», Revue
historique 2005/1 (n° 633), p. 31-52.
[32] celle du groupe (das Allgemein): «Au Moyen Âge les deux côtés de la
conscience humaine – l’un tourné vers l’intérieur et l’autre vers
l’extérieur – étaient comme endormis ou demi-éveillés, car cachés
par un voile tissé de foi, d’illusions et de préoccupations enfantines...
L’homme n’avait de conscience de soi que par rapport à une catégorie
générale, c’est-à-dire en tant que membre d’une race, d’un
peuple, d’un parti, d’une famille ou d’une corporation.»3
À la différence de ce personnage «corporatif», l’ «individu» de
la Renaissance décrit par Burckhardt était non seulement conscient
de lui en tant que tel, mais il cultivait aussi l’«individualisme»,
cherchant à se forger une véritable personnalité, différente de celle
de ses pairs. Rarement rebelle sur le plan politique, il développait
pleinement sa vie privée, assoiffé de gloire tout en la méprisant chez
les autres4.
Les historiens de la Renaissance ont toujours pleinement épousé
la thèse de Burckhardt selon laquelle les premiers «individus»
apparaissent à cette époque. À titre d’exemple, prenons les travaux
récents de Robin Kirkpatrick sur le «moi à l’époque de la Renaissance».
Pour cet historien, c’est Pétrarque qui «invente la notion
de moi intérieur»5. Il soutient que l’exploration de cet espace intérieur
conduisait certains individus vers Dieu, tout en poussant
d’autres à priser la subjectivité. (Le culte protestant était centré justement
sur le sentiment de culpabilité par rapport à cette dernière
3. Jacob Burckhardt, The Civilization of the Renaissance in Italy, traduit par S. G. C.
Middlemore, édité par Irène Gordon, New York, New American Library, 1961, p. 121
(trad. de la 2e éd. de Die Kultur de Renaissance in Italien). Steven Lukes fait remarquer
que des termes tels que «corporatisme» ou « individualisme» avaient un sens politique en
France après la Révolution (époque qui voit le premier emploi du mot «individualisme»):
voir Individualism, New York, Harper & Row, 1973, chap. 1. La Révolution était
associée à l’idée d’individualité tandis que «le bien commun», «la société» et d’autres
abstractions représentaient la solidarité. Par contraste, en Allemagne l’Individualität était
une idée des romantiques et comportait les notions de «la spécificité de l’individu,
l’originalité, la saisie de soi» (ibid., p. 17).
4. Steven Lukes décrit la conception de l’individu selon Burckhardt comme mêlant
«l’auto-affirmation agressive des individus libérés d’une autorité qui vient de l’extérieur
(comme chez Louis Blanc) avec celle de l’individu qui se retire de la société dans une
existence privée (comme chez Tocqueville) dans le but, cher au mouvement romantique,
[de faciliter] la pleine et harmonieuse évolution de la personnalité individuelle». Voir op.
cit. (n. 3), p. 23.
5. Robin Kirkpatrick, The European Renaissance, 1400-1600, Harlow, Longman, 2002,
p. 128.
L’équivalent pour l’historien de l’art est le développement du «portrait». Se reporter à
Gottfried Boehm, Bildnis und Individuum: über den Ursprung der Porträtmalerei in der
italienischen Renaissance, Munich, Prestel-Verlag, 1985, ainsi que son étude plus récente
The Image of the Individual: Portraits in the Renaissance, édité par Nicholas Mann et
Luke Syson, Londres, British Museum Press, 1998.
Jean-Claude Bonne examine les préoccupations métaphysiques et intellectuelles qui
oeuvraient contre la création de «portraits» au haut Moyen Âge mais qui admettaient
toutefois la representation de personnages précis (et donc de soi) en les situant dans
certains textes ou contextes destines à un public qui saurait comprendre les références.
Voir L’Image de soi au Moyen Âge (IXe-XIIe siècle): Raban Maur et Godefroy de Saint-
Victor, dans Il ritratto e la memoria: materiali, vol. 2, édité par Augusto Gentili, Philippe
Morel et Claudia Ceri, Rome, Bulzoni, 1993, p. 37-60.
