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Théories du commerce international

Alexis Direr (courriel : ’nom’@ens.fr)

Dernière mise à jour : octobre 2008


Contents

Preface ix
0.1 Quelques erreurs fréquentes sur la mondialisation . . . . . . . 4
0.2 La dynamique de la mondialisation . . . . . . . . . . . . . . . 7
0.2.1 Les moteurs de la mondialisation . . . . . . . . . . . . 8
0.2.2 Les freins à la mondialisation . . . . . . . . . . . . . . 10
0.2.3 La fragmentation du processus de production . . . . . 11
0.3 Mondialisation et inégalités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
0.3.1 Les inégalités sur longue période . . . . . . . . . . . . . 16
0.3.2 Le commerce et les inégalités entre pays . . . . . . . . 17
0.3.3 Les inégalités intra-pays . . . . . . . . . . . . . . . . . 24
0.4 Conclusion : la mondialisation pro…te-t-elle aux pauvres? . . . 28

La théorie classique du commerce international 29


0.5 Le rôle de la balance commerciale . . . . . . . . . . . . . . . . 29
0.5.1 Le modèle à deux périodes . . . . . . . . . . . . . . . . 30
0.5.2 Les gains tirés de l’ouverture aux marchés …nanciers . . 33
0.5.3 Les e¤ets d’une variation du taux d’intérêt . . . . . . . 37
0.5.4 La balance commerciale avec un grand nombre de péri-
odes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39
0.5.5 La balance commerciale en horizon in…ni . . . . . . . . 41
0.6 Le modèle avec productions exogènes . . . . . . . . . . . . . . 43
0.7 Le modèle à un facteur de production . . . . . . . . . . . . . . 45
0.7.1 Le cadre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45
0.7.2 Les e¤ets de l’ouverture . . . . . . . . . . . . . . . . . 47
0.7.3 Le cas de deux grandes zones commerciales . . . . . . . 49
0.7.4 Le modèle ricardien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50
0.7.5 L’o¤shoring remet-il en cause la théorie classique du
commerce international ? . . . . . . . . . . . . . . . . . 53

v
vi CONTENTS

0.7.6 Commerce et localisation des biens polluants . . . . . . 57


0.8 Le commerce avec rendements décroissants . . . . . . . . . . . 64
0.8.1 Le cadre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64
0.8.2 L’optimum . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64
0.8.3 L’équilibre concurrentiel . . . . . . . . . . . . . . . . . 65
0.8.4 La frontière des possibilités de production . . . . . . . 66
0.8.5 L’équilibre autarcique . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69
0.8.6 L’ouverture au commerce international . . . . . . . . . 69
0.8.7 Le cas de deux grandes zones commerciales . . . . . . . 71
0.8.8 La source des avantages comparatifs . . . . . . . . . . 72
0.9 Le modèle à deux facteurs de production . . . . . . . . . . . . 73
0.9.1 Le cadre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73
0.9.2 La frontière des possibilités de production . . . . . . . 75
0.9.3 L’ouverture au commerce international . . . . . . . . . 77
0.10 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79

Le modèle ricardien en équilibre général 81


0.11 Le cadre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 82
0.11.1 La fonction d’o¤re . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83
0.11.2 La fonction de demande . . . . . . . . . . . . . . . . . 85
0.11.3 Equilibre de l’économie . . . . . . . . . . . . . . . . . . 86
0.11.4 Une version analytique du modèle . . . . . . . . . . . . 87
0.12 Applications . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 88
0.12.1 Les e¤ets du progrès technique . . . . . . . . . . . . . 88
0.12.2 L’entrée d’une grande économie dans le commerce mon-
diale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 90
0.12.3 La hausse des salaires est-elle toujours un mécanisme
équilibrant ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 92
0.12.4 Les e¤ets d’un déséquilibre commercial . . . . . . . . . 93
0.12.5 Les e¤ets d’un transfert international . . . . . . . . . . 95
0.12.6 Coûts de transport et droits de douane . . . . . . . . . 97
0.12.7 Les e¤ets d’un ‡ux migratoire . . . . . . . . . . . . . . 100
0.12.8 O¤shoring . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103
0.13 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 108
0.14 Annexe : la détermination de la demande mondiale dans chaque
bien et l’équilibre commercial . . . . . . . . . . . . . . . . . . 109
CONTENTS vii

Le modèle HOS 111


0.15 Le cadre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 112
0.16 La double autarcie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 114
0.16.1 Le lien entre le prix relatif des biens et le prix relatif
des facteurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 118
0.17 Les e¤ets de l’ouverture des frontières . . . . . . . . . . . . . . 120
0.17.1 Le théorème HO . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 120
0.17.2 Les lois du prix unique . . . . . . . . . . . . . . . . . . 120
0.18 Les e¤ets de la croissance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 123
0.19 De quoi dépendent les béné…ces de l’échange ? . . . . . . . . . 125
0.20 Commerce international et bien-être . . . . . . . . . . . . . . . 127
0.21 Le modèle HOS et les politiques migratoires . . . . . . . . . . 128
0.22 Le modèle de gravité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 130
0.23 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 131
0.24 Annexe: le prix des facteurs dans le modèle HOS . . . . . . . 132

Economies d’échelle et concurrence imparfaite 135


0.25 Les rendements croissants externes . . . . . . . . . . . . . . . 136
0.25.1 Un modèle avec rendements d’échelle externes . . . . . 138
0.25.2 Les e¤ets de l’ouverture commerciale . . . . . . . . . . 139
0.25.3 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 141
0.26 Le commerce intra-branche . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 141
0.26.1 Un modèle de concurrence monopolistique . . . . . . . 144
0.26.2 Les e¤ets de la taille du marché . . . . . . . . . . . . . 145
0.26.3 Les e¤ets de l’ouverture commerciale . . . . . . . . . . 147
0.26.4 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 148
0.27 Commerce et concurrence oligopolistique . . . . . . . . . . . . 149
0.27.1 L’analyse du duopole . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 150
0.27.2 Comparaison avec le cas autarcique . . . . . . . . . . . 152
0.27.3 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 152
Preface
Ce cours, de niveau L3-M1, a été préparé à l’occasion d’un enseignement
dispensé à l’Université Grenoble 2 entre 2006 et 2009. Il nécessite des bases
minimum en microéconomie : théorie du consommateur (utilité marginale,
taux marginal de substitution entre les biens égal au rapport des prix) et
du producteur (rendements d’échelle, productivité marginale des facteurs),
Théorèmes du Bien-Etre (équivalence entre optimum et équilibre concurren-
tiel), concurrence imparfaite (oligopole à la Cournot). Vous trouverez ces
connaissances fondamentales dans tout bon manuel de microéconomie (par
exemple "Introduction à la microéconomie par Hal R. Varian (niveau L1) ou
Analyse microéconomique du même auteur (niveau L2/3).

ix
La mondialisation des échanges

Ce cours présente les principales théories du commerce international. Il


débute par une introduction portant sur les grandes tendances du commerce
internationale depuis un siècle et ses e¤ets observés sur les inégalités entre
pays et à l’intérieur des pays. Nous poursuivons par les théories tradition-
nelles (ou classiques) de l’échange qui sont fondées sur les di¤érences entre
pays : di¤érences de technologie pour les théories ricardiennes, di¤érences
de dotations en capital et en travail (quali…é et non quali…é) pour la théorie
Hecksher-Ohlin-Samuelson (HOS). Ces théories délivrent le message com-
mun que le commerce est favorable à toutes les parties qui échangent même
si la théorie HOS suggère que certaines sous-populations peuvent perdre à
l’échange. Ces théories nous permettent d’éclairer certains débats comme
l’impact du commerce sur l’environnement, sur les travailleurs non quali-
…és des pays riches, les e¤ets de l’o¤shoring ou encore les conséquences du
progrès technique sur les échanges commerciaux. Dans une seconde partie
nous traitons des théories qui montrent que le commerce international peut
s’expliquer par des imperfections de marché ou des rendements croissants.
Nous étudions la logique du commerce au sein d’un marché oligopolistique
ou en présence de biens di¤érenciés. Les e¤ets du commerce sur les pays qui le
pratiquent deviennent plus ambigus. Nous étudions alors dans quelle mesure
les conclusions de théories classiques sont remises en cause et montrons quels
types de politique économique permettent d’améliorer la situation des pays
qui échangent.

Nous abordons dans ce premier chapitre introductif les faits et tendances

xi
xii Preface

essentiels permettant de comprendre les fondements et les enjeux du com-


merce international. La discussion sera organisée autour des débats sur la
mondialisation.
En trente ans, le fret maritime mondial a triplé. La mondialisation
des échanges est telle que le commerce international représente aujourd’hui
l’équivalent du tiers de la production mondiale. Les débats sur les e¤ets d’une
telle tendance sont omniprésents dans les médias et dans les conférences entre
spécialistes. Ils posent la question des avantages à attendre de la mondialisa-
tion. Les enjeux économiques de la mondialisation sont en e¤et d’une grande
importance. La mondialisation des échanges permet-elle une convergence en-
tre le Nord et le Sud ? Aggrave-t-elle au contraire les inégalités entre pays
et au sein d’un même pays ? Appauvrit-elle la main d’oeuvre non quali…ée
des pays développés ? Favorise-t-elle l’exploitation des travailleurs dans les
pays en développement ? Dégrade-t-elle l’environnement ?
Selon Stiglitz (La grande désillusion, p38) la mondialisation est l’intégration
plus étroite des pays et des peuples du monde qu’ont réalisée, d’une part
la réduction des coûts de transport et des communications et d’autre part
l’élimination des barrières arti…cielles à la circulation transfrontalière des
biens, des services, des capitaux, des connaissances et, dans une moindre
mesure, des personnes.
La mondialisation des échanges découle en e¤et de nombreuses réorienta-
tions des politiques économiques:
abaissement des restrictions aux échanges et aux investissements
internationaux,
abandon des politiques de développement par substitution des im-
portations
transition vers l’économie de marché des anciens pays à économie
plani…ée
émergence de nouveaux pays industrialisés dont le développement
s’appuie sur le commerce.
Depuis les années 60, nous observons une croissance plus rapide du com-
merce que de la production mondiale, ce qui re‡ète une ouverture croissante
Preface xiii

des pays (en trait gras le PIB mondial, en pointillé le commerce mondial,
base 100 en 1962):

La croissance mondiale de la production et du commerce, 1962-2001

Dans le tableau suivant qui mesure le ratio ‡ux commerciaux (exports


+ imports) sur PIB, nous voyons que le commerce s’est considérablement
développé depuis les années 50 dans les pays développés:

en % c.1870 c.1910 c.1950 1995 2004


France 33 35 23 43 51
GB 41 44 30 57 53
Allemagne 37 38 27 46 70
EU 14 11 9 24 25
Sources : Kuznets (1967) et OCDE

Même si ces pays ont connu une première mondialisation entre 1870 et
1914, les ‡ux commerciaux sont aujourd’hui plus importants aujourd’hui,
alors même que le PIB a décuplé ces 150 dernières années. Cette expansion
du commerce trouve aujourd’hui de nouveaux relais, notamment à travers
xiv Preface

le développement des échanges de services (les barres indiquent la part du


commerce mondial des services dans le commerce mondial total):

Plusieurs phénomènes sont associés à la mondialisation: la révolution des


NTIC (nouvelles technologies de l’information et des communications), la mo-
bilité accrue des travailleurs, la libéralisation …nancière, l’internationalisation
des entreprises, la concentration géographique (ou polarisation) des activités
économiques. Le débat s’organise aussi autour de la question du rapport
entre régionalisation et mondialisation: ces deux mouvements s’opposent-ils
ou expriment-ils une même tendance ?
Pour comprendre la mondialisation, il est primordial d’étudier la logique
économique de l’échange international, ce qui est l’objet de ce cours. Ce
chapitre se penche sur le phénomène de mondialisation dont l’étude va perme-
ttre assez naturellement de déboucher dans la suite sur l’analyse du commerce
international. Nous commencons par relever quelques erreurs fréquentes au
sujet de la mondialisation, puis nous nous intéressons à la dynamique de la
mondialisation et à ses e¤ets sur les inégalités.

0.1 Quelques erreurs fréquentes sur la mon-


dialisation
Nous listons ici quelques a¢ rmations fréquemment rencontrées mais invalidées
par l’observation :
0.1 QUELQUES ERREURS FRÉQUENTES SUR LA MONDIALISATIONxv

1. « La mondialisation est un phénomène récent » . Si nous nous référons à


la plupart des théories expliquant les échanges internationaux (chapitres
2 et suivant), leur caractère statique suggère que l’ensemble des gains à
l’échange devraient rapidement se réaliser. Or l’histoire nous apprend le
contraire puisque le processus de mondialisation se déploie sur plusieurs
siècles et est encore loin de son point d’achèvement. Le commerce in-
ternational est en e¤et très ancien (exemple de la route de la soie qui
s’ouvre deux siècles avant JC). De même, les investissements directs ne
sont pas nouveaux. Les entreprises mènent des investissent à l’étranger
dès le XIXe siècle, comme l’atteste l’exemple de l’entreprise américaine
de machines à coudre Singer créée en 1851 et qui s’implante en Ecosse
dès 1867, puis au Canada et en Autriche. Historiquement, il est di¢ cile
de trouver une date précise qui signe l’entrée dans une ère mondialisée.
Il existe plutôt des étapes importantes comme le furent les progrès mar-
itimes du XVe siècle et les grandes découvertes qui suivirent. Le XXe
siècle franchit une étape supplémentaire dans l’interconnection des pays
avec le premier con‡it véritablement mondial et quelques années plus
tard la première dépression mondiale.

2. « La mondialisation est un processus historique inévitable » . L’histoire


des échanges internationaux remet en cause une telle progressivité et
son ordre. Des périodes d’ouverture succédent à des périodes de repli.
La brutale instauration des barrières douanières dans les années 30
nous rappelle que l’économie mondiale n’est pas aujourd’hui à l’abri
d’un retour généralisé du protectionisme. Nous pouvons également
citer le cas de la France qui a libéralisé son commerce en 1860 (Traité
franco-britannique) et revenu au protectionnisme à partir de 1881 (tarif
Méline: 1892). Un nouveau pic protectionniste apparaît dans les an-
nées 30, le libre-échange s’imposant ensuite progressivement, avec la
construction européenne et les accords du Gatt d’après-guerre.

3. « La mondialisation e¤ace les distances » . Même si l’on prend en


compte les autres facteurs qui a¤ectent le commerce entre deux pays
xvi Preface

(leurs poids économiques respectifs, leurs accords commerciaux, l’utilisation


d’une langue ou d’une monnaie commune), l’e¤et négatif de la dis-
tance sur les échanges reste considérable. Ainsi, quand la distance
entre deux pays double (par exemple, France-Finlande par rapport à
France-Portugal), le ‡ux de commerce est à peu près divisé par deux.
Mieux encore, cet e¤et distance est plus élevé qu’au milieu des années
60, alors que les coûts de transport ont diminué. Certes le commerce a
bien augmenté, mais il s’est développé en priorité entre les pays proches
qu’entre les pays lointains. Ainsi, sur les vingt dernières années, le
commerce entre la France et l’Espagne a plus que doublé, alors que le
commerce franco-américain n’a augmenté que de 50%.

Les e¤ets de la distance sur le commerce sont décrits par les modèles de
gravité. Ces modèles ont une longue tradition en économie dont le résultat
représentent un des faits les plus robustes en économie international. Selon
ce modèle, le commerce entre deux pays est proportionnel au produit des
PIB des deux pays divisé par la distance qui les sépare élevé à une puissance
autour de 0,9. La valeur de ce paramètre signi…e que doubler la distance
entre deux pays réduit le commerce d’environ 90%. Cette élasticité a peu
changé depuis les années 70 malgré les progrès dans les communications et
les transports1 . Si le commerce s’accroît entre les pays, cela est attribuable
à la croissance des PIB et non pas à l’e¤acement des distances comme il est
souvent dit.

4. « La mondialisation signi…e la …n des frontières politiques » . Pour


quanti…er l’impact des frontières sur le commerce international, les
économistes se sont posé la question suivante : deux régions à distance
égale séparées par une frontière nationale échangent-elles moins que si
elles appartenaient à un même pays ? Les premiers travaux sur le sujet
ont porté sur la frontière entre les Etats-Unis et le Canada, pour laque-
lle la plupart des économistes s’attendaient à un impact minime, étant
1
Disdier & Head (2008) "The puzzling persistence of the distance e¤ect on international
trade" Review of Economics and Statistics.
0.2 LA DYNAMIQUE DE LA MONDIALISATION xvii

donnée la faiblesse des barrières douanières entre les deux pays. En


fait, une province canadienne commerce vingt fois plus avec une autre
province canadienne qu’avec un Etat américain de taille et à distance
comparables. Les frontières sont également bien vivantes en Europe :
deux régions européennes commercent en moyenne quatorze fois plus
entre elles quand elles appartiennent au même pays que dans le cas
contraire. On est loin du marché unique sans frontières.

5. « La mondialisation touche toutes les régions du monde » . Des régions


géographiques entières sont exclues du mouvement comme l’Afrique.
C’est d’aileurs l’un des drames de ce continent, dont la part dans le
commerce mondial n’a cessé de diminuer, tenue à l’écart des grands
marchés non seulement par la régionalisation des échanges, le protec-
tionnisme agricole des occidentaux, la ruine de ses infrastructures de
transport, mais aussi par son éloignement géographique. L’Afrique est
aussi le continent qui a le plus grand nombre de pays enclavés, pour
lesquels on estime que les coûts de transport sont 50 % plus élevés
que pour les pays disposant d’un accès à la mer. Le développement
d’Internet ne change pas grand-chose à ces désavantages géographiques.

