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La prévention des risques technologiques et


professionnels en France et en Grande-
Bretagne, des années 1970 à nos jours

62-79 minutes

1
Cet article entend traiter simultanément de la prévention des
risques dits « technologiques » ou « industriels », c’est-à-dire
des dangers susceptibles d’affecter les riverains de certains
sites industriels, d’un côté, et de la prévention des risques
professionnels, c’est-à-dire des accidents du travail et des
maladies professionnelles, de l’autre. C’est le fait d’avoir
choisi de comparer la France à la Grande-Bretagne, sur ces
questions, qui nous impose une telle ambition: les
Britanniques regroupent en effet sous le même vocable de
« risks at work », que nous avons traduit ici par le terme
« risques liés aux activités productives », les divers dangers
générés par des personnes au travail, que ces dangers les
concernent elles-mêmes (risques professionnels) ou que ces
dangers soient capables d’affecter des personnes autres que
celles qui sont au travail, c’est-à-dire essentiellement les
riverains des sites particulièrement dangereux (risques
technologiques ou industriels). À l’inverse, les Français, de
même d’ailleurs que les institutions européennes, abordent de
manière séparée les risques « technologiques » d’un côté, et
les risques professionnels de l’autre. Ces différences, entre les
deux pays, dans leurs façons respectives de formater le
problème, renvoient à de notables différences dans les façons
d’y répondre, et donc dans les architectures respectives de
leurs systèmes de prévention des risques technologiques et
professionnels.

2
Les systèmes de prise en compte des risques professionnels
et technologiques, tant en France qu’en Grande-Bretagne, se
sont construits lentement et progressivement, dans leurs
contextes nationaux respectifs, pendant plus d’un siècle et
demi, avant de se réformer dans les années 1970 et de se
stabiliser, d’un point de vue institutionnel, dans les formes
qu’on leur connaît maintenant. Ainsi, le Health and Safety at
Work Act (1974), qui notamment rassemble au sein de
l’agence Health and safety Executive toute une série de
fonctions jusque-là dispersées, constitue encore de nos jours
la référence première des Britanniques sur ces questions.
Bien qu’ils n’aient pas été l’objet de modifications
structurelles depuis les années 1970, les deux systèmes ont
toutefois été fortement et diversement affectés par plusieurs
directives européennes dans les années 1980- 1990:
l’obligation imposée aux industriels d’une évaluation a priori
des risques, qu’il s’agisse des risques
technologiques [2][2] Directives « Seveso 1 et 2, concernant
la maîtrise... ou des risques professionnels [3][3] Directive-
cadre de 1989 « concernant la mise en œuvre..., a notamment
eu des effets différenciés dans les deux pays. Enfin, les
années 2000 constituent des moments de crise, de critique
sévère et de remise en cause, pour tout ou partie des deux
systèmes, de part et d’autre de la Manche, mais ceci pour des
raisons et dans des contextes qui restent eux-mêmes fort
différents.

Encadré: Méthodologie
Pour rendre compte, de la manière la plus complète possible,
des structures et organisations respectives des deux
systèmes de prise en compte des risques liés aux activités
productives, ou caractériser les divisions juridico-
institutionnelles existantes, en France et en Grande-Bretagne
sur ces sujets, nous avons effectué de nombreux allers et
retours non seulement entre les deux pays, mais aussi entre
leurs histoires respectives, et les situations contemporaines.
Une bonne partie du temps alloué à la recherche a consisté à
s’imprégner progressivement des « contextes » nationaux,
tant par la lecture de textes officiels ou stratégiques actuels
que par la mobilisation de travaux à caractère historique. Ces
lectures ou relectures doublement croisées (les deux pays et
leurs « histoires » respectives vis-à-vis de notre sujet),
forcément incomplètes et inégales, ont été sources de
questionnements multiples; et c’est parfois en remontant le fil
de l’histoire, à partir d’un étonnement premier devant certains
détails, que nous avons eu le sentiment d’apprécier le mieux
les différences entre les deux pays.

Dans la seconde phase de notre recherche, nous avons réalisé


un nombre limité d’entretiens, essentiellement en Grande-
Bretagne, auprès d’acteurs de terrain et de responsables de la
politique britannique vis-à-vis des risques professionnels et
technologiques. Ces entretiens, choisis en accord avec la
direction du Health and Safety Executive et préparés par des
échanges électroniques préalables, ont été effectués sur un
mode semi-directif. Nous les avons retranscrits, traduits et
largement utilisés dans le rapport de la recherche (Galland et
al., 2006) dont est issu cet article.

Cette recherche a été financée dans le cadre l’appel à projets


« Santé et travail » lancé par la MiRe, la Dares et la Mission
Recherche de La Poste à l’automne 2003.

3
Au début des années 1970, en France, la prévention des
risques et maladies professionnels est prise en charge par
trois catégories d’intervenants institutionnels [4][4] En
dehors des intervenants internes à l’entreprise... fort
différents (inspecteurs du travail, préventeurs, médecins du
travail), dont les champs respectifs d’action sur ces questions
auront été dans chaque cas le fruit d’évolutions longues.

4
Les inspecteurs du travail sont historiquement les premiers
acteurs de la prévention des accidents du travail, ce dès la fin
du XIXe siècle. Bien que « généralistes », c’est-à-dire
concernés par bien d’autres questions que celles des risques
professionnels, les inspecteurs et contrôleurs du travail
français se sont notamment beaucoup investis dans la
prévention des divers dangers liés à l’usage des machines, et
se sont progressivement appuyés sur le Code du travail pour
faire respecter les nombreuses réglementations sur ces
questions.

5
Les ingénieurs et autres « préventeurs » des caisses
régionales d’assurance maladie (CRAM) doivent de leur côté
leur existence à la mise en place de la Sécurité sociale, en
1945. Lorsque les assurances privées destinées à la
réparation des accidents du travail et des maladies
professionnelles ont été « fondues » dans la Sécurité sociale
pour y former la branche accidents du travail-maladies
professionnelles (AT-MP), l’accent a été mis sur l’ambition, à
cette occasion, d’articuler prévention et réparation [5][5] Loi
du 30 octobre 1946 sur la prévention et la réparation.... C’est
ainsi que la tenue des statistiques en matière d’accidents du
travail, le calcul des primes dues par les entrepreneurs (et
leur modulation par l’instauration d’un principe bonus-
malus), la diffusion de guides de bonnes pratiques en matière
de prévention, et l’essentiel de la recherche sur le sujet ont
été confiés aux « préventeurs » des CRAM et à l’Institut
national de recherche sur la sécurité (INRS), sous la houlette
des partenaires sociaux.

6
Les médecins du travail, quant à eux, trouvent leur origine, au
début du XXe siècle, dans la mouvance de « l’hygiénisme
industriel » (Buzzi et al., 2006). Mais l’obligation, pour les
industriels, d’employer un médecin du travail, à temps
complet ou partiel, a été instaurée sous Vichy, puis confirmée
à la Libération. Les médecins du travail sont naturellement
destinés à s’intéresser à la prévention des maladies
professionnelles, mais force est de constater (Aubin et al.,
2007) que l’essentiel de leurs tâches, tout au moins dans
l’immédiat après guerre, s’est plutôt focalisé sur le traitement
individuel de l’aptitude au travail des salariés.

