nedevait jeta sur la Numidie. _
pastarder à troubler sa retraite et à rem Ala nouvelle des désastres qui étaient
plir d’amertume ses derniers jours. venus fondre sur l’Afrique , saint Au
Nous avons dit ailleurs, avec quelque gustin dut se repentir amèrement d’a
(1) Nous croyons devoir signaler ici ‘à nos
voir quelquefois, au moment des dis
lecteurs l’article Saint Augustin publie dans cordes religieuses, appelé sur les en
un recueil nouveau que nous avons déjà nemis de sa doctrine la rigueur des
cité et qui a pour titre : Dictionnaire des lois et la persécution. Les donatistes,
sciences hilosophiguee. On y trouve d’abord
la classi ‘cation suivante : « Parmi les nom en effet, poussés au désespoir parlesédits
breux ouvrages de saint Augustin plusieurs d’flonorius, n’avaient pas hésité à se le
appartiennent plutôt à la philosophie qu’à la ver en masse pour prêter aide et appui,
theologie; d'autres appartiennent à l’une et s
l’autre-I d'autres. enfin, sont purement théologi en haine des catholiques, à la horde
ques; nous indiquerons ceux des deux premie barbare qui venait attaquer l’empire.
res classes. Les écrits de saint Augustin à peu Les manichéens, les pélagiens, les
rès exclusivementphilosophiques sont: l' les
rois livres contre les Académiciens ; ‘2° le livre ariens , qui eux aussi étaient proscrits
de la I'-i_e heureuse, 3° les deux livres de l'Or par les lois, avaient suivi l’exemple des
dre ; 4° le livre de l’lmmortalité de Mme; donatistes. A ces sectaires s’étaientjoints
5° de la. Qualité de t'Ame; 6° ses quatorze pre
mières Lettres. —- Ses écrits mêlés de philoso sans doute .les hommes, derniers restes
rhie et de théolo ie sont: 1° les soliloques ; 2° le dela race punique, qui,en dépitdu temps,
lvre duMattre,-3 les trois livres du Libre arbi du christianisme et de la législation
tre,- 4” des Mœurs de l’Égiise; 5° de la Vraie
Religion; 6“ Réponaeso' quatrc-vingt-tmisques impériale, n’avaient pas cesséd’observer,
tions; 7” Conférence contre Fortunat: 8° Trente au sein même de Carthage. les pratiques
trois Disputes contre Faustc et les manichc'ens; de la religion apportée jadis sur les cô
9° traité de la Créance des choses que l’on. ne
conçoit pas; lu“ les deux livres Contre le Men tés de l’Afrique par les colons phéni
songe; Il“ Discours sur la Patience; l2“ de la. ciens. Voilà les puissants auxiliaires que
Cité de Dieu,- l3° les Confessions; “0 Traité de la persécution avait donnés à l'invasion
la Nature contre les manichéens; 15° de la
Trinité. u L’auteur de l’arlicle résume ensuite barbare; et ils ne furent pas les seuls
les doctrines philosophiques contenues dans que rencontra l’armée vandale. Elle se
ces divers ouvrages. ldivise son résumé en recruta encore au sein des populations
deux parties : d'une part, les idées sur Dieu
de l’autre, les idées sur l’homme. En un mot, il voisines du désert qui n’étaient qu’à
expose. pour employer ses expressions, la moitié chrétiennes, parmi les tribus
Théodicéc et la Psychologie de salut Auguslln. maures, et même dans les campagnes
Nous renvoyons sur ces points, étrangers à la
question qui nous occupe , au recueil que nous et les villes romaines. Les uns, guidés
signalons. Toutefois, nous devons dire ici que par l’appât du gain, accouraient dans le
l’auteur de l’arlicle aurait pu trouver encore, campde Genséric pour piller et ravager;
en ce qui concerne les doctrines philosophiques les autres, propriétairesruinés, voulaient
de saint Auguslin , des renseignements précieux
dans tusienrs ouvrages que nous avons cités, se dérober à la déplorable condition où
et qu a tort, suivant nous, il exclut de sa liste. les avait préci ités, à force d'exigences
Nous ajouterons , en finissant, que nous ado
tons sans réserve son opinion sur la Cite‘ e et de rigueur, a fiscalité romaine.
Dieu , vantée au delà de ce qu’elle contient ,
comme il le dit, par des écrivains qui n’en con (l)_Voyez dans ce volume notre Histoire de la
naissent que le titre oulqul n’en ont lu que de dommatzon des Vandales en Afrique , p. 8 et
courts fragments. Voy. ictionnaire des Scien suiv. C'est le com [émeut indispensable, a par
ces philosophique: par une société de profes tir de l’anne’e 429, e notre Histoire de l'Afrique
seurs de, philosophie; art. Saint Augustin. chrétienne.
AFRIQUE CHRÉTlENNE. 4b
Itien désormais ne pouvait résister, difficiles l’administration et _la surveil
en Afrique aux soldats de Genséric. Bo lance ecclésiastiques. ‘On la divisa donc,
niface essaya en vain de les arrêter. il comme nous l’avonsdit, en deux parties,
fut battu et rejeté dans Hippone. Là se et ce fut vers la fin du quatrième sic
trouvait saint Augustin, qui entendit cle que l’on vit paraître comme provin
bientôt retentir à ses oreilles les cris de ces distinctes, la Mauritanie césarienne
l’armée barbare. Les maux que souf et la Mauritanie sitifienne. Peut-être
fraient alors l’empire et l'Église lui cau y eut-il , vers cette époque, un autre
sèrent une immense douleur, qui sans démembrement, a la suite duquel on
doute hâta sa mort. Au moment où il forma une septieme province de la
ferma les yeux, il ne restait plus, dit Mauritqnic tz‘rigitane. Un metropoli
un contemporain, des innombrables tain était. prépose_ a chacune des cir
églises qui couvraient autrefois le pays conscriptions territoriales lie nous
ne celles de Carthage, d’Hippone et de avons indiquées_;\ le premier e- ces mé
Cirta. tropolitains était‘l’évéque de Carthage.
ORGANISATION DE L’EGLIsE D’A Avant l'arrivée‘ desVandales on voyait
FRIQUE DEPUIS LA FIN DU DEUXIÈME dans les villes et les campagnes de
SIÈCLE .iiison’xu COMMENCEMENT DU l’Afrique des églises et des ,couvents
CINQUIÈME. — L’Afrique chrétienne sans nombre. Carthage seule possédait
et civilisée, suivant l'expression d'un pres de vingt édifices de ce ‘genre (1).
écrivain ecclésiastique , sembla mourir LISTE DES EvEcnEs DE L’Ariu
avec saint Augustin. En effet, depuis QUE, AUX Ivc ET ve sIECLEs. — Mais
les rapides conquêtes de Genséric, elle rien ne saurait nous représent l‘ avec
ne fit que languir et décliner. Mais avant lus de vérité et d'une manière plus
d’entrer dans cette période dedécadence, rappante l’état florissant de l'Église
portons encore une fois nos regards d’Afrique, dans le quatrième sièc oct
vers le passé, pour étudierl'organisation au commencement du cinquième, que
de l’Eglise d’Afrique au temps de sa la simple nomenclature des évéchés
force et de sa grandeur. qui étaient constitués , à cette époque,
Carthage, nous l’avons dit , fut pour ans les diverses provinces que'nous
l’Afrique le point de départ des pré avons énumérées. Nous donnerons ici
dications chrétiennes. De Carthage le cette nomenclature d'après le savant
christianisme se répandit de roche en ouvrage de Morcelli (2). La liste sèche
proche jusqu’aux extrémités e la Pro (I) Voici, d'après Morcelli , l’énumérailon des
consulaire. Puis, il entreprit la con basiliques de Carthage : Basilzca Perpétue
quête de la Numidie. Dans les premiers Resliluta ( c'était la‘ cathédrale '); Fausti basi
lica; Sancti' Agilei basilica ; baailica Major aut
tem s de l’e’piscopat de saint Cyprien, Majorum; basilica martyrum Scillilaiwrum;
I’Ég ise d’Afrique ne possédait que les basilica Cela-[mie martyns ; basilica Novariim;
deux provinces que nous venons d’in basilica Gratiani ; basilica Theodasiana ,- lia .
silica Honoriana; basiliea Theoprepria; ba<
diquer. Elle en eut bientôt une troi silica Tricellarum; busilica Petri; basili'm
sième, qui fut la Mauritanie. Les idées Pauli; basilica martyrisJuliani. En outre. deux
chrétiennes ne s’étaient pas seulement églises avaient été bâties, dans les faubourgs,
en l’honneur de saint Cy rien; l’une sur le lieu
répandues à l'occident de la Proconsu de son sqpplice; l'autre ans la rue des Mamm
laire, mais encore à l’orient. Elles les. à l'en mit en il avait été enseveli. Apres -la
avaient pénétré dans la Byzacène et la chute de la domination vandale, Justinien iitélec
ver à Carthage deux nouvelles églises , l’une à la
Tripolitaine, qui formèrent, dès le com Vierge, l'autre àsainte Prime. "ajouta aussi un
mencement du quatrième siècle, deux couvent: ceux qui se trouvaient déjà dans la ville
nouvelles provinces ecclésiastiques. il le lit bâtir pres du Mandracium. Voy. Mor
celli ( .l/ric. christ. ); t. i. p. 49. — M. Bureau
Aux cin que nous avons nommées, il de la Malle, dans ses Recherche: sur la topa
faut joindre une sixième qui fut formée graphie de Carthage ( p. 2M et suiv. ), ajoute
plus tard d’un démembrement de la un nom à ceux ui nous ont été fournis par
Morcelli. Il appel e basilique de Tertullieu celle
Mauritanie. Réduire en une seule ro où se réunissaient les tertuliianistes au temps
viiice la vaste contrée qui s’éten de de saint Augusiin.
l’Océan à l’Ampsaga , à une époque où (2) 4 Hc. chrisL; t. I, p. 34 sqq. Morcellla
le christianisme l'avait couverte d’é retranc é de sa liste soixante évec és environ ,
parce qu’il ne pouvait, comme il le dit (ibid.,
véchés et d’églises, c’eût été rendre bien p. 43 ), en assigner la véritable position.
46
et aride qui va suivre ne sera point Clbalianensie.
Cicsitana.
sans intérêt, nous le croyons, our Cilibiensis.
tous ceux qui applaudissent aux ef orts Clncaritana.
que nous faisons depuis treize ans pour Ciumtulurbi.
Clypiensis.
reporter sur la côte septentrionale de Cubdensis.
l'Afrique le christianisme et la civili Culcitanensis. quœ et culsiiana et Culusitana.
sation, et quise plaisent à chercher, si Curbitana, quæ et Curuhltana.
Drusilianensis.
nous pouvons nous exprimer ainsi, Duassenemsalltana.
des espérances et comme un gage Egugensis.
pour l’avenir, dans tous les faits qui Furuitana.
Gi ensis, que et li a nsis.
attestent l'ancienne splendeur de cette Gir_ cnsis, ques et Ger nsis et Gervlinna.
belle contrée. Gisipensis, quæ et Glslpensium majorant.
Grutrambacariensis.
Nous avons fait subir à la liste de Morcelli Gorcnsis.
quelques chan ements. Tous les noms mar Gunelensis que et Guuelmensis.
ques d’un astér sque ont été modifiés, déplacés Hillensis.
ou ajoutés. Ces corrections ne nous appartien Hipponis Diarrhyti , quœ et Hipponenelum
nent point. Elles avaient été faites, par ou sa Zaritorum et Hipzarltensis.
vaut membre de l’Académie des inscriptions, Bonoriopolilana.
sur l’exemplalre de I'Africa cltn'alianu que Rorreensis.
nous avons eu entre les mains. Labdensis, que et Lapdensis.
Lacubazensis.
ECCLESIÆ PRDVINCIÆ PROGOKISULA Il l8 . Larensis sive Larlum.
Libertinensis.
Abarliana. ‘ Lupercianensis.
Abbenzensis. llianensis.
Abbir maloris. . axulitana.
Abbir Germanicianæ', quæ et Abblrltlna. Me lapolitana.
Abltinensis. Me zitana, quæ ct Melsiung.
Aborensil. Memblosilana.
Absasallensis. Membresltana , qua: et Membressllana et Mem
Alêtiugnensls , ques et Autumnltana et Aptun brosilana.
«nsis. Mlgirpemll.
Abziritensis , que et Abdcrlhm. Missuensis.
Advocatensis. Mizigitana.
A ensis. Mullilana.
A tiburlenals, que et ' Altlborlende. Muserlitana.
Amaderensis, que et musulmans“. “' Mustitana.
Aptucensis. llluzuensls.
Aradilana. Naraggarltana, qui et Nagu‘garitml.
Arensis. Neapohlanl.
Assuritana. Nigrensium majorant
Ausafensis. Numnulitana.
Ausanensis. Ofilana.
Auzu nsls,quæ et Ausoagensis sereine. Pqppianenlls , que et Pupinnemis.
" Basarididaœnsls. ‘ ariensis.
Belalitensis. Pertusensis.
Bencennensis. Pisilensis.
Beneventensis. ' Pocoieltensis.
" Betagbarensis. Pupitana , quæ et Pu itana.
Biltensis. Rucumensls , qua: et ucummæ et Roman.
Blnensis. Itusucensls.
Bollitana. Sajensis.
Bonustensis. Scrlitana.
Bosetensis. Sebargensis.
Bullamensis. sedelensls.
Bullensis .' Vullensls. seminensil.
Bulleriensis. Senempsalensis.
Bulnensis ' Serrensis.
Buritana. Siccenensie.
Buslacena. Siccensis.
Buuncis. Sicilibbensls, que; et sicllippæ etsleilln.
Cæciritana. simidlcensls.
Callbieneis. siminensis, quœ et simminiensil.
Canapitanorum. Simingitana. .
Carpitana. Simitlensis, quæ et Semitensis.
Carthagi-nlensls. Sinnarensis ,quæ et sinuarllensil.
œl‘alensis. Succubensis.
Celerinensil. Suensis.
Cellensis Taborensis.
Cerbalitana. Tahucensis.
AFRIQUE CHRÉTIENNE. 47
Tacîæ Montanensis , que: et Taliœ Haut. et ‘l'a Casarum Nigrensium.
canensis. Casarum silvanæ.
'I‘adduensis. Casasmedianensis.
'l‘ngaratensis. Casensis Bastalensls.
Ta orensls. Casensis * Calanensis.
Ta rensis. Castellana.
'l‘auracinæ. Caslelli Sinltensis.
'lfelensis. Castelli Tilulitani.
'\ tîeudialensls, que et 'I‘beodalensll et Inde Castrorum Galbæ.
ens s. . Calaquensis.
'Ijhinisæ. que et Tlnnisensis. Cemeriniana.
'lhuccabom, quæ et Tuccaborensls. Centenariensis.
1:_burslcensis Buræ. Cenluriensis.
'l'lsimmensis. Cenlurlonensis , que et Oenturianensh.
'l‘imedensis , que et Timidæ Reglœ. Ceramussensis.
'l tsilltensis , quœ et Tlsilensis. Circensis. _
'1 itulltana. Cirtensis. ques et Constanliniensls.
'hnnonensls, quæ et Tennonensis. Cuiculitana.
'I‘rlslpellis. Cullitana.
'{ rlsipensis. Dinnensis.
Tuburbll‘anorum majorum. Edistianensis
'I‘uburbitanorum miuorum. Enerensis.
Tuburnicensls. Fatensis.
Tuccæ. quœ et Togiæ. Fesseitana.
'l'ulanensis. Fissanensis.
Tuuejensis, quze et Tuniensis. Formensls ad ldlcram.
Turuziteusis. Formensis Missoris.
T zicensis. Fossalensis , quæ et Fussalensls.
allltana. Garbensis.
Vazlensis, quæ et Vazuensis Geudiabensis.
Veremis. Gaurianensis.
Vicoturrensis. Gazauralæ.
Villa magnensls. “.emellensls.
Visicensis. Germaniensis.
Ucilana. Glbbensls.
Uculensis. Gilbensis.
Urcitana, quæ et Uracitana et Uricttana. Girensls.
Uticensis. Girumarœlli.
Ullmmirensls. Girutarasi.
Ullnensis, que et ' Utinieensls. Bipponeregiensis, quæ et Blpponenslum ne
U121 paritana, que et Dzip arilann. giorum.
Uza ensis, quæ et Uzlalens . Hizirzadensis, que: et Izirianensis.
Zarnensls. Hospitensis.
Zemlensis, qnæ et Zenœnsls. Jacterensls , quæ et Zaltarensls.
Zurensis. Idassensis.
ICGLBSIÆ PROVINCIÆ NUIID‘IÆ.
ldicrensis.
Jucundianensls.
Ajurensis, qui! et Azurensls. Lamasuensls , que et Lamasbæ.
Amporensls. Lambesensls.
Anguiensls. Lambiritena.
Appissanensls. Lamfuensls , que et Lampuensls et Immortels.
Aquæ Nobensls. Lamiggigensis gemina.
Aquarum 'l‘lbilltanamm. Lamsorlensis.
Aquensis. ‘ Lamzellensis.
Arsicarilnna. Larilanus.
Assabensis. Legensis.
Augurensis. Legiensis.
Ausucurrensls. Legisvoluminiensis.
Babrensis. Liheraliensis.
Badiensis. Limatensis.
Ba ajensîs. Lugurensls.
Ba nnensls quæ et Vajanensls. Macomadiensis . quæ et Macomuiensil.
Bajesltana. Madaurensis.
Bmnaocorensis. quœ et Vamaccorcnsls Madensis.
Bazarilana, que et Vazaritana. Magarmelitana.
Belesasensls. Manazenensium Regiorum.
Bereeritana , que et Becerritana. Masculitana.
Bol’etana. Matharensis.
Bucconiensis , que et ‘ Bocconiensis Maximianensis , quæ et Maximinensis.
Bufladensis. Mazacensis.
Bullensium Regiornm. Megarmitana.
Burcensis quæ et Burgensis. Mesarfeltensis.
Clellanensis. Melensis.
Cæsariensis. Midilensis.
Culamensil'. Milel, que: et Mllevltana.
48
Monlensis, quœ et Montena. sccuasw PROVINCIÆ sureau.
Moxorîtana. Abaradirensis.
Muliensls. Abiddensis.
Munlcipensis. Ablsseusis.
Muslitana. Acolilana.
Mutugensis. Ad rumelina.
Naralcatensis, ques et Nnraccalensls. Al‘uleniensis.
Nibensis. Aggarilana.
Nicibensis. Aggerltana.
Nobabarbarensls, que et Novabarbareusls. Amudarsensls.
Nobagermanîensis. Ancusensis.
Nobas arsensis, quæ et Nobaspartensis. A me Albensls.
Nobas nensis , quæ cl Novasinensls. AI nsis.
Novapetrensis. Aquensis.
Octabensis. Aquensium Regloru m.
Pudentianensis. Aquiabensls.
Putiensis. Arensis.
"‘ Regiariensis. Arsnritana.
Respeclensis. Autentensis , qnze et Aulenlensls.
Ressianensls. Auzagerensis, qua: et Auzegerensls
Rotariensis. Banensis.
Rusiccadiensis. Ben nel‘ensls._
Rusticianensis. Bladiensis.
Selemselitana, que et Silemsllensis. Bulelialensis‘, quæ et Bubelialensis.
Seleucianensis. Byzaclensis.
Siguitensis, quæ et Suggitana. Cabarsussitana.
Silensis. Capsensis , que et Capsltana.
sillitanus. Carcabianensis.
Slstronianensls. Carianensis sive Casularum Carianensium.
Suavensis. Cellensis.
Summensls, quæ et Zummensis Cenoulianensis.
Susicaziensis. Cenensls.
Tabracensis. Cililana, quze et Cillitana.
Tabudensis. Cireitana.
Tacaratensls. Crepedulensis.
Tagastensis. Cun'utensis.
Tagorensis. Cululitana.
Tamogadensis , que ct Tamogaziensls. Delorianensis, que et Decorianensls.
Tarasensls , quæ et Tharasensis. Dicensis.
Tebestina. quæ et Tevestina et Thebeslis. Dionysianensis.
Teñlutensis , que et Tegulatensis. Durensis.
" iiabensis. Eliensis.
Thibilitana. Febianensis. _
Tibursicensis , qua: et Tubusicensis. Feradimnjensis , quæ et Feradrlana major.
Tididitana. quæ et Tisedilana. Feraditana miuor.
Tigillabensis. Filacensis.
Tigisituna. Forontonlanensis, quæ et Ferontonianensis.
Tignicensis. Fortianensis , ques et Forianensis et Foralln
Tipasensis. nensls.
Tubuniensis. Frontonianensis , quæ et Frotonianensls.
Tuccæ, quæ et Tuggæ et Tuncensis. Gaguaritana , quæ et Gauvarrlnna.
Tunudensis. Garrianensis, . _
Tnrrensis. Gattianensls , que et Galranensis.
Turrisrotundæ, Germanicianensis.
Turrium Ammeniarum. Gummitana. _ _
Turrium Concordiæ. Gnrgaitensis , quæ et a Gurgmbus.
Tuzudrumes. Hermianensis. _ _
Vadcnsis. Hierpinianensis. quæ et Hlrprmanensis.
Vageatensis. Hirenensis , que et Hirinensrs et lrensis.
Va ensis. Horreæ Aninicensis.
agraulensis. Borreæ Cœliensis.
Vegeselitana, quæ ct Veselilana. J ubaltianensis.
Ve esilana. Juncensis. _
Vensanensis. Leptiminensis, quæ et Leptltana.
Vioopacatensis , quæ et Vioopacensis. Llmmicensis.
Villamngnensis. Macomadiensis Rusliciana.
Villaregiensis. Macrianensis major.
Villavlctorianensls. Maclaritana.
Ullitnna. Mandasumitana. quœ et Madassumilana.
Urugitana. Maraguiensis.
Utmensls. Marazanensis.
Zabensis. Masclianensis.
Zamensis. Mataritana.
Zaradtensis, quæ et Zaraitensls. Marlerianensls.
Zertensis. v Maximicnsis, quæ et Masslmanensls.
AFRIQUE CHRÉTIENNE. 49
Medefessitana, quæ et Menel‘essitana. Zellensls.
Medienensls. ECGLBSIÆ PROVINCIÆ IAURIÏI‘ÀNIÆ GISÀ
Mlbiarcensis. 111311818 E1‘ 'I'IIIGITMÆ.
Midicensis.
Midllana, quæ et Mldidltana. Adqucslrensls.
Miminnensls. Adsinuadensls.
Mozotcoritana. A rensis.
Munntianensle. A amiliaremls.
Muzucensis , quæ et Muzulensis. Albulensis.
Narensls. Altabcnsis.
Natlonensls. Amaurensls.
Ne titans , que et Neplensls. Ambiensis.
0c abensls. Aquensls.
octabiensls. _ Aquislrensls.
0p nnensls, qnœ et opemiensis. Arenensls.
P erodiadensls. Arsinuaritana.
Peradainiensis. Bacanarlensis.
Præcausensis. Balianensls.
Præsidiensis. Baparensis.
Puliensis. Benepotensls.
uæslorianensis. Bidensis.
ufinianensis. Bitensls.
Ruspensis , quæ et Rusfensls et Rufcnels. Boncariensis , qnæ et Voncarlensla.
Ruspitensis. Bnlturiensis.
Sasuritana. Buronitana.
scebatianensis. Bnruc.
Seberianensis. Cæsarlensis.
Segermltann. Caltadriensls.
Septimunicensis. Caprensis.
Sublectina. Caputcillensls.
Sufetana , quæ et Sullum. Cartennltana.
Sulelulensis, quæ et Suliculcnsls. Castellana.
Sullanensis. Castelli labarltanl.
Tabaltensls, que: et Tasbaltcnsls. _ Caslelli Medlanl.
Tagamutensis, que: et Thagamuleusis. Castelli Minorilnni.
Tagarbalensis , quæ et Targabolensls. Castelli Ripensis.
Tagariatana. Castelll Tatroportehsis.
'I‘ nsls. Castrorum Nobensium.
'I‘ aptensls , gare et Talaplnlensis. Castrorum Seberianenslum .
Tamallensls. Catabllana.
Tamallumensis. Cstrensis.
Tamatenl. Calulensis.
Tambajensls , quæ et Tambeltana. cessitana , se et Cissilana.
Taprurensis. * (Zolurn na ensis.
Tapsltana. Cornicn anensis.
Tara uensis, qnæ et 'I‘nrazensls. Elfantariensis , qnæ et Elephantarlensîs.
Telep ensis. ïallabensia.
Temoninnensis, ques et Temoniarensts. Fenucletensls.
Tetcilana. Fidolomensls.
Thenitana.quæetThenîslorum. Florianensis.
Tbeuzilana. Flumenzeritana.
Thibaris , ques et Tibaritana. Frontensis.
Ticensis. Girumontensls.
ä‘jcua‘temäs. Gratianopolltana, que et Grallnopolîtann.
gua ens - Gunugilana.
Tiziensis. Gypsariensis.
Trolinianensis. Icosllnna.
Tubulbacensls. Idensis.
Turdltana, quæ et Tusdrilana. Itensis
Turreblandina. Jommitensis.
Turrensls. Juncensis.
Turretamallumensls qnæ etTnrriumTnmnlus. Lapidiensis.
Tuzurilana, quze et 1I'uziritana. Ma'ucensls.
Vadenlinianensis, quæ et Vnlentinianensis. Ma ianensls, quæ et Millanensls.
Vagensis. ' Mammillensw.
Vararitana. Manaecenseritana.
Vassinassensis. Masuccabensis.
Vegeselilana, que et Vegeiselitana. Malurbensis.
Vicensis. Maurensis.
Vicoaleriensis. Maurîanensis.
Viclorianensis. Maxitensis.
Vitensis. Medlensis.
Uniricopolitaua, quæ et Unorecopolitana. Minensis , qnæ et Minnensis et Minuensis.
Umzibirensis , quæ et Unizlverensis. Murconensis vel Nureonensis.
Usulensis , ques et Usilabensis. Muruslagensis.
AFB. cnniâr.
v50
Mulecitana. Fleensis.
Flumenpiseensls‘
Nabalensis. Gecitana.
Nasbincensis, me et Narblneensls.
Nobæ. que et ovensis gemlna. Horrensis.
leraütana.
Nobicensis. lgilgitana, quæ et lgillitana.
Numidiensis.
Obbensis. Lemelefensis.
Lemfoctensis , que et Lamfoctensls.
Oboritana gemina
v Oppidonebensis. Lesvitana.
Macrensis.
Oppinensis. Macrianensis.
Pamariensis. Maronanensis , quæ et Mnronensis.
Panaloriensis. Maxitensis.
Priscianensis, que et Prisianensis.
Medianorum Zabuniorum.
uidiensis. Molicunzensis, quæ et Molicuntensis.
egiensis. M0 tensis . quæ et Moctensis et lllozoteusle.
Re rltana. No licianensis.
R icariensis, Olivensis.
Rusadilanus. Partheniensie
Rusgoniensis , quæ'et Rusguniensis.
Rusubiccariensis. Perdioensis.
Privatensis.
Rusubirilana. Salditana.
Rusuecurrensis , que: et Rusuccuritana.
Satafensis.
Satafensis. . Serteitana.
Sereddelitana. Sltifensis.
Sertensis. Sociensls.
Sestensis. Suristensis.
Sfasl‘eriensis. Tamagristensis.
Slccesitana. Tamallumensis.
Sinnipsensis. 'I‘amascaniensis.
Sitensis. Thuœensis.
Subbaritana , quæ et Suharilana.
Tubiensis.
Suœrdensis. Tugusubditana, quæ et Tubusubditzma.
Sul‘asaritana, quæ et Sularltana.
Vamallensis.
Sululitana. Vescerilana.
Summulensis. Zabensis. —- Zallatensls.
Tabadcarensis , me et Tabarcarensis.. ECCLESIÆ PllOVlNClÆ TRIPOLITAN Æ
Tablensis. Glrbensis , quæ et Girbitana et Gerbitana.
Taborentensis.
'l‘abuniensis. _ Gillensis.
'l‘adamatensis . que et Tadamensng. Leptimagnensis.
Tamndensis, quæ et Tanudajensis. Neapolitana.
Tamazuœnsis , quæ et Tamazensis. Oensis.
Tnsaccnrrensis. Sabratensis.
Ternamunensis, quæ et Ternamueenajs. Tacapitana.
Tifillensis. Telle était l’étendue et la force de
Tigabitana. l’Église d’Afrique lorsque les Vandales
Tigamilienensis.
Tigisitana. parurent, en 429, sur les côtes de la
Tlmicitona. ' Mauritanie.
Timidanensis, que et Timidianensis.
Tingartensis.
L’Anumsmrz EN AFRIQUE', RÈGNE
Tipasilana. ne GENSÉBIC. — La marche de Gen-,
Tubunensis. série en Afrique , comme nous l’avons
"Tuscamiensis. dit, fut marquée par- d‘effroyables dé
Vagalilana.
Vannidensis. vastations. La soif du butin ou de la
Vardimissensis. vengeance , les passions religieuses qui
Ubabensis. animaient les Vandales et leurs alliés,
"illanobensis
Vissalsensis. couvrirent de sang et de ruines, en
Voncarianensis. moins d’un an, les trois Mauritanies et
Usinadensis. une grande partie de la Numidie. Les
Zucabiaritana , quæ'ret Zugabbaritana.
EGCLESIÆ' PROVINGIÆ IAURE’I‘A‘NIÆ SITIFENSIS. églises tombèrent; les évêques et les
prêtres furent massacrés ou obligés de
Aculidensis. chercher un asile sur les terres encore
Aquæ,Albensis.
Assafensls. soumises à la domination romaine (l).
Assuoremixtensis. La furie de l'invasion qui atteignit
Castellana.
Cedamusensis. (I) Nous n’avons pas besoin de dire, que
Cellensis. r le rém't qui va suivre, nous n'avons
Coviensis. aurais cessé d’avoir sous les yeux ce que Rui
llminenlianensis. nart a écrit sur la persécution vandale.
‘Equlzotensis , quæ et Equlzetana.
AFRIQUE CHRÉTIENNE. et
surtout la population catholique ne fut force aux haines religieuses qui ani
point de ce me durée. Elle ne perdit maient les Vandales et attira sur les
rien de sa orce pendant dix ans. En Mauritanies et la Numidie les affreux
439, le premier soin de Genséric, mai ravages dont nous avous déjà parlé.
tre de Carthage, fut de perséeuter les Ce ne fut pas seulement au moment
catholi ues et de dépouiller les églises des expéditions, dans lesinstants de péril
de la vi le de leurs vases sacrés et de etde guerre, mais encore pendantla paix,
leurs riches ornements. Toutefois, ce que l’esprit de secte poussa à la persécu
fut au moment même où Carthage tion et a la cruauté les conquérants bar
tomba au pouvoir des Vandales que bares. Ainsi, dans les années qui séparent
cessèrent , au moins en partie , les vio la prise d’Hippone de celle de Carthage ,
lences et les immenses désordres qui en 437 , à une époque où il avait trêve
avaient désolé, depuis 429, l’Afrique entre l’empire et les Vanda es, Genséric
chrétienne et civilisée. Dès lors, en effet, traita lescatholi ues, dans les provinces
Genséric contint ses soldats pour ne soumises à sa omination, avec une
point épuiser le pays où , apres avoir excessive rigueur. Il ne se borna pas à
anéanti toute. résistance , il avait résolu chasser de leurs églises les évêques et
de se fixer. les prêtres; il sévit même contre les
L’intérét donc et le changement qui laïques , et il en fit mourir plusieurs qui
se lit. de 439 à 442, dans ’état social n'avaient pas voulu embrasser l’aria
des Vandales empéchèrent le pillage, nisme. Plus tard (il était déjà 'maître de
le meurtre et la dévastation; mais ils ne Carthage),on saisit par son ordre l’évê
mirent point un terme à la persécution que Quodvultdeus et un grand nombre
contre les catholiques. Deux choses e clercs; on les dépouilla d’abord de
principalement devaient, en quelque’ leurs vêtements, puis on les placa sur
sorte, perpétuer en Afrique cette per des vaisseaux à moitié brisés qui furent
sécution. C’était, d'une part, l'esprit lancés à la mer et abandonnés à la fu
de secte qui animait les conquérants reur des vents (1).
barbares; de l’autre, l’état de guerre Une chose encore, dès les premiers
dans lequel la nation vandale, sous temps de la conquête , aggrava les souf
Genséric, fut obligée de se maintenir frances des catholiques , ce fut la crainte
pour résister aux attaques de l’empire. qu’ils inspirèrent à Genséric. Le roi
Les Vandales, suivant certains bis? barbare n‘ignorait pas qu’ils désiraient
toriens, avaient adopté l'arianisme ardemment le rétablissement de l’au
pendant leur séjour en Espagne; sui torité impériale; que leurs regards
vant d’autres (et nous partageons l'o étaient sans cesse tournés vers l’ltalit
pinion de ces derniers), ils avaient été ou vers Byzance; qu’ils le baîssaiene
gagnés à l’hérésie, avant la grande in. comme arien et comme barbare, et qu’ils
vasion de 406, à l’époque ou ils cam étaient prêts à soutenir toute armée qui
aient sur les frontières de l’empire viendrait sur les côtes de l’Afrique
’Orient, dans les provinces qui avoi pour les rattacher à l’un des deux em
sinent le Danube. Dès l’instant où ils pires. Il les persécuta donc aussi pour
parurent en Afrique , ils ne se déclarè des raisons politiques, parce qu’ils se
rent point seulement ennemis de l’em déficient d’eux; et sa sévérite à leur
pire , mais encore ennemis des catholi égard, il faut le croire , augmenta toutes
ues et, par là, ils doublèrent leurs les fois qu’une-expédition fut dirigée
orces et assurèrent le succès de leur par les Romains vers les provinces qu’il
audacieuse entreprise. Ils virent ac avait conquises.
courir dans leurs rangs, nous l’avons
dit aussi, tous ceux qui avaient souffert (l) L’éveque de cartha e uodvulldeus et ses
pour leurs croyances sous le règne compagnons écliappèren à a mort. Ils furent
d’Honorius ; les donatistes surtout, qui, poussés par le vent sur la cote de Naples. Gen
sericus, Quodvultdeum et maximum turbam
pour se venger de leurs persécuteurs , clericomm, mwîbus fractis impositos, mains
n’hésitèrent rpoint sans doute à asser algue erpoliatas expelli præcepit : ques Deus,
mlserationc bonitatis sure, p'mspera Mvigatimæ
en grand nombre du schisme à ’héré Ncupolim Campaniæ perducere dignatm est
sie. Cette alliance donna une nouvelle civilatem. Victor de Vite; l, 5.
4.
52
Toutefois, il semble que, vers la fin mort. Cet édit reproduisait, dans leurs
de sa vie, Genséric se soit relâché de sa principales dispositions, toutes les lois
rigueur. C'est qu'alors nul ennemi ne romulguées jadis par Honorius contre
lui. faisait ombrage. Il avait conduit à c schisme ou l’hérésie.
sa chute l'empire d’Occident, ruiné la L’édit de Hunéric ne contenait point
marinedes Byzantins, et ildominait, par de vaines menaces; il fut bientôt exé
ses ‘flottes, sur toute la Méditerranée. coté avec rigueur dans toutes les par
Rien ne lui résistait en Afrique. En 476, ties de l'empire vandale , et alors com
sur la prière de l'empereur Zénon, il men a une persécution qui fut marquée
ermit aux catholiques de rouvrir leurs par es supplices et de sanglantes exé
glises‘s‘et il lrappe a les évêques qu'il cutions. Ce fut d'abord sur les évêques
avait exilés. On pourrait induire de ce ui s'étaient rendus à la conférence de
fait, qu'en général, il les persécuta, non arthage que tomba la colère du roi. Il
comme dissidents religieux, en ,haine ne se borna oint à les dépouiller de
de leurs croyances , mais comme enne leurs églises; i les ‘fit tous arrêter: puis,
mis de sa domination (I). il condamna les uns à cultiver la terre ,
comme esclaves, les autres a couper
ÉDlT ms 484 coN'rnE LES CATHOLI
QUES; ÉTAT DE L'ÉGLISE n'aurons et à préparer , dans l'île de Corse, les
sous LES nois HUNÉRIC, GUNTHAMUND bois qui devaient servir à la construc
m THRASAMUND. — Hunéric,fils et suc tion de sesvaisseauxfl).
cesseur de Genséric , ne persécuta point Sous le règne de Gunthamund, les
les catholiques dans les premières années catholiques jouirent de uelques ins,
de son règne. Il ne fut cruel alors que tants de repos. Alors les vêques exilé
pour les membres de sa propre famille revinrent de toutes parts et, parmi euxs
et pour les hommes les lus illustres de Eugène, qui, en 487, reprit possession du
la nation vandale. Ce ut seulement en siége épiscopal de Carthage (2). Mais ce
483 , qu'entraîne par l'es rit de secte, il repos ne devait pas être de longue durée .
tourna ses fureurs contre es catholiques. Thrasamund, qui devint roi en 496 ,
Il voulut les contraindre à embrasser persécuta de nouveau les catholiques.
l’arianisme. Ceux qui résistèrent furent C'était un homme lettré, d'un esprit sub
dépouillés de leurs biens et exilés. Les til , qui aimait la controverse et se plai
rêtres surtout eurent à souffrir du zèle sait aux discussions théologiques. Il
intolérant de Hunéric; ils furent dépor traita les ennemis de sa croyance à la
tés par milliers, sans défense et sans manière de Julien. Il les attaqua par les
ressources, dans les déserts de l’Afri railleries, le mépris et l'outrage. Cepen
que. dant, il ne put toujours soutenir son
Pour se donner sans doute un pré role; plus d'une fois, renonçant à feindre
texte de sévir, le roi convoqua un grand la modération et la tolérance, il laissa
concile à Cartha e. Ariens et catholi librement éclater sa haine contre ceux
ques se réunirent ans cette ville en 484; qui ne partageaient point ses opinions
mais à la suite de désordres rovoqués religieuses. Ce fut ainsi qu'il força Eu
peut-être par Hunéric lui-m me et par gène à quitter encore son siège épisco
es évêques qui l'environnaient, les con gai et à s'exiler de Carthage, et que ,
férences furent interrompues. La seu ans l'année 507 , il fit xdéporter en
tence de condamnation avait été pré a Sardaigne les évêques de la B zacène.
rée à l’avance. Le roi, accusant es L'Église d'Afrique ne sont‘ rait pas
catholiques d'avoir mis obstacle à,la seulement alors de l'intolérance des rois
discussion, publia un édit qui les pri vandales , elle était encore attaquée et
vait de leurs é Iises et renonçait con. affaiblie par les tribus du désert. Celles
tre eux les ch timents es plus sévères, ci, profitant de la faiblesse des succes
à savoir : les amendes, les confiscations , seurs de Censéric , avaient recommencé
les peines corporelles, l'exil, et même la I) Nous avons déjà donné, dans ce volume,
1’ lt de 484, et_raconté. avec quelque éten
(l) Voy. sur l'état de l'Église d’Afrique. au due, la persécution qui le suivit. Vo .notre
temps de Genséric, notre Histoire de la domi Histoire de la domination des Van ales en
nation des Vandales en A/rique, p. [0 et suiv.; «(frique. p. 33 et suiv. . -
26 et suiv. (2) Morcelli ( 4/110. christ. ); t. I, p. 55.
AFRIQUE CHRÉTIENNE. 53
la guerre contre la civilisation.Elles s’é- frique au nom de l'empereur. Les ra
taientjetées sur l'empire vandale et elles pides et brillants succès du général
avaient rapporté le paganisme dans les yzantin donnèrent enfin la victoire et
contrées qu elles avaient envahies. la paix à l'Église catholique.
LA TOLÉRANCE pu ne: BILDÉRIC NOUVELLE RÉACTION; Ém'r DE
AMÈNE UNE BÉVOLUTION; cnLmEn; JUSTINIEN; RAPPORTS AVEC L'ÉGLISE
L'ÉGLISE CATHOLIQUE TRIOMPHE un DE nous; CONCILB; ÉTAT DE L'ÉGLISE
BËLISAIBB. -— Thrasamund mourut en D‘ArmQUs sous LA DOMINATION
523. Il laissait le trône à Hildéric , qui BYZANTINB. — Une ancienne tradition
avait longtemps vécu à Constantinople racontée par Procope (1) nous montre
et qui était peut-être catholique. Al a Elle les catholiques, depuis le règne de
vénement de ce prince, la persécution enséric iusqu aux victoires des soldats
cessa. Tous les exilés pour cause de de Justinien, n’avaient point cessé de
religion furent rappelés. Les supplices conspirer , au moins en pensée , contre
ou l'exil avaient faitde grands vides dans les conquérants barbares. En 533, ils
l'épiscopat, Hildéric ne s'opposa point , accueillirent Bélisaire comme un libéra
comme son prédécesseur, à ce qu'ils teur. Il est vraisemblable que dès l'ins
fussent remplis. Dans toutes les provin tant où le re résentant de Justinien
ces, les catholiques furent remis en pos arut sur les c tes de l’Afri ue, ils l'ai
session des églises qui leur avaient été’ èrent de leurs conseils et de leurs se
enlevées. Ils 'ouirent des lors d'une telle crets avis. D'ailleurs ,' en ne résistant
liberté que eurs évêques n’hésitèrent point à l'armée impériale, en lui lais
point àse rassembler, à Carthage même , santlibre passage dans toutes les villes ,
pour délibérer publiquement sur les be depuis Sy lectum jusqu'à Carthage , ils
soins de l’Eglise. Ce fut là, en effet, contribuèrent, autant qu’ils le pouvaient
sous les yeux du roi, qu'ils tinrent, en âlqrs, à la chute de la domination van
524 ou 525, un concile présidé par le a c.
primat de l'Afrique , Bomface (1). Une nouvelle réaction religieuse sui
Mais les hommes de race vandale et vit de rès la victoire de Bélisaire. Les
même les Romains qui avaient embrassé catholiques s'empressèrent de profiter
l’arianisme blâmaient la tolérance et la de la défiance que les hérésiar ues et
modération de Hildéric. Ils n'avaient les schismatiques inspiraient à a cour
oint cessé , avec raison, de considérer de Byzance pour se venger de tous les
es catholi ues comme de mortels en maux qu’ils avaient soufferts. Ils s'a
nemis. Ils es accusaient de chercher, dressèrent à Justinien. C'était princi
par leurs relations secrètes avec l'emc palement l'hérésie qui avait donné force
pire, le renversement de la domination et durée à l'empire vandale. C'était
vandale. ‘A la fin, Hildéric lui-même, elle aussi qui , peu d'années aupara
qui entretenait avecla cour de Constanti vant, avait précipitédu trône Hildéric ,
nople de fréquents ra ports, et qui avait le protecteur des orthodoxes etl’ami des
eu l’imprudence de p acer sur ses mon Byzantins. Justinien ne l’ignorait pas ,
naies l'effigie de Justinien, fut soup et , par politique autant que par zèle reli
çonné de partager, contre sa nation et sa gieux, il prit, contre les ariens, les do
propre famille, les haines des catholi natistes et les autres dissidents, de sé
ques. Une révolte éclata; Hildéric fut vères mesures. Par un édit de 435 , il
renversé du trône et Gélimer le rem les écarta des fonctions publiques, les
plaça. dépouilla de leurs biens, leur enleva
Cette réaction de l’arianisme ne fut leurs églises, et leur défendit d'élire des
pas de longue durée. J ustinien leva une évêques, de conférer les ordres et de
année pour soutenir le roi déchu. Ce baptiser (2). Les juifs aussi furent enve
fut en 533 que Bélisaire mit fin à la do loppés dans l'arrêt de prescription.
mination des Vandales et que , Hildéric C’était donc la peur qui avait dicté
étant mort, il prit.possession de l'A cette loi violente. Plus d une fois alors
(l) Voy. notre llist. de la domination des Van
(|) On com(pta 59 évêques dans ce concile. Voy. dates en Afrique, p. 58.
Hardouin; tout‘. t. il, p, 1151. (2)13aroniuu, ad. au. 535
54
on accusa les dissidents de conspirer, maine , ce fut la guerre continuelle que
non sur des preuves, mais seulement firent à l’empire et à la civilisation
arce qu’on les craignait. Toutefois, il les populations indi ènes. Salomon,
Faut dire que les Vandales, dépossédés Jean Tro lita, Genna ius, eux-mêmes,
etlnon exiles , que les hérésiarques et les les plus i lustres de tous les généraux
schismati ues qui s’étaient attachés à qui vinrent de Constantinople, ne purent
la fortune es conquérants barbares, dé toujours refouler et contenir les tribus
siraient ardemment la chute de la do du désert. Guidées, pendant un siècle ,
mination byzantine. Ils prirent part, il par des chefs qui, comme Yabdas, An
n’en fautpas douter, à tous les troubles talas , Carcasan et Gasmul, avaient ravi
ui bouleversèrent l’Afrique depuis le sans doute à la tactique romaine quel
épart de Bélisaire jusqu’à l’invasion ques—uns de ses secrets , elles ne ces
arabe. Par la force des choses, ils de sèrent de faire des progrès, agnant
vaient conspirer contre Justinien_et ses chaque jour une nouvelle part e terri
successeurs, comme les catholiques, toire sur la civilisation, et ramenant jus
depuis Genséric jusqu’à Gélimer , qu’à la côte le paganisme et la bar
avaient conspiré contre les Vandales. barie.
Les Byzantins achevaient à peine de Les Arabes, de 647 à 697, achevèrent
soumettre les provinces qui avaient l’œuvre des tribus indigènes et porté
appartenu aux Vandales que l’Église rentà la domination romaine le dernier
catholique d’Afrique songea à se réor coup. En moins d’un demi-siècle, en
aniser. D’abord, pour traiter les nom effet, ils établirent l’islamisme, par la
reuses affaires que lui donnait sa si force du sabre, sur toute la côte se
tuation nouvelle, elle tint un concile. tentrionale de l’Afrique. Alors les év -
Ce fut à cette fin que deux cent dix ques et les lprêtres s’enfuirent et se dis
sept évêques se réunirent à Carthage, persèrent; es uns se retirèrent sur les
en 534, sous la présidence du rimat terres encore soumises aux empereurs
Réparatus (1). Ensuite elle se remit dans de Constantinople; les autres en Italie;
des rap orts assidus avec Rome et les d’autres, enfin, comme Potentinus,
autres glises du monde chrétien (2). évêquefl’Utique, cherchèrent un asile
Elle forma, peut-être dès la même en Espagne (1).
époque, les quatre provinces ecclésiasti CONCLUSION. — Après cette terrible
ques qui subsistaient encore, suivant invasion il resta pourtant des chrétiens
‘anciens documents, en l'année 649. en Afrique. Nul, aujourd'hui, ne sau
Ces quatre provinces étaient ; 1° la rait dire précisément à quelles condi
Proconsulaire; 2° la Numidie; 3° la tions les conquérants arabes laissèrent
Mauritanie; 4° la Byzacène. Sous au milieu d'eux, endant plusieurs siè
le nom général de Mauritanie se trou cles , cette part de a population romaine
vaient comprises la Césarienne, la Siti qui n’avait abandonné ni son culte ,‘ ni
fienne et la Tingitane. La ’l‘ripolitaine sa foi. Un seul fait nous semble hors de
avait été rattachée à la Byzacène. doute, c’est que l’existence de cette
Depuis la conquête accomplie par population, vouée par l’islamisme au
Bélisaire iusqu’à l’invasion des Arabes, mépris et aux outrages, exposée sans
l’Église d’Afrique eut sans doute beau cesse à une complète extermination, ne
coup à souffrir des révoltes et des trou fut qu'une longue suite de souffrances.
bles‘qui à diverses époques éclatèrent à Nous savons, en effet, par d’anciens
Carthage et dans toutes les provinces documents, combien fut triste et misé
soumises à la domination byzantine. rable l’état de l'Église d’Afri ne, pen
Mais ce qui contribua surtout à l’affai dant le moyen âge. Elle souf it alors,
blir, et, si nous pouvons nous servir de nonvseulement de la persécution , mais
cette expression, à amoindrir son de encore de ses discordes. Elle ne cessa
pas d'être en proie à ces querelles et à
(làlîardouin; Coutil. t. II, 1154 et 1177. ces divisions qui, dans le cours du qua
—- eparalus venait de succe et sur le siege
épiscopal de Carthage à Bonifaœ.
(2) Voy. Morcelli(dfr.chist.); ad an. 535; (1) Morcelli (mica christiana); ad un.
t. III, p. 282 et sqq. 669; t. III, p. 392.
AFRIQUE CHRETIENNE. 5'5
trième siècle, avaient tant fait pour sa que, il fut victime des interminables
ruine. En l’année 893, des députés de discordes de ses freres les chrétiens. Ac
l’Afrique vinrent à Rome et s adressé cusé par eux auprès des Sarrasins, il
rent au pape, lui demandant ses con eut à supporter les plus odieux traite
seils et sa médiation pour arrêter un ments et les plus cruels outragesfl).
schisme qui avait éclaté entre les évê Ce sont là les derniers et tristes sou
ques (1). venirs laissés par l‘Église dont nous
Plus tard , vers 1054, une lettrevenue voulions écrire l’histoire. _Vers 1146 ,
de Carthage à la cour du souverain pon la secte des Almohades, qui vainquit et
tife atteste une nouvelle discorde. Le extermina celle des Almoravides , porta
métropolitain Thomas écrit à Léon [X en Afrique le dernier coup au christia
pour se plaindre de l'évêque de Gum nisme (2).
mase, en Byzacène, qui se croyait et Les chrétiens d’Europe savaient en
se disait son égal. Le pape reconnaît, core vaguement au moyen âcre que par
dans sa réponse, les droits de Thomas. dela la Méditerranée, non T01" de l’[
a Après le souverain pontife, lui dit-il , talie, de la France et de l’Espagne se
nul n’est plus élevé, en Afri ue, que trouvait une côte belle et fertile où
l’archevêquede Carthage. » Il declare que avaient existé jadis des églises sans
les autres évêques ne peuvent ni sacrer, nombre et de populeuses cités, etils s’é
ni déposer, ni assembler des conciles murent aux lamentables récits que leur
sans l’assentiment du métro olitain. firent . sans doute, ceux qui avaient
Léon IX vo ait avec tristesse ‘état de échappe par la fuite au fer des Al
l’Église d’A ri ue, et ce n'était pas sans mphades. Alors, dans ce temps d’hé
une profonde ouleur, comme il le di roique ‘ignorance où rien ne paraissait
sait lui-même, qu’il ne comptait que impossible a quiconque croyait et vou
cinq évêques dans une contrée qui jadis lait fermement, plusieurs son èreiit à
en réunissait plus de deux cents pour reconquérir, au profit du christianisme ,
ses eonciles (2). cette terre désolée. En l’année 1226,
Ces cinq évêques étaient réduits à deux de pauvres religieux, n’ayant pour res
vers 1076. Ce fut alors que Grégoire sources et pour appui que leur foi et que
Vil écrivit, à Carthage, au métro 0 leur_zele, s’embarquèrent pour l'Afrique,
litain Cyriaque , pour lui recomman er, ou ils essayèrent en vain _de prêcher
lorsqu'il n’ aurait que deux évêques en l’Evangile. En 1270, un roi de France
Afrique, e procéder à l’élection d’un cam a avec son armée sur les ruines de
troisième , qui se rendrait à Rome et s’y Cart age. Mais alors et depuis , pendant
ferait sacrer. C’est afin, dit le pape, sept siècles , les efforts de ceux qui son
que plus tard les consécrations puissent mettent les peuplespar l_’épée ou par la
se faire, en Afrique même , par les évê aroledemeurèrent impuissants. Toutes
ques réunis au nombre prescrit par eurs entreprises échouerent, et quand
les canons; et il sacra lui-même, pour ils parvinrent a prendre possession de
commencer, Servandus , qui devait être (l) Hardouiii; Cana, t. VI,p. 134i. —Greg.
évêque d’Hippone. Alors, tout .ce_qui vii Epist, lib. l, 22.
rappelait l’ancienne gloire de l’A_frique (2) il resta pourtant quelques chrétiens sur
était tellement oublie, que Grégoire Vli la cote d’Afri ne. Placés au milieu d’une po
pulation fanatique et barbare, ils étaient dans
ne savait en uelle province était le une situation déplorable. ;Guillaume_de Nan
siège épiseopa illustré par saint du‘ is nous apprend qu'au temps de l’ex édition
gustin. Dans la lettre qu’il écrivit _a de saint ouis , i y avait encore Tunis
des prêtres et des églises. Les musulmans 1e
propos de l’élection de Servandus, _il tèrenl en prison tous les chrétiens quand ils
lace Hippone dans la Mauritanie Si_ti apprirent que i’armée française avait touché
enne. Quant au métropolitain Cyria les cotes de l’Afrique. Erat m urbe Timcrum
multitudo christianorumj ugo {amen servitutis
(l) Frodoard; IV ,_2. . _ Sarraeenorum oppressa , et fmtru-m Prædicq
(2) Decus cceleszarum .qfripa'narum tta forum con regatw, ac ercleszæ conslruclæ m
co'nculcatum a geniibus mqmum do_lemu_s, quibusflde es quolidie confluebanj : quos ovrmes,
ut modo via: quinque invemantur episcopz , en‘ cm‘ regis pnæceptœ, Sarmcen} captes encar
ubi olim ducenti quinque salebqnt par conci ce’ravemnt cumfines suas intmvzsse Francorum
liaplenaria computari. Hardouin; Çoncil. t. ezercitum cognovz’ssent. Gesta Philippi III;
Vi, p. 950. Voy. les Historiens de France, I. XX , p. 478.
56 L’UNIVERS. AFRIQUE CHRÉTIENNE.
quelques oints de la côte, leurs établis croisade , s’est enfin montrée; elle est
sements urèrent peu. L’Europe pour sortie de la France, pays privilégié au
tant ne s'est jamais lassée et ses espé uel la Providence avait réservé la gloire
tances n’ont pas été vaines. La race de e rattacher l'Afrique au système oli
guerriers qu un écrivain ecclésiastique tique des nations européennes et e la
appelait de tous ses vœux , au commen faire articiper de nouveau à la vie du
cement de‘ notre siècle, pour une dernière moncre chrétien et civilisé.

nm ne L’AFBIQUE CHRÉTIENNE.
OQCOOOO'CQOO MWW‘OWWMMMO’M‘OMI‘MOMMM'I O...

APPENDICE.
LISTES D’ÉVÊQUES.

Nous avons dû faire un choix armi Eugenius fut sacré en 479. Il fut
les nombreuses cités ul couvraient le chassé d’Afrique ar le roi Thrasamund
sol de l’Afrique ancienne. D’abord et mourut dans es Gaules à la fin du
nous avons pris Carthage, la grande cinquième siècle.
métropole chrétienne, ensuite quelques Fabius Furius Fulgentius Planciada?
unes des villes qui sont soumises aujour Morcelli le rejette de sa liste.
d’hui à la domination française. Bomfacius monta sur le siège épisco
Canrnacs.
pal vers 523. Il mourut en 535 après la
chute de la domination vandale.
4grippinus; c’est le premier évêque Reparatus lui succéda. On sait qu’il
connu. Son épiscopat peut être reporté se rendit à Constantinople en 551.
aux dernières années du second siècle. Primasius. Morcelli pense qu’il ne
Optatus fut évêque au commence mourut pas avant l’année 565.
ment du troisième siècle. Il succéda Publianus était encore évêque en 581 .
peut-être à A rippinus. Dominicus occupait déjà le siège
Cyrus doit tre placé après Optatus, épiscopal en 591. Il vivait encore en
suivant Morcelli. 601.
Donatus mourut en 248. Fortuhius était évêque en 640.
Cyprianus (S. Cyprien ) lui succéda. Victor occupait encore le siégé épis
Il fut déca ité en 258. copal en 649.
Carpop orus lui succéda , suivant Après l'invasion des Arabes il faut
Morcelli. franchir quatre siècles pour retrouver
Lucîanus fut évêque vers la fin du un évêque de Carthaqe.
troisième siècle. . Thomas occupait e siége épiscopal
' Jllensurius occupait déjà le siège en 1054. Il fut en relation avec le pape
épiscopal à l’épo ue où fut promulgué Léon IX.
l’édit e Nicoméäie. Il mourut en 311. Cyriacus, évêque de Cartba een I076,
Cœcilianus. Ce fut à pro os de son fnten relation avec le pape Grâgoire Vll.
élection que commença le se isme des De 1461 à 1804 , douze prélats euro
donatistes. On sait positivement u’il péeus, suivant Morcelli ont porté le
vivait encore en 321 . Il assista peu tre titre d'évêques de Carthage.
au concile de Nicée en 325.
,crim (CONSTAN’I‘INB ).
Rufus est nommé dans un concile de
337. Crescen: est le premier évêque connu.
Gralus présida un concile à Carthage En 255 , il vint à Carthage pour assis
en 349. ter au concile présidé par saint Cyprien
Restitutus était évêque de Carthage et où devait être débattue la question
en 359 du baptême des héréti ues.
Geneclius en 381. Paulus était évêque orsque fut pro
.lui'elius monta sur le siège épiscopal mulgué l'édit de Nicomédie (303). Il
de Carthage en 391. Il mourut vers 426. mourut vers 305.
Capreolus était évêque vers 435. sylvanus succéda à Paulus. _
Quodvultdeus prit possession du siège Zeuzius occupait le siégé épiscopal
épiscopal vers 437. en 330;
Deogratias fut évêque de 454 à 457. Gemrosus , vers 400.
58 APPENDICE.
Profuturus succéda à Generosus; on ropéens ont porté le titre qu’avait il
ne saurait porter au delà de 410 la durée lustré saint Augustin. Morcelli- en
de son épiscopat. compte quarante-trois (de 1375 à 1795).
Fortunatus assista à la conférence de
Carthage , en 411 . Il fut un des sept com Smrr (SÉTIF ).
missaires choisis par le parti catholi Severus, vers 400.
que. Novalus assista à Carthage , à la con
Honoratus Anioninus était évêque férence de 411 et au concile de 419.
sous le règne de Genséric. Donatus vint au concile convoqué en
I/ictor est le dernier évêque de Cirta 484 , par Hunéric , roi des Vandales.
ou Constantine dont l'histoire nous ait Optatus vint au concile convo né en
conservé le souvenir. il vint, en 484, au 525 par Boniface, évêque de Cart age.
concile convoqué à Carthage par Huné
ric , roi des Vandales. IOL-CÆSAREA ( Cnsncnnr. )
Nous n'avons pas besoin de dire que
nous n'avons pas nommé ici les évêques Quatre noms seulement ont échappé
donatistes. Il en est un pourtant qui mé à l'oubli.
rite d'être mentionné à cause de sa Fortunatus était évêque de Iol-Cæsa
rea, en 314. Il assista au concile d'Ar
grande réputation; c'est Pétilien.
les où furent condamnés les donatis
HIPPO-REGIUS (BONE *). tes.
Théogêne est le premier évêque Clemens occu ait le siége épiscopal
connu. Il assista au concile convoqué en au temps de la revolte de Firmus, vers
372.
255 par saint Cyprien.
Fidentius occupa le siége épiscopal Deuterius assista à la grande confé
vers 304 (P). rence qui eut lieuà Carthage, en 411,
Leontius., n ne saurait préciser l’é entre les catholiques et les donatistes.
po ue où ' occupa le siége épiscopal. . Apocorius, enfin, vint au concile qui
fut convoqué, en 484, par Hunéric,
Il ut p —être le successeur e Fiden
tius.
roi des Vandales.
Fauslinus était donatiste. Suivant CUICULUM (Jmmnxn).
Morcelli , il fut contemporain des empe
reurs Constance et Julien. Pudenlianus assista , en 255 , au con
Valen‘as était déjà évêque d'Hippone cile de Carthage où fut discutée la ques.
lorsque saint Augustin revint d'ltalie. tion du ba tême des hérétiques.
Augastinus (saint Augustin ), de 395 Elpidep crus assista, en 348, au con
à 430. cile de Carthage présidé par le métro
Heraclius avait été désigné au choix politain Gratus.
du clergé et du peu le ar saint Au Cresconias assista à la conférence
gustin lui-même. Il evait lui succéder; ni eut lieu à Carthage, entre les ca
mais il est vraisemblable , qu’il ne rem t cliques et les donatistes, en 411.
plit pas ses fonctions, puisque la ville Fz'clor vint au concile convoqué , en
d'Hippone fut saccagée et brûlée par 484 , par Hunéric ,.roi des Vandales.
les Vandales. Elle ne se releva que plus Crescens se rendit à Constantinople
tard. ' et assista, en 553 , au cinquième concile
Servandus fut sacré évêque d’Hippone œcuménique.
par le pape Grégoire VII, vers 1076. Icoswu ( ALcnn ).
De tous les évêques ui ont résidé
àHippone , Servandus est edernier dont Crescens assista , en 411 , à la confé
le nom soit arrivé jusqu'à nous. Nous rence de Carthage. Il était du parti des
devons dire qu'à partir du quatorzième donatistes.
siècle un grand nombre de prélats eu Laurentius assista , en 419 , au concile
convoqué à Carthage par l'évêque Au
(") La ville moderne de Boue, comme nous relius.
l'avons dit dans notre histoire des Vandales,
est située a quelque distance de l'emplacement I’îctor vint au concile convoqué, en
d’lltppo-Regius. 484 . par llunéric , roi des Vandales.
APPENDICE. 59
IGILGILI (11cm.). Sunna (BOUGIE).
Urbicosus assista, en 411, à la confé
rence de Carthage. . Pose/rastas est le .seul évêque de, cette.
Dommanus vint au concile convœ ville dont le nom en écha pé a. loubli.
92:35:, 484’ par H‘mém’ . '0'. des Hunéric, roi des convo
Il vint au concile vandaties.’
u en 484 ’ par
l‘ ICMDIICOOQÇ'OMIÔV5t.Û.‘CECI.à.IOIOOICDÉOQ‘IQ‘OiO'OCQIIII'OOQCOOQ “0.000.000.”

TABLE
DE L’AFRlQUE CHRÉTIENNE.

A. Mensurius; sa lutte contre le parti de Donat


des Cases-Noires; accusations portées con.
lbiline, ville de la Proconsulaire; courageuse tre lui; il est reconnu comme évéque légitime
conduite des chrétiens de cette ville sous par les conciles de Rome et d’Arles; p. I!) et
Diocléiien - ses martyrs; p. l8. a. suiv.; sa mort; p. 27. b.
Atleéodat, fils de saint Augustin; p. et. a et b. Ce'cilius, maître de saint Cyprien; p. Il. a.
Agrippinus, premierévéque connu deCarthage; Célestins, ami de l'étage; il propage en Afrique
son opinion sur le baptême ; il tient un con le pélagianisme; p. 39 et suiv.
cile p. 2. a. Cîleusius, preÊrs de Carthage, ennemi de Céci
Aime/unies les) font disparaitre de l'Afrique ien; p. [9. .
jusqu’? ernier vestige du christianisme; Celsus, vicaire impérial en Afrique, sa conduite
. 55. . à l'égard des donatistes; p. 24. a et b.
Aë/pius, ami de saint Augustin; p. 30. b; ai. Christianisme. A quelle é ne le christia
; 36. a. nisme fut-il introduit en in no ? p. 2. a;
Ambms‘se (saint) baptise saint Augustin; p. à quelle 6 ne y fut-il anéant ‘7 p. 55. b.
3l. a. Circnncelliom apparition des); p. 24. b, 25. a
Antalas, chef des tribus maures; p. 54. a. et b; leurs excès; ibid. et p. 28. a ; caractère
AutoineU'évéque condamné par les évêques du soulèvement des clrconcellions ; leurs doc
africains est son eau en vain par l’égiise de trlnes; p. 25 et suiv.
Rome; p. 42. a. Cirta’; persécution a Cirta; p. I6. l).
Antom‘en, év ne de Numidie; p. [4. a. Concile: africains, p. 2. a; li. a; i3. b; 15.
Jpiarius ( le pr ire.) condamné par les évêques a; le. b; 20. a; 28. a; 28. b;32. a. 33. a et
africains est soutenu en vain par l’e'glise de h; 35. et suiv.; 40. a; 41. b; 52. a; 53. a; 54. a.
Rome; p. 42. a. Concile de Rome présidé par Miliiade; les do
A olpgr'fique (l’ de Tertulllen; p. 3 et suiv. natistes sont condamnés; p. 20 et suiv.
mt-tïgms, Juge périal en Afrique; p. 38. a Concile d’ ries; les donatistes y sont condam
e nés; p. 23.aetb;24. a. .
Arabes; leur con uéte; ils anéantissent le Conférence entre les évêques catholiques et les
christianisme en trique; p. 54. b. évêques donatistes à Carthage, p. 35 et suiv.
Anauisme (1’) triomphe en Afrique par les Constant (l'empereur) persécute les donatis
Yandales; p. 60 et suiv. stes; p. 28. a.
Anflï; lgur conduite à l’arrivée des Vandales; Constanh’n ( l’empereur )' sa conduite ‘a l’é ard
. 4. . des'donstistes; p. 20. l); 23. a; 24. a et .
A3128. Voy. Conciles. cypnen (saint); sa vie et ses ouvrages; p.
Arnobe- sa conversion; il écrit un ouvrage i- le.
pour la défense du christianisme; p. l9. a. cyriaqbue, évêque de Carthage au moyen âge;
Astarté Voy. Junon-Céleste. p. 5 . a.
dgäusôtin (saint). sa vie et ses ouvrages; p. Cyrus, évêque de Carthage; p. Il. a.
4 .
Aure'lien (l’empereur persécute les chrétiens D.
d’Afrique- pag. l6. .
Aure'hus; évêque catholique de Carthage; p. Dm'us (l’empereur) promulgue un édit de
33. b; 34. a; 36.11. persécution; p. 12. a. _
Deuten’m, évêque donatlste de la Mauritanie;
B. . 2s . a.
Bélisaire; son expédition en Afrique; il met DEu-le'tien ( l’empereur); ses édils de persécu
fin a la domination vandale et rend la paix tion; p. l6. b;l7. b.
à l'église catholique ; p. 53. a et b. Donat prédécesseur de saint Cyprieu sur le
Bout/ace (le comte); p. 44. a et b. siège é iscopal de Carthage; p. Il. a.
Bomface, évêque de Carthage; p. 53. a. Donat, es Cases-Noires ; se fait àearthage le
Botrus, prêtre de Carthage, ennemi de Céci chef du parti opposé à Cécilien; p. 19. b;il
donne son nom au schisme, p. 20 b; il se
lien; p. [9. 1). porte comme accusateur de Cécillen , dans le
C. concile de Rome; p. 21. b; il est condamné
comme calomniateur; p. .22. a et b; son re
Damasan, chef des tribusdes Maures’; . 54. a. tour en Afrique; p. 22. n.
f/‘arpophore, évêque de Carthage ' p. 16. ; 17. b. Douai, évéque donatiste de Carthage, succède
Carthage. point de départ de a prédication à Majorin; p. 27. 1); son opposition aux vo
chretienne en Afrique; p. 2. a; 45. a; l'éve toutes de l‘em reur constant; p. 28. a.
que de Carthage primat de l'Afrique; 45. b. Danut, évoque onatiste de Bngaia; sa lutte
cqsstçn; sa doctrine ;è). 42. b. contre l'empereur Constant; p. 28. a. .
Ceczlæn, evèque de arthage; Il succède à Donatistns; origine du schisme des donatistes:
62 TABLE
p. 19
20. 1); et
ilssuiv; leur requête dans
sontucondamnés a Gonstantin;
le concile e à saint Augustln sur le siège épiscopal
d’iiippone; p. 44. a.
Rome; p. 22. a et b ; dans le concile d’Arles; Hilaire d'Arles, ses rapports avec saint Au
p. 23. a et b; 24 a; par l’empereur, à Milan; _ ustin; p. 42. b; 43. a
p. 24. a' leur obstination; ibid.,- ils sont H: arler». procurateur en Afrique, sous Septime
persécutés; p. 24. b; ils se soulèvent; ibid.; Sevére; il juge et condamne Perpétne. Féli
appréciation du schisme des donatistes; p. cité et leurs compagnons; p. 7. b.
25 et suiv.; conduite des donatistes sous Hilde’nc, roi vanda e; sa tolérance à l'égard des
le règne de Julien; p. 29. a; leurs divisions catholiques; p. 62. b, et 53. a.
au temps de saint Augustin; p. 33. a; sont Ilonorms (l’empereur ); favorable aux catholi
poursuivis avec acharnement ' . 34 et suiv.; llques; p. 35 et suiv.; sévérité de ses édits
e
“urb conduite a l’arrivée des’ andales; 1). contre les donatistes; p. 37. b; il sévit contre
les pélagiens; . 42.4s.
E. Hune’nc, roi des andales; son intolérance; il
persécuté les catholiques; p. 52. a et b.
Églises (nombre des) a Carthage et en Afri
que; p. 45. b. l.
Ëtumne ( le es
baptême apehérétiques
saint) ne lT’iopinion
rtage point
de sur le
saint Innocent I" (le pape) condamne Pélage et
üélestius, et approuve l'opinion des évêques
Cyprien; p. le. a. ' africains dans la question du pélagiantsme;
Euge‘ne, évé ne. de Carthage, persécuté par les p. et. b.
rois vanda es; . 52. b.
Éveche's (liste des de l’Afrique; p. 46 et suiv. J.
Évêque! (listes (1’ voy. l'appendice p. 56 et
suiv. Julien (l'empereur) rend la paix à l'église do
r. Évodiuc, ami de saint Augustin; p 31. h. .natiste; ses vues; p. 28. b; 29. a.
Julien (évêque d’Eclane); ses discussions avec
F.
saint Augustin; p. 42. a.
laiton-Céleste, I’Astarté des Phéniciens; son
Fuir, chef des clrconcellions; 25. a. culte; son temple; p. 83. b; 34. a.
Fe'licissime excite un schisme Carthage‘, sa Justmien (rem ercul‘ ), après les victoires de
lutte contre saint Cyprien; p. [3. a. Bélisaire, pi‘otege les catholiques et persécuté
Félicité sainte); son martyre; p. 6 et suiv. .les ariens et les autres dissidents; réaction
Félix, év e de ’I‘ibiure; son courage au temps violente en Afrique; p. 63. a et D.
de lla persécution de Dioclétten; sa mort;
. 8. a. L.
Fé Le‘, évêque d’Aptonge, impose les mains ‘a Lambèse; persécution nLambêse; p. [6. b.
Cécilien et le fait évêque; p. 19. b; sa justi Le’on 1X ( le pape) intervient dans les querelles
tication; 22. a; 23. a. de l'église d’Afrique; sa lettre à l'évêque
Fortugut, véque schismatique de Carthage; p. Thomas; p. 54. b, et 55. a.
[3. . Lumen ( le martyr); son orgueil; il lutte con—
Fortunat, prêtre manichéen, dispute avec salut tre saint Cyprien; p. 12. b.
Augnstin; p. 32. a. Lucie”, évêque de Carthage; p. la. b. _
Fonunius, évêque donatiste; p. 38. a. Lucilla, femme riche et puissante, soutient par
Fundamu, évéque d’Abitine; sa lâcheté au son crédit et ses richesses les ennemis de Cé
temps de la persécution; p. 18. 3. cillen; p. l9. b.
G. M.