6. «La mondialisation des échanges est un processus en voie d’achèvement» .


Un calcul simple suggère que l’économie mondiale est très éloignée de
l’ideal-type d’une économie parfaitement globalisée. Prenons le cas des
Etats-Unis. Ils représentent environ 1/4 de la production mondiale. Si
l’économie mondiale était parfaitement globalisée, les lieux d’achat et
de ventes seraient indi¤érents. Dans un tel monde, les Etats-Uni de-
vraient donc échanger les 3/4 de leur PIB avec le reste du monde. Le
chi¤re réel est de 12% soit un écart de 1 à 6.

0.2 La dynamique de la mondialisation


Il existe des facteurs favorables à la mondialisation (des moteurs) et des
facteurs défavorables (ou des freins).
xviii Preface

0.2.1 Les moteurs de la mondialisation


Les principaux moteurs de la mondialisation sont les gains à l’échange, la
croissance économique et la baisse des coûts de transaction.
Les gains à l’échange sont un facteur puissant à l’origine de la croissance
des échanges. Nous verrons plusieurs versions de cet argument quand nous
aborderons les modèles de Ricardo et HOS. Nous étudierons également le
rôle des rendements d’échelle croissants. Ces derniers favorisent les échanges
en absence d’avantages comparatifs initiaux. L’industrie cinématograpique
peut illustrer un tel phénomène. La fabrication de …lms ou séries télévisés est
une industrie essentiellement à coûts …xes. La concentration géographique
de ces activités permet ainsi d’éviter leur duplication à travers le monde et
engendre par la même une spécialisation internationale et des échanges.
La croissance économique est également un moteur de l’échange. Plus
un pays est riche, plus il a tendance à échanger. En retour, l’ouverture aux
échanges internationaux favorise sous certaines conditions le développement.
Mais l’inverse est également vrai. La croissance soutenue d’un grand nombre
de pays depuis les débuts de la révolution industrielle a favorisé l’extension
des échanges marchands. Le raisonnement s’appuie sur la nature de la crois-
sance économique qui favorise le commerce: rendements d’échelle croissants,
diversité croissante des biens de consommation et de production. Ces facteurs
génèrent naturellement du commerce en intensi…ant les spécialisations. En ce
sens le progrès technique, déterminant fondamental de la croissance du siècle
dernier, in‡ue puissament sur la dynamique de la mondialisation. Les années
d’après-guerre ont été des années pendant lesquelles une forte croissance pro-
ductive et l’ouverture économique sont allées de pair. Baier et Bergstrand
(2001) estiment que les deux tiers de la croissance des échanges dans la
dernière partie du XXe siècle s’expliquent par la croissance économique.
Au delà de la croissance, la convergence des économies, là où elle se pro-
duit, est également un facteur de multiplication des échanges. Le commerce
international se réalise en majorité entre des pays au niveau de développe-
ment similaire. De même, les nouveaux pays industrialisés (NPI) ont vu
leur part dans le commerce mondial augmenter. A contrario, l’absence de
0.2 LA DYNAMIQUE DE LA MONDIALISATION xix

convergence freine la mondialisation.


En…n, la baisse des coûts de transaction signi…e la disparition progressive
des "barrières naturelles" aux échanges. Ce phénomène remonte essentielle-
ment au milieu du XIXe siècle. L’indice de coût du freit maritime britan-
nique de Knick Harley reste relativement constant entre 1740 et 1840, avant
de baisser de 70% jusqu’en 1910. La baisse des coûts de transport explique
la totalité de l’intégration croissante du marché des biens entre 1870 et 1914,
alors que la reviviscence du protectionisme (excepté dans les colonies asia-
tiques et africaines) a partiellement freiné ce mouvement.
La baisse des coûts de transport se re‡ète également dans les nombreuses
innovations qui ont touché ce secteur (conteneurs, avions cargos), dans le
développement des infrastructures (ports, autoroutes, ...) et dans la baisse
des coûts connexes (télécom, assurances du fret ...):

La baisse des coûts de transport, 1920-1990

Ce processus a d’ailleurs été facilité par le fait que les marchandises


échangés sont de moins en moins pondéreuses. On échange aujourd’hui des
microprocesseurs de quelques grammes alors qu’on échangeait hier des pro-
duits beaucoup plus volumineux et lourds.
xx Preface

La baisse des coûts de transport se poursuit aujourd’hui. De plus en


plus de services sont échangés. Elle permet également un fractionnement
géographique du processus de production.
En…n, les investissements directs exercent un double mouvement sur les
échanges. D’un côté, elles permettent de rapprocher le lieu de production de
la demande (exemple des investissements japonais dans l’automobile sur le
territoire américain dans les années 80), ce qui réduit le commerce. De l’autre
et de façon croissante, les investissements directs opèrent un mouvement
inverse en délocalisant la production a…n de pro…ter de coûts de production
plus faibles, ce qui augmente le commerce.
En résumé, il existe trois facteurs majeurs expliquant l’intégration crois-
sante des économies: la baisse des droits de douane, la chute des coûts de
transport et en…n la croissance économique et le progrès technique.

0.2.2 Les freins à la mondialisation


La croissance soutenue depuis les débuts de la révolution industrielle et la
chute dramatique des coûts de transport représentent des événements ma-
jeurs sur le long-terme qui favorisent les échanges entre les pays. Face à
ces facteurs, nous pouvons retourner la question généralement posée et nous
demander pourquoi les économies ne sont pas plus globalisées.
Les principales entraves économiques sont la distance, la volatilité des
taux de change et la di¢ culté de compenser les catégories qui perdent à
l’ouverture des frontières.
Au delà des e¤ets frontières, le poids de la distance sur les échanges reste
important. Les modèles gravitationnaires montrent ainsi que la géographie
est un puissant facteurs des échanges bilatéraux.
Il existe également une préférence relative pour les produits locaux. Les
goûts régionaux sont façonnés par l’histoire mais aussi par l’o¤re locale, sans
substituts parfaits hors des frontières. Le cinéma indien et l’imperméabilité
de ce pays aux productions d’Hollywood constitue un bon exemple des bar-
rières culturelles aux échanges.
Il existe également des résistances d’ordre politique. Les résistances poli-
0.2 LA DYNAMIQUE DE LA MONDIALISATION xxi

tiques prennent la forme de protectionisme et de régionalisme. L’intégration


régionale (appelée également union douanière) n’est pas complètement as-
similable à un régime de libre échange. Pour Jacob Viner (1950), une union
douanière peut amener à un détournement du commerce avec les pays tiers
vers les pays membres de l’union. Ben-David2 montre un tel e¤et en Europe
après 1950 mais seulement pendant une période transitoire. Rose et van
Wincoop3 notent également le rôle essentiel des unions monétaires sur les
échanges. Parce que les taux de change sont beaucoup moins volatiles (voire
complètement …xes) au sein d’une union monétaire, les producteurs tendent
à privilégier les échanges communautaires.

0.2.3 La fragmentation du processus de production

La mondialisation est un processus en cours qui concerne un nombre crois-


sant d’activités. Baldwin4 parle à ce sujet de deuxième "dégroupage" (un-
bundling). Le premier a eu lieu au siècle dernier quand les progrès dans les
transports ont permi aux entreprises de dissocier le lieu de production et celui
de consommation. Le second se produit actuellement et donne la possibilité
aux entreprises de fragmenter géographiquement le processus de production.

2
Dan Ben-David "Equalizing Exchange: Trade Liberalization and Income Conver-
gence", The Quarterly Journal of Economics vol. 108, No. 3 (Aug., 1993), pp. 653-679.
3
Andrew K. Rose; Eric van Wincoop "National Money as a Barrier to International
Trade: The Real Case for Currency Union" The American Economic Review, vol. 91, No.
2, Papers and Proceedings of the Hundred Thirteenth Annual Meeting of the American
Economic Association (May, 2001), pp. 386-390.
4
Baldwin (2006) "Globalization : The Great Unbundling(s)", mimeo.
xxii Preface

Les implantations de Renault en Europe et en Asie en 2007.

Une forme récente de la mondialisation a récemment attiré l’attention, l’o¤shoring.


Ce phénomène se réfère à la délocalisation des activités de service de certaines
entreprises vers des pays à bas salaire. Ces délocalisations concernent des
services tels que la maintenance d’applications informatiques, les …nances,
l’achat,. . .
L’o¤shoring peut être vu comme la poursuite de la division du travail,
fondement de la Révolution industrielle. La description par Adam Smith en
1776 de la division du travail dans une usine d’épingles de la …n du XVIIIe
siècle est restée célèbre :

Un ouvrier tire le …l à la bobine, un autre le dresse, un troisième


coupe la dressée, un quatrième empointe, un cinquième est em-
ployé à émoudre le bout qui doit recevoir la tête. Cette tête est
0.2 LA DYNAMIQUE DE LA MONDIALISATION xxiii

elle-même l’objet de deux ou trois opérations séparées : la frap-


per est une besogne particulière ; blanchir les épingles en est une
autre ; c’est même métier distinct et séparé que de piquer les pa-
piers et d’y bouler les épingles. En…n, l’important travail de faire
une épingle est divisée en dix-huit opérations distinctes ou envi-
ron, lesquelles, dans certaines fabriques, sont remplies par autant
de mains di¤érentes, quoique dans d’autres le même ouvrier en
remplisse deux ou trois.

A l’époque, la productivité industrielle était issue de la concentration sous


un même toit des di¤érentes tâches nécessaires à la production d’un bien. En
se spécialisant dans une ou plusieurs tâches, chaque travailleur pouvait se con-
centrer plus e¢ cacement sur celles-ci. Mais sans proximité il était impossible
de coordonner les e¤orts des di¤érents travailleurs ou de combiner leur travail
dans un seul produit. La communication nécessitait la proximité. Le trans-
port de matières premières ou de produits semi-…nis était lent et coûteux.
L’économie géographique de l’époque pointait le rôle de l’agglomération de
la production et non pas sa fragmentation. La spécialisation impliquait la
concentration géographique. Ainsi, les manufactures produisaient des biens
qui étaient ensuite envoyés aux consommateurs …nals. Si les consommateurs
résidaient dans des pays di¤érents il y avait du commerce international.
Cette description de la production et des échanges est restée valable à
peu près deux siècles. Mais récemment, une révolution dans les transports et
spécialement dans les communications ont a¤aibli le lien entre spécialisation
et concentration géographique. Il est de plus en plus possible de séparer les
tâches dans le temps et dans l’espace. Les instructions peuvent être délivrées
instantanément. Les informations détaillées sur la spéci…cation des produits
peuvent être envoyées électroniquement. Et les biens partiellement transfor-
més peuvent être transportés plus facilement, plus rapidement et à moindre
coût. Par exemple, pour des services comme la radiologie, l’édition, ou la pré-
paration des impôts, le travail peut être envoyé électroniquement sans perte
de temps et virtuellement sans coût. Le commerce international implique de
plus en plus non seulement des biens …nis mais aussi des tâches individuelles.
xxiv Preface

Dans ce nouveau processus de production globale, la spécialisation peut être


atteinte sans la concentration géographique. Cette tendance permet aux en-
treprises de tirer toujours plus avantage des di¤érences de coûts des facteurs
entre les pays.
Cependant les distances sont loin d’être abolies5 . La proximité compte
pour un grand nombre de tâches. La plupart des échanges se font entre des
partenaires physiquement proches. Tandis que certaines tâches peuvent être
entreprises à distance sans di¢ cultés, d’autres doivent être réalisées en face
à face6 . Ces derniers distinguent les tâches qui nécessitent une information
codi…able et celles qui nécessitent une information tacite. Les premières sont
faciles à transférer car elles peuvent s’exprimer dans des systèmes symbol-
iques de type linguistique, mathématique ot visuel. Mais les secondes ne
peuvent pas être transmises par des symboles, ce qui nécessite à la place que
les parties se connaissent su¢ samment et partage des références communes.
Levy et Murnane7 ont souligné les similarités entre des tâches qui peuvent
être réalisées au loin et des tâches réalisables par un ordinateur. Pour qu’un
ordinateur réalise une tâche, il doit être possible de la décrire en utilisant une
logique fondée sur des règles. Dans ce cas, il est également possible de faire
réaliser cette tâche au loin avec relativement peu de risques de mésentente
et un coût modeste de contrôle à distance
Blinder8 se concentre sur le secteur des services et distingue les tâches
qui doivent être délivrées personnellement et celles qui peuvent être délivrées
électroniquement. La plupart des services personnels ne peuvent pas être
réalisés au loin, tandis que les services impersonnels sont susceptibles d’être
externalisés à l’étranger. Mais comme Blinder le note, les améliorations con-
tinues dans les technologies de l’information transforment de plus en plus de
services personnels en services impersonnels.

5
Edward Leamer (2006) "A ‡at world, a level playing …eld, a small world after all or
none of the above ?", à paraître dans the Journal of Economic Litterature.
6
Edward Leamer et Michael Storper (2001) "The economic geography of the Internet
age", The Journal of International Business Studies 32 (4) 641-665.
7
The New Division of Labor, Princeton University Press 2004.
8
"O¤shoring : The next industrial revolution?" Foreign A¤airs 85 (2).
0.2 LA DYNAMIQUE DE LA MONDIALISATION xxv

Cette nouvelle division internationale du travail devrait s’observer dans la


composition des tâches réalisées dans les pays développés au fur et à mesure
que les occupations routinières sont automatisées ou réalisées à l’étranger.
Autor, Levy et Murnane ont estimé une telle composition pour les Etats-
Unis entre 1960 et 2002:

L’évolution des tâches routinières et non-routinières (base 50 en 1960)

Les tâches routinières sont des tâches qui nécessitent la répétition méthodique
de procédures facilement transcriptibles et codi…ables. Le graphique montre
que le travail aux Etats-Unis change de nature à partir des années 70 et incor-
pore une part croissante de tâches non-routinières. Les années 70 marquent
d’ailleurs également le début de l’envol des inégalités salariales entre les non
quali…és et les plus quali…és. Il reste toutefois di¢ cile de savoir quelle part
de cette tendance est attribuable au commerce international et quelle part
provient du progrès technique et de l’e¤et des nouvelles technologies.
La part des inégalités attribuables au commerce international fait l’objet
de la section suivante.
xxvi Preface

0.3 Mondialisation et inégalités


Historiquement, la première véritable expérience d’ouverture commerciale a
été la suppression des lois sur le blé (corn laws) par la Grande Bretagne en
1846 après trente ans de protectionisme agricole. L’ouver-ture a été sans
conteste un facteur puissant de réduction des inégalités à une époque où
l’alimentation représentait plus de 50% du budget des travailleurs. Peut-
on tirer de cet exemple une leçon générale du lien entre mondialisation et
inégalités ? En d’autres termes, la globalisation a-t-elle favorisé ou réduit les
inégalités ? Cette question se divise elle-même en deux. A-t-elle favorisé les
inégalités entre pays ?9 A-t-elle favorisé les inégalités à l’intérieur des pays
?10
Dans la continuité de la première question, nous nous demanderons quels
ont été les gagnants et des perdants de la mondialisation. Les pays pauvres
ou les pays riches ? Dans la lignée de la seconde question, les catégories défa-
vorisées (travailleurs non quali…és etc.) ou les catégories aisées (propriétaires
terriens, capitalistes, hauts revenus)?

0.3.1 Les inégalités sur longue période


L’évolution des inégalités sur le long-terme se caractérise par l’accrois-sement
considérable des inégalités entre pays comparé à l’évolution des inégalités à
l’intérieur de chaque pays. Bourguignon et Morisson11 montrent que l’accroissement
des inégalités mondiales entre 1820 et 1992 est entièrement attribuable à
l’augmentation des inégalité entre les pays et que les inégalités entre les
citoyens d’un même pays sont restés en comparaison extrêmement stables12 .
Des pays comme les Etats-Unis ou la France disposent aujourd’hui d’un
9
cf. Peter H. Lindert, Je¤rey G. Williamson "Does globalization makes the world more
inequal?", NBER n 8228.
10
cf. Je¤rey G. Williamson "Winners and losers over two century of globalization",
NBER n 9161.
11
François Bourguignon, Christian Morrisson "Inequality among World Citizens: 1820-
1992" The American Economic Review vol. 92, No. 4 (Sep., 2002), pp. 727-744.
12
Données et descriptions disponibles à l’adresse : http://www.delta.ens.fr/XIX/
0.3 MONDIALISATION ET INÉGALITÉS xxvii

revenu par habitant jusqu’à 20 fois supérieur à celui d’un pays pauvre alors
que deux cent ans auparavant les inégalités de niveau de vie étaient dans
une échelle de 1 à 3 (Madison). Il n’y a pas eu d’évolution des inégalités
comparables au sein de chaque pays ou les revenus des plus riches sont glob-
alement restés un multiple stable des revenus des plus pauvres comparé aux
divergences internationales.
Même si la croissance des inégalités entre pays prédomine, cela ne signi…e
pas que la question du lien entre globalisation et inégalités se résume à cette
question. La mondialisation peut par exemple avoir freiné une réduction
des inégalités intra-pays comme prédit par Kuznets13 . En d’autres termes,
la réduction des inégalités dans chaque pays aurait été plus forte sans la
mondialisation. Ou bien les e¤ets de la mondialisation sur les inégalités
peuvent avoir été e¢ cacement combatus par des politiques mises en œuvre
dans le cadre national, alors que le cadre international rend inopérante toute
politique réelle de réduction des inégalités.
En…n, ce constat est vrai sur longue prériode et pour l’ensemble des pays,
ce qui n’empêche pas une tendance récente à l’accroissemnt des inégalités,
essentiellement aux Etats-Unis et en Grande Bretagne depuis une vingtaine
d’années, mais aussi dans une moindre mesure dans la plupart des pays de
l’OCDE.14

0.3.2 Le commerce et les inégalités entre pays

L’ouverture commerciale favorise-t-elle les divergences de développement ?