7
À la fin des années 1960 en France, le terme de « risque
technologique », si l’on entend par là l’ensemble des dangers
susceptibles de concerner les populations riveraines de sites
industriels, n’existe pas encore. Certes, depuis 1810, les
établissements produisant des « nuisances » sont « classés »
en fonction de leur dangerosité et un corps d’inspection
spécifique a été créé, tout au moins sur le papier, pour aider
les préfets à autoriser, ou non, les mises en exploitation
d’installations nouvelles ou pour effectuer un certain nombre
de contrôles. Mais la fonction d’inspecteur des installations
classées n’est pas totalement stabilisée, à tel point d’ailleurs
que, pour des raisons quelque peu conjoncturelles [6][6] Une
loi de 1917 oblige désormais les préfets à nommer..., ce sont
majoritairement les inspecteurs du travail qui exerceront cette
fonction entre les années 1920 et les années 1970, en plus
de leur activité propre.

8
Si l’on cherche, dans les institutions britanniques du début
des années 1970, les exacts équivalents des quatre figures
historiques rapidement décrites ci-dessus et qui sont donc
chargés, de diverses manières, de prévenir les risques
professionnels et technologiques côté français, on se trouve
rapidement confronté à de grandes difficultés.

9
Certes les premiers inspecteurs du travail (Factory
Inspectors) britanniques auront montré le chemin à leurs
équivalents français dans bien des domaines [7][7] Ils seront
notamment d’emblée fonctionnaires d’État..., mais la
prévention des risques du travail en Grande-Bretagne y fera
l’objet d’une plus grande dispersion qu’en France: au fur et à
mesure des avancées réglementaires ou de la découverte de
nouveaux domaines d’application, des « corps » d’inspection
spécifiques sont en effet créés outre-Manche, pendant le XIX e
siècle et les trois quarts du suivant, pour à chaque fois mettre
en œuvre telle ou telle disposition nouvelle ou investir une
activité inédite [8][8] Mines and Quarries, Agriculture Safety,
Explosives,.... Sans compter, vieille spécificité britannique liée
à la puissance historique des collectivités locales jusqu’aux
années 1970, que celles-ci disposent également de leurs
propres services d’inspection (les Environmental Health
Officers).

Par ailleurs, de significatives différences lors de la mise en


place des deux systèmes de Sécurité sociale, pendant la
Seconde Guerre mondiale en Grande-Bretagne, juste après
celle-ci en France, expliquent que l’on ne trouve pas, côté
britannique, d’équivalents aux « préventeurs » des CRAM, ni
d’ailleurs aux médecins du travail selon le modèle français. Le
système « béveridgien » en effet qui vise à « assurer le
minimum vital » (Merrien, 1990) à l’ensemble de la population
face aux divers aléas de la vie, ne garantit, en cas d’accident
notamment, qu’un « filet de sécurité » aux travailleurs, à
charge pour eux et pour leurs employeurs de continuer à
souscrire auprès d’assurances privées pour compléter la
réparation des préjudices éventuellement subis. Parallèlement
et dans le cadre de ce même plan « Beveridge », la création
du National Health Service (1945) et la fonctionnarisation de
fait de l’ensemble des médecins (de ville) en Grande-Bretagne
conduisent à une articulation médecine générale/médecine
du travail fort différente du cas français. Certes subsisteront
quelque temps encore dans les usines des Appointed Factory
Doctors essentiellement chargés, comme en France, de juger
de l’aptitude des travailleurs à leurs tâches, mais cette
fonction même était déjà en voie de disparition dans les
années 1970 outre-Manche.

Du côté de la prévention des risques technologiques, les


Britanniques, en tout cas s’agissant de l’État central, sont
« en retard » par rapport aux Français, au début des années
1970. L’essentiel des mesures d’urbanisme, en terme de
contraintes d’éloignement des habitations et des sites
dangereux, est encore entre les mains des collectivités
locales; le versant technologique des risques industriels était
absent de par le fait que la doctrine britannique considérait
explicitement que « si la sécurité des travailleurs était
assurée, alors celle des “publics” environnants l’était aussi ».

La création d’un système « intégré » en


Grande-Bretagne
10
Au tout début des années 1970, un groupe de travail est créé
en Grande-Bretagne pour établir un état des lieux en matière
de prise en compte des risques et maladies liés au travail, et
pour avancer des propositions de réforme. Ce groupe de
travail, présidé par Lord Robens, rendra un rapport dont les
conclusions seront très largement reprises dans une loi
majeure, le Health and Safety at Work Act (1974).

11
Le diagnostic porté dans le rapport Robens (1972) s’appuie
d’abord sur le constat d’une inquiétante inversion de la
courbe des victimes du travail en Grande-Bretagne, dans les
années 1960, après plusieurs décennies consécutives
d’amélioration continue. Il pointe également la montée de
nouvelles maladies professionnelles, au premier rang
desquelles se trouve l’amiante (112 décès lui sont imputés en
1968). Selon le rapport, les causes de ces difficultés peuvent
être résumées en trois critiques principales adressées au
système d’inspection du travail britannique: celle-ci est trop
« tatillonne », elle se substitue de fait à ceux qui devraient en
premier lieu s’investir dans la prévention, et enfin elle est
beaucoup trop dispersée.

12
L’inspection du travail est trop « tatillonne » en ce sens que
les inspecteurs, lors de leurs visites, ne font que surveiller la
mise en application de normes de sécurité qui se sont
accumulées au fil du temps, au gré de législations
successives. L’inspection est trop exclusivement prescriptive,
ce qui a d’ailleurs eu pour effet second de déresponsabiliser
progressivement employeurs et salariés, les uns et les autres
se contentant au mieux de respecter ces prescriptions
foisonnantes, sans vue d’ensemble ni anticipation. Le rapport
dénonce également la multiplicité des corps d’inspection, et
leurs rattachements aléatoires à des ministères divers, ce qui
contribue à la fois à des redondances, des contradictions, et
aussi de graves lacunes vis-à-vis d’une prise en compte
exhaustive des risques du travail.

13
Par ailleurs, et suite au constat de la survenue d’un certain
nombre d’accidents « majeurs » [9][9] Aberfan, pays de
Galles, 1966; Feyzin, France, 196... qui affectent désormais
tant les salariés que le « public » environnant les sites
dangereux, le rapport s’étonne que la question des risques
technologiques soit absente de l’ensemble réglementaire en
vigueur.

14
À partir de ce diagnostic, le rapport Robens préconise un
changement de philosophie et un certain nombre de réformes
qui seront mises en œuvre à peu de choses près dans le
Health and Safety at Work Act.

15
La responsabilité première des employeurs, et
secondairement celle des salariés eux-mêmes, est réaffirmée
sur ces questions. Ceci a pour conséquence que les services
d’inspection se voient confier, outre leurs missions
traditionnelles de contrôle, voire de répression des
contrevenants, un rôle de conseil et de diffuseur de « bonnes
pratiques » auprès des acteurs de l’entreprise. La
réglementation devra d’ailleurs évoluer et viser à atteindre
des objectifs, et non plus seulement encadrer des moyens.
Enfin, les corps d’inspection étatiques jusque-là dispersés
seront regroupés au sein d’une agence unique, la Health and
Safety Executive (HSE), laquelle sera chargée de mettre en
œuvre la stratégie définie par une commission tripartite
(employeurs, syndicats, collectivités locales), la Health and
Safety Commission (HSC), qui ne dépendra elle-même que
d’un seul ministère de tutelle. Les nouveaux Health and Safety
Inspectors, qui n’ont vocation qu’à s’intéresser aux questions
de santé et de sécurité dans les entreprises, se verront
également attribuer les compétences nécessaires sur la
question des risques industriels concernant le « public ».