[37] XIIe siècle voit «par rapport aux siècles précédents, une plus vive
conscience de la complexité de la vie intérieure de l’individu ainsi
qu’une compréhension de la frontière qui sépare l’être intérieur,
sujet fascinant et varié, d’autres êtres qui sont à leur tour tout aussi
complexes et passionnants». En outre, il y a «encore un nouvel
intérêt [...] de pareille importance auquel les savants ont prêté
moins d’attention: l’intérêt tout à fait conscient que l’on portait au
fait d’appartenir à un groupe ou de remplir une fonction»23. Il est
évident que cet intérêt dépasse de loin le corporatisme du haut
Moyen Âge: «Contrairement à ce qui se passe au haut Moyen
Âge, les hommes du XIIe siècle s’empressent de définir, de classer et
d’évaluer ce qu’ils appellent “ordres”, “vies” ou “vocations”. »24 Y
avait-il donc un «moi» au haut Moyen Âge? Les travaux de
Bynum non seulement privent les premiers médiévaux d’une conscience
de soi, mais ils vont jusqu’à leur refuser une conscience précise
d’eux-mêmes en tant que membres «d’une race, d’un peuple,
d’un parti, d’une famille ou d’une corporation» (les catégories de
Burckhardt).
Morris reproche à Bynum de négliger certains points cruciaux:
premièrement, les différences entre les communautés du haut
Moyen Âge qui dépendent entièrement de la tradition et celles qui
se développent au XIIe siècle et bénéficient d’un éventail de choix
plus large. Deuxièmement, au XIIe siècle, la découverte non seulement
de soi, mais des autres en tant qu’individus. Et finalement la
perte du sentiment de communauté, au moment où le XIIe siècle
s’interroge précisément sur la signification des différents groupes25.
Mais les critiques de Morris ne font que réaffirmer le caractère particulier
du haut Moyen Âge. De plus, lorsque John Benton revient
sur la question du «moi» en 1982, il évoque Guigo, prieur de la
Grande Chartreuse, qui «tentait [...] de prendre conscience de
dynamismes intérieurs qu’il ignorait jusqu’alors». Face à l’exploration
de soi qui occupait Guigo, l’historien relève «l’aridité du
monde intérieur d’un Roland et Olivier littéraires, qui [...] suivent
inconsciemment leurs propres impératifs, sans réfléchir à la sagesse
23. Caroline Walker Bynum, Did the twelfth century..., op. cit. (n. 21), p. 2-3. Le
renouveau d’intérêt pour l’intériorité et la « conscience de communauté » au XIIe siècle
reste un element important dans ses travaux récents. Voir Susan R. Kramer et Caroline
W. Bynum, Revisiting the twelfth century individual: The inner self and the christian
community, dans Das Eigene und das Ganze: zum Individuellen im mittelalterlichen
Religiosentum, édité par Gert Melville et Markus Schürer, Münster, Lit, 2002, p. 57-85.
Les auteurs affirment que «la découverte de l’individu est la découverte du modèle» (p.
85; ce sont Kramer et Bynum qui soulignent).
24. Bynum, Did the twelfth century...?, op. cit. (n. 21), p. 5.
25. Colin Morris, Individualism in twelfth century religion. Some further reflections, The
Journal of Ecclesiastical History, 31, 1980, p. 199-205.
[47] Les hommes trouvèrent la mort peu après. Grégoire analyse l’effet
que cela produit sur Florent : « Ce fait bouleverse complètement
(expavit) l’homme de Dieu Florent, qui tremble (pertimuit) d’avoir maudit
les frères. Tout le reste de sa vie, il pleura (flebat) d’avoir été pris
au mot. Il s’exclama, se disant cruel (se crudelem) et meurtrier (se...
homicidam) à cause de leur mort. » Il ne s’écrie pas : « Qui suis-je ? qui
étais-je ? », mais cet événement lui permet de « se connaître », ou du
moins de connaître un côté de lui-même jusqu’alors inconnu. Il n’a
d’ailleurs que trop conscience de ce que signifie cette nouvelle
connaissance de lui-même. Dans cette soi-disant « culture de honte »
[shame culture] du haut Moyen Âge, la réponse de Florent témoigne
clairement d’un sentiment intérieur de culpabilité. En faisant face
aux conséquences de ses mots, il n’est condamné que par lui-même.