Il faut distinguer les théories statiques du commerce international en con-
currence parfaite des théories dynamiques. En…n, les exemples empiriques
délivrent un message nuancé.

13
Simon Kuznets "Economic Growth and Income Inequality", The American Economic
Review, vol. 45, No. 1 (Mar., 1955), pp. 1-28.
14
A. B. Atkinson "Bringing Income Distribution in From the Cold" The Economic Jour-
nal vol. 107, No. 441 (Mar., 1997), pp. 297-321.
xxviii Preface

Théories

Les théories statiques des échanges ne prédisent pas d’e¤ets défavorables de


l’ouverture commerciale sur les écarts internationaux de croissance. Pour les
modèles de Ricardo et HOS, tous les pays gagnent, sans que l’on sache a priori
lequel des pays gagne le plus. Toutefois, dans la mesure où les pays pauvres
ont une taille inférieure en terme de PIB, ces derniers devraient pro…ter le
plus de l’ouverture (ce point est détaillé dans le chapitre 4).
Prenons un exemple, celui des e¤ets asymétriques de l’Alena sur le Mex-
ique et les Etats-Unis.15 En 1994, le PIB du Mexique représentait 6% du PIB
des Etats-Unis, ses échanges avec les Etats-Unis représentaient 75% de son
commerce contre 9% pour les Etats-Unis. L’ouverture commercial a donc po-
tentiellement profondément a¤ecté les prix relatifs au Mexique et seulement
de façon négligeable ceux des Etats-Unis. Or, un raisonnement en équilibre
partiel simple montre que les gains à l’échange (le surplus total) est propor-
tionel au carré des variations de prix (voir également le manuel de Krugman
et Obstfeld).

La croissance des pays qui commercent est-elle plus forte ?

Cependant, la démonstration des gains à l’échange dans un cadre dynamique


est plus discutable. La théorie ricardienne commande dans le cas le plus sim-
ple la monospécialisation, ce qui déconnecte la consommation de la structure
productive du pays (cf. chapitre 2). Un pays ne devrait pas tout produire
mais se spécialiser dans un petit nombre de secteurs. Si la spécialisation
est béné…que dans un cadre statique, elle ouvre toutefois la possibilité d’une
spécialisation qui entrave le développement à plus long terme
L’exemple classique est la décision unilatérale de la Grande Bretagne
d’ouvrir ses marchés au blé étranger au milieu du XIXème siècle en contre-
partie de ses exportations manufacturières. Ce libéralisme a été imposé aux
pays du Tiers Monde de l’époque, et a été un facteur important dans le
15
Voir également la section intitulé "De quoi dépendent les béné…ces de l’échange ?"
dans le chapitre sur HOS.
0.3 MONDIALISATION ET INÉGALITÉS xxix

retard pris sur les pays industrialisés. Pour certains pays comme l’Inde,
l’importations de grandes quantités de d’articles manufacturés (textiles, mé-
talurgie) bon marché aboutirent à un processus de désindustrialisation. Quelques
chi¤res: l’Inde produisait un quart des produits manufacturés mondiaux en
1750, elle n’en produit plus que 2% en 1900. La part des textiles indiens dans
le commerce triangulaire transatlantique représentait 40% en 1730, 22% en
1780 et 3 % en 1840.

Résultats empiriques

D’un point de vue empirique, il existe une corrélation forte entre ouverture
aux échanges et croissance économique. Le sens de causalité n’est toutefois
pas complètement établi.16 Un pays béné…ciant d’une croissance élevée voit
généralement sa part échangée avec le reste du monde augmenter. Le lien
entre ouverture des frontières et croissance pose également des problèmes
de causalité. Ainsi, une étude de la Banque Mondiale couvrant 41 pays
en développement montre que les pays qui ont ouvert leurs économies ont
simultanément opéré d’autres réformes structurelles également facteurs de
croissance: libéralisation du marché domestique des facteurs, du marché des
biens, renforcement des droits de propriété, stabilisation macroéconomique.
A titre d’exemple, l’abandon des politiques de substitution des importa-
tions dans les années 80 s’est accompagné d’un changement de politiques
macroéconomiques (correction des dé…cits publics, lutte contre l’in‡ation et
le déséquilibre de la balance des paiements).17
Historiquement, il existe une relation inverse entre ouverture aux échanges
et croissance avant 195018 . Malgré l’exemple de , de nombreux pays se sont
industrialisés à l’abri de la concurrence international: Etats-Unis, France
16
Francisco Rodriguez, Dani Rodrik "Trade Policy and Economic Growth: A Skeptic’s
Guide to Cross-National Evidence" NBER 7081 Apr 1999.
17
Voir la critique de cette étude dans le rapport sur la recherche de la Banque Mondiale:
www.tinyurl/yck7wc en particulier p 52 et suivantes.
18
Ce fait est documenté par P. Bairoch. Voir également Michael A. Clemens et Je¤rey
G. Williamson "Why Did the Tari¤-Growth Correlation Reverse After 1950?" NBER 9181,
Sep 2002.
xxx Preface

Allemagne, Japon à partir de 1900, l’Union soviétique dans les années 20 et


30, la Chine après 1949.
Même la Grande Bretagne considérée comme libre-échangiste à partir du
19ème siècle était un pays plus fermé que la France.

free trade
revisited

6 :png

La GB a certes réduit ses droits de douane de façon dramatique depuis


1820, mais le niveau moyen reste pendant plusieurs décennies supérieur à
celui de la France.

L’évolution des termes de l’échange

L’évolution des termes de l’échange est également un facteur potentiel d’inégalité


internationale impliquant le commerce. On dit que les termes de l’échange
d’un pays se détériorent si le prix relatif des biens exportés baissent (ou aug-
mente moins vite) en comparaison du prix des biens importés. Dans ce cas,
il faut un volume croissant de biens exportés pour béné…cier d’un volume
donné de biens importés.
La thèse de Prebisch-Singer, proposé en 1950, suggère qu’à long-terme
les prix des biens primaires exportés baissent comparés à ceux des biens
0.3 MONDIALISATION ET INÉGALITÉS xxxi

manufacturés. La raison avancée se fonde sur les di¤érences d’élasticité-


revenus de la demande mondiale. Le développement de l’o¤re mondiale de
biens primaires ferait chuter les prix face à une demande relativement rigide.
Paul Bairoch19 contredit cette thèse en prenant en compte la chute
des coûts de transport qui a béné…cié aux producteurs. Selon ses calculs,
entre 1876 et 1990, les termes de l’échange hors produits pétroliers se sont
améliorés de 30% en faveur des pays pauvres. La principale raison est que
le progrès technique plus intense dans les produits manufacturés a conduit à
une baisse des prix relatifs (ou une dégradation des termes de l’échange) a…n
que la demande absorbe le surcroît d’o¤re mondiale (cf. le modèle ricardien
de Dornbush, Fisher et Samuelson (1977) avec progrès technique asymétrique
vu dans la suite).
Mais la situation se retourne si nous nous limitons à la période d’après-
guerre avec une baisse de 25%. La baisse est con…rmée sur la période récente
(1980-2004, sources: CNUCED), bien qu’il faille nuancer selon les années:

L’évolution des termes de l’échange des pays en développement

La courbe mesurant les termes de l’échange (échelle de droite, base 100


en 1980) est décroissante au début des années 80, se stabilise puis décroît à
nouveau légèrement à partir de 1996. La situation est un peu di¤érente si
19
Paul Bairoch, Mythes et paradoxes de l’histoire économique, Ed La Découverte 1999.
xxxii Preface

nous isolons l’Afrique avec une forte décroissance jusqu’au début des années
90, puis une remontée plus récente:

En…n, les termes de l’échange des produits primaires (produits agricoles


peu transformés) vis à vis des produits manufacturés sont à distinguer des
termes de l’échange des pays en développement dans la mesure où un grand
nombre de pays appuient aujourd’hui leur développement sur les exportations
de produits industriels:
0.3 MONDIALISATION ET INÉGALITÉS xxxiii

Part des produits primaires dans les exportations des pays en


développement

L’ouverture aux investissements directs

Les investissements directs sont-ils un facteur d’inégalité ? Les travaux em-


piriques montrent que les investissements directs ont favorisé principalement
les pays les plus pauvres lors de la première mondialisation. En 1914, 2/3
des ‡ux étaient dirigés vers les pays en développement, dont 1/3 du total
pour l’Amérique Latine, 6% pour l’Afrique et 21% pour l’Asie. Ce sont au
contraire les pays riches ou à revenu intermédiaire qui en béné…cient lors de
la mondialisation actuelle. Sous cet aspect, le développement des ‡ux de
capitaux était un facteur de convergence avant la première guerre mondi-
ale, mais devient un facteur de divergence aujourd’hui. En résumé, la thèse
défendue par Prebisch-Singer en 1950 est acceptable mais pour une période
postérieure à celle que ces économistes analysent!

Conclusion d’étape

Quelle conclusion peut-on tirer du lien entre commerce et inégalités entre


pays ? Historiquement, les pays les plus fermés ont cru plus vite que les pays
ouverts (Bairoch). On peut toutefois moduler cette a¢ rmation en constatant
que les grands pays comme les Etats-Unis fonctionnaient comme de vastes
unions douanières au sein de leur territoire. Il faut faire appel à des argu-
ments de "mauvaises" spécialisation des échanges à long-terme pour rendre
compte de ce fait sur le plan théorique. Depuis lors, la relation s’est claire-
ment inversée, le commerce favorisant la croissance et le rattrapage, même
si des doutes subsistent sur le sens de la causalité. Beaucoups d’économistes
soulignent toutefois que l’ouverture aux échanges incite les pays à réformer
leurs économies pour soutenir la concurrence internationale. Par ailleurs, il
est essentiel que les Etats se dotent d’un système de protection sociale e¢ cace
a…n de rendre politiquement et socialement acceptable l’ouverture.20
20
Dani Rodrik "Feasible Globalizations" NBER 9129 Aug 2002.
xxxiv Preface

0.3.3 Les inégalités intra-pays


Le commerce favorise-t-il les inégalités intra-pays ? Les théories statiques des
échanges ne prédisent pas d’e¤ets défavorables de l’ouverture commerciale sur
les écarts internationaux de croissance. Le modèle de Ricardo (cf. chapitres
2 et 3) ne dit rien sur les inégalités intra-pays en l’absence d’hétérogénéité des
agents. Toutefois, le processus de spécialisation a¤ecte au moins transitoire-
ment la distribution des revenus si les facteurs qui se déplacent vers le secteur
exportateur sont lésés, par exemple dans le cas d’un chômage de transition
ou dans le cas où des compétences professionnelles deviennent obsolètes après
l’ouverture.
Selon le modèle HOS, l’ouverture aux échanges produit des e¤ets redis-
tributifs potentiellement de grande ampleur. Dans un modèle où les pays
pauvres sont moins bien dotés en facteur capital et en main d’œuvre quali-
…és, l’ouverture favorise dans les pays pauvres le revenu des travailleurs par
rapport aux capitalistes et dans les pays riches le revenu des non quali…és par
rapport aux travailleurs quali…és. Le commerce est donc un facteur de réduc-
tion des inégalités dans les pays pauvres et symétriquement d’accroissement
des mêmes inégalités dans les pays riches.
Les e¤ets de la mobilité internationale du travail sur les inégalités intra-
pays sont ambigus selon le niveau de quali…cation du ‡ux de migrants vers
les pays riches.
Pendant la première mondialisation (1820-1920), les migrants sont peu
quali…és relativement à la population du pays d’accueil, surtout à partir de
1870 quand les pays pauvres du sud et de l’est de l’Europe envoient une part
croissante des migrants (la comparaison est un peu moins claire relativement
au pays d’émigration).
Depuis la seconde Guerre Mondiale, les immigrants sont de façon crois-
sante des travailleurs non quali…és, ce qui pèse sur les inégalités salariales
dans les pays d’accueil. Encore une fois, le niveau de quali…cation relative-
ment au pays d’origine est moins clair.
Sur le plan empirique, il faut distinguer les e¤ets du commerce sur les
inégalités des pays riches et les inégalités des pays pauvres.
0.3 MONDIALISATION ET INÉGALITÉS xxxv

Commerce et inégalités dans les pays en développement

L’ouverture commerciale devrait réduire les inégalités dans les pays en développe-
ment car il favorise le facteur relativement abondant par rapport au reste du
monde, c’est à dire le travail non quali…é. Est-ce vraiment le cas ? Dans les
pays en développement, deux zones géographiques ont été particulièrement
étudiées. En Asie du Sud-Est (Corée, Singapoure et Taiwan), les écarts
salariaux se sont réduits depuis les années 60 (en accord avec HOS et le
théorème de Stolper-Samuelson exposés dans la suite). En Amérique du Sud
depuis le début des années 80 et l’abandon des politiques d’industrialisation
par substitution des importations (Chili, Colombie, Costa Rica, Mexico, et
Uruguay), le résultat est inverse : les écarts salariaux se sont accru à partir
de cette époque. Les e¤ets sur les inégalités de la seconde expérience de
libéralisation commerciale de l’Amérique du Sud sont a priori en désaccord
avec le théorème de Stolper-Samuelson. Toutefois, Wood (1997) fait à juste
titre remarquer que des pays plus pauvres que ceux d’Amérique latine se sont
simultanément ouvert au commerce comme la Chine et d’autres pays asia-
tiques. Par exemple, le Mexique a dû faire face à une concurrence intense
avec des pays à plus bas salaires comme la Chine. Cette concurrence entre
pays à bas salaires et pays à salaires intermédiaires se poursuit d’ailleurs en-
core aujourd’hui, notamment avec la libéralisation complète du secteur du
textile depuis le 1er janvier 2005.
En…n, deux grands pays comme la Chine et l’Inde ont également été
les témoins d’un accroissement des inégalités à partir de la seconde moitié
des années 80 pour la Chine et depuis le début des années 90 pour l’Inde,
alors même que ces deux pays s’ouvraient de façon croissante au commerce
extérieur.
Toutefois, une analyse plus détaillée montre les éléments suivants. L’accroissement
des inégalités en Chine est principalement dû à l’exclusion d’une partie im-
portante de la population des gains du commerce international, le commerce
se développant principalement dans les villes côtière et les zones franches.
Ainsi, la hausse importante des inégalités en Chine s’explique par la crois-
sance des inégalités géographiques alors que les inégalités sont restées stables
xxxvi Preface

dans chaque localité. La même remarque peut d’ailleurs être faite pour le
Mexique depuis l’Alena où les régions frontalières avec les EU ont été fa-
vorisées de façon disproportionnées, accroisant les inégalités dans l’ensemble
du pays. La forte croissance du PIB a donc accru le revenu de la très grande
majorité de la population chinoise, ce qui a permis au taux de pauvreté de
baisser. Mais les gains de la croissance ont pro…té disproportionnellement à
certaines sous-populations.

Pour l’Inde, la mondialisation et le progrès des communications lui ont


permis de tirer parti d’un de ses avantages principaux : une main-d’oeuvre
anglophone, très bien formée, prête à accepter des salaires nettement plus
bas que ses homologues des pays riches, du fait d’un coût de la vie bien plus
faible en Inde. Les services informatiques, les BPO (back o¢ ce processing
operations, qui proposent des services allant de la gestion de base de données
aux centres d’appel) et les compagnies pharmaceutiques spécialisées dans les
génériques croissent rapidement. L’intégration dans les échanges a donc fa-
vorisé les travailleurs plutôt quali…és, d’où la hausse des inégalités. Toutefois,
le commerce a favorisé la croissance, laquelle a en partie béné…cié aux plus
pauvres. Les salaires agricoles ont crû de 2,5 % par an dans les années 90,
et cette croissance s’est accompagnée d’une réduction de la pauvreté.