16
L’organisation mise en place suite à la « réforme Robens », n’a
pas beau-coup varié depuis une trentaine d’années. Les
Health and Safety Inspectors se répartissent en trois grandes
catégories, non étanches aux dires des responsables de
l’agence, mais qui correspondent à des sphères d’activité
sensiblement différentes. Chaque inspecteur de la première
catégorie (les « généralistes » qui dépendent de la Field
Operation Directorate) est affecté à un territoire et doit
contrôler l’ensemble des (relativement petites) entreprises qui
y sont implantées. Dans la deuxième catégorie, on trouve les
inspecteurs qui sont « spécialisés » par secteur industriel
(pétrole, chimie lourde, nucléaire, biotechnologies); ceux-là
portent une attention particulière aux risques technologiques
susceptibles de concerner le public, en plus de celle qu’ils
accordent traditionnellement à la prévention des risques et
maladies professionnels. Enfin, les inspecteurs des deux
premières catégories peu-vent faire appel, pour leurs
missions de contrôle, à une troisième catégorie d’inspecteurs,
les « spécialistes » (en instruments de mesure, en
informatique, en ergonomie…) lesquels viennent le cas
échéant en renfort des précé-dents mais ne sont pas chargés
d’inspections routinières. Ainsi, sur les sites particulièrement
complexes ou dangereux, les inspections du HSE peuvent
mobiliser une petite équipe d’inspecteurs pendant plusieurs
jours.

Parmi ces spécialistes se trouvent les médecins en santé-


travail. Le Employment Medical Advisory Service (EMAS) avait
été imaginé dès la fin des années 1960 et créé officiellement
en 1972. D’un côté, la loi supprimait définitivement l’examen
médical de routine pour les nouveaux embauchés dans
l’industrie (et donc abolissait le vieux service des Appointed
Factory Doctors); de l’autre, elle donnait à l’EMAS
nouvellement créé une mission plus préventive d’hygiène
industrielle et de prévention des maladies professionnelles.
Selon les préconisations du rapport Robens, l’EMAS a été
intégré au Health and Safety Executive (HSE) dès sa création
(1974).

De nouveaux acteurs dans un système


déjà « polycentrique »
17
Côté français, l’évolution essentielle, au tournant des années
1970, tient dans la prise en main de la question des risques
technologiques par le corps des Mines, et ce pour diverses
raisons. La première de ces raisons réside dans le constat
effectué à l’époque, en France comme en Grande-Bretagne,
que les concentrations industrielles et les développements
même de nouveaux produits et procédés ont rendu les
accidents industriels sinon plus fréquents du moins plus
dangereux [10][10] Patrick Lagadec fera un peu plus tard de
ce constat...; l’accident alors tout récent de Feyzin est
particulièrement exemplaire, en France, d’un changement de
perception vis-à-vis des risques générés par l’industrie; cet
accident sera l’occasion d’une critique des inspecteurs du
travail dans leurs missions d’inspecteur des installations
classées: il leur sera notamment reproché une tendance à un
juridisme étroit dans la manière de faire respecter les
réglementations et un manque de compétences techniques
préjudiciable à l’exercice de cette fonction (Colliot, Font-
Reault, 1979). Mais d’autres raisons ont sans doute concouru
à cette évolution: l’avenir des ingénieurs des Mines passe de
moins en moins par les métiers liés aux mines, de charbon en
tout cas; enfin, la montée en puissance du thème de
l’environnement, avec la création d’un ministère éponyme
(1970), était a contrario de nature à ouvrir de nouvelles
opportunités (Bonnaud, 2004).

19
Du côté des risques professionnels entre en jeu un nouvel
acteur. L’Agence nationale pour l’amélioration des conditions
de travail, « établissement public fonctionnant dans l’orbite
du ministère du Travail » (Viet, Ruffat, 1999), est créée en
1973, notamment – et sur fond d’une réflexion naissante sur
les liens entre conditions de travail et risques professionnels
–, pour « coordonner la recherche des causes des accidents
du travail et faire connaître les remèdes susceptibles d’en
diminuer la fréquence et la gravité » [13][13] Article 7 de la
loi du 27 décembre 1973.. La loi de 1976 sur les accidents du
travail, qui prône pour la première fois l’idée d’une « sécurité
intégrée », confiera d’ailleurs des missions spécifiques à
l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de
travail (ANACT), créant ainsi « une certaine équivoque » (Viet,
Ruffat, 1999) quant à la répartition des compétences entre
l’agence nouvelle et l’INRS.

20
Pendant les années 1980, les deux systèmes de prise en
compte des risques professionnels et des risques
technologiques, tant en France qu’en Grande-Bretagne, ne
feront pas l’objet de réformes majeures au plan institutionnel.
Mais les deux systèmes vont être diversement concernés par
la diffusion d’une innovation fondamentale, imposée par
l’Europe en construction, celle d’une scission entre
« évaluation » et « gestion » des risques tant technologiques
que professionnels.

21
Le principe scientifique et politique d’une scission entre
« évaluation » et « gestion » des risques a été inventé et peu
à peu systématisé aux États-Unis, à partir des années
1960-1970, dans toutes sortes de domaines (produits
chimiques, médicaments, industrie nucléaire). C’est d’ailleurs
en lien avec la généralisation de ce principe que s’est
développée l’idée que le « risque nul n’existant pas », il
convenait d’envisager néanmoins de mettre sur le marché des
produits, ou d’autoriser de nouvelles exploitations
industrielles, sous réserve que les risques engendrés à ces
occasions restent en dessous d’un seuil « acceptable ». Ce
principe a été ensuite adopté et adapté par les institutions
européennes parce qu’il constituait le moyen d’une
harmonisation minimale des multiples réglementations
nationales en matière de sécurité, au moment où leurs
divergences se révélaient constituer un obstacle à l’objectif
alors affiché (années 1980) de la constitution d’un grand
marché intérieur (Vacarie, Supiot, 1993; Galland, 2006).

La directive « Seveso » et les « études


de dangers »
22
C’est d’abord dans le domaine des risques technologiques
que l’idée d’une évaluation a priori des risques a été mise en
œuvre: la directive « Seveso » (1982) oblige les industriels
dont l’entreprise est susceptible de générer des risques d’une
certaine ampleur à réaliser une « étude de dangers » en
préalable à la mise en exploitation de leur site. « L’étude de
dangers » doit recenser l’ensemble des scénarios
susceptibles de mener à des évènements graves, qu’il s’agira
donc d’essayer d’éviter, en prenant dans un second temps des
mesures de « gestion » ou de « maîtrise » des
risques [14][14] L’étude de dangers, à charge de l’industriel,
avait.... Cette disposition européenne, qui n’a fait que se
confirmer au fil du temps [15][15] Directive « Seveso 2 »,
1996., a progressivement eu pour effet de mettre l’étude de
dangers au centre du dispositif de prévention des risques
technologiques. En France, en Grande-Bretagne et partout en
Europe, les études de dangers se sont raffinées et
sophistiquées, et un certain nombre de bureaux d’études
privés ou d’agences semi-publiques [16][16] L’Ineris,
établissement public à caractère industriel... se sont lancés
dans ce marché émergent.