L’heureux vir Dei, qui autrefois « menait une vie toute de simplicité et
de prière », assume désormais un nouveau rôle, celui de pénitent. La
transformation s’accompagne de douleur émotionnelle et crée un
nouveau sentiment d’identité personnelle.
Passons maintenant à un autre Grégoire, en l’occurrence l’évêque
de Tours (mort vers 594). De nature peu introspective, ce Grégoire
fait pourtant référence à lui-même à plusieurs reprises. Dans ses
Miracles de saint Julien, exactement au milieu des 50 chapitres que
comporte le texte, on trouve le récit de sa propre guérison. Dans un
chapitre qui s’intitule « De mon mal de tête » il raconte l’un des pèlerinages
qu’il fit avec sa famille à la tombe de saint Julien à Brioude.
La joie (gaudium) que les pèlerins ressentent d’habitude s’est vite
évanouie, dit-il, quand une insolation lui a donné un affreux mal de
tête. Fiévreux, il ne peut ni manger ni parler. Pendant trois jours, ils
continuent leur route et parviennent enfin à l’église de Saint-Ferréol,
située près de la source où saint Julien fut décapité. « En arrivant là,
je m’adonnai à des prières, je bus l’eau, me rafraîchis la bouche,
trempai la tête et tout de suite, [...] une fois la douleur partie, je m’en
allai en parfaite santé et, heureux (laetus), j’entrai [dans l’église de
Saint-Julien] et allai jusqu’à sa tombe. »62
Il y a dans cet épisode deux assimilations. La première, au début
et à la fin du récit, lorsque Grégoire s’identifie aux pèlerins, à tous les
pèlerins mais plus précisément à sa famille qui se rendait tous les ans à
la tombe du saint. La seconde, au milieu du récit, lorsqu’il s’identifie à
Julien, de sorte que l’endroit où le martyr fut décapité devient celui où
la tête de Grégoire est guérie. Comme il le fait remarquer, il est bien
plus béni que les autres pèlerins parce que le saint « daigna me soigner
par son pouvoir alors que je ne méritais pas encore de voir sa
62. Grégoire de Tours, De virtutibus S. Iuliani 25, MGH, SRM, 1/II, p. 125.
[49] saint. L’histoire est plutôt banale jusqu’au moment où Odon est
envoyé dans la maisonnée de Guillaume d’Aquitaine pour devenir
guerrier. Il dit: «Abandonnant mes études littéraires, je m’adonnai
à la chasse. Mais le Tout-Puissant, qui offre le salut à ceux qui n’en
veulent pas [...], commença à me terrifier (terrere) pendant que je
dormais. Il me montra la vie vouée au mal que j’avais choisie et surtout
Il transforma la chasse en épreuve exténuante.» Il prie et
supplie la Vierge: «Ouvre tes oreilles à ma prière. Je crains fort
(vehementer expavesco) que ma vie ne déplaise à ton fils.» Aussitôt
après, il est frappé par un mal de tête débilitant et continu. Pour
Odon, le bon modèle de vie est celui de saint Martin, un guerrier
du IVe siècle qui était devenu moine. L’épisode dans son ensemble
indique qu’Odon devait, lui aussi, renoncer à la vie militaire. Par
ailleurs, dans un moment de faiblesse son père l’avait dédié, encore
bébé, à saint Martin. Il poursuit: «Je compris qu’il n’y avait qu’un
seul remède: il fallait fuir, haletant, vers celui à qui j’étais voué sans
le savoir afin de le servir en portant la tonsure.»67
Odon non plus ne pose pas la question: «Qui suis-je? qui
étais-je?» Comme beaucoup de personnes, il n’a pas besoin de le
faire. Il découvre qui il est au cours d’un processus émotionnel et
douloureux, qui vient selon lui de l’extérieur, initié par la volonté de
Dieu et de saint Martin. «Vous voyez, dit-il à son biographe, que je
n’ai fait aucune bonne action de mon plein gré.» Peut-on voir en
cela une conception de soi? Comme l’a fait remarquer William
James il y a longtemps, il existe de nombreuses conceptions de soi.