Commerce et inégalités dans les pays développé

Le cas des pays développés est di¤érent. On observe une hausse récente
des inégalités dans certains pays développés comme les EU et la Grande Bre-
tagne pour les inégalités salariales, certains pays européens comme la France,
l’Allemagne ou l’Italie pour le chômage et plus généralement la précarité (tra-
vail à temps partiel, CDD, . . . ).
0.3 MONDIALISATION ET INÉGALITÉS xxxvii

Le taux de chômage des travailleurs non quali…és vs quali…és en France

Outre l’argument du progrès technique biaisé en faveur des travailleurs


quali…és, le commerce croissant avec des pays à bas salaires (PBS) est fréquem-
ment avancé comme cause des inégalités. C’est d’ailleurs une prédiction cen-
trale du modèle HOS.
Il existe toutefois un problème de chronologie. La dégradation de la sit-
uation des moins quali…és a débuté à une époque où le commerce avec les
PBS était négligeable. Feenstra et Hanson (1999) estiment la part de la
croissance des inégalités infra-nationales attribuable au commerce dans une
fourchette allant de 15 à 33%. Après un survol des études diponibles Katz et
Autor (1999) les estiment à 20%, le reste étant intégralement dû au progrès
technique biaisé.
Il est donc di¢ cile de formuler des conclusions tranchées concenrnant
le lien entre commerce et inégalités intra-pays. Les e¤ets dépendent de la
période considérée et de la zone géographique étudiée. Globalement, les
enseignements de base du théorème de Stolper-Samuelson (analysé dans la
suite) se véri…ent: un pays qui s’ouvre au commerce international voit ses
inégalités augmenter s’il est globalement plus développé que ses partenaires
commerciaux et diminuer dans le cas inverse.
xxxviii Preface

0.4 Conclusion : la mondialisation pro…te-t-


elle aux pauvres?
Des études récentes montrent que l’ouverture des frontières commerciales né-
cessite d’être accompagnée par d’autres politiques pour que la mondialisation
pro…te davantage aux pauvres. Dans les pays de main d’œuvre peu quali…ée,
les pauvres ne pro…tent pas toujours de la libéralisation des échanges. Pour
que ces derniers puissent béné…cier des emplois créés dans les secteurs expor-
tateurs, ils doivent être capables de quitter aisément les usines qui ferment
pour accéder à ces nouveaux emplois. Or, dans de nombreux pays, parmi
lesquels la Chine et l’Inde, cette mobilité est extrêmement di¢ cile.
On observe également que les gains de la mondialisation sont mieux dis-
tribués quand des politiques complémentaires sont mises en place. En Zam-
bie, par exemple, les paysans n’ont pro…té de l’ouverture récente des marchés
que quand ils béné…ciaient d’un accès au crédit ou d’un savoir-faire technique.
D’autre part la libéralisation …nancière qui est une des facettes de la
mondialisation des échanges a conduit de nombreux pays émergents à faire
l’expérience de crises …nancières qui ont très coûteuses pour la partie la plus
pauvre de la population. En Indonésie, la pauvreté a augmenté après la
crise monétaire de 1997. Si les investissements directs ont un e¤et béné…que
pour la population locale, l’arrivée de capitaux libres et instables conduisent
souvent à une augmentation de la pauvreté. La mondialisation crée des
gagnants et des perdants dans une même région. Une réforme commerciale
peut ainsi causer des pertes de revenu pour les paysans tout en se traduisant
par des gains pour les consommateurs ruraux ou urbains.
La théorie classique du
commerce international

La théorie classique du commerce international se fonde sur les di¤érences


entre les pays pour justi…er le commerce. Il su¢ t qu’en autarcie les prix
relatifs entre les biens di¤èrent d’un pays à l’autre pour que le commerce soit
pro…table de part et d’autre des frontières. Si deux pays sont en tous points
identiques, les prix relatifs seront égaux dans les deux économies. L’ouverture
économique est inessentielle.
Les di¤érences de prix ne sont toutefois que le re‡et de di¤érences plus
fondamentales entre les pays. Cela peut être des di¤érences dans les tech-
niques de production ou dans l’abondance relative des facteurs de production.
Le premier type de di¤érence est l’objet d’étude de la théorie ricardienne de
l’échange qui sera vue dans les chapitres 2 et 3. Les conséquences de la sec-
onde di¤érence sont l’objet de la théorie HOS qui sera vue dans le chapitre 4.
Nous commençons par décrire les concepts de base : la théorie de la balance
commerciale et celle du taux de change d’équilibre. Puis nous abordons la
théorie classique du commerce proprement dite avec rendements décroissants
ou rendements constants.

0.5 Le rôle de la balance commerciale


Dans les économies simpli…ées que nous allons étudier par la suite, nous sup-
poserons que les économies équilibrent instantanément leur balance commer-
ciale, ce qui est un raccourci pratique. Dans la réalité, les pays sont soumis à

xxxix
xlLA THÉORIE CLASSIQUE DU COMMERCE INTERNATIONAL

une contrainte budgétaire dite intertemporelle plutôt qu’à une suite de con-
traintes instantanées. Les implications de ce constat sont l’objet de cette
section.

0.5.1 Le modèle à deux périodes

Nous considérons une petite économie ouverte évoluant sur deux périodes.
Le taux d’intérêt mondial r s’impose à cette économie et est exogène. Il
existe un seul bien périssable qui doit donc être consommé dans la période
où il est disponible. Le seul moyen de transmettre des biens d’une période à
l’autre est de passer par le marché …nancier et d’échanger.
Notons Ct et Qt respectivement la consommation et la production à la
date t = 1; 2. X est le nombre d’unités de titres que l’économie acquiert
entre la période 1 et la période 2. La contrainte budgétaire de la période 1
est:

C1 + X = Q1

La contrainte budgétaire de la période 2 s’écrit :

C2 = RX + Q2

avec R = (1 + r) le facteur d’intérêt des titres entre la période 1 et


la période 2. La contrainte budgétaire intertemporelle de l’économie qui
synthétise les deux relations précédentes (en éliminant X) est:

C2 Q2
C1 + = Q1 +
R R

Représentation graphique de cette contrainte dans le plan des consom-


mations:
0.5 LE RÔLE DE LA BALANCE COMMERCIALE xli

C1

Q1+Q2/R

A
Q1

pente : -R
C2
Q2 RQ1+Q2

La contrainte budgétaire intertemporelle du pays

Le graphique reporte la contrainte budgétaire intertemporelle du pays.


Tous les points qui se trouvent sur la droite la satisfont. Une solution possible
respectant cette contrainte est la solution d’autarcie. C’est le point A tel que
Ct = Qt (t = 1; 2).
Le pays peut également décider de consommer plus ou moins que sa dota-
tion en première période. S’il souhaite accroître sa consommation dans une
période, il doit sacri…er des unités de consommation dans l’autre période.
Pour chaque unité de consommation supplémentaire en période 1, l’économie
doit sacri…er R unités de consommation en période 2. Ce qui signi…e que la
pente de la droite est R. Les consommateurs peuvent également décider
de tout consommer en première période, c’est à dire Q1 + Q2 =R ou de tout
consommer en seconde période, soit RQ1 + Q2 . Dans le premier cas, le pays
s’endette en première période et dans le second cas, il place ses ressources de
première période sur les marchés.
Plus généralement, nous pouvons réécrire la contrainte budgétaire du pays
de la façon suivante:

R(C1 Q1 ) = (C2 Q2 )
En seconde période, le pays doit dégager des excédents commerciaux
(C2 < Q2 ) si il produit un dé…cit commercial en première période et in-
versement. En d’autres termes, le pays doit emprunter à l’extérieur dès lors
xliiLA THÉORIE CLASSIQUE DU COMMERCE INTERNATIONAL

que C1 > Q1 pour …nancer le surcroît de consommation. Il rembourse en


dernière période en dégageant un excédent commerciale (C2 < Q2 ) qui lui
permet de rembourser sa dette externe plus les intérêts. Symétriquement,
le pays place ses excédents commerciaux à l’extérieur si C1 < Q1 , ce qui
lui permet en deuxième période de béné…cier d’un surcroît de consommation
(C2 > Q2 ) grâce au remboursement et aux intérêts. Graphiquement, la con-
trainte budgétaire linéaire se divise en deux segments selon que l’économie
est d’abord en dé…cit commercial ou en excédent. Le graphique suivant il-
lustre le cas où la consommation se trouve sur le segment supérieur de la
contrainte budgétaire, impliquant un dé…cit en première période:

première période

C1
Imp
Q1

Exp

C2 Q2 seconde période

Le cas d’une balance commerciale dé…citaire en première période

Le deuxième graphique illsutre le cas inverse quand la consommation se


trouve quelque part sur le segment inférieur de la contrainte budgétaire:
0.5 LE RÔLE DE LA BALANCE COMMERCIALE xliii

première période

Q1
Exp
C1
Imp

Q2 C2 seconde période

Le cas d’une balance commerciale excédentaire en première période


Le choix des consommateurs d’un pays peut se représenter comme la so-
lution d’un programme de maximisation dans lequel ces derniers maximisent
leur utilité intertemporelle étant donnée la contrainte budgétaire:

max U (C1 ; C2 )
C2 Q2
sc. C1 + = Q1 +
R R
où U représente les préférences du consommateur représentatif sur l’ensemble
des combinaisons de consommations.

0.5.2 Les gains tirés de l’ouverture aux marchés …-


nanciers
Muni de ce modèle simple, nous pouvons apporter une première réponse
à la question suivante: l’ouverture aux marchés …nanciers internationaux
améliore-t-elle le bien-être des consommateurs ? Ou faut-il au contraire in-
stituer un contrôle des mouvements de capitaux, soit par une taxe sur les
‡ux internationaux de capitaux, soit de façon plus radicale par l’interdiction
des échanges de capitaux avec l’extérieur (exemple de la Malaisie en 1998) ?
Notons au préalable qu’ouverture aux capitaux et ouverture aux échanges
de biens et services ne sont pas synonymes dans la réalité. L’exemple his-
torique le plus fameux est celui de la période de Bretton Woods pendant
xlivLA THÉORIE CLASSIQUE DU COMMERCE INTERNATIONAL

laquelle les économies occidentales ont développé leurs échanges commerci-


aux tout en contrôlant étroitement les mouvements de capitaux. Ces pays
ont pour cela limité les motifs de demande de devises aux nécessités com-
merciales. Une entreprise pouvait ainsi acheter des devises pour acheter des
biens importés mais ne pouvait pas acquérir des dollars pour acheter des
bons du Trésor américain. De nos jours, les pays développés ont libéralisé
leurs marchés …nanciers et permettent les échanges transfrontaliers de titres
…nanciers.
Le modèle présent est toutefois trop simple pour distinguer les deux types
d’ouverture. Les deux formes de libéralisation, des échanges et des capitaux,
sont ainsi étroitement connectées. Si l’ouverture commerciale est possible en
l’absence d’ouverture aux marchés …nanciers internationaux (il su¢ t que les
exportation soient égales aux importations à chaque date), l’inverse n’est pas
réalisable. L’absence de commerce prive le pays de devises et lui supprime le
moyen d’échanger des titres avec le reste du monde.
Pour répondre à la question des béné…ces attendus de l’ouverture aux
marchés …nanciers internationaux, nous devons comparer la situation avec
liberté de mouvements des capitaux (point C sur le graphique) et l’allocation
en autarcie (point A):

C1

C2

Allocation avec marché …nancier fermé (A) vs ouvert (C)

Nous voyons que l’utilité est supérieure avec ouverture qu’en autarcie (la
courbe d’indi¤érence se déplace vers le quadrant NE). Parce que l’ouverture
0.5 LE RÔLE DE LA BALANCE COMMERCIALE xlv

…nancière permet d’élargir le choix des possibilités de consommation entre


les dates, les consommateurs ne peuvent que pro…ter de celle-ci. Dans le
graphique, les consommateurs souhaitent consommer en première période
un montant supérieur à ce qu’ils sont capables de produire, d’où le dé…cit
commercial en première période.

Remarquons qu’un dé…cit commecial est souvent interprété comme un


signe alarmant pour un pays, la manifestation que le pays vit au dessus de
ses moyens et accumule des dettes vis-à-vis du reste du monde. Le pays va en
e¤et devoir dégager des surplus de la balance commerciale par une réduction
future de la consommation et de l’investissement. Cette interprétation fait
référence à des exemples extrêmes et voyants : l’endettement structurel des
Etats-Unis où les crises de balance des paiements des pays émergents.

Le modèle présenté ici est trop simple pour aborder ces questions. Il
pointe simplement un béné…ce de l’ouverture …nancière quand l’économie
n’ajuste pas à chaque instant ses besoins de consommation à sa capacité de
production. Le graphique suivant montre que la France n’a jamais égalisé
ses exportations et ses importations. Par exemple, la balance commerciale
française a été excédentaire entre 1993 et 2003. Si les entreprises françaises
n’avaient pas été capables vendre à l’extérieur le surcroît de production non
absorbé par la demande domestique, la production et la croissance auraient
été certainement plus faibles.
xlviLA THÉORIE CLASSIQUE DU COMMERCE INTERNATIONAL

Importations et exportations, France 1978-2006


133,0
113,0
93,0
73,0
53,0
33,0
1978 1980 1982 1984 1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006

Importations (Milliards d'euros prix 2000)


Exportations (Milliards d'euros prix 2000)

L’évolution comparée des importations et des exportations en France

De même, la production domestique peut baisser temporairement en rai-


son de chocs a¤ectant l’o¤re, comme par exemple un choc pétrolier ou un
tremblement de terre. Dans ce cas, les consommateurs peuvent lisser leur
consommation en faisant appel au marché …nancier international. Supposons
en e¤et que la production de première période baisse et passe de Q1 à Q01 :

C1

Q1
C’
Q’1
A’
C2
Q2

Les e¤ets d’un recul de la production de première période sur la


consommation d’équilibre
0.5 LE RÔLE DE LA BALANCE COMMERCIALE xlvii

Nous voyons sur le graphique que la baisse de la production fait baisser


la consommation aux deux périodes et pas seulement à la première période.
En d’autres termes, l’endettement permet d’amortir la baisse de la consom-
mation de première période en la répartissant sur une plus grande période de
temps. Les e¤ets négatifs sur la consommation pourraient encore être allégés
si le pays pouvait s’endetter sur un plus grand nombre de périodes que les
deux supposés du modèle. Evidemment, ce constat ne vaut que pour des
chocs transitoires. En cas de choc permanent, il n’est plus possible de limiter
la chute de la consommation aujourd’hui. L’ajustement doit être immédiat
et intégral.

0.5.3 Les e¤ets d’une variation du taux d’intérêt

Quels sont les e¤ets d’une variation du taux d’intérêt mondial sur le bien-être
du pays ? Tout dépend de la position extérieure de celui-ci et du sens de
variation du taux d’intérêt. A titre d’illustration, examinons les e¤ets d’une
hausse du taux d’intérêt, lequel passe de R à R0 .

La consommation d’autarcie est réalisable dans les mêmes termes quel


que soit le taux d’intérêt puisque dans ce cas, le pays équilibre sa balance
commerciale à chaque période et par conséquent n’a une position ni créditrice
ni débitrice vis à vis de l’extérieur. La nouvelle contrainte budégtaire doit
donc inclure la consommation d’autarcie.

La hausse du taux d’intérêt rend plus chère la consommation présente en


renchérissant le coût d’un dé…cit commercial et de l’endettement concomi-
tant. De la même façon, elle rend moins onéreuse la consommation future.
Cela se re‡ète sur le graphique suivant par un basculement de la contrainte
budgétaire autour du point d’autarcie:
xlviiiLA THÉORIE CLASSIQUE DU COMMERCE INTERNATIONAL

C1

A
Q1

C2
Q2

Les e¤ets d’une hausse du taux d’intérêt sur la contrainte budgétaire du


pays

Supposons que le pays connaisse un dé…cit de la balance commerciale


en première période en l’absence de variation du taux d’intérêt. Comment
évoluera sa balance commerciale ? Nous pouvons le voir à l’aide du graphique
suivant:

C1

C’
Q1

C2
Q2

L’évolution de la balance commerciale à la suite d’une hausse du taux


d’intérêt

Nous voyons que le dé…cit commercial de première période s’atténue en


rasion d’une baisse de la consommation de première période. Le sens de
0.5 LE RÔLE DE LA BALANCE COMMERCIALE xlix

variation de la balance commerciale de seconde période est plus ambigu.


D’un côté, la hausse du taux d’intérêt rend plus attractive la consommation
de seconde période. De l’autre, elle entraîne plus de dépenses d’intérêt, ce
qui constitue un choc sur le revenu national qui joue aux deux périodes.

0.5.4 La balance commerciale avec un grand nombre


de périodes
Comment l’analyse de la contrainte budgétaire s’étend-il au cas avec un grand
nombre de périodes ? C’est ce que nous analysons ici, ce qui préparera la
discussion du cas avec un horizon in…ni. Supposons que le pays s’ouvre
aux marchés …nanciers internationaux pendant T périodes, puis se referme
jusqu’à la …n des temps. Il existe maintenant une séquence de T contraintes
instantanées:

C1 + X1 = RX0 + Q1
C2 + X2 = RX1 + Q2
C3 + X3 = RX2 + Q3
:::
CT + XT = RXT 1 + QT

dans lesquelles Xt est le nombre d’unités de titres détenu par les résidents
à la date t et R le facteur d’intérêt supposé …xe quel que soit la période. RX0
est la richesse …nancière (positive ou négative) détenue par les résidents à la
date initiale. Elle re‡ète et synthétise les variations passées de la balance
commerciale. Nous pouvons diviser la t-ième contrainte par Rt 1 puis addi-
tionner les T contraintes ainsi redimensionnées. Nous obtenons la contrainte
budgétaire intertemporelle suivante:

C2 C3 CT
C1 + + 2 + ::: + T 1
R R R
Q2 Q3 QT
= RX0 + Q1 + + 2 + ::: + T 1
R R R
lLA THÉORIE CLASSIQUE DU COMMERCE INTERNATIONAL

dans laquelle la somme actualisée des consommations d’un pays est égale à
la somme actualisée de ses ressources. En l’absence de contraintes d’endettement
(les agents résidents peuvent librement placer ou s’endetter sur les marchés
…nanciers étrangers), le consommateur ne fait face qu’à une seule contrainte
intertemporelle actualisée à la première période.
Si le marché …nancier est parfait, le recours au marché …nancier au-
torise une déconnexion complète entre le pro…l de la consommation agrégée
et l’évolution de la production intérieure. Les deux pro…ls obéissent à des
logiques di¤érentes et il n’y a pas de raisons pour que l’évolution de la con-
sommation (qui dépend des préférences des consommateurs) épouse celle du
revenu (qui dépend des conditions productives du moment).
Nous pouvons exprimer la contrainte intertemporelle en fonction des sol-
des commerciaux:

Q2 C2 Q3 C3 QT CT
(Q1 C1 ) + + + ::: + = RX0
R R2 RT 1
La somme actualisée des soldes commerciaux doit égaliser le passif ou
l’actif net du pays à la période courante. Un pays n’a pas à annuler à chaque
période ses soldes commerciaux (Qt = Ct ). Tout ce qui lui est demandé est
de payer un jour ses dettes.
Nous pouvons obtenir une nouvelle expression de la contrainte budgétaire
qui va nous être utile dans la suite. Réécrivons légèrement les contraintes
instantanées:

Q1 C1 = X1 RX0
Q2 C2 = X2 RX1
Q3 C3 = X3 RX2
:::
QT CT = XT RXT 1

et remplaçons les dans la contrainte intertemporelle exprimée en termes


0.5 LE RÔLE DE LA BALANCE COMMERCIALE li

de soldes commerciaux:
X2 RX1 X3 RX2 XT RXT 1
(X1 RX0 ) + + + ::: + = RX0
R R2 RT 1
Nous obtenons après simpli…cation:

XT
=0 (1)
RT 1
Ce qui signi…e que satisfaire sa contrainte intertemporelle revient à laisser
une dette actualisée de dernière période qui est nulle. En horizon …ni, cela
est équivalent à XT = 0.
En pratique et contrairement aux individus, les pays ne meurent jamais et
peuvent éternellement promettre de rembourser leurs dettes "demain". Que
devient alors la contrainte budgétaire d’un pays si l’horizon de vie est in…ni
?