23
Le principe de l’évaluation a priori des risques, en matière de
risques technologiques, a eu des effets légèrement
différenciés sur les métiers de l’inspection, des deux côtés de
la Manche. Côté britannique, la sophistication croissante des
études demandées aux industriels a favorisé une
professionnalisation croissante des inspecteurs chargés de
vérifier ces documents. D’une certaine manière, le HSE est
peu à peu devenu l’expert dominant, côté britannique, en
matière de risques industriels, alors que côté français les
compétences émergentes sur ces questions se sont partagées
entre l’inspection des installations classées pour la protection
de l’environnement, un certain nombre de bureaux d’études
privés, et l’Institut national de l’environnement et des risques
(Ineris), qui est petit à petit devenu la référence en la matière.
Les deux pays ont également quelque peu divergé, pendant
les années 1990, quant à l’utilisation des études de dangers
en matière de maîtrise de l’urbanisation autour des sites
considérés. Les Britanniques, ont rapidement adopté une
démarche dite « probabiliste », chaque scénario d’accident, et
ses conséquences possibles en matière d’atteinte à la vie ou à
la santé des populations avoisinantes étant pondéré par les
probabilités, calculées, de survenue dudit scénario; à
l’inverse, la France a longtemps adopté une démarche dite
« déterministe », en ne retenant, à partir d’une étude de
danger similaire, que quelques « scénarios de référence
majorants » préalablement inventoriés et étudiés, dont il
s’agissait de se prémunir [17][17] L’idée des partisans du
« déterminisme » est de choisir,....

Au-delà de ces différences mineures, l’introduction de


l’analyse a priori dans le champ des risques technologiques
n’a ni éloigné les deux pays [18][18] La France est en train de
rejoindre le « camp » des... – les collaborations bilatérales et
internationales d’ailleurs sur ces questions sont nombreuses
depuis longtemps –, ni provoqué de réformes majeures dans
leurs organisations respectives. Il n’en est pas de même si
l’on considère l’introduction de l’analyse a priori des risques
dans le champ des risques et maladies professionnels.

L’évaluation a priorides risques


professionnels
24
Dès les phases de discussion préalable entre représentants
des divers États membres pour la mise au point de ce qui
deviendra la directive 89/391/CEE, qui, entre autres choses,
exige des employeurs une évaluation des risques
professionnels de leur établissement, la France et la Grande-
Bretagne se sont opposées sur le sujet. De l’avis de ses
commentateurs (Majone, 1996), la directive-cadre de 1989 a
été poussée par les Britanniques et est pleinement en accord
avec leur « philosophie ». Boix et Vogel (1999) suspectent
d’ailleurs les représentants britanniques dans les
négociations de relayer une stratégie des employeurs: « La
position du gouvernement conservateur britannique à cet
égard a été très révélatrice. Pour lui, l’évaluation des risques
est conçue principalement comme un instrument
d’autorégulation qui permettrait à l’employeur d’exercer une
certaine discrétion pour décider quelle est la marge de
“risques acceptables” ». M. Rimington, l’ancien directeur du
Health and Safety Executive (HSE), chargé de négocier les
directives communautaires au nom du gouvernement
britannique, l’explique avec beaucoup de franchise: « Pendant
la négociation précipitée de la directive-cadre, le Royaume-
Uni s’est retrouvé dans une position de minorité sans issue
pour défendre son principe majeur: que la santé et la sécurité
devraient être fondées sur leur caractère raisonnablement
praticable [19][19] Dans les textes du HSE, on trouve de
nombreuses illustrations..., ce qui inclut une estimation des
coûts par rapport aux risques. Nous nous sommes débrouillés
pour lui substituer le principe – que nous considérons
équivalent – selon lequel les mesures de santé et de sécurité
devaient être basées sur une évaluation des risques ». Les
représentants français avaient en effet refusé que les termes
« risque acceptable » figurent dans la directive; ils ont été
entendus sur ce point, mais n’ont pas pu s’opposer à ce que
la directive impose le principe de l’évaluation a priori des
risques professionnels à l’ensemble des employeurs
européens [20][20] Les obligations des employeurs, dans la
directive de....

Une transposition problématique côté français

25
Toute directive une fois adoptée doit être transposée dans les
divers droits nationaux, ceci en un temps relativement court.
Dans le cas de la France, la transposition de la directive de
1989 va prendre environ douze ans, et donner lieu à toute une
série de controverses. Dans un premier temps, la directive a
été traduite en droit français par la loi du 31 décembre 1991.
Mais la Commission européenne a reproché à la France de
n’avoir retranscrit ladite directive que de manière incomplète:
d’une part la publicisation par le chef d’entreprise des
résultats de l’évaluation des risques aux divers intéressés
n’était pas clairement abordée dans la loi, d’autre part la mise
en œuvre de « services de sécurité » [21][21] La directive
préconisant une collaboration organisée... au sein des
entreprises (article 7 de la directive) n’y trouvait pas une
traduction concrète (Tiano, 2002). Cette seconde injonction
révélait quelques difficultés de coopération entre services
divers, dans le cas français. C’est en tout cas ce que l’on
pourrait déduire des propos tenus par la ministre française du
Travail de l’époque, lors d’une intervention au Conseil
supérieur de la prévention des risques professionnels: « Il
faut d’abord décloisonner grâce à une approche
pluridisciplinaire. Associer dans une même approche des
compétences techniques et médicales est, vous le savez, une
exigence communautaire. La Commission européenne en a
fait une condition pour retirer la mise en demeure adressée à
la France. J’entends que cette hypothèque soit définitivement
levée […]. Je tiens beaucoup, à cet égard, à ce que puissent
être passées des conventions entre les services médicaux et
les réseaux experts de la CNAM et de l’ANACT, pour apporter
des réponses collectives, souvent par métiers, aux problèmes
rencontrés. » [22][22] Martine Aubry (CSPRP, 24 février
2000), citée dans...

26
Le décret de 2001 répond finalement et tardivement à la mise
en demeure européenne. D’un côté, et pour forcer peut-être à
la pluridisciplinarité préconisée par la ministre française, il
exige de la part des employeurs la réalisation d’un document
« unique » transcrivant « les résultats de l’évaluation des
risques pour la sécurité et la santé des travailleurs ». De
l’autre, il oblige les employeurs à tenir ce document à
disposition des CHSCT, ainsi que, sur leur demande, aux
inspecteurs du travail et agents des services de prévention de
la Sécurité sociale.

Le décret de 2001 est complété par la circulaire (2002) de la


Direction des relations du travail, beaucoup plus explicite sur
l’élaboration, la mise en œuvre, et le suivi de ce que les divers
acteurs appellent désormais « le document unique ». Cette
circulaire atteste de la façon avec laquelle les pouvoirs publics
français, en tout cas la Direction des relations du travail, ont
finalement intégré l’injonction communautaire dans le
contexte national en invitant tous les partenaires internes et
externes à l’entreprise à collaborer à la rédaction et au suivi
du document.

Le document unique et les acteurs de la prévention

27
Si le décret et la circulaire ont incontestablement permis de
lancer la nouvelle procédure en France, il faut aussi rendre
compte d’un certain nombre de difficultés, de conflits, ou
d’interprétations divergentes, qui ont accompagné la mise en
œuvre concrète de la réglementation nouvelle [23][23] Les
lignes qui suivent reprennent les arguments développés....