Galen‘us Maxime (le proconsul d’Afrique) lllacaire persécuté les donatistes; p. 28. a et b.
jugebet condamne à mort saint Cyprien; p. lllacariemte (persécution ); p. 28. a et b. _
15. . Illajon‘u est opposé comme evéque a Cécilien;
Galerius (le César) pousse Dioctétien a la per . 20. a.
sécution; p. 17. net b. lgniehe‘emfleur conduite a l’arrivée des Van
Gargiliennes (les Thermes); les donatistes et dales en Afrique; p. 44. b. '
l les catholiques s’y rassemblent pour leur con Marcellin le tribun) réside la conférence des
féreuce; p. 36. a. évêques onatistes e catholiqlues a Carthage?
Gàsmul, chef des tribus maures; p. 54. a. il est favorable aux catholques; p.» 35 et
Ge'limer remplace Hildéric; réaction de l’aris suiv. . sa mort: p. 37. b.
nisme sous son règne; . 53. a. Masse-blanche; c'est le nom donné aux reliques
Gennadius, général byzan in, combaten Afrique des martyrs d’Utique; p. l6. b.
les tribus maures; 64. a. _ Maxida, chef des circonoelllons; p. 25. a.
Gemén‘e, roi des Van ales, persécuté lesealbo Illaznme ( l’évêque arien) discute avec saint
liques; son règne; . 50 et suiv. Angustin; p. 43. b.
Glas-ms, évêque doua le; p. 33. a. Mazzmianistee; p. 33. a.
cmâuùévêque catholique de Carthage ; p. sa. lllazimien, évêque donatiste de Carthage; p.
a . 83 a.
giiœ'âmmiàï‘îà‘ 2'353.
67€ 05 VII l ' ‘Y
p'ports ec l'é Nmsun’us évêque de Carthage; p. le. 1). Sa
prudence; son courage; sa mort; p. 18. b;
19. a.
B. Milan (arrêt de) qui confirme les sentences
prononcées contre les donatistes par les con
He'mclieu (le comte); sa révolte en Afrique; ciles de Rome et d‘Arles; p. 24. a.
. 37. b. Niltz‘ade 12e pape) condamne les donatistes;
Hguclim (le prêtre) est choisi pour succéder p. 2| ' 2.
DE L’AFRIQUE CHRÉTIENNE. es
Mom’llnson ouvrage intitulé A/rica cima Satur,-3mn martyre; p. cet suiv.
ana ; atppréciatiou de cet ouvrage; note de Saturnm (Vigellius), proconsul d’Afriquc, ju e
ap. l. . et condamne les martyrs scillitains; p. 2., ).
N. SatmI-nm; son martyre; p. 6et suiv. _
Ne'bridius, ami de saint Augustin ' p. 30. h. Sczlhtams Smarlyrs); leur condamnatio‘h et
Nicome’die (édit de ); p. 17. a et l). leur supp ice; p. 2. b.
Naval, prêtre carthaginois; ses intrigues a Car Secundulus; son martyre; p. 6 et suiv.
thage et à Rome; p. 13. a et b. Secundulus, évêque de Tiqisi; il se met a la
tête des évêques qui veu ent annuler l'élec
0. tion de Cécilien; . 19 b.
Scmi-pe'lagianisme lîle); p. 42 et suiv.
gptat, second évêque de Carthage; p. 2. a. Scrvandus, évêque ’Hippone, est sacré par le
plat (saint), évêque de Miléve; son ouvr e pape Grêgoire Vll; p 55. h.
sur le schisme des donatistes; p. 29. a et . Sévère (Sept'une) persêcute les chrétiens d’A fri
Orose (Paul); p. 34. D. que, p. 2. a; I0. b.
P. Slmph‘cwn, évêque de Milan ; ses rapports avec
saint Augustin; p. 32. b.
Paîens, encore nombreux en Afrique au com Sn'te (le prêtre) poursuit les Pélagiens avec
mencement du Ve siècle; saint Augustin les
ardeur; p. 42. a.
combat; p. 33. b; 34. a et b. Suffètc, ville de la Byzacène; soixante chrétiens
Parmc’nzen, évêque donatisle de Carthage; p. y sontmassacrés; p. 34. a. .
33. a.
Paul .persécute les donatistes; p. 28. a et b.
Pardi-n de Note; saint Augustin lui adresse un - j T.
de ses traités; p. 43. b. Tertullien et ses œuvres; p. 4. b.
Déluge et sa doctrine: p. 39 etsuiv. ,
Tlzéoge‘ne, évêque d’ltippone;'p. 16. b.
’e'lagianismc; son histoire; . 39 et suiv. Thomas, évêque de Carthage au moyen tige;
i’c'lagiens; leur conduite a ’arrivée des Van . 54. b.
dates; p. 44. h. ‘‘ T2) nsammzd, roi vandale;son intolérance; il
Perpétue ' sainte); son martyre; p. 6 et suiv. persécuté les catholiques; p. 52. l).
Péliliegr, vêque donatiste de Cirta; p. a; Tzcauius, savant docteur donaliste; p. 33, a.
36. . Traditeurs. Ce nom fut donné a ceux qui livrè-«
Possidius, amide saint Auguslin; p. :31. b; 36. a. - rent les ornements et les livres des églises
Potentz’nus, évêque d’Utique; p. 64 . b. au temps de la persécution dioclêtienne; la
Primianistes; p. 33. a. ' qualification de truditeur devient la cause
Primien, évêque donatiste de Carthage; p. 33. a. ’un schisme; p. 19. a et b. '
Privut est condamné pour hérésie dans un Trogh'ta (Jean ). général byzantin, combat
œncile tenu à Lambêse, en Numidie; p. Il, en Afrique les tribus maures; p. 54. a.
a; il est de nouveau condamné à Carthage ou
il excite un schisme ; p. 13. b. _ '
Prospcr, ses rapports avec saint Augustin; p. V.
43. a. Valentinien (l’empereur') poursuit les dona
Provinces ecclésiastiques en Afrique; p. 45. a listes; son édit: P. 29. b.
et b; 54. a. Valèrc, évêque dI-Iippone; il attache saint
Pugpurius, évêque de Limate; ses fureurs; p. Augustin a son église; p. 31. b; 32. a.
2 . a. l’ale’n‘en ( l’empereur) persécuta les chrétiens
Q. . d’At‘rique; p. 15. a; le. b. .
Quodvultdeus, évêque de Carthage, persécuté Vandales (les); leur arrivée en Afrique; leurs
ravages; p. 44 et suiv.; ils, persecutent les
par Genséric; p. 51. b. - catholiques ‘:1 p. 50 et suiv.
R.
Reparalus, évêque de'Carthage; p. 54. a. _ . Y.
Itestitut, prêtre catholique, tue par les donatis Yabdas, chef des tribus'maures; p. 54. a. X.‘
tes à l-llppone; p. 38. a. ' _
Révocalus; son martyre; p. c et suiv. _ _ Z.
Rome(l’église de); ses rapports avec l'église
d’Atrique; p. lit); la. b; 14. a; 15. a;20 et Zénon ( l’em reur) intercêde, pour les catho
suiv.;'4l. b; :12. aetl); 54. aetb; 55. aetb. liques de ‘Atrique, auprès de Gensêric; p.
Rufns, évêque de Carthage; p. 27. b. 51 b. ' _ _
_ S. Zozi‘ifie (le ape) montre de lamoderahon a
l’égnrd de étage et de Célestins; son irre
Salomau. général byzantin, combat en Atrique solution; ses rapports avec les eveques (le
les tribus dudéscrt; p. 54. a. l’Afriquc; p. 41, b ; 42. 41.

FIN DE LA TABLE DE L'AFRIQUE CHRÉTIENNE.


mmmuwnmmuumn
hammam

HISTOIRE DE LA DOMINATION n'es VANDALFS


EN AFRIQUE,
PAR M. IEA'N YA NO'SK'I ,
raisin n'fll‘lvusn-i, neural“ n'aurons AI nomin