0.5.5 La balance commerciale en horizon in…ni


Comment l’analyse de la contrainte budgétaire s’étend-il au cas avec une
in…nité de périodes ? L’extension n’est pas triviale dans la mesure où un
pays peut toujours reconduire un dé…cit commercial en remboursant ses an-
ciennes dettes avec de nouvelles. C’est ce que semblent faire les Etats-Unis
en repoussant continuellement l’ajustement de leur balance commerciale:

L’aacumulation des dé…cits commerciaux américains (1994-2004)


liiLA THÉORIE CLASSIQUE DU COMMERCE INTERNATIONAL

Reprenons l’expression (1) de la contrainte budgétaire intertemporelle et


étendons la au cas où T tend vers l’in…ni:

XT
lim =0
T !1 RT 1
En horizon in…ni, l’endettement peut croître au cours du temps du mo-
ment que le taux de croissance est inférieur au taux d’intérêt. Illustrons ce
principe en supposant que la dette extérieur croît au taux constant g (avec
X < 0):

Xt+1 = (1 + g)Xt
Dans ce cas:
XT = (1 + g)T X0
En se rappelant que R = 1 + r:

XT 1+g T
T 1
=( ) RX0
R 1+r
Il s’ensuit que la contrainte terminale est respectée si le taux de croissance
de la dette est inférieur au taux d’intérêt:
XT
lim = 0 si g < r
T !1 RT 1

Nous voyons donc que la dette peut éternellement augmenter sans violer
la contrainte budgétaire du pays! Il su¢ t que la dette croisse à un rythme
inférieur au taux d’intérêt sous peine d’un e¤et boule de neige qui rendrait
le pays insolvable dans un temps …ni. Est-ce que le report perpétuel par
un pays du remboursement du principal lèse ses créanciers ? Non dans la
mesure où les intérêts sont payés et où le marché …nancier est su¢ samment
liquide pour que les créanciers puissent échanger quand bon leur semble leurs
créances contre des devises. Ces deux conditions sont remplies en pratique
pour la dette des pays développés. Remarquons que cela n’empêche pas la
dette de certains pays comme celle de l’Italie dont le ratio dette/PIB est
supérieur à 100%, d’être jugée risquée par les principales agences de notation
internationales.
0.6 LE MODÈLE AVEC PRODUCTIONS EXOGÈNES liii

Est-ce que la dette peut augmenter plus vite que le taux d’intérêt ? Oui,
si cette phase est transitoire. Ce qui importe, c’est que la croissance de
la dette ralentisse par la suite a…n de satisfaire la contrainte de solvabilité à
horizon in…ni. C’est pourquoi il est si di¢ cile de juger du caractère insolvable
d’une dette qui croîtrait à un rythme soutenu. Bien que la dette américaine
vis à vis du reste du monde prenne des proportions inquiétantes, la plupart
des observateurs maintiennent leur con…ance dans ce pays. Ceci dit, plus la
dette s’éloigne de son sentier de solvabililité, plus l’ajustement futur devra
être important.
Nous pouvons maintenant aborder l’e¤et de l’ouverture économique de
deux pays précédemment fermés.

0.6 Le modèle avec productions exogènes


Il existe deux pays : N (nation) et E (étranger), deux biens : B (ou "blé")
et V (ou "voitures"). Les consommations dans chaque bien sont notées CB
et CV . Pour le moment, nous supposons que Nation est doté de manière
exogène dans les deux biens en certaines quantités notées QB et QV . Les
préférences des consommateurs sont représentées par la fonction d’utilité U .
Le programme du consommateur en autarcie est:

max U (CB ; CV )
sc. CB QB et CV QV

Nous tombons sur l’analyse classique du consommateur. Supposons que


l’économie s’ouvre au commerce extérieur. Les importations et les exporta-
tions vont modi…er les o¤res et les demandes des deux biens impliquant un
changement de leur prix relatif. Au niveau mondial, le bien B est le bien
numéraire (son prix est égal à 1), le prix du bien V est P . Le nouveau
programme du consommateur est:

max U (CB ; CV )
sc. CB + P CV QB + P QV
livLA THÉORIE CLASSIQUE DU COMMERCE INTERNATIONAL

A ce stade, nous pouvons remarquer la similitude des analyses de la sec-


tion précédentes à deux seule périodes et un seul bien et celles de la section
présente avec deux biens et une période. Dans les deux cas l’ouverture com-
merciale permet d’élargir les possibilités d’échange, ce qui accroît dans les
deux cas le bien-être des consommateurs. Les conséquences pour le consom-
mateur peuvent être représentées graphiquement:

CV

Q
CB

Les e¤ets de l’ouverture au commerce international

En situation d’autarcie, Nation consomme ses dotations dans les deux


biens en quantités …xes (point Q). Suite à l’ouverture au commerce interna-
tional, Nation peut vendre ses productions aux prix mondiaux dont le rapport
fourni (au signe près) la pente de sa contrainte budgétaire. Cette dernière
donne toutes les allocations possibles qui maintiennent équilibrée la balance
commerciale. La contrainte budgétaire peut en e¤et se réécrire comme une
égalité entre les importations de voitures et les exportations de blé:

P (CV QV ) = QB CB

Nous voyons que Nation gagne à l’ouverture puisque son utilité augmente.
Ce résultat est valable quel que soit le rapport des prix mondiaux. Seul le
sens de l’échange est in‡uencé. Dans l’exemple graphique, Nation accroît sa
consommation de biens V , biens dont il est le moins doté avant l’ouverture, et
0.7 LE MODÈLE À UN FACTEUR DE PRODUCTION lv

réduit sa consommation de biens B. Il s’ensuit des importations du premier


bien et des exportations du second.
Nous remarquons également que plus les dotations d’un pays sont concen-
trées dans un seul secteur, plus l’échange sera important et plus les béné…ces
retirés seront substantiels. L’échange provient donc ici de la divergence entre
les spécialisations dans un nombre limité de secteurs de chaque pays et le
goût pour la diversité des consommateurs.

0.7 Le modèle à un facteur de production


L’hypothèse de …xité absolue des dotations du pays dans les deux biens
manque toutefois de réalisme. Dans l’exemple précédent, Nation ne pro-
duit pas assez de voitures et trop de blé en autarcie. A moyen terme, Nation
devrait toutefois pouvoir transférer des facteurs de production du second
secteur au premier a…n de rééquilibrer sa spécialisation et ainsi consommer
un peu plus de voitures en autarcie. Le commerce avec l’extérieur deviendrait
de ce fait moins nécessaire. Les mouvements intersectoriels de facteurs de
production sont-ils un substitut au commerce? Nous allons considérer cette
possibilité, en prolongeant le modèle à un facteur de production. Nous ver-
rons un peu plus loin l’argument dans un modèle à deux facteurs de produc-
tion.

0.7.1 Le cadre
Supposons que le pays soit doté en travail et que ce facteur de production
peut être alloué soit au secteur industriel (V ), soit au secteur agricole (B).
A chaque bien z 2 (B; V ) est associé un coe¢ cient technique az pour Nation
tel que:

QB = aB LB
QV = aV LV

avec Qz la production en bien z. Une unité de travail produit az unités de


bien z. De façon équivalente, une unité de bien z nécessite 1=az unités de
lviLA THÉORIE CLASSIQUE DU COMMERCE INTERNATIONAL

travail. Plus az est élevé, et plus la production est e¢ cace dans le bien z.
Les prix des biens domestiques sont PB pour B et PV pour V . En autarcie,
la demande de travail de Nation doit être égale à l’o¤re de travail en quantité
LB + LV = L ou encore :

CB CV
+ =L
aB aV
De plus, les prix des biens sont égaux aux coûts de production a…n qu’en
concurence, les entreprises ne fassent pas de pro…t:
w
PB =
aB
w
PV =
aV
En e¤et, une unité de bien z nécessite 1=az unités de travail et coûte par
conséquent w=az . Il s’en suit que les prix relatifs entre les deux biens doivent
être égaux au rapport des coe¢ cients techniques:

PB aV
=
PV aB
Supposons en e¤et que la relation soit inégale dans un sens arbitraire:

aB PB > aV PV (2)
Dans ce cas, les producteurs maximiseraient leur pro…t en ne produisant
que le bien B qui est le moins coûteux en terme de travail et/ou a le prix le
plus élevé. Le programme de Nation est donc le suivant:

max U (CB ; CV )
CB CV
sc. + =L
aB aV
Notons que nous résolvons directement l’optimum de l’économie en nous
passant des prix de marché. Le premier théorème du Bien-Etre nous en-
seigne qu’en concurrence parfaite, l’allocation trouvée peut être décentralisée
à l’aide des prix de marché dé…nis par l’équation (2).
0.7 LE MODÈLE À UN FACTEUR DE PRODUCTION lvii

La solution a une représentation graphique simple:

CV

CB

L’allocation autarcique

Le consommateur choisit un couple de consommation sur son espace des


productions réalisables. La pente de la frontière de cet espace est donnée au
signe près par le ratio des coe¢ cients techniques. Elle est également donnée
dans une économie de marché par le rapport inverse des prix des deux bi-
ens.21 La pente indique combien il faut abandonner de bien V pour produire
une unité supplémentaire de bien B via une réallocation du facteur travail.
Par rapport au graphique avec dotations exogènes, la situation des consom-
mateurs est clairement améliorée en raison de la marge supplémentaire que
founit l’allocation du travail entre les deux secteurs.

0.7.2 Les e¤ets de l’ouverture


Nous supposons que l’économie s’ouvre aux échanges mondiaux et prend les
dorénavant les prix mondiaux (hypothèse de petit pays). Que se passe-t-il
après l’ouverture ? A moins que le reste du monde (appelé Etranger) pos-
sède exactement les mêmes techniques de production, ce qui est improbable,
les prix relatifs mondiaux seront di¤érents des prix relatifs nationaux. Sup-
posons qu’Etranger produise plus e¢ cacement le bien V que le bien B:
21
Expression de la droite budgétaire : CV = aV L (aV =aB )CB . Pente : aV =aB =
PB =PV .
lviiiLA THÉORIE CLASSIQUE DU COMMERCE INTERNATIONAL

aV aV
>
aB aB
Ceci n’est pas le signe d’un avantage absolu, mais l’expression d’un avan-
tage relatif. Par exemple, l’inégalité n’est pas incompatible avec un avantage
absolu d’Etranger dans les deux biens : az > az , z = B; V . Comme déjà
expliqué dans la section précédente, cela conduit également à des inégalités
de prix relatifs avant ouverture:

PB PB
>
PV PV
Après ouverture, la consommation de Nation passe de C à C 0 :

CV

C’

Q CB

Le gain à l’échange

Pour véri…er que la consommation C 0 fait e¤ectivement partie du nouvel


ensemble budgétaire de Nation à balance commerciale équilibrée, considérons
le cas où Nation concentre la totalité de son facteur travail dans la production
du bien pour lequel il est relativement le plus e¢ cace : le bien B. Sa produc-
tion se trouve alors au point Q sur le graphique. Pour connaître l’ensemble
des consommations qu’il peut obtenir en vendant à Etranger le bien B, il faut
tracer une nouvelle frontière budgétaire dé…nie par l’équilibre de la balance
commerciale:
PB (QB CB ) + PV (QV CV ) = 0
0.7 LE MODÈLE À UN FACTEUR DE PRODUCTION lix

ou encore avec QV = 0:

PB CB + PV CV = PB QB

dont la pente est PB =PV qui est plus verticale que la pente en autarcie
PB =PV . L’allocation C 0 fait donc bien partie de l’ensemble budgétaire de
Nation. Le commerce agit comme si l’espace des productions réalisables était
élargi. Notons qu’un progrès technique qui améliorerait l’e¢ cacité productive
du bien V agirait exactement de la sorte. Le parallèle entre le commerce et
le progrès technique suggère que le commerce n’a ici que des e¤ets favorables
sur l’économie.
La spécialisation o¤rant la plus grande utilité à Nation est celle dans
laquelle le pays produit exclusivement des biens B, soit le point Q sur le
graphique, apportant la consommation C :

CV

C
C’

Q’

Q CB

Si en e¤et, le pays ne se spécialisait pas complètement dans la production


dans laquelle il possède un avantage comparatif, son utilité associée serait
inférieure. C’est ce qu’illustre la production Q’associée à la consommation
C’.
Remarquons …nalement que la consommation qui augmente le plus est
celle du bien V : le consommateur pro…te pleinement de la baisse du prix de
ce bien, qui est le bien qu’Etanger fabrique le plus e¢ cacement.
lxLA THÉORIE CLASSIQUE DU COMMERCE INTERNATIONAL

0.7.3 Le cas de deux grandes zones commerciales

Jusqu’à maintenant, nous avons supposé que Nation était un petit pays dont
la participation aux échanges ne modi…e pas les prix relatifs. Nous pou-
vons adopter une perspective di¤érente en modélisant deux grandes zones
économiques. Le rapport des prix mondial est maintenant endogène et se
…xe de telle façon que les deux pays égalisent leurs balances commerciales.

CV
Q*’

C’
C*

C=Q

Q’
CB

Le gain mutuel à l’échange

Le graphique suivant compare les situations pour deux pays avant et après
ouverture. Avant l’ouverture, le pays N produit et consomme C = Q (au
point de tangence entre la courbe d’indi¤érence et la contrainte budgétaire)
tandis que le pays E produit et consomme C = Q . Après ouverture, le
pays N produit Q0 et consomme C 0 . Le pays E produit Q 0 et consomme
également C 0 en raison d’une hypothèse d’identité des préférences entre les
deux pays. Chacun des deux pays produit les biens dans lesquels il a un
avantage comparatif: le bien B pour le pays N et le bien V pour le pays
E. Il en résulte une élévation du bien-être des consommateurs (les courbes
d’indi¤érence se déplacent vers le haut). Les deux pays gagnent à ouvrir
leurs frontières.
0.7 LE MODÈLE À UN FACTEUR DE PRODUCTION lxi

0.7.4 Le modèle ricardien


Nous aboutissons à la version élémentaire du modèle ricardien des échanges,
du nom de l’économiste David Ricardo qui le proposa le premier. Voici
l’extrait du texte de Ricardo (modèle avec 2 pays, 2 biens et 1 seul facteur
de production, le travail), où l’avantage comparatif est expliqué à travers un
exemple resté célèbre:

Si le Portugal n’avait aucun lien commercial avec d’autre pays,


au lieu d’employer une grande part de son capital et de son travail
à produire du vin grâce auquel il achète à d’autres pays le drap et
les ustensiles dont il a besoin, il serait contraint de consacrer une
part de ce capital à la fabrication de ces marchandises qu’il ob-
tiendrait alors probablement en qualité et en quantité inférieures.
La quantité de vin o¤erte en échange du drap anglais n’est
pas déterminée par les quantités de travail respectives consacrées
à la production de chaque bien, comme cela serait le cas si les
marchandises étaient toutes deux produites au Portugal. La sit-
uation peut être telle en Angleterre que la production de drap
exige le travail de 100 hommes pendant un an; mais, que ce pays
tente de produire son vin, cela pourrait nécessiter le travail de
120 hommes pendant le même temps. L’Angleterre jugerait donc
qu’elle a intérêt à importer du vin, et à le payer par ses exporta-
tions de drap.
Au Portugal, la production de vin pourrait n’exiger que le
travail annuel de 80 hommes, et la production et le travail de 90
hommes pendant la même période. Il s’avérerait donc avantageux
pour ce pays d’exporter du vin en échange de drap. Cet échange
pourrait survenir quand bien même la marchandise importée par
le Portugal pourrait être produite dans ce pays avec moins de
travail qu’en Angleterre. Bien que le Portugal pût fabriquer le
drap en employant 90 hommes, il l’importerait d’un pays où cette
production requiert le travail de 100 hommes, parce qu’il serait
lxiiLA THÉORIE CLASSIQUE DU COMMERCE INTERNATIONAL

plus avantageux pour lui d’employer son capital à produire du


vin contre lequel il obtiendrait davantage de drap anglais, que de
fabriquer du drap en détournant une part de son capital de la
culture des vignes pour le placer dans la manufacture du drap.
Ainsi, l’Angleterre o¤rirait le produit du travail de 100 hommes
contre le produit du travail de 80. Un tel échange ne pourrait se
faire entre individus d’un même pays. Le travail de 100 Anglais
ne peut être échangé contre le travail de 80 Anglais; par contre,
le produit du travail de 100 Anglais peut être échangé contre le
produit de 80 Portugais, 60 Russes ou de 120 habitants des Indes
Orientales. (D. Ricardo, 1817)

Le texte de Ricardo se prête aisément à la modélisation. Nous déduisons


du texte la matrice des coe¢ cients techniques des deux économies:

Angleterre Portugal
1 unité de drap 1=aB = 100 1=aB = 90
1 unité de vin 1=aV = 120 1=aV = 80

Dans cet exemple, l’Angleterre ne dispose ici d’aucun avantage absolu.