28
Tout d’abord, une catégorie spécifique d’acteurs de la
prévention des risques professionnels a été particulièrement
concernée par la réforme, celle des inspecteurs et contrôleurs
du travail. Les inspecteurs sont effectivement « à l’épreuve de
l’évaluation des risques » (Tiano, 2002) et c’est sans doute au
sein de leur corps que les plus importantes controverses vis-
à-vis de cette novation se sont exprimées. Si les inspecteurs
du travail ne sont pas en charge de l’évaluation des risques,
dans la nouvelle réglementation, ils sont en revanche en
charge de la sensibilisation des acteurs à la démarche et de la
vérification au moins formelle de la réalisation des documents
uniques (avec cette fois un pouvoir de contrôle et de police
sur ces aspects). La technique de l’évaluation des risques a
priori introduit une mutation importante dans leur manière
d’appréhender leur fonction. Jusqu’à ces dernières années en
effet, l’essentiel de leur activité, sous le versant contrôle vis-
à-vis des risques professionnels, consistait à s’assurer que les
nombreuses réglementations existantes étaient correctement
respectées sur les sites qu’ils inspectaient. Même beaucoup
d’inspecteurs du travail allaient au-delà de ce contrôle
minimum, cette forme traditionnelle de rapport à la règle leur
paraissait sinon simple du moins claire à mettre en œuvre.
L’accompagnement de la rédaction du document unique ainsi
que son suivi relèvent d’une tout autre logique, moins
prescriptive et plus procédurale, qui les fait changer de rôle.
Si une partie du corps des inspecteurs du travail a vu dans le
document unique le moyen d’un ressourcement et d’un
renouvellement du métier, une autre partie des inspecteurs y
a vu l’inverse: nombre d’entre eux ont refusé de cautionner,
via une implication plus ou moins forte dans la rédaction du
document, l’idée que certains risques professionnels ne
pouvaient être évités. Pendant quelques années, deux
« camps », au sein de l’inspection du travail, se sont
affrontés, via diverses associations
représentatives [24][24] « Pour les uns, le concept
d’évaluation mettrait en..., à partir de ces questions. Si la
crise paraît maintenant résorbée, il semble que
majoritairement cette fois les inspecteurs aient pris quelque
distance vis-à-vis du document unique, ne cherchant pas trop
à s’investir dans son contenu, et se repliant plutôt sur le suivi
et le contrôle formel de la procédure.

29
Du côté des médecins du travail, les choses sont différentes.
La majorité des médecins, et de leurs associations, ont plutôt
vu dans le document unique une opportunité pour renforcer
l’aspect préventif de leurs actions dans le domaine de la santé
au travail. Vis-à-vis des risques physiques et surtout
« chimiques » (cancérogènes, plomb, amiante…) ou
biologiques, les médecins du travail estiment généralement
avoir un rôle accru à jouer, au moins de conseiller de leur(s)
employeur(s) sur ces questions.

Les experts de la prévention liés à la Sécurité sociale (INRS et


CRAM) sont aussi en général dans le même registre positif. Ils
proposent, aux plans national ou local, divers supports ou
outils méthodologiques pour aider les acteurs internes à
l’entreprise à mettre en œuvre les obligations nouvelles. De
son côté, l’ANACT et ses représentants locaux insistent
particulièrement sur le poids de l’organisation et des
conditions du travail dans la genèse des accidents ou
maladies professionnelles.

Aspects juridiques

30
Si certains intervenants français de la prévention des risques
professionnels expriment des réserves vis-à-vis du
« document unique », c’est peut-être en partie parce que
l’évaluation a priori des risques du travail impliquerait un
risque judiciaire pour ceux mêmes qui s’impliquent dans cette
opération. Ces dernières années en effet, des catastrophes
sanitaires (amiante) ou certains accidents (téléphérique du
Pic de Bure) ont été l’occasion d’une mise en cause, non
seulement des employeurs, mais aussi des contrôleurs
(médecins ou inspecteurs du travail) en charge des
établissements concernés. Ce contexte de juridicisation
croissante peut faire craindre à certains experts que leur
engagement se retourne contre eux-mêmes, en cas de
catastrophe ou d’accident survenant après leur participation
à une évaluation a priori des risques professionnels: soit le
risque précis menant à l’accident avait été identifié dans le
document unique, mais rien n’avait été fait pour le réduire;
soit le risque en question n’avait pas été identifié. Dans les
deux cas, leur participation même à la rédaction du document
réglementaire suggère qu’une faute pourrait leur être
attribuée. Certes, la plupart des spécialistes du droit du
travail (Seillan, 2006) considèrent que sur ces questions, les
juges français jugeraient in concreto et auraient plutôt
tendance à considérer qu’une « bonne évaluation » préalable
des risques professionnels dans l’entreprise, même s’il se
révèle a posteriori que celle-ci n’a pas su anticiper ou prévenir
tel ou tel accident, témoigne en faveur des employeurs ou
autres protagonistes du document unique [25][25] Ceci est
aussi l’avis de certains inspecteurs du travail:.... Reste
cependant un doute que le droit français semble incapable de
lever, d’autant plus que sur ces questions il s’appuie tantôt
sur une « obligation de moyens », tantôt sur une « obligation
de résultat » [26][26] L’arrêt n° 838 du 28 février 2002 de la
Cour de cassation....

31
Sur ce point précis, les Britanniques semblent plus
cohérents [27][27] Les Health and Safety Inspectors que
nous avons rencontrés.... À l’idée exprimée dès le HSW Act de
1974, et toujours réaffirmée depuis, que les employeurs
doivent assurer la sécurité des travailleurs et du public, « so
far as is reasonably practicable » (SFAIRP), répond dans la
jurisprudence britannique au moins un arrêt qui fait référence,
explicité dans (HSE, 1999): « D’importance tout à fait
particulière dans le cadre de l’interprétation de “SFAIRP” est
le jugement Edwards versus National Coal Board, 1949. Ce
cas de jurisprudence a établi qu’une estimation doit être faite
par laquelle la quantité de risque en question est placée sur
un plateau et le sacrifice (…) impliqué par les mesures
nécessaires pour éviter le risque en question est placé dans
l’autre plateau; s’il peut être démontré qu’il y a une “grande
disproportion” entre les deux, le risque étant insignifiant par
rapport au sacrifice envisagé, la personne sur laquelle repose
l’obligation est libérée de la charge de prouver que la mise en
sécurité n’était pas raisonnablement praticable ».

Ainsi le droit britannique lui-même prône une forme


d’approche « coûts/bénéfices » sur ces questions.

32
Dans les années 2000, nos deux systèmes de prise en compte
des risques liés aux activités productives traversent un
certain nombre de crises ou sont diversement critiqués,
notamment à l’occasion d’accidents ou de catastrophes. En
France, chacun des pôles, ou presque finalement, de la
prévention de ces risques est concerné d’une manière ou
d’une autre par des évènements, évolutions, ou critiques
divers; en Grande-Bretagne, le débat semble plus global et
s’inscrit dans les réflexions générales en cours outre-Manche
sur la « régulation ».

Crises, critiques et propositions de


réformes côté français
33
En partie pour les raisons évoquées ci-dessus (les tensions au
sein du corps au moment de l’introduction de l’évaluation des
risques et du document unique), en partie pour d’autres
raisons plus anciennes, l’inspection du travail française est
« à la croisée des chemins » (Viet, 2002). La crise larvée qui
couve depuis plusieurs années au sein de l’inspection et qui
voyait les inspecteurs du travail demander plus de moyens (en
personnel notamment) et plus de respectabilité de la part des
employeurs s’est trouvée exacerbée par un évènement
totalement inédit dans l’histoire de l’inspection: le meurtre de
deux inspecteurs, par un employeur, lors d’une visite de
contrôle [28][28] Il s’agit en fait plus précisément de deux
contrôleurs,.... L’évènement a contribué à ressouder le corps
autour de ses revendications et a été le déclencheur d’un
rapport sur la question (Bessières, 2005) ouvrant vers un
certain nombre de décisions gouvernementales actuellement
en cours de mise en œuvre (augmentation progressive des
effectifs, organisation des inspections davantage par
objectifs).