AVÀNT'PIIOPOI-‘Pfll‘flli les peuples point alors suffisamment préparé pour


barbares qui‘, à rtir des dernières an
nées du quatriem‘c siècle de notre ère, un sujetsitgrave et si difficile. M. Louis
se jetèrent, pour. des causes que nous Marcusa ait , plus tard , sur l'ouvrage
ne .devons point rechercher ‘ici , sur les
de Mannert, des observations critiques
provinces de l'empire romain , il n'en très-fondées. Il a reproché, par exem
est pas un quiait eu des destinées, nous ple,..à l'auteur de n'avoir pas connu '
ne dirons pas plus brillantes et plus tous les documents anciens qui se rap
hcureuses,.mais plus variées etplus portaient à son sujet, et d'avoir mal .
extraordinaires que les Vandales. Il y Interprété souvent les auteurs grecs
a , en effet. ‘quel ne chose de singulier et latins qu’il a consultés. Mais on doit
dans l'histoire e cette nation qui, tenir compte à‘ Mannert d’avoir ou
partie des bords de la Baltique, erre,
vert, par son livre, la série des tra
vaux spécialement consacrés à l'his
pendant plusieurs centaines d'années, toire des Vandales. Ce premier essai
al’orient et au centre de la Germa était assurément bien imparfait; ce
me; se précipite tout à coup sur la
pendant , malgré ses inexactitudes, ses
Gaule, a traverse, pénètre en Es omissions et tous ses défauts, il a
pagne, où elle n'échappe qu'avec inc rendu des services incontestables aux
a une complète extermination; ran érudits de notretemps, et notamment
chit la mer, et fonde enfin , sur la côte
septentrionale de l'Afrique , une domi à M. Marcus.
nation vaste et forte comme celle de La conquête récente de l'Algérie a
Rome etde l'ancienne Carthage. Aussi, reporté l'attention des savants sur
depuis longtemps, les courses et les l'ancienne histoire de l'Afrique. L'Aca
guerres des Vandales ont fixé l'atten démie des inscriptions et belles-lettres
a diri é, à plusieurs reprises, 'ses re
tion des historiens. Elles occupent une
cher es vers ce point Important; et,
large place dans les récits de ceux qui,
comme Lebeau et Gibbon, ont voulu our faire participer en uelque sorte
montrer la décadence et la chute de ses propres travaux les ommes ins
l'empire romain ; et de plus, elles ont truits qu'elle ne comptait point au
frappé si vivement certains hommes, nombre de ses membres. elle a mis au
concours, pour l'année ‘1836, la ques
qu'en les racontant dans des ouvrages tion suivante: « Tracer l'histoire de
spéciaux, ils ont cru , avec raison,
faire une œuvre tout à la fois utile à l'établissement des Vandales en Afri
la science et pleine d'intérêt. ue, et de leur administration depuis
enséric jusqu'à la destruction de leur
A la fin du siècle dernier, en 1185, empire par Bélisaire; s'efforcer de
le savant Conrad Mannert publia, dans montrer quel futl'état de l'Afrique ro
sajeunesse .et pour son début, une
maine sous leur domination, et 'us
qu’où s'étendaient leur pouvoir et eur
influence dans l'intérieur de ce conti
(*) Leipzig, 1785, în-8°, en allemand. nent ; rechercher quel fut l'idiome dont
1" Livraison. '(HIs'r. nss VANDALBS.) 1
2
ils faisaient habituellement usage, et M. Papencordt a publié, en 1837;
quels rapports s’établirent entre ce le mémoire couronné par l’Institut. Il
peuple conquérant et les indigènes; l’a intitulé : Histoire de la domination
enlin essayer de déterminer quels ves des Vandales en Afi'ique (*). Son ou
tiges de leur langue et de leurs cou vrage est supérieur, en tous points, à
tumes les Vandales ont laissés en celui de M. Marcus. Il a lu et consulté
Afriquejusqu’à l’invasion des Arabes. » tous les livres qui se-rapportent à son
La savante compagnie a décerné le sujet’. D‘ailleurs, il l’emporte encore,
prix à un professeur allemand , M. Pa par la méthode, sur ses devanciers.
pencordt. . > La première partie de son ouvrage
Ici, avant de signaler le mémoire est consacrée tout entière au récit; la
couronné , je dois parler en deux mots seconde, aux dissertations. Ainsi, d’une
de l’ouvrage de M. Louis Marcus. part, l’histoire des mouvements et des
Déjà,'en 1820, M. Marcus(c’esl: lui guerres des Vandales, depuis leur pre
qui nous l’apprend) avait amassé de mière apparition jusqu’à la chute du
nombreux matériaux reiatifs à l’his trône de Gélimer; et, de l’autre, le
toire des Vandales. Mais il avait vrai tableau des moeurs et des institutions.
semblablement interrompu ses recher Ce ui dépare le livre de M. Papen
ches, car il ne put achever ‘son travail cor t , ce sont certaines idées trop sys
assez tôt pour le soumettre, dans le tématiques qui se manifestent surtout
délai prescrit, au jugement de l’Aca ‘dans la seconde partie. L’auteur, en
demie. Il publia néanmoins , dès l’an vertu d’une opinloncommune à tous
née 1836, le résultat de ses études les Allemands qui ont écrit sur les in
sous ce titre: Histoire des Vandales, vasions barbares, est toujours porté à
depuis leur première apparition sur découvrir, dans les moindres accidents
la scène historique jusqu’à la des de l'existence politique des Vandales ,
truction de leur empire en Afrique. dans ceux-là même qui ont été unique
Cette histoire est très-estimable; elle ment le résultat des circonstances for
se‘ distingue par une connaissance suf tuites et extraordinaires au milieu des
fisante des sources, souvent par la par quelles ce uple a vécu, ce que l'on
faite intelligence des textes anciens, a appelé, e-nos jours, d’un nom très
et aussi par une critique fine et quel compréhensif et très-vague, l‘in uence
quefois profonde. Ce sont là des qua germani ne. M. Papencordt éclare ,
lités incontestables que M. Papencordt, en un en roit (p. 428 ), u’une partie
avant nous, a' signalées et louées. Mais de son manuscrit était éjà livrée à
on doit ajouter que M. Marcus n’a l’impression lorsqu’il prit connais
point donnéà toutes les parties de son sance du livre de M. Louis Marcus.
ouvrage de justes proportions; qu’il Il se borne à énoncer ce fait, sans in
a sacrifié, par exemple, l’histoire de diquer les services importants que ,
la domination des Vandales en Afrique pour sa seconde partie au moins, lui a
à la discussion des origines de cette rendus son devancier. C’est un tort :
grande tribu, et à l’exposition trop un aveu plus complet n'eût rien ôté,
prolongée de ses établissements et de assurément , au mérite très-réel de
ses courses en Germanie , en Gaule et l’ouvrage de M. Papencordt.
en Espagne. On peut lui reprocher Telle est la nomenclature des ou
aussi de ne s'être jamais écarté de vrages que nous devions , avant tout ,
cette vicieuse méthode, qui, scindant, lire ‘et étudier (**). Mais nous ne nous
à chaque page, le récit par des disser
tations, enlève à une œuvre-historique et non lestyle, de M. Marcus que nous
la meilleure part de son intérêt et de louons.
sa clarté (*). (') GCJCIlic/llt der mandaliuhen Harr
:c/mft in Africa, Berlin, 1837.
”) Nos appréciations ne portent ici que (") Nous avons consulté avec fruit les
sur le fond de l’ouvrage. C'est l'érudition, - Recherche: sur l'histoire de la partie Je
AFRIQUE. e
sommes point bornés, dans nos re p’arenté avec les Slaves u’avec les
chercfies, aux travaux de la critique ermains. Nous adoptons explication
moderne. Nous avons toujours en d'un savant moderne, qui concilie 1
sous les yeux les auteurs anciens; et, deux opinions. Les Vandales, suivant
race a eux, nous avons pu quelque lui, étaient probablement mêlé: de
ois corriger des erreurs, et réparer Germain: et de Slaves (’). Le plus '
des omissions dans les livres e nous ancien document que l’on e, sur
.avons précédemment signal . Nous les Vandales atteste qu’au premier
dirons enfin 9 nous avons beau siècle de notre ère, leur population
coup emprunt aux récits de Victor flottait, si l’on peut se servir de cette
de Vita et de Procope, et que, plus expression, dans le pa‘ücompris entre
d’une ‘fois, nous avons essayé de re« l'embouchure de 1']! et celle de la
produire, par une simple traduction, Vistule. Ce fut là, sans doute,
ce qu’il ‘y avait de vif et de drama s’opéra le mélange des Slaves e
tique dans les pages que ce dernier Germains. Plus tard, à une‘
historien a consacrées aux victoires de que nous ne saurions-‘préciser, une m
Bélisaire en Afrique, à la chute de la vasion de Scandinavesîdans la partie
puissance des Vandales, et aux mal- la fplus septentrionale de la Germaine
eurs de Gélir'ner. ' - re nie les Vandales, au sud, jusqu'aux
omuuvss nns vumms; mimis montagnes du Géant. Ils habmient
mvsns É'rAnmssnnsN'rs en ami encore dans ces montagnes,“ sures‘
usms; Lava PASSAGE n ‘mina virons, lorsque éclata la guerre la
serons nana LA GAULI. —On a'dis Marcomans. Cette guerre , que iemë
cuté longuement et savamment sur les ples barbares enga ‘rent, vers 161,
origines des Vandales; on a recherche contre l'Empire. et ont nous ne ‘ne.
avec soin, et signalé avec plus ou porterons ici ni les causes, ni les inci- .
moins de vérité les premiers signes de dents, fut longue et terrible. Elle ‘eut
vie de cette grande tribu‘ au ‘sein de son retentissement-sur toutes les fron
la G'ermanie. Pour nous, nous ne vou tières de la Germanie, sur le lthin
lons point‘ nous arrêter sur cette ' comme sur le Danube; et elle coûta a
riode historique que tout'le savoir es Maro-Aurèle bien du sang ‘et d'ion. _
érudits .n’a pu encore dégager des menses efforts. Un des résultats de la
épaisses ténèbres qui l'environnaient. lutte fut’le déplacement de la ' ala
Nous abrégerons également le récit tion vandale, qui, au moment ’ Rome
des courses et des guerres en Gaule et fit la paix avec les barbares conféda'él,
en Espagne.‘ Nous avons hâte d’arriver se porta plus à l'est, vers ta Dacie.
à la conquête de l'Afrique par les Van Malgré les tentatives de Caracalla.
dales, et de présenter les résultats de en 215, pour jeter la discorde entre
ce grand événement. les peup ades germaniques ‘qui s'é—
A quelle race appartenaient les Van taient engagées dans la guerre ‘des
dales? A l'aide des auteurs anciens, on Marcomans, les Vandates véuirent en
pourrait tout aussi bien établir leur paix dans leurs nouvelles demeures, et.
ils ne re rirent les armes qu’en 270,
l'A/i'ique septentrionale connue sourie nom sous le r ne d’Aurélie‘n. Il y eut alors
de Régence d’A/ger, et sur 1'administration
et la colonisation de ce pays à l'époque de
‘un mouvement général parmi les na
la domination romaine, publiées par une tions barbares i habitaient la rive
commission de l’Académie des insu'iptions gauche du Danu . Aurélien arrét‘a ce
et belles-lettres , in-8°. mouvement et battit les Vandales. qui
D'autre part , nous avons dû accepter et lui livrèrent des otages et lui four
suivre , en plusieurs endroits . ' l'ordre par
fois systématique mais très-clair que M. Fau (’) M. Amédée Thierry; Hîst. de la Gaule
riel a introduit dans son récit des invasions sous l'administration romaine, t. II, p. 46,
barbares. Voyez le premier volume de l'liis: 5a et 53. Voyez le texte et principalement
toire de la Gaule méridionale. les notes.
4
nirent, comme troupes auxiliaires, un entre le Mein et la Lippe, ils renconc
certain nombre de cavaliers. La paix trèrent les Francs. Ceux-ci furent les
ne fut pas de ton ue durée. En 277, seuls qui, en l’absence des légions q‘ue
Probus fut obligé ’opposer une armée Stilicon avait appelées en Italie, es
aux Vandales qui s’étaient unis aux sayèrent de défendre les terres de l’Em
Burgondes. L’empereur se porta à la pire. Ilslivrèrentbataille aux Vandales;
rencontre des alliés, sur les bords du et, s’il faut en croire Grégoire de
Danube, et leur fit subir deux san-' Tours, ils leur 'tuèrent vingt mille
hommes. La foule entière des envahis-l
lgelantes défaites. Mais , à cette é oque .
s Vandales n’avaient pas seu ement seurs eût été anéantie sans l’arrivée
à combattre les Romains, ils avaient des Alains. Les Francs furent écrasés
aussi à se défendre contre les attaques ‘à leur tour. Alors les Vandales, les
des peuples, barbares comme eux, qui Alains, et les Suèves qui les suivaient
les avoisinaient. Çe fut ainsi que vers de près, ne trouvant plus de résistance,
290, à la suite d’une lutte contre la passèrent le Rhin‘ en 406. L’arrivée de
puissante nation des Goths, ils furent ces trois peuples causa à la Gaule des
obligés de quitter encore une fois leurs maux effroyables. Les barbares livrè
demeures pour aller s’établir, entre la rent à la ruine ou à la dévastation
Theiss et: le Marosch , dans le pays qui Mayen'ce , Worms, Strasbourg, Spire,
forme aujourd’hui une partie de la ' Reims, Tournai, Arras et Amiens.
Hongrie et de la Transylvanie. Ils ne Puis, ils étendirent leurs ravages au
devaient pas jouir longtemps en paix centre et au midi de la contrée; ils
de ce nouvel établissement. Avant la passèrent de la Belgi ue dans la Lyon
mort de Constantin , peut-être en 335, naise première; de ce le-ci dans l’Aqui
les Goths se précipiterent de nouveau taine, d'où , en traversant la Novem
sur les Vandales, et les forcèrent, après populanie, ils atteignirent enfin les
une grande bataille, à se rapprocher Pyrénées (407). Les Vandales, les Alains
du Danube. Les vaincus, après tant de et les Suèves réunis se disposaient à
revers, implorèrent la protection de passer en Espagne, lorsqu'ils rencon
l’Empire, et demandèrent des terres trèrent , à l’entrée des montagnes , des
aux Romains. Onieur permit alors de soldats intrépides qui les repoussèrent:
se fixer en Pannonie. sur tous les points. Ces défenseurs de
Ils vivaient en repos, dans cette pro l’Empire , Espagnols pour la plupart,
vince, depuis près d’un siècle, lorsque étaient commandés ar deux membres
la marche de la nation des Huns , de de la famille de Th odose , Didyme et
l’est à l’ouest, détermine un grand Véranien.
mouvement parmi les populations ger PASSAGE DES PYBÉNÉES; Pas
maniques. Tous les historiens ont ra mEns ÉTABLISSEMENTS DEs VAN
conté la grande invasion de l’année vDamas EN ESPAGNE. — Les barbares
406. Pressés et refoulés par les Goths repoussés se rejetèrent sur la Gaule,
et les Alains, et, peut-être aussi, frap et allèrent porter leurs ravages dans
pés d'épouvante à l’approcbe des Huns, la Septimame. Des circonstances inat
ils abandonnèrent leur établissement tendues ne devaient pas tarder à leur
de la Pa'nnonie, et marchèrent vers . ouvrir les chemins de cette 'Espagne
l’Occident. Les Vandales n’étaient pas qu’ils convoitaient. .
les seuls que les hordes asiatiques eus Pendant que l’indigne fils de Théo
sent déplacés. Au moment même où dose, Honorius, se tenait renfermé
ils se préparaient à passer en Gaule, dans son palais pour se dérober aux
d’autres nations barbares se précipi dangers qui menaçaient son empire,
taient, par grandes masses, sur l’Ita les légions de la Grande-Bretagne re
lie. Pour eux , ils s‘acheminèrent en vétirent dela pourpre un simple sol
même temps que les Alains, mais par dat, appelé Constantin. Celui-ci passa
des routes diverses. vers le Rhin. Près dans la Gaule, qui, presque tout en
de ce fleuve, dans le pays compris tière, grâce aux barbares, reconnut
AFRIQUE. 5
son autorité. Quand l'usurpateur eut rieux par l'habitude du sang et par la
autour de lui des forces assez considé faim , poursuivirent les hommes pour
rables, il voulutjoindre l’Espagne à ce les dévorer. La peste, suite inévitable
qu’il possédait déjà, et il envoya dans de la famine, vint bientôt mettre le
la Péninsule son fils Constant et Gé comble à la désolation; la plus grande
rontius. Ces deux chefs entrainèrent partie des habitants en fut la victime,
à leur suite quelques-unes des bandes et la vue des mourants n’excitait que
de barbares que I'Empire avait enrôlés, l'envie de ceux qui leur survivaient.
et qu'on appelait les Honoriens. Ils en Enfin les barbares, rassasiés de meur
trèreîit en Espagne; et, malgré l'hé tres et de brigandages, et atteints eux
roïsme de quatre frères, liés par le mêmes de la maladie contagieuse dont
sang à la famille de Théodose, et ils étaient les funestes auteurs, se ren
parmi lesquels on distin uait encore fermèrent dans le pays u’ils avaient
Didyme et Véranien , ils orcèrent les dépeuplé. Les Suèves et es Vandales
habitants de la province à reconnaître se partagèrent l'ancienne Gallécie , où
Constantin. Après cette expédition, le le royaume de la Vieille-Castille se
vainqueur, comptant sur la fidélité des trouvait enclavé. Les Alains se répan
Honoriens, les chargea de défendre les dirent dans les provinces de Cartha
gorges des Pyrénées. .Mais bientôt Gé gène et de Lusitanie, depuis la Médi
rontius abandonna l'empereur que, terranée jusqu'à l'océan Atlantique.
jusqu'alors, il avait servi avec dévoue Les Silinges, branche de la nation des
ment, et il prit les armes pour le ren Vandales , s'emparèrent du territoire
verser. Au moment où Constantin se fertile de la Bétique (*). »
défendait avec peine, au midi de la
Gaule, contre son lieutenant révolté, (') Voici ‘un passage que nous emprun
les Vandales, les Alains et les Suèves tous à M. Marcus, sur le partage de l'Es
se dirigèrent de nouveau vers les Py pagne par les barbares: « Les Vandales, les
rénées. Mais , cette fois, ils ne trou Alains et les Suèves, voulant éviter tout
vèrent plus aux défilés de la montagne sujet de discorde entre eux‘, se partagèrent
au sort les provinces de l‘Espagne. Des cinq
ces braves soldats qui, sous la con provinces formant la division établie par
duite de Didyme et de Véranien , les Constantin le Grand, les Vandales et les
avaient 'si vigoureusement repoussés. Suèves obtinrent la Gallécie, c‘est-à-dire la
Ils ne rencontrèrent que les Hono Galicic actuelle , Trasoos-Montes , Entre
riens, riches déjà des dépouilles qu’ils Duero-e-Minho, les parties septentrionales
avaient amassées à la suite de Géron des royaumes de Léon et de la Vieille-Cas
tius, et qui, avides de piller encore, tille , les Asturies et la Biscaye, en d'autres
livrèrent tous-les passages dans l'es termes , tout le pays compris entre le cou
pérance, sans doute, de se mêler aux rant du Duero, la mer et la Sierra. d’Oca;
envahisseurs. Après avoir franchi les les Alains , la Lusitanie et la. carthaginoise,
Pyrénées (409), les barbares se répan c’est-Îædire la partie du Portngal qui est con
dirent comme un torrent dans toutes tenue entre le Duero au nord et le Gua
les parties de l'Espagne. Un grand his diana au midi, l’Estramadure et le district
torien , Mariana, a tracé en quelques de la Nouvelle-Castille, qui est situé entre
lignes le tableau de cette terrible inva la Guadiana et le Tage, à l'ouest de Tolède,
sion : « L’irruption de ces peuples fut puis Mnrcie et Valence; les Silingi , un des
deux peuples vandales, la Bétique , c'est
suivie des plus affreuses calamités. Les à-dire le pays arrosé au sud par la mer, et
barbares pillaient et massacraient in au nord et à l'ouest par la Guadiana. Le
différemment les Romains et les Es reste de l‘Espagne , c’est-à-dire la province
pagnols , et ravageaient avec la même tarraconaise, fut laissé aux Romains ou
fureur les villes et les campagnes. La plutôt à Géronce, l'ancien allié des barba
famine réduisit les malheureux habi res, et qui les, avait favorisés dans leurs
tants à se nourrir-de chair humaine; conquêtes.» HL". des Vandales, etc., p. 84.
et les animaux sauvages, qui se multi Après avoir cité ce passage, nous devons
pliaient sans obstacle, rendus plus fu aieuler que les auteurs anciens, dans cette
3
On a prétendu que les peuples bar classe des travailleurs libres; qnandon
bares qui avaient envahi l'Espagne ré connaît enfin les innombrables vexa
glèrent , par le sort , le partage du tions. auxquelles. étaient soumis tous
zpys conquis. Mais il. est plus vraisem ceux qui vivaient sous la loi de Rome,
able , suivant la remarque d'un hisy on ne regarde plus comme vaines ou
torien moderne , que les lots furent exagérées les, paroles. de Salvien et
plus ou moins exactement âroportion d’Orose, qui attestent que les rovin
nés à la force. relative es parta ciaux regarderont plus d'une ois les
géants. barbares comme des libérateurs. L'ES
Les paroles de- Mariana nous ont pagne, il n'en faut pas douter, se
fait connaître les premiers résultats de trouva plus heureuse après l'établisse
l'invasion. Il faut ajouter, toutefois, ment des Vandales , des Alains et des
que le pillage, la dévastation, les meur Suèves, qu'au temps où elle obéissait
tres, les désordres de toute espèce à Honorius. Mais le repos et cette sorte
cessèrent au moment où les barbares de bien-être qui suivirent la première in
purent croire qu'ils avaient trouvé vasion ne furent pas de longue durée.
enfin, après leurs ion ues courses, des Les Goths s’approcbaient, qui devaient
établissements assur 5. Des rapports, encore apporter, dans la Peninsule , la
ne le besoin de la paix devait rendre guerre. les désordres et la dévasta
e plus en plus faciles, s'établirent tion. _
bientôt entre les vainqueurs et les vain secouru: coNQUÊ'rn ma n’nspacun
cus. Forcés de vivre avec les Romains PAR LES VANDALES. — chassés de la
dans un perpétuel contact, les. Van Gaule par Constance, l'un des plus
dales, les Alains et les Suèves cher habiles généraux de l’Em ire, les
chèrent, par nécessité, à se concilier Goths, commandés par Atau fe, fran
les populations au milieu desquelles chirent les Pyrénées , et envahirent la
le hasard, autant que leur volonté, les portion de l'Espagne qui était restée
avait jetés et disséminés. Ils laissèrent au pouvoir des Romains. Peu de temps
aux Espagnols une portion de leurs après , Ataulfe fut assassiné dans son
terres , les biens meubles qui avaient palais de Barcelone. ‘Mais celui qui
échappé aux premiers désordres de la profita du crime fut tué, à son tour,
conquête, et ils s'efforceront moins après un règne de sept jours (415). La
d'anéantir la civilisation romaine, que nation reconnut alors, pour roi, Wal
de s'y conformer et de se modifier. lia, frère d'Ataulfe. Sous ce- nouveau
Les barbares, suivant l'expression d'un chef, les Goths se firent, en Es agne,
ancien historien, quittèrent alors l'épée les, auxiliaires des Romains et i 5 com
pour la charrue; et. il semblait qu’ils mencèrent , contre les barbares qui les
voulussent , par les travaux de l'agri avaient devancés dans la Péninsule,
culture, faire disparaître du sol de une guerre qui dura'deux ans (416
l'Espagne les vestiges de leur invasion. 418). Ils exterminèrent d'abord les
Quand on se reporte, par la pensée, Vandales - Silingi qui s'étaient établis
aux cinq premiers siècles de notre dans la Bétique , puis ils battirent les
ère; quand on songe à ce qu’il y avait Alains. Ceux qui purent échapper au
alors de dur, de violent, d'oppressif fer des vainqueurs se réfugièrent en
dans l'administration romaine; quand Galice, auprès de Gundéric, chef de
on énumère les désastreux résultats l'autre portion de la nation vandale.
de cette fiscalité aussi préjudiciable Les historiens anciens nous ont appris
aux campagnes qu'aux villes, qui anéan ne Wallia ne songea pas toujours à
fissait la petite propriété, arrêtait les aire la guerre au profit des Romains.
développements du commerce et de Ainsi, il voulut, comme autrefois Ala
l'industrie, diminuait incessamment la ric, conduire les Goths en Afri ne.
Mais une tempête ayant englouti, ans
question du partage, sont loin d'être aussi le détroit de Gadès, une partie de la
rigoureux et aussiprécis que M. Marcus. flotte qui portait ses trésors et sor
AFRIQUE. 1
armée, il renon a à son expédition. de foi disent des choses singulières de
Trop faible, dès ors, pour songer aux leur conduite en ce moment de dé
vastes entreprises, il accepta la pro tresse. Ils se présentèrent sur le champ .
position que lui lit l’Empire, de s'étaa de bataille, faisant porter en cérémo
lit, avec sa nation, au midi de la nie, devant eux, je ne sais lequel des
Gaule, où on lui céda la seconde Aqui livres,sacrés des chrétiens, la Bible
taine et la Novempopulanie (419)‘. ou l’Evangile. Sans prendre arde à
Quand les barbares Vandales, Alains cet acte de piété des Vandales, ’armée
et Suèves, que Wallia avait refoulés romaine fondit sur eux , comme sûre
dans les montagnes du nord-ouest de de la victoire. Ce fut elle qui fut plei
‘l’Espagne, apprirent que les Goths nement défaite, mise en fuite, et ne
avaient abandonné la Péninsule, ils s’arrêta qu’à Tarracone, après avoir
reprirent les armes pour conquérir de perdu près de vingt mille hommes
nouveau les riches provinces du Midi, (422) Q‘). » Un officier, renommé déjà
d’où la force les avait expulsés. Alors dans l’Empire pour ses actions d‘éclat
recommencerent les désordres de la et son habileté dans la guerre , Boni
première invasion‘. face , avait accompagné Castinus dans
La mésintelligence éclata bientôt son expédition. Mais voyant avec peine
entre les Suèves et les Vandales. Les l’inexpérience de celui qui dirigeait
Romains crurent sans doute que, grâce les opérations, blessé ar ses hau
à cette désunion, ils pourraient enfin teurs, et prévoyant d’ail eurs le mau
arracher l’Espagne aux barbares. Mais vais résultat de l'entreprise , il quitta
ils furent trompés dans leur attente; l’armée avant la bataille. On raconte
et, au moment même où Astérius ve aussi que les Goths abandonnèrent , au,
nait prêter aux Suèves les secours de moment décisif, le général romain.
l’Empire, les Vandales, par un brusque Après cette trahison. tous ne revinrent
mouvement, se- jetèrent sur la Béti point en Gaule , et Théodéric vit sans
ue qu'avaient occupée autrefois leurs doute un grand nombre des siens se
rères les Silingi (420). Ils achevèrent mêler aux futurs conquérants de l’A
en peu de temps la conquête de toute frique.
la partie'méridionale de la Péninsule. Après la défaite de l’armée impé
C'est depuis cette double occupation riale, les Vandales se trouvèrent les
par les Vandales que la Bétique prit le seuls maîtres du pays. Ils parcou
nom d'Andalousie (Vandalousia) que rurent alors, en ravageant et en pillant,
nous lui donnons encore aujourd'hui. l’Espagne dans tous les sens, et rui
Cependant les‘ Romains ne pouvaient nèrent Séville et Carthagène. Les maux
se résigner à laisser au pouvoir des de la Péninsule furent portés au com
barbares la plus belle et la plus riche ble, quand les barbares, joignant le
des provinces de l’Espagne. Ils ras fanatisme et l’intolérance à leurs pas
semblèrent donc une armée considé sions ordinaires, exercèrent contre les
rable, à la tête de laquelle on plaça catholiques, par esprit de secte, de
un général plus présomptueux qu’ha violentes persécutions. L’Espagne fut
bile , Castinus. L armée romaine , qui ainsi soumise, pendant six ans, à la
comptait dans ses rangs un grand nom
bre d’auxiliaires goths commandés par (‘) M.Fauriel ; Histoire de la Gaule me’
Théodéric, entra dans l’Andalousie, ridionalt, t. I , p. 153. Nous ne partageons
où elle ne tarda pas à rencontrer les pas l’opinion de M. Fauriel, qui croit qu'en
l'année 422 les Vandales étaient encore
Vandales. « Attaques par une armée païens. Nous pensons, comme nous l'avons
très-supérieure à la leur, les Vandales dit récédemment, qu’en Pannonie, déjà ,
semblaient devoir être exterminés; ils le cb’rislianisme avait fait‘ de grands pro
furent en effet très-vivement poussés grès parmi eux. Nous ajouterons même que
et réduits à une position désespérée, ce fut, suivant nous, dans les contrées
dans laquelle il leur fallut accepter une voisines du Danube qu’une partie de la na
bataille décisive. Des écrivains dignes tion adopta l'arianisme.
plus intolérable des dominations. Puis, naître un officier du palais, appelé
quand les Vandales eurent enlevé au Jean , qui s’était fait proclamer empe
pays ses dernières ressources, ils firent reur en Italie; et il aida de ses armes
des courses au dehors; montés sur les et de ses conseils Placidie, et son jeune
vaisseaux qu’ils avaient trouvés a Car fils Valentinien. Les efforts du gou
thagène, ils se livrèrent à la piraterie, verneur de l'Afrique, dans ces moments
et , s'il faut en croire d'anciens récits, de troubles , furent plus efficaces que
ils visitèrent plus d'une fois , pour les tous les secours venus de l'orient
iller, les îles Baléares et les côtes de pour renverser l'usurpateur. Placidie
a Mauritanie (425-428). Les barbares était donc redevable à Boniface du
étaient à peine entrés dans les provin pouvoir qu'elle allait exercer au nom
ces méridionales de l'Espagne. qu'ils de son fils Valentinien. Aussi, dans
portèrent leurs regards vers l'Afrique; les premiers moments de sa joie et de
et dès lors, comme les Goths, au temps son triomphe, elle se montra recon
d'Alaric et de Wallia , ils aspirèrent à naissante pour celui qu'elle regardait
la possession de cette chaude et riche comme le plus habile et le plus loyal
contrée. Toutefois ,' ils hésitaient en défenseur de l’Em ire. Mais bientôt
core à franchir la mer étroite qui les les vues coupables ’un ambitieux en
séparait de la Mauritanie, lorsque le levèrent à Valentinien son meilleur
comte Boniface mit fin à leurs irréso général et sa plus riche province. Aétius
Iutions, et leur fournit l'occasion et voulait faire oublier, par des excès de
les moyens d'accomplir la conquête zèle, son ancien attachement pour
qu’ils avaient rêvée. l'usurpateur et ses rapports avec les
Le cours nommez. —Tous les barbares. D'autre part, il songeait à
écrivains du cinquième siècle s'accor perdre Boniface, dont la gloire et la
dent à voir, dans Boniface, un grand 0 auté l'importunaient. Il fit croire à
homme de guerre et un habile admi P acidie que le gouverneur de l'Afrique
nistrateur. Cependant, il est vraisem trahissait I’Empire. Il ajoutait, pour
blable qu'ils ne nous ont transmis que donner plus de poids à'ses paroles,
la moindre partie des actions glorieu qu'assurément Boniface refuserait d’o
sesde celui qu’ils ont tant loué. On béir, si on le rappelait en Italie. Pla
sait que déjà , en l'année 413, Boniface cidie recourut a l'expédient u'on
s'illustra en défendant Marseille contre lui indiquait. Elle rappela Boni ace;
les Goths. Nous avons dit que lus mais celui-ci, averti par Aétius que
tard , en 422, il avait pris part à 'ex de grands dangers e menaçaient
pédition de Castinus, mais qu’il s'était s'il venait pour se justifier, ne tint
retiré assez tôt pour qu'on ne pût lui compte des lettres impériales, et il re
reprocher d'avoir contribué au mau; fusa de quitter l'Afrique. L'intrigue
vais succès de l'entreprise. Honorius avait donc réussi : on croyait, dans le
aurait pu , sans doute, accuser Boni palais, à la trahison de Boniface; et
face d'avoir abandonné l’armée ro oniface, de son côté, accusait l’em
maine au moment du danger; mais il pereur et sa mère d‘ingratitude. Placi
préféra, dans ces temps désastreux, die résolut alors d'envoyer des troupes
ménager un homme qui pouvait servir contre le rebelle. Elle les confia à trois
utilement l'Empire, et Il le fit partir chefs‘, Mavors, Galbion et Sinox, que
pour l'Afrique , dont il lui avait con Boniface défit successivement. Les
fié le gouvernement. Boniface, dans conseillers de Placidie et de l'empereur
sa ‘province , mit tous ses soins à com« ne perdirent point courage après cet
primer les soulèvements des Maures échec; ils rassemblèrent une armée
ou des Romains séditieux; il adminis considérable, qu’ils placèrent sous les
tra sagement, et se montra juge sé ordres de Sigiswulde. Dans ce pres
vère , mais équitable et éclaire. sant danger, et parce qu’il sentait qu’il
La mort d’Honorius n’ébranla point ne pouvait lutter seul avec succès con
sa fidélité. Il ne voulut pas recon tre toutes les forces de l‘Empire, Bo—
AFRIQUE. 9
niface s'adressa aux Vandales. Il fit captivité. Enfin, on a énuméré, parmi
savoir au chef de la nation qu’il était les motifs qui ont pu déterminer les
prêt à partager I’Afrique avec lui . s’il Vandales à passer en Afrique , l’espé
renait l’engagement de l’aider et de rance bien fondée qu’ils avaient de
e défendre contre leurs communs en voir accourir auprès d’eux, pour les
nemis. Les Vandales acceptèrent avec aider, les Maures, tous les sectaires
joie cette alliance qui leur ouvrait le persécutés , les Romains mécontents ,
chemin d’un pays qu’ils convoitaient et le comte Boniface.
depuis longtemps, et qui leur donnait, Nous croyons qu’on ne peut faire
pour auxiliaire, le plus redoutable des un choix parmi ces causes diverses, et
omains. que, pour être vrai, on doit les accep«
causes DE L'INVASION DES VAN ter toutes. Cependant, à tant de rai
DALES EN AFBIQUE. -- Par quels mo sons allé uées jusqu’ici par les histo
tifs les barbares, qui se trouvaient en riens, il aut ajouter. suivant nous, le
possession de l'Andalousie, ont- ils vague instinct qui poussait chaque jour
quitté , pour une lointaine expédition, les barbares à se mouvoir et à se dé
pour un établissement incertain'sur placer. Quand ils s’engageaient dans
une terre qu’ils ne connaissaient pas, des voies inconnues, ils marchaient
cette riche et belle contrée qui les in hardiment, car ils croyaient obéir à
vitait à un long séjour? Plus d’un une mystérieuse et fatale impulsion.
historien a essayé de résoudre cette « La main de Dieu , dit Salvien, qui
uestion. On a dit que l’Espagne of. avait jeté les Vandales au delà des Py
rait aux’ Vandales une position trop rénées pour châtier l’Espa ne , les con
défavorable. Là , en effet , ils avaient duisait à la dévastation e l’Afrique.
à redouter non point seulement les Ro Ils n’agissaient point en vertu de leurs
mains, mais encore les Goths, ces an. ropres déterminations; vc’était, de
ciens et terribles ennemis qui avaient eur aveu , une force irrésistible, di
déjà visité plus d’une fois la Péninsule. vine, qui les entraînait. »
Le souvenir des victoires de Wallia ENTREE nes VANDALES EN AFRI
était présent à tous les esprits. Puis, QUE; ronces m nnssouncns DES
pour ces hordes qui voulaient encore nnvsmsssuns; CONQUÊTE nks 'rnols
piller et s’enrichir, l’Espagne était un MAUBITANIES. —Au moment où les
pays épuisé. D’autre art', pour les Vandales, à I’a pel de Boniface, fai
courses au dehors et a piraterie, la saient leurs pr paratifs pour passer. en
contrée était mal choisie; il fallait une Afrique , le roi Gundéric fut assassiné.
position plus‘ centrale, sur les côtes Les récits opposés des contemporains
d'Afrique, par exemple, et sur ces n’ont pu jeter un voile sur cet événe
côtes, une ville comme Carthage , qui ment. Tous les historiens modernes
eût également à sa portée l’orient et s'accordent à dire que Genséric , fils
l'occident. D’ailleurs , occuper l’Afri illégitime de Godigiscle, et frère de
que, c’était enlever à l’Empire la meil Gundéric , fut l'auteur du crime. Nous
leure artie de ses forces; c’était tarir, devons ajouter que les Vandales ne pa
our ui , les sources de la vie , que de raissent oint avoir hésité à prendre
ui prendre cette province qui était, pour chegle meurtrier qui , lus d’une
depuis plusieurs siècles , le grenier du fois, sans doute, leur avait onné lieu
monde. On a dit aussi que Genséric, d'admirer son habileté et ses auda
en conduisant les Vandales en Afri cieuses résolutions.
que , n’avait d’autre but que de légitiv La mort de Gundéric n'ajourna as
mer, à leurs yeux , son élévation nou la conquête de l’Afrique. D’un côté. es
velle. Il voulait faire oublier, par une Espagnols , qui désiraient ardemment
expédition glorieuse , ne lui, fils illév débarrasser la Péninsule de ses barba
itime, avait tué son rère Gundéric, res envahisseurs, et, de l’autre, les émis
c vrai roi, et qu’il retenait ses dix ne saires de Boniface envoyaientde toutes
veux, avec leur mère, dans une dlfl‘e parts, au détroit de Gadès, les vais,
10
seaux qui devaient transporter en Mau des armes romaines. Les Maures et»
ritanie, ‘Genséric et sa nation. La rants hasardèrent peu à peu de s'ap
foule s’apprétait au départ, lorsqu’on procher du camp des Vandales; ils
apprit que les Suèves ravageaient les considéraient avec surprise les armes,
terres que les émigrants avaient aban les vêtements, l’air martial et la disci
données. Pour préserver, sans doute, pline de ces étrangers. La figure blan
de futures incursions ceux des siens che et les yeux bleus des uerriers
qui, pour- des causes diverses, res germains devaient, à la vérit , former
taient en Andalousie, Genséric ras un contraste bien frappant avec la
sembla son'armée , et se mit à la pour couleur olivâtre et les yeux noirs- des
suite des Suèves. Il les atteignit près voisins de la zone torride. Lorsque les
de Mérida, et les précipita, avec leur Vandales eurent vaincu les premières
chef Hermigar , dans la Guadiana. difficultés qui naissent de l’ignorauce
Après cette victoire, il rejoignit sa mutuelle d un langage inconnu , les
flotte, et s’embarqua our l’Afrique Maures embrassèrent sans hésiter l’al
au mois de mai de l’ann e 429. « Notre liancê des ennemis de Rome; une
imagination , accoutumée à exagérer et foule de sauvages nus sortirent de
à multiplier les essaims de barbares leurs forêts et des vallées du mont
qui semblaient tous sortir du Nord, Atlas, pour rassasier leur vengeance
sera étonnée sans doute du petit'nom sur les tyrans civilisés qui les avaient
bre de combattants ue Genséric dé chassés'de leur pays natal (*). »
barqua sur les côtes e la Mauritanie. Mais ces Maures, ennemis de la ci
‘Les Vandales, qui, dans le cours de vilisation et des Romains, ne furent
vingt ans, avaient pénétré depuis l’Elbe pas les seuls auxiliaires que rencon
jusqu’au mont Atlas , se trouvaient trèrent: les Vandales en débarquant sur
réunis sous le- commandement de leur les côtes de l’Afrique. Les Romains
roi. Son autorité s’étendait sur les eux-mêmes, suivant la remarque de
Alains, dont la génération existante Gibbon, devaient leur prêter aide et
était passée des régions glacées de la appui. Nous avons dit, en parlant du
Scythie sous le climat brillant de l'A séjour des Vandales en Espagne, com
frique. Des aventuriers goths, attirés ment il se pouvait faire que les hom
par l’espoir du pillage , accouraient mes vivant sous la loi de Rome préfé
sous ses drapeaux; et des provinciaux, rassent parfois les troubles et les
ruinés et poussés au désespoir, s’enrô violences de la domination barbare
laient, dans l’intention de réparer leur aux rigueurs de l’administration im
fortune par les mêmes moyens qui la périale. En Afrique, comme en Eu- '
leur avaient enlevée. Cependant l’ar rope, on trouvait cette odieuse et im
mée de Genséric ne montait qu’à cin pitoyable fiscalité qui ruinait les villes
quante mille hommes effectifs; et , et les campagnes (**). Il est donc vrai
quoiqu’il tâcbât d’en augmenter l’ap semblable que la masse des proprié
parence , en nommant quatre-vingts taires urbains ou ruraux que le fisc
chiliarques ou commandants de mille avait dépouillés, jetés dans la plus dé
soldats , le supplément illusoire des plorable des conditions, et u’il pour
vieillards , des enfants et des esclaves suivait encore, se rangea u coté de
n’aurait pas suffi' pour orter la tota Genséric. Mais, de tous ceux ui don—
lité à quatre-vingt mille iommes. Mais nèrent assistance aux Vanda es, les
l’adresse du général et les troubles de
l’Afrique lui procurèrent bientôt une (’) Gibbon; Histoire de la décadence et
multitude d’alliés. Les cantons de la de la chute de Ïempire romain , ch. 33.
Mauritanie qui bordent le grand dé- ' ("‘).Je renvoie ici au chapitre intéressant
sert et l’océan Atlantique, fourmil où M. Papencordt parle de l‘état de l’Afrique
taient d’une race d’hommes hardis, avant l’arrivée des Vandales; Gesehictlzte de;
dont le caractère sauvage avait été vandalischen lierne/loft in Africa. Voy. liv.
plus aigri que corrigé par la terreur 1, ch. a, p.21 et suiv.
AEBLQUEm, Il
rifle empressés, les plus ardents furent . Dès leurlentrée en Afrique, les Van
es sectaires connus, dans l'histoire,‘ dales portèrent. dans tous les lieux ha
nous le nom de donatistes. Ils avaient bités qu’ils rencontrèrent sur leur
hâte de se venger, sur les catholiques, passage , le fer et la flamme. Les riches
de toutes les persécutions que l'into et populeux établissements fondés sur
lérance des empereurs leur avait fait la côte par les carthaginois ou les
subir. On les avait traités jusqu'alors Romains furent anéantie. Pour expli
avec une excessive rigueur. Ils étaient quer les effroyables excès auxquels se
assimilés aux criminels d’Étatn Leurs livrèrent alors les barbares, on est
évêques, leurs prêtres étaient privés de obligé de supposer qu'ils furent ani
leurs biens, soumis à une rigoureuse més, dans leur œuvre de destruction,
surveillance , et souvent envoyés dans par la rage aveugle ‘des Maures et l’es
un lointain exil. Ils ne pouvaient invo prit de vengeance des donatistes per
quer leurs droits-de citoyen. Les lois sécutés. Ce fut ainsi que les Vandales
n’étaient pas moins sévères contre les parcoururent, massacrant et rava
laïques. Nul ne se montra plus intolé geant , les trois Mauritanies, et qu’ils
rant et plus impitoyable, contre les arrivèrent au fleuve Ampsaga, qui de
artisansvde l’hérésie , ue l’empereur vait être , aux termes du traité conclu
onorius. La crainte es châtiments avec Boniface, la limite de leur em
arrêta seule les plaintes et les protes pire (*).
tations des donatistes. Seulement, ils EEPsN'rIn DE sommes; 1L nm!
cherchèrent à se rapprocher des ariens , xnE AVEC LEs SIENS sous L’om'ns
et. à confondre les intérêtsdes deux SANCE nE VALENTINIEN; IL PEnn
hérésies. Ainsi, quand on envoya une UNE BATAILLE courus GENsEnIc;
armée contre Boniface révolté, ils es srEGE n’mP'roNE. — A la première
sayèrent de mettre dans leur parti les nouvelle de la marche rapide des Van
Goths. que l’empereur avait en agés, dales et de leurs dévastations, Boniface
pour l’ex édition d’Afrique. Ce ait a dut regretter amèrement, sans doute,
été signa é dans ces lignes de saint Au d'avoir tiré de l’Espagne ces terribles
gustin: «,.Plusieurs donatistes voulant auxiliaires. Il est vraisemblable que
se concilier les Goths, arce qu’ils les déjà il avait songé, dans son intérêt
croient puissants , pretendent qu’ils propre, à s'opposer en armes à Gen
sont ariens comme eux. Mais , en cela , séric, qui, chaque jour, se rappro
ils sont condamnés par l’autorité des chait davantage de la Numidie, lors.
traditions qu’ils ingvoquent, car il est
avéré que Donat, qu’ils reconnaissent toire de Carthage, deuxième partie, p. 153.
et qu’ils honorent ‘comme leur chef, Nous renvoyons, en outre, pour ce‘ point
n’a jamais parta é. les croyances d’A historique très-important, à quelques pas
rius (ep. 185, a pomfaco. » Enfin, sages curieux que l’on trouve dans les ou
pour compléter cette nomenclature vrages suivants de saint Aiigustin : Sermo
des ennemis naturels de la ‘puissance xxv, de Verbe a “01.- Tractatu: u, in
romaine, ajoutousäque Genseric devait epistol. Iohannu'. -— .Ez zm'iio epistol. ad
encore trouver des; auxiliaires, moins, lloman.— Epist. cvm, {14.
il est vrai, en Mauritanie qu'aux en (’) Au temps de Constantin, dans la di
virons de Carthage , dans les restes de vision administrative des provinces, la Mau
ritanie Tingilane, la plus occidentale des
la race punique. Cette race,‘qui avait trois Mauritanies, avait été placée dans la
survécu à tant de catastro he, n’avait préfecture des Gaules, et dans le diocèse
perdu alors, malgre son ong contact d’Espagne. Les deux autres Mauritanies re
avec les étrangers, ni son caractère levaient de la préfecture d’Italie, et du dio
gämre, ni sa langue, ni, sa vieille cèse d'Afrique. La Mauritanie Tingi’tana
‘ne contre les Romains (’). s'étendait de l'Atlantique au Malva; la Mau
ritanie Césarienne, du Malva au Serbèle; la
(") Voyez , dans ce volume, sur la persil Maurilanie Sitifienne, du Serbèle à l'Amp
tance de la race punique en Afrique, 1'111‘: saga, qui la séparait de la_Numidie.
12
qu’il se réconcilia avec Placidie et vainqueurs ne tardèrent point à &
Valentiuien. On s'étonnait, et non sans siéger.
cause,dans I’Empire,que l’officier loyal La place où Boniface avait cherché
qui avait servi avec tant de zèle l'em refuge était forte, et , sans doute, bien
reur et sa mère, au temps de leurs ourvue d'armes et de vivres. D'ail
infortunes, eût attendu, pour les aban eurs, elle communiquait librement,
donner et les trahir, qu'ils fussent heu par la mer, avec le dehors; et elle pou
reux et tout-puissants. Placidie, de vait espérer ainsi , en cas de siége, de
son côté, avait cherché en vain les ne manquer jamais de soldats et de
causes de cette brusque rébellion. Ce munitions. Les Vandales arrivèrent
pendant, soit que les accusations d'Aé sous les murs d'Hippone, en 430, dans
tius, a rès mûre réflexion, inspirassent l'été. Les historiens modernes hési
de la éfiance , soit que les plaintes ou tent à croire que, pour réduire la place
les confidences de Boniface eussent assiégée, ils aient employé l'affreux
seules éveillé les soupçons, la cour de moyen qui nous a été signalé par les
Ravenne se décida à pénétrer ce mys auteurs contemporains (‘). Ils rassem
tère. Un officier du palais, Darius, se blaient , suivant Victor de Vita , leurs
rendit en Afrique; et là , dans ses en prisonniers autour des villes, et les
tretiens, il chercha à saisir le motif égorgeaient. Puis, ils laissaient les ca—
secret d'une rébellion qui avait déjà davres à l'air, dans l'espoir que leur
causé de si grands dommages à l‘Em décomposition prochaine porterait au
pire. Les entretiens qu'il eut alors avec milieu des assiégés les ‘maladies et la.
Boniface ne lui laissèrent bientôt au mort. Les Vandales, comme les autres
cun’ doute sur la double trahison d'Aé peuples de race germanique, se sont
tius. Il fit connaître à Placidie les ré montrés, dans le cours de leurs inva
sultats de sa mission. La mère de sions, assez violents et assez féroces
Valentinien n'osa punir le coupable pour qu’on puisse adopter, sans crainte
qui aurait pu tourner contre l'Empire d'erreur, le témoignage de Victor de
les troupes qu'elle lui avait confiees; Vita. Au reste, quels qu'aient été les
mais elle fit part à Boniface de ses moyens employés alors pour obtenir
vifs ‘regrets, et lui rendit, avec ses an
ciens titres, toute sa confiance. Cepen milles de distance environ de l'emplacement
dant la réconciliation venait trop tard. ' d'llippone.
Déjà les Vandales, qui ne comptaient (') M. Marcus, l’apologiste passionné de
plus sur l'alliance et la coopération de toutes les actions des Vandales et de Gen
Boniface, étaient entrés en Numidie. séric , essaye, sur ce point, d'infirmer l'au
Le général romain voulut d'abord né torité de Victor de Vita. On verra, par le
gocier avec ses anciens alliés, et il es passage suivant, que M. Marcus n'a pas
saya, mais en vain, à l'aide de grandes toujours autant d'habileté ne de bonne
promesses, de les renvoyer en Es volonté : x Pour ma part, it-il avec une
pagne. Dès lors, il n'y avait plus à hé sorte d'indignation, je pense que Victor ‘de
siter. Boniface rassembla a la hâte Vita calomnie les Vandales dans ce cas,
toutes les troupes dont il pouvait dis comme dans beaucoup d'autres, ou qu'il
poser, et il vint pour arrêter par la exagère du moins les faits qui se sont passés.
force, la marche et les progres des Que les Vandales aient ramasse’, dans les
envahisseurs. Il rencontra les Vandales plaines, les cadavres des hommes et des
animaux morts dans les combats, au de
non loin de l'Ampsaga, et leur livra
toute autre manière, qu'il: le: aient jeté’:
bataille. Mais il fut vaincu, et il per dans le: fasse’: dt: forteresses et devant les
dit dans l'action ses meilleurs soldats. murs et le: artel, pour empesler l'air; c'est
Après cette défaite, il courut se jeter très-produit. ... . mais qu'ils aient e'gor e‘
dans la ville d'Hippone C’), que les les prisonniers pour augmenter le nom re
de: cadavres“... c'est Victor seul qui le
(‘) Hÿzpo-Regim. La ville connue aujour pre'lend. n Histoire des Vandales, etc., p.
d'hui sous le nom de Boue , est bâtie à deux r46. -
AFRIQUE. 13
la reddition d’Hippone, il est avéré. barbares triomphèrent. As ar aban
que les assiégeants ne furent as heu donna bientôt ses alliés et ’Afrique;
reux dans leurs premières op rations. remontant sur ses vaisseaux, avec les
Saint Augustin se trouvait dans la débris de ses troupes, il reprit le che
ville assiégée. Les Vandales avaient à min de Constanuno le. Ce fut après
peine franchi le détroit de Gadès, que, la victoire des Van ales que la ville
déjà , il avait prévu les désastreux ré d’Hippone capitula (août 431).
sultats de l’invasion. Plus tard, quand Vaincu et ne pouvant désormais ré
il apprit les souffrances de la Maurita sister à Genséric, Boniface revint en
nie, et aussi , eut-être, quand il con Italie. Il se présenta hardiment, dans
nut l’alliance es donatistes, ses enne le palais de Ravenne, à l’empereur et
mis, avec les envahisseurs, sa frayeur à sa mère, qui, malgré sa trahison
fut telle, qu’il songea, dit-on, à ren passée et ses défaites, l’accueillirent
dre la fuite. Mais cette frayeur fîlt de avec distinction, et lui donnèrent le
courte durée, et elle fit place, dans son titre de atrice. Placidie et Boniface
âme, à de généreuses résolutions. Il ne cessaient de déplorer leur fatale er
voulut rester et mourir au sein de reur, et ils songeaient sans doute aux
cette Église catholique d’Afrique, dont moyens de punir le premier auteur des
il était le plus ferme et le plus illustre maux qui pesaient alors sur l’Afrique,
défenseur. Il ne sortit point d’Hip lorsqu'ils apprirent qu’Aétius, par un
pone à l’approche des barbares; et, excès d’audace , avait franchi les Alpes
quand la vile fut assiégée, il prodi avec une armée de barbares. Il venait
gua , comme évêque et comme citoyen , our se débarrasser de son rival par
aux habitants et à Boniface, les encou a force. Boniface, de son côté, ras
ragements et les consolations. Saint sembla des troupes‘; et, pour ne point
Augustinmourut endant le, siège , le s’éloigner de l’empereur et de Placi
28 du mois d’août e l’année 430. Mais, die , c’est à Ravenne même qu’il atten
avant d’expirer, il eut la douleur d’ap dit Aétius. Enfin arriva la bataille ui
prendre ne les Vandales, se livrant à pouvait seule terminer la querelle es
des expeditions partielles , avaient deux plus illustres généraux de l’Em
étendu leurs ravages dans les rovinces pire. Boniface triompha; mais il ne de
avoisinantes. « Il voyait, dit ’agiogra vait point recueillir les fruits de sa
Èhe Possidius, que, parmi les Innom victoire; il avait été mortellement
rables églises i couvraient autre blessé, dans l’action , par le fer d’Aé
fois le pays, trois seulement , celle de tius.
Carthage, celle d’flippone et celle de PBEIIERS munis.“ GENSÉBIC
Cirta, avaient échappé à la destruc. avec L’EMPmE; LE_BOI mas VAN
tion. » ‘ DALES SEMBLE m’asrrsn, PENDANT
Le siége dura quatorze mois. Les HUIT ANS, A POUBSUIVBE ses con
Vandales seraient restés plus long QUÊTES. — Après la» défaite de Boni
temps encore devant les murs d’Hip face et la reddition d’Hippone, il y eut
one , sans l’événement que nous/al sans doute, entre les vainqueurs et
ons raconter. Ala nouvelle des dangers l’Empire, un premier traité (431 ou
qui menaçaient l’Afrique, l’empereur 432). ‘La cour de Ravenne, alarmée
‘Orient, Théodose, envoya à Placidie des rogrès de Genséric, essaya de
des secours et Aspar, l’un de ses meil l’arreter, dans ses conquêtes, en parais
leurs généraux. Placidie, à son tour, sant accorder de son plein gré les por
fit partir pour Hippone les troupes tions de territoire qui luiavaient été
qu’elle avait reçues. L’arrivée de ces arrachées par la force des armes. Il
renforts donna à Boniface assez de est probable qu’aux termes de ce traité,
confiance ,et d’audace pour qu’il v'oulût les Vandales se trouvèrent nonvseulea
hasàîüer centrales Vandales une se ment en ossession des trois Maurita
coude bataille. Mais, cette fois encore, nies, qu’i s avaient épuisées et ruinées
il fut trompé dans ses espérances. Les dans leurs courses, et où ils ne dési
14
nient int se'fi'xer, mais encore de la Genséric, en effet, s'arrêta au mi
rtie plus occidentale de la Numi lieu de ses succès; et ‘son inaction
ic. Proc'o nous _a rend que Gen apparente, pendant huit années, frappa
séric, sa ' victoire et la les hommes de son temps, comme, de
prise d ippone, ‘montra une grande nos jours encore, elle étonne les histo
{plpdération :es'négocistions au: riens. Comment expliquer cette mo
m 1119- a payer
Valcritim’ènqun‘trltîms‘iaänel pour les dérationi’Pour uoi ces longs ména
mcnts avec ’Empire? C’est que
terres qu'il avait acquises, et qu'il ‘li enséric n’avait oint oublié que, pour
un même en otage son fils Hunét‘ie, prendre une seu e ville, nippone. il
cn'témoignage _de ses intentions paci avait fallu quatorze mois et deux ba
fiques et de sa bonne foi. L'historien tailles. Il avait parcouru, il est vrai,
byzantin ajoute que l’empereur,‘ras dans une course rapide, les côtes de
suré par ces protestations, ‘renvoya la Mauritanie; mais, là, les villes n'ap
Hunéric à son père. paraissaient que de loin en loin, et
Cependant, on est'tenté de croiré alors la coopération .de Boniface faisait
que les Vandales, se trouvant à l'étroit disparaître à l'avance toutes les résis
ans le pays où ‘ils avaient concentré tances. Quand il eut franchi I'Ampsaga,
leurs forces, firent plus d'une fois des quand l'auxiliaire sur lequel il comp
incursions dans la province qui les tait devint son ennemi , ‘tout changes
avolsinait à l'est, et qui les attirait par de face. La contrée sur laquelle il or
ses richesses et sa fertilité. La paix ui tait ses regards était couverte dune
fut conclue entre les Vandales et ‘les population nombreuse et dévouée à
Romains, à flippone, le 11 février ‘Empire; et, d’ailleurs, elle était pro
435, doit avoir eu pour but de mettre tégêe par des villes bien a provision
fin aux entreprises des barbares. Va nées et environnées de ortes mu
lent'ëîien et Gensériceonfirmèrent alors railles. Entreprendre le siège de chacune
les anses du premier traité. Nous de ces villes, c'était commencer une
connaissons la cause de l'empresse lutte qui aurait eu pour unique résolu
ment que l'empereur d’Occident met tat l'épuisement de ses forces'et sa
tait, à cette époque, à lier son ennemi ruine. Puis, il avait encore à redouter
par des engagements de toute espèce que l'orient et l'occident, qui déjà
et par des serments; - il craignait, dit s'étaient alliés pour sa perte, ne vou
lsidore de Séville, que Genséric ne lussent frapper sur lui de nouveaux
poussàt plus loin ses conquêtes C‘). n coups. Il ne craignaitlpas d'être vaincu;
(") M. Papencordt ne parle, dans son (mais il comprenait que , dans la posi
‘Histoire, que du traité de 1.35. Nous r tion où son audace l'avait jeté , des vio
tageons l'opinion de M. Marcus qui étu lit, toires multipliées, en le privant de
par de bonnes preuves, que I'Empire négo l'élite de ses uerriers, eussent été
cil deux fois avec les Vandales. M. Papen pour lui , à la n , aussi nuisibles que
eordt faisant allusion au passage de Procope des défaites. Il ajourna donc sa con
‘que nous avons cité, et qu'il rapporte à quête après le siégé d‘Hippone, et il
l'année 435 , se refuse à croire que Genséric traite avec Valentinien.
ail liamé comme otage à Valentinien, son
fils Hunéric. Suivant lui, le fait rapporté
Ajoutons qu'à cette époque, Gensé
par l'historien byzantin ne peut s'accorder ric avait aussi à lutter contre des en
avec les succès des Vandales. Ce n’est pas , nemis bien plus terribles pour lui que
dit-il, le vainqueur qui donne des otages. les derniers défenseurs de l’Empire.
On. , ut .cependant expliquer ce fail d'une Dans son camp, auprès de sa personne,
manière plausible, en disant que Gens‘éric parmi ses compagnons d'armes, il y
lîm son fils ur les raisons qui, de 431 à avait des hommes qui n'avaient point
459, l'em èrent de poursuivre ses con encore oublié la mort de Gundéric. Ils
‘quêtes en Afrique. Voy. Geschichte der naissaient le meurtrier; et les histo
matalùohen Hamchaft in Afiîm, p. 7: riens anciens nous apprennent que,
‘n “a plus d’une-fois, ils conspirèrent contre
AFRIQUË . 15
lui. Genséric étouffa dans le san PRISE DE CABTHAGE. —- En 439,
toutes les révoltes. Il avait entraîné a l’Empire était attaqué, envahi de toutes
sa suite, depuis la sortie d’Espagne, parts. La présence d’Aétius dans les
la veuve de Gundéric et ses fils. La Gaules ne pouvait contenir les barba
présence de ces infortunés, au milieu res. Les Wisigoths avaient été plus
des Vandales, était en quelque sorte d'une fois victorieux dans leurs luttes
une perpétuelle protestation contre avec les Romains. En Espagne, les
son attentat et son usurpation. Pour Suèves faisaient chaque jour, et sans
s’affranchir de cette présence qui lui rencontrer d'obstacles, de nouvelles
était odieuse , et , aussi, pour enlever conquêtes. L’empire d'orient‘ n’était
aux siens tout prétexte de rébellion, pas moins exposé que celui d’Occident
il compléta son crime, et fit périr la au danger des invasions. Les Plans
mère avec ses dix enfants. étaient campés à ses frontières, et la
La aix était peut-être plus néces cour de Constantinople tremblait au
saire a Genséric qu’à l‘Empire. Il la moindre mouvement d’Attila. Gensé
mit à profit pour préparer, par des ric profita de l’instant où les deux em
moyens lents, mais sûrs, la conquête pires se trouvaient jetés dans de si
qu’il rêvait, mais qu’il ne pouvait alors graves embarras; il marcha en avant,
accomplir par la seule force de ses aro et se dirigea vers Carthage.
mes. Il étudia, à loisir, l’état des pro Sur les ruines de la ville détruite ar
vinces qu’il voulait envahir. Il vit Scipion , une ville nouvelle s’était ele
qu’elles renfermaient bien des hommes vée; la faible colonie de Caïus Grac
qui souhaitaient ardemment son arri chus n’avait pas tardé à devenir une
vée. C’étaient les donatistes et les au grande cité. César et Auguste avaient
tres hérésiarques qui étaient soumis, avorisé son développement. Sous Ti
en vertu des édits im ériaux , à d’in bère, déjà, elle n’avait pas d’égale en
lustes persécutions. enséric se fit Afrique. Dès lors elle ne cessa plus de
’ami de tous les ennemis de l’Empire. s’accroître et de s’embellir. Strabon ,
Pour leur donner en quelque sorte Pomponius Méla , Apulée, Hérodien ,
des gages de sa sympathie, il persécuta Solin, Ausone et Salvien ont vanté
les catholiques qui vivaient sur les tour à tour cette ville riche par son
terres que Valentinien lui avait aban commerce et son industrie, somptueuse
données (437); il chassa les évêques de par ses édifices, renommée par ses
leurs sièges, et même il condamna à écoles, qui avait effacé Alexandrie, et
mort les fonctionnaires publics qui qui, dans les premières années du cin
n'avaient pas voulu embrasser l’aria quième siècle, n’avait plus au-dessus
nisme (*). Enfin, uand il compta un d'elle que Rome et Constantinople (*).
nombre suffisant ’alliés dans le pays Les invasions des barbares avaient
qui avoisinait Carthage , et à Carthage même augmenté sa prospérité et sa
même; d’autre part, quand il eut af population; tous ceux qui, craignant
fermi son autorité sur ses propres sol pour leur vie et pour leurs biens,
dats par des actes rigoureux et des avaient quitté l’Italie à l’approche d’A
supplices, il se tint prêt à frapper sur laric, s’étaient précipités dans son en
l’Empire un coup décisif. Les événe ceinte, comme dans le lus assuré et
ments qui s’accomplissaient alors en le plus inviolable des asi es. Telle était
Europe devaient bientôt lui offrir l’oc la grande cité que Genséric convoitait
casion d’exécuter ses projets. moins pour ses richesses que pour sa
position , et où il avait résolu d'établir
(") Parmi les évêques persécutés,‘on le centre de sa domination.
compte celui de Sitifi. De là, on peut tirer (") Nous avons cité ailleurs les passages
cette conclusion , que, par ses traités, Va de ces divers auteurs. Voyez , dans ce vo
lentinien avait laissé aux Vandales les Mau lume, pour les détails, l’Histoire de Can
ritanies; ou au moins la Mauritanie sili thage, deuxième partie , p. 149 et suiv.’
tienne. - et principalement les pages 154 et 155.
16
u Au moment où Aétius, dit Pros expression, à organiser sa conquêté.
per, était livré tout entier aux affaires Il partagea avec ses compagnons d’ar
de la Gaule, Genséric, sur l’alliance mes, Vandales, Alains et autres bar
duquel on comptait, et qui n’inspirait bares qui l’avaient suivi, les terres
un e défiance, se jeta a l'improviste conquises, et il régularise ses rapports
sur Carthage, en temps de paix , avec la population, mêlée d’Africains
et s'en empara(t9 octobre 439). n et de Romains, que la force et sa bonne
Le roi des Vandales , au témoignage fortune avaient placée sous sa domina
de Victor de Cartenne, traita avec tion. Ce furent là, on peut le suppo
ri tient la ville qu'il avait surprise. ser, ses premiers soins. Nous parlerons
« 'es vases sacrés de l‘église’de Car ailleurs, et d'une manière spéciale, de
thage, dit-il , et les objets précieux l’organisation politique des Vandales
ni se trouvaient dans les autres édi établis en Afrique. Nous ne voulons
ces publics furent portés ar les Van ici que signaler en passant les graves
dales, lors ’ils entrèrent ans la ville, préoccupations qui durent empêcher
au palais u roi. Celui-ci fit déclarer Genséric, de 439 à 441, de se porter
aux habitants de la capitale de l'Afri au dehors, et qui, pendant ces deux
que romaine qu’ils eussentà lui li années , le maintinrent dans un repos
vrer leur or, leurs argent, leur bijoux, complet à l’égard de l’Empire.
leurs vêtements de prix et leurs ar Il a été dans la destinée de tous les
mes. On rendit une artie de ces cho États indépendants qui ont existé en
ses’ à ceux qui se épouillèrent sans Afrique , sur la côte de la Méditerra
hésitation et avec bonne foi. Ceux née, de se tourner vers la mer, et
qui furent soupçonnés d’avoir con d’agir, par le commerce ou par la
servé une partie de leurs richesses guerre, sur la partie méridionale de
furent battus de verges et mis à la l’Europe. Les Carthaginois, les Van
torture. On voulait , par ces moyens, dales, les maîtres de Tunis, au moyen
leur; arracher un aveu et l’indication âge, les fondateurs de la puissance
des lieux où ils avaient caché ce qu'ils d’Alger, au seizième siècle, et leurs
avaient de précieux. A ces derniers on successeurs, ont tous obéi à la même
ne fit point de restitution. Les riches impulsion , ou , plutôt, à la même ne
ses ainsi amassées servirent à prendre cessité. C’est par force, en quelque
les mesures nécessaires pour repous sorte, qu’ils ont construit des vais
ser les Romains des provinces où les seaux , et qu’ils ont été pirates. Comme
Vandales avaient fixé leurs demeures.» il n’ avait pour eux ni occasions l'll
PnEmsns RÉSULTATS DE LA PRISE motifs de déployer leur activité dans
DE CABTHAGB; moins ne GENSÉ l’intérieur des terres, ils se sont livres
me; 11. se pnnîrann A ATTAQUEB tout entiers aux courses maritimes.
L'EMPIRE. — Après la prise de Car L’activité sur mer et la piraterie n’ont
thage , Genséric pouvait, sans crainte, cessé d’exister, sur les côtes septentrio
poursuivre et achever la conquête des nales de l’Afrique , qu’à deux reprises:
plus riches provinces de lAfrique. au temps des Romains, et, de nos
Aussi , il ne tarda as à s’emparer de jours, quand les peuples et les villes
toute la Proconsulaire et de la Byza de ces côtes ont été rattachés violem
cène. Bientôt , sur cette vaste côte qui ment, à la suite d’une conquête, au
s’étend du détroit de Gadès à la Cyré système politique de l’Europe méri
naîque, il ne resta plus à Valentinien dionale. La prise de Carthage, en
que la Tripolitaine. . 439, eut précisément pour résultat
Quand Genséric se mit en posses d’opérer une séparation entre I’Afri
sion d’un établissement définitif, quand que et l’Europe, qui , pendaiit six cents
il eut pris avant tout les mesures qui ans, environ, avaient en même gou
pouvaient le protéger contre les atta vernement et mêmes intérêts. Le rôle
ques soudaines des deux empires, il de Genséric était donc marqué à l’a
songea, si l'on peut se servir de cette vance; il devait nécessairementporter,
AFRIQUE 17
vers la Méditerranée ses regards et général de Valentinien, ui s'appelait
son activité. , Jean, et qui était Vanda e d’origine;
En effet, il avait à peine affermi , d’autre part, en se déclarant le défen
dans les terres conquises , la domina seur des ariens contre les catholiques,
tion de son peuple et sa propre auto il s’était ménagé, dans les provinces
rité, qu’il songea à se mettre en mer. qu’il voulait envahir, en Sicile surtout,
En apprenant alors les projets du e nombreux auxiliaires.
maître de l’Afrique, les deux empires L’empereur d’Orient qui se croyait,
ne s’abusèrent point sur la grandeur et non sans cause , intéressé à repous
du danger qui les menaçait. A Cons ser les attaques de Genséric, avait en
tantiuople comme à Rome, la frayeur voyé contre lui une flotte considérable.
fut extrême. Tandis que Valentinien Onze cents vaisseaux, commandés ar
rappelait Aétius de la Gaule, Théodose, Aréobind , lnnobind , Asyla , Arint ée
qui comprenait sans doute que les et Germain , se dirigèrent vers la Si
coups portés à l'empereur d’Occident cile: A la nouvelle de ce formidable
ne tarderaient pas à l’atteindre, se armement, le roi des Vandales réso
hâta d'envoyer Cyrus, un de ses meil lut d'employer non la force, mais la
leurs généraux, pour défendre l’Italie. ruse pour écarter le danger qui le me
Les armements de Genséric avaient naçait. Il feignit de désirer sincère
jeté le trouble parmi les populations. ment la paix; et, pour prévenir une
En Italie et en Sicile, les habitants des attaque , il annonça aux commandants
côtes se leverent en armes san’s atten de la flotte impériale qu’il avait envoyé
dre les ordres et les secours de l’Em des ambassadeurs à Constantinople. Il
pire. Valentinien profita de l’effroi négocia, il est vrai, mais seulement
général; dans ses édits, qui se succé our arrêter l’ennemi , et pour donner
daient avec rapidité, il encouragea les e temps aux émissaires secrets qu’il
efforts des villes; il demanda des im avait envoyés au camp des Bons de
pôts extraordinaires, et pressa la levée pousser Attila sur l’empire d'orient.
de nombreux soldats. PAIX AVEC LES DEUX EMPIBBS;
PREMIÈRES coUnsEs nEs VAN TRAITÉ me GENSÉBIC avec VALEN
nALEs; eswssnlc ATTAQUE L'l'rALIE TINIEN. — Au premier mouvement
ET LA SICILE. -— Tant de préparatifs d’Attila, Théodose, effra é, rassembla
ne furent point faits en vain. En 441, autour de lui toutes ses orces, et rap
une flotte considérable sortit du port pela la flotte qu’il avait envoyée dans la
de Carthage, et se dirigea vers la Si mer de Sicile. Il se hâta alors de faire
cile et le midi de l’Italie. Genséric. es la paix avec Genséric. Abandonné par
pérait faire un riche butin dans ces l’Orient, Valentinien ne pouvait, seul
deux contrées qui renfermaient la meil et sans vaisseaux , orter tout le poids
leure part des domaines‘v impériaux, et de la guerre. Il fut une forcé de suivre
qui, jusqu'alors. avaient échappé aux l’exemple de Théodose, et il fit un
désordres et aux ravages des invasions. traité avec le roi des Vandales (442).
Mais il ne fut pas heureux dans cette Ce traité eut cela de singulier, qu’il
première entreprise. Cassiodore, aïeul mit Genséric en possession des pro
de l'historien du même nom , le chassa vinces qui, jusqu’en 439, n’avaient
de l’ancien Bruttium. En Sicile, il s’em point cessé d’appartenir aux Romains,
para, il est vrai, de Lilybée; mais il et qu’il donna'à Valentinien, par une
échoua devant Panorme. Ces résistan espèce de compensation , la portion de
ces imprévues l’arrêtèrent, et il revint l’Afrique d'abord occupée par les Van
à Carthage. Genséric n’avait cependant dales; Ainsi, en vertu des conditions
négligé aucun,des moyens qui pou acceptées des deux côtés , Genséric eût
vaient assurer le succès de son entre pour lui la Byzacène, la Zeugitane ou
prise. Si l’on en croit des documents Proconsulaire, et une faible partie de
contemporains, il avait déjà gagné à sa la Numidie; et Valentinien , l’autre
cause, avant de se mettre en mer, un partie de la Numidie et les trois Mau
2' Livraison. (Hrsr. DES VANDAIÆS.) 2
ritanies. Il faut encore a‘onter que la ques années, l'alliance qui unissait les
petite Syrte bornait, à ’est, les pro conquérants de l’Afrique aux pos
vinces de Gense’ric, et que Valentinien sesseurs de la Gaule méridionate. Il
restait maître de la‘ Tripolitaine ("). arriva même, à la suite de cette rup
nsPPonrs n'r ALLIANCBS mas VAN ture, un moment où les Vandales eurent
DALES, sous GENSÉBIC, avec LES contre eux, à la fois, les Romains, les
AUTRES PEUPLES nsnnsnss. -- Ce Goths et les Suèves. Pour se débarras
qui fit la force .de Genséric pendant ser. d’un coup, de tous ces ennemis
son long règne, c'est qu’il ne s’isola coalisés, Genséric poussa Attila sur la
point dans son Afri ue, et qu'il en« Gaule. Les Bons, _il est vrai, furent
tretint, en Europe, des rapports sui vaincus à Châlons; mais Tbéodéric
VIS et constants avec les peuples bar rdit la vie dans la bataille; et les al-,
bares qui, de son temps, attaquèrent iés, épuisés par leur victoire même,
l'empire romain. ses relations avec ne songèrent plus dès lors à tourner
Attlla sont attestées par Prisons et leurs armes contre l’Afrique. Puis,
Jornandès; et nous avons déjà dit com Genséric ne tarda pas à voir la mé
ment, en 442 , il se servit des Huns sintelligence éclater entre ceux - là
pour effrayer Théodose, et pour écar même qui s’étaient réunis autrefois
ter les dangers qui menaçaient sa nou pour l'attaquer. Enfin, il se rapproche
velle conquête. Il .s‘allia même aux des Wisigoths; et ce fut lui, it-on,
Goths , jusqu’à lui ennemis irréconci qui conseilla à Euric , devenu son
.liables des Vandales, qu’ils avaient allié, de s'agrandir dans la Gaule, et
frappés et déplacés tant de fois dans de prendre Marseille et Arles aux Ro
la Germanie , battus et‘dépossédés em mains. Après la mort d’Attila, il re
cure en _Espagne', et u'ils avaient chercha l’amitié des principales tribus
poursuivis même en A rique, en se qui s'étaient séparées des Huns; C’est
mettant au service du comte Boni; ainsi qu’il se lia avec les Gépides et les
face (“*).Le traitement ignominieux et Ostrogoths. Quand le chef de ces der
barbare que subit, par ordre de Gen niers, Théodéric, devint, en vertu d’un
séric, la fille de Théodéric , roi des traité auxiliaire de l’Empire d’Orient ,
Wmgoths ("*'—), rompit , pendant quel il stipula que ses soldats serviraient
(') Voyez , sur ce traité de 44a, indé contre tous les ennemis de cet empire,
pendamment des auteurs anciens Prosper et excepté contre les Vandales. Tels fu
Victor de Vita, l'ouvrage de Papencordt, rent les rap orts de Genséric avec les
Gesch’ichte der vandalischen Herrschaft in peuples bar ares qui, fixés en Europe,
zlfrica , p. 76 et suiv. , et celui de M. Mar menaçaient Rome ou Constantinople.
cus, Histoire des Vandales, etc., p. 166 et Grâce aux puissantes diversions qu’il
suiv. Il y a au moins l’a parence d'une opérait à l’aide de ses alliances, il par
grande précision dans les delimitations géo vint, comme nous le verrons, à re
graphiques données par M. Marcus, à propos pousser: avec succès les attaques de
de ce traité de 442. M. Papencordt est plus l’Orient et de l'occident, et à affer
vague; il se borne à dire : a Les deux Mau
mir sa domination sur le vaste ter
ritanies, avec la partie occidentale de la
Numidie, dont Cirta est la capitale, demeu ritoire qu’il avait conquis en Afri ue.
rèrent au pouvoir des Romains. les Van BÉVOLUTIONS DANS L’mnrns I) oc
dales prirent l'autre partie de la Numidie, CIDENT; nom: ne VALBNTINIEN; Lx
qui a pour capitale nippone, la Byzacène SÉNATBUB rs'rnomns naxmus. —
et la Proconsulaire. Nous ne savons pas Pendant les années qui s’écoulèrent de
grécisément ce qui fut statué à l'égard de 442 à 455, Genséric vécut en paix avec
'I-ripolitaine. n
C‘) Les meilleurs soldats de l’arm' de le fils aîné de Genséric. Le roi des Van
Boniface, avant et pendant le siége d‘ ip dales, qui l’aœusait d’avoir voulu l'empoi
pane, furent des Goths qui étaient venus sonuer, lui [il couper le nez et les oreilles,
en Afrique comme auxiliaires de l‘Empire. et la reuvoya à son père après cette muti
(93") La fille de Théodéh'c avait épousé laüon.
AFRIQUE. ‘ ne
les deux empires. Il est vraisemblable, man; L’mrénnmcx xunoxnæ AP
toutefois, que les V ndales, dont l’ac PELLE GENSÉBIC EN ITALIE; PRISE
tivité s’était portée- ut entière vers m PILLAGE DE nom: pan LES VAN
les entreprises maritimes, firent lus DALES m‘ un LES MAURES. -— Pé
d’une course avec leurs vaisseaux ans tronius Maximusçqui appartenait à l’il
la. Méditerranée et même dans l’O lustre famille Anicienne , fut proclamé
céan ("). Genséric employa ce long re empereur; mais il ne devait pas 'ouir
pos à négocier avec les barbares de longtemps du haut rang où la V0 onté
l’Euro e, ennemis de Valentinien ou d’un peuple et d'un sénat avilis l’avait
(le Th odose; à contenir les Maures, placé. Eudoxie ne voyait qu’avec hor
ses voisins, qui étaient devenus pour reur le meurtrier de son ancien époux.
lui d’incommodes alliés, et à établir, Pour se soustraire à une insupportable
dans les terres qu’il avait acquises en tyrannie, et pour briser les liens d’un
vertu des traités , un gouvernement mariage qu’elle n’avait contracté que
fort et régulier. Vers 454, il fut dis par la force, elle appela secrètement à
trait de ces soins importants par les ré son aide le roi des Vandales.
volutions ui éclatèrent au sein même Genséric saisit avidement l’occasion
du palais es empereurs d’Occident. qui lui était offerte de grossir ses tré
Aétius était, à cette époque, l’homme sors, et en même temps de frapper
le plus illustre de l’Empire. Sans cesse mortellement, par Rome et l’Italie,