L’une d’entre elles est le «moi social» (le terme est de James) ou
«le moi dans la glace» (terme de Charles Horton Cooley) qui est
façonné par notre perception du regard des autres:
En imagination on perçoit dans l’esprit d’autrui une réflexion sur notre
apparence, nos manières, nos objectifs, notre caractère, nos amis, et
ainsi de suite. Cela nous touche à différents degrés. Une telle idée de
soi semble être composée de trois éléments principaux: la façon dont
on s’imagine notre apparence pour l’autre, la façon dont on s’imagine
le jugement qu’il porte sur elle, et un sentiment tel que la fierté ou la
mortification où se manifeste le «moi»68.
Si l’on remplace l’ «autre» par «Dieu», il y a là une description
fort utile de la façon dont on peut définir le «moi» au haut
Moyen Âge.
67. Jean de Salerne, Vita S. Odonis, 1. 8-9, PL, 133, col. 47-48.
68. Charles Horton Cooley, Human Nature and the Social Order, New York, Schocken,
1922, p. 184. Pour le « moi social » se reporter à William James, The Principles of
Psychology, vol. 1, New York, Henry Holt, 1890, chap. 10.
[50] Caroline Bynum trouve difficile d’admettre le mot «individu»
pour les médiévaux puisqu’ils ne pouvaient se concevoir eux-mêmes
sans Dieu: ils n’étaient jamais pleinement autonomes. Mais l’être
autonome est une fiction moderne. Steven Lukes l’appelle l’ «individu
abstrait», un concept qui florissait selon lui entre «le milieu
du XVIIe et le début du XIXe siècle»69. Il est lié aux notions de contrat
social et d’utilitarisme. Ce fait est de première importance: les définitions
de soi s’intègrent dans des schémas plus larges. Si le but est de
comprendre les êtres humains comme on le fait des billes de roulement
(ce fut l’un des objectifs de la révolution scientifique), on définit
les individus comme des entités séparées, indépendantes. Bien que
Lukes estime que la notion abstraite d’individualisme «ne précisait ni
une valeur ni un idéal, mais envisageait plutôt une façon de concevoir
les choses», le concept était, et reste, étroitement lié aux objectifs
de ceux qui veulent comprendre la société comme une machine où
les hommes sont comme les dents d’engrenage, tous égaux pour ce
qui est de leur nature, leurs droits, leurs capacités et leurs besoins70.
Les auteurs du haut Moyen Âge étaient en général des clercs et ils
avaient une idée précise du but qu’ils souhaitaient atteindre: la
«patrie céleste», la «vie à venir»71. On doit à la psychologie cognitive
contemporaine la reconnaissance que les valeurs et les objectifs
ne peuvent être dissociés des émotions et de leur expression. Un stimulus
donné (interne ou externe) est perçu comme étant favorable ou
non aux projets de l’individu, ce qui provoque l’émotion. Comme l’a
dit Magda Arnold, pionnière de ce paradigme: «Percevoir ou saisir
une chose signifie que je sais comment elle est en tant que chose, mis
à part l’effet qu’elle peut avoir sur moi [...]. Pour éveiller une émotion,
je dois estimer que l’objet agit effectivement sur moi, qu’elle me
touche personnellement en tant qu’individu ayant une expérience et
des objectifs particuliers»72. Rien d’étonnant donc à ce que les
auteurs du haut Moyen Âge fassent état d’émotions ou se les imaginent
précisément dans ces moments où ils se croient à deux doigts
d’atteindre le but de la patrie céleste (ou encore lorsqu’ils pensent ne
jamais y arriver). Il s’ensuit qu’ils se découvrent au même instant.
Citons Seymour Epstein à ce propos: «En considérant les événements
qui donnent naissance à des émotions, on peut inférer les schémas
significatifs de la conception de soi d’un individu», et il est évi-
69. Steven Lukes, Individualism, op. cit. (n. 3), p. 74-75.
70. Ibid., p. 73.
71. Grégoire le Grand, Dialogues, I, Prol., 9, p. 16.
72. Magda B. Arnold, Emotion and Personality, vol. 1: Psychological Aspects, New
York, Columbia University Press, 1960, p. 171. Voir aussi Keith Oatley, Best Laid
Schemes : The Psychology of Emotions, Cambridge, Cambridge University Press, 1992.