Le Portugal fabrique les deux biens plus rapidement. Cet état de fait ne
remet pas en cause l’intérêt de l’échange entre les deux zones. Le Portugal a
en e¤et intérêt à se spécialiser là ou réside son avantage comparatif, dans la
production de vin. Inversement, la Grande Bretagne produira et exportera
des draps.
En e¤et, lorsqu’une entreprise portugaise produit sur son sol une unité
de vin, elle obtient en échange seulement 80/90 = 0,89 unités de drap en
autarcie. Si elle échange avec la Grande Bretagne cette unité de vin, elle peut
obtenir jusqu’à 120/100 = 1,2 unités de drap. Inversement, si la Grande Bre-
tagne échange ses draps contre du vin portugais, elle pourra obtenir jusqu’à
90/80 = 1,125 contre 100/120 = 0,83 unités si elle produit le vin sur son sol.
Les conclusions que nous pouvons tirer à partir de l’exemple de Ricardo
et le modèle qui vient d’être développé sont les suivantes:
0.7 LE MODÈLE À UN FACTEUR DE PRODUCTION lxiii

1. l’ouverture est gagnante pour tous les pays pris globalement,

2. elle ne dépend pas du degré de compétitivité de l’économie au sens où


les productivités étrangères n’interviennent pas en niveau absolu mais
relatif. D’où l’expression d’avantages comparatifs comme source du
commerce. Dans un monde où les avantages comparatifs commandent
le commerce, ce dernier est béné…que pour tous les pays, des plus riches
aux plus pauves,

3. elle commande dans le cas le plus simple la monospécialisation. La spé-


cialisation qui déconnecte la consommation de la structure productive
du pays est la manière de pro…ter des gains de l’échange.

Le modèle pourrait être amélioré, notamment la situation où chaque pays


se spécialise sur un seul type de biens est caricatural. Il reste vrai qu’un pays
ne devrait pas tout produire mais se spécialiser dans un petit nombre de
secteurs.
Remarquons qu’une bonne partie des critiques de la mondialisation peu-
vent se comprendre comme un rejet de la spécialisation:

La dépendance d’approvisionnement clé vis à vis de l’étranger. Jau-


rès notait déjà comment les paysans français découvraient que le prix
de leur blé et la subsistance de leur famille dépendaient d’une sécher-
esse en Amérique, du salaire du paysan indien ou d’une spéculation à
Londres. Même si l’indépendance alimentaire n’est plus poursuivie par
aucun Etat aujourd’hui, des questions similaires se posent en matière
énergétique.

Le chômage de réallocation. La spécialisation est un processus continu


qui détruit des emplois dans certains secteurs et en crée dans d’autres.
Le commerce produit ici le même e¤et que le progrès technique biaisé
vers les biens exportés. Pourtant, personne ne songe à renoncer au
progrès technique.
lxivLA THÉORIE CLASSIQUE DU COMMERCE INTERNATIONAL

Les inégalités territoriales. La spécialisation suscite la polarisation géo-


graphique des activités, avec la mise en place d’une structure centre-
périphérie. Par exemple, un seul pays va produire des …lms pour le
monde entier. A l’intérieur de ce pays, une seule région se spécialisara
dans cette industrie (Hollywood).

Les inégalités de salaire peuvent être également un résultat de la spé-


cialisation internationale, comme nous l’avons vu dans la partie intro-
ductive. Nous reviendrons sur cet argument quand nous étudierons le
modèle HOS (chapitre 4).

0.7.5 L’o¤shoring remet-il en cause la théorie classique


du commerce international ?
L’o¤shoring consiste à externaliser à l’étranger une partie de la …llière de
production (Une dé…nition plus détaillée est donnée dans la partie introduc-
tive).

Exemple : Renault Design India devient le premier centre de de-


sign automobile d’un constructeur occidental en Inde. (...) (com-
muniqué de Renault, été 2007)

L’o¤shoring connaît un développement récent fondé sur les progrès dans


les techniques de communication et d’information. Par exemple Boeing vient
de transformer son système de production à l’occasion du lancement de son
nouveau modèle, le 787 Dreamliner. Alors qu’il fabriquait l’essentiel des
pièces pour ses avions précédents, Boeing sous-traite désormais 70% de la
fabrication de par le monde, au Japon pour les ailes, mais aussi en Europe
et en Amérique pour d’autres parties. Chacun fabrique un élément qui est
ensuite assemblé par Boeing à Everett (Etat de Washington). Cette mu-
tation a été rendue possible par le développement des outils informatiques
qui permettent de faire travailler ensemble, sur la même maquette virtuelle
en trois dimensions d’un avion tous les fournisseurs où qu’ils soient dans le
0.7 LE MODÈLE À UN FACTEUR DE PRODUCTION lxv

monde. Le processus de production fait progresser au même rythme les 135


sites des 43 sous-traitants majeurs, implantés dans 25 pays.
Un pays dans son ensemble peut-il perdre en pratiquant l’o¤shoring ? Il
existe une situation particulière dans laquelle cette conclusion est possible
et la plupart des critiques de l’o¤shoring se réfèrent à ce cas. Le mécanisme
a été souligné la première fois par Bhagwati22 dans un contexte di¤érent
qui montre comment un pays croissant rapidement peut sou¢ r des échanges
internationaux si ses termes de l’échange se détériorent trop rapidement.
Paul Samuelson23 applique le résultat de Bhagwati au cas de l’o¤shoring.
Il étudie le cas dans lequel la Chine connaît un progrès technique dans le
bien importé. Les exportations des EU vers ce pays diminue, ce qui tend à
réduire le bien-être des américains, ainsi que le commerce de biens entre les
deux pays.
Nous pouvons visualiser le mécanisme dans le modèle ricardien clas-
sique24 . Supposons deux pays, l’Inde et les Etats-Unis et un facteur de
production, le travail. Les EU disposent d’un avantage technologique dans
la conception des logiciels.

logiciels

frontières
de production
EU

Inde
appareils
ménagers

22
Bhagwati (1958) "Immiserizing Growth : A Geometric note". Review of Economic
Studies 25, 201-205.
23
P. Samuelson (2004) “Where Ricardo and Mill Rebut and Con…rm Arguments of
Mainstream Economists Supporting Globalization,” Journal of Economic Perspectives,
Vol. 18 No. 3 Summer 2004, pp. 135-146
24
Pour plus de détails, voir Leamer (2006), Journal of Economic Literature.
lxviLA THÉORIE CLASSIQUE DU COMMERCE INTERNATIONAL

L’échange conduit les EU à se spécialiser dans la production de logiciels


(QU S ) et l’Inde dans celle d’appareils ménagers (QI ). Les contraintes de bal-
ance équilibrée élargissent l’ensemble des combinaisons de consommation des
deux pays. Ces derniers béné…cient d’un supplément d’utilité en consommant
respectivement CUS et CI.

logiciels
QUS

CUS

CI

appareils
QI ménagers

Comme nous l’avons vu, la pente de la droite de balance commerciale


équilibrée est égale au rapport des prix internationaux -(prix des appareils
ménagers/prix des logiciels). Par rapport à l’autarcie, le prix relatif des
logiciels baisse en Inde et augmente aux Etats-Unis.
Supposons maintenant que les progrès dans les technologies de l’information
et de la communication permettent aux entreprises américaines de sous-
traiter la conception des logiciels en Inde. Les ingénieurs indiens ne souf-
frent plus de la distance qui les séparent de l’entreprise mère américaine.
Nous supposons que les ingénieurs indiens accèdent au niveau de productiv-
ité américain.
0.7 LE MODÈLE À UN FACTEUR DE PRODUCTION lxvii

logiciels
QUS

CUS

CI
appareils
QI ménagers

La fragmentation conduit à de nouveaux échanges. Des logiciels sont


maintenant échangés non seulement contre des appareils électroniques mais
également contre de nouveaux services qui entrent dans la conception des
logiciels. Cela accroît par conséquent l’o¤re de biens dans lequel le pays le
plus avancé dispose d’un avantage. La frontière de production indienne se
confond maintenant avec la frontière américaine. Les Etats-Unis perdent à
l’échange. Les américains peuvent payer moins chers les ingénieurs indiens,
la production augmente et le prix des logiciels baissent dans le monde : la
pente de la contrainte de balance équilibrée s’accentue, ce qui signi…e une
baisse du prix relatif mondial des logiciels par rapport aux autres biens.
L’o¤shoring érode le pouvoir de monopole des américains sur les logiciels.
Ce bien se banalise et son prix baisse. Les salaires américains et indiens
convergent. L’o¤shoring remet en cause l’avantage des travailleurs américains
: leur présence sur le térritoire américain.
Remarquons toutefois que si ce mécanisme est pertinent pour des biens
homogènes comme les appareils ménagers, il l’est moins pour les services
qui font l’objet d’o¤shoring et qui échappent à la concurrence parfaite: la
R&D, la programmation informatique, l’expertise, etc... En raison de fortes
externalités, les brevets indiens peuvent donner plus de valeurs à la recherche
faite aux Etats-Unis.
lxviiiLA THÉORIE CLASSIQUE DU COMMERCE INTERNATIONAL

0.7.6 Commerce et localisation des biens polluants


Les dix dernières années ont produit des débats nourris quant aux e¤ets
de l’ouverture commerciale sur l’environnement. Il existe de nombreux liens
entre commerce et environnement. Le commerce international peut entraîner
l’extinction d’espèces. Le transport qu’il génère peut atteindre l’environnement.
De plus, le commerce stimule l’activité économique et la croissance, donc
l’utilisation d’inputs polluants, ce qui tend à accroître la pollution.
En…n, le commerce peut également encourager la réallocation de la pro-
duction la plus polluante dans certains pays dont la réglementation ou la
surveillance est faible, généralement les pays les plus pauvres. Cette délo-
calisation des activités polluantes peut à son tour augmenter le niveau de
pollution mondial. C’est la raison pour laquelle l’Europe envisage de con-
traindre les entreprises qui achètent à l’étranger des biens polluants à payer
des droits d’émissions qui ne concernent pour le moment que les entreprises
qui les produisent sur le sol européen (janvier 2008). Les Etats-Unis consid-
èrent un schéma équivalent (carbon tari¤ ).
Nous nous concentrons ici sur ce phénomène de déplacement de la pol-
lution. Il existe également un autre argument que nous ne verrons pas.
L’ouverture commerciale peut inciter les pays à réduire leur niveau de régle-
mentation (ou à ne pas l’intensi…er) a…n de rendre leurs produits plus com-
pétitifs sur les marchés internationaux. L’exemple de la Chine est actuelle-
ment emblématique d’une telle stratégie.
A réglementation donnée, l’ouverture commerciale a un e¤et ambigu sur
le niveau de pollution. Supposons deux activités possibles, l’une "propre"
et l’autre "polluante". Si le pays dispose d’un avantage comparatif dans
l’activité propre, l’ouverture commerciale augmente le prix de l’activité pro-
pre. Les facteurs de production se déplacent vers l’activité propre. Si au
contraire le pays dispose d’un avantage comparatif dans l’activité polluante,
le pays se spécialise dans l’activité polluante et l’ouverture commerciale aug-
mente le niveau de pollution. La France a par exemple un avantage com-
paratif dans la gestion des déchets d’origine nucléaire, qu’elle retraite pour
le compte d’autres pays.
0.7 LE MODÈLE À UN FACTEUR DE PRODUCTION lxix

Un tel mécanisme est représenté dans le graphique suivant où le Nord dis-


pose d’un avantage comparatif dans l’activité propre et le Sud dans l’activité
polluante. Graphiquement, la pente de la frontière de production du Nord
est plus accentuée que celle du Sud.

Biens « propres »

frontières
de production
Nord

Sud
Biens
« polluants »

Supposons que les deux pays s’ouvrent au commerce. Les droites en


pointillés représentent les conditions de balance équilibrée après l’ouverture
des économies.

QNord biens « propres »


ouverture des
frontières

biens
« polluants »
QSud

Les deux pays continuent de consommer les deux biens, mais le Nord
délocalise sa pollution au Sud. Le Nord gagnent au commerce. Ses citoyens
béné…cient d’un pouvoir d’achat supérieur et d’un environnement moins pol-
lué. Le Sud peut perdre aux échanges si la pollution est su¢ samment nocive
pour ses habitants et dépasse les gains à l’échange.
lxxLA THÉORIE CLASSIQUE DU COMMERCE INTERNATIONAL

L’introduction d’une taxe environnementale dans le Nord qui taxe les


biens polluants (ou subventionne les biens propres) a un e¤et similaire sur
les économies. Partons cette fois de deux économies identiques, excepté que
le Nord taxe le bien polluant. Le facteur travail peut être alloué soit au
secteur industriel polluant (V ), soit au secteur agricole (B). Les fonctions
de production dans les deux pays sont:

QB = aB LB
QV = aV LV

biens « propres »

frontières
de production
Nord

Sud
biens
« polluants »

Le prix du bien V est PV , celui du bien B est normalisé à 1. La demande


de travail doit être égale à l’o¤re de travail en quantité L: QB =aB +QV =aV =
L. Sans la taxe, il n’y a pas d’échange entre le Nord et le Sud puisque les
deux pays sont identiques par hypothèse. Les prix des biens sont égaux aux
coûts de production plus une taxe 0 pour le bien polluant:
w
1 =
aB
w
PV = (1 + )
aV
Il s’en suit que les prix relatifs entre les deux biens doivent être égaux au
rapport des coe¢ cients techniques déformés par la taxe:

aB
PV = (1 + )
aV
0.7 LE MODÈLE À UN FACTEUR DE PRODUCTION lxxi

Le gouvernement redistribue le produit de la taxe au consommateur qui


s’ajoute aux salaires.

max U (CB ; CV )
w
sc. CB + PV CV = Y = wL + CV
aV

A l’équilibre, le TMS est égal au rapport des prix qui est égal au taux
marginal de transformation:

UV0 aB
0
= PV = (1 + )
UB aV

Une taxe renchérit le prix du bien polluant. Le consommateur consomme


moins de biens polluants.

biens « propres »
introduction d’une taxe
environnementale
avant l’ouverture
commerciale

biens
« polluants »

Sans cette taxe, les prix relatifs des deux économies seraient identiques
et il n’y aurait pas de commerce entre les deux pays. La taxe conduit au
transfert de la pollution dans l’autre économie.
lxxiiLA THÉORIE CLASSIQUE DU COMMERCE INTERNATIONAL

biens « propres »
Les effets de
l’ouverture
commerciale

biens
« polluants »