occupé à repousser les barbares, il avait l’empire d’Occident. Il équipa de nom
expié, par d’éclatants services, la trahi breux vaisseaux qu’il remplit de sol
son dont il s'était rendu coupable au dats vandales et maures. et il se mit
temps de Boniface. C’était lui enfin qui en mer. « Lors ue Genséric débarqua
avait vaincu Attila dans les plainesde sur les bords u Tibre, dit Gibbon,
Châlons. Valentinien, jaloux, dit-on, de auquel nous empruntons le beau récit
la gloire de celui qui avait tant fait pour qui va suivre, les clameurs d’un peu
lui et pour son empire,le livra au fer d’un ple épouvanté et furieux tirèrent M axi
assassin. Les barbares seuls devaient mus de sa honteuse léthargie. La seule
se réjouir de cette mort. On connaît la ressource qui sefprésenta à son esprit
réponse que fit à l’empereur un de abattu fut une uite précipitée, et il
ceux dont il sollicitait l’approbation : engagea les sénateurs a imiter l’exem
« J’i nore , lui dit-il , quels ont été vos ple de leur souverain. Mais Maximus
grie s; mais je sais que vous avez agi n’eut pas lutôt paru dans la rue, qu’il
comme un homme qui se sert de sa fut assailli d’une grêle de pierres. Un
main gauche pour couper sa main soldat romain ou bour uignon réten
droite. » Valentinien ne survécut pas dit à l’honneur de le frapper e pre
longtemps à Aétius. Se livrant , sans mier. Son corps déchiré fut jeté
mesure et sans prudence, à tous les dans le Tibre. Le peuple romain se
excès, il essaya de déshonorer, en em félicita d’avoir puni l’auteur des cala
plqyant de honteux moyens et la force, mités publiques ; et les serviteurs
a emme du sénateur Pétronius Maxi d’Eudoxie signalèrent leur zèle à. la
mus. Cet odieux attentat ne resta ’pas venger. Trois jours après ce tumulte,
impuni. PétroniusMaximus le fit assas Genséric , suivi de ses Vandales ,
_ siner. Pour compléter sa vengeance, il s’avan a d’Ostie aux ortes de Rome;
força la veuve de Valentinien, Eu et, au ieu d’une fou e de jeunes Ro
doxie , à l’épouser et à prendre la place mains armés pour la défendre, on en
de sa femme qu’il avait perdue. vit sortir processionnellement le véné
Ém’avurou m; mxxnms A L’EM rable Léon, à la tête de son clergé. La
fermeté du prélat, son éloquence et
(") Les historiens contemporains parlent son autorité adoucirent, pour la se
d’une course que les Vandales auraient faite coude fois, la férocité d’un conquérant
sur les côtes occidentales de l'Espagne , vers barbare. Le roi des Vandales promit
445. d’épargner les citoyens désarmés, d’in
2.
20
terdire les incendies, et d'exempter les capitale , et des vaisseaux our les
captifs de la torture; et, quoique ces transporter. Les ornements u palais
ordres n'aient été ni sévèrement don impérial . les meubles, les vêtements,
nés, ni strictement exécutés, la média la vaisselle , tout fut entassé sans dis
tion de Léon fut glorieuse pour lui et tinction. L’or et‘ l’argent s’élevèrent à
utile à son pays. Mais Rome , avec ses plusieurs milliers de talents, et les
habitants, n'en fut pas moins la proie barbares ne négligèrent cependant ni
des Maures et des Vandales; et les le cuivre, ni l'airain. Eudoxie elle
nouveaux habitants, de Carthage ven même paya chèrement son imprudence.
gèrent les anciennes injures de la race On la dépouilla de ses bijoux au mo
punique qu'ils avaient remplacée. Le ment où elle venait au-devant de son
pillage continua durant quatorze jours libérateur et de son allié. L’impéra
et quatorze nuits; et Genséric fit soi trice et ses deux filles, seuls restes de
gneusement transporter sur ses vais la famille du grand Théodose. furent
seaux les richesses publiques, celles des forcées de suivre comme captives le
particuliers, et tous les trésors sacrés. sauvage Vandale, qui mit aussitôt à
Parmi les dépouilles, les ornements la voile . et rentra dans le port de Car
précieux de deux temples. ou plutôt thage après une heureuse navigation.
de deux religions, offrirent un exem Les barbares entraînèrent sur leurs
ple mémorable de la vicissitude des vaisseaux des milliers de Romains des
choses humaines et divines. Depuis deux sexes, dont la figure ou les ta
l’abolition du paganisme , on avait lents pouvaient contribuer aux plai
abandonné le Capitole; mais on res sirs de leurs maîtres; et, dans le par
ctait encore les statues des dieux et tage des captifs , les maris furent
es héros; et la magnifique voûte de impitoyablement séparés de leurs fem
bronze doré était comme réservée aux mes, et les pères de leurs enfants. Ils
mains avides de Gense‘ric. Les objets ne trouvèrent de secours et de conso
sacrés du culte des Juifs, la table d’or, lation que dans la charité de Déogra
le chandelier à sept branches , origi tias, évêque de Carthage. Il vendit gé
nairement construit d’après les ins néreusement les vases d’or et d'argent
tractions de Dieu lui-même, qui étaient de son église; racheta les uns, adoucit
lacés dans le sanctuaire de Jérusa î’esclavage des autres, soigna les ma
em, avaient été offerts avec ostenta lades, et fournit aux différents besoins
tion en spectacle aux Romains dans le d'une multitude dont la santé avait
triomphe de Titus , et déposés ensuite beaucoup souffert dans le passage
dans le temple de la Paix. Après quatre d’Italie en Afrique. Le digne'prélat
siècles, ces dépouilles furent transpor convertit deux vastes églises en hô i
‘tées de Rome à Carthage par un bar taux. y‘plaça commodément tous tes
bare ui tirait son origine des côtes de malades, et se chargea de leur procu
la Baîtique. Les églises chrétiennes, rer tous les médicaments nécessaires
ornées et enrichies par la dévotion de à leur état. Deogratias , quoique d’un
ces temps , offrirent une proie abon âge très-avancé, les visitait exactement
dante aux mains sacriléges; et la pieuse lejour et la nuit. Son courage lui prê
libéralité du pape Léon, qui fondit six tait des forces. et sa tendre compasr
vases d’argent donnés par le grand sion ajoutait un prix inestimable à ses
Constantin, chacun du poids de cent' services. Comparons cette scène avec
livres, est une preuve de la perte qu’il celle qui suivit la bataille de Cannes ,
‘lâchait de réparer. Dans les quarante et jugeons entre Aunibal et le succes
cinq ans qui s’étaient écoulés depuis seur de saint Cyprien (*). »
l'invasion des Goths, Rome avait pres PARTAGE mas DÉPoUILLEs; NOU
que repris sa première magnificence. ll vELLEs coUnsEs DES VANDALES; n1
tait difficile de tromper ou de rassa
sier l’avarioe d’un conquérant qui avait Gibbon ; Histoire de la décadence et
le loisir d'enlever les richesses de la de a chute de l’amuire romain, ch. 36.
AFRIQUE 21
musa. -— A son retour à Carthage, domination sans rivale , et qu’elle leur
le roi Genséric, qui n'avait perdu, eût préparé d'ailleurs, contre les dan
dit-on, dans la traversée qu’un seul gers de toute espèce dont ils étaient
vaisseau, celui qui ortait les orne assaillis dans leurs courses, des points
ments et les statues u Capitole, s’em de relâche et de sûrs abris. Ils firent
pressa de distribuer les dépouilles de de longs efforts pour compléter ainsi.
Rome aux guerriers de sa nation et leurs conquêtes. De 455 à 459, ils
aux Maures qui lui avaient servi d'auxi s’emparèrent de Malte, et de toutes
liaires. Or, argent, meubles et vête les petites îles qui se trouvent placées
ments précieux, objets d'art et pric non loin des cotes de l'Afri ue. Mais
sonniers, tout fut partagé. Suivant ils ne furent pas si heureux ans leurs
d’anciens récits, le roi se réserva, tentatives sur la Sicile. la Corse et la
comme part du' butin, les ornements Sardaigne. L'empire d’Occident avait
du temple de Jerusalem, que Titus alors un général qui , par son activité
avait transportés à Rome; et. parmi et ses succès, les arrêta dans leurs en
les prisonniers, Gaudentius, fils d’Aé treprises. Ricimer détruisit une de
tius, et Eudoxie avec ses deux filles. leurs flottes ‘en vue de la Sicile , près
Plus tard, en 457, Genséric renvoya à d’Agrigente; et, la même année 456 ,
Constantinople la veuve de Valenti il les expulsa de la Corse, où ils avaient
nien et de Maximus , avec Placidie , essayé de s’établir.
qui épousa Olybrius, destiné à devenir Ricimer était barbare d’origine. Il
un jour empereur d’Qccident. Quant à avait eu pour père un Suève. et pour
l'autre fille d’Eudoxie (*) , elle demeura mère la fille de Wallia, roi des Wisi
à Carthage, où elle devint, de'gré ou goths. Il avait servi avec distinction
de force, la femme de Hunéric, fils sous Aétius, et ‘s'était élevé rapide
aîné du roi des Vandales. ment dans l'armée romaine, par sa
La révolution qui avait livré Rome bravoure et par ses talents. Après la
à Genséric lui avait donné en même double révolution qui priva du trône
temps les provinces d'Afrique qui, en et de la vie Valentinien et Maximus, il
vertu du traité de 442, étaient restées devint l’homme le plus puissant de
au pouvoir de Valentinien. En 455, les l’Empire. Il hérita en quelque sorte,
Vandales joi‘ nirent au territoire qu’ils par la mort d’Aétius, de l'influence que
possédaient éjà la Tripolitaine et les cet illustre chef avait exercée pendant
trois Mauritanies; et ils étendirent tant d’années sur les soldats barbares.
ainsi leur domination sur toute la côte Ses victoires sur les Vandales accru
de la Méditerranée , depuis Gadès jus rent encore sa puissance. Ricimer,
qu'à la Cyrénaique. Mais cette vaste comme barbare, ‘n'osait aspirer au
tendue de pays ne leur suffit point en rang suprême; mais il voulait au
core; ils remontèrent sur leurs vais moins , à défaut du titre, se réserver
seaux , et parcoururent la mer comme le pouvoir absolu des empereurs. Il
autrefois, pour attaquer et piller les exerça ce pouvoir, et le fit sentir sur
provinces d’Europe qui étaient sou tout à ceux qui étaient revêtus de la
mises à l’Empire. Ils voulaient aussi pourpre‘, et qui semblaient placés au
s’établir‘dans toutes les îles de la Mé dessus de lui. Ce fut. en 456, au rec
diterranée. Ils avaient bien compris , tour de la Corse, qu’en déposant Avi
que la possession de ces îles leur eût tus, Ricimer fit le premier essai de ses
donné sur mer, et pour longtemps, une forces. L'empereur déchu n'essaya
") Nous suivrons, à cause de l'usage,
point de reprendre le titre qu'on lui
l'exemple de Gibbon et de quelques autres avait enlevé; il comprit sans doute
historiens modernes qui l'appellent Eudoxie que, même avec l’appui du roi des
comme sa mère. Cependant Procope donne Wisigoths. son protecteur, toute ré
des noms différenls à la veuve de Valenti sistance serait vaine. Il quitta l’Italie.
nienlet à sa fille, l’épouse de Hunéric. Il et revint dans la Gaule, sa patrie , où
appelle la première Eûôoëia. , et la seconde il mou-rut (456). Après. la ‘dé sition
Eüôoxîa. d’Avitus et un intcrrèxn‘e de usieurs
22
mois, Ricimer donna son assentiment roi , fut battue sur la côte de Sinuessa,
à l’élévation de Majorien, que les vœux non loin de l'embouchure du Liris.
des Romains avaient appelé au trône Genséric, après cet échec, se crut en
impérial (avril 451). péril; et, suivant son usage, il alla
L’EupsnEUn uuomnn; sxs PRÉ chercher, parmi ses alliés naturels, les
PABA'I‘IFS Poun ATTAQUE}! LES VAN peuples germaniques, des ennemis aux
DALES EN AFRIQUE; DESTRUCTION Romains. Il s’empressa de renouer
m; LA nous nosunvs A CARTEL avec les Wisigoths; et , pour accroître
GENE; MORT DE uuonnm. — Le le nombre de ses auxiliaires, il s’offrit
caractère du nouvel empereur était, comme médiateur dans la guerre que
suivant l’expression de Gibbon , grand ce peuple soutenait alors contre les
et héroïque. Dans sa jeunesse, il s’é Suèves. Mais Majorien, sans s’inquié«
tait illustré à la guerre par des actions ter des ennemis que lui suscitait le roi
d’éclat. Il arriva même, à la fin, que des Vandales, faisait, pour attaquer
sa gloire fit ombrage à Aétius. Il avait l'Afrique, d’immenses préparatifs. Il
trop de prudence pour engager la lutte ne les ralentit point quand le roi des
contre celui dont la puissance, en 0e Wisigoths manifesta des dispositions
cident, n’avait point de bornes. Il hostiles; seulement il entra en Gaule,
abandonna donc les armées, et rentra le prévint et le battit. Par son ordre,
dans la vie privée. Après la mort d’Aé on avait préparé ou rétabli les arse- '
tius, il reparut à la tête des troupes naux de l’Empire. On construisait une
impériales. Au moment même où l’es grande flotte sur les côtes de la Ligu
time de tous lui décernait le pouvoir rie. Cette flotte nouvelle devait se join
souverain , il venait d’arrêter, au pied dre aux anciens vaisseaux qui station
des Alpes, une nouvelle invasion des naient dans I’Adriatique, et se rendre,
peuples germaniques. Maître de l’Em avec eux, à Carthagène, où l'empereur
pire, Majorien n’avait plus rien à dé-' se proposait d’embarquer son armée.
sirer; et, comme tant d'autres, il au Vers ce temps, suivant une vieille
rait pu , en se cachant dans son palais, tradition byzantine, Majorien, voulant
se livrer tout entier à de faciles plai connaître les 'ressources de son en
sirs, et se dérober désormais aux tra nemi , se rendit à Carthage. Il se pré
vaux et aux dangers. Son élévation senta à Genséric sous un faux nom,
cependant n‘amollit point son âme , et et comme ambassadeur. Il avait noirci
il porta en temps de paix, dans l’ad sa chevelure, qui naturellement était
ministration , la vigilance et l’énergie blonde, et ressemblait à l’or. Genséric
qui l’avaient illustré au milieu des l’accueillit avec distinction; et , pour
camps. Vivement préoccupé par les lui donner une haute idée de ses forces
maux de l’Empire, il déploya une acti et de sa puissance, il le conduisit à
vité extraordinaire pour le guérir au son arsenal. On dit qu’à l’approche de
dedans, et pour écarter les dangers ces deux illustres guerriers, les ar
qui, du dehors, le menaçaient de toutes mes ‘entassées s’agitèrent et rendirent
parts. C’était surtout vers l’Afrique un son. Le roi des Vandales chercha
que Majorien portait ses regards et sa alors, mais en vain . l’explicationde ce
pensée. ' prodige. Il n’apprit que plus tard qu’il
Les Vandales, en effet, poursuivaient avait accueilli dans sa capitale , et au
le cours de leurs pirateries et de leurs sein même de son palais , le plus re-'
dévastations. Leur puissance maritime doutable de ses ennemis. et La tradi
et leurs entreprises audacieuses met tion,dit un grand historien, du voyage
taient Rome et l’Italie dans un conti de Majorien à Carthage , doit être re
nuel danger. Majorien ranima le cou jetée comme improbable; mais c’est
rage des Romains, rassembla des vais une tradition qui n'a pu être imaginée
seaux; et les mesures qu’il prit alors que pour un héros. »
furent si sages et si promptes, que Quand Majorien eut achevé ses pré
déjà , en l’année 458, une flotte van paratifs , il partit avec ses troupes
dale, commandée par un parent du pour rejoindre la flotte qu’il avait ras
AFRIQUE. 2s
semblée à Carthagène. Jadis, les Car d’obstacles dans la partie de la Médi
thaginois avaient traversé l’Espagne terranée qui s’étend de l’Espagne à
et la Gaule pour attaquer Rome; en l’Italie et à la Sicile. Chaque année, au
460, un empereur romain , par une retour de la belle saison , Vandales et
marche inverse, passa par la Gaule et Maures montaient sur des vaisseaux
l’Espagne pour attaquer Carthage. La et allaient, dans les îles et sur le con
frayeur du roi des Vandales, à l’appro tinent , pour piller et brûler, et aussi
che de Majorien, fut égale à celle qu’a pour amener comme esclaves , à Car
vait éprouvée autrefois le sénat de thage , les habitants de la côte qui ne
Rome, au temps d'Annibal. Genséric s’étaient pas enfuis à leur approche.
demanda la paix ; mais l’empereur re Le roi prenait part à ces expéditions.
jeta ses ropositions. Ma'orien était Lorsqu’il se mettait en mer, et que le
arrivé à arthagène , et la il prenait pilote, s'adressant à lui , demandait :
ses dernières mesures pour 0 érer sa « Où irai-je? — Le vent, répondait-il,
descente en Afrique. Le roi es Van «te conduira où nous appelle la co
dales, pour ralentir au moins la’ course «Ière de Dieu. un Genséric disait aux
de son ennemi, et pour compromettre ambassadeurs romains qui venaient le
sa marche dans le cas où il pénétrerait prier de mettre un terme aux pirate
dans ses États , livra les Maurita ries, que les empereurs d’Occident
nies Tingitane et Césarienne à une pouvaient facilement obtenir la paix
complète dévastation. Il fit combler en lui restituant le patrimoine d’Eu
les sources et les fontaines ou les doxie. épouse de son fils Hunéric, et
empoisonna. Mais bientôt ses craintes celui de Gaudentius, son prisonnier
s’évanouirent. Il avait des émissaires de guerre.
dans le camp de Majorien qui fomen Ce fut vers 463 que les Vandales se
taient les haines et les divisions et rendirent maîtres de la Corse et de la
poussaient les troupes à la trahison‘. Sardaigne. Ils firent aussi, pour s’em
Des Goths, auxiliaires de l’Empire, li parer de la Sicile, des efforts multi
vrèrent aux Vandales la flotte romaine, pliés; mais, sur ce point, ils échoue
qui fut anéantie. rent dans toutes leurs tentatives. En
Majorien accepta alors la paix que 458 , Majorien avait placé dans l’ile,
lui proposait Genséric. En proie à une avec des troupes choisies , un de ses
vive douleur, mais non découra é, il meilleurs officiers. C’était Marcellia
revinten Italie. Là, il rêvait sans oute nus, qui défendit pendant six ans, avec
une nouvelle expédition, lorsque Ri bravoure et succès, la province que les
cimer excita dans le camp de 'Iortone, chefs de l'empire lui avaient confiée.
au pied des Alpes, un soulèvement à Il n‘abandonna son poste qu’en 463;
la suite duquel l’empereur fut déposé. il voulait alors se soustraire, non point
Le barbare avait compris que sous ce aux attaques des Vandales , mais à la
règne il resterait toujours au second perfidie et aux mauvais desseins de
rang , et que Majorien , revêtu de la Ricimer. Trois ans plus tard, en 466,
pourpre, n aurait 'amais un maître, ni la mort de Livius Sévérus , qui avait
même un égal. inq jours après sa porté, en Occident, le titre d’empe
déposition. l'empereur déchu périt de reur , vint rom re le bon accord qui
mort violente. Telle fut la fin de Ma existait entre enséric et la cour de
jorien, « le plus illustre, dit Procope, Byzance. Ricimer voulait alors laisser
de tous ceux qui ont régné sur les Ro vacant le trône impérial. Mais cette
mains. un nouveauté et l’audace du barbare ex
LES vANDALEs POURSUIVENT EN citèrent , dans tous les esprits, une
OCCIDENT LE coUas DE LEURS m’; vive indignation. Bicimer céda devant
VASTATIONS; GENSÉBIC VEUT FAIRE les protestations énergiques des R0
UN EMPEREUR; RUPTURE AVEC L’o mains. Il donna même son assenti
n1ENT.——Dès lors, les pirates de l’A ment aux volontés du sénat, qui avait
frique ne devaient plus rencontrer choisi, pour succéder à Sévérus , An
24
thémius, l'un des plus illustres éné core cet empire d’Occident, qu'autre
raux de l'orient. L’empereur de cas fois il avait si glorieusement défendu.
tantinople, Léon, accueillit favorable. On accueillit sans doute avec joie les
ment la demande qui lui était adressée propositions de Marcellianus. On lui
de Rome. Il savait bien qu'en permet confia des troupes, et. à leur tête, il
tant à un de ses officiers de revêtir la partit pour la Sardaigne , d'où il ex
pourpre, il se réservait une espèce de pulsa les Vandales (469).
suprématie sur l'occident. Tout s'ar A la même époque, les généraux de
rangeait donc au gré de Rome et de l'empire d’Orient obtenaient sur terre
Constantinople, lorsque Genséric in et sur mer de brillants succès.. L'un
tervint et demanda qu'à la placed'An d'eux , Héraclius . s'empara , avec les
thémius on prit pour empereur Oly trouves de l‘Égypte, de toute la Tri
brius. Le mérite de l'un lui inspirait politaine, et se prépara à marcher sur
des craintes, tandis que, en raison de Carthage-L'empereur Léon cependant
la parenté, il pouvait espérer de trou ne voulait point se borner à des atta
ver chez l‘autre un entier dévoue ques partielles; il avait résolu de frap
ment (*). Léon et les Romains ne tin per sur les Vandales un coup décisif, et
rent compte ni des demandes, ni des il faisait alors d'immenses pré aratifs.
menaces de Genséric. Le roi des Van Avec les sommes qu’il tirait e Cons
dales, pour se venger,dirigea alors ses tantinople et des provinces. il équipa
vaisseaux vers I'Orient . et les pirates une flotte de onze cent trente vais
de Carthage allèrent porter sur les cô seaux. et leva plus de cent mille sol
tes de la Dalmatie, de l’lllyric, de l‘E dats ou matelots. Quand il eut ras
pire, de toute la Grèce , des îles de la semblé toutes ces forces, il les confia
mer Égée. et même de l’Asie, les ra à Basiliscus, frère de sa femme, l’im
vages qui n'avaient atteintjusqu’alors pératrice Vérine, et. lui ordonna de se
que les provinces de l'occident. La diriger vers la capitale du royaume de
cour de Byzance négocia d’abord pour Genséric (470). a La flotte formidable
arrêter ce lléau; mais voyant que ses de Basiliscus atteignit sans accident la
démarches n'amenaient aucun résul côte d’Afrique. Il débarqua ses trou
tat , elle résolut d'opposer la force à es au cap Bon, ou sur le promontoire
la force, et de soutenir vigoureusement e Mercure. à environ quarante milles
la guerre. de Carthage. L’armée d’Héraclius et
ananas ENTRE L’EMPIRE D'ORIENT la flotte. de Marcellianus joignirent ou
31' LES VANDALES; nssruscus; secondèrent le énéral de l'empereur,
COMBAT NAVAL; nUsss ET vtc'rolns et les Vandales urent vaincus par terre
ms GENSÉBIC; LES ronces DE L'EM et par mer , partout où ils voulurent
Plna n’omaNT SONT ANÉANTIES. — s’opposer à eux. Si Basiliscus eût saisi
Parmi les guerriers qui suivirent An le moment de la consternation pour
thémius en Italie, se trouvait Marcel marcher sur la capitale , Carthage se
lianus. Après son départ de la Sicile, serait nécessairement ‘rendue , et le
il s’était retiré en Dalmatie . et la , à royaume des Vandales était anéanti.
l’aide des soldats qui s'étaient dévoués Genséric considérale danger en homme.
à sa fortune, il se maintint à l'égard de courage, et I’éluda avec sa vieille
de Rome et de Constantinople dans habileté. Il offrit'respectueusement de
une complète indépendance. Cepen soumettre sa personne et ses États à
dant, à l’avénement d’Anthémius, il la discrétion de l'empereur; mais il
s'imagina peut-être que l'influence de demanda une trêve de cinq jours pour
Ricimer, son ennemi, était à jamais stipuler les articles de sa soumission ;
détruite, et il s'offrit pour servir en et sa libéralité , si l'on peut en croire
l'opinion universelle de ce siècle , lui
(“) Placidie, femme d‘Olybrius; était fit aisément obtenir le succès de cette
sœur d'Eudoxie , qui avait épousé Hunéric, demande insidieuse. Au lieu de se re
fils ciné du roi des Vandales. fuser avec fermeté aux sollicitations de
AFRIQUE 25
son ennemi, le coupable ou crédule ses propres officiers, à l’instigation
Basiliscus consentit à cette trêve fu sans doute de Ricimer , et le roi des.
neste, et se‘ conduisit avec aussi peu Vandales apprit avec surprise et sa
de précaution que s'il eût été déjà le tisfaction que les Romains s'empres
ma tre de l’Afrique. Dans ce court in saient eux-mêmes de le débarrasser de
tervalle, les vents devinrent favorables. ses plus formidables adversaires.Après
aux desseins de Genséric. Il lit monter le mauvais succès de cette grande ex
sur ses plus grands vaisseaux de guerre pédition, Genséric reprit l'empire des
les plus déterminés de ses soldats ; ils mers‘, et les. côtes de l’Italie, de la
traînèrent après eux de grandes bar Grèce et de l’Asie, éprouvèrent tour
ques remplies de matières combusti à tour les fureurs de sa vengeance et
blés, et, après y avoir mis le feu . ils de son avidité. La Sardaigne et Tripoli
les dirigèrent pendant la nuit au milieu rentrèrent sous son obéissance , et il
de la flotte ennemie, sur laquelle le vent joignit enfin la Sicile aux provinces
les portait. Les Romains furent éveillés déjà soumises à sa domination C‘). -
parla vue des flammes qui consumaient GENSÉBIC CONTINUE LA comme;
eurs vaisseaux. L’obscurité, le bruit ses nxrponrs avec Les os'rao
des vents, le craquement des'bois , les GO’I‘HS; ses oeeNtÈaes eN'rnepnr
cris des matelots etdes soldats qui ne ses; IL 'rnu're avec L’eMPeeeUn
savaient ni obéir, ni commander, aug zeNoN; sa MORT. —-— Les historiens
mentaient le désordre et la terreur des anciens ont pensé que l’empereur Léon
Romains. Tandis qu'ils tâchaient de perdit sa flotte par trahison. Ils ont
s’éloigner des brûlots et de sauver une accusé tout à la fois Basiliscus le
partie de la flotte , les galères de Gen commandant. et Aspar , Goth d’ori
séric les assaillirent de tous côtés , et 'ne, qui cherchait, avec son fils Ar
une partie des vaisseaux sauvés des aburius. à se créer à Constantinople
flammes devinrent la roie des Van une puissance égale à celle que Rici
dales, Au milieu des vénements de mer exerçait en Italie. En ce qui con
cette nuit désastreuse, Jean , un des cerne Aspar, l’opinion des contempo
principaux officiers de Basiliscus, a su rains ne paraît pas dénuée de vraisem
par son courage héroïque , ou plutôt blance; mais il est difficile d’admettre
désespéré, arracher son nom à l’en la complicité de Basiliscus. Si [-.éon
bli. Lorsque le vaisseau qu’il avait eût soupçonné seulement ce dernier
bravement défendu fut presque con d’aspirer, comme. on l'a prétendu, au
sumé par les flammes , il refusa la pi trône impérial, il ne lui eût certes pas
tié et l'estime de Genzon, fils de Gen accordé un entier pardon. Basiliscus,
séric; et, se précipitant tout armé dans suivant un ancien historien , était un
la mer, il s’écria, en disparaissant sous brave soldat; mais son esprit était
les vagues , u qu’il ne voulait point borné et on le trompait aisément.
a tomber vivantau pouvoir des chiens.» Léon était bien loin sans doute de lui
Mais le méprisable Basiliscus, étranger attribuer le désastre qui l'avait frappé,
à ce noble courage et placé au poste le puisqu’il lui rendit sa confiance et le
plus éloigné de tout danger, prit hon replaîa à la tête de ses troupes. Ce fut
teusement la fuite dès le commence avec es débris de la flotte d'orient
ment du combat , retourna précipi que Basiliscus battit, en 47|, les Van
tamment à Constantinople, après avoir
(') Ce récit est emprunté à Procope. Gib
perdu moitié de sa flotte et de son ar bon (Hist. de la (L'onde/me, etc., ch. 36) a
mée, et se réfugie dans le sanctuaire seulement cherché, à l'aide des documents
de Sainte-Sophie, où il attendit que sa contemporains, à rendre plus clair et plus
sœur eût arraché par ses prières et ses précis l'historien byzantin, en ce qui con-'
larmes un ardon à l’em ereur indi cerne la mort de Marcellianus.Vo . Procap.
gué. Hérac ius fit sa retraite à travers de Bella VandaL, I, 6; ed. Din orf. Cor
le désert; Marcellianus se retira en pu: script. hist. byzanh, etc. ,' Bannæ,
Sicile‘, où il fut- assassiné par l’un de 1833. '
26
dales sur les côtes de l’Italie , et les l’ambassadeur. Il se fit reconnaître par
repoussa jusque dans le port de Car Zénon comme légitime possesseur de
thage. toute la côte septentrionale de l’Afri
Aspar, il faut le croire, était le traî que, depuis la Cvrénaïque jusqu’à la
tre qui, par ses intrigues et ses mau mer Atlantique, des îles Baléares , de
vais conseils , avait livré vaisseaux et la Corse, de la Sardaigne et de la Si
soldats au roi des Vandales. Léon lui cile. En retour, il promit de traiter à
fit expier. en le tuant, sa trahison et l’amiable pour la dot si longtemps ré
les craintes que, depuis si longtemps, clamée de l'épouse de son fils Huné
il avait inspirées aux maîtres de l’O ric, et aussi pour des contestations
rient par ses hauteurs et son immense qui s’étaient récemment élevées entre
crédit. La mort d’Aspar fut encore les marchands grecs et ceux de Car
pour Genséric un événement heureux, thage. Il fit plus: par estime pour Zé
car elle fit naître une guerre et amena, non et pour Sévérus. l’ambassadeur, il
jusque sous les murs de Constantino cessa de persécuter les catholiques, et
ple , de redoutables ennemis (472). leur permit d’ouvrir leurs églises et
armi eux se trouvait le puissant roi de rappeler leurs évêques exilés. Enfin,
des Ostrogoths , Théodéric. La capi il rendit la liberté à tous les sujets de
tale fut sauvée; mais les barbares ne Zénon, qui, par la piraterie ou la
voulurent point encore poser les ar guerre , étaient tombés aux mains des
mes. Tandis que le roi des Vandales, Vandales, et qui, lui étant échus en
qui avait contracté alliance avec les partage , vivaient comme esclaves dans
Ostrogoths , pressait Théodéric de ses domaines. Après ce traité, qui lé
renverser Léon , il faisait ses courses gitimait ses anciennes et ses nouvelles
accoutumées, et dévastait au midi les conquêtes aux yeux du seul monarque
provinces de l’empire. Il essaya même qui eût le droit de les lui contester, il
d'attaquer l’Égypte et de prendre n'avait plus rien à-désirer. Ce fut le
Alexandrie. Cette fois, il échoua dans dernier succès d’un règne qui, depuis
son entreprise (473). La mort de Léon, cinquante ans, n'avait pas cessé d’être
en 474, suspendit, pour un instant, heureux. Au mois de janvier de l'année
les hostilités (*). Genséric vit enfin tom 477 , Genséric atteignit le terme de sa
ber l’empire d’Occident. Il l’avait com glorieuse vie.
battu , épuisé. amoindri, sans relâche, GOUVERNEMENT m; (muséum.
endant un demi —siècle; et, en 476, Pendant la longue période de l’histoire
il put se lorifier de ce que nul, parmi des Vandales que nous venons de par
les chefsîarbares, sans excepter Ala courir, les pirateries et les guerres
ric et Attila , n’avait fait autant que n’avaient point absorbé toute l’activité
lui pour effacer du monde le nom et de Genséric. Ce chef, qui eut toujours
la puissance de Rome. Restait l’empire les armes à la main, porta souvent,
d'orient, contre lequel il se tourna. néanmoins, son attention et ses soins
L’année même où la ro auté d’Odoacre vers les provinces qui étaienttombées
succédait, en Italie, à ‘ancien gouver en sa possession. Il s’appliqua cons
nement romain, Genséric dirigea ses tamment, en régularisant, si je puis
pirates vers les côtes de I’Épire. L’em me servir de cette expression , sa con
pereur de Constantinople, Zénon , lui quête, à rendre forte et permanente
envoya alors un de ses officiers, Sévé sa domination, qui, dans le principe,
rus, pour demander la paix. Le vieux avait été uniquement l’œuvre de la
roi ne rejeta point les propositions de force. Il réussit. Nous ne connaissons
pas tous les moyens qu’il employa
(') Nous avons déjà dit plus haut qu’au our arriver àson ut; mais, au moins,
moment où Théodéric, roi des Ostrogoths, es résultats de son long règne attestent
traite avec les empereurs de Constautino son extrême vigilance et sa grande sa
ple , il {engagea à combaltre tous les en gesse. Nous parlerons ailleurs et lonv
nemis de l’empire, les Vandale: exceptés. guement de la forme du gouverne
AFRIQUE. :1
mentchez les Vandales, des institutions au gré de ses compagnons d'armes,
politiques, des rapports des vainqueurs la terre conquise. Puis, chose bien
avec les vaincus, des alliances avec plus difficile encore, il mit les vain
les Maures, etc ; ici, nous nous bor queurs et les anciens possesseurs du
nerons à rappeler, en peu de mots, les sol de la Proconsulaire, qui , pour la’
faits qui concernent l'histoire inté lupart, comme nous le dirons ail
rieure de l'Afrique, au temps de Gen eurs, étaient devenus de simples fer
séric. miers, dans des relations telles, que les
De uis la sortie de l'Espagne jus Vandales eurent intérêt à effacer peu
qu'à a prise de Carthage, la nation à peu tous les souvenirs de leur con
vandale n'est qu'une horde inquiète, quête , et à faire oublier aux Romains,
errante, qui n'a point d'autre patrie ar des ménagements de toute espèce,
que la terre ènclose par des fossés où es ri ueurs de l'expro riation. Gensé
elle place son camp; d’autres mœurs ric n'etendit point seu ement ses soins
que celles que font la guerre et des a la province qu'il avait divisée entre
combats sans cesse renouvelés: d’au ses guerriers, mais encore aux autres
tre gouvernement que la discipline des parties de l'Afrique où la terre n'avait
armées. Il suffisait alors , à celui qui point cessé d'appartenir aux Romains.
diri eait les mouvements de cette En dehors de la Proconsulaire ou Zeu
hor e, d'avoir assez de bravoure et gitane, jusqu'à l'extrême frontière de
d'énergie pour la sauver des attaques son empire, des garnisons maintenaient
de l'ennemi, et pour maintenir, dans les habitants dans l'obéissance , et as
‘cette foule composée, comme nous suraient la rentrée des impôts. Pour
l'avons dit, de tant d'éléments divers, s'étendre si loin , la surveillance de
‘l'obéissance et l'apparence de. l'unité. Genséric ne fut- as moins active que
Après la prise de Carthage, les Van par le passé. Ce ut ainsi qu'il contmt
dales, les Alains et les autres barbares arbares et Romains, d'une main ferme
qlllli s'étaient associés à leur fortune, et sûre, et qu'il conserva jusqu'à la
rent mis en possession de terres et fin , sur ses anciens et nouveaux sujets,
de demeures qu'ils ne devaient plus un pouvoir absolu. Des récits contem
quitter. La vie du camp et des aven porams nous apprennent que plus‘
tures cessa pour eux. Ils se dissémi d'une fois, avant et après la prise de
nèrent dans une vaste et fertile pro Carthage, les soldats barbares conspi
vince , la Proconsulaire ,. qu'ils ne rèrent contre l'autorité et la vie de
pillèrent point comme les lieux où ils leur chef; mais nous savons aussi qu'il
ne faisaient que passer, mais qu'ils ex arrêta toutes les conspirations par de
ploitèrent dans des vues d'avenir, sans sanglantes exécutions. Nul en Afrique,
'épuiser. leurs mœurs changèrent. pendant son règne d'un demi - siècle ,
La nation , ainsi transformée , ne pou ne se révolta impunément.
vait plus être régie seulement à l'aide Genséric, on le voit, eut à surmon
de ces mesures simples et énergiques ter de graves et d'innombrables diffl
ui assurent l'ordre dans les armées; cultés. Toutefois, il faut dire qu'il fut
1 lui fallait un gouvernement plus sa secondé dans son gouvernement ar
vant et plus compliqué , et un chef qui deux choses: d'une part, par les é
ne fût pas exclusivement un homme résies qui avaient pris racine en Afri
de guerre. Tous les faits que nous que . et, d’autre part, par les odieux
avons déjà signalés semblent attester souvenirs n'avaient laissés dans tous
que les vues et les talents de Genséric les esprits es excès de l'administration
s'étendirent avec ses succès. Il se impériale. D'abord les donatistes et les
montra aussi habile à gouverner un ariens,jadis persécutés, devinrent pour
peuple sédentaire qu'à diriger les mou lui, en haine des empereurs, leurs
vements irréguliers d'une tribu no ennemis, de fidèles et puissants auxi
made. ' ' liaires; ensuite il rencontra , même au
D'abord, il partagea, il faut le croire, sein de la population catholique, des
28
hommes qui l'aceeptèrent avec joie, taine. Zénon sanctionna, par son traité
préférant, comme on l’avait déjà vu avec le roi des Vandales (476), ces
tant de fois, dans ce siècle de calami usurpations successives des provinces
tés, la domination des barbares à l’ad qui avaient appartenu autrefois aux
ministration oppressive des Romains. empereurs romains. Il reconnut en
Le fisc impérial avait exercé sur l'A outre Genséric comme légitime pos
frique sa désastreuse influence. Il l'avait sesseur des Baléares , de la Corse, de
ruinée, épuisée. Les habitants, en proie la Sardaigne, de Malte et des petites
depuis SI longtemps à d’intolerables îles avoisinantes, et, enfin, de la
souffrances , virent dans les Vandales Sicile.
des libérateurs; et, en réalité. ils trou Quand Genséric mourut, son auto
vèrent, sous le gouvernement de Gen rité était reconnue en Afri ue , depuis
séric, un soulagement à leurs maux. l’Atlantique et Ceuta jusqu à l’embouc
Enfin , le roi des Vandales se mon chure du Cinyps, et peut-être même,
tra fort et habile dans ses relations à l’est de ce fleuve, jusqu'à la fron
avec les Maures. Pour tourner à son tière de l'ancien empire carthaginois ,
profit et à l'avantage de ses États l'ar c’est-à-dire, 'usqu’aux autels des Phi
deur de cette nation avide et remuante, lènes. Sans oute, en certains lieux,
il l’associa à toutes ses entreprises. Il dans les trois Mauritanies, par exem
plaça des Maures dans les rangs de ple, et dans la Tripolitaine, la domi
ses soldats. sur ses vaisseaux et dans nation des Vandales ne s’étendit pas
ses arnisons. Il payait leurs services, au loin dans les terres; souvent même
et, e plus, il les excitait aux pirate elle ne se fit sentir qu'aux villes de la
ries, en leur faisant, au retour de côte. Toutefois, il faut dire que, par
chaque expédition, une part dans le la nature de ses relations avec les
butin. Ce fut ainsi qu’il préservala Maures, Genséric mit ses frontières
partie méridionale de son royaume de du sud à l’abri_des attaques et des in
continuelles invasions, et qu’il s’aida vasions; et, sous ce rapport, sa puis
pour l‘accomplissement de ses des sance en Afrique fut plus forte et plus
seins et pour ses agrandissements , étendue ue celle des empereurs ro
même de ceux que des circonstances mains qu il avait remplacés (*).
fortuites et une haine commune contre PORTRAIT DE GENSÉBIC. ——L’en
les Romains avaient rendus momen semble des événements que nous avons
tanément ses alliés, mais qui, par leur racontés jette une vive lumière sur le
position, leurs mœurs et leurs besoins, caractère et l'es grandes qualités du roi
devaient être ses plus implacables en Genséric. Toutefois, nous n’aurions
nemis. encore de ce chef, l’un des plus il
ÉTENDUE nes POSSESSIONS DES lustres parmi les barbares ("*), qu’une
VANDALES sous LR RÈGNE DE GEN idée bien incomplète, si nous ne rap
sÉR|c.—Le territoire sur lequel Gen prochions de nos jugements le témoi
séric régnait, et qu’il maintint endant gnage et les impressions des siècles
tant d’années dans une comp ète dé passés. .
pendance, occupait presque toute la Suivant Orose, les Vandales étaient
côte se tentrionale de l'Afrique. Nous de leur nature « avides de gain , sans ‘
avons it qu’en l’année 442, après son foi , et amis de la ruse (*"")_. » On a vu,
établissement définitif, le roi des Van dans les pages qui précèdent, que
dales avait consenti à ne garder de ses Genséric ne démentait point son ori
conquêtes que ‘la Proconsulaire ou gine. Il_avait aussi la bravoure com
Zeugitane, la Byzacène, et une faible mune à tous les barbares; et, de plus,
portion de la Numidie. Après la mort
de Valentinien et la prise de Rome (') Voyez 'Papencordt, l. ru, chap. ‘1,
(455), il occupa, pour ne plus s’en P. ("')
x74 et su1v.; et Marcus, l’ . 285 et suiv.
dessaisir, les trois Mauritanies, toute Procop.; de Belle go! 1., ur, 1.
la Numidie. et, à l’orient, la Tripoli C”) Oros., VII, 38.
AFRIQUE. 29
il se distinguait par la promptitude qualités pouvait accomplir et affermir,
avec laquelle il prenait et cxécutait avec cinquante mille soldats au plus,
ses résolutions. Les Byzantins, tant de appartenant à plusieurs races et a plu
fois trompés et vaincus, disaient de sieurs nations, la conquête de toute
lui a que ses ennemis n'avaient pas-en l'Afrique septentrionale. La grandeur
' core eu le temps de réfléchir et de des Vandales fut donc exclusivement
prendre leurs mesures, que déjà il les l’œuvre de Genséric. Elle avait com
avait frappés ("). » Il s’affranchit, et mencé avec lui ; mais aussi elle ne de
c'est là sans doute .une chose singu vait point lui survivre. Dès les pre
lière chez un barbare victorieux, de‘ miers jours d’un nouveau règne devait
toutes les passions qui auraient pu se manifester la décadence de la nation.
gêner ses desseins et arrêter ses en AVÉNEMBNT DE nUNEnIc ; ses
treprises. Il ne s’amollit point au sein maisons AvEc L’EMPIIIE n’onIENT;
du luxe et des plaisirs qu’offrait, à PREMIERS SYMPTÔMES DE DEcA
Carthage, la vieille civilisation ro DENcE CHEZ LES vANnALEs (‘). —
maine. Il subordonna, ce qui était Après la mort de Genséric (477) , Hu
bien rare de son temps, ses cro ances néric, son fils aîné, lui succéda. Il
religieuses à ce que nous appel erions était a peine en possession du trône
aujourd’hui ses vues et ses intérêts po que de graves dissentiments éclatèreut
litiques. Genséric . s’il faut en croire entre lui et l’empereur d’Orient. Des
d’anciennes traditions, avait été ca réclamations relatives à des actes de
tholique dans sa jeunesse (**). Plus piraterie avaient fait naître des diffi
tard , par ambition et pour régner plus cultés que rendait plus grandes en
sûrement ‘sur une nation qui avait core l'ancienne obstination de la cour
adopté pres ue tout entière l’arianisme, de Byzance à ne point payer la dot de
il changea e croyances. On sait qu’en la reine Eudoxie. i.’empereur,en effet,
Afrique, il se lit le persécuteur de retenait toujours les biens de l’épouse
ceux qui avaient été autrefois ses co de Hunéric. Le roi Genséric n’avait
religionnaires. Mais il cessa de se pu les obtenir malgré ses vives ins
montrer sévère à leur égard, le jour tances, et son successeur n'avait pas
où il ne vit plus en eux des ennemis été plus heureux que lui dans ses pre
politiques. Après la chute de l'empire mières demandes. Cependant, Zénon
d’Occident et la ruine de la puissance consentit enfin à négocier. Il envoya
maritime des B zantins, les catholi pour terminer cette affaire, et peut
ques ayant per u tout espoir de se étre par esprit de conciliation , un
cours, et ne lui inspirant dès lors au homme dont le choix devait plaire au
cune crainte, il leur permit d'ouvrir roi des Vandales (478). C’était Alexan
leurs églises, et les toléra. Jornandès dre. principal officier de la maison de
a tracé en quelques mots le portrait Piacidie , sœur d’Eudoxie. Le négocia
de Genséric. « Il était, dit-il, d’une teur se conduisit sans doute avec une
taille moyenne, et, par suite d’une grande habileté, car Hunéric .le lit
chute de cheval, il boitait. Il méditait suivre à Constantinople par des am
beaucoup, parlait peu, et ne s’aban bassadeurs chargés de porter à Zénon
donnait poInt aux plaisirs. Il était des paroles de paix et d’amitié (479).
irascible et avide de richesses. Il se Le roi des Vandales leva lui-même
montra prévoyant dans ses alliances,
(") Pour toute la période de l’histoire des
et toujours habile à exciter entre les Vandales qui s’étend de la mort de Gensé
différents peuples la discorde et les ric à la déposition de Hildéric, nous avons
haines (***). » fait souvent usage de l'ouvrage de M. Papen
Celui-là seul qui possédait tant de cordt (GeJC/liC/lle der, vanda/Lichen Hurr
chafl in Afl'ica, p. 109 et suiv.) et aussi
(‘) Malchi Histozz, p. 95, éd. Paris. d’un excellent travail qui nous a été com
(") Idatii ChrorL, p. 22. muniqué par un jeune savant , M. Maximi
('") Jornandq De reb. gel. 53. lien Veydt.
80
tous les obstacles qui s'opposaient à les Vandales, pour jouir plus complé
une sincère réconciliation: ll renonça tement de la paix , renoncèrent à leurs
à la dot d‘Eudoxie; il cessa de récla courses maritimes. Ils se jetèrent, avec
mer une indemnité pour les marchands une espèce d'ivresse , dans tous les
de Carthage, ui avaient été pillés; il plaisirs et dans toutes les débauches
abandonna en n toutes les prétentions qui avaient tant affaibli ces Romains
que Genséric, son père , avait fait va qu'ils méprisaient et qu'ils avaient dé
loir sur l’Empire. Les Grecs pénétrè possédés. L'esprit militaire s'éteignit
rent aisément dans les motifs de ces chez eux , et les forces de la nation dé
larges concessions; ils surent que Hu clinèrent rapidement. Mais ce change
néric n'était pas moins avide qu'eux ment dans les habitudes et les mœurs
mêmesd'éviterune rupturcetla guerre. devait avoir de prompts résultats. Les
Voici quelles furent alors leurs im Maures, que la main puisante de Gen
pressions: séric avait à peine contenus, se levèrent
« Les ambassadeurs qui revinrent en armes sous Hunéric, et ils com
avec Alexandre, dit le Byzantin Mal mencèrent dès lors une guerre sans
chus , déclarèrent que leur roi Hunéric fin contre les Vandales dégénérés.
désirait, sans feinte, devenir l'ami de GnEnnas sN'rnn LES VANDALBS
l'empereur Zénon; qu'il aimait les ET LES MAURES; csnsc'risns DE ces
Romains, et qu'il renonçait à ses ré GUERRES. — Nous n'essayerons point
clamations de rentes et des autres biens ici de raconter, dans les moindres dé
que Léon avait retenus à sa femme; tails, tous les incidents de ces longues
qu'il ne serait même plus question des guerres. Nous nous‘bornerons à repro
biens qu’on avait enlevés, dans la der uire une page ou , suivant nous,
nière guerre, à des marchands de Car. M. Marcus a parfaitement saisi et rendu
thage , ni de tout ce qui avait fait éle le caractère général de la lutte que
ver à son père des plaintes contre les les Vandales eurent à soutenir contre
Romains; que Hunéric voulait conclure les Maures, leurs agresseurs. « Les
7 une paix urable avec eux, et ne pas événements auxquels ce combat des
même laisser subsister dans leur esprit deux nations donna lieu, dit-il, ne
le soupçon qu'il pourrait un jour ne nous sont guère connus; il est néan
pas observer fidèlement les traités à moins facile d'en déterminer le carac
intervenir et les arrangements déjà tère, et de dire quel en fut le résul
faits; qu'il avait de grandes obliga tat. C'était une suite continuelle de
tions à 'empereur de ce qu'il témoi petites guerres de partisans dont les
Ënait tant de respect à Placidie, femme côtes de la Tripolitaine, les parties
'Olybrius; qu'aussi était-il prêt à con basses de la Byzacène, les montagnes
sentir à tout ce que Zénon lui deman d'Aurès, et le haut plateau bordé. au
derait. Ce n'était pourtant que l'exorde sud, par ces dernières; au nord, par
d'une harangue décente, que tout cela; le petit Atlasaà l'est, par le Bagradas
la vérité est que les Vandales furent ou Megerda, et, à l'ouest, par le lac
alors fortement sou nnés d'avoir Chott et par le cours supérieur de l’A
voulu faire la guerreà ‘Empire; mais jebbi, furent le principal théâtre. Les
ils s'étaient tellement amollis depuis Maures étaient d'ordinaire les agres
la mort de Genséric, qu'ils ne por seurs dans ces guerres; et ils les en
taient lus la même vigueur que jadis treprirent dans les premiers temps
aux a aires. Ils n’entretenaient même pour devenir maîtres absolus des
plus ces armées et ces flottes que Gen chaînes de montagnes et des plateaux
séric avait toujours prêtes dans les ou vallées qu'elles renferment; et, plus
ports de mer, et avec lesquelles il dé tard, our s'enrichir par le pillage aux
jouait les projets de ses ennemis , frais es habitants romains de la côte
avant même qu'ils fussent définitive et des parties peu élevées de l'in
ment arrêtés. » A térieur du pays. Les Vandales devaient
En effet, à partir de cette époque , s'opposer aux projets des Maures
AFRIQUE. :1
sinon, ils risquaient de-voir bientôt de Césarée et de quelques ‘autres villes
leur empire réduit aux limites de la maritimes, mais à expulser en outre
Proconsulaire, où ils demeuraient les Vandales de toute la partie de la
presque tous. Mais, dans leur lutte Numidie qui estsituée au sud du etit
contre les Maures, tous les avantages Atlas. Plus à .l’est, tu Maures e la
étaient du côté de ces derniers. Agres Tripolitaine et de la Byzacène étendi
seurs, ils purent faire porter leurs at rent leurs ravages, déjà sous le règne
taques sur plusieurs points de l’em de Trasamund, jusqu’à Ptuspe et au
ire vandale à la fois, ou sur ceux qui delà. Du temps de Hunéric, les Maures
‘eur offraient pour le moment le lus ne purent détacher de l'empire vandale
de chances de succès. Les Van ales que les montagnes d'Aurès et uelques
avaient peu de troupes stationnaires istricts situés sur la route e Lam
dans les provinces du prince; mais bèse à Sitifis. Mais sous les rois pos
c’est là précisément que se vidait la térieurs, leurs con uétes s’agrandirent
querelle des deux nations; et les con d’autant plus rapi ement que les Van
quérants germains de l’Afrique n’au dales s’amollirent davantage; et, dans
raient as voulu que les habitants ro les dernières années de la domination
mains eces provinces se chargeassent dece peuple ermain en Afrique, les
de leur défense. Si les Vandales ap ro habitants d’A rumète, viltle située non
chaient avec des forces trop grau es, loin de la Proconsulaire, se virent obli
les Maures se retiraient dans des lieux gés de fermer les ouvertures qui étaient
déserts ou défendus par de hautes leurs maisons, et de les 'oindre les
montagnes, sauf à revenir dès que unes aux autres, pour se dé endre faut
l’ennemi serait a'rti , ou à envahir le bien que mal contre les irruptions su
territoire vanda e à une longue dis bites des Maures ('). v ’
tance de l’endroit où le parti adverse TENTATIVBS un Hnnenrc ronn
avait momentanément pour lui la su CHANGER L’onDne De SUCCESSION
périorité du nombre. Mais les Maures AU 'rnôNe; ses PensecUrloNs cou
étaient d'ordinaire plus nombreux que 'rnu sa PnoPne FAMILLE tu comme
les Vandales, et la tactique militaire Les (menus DU BOYAUIB. — Il sem
de ceux de l’Est les fit sortir victorieux ble que pendant la durée de son règne,
de tous les combats qu’ils livrèrent aux l-Iunéric n’ait voulu manifester son
guerriers tudesques. Quant aux Maures autorité et sa puissance que contre ses
e l’Ouest, ils se battaient aussi bien à arents et contre ses propres sujets.
cheval que les Vandales, et leurs fatr ans tenir com te des nombreux dan
tassins valaient probablement mieux gers ni du ebors menaçaient les
ne l’infanterie de ces derniers. La Vanda es, il se plut à porter le désordre
écho et le dard des Numides et des dans l’intérieur de son royaume, et à
Mauritains les mettaient à même de diminuer ses propres forces par un
faire plus de mal aux Vandales, que gouvernement tyrannique et ar de
ceux-ci ne purent leur en faire avec sanglantes persécutions. Une c ose le
leurs larges épées et leurs longues lan préoccupa avant tout, ce fut de chan
ces, les Maures occidentaux ayant ger l’ordre que Genséric avait établi
l’habitude de disparaître comme l’é pour la succession au trône. Le con
clair du champ de bataille quand ils quérant de l’Afrique avait voulu que
voyaient de loin l’ennemi fondre sur la royauté appartint, en cas de mort,
‘eux, et de se jeter sur lui à leur tout‘ non point suivant les lois ordinaires
au moment où il s’y attendait le moins. au fils du roi défunt, mais au membre
Il n’est donc pas étonnant que dans le plus âgé de la famille royale. Il faut
les arties occidentales de l’empire ajouter, toutefois, que les fils du roi
van ale, les Maures soient parvenus défunt étaient appeles aussi à succéder,
peu à peu, non-seulement à se rendre
maîtres de toute la Mauritanie césa (’) M. Marcus; Æstaîre des Vandales‘,
rienne et de cellede Sitifis, à l’exception etc. , p. 311 et suiv.
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pourvu qu’ils remplissent cette condi à la terre comme esclave; La colère
tion d'âge que Genséric, par crainte du roi ne fut pas encore apaisée par
des minorités et aussi peut-être pour tant de rigoureux châtiments: chaque
légitimer sa propre élévation, avait mois , Camut était frappé de verges;
posée dans son testament. Hunéric, on mesurait l'eau qu’il buvait, et le
pour favoriser ses enfants , voulut pain qu’on lui donnait était à peine
violer l'ordre établi. Pour parvenir à suffisant pour prolonger son exis
son but, il se lit le persécuteur des tence.
autres membres de sa famille. Parmi Dès .les premières exécutions, l'é
ceux-ci, il craignait surtout la femme vêque arien de Carthage, Jocundus,
rusée et habile qu’avait épousée son avait ‘essayé de porter au roi des pa
frère Théodéric. Il I’accusa d'un crime raies de pitié et de clémence. La pa
imaginaire et la fit décapiter. Le fils cifique et généreuse intervention du
aîné de 'l'héodéric, jeune prince versé prélat fut mal récompensée : I-Iunéric
dans les belles-lettres, partagea le sort irrité fit brûler Jocundus en présence
de sa mère; puis un autre fils encore de tout le peuple assemblé. Les catho
en bas âge et deux filles furent aban liques virent peut-être avec joie cette
donnés à la fureur des animaux sau fin tragique d’un évêque arien , mais
vages; enfin Théodéric et Genzon; le temps n’était pas éloigné où devait
frères du roi, et Godagis, un de ses fondre sur eux une terrible persécu
neveux, furent condamnés à l'exil. On tion.
ne laissa auprès d'eux aucun de ceux INTERVENTION DE HUNÉBIC DANS
qui auraient pu les aider ou les con LES AFFAIRES RELIGIEUSES; LES MA
soler; on leur enleva même leurs ser NICHÉENS ET LES CATHOLIQUES. —
viteurs et leurs esclaves. Les comtes Dans les premiers temps qui suivirent
et les autres nobles soupçonnés d'être son avénement, Hunéric se montra
les partisans des opprimés furent étran plus tolérant que son père envers les
glés. catholiques de son royaume. Il acca
Hunéric, ui frappait avec tant de bla d'abord de ses rigueurs les mani
rigueur ses rères et ses neveux, ne chéens. Il ménageait alors les catho
devait point, sans doute, se montrer liques pour les lier en quelque sorte
scrupuleux et modéré à l'égard de ceux à ses projets. Il espérait sans doute
qui ne lui étaient pas unis par les liens qu’à l'aide de cette modération affec
du sang. Sans mémoire pour les ser tée, il les gagnerait à sa cause et à
vices passés. sans respect pour les celle du fils qu’au mépris des lois il
choses les plus saintes, il enveloppa voulait placer sur le trône. Quand il
également dans ses sanglantes persé s’aperçut qu’il ne pouvait réussir par
cutions et les vieux compagnons de la douceur, il eut recours à la sévé
son père, et les ministres de sa reli rité et aux violences : il priva tous les
gion. D'abord il fit trancher la tête à catholiques de leurs emplois; il pour
Heldic , que Genséric avait nommé suivit même les officiers de sa cour
chancelier du royaume. Il fit saisir qui refusèrent d’embrasser l’arianisme;
aussi la femme de Heldic, Teucarie , et, après les avoir dépouillés de leurs
et la condamna au feu. Après l'exécu biens , il les fit déporter en Sardaigne.
tion , les restes des deux époux furent Il était naturel que la persécution
trainés, durant un jour entier, sur frappât surtout les prêtres et les évé
toutes les places et dans les rues de ues. Hunéric ne se contenta point
Carthage. Le frère de ces infortunés , se leur ôter leurs biens; dans la pre
Camut , parvint à se soustraire au der mière moitié de l'année 483 , il en jeta
nier supplice en se réfugiant dans un près de cinq mille dans les déserts de
temple. Il fut arrêté néanmoins, et il ’Afrique , et les livra ainsi, sans dé
ne put échapper à la torture; on le fense, aux attaques et aux mauvais
jeta d’abord dans une fosse immonde, traitements des Maures. Néanmoins,
d’où il ne fut tiré que pour travailler malgré sa toutepuissance , le roi sen
AFRIQUE. 33
. tit le besoin de donner à ces actes, jesté royale de faire retomber le mal
d'une odieuse tyrannie, les apparences sur ceux qui ont voulu le mal. Le
de la légalité. A cet effet, le 19 mai méchant ne doit s'en prendre qu'à lui
483 , il publia un édit qu'il fit lire, le même si le châtiment est le résultat
jour de l'Ascension , dans toutes les de ses mauvaises intentions. En cela,
églises de son royaume. Par cet édit , notre clémence suit la marche de la
il ordonnait aux évêques ariens et ca justice divine, qui répand, par une
tholiques de se réunir à Carthage le équitable compensation, le bien et le
premier jour de février de l'année sui mal sur chaque homme, suivant qu'il
vante 484, pour discuter librement, a mérité ou démérité. C'est pourquoi
disait-il, sur les points qui séparaient nous prenons aujourd'hui des mesures
les deux églises. sévères contre les rovocateurs u_i
coNciLn DE can'rnitcn; Énir ou ont cru pouvoir en reindre les é its
1101 HUNÉBIC CONTRE LES CATHOLI de notre père de glorieuse mémoire et
QUES. —Tous les évêques de l'Afri nos propres édits. Nous avons déjà
que s'étant rendus à Carthage , au faitsavoir par nos ordonnances, à tous
temps indiqué , les conférences com les peuples qui nous obéissent, que
mencèrent; mais la discussion fut nous nous opposions aux assemblées
loin d'amener entre les deux partis un convoquées par les prêtres catholiques
rapprochement et des concessions; les dans les terres échues en partage aux
catholiques demeurèrent inébranlables Vandales, et à la célébration de leurs
dans leur foi. Les ariens qui avaient mystères impies. Voyant que les ca
prévu, sans doute, ce résultat, sai tholiques ne tenaient point compte de
sirent avidement l'occasion qui leur nos injonctions, et ayant été informés
était offerte de frapper leurs ennemis, d'ailleurs que plusieurs se vantaient
et Hunéric publia l'édit suivant C‘) : d'être seuls en possession de la vraie
« Nous , Hnnéric, roi des Vandales doctrine, nous leur avons mandé, en
et des Alains , mandons les choses leur fixant un délai de neuf mois, de
qui suivent à tous les peuples soumis venir sans crainte à Carthage our une
à notre domination. assemblée qui devait avoir ieu aux
« C'est un des attributs de la ma calendes de février de la huitième
année de notre règne. Notre intention
") Nous ne devons point faire un récit était d'examiner, dans cette nouvelle
détaillé des persécutions auxquelles furent conférence, si l'on pouvait se rappro
exposés les catholiques sous la domination cher de leurs doctrines. Lorsqu'ils se
des Vandales. Tout ce qui tient à l'origine, furent rendus de toutes parts a Car
aux progrès et aux luttes du christianisme thage pour l'époque désignée, nous
en Afrique , trouvera place dans une autre leur accordâmes encore un délai de
partie de ce volume. Toutefois, nous som quelques jours. Au moment où les ca
mes forcés de donner ici, dans son entier, tholiques se montrèrent‘ disposés à
l'édit promulgué par le roi Hunéric , en conférer, nos vénérables évêques les
l'année 484. D'abord, cet édit contient plu invitèrent à rouver nettement. à l'aide
sieurs faits importants que nous ne pouvions des divines .critures, ainsi que cela
passer sous silence , le concile de Carthage, avait été réglé à l'avance, leur dog
par exemple; ensuite, il offre, quoiqu’en me de la consubstantiah’té du Père
abrégé, un tableau complet des triomphes du Fils et du Saint-Esprit, ou bien d
et des revers qui ont marqué les diverses
périodes de la guerre que le catholicisme rejeter ce que les innom rables prélats,
eut à soutenir en Afrique contre les héré rassemblés de toutes les arties du
sies. Nous nous dispensons, en outre, par monde, dans les deux conciles de Ri
la simple traduction de ce document , d'en. mini ‘et de Séleucie, avaient précé
trer dans de longs développements. Il suffira demment condamné. Mais loin de se
de lire l'édit de 484 pour connaître la cause prêter à ce qu'on leur demandait, ils
tploussèrent le peuple à la sédition._Il_s
et la nature de la grande persécution qui a
signalé le règne de IIunéric rent plus: lorsque nous leur enjoi
3' Livraison. (HIST. mis VANDALES.) 3
34
gnîmes, le second jour, de nous éclaiy du droit de donner, détester, etgau‘ss'i,
rer, suivant l'engagement pris, sur‘ de recueillir une donation ou un‘epsubi
leurs croyances, ils eurent recours." cession, soit à titre de‘ fidéi-comniis,
avec leur audace accoutumée, à une de legs ou de donation [cela quand
nouvelle sédition et aux clameurs, et bien même ils eussèntü'é) Lhégitiers lé
les débats ne purent commencer. Sur gitimes, ou sim lement hérjtiers dé
leurs provocations, nous ordonnâmes signés par codicil e et autres Lactes de ce
que leurs églises restassent fermées genre. La persécution en était venue à
tant qu'ils ne voudraient pas se pré< ce point que lesofliciers même du palais
senter à la conférence indiquée. Avec étaient soumis, pour, lejsçj‘il, fait de
une mauvaise volonté bien arrêtée, ils, dissidence, aux peines les plus‘ sévères.
persistèrent dans leur résolution. Nous ' Ainsi privés de leurs digijit‘és et des
avons donc cru nécessaire et juste de privilèges de leurs ‘charges, ils se
tourner contre eux les mesures pres voyaient assimilés aux criminels d'É
crites dans les lois qu’ils ont fait pro tat. Les employés subalternes des
mulguer à différentes époques par les divers fonctionnaires civils étaient pas‘
empereurs qui partageaient leurs er sibles, pour le même fait, d’une amende
reurs. Voici quelques dispositions de de trente livres pesant d'argent. S'ils
ces lois : « Il n'y aura point d’autres encouraient une sixième fois la con
églises que celles ui sont desservies damnation, on ajoutait au. châtiment
par des prêtres cat cliques; il ne sera rescrit les verges et l’exil. En outre,
pas permis aux dissidents de se réunir es empereurs avaient ordonné de
pour vivre sous une règle commune,‘ brûler tous les livres des prêtres qu’ils
de convoquer des assemblées, de se poursuivaient pour hérésie. Sembla
faire donner ou d’élever des églises lement, nous ordonnons de brûler
' dans les villes ou dans tout autre lieu, les livres qui contiennent les doctrines
quelque petit qu’il soit. Toutes les impies des catholiques. Voici, en
choses qui auront servi au culte non outre, quelles étaient les mesures pri
autorisé seront la propriété du fisc. ses, au temps des empereurs catholi
Les biens de l’église condamnée re ues, contre les individus de chacune
viendront aux prétres catholiques. Les .es classes dont se compose la popu
dissidents ne ourront se déplacer; tion de l'empire: les illustres payaient
s’ils essayent e changer de pays, ils pour le fait de dissidence, cinquante
seront livrés par les villes et localités ivres pesant d’or; les spectabiles,
où ils auront cherché refuge; ils ne quarante; les sénateurs, trente; les
pourront ni baptiser, ni se livrer à la décurz‘ons, cinq; les marchands, cinq;
controverse sur des matières reli chaque homme du peuple , cinq; enfin
gieuses; défense leur est faite de sa les circumcelliones, c’est-a-dire les in
crer les évêques, de conférer les ordres dividus n’ayant point de domicile
aux prêtres et aux membres du clergé. fixe (*), payaient dix livres pesant d’ar
Les délin nants, à savoir, celui qui
conférera es ordres et celui qui es (’) Dans l'opinion de M. Louis Marcus ,
recevra, seront condamnés, chacun les circumcelliones étaient les habitants de
séparément, à une amende de dix li la campagne et de: place: où il n'y avait
point de carie au sénat. Suivant nous, c'est
vres d’or; en sus, ils ne pourront ap
peler de la sentence. On ne tiendra une grave erreur. Les circumcellione: dési
gnés dans l'édit que nous reproduisons ici,
aucun compte aux condamnés des ‘ti étaient des individusqui tenaient en quelque
tres particuliers qu’ils pourraient faire sorte le milieu entre les membres du clergé
valoir. Enfin, dans le cas où il y aurait et les laïques , et qui, sous un costume par
récidive, les coupables seront enlevés ti’culier et' comme maines, erraient çà et là ,
de leurs demeures, conduits en'e‘xil et sans avoir un domicile fixe. Les nombreux
soumis à la surveillance. » Les mêmes exemples empruntés par du Cange à saint
empereurs OntégaIement sévi‘ contre Au ustin, à lsidore, au Moine de Saint
les dissidents laïques, en les privant Gafi et a bien d'autres encore, ne nous lais
AFRIQUE. . 35
gent; et de plus, ceux qui persévé toutes les choses condamnées ci-des.
raient dans ce qu’on appelait leurs sus. Qu’ils sachent bien qu’il sera pro
erreurs, perdaient leurs biens et étaient cédé à leur égard sans nulle tolérance.
condamnés à l’exil. Si les habitants de Les châtiments atteindront indistinc
tout rang, dans les villes, si les régis Ntement tous ceux qui, aux calendes de
seurs et fermiers des biens d'autrui juin de la huitième année de notre règne,
essayaient de cacher un délinquant, ne se seront point convertis à la vraie
ne le dénonçaient as, ou tentaient de religion, celle que nous pratiquons et
soustraire un pr.venu au jugement, vénérons. Notre piété a fixé ce délai
ils encouraient les mêmes peines que pour ouvrir la voie de l’indulgence à
les coupables. Les fermiers des do ceux qui se rétracteront, et, d’autre
maines royaux donnaient au fisc, à part, pour enlever tout prétexte de
titre d'amende, une somme é ale à plaintes à ceux qui ne se rétracteront
celle qu’ils payaient pour la erme. point. Les individus qui persévéreront
C’était la mesure qui était générale dans leur erreur, qu’ils soient officiers
ment adoptée à l’égard des régisseurs du palais ou fonctionnaires ublics,
de biens particuliers, ou des posses seront passibles d’une amen e, cha
seurs d’immeubles, quand ils refusaient cun en raison de son rang, et d’après
,l’abandonner leurs croyances. Les le tableau qui a été dressé précédem
gouverneurs civils des provinces qui ment. Nous voulons en outre, par cet
ne tenaient pas la main à l’exécution édit, que pour la punition des délits,‘
de ces lois encouraient la peine de on consulte avec soin le texte des lois
mort; il en était de même des trois que nous avons citées, afin qu’on ne
employés supérieurs‘ des bureaux du puisse commettre d’erreurs dans l'ap
gouverneur civil; quant aux em loyés , plication des peines. Quant aux gou
inférieurs, ils étaient passibles c acun verneurs des provinces, nous ‘ordonä
d’une amende de vingt livres d'or.‘ nous qu’on leur inflige les châtiments’
C’est (pourquoi nous croyons néces prononcés contre eux quand ils né‘
saire appliquer à notre tour toutes gligeront d’obéir à nos commande
les mesures précédemment indiquées ments. Que les vénérables serviteurs de
à ceux qui sont convaincus d’avoir été ‘la Majesté divine, à savoir nos prêtres,
et d’étre encore catholiques. Nous soient mis en possession de toutes les
leur ordonnons de renoncer à leurs églises des catholi ues et de leurs
anciennes erreurs‘. S'ils résistent, on dépendances, en que ques lieux et con
les poursuivra devant les tribunauxvde trées de notre royaume que ces églises
toutes les villes, et on poursuivra aussi se trouvent situées. C’est là notre vo
les ju es qui, sans ‘tenir compte de lonté. Les pauvres profiteront, nous
nos vo 'ontes, auront négligé d’infliger n’en doutons pas , de ce que nous don
aux coupables de rigoureux châti nons si légitimement aux ministres
ments. Nousï voulons donc que les sacrés de notre religion. Nous ordon
partisans de la doctrine de la consubs nons que cette loi, fondée sur l’équité
tantialité du Père, du Fils et du Saint-' naturelle, soit ortée à la connais
Esprit, doctrine’ déclarée fausse dans sance de tous, afin que nul désormais
une assemblée où ‘ont 6 juré tant’ et de ne puisse se prévaloir d’avoir ignoré
si grands prélats, s’a tiennent de ses dispositions.
‘ a A tous les peuples soumis à notre
sent aucun doute à cet égard. En général,‘ ils x.
,domination . salut.
appartenaient à la secte des donatistes; Il « Donné à Carthage, le sixième jour
nous semble que le dernier et trèsrsavant des calendes de mars(‘). » ‘
éditeur du Glassarium aurait pu rappro CARACTÈRE na LA pxnsécnrrom;
4 cher ces circumcelliones des presbyteri Up
gantes, dont il est fait mention dans les ,47") _Cet édit du roi Hunéric nous a été
capital/aires. Voy. du Cange, a. v. Cir .transmis par Victor de Vite. De perse'cut.
cumcellionu. farulaL, 3.
8.
36
INTERVENTION DE L'EMPEREUR n'o abjuration. Dans l'histoire de cette
RIENT; MORT DU ROI IIUNÉRIC. — persécution, racontée par Victor de
La persécution suivit de près cet édit, Vita avec trop de passion peut-être,
promulgué au mois de février de nous choisirons seulement un fait qui
'année 484. On prit contre les catho montrera , tout ensemble , les violences
liques des mesures sévères, et bientôt et la mauvaise foi du roi Hunéric et
même on eut recours aux supplices. des hérésiarques ses conseillers.
L’empereur d'Orient, Zénon , sollicité Après avoir romulgué son édit, le
par le pape Félix, essaya alors, mais roi lit chasser e Carthage les évêques
en vain, de faire sentir son intervena catholiques qui, obéissant aux lettres
tio‘n. S'il faut en croire d'anciens ré de convocation, s'étaient réunis pour
cits, le roi des Vandales, pour mon le concile. Il avait en soin, au préala
trer qu'on ne devait trouver en lui ni ble, de les dé ouiller de tous leurs
miséricorde, ni pitié, fit parcourir à biens; puis, il t savoir que celui qui,
l'ambassadeur, venu de Constantinople par pitié ou autrement, onnerait aux
à Carthage, des_ rues remplies par les roscrits un asile ou du pain, serait
instruments qui servaient aux sup brûlé avec sa maison. Les évêques
plices des catholiques; ainsi chassés prirent la sage résolution
Hunéricétaitencoreaniméparlescou de rester aux environs de la ville. Ils
scils des évêques qui l'environnaient, n'ignoraient pas que s'ils tentaient de
et qui étaient les chefs des hérésiar s'éloigner, on les forcerait à revenir,
ques. C'étaient ces évêques, et non les et qu’usant du mensonge, leurs enne
catholiques, comme disait l'édit, qui mis les accuseraient de s'être dérobés
s'étaient opposés à une conférence pa aux conférences et aux luttes de la
cifique et à la libre discussion. Avant discussion. D'ailleurs, qu'eussent-ils
la réunion , ceux qui suivaient les doc gagné à revoir leurs maisons et leurs
trines de l'orthodoxie avaient bien églises déjà envahies par les persécu
prévu ce résultat. Ils redoutaient ce teurs? Ils restèrent donc auprès des
concile, où, comme ils le savaient, on murs de la ville. Là, ils gémissaient
devait les condamner sans les enten sur leur malheureux sort , lorsque , par
dre. Aussi ils avaient essayé, pour hasard, ils rencontrèrent le roi qui
détourner le coup qui les menaçait et était sorti avec une escorte. Ils se je
liio ur se créer
nature dedesl'assemblée
auxiliaires, où
de changer
on les tèrent sur son passa e, et lui dirent:
(1 Que t'avons-nous ait? quelles sont
appelait. L'un d'eux, le métropolitain nos fautes ou nos crimes? Nous som
Eugène, avait dit au roi qu'il ne lui mes venus, à ton appel, pour discuter
semblait pas juste de faire discuter et et soutenir nos doctrines; pourquoi
résoudre par les évêques d'une seule donc nous dépouiller de nos biens,
provinceles questions qui intéressaient nous chasser de Carthage, et nous li
toute la chrétienté. Hunéric lui avait vrer en proie à la faim et à toutes les
répondu avec dérision: a Eugène, son misères? n Hunéric les regardait avec
mets l'univers à ma puissance, et je colère, et ils n'avaient point encore
réunirai en concile, comme tu le veux, achevé, qu’il ordonna à ses cavaliers
les évêques du monde entier. » Cepen de les disperser. On lui obéit avec tant
dant les catholiques, pour tenter sans de promptitude, que plusieurs parmi
doute la voie des conciliations, vinrent les évêques ne purent échapper à ceux
à Carthage; mais, nous le répétons, qu'on avait lancés à leur oursuite.
ils étaient condamnés à l'avance, et Les vieillards et les mais es furent
leurs ennemis avaient déjà tout dis renversés et broyés sous les pieds des
posé pour la persécution. chevaux.
Nous ne voulons point énumérer Peu de temps après, Hunéric indi
ici les odieux moyens, exils et sup qua aux évêques un lieu où ils devaient
lices, que l'on em loya pour vaincre se rassembler. Ils étaient à peine ar
es catholiques et eur arracher une rivés, qu'ils furent abordés par des
AFRIQUE. s1
officiers du roi. Ceux-ci leur montrè faite de chanter, de prier, de lire, de
rent une feuille roulée, et leur dirent: baptiser, de conférer les ordres sacrés
« Hunéric, notre seigneur, malgré vo et de remettre les péchés. » Ensuite,
tre obstination et quoique vous refu on dit aux autres : « Vous avez refusé
siez d'embrasser ses croyances, veut de jurer, parce que vous ne voulez
encore vous offrir un moyen de ren point avoir pour roi le fils de Hunéric ,
trer en grâce. Si vous jurez d’observer notre seigneur: c’est pourquoi vous
ce qui est écrit sur cette feuille, il serez transportés en Corse. Là, vous
vous rendra vos maisons et vos égli couperez le bois qui doit servir aux
ses. » Tous s'écrièrent alors: « Nous constructions de la flotte royale. »
sommes chrétiens; nous sommes évê A la fin de l'année 484, le roi Hu
ques; notre doctrine est celle des apô néric, s’il faut en croire les écrivains
tres; c’est la vraie doctrine, et nous catholiques, mourut rongé par les vers.
ne voulons point y renoncer. au Comme Dix mois environ s’étaient écoulés de
les officiers du roi les pressaient de puis la promulgation de l’édit de per
jurer, Hortulanus et Florentianus ré sécution.
oudirent: « Sommes-nous donc des GUNTHAMUND succene A HUNÉ
tres assez dépourvus de raison pour arc; sa 'roLenANce; ses Gnennes
promettre d’exécuter les clauses d’un coNTne Les MAURES; ses RELATIONS
écrit que nous ne connaissons point?» AVEC Les osrnocorns; sa MORT. —
On apprit alors aux évêques quel était Suivant la loi établie par Genséric,
le serment qu’on leur demandait. Il Gunthamund, fils de Genzon, succéda,
s’agissaitde reconnaître, après la mort comme le plus âgé des princes van
du roi, son fils Hildéric comme son dales, à son oncle Hunéric. Le nou
légitime successeur. Après cette décla veau roi se montra. favorable aux ca
ration , les avis des évêques furent tholiques. La persécution, il est vrai,
partagés; les uns se montrèrent prêts continua au commencement de son
obéir, mais les autres restèrent iné règne, mais les violences cessèrent peu
branlables, voulant observer dans toute à peu, et, en 487, Eugène, rappelé de
sa rigueur cette parole de I’Étangile : l’exil , put reprendre possession de son