[51] dent que cela vaut également pour l’individu lui-même73. Charles
Taylor n’a pas tort de dire que le «moi médiéval» que nous retrouvons
chez saint Augustin est défini de l’extérieur, par «la révélation
de Dieu». Mais il se trompe en pensant que l’histoire s’arrête là et
qu’il faut attendre Descartes pour qu’on en reparle. En réalité, elle ne
faisait que commencer puisque la «révélation» se faisait à des
moments de crise profondément personnels, des moments divers,
variés et lourds de sens. Pour l’historien, l’essentiel réside dans la
nature de ces crises, leur influence sur l’itinéraire de la vie d’un individu,
et surtout dans la façon dont le moi émotionnel (réel ou fictif)
les vit ou plutôt comment il les raconte par la suite.
En guise de conclusion: nos conceptions du «moi» ne sont en
aucune manière des vérités éternelles mais plutôt des constructions
historiques et sociales. Jusqu’à une époque récente, les historiens ont
eu tendance à peu se servir de ces constructions pour arriver à une
vraie définition de la question. Libérés de ces contraintes, nous pouvons
désormais non seulement entreprendre une nouvelle étude du
«moi» mais encore ajouter de nouvelles dimensions au concept
lui-même. Nous aimerions suggérer qu’au haut Moyen Âge le
« moi » se faisait (souvent) sentir; c’était un moi émotionnel que
l’on ressentait le plus vivement lorsqu’on faisait précisément ce que
tous les historiens du «moi» depuis Burckhardt ont dénigré: refuser
sa singularité pour s’identifier à une catégorie.
Traduction: C. S. Heppleston.
Barbara H. Rosenwein est professeur d’histoire à Loyola University Chicago.
Elle a publié: Negotiating Space: Power, Restraint, and Privileges of Immunity in
Early Medieval Europe, 1999; To Be the Neighbor of St. Peter : The Social Meaning of
Cluny’s Property, 909-1049, 1989; Rhinoceros Bound: Cluny in the Tenth Century,
1982. Elle a abordé pour la première fois l’étude des émotions au Moyen Âge
dans: Anger’s Past: The Social Uses of an Emotion in the Middle Ages, 1998. Sur ce
thème elle a également publié: «Pouvoir et passion. Communautés émotionnelles
en Francie au VIIe siècle», Annales: Histoire, Sciences sociales, 58/6, 2003,
p. 1271-1292, et «Worrying about Emotions in History», American Historical
Review, 107, 2002, p. 821-845. Elle prépare actuellement un nouveau livre:
Emotional Communities in the Early Middle Ages.
73. Seymour Epstein, Commentary: The self and emotions, dans Identity and Emotion.
Development through Self-Organization, édité par Harke A. Bosma et E. Saskia Kunnen,
Cambridge et Paris, Éditions de la Maison des Sciences de l’Homme, 2001, p. 60.
Epstein répond à un article de Nico H. Frijda, The Self and Emotions, dans ibid., p. 39-57,
dans lequel ce dernier soutient que les émotions ne participent pas forcément au concept
de soi.
[52] RÉSUMÉ
L’historiographie du «moi» la plus répandue reste encore soumise à des définitions
datant du XIXe siècle. Elle pense au mieux que la conscience de soi émerge
durant un long XIIe siècle, qui commence vers 1050. Cet article recense et critique les
défenseurs de ce point de vue. Pour ce faire, il traite d’un sens du «moi», le «moi
émotionnel», et démontre son existence au haut Moyen Âge. Les moments où les
gens de cette époque se sont vus eux-mêmes (ou ont imaginé les autres) se convertir
à un modèle ont été des expériences révélatrices du «moi» au cours desquelles, de
façon privilégiée, ils ont été conscients d’eux-mêmes comme êtres sensibles.
Mots clés : Haut Moyen Âge, histoire des émotions, société, individu, conscience
de soi.
ABSTRACT
The current historiography of the medieval self, still dependent on nineteenth-
century definitions, finds a sense of self emerging, at best, during the long
twelfth century that began c. 1050. This article surveys and critiques the purveyors of
this view. It then turns to one sense of self – an « emotional self » – that certainly
existed in the early Middle Ages. The moments in which early medieval people saw
themselves (or imagined others) converting to a model were self-revelatory experiences
in which people were exceptionally aware of themselves as feeling beings.
Key words : Early Middle Ages, History of emotions, society, individual, sense of
self.
[01/11/2016]