34
S’agissant des autres acteurs de la prévention, les rapports
officiels abondent en France, au début des années 2000, qui
critiquent, remettent en cause, ou proposent des
améliorations vis-à-vis de tout ou partie du système de
« gestion du risque accident du travail et maladies
professionnelles ». Deux d’entre eux peuvent plus
particulièrement être cités.

35
Le rapport de la Cour des comptes (2002) s’intéresse
essentiellement, à partir de la question de l’équilibre
économique et financier de la gestion du risque accident du
travail et maladies professionnelles, à l’organisation de cette
« gestion ». Se focalisant en particulier sur le fonctionnement
des institutions de la Sécurité sociale, le rapport pointe,
malgré le constat à cette date d’un bilan excédentaire de la
branche AT-MP, un grand nombre de lacunes ou de
dysfonctionnements: des problèmes de statistiques (sous-
déclaration des accidents, sous-reconnaissance des
maladies), des incohérences dans la tarification (et le constat
d’un faible retour des effets de cette tarification sur la
prévention), et surtout des problèmes de coordination ou de
spécialisation entre les divers acteurs, anciens (INRS) ou
nouveaux (Institut de veille sanitaire (InVS) [29][29] L’Institut
de veille sanitaire a été créé en France... en particulier). Par
ailleurs, le spectre de « la question de l’amiante », dont le
nombre de victimes annoncées est susceptible de bouleverser
la donne, est prégnant [30][30] Le recours à la procédure
pénale par certaines victimes.... Le rapport de la Cour conclut
de manière sévère que « l’ensemble de ces insuffisances
montre qu’il n’existe pas de politique d’ensemble en matière
de risques professionnels » et qu’» une réforme d’ensemble
de la gestion du risque accident du travail et maladies
professionnelles est donc aujourd’hui nécessaire ».

36
Le récent rapport Aubin (Aubin et al., 2007), qui reprend les
critiques générales de toute une série de rapports officiels
parus entre-temps en soulignant à son tour « la complexité
de l’organisation française en matière de prévention des
risques industriels, caractérisée par la multiplication des
acteurs, l’éparpillement des responsabilités et les
cloisonnements… », est plus spécifiquement consacré à un
bilan de la réforme de la médecine du travail. Il constate que
la réforme en cours est directement issue de la directive
européenne de 1989 qui impose la création de services de
santé au travail. Un certain nombre de textes réglementaires
ont en effet concouru à introduire la pluridisciplinarité dans le
système français de santé au travail, avec notamment la
création des intervenants en prévention des risques
professionnels (IPRP), chargés d’épauler les médecins dans
certains aspects non strictement médicaux de la santé et de
la sécurité au travail (ergonomie par exemple). Même si « la
constitution d’un vivier d’intervenants habilités constitue la
première étape de la démarche », il semble que leur nombre
soit encore limité et surtout que « le recours aux organismes
de prévention pour lesquels la réglementation prévoit une
habilitation de droit – CRAM, agences régionales pour
l’amélioration des conditions de travail (ARACT) – revête un
caractère exceptionnel ». Enfin, souligne ce même rapport,
« le mouvement de réforme n’est pas allé au bout de sa
logique », les médecins du travail continuant malgré tout de
privilégier le suivi individuel des salariés à travers la visite
d’aptitude aux détriments d’une approche plus globale et plus
préventive, qui s’appuierait sur l’évaluation des risques.

37
Malgré le lancement récent d’un plan Santé Travail, malgré la
création de nouvelles instances au plan central, chargées de
relancer la recherche sur ces questions (InVS, Agence
française de sécurité sanitaire, de l’environnement et du
travail (AFSSET [31][31] L’AFSSE, créée en 1998, est devenue
AFSSET (Agence...)), les acteurs traditionnels de la prise en
compte des risques et maladies professionnels apparaissent,
au plan institutionnel en tout cas, encore fort dispersés.

Du côté des risques technologiques, la catastrophe de l’usine


AZF de Toulouse (2001) a suscité d’importantes réactions,
qui se sont en partie traduites dans le vote de la loi
« Bachelot » du 30 juillet 2003. Outre le fait que cette loi
prévoit des procédures et outils novateurs pour une
« “gestion” territorialisée du risque industriel » avec en
particulier la mise en œuvre de plans de prévention des
risques technologiques (PPRT), on insistera sur le fait que
cette loi constitue également une tentative de
décloisonnement dans la prise en compte respective des
risques technologiques et professionnels. Formellement en
tout cas, depuis la loi « Bachelot », les CHSCT ont la
possibilité de donner leur avis sur les « études de dangers »
proposées par les industriels et de mobiliser les inspecteurs
des installations classées pour la protection de
l’environnement (ICPE) en charge des inspections à leurs
réunions; il est également prévu que les salariés des
entreprises concernées soient associés aux réunions des
comités locaux d’information et de concertation instaurés par
la loi, sur les sites industriels les plus dangereux.

En dépit d’un certain conservatisme, voire corporatisme, lié à


l’histoire même des multiples intervenants de la prise en
compte des risques professionnels et technologiques, de
multiples initiatives, aux plans central ou local tendent à faire
bouger les choses. Certaines d’entre elles, qui visent à créer
des lieux d’échanges, sont fortement impulsées par les
autorités publiques centrales (observatoires régionaux de la
santé au travail), d’autres sont plus simplement imaginées et
mises en œuvre au plan local, au gré d’affinités
spécifiques [32][32] Par exemple la « journée commune
d’échanges IT/ICPE »,.... D’autres enfin, de nature plus
théorique, visent par exemple à approfondir l’hypothèse d’une
prévention conjointe entre risques professionnels et
technologiques (ANACT, 2005 [33][33] Journée du 7 février
2008 « Prévention des risques...).

La régulation du secteur public en


Grande-Bretagne et ses conséquences
vis-à-vis du HSE
38
La création du couple HSC/HSE (1974) a été antérieure au
vaste mouvement de réforme du secteur public britannique,
qui s’est essentiellement déroulé dans les années 1980 et
1990 avec ce que l’on a appelé le New Public Management
(NPM). À bien des égards, le rapport Robens avait anticipé ces
évolutions. Ainsi le NPM, tel que décrit par Hood (1995), se
caractérise par la création d’entités autonomes et intégrées,
disposant de grands pouvoirs dans leurs domaines respectifs;
ces entités nouvelles, souvent des « agences », empruntent
beaucoup au secteur privé dans leurs pratiques managériales.
Ainsi, ces agences, pour « réguler » tel ou tel aspect des
activités du secteur privé ou des collectivités locales, mettent
en place une stratégie (approche par les objectifs) et une
série d’outils (indicateurs divers) leur permettant d’apprécier
les performances de leurs « régulés » respectifs. Les
nombreuses publications du HSE depuis son
origine [34][34] Dont leur « Programme-manifeste » (HSE,
1999). ne pourraient que conforter l’inscription de l’agence
dans ce courant de réforme.

39
Mais les années 2000 ont vu cette approche pragmatique et
comptable s’étendre finalement aux agences et au secteur
public lui-même (James, 2005): sous la pression essentielle
du ministère des Finances britannique, les méthodes et
indicateurs destinés initialement à apprécier la performance
des « régulés » se sont progressivement retournés vers les
« régulateurs » eux-mêmes, pour que les autorités de tutelle
soient en mesure d’en apprécier à la fois les efficacités et
efficiences respectives, et le cas échéant, de juger de la
pertinence de nouveaux infléchissements stratégiques.