« Vous ne jurerez point. » Après avoir sié e de Carthage. Les autres évêques
constaté cette scission , les officiers cat oliques, qui avaient été forcés de
royaux dirent: ,« Que ceux qui consen fuir ou de se cacher, ne tardèrent
tent à prêter le serment exigé se sé point à reparaître, et, comme leur
arent de ceux qui persévèrcnt dans métropolitain , ils rouvrirent leurs
eur obstination. » Quand ils furent églises, que la persécution avait fer
séparés, des greffiers rccueillirent leurs mées.
paroles, et le nom de la cité à laquelle Gunthamund ne fut pas toujours
chacun d’eux appartenait. On procéda heureux dans la lutte qu’il eut à son
de même à l’égard de ceux qui n’avaient tenir contre les Maures. Ils avaient
point voulu jurer. Mais les uns et les envahi, sous son règne, toute la partie
autres ne devaient pas tarder à s'aper orientale de la Byzacène, et leurs at
cevoir de la perfidie du roi Hunéric. taques devenaient chaque jour plus
Tous indistinctement furent arrêtés fréquentes et plus hardies. Ce fut sans
et soumis à une dure surveillance; doute pour ne point être distrait de
uis on prononça contre eux une dou cette guerre d’Afrique, et par crainte
blé sentence. On s’adressa d’abord à d’une diversion, que Gunthamund fit
ceux qui avaient prêté le serment : un traité avec Théodéric, le nouveau
« Puisque vous avez violé les préceptes maître de l’Italie. Il s'engageait à ne
de l’Évangile en consentant à jurer, le plus piller les côtes de la Sicile; il
roi vous enlève pour toujours à vos abandonnait, en outre, la portion de
cités et à vos églises; on vous relé l'île qui était restée aux Vandales, en
guera dans des terres que vous culti vertu des traités conclus avec Odoacre ,
verez comme colons. Défense vous est et, de plus, il se soumettait volontaire
88
ment à payer au roi. des Ostrogoths guerre contre les Maures. Cabaon,
‘un tribut annuel. Gunthamund mourut chef des tribus de la Tripolitaine, fut
au mois de septembre de l'année 496. le plusredoutable ennemi des Va_n-'
RÈGNE DE 'rnaAsAuuND; soN dales. Il ne se borne point à faire sur
AMOUR POUR LA coNrnovEasE; sEs leur territoire de passagères incur
ALLrxNeEs; sas GUERRES; sa mon. sions. Il s'y établit, et osa attendre,
— Thrasamund était frère du dernier contre les habitudes de sa nation, les
roi. Il était beau, doué d'un esprit forces considérables u’on lui opp n
pénétrant, mais subtil, et il avait cul sait. A la fin du règne 3e Thrasamund,
tivé ‘les lettres. Il comprit que c'était il fit subir aux Vandales un grand dé
mal servir l’arianisme que de persé sastre. On avait envoyé contre lui une
enter ouvertement les catholiques-I1; puissante armée; il l’anéantit. Thrasa
imita l'empereur Julien. Il combats‘ mund mourut en 523..A sesdernicrs
tit les ennemis de sa croyance, non instants, il avait fait appeler Hildéric,
plus comme Hunéric, par des. sup que la loi lui donnait. pour successeur.
plices, mais en les privant, à sa. cour Il lui recommanda de ne point suivre
et dans son royaume , de biens, d'hon son exemple , d'user de tolérance à l'é
neurs et de considération, et en les gard des catholiques, et de réparer,
accablant en tous. lieux de mé ris et autant qu’il le pourrait, les maux de
d’outrages. Il voulait paraître eux et la persécution.
tolérant. Il discutait votonti'ers avec amnésie; IL FAIT PÉBIB AMALA
les catholiques. Avant tout, disait-il, FBID E'r MIIPT AVEC LEs os'rno
il cherchait à s'éclairer. Mais, en vé GO'I‘HS; 8A1 DoucEun POUR LES CA
rité, il ne provoquait les. discussions TnoLiQuEs ET SES napron'rs AVEC
_c pour montrer son. savoir, et pour L’EMPmE D’oEIEN'r LUI ALIÈNENT
aire‘ sentir à ses. adversaires ses rail‘ L’ArsEc'rioN DEs VANDAJÆS. — Hil
leries et ses. dédains. Cependant il ne dénic, à son avénement,.s’.empressa
put toujours se contenir, et il eut re de suivre les conseils et dfexécuter les
cours parfois à la; force et aux violen dernières volontés du roi Thrasamund.
ces. Ainsi, en 507, les évêques de la. Il‘ cessa de persécuter lescatholiques,
Byzacène ayant voulu remplir les vides les rappela de l'exil, leur rendit leurs
que la rse‘cution et la mort avaient: églises , et leur permit de faire de nou
laissés s leurs rangs, le roi fit. saisir veaux évêques. Des synodes furent te
les nouveaux élus et ceux qui; les nus alors dans chaque province; et
avaient sacrés, et les exila tous enSar bientôt même ceux que Hunéric et
daigne. Thrasamund avaient proscrits purent
Le mariage de Thrasamund; avec se rassembler dans un concile général
Amalafrid, sœur de Théodéric, ren à Carthage (524), pour discuter, libre
dit plus forte que par le passé. L'alliance ment et sans crainte, sur les points qui
qui existait déjà entre les conquérants intéressaient leurs croyances et leur
e l'Afrique et ceux de l’Italie. La culte. Le roi agissait ainsi dans des
nouvelle reine apportait en dot à son vues de conciliation; il voulait changer
époux le promontoiÿedeLilybée, c'est les. rapports qui avaient existé jus
à-dire, la partie la plis. occidentale de qu’alors entre les ariens et les catho
la Sicile. Toutefois; Théodéri‘c et Thra liques, rapprocher les églises rivales,
samund ne furent as toujours unis; et mettre un terme à leur longue désu
et l'on
des sait qu'en
Vandales, ’année 510,
en soutenant le
Gésali'a, nion. Mais il ne réussit pas dans son
entreprise. Si la lutte cessa pendant un
prêta aide et appui aux ennemis des instant, le haines ne s’éteignirent
Ostrogoths. point.
Si les maîtres de l'Afrique étaient Dès les premiers jours de son règne,
alors en paix avec l'empereur d'orient‘, Hildéric avait eu à se défendre contre
Anastase, ils avaient toujours à soute Amalafrid , veuve de Thrasamund.
nu sur leur propre territoire une rude Elle avait excité une révolte qui fut
AFRIQÜE. a9
promptement étouffée. Après avoir tout à la fois la déchéance de Hildéric,
échoué, Amalafrid se sauva chez les et l’avénement a la royauté de leur
Maures, avec les Got-hs qui l'avaient chef victorieux. Gélimer, par Genzou,
accompagnée à l'époque de son ma descendait de Genséric. Il est vraisema
riage; mais elle fut arrêtée dans sa blable qu'avant la brusque révolution
fuite. On massacra ceux qui la suivaient; ni le porta au trône, il s'était déla
et. pour elle, on lajeta dans'une dure ait un nombreux parti. Il n'hésita
prison. Après la mort de Théodéric, point à accepter le titre que lui avaient
son frère, elle fut mise à mort. Par là décerné les soldats. Il marcha sur _Car«
l'alliance qui existait entre les Vandales thage , et s'en empara. Là , il fit jeter
et les Ostrogoths fut rompue. Hildéric en prison l'ancien roi avec. Oamer et
ne s'inquiéta point des protestations Euagis, ses deux neveux-(531).
et des menaces qui lui venaient d'lta ‘Quand Justinien apprit ces événe
lie. il savait trop bien que, depuis la ments, il envoya des ambassadeurs a
mort de Théodéric, le plus illustre de Gélimer, our l engager à rendre à Hil
leurs rois, les Ostrogoths se trouvaient déric la li erté et le trône. Mais le nou
dans des embarras tels, qu'ils ne pou veau roi ne tint compte des lettres de
vaient se venger. D'ailleurs, il était li l’em ereur d'orient. Il fit même cre
vré tout entier à ses relations avec l'O ver es yeux à Oamer, et rendit plus
rient. Il entretenait un commerce dure la captivité de celui qu'il avait dé
assidu d’ambassades et de lettres avec trôné. Justinien lui envoya alors une
la cour de Constantinople, où il avait nouvelle lettre. Elle était ainsi conçue:
longtemps vécu. Il regardait Justinien «Nous t'avons déjà écrit, parce que
comme son protecteur, et comptait sur nous pensions que tu suivrais volon
son appui; et, pour lui témoigner son tiers nos conseils. Maintenant, nous ne
affection et son respect, il voulut que t’exhortons plus à céder ta royauté:
ses propres monnaies portassent l'ef arde ce que la fortune t'a donné. Seu
figie de l'empereur de Byzance. C'était ement, laisse venir vers nous Hildé»
placer en quel ne sorte les conquérants ric, Oamer et son frère Euagis, afin :
de l'Afrique (dans la dépendance de que nous puissions leur prodiguer les
ceux qu'autrefois ils avaient vaincus, consolations qui conviennent à ceux
et reconnaître que les Vandales avaient qui ont perdu une couronnevou la lu
un autre souverain que l'héritier légi mière des yeux. Dans le cas où tu re
time de Genséric. jetterais notre demande,nous avons
Le mécontentement de la nation ris la résolution de recourir à la force.
croissait de ‘our en jour. Elle repro n cela, nous ne violerons point la
chait à Hild ric ses liaisons avec Cons paix faite avec Genséric. Te poursuivre
tantinople, sa rupture avec les Ostro par les armes, ce n'est point attaquer
goths, et aussi les ménagements qu'il son successeur légitime; c'est le ven
gardait avec les catholiques. Le mau ger.» Après avoir pris connaissance
vais succès de .la guerre contre les de cette lettre hautaine, Gélimer ré
Maures aigrissait encore les esprits. pondit: un Je ne dois point ma royauté‘
Oamer, qu'on appelait I’Achille des a la violence. Je n'ai point été injuste
Vandales, avait éprouvé une défaite qui envers ceux de ma race. I-Iildéric com
avait livré aux tribus victorieuses toute lotait contre sa pro re famille. contre
la Byzacène. et ce désastre avait beau a famille de Gens ric; c'est la haine
coup ajouté‘à la haine que l'on portait de tous les Vandales qui l'a renversé.
au roi. Le trône étant vacant, je m'y suis as
HILDÉRIC ns'r DÉPOSË; GÉLmnn sis en vertu de mon âge et de la loi de
Ln nsmrnacs; LETTRES DE JUSTI succession. Celui-là agit sagement,
Nrsnn-Ce fut alors que Gélimer fut comme prince , qui, livré tout entier;
lacé à la tête de l'armée. Il battit les à l'administration de son royaume, ne
aures; et ses soldats , dans un mo porte point ses regards au dehors, et.
ment d'enthousiasme, proclamèrent ne cherche point à s'immiscer dans les
'40
affaires des autres États. Si tu romps et les barbares. Justinien sembla ré
les traités qui nous unissent, j’oppose servé à faire valoir, avec plus de force
rai la force à la force , et je ne cesserai et sur un plus vaste plan que ses pré
d'invoquer, à l'appui de mon bon droit, décesseurs, les prétentions des empe«
les serments de l'empereur Zénon, reurs d’Orient. Les cinq premières
dont tu tiens aujourd'hui la place. » années de son règne, il soutint, mal
Cette ré onse, dit Procope, excita la ré lui, une guerre dispendieuse et
colère 0 Justinien, et redoubla sa Inutile contre les Perses; à la fin, son
haine pour Gélimer; elle ne lit que ambition triompha de son orgueil, et
l'exciter davantage à porter la guerre il paya près de onze millions une trêve
en Afrique, et à se venger. . passagère que les deux nations quali
CAUSES DE L’RxPémnoN D’AFRI fièrent du nom de paix éternelle. La
que sous JUsTrNrsN. — «Lorsque sûreté de l'Orient lui permit d'em
Justinien, dit Gibbon, monta sur le plover ses forces contre les Vandales ,
trône, environ cinquante années après et l'état intérieur de l'Afrique offrait
la chute de l'empire d’Occident (*) , les un prétexte honorable, et promettait
royaumes des Goths et des Vandales de puissants secours aux armes ro
semblaient s'être établis en Europe et maines (*). 1:
en Afrique d'une manière solide , et, On peut saisir, dans ces paroles, la
pour ainsi dire , légale. Les titres con véritable cause de l'expédition que fit
érés aux Romains par leurs victoires en Afrique l'armée de Justinien. Les
se trouvaient effacés, à leur tour, avec maîtres de Byzance se regardaient com
la même justice par l'épée des bar me les héritiers légitimes des anciens
bares; et le temps. les traités et des empereurs d'Occidcnt; ils se croyaient
serments de fidélité, qu’une seconde encore par le droit, sinon par le fait,
et une troisième génération avaient les souverains de la Gaule, de l'ltalie,
déjà renouvelés, consacraient les heu de l’Espagne et de l'Afrique. Il y avait
reuses usurpations des derniers con longtemps, il est vrai, que l'orgueil
quérants. L'expérience et le christia des Césars ne dissimulait lus leur im
nisme réfutaient assez la superstitieuse puissance. Cependant les arbares, par
espérance que les dieux avaient des un vague sentiment de respect pour
tiné Rome à régner sur toutes les na cet empire romain qui avait inspiré
tions de la terre; mais, si des soldats jadis tant de frayeur à leurs ancêtres,
ne pouvaient plus maintenir cette or semblèrent plus d'une fois avouer eux
ueilleuseprétention d'une domination mêmes la suprématie de ceux qu'ils
tçrnelle et inattaquable, les hommes pévaient si souvent vaincus et dépouil
d'Etat et les hommes de loi, dont les 5.
opinions se sont quelquefois propagées On a vu, dans le récit qui précède,
dans les modernes écoles de jurispru que le roi des Vandales Hilde’rnc s’était
dence, cherchaient à faire valoir à leur mis volontairement dans une sorte de
tour, par l'intelligence, ce que la force dépendance à l'égard de l'empire d'0
avait abandonné. Du moment où Rome rient. Il avait restitué, autant qu’i
fut dépouillée de la pourpre impériale, l'avait pu , à ceux qui se disaient les
les princes de Constantinople rirent successeurs des Romains, cette Afri
seuls le sceptre de la mouarc lie; ils ue qui avait coûté tant de ruses, de
demandèrent, comme un héritage qui atigues et de sang à Genséric, le plus .
leur appartenait, ces provinces subju illustre de ses aïeux. Il avait rendu les
uées par les consuls ou possédées par Vandales , sauf le tribut, sujets du
es césars. Cependant, ils n'agirent monarque qui régnait à Byzance. Or
que faiblement pour garantir leurs su déposer Hil éric , si dévoué à l'empire,
jets de l'occident contre les hérétiques c'était attaquer Justinien lui-même;
(‘) Justinien succéda en 527 à l'empe (") Gibbon; Histoire de la décadence
l'eut Justin; il mourut en 565. etde la chute de l'empire romain, ch. 4:.
AFRIQUE. 41
aussi, à la nouvelle de la révolte qui plein conseil, aux désirs de son mal
avait donné aux Vandales un nouveau tre. Il avoua qu’on ne pouvait trop
roi ,1 la cour de Constantinople s'émut payer une victoire si im ortante; mais
comme si on lui eût arraché. une de Il montra des difficultés certaines et
ses provinces. On conçoit donc que une issue incertaine. « Voulez-vous
Justmien n’ait point hésité à embras assiéger Carthage? dit le préfet; par
ser la cause de celui qu’il regardait terre, ce royaume est éloigné de cent
comme son représentant en Afrique , quarante jours de voyage; par mer,
et‘qu'il ait poursuivi Gélimer de sa une année entière doit s'écouler avant
haine et de ses menaces. En défendant de recevoir des nouvelles de votre flot
Hildéric, il croyait défendre les inté te. Quand l'Afrique serait vaincue ,
rêts de l'empire. pour la garder il faudrait conquérir la
PROJETS DE GUERRE; DISCOURS DE Sicile et l‘Italie. Le succès vous impo
JEAN DE cxppxnoce; ÉVÉNEMENTS serait de nouveaux travaux, et un seul
QUI METTENT FIN Aux rnunsoLu revers attirerait les barbares au sein
TIONS ne JUSTINIEN. — Les projets de votre empire épuisé. :- Le prince
deJustinien causèrent à Constantinople sentit la justesse de cet avis. La har
et dans tout l'empire de grandes émo diesse d'un sujet qui s'était toujours
tions; mais, en général, les esprits montré soumis l‘étonna d'ailleurs; et
étaient agités plutôt par la crainte que il aurait peut-être renoncé à la guerre
par les espérances. Procope nous a d'Afrique , si une voix qui fit taire les
conservé dans un récit animé les im doutes de la profane raison n'eût ra
pressions de ses contemporains. Voici nimé son courage. Un évêque venu de
comment Gibbon , à son tour , a ne l’Orient s'introduisit dans le palais,
produit les passages les plus vifs et et quand il fut en présence de Justi
es plus saillants de l’historien byzan nien , il s'écria avec une certaine
tin (‘) : e Le bruit d'une guerre d'A exaltation : « Empereur, le ciel veut
frique‘ ne satislit que l'oisive populace que tu n'abandonnes pas ta sainte
de Constantinople, si pauvre qu’elle entreprise pour la délivrance de l'É
se trouvait affranchie des tributs, si glise. Le Seigneur m’a dit: Je marche
lâche qu'on l'employait peu au service rai à ses côtés s'il fait la guerre, et je
militaire. Mais les citoyens sages, qui soumettrai l'Afrique a sa domination,»
jugeaient de l'avenir par le passé, se Justinien put croire une révélation qui
souvenaient de l'immense perte d'hom arrivait si à propos , et la raison de
mes et d'argent qu'avait supportée ses ministres se trouva réduite au si
l'empire dans l'expédition de Basilis lence; d'ailleurs, les événements qui
cus. Les troupes, rappelées des fron s‘accomplissaient alors dans les pays
tières de Perse , après cin campagnes soumis aux Vandales ranimèrent tous
laborieuses , craignaient a mer , le les courages. L'Africain Pudentius
climat et les armes d'un pays inconnu. avait secretement instruit la cour de
Les ministres des finances calculaient, Constantinople de ses intentions loya
autant qu'ils pouvaient calculer, les les, etquelques troupes qu’on lui envoya
frais d'une guerre d'Afrique, les taxes suffirent pour remettre la Tripolitaine
qu'il faudrait imaginer et ercevoir, et sous la domination des Romains. Go
ils redoutaient de perdre a vie, ou du das , barbare valeureux qui comman
moins leur emploi. si l'on man naît dait en Sardaigne,suspendit le payement
de quelque chose. Jean de Cappa oee, du tribut qu’il devait aux Vandales,
inspiré par ces motifs personnels , car après avoir déclaré qu’il n’obéirait plus
on ne peut lui supposer du zèle pour à l’usurpateur. Il donna audience aux
le bien public (‘*), osa s'opposer , en émissaires
vèrent de de
maître Justinien, i le trou
cette île félrtile, en
(") Procop. De hello VandaL, I, 10.
Gibbon (ch. 41) n’a fait qu'améliorer, en
l‘abrégeant, le récit de Procope. Cappadoce , voy. Histoire de la décadence,
(") Gibbon a parlé ailleurs de Jean de etc., ch. 40,
42
vironné d’une garde nombreuse, et connue dans l’histoire sous le nom de
-J‘evétu des ornements de la royauté. La Nika. On conçoit aisément qu’après
discorde et la défiance diminuaient les tant de belles actions Justinien l'ait
forces des Vandales, tandis que ,le choisi pour commander les troupes
courage de Bélisaire, nom héroïque qu’il envoyait en Afrique. D’ailleurs
devenu familier chez toutes les nations, Bélisaire, sans sa gloire, l’eût peut
animait les armées de l’empire. » Pro étre encore emporté sur les autres gé
cope ajoute, à propos de la Sardai néraux, à l’aide seulement de sa femme
gne, un fait important. Il prétend que Antonina , qui 'ouissait d’un grand
Justinien envoya à Godas un certain crédit auprès de 'im ératrice Théodo
Euloge, pour lui promettre des sol ra. Antonina, malgr le scandale de sa
dats et un général. Le chef barbare vie privée et ses honteuses débauches,
ré ondit : J‘acce terai volontiers les portait à son époux un attachement
50 dats . mais je n ai pas besoin du gé sincère : elle le soutenait à la cour
néral. Sans doute' Godas fit cette ré contre les envieux, et Ior u’il monta
ponse, moins par arrogance que par sur le vaisseau qui devait e conduire
crainte de trouver un jour dans l’ofli en Afri ue, elle voulut partir avec lui,
cier byzantin chargé du commande et le suivit en effet au milieu de tous
ment des troupes, un rival ou un les dangers de l’expédition. Au reste,
maître. l’armée applaudit au choix de Justi
mâmsunn. — Le général qui devait nien; les vétérans qui avaient fait les
commander, en Afrique, les troupes dernières et glorieuses campagnes de
impériales, était Bélisaire. Justinien , Perse reprirent volontiers les armes ,
après avoir terminé la guerre contre pour servir encore sous un énéral qui
les Perses , par un traité de paix , s’é maintenait sévèrement la iscipline,
tait hâté de le rappeler à Constanti mais qui s'était toujours montre affa
nople. Bélisaire était né, suivant Pro ble dans son commandement; et au
cope, à Germania, sur les confins de nom seul de Bélisaire on vit les barba
la Thrace et de l’lllyrie. Dans sa jeu res accourir pour offrir leurs services
nesse, il quitta ses foyers et vint, sans à l’empereur. Justinien, les soldats et
doute , comme tant d'autres paysans, le peuple avaient même confiance dans
comme Justin , par exemple , auquel le chef de l’expédition. Ils déclaraient
la fortune avait réservé la pourpre d'une commune voix que , dans tout
impériale, pour chercher fortune à l’empire, Bélisaire seul, parsabravoure
Constantinople. Il s'éleva aux grades et son habileté. pouvait menerà bonne
militaires par son courage et son ta fin cette guerre d’Afrique, qui, à cause
lent. Justinien, à son avènement, le de l'éloi uement des lieux et des forces
remarqua parmi ses gardes et l’envoya rrésum es des Vandales, paraissait il
commander en Arménie. Puis Béli ‘avance pleine d'obstacles et de dan
saire partit pour surveiller et défendre gers.
l’im ortante station de Dara : c’est là L’Anmâsn’sxpñm'nomssscasas.
u’i défit une armée de quarante mille -— Les soldats avaient re u l'ordre de
erses. Ce succès l'enhardit, et, l'an se réunir à Constantinop e. Là on vit
née suivante, il se mit en marche pour accourir des Égyptiens, des Ciliciens,
protéger les frontières de la Syrie. Il les habitants de toutes ‘les arties de
ut obligé de terminer cette expédition l’Asie Mineure et de la Grece, mais
par une prompte retraite; cependant principalement, il faut le su poser, les
son courage et son habileté tirèrent enfants belliqueux de la T race. Les
ses soldats de tous les périls , et il lit barbares vinrent aussi. On comptait
encore éprouver aux Perses des pertes armi eux un corps de quatre cents
considérables. Après le traité de paix, Êlérules, aussi cruels que braves , et six
il revint à Constantinople, où il ren cents cavaliers huns, renommés pour
dit à l’empereur de grands services au leur habileté à lancer des flèches.
moment où éclata la terrible sédition L’armée, dans son ensemble, s’élevait
AFRIQUE. 48
à quinze mille hommes : elle se com La: DÉPART (‘). — Ce fut en 533 ,
posait de dix mille fantassins et de vers le solstice d’été, que les troupes
cinq mille cavaliers. On distinguait rassemblées à Constantinople reçurent
parmi les chefs des différents corps , l’ordre de s'embarquer. Au jour du
Dot-othée, Salomon. Cyprien, Valé départ, Justinien fit approcher de la
rien, Martin, Althias, Jean, Marcel artie du rivage où se trouvait bâti
lus , Cyrille, Rufin, Aigan,‘ Barbatus,' e palais impérial, le vaisseau qui de.
Pappus, Théodore , surnommé Ctena vait porter le chef de la flotte et de
tus, Térentius, Zaidus, Marcien et l’armée. L’archevêque Epiphanius s’ao
Sarapls. Jean était né à Dyrrachium , vança alors au bor de la mer. Là, à
Salomon à Dara, sur la frontière orien la vue d'un peuple immense, il se
tale de l'empire, et Aigan appartenait mit en prière et bénit le général et les
à la race des Huns. Presque tous les soldats. Quand Épiphanius eut ache
autres généraux étaient originaires de vé, on entendit les sons éclatants de la
la Thrace. Sinnion et Bala, braves trompette qui réglait les manœuvres,
uerriers, commandaient la troupe des et le vaisseau de Bélisaire se mit à
‘uns‘, et Fara celle des Hérules. Le voguer. La flotte entière s’ébranla pour
patrice Archelaüs, ui avait été suc le suivre, et bientôt‘elle disparut aux
cessivement préfet a Constantinople yeux de la foule qui était venue saluer
et en Illyrie, devait accompagner son départ. Bélisaire avait à ses côtés
l'armée en qualité de questeur ou Antonina, sa femme, et Procope qui,
de trésorier. Cinq cents vaisseaux, au retour de l‘Afrique , devait écrire
grands et petits, avaient été rassem dans ses moments de loisir, l'histoire
blés pour conduire les troupes en de l’expédition:
Afrique. ('). Ils portaient vingt mille LE vorace; nénacuän; asvnos;
mate ots recrutés en Égypte, en Cili sévénlrn ne mäussran; sions; MA
cie ou en lonie. Les mouvements et LÉE m TÉNAIŒ; L'ARMÉE s‘snnÉrs
toutes les manœuvres de cette flotte A MÉTHONE. -—- Après une courte na
étaient dirigés par Calonyme d’Alexan vigation , la flotte jeta l'ancre devant
drie. On voyait aussi, à côté des l’ancienne ville de Périntbe, qui, au
vaisseaux de trans ort, quatre-vingt temps de Justinien. s’appelait Héra
douze bâtiments dâune forme allon cle'e. Là, le général attendit, pendant
gée, à un seul rang de rames, qui cinq jours, les chevaux de prix que
devaient servir, 'en cas de besoin , à l’empereur lui envoyait de ses haras
soutenir un combat sur mer. Les bancs de la Thrace; puis il se remit en mer,
des rameurs étaient couverts et à l'a sortit de la Propontide et s’engagea
bri des traits de l’ennemi. Deux mille
Byzantins montaient ces bâtiments (") On peut comparer ici le récit'de Pro
qu'on appelait coureurs, à cause de co e avec les admirables pages où Thucy
leur grande légèreté‘. Enfin Bélisaire, did’e décrit, en nous initiant en quelque
le vainqueur des Perses, le chef il sorte à toutes les émotions de ses contem
lustre entre tous, avait été investi par porains, le départ de la flotte athénienne
J ustinien du commandement suprême. pour l'expédition de Sicile (Voy.’l‘bucydide,
L'empereur, dans ses lettres, l’avait liv. vr , ch. 30 et suiv.). Il suffit d’une com
reconnu comme son représentant, et paraison de ce genre pour comprendre ce
dans sa confiance il lui avait laissé que le génie grec a perdu dans les siècles
une autorité sans bornes sur la flotte qui se sont écoulés de Périclès à Justinien.
Cependant il faut rendrejuslice à Procope.
et sur l’armée. Son Histoire de la guerre contre les l'an
(“) Le plus petit de ces bâtiments , sui dalcs est une des productions les plus re
vant Gibbon, était de trente tonneaux, et marquables du sixième siècle. Son récit est
le plus considérable de cinq cents. Suivant vif. animé et ne manque point d'art.Gibbon
Marcus, les plus grands vaisseaux étaient a dit : « Procope a raconté avec ordre et
de sept cent cinquante tonneaux; les‘ plus d'une manière élégante toute la guerre des
petits de cent vingt-«i1 tonneaux. Vandales. n
44
dans l’Hellespont. Il s’arréta quatre bâtiments qui portaient les officiers at
jours à Abydos. Ce fut devant cette tachés à sa personne, etil ordonna que
ville que Bélisaire donna une preuve pendant la nuit on remplaçât ces voiles
de sa sévérité et de sa fermeté. Deux par des fanaux mis aux grands mâts.
soldats qui appartenaient au corps des Après une fausse manœuvre ou une
Huns avaient tué un de leurs compa tempête, le vaisseau qui s’était éloigné
gnons, dans un moment d’ivresse. Bé avait ainsi un signe de ralliement, et il
lisaire fit saisir les coupables, et il pouvait facilement, le jour ou la nuit,
ordonna qu’on les pendît sur la col rejoindre la flotte et reprendre son
line qui domine Abydos. Il y eut alors rang. Dans le trajet d’Abydos au pro
une grande rumeur dans le camp. Les montoire de Sigée, il s’éleva un grand
Huns se plaignaient vivement : cg Nous vent qui tomba au moment où le cap
nous sommes mis, disaient-ils , au fut doublé. La flotte traversa heureu
service del’empire, mais nous ne nous sement toute la mer Égée. Quand elle
sommes point engagés à suivre les arriva en vue de Malée et qu'elle s’en
lois qui régissent les Romains. D’après gagea dans l’étroit canal qui sépare,
nos coutumes, on ne tue point celui en cet endroit, le Péloponèse de l'île
qui a tué. » Les soldats romains eux de Cythère, le désordre se mit dans
mêmes, qui désiraient le relâchement les rangs. Les vaisseaux se touchaient,
dans la discipline et l’impunité pour se heurtaient, et ce ne fut que par des
leurs désordres, prenaient parti pour prodiges de force et d‘habi été que ra
les Plans. Bélisaire ne s’effraya point meurs et pilotes sortirent de ce dan
de ces clameurs, il réunit les troupes, gereux passage. Au moment du désor
et leur dit : « La justice veut que dre, le moindre coup de vent eût
l’assassin soit puni du dernier suppli anéanti l’armée entière. La flotte tou
ce. Je n’admets point l’excuse de l’i cha ensuite à l'ancienne ville de Té
vresse. C’est un crime , dans une ar nare , qu’on appelait alors Cænopolis;
mée , de se livrer, en buvant, à de de là elle se rendit à Méthone, dans la
tels excès que l’on puisse perdre la Messénie , où elle s’arrêta.
raison , et tuer, sans hésitation , ses LES FOUBNXSSEUBS DES VIVBES;
meilleurs amis. Vos protestations et LEURS FBAUDES; MALADIES. — Le
vos plaintes ne peuvent m’émouvoir, vent avait cessé de souffler, et l’armée
et vous connaissez maintenant le châ ne pouvait continuer son voyage. Bé
timent que je réserve aux coupables. lisaire fit mettre ses troupes à terre.
Je ne reconnaîtrai jamais comme mon Là, sur le rivage, officiers et soldats
compagnon d’armes , quelque brave attendaient un temps favorable , lors
qu’il soit, un soldat assassin. J’estime qu’ils furent atteints d’une maladie qui
le courage; mais, à mon sens, il ne enleva en peu de jours cinq cents hom
profitera jamais à l’homme injuste et mes. On connut bientôt la cause de
pervers. » Après ce discours prononcé cette maladie. Le préfet du prétoire,
en vue de la colline où l’on avait Jean , employait souvent des moyens
dressé les otences qui ortaient en odieux pour faire entrer de l'argent
core les ca avres des sol ats huns, les dans les coffres de l’empereur et aussi
murmures cessèrent et l’armée ren dans les siens. C’était lui qui s’était
tra dans le devoir. chargé de fournir les vivres à Y’armée
Avant de s’éloigner d’Abydos , Bélij qui partait pour l'Afrique. On avait
saire essaya de prévenir , par de sages coutume de mettre deux fois au four
mesures, les dangers qui menacent, le pain que l'on donnait aux soldats en
pendant une longue traversée, et sur campagne, et on le cuisait de telle
tout dans les mauvais temps, une sorte que de longtemps il ne pouvait
flotte de six cents vaisseaux. Pour di se gâter. Ce pain était très-léger , et
riger les pilotes, et pour que nul d’en l’État eût fait une perte considérable
tre eux ne pût s’écarter ou se perdre, il sur le poids , si les soldats n’eussent
fit teindre en rouge les voiles des trois consenti, au moment des distribu
AFRIQUE. 46
tions, à faire remise aux fournisseurs teilles dans une partie du vaisseau où
du quart de la portion qui leur était ne pouvaient pénétrer les rayons du
accordée. Jean, le préfet, crut réali soleil, et on les couvrit de sable. Après
ser de grands bénéfices sur les vivres une traversée de seize jours , la flotte
de l'armée d'Afrique, en recourant toucha la Sicile sur un point désert
aux moyens suivants : il lit à peine qui n’était pas éloigné du mont Etna.
cuire la pâte, et la retira lorsqu’elle Bélisaire commença dès lors à être
eut pris seulement l’apparen'ce du pain. en proie à de vives inquiétudes. La dé
Cela formait une masse molle, hu faite de Basiliscus qui avait perdu la
mide; mais rien ne manquaitau poids. flotte de l'empereur Léon , et les an
Jean avait ainsi gagné tout à la fois, ciens succès des Vandales, lui reve
sur le bois, la farine et le salaire des naient sans doute en mémoire, et il se
boulangers; puis on porta les pains à demanda plus d’une fois, s’il faut en
demi cuits sur la flotte. Ce fut à Mé croire Procope qui fut souvent le confi
thone que l’on ouvrit pour la première dent de ses plus secrètes pensées: Quels
fois les sacs qui les contenaient. On ne sont donc ces Vandales que je vais com
trouva qu’une pâte mal battue et qui battre P Sont-ils, comme on le dit, forts
tombait par morceaux. C’était une fa et braves? Sur quel point dois-je por
rine mouillée qui ne paraissait point ter mes attaques? La résolution ne lui
avoir été soumise à l’action du feu, et manquait pas; mais il s’effrayait de
qui, pendant la traversée, s’était en l’esprit ui régnait dans son armée.
tièrement corrompue. On fit néan Les sol ats disaient hautement que
moins la distribution; mais cette mau s’ils rencontraient l’ennemi sur terre ,
vaise nourriture ne tarda pas à faire ils l’attaqueraient vaillamment; mais
naître et à développer au sein de l’ar que s'il fallait soutenir un combat sur
mée les germes d’une violente épidé mer, ils étaient décidés à prendre la
mie. Le mal eût été plus grand encore fuite , arce qu’ils n’avaient point cou
si on ne se fût hâté de faire cuire à tume e lutter tout à la fois contre les
Méthone de nouveaux pains. Alors Bé hommes et contre les flots. Bélisaire,
lisaire écrivit à l'empereur, et se plai au milieu des craintes qui l'agitaient,
gnit vivement du préfet du rétoire. prit la résolution d’envo er Procope à
Justinien lui répondit, et onna de Syracuse. Il le chargea e s’informer,
grands éloges à son zèle; mais il ne par d’adroites questions, des projets
unit point Jean, qui probablement de l’ennemi. Les Vandales avalent-ils
ui avait fait une large part dans ses fait, en Sicile ou sur le continent, de
gains. secrets préparatifs pour repousser l’in
SUITE DU VOYAGE; ZACYNTHE; LA vasion i’ Sur quel point de la côte d’A
SICILE; 'rnnmmn Dns SOLDATS; ms frique les troupes impériales pou
SION DE PBOCOPE. — Enfin, l’armée vaient-elles o érer sans danger leur
remonta sur les vaisseaux , et la flotte descente ? Après avoir recueilli les
se porta de Méthone à Zac nthe. Après renseignements qu’on lui deman
avoir refait dans cette îe ses provi dait, Procope devait revenir à Can
sions d’eau , elle remit à la voile pour cane, ville située à deux cents‘stades
traverser l’Adriatique. Sa marche fut de Syracuse (*). C’était vers cette ville
lente, parce que le vent se faisait à que Bélisaire se proposait de diriger
peine sentir. L’armée eut alors beau ses vaisseaux. Procope avait aussi à
coup à souffrir. On était dans les plus remplir une autre mission; mais alors,
fortes chaleurs de l'été, et l'eau que pour le général, celle-ci n’était que se
buvaient les soldats s’était corrompue. condaire. En vertu du traité fait entre
Antonina, par ses soins et un procédé Justinien et Amalasuntha, qui régnait
ingénieux, préserva du mal commun
Bélisaire et ceux qui mangeaient à sa (") Suivant Cluvier (Sicilia antiqua) , la
table. Elle mit leau dans des bon distance enlre Syracuse et Caucane était de
teilles (le verre; puis on porta ces bou trois cents stades.
46
en Italie et en Sicile, au nom de son s'éloignait, Procope se tourna vers
fils Atalaric, les Ostrogoths devaient son ami et lui cria : « Point de colère
vendre, en cas de besoin , des vivres et de chagrin, je t'en prie. Il faut que
aux troupes impériales. L’envoye’ de ‘le général interroge ton serviteur. Je
Bélisaire venait donc passer un mar le renverrai à Syracuse avec une bonne
ché pour les approvisionnements de la récompense, quand l’armée aura tou
flotte. Sur ce point comme sur l'autre ché les côtes de l'Afrique. »
, il- obtint un entier succès. DÉPART DE LA SICILE; LES îLEs
Procope marchait un jour dans les DE GAULOS ET‘ DE MELITA; LA‘
rues de Syracuse lorsqu'il se trouva FLOTTE EN vUE DE L'AFRIQUE;
face ‘a face, par le lus singulier des CONSEIL DE GUERRE. —— Quand Pro
hasards, avec un e ses amis d’en cope arriva à Caucane, il trouva l’ar
fance. C'était un homme qui, pour des mee plongée dans le deuil. Dorothée,
affaires de commerce, avait quitté le duc de l’Arménie, était mort. Chefs
Constantinople et s'était fixé en Sicile. et soldats le regrettaient sincère
Le marchand fournit à l'envoyé de Bé ment. La présence de Procope rendit
lisaire de précieux renseignements. Il la joie à Bélisaire. Il interrogea son
fit appeler un de ses serviteurs qui‘, envoyé, le félicita sur les résultats
depuis trois jours seulement, était re de sa mission, et sans perüre de temps
venu de Carthage, et lui ordonna de il fit‘ sonner la trompette pour annon
parler. Celui-ci dit alors:« La flotte - cer le départ. La flotte mit à la voile,
impériale n'a point à redouter les atta et elle ne tarda point à gagner les îles
ques des Vandales. Ils ne savent pas de Gaulos et de Melita C’). A la‘ hau
qu'une armée s'avance contre eux. De teur de ces îles‘ il s’éleva 'un' vent qui
plus, ils ont dirigé toutes leurs forces poussa rapidement les vaisseaux vers
sur la Sardaigne pour soumettre Go-‘ un endroit de‘ la côte d'Afrique que
das. Gélimer se croit tellement à l'abri lesRomainsappelaientcaputvada(").
du danger du côté de l'orient, que, De cet endroit à'Carthage, il il} avait,
sans prendre soin de surveiller Car.‘ pÊr terre, que cinq journées e mar
thage et les autres places maritimes, 0 e. '
il s'est retiré dans la Byzacène, à Alors Bélisaire ordonna à chaque
Hermi‘one, ville située à quatre jours de navire de plier ses voiles et de 'eter
marche‘ de la côte. La flotte ne ren l'ancre. Puis, il fit appeler à son bord
contre‘ra donc point l'ennemi dans la les principaux chefs de l’armée, et il
traversée, et l'armée pourra débarà leur demanda s’ils jugeaient convena
quer, sans crainte d'être attaquée , sur ble de mettre un terme à leur navi
le point de la terre d'Afrique où le gation et d'opérer enlin la descente.
vent l'aura poussée. » Ces aroles, il Une longue discussion s'engagea. Dans
faut le croire, causèrent Procope ce conseil de guerre, Archélaüs, le
une grande joie. Il entraîna vers le questeur, prit la parole et dit : « Vous
port d'Aréthuse, où l'attendait son voulez descendre à terre; mais avez
vaisseau, le marchand et son servi vous un port où votre flotte puisse
teur.‘ Il tenait celui-ci par la main et le trouver un abri contre les attaques de
prcssait de questions; puis, il le fit l’ennemi ou contre les tempêtes? Avez
monter sur son navire. Quand ils fu vous une ville environnés de fortes
rent‘ ä bord‘, ou mit les voiles au (') Gozzo et Malte.
vent, et le pilote reçut l'ordre de na _('*) Le Capulvaa’a de Procope, dit Gibbon,
viguer en toute hâte vers la ville de où Justinieu fonda ensuite une ville (de
Caucane. Le marchand était resté sur Ædif. VI, 6), est le romontoire d'dmmon
le rivage; là , il‘se tenait ébahi et sui de Strabon, le Braczodcs de Ptolémée, le ‘
vait avec étonnement tous les mouve Capadia des modernes , et il forme une
ments de celui qui lui avait enlevé son bande longue et étroite qui se prolonge dans
serviteur avec tant de promptitude et la mer (Shaw’: travelr, p. r r r).—Voy. aussi
(l’audace. Au moment, où le vaisseau Marcus; flirt. du Vandales, etc” p. 366.
' AFRIQUE. U
murailles, et disposée-à recevoir et à d'avis divers, nous choisirons le meil
défendre, en cas de besoin, vous et leur et nous agirons. Et d'abord, ne
vos soldats ? On vous a dit que la côte vous souvient-il plus des récentes dis
où nous sommes était exposée à tou positions de l’armée? N'avez-vous pas
tes les violences du vent, qu'elle n'of entendu les soldats déclarer hautement
frait au navigateur ni port. ni lieu de qu'ils redoutaient les combats de mer,
relâche; on vous a dit aussi qu'il n' et que s'il arrivait, par hasard, qu'une
avait, en Afrique, qu'un point fortifie, flotte ennemie vînt les attaquer, ils ne
Carthage, et que Gensérlc avait fait se défendraient point et prendraient
renverser les murailles des autres la fuite? Vous tous, mes collègues,
villes : ne tiendrez-vous point compte vous vous unissiez alors à Bélisaire
de ces renseignements? J'ajoute que pour prier Dieu de nous mener promp
vous manquerez d'eau dans cette con. tement et sans mauvaise rencontre sur
trée. Voyons maintenant les dangers la côte d'Afrique. Aujourd'hui Dieu
qui nous menacent. Je suppose qu'a nous a exaucés, et vous voyez l'Afri
près le débar uement il s'élève une que; ne serait-ce point une folie de
tempête. que eviendra la flotte? Les renoncer ici à une descente facile que
vaisseaux seront dispersés au loin, nous avons si vivement désirée? Si
ou bien ils se briseront sur la côte. nous nous portons directement sur
Où prendrons-nous alors des muni Carthage, et que dans notre trajet
tions? Il ne faudrait pas, après un nous rencontrions la flotte des Van
pareil désastre, s'adresser au ques dales, on nous accusera avec raison de
teur Archélaüs. Celui-là seul est ques la perte de nos vaisseaux et de la dé
teur qui possède les moyens d'exercer faite de l’armée. On nous reprochera
sa charge, qui tient à sa disposition, d'avoir négligéles avertissements, que,
de l'argent, des vivres et des armes. dans leur ignorance et leurs craintes
Voici mon avis en deux mots : il faut exagérées, nos soldats nous ont si
mettre à la voile et nous porter direc souvent donnés. .On a dit, pour nous
tement sur Carthage. Près de la ville, effrayer, que si l’armée quittait la
à quarante stades environ, nous trou flotte et descendait à terre, elle serait
verons un port qu'on appellel'Étan ('), exposée à d'innombrables dangers;
et qui contien ra facilement la otte qu'une tempête, en dispersant ou en
tout entière. Il peut se faire qu'à une brisant les vaisseaux, pouvait lui en
première attaque nous nous rendions lever ses communications avec l’em
maîtres de Carthage; nous devons pire, et lui ôter jus u’à l'espérance du
même l'espérer, puisque l'ennemi. a ' retour. Quoi! vaut-il donc mieux que
porté sur un autre point la meilleure cette tempête. dont on nous menace,
partie de ses forces. Quand la capitale engloutisse non point seulement les
de l'Afrique sera prise, la guerre sera vaisseaux, mais encore, avec eux, l'ar
achevée. Tel est mon avis, que, sui mée tout entière? Pour moi, je pense
vaut votre bon plaisir, vous pouvez qu’il faut descendre à terre sans plus
suivre ou rejeter. u Bélisaire ne pensait tarder et attaquer brusquement- l’en
point comme Archélaüs; il répondit nemi. Les promptes résolutions et la
en ces termes à ceux qui s'opposaient hardiesse sont pour beaucoup dans les
à une prompte descente : « Ne croyez succès de la guerre. La moindre hési
pas qu'ici je veuille, comme général, tation peut donner aux Vandales le
vous imposer mes volontés. Je cher temps de se mettre en défense, et
che à m'éclairer. J'ai écouté avec atv alors nous perdons nos avantages. Si
tention et pesé, dans mon esprit, les nous nous dirigeons vers un autre
raisons que chacun de vous a fait va point de la côte, peut-être serons
loir. Je vais, à mon tour, vous dire nous obligés d'avoir recours aux ar
toute ma pensée. Ensuite, parmi tant mes pour opérer une descente; tandis
que nous pouvons débarquer ici sans
C’) Le lac de Tunis. rencontrer d'obstacles et sans combat,
48
Oui, je crois qu'il faut redouter avant ges qu'aux anciens carthaginois. Ce
tout la flotte ennemie et les tempêtes. ut peut-être sur leurs réclamations,
C'est pourquoi bâtons-nous de mettre et pour ne point mécontenter la par
à terre nos soldats, et avec eux nos tie la plus active de la population qui
chevaux, nos armes et nos provisions. l'avait accepté pour roi, que Gélimer
Nous choisirons alors un camp qui fit les préparatifs d'une grande expé
sera entouré par un fossé profond et dition. D'ailleurs, il était encore animé
défendu par de fortes palissades. Ce par la haine personnelle qu'il portait
camp sera pour nous une ville où a celui qui avait soustrait l'île à son
nous serons à l'abri contre les atta obéissance. Jadis il avait compté Go
ques imprévues de l'ennemi. Ne crai das armi ses serviteurs les plus dé
gnons point que les vivres ou les voues. C'était même pour le récom
munitions nous manquent. Si nous enser de son zèle qu'il lui avait confié
triomphons, nous aurons tout en e gouvernement de la Sardaigne. Il
abondance. Une armée victorieuse n'avait point limité le pouvoir qu’il lui
n'est jamais en proie à la disette ou avait dé égué; seulement il avait voulu
aux privations (*). » que cha ue année il lui payât uni et‘
Ces paroles de Bélisaire entraîné tribut. äodas , ne le roi des Van -
rent tous les chefs. Chacun d’eux, les avait ainsi c oisi pour son lieute
après le conseil, regagna son bord, et nant, était Goth d'origine. C’était un
ordonna a ses soldats de se tenir prêts homme, s'il faut en croire Procope,
à descendre dans le pays ennemi. d'une force prodigieuse et d'une bra
mpnévoyancn na GÉLIMEB; GO voure sans égale. Il resta fidèle à son
nss ; axpr’zmrrou mas VANDALES 1m maître jusqu'au moment où Justinien
SABDAIGNE. — Les renseignements se déclara ouvertement le défenseur
que Procope avait recueillis en Si de Hildéric, et se disposa à porter la
cile étaient exacts, et Gélimer, comme guerre en Afrique. Ce fut alors qu'il
l'avait dit le serviteur du marchand écrivit à l'empereur la lettre suivante:
de Syracuse, était loin de se croire un Je me suis séparé de celui qui était
menacé par les troupes de Justinien. mon souverain, non pour des motifs
Le roi des Vandales portait alors toute personnels, mais parce qu'il s'est mon
son attention vers la Sardaigne. Cette tré cruel envers sa propre famille. Je
île et la Tripolitaine, comme on l'a vu n'ai pas voulu, en lui restant soumis,
précédemment, avaient échappé, par devenir le complice de sa cruauté.
une révolte, à sa domination. Gélimer J'aime mieux obéir à un empereur re
n’essaya point de reconquérir la Tri nommé pour sa justice qu'à un tyran
politaine, où l'empereur avait envoyé qui viole toutes les lois. Viens à mon
des troupes. Il avait hâte de soumet aide, et envoie-moi‘ des troupes avec
tre la Sardaigne. Les pirates et les lesquelles je puisse repousser les atta
marchands d’Afrique ressentaient vi ques de celui que j'ai cessé de reconnaî
vement la perte de cette île, qui leur tre pour mon roi.» Ce fut alors, comme
offrait pour leurs courses ou leurs af nous l'avons dit, que Justinien en
faires de commerce les mêmes avanta voya Euloge, un de ses officiers, pour
annoncer à Godas qu'il était prêt à
(“)- Nous avons cru devoir insérer, dans‘ l'aider dans sa rébellion.
celte histoire, plusieurs des discours ‘que
Procope met dans la bouche de Bélisaire Pour prévenir l'arrivée des secours
et des autres chefs de l'armée. (les discours, promis parl’empire, Gélimer se hâta
suivant nous, ont été réellement prononcés. de rassembler une flotte et de lever
L'historien byzantin a pu changer la forme, une armée. Il réunit cent vingt vais
mais il n’a pas altéré le sens. Procope fut seaux snr lesquels il plaça cinq mille
témoin oculaire de la plupart des événe soldats. Il donna le commandement de
ments qu'il raconte, et il est vraisemblable la flotte et de l'armée à Tzazon2 un de
qu’il assista au conseil où l'on agita la ques ses frères, et lui ordonna de faire vol
non du débarquement. le, sans retard, pour la Sardaigne.
AFRIQUE. 49
Ce fut ainsi que, par une fatale Im avait lieu, les attaques de l’ennemi.
prévoyance, Gélimer se sépara de la Le lendemain, quelques soldats sor
meilleure partie de ses forces au mo- ' tirent des retranchements et se disper
ment même où l'empire faisait pour sèrent dans la campagne pour enlever
l’atta uer un formidable armement. des fruits. A leur retour, Bélisaire les
Quan Bélisaire toucha l’Afrique, le fit châtier sévèrement. Puis ‘il ras;
roi des Vandales n’avait à sa dispo sembla les troupes, et leur adressa
sition ni «vaisseaux, ni soldats pour re la‘proclaniation suivante : a Soldats,
pousser les envahisseurs. le vol à main armée, même en temps
L'anime ruminant EN‘ AFRIQUÈ; de guerre, est un crime. Ce crime ac
PREMIER CAMPEMENT; PILLAGE; quiert aujourd’bui une nouvelle gra
PBOCLAMATION DE BÉLISAIBE. — -v|te, parce qu’il compromet le salut
Après trois.mois de navigation, l'ar de l’armée entière. J’espérais, ‘au mo_
mée partie de Constantinople était en 'ment où vous touchiez’cette terre, ne
fin arrivée sur les côtes de l’Afrique. nous allions trouver parmi les A ri?
A l’ordre de ses chefs, elle descendit cains , soumis autrefois à la domina
à terre avec armes et provisions. Quand tion de Rome, d’utiles et puissants
elle fut sur le rivage, elle se mit en auxiliaires. Je me disais que les vivres
mesure de siassurer un bon campe ne vous‘ manqueraient mot, que nos
ment. Les matelots se mélèrent alors convois seraient assur s, et que'nous
aux soldats, et, tous ensemble, ils n’aurions point d’autres ennemis à
creusèrent un fossé large et profond, craindre ne les Vandales. Vos désor- ‘
et élevèrent une forte palissade. L’é dres ont é'à changé la face des cho
mulation, la_crainte d'une surprise, et ses. Les A icains qui ont eu à souffrir
aussi les paroles de Bélisaire, ani A de vos violences.
Vandales et nous se rattacheront
poursuivront aux
de leur
maient les travailleurs. Toùt fut ache
vé dans une journée. Pendant le tra haine. Pour conserver-quel ues pièces
vail, une chose excita l’étonnement d’argent, vous avez sacrifié a sécurité
et la joie de l’armée; une source abon de nos opérations et lafacilité de nos
dante jaillit du sol que l’on creusait. approvisionnements. Il eût été plus
Ce pbénomène,'si commun en Afri sage assurément de. faire un marché
que, parut d’autant plus merveilleux avec ceux ue,vous avez dépouillés,
aux- soldats que le lieu où ils‘se pro de traiter e gré à gré avec eux, et de
posaient de camper était sec et‘ aride. donner votre argent en échange des VI
Procope partagea l'étonnement ‘géné vres. Vous ne vous seriez point rendus
ral, et il crut que la découverte de coupables d'une odieuse violence,‘ et
cette source tenait du prodige. ll s'ap vous auriez gagné par là l’affection
procha de Bélisaire pour le féliciter. des peuples que vous voulez arracher
n C'est un heureux présage, lui dit-il; au joug et à l'oppression d'une race
Dieu a voulu montrer par là que vous étrangere. Dorénavant, vous aurez à
obtiendriez, sur vos ennemis, une fa combattre, tout à‘ la fois, les Vanda
cile victoire. » Quand le travail fut les et les Africains. ue dis-je! vous
achevé ,' l'armée se renferma dans le aurez pour ennemi, ien lui-même,
camp. Elle y passa la nuit. Lessenti qui retire son appui à quiconque ema
nelles furent disposées, suivant l'u ploie, à l’égard d'autrui. l'injustice et
sage, de distance en distance, et l’on la violence. Soldats, il est encore temps
fit bonne garde sur tous les points. peut-être de réparer le mal que vous
Par ordre de Bélisaire», cinq archers avez fait.Montrez aux populations que :
devaient veiller sur chacun des bâti vous allez rencontrer, que vous êtes
ments de transport. Quant aux vais justes et modérés. Quand vous aurez
seaux plus légers qui étaient destinés mérité de nouveau que Dieu vous pro
aux combats _de mer, ilsétaient ran tége et que les Africains vous aident,
gés en demi-cercle, devant les autres, vôus aurez accompli votre œuvre, et
se tenant prêts à repousser, s’il y les Vandales seront vaincus.- Après
4' Livraison. (11151‘. mas Vannes.) 4
cette proclamation, Bélisaire ordonna chariots. Il y entra avec eux. Ce fut
aux soldats de rompre les rangs. ainsi que la place fut occupée sans
L’AIIËB sa un au Inscris; rao combat. Quand il fit grand jour, Mo
nrrs un assassins; IANIFESTB on raide fit appeler, sans bruit, l'évêque
L’nxrsnana summum; PASSAGE et les citoyens les plus notables, et il
mas raoUPas GBECQUES a SYLLEG leur exposa les rojets de Bélisaire.
'IUIL-On avait appris au général qu'à Nul ne songea a ni résister, et on lui
une journée de marche environ de son remit, pour son général, les clefs qui
camp, sur la route qui conduit a Car ouvraient les diverses issues de la vil e.
tbage,"et au bord de’la mer, se trou Le mémejour, le directeur des pos
vait une ville appelée Syllectum (*). tes livra aux. Grecs tous les chevaux
Cette ville avait perdu ses anciens qui appartenaient à l'État. On arrêta
remparts; mais comme les habitants, aussi un de ces courriers appelés Ve
pour se défendre contre les irruptions redarii, qui portait les ordres et les
subites des Maures, avaient joint leurs lettres du roi, et on le conduisit à Bé
maisons entre elles par d'épaisses mu lisaire. Le général lui fit bon accueil‘,
railles. elle présentait encore l'aspect et lui compta unegrossesommed’ar
d'une place fortifiée. Bélisaire résolut gent. ‘Il lui fit jurer de remettre aux
de s'en emparer. Il confia un détache chefs et aux hommes les plus illustres
ment à Moraide, l’un des officiers de de la natioguvandale plusieurs exem
sa garde, et lui donna ordre de mar plaires des lettres que l'empereur J us
cher .en avant. un Il faut essayer, dit-il, jtiniens leur avait adressées. Ces lettres
en s’adl'essant aux soldats qui par contenaient un, manifeste qui était
taient, d'entrer dans la ville ar sur :ainsiconçuJfi- Je ne déclare point la
prisé. Sivous obtenez un pein suc Fuerre aux Vandales. Je ne viole point
ces. gardez-vous de piller. Que les es serments-de air qui ont été pré
habitants n'aient point à se plaindre tés par mon pr‘ écesseur zénon. l’at
de vos désordres. Déclarez hautement taque le tyran qui, au\.mépris du tes
et montrez que vous êtes les libéra tarnent de Genséric, a jeté votre roi
teurs de l'Afrique. Enfin, préparez les légitime dans les fers, a tué ses pro
habitants à recevoir l'armée.n.Le dé ches ou‘ leur a fait arracher les yeux.
tachement arriva vers le soir dans un Venez à mon aide, et Unissons nos ef
vallon qui n’est pas éloigné de la ville. forts pourrenverser l’odieusetyran
Il lit balte en cet endroit pour y pas nie qui sur vous. C’est au nom
ser la nuit. Le lendemain, au moment de Dieu que je vous promets la paix
‘où l’aurore commençait à poindre, il et la liberté“): Celui à qui’ on avait
se remit en marche,,et il suivit dans confié ces lettres n’osa ,intles ré
le plus grand ordre, et en silence, les pandre. Il les fit lire seu ement à un
paysans des campagnes avoisinantes petit nombre d'amis, ce qui ne pro
qui se rendaient a Syllectum avec leurs duisit aucun effet sur l’esprit public,
et a’amenâ point les résultats sur les
Syllectum est peut-être la Turri: An quels avaient compté Justinien .et le
m' alis. Il reste de cette ville un vieil édifice chef de l’expédition. Enfin. Bélisaire
qui est encore aujourd'hui aussi grand que ‘se porta avec son armée sur Syllectum.
la tour de Londres. La campagne de César Quand il fut entré dans la Ville, il
(Hirlins; de Bella africano), avec l'analyse
de Guichard et les voyages de Shaw dans
maintint parmi ses soldats une disci
le même pays (p. rog-i r0, etc.),jetlent du pline sévère, et il n’eut à réprimer ni
jour sur la marche de Bélisaire vers Leptî: excès, ni violences. La douceur du gé
' miner, .ddrumelum, etc. (Note de Gibbon.) néral, la modération des troupes ga
-— L’Académie des inscriptions adopte gnèrenttous les cœurs. Dès lors l'ar
sans hésiter pour Sylleclum (Sullecto) la mée marcha. en Afri ue comme si elle
conjecture de Gibbon. Voy. Recherche: sur eût été au sein de 'empire.'Nul ne
l'histoire de I’Jfrique septentrionale, 016.’, prenait la fuite à son a proche. Tous,
t. I, p. 98. au contraire, venaient sa rencontre
mucus. u
et s'empressaient de‘ lul'donner des on y rencontrait de claires fontaines
renseignements ou de" renouveler ses et une foule d'arbres qui portaient des‘
provisions. fruits exquis. Les ‘soldats dressèrent
limaces on svunc'mu A GRAS leurs tentes dans ces jardins; ils cueil
sis; rauoauca m: causerait; sas lirent les fruits mûrs et s’en rassaä
msrosirions. —- En,sortant de Syl sièrent. Cependant, au départ de l’ar-‘
lectum, l’armée grecque se mit en ba mée, les arbres étaient encore tellement
taille, et prit la route ‘de Carthage. chargés,‘ dit Procope, que l’on eût été
Bélisaire forma deux avant-gardes.‘ loin de s’imaginer ue d'innombrables
Dans la première, qui était comman mains les avaient épouillés. , ‘
déc par un officier renommé pour son GñLnraa apparus» 12mm]: nai
habileté et sa bravoure , Jean I’Armé TROUPES ruminants ;- sas "aniso
nien, on comptait trois cents soldats nas; n. un 'ruxa amicale u
d’élite. La seconde se composait des sas PARTISANS; t'en as GBËCQUB
cavaliers huns , qui s’étaient mis con-nana SA'MABCEB. —- Quand
au service de l'empire. Celleci mar Gélimer apprit, dans sa résidence
chait sur la gauche. L’une et l’autre d’Hermione , l’arrivée"des —trotl’pel
avaient ordre de garder, entre elles et impériales, "il essaya de détourner,
l’armée, une distance de vingt stades - par de promptes et vigoureuses mon
environ. Bélisaire s’avançait avec le sures, le danger qui le menaçait. Il
corps principal. Il surveillait ses der écrivit à son frère Ammatas, qui se
rières avec soin, parce qu’il supposait trouvait à Carthage, une lettre dans
que Gélimer l’attaquerait en revenant laquelle il lui ordonnait de faire périr,
d’Hermione. La droite de l’armée s’ap sans retard, Hildéric et ses partisans,‘
puyait à la mer, et, de ce côté, il n y et de rassembler tous les Vandales qui
avait pas même l’apparence du danger. étaient en a e déporter les armes:
Le général ordonna aux commandants Ammatas ob it a Gélimer. ll fit tue!
de sa flotte de suivre tous les mouve Hildéric, Euagis et tous leurs amis.’
ments des troupes, et de ne jamais Oamer était déjà mort. Puis il se dis:
perdre de vue le rivage. Quand le posa, avec les troupes qu’il avait ras
vent soufflait avec force, ils devaient semblées, à se porter à la rencontre de
plier les grandes voiles et ne se servir l’armée grecque. Il devait l’attendre, à
que des petites, et, dans les temps de soixante et dix stades de Carthage,
calme, employer les bras des rameurs. dans les gorges de Décimum ("). Géli
C’est ainsi que l'ai-tirée s’avançait en
bel ordre, arcourant chaque jour, de l'Afrique ont toujours excité l'admira
dans sa mai-c e,- quatrènvingts stades. tion des voyageurs par leur merveilleuse
A l’approche de la nuit, elle s’arrêtait. fécondilé. Jadis à la vue des riants et‘ fer
Alors, suivant la disposition des lieux, tiles jardins qui avoisiuaient Carthage. la
elle se livrait au repos, soit dans les impressions des mercenaires d'Agalhocia
villes, soit dansun camp retranché. ‘ avaient été aussi vives que celles des soldats
Apres avoir traversé Leptis-Ia-Pe de Justinien. Nous avons cité, à ce propos,
tite et Adrumetum, l’armée impériale dans une autre partie de ce volume (Hi:
arriva enfin à Grasse, ville qui n’était toire de Cartha e, p. 135), un passage de
éloignée de Carthage que de trois cent Diodore que f on peut rapprocher del
cinquante stades. Là se trouvait un phrases que nous avons em n-unlées ‘1 Pro
cope. (Voy. de Bel. Vanda)” I, 17.)
palais qui appartenait au roi des Van (') u Décimum était situé à soixante-dix
dales. il était environné par des jardins stades de Carthage au milieu des collines
les plus beaux et les plus agréab es que d‘Arriana, hautes de cinq cents pieds et
les soldats grecs eussent jamais vus(’'). éloignées de quarante stades des plaines
salées de la Sebka de Soukara. » M. Marcus
(') Gibbon en rappelant les impressions a reproduit, dans cette hrase, r l'opinion
de Procope, accuse l'historien byzantin de l‘Académie des inscriptions; voy. Rechan
d'engération. Il a tort. Certaines provinces clm, etc. , t. I, p. lot.
4.
52
mer s'avançait de son côté, à l'insu de Il avait laissé à Cartha e la meilleure
Bélisaire. Seulement, l'armée impériale partie de ses forces, se ornant à don
fut avertie à Grasse, pendant la nuit, ner ordre aux troupes qui restaient de
de l'approche des Vandales. Ses éclai le rejoindre dans un bref délai. Quand
reurs avaient rencontré ceux de l’en il arriva à Décimum, il rencontra l’a
nemi , et il y avait eu entre eux un en vant-garde commandée par Jean I’A'r
gagement. Bélisaire ne se troubla point ménien. Alors les Grecs et les Vandales
à cette nouvelle; il redoubla de sur se chargèrent. A‘mmatas déploya dans
veillance, et le lendemain il se remit le combat un courage héroïque, et tua
en marche. A partir de Grasse, la douze hommes de sa main; mais enfin
flotte fut' obligée de s'éloi ner de la il tomba percé d'un con mortel. Après
côte, et dès lors on la per it de vue. avoir perdu leur chef, es Vandales se
Elle tint la pleine mer a cause des ré sauvèrent, et Jean se mit à leur pour
cifs, et d'ailleurs elle se trouva dans la suite. Les Grecs rencontrèrent dans
nécessité d'accélérer sa marche pour leur course les soldats qui, obéissant
doubler le cap'de-Mercure. Archelaüs aux ordres d'Ammatas, se rendaient
la dirigeait. Avant de s'éloigner, le de Carthage à Décimum. Ils ne savaient
questeur prit. les ordres de Bélisaire, point qu’un combat eût été livré, et ils
qui lui recommanda de ne point se marchaient en désordre, par troupes
porter directement sur Cartha e, mais de vingt ou trente hommes seulement.
de s'arrêter à vingt stades de 3 ville, Les vaincus, en se sauvant, jetèrent le
et d'attendre, pour agir, de nouvelles trouble parmi eux et les entraînèrent
instructions. L'armée mit quatre jours dans leur fuite. Ils ne songèrent oint
pour aller de Grasse à Décimum. à compter le petit nombre de eurs
PLAN DE GéLmER; IMPBUDBNCB vainqueurs. Aussi Jean les poursuivit
n'aams'rss; LEs VANDALBS ÉPROU jusqu'aux portes de Carthage, et, dans
vENT uN PREMIER EcREc. -— Le plan un espace de soixante et dix stades,
de Gélimer était sa ement con u. il tua tant d'ennemis, dit Procope avec
Ammatas, qui venait e Cartha e, e une certaine exagération, qu'à voir le
vait marcher à la rencontre de l armée champ du carnage, on eût dit que
grecque et la prendre en tête; Gélimer, vingt mille combattants l'avaient par
de son côté, se pro sait de se jeter couru.
sur elle au moment e l'engagement et sEcoNnE DÉPAI’I‘E mas VANDALBS;
de l'attaquer par derrière; enfin Giba GIBAHUND ET LE cREr DES nuNs.
mund, neveu du roi, avait été détaché, — Dans le même temps, Gibamund et
avec deux mille Vandales, pour se pré les deux mille hommes qu'il comman
cipiter en temps opportu_n sur _l’aile dait arrivèrent à des salines situées à
gauche. Procope, ni se fait ici l'inter quarante stades de Décimum (*). Là se
prète des pensées e Bélisaire, déclare trouvait une plaine immense, déserte
ue si les ordres de Gélimer avaient et sans végétation. Les Vandales ren
été parfaitement exécutés, et les mou contrèrent en cet endroit le détache
vements de ses troupes bien concertés, ment des Huns que Bélisaire, pour
l’armée grecque eût éprouvé un grand assurer les opérations de sa auche,
désastre. Mais l'imprudence du frère avait envoyé a la découverte. l fallut
du roi, et aussi, il faut le dire, des dès lors se préparer au combat.
circonstances im révues, amenèrent Il ‘y avait dans la troupe des Huns
la ruine des Van ales. un c ef qui se distinguait entre tous
Ammatas s'était porté, vers midi, par sa force et sa bravoure. Il tenait
à Décimum; il avait ainsi devancé de de sa famille le glorieux privilège de
beaucoup l'arrivée de l’armée impé frapper sur l'ennemi le premier coup.
.riale. Il avait agi avec tant de précipi Nu , parmi les Huns, n avait le droit
tation, que, lorsqu'il se rendit à son
poste,,i ne put emmener avec lui ') Les plaines salées de la Sebh de sou
qu'un petit nombre de mauvais soldats. kan (voy. l'aléa).
AFRIQUE. 53
de commencer l'attaque avant lui. surs garants de la victoire: notre bon
Quand les deux troupes furent en pré droit et la haine que les Vandales por
sence, ce chef s'élança à cheval, sans ‘tent à leur tyran. Vous avez, en outre,
être accompagné, et, parcourant le sur votre ennemi un immense avan
front de la cavalerie des Vandales, il tage : jusqu'ici, vous n'avez point lam
provoqua l'ennemi au combat. Un’ si gui dans le repos; vous manies les
rande audace étonne les soldats de armes depuis longtemps, et vous avez
ibamund, et, craignant d'ailleurs de été éprouvés. par de nombreuses ba
tomber dans une embuscade, ils ne tailles. Vous avez soutenu contre les
firent aucun mouvement et ne lancè es et les Perses de rudes guerres,
rent pas même un trait; aussi tandis que les Vandales n'ont jamais
furent-ils saisis de crainte à la'wne'de's eu à combattre dans' les Maures que
‘rmes et surtout des visages de ces des ennemis sans discipline et à demi
Huns, qui depuis un siècle avaient fait nus. Si vous m'en croyez, nous ferons‘
tant de bruit dans le monde. Les Van une place forte du camp où nous sont
dales ayant refusé d'engager la mêlée, mes. Nous y laisserons, sous bonne
le chef qui les avait rovoqués revint garde, nos bagages et tout ce qui pour
auprès des guerriers e sa race, et leur rait gêner nos mouvements; puis nous
dit: a Dieu a fait les apprêts du fes marcherons à l'ennemi. Si nous som
tin; nous n'avons qu'à tendre la main. mes victorieux, nous trouverons ici, à
Marchons! n Tous s'élancèrent alors. notre retour, des vivres en abondance.
Les Vandales ne purent soutenir le Soldats, en allant au combat, songez
choc des cavaliers huns; ils rompirent à vos anciens exploits, et vous serez
leurs rangs, et, sans 0 poser de résis braves, et, je vous le jure, vous vain
tance. ils se laissèrent orgerjusqu'au crez. a
dernier. ‘ . mcaa'rr'runas DE BÉLISAIIŒ; LES
.srrux'rron ne L'ABHËE cnacoua; csvauans QU'IL ENVOIE ‘a LA mi
DISCOURS DE némsuaa. — L'armée couven'rn sont mis EN FUITE PAR
recque ignorait les événements, si Las VANDALES; murs ne Gammes‘;
eureux pour elle, qui venaient de IL EST VAINCU. — Après avoir encou
s'accomplir, et continuait sa marche ra é ses soldats et donné ses derniers
sur Décimum. Cependant, à trente 0 res, Bélisaire sortit des retranche
cinq stades de là , Bélisaire ayant ren ments. Il ne cherchait‘point l'occasion
contré une excellente position, fit faire de livrer bataille, mais, avec son ex
halte, et ordonna de préparer un camp. trême prudence, il voulait étudier le
Quand les retranchements furent éle» terrain, et reconnaître par lui-même
vés, le général fit rassembler les trou les forces et la position de l'ennemi :
pes, et, s'étant placé au milieqjd'clles, c'est pourquoi il n'emmena avec lui
Il‘ leur tint ce discours‘: (Soldats, que sa cavalerie, et il laissa à la garde
l'ennemi approche et l'heure dricc'ombat u camp, oùse trouvait Antonina, sa
est arrivée. La flotte, vous‘le ‘savez, femme, toute son infanterie. Il marcha
est éloignée de vous, et vous ne devez avec lenteur; seulement il eut soin
pointcompter a‘u'ourd'hui sur sa coopé d'envoyer à la découverte les cavaliers
ration. Vous 'navez point de ville auxiliaires. Ceux-ci poussèrent jusqu'à
amie qui puisse, au besoin, vous on Décimum. Là, ils virent couchés sur
vrir ses portes et vous offrirun abri la terre des cadavres de soldats grecs
derrière ses murailles. Notre ‘salut et vandales, parmi lesquels se trouvait
commun .est tout entier dans votre celui d’Ammatas. Les habitants du
courage. Si vous vous com ortez avec lieu apprirent à la troupe qui arrivait
bravoure, l'ennemi, n’en outez pas, la victoire deJean l'Arménien. A cette
sera vaincu; si vous vous battez mol nouvelle, les auxiliaires furent jetés
lement, les Vandales l'emporteront, et dans un grand trouble. Ils ne savaient
vous n'échapperez point à la mort. où se diriger, et ils parcouraient toutes
Soldats nous avons pour nous deux les éminences pour découvrir au loin
54
leurs compagnons victorieux. Tout a fendue, ayant à sa disposition d'abon
coup, ils voient s'élever du côté du dantes ressources, le roi aurait pu
midi un nuaqe de poussière, et peu de repousser toutes les attaques, et même
temps après a cavalerie des Vandales se rendre maître de la flotte qui arri
se déploya devant eux. Ils font savoir vait. Il eût ainsi enlevé. d'un'cou , 'à
aussitôt à Bélisaire que l'ennemi ap l'armée im ériale les moyens de aire
proche, et lui demandent un renfort. retraite et e vaincre (*). Mais Gélimer
Les avis des chefs étaient partagés; les rdit à Décimum un temps réc'ieux:
uns voutaient que l'on attaquât sans Il ne quitta la position que a valeur
hésiter; les autres prétendaient que de ses troupes lui avait assurée que
leurs forces n'étant point égales à cel pour descendre lentement dans la
les de l’ennemi, il valait mieux faire plaine où Ammatas avait été tué. A la’
retraite. Pendant la discussion, les vue du cadavre de son frère, le roi
Vandales, conduits par Gélimer, avan l
) C'était là probablement l'opinion
çaient toujours. Dans leur marche. ils de Bélisaire. M. Marcus fait suivre les pa
s'étaient placés, à leur insu, entre le raies de Procope de quelques observations
corps des Huns qui avaient défait la qui nous ont paru plausibles. «Un général,
troupe de Gibamund, et le camp de Bé dit-il, plus habile que Gélimer, aurait pour
lisaire. Quand ils furent arrivés auprès suivi la pointe desa victoire , sauf à chan‘ger
de 'Décimum, ils s’élancèrent au galop son premier plan de campagne; m"'s il
pour occuper une colline. Alors la ca n'est pas dit pour cela qu'il eut battu com
valerie impériale s'ébranla à son tour plètement Bélisaire. Celui-‘ci aurait pu être
pour leur disputer cette position. Mais obligé de se replier sur son camp avec sa
es Vandales l'avaient dévancée, et, cavalerie, mais il n'y serait entré que pour
quand elle vint pour les attaquer, ils en sortir de nouveau avec elle et avec ‘l'in
la re ussèrent avec perte et la mirent fanterie , et engager la bataille avectoutes
en uite. Elle courait encore, lors ses forces. Gélimer ne se sentit pas. assez de
qu'ellerencontra, à sept stades de Dé cœur pour hasarder un combat en due forme
cimum, Uliaris, ot‘ticier des gardes, avant qu'il eût appris les causes du retard
qu'Ammatas et Gibamund mettaient ‘a ve
qui s’avançait pour la soutenir avec un nir. Voilà la raison pour laquelle il descen
corps de huit cents hommes. Le devoir dit dans la plaine. Beuhètre aussi eut-il
d‘Uliaris était de rallier la troupe dé peur que les partisans'de ‘l'ancienne famille
faite et de tenter une nouvelle attaque; royale ne se fussent révoltés à Carthage
mais il se laissa entraîner par les contre Ammatas. Quand il eut une fois
fuyards. et il revint avec eux, au galop, trouvé le corps de ce dernier, il ne pouvait
auprès de Bélisaire. ' se porter sur Carthage avant de connaitré
Gélimer commit alors une grande les forces de Jean : autrement il se serait
faute: il resta dans l'inaction après sa ex posé à êlre attaqué par l'ennemi par devant
victoire, et par là il se perdit. Si, d'une et sur ses derrières. Tout ce qui lui restait
part, et ce sont là les réflexions d'un à faire, c'était donc de ne pas perdre de
compagnon de Bélisaire, il eût pour temps à l'inhumation de son frère , mais de
suivi vivement les cavaliers-qu'il avait se retirer en bon ordre avec ses troupes en
mis en déroute, l'armée impériale eut arrière de Décimum, et d'y attendre ou
éprouvé certainement un échec irrépa que l'ennemi vint à lui, ou qu'il eût reçu
des renseignements exacts sur l'état de ses
rable, tant les Vandales étaient nom
propres affaires et sur celles des Grecs..Mais
breux et animés, et tant la frayeur des la principale cause de la perte des Vanda
Grecs était grande. D'autre art, si les, fut que l'ordre magnifique et l'assurance
Gélimer se fût porté sur Cart age, il avec lesquels les troupes de Bélisaire mar
eût facilement anéanti le corps placé chèrent sur Carthage les déroutèreut tout
sous les ordres de Jean l’Arménien. à fait, eux qui depuis un siècle n'avaient
Les vainqueurs d‘Ammatas s'étaient combattu que contre les Maures, et avaient
dispersés çà et là dans la campagne perdu leur ancienne énergie au sein des
pour dépouiller ceux qu’ils avaient plaisirs et de l'inaction.» (Marcus; Histoire
tués. Puis, dans sa capitale bien dé du Vandales, cha, p. 378.)
AFRIQUE 55
fondit en larmes, et se montra en proie désordres auxquels se livreraient dans
à la' plus vive douleur. Il voulut alors les ténèbres ses soldats victorieux.
qu’on donnât à Ammatas la sépulture, Le jour même où l'armée se portait
et qu'on lui rendit les derniers hou. de Decimum‘ sur Carthage, la flotte,
neurs. Il était livré tout entier à ces Eoussée par un vent favorable; dou
soins pieux, lorsque les Vandales vi lait le cap de Mercure. Quand les
rent arriver à toute bride les cavaliers habitants aperçurent au loin les vais‘
de Bélisaire. , - , seaux grecs, ils se hâtèrent de lever les
Le général avait rallié les fuyards, chaînes qui fermaient l'entrée du port
et leur avait reproché en termes sé qu'ils appelaient Mandracium (‘). Dès
vères et durs leur lâcheté; puis, après ce moment, ceux qui haîssaient la dœ
s'être informé de l’état des lieux, après mina’tion des Vandales s’enhardirent,
avoir a pris la victoire de Jean et la et ils s’efforcèrent de mériter les égards
mort ’Ammatas. il s’ébranla avec des vainqueurs par de. grandes démons
toute sa cavalerie pour attaquer Géli trations de zèle, et par des actes qu’ils
mer et les Vandales. Ceux-cl, surpris se proposaient de rappeler en témoi
par cette charge imprévue, ne purent gnage de leurs bonnes dispositions.
soutenir le choc des Grecs, et, après Il y avait dans le palais même une
avoir laissé sur la place un grand nombre obscure prison où Gélimer fais’ait jeter
de morts, ils furent mis en fuite. Ils tous les individus. Vandales on [to
ne se dirigèrent point vers Carthage, mains, qui lui portaient ombrage.
ni vers la Byzacène, d’où ils venaient, Cette prison "forgeant alors de mar
mais vers la laine de Bulla, par la _ chands venus e l'orient, que le roi
route qui con uit en Numidie. Sur le accusait d’avoir appelé en Afrique les
soir. à l'heure où l’on allume les flam troupes de Justinien. Les malheureux;
beaux,.Jean I'Arménien et les Bons ainsi renfermée sur de faux soupçons,
rejoignirent Bélisaire , et lui firent crai naient à chaque instant qu on ne
connaître leur double victoire. Toute les t périr. Ils coururent, en effet, un
la cavalerie campa cette nuit à Dé grand danger. Le jour même où Am‘a
cimum. matas sortit de Carthage, Gélimer
L’sanss esscoua camps Aux‘ ordonna qu'on les mit a mort; mais le
20ans ‘on causses‘; m'rsarsua coup imprévu qui frappa le frère du
nx LÀ VILLE; LES PRISONS ‘on 301. roi et les événements qui suivirent
— Le lendemain. l'infanterie que Bé suspendirent l'exécution. uand le
lisaire avait laissée au cam avec geôlier connut le‘ résultat les diffé
Antonina. sa femme, arriva Déci rents combats livrés(près de Décimum,
mum. Quand toute l'armée fut réunie, et, plus tard , quan il vit araitre au
Bélisaire n'hésita plus à marcher droit loin la flotte impériale, i fut saisi
à Carthage. Il arriva vers le soir sons d'une vive fra eur; il entra dans la