Le prix relatif du bien polluant diminue pour le Nord et augmente pour


le Sud qui se spécialise dans la production de ce bien. Nous avons ici un
exemple d’échanges induits par la réglementation25 .
On parle pour désigner ce mécanisme de havre de pollution (pollution
haven). Selon cette hypothèse, la réglementation des pays riches en matière
d’environnement ne fait que transférer les activités polluantes vers les pays
en développement. Le commerce conduisant à une spécialisation accrue, cela
tend à accroître les di¤érences de qualité environnementale entre les pays.
Cet e¤et peut engendrer une augmentation du niveau mondial de pollution.
Copeland et Taylor (2004)26 sont moins pessimistes et montrent à l’appui
d’études empiriques que la réglementation tend à réduire les exportations
de biens polluants sans les annuler. S’il est vrai que la réglementation est
plus stricte dans les pays développés, on n’observe pas pour autant de trans-
ferts massifs d’activités polluantes. La prédiction du modèle ricardien de
spécialisation complète est sans doute excessive à cet égard.
Antweiler, Copeland et Taylor 27 notent que le commerce international
comporte d’autres e¤ets, qui s’opposent à celui du havre de pollution. Les
25
La protection du travail des pays du Nord est un autre exemple où la réglementation
peut créer un avantage comparatif dans les biens peu intensifs en travail.
26
Copeland et Taylor (2004) "Trade, Growth and the Environment" Journal of Eco-
nomic Literature 42 7-71
27
Werner Antweiler, Brian R. Copeland & M. Scott Taylor (2001) "Is Free Trade Good
for the Environment?" American Economic Review 91(4), 877-908.
0.7 LE MODÈLE À UN FACTEUR DE PRODUCTION lxxiii

industries polluantes sont intensives en capital et auront donc tendance à


se localiser dans les pays où celui-ci est abondant, c’est-à-dire dans les pays
riches. La France a par exemple un avantage comparatif dans la gestion des
déchets d’origine nucléaire, qu’elle retraite pour le compte d’autres pays.
Levinson 28 a récemment estimé la contribution du commerce à la diminu-
tion de la pollution dans le secteur manufacturier aux Etats-Unis. En 30 ans,
la production manufacturière a augmenté de plus de 70% aux EU tandis que
les emissions de polluants (dioxide de sou¤re et monoxide de carbone entre
autres) ont diminué de 58%. Le commerce international permet-il d’expliquer
la di¤érence ? On peut en e¤et imaginer que grâce au libre-échange, les EU
importent désormais les biens polluants qu’ils produisaient, notamment en
raison d’une réglementation environnementale plus severe.
La méthode de Grossman et Krueger (1993) décompose la pollution en
trois facteur : un e¤et d’échelle, la technologie employee et la composition du
secteur productif (quelle est la part des industries polluantes dans le total).
Les échanges internationaux in‡uencent l’e¤et composition si les activité pol-
luantes sont délocalisées. Or ces 3 facteurs ont fortement évolué au cours du
temps.
La production du secteur manufacturier ayant augmenté de 71% entre
1972 et 2001, la pollution aurait dû augmenter dans les mêmes proportions à
composition et techniques inchangées. C’est l’e¤et d’échelle. Or, la pollution
a diminué de 58% sur l’intervalle de temps. Deux explications possibles : le
progrès techniques et des changements de composition.
L’e¤et progrès technique est simple à évaluer : prenons un découpage sec-
toriel …n et regardons le niveau de pollution pas unité produite dans chaque
sous-secteur en 1971 et en 2001. Calculons la baisse de la pollution en gar-
dant constantes les parts de chaque secteur observées pendant une année
de base, ici l’année 1997. Puisque la structure de la production est main-
tenue constante, nous évaluons la contribution du progrès technique. L’e¤et
composition est donc l’e¤et résiduel.
28
Levinson, A. "Technology, International Trade, and Pollution from US Manufacturing"
NBER working paper no. 13616, November 2007.
lxxivLA THÉORIE CLASSIQUE DU COMMERCE INTERNATIONAL

Résultats : si on ajoute l’e¤et de composition à l’e¤et d’échelle, la pollu-


tion aurait dû augmenter de seulement 17% au lieu de 71% (avec seulement
l’e¤et d’échelle). L’e¤et de composition est en e¤et favorable en raison des
délocalisations d’activités polluantes. Le reste (-58% de baisse d’émissions
de polluants au lieu de + 17%) est attribuable au progres technique. Donc
l’e¤et de composition explique environ 40% de l’écart. L’auteur trouve par
ailleurs que les importations expliquent 70% de l’e¤et de composition. L’e¤et
total sur la pollution dù à l’accroissement des échanges internationaux : 40%
* 70% = 28%.
En conclusion, si l’impact de la globalisation des échanges n’est pas nég-
ligeable, la plus grande part de la réduction de la pollution provient du
progrès technique.

0.8 Le commerce avec rendements décrois-


sants
Nous abandonons l’hypothèse de rendements d’échelle constants pour adopter
l’hypothèse technologique de rendements décroissants du facteur de produc-
tion.

0.8.1 Le cadre
Le prix des facteurs est w (le salaire) pour L (le travail). La production des
deux biens est représentée à l’aide des fonctions de production suivantes (à
comparer avec la technologie à rendements constants Qz = az Lz , z = B; V ):

QB = F (LB )
QV = G(LV )

Les deux fonctions de production sont di¤érentes pour les deux biens (F
et G). La productivité marginale du facteur travail décroît dans les deux
secteurs à mesure que la quantité utilisée augmente:
0.8 LE COMMERCE AVEC RENDEMENTS DÉCROISSANTSlxxv

@2F
(L) < 0
@L2
@2G
(L) < 0
@L2
La contrainte de ressources est toujours LB + LV = L.

0.8.2 L’optimum
Nous supposons également que la concurrence pure et parfaite prévaut. Nous
pouvons donc directementc écrire le problème sous la forme de la sélection
d’un optimum de Pareto (théorème du Bien-Etre). En autarcie nous avons:

max U (CB ; CV )
8
>
> C = F (LB )
>
< B
sc. CV = G(LV )
>
>
>
:L +L =L
B V

Les conditions du premier ordre donnent:

G0L UB0
= 0 (3)
FL0 UV
Cette égalité peut se réécrire de la façon suivante:

FL0 UB0 = UV0 G0L

Déplacer une unité de travail d’un secteur vers le second (par exemple du
secteur B vers le secteur V ) doit égaliser le coût marginal en terme d’utilité
de la perte de production de biens B (côté gauche de l’équation) et le gain
marginal en terme d’utilité (côté droit) lié à l’accroissement de la production
du bien V . Dans le cas inverse, le transfert de main d’oeuvre d’un secteur à
l’autre augmenterait l’utilité du consommateur.
lxxviLA THÉORIE CLASSIQUE DU COMMERCE INTERNATIONAL

0.8.3 L’équilibre concurrentiel


L’allocation du facteur entre les deux secteurs ainsi que les consommations
sont strictement décrites par les conditions d’optimalité (3). Nous pouvons
expliciter les prix de marché qui soutiennent l’équilibre concurrentiel dans le
cas d’un optimum décentralisé. Le consommateur égalise à l’optimum son
taux marginal de substitution et la pente de sa contrainte budgétaire tandis
que les entreprises maximisent leurs pro…ts en égalisant le rapport des prix
et leur taux marginal de transformation.
La maximisation du pro…t des entreprises s’écrit dans les deux secteurs:

maxPB F (LB ) wLB maxPV G(LV ) wLV


LB LV

d’où l’égalité des productivités marginales au salaire:

PB FL0 = PV G0L = w (4)


Le programme du consommateur représentatif est le suivant:

max U (CB ; CV )
sc. PB CB + PV CV = wL

Les utilités marginales sont égales au rapport des prix à l’équilibre:


UB0 PB
0
= (5)
UV PV
L’égalité suivante permet de faire le pont entre les conditions d’un opti-
mum de Pareto et l’équilibre concurrentiel. Elle synthétise les relations (3),
(4) et (5):

G0L UB0 PB
0
= 0
= (6)
FL UV PV
Cette dernière relation va nous permettre de représenter graphiquement
l’équilibre/optimum de l’économie à travers la construction de la frontière
des possibilités de production.
0.8 LE COMMERCE AVEC RENDEMENTS DÉCROISSANTSlxxvii

0.8.4 La frontière des possibilités de production


Etant donné le caractère limité des ressources en travail, l’économie ne peut
augmenter la production d’un des deux biens qu’en réduisant la production de
l’autre bien. La frontière des possibilités de production exprime cet arbitrage.
Cela revient à 1) maximiser la production de l’un des deux biens à production
constante pour l’autre bien:

max F (LB )
8
< G(L ) = Q
V V
sc.
:L +L =L
B V

2) faire varier le bien en quantité …xe pour tracer la frontière. Nous


pouvons représenter graphiquement cet arbitrage entre produire plus d’un
bien ou plus de l’autre. L’ensemble des couples de production (QB ; QV )
qui satisfont la contrainte de ressources en main d’oeuvre trace une courbe
concave (AA), dénomée la frontière des possibilités de production:

CV

CB
A

La frontière des possibilités de production

Nous avons noté les axes par CV et CB dans la mesure où productions


et consommations sont égales en autarcie. Pour connaître la pente de la
frontière, supposons que l’on transfère dL du secteur V vers le secteur B.
lxxviiiLA THÉORIE CLASSIQUE DU COMMERCE INTERNATIONAL

La perte de production en bien V est dQV = G0 (LV )dLV . Le gain en


production enregistré dans le secteur B est dQB = F 0 (LB )dLB . Le taux de
transformation d’un bien en un autre respectant la contrainte de ressources
est par conséquent (en notant que dLV = dLB ):

dQB FL0
= (7)
dQV LB +LV =L G0L

Le rapport FL0 =G0L (ou taux de transformation) s’interprète par conséquent


comme la pente locale de la frontière des possibilités de production dans le
plan (QB ; QV ).

CV

A E

C
pente locale au
point C = F’/G’

E CB
A

Le taux de transformation des deus secteurs

La décroissance des rendements marginaux a comme implication ici qu’il


est de plus en plus coûteux de concentrer le facteur dans un seul secteur.
Supposons en e¤et que l’on souhaite produire de plus en plus de biens B:
0.8 LE COMMERCE AVEC RENDEMENTS DÉCROISSANTSlxxix

CV

A E
pente locale au
point C

C
E CB
A

le coût d’opportunité en biens V d’une production croissante de biens B

Nous voyons que la pente locale s’accroît au fur et à mesure que le secteur
B capte l’intégralité du facteur de production. Cela représente un coût crois-
sant en production perdue pour le bien V en ordonné.

0.8.5 L’équilibre autarcique

Nous pouvons facilement caractériser l’équilibre autarcique en reprenant les


conditions d’optimalité (6) et en les rapprochant de l’équation (7):

dQB (1) FL0 (2) PV (3) UV0


= = = 0
dQV LB +LV =L G0L PB UB

A l’optimum, le taux de transformation FL0 =G0L qui est aussi la pente


locale de la frontière des possibilités de production (égalité 1) doit être égal
au rapport des prix des deux biens (égalité 2), lequel égalise le rapport des
utilités marginales (égalité 3).
Il s’ensuit qu’à l’optimum la courbe d’indi¤érence (notée UU) est tangente
à la frontières des possibilités de production:
lxxxLA THÉORIE CLASSIQUE DU COMMERCE INTERNATIONAL

CV

A E U

U
E CB
A

L’équilibre autarcique

La tengeance implique l’égalité des pentes locales qui sont identiques à la


pente de la courbe EE sur le graphique.

0.8.6 L’ouverture au commerce international

Les e¤ets de l’ouverture économique se traduisent par un changement des


prix relatifs des biens vendus. La consommation des deux biens di¤ére main-
tenant des productions domestiques dans chacun des biens. Graphiquement,
apparaît une contrainte budgétaire qui correspond aux lieux d’équilibre de
la balance commerciale dont la pente est égale au nouveau rapport des prix.
Pour que le pays équilibre sa balance commerciale, il su¢ t que la production
et la consommation se situent tous deux sur cette contrainte budgétaire, mais
cela peut être à des points di¤érents comme le montre le graphique:
0.8 LE COMMERCE AVEC RENDEMENTS DÉCROISSANTSlxxxi

CV
E U’

-PB/PV
C’

Imp
U’
C
Q
CB
E

Exp

Les gains tirés de l’ouverture

L’introduction du commerce rend possible une déconnexion entre la pro-


duction (Q) et la consommation (C) même si la valeur exportée est égale
à la valeur importée. Cette contrainte de balance équilibrée est représen-
tée par les points de la droite en pointillé EE. Sa pente est égale (au signe
près) au rapport des prix internationaux des deux biens. Dans l’exemple du
graphique, le prix du bien B par rapport à celui du bien V est plus élevé
internationalement que domestiquement avant l’ouverture. Nation exploite
cet écart de prix d’une part en produisant un peu plus de biens B et un peu
moins de biens V et d’autre part en consommant moins de biens B et plus de
biens V . Il s’ensuit une amélioration du bien-être des consommateurs dans
la mesure où la courbe d’indi¤érence se déplace vers le quadrant NE après
l’ouverture.
Il existe donc mondialement un peu plus de demande pour le bien rel-
ativement le moins cher et un peu plus d’o¤re pour le bien relativement le
plus cher. Ce double mouvement devrait modi…er les prix relatifs mondiaux
si le pays était de taille su¢ sante par rapport au reste du monde. Pour le
moment, nous supposons que le pays est su¢ samment petit pour que son
insertion dans le commerce mondial ne modi…e pas les prix relatifs.
L’interprétation est similaire à celle faite dans le modèle précédent avec
rendements marginaux constants. Notons cependant que le résultat de monospé-
cialisation de la section précédente n’est plus vrai ici en raison justement de
lxxxiiLA THÉORIE CLASSIQUE DU COMMERCE INTERNATIONAL

la décroissance des rendements marginaux.

0.8.7 Le cas de deux grandes zones commerciales

Nous pouvons également modéliser le commerce entre deux grandes zones


commerciales, par exemple l’Europe et les Etats-Unis. Dans ce cas, il faut
représenter l’économie de l’étranger de la même manière que l’économie na-
tionale. Un commerce mutuellement avantageux est possible dès lors que
les frontières des possibilités de production sont di¤érentes comme nous le
mpontrons graphiquement:

CV

Q*

FPP de E
C = C*

FPP de N
Q
CB

L’économie mondiale

Nous voyons que les deux pays pro…tent du commerce puisque la nou-
velle courbe d’indi¤érence (identique pour les deux économies) est plus élevée
qu’en double autarcie:
0.8 LE COMMERCE AVEC RENDEMENTS DÉCROISSANTSlxxxiii

CV

C*=Q*

C=Q

CB

Les gains mutuels aux échanges

0.8.8 La source des avantages comparatifs


Si le commerce est fondé sur l’exploitation d’avantages comparatifs, d’où vi-
ennent ces avantages ? Il existe deux sources d’avantages possibles. Une
première a déjà été rencontrée dans le modèle ricardien et provient des
di¤érences technologiques entre les deux pays. A cet égard, nous pouvons
mesurer les avantages relatifs dans la production des deux biens par les deux
pays en nous intéressant aux pentes des frontières des possibilités de pro-
duction. A l’équilibre autarcique, nous voyons que la pente locale au point
C = Q du pays N est plus faible que la même pente au point C = Q du
pays E. Cela révèle un avantage comparatif du pays N dans la production du
bien B puisque produire une unité supplémentaire de bien B pour ce pays
coûte moins cher en terme de production perdue en bien V que pour le pays
E. Après ouverture, le pays N va donc se spécialiser dans la production
du bien B. Sa production augmente, tandis que le pays E va se spécialiser
dans la production du bien V et délaisser la production de l’autre bien. Ces
spécialisations vont logiquement se re‡éter dans la structure du commerce
international.
Une deuxième source d’avantage comparatif est cependant possible,
conduisant au même schéma présenté. Elle repose sur des di¤érences fac-
torielles et nécessite d’enrichir le modèle en ajoutant un second facteur de
lxxxivLA THÉORIE CLASSIQUE DU COMMERCE INTERNATIONAL

production. Nous verrons cette extension et quels éclairages cette nouvelle


approche apporte quant à la logique du commerce dans le chapitre 4 con-
sacré à la théorie HOS. Nous nous contentons pour le moment d’esquisser les
grandes lignes de ce modèle dans la partie suivante.

0.9 Le modèle à deux facteurs de production


Le modèle à deux facteurs n’est qu’une extension du modèle à un facteur.
Le modèle développé va toutefois nous permettre d’introduire un peu plus
tard le modèle HOS complet. Sa description sera rapide dans la mesure où
tous les éléments du modèle ont déjà été vus dans la partie précédente avec
un seul facteur de production.

0.9.1 Le cadre
Il existe dorénavant deux facteurs de production : L et K. Le prix des
facteurs est w pour L et r pour K. Les deux biens sont maintenant produits
par des fonctions de production incluant les deux facteurs: QB = F (KB ; LB )
et QV = G(KV ; LV ). Les deux fonctions de production sont di¤érentes pour
les deux biens. Les fonctions de production sont dites "néo-classiques": la
productivité marginale d’un facteur décroît à mesure que la quantité utilisée
augmente:

@2F @2F
(K; L) < 0 et (K; L) < 0
@K 2 @L2
@2G @2G
(K; L) < 0 et (K; L) < 0
@K 2 @L2
Il existe maintenant deux contraintes de ressources pour chaque facteur:
8
<K +K =K
B V
: L +L =L
B V

Nous avons ici un double problème d’allocation des ressources: 1) combien


consommer dans chacun des bien et 2) à consommations données, comment
0.9 LE MODÈLE À DEUX FACTEURS DE PRODUCTIONlxxxv

répartir les facteurs de production entre les deux secteurs de l’économie ? La


concurrence pure et parfaite prévaut. Nous pouvons donc écrire directement
le problème sous la forme de la sélection d’un optimum de Pareto (théorème
du Bien-Etre). En autarcie nous avons:

max U (CB ; CV )
8
>
> CB = F (KB ; LB )
>
>
>
>
< C = G(K ; L )
V V V
sc.
>
> KB + K V = K
>
>
>
>
: L +L =L
B V

Les conditions du premier ordre donnent:

G0K G0L (1) UB0 (2) PB


= = 0 = (8)
FK0 F G0L UV PV
L’égalité (1) peut se réécrire de la façon suivante:

FL0 UB0 = UV0 G0L

Déplacer une unité de travail d’un secteur vers le second (par exemple du
secteur B vers le secteur V ) doit égaliser le coût marginal en terme d’utilité
de la perte de production de biens B (côté gauche de l’équation) et le gain
marginal en terme d’utilité (côté droit) lié à l’accroissement de la production
du bien V . Dans le cas inverse, le transfert de main d’oeuvre d’un secteur
à l’autre augmenterait l’utilité du consommateur. Le raisonnement est iden-
tique avec le facteur capital.
L’égalité (2) fait le pont entre les conditions d’un optimum de Pareto et
l’équilibre concurrentiel. Le consommateur doit égaliser son taux marginal de
substitution et la pente de sa contrainte budgétaire tandis que les entreprises
maximisent leurs pro…ts en égalisant le rapport des prix et leur taux marginal
de transformation.
La solution des programmes de maximisation des pro…ts des entreprises
lxxxviLA THÉORIE CLASSIQUE DU COMMERCE INTERNATIONAL

achève de caractériser l’équilibre concurrentiel:


FK0 G0K (3) r
= =
FL0 G0L w
L’égalité fait le lien avec les prix de marché. Elle vient du fait que chaque
secteur maximise son pro…t en égalisant le rapport des productivités mar-
ginales des facteurs au coût marginal de ces facteurs. De plus, la mobilité
des facteurs de production implique que chaque facteur reçoive la même ré-
munération quel que soit le secteur dans lequel il est employé. En e¤et, la
maximisation du pro…t des entreprises s’écrit:

max F (KB ; LB ) wLB rKB et max F (KV ; LV ) wLV rKV


(KB ;LB ) (KV ;LV )

d’où:

FL0 = G0L = w
FK0 = G0K = r

0.9.2 La frontière des possibilités de production


Elle revient à maximiser la production de l’un des deux biens à production
constante pour l’autre bien:

max F (KB ; LB )
8
>
> G(KV ; LV ) = QV
>
<
sc. KB + KV = K
>
>
>
: L +L =L
B V

Les conditions du premier ordre donnent:

G0K G0L
=
FK0 FL0
0.9 LE MODÈLE À DEUX FACTEURS DE PRODUCTIONlxxxvii

Le premier des deux termes, exprimé en di¤érence peut également s’écrire:


dQV
G0K dKV dQV
= =
FK0 dQB
dKB
dQB

En e¤et, en raison de la contrainte de plein emploi du capital, KB +


KV = K, utiliser un peu plus d’un facteur dans un secteur revient à moins
l’utiliser dans l’autre secteur: dKB = dKV . Nous obtenons par conséquent
la relation suivante à l’optimum de production et de consommation, issu de
(8):

dQV UB0 PB
= =
dQB UV0 PV
Le premier rapport s’interprète comme la pente locale de la frontière des
possibilités de production dans le plan (QB ; QV ). La frontière est dessinée
dans le graphique suivant et relie les points AA. La consommation d’autarcie
doit être telle que le taux marginal de substitution est égal à la pente locale
de la frontière, elle-même égale au rapport des prix (pente de la droite EE).
Il s’ensuit que la courbe d’indi¤érence U U est tangente à la frontières des
possibilités de production.