40
Parallèlement, la régulation « par le risque » (Hutter, 2005)
est devenue depuis quelques années le mode de
hiérarchisation favori des Britanniques, pour faire des choix et
établir des priorités parmi les nombreuses tâches de contrôle
désormais dévolues aux nombreuses agences régulatrices. La
« risk based approach » est désormais un des moyens
privilégié pour réduire les charges administratives et attribuer
les moyens en inspection et en contrôle là où ils sont vraiment
utiles. Ces charges, que le ministère des Finances cherche
donc à réduire, sont à ses yeux de deux ordres: d’un côté,
elles sont constituées par la somme des papiers à remplir et
temps perdus infligés (inutilement) aux entrepreneurs privés,
et en particulier aux petits patrons, pour des renseignements
administratifs dont l’intérêt n’est pas évident; de l’autre, elles
sont constituées par le temps passé (parfois inutilement) par
les services d’inspection pour faire respecter des
réglementations trop universellement contraignantes.

41
D’où l’idée, développée justement dans un rapport pour le
ministère des Finances (Hampton, 2004), que l’approche
« par le risque » doit être employée autant que faire se peut,
non seulement s’agissant du HSE, de l’Environmental Agency
ou de la Food Standard Agency, mais plus généralement dans
toutes les agences assurant des fonctions d’inspection. De
manière transversale, selon le rapport Hampton, il est
souhaitable que l’ensemble des services d’inspection
cherchent d’abord à repérer où peuvent se trouver les plus
grands « risques » ou dysfonctionnements, dans le secteur
qu’ils ont en charge, avant de hiérarchiser leurs tâches de
contrôle.

42
S’agissant du HSE, la déclinaison d’une approche « par le
risque » est assez simple et les tendances à relativement
courts termes sont assez claires [35][35] Ce qui suit nous a
été dit lors de nos entretiens en.... Parmi la large palette de
risques, professionnels et technologiques dont elle a la
responsabilité, l’agence entend d’un côté se concentrer
essentiellement sur les risques technologiques majeurs, car
ce sont ceux pour lesquels la demande du « public » est la
plus forte, et d’un autre côté sur certains risques
professionnels, en mettant l’accent soit sur des secteurs
traditionnellement dangereux (bâtiment par exemple), soit
sur des questions émergentes (telles que les troubles
musculo-squelettiques ou la montée des maladies dues au
stress). Pour le reste, l’agence et ses inspecteurs pourraient
très bien se retirer à terme des tâches de contrôle répétitives
et de peu d’intérêt concernant les nombreuses petites
entreprises ou sociétés de services jugées peu dangereuses,
ces missions de routine pouvant être soit transférées au
secteur associatif ou privé, soit simplement supprimées.

Par ailleurs, le rapport Hampton justifie une pratique qui s’est


généralisée ces dernières années outre-Manche: « Trente-six
des cinquante-neuf régulateurs nationaux passés en revue
(ici) font payer (les régulés) pour tout ou partie de leurs
services, en général ce qui concerne l’inspection. L’argument
s’agissant de cette disposition est que les compagnies font
des bénéfices de par le fait qu’elles sont autorisées à
entreprendre certaines activités (…), et que ce n’est pas au
contribuable moyen de payer pour faire respecter les
procédures encadrant ces activités » [36][36] Hampton
report: Charging (3.28, 3.29; p.28 et 29).. Là encore, le HSE a
plutôt été précurseur: à l’occasion de la transposition en droit
britannique de la directive « Seveso » (1996), le Parlement a
voté une loi (1999) ouvrant la possibilité que certaines des
prestations des inspecteurs du HSE, vis-à-vis des risques
technologiques, soient facturées aux employeurs (Galland,
2007b). Depuis l’agence publie régulièrement les tarifs qu’elle
applique aux industriels, pour les activités de conseil mais
aussi de contrôle qu’elle exerce vis-à-vis d’eux.

43
Les systèmes britanniques et français de prise en compte des
risques professionnels et technologiques sont pratiquement
stabilisés, dans leurs architectures institutionnelles
respectives, depuis une trentaine d’années. Le modèle
britannique est « intégré » dans une agence qui regroupe
l’essentiel des compétences sur le sujet [37][37] Le HSE qui
compterait environ 4 000 personnes (aux..., alors que le
modèle français peut être qualifié de « polycentrique », entre
plusieurs catégories d’intervenants.

44
Depuis le début des années 1980, les deux systèmes sont
diversement travaillés par l’évolution du contexte dans lequel
ils opèrent, notamment par les directives européennes qui
cherchent à harmoniser les pratiques de l’ensemble de ses
États membres. Pour autant, rien ne dit que les deux
systèmes soient destinés à converger. Les injonctions
adressées en effet, par chacun des deux gouvernements
nationaux, à chacun des deux systèmes, à partir de l’analyse
de chacune de leurs situations actuelles, sont elles-mêmes de
nature assez différentes [38][38] On a là une illustration de la
théorie des « sentiers.... D’un côté, les autorités nationales
françaises poussent et incitent sans cesse à davantage de
collaboration entre les divers « pôles » de la prise en compte
des risques technologiques et professionnels, de l’autre les
autorités nationales britanniques poussent le HSE,
responsable de la politique sur ces questions, à gagner
toujours en efficacité et à épargner davantage l’argent public,
par exemple en se retirant des domaines non « rentables » ou
en obligeant les industriels les plus dangereux à payer pour
leur propre protection. Les responsables du HSE considèrent
que cette évolution favorise une plus grande
professionnalisation de ses membres, mais d’autres voix se
font entendre outre-Manche, chez certains universitaires ou
syndicalistes, qui dénoncent, outre son amenuisement
progressif [39][39] « Depuis 2002, le HSE a perdu 1 000
postes en raison..., une privatisation de facto de l’agence.

Par ailleurs, les deux modèles semblent se différencier sur un


point complémentaire: qu’il s’agisse de la prévention des
risques professionnels ou des risques technologiques, les
réglementations françaises les plus récentes favorisent, tout
au moins sur le papier, à la concertation locale avec les
populations concernées (représentants du personnel,
associations, riverains); à l’inverse, le HSE, à travers ses
indicateurs et son souci constant de sa propre productivité,
gouverne davantage « à distance », pour reprendre
l’expression d’Epstein (2005) et considère que les employeurs
sont ses interlocuteurs quasiment uniques [40][40] C’est en
tout cas l’avis, sans doute subjectif, d’un... sur ces questions.
De ce point de vue, qui pourrait être crucial dans les années à
venir, le modèle polycentrique français n’est potentiellement
pas moins riche que le modèle intégré britannique.

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Notes

[1]
Université Paris-Est; École nationale des ponts et chaussées,
Laboratoire techniques, territoires, sociétés (LATTS).

[2]
Directives « Seveso 1 et 2, concernant la maîtrise des dangers
liés aux accidents majeurs », 1982, 1996.

[3]
Directive-cadre de 1989 « concernant la mise en œuvre de
mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et
de la santé des travailleurs au travail ».

[4]
En dehors des intervenants internes à l’entreprise tels les CHS
qui deviendront CHSCT (comités d’hygiène, de sécurité, et
des conditions de travail) en 1982.

[5]
Loi du 30 octobre 1946 sur la prévention et la réparation des
accidents du travail.

[6]
Une loi de 1917 oblige désormais les préfets à nommer des
inspecteurs des installations classées dans leurs
départements respectifs; ces inspecteurs seront
majoritairement choisis parmi les inspecteurs du travail
(Bonnaud, 2002).

[7]
Ils seront notamment d’emblée fonctionnaires d’État (Civil
servants), bien avant que les français ne le deviennent (Viet,
1994).

[8]
Mines and Quarries, Agriculture Safety, Explosives, Nuclear
Installation, Alkali and Clean Air, Railways…Inspectorates.