les murs de la ville. Nul ennemi ne prison. Encha nés r et plongés dans
paraissait pourllui résister; les portes d'épaisses ténèbres,'ceux qui s’y trou
étaient ouvertes, et les carthaginois vaient ignoraient l'arrivée et la vie
avaient placé dans toutes les rues des toire de Bélisaire, et ils purent croire
torches qui répandirent pendant la nuit un instant que ‘leur dernière heure
une vive clarté. Les Vandales, qui n'a était venue. Alors le ‘geôlier, élevant
vaient pas pris la fuite à l’approche de la voix , leur‘dit: a Que me donnerez
l’armée grecque, effrayés par les dis vous si je vous‘sauve? » Tous s'em
positions de la population d'origine pressèrent de lui faire de magnifiques
romains} avaient cherché un asile dans ‘ « (‘7 C'était le Cal/nia ou port militaire des
les églises. Cependant lei-tranquillité anciens carthaginois. Voy. dans ce volume?
apparente de la ville. inquiétait Béli Histoire de Carthage ,' lupograpliie‘,'p. “2*.
saire, et il résolut,de camper en de Nous‘ renvoyons, au’ reste, à cette tbpéo
hors des murs. Il craignait deux cho graphie pour tout ce 1111i concerne]. villa
ses - une ruse de ‘l’ennemi, et- les de Carthage‘ dans 16
56
promesses et de lui proposer de grosses seaux. On flt voile vers le lac. qui
sommes. a Gardez votre ar ent, ré avoisine la ville. La flotte entière y
pondit-il; je ne vous deman e qu’une entra aux approches de la nuit, et
chose. Jurez-moi, si je vous delivre, après avoir a lumé ses fanaux. Un seul
de m’accorder, auprès du général de vaisseau s’était écarté; c’était celui
Justinien, assistance et rotection. n qui portait Calonyme. Ce chef, bra
Quand ils eurent juré, il eur raconta vant les ‘ordres de Bélisaire, et ne te
les événements qui venaient de s’ac nant aucun compte des intérêts de
complir, et, ouvrant un soupirail, il l’armée, était entré furtivement dans
leur montra la flotte grecque dans les le Mandracium. Comme il ne rencontra
eaux de Carthage; puis il rendit la li point de résistance, il s’élança à terre
berté aux prisonniers, et se sauva avec avec les hommes de son équipage, et
eux. enleva de force l’argent des marchands,
ARRIVÉE DE LA FLOTTE; ELLE s’an étrangers ou carthaginois, qui habi
mira DANS LE LAC DE TUNIS; CALO taient aux environs u port.
NYME; ENTRÉE DE mimsunu A Le lendemain, Bélisaire, averti de
canrnxcn; MODÉBATION DU GÉNÉ l'arrivée de la flotte, ordonna aux sol
BAL; BONNE DISCIPLINE DES non dats, qui jusqu’alors étaient restés à
PES. — Quand la flotte eut doublé le bord, de se rendre au camp. Quand
cap de Mercure, elle ralentit son mou toutes les troupes furent réunies, le
vement. Officiers, soldats et matelots général les disposa comme pour une
étaient dans une grande anxiété; ils ataille, et il se prépara à faire son
n’avaient point de nouvelles de l’ar entrée dans Carthage. L’ennemi ne lui
mée, et ils ne savaient où s’arréter. avait pas dressé d’embûches, comme
Enfin, ils résolurent d'envoyer un vais il le craignait; tous, au contraire, de
seau à la ville la plus voisine pour vaient accourir auprès de lui et l’ac-.
recueillir des renseignements. Ils ap cueillir avec joie. Bélisaire comprit
prirent, par ce moyen, tout ce qui alors que sa modération , bien plus que
s’était passé. Alors, pleins de confiance la valeur des soldats, avait contribué
et de joie, ils n'hésitèrent plus à avan à ses rapides succès. Avant de péné
cer. Ils étaient encore éloignés de trer dans la ville, il's'adressa encore
Carthage de cent cinquante stades en une fois à son armée pour lui recom
viron, lorsque le questeur Archelaüs mander de se ‘maintenir jusqu’au bout
et les soldats qui étaient restés sur les dans sa bonne discipline. « Les Afri
vaisseaux, voulant observer rigoureu cains, dit-il, soumis autrefois à le do
sement les ordres de Bélisaire, deman. mination des Romains, et Romains
dèrent que la flotte gagnât le rivage eux-mêmes, n’ont obéi que par force
le plus rapproché et s’y arrétât. Les aux Vandales ni les opprimaient.
matelots s’y opposaient. Ils voyaient C’est pour les ai er à secouer un‘ joug
dans l’air’, disaient-ils, les signes pré odieux que notre empereur fait la
curseurs d’une grande tempête, et ils guerre. Point de désordres et point
avaient appris que la côte indiquée d'excès. Montrons ici que nous -ne
n’offrait ni ports ni points de relâche. sommes point venus en Afrique comme
Ils déclarèrent donc que si l’on suivait des conquérants, mais comme des li
l'avis d’Archelaüs et des soldats, la bérateurs. n
flotte entière serait anéantie. On sut L’armée entra donc à Carthage (").
plus tard que les matelots ne s’étaient Bélisaire monta au alais des fois. Il
as trompés. Le questeur se rendit, et était bâti sur la colline de Byrsa, là
a flotte continua sa marche; seule où s’élevait jadis la citadelle des an
ment il fut décidé qu’on ne tenterait ciens Carthaginois et la demeure des
pas d’entrer dans le Mandracium. On proconsuls romains. Comme représen
supposait que le port de Carthage était tant de Justinien, Bélisaire s’assit sur
fermé, et, d’ailleurs, on ne croyait
pas qu’il pût contenir tous les vais (") Vers le 15 septembre.
AFRIQUE. 51
le trône de Gélimer. C’est là qu’il reçut chargés de préparer les- logements de
les plaintes des marchands du port qui l’armée eurent dressé leurs listes, cha
avaient été pillés la veille par l’équi que soldat se retira, sans tumulte,
ag‘e d’un ‘vaisseau grec. Le géneral our se reposer, dans la maison qui
t droit à leurs réclamations. Il ap ui avait été désignée. ' '
pela C'alonyme, et, lui ordonna de Un des premiers soins de Bélisaire
rendre tout ce qu’il avait enlevé. fut de rassurer les Vandales qui s’é
lJurez, lui dit-il, que vous n’avez taient réfugiés dans les églises; il jura
rien gardé. » Calonyme jura , et cepen qu’il ne leur serait fait aucun mal.
dant il avait mis en réserve de grosses Ensuite, il songea à réparer les forti
sommes d'argent. Mais il ne devait pas fications de Carthage. Le mur d'en
jouir du fruit de ses violences et de ceinte, mal entretenu , s’était écroulé
son mensonge; peu de temps apres_ en plusieurs endroits, et, par ses brè
son retour à Constantinople, une af ches, il offrait à l'ennemi un facile
freuse maladie l’emporta. passage. Suivant les carthaginois, c’é
REPAS DONNÉ aux orrIcfEns PAR tait à cause du mauvais état des for
mäusuaa; ADMIBABLE DISCIPLINE tifications que Gélimer ne s’était pas
DE L'alinéa; CLÉMENCE DU VAIN jeté dans leur ville. Il savait bien, di
QUEUa; LES nanas DE caarnsce. — saient-ils, que'derrière nos faibles mu
A l'heure du repas, Bélisaire se rendit railles il ne pourrait repousser long
avec ses officiers dans la salle où Gé temps Ics attaques de ses ennemis.
limer recevait à sa table les person Bélisaire voulut se montrer plus pré
nages les plus illustres_de sa nation. voyant que Gélimer, et il se bêta de
Les mets que l'on servit alors au gé mettre la ville en état de soutenir un
néral de Justinien et à ses compagnons long siége.
d’armes avaient été préparés la veille LEGENDES a'rvInILLss TRADITIONS
our le roi des Vandales. Ce furent nappoaréas PAR rnocops. — L'ap
es serviteurs de Gélimer qui appor parition subite, sur les côtes d’Afri
tèrent à ces hôtes inattendus le pain que, de l’armée impériale, la marche
et les viandes, et qui versèrent le vin heureuse et rapide de Bélisaire, cettt
dans les coupes. Ce spectacle frappa révolution enfin qui avait enlevé, en
vivement les convives, et tous, comme quelques jours, un trône à Gélimer,
Procope, durent songer plus d’une et aux Vandales une conquête achetée
fois, pendant le repas, à ’instabilité par un demi-siècle de fatigues et de_
des choses humaines. combats, firent sur les masses une
Dans ce jour, au milieu même de vive et profonde impression. L’imagi
l’enivrement du triomphe, nulle vio nation était frappée de ces caprices
lence ne ternit la‘gloire du vainqueur. inattendus et mystérieux de la fortune,
Un ordre parfait régna parmi les trou et, par un penchant naturel, vain
pes. Quand les soldats romains se queurs et vaincus cherchèrent à re
rendaientmaitres d'une ville, ils avaient trouver, dans le passé, les signes qui
coutume, suivant leur propre témoi avaient annoncé les événements qui
gnage,‘ de pille'r et de se livrer à de venaient de s'accomplir.
grands excès. Cette fois, ils se contin Depuis longtemps, à Carthage, les
rent. Le général, par son caractère, enfants avaient coutume de répéter
avait pris sur ses troupes un tel ascen dans leurs jeux : a Le G chassera le B,
dant, que nul n’osa enfreindre ses et, à son tour, le B chassera le G. .
ordres.‘ Il n’y ont pas à Carthage une Ces mots, qui n’avaient aucun sens en
seule violence; ou il entendit pas même apparence, dirent les Grecs après leur
proférer une menace. Les affaires du victoire, renfermaient pourtant une
commerce ne furent pas interrompues, prophétie; car ils indiquaient claire
et les boutiques restèrent ouvertes. ment que Genséric avait-chassé Boni
Tous les vivres fournis aux troupes face, et que, plus tard, Bélisaire de
furent payés. Puis, quand les officiers vit chasser Gélimer.
58
Les catholi ues, à leur tour, trou Godigisgle , trouvère t aisément, après
vèrent, dans (le triomphe des troupes le départ de leurs' Æeres, de quoi se
de Justinien, l'explication d’une mer nourrir sur leurs propres terres et sur
veilleuse vision qui les préoccupait celles qui avaient été abandonnées.
depuis longtemps. Jadis, ils avaient Plus’ tard, Genséric fit la conquête de
élevé, sur e rivage, une magniii ue l’Afrique. Les Vandales de la Germanie
église à Cvprien. le plus illustre es éprouvèrent alors une grande joie.
évêques de Carthage. Là, ils célé Cependant il leur vint en pensée que
braient, chaque année, en grande les victoires des compagnons de Gen
pompe, une fête que , du nom du saint, séric pourraient être suivies de revers,
on appelait Cyprienne. Au temps du et que eut-être un jour les émigrants
roi Hunéric, cette église fut enlevée revien raient dans leurs anciens éta
aux vrais croyants et donnée aux blissements. Or, ils savaient bien que
ariens. La tristesse des catholiques les cantons qu’ils occupaient n'étaient
fut grande. Cependant une, vision cé pas assez vastes ni assez fertiles pour
leste vint les consoler. C prien apparut nourrir ce surcroît ‘de population, et
en songe à plusieurs dèles, et leur qu’ils auraient à souffrir, comme au
dit: a Prenez courage; viendra un jour trefois, les horreurs de la famine. Pour
où je me vengerai. » Les parolesdu saint se mettre en mesnre,'en quelque sorte,
se répandirent rapidement en Afrique. contre l’avenir, ils envoyèrent des dé
Les catholiques, pendant un demi putés à Genséric. ils ne s’étaient
siècle, ne cessèrent d'espérer; seule considérés jusque-là que comme les
ment ils. se demandaient : « Quand fermiers des terres abandonnées par
verrons-nous donc luire ce jour de la les conquérants de l'Afrique, et ils
vengeance? - Enfin Bélisaire arut. voulaient dorénavant les posséder à
On était arrivéa la veille de la été de titre définitif. Arrivés à Carthage et
saint Cyprien, lorsque les Vandales et admis en présence du roi, les députés
Ammatas se rendirent à Décimum. félicitèrent Genséric sur ses glorieux
Les rétres ariens faisaient alors pour succès; puis ils lui dirent: « Puisque’
la so ennité annuelle de grands apprêts. tu possèdes en Afrique, une grande et
Ils avaient suspendu aux murs de l’é fertile contrée, les terres que tu as lais
glise festons et guirlandes,placé leurs sees en Europe te sont inutiles. Donne
lus beaux lustres, et tiré enfin de les en toute propriété aux hommes de
sur trésor leurs plus riches ornements. ta race qui vivent en Germanie. Si tu
Tout a coup, on vint leur apprendre accueilles notre demande, nous se
que le frère du roi était tue, et que les rons. plus qu’autrefois, intéressés à.
Grecs étaient vainqueurs. Ils se sau. défendre jusqu’à la mort notre pays,
vèrent a cette nouvelle, et les catholi ton ancienne patrie. » Genséric et les
ques se. mirent en possession de l'église chefs vandales qui l’entouraient écou
de Saint-Cyprien. Ce furent eux, cette tèrent les députés avec faveur. Déjà le
année, qui, allumant dans le sanc roi allait prendre un solennel engage
tuaire d’lnngmbrables lumières, célé ment, lorsqu’un vieillard illustre dans
brèrent. suivant leur rite, la fête de la nation, par la noblesse de sa race
celui qui depuis si longtemps avait et par sa prudence, se leva, et dit:
promis de les secourir etlde les venger. a Les choses humaines sont de leur
Les Vandales, enfin, se souvinrenrt, nature incertaines et 'rissables; ce
au moment de leurs désastres, des pa qui nous paraît improable peut ar
roles qui avaient été prononcées, dans river un jour. Qui oserait nous ..-surer
une
L .
circonstance' solennelle,
.
par. un que nous serons toujours maîtres de
vieillard de leur nation. Il y avait un lAfrique, et que nous ne serons point
siècle et plus, qu'au tem s de leur forcés, dans un avenir que nul ne peut
émigration, ,ils avaient laiss une partie déterminer, d'abandonner notre con
des leurs dans la Germanie. Ceux qui quête et de retourner dans nos an
n’avaient point voulu s'associer au roi ciennes demeures de la Germanie? -
ÀFRIQUE
Frappé par ces paroles, Genséric chan pensèrent qu’il était plus sa c d'avertir
gea ‘avis, et n’accueillit point la de Gélimer. Le roi se réjouit ort de l'oc
mande des députés. 0n-se moqua alors casion ui lui était offerte de prendre
du roi et de celui qui l'avait conseillé. ainsi, ’un seul coup, un officier des
Mais, plus tard, au temps de Béli ardes et vingt-deux soldats d’élite. Il
saire, la nouvelle génération des Van t partir au galop trois cents cavaliers
dales se souvint, au moment de ses vandales, leur recommandant, avant
revers, des paroles du vieillard, et les tout, de lui amener vivants Diogène
trouva pleines de sagesse. et ses compagnons. Ceux-ci étaient
GÉLIMEB SUBVEILLB A msnNcn loin de soupçonner l'approche de l’en
L’AnuÉE cnncoux; ACTION GLO nemi. Ils avaient fait choix, pour
aIEUsB DE DioGÈnB ET DE VINGT passer la nuit, d'une vaste maison.‘
naux CAVALIEBS. — Gélimer se te Après avoir laissé leurs chevaux dans
nait à une assez grande distance de la cour, ils étaient montés à l'étage
Carthage; cependant il surveillait avec supérieur pour se livrer au repos. Les
soin son ennemi. Il avait envoyé dans Vandales arrivèrent enfin. La nuit était
toutes les campagnes des émissaires profonde, et tout semblait les favori
qui devaient exciter la population afri ser; mais au moment décisif _la réso
caine, par l’appât du gain, à se lever lution leur manqua. Ils ne voulurent
en armes, et à défendre, contre les oint briser les portes et pénétrer dans
trou es impériales, la domination des a maison avant le jour; ils craignaient
Van ales. Il lit promettre une somme de s’entre-tuer dans un engagement
d'argent à uiconqnue apporterait à son nocturne, ou au moins de fournir aux
camp la t te d'un soldat grec‘. Les Grecs les mqiyens' de s’échapper. C’é
Africains n’hésitèrent point: ils se mi tait la peur, it Procope, qui leur dio
rent en embuscade, et s’emparèrent de tait ces pensées; car rien n'eût été
tous ceux qui sortaient de Carthage simple et facile comme de se rendre
pour piller dans les campagnes avoi maître de Diogène' et de ses compa
sinantes. Parmi les prisonniers, les gnons, en pénétrant dans la maison
esclaves et les valets étaient plus nom avec des flambeaux, et même sans
breux que les soldats. Les paysans ne flambeaux, puis ne ceux que l'on vou
mettaient pas entre eux de différence; lait surprendre 5 étaient couchés après
ils les tuaient indistinctement, et se avoir quitté leurs armes et leurs vé
âtaient de porter les têtes à Gélimer. temcnts. Les Vandales ne montrèrent
e ‘roi les payait largement‘, et se ré pas tant de hardiesse; ils se borne
jouissait de se défaire ainsi, sans dan rent, en attendant le jour, à placer des
îqer pour lui et pour les Vandales qui sentinelles autour de la maison, et un
accompagnaient, des soldats de Bé gros de cavaliers_devaht chaque porte.
lisaire. Il arriva, par hasard, qu'un soldat grec
Ces meurtres répétés et les dispo se réveilla pendant la nuit. Le mouve
sitions hostiles des Africains durent ment qui se faisait au dehors le
frapper et inquiéter le chef de l’armée frappa; il se leva et prêta une oreille
impériale. ll envoya un jour à la dé attentive. Des armes qui se cboquèrent
couverte Diogène, oflîcier de sa‘garde, et des mots prononcés à voix basse ne
avec vingt-deux cavaliers. La petite lui laissèrent bientôt aucun doute sur
troupe savança dans le pays, et ne les rejets des Vandales. Alors il ré
s'arrêta ce dans un village ‘qui était ’veil e prudemment et sans bruit ses
situé à eux journées de marche de compagnons, et leur fait connaître le
Carthage. Les habitants auraient bien danger qui les menace. De l'avis de
voulu tuer les Grecs; mais ils n’osaient Diogène, tous s’empressèrent de se
attaquer vingt-deux soldats armés de couvrir de leurs vêtements et de leurs
toutes ièces, qui auraient fait, sans armures, et d'abandonner la artie de
doute” une résistance, et les auraient la maison qu'ils occupaient. uang ils
peut-filtre exterminés eux-mêmes. Il; furent dans la cour, ils s’élancerent spl
60
leurs chevaux. Jusqu'alors, nul ne s'é Godas ne put résister et fut tué. On
tait présenté pour les combattre. Ils vint alors apprendre au vainqueur,
restèrent quelque temps immobiles; mais sans rien ajouter à cette nouvelle,
puis, tout à coup, ils ouvrirent la porte qu'une flotte impériale avait touché
et se précipitèrent au dehors. Les les côtes de l'Afrique. Tzazon ne s'in
Vandales, qui se tenaient sur leurs quiéta point; il croyait que Gélimer
gardes, voulurent les repousser; mais repousserait facilement les agresseurs
les Grecs, protégés par leurs boucliers et , dans cette pensée , il lui écrivit la
et frappant à coups de lance tous ceux lettre suivante: « Roi des Vandales
qu’ils rencontraient, traversèrent les et des Alains ,j'ai pris Godas et je l'ai
rangs ennemis. et coururent vers Car tué; j'ai replacé la Sardaigne sous ton
thage de toute la vitesse de leurs chez obéissance; célèbre ma victoire par
vaux. Ce fut ainsi que Diogène sauva des fêtes. On m'a dit que les Grecs,
d'une perte certaine, à l'exception de nos ennemis, avaient osé mettre le
deux, les soldats qui lui avaient été pied sur notre territoire. Crois-moi ,
confiés. Cependant il faillit payer de ils éprouveront le même sort que ceux
sa vie son audace et sa généreuse ré qui jadis ont attaqué nos pères. n Les
solution. Il avait eu un doigt coupé messagers qui devaient remettre au
dans l'action , et, de plus, il avait reçu roi la lettre de Tzazon s'embarquè-'
au cou et au visage trois graves bles rent et vinrent, sans défiance , abor
sures. der au port de Carthage. Ils furent
némssran nérsnn LES ron'rlrr saisis, à leur arrivée, et conduits à
CATIONS DE csnruses. '—- Les dis Bélisaire: ils livrèrent la lettre-qu'ils
positions chancelantes ou hostiles des portaient et donnèrent tous les rensei
habitants de la campagne, et la der gnements qu’on leur demanda. Quand
nière tentative des Vandales pour s'em on les arrêta leur frayeur fut extrême.
parer de Diogène et de ses cavaliers, A la vue des Grecs , ils demeurèrent
inspi‘rèrent à Bélisaire des craintes sé frappés d'étonnement et ils cherchè
rieuses. Il pensa que l'inaction de rent , en vain , à se rendre compte de
Gélimer n'était qu‘apparente, et il se la brusque révolution qui venait de
bêta de prendre, à Carthage, toutes les s'accomplir. Le général, par ses pa
mesures qui pouvaient le garantir d'un roles et ses bons traitements, ne tarda
coup de main. Il rassembla de nom pas à les rassurer.
breux ouvriers auxquels il promit une Las AMBASSADEURS DE GÉLIMER
bonne pa e, fit creuser autour de la EN ESPAGNE; mana ENTREVUE avec
ville des ossés larges et profonds, re LE n01 'rnnums; LEUR MÉPBISE; ILS
leva la partie des murai les qui était TOMBENT AU POUVOIR DE BÉLIS‘AIRE;
tombée, et raffermit celle qui mena couaninn nNvoY'é A JUSTINIEN. —
çait ruine. Les travaux furent conduits Une circonstance imprévue vint en
et achevés avec une merveilleuse rapi core fournir à Bélisaire , sur la situa
dité, et, en peu de jours, Bélisaire se tion des Vandales, de nouveaux ren
trouva à l'abri de toutes les attaques. seignements. Gélimer avait bien com
LBS VANDALES EN SARDAIGNB {né pris, après la déposition de Hildéric ,
SULTAT ma LEUR EXPÉDITION. —Au que son pouvoir n'était point solide
moment même où Gélimer , abändon ment assis,- et que pendant longtemps
nant aux Grecs sa capitale, fuyait dans il aurait à défendre sa couronne con
le désert, Tzazon triomphait en Sar tre de nombreux ennemis. Il voulut
daigne ; il était parti,comme on l'a vu, alors se ménager des auxiliaires p ur
avec cinq mille soldats , l'élite de l’ar l'avenir et, dans ce but , comme il ne
mée vandale. Après une heureuse tra pouvait se tourner ni vers l'orient, ni
versée, la flotte envoyée par Gélimer vers l‘Italie, il rechercha l'alliance des
arriva en vue de Caralis, la place la maîtres de l'Espagne. Il s'adressa donc
plus importante de l'île. Tzazon l'at à Theudis, roi des Wisigoths. Les am
taqua brusquement et s'en empara. bassadeurs envoyés par Gélimer se
AFRIQUE. 61
mirent en marche , traversèrent le Cependant ils étaient loin de supposer
détroit de Gadès, et toucherent les que Carthage eût cessé d'appartenir
côtes de l'Espagne sans avoir appris aux Vandales. Ils suivirent le conseil
l'arrivée de Bélisaire en Afrique et les qu'on leur avait donné, et ils se diri
succès de l'armée de Justinien. Ils s'a gèrent vers la côte. Là, ils s'embar
vancèrent, à petites journées, dans quèrent our rapporter à Gélimer les
l'intérieur des terres , pour voir Theu paroles u roi des Wisiaoths. Au mo-.
dis et pour s'acquitter, auprès de lui, ment où ils mettaient le ied sur‘ le
de leur mission. Le roi des Wisigoths rivage de l'Afrique . ils urent envi
savait déjà , quand ils se présentèrent, ronués par des soldats grecs qui les
que Carthage n'était plus au pouvoir conduisirent à Bélisaire._ Le général
e Gélimer. Legour même où la ville se plut à leur faire raconter au long
avait été occup e par les Grecs, un leur voyage et leur entrevue avec Theu
vaisseau chargé de marchandises avait dis, et, lorsqu'ils eurent achevé, il or-'
quitté le Mandracium et , favorisé par donna qu'on les mit en liberté.
le vent, était arrivé en peu de temps Vers ce temps on vit entrer dans le
en Espagne. Ce furent les passagers port de Carthage Cyrille et les soldats
qui apportèrent la nouvelle des succès qu'il commandait. Il avait été envoyé
obtenus par les troupes impériales. par Justinien au secours de Godas;
Theudis recommanda aux gens de l'é mais, au moment où il approchait'do
quipage , et à tous les marchands, de la Sardaigne, il apprit la victoire’ de
garder le silence sur les événements Tzazon : dès lors il renonça à se diri- '
qui s'étaient accomplis en Afrique; er sur l'île et il se mit à la recherche
uis , il se disposa à recevoir les am e Bélisaire. Ce fut dans les murs de
assadeurs de Gélimer. Quand ils fu Carthage qu'il le rencontra. Le géné«
rent en sa présence, il leur fit ‘bon ral, après tant d'événements heureux,
accueil et les invita même à un grand résolut d'envoyer un de ses officiers à
banquet. Pendant le repas , au milieu Constantinople, et il choisit Salomon
des joyeux propos, le roi s'adresse aux pour porter à Justinien la nouvelle de
ambassadeurs, et leur dit: « Que font ses premiers succès.
maintenant Gélimer et les Vandales? Les MAURES; LEUBSDISPOSITIOIS.
Votre royaume est-il toujours floris -— La plaine de Bulla où se tenait
sant? — Tout va pour le mieux, ré Gélimer était située à quatre journées
pondit alors Gotthée , l'un des ambas de marche de Carthage , non loin des
sadeurs. — Mais enfin, reprit Theu frontières de la Numidie. Là étaient
dis, que venezwous me proposer? -— acceurus auprès du roi et de ses guer
Gélimer, repartirent les Vandales , riers un certain‘ nombre, de Maures
t'offre son amitié, et il désire con attirés ar l'appât du gain et des aven
tracter avec toi une sincère alliance. n tures. 'étaient des hommes qui ap
Le roi se prit à rire: « Retournez à partenaient à plusieurs tribus, et qui
la côte, dit-il aux ambassadeurs , et là s'étaient rendus de différents lieux et
vous apprendrez ce qui se fait en Afri sans chefs au camp des Vandales. En
que. n Les Vandales se levèrent de ta effet, ‘la masse de la nation restait in
ble sans trop se soucier des paroles décise' t flottante; cependant, comme
u'ilsavaient entendues. Theudis, sans ' elle pr voyait la ruine de Gélimer,‘ elle
oute , avait beaucoup bu pendant le penchait déjà du côté des Grecs.- Les
repas , et ils pensèrent qu'il était ivre. chefs "des tribus qui habitaient la Mau-'
lls'tîrevinrent donc» le lendemain au ritanie,‘ la Numidie et la Byzaoène,
rès du roi; mais , comme la veille, s'étaient même avancés jusqu'à'faire
Il répondit à leurs pro ositions par des promesses à Bélisaire; ilslui avaient
des railleries. Dès lors 1 inquiétude se envoyé des ambassadeurs pour lui dire
> glissa dans leur esprit et ils commen qu’ils étaient prêts à reconnaître la.
cèrent à croire qu'une révolution avait su rématie de l'empereunet plusieurs,
éclate en Afrique après leur départ. s’i faut ‘en croire Procope. ‘avaient
62
livré, en témoignage de leur sincérité, Sardaigne, mais pour donner à Justi
leurs enfants comme otages. Seulement nien le temps de con 'uérir l'Afrique.
ils demandaient qu'à-son tour le re Les événements qui il ciment de s'ac
présentant de Justinien voulût bien co'mplir ont dévoilé à tous les eux les
reconnaître leurs titres et leur donner desseins de la fortune. Bélisaire n'est
l'investiture suivant la forme accou arrivé sur nos terres qu'avec des trou
txqmée. Aji temps de la domination ro pes peu nombreuses, 'et cependant il
mai . ,hul he se déclarait chef de tribu nous a vaincus. Les Vandales ont
giu'i 'yn’lhüt reçu de l'empereur les in perdu tout courage, et désormais ils
ne‘s' du commandement. Les rois ne peuvent ‘compter sur le ‘succès.
v‘ ndales s'étaient conformés à l'ancien AmmatasetGibaniund ‘sont morts par
usage‘; mais les Maures ne regardaient la lacheté de leurs soldats. L'ennemi
pêint commelégitime l'investiture con est. maître de nos ports, de nos arse
,erée par- les usurpateurs de la puis naux , de nos agrès, de nos chevaux,
sance impériale. Bélisaire s'empressa de Carthage, enfin de l'Afrique en
d'accueillir la demande qui lui était ti'èr'e. Rien ne peut tirer les Vandales
adressée. Il envoya à chacun des chefs de l'eh‘gourdissement et de la stupeur
les tribus inaures une ‘baguette d'ar où ils sont plongés; ils semblent igno
ed't‘i'loré , un bonnet d'argent fait en rer u'ils ‘comprohiett‘eht ainsi, par
‘omis de couronne ', un, manteau blanc leur on'teuse conduite, leurs biens et
qu’une agral‘e d'or attachait sur l'é la liberté de leurs femmes et de leurs
' ule droite , une tunique qui, sur un enfants. Nous n'avons plus rien, en
ond blahc‘ offrait des dessins variés, notre puissance que la plaine de
enfin des c au’ssures travaillées avec Bulla. C'est la que nous nous mainte
un tissuld’or. Il 'oignit à ces orne nons, dans l'espérance que toi et les
méiitä qui étaieht e signe matériel du tiens vous ne ‘tarderez pas à venir à
s‘ohvoir suprême, de grosses sommes notre secours. Hâte-toi; vole sur les
‘argent. Cependant les tribus ne se eaux avec toute ta flotte; ‘ne songe
déclarèrent point encore. Elles n'en plus déso‘rmais à renverser le tyran et
vo èrent point aux Grecs des troupes a replacer la Sardaigne sous nos lois.
au iiiaires; mais d'un autre côté, elles Ce n'est plus contre cette île, mais
'n'aidèrent pas les Vandales. Elles atâ contre Bélisaire, qu'il faut diriger nos
tendaient, au repos et en observant, coups. Unissons nos forces et mar
qu'entr‘é Justinlen et Gélimer la for: chons à l'ennemi : désormais nous de
tune sé fut prononcée d'une manière vous vaincre ou supporter, en com
irrévocabler mun ,- le poids de nos désastres. n
'rnlsrssss x'r micounAGEMEN'r na TZAZON QUITTE LA SABDAIGNE’; n.
oiiuugn; sa LETTRE A 'I‘ZAZON. — annlva au CAMP ne nous; son
Gélimer ne ‘seJ'aisait point illusion mv'rnnvua Àvsc cÉLmnn. — Après
sur les dangers de sa position. L'es avoirreçu, au port de Caralis, la
p‘érance même du succès semblait l’a lettre de Gélimer, Tzazon réunit les
voir abandonné. Il fit porter en Sar Vandales et leur apprit les nouvelles
daign‘éæ-àson frère Tzazon, une lettre qu’on lui avait apportées. Toute l'ar
qui trahissait ses impressions: c ce mée fut alors en proie à une vive dou
n"est pointfiodas , disait-ilgjmais une leur. Les soldats n'osaient montrer
maligne 'influencequi nous a arraché en public leur tristesse et leurs larmes.
laSûrdai ‘ ne. L'inspiration qui t'a en Ils cherchaient à dérober leurs impres
levé à" l Afrique ave‘c l'élite de nos sions aux habitants de l'ile , et ce ii’é
uerriers venait-d’une puissance cé tait qu'entre eux, et à l'écart, qu'ils
e'ste, maisqui nous. est ennemie, slinterrogeaient sur le coup terrible
puisque, ' en nous privant ainsi de qui les avait frappés et qu'ils gémis
toutes nos ressources, elle a pres ue saient sur leurs infortunes. Après
anéanti ‘la "maison de Genséric. u ‘avoir pris à la hâte quelques mesures
n'es point narti ‘pour soumettre la qui pouvaient assurer la ti'anquillité
AFRIQUE. on
et la soumission de l’ile, Tzazon or nication et de toutes ressources. Soit
donna aux troupes de monter sur la our ménauer et gagner à sa cause les
flotte et il fit voile pour l’Afrique. Il aliitants de la campagne, soit qu’il
arriva, le troisième Jour, sur le oint persistât à regarder le territoire ou il
de la côte où l’on rencontre les‘ ron s’était arrêté comme son bien et celui
tières de la Numidie et de la Maurita de sa nation; il le préserva avec grand
nie. C'est de là qu’il s‘avança :31 mar soin du pillage et de la dévastation.
che forcée vers la plaine de Bulla. D'ailleurs, l’espéraucevcommençait à
Quand le roi et son frère furent en renaître en lui ; il entretenait des in
résence, ils se précipitèrent l’un vers telligences‘à Carthage, et il supposait
’autre, s’embrassèrent et confondi que non-seulement les carthaginois,
rent sans prononcer une seule parole, mais encore les soldats ariens qui ser
leurs larmes et leurs sanglots. Les sol vaient dans l'armée grecque, lui livre
dats qui revenaient de la Sardaigne et raient la place par trahison. Puis il
ceux qui étaient restés en Afrique se avait étudié, par ses émissaires, les
mélèrent et, eux_ aussi, en se retrou dispositionsde la troupe des Huns. et
vant, donnèrent les marques de la il avait excité les barbares, par des
plus violente affliction. On ne parlait promesses et sans doute aussi par de
dans le camp, ni de Godas, ni de l’argent, à s'unir avec lui et à venir
Bélisaire. On ne cherchait point à s’é dans son camp. Les Huns, en effet, ne
clairer par de mutuelles questions, car servaient l'empereur qu’à regret, et
chaque soldat craignait que ses mal ils se plaignaient hautement d’un offi
heurs ne fussent encore plus grands cier nommé Pierre, qui avait employé
u’il ne l'avait imaginé. Cette scène un honteux mensonge pour les tirer de
ut déchirante et elle fit éprouver Constantinople et pour les amener en
pendant longtemps à ceux qui la vi Afrique. Ils écoutèrent donc les pro
rent, et même aux ennemis des Van positions de Gélimer, et ils allèrent
dal‘es qui l’entendirent raconter, une jusqu‘à promettre ‘qu'au jour de‘ la ba
vive et profonde émotion. ' taille ils passeraient dans les rangs des
GÉLIMEB ET ‘rzAzoN s1: POBTENT Vandales. Ce furent des transfuges ui
sUn CARTBAGE; oN CONSPIBE DANS dévoilèrent à Bélisaire les projets es
LA VILLE CONTRE LES cases; MAU Huns.Deslorsilrésolutdenepomtmar
VAISES DISPOSITIONS DES soLne'rs cher à la rencontre de l’ennemi avant
EUNS. — Quand Gélimer se vit entou dÎavoir pris toutes les mesures qui
ré de Tzazon et de tous les guerriers pouvaient lui conserver, même pendant
de sa nation , il quitta la plaine de une longue expédition, la possession
Bulla et marcha sur Carthage. Il plaça de Carthage. D'autre part, quelques
son camp non loin de la ville, pour citoyens s’etaient aussi mis en rapport
attirer Bélisaire au combat. Il avait avec Gélimer. L’un d'entre eux,‘Lau‘
aussi coupé l'immense et bel aqueduc rus, fut dénoncé par son secrétaire. Sa
qui de l'intérieur des terres condui trahison était manifeste, et Bélisaire
sait à Carthage l’eau qui servait aux le lit pendre au sommet d'une colline
besoins de la population ("‘); mais Bé qui avoisinait la ville. Cette exécution
lisaire resta dans l’inaction et n’es eft'raya tous les autres , et nul désor
saya point de repousser Gélimer. Alors mais ne songea à conspirer.
le roi des Vandales leva son camp Mais il importait surtout au géné
et divisa son armée : il envoya une ral de ramener les Huns. Il les accabla
troupe sur chacune des routes qui con. de présents, les admit à sa table, et,
duisaient à Carthage, et il crut dès à force de prévenances, il parvint à
lors qu’il avait assez fait pour priver tirer d'eux-mêmes le secret de toutes
son ennemi assiégé de toute commu leurs relations avec Gélimer. « Nous
ne te cacherons point, lui dirent les
. (’) Voy. dans ce volume: Histoire de Car barbares, que nous sommes mal dis
thuya,- tapographîe ; ‘p. :48. posés au combat. Nous craignons que
64
les Romains, après leur victoire, res nation, Bélisaire fit partir toute la
fusent de ‘nous ramener à'Constanti cavalerie, à l’exception de cinq cents
nople, et qu’ils nous laissent vieillir et hommes [qu’il retint auprès de lui. Il
mourir sur- la terre d’Afrique. Qui, 'avait con é le corps d’élite et le dra
d’ailleurs, nous garantit que l’on ne peau à Jean l’Arménien, en lui recom
nous enlèvera pas le butin que nous mandant de ne point reculer devant les
avons fait? — Moi, répondit Bélisaire, combats d’escarmouche; puislui-mémi
et je vous jureque si vous nous aidez se mit en marche, le lendemain, avec
a vaincre les Vandales, je vous ren les cinq cents cavaliers qui étaient res
verraifà vos demeures avec une large tés à Carthage et toute son infanterie.
part des dépouilles de l’ennemi. » Les Les Bons accompagnaient aussi les
Huns s’engagèrent une;seconde fois à Grecs; mais ils avaient tenu conseil
servir dans larmée avec zèle et cou entre eux, et, après avoir esé les pro
rage. messes de Gélimer et ce] es de Béli
nrämsams SE DISPOSE A QUITTER saire, ils avaient pris la résolution de
CABTHAGE; IL s‘nnnsss AUX non rester neutres au commencement de la
pas UNE PBOCLAMA’IION. — Au mo bataille, pour se tourner ensuite, quand
ment où Bélisaire cessa de craindre les la fortune aurait prononcé, du coté de
trahisons, et quand il eut achevé de l’armée victorieuse.
fortifier Carthage , il se décida à sortir Les Romains rencontrèrent les Van
pour marcher à l'ennemi. Avant le dales campés à cent quarante stades de
dé art, il fit lire aux soldats rassem Carthage, à Tricamara (*). Comme on
bles la proclamation suivante : « Vous était à a fin du jour, ils s’arrétèrent,
avez gagné par une récente victoire à une certaine distance de l’ennemi,
Cartha 'e et toute l’Afrique. Désormais pour passer la nuit. Là, dans leurs
mes p roles seront moins puissantes retranchements, au milieu des ténè
pour exciter votre courage que le sou bres, une chose vint frapper leurs re
venir de vos succès passés. Aujouro gards : le fer des lances brillait d’un
d’hui, je ne vous dirai qu’une chose : vif éclat, et l'on eût ditv qu’il ortait
c’est que du même coup, si vous êtes une flamme. Les soldats cherc èrent
braves, vous enlèverez tout espoir aux en vain à se rendre compte de ce pro
Vandales, et vous mettrez fin à la dige; seulement, après a bataille, ils
guerre. Vous trouverez pendant l’ac n’hésitèrent point a prononcer que ce
tion un secours que vous n’avez point feu qu’ils avaient aperçu pendant la
rencontré dans vos premiers combats. nuit, et qui leur avait inspiré alors
La cavalerie seule jusqu’ici a lutté quelque frayeur, était un sûr présage
‘contre l'ennemi : cette fois, l’infanterie e la victoire. .
prendra part à la bataille, et les défen GÉLIMEB ET TZAZON ESSAIBNT m;
seurs de Gélimer auront à soutenir le BANIMER LE counscn mas vanne
choc et les efforts de l’armée entière. LES; pnémnnxrs DANS LES maux
On vous a dit que les Vandales, à la ABMÉES; onna]; DE BATAILLE. -— Le
seule idée que vous étiez maîtres de lendemain du jour oùavait paru la
leurs femmes, de leurs enfants et de cavalerie romaine, Gélimer prit ses
leurs biens les plus précieux, sentiraient dernières mesures. Il voulut que,‘pen
doubler leur courage. Ne vous laissez dant le combat, ou laissât dans le
point tromper; leur rage sera grande, camp les femmes, les enfants, avec l'or
peut-être; mais elle les aveuglera. Sou et l’argent que les Vandales avaient pu
venez-vous'de mes paroles. Ayons bon
espoir, et marchons hardiment à l’en (‘) u Tricamara devait être à S lieues
nemi. » ‘ ' au sud-ouest de Carthage. la Recherche:
DÉPART DE L’ABMÉE; DISPOSI sur l'histoire de L'Afrique septentrionale ,_
nous ne BÉLISAIBE‘, LES nous; elc.,- par une commission de l'Académie
LBS nonsms m’ LES vmna‘uzs SONT des inscriptions et belles-lettres, tome I,
me nuisance. — Après cette procla p. 104.
AFRIQUE. s5
sauver; puis il rassembla ses soldats et de ne frapper l'ennemi qu'avec l'épée.
les exhorta à bien combattre. Tzazon, LA BATAILLE; MORT DE TZAZON.
qui exerçait sur les troupes revenues — Les deux armées s'observèrent pen
de la Sardaigne un grand ascendant, dant quelques instants sans faire un
joignit ses prières à celles de son frère, mouvement; enfin Jean l'Arménien
et il adressa à ses compagnons d'armes passa le ruisseau avec un petit nombre
une pressante allocution. Puis, l'armée de cavaliers, et se présenta sur le
entiere s'éhranla, et se dirigea, en ba front de l'ennemi. Tzazon se détacha
taille, vers les Romains, qui se dispo alors avec un corps de Vandales. et se
saient alors à prendre leur repas. mit en devoir de repousser les Grecs;
L'alerte fut vive parmi les troupes im mais ceux-ci battirent en retraite et
ériales; elles saisirent rapidement repassèrent le ruisseau. Les Vandales
eurs armes, et se disposèrent, en un n’osèrent le traverser, et, arrivés sur
instant, à recevoir l'ennemi. Un faible le bord, ils cessèrent la poursuite.
ruisseau coulait entre les deux armées. Les cavaliers grecs revinrent a la
Les Vandales ne le traversèrent point, charge avec un renfort; mais cette fois
et s’arrétèrent a quel ue distance de sa encore ils furent obligés de se retirer
‘rive. Les Romains, e leur côté, arri et de se re, lier sur l'armée. Enfin
vèrent sur l'autre bord, et, à leur Jean, bien écidé à ne plus reculer,
tour, ils firent halte. Les deux armées marcha à l'ennemi pour la troisième
étaient rangées en bataille dans l'ordre fois avec toute la garde de Bélisaire
suivant: la gauche des troupes impé et le drapeau. La troupe, en s’élam
riales était commandée par Martin, cant, poussa de grands cri. Les Van
Valérien, Jean, Cyprien, Althias et dales soutinrent le choc et reçurent
Marcellus; la droite, par Pappus, Bar les assaillants à coups d'épée. On se
batus et Aigan; Jean I'Arménien s'é battit avec coura e, et bientdt on vit
tait placé au centre avec la cavalerie tomber les plus raves guerriers des
d'élite, les gardes‘ de Bélisaire et le deux troupes, et parmi eux Tzazon, le
drapeau. Le général en chef lui-même frère du roi. Cette mort, décida du
arriva, en temps opportunvavec cinq sort des Vandales. Ceux qui avaient
cents cavaliers; il avait devancé, pour lutté avec tant de valeur contre les
diriger le combat, son'infanterie, qui, meilleurs cavaliers de l'armée impé
à son gré’, marchait avec trop de len riale étaient sans doute les soldats re
teur. Les Huns se tenaient à l'écart, venus de Sardaigne, les vainqueurs de
de manière ce endant à tout observer. Godas. Quand ils eurent perdu le chef
Ils avaient re usé de prendre place à ni les animait par son exempleLle
côté des autres troupes, alléguant, désespoir les gagna, et le désordre se
pour ne point éveiller les soupçons, mit dans leurs rangs. Ce mouvement
que c'était la coutume des guerriers de n'échappa point à Bélisaire, qui lit
leur nation de se porter pendant l’ac sonner la charge et lança toute sa ca
tion où bon, leur semblait, sans se valerie au dela du ruisseau. C’était au
conformer aux mouvements descorps centre que se trouvait la principale
réguliers. Du côté des Vandales, la force de Gélimer. Au moment où les
gauche et la droite étaient confiées à troupes commandées par Tzazon com
des chiliarques; Tz'azon, le frère du mencèrent à plier. les soldats placés
roi, se tenait au centre; les Maures, aux deux ailes abandonnèrent leurs
dont les dispositions étaient chance rangs et prirent la fuite. La bataille
lantes, formaient une espèce d’ar était gagnée. Ce fut alors que les Huns,
rière-garde. Quant à Gélilner, il par qui pendant l'action s'étaient tenus au
courait les rangs à cheval, et ex repos, s'ébranlèrent, et se mirent à la
horlait ses soldats à se comporter poursuite des fuyards. Le succès les
avec bravoure; il leur recommanda avait tirés d'incertitude, et après la
expressément de ne point user pen victoire ils n'hésitèrent plus à se rat
dant le combat des armes de trait, et tacher à Bélisaire. Les Vandales rega
5' Livraison. (Hrsr. mas Vmmus.) 5
66
gnèrent leur camp, et là ils purent se la mort que pour servir, comme es
reposer quelques instants sans être claves, aux caprices et à la brutalité
in uiétés. La cavalerie impériale, qui des vainqueurs.
n’ tait point en mesure de les forcer Au témoignage des Byzantins, rien
dans leurs retranchements, se répandit ne pouvait donner une idée des ri
dans la campagne pour dé cuiller les chasses accumulées dans le camp des
morts. Huit cents Vanda es environ Vandales. Là, en effet, se trouvait
étaient tombés sous le fer ennemi; les déposé le fruit d’un brigandage qui
Romains n’avaient perdu que cinquante avait duré.uu siècle sans interruption;
hommes, ai tous, il faut le supposer, on y voyait les dépouilles de tous les
avaient été frappés sur lesbordsdu ruis ays. L’Espagne , la Gaule ., l‘Italie,
seau, au moment où Tzazon soutenait a Grèce , les îles de la Méditerranée ,
encore les efforts de Jean I’Arménien. et même l’Asie , avaient été visitées,
FUITE nou'rsuss os GÉLmnn; mâ pillées et ravagées tour à tour par les
nou'rs; mâusuns‘ ln'rns DANS LE flottes qui sortaient des ports de Car
CAMP nss vsnnamzs; L'ARMÉE m thage. On eût dit , depuis les premiers
PÉBIALE sur UN mens BUTIN. — succès des Vandales, que l’Afrique
Quand, vers le soir, Bélisaire eut été était destinée à recevoir, pour ne plus
rejoint par son infanterie, il marcha, les rendre, les trésors du monde en
sans plus tarder, sur le camp des Van tier. Contre toutes les prévisions de
’dales. Gélimer ne l’attendit point; il la sagesse humaine , une seule bataille,
rit avec lui quelques serviteurs fidè qui ne coûta pas au vainqueur cin
es, sauta à cheval,., et se sauva, à quante soldats, fit passer de Carthage
l’insu de ses troupes et sans laisser à Constantinople les monceaur d’or et
d’ordro, vers la Numidie. Sa fuite de d’argent que la fortune elle-même
meura ‘cachée jusqu’au moment où semblait avoir ris soin d’assurer pour
chefs et‘: soldats l‘appelèrent pour lui tou'ours aux héritiers des compagnons
montrer l’ennemi qui approchait, et de enséric.
pour lui demander ses conseils et ses mâsonn’m: srnss‘x LA VICTOIRE;
ordres; puis, quand les Vandales se cnAIN'l‘ES ms‘mimssms; sss soL
virent abandonnés, leur désespoir fut nus LE BBJOIGNENT m? nsrnmv
sans bornes, et ils poursuivirent de NENT LEURS RANGS. —— Bélisaire
leurs imprécations le lâche. ui, après passa la nuit qui suivit sa victoire
avoir attiré sur l’Afrique ’invasion dans d’inexprimables angoisses. Son
étran, ère'et tous les maux de la guerre, armée, si longtemps contenue dans
sacri ait à sa sûreté personnelle la vie l'ordre et la plus sévère discipline,
d’un peuple entier qui s'était armé pour venait de lui échapper et de s’expo
sa défense. Les femmes et les enfants‘, ser, par son aveuge emportement,
rassemblés dans le camp, poussaient à périr tout entière. Dans l’enivre
des cris qui venaient encore, amollir ment du succès, les soldats mettant
l'âme des uerriers et augmenter la en oubli les conseils de la rudence,
confusion. ientôt une foule immense et n’obéissant plus à la voix de leur
s’échâppa de l’enceinte retranchée par chef, avaient rompu les rangs et s’é.
toutes es issues, et se dispersa dans taient précipités, cavaliers et fantas
toutes les directions. Mais déjà il était sins me és, à la poursuite des ennemis;
tro tard, et les Romains étaientar bientôt ils s’étaient disséminés sur une
rivt . Après avoir pris possession du vaste étendue de pays. Chacun d'eux ,
camp, et des richesses que Gélimer et sans se soucier de la présence des au
lessiens' y avaient entassées, ils s’élan tres, s’engageait résolument dans les
cèrent à _la poursuite des fuyards et bois, et pénétrait dans les cavernes
leslmassacrèrent sans pitié. Les scènes où les Vandales avaient pu cacher
de‘violence et de_car_nage se prolon leurs femmes et leurs trésors. Si le
èrent pendant toute une nuit. Les cœur n'eût point manqué à ceux qui
tentures et les enfants n’échappèrent à fuyaient,’s’ils avaient songé à se re
AFRIQUE. s1
tourner brusquement , les troupes im mouvement et de lui nuire , il songea
périales eussent été anéanties. Béli enfin à se rendre maitre de la per
saire qui seul, après la victoire , avait sonne de Gélimer.
conservé du calme, se porta sur tous Déjà deux cents cavaliers, comman
les points, et pendant cette nuit, qui dés ar Jean l’Arménien, s'étaient
lui parut bien longue, il chercha, ’ar lanc sur les traces du roi, qui
les prières ou par les menaces, à ral ier fuyait rapidement vers la Numid|e;_ils
ses soldats; mais nul ne répondit à avaient ordre de courir jour et nuit ,
son appel. Au point du jour il se re et de ne s'arrêter qu'au moment où
tira sur une éminence. Ce fut alors ils auraient en leur pouvoir,‘ vivant
seulement que les troupes commencè ou mort, celui qu'ils poursuivaient.
rent à le rejoindre et à se ranger au Bélisaire s’avançait, de son côté, avec
tour de lui; mais avant de se remet toute son armée pour seconder Jean
tre en mouvement elles envoyèrent, l'Arménien. Les cavaliers grecs mi
sous bonne escorte , leur butin a Car rent tant d'ardeur dans la poursuite,
thage. Gélimer perdit ainsi, par sa qu'après cinq jours d'une course non
lâcheté, ses dernières espérances avec interrompue , ils atteignirent presque
sa dernière armée. Il avait livré bataille la troupe qui fuyait, et purent calcu
vers le quinzième jour de décembre de ler les heures qui devaient s'écouler
l'année 533. Trois mois, suivant Pro jusqu'à l'instant où Gélimer serait leur
cope, s'étaient écoulés depuis l'instant prisonnier; mais un événement im
où Bélisaire avait pris possession de prévu les arrêta et sauva le roi des
Carthage (*). Vandales.
'nouesua ns'néusuaa A n'iesnn mon os JEAN n’snm’mrsw; es
DES VAINCUS; sas Masunss; GËLI Lnnia iicnsprii AUX vsmousuas.
‘MER ns'r rouiisuivi. —Tous les sol —Parmi les compagnons de Jean l'Ar
dats ne revinrent pas au camp avec le ménieu se trouvait un officier des gar
jour; pendant longtemps Bélisaire fut des, Uliaris, dont il a déjà été fait
obligé de parcourir à cheval les lieux mention dans ce récit ('). C'était un
qui avoisinaient le point du ralliement homme d'une force prodigieuse , d'une
pour ramener les traînards. Quand, grande bravoure , mais peu réglé dans
au milieu de ses courses, il rencon ses mœurs et trop ami des plaisirs et
trait des Vandales , il les rassurait et du vin. Dans la nuit qui précéda le
leur jurait qu'il ne leur serait fait au sixième jour de la poursuite , il pro
cun mal ,' seulement il les désarmait fita , sans doute pour boire largement,
et les envoyait à Carthage. Il avait de l'un des rareset courts repos que
donné ordre de les recevoir et de les prenaient les chevaux et les cavaliers,
bien traiter à ceux qui gardaient la ville car, au lever du soleil, il était ‘com
pendant son absence. Il prit soin-éga piètement ivre. ll aper ut alors un oi
ement de faire sortir ,des églises es seau erché sur un ar re; il s'arrêta
vaincus qui s'y étaient récipités en pour e tuer; il banda son arc, mit
foule comme dans un asi e inviolable. une flèche sur la corde, et lança son
Il promit la vie sauve à ceux qqi dé trait. Mais sa main tremblait et sa
poseraient les armes et qui se soumet vue était troublée; la flèche, mal diri
traient à la surveillance des officiers gée, s'écarta de l'arbre et de l'oiseau
impériaux. Quand , par ces sages me et vint frapper à la tête Jean l'Armé
sures, il eut mis les Vandales dans nien. Ce brave officier était blessé à
l'impuissance de tenter un nouveau mort. Les soldats se précipitèrent pour
le recevoir dans leurs bras, et, jus
(‘) Proeop. de Bel. VandaL, u, 3. Le qu'à son dernier soupir, ils lui prodi
passage que nous signalons ici établit clai guèrent leurs consolations et leurs
rement que les Grecs entrèrent à Carthage, soins au milieu des manifestations de
comme nous l'avons dit plus haut, vers le
milieu du mois de septembre. (’) Voy. plus haut, p. 54.
5.
68
la plus vive douleur. Jean ne s’était miusuns sa mais!) MAITBB n’nlp
oint seulement fait admirer dans nous; Gemmes ss sérums sUn LE
‘armée par son brillant courage, mais MONT PAPPUA; IL est ASSIÉGÉ PAR
encore il avait gagné l'affection de une ET LE cours DES minous. —
tous ses compagnons d'armes par sa Dès lors l’armée grecque ne pouvait
douceur et son affabilité. Sa mort espérer d'atteindre à la course et de
causa de profonds regrets à Bélisaire, prendre Gélimer; cependant Bélisaire
à Justinien, et même aux habitants ne renonça pas à le suivre, et il arriva
de l'Afrique , qui, depuis son arrivée. bientôt à Hippone(*), qui était située
avaient pu apprécier son amour de la à dix 'ournées de marche de Carthage.
justice et sa modération. Là . i apprit que le roi des Vandales
. Les cavaliers avaient donc cessé de s’était mis en sûreté en se retirant sur
poursuivre Gélimer, et ils s’étaient le Pappua , montagne élevée et d'un
rassemblés autour de leur chef ex i diflicile accès. Les’ ‘Maures qui habi
rant, puis ils lui avaient rendu les taient le ays étaient alliés de Géli
‘derniers honneurs. Ils ne voulurent mer, et i_s s’étaient empressés de lui
point alors se porter en avant ou re ouvrir , ainsi qu'aux hommes de son
venir sur leurs pas , sans avoir reçu escorte, leur ville de Midenos (*"). On
d'ordres , et ils firent connaître à Bé était en plein hiver, et Bélisaire ne
lisaire la mort de Jean I’Arménien. A‘ voulait point, pendant, la mauvaise
cette triste nouvelle , le général con saison, s’engager dans les montagnes
fia l’armée à ses lieutenants et se diri avec toute son armée. D‘autre part,
gea en toute hâte vers le lieu où était il ne pouvait rester plus longtemps
tombé le plus brave de ses officiers. éloigné de Carthage, le centre de sa
Il retrouva ses cavaliers plongés dans nouvelle conquête. Il choisit donc un
la tristesse; lui-même, après s'être certain nombre de soldats armés à la
approché du tertre qui recouvrait la légère et habitués aux combats d’es
dépouille de Jean , ne put ‘retenir ses carmouche, et il leur ordonna de se
sanglots et ses larmes; il voulut alors placer sur tousl‘es chemins qui con
qu’en cet endroit ou élevât un riche duisaient à Midenos. Campés au pied
tombeau. Après avoir donné cours à de la montagne, ils devaient surveiller
sa douleur, il songea à unir le meur
(’) Hippa-Regius. Voy. plus haut, p. n.
trier. Le malheureux liaris n’avait ("') Midenos est le nom adoplé par l’Aca
pastardé à recouvrer sa raison. Il démie des inscriptions qui constate néan
avait à peine lancé le trait que le mou moins, à l'aide des variantes contenues dans
vement, les injures, les menaces et l'édition de Procope, publiée par Dindorf,
les cris de ses compagnons l’avaient ne les manuscrits offrent encore les deux
tiré de ‘son ‘ivresse. Quand il put ormes de Mideos et de Medeos. Midenos
connaître l'étendue et la gravité de sa était sans doute la dernière ville numide
fàute,_ il prit la fuite et se réfugie du côté de la Maurilanie. Elle était placée
dans l'église la plus voisine. Bélisaire à l’extrémilé occidentale de la chaîne du
s'apprêtait à tirer vengeance du meur Pappua, l’Edough actuel. Ver. le savant‘
tre, lorsque les cavaliers l'environne discussion de M. Bureau de l Malle dans
‘rent et lui dirent: « Notre chef, en les Recherche: sur (histoire de la partie de
mourant, nous a ‘fait vpromettre par l'alfi'ique‘uptentrionale connue sous le nom
serment de ne point châtier Uliaris, de régence d'J/ger, clan, par une commis
qui n’a été coupable que par impru sion de l’Académie des inscriptions et bel
les-lettres . t. l , p. x06 et suiv. MM. Marcus
ence; pardonne-lui comme nous lui et Papencordt ont adopté. en général , sans
.avons pardonné. n Bélisaire qui, pour les discuter, tous les résultats contenus dans
des _fautes moindres , s’était toujours les excellentes Recherche: que nous venons
montré inexorable, ne dut céder qu’à de citer. Voy. enfin Maunert; Géographie
reâret à la prière des cavaliers; mais ancienne de btfi‘ique septum, traduite par
en n il lit grâce à Uliaris, en souvenir MM. L. Marcus et Duesberg; p. 448, et
de Jean I’Arménien. principalement p. 439. Paris, 1842.
AFPJQUE. ce
les mouvements de Gélimer, l'empê côte et à jeter l'ancre dans le port
cher de fuir, et arrêter tous les con d'Hippone. Dès lors, il ne pouvait es
vois. C'était Fara , Hérule d'origine, érer d'échapper au vainqueur. Il vou
qui étaitcbargé, avec les guerriers de ut au moins racheter sa vie au prix
sa race . de cette importante mission. des richesses que portait son vaisseau.
LES rnésoas DE GÉLIMEII. —— Au Il envoya dans la ville quelques hom
moment où l'armée recque s'approcha mes ui , à peine descendus àterre,
d’Hippone. les Vanäales se précipitè cherc ‘erent refuge dans une église.
rent en foule dans les églises. C'est là Ce fut de là qu'ils firent savoir à Béli
qu’ils attendirent l'arrêt du vainqueur. saire qu’ils étaient prêts à lui indiquer
Bélisaire. les rassura ; il les envoya l’endroit où se trouvaient les trésors
sous bonne escorte à Carthage, où ils deGélimer, s'il promettait d'accorder
devaient être réunis aux autres pri la vie et la liberté à Boniface et à ses
sonniers. Ce fut à Hi pone que le ba compagnons. Le général accueillit avec
sard mit au pouvoir es Grecs les tré- joie cette proposition, et s'empressa
sors de Gélimer. de prêter le serment qu'on lui avait
Parmi les serviteurs du roi des Van demandé. Puis, ses officiers s'étant
dales se trouvait un certain Boniface. rendus à bord du vaisseau qui avait
Il était né en Afrique, dans la By été signalé, Boniface remit aux mains
zacène. Gélimer. qui le savait dévoué des Grecs les trésors de Gélimer.
à sa personne etaux intérêts de sa fa néusuaa COMPLÈTE s'r ACHÈVB
mille, lui avait confié, au commence sa CONQUÊTB ; ses succès ; n.
ment de la guerre, tous ses trésors. Ëcnoua me SICILB. -— De retour à
Boniface les transporta sur un vais Carthage , dès les premiers jours de
seau, puis il fit voile vers Hippone. l’année 534, Bélisaire se bêta de pren
De cette ville, il suivait tous les évé dre les mesures_qui ‘pouvaient com
nements de la guerre, se tenant prêt, pléter et rendre. durable la conquête
en cas de désastre, à fuir en Espagne qu’il avait accomplie au nom de l'em
auprès du roi des Wisigoths. C’était pereur. D'abord , il retint dans la ca
en effet chez Theudis que Gélimer pit‘ale de l'Afrique, sous ses yeux,
comptait se réfugier. Après le combat tous les Vandales qui étaient tombés
de Tricamara , quand tout espoir de en son pouvoir, et il se prépara à les
vaincre fut enlevé aux Vandales, Bo envoyer à Constantinople aux appro
niface, pour se conformer aux ordres ches de la belle saison. Ensuite, il
de son maître, leva l'ancre, et se diri voulut que l'autorité de Justinien fût
gea vers l'Espagne. Mais il avait à reconnue dans toutes les terres que
peine atteint la pleine mer, que le vent, Genséric avait enlevées aux empereurs
soufflant avec violence, le rejeta dans romains. Il envoya Cyrille en Sardai
le port d'Hippone. Là, il apprit , par gne avec un'corps nombreux, et, afin
les hommes de l'équipage qu'il avait que les habitants ne pussent révoquer
envoyés à terre , que l'ennemi parais en doute les succès de l'armée grec ue
sait. Son désespoirfut grand a cette et la victoire de Tricamara, le che de
nouvelle. Il fit aux matelots de magni l'expédition emportait avec lui la tête
fiques promesses; il les pria etsupplia de Tzazon. Cyrille devait aussi faire
d’éloigner le vaisseau des côtes d'Afri passer en Corse une partie de ses
que et de continuer le voyage malgré troupes pour arracher cette île aux
la tempête. On lui obéit. Mais l'équi Vandales et la replacer sous la domi
page s'épuise en vains efforts. Le vent nation romaine. Bélisaire obtint, par
avait redoublé de violence; la mer son lieutenant, un plein succès dans
était bouleversée, et les vagues s'éle ces deux entreprises. En même temps,
vaient à une hauteur prodigieuse. Bo un officier appelé Jean occupait avec
niface céda enfin; il se dirigea de nou un détachement d'infanterie Césa
veau vers l'Afrique, et ce ne fut pas rée C‘), en Mauritanie. C’était alors
sans peine qu’il parvint à regagner la (") Aujourd'hui cherc/id. Voy. sur ce
70
une place trèsimportante; elle était nous unissent, et ne rappelle à notre
vaste, bien peuplée, et faisait par mer empereur vos anciennes usurpations.
up grand commerce. Les Grecs s’éten Je déclare que si la ville de Lilybée ne
d1rent_ plus loin encore. et un garde de . nous est pas livrée dans un bref délai,
Bélisaire s'empara de la ville de Ceuta. j'irai vous faire la guerre en Sicile,
Cette dernière expédition coîncida sans et peut-être plus loin encore. :- On
doute avec celle d’Apollinarius, qui porta à Amalasuntha, ui gouvernait
soumit les îles Baléares. Apollinarius au nom de son fils Ata aric, la lettre
était né en Italie. Dans sa eunesse, il de Bélisaire. Elle répondit au général
était venu en Afrigue, où il s’était at de Justinien ne la Sicile entiere ap
taché au roi Hild ric. Quand les Van artenait aux oths, et que, dans cette
dales irent Gélimer sur le trône, il le, l'empire n’avait à faire valoir aucun
se sau a à Constantinople auprès de droit. «Au reste, disait la reine, je
Justinien. Il revint en Afrique avec suis dis osée à trancher le débat par
l’armée impériale, et se fit remarquer la voie es négociations, et à inv uer
par sa bravoure à la bataille de Trica en notre faveur le témoignage tu me
mara. Le énéral avait en lui une de Justinien. Ne te hâte donc oint
grande con nce. Apollinarius la jus d'agir avant d'avoir connu la V0 onté
tifia en prenant possession , au nom de ton maître. un Bélisaire, en effet,
de l'empereur, des îles Baléares. Enfin, a'ourna son expédition. il avait écrit,
d'un autre côté, à l’Orient, une armée e son côté, à l'empereur, et il attendit,
envo ée par Bélisaire et partie de pour artir, les ordres qui devaient
Cart age, porta secours. dans la Tri venir e Constantinople.
politaine, à Pudentius et à Tattimoutb, PARA 1:! M 'rnoUPn nssAYsNr on
qui étaient attaqués et vivement pres cnAvln LB pneu/i; ILS ricnomnv'r;
sés par les Maures. srrUA'rroN m: nénmsn A mnnuos‘.
Mais les Grecs écbouèrent en Sicile. '- Fara, comme nous l'avons dit, était
Les soldats qui devaient s'emparer de resté au pied du Pap ua pour faire le
Lilybée furent repoussés par les Goths. blocus de Midenos. E‘orcé d'exercer,
Bélisaire adressa aux officiers qui com nuit et jour, sur toutes les routes qui
mandaient dans l'île pour Atalaric une conduisaient à la ville une rigoureuse
lettre pleine de reproches et de mena surveillance et d'être sans cesse en
ces. « La place, disait-il, qui défend alerte, attristé aussi par l'hiver, il ne
le romontoire de Lilybée appartenait sut point résister à l'ennui, et il ré
ja is aux Vandales, et aujourd’hui, en solut de terminer la uerre, s'il le
vertu de notre conquête, elle est de pouvait, par un coup ’audace. Il fit
venue la propriété de l’empire. Vous prendre une fois les armes à toute sa
ne niez point qu’elle ait été au pouvoir troupe, et il commença à gravir {le
de Gélimer; pourquoi refuser mainte Pappua pour emporter Midenos. Mais
nant de la remettre à celui ui est le les Maures s’étaient aperçus de ses
vainqueur et le maître de élimer? mouvements; ils se postèrent sur les
Jusqu'ici, il y a eu entre nous paix et hauteurs, et quand Fara parut, ils
alliance; mais craignez que votre ré l'accablèrent d une grêle de pierres et
cente agression ne rompe les liens qui de traits. Ils avaient pour eux l'avan
tagedu lieu; et les Hérules, après avoir
point une savante discussion de la commis
sion de l'Académie des inscriptions et belles
perdu cent dix hommes, furent obligés
lettrœ, dans les Recherche: sur I’Jfitique sep de regagner leurs campements. Dès
tentriorn. ela, t. I, p. 109 et suiv.—Mannert lors, Fara ne songea plus à gravir la
(trad. par MM. Marcus et Duesberg, p. 491.) monta ne; seulement il redoubla de
pense que Tennis occupe aujourd’hui la surveil ance, et prit toutes les mesures
place de l’ancienne Césarée. L'Académie ne qui pouvaient amener promptement
paraît point avoir connu l'opinion de Man-t la famine dans la ville assiégée.
nert; mais en réfutant le colonel Lapie, elle Dé'à la situation de Gélimer était dé
a réfuté le géographe allemand. 'plora le; il était entré àMidenos sans
AFRIQUE. "Il
rovisions, traînant a sa suite les mal ou bien encore parmi les Vandales
eureux débris de sa famille, et un plusieurs, épuisés par la faim et les
nombre assez considérable de guerriers privations, étaient venus se rendre aux
ui appartenaient aux plus illustres assiégeants, puisque Fara connut bien
amilles de la nation vandale. Tous tôt dans toute son étendue la détresse
ces hommes avaient ris à la civilisa du roi fugitif et de ceux qui l’avaient
tion ce qu’elle avait a plus énervant, suivi. Pour mettre un terme à ce blo
et n'avaient point été endurcis, comme cus, qui lui avait déjà causé tant de
leurs aïeux, par les fatigues de la guerre fatigue et d'ennui, et aussi, peut-être,
et ar les longues privations. La non ar un sentiment de énéreuse pitié,
vel e génération des Vandales s'était e lieutenant de Béfisaire écrivit à
amollie au sein du luxe et des plaisirs; Gélimer la lettre suivante : « Je suis
elle ne quittait les bains ou ses jardins un barbare; je ne connais ni les arti
de plaisance que our s'asseoir à des fices du langage ni les ornements du
tables chargées e mets rares et ex style; je t'exprimerai donc simple
quis. Si elle se livrait avec une sorte ment, comme un homme ignorant,
e passion à l'exercice de la chasse, ou mais qui sent vivement, toute ma pen
la voyait souvent aussi prendre place, sée. Pourquoi, mon cher Gélimer, t'es
en robes tissues d'or et de soie, dans tu précipité avec les tiens dans cet
lesjeux publics, au milieu desfemmes, abîme de misères? Tu ne veux point
des danseurs et des musiciens. Pour subir le joug du vainqueur, et,«san;!
cette génération habituée aux plaisirs doute, tu diras que la liberté est pat‘
faciles, à l'abondance, à toutes les elle-même assez précieuse our qu on
jouissances d'un luxe effréné, le sé lui sacrifie tous les autres iens. Mais
jour de Midenos était affreux, intolé .ne vois-tu pas que pour nous échappe;
rable. La ville, en effet, était exclusi tu te rends l'esclave des Maures, les
vement peuplée par des Maures, les plus misérables des hommes P Ne ‘vaut
plus sobres des hommes. Les cabanes il pas mieux vivre esclave dans l'em-‘
qu’ils offrirent au roi ne garantissaient pire, que d'être le roi du Pappua et
ni du froid, ni des suffocantes cha des Maures? Regarderais-tu comme
leurs de l'été. On ne trouvait point de chose honteuse d'être soumis au maîtrg
lits dans'ces cabanes; seulement les de,Bélisairei’ Repousse loin de.to‘t
plus riches parmi les habitants éten cette pensée d'orgueil, illustre Gélig
aient une fourrure sur le sol pour se mer. Nous‘mêmes, qui sortons d'une
coucher. Toutes les provisions amas race illustre, nous nous faisons gloire
sées consistaient uniquement en orge de servir l'empereur. On dit que Jus
et en blé. Les Maures, dans leurs tinien vent t’accorder avec la dignité
repas, employaient souvent le grain de patrice une place au sénat, et te‘
sans le cuire et même sans le bro er. donner de grosses sommes d'argent
Ils ne buvaient jamais de vin. La ure avec de grandes propriétés; on dit
nécessité contraignit Gélimer et les aussi ne Bélisaire doit se rendre ga
compagnons de sa fuite à embrasser rant es promesses de celui qui l'en
le genre de vie de ceux qui leur avaient voie. En cela, n’ a-t-il donc rien qui
donné asile; mais ‘ce brusque change puisse te tenter Tu te roidis sans
ment dans leurs habitudes les aflligea doute contre la mauvaise fortune dans
et les abattit. S'il faut ajouter foi aux la pensée que tu ne saurais, comme
paroles de Procope, il leur vint plus homme, échapper ‘à ses coups. Mais
d'une fois en pensée qu'a rès tout va aujourd'hui, pourquoi rejeter le sou
lait mieux mourir ou tre esclave, lagement qui est offert a tes maux?
que de vivre ainsi misérablement. N'est-ce as la même fortune qui ap
La'rrnn un une .A GÉLIMER; mi porte le ien et le mal, que nous de
roNss on GÉLIMER. — Les Maures vons accepter forcément? Suivant moi,
de Midenos, il faut le croire, entrete la tristesse. la‘ misère et une profonde
naient des relations avec les Bérules, douleur, ont troublé ton esprit. Hâte‘
72
toi de changer d'avis; n'essaye point GÉLIMER SE mâcms A se nrmnns ;
de lutter contre les arrêts du sort, et sa LETTRE A mas. — L'hiver tou
bientôt l’heure de la délivrance arrivera chait à sa fin et le blocus de Midenos
gour toi, et tu pourras enfin échapper durait déjà depuis trois mois , lorsque
tous les maux qui t’accablent. » Gélimer, craignant que Fara n’em
Gélimer lut , non sans une vive portâtla place d’assaut, sougea sé
émotion, la lettre de Fara. Il lui ré rieusement à se livrer lui et les siens
Eondit :.« Je suis reconnaissant de tes à Bélisaire. Il hésitait encore lorsqu’un
ons avis, mais je ne puis les suivre. fait, qui s'était reproduit souvent sans
Me soumettre à un ennemi injuste me doute dans la ville assiégée, mais qui,
paraît intolérable. Si Dieu exauçait cette fois, le frappa vivement, vint
mes vœux, je tirerais une vengeance mettre un terme à ses irrésolutions.
éclatante de celui qui, sans cause légi Une femme maure avait composé, avec
time, sans avoir été offensé par moi, un peu de blé à peine écrasé . une pâte
en paroles ou en actions, a envoyé qu’elle avait placée dans lÏâtre sous la
Bélisaire en Afrique. et m'a précipité cendre brûlante; deux enfants se te
du' faite de la grandeur dans la plus naient auprès de cette femme, son fils,
déplorable des conditions. Que Justi et un neveu de Gélimer. Pressés par la
nien apprenne qu'un ' jour viendra faim , ils regardaient avidement le pe
fient-être où il sera en proie, comme tit pain , s’apprétant à l’enlever lors—
omme et comme empereur, aux maux qu’il serait cuit; enfin, le jeune Van
qui m’oppressent, et qui maintenant, ale ne pouvant se contenir, se ‘ré
au moins en apparence, sont loin de cipita vers le feu, saisit la pâte qui etait
l’atteindre. Je ne uis plus écrire; la bouillante et, sans rejeter les cendres
douleur m’enlève a force de penser. qui la couvraient, la porta a sa bou
Adieu, ami Fara. Envoie-moi, par che, et commença à la manger. Mais
grâce, une har e, un pain et une le jeune Maure ne le laissa pas achever
éponge. » Le bargare lut et relut cette ce détestable repas : pour avoir sa part,
lettre; la dernière phrase l’arrétait, et il s’élança sur le neveu de Gélimer, le
il cherchait en vain à saisir le sens des prit aux cheveux, le frappa sur le vi
paroles de Gélimer. Un homme qui se sage à cou 5 redoublés, et parvint ainsi
trouvait à ses côtés lui donna alors à lui arrac er quelques morceaux de la
l’explication suivante: Gélimer de bouche. Le roi des Vandales était là
mande un pain , parce que depuis long contemplait en silence la lutte des
.temps il n’a pu goûter d'une pâte faite aux enfants. Ce spectacle lui brisa le
de bonne farine et'cuite d'une manière cœur et, sans plus tarder, il fit porter
çonvenabie; l’éponge doit servir àes à‘Fara une lettre qui contenait ces
snyer ses yeux sans cesse gonflés par mots sa. Je veux suivre tes conseils’,
les larmes; avec la harpe , il veut chan Faro‘, "ai assez lutté contre ma des
ter sa malheureuse histoire, et il es tinée. i Bélisaire veut s’engager, par
père soulager ainsi sa douleur. Cette un serment solennel, à obtenir de l’em
explication fit sur l'âme du chef bar pereur‘ ce que tu me promettais na
bare une profonde impression; il céda uère , je me rendrai à lui avec ma
à ‘la pitié, et, se relâchant un instant amille et tous les Vandales qui m’ac
de sa rigueur il envoya à Midenos compagnent. n
l'éponge, le pain et la harpe que le roi sors os BÉLISAIBE; GÉLIMBB nm:
des Vandales avait demandés. Toute DONNE MIDENOS ET SE nsNn; u. “sur
fois, il continua à faire bonne garde, A canrrues.—Fara envoya en toute
et il attendit patiemment, au pied de hâte a Bélisaire la lettre qu'il avait
la montagne, u’ahattu ar la misère, écrite au roi des Vandales avec les ré
brisé par la ouleur, élimer, dans ponses qu’il avait reçues. Le lieute
son désespoir, descendit de sa retraite nant de Justinien , après les avoir lues,
pour se rendre à la merci de sonvain fut au comble de la joie; il avait ar
queur.‘ demment souhaité jusqu'alors de con
AFRIQUE. 73
duire Gélimer vivant à l'empereur, et nier; puis , ‘comme il prévoyait la
la fortune semblait avoir pris plaisir à réponse de l'empereur, il se disposa
combler tous ses vœux. Il envoya donc au départ, et il eut soin qu'au pre
au mont Pap ua, Cyprien et quelques mier signalla flotte fût prête à tenir
officiers qui evaient promettre à Gé la mer.
limer, sous la foi du serment, u'on BÉLISAIIIB accusé pas ses arri
n'attenterait point à sa vie , que 'em-' cisns aupniss on L'animation; IL
ereur le recevrait d'une manière con QUITTE L'unique ET ARRIVE A cous
orme à son rang et le traiterait avec TANTINOPLB. — Bélisaire avait hâte
distinction. Arrivés au camp des Hé de quitter l’Afri ue parce qu'il savait
rules , les envoyés de Bélisaire se con que l'empereur ,tait, par sa nature,
certèrent avec Fara; puis, tous en enclin aux soupçons et qu’il ne tarde
semble, ils se rendirent au pied de la rait pas , en raison même des succès
‘montagne où ils firent appeler Géli qu'il avait obtenus , à lui supposer des
mer. Le roi ‘des Vandales n'hésita, idées d'ambition; d'ailleurs, il n’ignov
point: il quitta Midenos et, après avoir rait pas que, parmi ses officiers, il
reçu les serments des officiers grecs, avait des envieux de sa gloire , et que
il se mit en marche avec les siens vers plusieurs l’avaient dénoncé comme
la capitale de son ancien royaume. On traître à la cour de Byzance. Il avait
dit u’avant d'entrer à Carthage, lors saisi, sur un vaisseau qui était prêt
qu‘i aperçut les travaux exécutés par à mettre à la voile, une lettre où on
les Grecs , les fossés profonds qui l'accusait de nourrir le pro'et de
avaient été creusés, les murs ui avaient se rendre indépendant en A rique,
été rehaussés ou réparés,i demeura et de se substituer à Gélimer , le
frappé d'étonnement et déplora amè roi détroné, et à Justinien qui, par
rement la négligence qui lui avait fait ses troupes , venait de triompher.
erdre un trône et causé tous ses mal L'empereur reçut à Constantinople
eurs ('). Lorsque Bélisaire s'avança plusieurs dénonciations; elles l'agi
dans un faubourg de la ville, pour re tèrent vivement, mais il sut dissin
cevoir le prisonnier, Gélimer s'aban muler ses inquiétudes et ses craintes,
donna à de grands éclats de rire. Les et il envoya à Bélisaire une lettre où.
uns le crurent fou; mais les autres , sans lui parler des accusations portées
avec plus de raison peut-être, virent, contre lui, il lui proposait de rester
dans les accès de cette étrange gaieté, en Afrique comme chef suprême de la
une ironie, et ils déclarèrent ue l'in province , en luieprescrivant toutefois
tention de ce ro'Lqui , du fa te de la de faire artir Gélimer et les Vanda
grandeur, était tombé dans la plus les, ou bien de revenir à sa cour avec
affreuse ‘misère, avait été de montrer les prisonniers. Bélisaire n'hésita point,
qu'on devait accepter les arrêts de la et il embrassa avec joie le dernier parti
estinée et tous les événements heu qui lui permettait de confondre ses
reux ou malheureux , avec le plus pro ennemis, d'enlever tout soupçon à Jus!
fond dédain. tinien , et de prouver sa loyauté. Il re
Quand Béïisaire se vit maître de la mit le commandement des troupes et
personne de Gélimer , il envoya à Jus de l'Afrique à Salomon qui , de retour
tinien un exprès pour lui annoncer de Constantinople , lui avait‘ apporté
cette bonne nouve le et our lui de les ordres de l'empereur; il lui’ aissa
mander l'autorisation d amener lui même une partie de ses vétérans et de
méme. à Constantinople , son prison ses gardes, arce qu'il apprit, au m'o
ment où il a lait quitter Carthage, que
(') Cette anecdote est rapportée par Pro les tribus maures se levaient en armes
cope dans la partie de son histoire où il et attaquaient les postes qu'il avait éta
parle des premiers soins qui occupèrent blis dans la Byzacène et dans la Nu
Bélisaire, après son entrée à Carthage (De midie. Puis, il fit voile vers B zance,
Bel. VandaL, I, 13.) et il arriva en vue de la ville ans un
7l

instant, peut-être, où Justinien son pante de l'instabilité des choses hu


geait à arracher de l’Afri ue , ar la maines. A une époque où Rome était
ruse ou par la force , le g néra que , encore dans sa toute-puissance . Titus
sur de faux rapports, il croyait par avait rapporté de Judée en Italie ces
jure et prêt à se révolter.’ ornements qui devaient servir à son
LI 'rnIonPas ns armures. triomphe. Quatre siècles plus tard , un
Le jour des fêtes et de l’allégresse ne barbare les avait enlevés à, Rome et
fut point celui où Bélisaire, après sa les avait placés , comme un trophée de
rapide traversée , jeta l'ancre dans le ses pirateries et de ses brigandages,
port de Constantino le. L’empereur et dans son palais de Carthage; puis, un
e peuple ne l'atten aient int, et il soldat heureux. né en 'I‘brace, les avait
gagna silencieusement sa emeure où conquis sur l'Afrique , et il venait les
Il déposa ses trésors et ses prison déposer dans l'hippodrome de cons
niers. La joie de Justinien fut à son tantinople . aux pieds de Justinien.
comble quand il sut qu’aüprès de lui L'empereur byzantin ne vit oint ces
se tenaient Bélisaire, toujours soumis objets, consacrés à Dieu par es juifs,
et loyal, et Gélimer , le roi des Van sans une secrète terreur, et, dans la
dales. Dans sa reconnaissance, il ac nsée qu’ils portaient malheur à ce
cordaauvvainqueur de l'Afrique un ui qui es retenait, il se hâta d'en
honneur que nul général, sauf les em faire don à l'église chrétienne de Jéru
pereurs, n’avait obtenu depuis cinq salem C‘). _
cents ans; il lui décerna un triomphe. Mais c'étaient moins les riches dé
Au jour fixé pour la fête, l'empereur ouilles des Vandales qui attiraient
et le peuple se rendirent à l'hippo ' ‘es regards de la foule que Gélimer et
drome qui devait remplacer, dans ses compagnons d'infortune. Le roi
cette circonstance mémorable, le Ca vaincu était revêtu d'un manteau de
pitole de l'ancienne Rome. Justinien pourpre; sa démarche était ferme et
s’était placé au centre des spectateurs assurée, et ses traits, comme ceux des
sur un trône élevé et, à coté de lui, nobles vandales qui le suivaient , por
araissait l'im ératrice Théodora. Bé taient l'empreinte d’une dédai neuse
isaire sortit pied de sa maison et fierté. Quand ‘il entra dans l' ippo
s'avança , avec son cortège , vers l’hi drome, 1l parcourut des regards cette
podrome. Quand il dépassa les barric vaste enceinte où s’élevait le trône de
res, iltfut accueilli par les applaudis l'empereur et où s’agitaient les flots
semen s et les transports de ce peuple accumulés d'un eu le impatient. De
immense qui était accouru sur le ri vant ce spectace i fut troublé sans
vage, il y avait un an, pour saluer doute, mais il eut assez de force pour
son départ et pour mêler ses prières cacher à tous les yeux ses émotions;
à celles de l'archevêque Epiphanius. il ne versa pas une larme; pas une
On portait, à côté du général, les plainte ne lui fut arrachée. Il s'avança
splendides dépouilles de la nation vain ‘avec résolution, et, repassant dans
eue; on voyait des trônes d’or et les son esprit l’histoire de ses malheurs,
chars qui traînaient la reine des Van il dit, et ne cessa dexrépéter pendant
dales; des pierres précieuses sans nom
bre; des vases et des coupes d'or; ("> Un juif, dit Procope, s'approcha de
Justinien et lui dit : - Ne fais point trans
toute la riche vaisselle que l’on plaçait porter cet or dans ton‘ palais; il ne peut
sur la table royale ; enfin, des sommes reposer que là où Salomon l'a place. C'est
incalculables en ièces d'or et d’ar pourquoi Genséric l'a enlevé à Rome, et
gent. C’était le mit des ra ines que Bélisaire, à son tour, l'a pris ‘aux Vanda
Genséric avait exercées sur e monde les. » Ces paroles jetèrent la crainte dans
entier. Parmi tant de richesses accu l'âme de l'empereur qui envoya les dépouil
mulées , on distinguait les ornements les de l'ancien temple à l'église rhs-stienne
de l'ancien temple de Jérusalem. C'é de Jérusalem. (Procop., de Bel. VandaL,
tait là une image matérielle mais frap H1 9')
mafia 75
le triomphe, ces paroles de l'Écriture: illustres familles. 'I‘ransplantés à Cons
a Vam'té des vanités, tout est vanité. n tantinople, les‘ plus jeunes et les plus
Quand il fut arrivé au trône de Justi nobles parmi les descendants des an
nien, on lui enleva le manteau de pour" ciens‘ conquérants'del’Afi-ique, se fili
pre, symbole de la royauté, et on lui rent au service de l'empire et formè
ordonna de se prosterner et d'adorer rent un corps de ‘cavaliers qui se‘
l'empereur. Les contemporains assu distin ua lus d'une fois, par sa va«
rent qu'on fut obligé de recourir à la leur, ans esbatailles(").Mais que de
violence pour le forcer à rendre une vint, en Afrique, la masse de cette
humble posture devant ce ui qui était uissante nation P e Il est vraisembla
devenu son maître. Il se résigne en file , dit Gibbon , qu'après l'exil de son
fin , et portant ses regards sur Béli roi et de sa noblesse, le peuple van
saire. qui s'était agenouillé, il imita dale paya la sécurité qu'il obtint‘en
son vainqueur. _ . perdant son caractère, et en sacrifiant
Peu de jours après, Justinien ac sa religion et sa langue, et que sa
oorda a Bélisaire le titre de consul. Ce stérité dégénérée se méla insensi
fut l'occasion d'un nouveau triomphe lement avec la foule des sujets de
où rlrz’réioie du peuple, n'étant plus com l'Afrique. Plusieurs cependant essayè
prl e par un sévère cérémonial , se rent d échapper à la domination étran
manifesta sans contrainte. Des ca tifs gère; un voyageur de nos jours a
portaient la chaire curule du gén ral, trouvé , au centre des peuplades mau
et autour, la multitude, àlaquelle on res, le teint blanc et la longue cheve
distribuait largement une ‘part du hu lure d'une race du Nord ; et l'on disait
tin pris aux Vandales, faisait éclater aussi autrefois que les plus audacieux,
ses transports. Bélisaire compta , il cherchant à se soustraire au pouvoir,
n'en faut pas douter, ces deux jour ou même à la connaissance des Ro
nées au nombre des lus heureuses de mains , trouvèrent la liberté et l'iso
sa vie; mais sa grau e âme dut moins lement sur les côtes de l'océan Atlan
se réjouir des témoignages d'admira-' tique. La terre où ils avaient régné
tion que ses succès arrachaient au devint leur prison; ils ne pouvaient ni“
peuple , et des honneurs qui lui étaient espérer, ni désirer de retourner sur‘
décernés, que de la loyauté avec la les bords de l'Elbe, où une partie de
quelle l'empereur remplit les engage leurs frères, moins aventureux , er-"
ments contractés au pied du Pappua. raient encore au milieu des forêts. Il
Les prisonniers furent traités avec de était impossible aux lâches d'affronter
grands égards. Justinien et Théodora les mers inconnues et les barbares qui
se montrèrent surtout généreux pour se présentaient devant eux : ceux qui
les filles de Hildério , que Bélisaire avaient du cœur ne pouvaient se ré
. avait amenées d’Afrique , et ur tous soudre à porter dans leur patrie leur
les enfants issus, par. Eu oxie, au misère et leur honte, et, après avoir
sang de Valentinien.’ Quant à Gélimer décrit la richesse de ces royaumes
on ne lui donna pas le'titrede pa qu'ils avaient perdus , à se voir forcés
trice, parce qu’il ne Ïvoulut point ‘re _ e réclamer une portion du modeste
noncer aux erreurs d’Arius. On lui héritageau uelilsavaientrenoncé res
assigna, dans la Galatie , un riche dô que tous ans des temps plus eu
maine où il' se retira avec sa famille. .l'eux ("'). ”
C'était là, au centre de l'Asie Mi (’) Gibbon; Hist. de la décadence, 8'04,
neure, loin des troubles et des révo ch. 41. -- Lebeau; Hist. du Bas-Empire,
lutions qui menacentles e‘ pires, que édit. Saint-Martin; t. VTIII , p. 262. — Pa
' devait mourir en paix le ernier roi pencordt; Gerchichte der vandalischen
des Vandales. Herrschafl in Jfiika; p. 314..
Avec le triomphe de Bélisaire se (") Voy. plus haut. p.58. On ne lira
termine l'histoire des Vandales; la na t-étre pas sans intérêt ce qui concerne
tion avait perdu son roi et ses plus es destinées de cette partie de la nation
76
CAUSES DE LA CHUTE DÏF L'EM
a Dans l’histoire de- l'humanité, dit;
Procope, il n’est‘ as un siècle qui
PIRE "ANDALE; FIN DU BECIT. —
n’offre quelque év nement merveil
vandale qui n'avait point voulu suivre le roi leux. Toutefois, quand je songe que
Godigiscle et émigrer au temps des grandes cinq mille cavaliers (car , pendant
invasions. Le passage que nous citons ici a
été signalé par Gibbon. Nous donnons dans le cours de la guerre , l'infanterie
son entier ce curieux document : «Voici le n’eut point l’occasion de prendre art
portrait des Vandales modernes tel que le aux batailles), qui n’avaient pas tu .me,
lit Frédéric-Guillaume, électeur de Bran en arrivant en Afrique , un port où ils
debourg, et grandvflpère du roi de Prusse, pussent débarquer, ont renversé de
aujourd'hui régnant, en s'entretenant avec son trône le successeur de Genséric
M. 'l‘ollius , personne connue dans la répu et, en quelques mois, ont effacé cet
blique des lettres, et qui traversait les États empire vandale si puissant par ses ri
de ce prince. n C’est un peu le léger, sédi chesses et ses guerriers,je n'oserais
« tieux et perfide, qui n’ha ite que dans affirmer u’il y eût, dans e passé, un
« des bourgades, dont véritablement il y fait plus étonnant que la rapide expé
a en a de cinq ou six cents feux. Ces Van dition de Bélisaire. » Sans rien dimi
: dales reconnaissent en secret un roi de nuer de la juste considération qui s'at
et leur nation; mais ce roi ne se donne ‘a tache encore, après tant de siècles,
a: connaitre qu'à ses sujets, qui lui payent au nomv de Bélisaire, on peut dire , et
-« chaque année une redevance d"un écu par l'historien byzantin lui-même semble
1k tête; on sait même qu’il garde dans sa
« maison un sceptre et une couronne. Le le reconnaître, que les succès de_l’ar
« hasard , ajoutait l'électeur, me fit voir une mée grecque en Afrique ont été plutôt
a fois le roi des Vandales. C'était un jeune l’œuvre de la fortune que du génie et
- homme qui avait l'air robuste et la mine du courage. Il y eut, en effet, quelque
- haute. Un des plus considérables de la. chose de merveilleux dans certains évé
- nation s'étant aperçu que je regardais fixe nements de cette guerre pour laquelle
- ment ce jeune homme, il le lit retirer à le hasard fit plus que les ommes. Ce
« coups de bâton. comptant bien qu’il me pendant, en recherchant avec soin les
« donnerait le change par là et que je ne causes qui, de uis longtemps, avaient
_u pourrais jamais penser qu’un homme qu'il amené la déca ence et préparé la chute
a traitait ainsi fût son roi. J'ai fait traduire de la nation vandale, on eut expli
u en leur langue la Bible et le catéchisme uer aisément et compren re la rapi
u de Heidelberg ; mais je n'ai point encore ité de la révolution que nous venons
u érigé d'écoles publiques dans la contrée de raconter. Gélimer était, il est vrai,
« qu’ils occupent. J’ai craint le caractère de
«de ce peuple, qui d'ailleurs habite un l'héritier de Genséric et le chef d'un
et pays où il est facile de se cantonner. Ces rand peuple. mais, par ses qualités,
(1 Vandales, qui ne manquent pas de vue, ont Il était loin de ressembler au plus il
« même déjà trouvé moyen d’avoir quelques lustre de ses aïeux, et ses guerriers
n’avaient point conservé le courage et
« pièces d'artillerie qu'ils cachent avec soin.
« Un jour que je traversais leur pays, ils les mâles habitudes de la forte généra
« s'atlroupèreut jusqu'au nombre de cinq tion qui avait fait la conquête de l'A
n à six mille, dans le dessein de m'enlever, frique. Les générations nouvelles ,
«et quoique j'eusse une escorte de huit ' comme Procope luivméme nous l’ap
« ceuls grenadiers, ce ne fut pas sans peine prend, étaient amollies. corrompues,
a que je sortis d'embarras. s Duhos; His-. et elles ne se djstinguaient plus que
toire crili ne de l'établissement de la mo par les privilèges de la population ro
"arc/lie flangaise dans les Gaules, t. ‘I, maine. Après tout , le nombre , peut—
p. a: L Paris, r 734 , in-4o. Gibbon dit dans
être , l'eût ‘encore emporté si la for
une note : a On‘ peut suspecter avec raison
tune n'eût pris soin , au moment
la véracité, non pas du grand électeur. mais même de la lutte, de diviser et d'a
de Tollins; » et cependant il paraît adopter,
dans son récit, les faits les plus importants moindrir les forces des Vandales , et de
contenus dans le passage que nous venons mettreen quelque sorte entre les mains
de citer. de Justinien les armes qui avaient
AFRIQUE. 77
servi à Gensérlc pour frapper l’em quand ils toucbèrent la Sicile, et Theu.
p ire.
Gélimer s‘aliéna d’abord une partie is renvoya avec ignominie les ambas
sadeurs vandales qui étaient venus
des hommes de sa race par son usur solliciter son alliance. Abandonné par
pation, et aussi par le barbare traite une partie des siens, hai par les catho
ment qu’il fit subir au roi dont il tenait liques, connaissant les dispositions
la place. Il n'y eut plus dès lors, dans hostiles des Maures, Gélimer, au'sein
la nation, cet accord qui seul pouvait même de ses Etats, était réduità l'im
lui donner la force de résister aux en puissance; et au dehors il ne comptait
nemis du dehors et de repousser les pas un ‘seul peuple qui, dans les 1}
agresseurs; puis, quand Bélisaire pa cheuses conjonctures où le mauvais
rut, les catholiques se tournèrent con gouvernement de ses prédécesseurs‘et
tre les Vandales, comme les donatiste, sa propre usurpation l'avaient placé,
autrefois, au moment de la conquête, vouldt lui prêter assistance. Des acci+
avaient pris parti contre l’empire. dents imprévus, la fatale imprudence
Enfin les Maures, que Genséric avait d’Ammatas, la mort de 'l‘zazon‘, hâtè;L
su maintenir dans le repos et dans son rent, il n’en faut point douter, la chute‘
alliance, plus encore en les associant de la domination vandale, mais‘elles
aux périls et aux gains de ses entrepri ne la décideront pas: elle fut'préparée,'
ses qug’en les comprimant par la force, amenée par les causes diverses que
avaient harcelé sans relâche, depuis nous venons d’énum‘érer.‘ Celui qg'n
cinquante ans et" sur toutes les frou tiendra compte de ces causes ne sera,
tières, les conquérants germains; et point surpris que cinq mille caÿaliers‘
lorsque l’armée grecque arriva, ils ne d’élite, soutenus, par ‘une réserve de‘
voulurent point le défendre, et virent dix mille fantassins, et dirigés dans
tomber sans regret un peuple qui, reu leurs mouvements par un. général ha
nonçant à ses habitudes de guerre et bile, aient vaincu un roi mal affermi
aux grandes pirateries, avait cessé de sur‘ son trône, et, arraché I’Afrique,
lui fournir de l‘or, et que, pour sa fai même en six mois, à une nation qu’un
blesse, ils méprisaient depuis long grave dissentiment avait partagée et
temps. La force de Genséric était affaiblie, et que l'habitude du repos,
presque tout entière dans ses alliances. du luxe et des plaisirs, avait amollie et
C’était en s’unissant aux Goths, aux dégradée. ‘
Suèves, aux Huns,.qu'il était parvenu On conçoit aussi que la facile con
à consolider sa domination en Afrique, quête accomplie par Bélisaire ait ex
et à lutter avec avanta e contre ses 'cité des transports de joie dans les
ennemis de l'orient et e l'occident. provinces soumises au 'monarque qui
Quand il était menacé par l’Italie ou se disait l’héritier des Césars. Frappé,
par Byzance, il poussait, suivant les envahi, amoindri depuis deux siècles
circonstances, les barbares de l’Europe par les barbares, le vieil'empire‘ tres
sur l’un ou sur l'autre empire, et éloi saillit à la nouvelle de laohute'des
nait ainsi le danger de sa capitale et Vandales, et il crut sans doùt‘e que le
äe ses côtes. Gelimer, en imitant son temps des rudes ‘épreuves était-passé
aïeul, en s’alliant, par exemple, aux pour lui et qu’il allait ‘se reconstituer,
Ostrogoths-en Italie et aux Visigoths et‘revivre dans toute sa force ‘et son
en Espagne, aurait pu au moment du ancienne splendeur. Justinien se lit
danger écarter de l’Afrique l'armée de alors l‘organe des sentiments et de l’e
Justinien. Mais il ne sut oint entre ‘pinion de ceux qui n'avaient point cessé
tenir avec les peuples qui evaient être de croire à l'éternité de la puissance
ses auxiliaires naturels des rapports romaine. Les premiers messagers de
d’amitié, ou bien quand il songea à Bélisaire avaient paru à peine à sa
leur demander aide et appui, il était cour, que déjà, sans attendre que Gé
déjà vaincu. Aussi Amalasuntha four limer eût risqué sa dernière bataille et
nit des vivres aux vaisseaux grecs fût devenu son prisonnier, il se décora,
18
dans les actes émane’s de sa chancel dales dansla Germanie.Nousrenvoyons
lerie, des titres d'dfricain, et devain sur ce point à tous les auteurs qui, de-,
queur des Alains et des Vandales. Il uis Tacite, ont parlé des sociétés bar
alla plus loin encore, car, prenant ses Bares. Quelle fut, plus tard , l’organi
esp‘éranceset celles des Byzantins pour sation adoptée ar les Vandales au
des réalités, il se lit ap eler aussi sou temps où, sans emeures fixes, ils er
verain des Francs, s Goths, des raient en Gaule, en Espagne et en
Alamans et des Germains, comme Afrique? C’est une question que nous
s’il eût possédé la Gaule, l’Espagne, avons déjà essayé de résoudre en quel
l’Italie et les portions de la Germanie ques mots. Nous avons dit (pag. 27):
enclavées dans l’ancien empire (*). La « Depuis le passage du Rhin jusqu'à la
.fortune, on le sait, ne devait point prise de Carthage, la nation vandale
tarder à faire justice de ces vastes n'est qu’une horde inquiète, errante,
prétentions, et à donner un démenti qui n’a point d’autre patrie que la terre
aux paroles de Justinien. Toutefois, enclose (par des fossés où elle place son
nous le répétons, quand on songe que camp; ’autres mœurs que celles que
depuis les grandes invasions des bar font la guerre et des combats sans
bares l’emplre avait toujours été vaincu cesse renouvelés; d’autre gouverne
et malheureux, on rencontre sans éton ment que' la discipline des armées. Il
nement, dans les récits et les actes du suffisait alors à celui qui dirigeait les
sixième siècle, les lignes que nous avons mouvements de cette horde, d’avoir
citées, et l'on conçoit aisément que les assez de bravoure et d’énergie pour la
victoires de Bélisaire et ses ra ides sauver des attaques de l’ennemi, et
succès en Afrique aient inspir des pour maintenir dans cette foule comç
sentiments d’orgueil et quelque en posée de tant d’éléments divers l’obéisë
thousiasme aux Romains dégénérés. sauce et l’apparence de l'unité. 1
Après la prise de Carthage et le par
onoxzuss'rrox POLITIQUI mis vuvmus Il! tage des terres de la Zeugitane, les
Aurons ; urrrs D: LA conquis-n; nar Vandales passèrent de la vie nomade
‘ronrs nis vunqusuns avec us VAINCUS; à la vie sédentaire. Alors il se fit dans
nuxerorv , cornnacs , mnusrnrs , m1‘ leurs habitudes, leurs mœurs, dans
rinu‘onx , MŒUIS, 116., m. n'aurons’ leur vie, en un mot, une complète
vxunsu. transformation. D’un autre côté , par
Nous ne chercherons pas ici à dé le fait de l’invasion, la condition des
crire l’état politique et moral des Van Romains de l’Afrique dut changer.
Comment les Vandales , après la
(“) Voici les titres qui sont accumulés prise de Carthage, s’or anisèrent-ils
dans les actes de confirmation placés en tête sur la terre conquise? äuelle fut la
des Instituts et des Pandectes : Imperator forme de leur gouvernement? Dans
Cærar, Flaviur Justinianu: , Alamanicu: , quels rapports vivaient les vainqueurs
Gothicus, Francicus, Genmnicus, Asiati et les vaincus? Quels changements ap
cu's, Alanicus, Vanda/iras, Afrimnus, Pius, porta la conquête dans l'état des per
Felix, incljtus, Victor ac Tl'ium hator, sem
sonnes, le commerce et l’industrie?
per Âugmtus. Dans le préambu e de chacun
de ces actes, Justinjen rappelle avec osten D‘autre part, quelle fut l’action de la
tation la défaite des Vandales, la prise de civilisation romaine sur les conqué
Carthage et la conquête de l'Afrique. Jus rants barbares? Ce sont là les diver.
tinien agissait avec quelque témérité en se ses et importantes questions que nous
glorifiant ainsi. Les actes que nous signalons nous proposons d’examiner.
lcl ont été promulgués, comme le porte la LE sor.- Avant d’avoir pris Car
date, bien avant que l'empereur pût cou thage et forcé l’empire à reconnaître
naitre les résultats de la bataille de Trica ses conquêtes, ‘au temps où il était
mars, et trois mois environ avant la soumis campé plutôt qu’établi en Afrique, Gen
sion de Midenos et la captivitéde Gélimer. séric exerçait sur les Vandales , les
Voy. le corpus juris civilix. Alains , et tous les hommes de races
AFRIQUE. 79
diverses ui l'accompagnaient, un peu \ lus haut dans notre récit (pag. 58),
voir abso u. C’était le pouvoir dont, e roi, dans les circonstances solen
par nécessité, ont hétéqinvestis dans nelles, appelait autour de lui, pour
tous les temps les généraux d’une ar prendre conseil, les hommes les plus
mée en campagne. Quand Genséric illustres de sa nation. Cette réunion
eut distribué à ses compagnons les n’était point sans analogie avec le
terres de la Zeu itane, quand il eut Wittena-ghemote, ou assemblée des
pris. ossession ‘une manière défini sages des anciens Saxons. Seulement
tive e la meilleure partie des vastes il faut remarquer que la' voix du roi
et fertiles provinces d’Afrique qui, dans le conseil était prépondérante,
avant sa conquête , relevaient de l’em décisive; qu’elle valait , en un mot, à
pire , sa sphère d’action s’agrandit. Il elle seule, toutes les voix. Ainsi Pro
cessa d‘étre exclusivement le chefd’une cope raconte que les dé utés envoyés
foule armée, pour devenir roi. Mais à Carthage par les Van ales d’Europe
alors son pouvoir, pour s’étendre plus qui, au temps du roi Godigiscle, n’a
loin qu’autrefois, ne perdit ni sa force, vaient point voulu émigrer , ayant de
ni le caractère de violence que lui avait mandé a Genséric l’entier abandon des
imprimé l’état de guerre. Les compa- ' terres que lui et les siens avaient lais
nous de Genséric , la conquête une sées en Germanie, le roi, de l’avis de
ois accomplie et le partage des terres son conseil, fit d’abord une réponse fa
étant achevé, ne cessèrent pas de se vorable. L’historien byzantin ajoute
considérer comme les membres d'une qu’un vieillard s’étant levé, ramena le
armée, et ils ne cherchèrent pas à ra roi par un discours à un avis contraire.
vir une part de l’autorité de celui qui, Genséric , sans tenir compte de l'ad
avant leur établissement, les dirigeait hésion exprimée par la majorité de
dans les courses lointaines et les com ceux qu’il avait rassemblés, trouva
bats. Nous renvoyons au récit qui sages les paroles du vieillard, et ren
précède. On verra qu'aux diverses épol ‘voya les députés sans accueillir leur
ques de la domination des Vandales demande. Cette seule anecdote peut
en Afrique ,1 la puissance absolue de nous faire connaître la nature et les
l’ancien chef de guerre qui était de attributions du conseil convoqué dans
venu roi, pour em loyer ce mot dans les raves circonstances par les rois
son acception mo erne, fut toujours van ales. A
incontestée. Genséric et ses succes nonn'nâ minimums; LOI n'x
seurs eurent tout pouvoir sur la vie 8UCCESSION.— La famille qui , "chez
et la liberté non point seulement des les conquérants de l’Afrique, possédait
Romains, mais encore des hommes les la royauté, était sans oute illustre
plus illustres de leur race. ..En ce qui . entre toutes les familles vandales. A
concerne les Vandales , l’autorité du quelle époque et à quelles conditions
roi n’était limitée qu’en un sens: il le pouvoir suprême fut-il confié aux
n’osait porter atteinte à la propriété aïeux de Genséric? Nul document ne
concédée à perpétuité à ceux qui avaient saurait nous l'apprendre. Nous devons
fait la conquête, Une seule infraction nous borner à constater qu’à partir de
aux arrangements voulus et acceptés . la grande invasion ju u’au vague de
par Genséric et ses compagnons eût Justinien , les rois van ales , et nous
inspiré à tous les barbares, devenus n‘exceptons point Gélimer C‘), ne fu
propriétaires, des craintes sérieuses , rent jamais soumis à l’élection. Gen
et amené une révolution qui aurait eu séric régla après la conquête l’ordre
pour premier résultat une diminution
du pouvoir royal, et peut-être la chute (") Dans sa lettre à Justinien, Gélimer
de la famille investie de la royauté. établit la légitimité de son pouvoir moins
LE CONSEIL DU 1101.- Si l’on en sur le vœu exprimé par les guerriers de sa
croit une tradition rapportée par Pro nation que sur le testament de Genséric et
cope, et que nous avons reproduite les droits de sa famille.
80
de succession au trône. Il lit, suivant zacène, et sur la côte, près de Grasse,
Procope (De Bel. VandaL, l, 7), un de magnifiquesjardins qui firent l'admi
testament dans lequel on lisait cet ar ration des soldats de Bélisaire. Les rois
ticle ; Que la royauté reviendrait au vandales ne tiraient point seulement
plus âgé de tous les princes issus du leurs revenus'de leurs domaines. L'im
sang royal, sans suivre la ligne directe. pôt payé autrefois par les Romains
Ainsi le fils d'un roi voyait la cou aux empereurs fut versé, après la con
round de son père passer à un oncle uête, dans les coffres de Genséric et
ou à un cousin. Toutefois, il ne per e ses successeurs; On doit remarquer,
dait point l'espoir de devenir roi à son toutefois, que cet impôt fut moins
tour. L'âge pouvait lui conférer un lourd sous les Vandales qu'au temps
jour la royauté. Genséric, par son tes de la domination romaine, et que les
tament, ne se proposait point seule percepteurs et receveurs de Genséric
ment d’effacer le souvenir de son usur ( procuratores seu eœactores) se mon
pation, et de faire oublier qu'il s'était ' trèrent moins durs et moins cruels
emparé de la souveraine uissance au que les agents du fisc impérial. Il faut
détriment des jeunes en ants de son encore ajouter à ces sources de reve
frère (‘rundéric , il voulait encore as nus les amendes en argent ou en na
surer le trône à sa famille , et écarter ture payées par ceux qui avaient en.
de sa nation les troubles et les dan couru une condamnation.
gers inséparables d'une minorité (“). Voici, d'après les indications re
Nous ajouterons ici une remarque, cueillies chez les auteurs contempo
c'est que l’histoire des Vandales et rains , quel était l'emploi des sommes
leur loi de succession ne font pas men amassées par les rois vandales. Ils sou
tion de cette‘ règle des partages suivie doyaient, pour le service de la flotte,
par les Franks, dans l'ordre politique, de la arnison de Carthage, et des
règle que d'éminents historiens ont camps ortiliés que Genséric avait éta
regardée, à tort peut-être, comme in blis vers le désert, sur plusieurs points
hérente aux coutumes et aux mœurs de la frontière, un corps nombreux
des peuples de la Germanie. d'archers maures. Ils payaient les in
LES DOMAINES DU n01; son TRÉ dividus qu'ils appelaient d'Espagne
son; EMPLOI pas mamans noyaux. pour frapper les monnaies, et les ou
—. Le roi, ou le conçoit aisément, se vriers employés à la fabrication des
fit une large part dans les terres con armes, à leur entretien et à la cons
quises. Il.est vraisemblable qu’il avait, truction des vaisseaux. Ils élevaient et
non loin de Carthage, dans la province remplissaient d'armes ou d'agrès de
même qui était devenue la propriété vastes arsenaux. Les sommes que les
de ses compagnons d'armes, de vastes violences de la conquête avaient mises
domaines. Puis, dans les parties de son entre les mains du roi furent quelque
empire où les Romains étaient restés fois réservées, comme nous dirions
propriétaires, il choisit encore d'autres aujourd'hui, pour des mesures de sa
terres pour ses plaisirs ou pour accroi lut public. Nous avons cité plus haut
tre ses revenus. Ainsi, nous savons, par (pag. 16) un passage où Victor de
lerécit de Procope, que Gélimer avait Cartenne raconte que toutes les ri
une résidence à Hermione, dans la By chesses enlevées aux habitants de Car
thage, après la prise de la ville. furent
(’) Voyez sur le testament de Genséric: portées à Genséric. « Elles devaient
Marcus; Histoire de: Vandales, cle,, p. 295 servir, ajoute l'historien, à prendre
et suiv. —' Papencordt; Geschichte der ‘van les mesures nécessaires pour repousser
daliuhen Hanse/refait: Afri/ra, p. 217 et les Romains des provinces où les Van
suiv. — Voy. aussi une note curieuse de ' dales avaient fixe leurs demeures. »
Saint-Martin, dans son édition “de I‘Hist. ors DIFFÉRENTES cnsssas'ns LA
du Bas-Empire, par Lebeau; t. VIII , NATION VANDALE. —II y avait chez
p. 20x. les Vandales, comme chez les autres
AFRIQUE. 81
nations ' barbares, ‘certains hommes son conseil, et lès principaux officiers
qui jouissaient, parmi leurs compa de son palais. Il dy avait à‘carthage
gnons d'armes, d’une grande considé un fonctionnaire u plus haut rang,
ration. Dans la Germanie, et pendant que les écrivains romains appellent
les premiers désordres de l’invasion , p1- ositus regni. Il était chargé
c’est-à-dire, quand la tribu errait en de linspection des manufactures, des
core avant d’avoir conquis un établis arsenaux, et de tous les établisse
sement fixe, ces hommes tenaient ments royaux. Il devait répondre
cette considération , leur noblesse, aussi aux pétitions, demandes ou ré
comme nous dirions, non point de clamations qui étaient envo ées dans
leurs aïeux, mais de leurs qualités et la capitale par les habitants es diver
de leur bravoure personnelles. Ils en ses provinces de l'Afrique, et à cet ef-,
traînaient à leur suite, en raison seu fet il entretenait à côté de lui de nom
lement de la réputation qu’ils avaient breux employés, nolarii. Ce ministre,
acquise dans les combats, un certain Vandale par sa naissance , que ses
nombre de guerriers qui se dévouaient fonctions rendaient le personnage le
à eux et à leur fortune. Ces hommes plus important de l’empire ,a res le
illustres, parmi les barbares, étaient roi, sortait, il n'en faut pas’ outer,
les chefs de bandes. Quand ils mou des rangs de la noblesse.
raient, ils ne transmettaient à leurs Le roi (les faits l'attestent) avait le
fils ni leur illustration , ni leur in droit d'infliger à un noble des peines
flnence, et la bande se dis'sipait. Cha infamantes et de le dé rader, mais il
que guerrier cherchait ‘un nouveau ouvait aussi élever à a noblesse des
chef. Tout changea chez les Vandales, ommes d’un rang obscur. C'est ainsi,
comme chez les autres peuples germa qu’au témoignage de ‘Victor de Carten
niques, quand ils s’établirent d’une ne, Genséric confera le titre de ceinte à
manière définitive sur les terres de un ouvrier vandale qui s’étaitdistin né
l’empire. La noblesse, pour des rai entre tous les autres par son habi été
sons que nous ne devons point énumé dans la fabrication des armes (*).
rer ici , devint héréditaire ("). Au-dessous des noblesse trouvait la
Quels furent en Afrique les avanta masse des guerriers. Chacun de ceux
es et les privilèges de la noblesse van qui avaient suivi Genséric, qu'il fût
äale? Elle eut d‘abord une large part Vandale, Alain, Goth ou Suève, avait
dans les terres conquises, puis elle reçu en récompense une portion de
resta en possession des principaux gra terre plus ou moins grande. Toute
des de l'armée. C’était dans son sein , fois , le barbare, devenu propriétaire,
par exemple, que l’on prenait les chefs ne cessa point. malgré ce changement,
appelés en langue germanique taihun d’être considéré comme soldat. Il de
hundafath. , en latin millenarii, qui vait toujours au roi le service mili
commandaient à mille guerriers. La taire; seulement, il était affranchi de
noblesse fournissait encore au roi les l’impôt que les Romains payaient pour
hommes dont il s’euvironnait dans leurs propriétés. Si les Vandales ame
nèrent avec eux des esclaves, ils durent
(') Voy. Naudet ;De l'e’lat des personne:
en Fmm'e tous le: ‘roi: de la première race,‘ les joindre à ceux qu’ils trouvèrent
3]). Mémoires de l'Académie des inscript. , dans la Zeugitane pour les employer à
t. VIlI , p. hor et suiv. Nous renvoyons aux la culture des terres qui leur avaient
premières pages de ce mémoire, où , suivant été concédées.
nous , M. Naudel a montré le vériiable ca ORGANISATION’ JUDICIAIRE nns
ractère de la noblesse chez les barbares, et (‘) Voy. sur la noblesse vandale: Marcus;
réfuté avec une grande sagacité les exagé Histoire de: Vandales, ers., p. I9! , 198,
ralions ou les erreurs de Boulainvilliers, de et, dans les notes , . 37. — Papencordt;
Dubosÿde Montesquieu, de Mably- et de ' Geschic/tte der van alischen Herrschafl in
Gourcy. . Jfrilm, p. 220, 227 et suiv. ' -
6' Livraison. (HIST. nss Vmnuns.) 6
82
VANDALES. — Genséric et ses succes ne toutes les bonnes terres, et les
seurs, comme nous le dirons, laissè istribua entre les Vandales. Aussi on
rent par nécessité aux vaincus leurs appelle encore aujourd’hui ces terres,
lois et leur organisation judiciaire; lots (xknpm) des Vandales. Quant aux
mais pour cela ils n’essayèrent point anciens propriétaires, ils devinrent
d'imposer à leurs compagnons d’ar tous très-pauvres; mais ‘ils restèrent
mes les usages des Romains. Quelle libres et purent aller où bon leur sem
était donc l’organisation judiciaire des blait. Les terres que Genséric aban
Vandales? MM. 13.. Marcus et Papen donna à ses fils et aux Vandales étaient
cordt ont tranché cette estion avec exemptes d'impôts ‘; mais les‘ terres
raison, suivant nous, en isant que les qu’on laissa aux anciens propriétaires,
Vandales trouvaient au besoin des ju parce qu’on ne les trouva pas ‘assez
ges civils dans leurs chefs militaires. bonnes, furent chargées deta‘nt de re
Ainsi, il yavait des tribunaux présidés devances, que, tout en nenni-(posses
par les taihunhundqfit/t ou millena seurs de leurs immeubles, les tenus
rü , d’autres par les hundafatk ou n’en retirèrent rien pour eux-mêmes. s
centenan‘z‘, d'autres enfin par les tai Chaque barbare eut , dans‘ fa'dis‘tribû.
Izunfatk ou devant. Au-dessus de ces tion ‘des terres , une part‘ proportion
juges se trouvait établi, sans doute née, si nous pouvons nous servir de
our statuer en dernier ressort, dans cette expression,_a sa bravoure et à la,
es cas les plus graves, le fonctionnaire considération dont il jouissait dans la
supérieur (præpositus regni) dont nation. Cette part lui était concédée;
nous avons déjà parlé(‘). à lui et à ses héritiers, en toute pro
PARTAGE nes nanas. — Ce fut priété. C'était l’alode
rois. vandales, g'ermaniil ne.
par prudence, essaye;
seulement après la prise de Carthage
que la nation vandale s’organisa et rent jamais d'enlever a leurs compaf
s'établit en Afrique d'une manière déc gnons d’armes les terres'vou lç'butin
finitive. Genséric distribua à ses guer- . gagnés par le fait de la‘ ‘conquête ‘bit
riers les terres de la province procon par les pirateries. Genséric dit un ‘our
sulaire ou Zeugitane. Il se réserva, pour ‘un ambassadeur byzantin ‘: « ou’;
emplo er les dénominations géographi I s prisonniers que nous avons obte
ues e Victor de Vita , la Byzacène , us par le sort, mon fils et'moî, je te
lAbaritane, la Gétulie et une portion , s abandonne; quàntsàæeux qui sont
de la Numidie; Toutes les acquisitions tombés en partage à mes soldats, je te
faites par les Vandales, postérieure rmets de les racheter comme tu pour
ment au traité de 442, entrèrent dans s de leurs maîtres. s’ils veulent les
le lot du roi. Nous avons énuméré vendre. Je n'ai pas le pouvoir de les
plus haut les biens ,- domainestreve eontraindreC‘). 1»
nus, etc., que Genséric garda pour lui Nous croirions volontiers que tous
et pour ses successeurs a rès ‘la con les guerriers qui suivirent Genséric ne
qu te ("'). Nous devons ire mainte reçurent point des terres dans la Zen
nant quelle fut la part de ses compa gitane. Il y en eut parmi eux un and
gnons d'armes. On leur distribua donc nombre qui, préférant au repos a vie
les terres de la Zeugitane. a Genséric, agitée du uerrier et les courses sur
dit Procope , donna les plus nobles et? mer, s’enrô èrent, moyennant une forte
les plus riches Africains, eux , leurs ‘solde, dans le corps permanent qui
propriétés foncières et ce qui en dépen servait à Carthage ou sur les vaisseaux
dait, à ses fils Hunéric et Genzon. Il du roi qui par-couraient sans cesse la
dépouilla les autres Africains de pres Médiœnan. , et portaient le ravage
(*) Marcus; p.r9o.—Papencordt sp. a49. . sur toutesJes côtes de l'empire.
—Voy. aussi Grimm; Derme/w Rachlml» ajoutons encore que les Vandales
terthümer, 755.
("') Voyez encore mon point: Papeni lunch 1 W‘ lagune-du‘ ’
cordt; p. 13. ‘ niiv. llmîwrgæ '
AFRIQUE. 83
se concentrèrent aux environs de Car duisaient cent hommes (centuriones,
thage, dans une seule province. Ainsi centenarä), et ceux qui conduisaient
placés, ils pouvaient se réunir facile dix hommes seulement (decuriones,
ment en temps de guerre, et porter ra decani). Dans la langue des Vandales,
pidement secours a leur roi, quand les les premiers étaient aphpelés manda.
ennemis du dehors essayaient de lui fath, et les seconds ta rmfath. Au
disputer sa conquête. dessus de tous les chefs se trouvait
ORGANISATION mLI'rAInn; L’sn. d’abord le roi, puis les membres de la
mil: ; ses CHEFS. — C’était le roi qui, famille du roi, fils ou autres , qpi di
depuis les temps les plus anciens , di rigeaient plusieurs cohortes, ou, corn
rigeait les guerriers dans toutes les me nous dirions anjourd’hui , des d;
expéditions et dans les combats. il con visions. Ainsi, à la bataille de Trica
duisait la tribu dans son ensemble; mara, Géli mer surveille l'ensemble‘ des
mais la tribu armée était subdivisée en mouvements, etTzazon,frère du‘ roi,‘
une foule de bandes. Chacune d'elles, commande le centre. Si, dans cette
à son tour, avait un chef qui, comme journée, les ailes furent confiées à
nous l’avons dit ,' ne devant son auto des taz‘hunhundafath, c’est ne dans
rité et son influence sur ses compa les combats qui avaient précé é‘, Am
gnons qu’à son illustration personne le, matas, l’autre frère du roi, et son
c’est-à-dire, à la bravoure, qui, dans neveu Gibamund , placés tous deux à
les commencements d’une société, est la tête de corps importants, avaient
l’unique source de l’illustratiou. Cette été tués par les Grecs. Quand le roi
organisation naturelle et simple des na n'allait pas à la guerre , larmée était
tions barbares ne subsista point tou confiée aux princes de’ sa famille.
jours chez les Vandales. Q uand Gen C’est en vertu de leur naissance que
séric eut touché le sol de l’Afrique, I’Achille des Vandales , Oamer, et
quand il se vit entouré , non point avant son avènement au trône, Gél‘i
seulement des hommes de sa race, mer, furent successivement investis
mais encore d’Alains en grand nom du commandement en chef dans les ex
bre, de Suèves, de Goths, de Maures, péditions contre les Maures. Plus tard,
et même de Romains, il crut avec rai Tzazon fut désigné, parce qu’il était
son qu’une masse aussi considérable, frère du roi, pour conduire la flotte et
et qui se composait de tant d'éléments l’armée qui devaient réduire ‘en Sar
divers, ne pouvait être gouvernée et daigne le rebelle Godas.
se mouvoir comme une tribu errante Quand les guerriers vandales eurent
dans les forêts de la Germanie. Il es partagé entre eux les terres de la Zen
saya donc d‘organiser son armée sur gitane, ils ne cessèrent point d’étre dis
un plan nouveau qui pût convenir en visés etorganisés militairement, com
quelque'sorte au temps et aux circons me au temps où ils erraient en Afri
tances au milieu desquelles il se trou que au gré des événements, et où ils
vait placé. n’avaient d’autres demeures que les
Il divisa ‘la foule qui le suivait en tentes de leur camp. Les cadres tra
quatre-vingts cohortes. Chaque cohorte cés par Genséric, si nous ouvons em
se composait de mille hommes, et ployer cette locution mo ,erne, ne fu
avait un chef qui, suivant Victor de rent pas détruits. Ajoutons encore
Cartenne, était ap clé, dans l’idiome que dans sa capitale, et près de lui, le
germanique , ta‘ amhundqfath (*). roi des Vandales entretenait, même
C’est ce chef qui reçoit de Victor de pendant la paix, un corps de troupes
Vita le nom de mîüenan’us, et de Pro nombreux, et qui ne quittait pas les
cope celui de xùîapxoc. Au-dessous armes. D'autres corps permanents
du commandant de la cohorte, se trou étaient placés sur plusieurs points des
vaient les officiers inférieurs qui con frontières , pour protéger les terres
(’) Taihun, dix ; Imnda, cent;fath, chef. conquises contre les courses et les in
On retrouve ce mot dans Ulphilas (Marcus). .vasions subites des Maures.
6.
84
Les Vandales ne servaient pas à diterranée, il nous suffira de rappeler
pied; ils combattaient tous à cheval, que Gélimer trouva sans peine, pour
et ne faisaient usage, pour l'attaque envoyer des troupes en Sardaigne. ,
et la défense, que de la lance et cent vingt vaisseaux.,Le roi, ou, en
de l'épée ("). Les archers qui parais son absence, les membres de sa famille,
saient dans leurs rangs et sur leurs exerçaient sur l’armée navale comme
vaisseaux étaient des mercenaires. Ils sur l armée de terre le commandement
étaient choisis parmi les Maures. suprême. Genséric dirigea en personne
Si l’on excepte Cartha e et les lieux plus d'une expédition; Genzon, son
où Genséric avait placé es garnisons, fils, parut dans la bataille où Basilis
on ne trouvait pas en Afrique, sous les çus perdit tant de vaisseaux; et la der
Vandales. de points fortifiés. Les bar nière flotte mise en mer par les Van
bares , à leur arrivée (et ce fait se re dales eut pour chef un frère de Gélimer,
prodnisit dans plusieurs contrées de Tzazon.
‘Europe envahies par les populations Il y avait à Carthage, pour l'équipe
germaniques), renversèrent les murs ment de l’armée de terre et pour l'en
e toutes les villes(‘*). Ils craignaient tretien des flottes, de vastes arsenaux.
que les Romains, en s'emparant d'une Là , se trouvaient déposés en nombre
place, ne les missent dans la nécessité considérable des armes et tous les
e recommencer un siége aussi long agrès des vaisseaux. C'étaient ces ar
et ‘aussi désastreux que celui d’Hip senaux que Genséric, suivant la tradi
pone. Après la mort .de Genséric , les tion, avait montrés avec tant d'orgueil
murailles de Carthage, mal entrete au plus redoutable de ses ennemis,
nues, croulèrent en plusieurs endroits, l’empereur Majorien.
et les postes des frontières furent RELIGION. — Nous avons admis sans
abandonnés. Gélimer, amené comme hésiter, comme on l’a vu plus haut
prisonnier dans la capitale de son an (note de la pag. 7), que dès leur passage
cien royaume , gémit, mais trop tard, dans les provinces qui avoisinaient le
de l’erreur de ses aïeux et de sa pro Danube . les Vandales se trouvant en
pre négligence. contact, soit avec les Goths, soit avec
MARINE , ARSENAUX. — Nous avons les habitants de l’empire, avaient aban
dit ailleurs (pag. 16) que par nécessité donné les croyances de leurs aïeux de
les Vandales durent se livrer aux ex la Germanie pour embrasser le chris
péditions maritimes. Ils eurent en ef tianisme. Nous avons dit aussi que ce
fet de nombreux vaisseaux avec lesquels fut vraisemblablement dans la Panno.
ils purent résister aux flottes combi nie qu'une partie de la nation avait
nées des deux empires , et porter , de adopté la doctrine d’Arius. Toutefois,
439 à 476, la dévastation sur les côtes en Germanie, parmi les Vandales et les
de l’Espagne, de la‘ Gaule, de l’Italie, barbares qui les suivaient dans leurs
de la Grece et de l’Asie Mineure. courses, beaucoup ne renoncèrent point
Après la mort de Genséric, l'ardeur au paganisme. Mais après le passage
des Vandales pour les expéditions ma du Rhin, et après avoir séjourné, soit
ritimes se ralentit, mais elle ne s’étei dans la Gaule, soit dans l'Espagne,
gnit pas. Les courses, sans se faire pendant vingt années, la masse des
ourtant, comme autrefois, avec des guerriers (et ici nous comprenons
ottes entières, continuèrent. Au reste, parmi eux les Alains et les Suèves) se
ur prouver que les Vandales , même trouva chrétienne. Les ariens étaient
a l’époque de leur décadence, n'avaient ils plus nombreux que les catholiques
pas renoncé à dominer sur la Médi parmi ceux ui, en 429, franchircnt le
(') Voyez notre récit de l'expédition de détroit de adès pour conquérir l'A
Bélisaire,- l‘ouvrage de Marcus , pam'm, et frique? Nous l‘ignorons. Cependant,
celui de Plpencordt; p. 233. s’il est vrai, comme le dit une vieille
(") Marcus; p. 200 et suiv. — Papen tradition rapportée par Idace, que Gen
cordt; p. .234. séric cessa d être catholique pour em
AFRIQUE s5
brasser l’hérésie d’Arius, il faut ad haine, d’une animosité, d'une cruauté
mettre qu'avant la sortie d'Espagne, qui appartiennent moins , Si nous pou
les ariens étaient en majorité parmi les’; vous nous servir de cette expression,
Vandales. Ce ne fut sans doute qu'au aux exigences de la raison d'Etat et
prix dîuneabjuration, que Genséric aux querelles politiques qu'aux pas
put sezfaire accepter comme chef et sions religieuses.
r ner.. ,, ‘. srrs'rs ms LA CONQUÉTE; É'ru
n Afrique, la totalité des conqué mas nornms. — C'est en vain que
rants, plutôt pcar le fait des circonstanc certains historiens ont essayé de prou
ces et par n essité que par ‘convic ver que les nations barbares , en s'é
tion. adopta l‘arianisme. Les donatistes tablissant sur les terres de l'empire,
et tous les hérésiar ues que les empe avaient garde’, au moins par calcul et
reurs orthodoxes ‘Occident avaient prudence , des règles et de grands méy
persécutés, se précipitèrent au-devant nagements, et que , par exemple, elles
de Genséric et des siens , et lui préte avaient tenu compte souvent, dans
rent assistance. lls assurèrent lessuc l'occupation et le partage des terres
cès et la conquête des Vandales. Ceux conquises , des droits et des intérêts
ci durent nécessairement, nous le ré de la population vaincue ("). M. Mar
pétons, our prendre racine sur la cus n'est pas éloigné de croire que les
terre d’Agique, devenir tous hérésiar Vandales accomplirent leur conquête
ques et se déclarer ennemis des catho et le partage des terres avec la plus
liques. Ce furent donc moins des grande modération. Mais cette con
considérations religieuses que des vues quête et ce partage se firent , comme
politiques qui jetèrent, en définitive, le témoignent les contemporains, avec
es Vandales dans l'arianisme. violence. Nous renvoyons ici au pas
Nous ne montrerons point ici (parce sage de Victor de Cartenne, que nous
que nous l'avons fait) le véritab e ca avons cité plus haut (p. 16). et nous
ractère des persécutions qui signalè nous bornerons à rappeler ces paroles
rent le règne de Genséric. On sait, et de Procope, qui se rapportent aux
nous l’avons dit plus haut . que ce roi premiers temps de la conquête : a Les
se montra plus ou moins tolérant sui Vandales envoyèrent plusieurs Ro
vant que les attaques dirigées contre mains en exil, et ils en tuèrent un
lui par l'empire furent plus ou moins grand nombre. Cacher ses richesses
vives. Seulement nous voulons consta tait, aux yeux des vainqueurs, le plus
ter que, dans les deux plus récentes grand des crimes (**). » Au reste,
publications sur la domination. des quand nous n'aurions pas le témoi
Vandales en Afrique, MM. L. Marcus gnage formel des historiens, nous
et Papencordt ont parfaitement saisi serions encore en droit de conclure,
les raisons politiques qui ont amené à l'aide seulement du bon sens,
la plu art des mesures adoptées, dans que , dans tous les lieux où ils s'éta
les a faires religieuses, par Genséric blirent, les barbares portèrent, par
et ses successeurs (*). Il faut encore leurs violences, au sein de la société,
a'oute'r que les conquérants germains la plus grave perturbation.
evenus ariens montrèrent parfois, Les Romains furent donc expro
dans leurs actes , un fanatisme qui de priés dans toute la Zeugitane d’abord,
vait être le résultat d'une profonde et ensuite dans certaines parties des
conviction. Les persécutions dirigées autres provinces , là où Genséric avait
par le roi Hunéric contre les catholi choisi à sa convenance des domaines
ques sont empreintes souvent d'une et des maisons de plaisance-Que de
t") Pa ncordt; p. 193. Voyez tout le (') C'est une opinion qui a encore été
chap. 6 u liv. III. p. 270 et suiv. et prin ' récemment exprimée , pour la conquête des
cipalement p. 279 et suiv.—Marcus; liv. III, Frank: , par M. Pardessus, dans son savant
ch. 5 ,p. 238 et suiv., et ch. 10 du même ouvrage sur la Loi salique ; dissert. 8 , p. 534.
livre, p. 307, 319 et suiv. (“) Procope; De Bel. Vanda I , 5.
86
vinrent les individus et ries? Ils Disons enfln qui, par nécessité, les
descendirent d’un degré ans l'échelle rois vandales s’environnêront de R0
sociale. De propriétaires qu'ils étaient mains. Dans le alais de Carthage, on
ils devinrent colons. Les uerriers comptait lus ‘un de ces officiers,
vsndalcs, et tous les autres rbares appelés ni leurs Romani in truste et
qui les avaient suivis, ne firent point convtvæ régis, ui étaient admis au
valoir leurs terres par eux-mêmes, ils service ou ans a familiarité du sou
les conflêrent, moyennant redevance, verain. C'était aussi parmi les Romains
aux Romains. On serait porté à croire, que l'on prenait les percepteurs de
par certaines indications, que les‘ ‘vains limpôt (procuratores, eæactores) et
ueurs laissèrent aux vaincus expro'i les ré isseurs des domaines royaux.
3mn le choix de rester colons en Afri Tous es officiers d'origine romaine,
que ou de se retirer dans les provinces employés par Genséric ou ses succes
l relevaient encore de l’empire; mais seurs, recevaient en traitement des
‘autres {aits semblent attester qu'ils vivres et une solde. Ils étaient obli és
ne se montrèrent point si modérés‘. {le orter l'habillement des Van a
Plus d’une fois ils reléguèrent les 110 es ).
mains qui ne voulaient pas reconnaître PERSISTANCE ne n'ammvrsrna
leur domination dans les îles de la Mê mon si mes LOIS nomunss sous
diterranée qu’ils avaient soumises à 12A nontnv's'nolv n’rîs VANDALES. —
leur empire, et même chez les Maures, Après la conquête, les fonctionnaires
dans le désert‘.- Il arriva‘ cependant que dans l'ordre civil ne perdirent rien de
par calcul, et pour rallier à sa per« leurs attributions. et ne cessèrent point
sonne les plus illustres familles roa d'être choisis parmi les Romains.
maines, Genséric essuya quelquefois Nous n’insisterons point ici _sur ce fait
de faire oublier aux vaincus les excès très-im ortant de la 'ersistance de
de la conquête. On‘ lit dans un ancien l'admin stration et des ois romaines,
document (*) ne les fils d’un riche, parce u'il est mis dans tout son jour
humain, qui s’était sauvé de l'Afrique par l’ dit du roi Hunéric, que nous
au temps de la prise de Carthage , ré avons inséré lus haut dans notre récit
solurent un jour de ‘revenir dans leur (p. 33). Des istoriens contemporains
pays. Ils a prirent , à leur retour, que nous ont appris que les rois vandales
es biens e leur ‘re avaient été con choisirent parmi es Romains, et éta
fisqués et donnés a des prêtres ariens. blirent à Carthage un ma lstrat qui
Ils s’adressèrent au roi, qui força les jugeait en appel danstoutes es causes,
prêtres à rendre une partie de ces et prononçait en dernier ressort (“2.
ieps‘ aux fils de celui qui s’était expa Ce magistrat est appelé ar Victor e
tri . Cartenne præäositusju icits romam's
Les Romains des Mauritanies, de la in regno Afr æ Vandalorum. Faut
Numidie , de la Byzacène et de la Tri il voirI dans la création de ce juge su
politaine , qui n'avaient pas été expro périeur à tous les juges des localités,
priés, payaient un impot au roi des une innovation due à la conquête?
Vandales. Cet impôt fut moins lourd Nous ne le pensons pas. Jadis, les ha
sous la domination barbare qu'autemps bitants d'une partie de la Mauritanie,
du gouvernement impérial. A l’appui de la Numidie, de la Proconsulaire
de notre assertion, il suffirait de rap et de la Byzacène, avaient trouvé à
peler que J ustinien , pourïavoir essayé, Carthage un tribunal d'appel : c'était
après les victoires de Bélisaire, de ré celui que présidait le. gouverneur de
tablir les rôles de contributions qui l'Afrique impériale. Il avait été aboli
étaient en usage sous le règne de Va par le fait de l'invasion, et les rois
lentinien lII , excita, dans toute l'A (’) Marcus; p. x85 et suiv. — Papen
frique, un grave mécontentement. cordt; p. 188.
("") Marcus; p. 188. — Papencordt;
(’) La vie de saint Fulge'nce. P- 194. '
AFRIQUE. s1
vandales essayèrent de le reconstituer. cesseurs, non à des comtes d'origine
C’est à cette fin qu’ils instituèrent la barbare, mais à des Romains, les villes
magistrature suprême dont nous ve de l'Afrique se trouvèrent moins ex
nous de parler. osées que celles de la Gaule à la vio
LES VILLES n’ArnIQUIt sous Lns ence et à d’iniques extorsious. Quant
VANDALES; RÉGIME MUNICIPAL. — au ouvoir de l’évêque dans cha ue
Nous avons dit plus d’une fois, dans loca ité, la conquête des Vanda es
le récit qui précède, ue l'arrivée et amena les mêmes résultats que celle
l'établissement des bar ares dans cer des Franks. Au moment pù les Grecs
taines provinces de l'empire, en Afri viennent attaquer et poursuivre Géli
que, par exemple, fut, sous certains ‘ mer au sein de ses Etats, les évêques
rap orts, pour la population des villes paraissent , dans les récits contempo
et es campagnes, un événement heu-. rains, comme les personnages les p us
reux. Les villes surtout, qui avaient influents des villes. Nous renvoyons
tant souffert des exi ences du fisc im ici, pour la preuve, au passage (p. 50)
périal, purent consi érer les barbares où nous avons raconté l’entrée d'un
comme des libérateurs. M. Augustin lieutenant de Bélisaire à Syllectum.
Thierry signale en ces termes la révo Sous la domination romaine, les
lution produite dans les villes de la magistrats des curies avaient, comme
Gaule par l’arrivée des Franks: a Les l'a dit Savigny, trois sortes d’attribu
traits les plus généraux de la transfor tions: 1° l’administration intérieure et
mation du régime municipal, ceux que locale de la cité: ils remplissaient les
des témoignages plus ou moins précis, fonctions des maires et des conseils
plus ou moins complets, font retrouver municipaux dans notre organisation
a peu près au même degré dans‘ toutes moderne; 2" lajuridiction volontaire:
les grandes villes, sont les suivants: ils remplissaient les fonctions des no
la curie, le corps des décurions, cessa taires, et quelques-unes de celles des
d’être responsable de la levée des im juges de paix; 3° la juridiction con
ôts dus au fisc; l’impôt fut levé par tentieu'se jusqu’à un certain taux de
es soins du comte seul, et d’après le ressort (*). Au temps des Vandales,
dernier rôle de contributions dressé les magistrats municipaux ne perdirent
dans la cité. Il n’y eut plus d’autre rien de leurs attributions; et même,
arantie de l’exactitude des contribua comme il n’y avait en Afrique rien
les, ne le plus ou moins de savoir qui ressemblât à ces mails de la Gaule,
faire, ’activité ou de violence du comte présidés par un comte barbare, il est
et de ses agents. Ainsi, les fonctions probable, en ce qui concerne la juri
municipales cessèrent d’étre une charge diction contentieuse , que le cercle
ruineuse; personne ne tint plus à en de leurs attributions sagrandit. Ils
être exempt; le clergé y entra..... les jugèrent toutes les causes civiles et
anciennes conditions de propriété né criminelles. Toutefois, dans les cas
cessaires pour y être admis ne furent douteux et très-graves, on pouvait ap
plus maintenues..... l'évêque joua un peler de leurs sentences. On s’adres
rôle de plus en plus actif , soit dans la sait alors au rand magistrat que
estion des affaires locales, soit dans Genséric avait établi à Carthage. Ce
’administration de la justice (*)..... - magistrat, nous le répétons, était Ro
Ces considérations de M. Augustin main.
Thierry relatives à la Gaule sont ap Les Vandales entretenaient, il faut
plicables à l'Afrique sous la domina le constater, dans les villes des agents
tion des Vandales. Il a cette diffé chargés, comme nous dirions aujour
rence, toutefois, que la evée de l’impôt ' (") Savign‘y; Hist. du droit romain au
étant confiée par Genséric et ses suc moyen a‘ e ; ch. 4. —— Voy. aussi le récent
(") M. Aug. Thierry; Considérations sur‘ ouvrage e M. Pardessus sur la Loi sa/iqua
l'histoire de France, cb..v,p. s85 etsuiv., (te/.3, in-4°); dissertation 6’, p. 514 et
deuxième édit. suiv.
88
d'hui, de surveiller l’esprit public, et moment où Bélisaire prit possession
de maintenir les habitants dans la sn de la capitale de l'Afrique, un vais
bordination à l'égard des vainqueurs. seau qui était à l'ancre dans le Man
C’est un fait qui semble prouvé par dracium mit à la voile lorsqu’il fut
l'ordonnance suivante, promulguée à chargé de marchandises. et se rendit
l’époque de la domination vandale: en Espagne. Les marchands qui le
c: es villes où l'ordre public aura été montaient n'étaient pas assurément
trouble’ trois fois de suite, dans le les seuls Espagnols qui vinssent à
courant de la même année, à l’occasion Carthage, par exemple, ou à Césarée.
des divertissements publics, seront Nous savons aussi que les hommes
privées à tout jamais du droit d'avoir renfermés dans les prisons de Géli
des cirques et des théâtres. Le direc mer, et'que le geôlier délivra à l’ap
teur des fêtes publiques sera cité de proche de l'armée ‘grecque, étaient
vant les tribunaux pour répondre de venus de l‘Orient pour des affaires de
sa conduite pendant les troubles; et commerce. Enfin Victor de Cartenne
s'il était convaincu soit de négligence, nous apprend qu’un marchand d’Adru
soit ‘de manque de prévo ‘ance ou de metum déroba, dans un voyage, un
vigueur dans'l’exercice e ses fonc secret précieux aux teinturiers de
tions, il pourra être condamné à tra Coptos. Les Africains, sous la domi
vailler pendant toute sa vie dans les nation des Vandales, entretenaient
mines de‘ l’Etat, à avoir les oreilles aussi, par l’intermédiaire des Gaules
coupées ou à être brûlé (‘). n et de l’ltalie, —des relations commer
Au reste, quelle qu'ait été la dé ciales avec les parties les plus septen
fiance des Vandales à l'égard des Ro trionales de la Germanie, qui leur
mains, et malgré les mesures rigou fournissaient du succin. Ce n’était
reuses qu‘ils prirent dans certaines point seulement par mer que les Ro
localités afin de prévenir les révoltes, mains des Mauritanies, de la Numidie,
on eut admettre comme vraie pour de la Zeugitane, de la Byzacène et de
l'A rique, même pour la Zeugitane, la Tripolitaine, faisaient un commerce
l’opinion des historiens modernes, ui actif et étendu, mais encore par terre,
ont prétendu qu’en général les vil es sur les voies du désert parcourues par
soustraites par le fait des invasions les caravanes dès le temps des anciens
barbares au lise et à l’administration Carthaginois. C'était ar cette route
de l'empire, virent leur bien-être et qui venait de l’Égypte Jusqu'aux autels
leur indépendance s’accroître, et leur es Philènes, en passant par l'oasis
sphère d'action s’a randirÇ"). d'Ammon , autant peut-être que par les
Commence. —] nous suffirait pres vaisseaux d’Alexandrie, que les mar
que de rappeler certains faits que nous chands (l'Afrique recevaient la gomme
avons signalés dans notre récit, pour et les parfums d’Arabie et les étoffes
montrer que l'Afrique vandale entre précieuses de l’lnde; puis, comme les
tenait des relations de commerce très Carthaginois (voyez plus haut, [fis
suivies avec les différents pays de I’Eu toire de Carthage, p. 136), ils tiraient
rope. de l’Asie et avec I’Egypte. Ainsi de l'intérieur du pays des gralinsld'or,
le marchand que Procope rencontra à des pierres précieuses, de l’ivoire et
Syracuse faisait par lui-même ou par ses des esclaves noirs. .
agents de nombreuses affaires a Car Des témoignages anciens et précis
thage. D’autre part, nous savons qu’au nous apprennent que les vaisseaux
. marchands exportaient habituellement
(') Marcus; p.‘ 197.’ _
(") Je renvoie spécialement. sur ce de l'Afrique vandale du blé, du lin, le
point, aux idées émises par M. de Sismondi duvet qu’on tirait du fruit d'une mauve
dans le premier volume de son Histoire des arborescente qui croissait sans cul
Francai.r,et par M. Aug. Thierry, dans le ture près des sources du Molocha on
ch. 1;2 de ses Considérations sur l'histoire Malva, de la garance, du sel ,_ de l'a
de Fnncc. lun des bois précieux destmés aux
AFBIQUE. 89
ameublements de luxe, une qualité de monde furentL'industrie
de Hunéric. rétablies sous
dut selerelever
marbre très-tacheté, des pierres pré
cieuses, plusieurs espèces d'argile bo en même temps. ' '
laire, des éléphants, des lions, des ti Nous savons que les Vandaless’ao' '
gres, des léopards. des singes, des mollirent rapidement après la mort de
autruches, etc. Ils exportaient encore Genséric, et qu’ils s‘a andonnèrent à
des esclaves noirs; mais il est probable un luxe effréné. Tout nous porterait à
que le commerce, sous ce dernier rap croire déjà que les objets qui témoi
port, était moins étendu qu'au temps gnaient de ce luxe, vêtements et ameu
des anciens carthaginois et de la do- - blements, étaient le roduit de l'indus
minatiou romaine. Enfin les Africains, trie africaine. Les tissus d'or et même
sous les Vandales. vendaient soit chez, la soie qui brillaient sur leurs robes
eux, soit sur les marchés des princi étaient mis en œuvre, nous le croyons.
pales villes d'Égypte, d'Asie et d’Eu dans les ateliers de l'Afrique. Parmi
rope, les produits de leurs manufac les dépouilles splendides qui ornèrent
tures; ainsi, leurs tissus,,les vêtements le triomphe de Bélisaire, il y eut sans
et les tapis teints en ourpre, et aussi ‘ doute plus d'un vase élégant et bien
les armes que l'on abriquait à Car ciselé qui sortait des mains des ou
thage ('). vriers de Carthage. Tout, dans le ri
C’était, comme on le voit, un com che butin apporté à Constantinople,
merce qui consistait presque entière n'était point e fruit des pirateries et
ment dans les exportations. Les Van des rapines de Genséric et de ses com
dales et les habitants des provinces pagnons. Il suffirait de citer, par exem
soumises à leur domination prenaient ple, ces chars légers qu’a'dmirèrent les
aussi des denrées au dehors, mais en Byzantins, et qui servaient à transpor
petit nombre. Un contemporain, Pro ter dans leurs promenades les reines
cope (de Bel. VanaL, II, 3), nous dit vandales. Mais pour le point que nous
d'une manière positive que les impor voulons établir ici, nous ne sommes
tations en Afrique étaient très-res point réduits au témoignage indirect
treintes. Le sol, par sa richesse et sa des historiens. Nous nous bornerons
fertilité, et l'industrie, par son acti à citer trois faits qui prouvent claire
vité relative, pourvoyaient largement, ment que l’industrie fleurit en Afrique,
dans les cam agnes et dans les villes, même dans les lus mauvais temps de
aux besoins e ceux qui vivaient dans la domination es barbares. .
l’empire vandale (“). « Nous étions encore affli és de la
mousram- L'industrie prit en prise et du pillage de Rome, it Victor
Afrique, sous la domination romaine, de Cartenne, lorsque nous eûmes la
un éveloppement qu’elle n'avait ja consolation de voir un marchand d'A
mais en au temps des anciens Cartha drumetum surprendre aux teinturiers
ginois (‘m’). L'établissement des Van de Coptos un secret précieux. Quand
ales et les pirateries de Genséric on possédait ce secret, on pouvait
l’eutravèrent sans doute, et lui enle donner aux toiles et aux draps telle
vèrent pour un instant ses débouchés couleur qu'on voulait. Il suffisait pour
en Égypte et dans toutes les provinces cela de les tremper dans certains in
d‘Europe et d'Asie qui relevaient des grédients, etpuis dans du sang chaud.‘
deux empires, mais ils ne l’aneantirent Nous savons encore qu’au temps des:
pas. Les relations commerciales entre Vandales , on cherchait avec soin sur
’Afrique et les autres parties du l’Atlas une espèce de Iimaçons qui,
(') Mlrcul , p. on et suiv. écrasés, servaient à teindre en rouge.
("‘) Voy. aussi, sur le commerce de l'Afri Les étoffes qui recevaient cette tem
que au temps des Vandales : Papeucordt; ture acquéraient une grande valeur.
p. 259 et suiv. Des deux faits que nous venons de si
(**') Voy. dans ce vol. Histoire de Gar gnaler, on peut. tirer cette conclusion:
rhage; 3' partie, p. 136 et x55. que dans les principales villes de l’em
9o
pire vandale, à Carthage , par exem nous le‘savcns, se plaisaient aussi à
pic, à Adrumetum, à Hippone, à Cé entretenir aupres d'eux des Romains
sarée, on se livrait avec ardeur àlla beaux esprits et poètes. Ç’étaient des
fabrication de diverses étoffes et à leur versificateurs qui, comme Fortunat
teinture. Enfin les auteurs contempo dans les Gaules, céléhraient en latin
rains de la conquête ont attesté qu’il les mariages, les naissances, tous les
y avait en Afrique des manufactures événements heureux, enfin, qui se rat
d'armes. Genséric conféra le titre de tachaie'nt à la vie de celui qui leur don
comte à un ouvrier armurier qui se nait placedans ses banquets et leur
distinguait dans sa profession par une faisait de riches présents. ,
rare habileté. Une chose uil faut Cependant, nous le croyons, en su
constater ici comme digne e remar bissant ainsi l'influence, de la civilisa
que , c’est que cet ouvrier appartenait tion romaine , les barbares ne renon
par son origine à la race des conqué- . cèrent point. à leur langue nationale.
rants Il y avait lus d'un demi-siècle que _
LANGUE, LITTÉRATURE. -— Des évé Genséric e ‘ses compagnons‘ avaient
ques s’approchèrent un jour de Gensé touché lesol de l’Afrique, lors u’un
ric pour se plaindre d’étre persécutés, évêque vandale répondit à des év ques
Le roi, au témoignage de Victor de romains qui, lïinterrogeaient : .« Je ne’
Vita, appela aupres de lui un inter, uis discuter avec ‘vous ;je né. ‘ai: pas
prète. parce que les évêques s’expri .latin._p Les prêtresl vanda es, "ui
maient en latin, en grec ou en punique. étaient ariéns, se servaient‘ de la‘ bi le‘
Ce fait semble prouver qu’en Gaule et Ê’Ulphilas; et c’était probablement
en Espagne, les Vandales s’étaient peu ans l’idiome de leur ancienne patrie
mêlés avec les anciennes populations qu’ils enseignaient et officiaient dans
de l’empire, et qu’ils n’avaient point les églises _(*). On pourrait même
cessé ,,.jusqu’à la conquête de I’Afriq supposer que les conquérants essayè
que, de‘ se servir exclusivement de la rent parfois d'assouplir cet idiome, a
langue qu’ils parlaient dans la Germa de le rendre‘ propre à recevoir des
nie. Quand ils, se furent établis dans formes littéraires; et nous admettrions
la Zeugitane et à ‘Carthage, et qu’ils se volontiers la conjecture de M. Marcps
trouvèrent avec les Romains, par la (p. 410), qui croit que Gélimer, dans
force des circonstances, en un perpétuel sa retraite sur lePappua, chantait
contact, ils furent forcés d’apprendre l'histoire de ses malheurs dans la lan
l’idiome des vaincus. Le latin, et cela gue de ses aïeux de la Germanie(**).
était nécessaire,devint pour les Vanda nŒuns mas VANDALES. -— Les
les, sinous pouvons nous servir de ce mœurs des Vandales, à l’épo ne de
mot, la langue officielle, la langue du leur émigration, étaient celles e tous
gouvernement et de l’administration. les peuples qui ne sont point sortis de
C’était en latin que l’on rédigeait et l’état barbare. Cependant, en songeant
les lettres et les actes qui émanaient à la profonde impression de terreur et
de la chancellerie des rois vandales (*). de haine que les Vandales ont laissée
Puis, après la mort de Genséric, dans après eux dans les pa s qu’ils ont
les temps de paix, plusieurs, parmi traversés , aux idées de évastation et
les conquérants germains, étudierent, de ravages que leur nom réveille en
non plus seulement par nécessité, mais core après tant de siècles, on ‘est porté
pour charmer leurs loisirs, et peut-être à croire que, par leurs excès et leur
par amour de l’art, les œuvres littér cruauté, ils ont surpassé les Goths,
maires’ de la Grèce et de Rome. Il nous les Suèves, les Burg‘ondes, les Franlts,
suffira de rappeler ici le nom de Thra et même les Huns, qui, comme eux
samund. Les derniers rois vandales , (") Papencordt; p. 295. _
(”) Voy. encore, sur la langue des Van
(‘4) Voy. Papencordt; p. 296, 1197 , :98 dales : Marcus; p. 41x _et lu". —Papen
et suiv. — Marcus; p. :98. cordt; p. 287, 289 et suiv.
ÂFRIQUI. 91
et dans le même temps, ont eu et les tissus grossiers qui couvraient,
vahi l'empire romain. Leur établisse à leur entrée sur les terres de l'om
ment en Afri ne, et un long contact ire, les uerriers germains, avaient
avec les popu ations vaincues, chan ait lacs de riches fourrures et aux
gèrent leurs habitudes et adoucirent eto es entremêiées d'or et de soie.
teurs mœurs. il se fit, sous au rap La corruption des mœurs jusqu'à Gé
port, chez les Vandales, une vive et limer devint plus grande de jour en
rapide réaction. Ils cédèrent si facile jour. Il sufflt de renvo er ici , sans le
ment aux attraits de la civilisation reproduire encore une ois, au passage
romaine, que déjà, sous le règne de où Proco , en parlant du luxe et‘
Hunéric, comme le témoignent‘ les fréné, de a vie voluptueuse et de la
historiens que nous avons cités, ils dégradation morale des con uérants
étaient complètement énervée. Ils ne de l'Afrique, a constaté la p us effi
ressemblaient plus que par l'extérieur cace, peut-être, de toutes les causes
à leurs ancêtres de la Germanie. lis qui ont amené la chute de la dominiiæ
portaient encore, comme eux , le vête tion vandale.
ment qui distinguait les barbares,et de
longs cheveux; mais , en cela même, vives ou officiers dans le niais des rois
ils étaient loin de l'ancienne simpli ‘vandales, étaient obligés e se vêtir à
cité (’). Les peaux à peine préparées, la manière des conquérants. Voyez, sur
les mœurs et les vêtements des Vandales :
(*) Les Romains suivant Victor de Vite, mucus; p. 407 et les notes du liv. [V de
(H, 3 et 4), qui étaient admis comme col son histoire, p. 89.

Il! Dl L’IIII‘OKII Dl LA DOIIIA’I'XOI Dl] VAIIDAI-IS Il LYRIQUE.