[9]
Aberfan, pays de Galles, 1966; Feyzin, France, 1966.

[10]
Patrick Lagadec fera un peu plus tard de ce constat une thèse
et inventera à l’occasion l’expression: « (Le) risque
technologique majeur » (1981).

[11]
Direction régionale de l’industrie, de la recherche, et de
l’environnement.

[12]
Avec notamment la loi de 1976 sur les installations classées.

[13]
Article 7 de la loi du 27 décembre 1973.

[14]
L’étude de dangers, à charge de l’industriel, avait été
introduite en droit français par le décret de 1977 de la loi de
1976 relative aux installations classées.

[15]
Directive « Seveso 2 », 1996.

[16]
L’Ineris, établissement public à caractère industriel et
commercial, a été créé en 1990.

[17]
L’idée des partisans du « déterminisme » est de choisir, pour
chaque site étudié, un scénario « du pire » et de ne penser les
mesures de protection que vis-à-vis de ce scénario
« majorant ». Alors qu’en théorie les partisans du
probabilisme envisagent toutes les hypothèses d’accident et
de catastrophe, mais les pondèrent par le calcul de leurs
probabilités respectives de survenue. En fin de compte et aux
dires des spécialistes, les deux méthodes ne sont pas si
différentes: les « déterministes » ont tendance à exclure de
leurs investigations les scénarios à très faible probabilité
(comme celui qui est néanmoins advenu lors de la
catastrophe AZF de 2001 à Toulouse), et les « probabilistes »,
en pratique, n’envisagent pas toutes les hypothèses possibles
et imaginables.

[18]
La France est en train de rejoindre le « camp » des
« probabilistes » depuis la loi Bachelot (2003).

[19]
Dans les textes du HSE, on trouve de nombreuses illustrations
du fait que les risques, qu’ils soient professionnels ou
technologiques, doivent être réduits, SFAIRP (So Far AS Is
Reasonably Practicable) ou ALARA (As Low As Reasonably
Achievable). Note de l’auteur.

[20]
Les obligations des employeurs, dans la directive de 1989, ne
se résument pas à cette seule question; l’idée n’apparaît
d’ailleurs qu’en section 2, article 6, alinéa 2: « l’employeur
met en œuvre les mesures (…) sur la base des principes
généraux de prévention suivants: (a) éviter les risques; (b)
évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités (souligné
par nous); (c) combattre les risques à la source; (d) adapter
le travail à l’homme…

[21]
La directive préconisant une collaboration organisée d’acteurs
internes et (ou) externes à l’entreprise, pour améliorer la
sécurité et la santé au travail.

[22]
Martine Aubry (CSPRP, 24 février 2000), citée dans Tiano,
(2002).

[23]
Les lignes qui suivent reprennent les arguments développés
dans Galland, (2007a).

[24]
« Pour les uns, le concept d’évaluation mettrait en cause
l’existence même de la norme publique, dans le domaine de la
prévention et donc de son contrôle, il serait en quelque sorte
le dernier avatar du libéralisme triomphant. Pour les autres,
l’évaluation serait le moyen miraculeux de modifier la gestion
de l’entreprise pour donner enfin toute sa place au travailleur
dans l’entreprise » (Interd’ITs, « Les avis de l’Association »,
no 11, janvier 2000). Voir aussi Grassi, (2000). Interd’ITs est
le bulletin de l’association « Villermé » qui parut entre 1995
et 2000.

[25]
Ceci est aussi l’avis de certains inspecteurs du travail: « Suite
à certains accidents, l’absence de recensement du risque qui
s’était réalisé dans le document unique a été considérée
comme circonstance aggravante pour l’employeur; et parfois,
le risque existe dans le document unique, et personne n’a rien
fait. Mais la faute la plus importante, c’est de ne pas détecter
tel ou tel risque. » (Interview IT, Marseille, 2005).

[26]
L’arrêt n° 838 du 28 février 2002 de la Cour de cassation
confirme, à l’occasion du contentieux sur l’amiante, que « en
vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur
est tenu vis-à-vis de celui-ci d’une obligation de résultat,
notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles
contractées par celui-ci du fait des produits fabriqués ou
utilisés par l’entreprise. »

[27]
Les Health and Safety Inspectors que nous avons rencontrés
n’ont exprimé aucune crainte à ce sujet. Lors de la série de
catastrophes ferroviaires qui a touché la Grande-Bretagne à la
fin des années 1990 d’ailleurs, les inspecteurs nommément
en charge de ces dossiers n’ont pas été mis en cause; mais le
HSE lui-même a été depuis déchargé de la sécurité des
transports ferroviaires.

[28]
Il s’agit en fait plus précisément de deux contrôleurs, l’un
dépendant de la Mutualité sociale agricole, c’est-à-dire de la
Sécurité sociale spécifique des agriculteurs, l’autre dépendant
du ministère de l’Agriculture. Mais les victimes du drame du 2
septembre 2004 ont été identifiées et revendiquées, tant par
leurs collègues que par les médias, comme relevant du corps
des inspecteurs du travail.

[29]
L’Institut de veille sanitaire a été créé en France en 1999.

[30]
Le recours à la procédure pénale par certaines victimes de
l’amiante a changé effectivement la « donne » de deux
manières: d’une part, comme déjà dit plus haut, de par le
rappel de « l’obligation de résultat » des employeurs en
matière de sécurité; d’autre part, du fait que les
condamnations au pénal mènent à une réparation
« intégrale » des préjudices subis par les victimes, d’un
montant supérieur de la réparation « forfaitaire » de la
Sécurité sociale.

[31]
L’AFSSE, créée en 1998, est devenue AFSSET (Agence
française de sécurité sanitaire, de l’environnement et du
travail) en 2005.

[32]
Par exemple la « journée commune d’échanges IT/ICPE »,
DRTEFP/DRIRE PACA, Martigues, 28 juin 2005.

[33]
Journée du 7 février 2008 « Prévention des risques
industriels et des risques professionnels: deux domaines
complémentaires et utiles à l’amélioration des performances
industrielles », Institut pour la maîtrise des risques, Paris.

[34]
Dont leur « Programme-manifeste » (HSE, 1999).

[35]
Ce qui suit nous a été dit lors de nos entretiens en 2005 et
figure par ailleurs sur certains documents prospectifs diffusés
par l’agence ou la Commission (HSC, 2004).

[36]
Hampton report: Charging (3.28, 3.29; p.28 et 29).

[37]
Le HSE qui compterait environ 4 000 personnes (aux dires
d’un responsable en 2005) regroupe non seulement les
équivalents de nos inspecteurs du travail et inspecteurs des
installations classées, mais aussi un laboratoire de recherche,
les services de statistiques nationaux sur les accidents, et des
services plus stratégiques.

[38]
On a là une illustration de la théorie des « sentiers de
dépendances » (Leca, Palier, 1995).

[39]
« Depuis 2002, le HSE a perdu 1 000 postes en raison des
coupes gouvernementales; l’organisation emploie maintenant
moins de 3 250 personnes », (Hazards Magazine, 2007);
Hazards Magazine est une publication (en ligne) des syndicats
de salariés (TUC).

[40]
C’est en tout cas l’avis, sans doute subjectif, d’un de nos
interlocuteurs, universitaire britannique: « Personnellement
j’aime bien le style, la manière de faire en France. Par
exemple, ici, l’évaluation des risques est faite en chambre par
le manager qui ne sort pas de son bureau. Tandis qu’en
France chacun est appelé dans le bureau, on débat des enjeux
avec toutes les personnes concernées. » (Interview, 2005).

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