‘mana-mm“ hnmumflflümmnmmummmmnw

PRÉCIS DE L'HISTOIRE
n’arnrqun
SOUS LA DOMINATION BYZANTINE.
—w

HISTOIRE DE L'AraIQus, DEPUIS nien avait approuvé toutes les dispo


LE DÉPART ne BÉLISAIBB JUsQU’A sitions prises par son lieutenant, et il
LA mon! os JUSTINIEN ("). -— Béli avait envoyé en Afrique des lettres où
saire, après la victoire de Tricamara, on lisait ces mots : « ue nos officiers
s'était hâté de prendre possession, au s'efforcent avant tout e préserver nos
nom de Justinien, de toutes les pro sujets des incursions de l'ennemi etd’é
vinces qui avaient appartenu 'adis à tendre nos provinces jusqu'au point où
l'empire romain (v. p. 69). 1 avait la république romaine, avant les inva
aussi placé des garnisons dans l'inté sions des Maures et des Vandales, avait
rieur des terres , sur les frontières de fixé ses frontières ; qu'ils se hâtent éga
la Byzacène et de la Numidie. Justi— lement de se rendre maitres et de répa
(') Voyez, sur l'histoire de l'Afrique sous rer les fortifications des places où l’on
la domination byzantine : Papencordt (Ge tenait garnison au temps de l'empire
.tchichtz der wndaIisc/æn Herrschafl in romain. n Les ordres de Justinien fu
Jfi'ika), liv. m, ch. 9, p. 309-334. rent promptement exécutés. Cepen
92
dant le vaisseau qui devsihrainener retraites. I1 gravit‘donc avec son ar
à Constantinople ‘le 'vainqueurnde ce. mée le mont Aurasius; mais son ex
limer . n’avait ' point encore quitté ' le ‘tion n‘eutiaucun résultat(").
àlandracium , que déjà les Maures * Rentrée Carthage, il s'apprêtait à
s’étaient levés en armes, et apparais réprimer les désordres qui avaient lieu
saient sur les frontières de la Numidie en Sardaigne, lorsqu’il eut à se défen
et de la Byzacène. Les soldats grecs dre contre ses propres soldats. Ceux
étaient peu nombreux en Afrique. et ci. excités par les femmes vandales
Bélisaire se vit contraint de laisser une qu'ils‘avaient épousées, etv aussi par
partie de ses gardes à Salomon, qui le les exbortations secrètes des prêtres
remplaçait comme chef militaire. Ar ariens, réclamèrent ‘comme leurs pro
chclaüs' , le questeur, avait été déclaré,priétés les terres conquises u’ils ex
sous le titre de prefet du prétoire, chef glaoitaient seulement comme ermiers.
civil des provinces nouvellement con lomon n'échappe qu'avec peine à la
guises. Bientôt Justinien fit passerà mort , et ilsë'sauva , accompagné de
alomon de nouveaux renforts sous les l'historien Procope. auprès _de Béli
ordres de Théodore et d‘lldiger. Les saire..qui«'se. transmitv alors en Sicile.
Maures faisaient chaque jour de nou Les insurgés prirent pourxclçef un sol
veaux progrès : ils rtaient en tous dat audacieux appelé Stozas, qui donne
lieux le pillage et la évastation . et ils des armes auxesclavesÿet aux Vandales
avaient massacre, en Byzacène, Aigan qui étaient restés en Afrique.‘ Puis,
et Rufin, officiers renommés par leur tous ensemble , ils quittèrent la plaine;
habileté et leur bravoure. Il fallait se de Bulle, où ils s’étaient réunis, pour
hâter. et Salomon marcha vers la By s’emparer de Carthage. Bélisaire arriva
zacène. Il rencontra les Maures dans à temps pour sauver la ville. Avec le
la plaine de Mamma. Ils étaient au petit nombre de guerriers qui l’avaient
nombre de 50,000 , sous les ordres de accompagné, et avec ceux qui, a Car
Cuzinas et de trois autres chefs. Sa thage, étaient restés fidèles à l’empe‘l
lomon remporta sur eux une victoire reur, il s'avança contre les rebelles,
complète (536). Les Grecs célébraieut qu’il atteignit et battit près de Mem
encore à Carthage, par des fêtes pu bresa. Il crut alors avoir donné le re
bliques, l'heureux‘ succès de la campa pos à l’Afrique, et il revint en Sicile;
;gne , lorsqu'on apprit que les Maures, ‘mais il se trompait. Stozas réorganisa
irrités plutôt qu’abattus par leur dé son armée, attira de nouveaux soldats
faite, avaient repris les armes et ra dans son arti , et massacra par trahi
vageaient de nouveau, avec une es son, en umidie, Marcellus , Çyrille,’
de rage, tous les cantons de la Byzacene. Barbatus, Terentius et Sarapls , qui
Sal'omon se remit en marche et battit étaient comptés parmi les meilleurs
encore l’ennemi au pied du Burgaon. officiers de l empereur (536).
S'il faut en croire un contemporain, . A'cette nouve le, Justinien envoya en
lesAMaures perdirent cette fois 50,000 Afrique son neveu Germain pour rem
hommes; ceux qui échappèrent au fer lacer dans le commandement suprême
du vainqueur se réfugierent auprès héodore et Ildiger , qui étaient restés
d’Yabdas, qui était maître du ‘mont comme chefs à Carthage après le dé
Aurasius. ' part de Salomon. Germain était un
Numidie était aussi en roie au général brave et habile. De’s son arri:
ravage des Maures: Yahdas escenditv vée (537), il rétablit la discipline parmi
plus d’une fois, pour la piller et la dé les troupes restées fidèles a l’empire ,
vaster, de sa. montagne, où la nature et, par ses promesses et sa douceur,
lui offrait des positions inexpugnables. il attira dans ses rangs un grand nom.
Mais il fut arrêté par la brillante va. (') Voyez, sur les diverses expéditions de
leur d’Althias , qui commandait la ‘Salomon: Recherche: sur I’hist. de l'Afri
troupe‘ des Huns. Salomon, cependant, que septentrionale, etc" par I’Acadèmie des
voulut forcer les Maures dans leurs mecript, t. I, p. 113-149.
AFRIQUE. 9s
bre de ceux qui, sous les ordres de Il leur livra bataille; mais, mal secondé
Stozas , avaient combattu jusqu'alors par ses troupes, il fut vaincu et tué.
pour l'indépendance de l'Afrique. Justinien donna pour successeur à cet
Quand il se crut assez fort, il s'avança habile et brave officier, Sergius son
contre l’ennemi. Il l‘atteignit en Nu neveu, qui avait allumé la guerre. Ce
midie, dans la plaine appelée Scalæ choix excita un vif mécontentement
l’eteres, et là , il lui livra un sanglant dans toute l'Afrique. Stozas sortit de
combat. Stozas fut vaincu, et les Mau sa retraite, et se joignità Antalas, le
res , commandés par Yabdas , qui chef des Maures de la Byzacène. La
étaient accourus pour l'aider, en se valeur de Jean, fils de Sis‘inniolus, ne
tournant subitement du côté de Ger put arrêter les progrès de l’ennemi.
main, achevèrent sa défaite. Stozas se Dans cette extrémité, Justinien en
sauva en Mauritanie. Un certain Maxi voya pour collègue à Sergius le séna
min voulut le remplacer comme chef teur Aréobinde. Mais la méintelli
de parti. Germain , a rès l’avoir con gence ayant éclaté entre les deux
vaincu de trahison, e fitpendre aux gouverneurs, les désastres se multi
portes de Carthage. Germain gouverna v plièrent pour l'armée impériale. Gon
Afrique pendant deux ans avec une tharis, qui commandait en Numidie,
grande douceur. En 539, il fut rem essaya a ors de se faire roi. Ser ius
placé par Salomon, qui. débarrassé avait été rappelé, et Aréobinde tait
cette fois des complots et des séditions, resté chef unique des provinces afri
songea à enlever aux Maures leurs po caines. Gontharis, aidé secrètement
sitions de I’Aurasius. Il se mit donc par les Maures. se rendit maître de
en marche, et, plus heureux que dans Carthage. Il excita une sédition parmi
sa première tentative, il prit à Yabdas les troupes, et fit massacrer Aréo
ses places de Zerbulle et de Tumar, et binde. Mais il ne jouit pas longtemps
la tour de Géminianus, où le chef du pouvoir qu’il avait usurpé; il fut
maure avait enfermé ses femmes et tué à son tour par Artaban, officier
ses trésors. Salomon plaça des garni arménien, que Justinien nomma gou
sons sur plusieurs points de l’Aura verneur de l Afrique (546). Rappelé sur
sius , et , maître de la Numidie, il se sa demande, Artaban remit son com
dirigea vers la Mauritanie sitifienne, mandement à Jean Troglita.
qui se soumit à l'empereur. Un chef Jean Tro lita, qui avait servi avec
indigène possédait la Mauritanie césa distinction ans les guerres contre les
rienne, à l’exception de la capitale, Perses, était destiné à réparer en Afri
Césarée, où Bélisaire, après sa der que, par d’éclatants succès, les échecs
nière victoire sur les Vandales, avait subis jusqu’alors par les armées ro
envoyé une garnison. maines("). Dès son arrivée, il eut à
Depuis quatre ans, l'Afrique jouis combattre une confédération de toutes
sait d’un grand repos, lors ne la mau les tribus maures qui s’étaient réunies
vaise conduite et la perfi ie des ne dans la Byzacène. Antalas, le chef
veux de Salomon la replongèrent dans suprême, avait sous ses ordres toutes
une nouvelle série de calamités. Ser les hordes du désert, parmi lesquelles
gius, gouverneur de la Tripolitaine,
ayant fait assassiner par trahison (") Les détails des guerres que Jean Tro
uatre-vingts Maures qui s’étaient ren glita eut à soutenir contre les Maures nous
ont été conservés dans un poème de Flavius
us a Leptis sur sa parole, toutes les Cresconius Corippus. C'est à l'aide de ce
tribus prirent les armes (543). Trop poème. publié à Milan, en :320, par Maz
faibles pour résister, Sergius, etson .zucchelli, que Saint-Martin et composé le
frère Cyrus qui commandait dans la curieux récit qui se trouve dans son édi
Pentapole, se retirèrent à Carthage tion de l’Histoire du Bas-Empire de Lebeau
auprès de Salomon. Celui-ci, accom (t. IX, p. 92-1 I9). Saint-Martin a donné
pagné de ses neveux, marcha contre dans ses notes de nombreux fragments de
les Maures, qu’il rencontra à Theveste. Corippus.
M
se distinguait celle des Ilasguas. . qi échoua dans cette entreprise; ‘mais
était venue avec son chef Ierna et ‘I cette expédition lointaine atteste sa
mage de 'son dieu Gurzil (Jupiter) de puissance; et ce‘ fait curieux our
l'oasis d'Ammon. Jean remporta sur ‘histoire du Bas-Empire, pour his
les tribus réunies une victoire signalée toire de l'Afrique et celle de notre
et les mit en fuite. Mais les Maures ne pays, méritait d être recueilli par deux
tardèrent point à se rallier sous les écrivains français très-érudits, Lebeau
ordres de Carcasan. Jean entreprit et Saint-Martin , qui l'ont entièrement
contre eux une nouvelle expédition. laissé dans l'oubli. Tibère succède au
Cette fois, entraîné trop loin dans les faible Justin tombé en démence; il
déserts qui se trouvent au midi de la choisit pour vice-roi de l'Afrique Gen
Byzacène, il se vit obligé ‘de revenir nadius, habile général et soldat intré
sur ses pas sans avoir vaincu l'ennemi pide. Ce guerrier reproduit dans cette
qu'il poursuivait. Encouragés par la contrée l'exemple des hauts faits d'ar
retraite des Romains, les Maures d’An mes de Probus. Il défie en combat
talas et ceux de Carcasan se réunirent, singulier Gasmul, roi des Maures , re
et ils portèrent leurs ravages jus marquable par sa force, son courage
qu'aux bords de la mer. Ils rencontrè et son expérience dans les armes; il le
rent Jean Troglita dans les champs tue de sa propre main, rempqrte une
de Caton. Là , ils éprouvèrent une san victoire complète sur les Maures, ex
glante défaite. Carcasan fut tué.I An termine leur race, et leur reprend
talas se soumit, et l'Afrique entière toutes les conquêtes qu'ils avaient fai
fut pacifiée (550). tes sur les Romains. A partir de cette
En 564, les Maures des frontières époque, pendant les règnes de Tibère.
de la Numidie se so‘ulev'èrent pour de Maurice et de Phocas, l’histoire se
venger un de leurs chefs, Cuzinas, ui tait sur l'Afrique. Ce silence est res
avait été assassiné à Carthage, par es que une preuve du calme et e la
ordres du gouverneur, Jean Bogathi tranquillité uniforme dont jouit alors
nus. Marcien, neveu de l'empereur, cette contrée. Les époques stériles
s’avança contre eux, et la révolte fut pour les historiens sont généralement
promptement réprimée. eureuses pour les peuples. Sous l'em
ms'roms DE L'AFRIQUE, DEPUIS pire d’Héraclins, l'Afrique septentrio
LA non ne JUSTINIEN JusQu’A LA nale tout entière, depuis l'océan At
PRISE DE CARTHAGE un LES ARA lantique jusqu'à l'Egypte, était soumise
nss. --— «A rès la mort de Justi au trône de Byzance (*), car ce prince
nien (565), it l’Académie des ins en tire de grandes forces our sa
criptions (’), il y eut quelques sou guerre contre les Perses. Suinthilas.
lèvements des Maures, quoique ces roi des Goths espagnols, profite du
peuples eussent alors embrassé volon moment pour s’emparer de lusieurs
uirement le christianisme. Deux exar villes situées sur le détroit e Cadix,
mies d'Afrique furent vaincus et massa qui faisaient partie de l'empire romain.
crée par leur roi Gasmul , qui, devenu Ce fait, qui nous a.été conservé ar
tout-puissant par ses victoires , donna Isidore, a encore été négligé par c
à ses tribus errantes des établissements beau. Gibbon et Saint-Martin. Il mé
flxes, et s'empara peut-être de Césarée, ritait. à ce qu’il nous semble, d'être
soumise aux Romains depuis la con consigné dans leurs écrits. puisqu'il
guéte de Bélisaire. Ce roi maure sem nous montre l'étendue des limites oc
le même avoir été un conquérant (') Nous devons dire ici, pour compléter
ambitieux et assez entreprenant, car, le résumé que nous empruntons à l'Acndé
l'année suivante, nous le voyons mar mie des inscriptions , que ce fut de l'Afrique,
cher contre les Francs et tenter l'in où son commandait en qualité d'exer
vasion de la Gaule. A la vérité, il que, que parti! Héraclius pour renverser
Recherche: un‘ l'histoire de Izlfrique Phoeas qu'il devait remplacer sur le trône
septentrionale, etc., t. I, p. 43 et suiv.‘ impérial.
AFBIQUE 95
cidentales de l’empire à une époque difications amenées par les circonstan
fameuse par la fondation de l'isla ces et le temps, les anciennes formes
misme, qui devait bientôt ébranler le de son administration et le gouverne
trône de Byzance, et lui arracher ses ment romain. Dès l'année 534, par des
plus belles provinces. En 647, les Ara ordonnances adressées à Bélisaire et
es s'emparent de la Cyrénaïque et de au questeur de son armée , Archelaüs,
la Tripolitaine ("). En 658, un traité Justinien organisa le pays con uis de
partage l'Afrique entre Constant et la manière suivante. Il divisa ’Afri
Moawiah, qui se soumet, disent les que en sept provinces : 1’ celle de
Grecs, à payer un faible tribut. En Tiugi; 2'’ celle de Cartba e (l'ancienne
666 ou 670, ce même Moawilah fonde proconsulaire); 3'’ celle e Byzacium;
la ville de Kairouan, qui devient le 4° celle de Tripolis; 5° la Numidie;
siège de la domination musulmane en 6° la Mauritanie; 7° la Sardaigne.
Afrique. Enfin, en 697 (“), Carthage Les quatre premières devaient avoir
est prise et détruite par Hassan, et le pour gouverneurs des personnages con
nom grec et romain effacé de l’Afri sulaires; les trois dernières des rési
q ue.
L'Anmms'rnA'rroN BYZANTINE EN dents. Depuis Constantin jusqu’ l'in
vasion des barbares, l'Afrique avait
“nous; ses RÉSULTATS ("**).-—-—De été placée dans la préfecture d’Italie.
venu maître, par les victoires de Bé Justinien créa, pour sa nouvelle con
lisaire, des provinces soumises aux quête , une préfecture spéciale dont le
Vandales, Justinien voulut d’abord, chef-lieu fut Carthage. Arcbelaüs fut
comme nous l'avons dit, que les fron nommé réfet du prétoire. Après avoir
tières de ses nouvelles possessions fus organis le gouvernement de l'Afrique
sent celles que Rome avait fixées dans et pourvu aux grandes charges , l'em
les derniers jours de la république et pereur régla les attributi'ons‘et les ap
sous l'empire. Puis, comme l'attestent pointements de tous ceux qu'il mit en
des actes nombreux, il s’occupa de exercice, non point seulement des plus
rendre à l'Afrique , sauf quelques mo haut placés , mais encore des 396 se
crétaires ou employés qui servaient,
(') Nous devons ajouter aussi que le à Carthage, dans les bureaux du pré
patrice Grégoire qui lntta, en 647 contre les fet du prétoire et de ceux qui étaient
Arabes, est le dernier qui ait été revêtu attachés à chacun des gouverneurs des
en Afrique de la dignité de préfet du pré sept provinces. Pour mieux assimiler
toire. Voy. Morcelli; Africa c/m'uiana;
t. 1 , p. ait).
encore l'Afrique aux provinces qu'il
(") Ilud carte constat anno ôgr , a6 possédait en Europe et en Asie et our
Hasano snroccnorum t/uee qui Occidentem effacer les distinctions qu’a’vait pu ais
occuparant, Cart/iaginem îpsam eversam esse, ser , même après la chute de Gélimer,
dit Morcelli (Âfrica chnstiana ; t. III, p. la conquête des Vandales, Justinien
393). L’Académie des inscriptions lace en imposa à tous ceux qui habitaient dans
697 , comme l‘An de ’ve'nficr le: ales, la les limites de‘sa pouvelle réfecture, les
prise et la destruction de Carthage. lois romaines que "ses uriscon's‘nites
("") Voyez sur ce point: Cod. lié. 1, lit. com ilalent a Byzance.
27 et Noocl. 36, 37, 13x. -— Ludwig; Vit. LAfrique du; ' se réjouir d’abord
Justiru'am, p. 349-377. — Gibbon; [lis de la brusque,‘ évolution qui‘l’avait
toire de la décadence, etc., ch. 4! et 43. placée sous la domination des cm4
—, Lebeau ; Histoire du Basylmpil'e; t. VIE,
p. 264 et suiv., éd. Saint-Martin. — Hacher‘
pereur's de Constantinople. Po'ur‘ab
cher sur I'hr'rt. de 1'Afrique septentrionale, tacher les Africains à son empire par
etc., une commission de l’Académie des de forts lieus, Justinien les autorisa
inscriptions, t. I, p. 43.- Papencordt (Ges à reprendre les ,propriétés qui‘ avaient
clu'chle dermandaIisc/ien Herrschafl in Afri été enlevées à leurs aïeux, -il y avait
Ira)‘, liv. 111, ch. 9, p. 309-334. -— L'Africa un siècle , par Genséric'et ses compa-’
clu-z‘stiano de Morcelli (t. I, p. 27, 28 et gnons. Il leur accorda , pour les récla
29) contient aussi sur ce sujet un excellent mations, un délai de cinq ans. L'ex
résumé. propriation s'accomplit. Cette mesure
violente enleva aux Vandales, qui frontières aux dévastation desMau
étaient restés en Zeugitane, leurs der res et théâtre de nombreuses séditions
nières ressources et tous les moyens se trouva bientôt appauvri, ruiné, et
de rébellion; et, d'autre part, comme co‘mple'tement épuisé. « Justinien , dit
l'empereur l’avait prévu , elle mit en Procope (Hist. arcan. , 18), a ravagé
quelque sorte les nouveaux possesseurs l'Afrique de telle sorte que l'un par
e terres dans la nécessité de défendre court aujourd’hui cette contrée, pen
.et de maintenir la domination byzan dant plusieurs jours , sans rencontrer
tine. D'ailleurs , après les premières un seul homme. Les Vandales, dans
victoires de Bélisaire , l'Afrique put les derniers temps deleur puissance,
croire un instant que Justinien avait comptaient 160,000 guerriers. Qui
.le désir sincère de porter remède à ses pourrait dire le nombre de leurs fem
.maux et de la rendre florissante. Il s’é mes, de leurs enfants et de leurs ser
tait empressé , en effet, de relever les viteurs? Qui pourrait énumérer aussi
murailles des villes, de réparer et d’a les Africains qui , à l'arrivée de Béli
randir les ports et d'embellir chaque saire , étaient répandus en foule dans
ocahté, Carthage surtout. qu’il appe les villes et dans les campagnes? J'ai
lait Justiniana, par d'utiles et somp vu de mes yeux cette forte et nom
tueux édifices. breuse population; maintenant elle a
Mais c'étaient là de trompeuses ap« disparu. Si l'on joint aux Vandales et
parences, et l’Al‘rique romaine ne aux indigènes qui habitaient les côtes,
tarda pas à sentir que le gouvernement des familles maures sans nombre et
des Byzantins était plus oppressif que tous les soldats qui ont perdu la vie sous
celui des Vandales. D'abord elle ne les drapeaux de l’empire, on ne saurait
trouva pas, dans les affaires religieu être accuse’ d’exagération en disant que
ses, cette tolérance qui, après ses longs l’Afrique, sous le règne de Justinien,
désastres et ses agitations , devait sur a perdu cinq millions d'hommes. »
tout contribuer a lui rendre la paix L’Afrique resta soumise un siècle
intérieure dont elle avait tant besoin. et. plus au gouvernement byzantin.
Les catholiques , qui avaient changé de Cependant il est vraisemblable qu'à la
rôleavec les ariens,étaient devenus per fin elle eût secoué le joug qui pesait
sécuteurs a leur tour. Puis, elle fut li sur elle et se fût constituée , à l'égard
vrée de nouveau, comme une proie, à de l’empire qui s’amoindrissait chaque
cette effrayante'fiscalité qui jadis, au jour et penchait vers sa ruine, dans
temps de Genséric , lui avait rendu sup un état de complète indépendance.
ortable l'invasion barbare. Les Vanda Alors, peut-être, en demeurant en
es étaient vaincus à peine que déjà Jus ossession de toutes les traditions de
tinien songea à‘ exploiter, par ses agents, 'antiquité, elle eût contribue,’ par
sa nouvelle conquête. « On ne savait des relations fréquentes, au dévelop
plus, dit un contemporain, ce que l’A pement moral et intellectuel de l’Eu
jque payait a l'ancien empire romain, rope et abrégé, pour notre continent,
que Genséric, au commence la durée du moyen âge. Mais l’invasion
ment de son règne , avait aneanti les des Arabes vint lui orter le dernier
rôles des contributions. C’est pour coup. Dans la secon moitié du sep
quoi Justinien envoya en Afrique Try tième siècle, l'Afrique perdit une nou
pl‘lon'et Eustratius pour faire un ca velle part de sa population, ses villes
dastre et dresser de nouveaux rôles. tombèrent;- ses déserts s'agrandirent ,
Cette mesure parut odieuse et intolé et elle vit disparaître jusqu'au dernier
rable aux Africains (Procop. , de Bel. vestige ‘de cette civilisation qu'avaient
Vand. , li, 8}. n Les agents du fisc apportée tour à tour, sur ses côtes,
impérial ne tardèrent pas à se mettre depuis l’Egypte jusqu'à l'Atlantique,
à l’œuvre. Ils se montrerent impitoya les Phéniciens, les Grecs, et les Ro
bles , et le pays en proie sur toutes les mains.
FIN.
MMWWWMWWI I

APPENDICE
A ,L’HISTÛIBE D’AFRIQUE
SOUS LA. DOIIIA'IION BYZAN'I'INB.

Nous avons parlé, en deux mots, parte e du commandement et la divi


dans notre Histoire de l'Afrique sous sion es chefs étaient les seules causes
la domination byzantine(p. 93), des des troubles et des malheurs qui tour«
guerres que Jean Troglita eut à soute mentaient l'Afrique depuis la destruc
nir contre les tribus pndigènes. Nous tion de la monarchie vandale; aussi
ne pouvions , dans les étroites limites donna-t-il à Jean une autorité sans
qui nous étaient assignées, raconter partage. Ce général était em loyé de
ces guerres avec étendue. Nous avons puis plusieurs années sur les rontières
cru utile de rejeter ici, en appendice , orientales de l'empire. Lorsqu'il apprit
le curieux récit ne Saint-Martin a in la décision de son souverain, sa valeur
séré dans son é ition de l’Histoire du était occupée sous les murs de Nisibc,
Bas-Empire par Lebeau ("). .On ne lira où il contenait les efforts de Mermé
pas sans intérêt les curieux détails roès, le plus habile 'des généraux du
que notre célèbre érudit a empruntés roi de Perse, qu’il avait défait devant
à la Johanm‘de de Flavius Cresconius Théodosiopolis et devant Dara , dans
Corippus (**). Au reste, les pages qui la Mésopotamie. Jean obéit sans tar
vont suivre forment le complément der aux ordres qui l'appelaient ä Cons
de tout ce que nous avons dit, dans tantinople, où une flotte et des soldats
ce volume, sur les guerres de l'Afri l'attendaient. J ustinien , qui le regar
que, depuis les temps les plus anciens dait comme le seul homme capable de
jusqu'à l'invasion des Arabes. délivrer l'Afrique , se hâta de lui don
ner ses dernières instructions, en lui
mier-r mas cusnass ne JEAN rao prescrivant surtout de dompter les
emu ms aurons, un n. on Languantans, les rebelles de la Tripo
SAINT-MARTIN. litaine. Il mit bientôt‘ à la .voile, et il
fut en peu de temps hors de l'Helles
Jean, qui venait réparer'les mal pont; i traversa la mer Égée sans s'a‘r
neurs de l'Afrique, au moment où elle réter, et bientôt il toucha aux côtes de
semblait encore une fois vouloir se la Sicile , où , comme Bélisaire, seize
soustraire à la domination romaine, ans avant lui , il prit terre auprès de
connaissait bien le pays où il devait Caucane. Après une’ assez. courte re
commander. Il y avait conduit .un lâche, il se dirigea, malgré les tempêtes,
corps de cavalerie lors de l'ex édition vers la côte d'Afrique, et il y jeta l'an
deBélisaire; et, depuis, il s'y etait dis cre à C‘aput Vada, au lieu où Beli
tingué sous les ordres. de Germain. saire était débarqué lorsqu'il vint
Justinien avait pu reconnaître que le détruire la puissance des Vandales.
Trois jours après, il entra dans Car
(‘) T. IX, p. 92-119. Didot, 1828. thage. Sans perdre de temps , il y ap
(") Le poème de Corippus, comme nous lle toutes les troupes dispersées dans
l'avons déjà dit, a été découvert et publié ‘Afrique romaine; il les joint aux sol
à Milan, en :820, par Mazzucchelli. dats qui formaient la garnison dans
7' Livraison. (Hrs‘r. on L'AFRIQUE.) 'l
98
cette ville importante, et à ceux qu’il alors leurs efforts pour triompher du
avait amenés des frontières de Perse; lieutenant de Justinien, et peut-être
et aussitôt il se dirige vers la Byzacène, our chasser les Romains del Afri e.
pour y combattre Antalas, le prince ’armée d’Antalas s’était grossis, ans
des barbares qui y habitaient , et pour sa marche, par les renforts ne lui
dissoudre la igue des tribus maures fournirent les peuples errants ans les
qui venaient le secourir. L'armée de déserts de Zerquilis' et d'Arzugis, et
Jean prit position dans un lieu nommé par les montagnards du mont Aura
les Camps Anloniens, dont la situa sius, qui étaient d’habiles cavaliers.
tion est inconnue. Des députés y fu Antalas eut bientôt inondé de ses sol
rent envoyés par Antalas. Maccus , le dats toutes les plaines de la Byzacène,
chef de l’ambassade, habile dans la où il marquait partout son passage
langue latine, chercha à dissuader Jean par le ravage et l’incendie. Genséric,
de continuer la guerre , en lui faisant Vandale au service des Romains, et
un tableau exagéré de la puissance des Amantius, avaient été envoyés par
Africains, et en rappelant les victoires Jean pour observer les mouvements de
qu’ils avaient remportées sur Salomon, l’ennemi; sur leur rapport, le général
et les exploits de la tribu des Ilasguas, romain n'osa affronter en rase cam
qui avait autrefois triomphé de Maxi pagne leur innomhrable cavalerie; il
mien. Le général romain, sans s’ef résolut de les attendre dans une posi
frayer de ces menaces, congédia froi tion avantageuse, où il se fortifia. Les
dement les ambassadeurs, et donna Africains se répandirent alors dans
l’ordre de se préparer au combat. An toutes les plaines environnantes, et se
talas, l'instigateur de cette guerre, était prcparèrent à venir assaillir les Ro
impatient de venger la mort de son mains jusque dans leurs retranche
frère Guarizila. Pendant dix ans fidèle ments; tandis que Jean s’efforçait, par
allié de l’empire, il avait fait la guerre ses discours, de faire passer dans le
aux Vandales, et il n’avait cessé de cœur de ses soldats ia confiance et
rendre des services aux lieutenants de l'espérance qui étaient dans le sien, en
Justinien. Leur perfidie en fit un im leur rappelant leurs victoires passées,
placable ennemi des Romains, et il et la grande puissance du prince qu’ils
souleva contre eux toutes les tribus de servaient. Les deux armées ne tarde
l'Afrique. Ses messagers‘ avaient ap rent pas à en venir aux mains. Jean
pelé aux armes une multitude de peu donna le commandement de son aile
lades barbares cantonnées dans les droite à Gentius, qui avait le titre de
ieux les plus sauvages et les plus éloi maître de la milice. Il plaça sous ses
gnés. Parmi elles, on distinguait les ordres Putzintulus, Grégoire, Marty
Ilasguas , célèbres par leur férocité et rius, Genséric, Martianus et Sénator.
leur caractère belliqueux. La religion Il leur joignit Coutzinas, prince des
chrétienne n’avait point encore péné Massyliens, l’ami du malheureux Sa
tré parmi eux, leur chef Ierna. re lomon, et qui était resté attaché à
nommé par sa cruauté, et qui se pré l’empire; c’était un prince doué des
tendait issu de Jupiter Ammon , était plus rares qualités, et distingué par sa
en même tem s leur roi et le pontife gravité toute. romaine. L'aile gauche
de leur grau dieu Gurzil, le même était conduite par Jean, surnommé
que Jupiter Ammon. Je ne rapporte Sénior, que secondaient Fronimuth,
rai pas ici toutes les dénominations Marcentius, Libératus, et d’autres
barbares des peuples que la vengeance chefs romains ou barbares; parmi ces
d’Antalas soulevait contre les Ro derniers, on distinguait le Maure Ifis
mains ; il me suflira de dire que toutes daîas, et son fils Bitipten. Le général
les nations indigènes de la Byzacène, en chef s’était placé au centre, que
de la Tripolitaine, et des parties de la commandait Rhècinarius , guerrier
Libye qui s’étendent dans les déserts aussi brave que prudent, qui avait été
au midi de la Cyrénaîque, réunissaient antérieurement envoyé comme am
APPENDICE A L'HISTOIRE D’AFBIQUE. 99
bassadeur à la cour de Chosroès. Du l'usage de sa nation , le grand
côté des Africains, Ierna , le chef des ntife
Ierna donna le signal du com at, en
Ilasguas, chargé de défendre le camp lâchant contre les rangs ennemis un
pendant la nuit, avait fait é alement taureau furieux, consacré, avec un art
ses dispositions, et son or onnance magique, au grand dieu Gurzll. Les
barbare est digne de remarque ; selon deux armées s’abordent alors en fai
l'usa e des Africains, il avait envi sant retentir les airs des noms du
ronn son camp d'un mur . de cha Christ et de Gurzil. et des autres dieux
meaux, formés sur huit rangs (‘); il révérés par les idolâtres de l'Afrique.
avait placé, en seconde ligne, trois La bataille devient bientôt générale;
rangs de bœufs liés par les cornes, et des deux arts, on combat avec le plus
fixés à leur place. Ce double rempart grand ac iarnement. Les deux chefs
vivant formait un labyrinthe inextri signalent également leur valeur: Eilé
cable, au milieu duquel il était difficile nare, prince maure , qui, le premier,
de se frayer un chemin jusqu'à l’en avait osé affronter les bataillons ro
ceinte qui renfermait les bagages et les mains, succombe sous les coups de
familles des Maures. Antalas, fortifié Bhécinarius. Nombres d’autres guer
de la même façon, ne tarda pas à sor riers illustres parmi les Africains pé
tir de ses retranchements, et à s'unir rissent. Enfin, après une opiniâtre ré
aux soldats qui s'avançaient également sistance, Antalas est complètement
dans'la plaine. Il confia son aile droite vaincu, et son armée dispersée, tandis
aSidisan. Carcasan, chef renommé par que lui-même court chercher un asile
sa valeur chez les Ilasguas , conduisait ans le désert, et qu'il abandonne aux
‘la gauche. Antalas, qui connaissait la Romains les étendards qu'il avait au
valeur des Romains et l'habileté de son trefois conquis sur Salomon. Son allié
adversaire, marchait avec précaution, Ierna est forcé à la retraite, après une
évitant d'en ager son infanterie, et se défense non moins opiniatre. Hors
contentant e le harceler avec sa nom d'état de rétablir la bataille, il résiste
breuse et excellente cavalerie. Il épiait encore; après avoir vu enfoncer son
le moment favorable pour enga er double rem art de chameaux et de
une charge générale , quand , se on bœufs, il sefforce de soustraire au
I‘) Mures par castra camelis,
moins au vain ueur les simulacres de
Construit , octono circumdans ordino cnmpum. son dieu Gurzi , et il tombe en les dé
Connus, IV, 598. 599. fendant. La nuit et une prompte fuite
Le même poète parle encore ailleurs de cette préservèrent les restes de l'armée
manière de défendre les camps particulière maure d'une entière destruction“
aux Maures; il dit: Jean, après avoir triomphé d’Anta
Nain belliger Anstur las et de ses redoutables alliés, ne per
Sollicitus dubiu campis committcre pagnes,
Collocat lstrictis mures fossasque camelil. dit pas de temps pour assurer sa vie
Atque pecus varium , densa vallante coronn, toire; des détachements poursuivirent
Pouit; ut obicibus pugnames implicct boom, les vaincus dans toutes les directions;
Lmbiguosque prenant.
Idem. ibid., Il. 9x sqq.
d'autres subjuguent les villes et les
Procope parle aussi du même usage (de 6e]. châteaux de la Byzacène, où il laisse
'vand. , I, 8, et Il, n): il rapporte que, un corps d'armée qu'il croit suffisant
dans la circonstance dont Il s'agit dans son pour contenir le pays. Il ramène en
texte, les Maures disposèrent leur. cha suite ses troupes vers Carthage, où il
meaux en_cercle, év xûùip, sur douze de fait une entrée triomphale. Cependant
hauteur, uerre‘: 6:38am pinard mpfi'zlouc un nouvel orage se formait au milieu
nome-épave; 1:6 ‘mû peru’mou Billes; , au lieu des déserts de l'Afrique, et menaçait
de huit, comme dans l'occasion dont parle encore les possessions romaines. La
Corippus. L'un et l'autre exemple, au reste, nouvelle de la défaite d'Antalas avait
font voir combien était considérable le nom pénétré jusque dans les contrées les
bre des chameaux élevés par les Maures, lus reculées de l'Afrique centrale, et
(Note de Saint-Merlin.) bien loin d'y répandre la terreur, elle
7‘
100
avait animé toutes ces nations bar resse excessive avait tari toutes les
bares d'un profond sentiment de ven sources; les récoltes avaient manqué,
geance. Dans le temps même. où les et une horrible famine tourmentait les
Romains croyaient la puissance‘ des provinces et faisait de grands ravages
Maures anéantie , Carcasan , qui avait dans l’armée. Pour la aire subsister
commandé l'aile gauche de l'armée lus facilement , Jean fut contraint de
d'Antalas, et qu'on regardait comme a répandre sur un plus vaste espace ,
la gloire et l'espérance de sa nation, et de l'affaiblir ainsi en la divisant en
réunissait les guerriers échap au plusieurs-corps. Les Africains, plus ac
dernier désastre , les ranimait, es ins coutumés aux fatigues et aux priva
irait de sa haine contre les Romains. tions, eurent bientôt l'avantage. Le
fanatisme religieux ne tarda pas à général romain avait envoyé dans
s’y joindre; ces nations n'avaient pas toutes les villes maritimes, pour en
embrassé le christianisme, et c'était tirer les grains qui lui étaient néces
pour eux un motif de plus de conti saires; mais, pour comble de malheur,
nuer et de renouveler la guerre. Les les vents contraires empêchèrent tous
chefs mirent en mouvement les pou les arrivages. Jean ne fut pas arrêté
tifes et les devins de ces nations sau par toutes ces calamités; malgré les
vages. L'oracle de leur dieu Gurzil plaintes et l'insubordination de ses
promet la victoire; il annonce que les soldats, il poursuit sa marche, et, che
Romains succomberont sous la vail min faisant, il soumet les Astrices ,
lance des Languantans;que les Ma nation africaine, puissante et guer
ziques domineront à jamais dans la rière, dont il prend des otages. Les
Byzacène, et que Carcasan entrera vic Romains continuent d'avancer; et les
torieux dans Carthage. Les promesses barbares , tourmentés comme eux par
des dieux, la haute réputation de Car la faim et la soif, reculent en se diri
casan, lui amenèrent des auxiliaires; geant vers les parties les plus arides
les peuples des déserts qui environnent du désert. Cette retraite encourage les
le temple de Jupiter Ammon, ceux des soldats romains; ils avancent rapide
Syrtes, les Nasamons et les Garamantes ment dans un pays qui ne leur offre
viennentcombattre sous ses éteudards. plus d'ennemis, et ils s'arrêtent au
Les peuples des régions lointaines, où près d’un fleuve dont les bords, cou
sont les marais qui donnent naissance verts d'arbres, raniment l'espérance
au Nil, lui envoient des auxiliaires. de l'armée. On se hâte de s'y établir,
Carcasan ne perdit pas de temps pour mais sans yprendre aucune des pré
se mettre en marc e; il eut bientôt cautions prescrites par le général. On
envahi la 'l‘ripolitaine; il entrait dans se disperse dans les environs , on dé
la Byzacène, quand Rufin, qui en était daigne de se fortifier contre un ennemi
gouverneur, épécha un courrier vers qui semble fuir en toute hâte. Les
Carthage , pour avertir Jean de l'ap Romains étaient à peine arrivés en ce
proche des barbares. Surpris de cette‘ lieu, qu'ils y furent assaillis par les
nouvelle invasion, Jean donne aussitôt Africains , qui profitèrent de leur im
des ordres our rentrer en campagne. prudence pour les attaquer. Ils accou
Tous les 50 dats sont rappelés de leurs rent de tous les‘ points de l'horizon;
cantonnements; les alliés maures se les détachements romains se replient
réunissent aux Romains sous leur roi en désordre et avec perte sur le gros
Coutzinas , et on se dirige vers le de l'armée , tandis que Jean fait à la
Midi pour repousser ce nouvel ennemi. hâte ses dispositions, en s'appuyant
Carcasan, qui cro ait surprendre le sur la rive du fleuve. Il se place a la
général romain, s arrête et se replie droite avec Fronimuth et Coutzinas,
vers le désert, où il cherche à attirer le fidèle allié de l'empire. Il confie sa
son ennemi, pensant qu'il pourrait l'y gauche à Putzintulus et au Vandale
combattre avec plus d'avantage. On Genséric. Les Romains se forment à
était alors au fort de l'été; une séche la hâte, et se préparent à résister à un
APPENDICE A L'HISTOIRE D'AFRIQUE. I0!
ennemi qui les environna de tous les courent à des moyens ni leur sont
côtés, et dont ils ignorent les forces. plus familiers ,' et qu" 8 regardent
Carcasan profite avec habileté de la dis comme plus sûrs. Ils harcèlent l’armée
position du terrain, couvert d'arbres de Jean, détruisent le pays à de grandes
qui troublent les manœuvres des Ro distances autour de son cam ; puis,
mains. Ils résistent cependant; Jean ar des attaques simulées, ils atiguent
s'efforce d'arrêter les progrès tou es Romains , qu'ils entraînent à leur
jours croissants des barbares, mais il suite dans des cantons dévastés et dé
erd la meilleure partie et les plus serts, où ils espèrent les livrer à une
raves de ses soldats; plusieurs de ses mort certaine. Les Romains éprouvè
plus habiles officiers succombent; sa rent en effet les plus grandes priva
valeur est inutile, il est‘ contraint tions, en s'attachant à leur poursuite;
d'abandonner le cham de bataille, et les fatigues et la soif leur enlevèrent
de se retirer en toute âte-devant Car plus de soldats que le fer ennemi. Le
casan et les Maures victorieux. tribun Cécilides, qui conduisait l'avant
J eau fit sa retraite en bon ordre: se äarde, parvint cependant à les attein
condé par Rhécinarius, il parvint à re; les Maures furent vaincus dans
soustraire aux efforts des Africains les un premier combat, où ils firent une
restes de son armée , et il les condui 0 iniâtre résistance; plusieurs de leurs
sit a Laribe, ville forte de la Numidie, p us vaillants chefs succombèreut , et
environnée de vastes forêts , et dont un grand nombre furent faits prison
les remparts avaient été réparés depuis niers ; parmi eux, on distinguait Varin
peu par les ordres de Justinien; Jean nus. C iargés de fers. ils bravaient, ils
tions
se hâtaded' iI'Aappeler
rique les
restés
chefsfidèles
et les ànala injuriaient encore leurs vainqueurs;
pleins des promesses de leurs oracles.
cause des Romains. Des convois de IIS nourrissaient l'espoir de voir Car
vivres, des armes, des renforts lui fu casan victorieux chasser les Romains
rent expédiés de Carthage, tandis que et rendre la paix à l'Afrique; ils insuls
Jean, fils d‘Étienne, s'efforçait, par taient à la puissance de l'empereur,
les ordres du général, d'apaiser une ils rappelaient les combats livrés par
guerre qui s'était élevée entre Coutzi leurs ancêtres contre Maximien. Irrité
nas et Ifisda‘ias, autre chef maure du de tant d'audace, ‘le général les fit
parti des Romains‘. On parvint in as mettre à mort.
soupir une division aussi préjudiciable Malgré le succès qu'il venait d'ob
aux intérêts de l'empire; et Coutzinas tenir, Jean n'osa poursuivre plus loin
ne tarda pas à venir rejoindre Jean les barbares; il sétait a er u que ce
avec des forces considérables ; son n'était pas la crainte qui s aisait re
exem le fut imité par Ifisdaïas, qui culer devant lui, et il reco‘nnut les pé
vint u mont Aurasius avec beaucoup rils qui le menaçaient, s'iLs'acharnait
de vaillants guerriers. Il fut bientôt plus longtemps à leur poursuite. Il
suivi par Iabdas, le plus puissant des prit donc le arti de rétrograder à
princes de la contrée, accompagné de son tour, pour es attirer vers le rivage
son fils. Enfin, le préfet Bézina amena de la mer, dans les lieux où il serait
au camp romain toutes les forces dis plus facile de les combattre. Carcasau
ponibles de sa nation. Cependant Au et Antalas. qui observaient les mouve
talas, ranimé par la victoire de Carca ments des Romains , prirent cette re
san, avait repris les armes, et il avait traite pour une fuite; ils revinrent sur
de nouveau envahi la Byzacène. Il leurs as, et se postèrent dans des
s'unit à Carcasan. et tous deux ils es lieux e evés , tandis que les Romains
èrent être bientôt en état d'anéantir couvrirent de leurs tentes les bords de
es restes de l'armée, et de triompher la mer, en plaçant au milieu d'eux les
des alliés de l'empire. Ce n'est pas ce Maures alliés. La discorde se répandit
pendant à force ouverte qu'ils veulent bientôt dans l'armée: une sédition s'y
achever la ruine des Romains; ils re éleva; des chefs ambitieux cherchaient
102
à renouveler les criminelles entre tête de ses gardes. Ils ne tardèrent pas
prises des successeurs de Salomon. à mettre le désordre dans l’armée
Tarasès, Rhécinarius, et d’autres gé africaine, où ils firent un grand car
néraux , s'efl‘orcèrent de rétablir l'or nage. Coutzinas et les alliés maures
dre; leurs efforts furent vains, et cette furent moins heureux de leur côté; re
révolte aurait peut-être amené les plus poussés avec perte, ils étaient sur le
fâcheux événements, si Coutzinas et point d'abandonner le champ de ba
les Maures fidèles n'étaient accourus taille , quand ils virent Jean vainqueur
au secours du général. Les soldats arriver a leur secours; ils reprennent
‘es deux nations en seraient venus courage, repoussent leurs ennemis, et
.ix mains, si Rhécinarius n'était par les mettent dans une déroute complète.
lenu par ses discours conciliants à Cette victoire décisive mit fin à la
les calmer et à ramener la paix. Jean uerre d’Afrique. Antalas, sans espoir
décampa aussitôt, et vint rendre po e continuer la guerre, se soumit à la
sition dans un lieu appelé es Champs domination impériale, et lesbarbares
de Galon, dont la. situation nous est furent repoussés jusqu'aux extrémités
inconnue. Carcasan et Antalas l'y de l'Afrique. Pour Carcasan, il périt
suivirent, et vinrent se placer à par? sur le champ de bataille; sa tête, sé
de distance; et des deux côtés on ne parée de son corps, fut placée au haut
tarda pas à se préparer à une bataille d'une. lance, et promeuée dans les rues
décisive. Pour se rendre les dieux fa de Carthage. Ainsi fut accomplie la
vorables , les Africains leur offriront prédiction mensongère de ses devins ,
d’abondants sacrifices: les uns s’a qui lui avaient promis de le faire en
dressent à Gurzil, qui est Jupiter Am trer triomphant dans les murs de cette
mon; d'autres invoquent Mars, et capitale de l'Afrique. Jean ramena ses
d’autres encore résentent des vic troupes victorieuses dans Carthage, et
times humaines 21 eur dieu Mastiman. continua de gouverner l’Afrique, dont
On s'attaque au lever de l'aurore. rien ne troubla plus de longtemps la
Jean donne le signal du combat, en tranquillité.
chargeant lui-même les ennemis à la

un on L’APPENDICE.
uwu“umuuunuunwmwuuuummmwm mana.“ uuumum u u “ml . ‘ u

TABLE
DE L’HISTOIBB D’AFBIQUE SOUS LA DOMINATION DES VANDALES
Il’! SOUS LA DOMINATION BYZÀN’IINR.

A. Arianisme (l’) est embrassé par les Van


dales en Pnnuonie, 7 b et 81. b.
Abaritane ,- Genséric se réserve la pro Ana/M10’) de Carthage, 84 b; il est vi
priété de cette :rovince, 82 a. sité par l’empereur Majorien, 22 b.
Administrat‘iân romaine (l') survit à la Armban , officier arménien, gouverneur
conquête des ndales, 86 b; administra de l'Afrique, 93_b.
tion byzantine, 95 et suiv. ‘par; général romain, t3 a, b; 25 b;
Aétius, rival de ‘Boniface, 8, b.; sa per sa mort, 26 a.
fidie , ibid.; il t‘ vaincu par Boniface, 13, Axœ’rius, général de l'empire, 7 a.
b.; il est assassil é, [9 a. ‘ Alun/fa, roi des Wisigollis, 6 b.
Afrique; son ‘lat au moment de la con«. Alti/a, roi des Bons , s'allie à Genséric,
quête, u, b.; 50 s la domination byzantine, 17 b; se jette sur la Gaule, :8 b.
91 et suiv.; paci icatiou de cette province, Augustin (saint), sa mort, 13 a.
94 a; son histoi ‘e depuis la mort de Jus Am'nsius, montagne (l'Afrique, 92 a.
tinien, 94 a et 5 iv. Jure/ien (l'empereur) bat lesVandales, 3 b.
Aigu/z, officie. byzantin massacré par les Avilus, empereur déposé, 21 b.
Maures, 92 a.
Alains ‘réunis a x Vandales, 4 b; 5' a, b.
Alode germanitëie , 82 b.
Alexandra, olli ier de la maison de Pla Bale’ares (les îles), 8 a; tombent au pou
cidie, 29 b. voir de Bélisaire , 70 a.
zl/Ilu'tu‘, officier nylantin, arrête les en ilaiilisciu, général byzantin; il est battu
vahissements d’Yal as . 92 a. par Genséric; sa lâcheté, 24 et 25.
Jmalnji'id épuus 'l‘llrasamund, roi des Bélisaire; ses commencements, 42 a, b;
Vandales, 38 a; ex ite une révolte, 38 b; son armée, 42 l) et 43 a; sa sévérité, 44 a;
elle est mise à mor , 39 a. - ses discours aux troupes, 49 b; 53 a, b;
Amn/asunlha; sa réponse à Bélisaire sur il entre à Carthage, 56 a et 57 b; il donne
la possession de. la S'cile, 70 b.’ l’investitnre aux chefs maures, 62 a; il va
Jmmatas, l‘rère d Gélimer, 51 b; 52 a, à la rencontre de Gélimer, 65 a: sa dou
b; impression que anse sa mort au roi ceur, 67 a; il se rend maître d'Hippone ,
vandale, 54 I) et 55 68 b; il est accusé par ses officiers auprès
Jmpsaga, fleuve (1 Afrique, 1! b. de l'empereur, 73 b; il retourne à Cons
Anlalas, chef muu ‘e , 93 b. tantinople, 73 b et 7.’. a; son triomphe, 7s
Antonina, lemme e Bélisaire, 42 b; sa 1, b; Il est nommé consul, 75 a. -
prévownce, 1.5, a, b Boni/21cc (le comte) sert en Espagne , 7
Apolliuarius, ol'licx r byzantin, s'empare b; son portrait , sa vie, 8 a, b; il appelle
des iles l’ialéares, 7o . les Vandales en Afrique, 9 a; son repentir,
Arabes (les) s‘emp rent de la Cyréna'i u b; sa mort. 13 b.
que et’ de la ’J‘ripolita ne, 95 a. Boniface, serviteur de Gélimer; le roi
Arche‘Iaü: (le prél'e ); son discours à Bé vandale lui conlie ses trésors, 69 a, b.
lisaige, 46 l), 47 a;i conduit la llolt'e hy Bulla (plaine de), 55 a; 61 b.
zantine à Carthage, 5 a; il devient préfet Burgaun (la bataille du mont) perdue
du prétoire en Afrique, 92 a. par les Maures, 92 a.
Are’abimk (le sénateur) partage le com Byzacène, prmince soumise à Genséric,
mandement en Afri ne avec Sergius, 93 b; 16 a; 17 b; ses évêques sont exilés, 38 a;
il est assassiné, i6‘ elle est envahie parles Maures , 39 a.
104 TABLE
C. Cfrus, officier byzanlin , gouverneur de
la Pentapole, 93 a.
Ca/onfmc, amiral byzantin, aborde à Car«
tbagc, 56 b; sa lin, 57 a.
Camut, noble vandale; traitement que lui
fait subir Huuéric, 32 a et b. Dur-in: est envoyé par l'impératrice Pla
Caracal/a (l'empereur) ; ses tentatives cidie à Boniface, 12 a.
pour désunir les barbares, 3 b. De'cnni ou Taihunfalh, juges vandales,
Caralis, ville de Sardaigne, 60 a. sa a ; leurs fonctions dans l'armée, 83 b.
Carcasan, chef maure, 94 a. Decimum (gorges de), 5! b et 52 a.
Carthage; tableau de cette ville, 15 b; Deagraliar, évêque de Carthage; sa cha.
elle est prise par Genséric, t6 a; concile de rité et sa noble conduite, 20 b.
Carlbage, 33 a; Calonyme y aborde, 56 b; Didyme, chef espagnol, 4 b.
elle est occupée par Bélisaire, 56 b; ses for! Diogèue. officier byzantin; sa bravoure,
tilicalions réparées,‘ 60 a; conspiration tra 59 a , b; 60 a.
mée dans cette ville contre la domination Domaines (les) du roi chez les Vandales,
byzantine, 63 b; elle est prise par les Ara 80 a , l).
bes. 95 a. Donan'rles (les) s'unissent aux Vaudalœ
Cassioa'ore , général romain , repousse au moment de l'invasion, u a, 84 b.
Genséric, t7 a.
Cam'mu, général romain; sa conduit
en Espagne. 7 a.
Catholiques (les) de l'Afrique persécutés, Erpagne ; son état après la conquête des
16 a; leurs églises rouvertes, 26 b; les ca Vandales, 5 a, b; 6 a.
tholiques persécutés de nouveau par Huilé Epiphnnius, archevêque de Constantino
ric et ses successeurs , 32 b, 36 a b, et 37 ple , bénit les soldats de Bélisaire qui par
a, b; fin de la persécution, 39 b ; ils triom tout pour l'Afrique, 43 b.
phent par Bélisaire, 58 a. Euagis, prince vandale, frère d'Oamer,
Cmlcnarii (les) , juges vandales, 82 a ; ce 39 b; il est assassiné, 51 b.
qu'ils élaient dans l'armée, 83 b. .Eudozie (l'impératrice) appelle Genséric
Ce'sare'e tombe au pouvoir de Bélisaire, en Italie, 19 b; elle est emmenée prison
6 b. nière à Carthage, no b, et renvoyée à Cons
964mm, ville d'Afrique occupée par les tantinople, or a.
Byzaulins , 70 a. Eudozie, fille de la précédente et de Va
Champs de Catan. Les Maures {y sont lentinien, épouse Hunéric, fils aîné de Gen
ballus. 94 a. séric, 21 a; sa dot, 29 b.
Commerce de l'Afrique sous les Vandales, Luric, roi des Wisigoths, :8 b.
88 a, l), et 89. Évêque: persécutés par Hunéric, 36 b
Conseil de guerre tenu par Bélisaire, 46 37 a; leur pouvoir dans les villes d’Afri
a. 47 a, b. que, sous les Vandales, 87 b.
Conseil des rois vandales, 79 b. Ezaclorer, percepteurs de l‘impôt, 8o;
Constantin (l'usurpateur). 4 b, 5 a. choisis , même sous la domination vandale,
Copie: (teiuturiers de), 88 b. parmi les Romains de l'Afrique, 86 b.
Camp/nus (le poële); son poème sur Jean Exportations de l'Afrique, 86 b.
Troglita, 93 b.
Carre (l’ile de) conquise par Genséric, F.
23 b; les troupes byzantines la reprennent,
69 b. Fora, officier de Bélisaire chargé de sur
Casinos, chef des Maures, 92 a; sa fin, veiller les mouvements des Maures, 63 a ,
94 a. 68 b; il assiégé Midenos, 70 b; il écrit à
Cfprienne (fête), 58 a. Gélimer, 71 b; il décide le roi vandale à se
Cïre'naïque (la) tombe au pouvoir des rendre, 72 b.
Arabes, 95 a. Fisc impe'rinl,‘ ses exigences ; il appauvrit
Cfril/e, officier byzantin , arrive a Car et ruine les populations , 6 a, 28 a, 80 b,
thage, 61 b; il fait la conquête de 1s Sar 96 a , b.
daigne et de la Corse‘ 69 b. Fartunat (le poêle), 9o.
Cyrm, général romain, :7 1. Frank: (les) battent les Vandales, 4 b.
DE L’HISTOIRE D’AFRIQUE 105
G. Gundéric, frère de Genséric, est assas
siné, 9 b; sa veuve et ses enfants tués par
Galbion, général envoyé par l'impéra Genséric, 15 b.
trice Placidie contre Bonil'ace révolté , 8 b. Gun/lmmund, roi des Vandales; sa to
Gasmul, roi maure ; ses projets hardis , lérance, ses guerres , ses relations avec les
94 a; sa fin, 94 b. Oslrogoths, 37 b.; sa mort, 38 a.
Gaua‘cntius, fils d'Aélius , prisonnier de Gurzil, Jupiter africain, 94 a.
Genséric, a: a, 23 h.
Gélimer, roi des Vandales; son avéne
ment et sa lettre à Justinien , 39 a, b; son
imprévoyance, 48 a; ses fautes, 54 a, b; Han-an , chef arabe, détruit Carthage ,
sa défaite , 55 a; il surveille les mouve 95 a.
ments de l'armée grecque, 59 a; il rappelle lleldic, noble vandale; sa mort, 32 a.
de la Sardaigne son frère Tzazon. 62 a, l) ;
Hérac/im, général romain. :4 b.
il marche sur Carthage, 63 a, b; sa fuite,
He'mclius (l'empereur), 94 b.
66 a; sa défaite, 67 a; ses trésors, 69 a;
He‘re‘ries, en Afrique, 27 b.
ses demandes à Fara , 72 a; il se décide à
se rendre , 72 b ; il est conduit à Carthage, Hermionc, ville (le la Byzacène. résidence
73 a; à Coustantinople, 73 b, 74 h , 75 a. des rois vandales, 51 b, 80 a.
Gennaa’ius, gouverneur de l'Afrique sous Hcrmigar, chef suève, battu par Genséric,
Tibère , 94 b. 10 a.
Genséric,- motif de son expédition en He’rule: dans l'armée de Bélisaire, 42 b,
Afrique, 9 a; son inaction, 14 b; il étend repoussés de Midenos, 70 b.
ses conquêtes, 16 a ; il attaque l’Italie et la HiMe'ric, roi vandale; sa toléranceI 38 h;
Sicile, 17 a, b; il envoie des émissaires à ses relations avec l'empire d'orient; il est
Attila, 17 b; il fait la paix avec Valenti déposé, 39 a. l); il est assassiné, 5: l); ses
nien, r7 b; ses alliances avec différents filles sont bien accueillies par Justinien,
peuples, 18 a. b; il pille Rome, {9 l); il 75 a.
demande la paix , 23 a; il échoue devant Hip/zane, ville (l'Afrique , m a; elle est
Alexandrie, 26 a; sa mort, son gouverne assiégée par les Vandales, n l); elle se rend,
ment , 26 b et suiv.; son portrait, 28 b, 29 13 b; elle est prise par Bélisaire, 68 b.
a, b. Hundafalh, titre de certains juges chez
Genzan, fils de Genséric, 25 a; il est per les Vandales, 82 b.
sécuté par Hunéric, 34 a. Hune'ric donné en otage à l'empereur
Ge'roulius, 5 a. d'orient, 14 a; son avènement au trône,
Gcrmanus, neveu de Justinien, envoyé 29 b; sa conduite cruelle envers sa famille,
contre Stozas, 92 b. 31 b et 32 a; son édit contre les catholi
Ge'IuIIe, proiince d'Afrique. dont Gensé ques, 33 et suiv.; sa mort, 37 b; la part que
ric se réserve la possession, 82 a. lui assigne Genséric dans la conquête de
Gibamlmd, neveu de Gélimer, 52 a; mas l'Afrique, 82 a, l).
sacré avec le corps d'armée qu’il comman
dait, 52 b, 53 a.
Huns (les) au service de l’empire byzan—
Gibbon; une erreur de cet historien , 51 tin . 44 a; ils combattent contre Giba
a, b. mund, 52; ils conspirent en faveur de Gé—
Godas, chef vandale, se révolte contre
limer, 63 b; leurs dispositions à la bataille
Gélimer, [.1 b, 48 b; il est tué, 60|). de Tricamara , 65 a ; ils se rattachent déli
Gontharîs se rend maître de Carthage, nitivement à Bélisaire, 65 b.
3 l).
9 Goth: (les) se précipitent sur les Vanda l.
les, 4 a; ils envahissent l‘Fspagne, (3 1); ils
s'allient aux Vandales, 18 a, b; ils trahis Iermz, chef maure, 94 a.
sent Majorien, 23 a. llasguas, tribu maure. 94 a.
Gatllze‘c, ambassadeur de Gélimer à Theu Ildiger, officier byzantin, amène des ren
dis, 6x :1. ' forts à Salomon, 92 a.
Grasse, ville d'Afrique, 5: a, b. Importations en Afrique, 89 a.
Gre'gaire, dernier préfet du prétoire en Industrie des Vandales, 89 a.
Afrique, 95 a.
106 ‘TABLE
J.

Jean, général au service de l'empire, ga Mäjorien (l'empereur), au a; il équipe


gué par Genséric, 17 a, b une otte, sa‘ a, ; il va sous un déguise
Jean, de Cappadoce; son discours dans ment à Carthage, au b; sa flotte bru
le conseil de Justinien relativement à l’ex lée, 23 a; sa mort, ibid.
pédilion (l'Afrique, 41 a, b; il fournit des Malte , ile de la Méditerranée prise par
vivres aux troupes, [.4 b. les Vandales, 21 h.
Jean, I'Arménien, combat contre Am Mamma (bataille de), 92 a.
matas, 52 b ;‘il sort de Carthage à la tête Mandrocium, port de Carthage, 55 b,
d'un corps d'élite , 64 b; il poursuit Géli 92 a.
mer, 67 1); sa mort, ibid. Mannert; jugement sur son histoire des
Jean, officier de Bélisaire , occupe Césa Vandales, r a, b.
rée, 69 b. Marcellianus en Sicile , 23 h; son rôle
Jean Rogathinus , gouverneur de Car sous le règne d’Anthemius , 24 a; en Sar
thage , 94 a. daigne, 24 b; sa flotte, 24 b; sa mort, 25 a.
Jean, fils de Sisiniolus, 93 1). Marc/rands de Carthage pillés par les
Jean Troglita , 93 b; il bat les Maures, soldats byzantins, 57 a.
94 a. ' Jllnl'cien, neveu de Justinien, bat les
Jocundus, patriarche arien; son supplice Maures , 94 a.
ordonné par Hunéric, 32 l). Marconmn: font la guerre aux Romains,
Jlmiuiana, nom donné à Carthage, 96 a. 3 l).
Justinien; ses lettres à Gélimer, 391); sa Marcus ,- son histoire des Vandales, 1 a,
joie à la nouvelle du succès de l'expédition b; 2 a, b; 5b; 6a;sesopinions, rab;
de liélisairef, 74 a; il prend le titre d'A 14 a; 34 l);54 l); 85a, b; 82 a.
fricain, 77 b, ‘et sniv.; il rétablit l'adminis Marine des Vandales, 84 a, b.
tration romaine en Afrique, 86 a. Jllaures, peuple allié de; Vandales, rob;
ce qu'ils étaient sans Genséric, 28 a ; guerre
contre les Vandales, 30 b, 31 a,- b; guerre
avec Gunthamnnd, 37 h; avec Thrasamund,
Kairouan, ville fondée en Afrique par 38 h; avec Hildêric, 39 a; ils sont battus
les Arabes, 95 a. par Gélimer , 39 a; leurs dispositions à
KM 0! (sortes Vandalici), lots des Van l'égard des Byzanlins après la prise de Car
dales ans le partage des terres conquises, thage par Bélisaire, 6x b, 62 a , 68 b;
82 h. leurs mœurs, 7.' a; ils sont battus àMamma,
92 a; quatre-vingls Maures massacrés con
L. tre la foi des traités , 93 a.
Mauritanie Siliûenne soumise par Saloc
Laurus, citoyen de Carthage , conspire mon, 93 a.
contre les Byzantins, 63 b. Mauritanie: soumises aux Vandales, 21 a;
Légendes, 57 b, et suiv. dévastées par Genséric, 23 a.
Men (le pape) protégé Rome contre Gen Illa‘oors, officier romain , envoyé contre
série, 19 l). Boniface révolté, 8 b.
Lc'on (l'empereur), 24 a; il équipe une Mnzimu: (Pétronius) est fait empereur,
flotte, 24 b; sa mort, 26 a. x9 a.
Letlre: de Gélimer à Tzazon , 62 a, b; lllazr'me, chef de révoltés , 93 a.
de Bélisaire aux officiers goths qui com Méditerranée; destinée des peuples qui
mandaient en Sicile , 70 a; d'Amalasuntha habitent sur les bords de cette mer, 16 b.
à Bélisaire, 70 a, b; de Fara à Gélimer, Mercure (cap de) doublé par la flotte by
71 b; de Gélimer à Fara, 72 a, b; de Jus unline, 55 l), 56 a.
tinien à Bélisaire, 91 l). Jlfidenar, ville maure, 68 h; assiégée par
Lilybée, ville de Sicile prise par Gensé Fara, 70 b; description de cette ville, 71 b.
Tic, 17 a; les Grecs repoussés devant ses Mil/ermrii, chefs vandales, 81 a.
murs. 70 a. Moawiah (le khalife), 95 a,
Littérature des Vandales et des Africains Mœurs des Vandales, 90 b, et suiv.
sens la domination barbare, 90 a, b. Molocha (sources du fleuve), 88 b.
Murailles (les) de toutes les villes d'Afrl
DE L’HISTOIRE D’AFRIQUE 107
que abattues après la conquête vandale, Pudentius, agent secret de J'ustinien,
84 a. 4: b; il est attaqué par les Maures, 7 a.
N. Panique (la race). u a.

Nauder (Il/L); son mémoire sur l'état des


personnes en France, etc., 81 a.
Noblesse chez les vVandales, 81 a,‘ b; le
Religion des Vandales , 84.
roi peut appliquer aux nobles des peines Repas donné par Bélisaire à ses officiers,
infamantes, 81 l); ouvrier enuobli, 90 a. 57 a.
Natarii , employés du magistrat vandale liicimer bat les Vandales, a: b; ses in
appelé præposilus regm', 81 b. trigues, 23 b.
Roi (le): son pouvoir et ses attributions
0. chez les Vandales, 78 b, 79 a; son conseil,
79 a, 1); son domaine, son trésor, l’em
Oamer, surnommé I'Achille des Vandales, ploi de ses deniers, 80 a , b.
39 a , b; il est assassiné par ordre de Gé liomains; leur état en Afrique après la
limer, 51 b. conquête vandale, 85 b; 86 a, b.
Organisation politique des Vandales en [tome pillée par les Vandales, [9 b; 29
Afrique. 78 a, b, et suiv.; organisation ju a, l».
diciaire, 81 b, et suiv.; organisation mili Rufiu , officier byzantin massacré par les
taire; 83 a, b. Maures, 92 a.
Ornement: de l’ancien temple de Jérnsa
lem rapportés de Carthage ‘a Constantino S
ple , 74 b.
Ostrogoths (les) s'allient avec le roi van Salomon , général b zanlin . commande
dale Gunthamund, 37 b. l'armée d'Afrique en l'a sence de Bélisaire,
73 b; sa campagne au mont Aurasius, 92 b;
il est tué à 'l‘heveste, 93 a, b.
P.
saluien, 9 b.
Pannanie ; les Vandales s'y établissent, sara'aigne prise par les Vandales, 23 b;
4 a. ils la perdent, 24 l); nouvelle conquête de
Papencardt .- jugemeut sur son histoire l’île, 25 b; Tzazon , frère de Gélimer . y
des Vandales, a a, b. soumet Godas, 60 a, 1); elle est attaquée et
Pappua, montagne d’Afrique, _70 b, 73 a. envahie par Cyrille, ol'ficier byzantin, 49 b.
Partage des terres de l’Afrique entre les Scalæ cetera (plaines de) ; Stozas y est
Vandales conquérants, 82 a. battu , 93 a.
îersel (les) en guerre avec Justinien, sergius, neveu de Salomon, rallume la
40 . guerre avec les Maures, et succède à Salo
Præpositus regm', grand magistrat ch mon dans le commandement de l’armée ,
les Vandales, 81 b, 82 a.
93 a, b.
Præpasitu: judzcii: romains; attributions
de si: magistrat sous la domination vandale, Sévère,- sa mort , 23 b.
86 . Sicile (la) est attaquée par Genséric , 17
Proêus (l'empereur) bat les Vandales dans a; elle est conquise par les Vandales, 25 b;
la Germanie, 4 a. les Grecs ne peuvent la prendre, 70 a.
Proconsu‘laire (la), province d'Afrique Sigiswulde, officier romain envoyé con
soumise à Genséric, 16 a , 17 b; partagée tre Bonil'ace révolté , 8 b.
entre les guerriers vandales , 82 a. Silingu (Vandales), 5 b.
Procope (l’historien); son départ dé Cons Sinoz , officier romain envoyé contre
tantinople, A3; appréciation de son ou Boniface révolté, 8 b.
vrage , 43 b; ce qu'il fait à Syracuse, 46 Sinuessa; la flotte vandale y est battue,
a, b; sa réponse à Archélaüs,“ ", b; an a , b.
.58 a. sana: se révolte contre J'ustinien, 92 b:
Procuratores, percepteurs de l'impôt sol. il sort de sa retraite, 93 b.
la domination vandale , 80 b. succession (loi .de) chez les Vandales,
Propriétaires romains devenus colons, 80 a. '
86a; parJustinien, 95 b. Suèves (les) s'unissent aux Vandales, 4 b.
108 TABLE DE L'HISTOIRE D'AFRIQUE.
suintlsilas, roi (la s'empare Uÿr/u'ltu; sa Bible, 90 b.
de plusieurs villes en Afrique, 94 b.
sjlleclum , ville d'Afrique occupée par
V.
Bélisaire, 50 a.
Valenlinien (l'empereur); sa mort, :9 a.
T. Vandale: ; leur origine ; leur séjour en
Taihundafath, chefs germains, 81 a; ju Germanie, 3 a, b; ils s'unissent aux Bur
ges pendant la paix, 82 a; explication de gondes, A a; passent en Espagne, 4 b; ils
ce mot, 83 a. triomphent des Goths et des Romains, 7
Tailmnfalli. Voy. De'cani. . a, b; , ils9 sont
niface et clés en Boniface
a; .ilspbattent Afrique ,par
sa Bo
a;
Tam'muth est attaqué par les Maures,
70 a. leurs cruautés, ra b; ils pillent Rome, 19
Tennis, ville (l'Afrique, 70 a. b; ils s'emparent de la Mauritanie et de la
Teslament de Genséric, règle l'ordre de Tripolitaine, or a; leurs courses sur mer,
succession au trône, 80 a. 21 a, b; ils brûlent la flotte de Majorien,
Teucarie, victime des cruautés'de Huné 23 a; leurs pirateries, a3 a, b, 24 a; ils
ric; saÿmort. 32 a. brûlent la flotte des Romains, 24 b, 35 a.
Théodora (l'impératrice), 74 a. . 26 a ; étendue de leurs possessions en Afri
T/ie'adore, officier b zantin; amené de que sous Genséric, '18 a , 1); leur portrait
nouveaux renforts à Sa omon, 92 a d'après Orose , 28 b; leurs guerres avec les
T/ie'oa'oric, roi des Oslrogoths, s'allie avec Maures, 30 a, 31 a, b; leur expédition en
les Vandales, 18 b, et 26 a. Sardaigne, 48 a , b; ils sont battus à Déci
Theudis, roi des Wisigolhs, ‘rejette l'al< mum, 55 a; les Vandales de la Germanie
liance de'Gélimer, 60 b; 6! a. envoient des députés à Genséric, 58 b; des
T/sevcslc (bataille de) gagnée par les Mau tinée des Vandales, 75 a, b; ils ne ser
res, 93 a, b. . vaient pas à pied dans les armées, 84 a;
Thrasamund, roi des Vandales; sa con causes de la chute de l'empire vandale, 76
duite à l'égard des catholiques; ses allian aet b, 77aet b,et 78a.
ces, 38 a; ses guerres; sa mort, 38. Vandales modernes , 76 a
Tel/ius; son récit sur les Vandales mo Veram'en, chef espagnol , arrête les Van
lernes , 76 1. dales aux Pyrénées, 4 b.
Trésor: (les) de Gélimer, 69 a. Ven'ne (l'impératrice), 24 b.
Trimmara (bataille de), 64 b, et suiv.
Tripolitainc, province soumise aux Van W.
dales, or a; aux Arabes, 95 a.
Trjphon et Eustratius envoyés en Afri Wallia, roi des Wisigoths, 6 b; 7 a.
que pourfaire un nouveau cadastre, 96 a. Wisigat/u (les) alliés de Genséric, 18 b ,
(Tunis (lac de); la flotte byzantine y jette - au b.
l'ancre, 56 b. . Y.
Tzazon , frère de Gélimer , 48 b; il
triomphe en Sardaigne, 60 a; sa‘lettre ‘a Yabdas, chef maure, commande sur le
Gélimer, 60 b; il quitte la Sardaigne, 62 b; mont Aurasius , 92 a.
son entrevue avec Gélimer, 63 a ; sa mort ,
65 b; sa tête portée en Sardaigne , 69 b.

Il‘.
Ze‘non (l'empereur) demande la paix à
Genséric, .26 a;-il négocie avec Hunéric ,
Uliaris, officier des gardes de Bélisaire, 29 b. '
54 a; il tuo,._.:Jean l’Arménien , 67 b; il Zeugitane‘, province (l'Afrique occupee
, obtient son pardon, 68 a. par les Vandales, :7 b.
0.00m MOCMMOCOÇM“

TABLE GÉNÉRALE
DE L'HISTOIRE DE L’AFRIQUE ANCIENNE. ‘

Pages.

l’märaca na L’Émraoa................................... 1-Iv


ESQUISSE GÉNÉRALE DE L’AFRIQUE, par M, d’Avezac . . . . . . . . . I- [.8
IN'raonUc'rIoN a LA DESCRIPTION m‘ a L’BISTOIRE m: L’AriuQUz
ANCIENNE, parlcmème. 49-66
LA LIBYR raorax COMPRENANT LA CYRÉNAÏQUE ET LA Manus
nIQna, parlen|ème.................................. 67-158
CARTHAGE. -.
Première partie, par M. Bureau de la Malle . . . . . . . . . . . . . . 1-69
Deuxième partie, par M. Jean Yanoski . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80-172
HISTOIRE DE LA NUMIDIE ET uns MAURITANIES, par M. L. La
croix 1-96
L’ArnIQUE CHRÉTIENNE, par M. Jean Yanoski. .. . . . . . . . . . . . . . 1-63
HIs'roma in: LA DOMINATION nas VANDALES EN AFRlQUE , par
M. JeanYanoski..................................... 1-91
HISTOIRE DE L’AraIQUa sons LA DOMINATION nrzmrme , et
Arrnnmca à cette histoire par le méine.. . . . . . . . . . . . . . . . . 91-102

FIN DU VOLUME.
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En tête de la deuxième partie se trouve l’histoire de Carthage, par
MM. Dureau de la Malle et Jean Yanoski. C’est le morceau le plus complet qui
ait été écrit sur cette ville célèbre. On y rencontre tous les faits et tous les résul
tats critiques contenus dans les travaux des érudits français, et aussi dans les
ouvrages composés à l’étrañger par Campomanes Münter, Heeren, Bottiger,
etc. Elle renferme, sur la troisième guerre punique, des détails pleins d’intérét
et très-dramatiques, que l’on ne.trouve dans nul autre livre.
Vient ensuite l’histoire de la Numidie et de la Mauritanie. Les faits qui
'se rapportent à cette histoire étaient disséminés dans mille ouvrages divers.
L’auteur les a tous recueillis avec soin et classés. Il a divisé son travail en trois
parties : 1° la Numidie, iusqu’aux Romains; 2° la Mauritanie, iusqu‘aux
Romains; 3 ° la Numidie et la Mauritanie sous les Romains. jusqu ’à la conquête
de l’Afrique par les Vandales. Cette division répand sur l'ensemble des faits
une vive lumière. L'auteur de ce travail est M. L. Lacroix. ancein élève de
l‘Ecole normale, professeur d’histoire au collège Rollin.
M. Jean Yanoski a repris alors. dans leur ensemble, toutes les provinces.
depuis les limites les plus orientales de la Tripolitaine iusqu‘à I'Atlantique.
pour raconter les origines, les développements successifs. la grandeur. la déca
dence et la chute de l’Eglise d’Afrique. Rien d'important. en ce qui concerne
les hommes et les dœtrines, n’a été omis dans ce fragment d‘histoire ecclésias
tique. qui a pour titre l’Afrique chrétienne.
Enfin. M. Jean Yanoski a terminé le volume par une histoire de
l’Afrique sous la ‘domination vandale et sous la domination byzantine.
L'auteur ne s’est ‘point borné à donner ses propres recherches; il a en soin de
reproduire tout ce qu’avaient écrit. avant lui. à diverses époques, Lebeau
Gibbon, Mannert. Saint-Martin, l‘Acade‘mie des inscriptions et belleslettres.
etc., et tout récemment MM. Louis Marcus et Papencordt.

Mai :854. FlRMlN DIDOT FRÈRES

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