CV

A E U

U
E CB
A

L’équilibre autarcique

Notons la similarité du graphique avec le modèle à un seul facteur.


lxxxviiiLA THÉORIE CLASSIQUE DU COMMERCE INTERNATIONAL

0.9.3 L’ouverture au commerce international

L’ouverture se traduit basiquement par un changement des prix relatifs entre


les deux biens en raison de l’a- ux d’importations dans un des deux secteurs
et de la création de nouveaux débouchés qui réduisent pour l’économie na-
tionale la production consommée dans l’autre secteur. Selon quelle logique
varient les prix sera étudiée dans le chapitre sur la théorie HOS.
Les e¤ets de l’ouverture économique sont représentés dans la …gure suiv-
ante:

CV
E’ U’
A

Q
U’
CB
E’
A

L’interprétation de ce graphique a déjà été faite précédemment. Remar-


quons que le nouveau rapport des prix permet au consommateur de retirer
une utilité supérieure au cas autarcique, d’où encore une fois un gain à
l’échange.
Quel est le lien entre la spécialisation internationale et les dotations en
facteurs ? Supposons que le pays dispose du facteur travail en abondance,
lequel entre intensivement dans la production du bien B. La frontière des
possibilités de production aura la forme suivante :
0.9 LE MODÈLE À DEUX FACTEURS DE PRODUCTIONlxxxix

CV

CB

La FPP avec abondance de travail et la production d’autarcie (A).

Dans ce cas, la FPP sera déformée en faveur de la production et de la con-


sommation de biens nécessitant beaucoup de travail. Après ouverture, le
pays va naturellement se spécialiser internationalement dans la production
de biens B, même si la consommation se rééquilibre en faveur du bien V:

CV

CB

La spécialisation internationale avec abondance relative de travail.

Un pays va donc se spécialiser dans (et exporter) la production qui utilise


intensivement le facteur abondant dans l’économie.
xcLA THÉORIE CLASSIQUE DU COMMERCE INTERNATIONAL

0.10 Conclusion

Nous avons vu un premier type de gain tiré du commerce dans le cas avec
productions …xes. Parce que les pays ne produisent qu’une gamme réduite
de biens et que les consommateurs souhaitent une consommation diversi…ée,
l’échange permet de mieux faire concorder l’o¤re avec la demande des con-
sommateurs. Ce résultat est établi en concurrence parfaite. Nous verrons
dans un chapitre ultérieur sur la concurrence imparfaite comment ra¢ ner
cette argument.
Ce gain issu du commerce n’est pas le seul. Même quand l’économie
peut a priori produire une combinaison libre des deux biens en déplaçant des
ressources d’un secteur à un autre, il est dans son avantage d’échanger avec
l’extérieur en se spécialisant dans un seul des deux biens. Nous aboutissons à
un cas extrême de déconnexion entre la production et la consommation per-
mise par le commerce extérieur. Cet argument de spécialisation productive a
été élaboré le premier par Ricardo. Nous verrons dans un chapitre ultérieur
comment étendre cet argument à un grand nombre de biens et en modélisant
mieux l’économie étrangère.
Ce résultat de spécialisation n’est pas remis en cause avec un nombre
plus important de facteurs de production même si le résultat de monospé-
cialisation n’est plus vrai. Au-delà de l’introduction d’un second facteur
de production, l’hypothèse clé de la dernière section de ce chapitre est la
décroissance de la productivité marginale dans chacun des deux facteurs. Ce
résultat freine considérablement l’avantage de la monospécialisation car la
décroissance de la productivité marginale rend de plus en plus ine¢ cace le
transfert de facteurs dans un seul des deux secteurs de l’économie. Cette
ine¢ cacité croissante de la spécialisation se retrouve graphiquement dans la
concavité de la frontière de production. Au fur et à mesure que la production
d’un bien est abandonnée, il faut une réduction toujours plus grande pour
obtenir une quantité donnée de l’autre bien. Même s’il n’est plus optimal
de se spécialiser complètement, le commerce avec l’extérieur reste clairement
une source de gain pour le consommateur.
0.10 CONCLUSION xci

Nous développons dans la suite les arguments qui viennent d’être esquis-
sés. Le point important est de mieux comprendre la logique de l’échange entre
deux pays. Nous allons pour cela modéliser aussi bien l’économie domestique
que l’économie étrangère.
Le modèle ricardien en
équilibre général

Nous dévelopons et détaillons dans les chapitres qui suivent les idées qui ont
été avancées dans la partie précédente. Nous généralisons le modèle ricardien
fondé sur l’avantage technologique en supposant que deux pays produisent un
grand nombre de biens plutôt que deux. Cela nous permettra d’aboutir à de
nouvelles conclusions concernant la nature des gains de l’échange (chapitre
3). Nous présenterons ensuite le modèle HOS qui fonde le commerce sur
un tout autre argument. Nous pourrons alors mieux comprendre les e¤ets
redistributifs du commerce entre les di¤érentes catégories de la société : les
travailleurs et les capitalistes, et parmi les travailleurs ceux qui sont quali…és
et ceux qui ne le sont pas.
David Ricardo expose la théorie des avantages comparatifs en 1817 dans
les Principes de l’économie politique et de l’impôt. Auparavant, Adam Smith
avait montré l’avantage de la spécialisation internationale dans La Richesse
des nations en se fondant sur l’avantage absolu. Smith note également que
les béné…ces de la division du travail augmentent avec la taille du marché.
L’argument de Ricardo en termes d’avantages comparatifs est plus puissant
puisqu’il implique que tous les pays devraient trouver avantage à commercer
quel que soit leur niveau de développement. Nous analysons dans ce qui suit
un modèle plus complet que celui de Ricardo bien que dans la même lignée.
L’analyse se place en équilibre général. Nous considérons deux grands
pays (ou deux grandes zones, par exemple l’Europe et l’Asie de l’Est) et un
continuum de biens. Ce modèle a été la première fois étudié par Dornbusch,

xciii
xciv LE MODÈLE RICARDIEN EN ÉQUILIBRE GÉNÉRAL

Fisher et Samuelson (1977)29 . Nous montrons que la taille du commerce


dépend des coe¢ cients techniques des pays et des salaires relatifs.
Il existe deux relations qui lient les deux pays. Une première qui spéci…e le
nombre de secteurs dans lequel les deux pays se spécialisent. Une seconde qui
relie leurs salaires respectifs. La première relation est une "relation d’o¤re":
plus un pays a un salaire faible et plus il peut étendre sa spécialisation sur
un grand nombre de secteurs (toutes choses égales par ailleurs). La seconde
est une "relation de demande": plus un pays a un salaire élevé et plus il peut
acheter un grand nombre de bien étrangers. Le salaire d’équilibre résulte
de la synthèse de ces deux forces qui agissent en sens opposé: le salaire doit
permettre de produire un nombre de biens et d’importer une quantité équiva-
lente. Le modèle suivant expose ce mécanisme et en tire certaines conclusions
quant à l’impact du progrès technique ou de la taille des économies.

0.11 Le cadre
Soit deux pays produisant un continuum de biens indexés sur un interval
[0; 1]. A chaque bien indexé z 2 [0; 1] est associé un coe¢ cient technique
a(z) pour Nation et a (z) pour Etranger (ou "reste du monde"). Une unité
de travail produit a(z) unités de bien z chez Nation et a (z) chez Etranger:

Q(z) = a(z)L(z)

De façon équivalente, une unité de bien z nécessite 1=a(z) unités de tra-


vail chez Nation et 1=a (z) chez Etranger. Plus a(z) est élevé, et plus la
production est e¢ cace. Cette dé…nition implique que Nation a un avantage
absolu sur Etranger dans la production du bien z et Etranger sur Nation
dans le bien z 0 si: a(z) > a (z).
Cela n’implique pas que Nation produit réellement z. Tout dépend ensuite
des salaires relatifs entre les deux pays. Avec un seul facteur de production
29
R. Dornbusch; S. Fischer; P. A. Samuelson "Comparative Advantage, Trade, and
Payments in a Ricardian Model with a Continuum of Goods" The American Economic
Review, vol. 67, No. 5 (Dec., 1977), pp. 823-839.
0.11 LE CADRE xcv

et concurrence parfaite (pro…t nul), le prix du bien est égal à son coût. Le
coût d’une unité de travail est noté w chez Nation et w chez Etranger. Les
prix p(z) sont concurrentiels et …xés de telle manière à annuler les pro…ts:

p(z)Q(z) wL(z) = 0
w
p(z) =
a(z)

Nation produit et vend les biens dans les deux pays à chaque fois que son
prix (son coût) est inférieur à celui d’Etranger:

w w
<
a(z) a (z)

Nation a un avantage comparatif sur Etranger dans la production du


bien z et (symmétriquement) Etranger sur Nation dans le bien z 0 si:

a(z) w a(z 0 )
> >
a (z) w a (z 0 )
Il reste à déterminer la frontière de spécialisation c’est à dire la répartition
géographique de la production des biens et le salaire dans les deux pays.

0.11.1 La fonction d’o¤re


La fonction d’o¤re de biens de Nation répond à la question suivante: qu’est-il
rentable de produire étant donné le salaire pratiqué ? Rappelons que Nation
produit z et Etranger z 0 si:

a(z) w a(z 0 )
> >
a (z) w a (z 0 )
Par commodité, les biens sont indexés du plus grand avantage au plus
petit avantage pour Nation. En d’autres termes, pour z < z 0 :

a(z) a(z 0 )
> .
a (z) a (z 0 )
xcvi LE MODÈLE RICARDIEN EN ÉQUILIBRE GÉNÉRAL

Nous pouvons alors dé…nir la fonction:

a(z)
A(z) =
a (z)

qui est décroissante sur [0; 1] par construction. Plus A(z) est élevé, plus
la production chez N est e¢ cace comparé aux conditions chez E. En notant
! = w=w le rapport salarial entre les deux pays, cela revient à dire que
Nation produit z et Etranger z 0 si:

A(z) > ! > A(z 0 )

Soit ze (fonction de !) le bien pivot tel que les deux pays produisent à
coût identique:
A(e
z) = !

Par construction de l’index, Nation produira tous les biens z ze et


Etranger tous les biens z > ze. Nous pouvons exprimer une "fonction d’o¤re"
qui attribue à chaque salaire relatif une frontière de spécialisation ze:

! = A(e
z) (fonction d’o¤re)

Cette "courbe d’o¤re" est représentée dans le graphique suivant:

omega

La courbe d’offre

omega

N produit E produit A(z)


z
z tilde

La répartition de la production mondiale


0.11 LE CADRE xcvii

Comme A(z) est décroissant, nous avons le résultat intuitif que plus le
coût du travail augmente chez Nation comparé à Etranger, et plus le pays se
spécialisera dans un nombre de biens restreint.

0.11.2 La fonction de demande


La fonction d’o¤re fournit une première relation entre ze et !: plus le salaire
de Nation est élevé et moins de biens seront comparativement rentables à
produire. La courbe A détermine le périmètre des avantages comparatifs ou
encore la répartition de l’o¤re mondiale.
La courbe de demande détermine quant à elle la répartition de la de-
mande mondiale entre les deux pays. Elle signi…e qu’un pays ne peut pas
sur longue période produire plus qu’il ne consomme (générant des excédents
commerciaux permanents) ou produire moins qu’il ne consomme (entraînant
des dé…cits commerciaux permanents). Ainsi, la frontière de spécialisation ze
indique également la répartition du volume total de la production mondiale.
Le rapport des salaires indique comment se partage la demande mondiale
pour la production. Par exemple, Nation ne peut pas produire beaucoup (e z
élevé) et consommer peu (! faible): sa balance commerciale serait excéden-
taire.
La détermination de cette contrainte nécessite au préalable de dé…nir la
demande mondiale adressée à chaque bien. Nous simpli…ons la fonction de
demande en supposant qu’elle se répartit uniformément sur tous les biens
produits30 . Une balance commerciale équilibrée implique l’égalité entre les
importations (Im) et les exportations (Ex) pour le pays domestique:

Im = Ex ) (1 z)wL = zw L

La relation qui en découle est notée B(z):

z L
! = B(z) = (fonction de demande)
1 z L
30
L’hypothèse de demande uniforme sur tous les biens peut paraître un peu forte.
L’annexe montre comment écrire le modèle avec une demande variable.
xcviii LE MODÈLE RICARDIEN EN ÉQUILIBRE GÉNÉRAL

B(z) est croissant en z. Plus un pays produit (et donc exporte) un nombre
de biens important et plus sa balance commerciale à salaires donnés sera ex-
cédentaire. La hausse salariale relance les importations et rétablit l’équilibre
commercial. C’est ce qu’exprime le graphique suivant:

omega
B(z)
Balance commerciale
déficitaire

Balance commerciale
excédentaire
z

Dans le quadrant NO, le salaire relatif et donc la demande domestique


sont trop élevés par rapport à la production domestique. La remarque inverse
s’applique dans le quadrant SE. Or le modèle se situe à long-terme et sup-
pose une balance commerciale équilibrée. Les variables z et ! doivent donc
se trouver sur la frontière B(z). Cette relation illustre le fait que les pays qui
engrangent des excédents commerciaux à la faveur de salaires faibles devront
à l’avenir accroître leurs importations et donc augmenter les salaires domes-
tiques pour acheter les biens étrangers. Ceci se produit indépendamment du
fait que des salaires plus élevés réduissent également la balance commerciale
en renchérissant le prix des biens exportés (cf. la fonction d’o¤re).

0.11.3 Equilibre de l’économie


La frontière de spécialisation ze est …xé à l’équilibre par l’égalité entre l’o¤re
et la demande:

! = A(z) = B(z)
ou graphiquement:
0.11 LE CADRE xcix

omega
B(z)

omega bar

A(z)
z
z

L’équilibre de l’économie mondiale

La spécialisation et le salaire relatif associé dérivent de la distribution des


avantages comparatifs entre les deux pays et de l’équilibre des échanges.

0.11.4 Une version analytique du modèle


Nous retenons une forme fonctionnelle pour la courbe d’o¤re31 :

1= 1=
T 1 z
A(z) =
T z
T (T ) représente l’avantage absolu du pays N (E). Le paramètre
re‡ète l’avantage comparatif et gouverne la sensibilité de la demande au
coût. De A(z) = ! on tire:
T!
z= (9)
T! + T
Le seuil z dépend de la taille des pays (équation (10)) et du niveau tech-
nologique (équation (9)). La fonction de demande B(z) peut se réécrire :

!
z= (10)
! + LL
31
Cette forme possède certains fondements microéconomiques, cf. Eaton, Jonathan and
Samuel Kortum (2002) “Technology, Geography, and Trade”Econometrica, 70, pp. 1741-
1780.
c LE MODÈLE RICARDIEN EN ÉQUILIBRE GÉNÉRAL

L’équilibre suivant en découle:


L! T!
=
L! + L T! + T
Finalement, le salaire d’équilibre s’exprime de la façon suivante:
1=(1+ )
T L
!=
T L
Un T =L important signi…e qu’il existe de nombreux secteurs par rapport
à la taille du pays dans lequel N dispose d’avantages absolus, ce qui élève le
salaire de ce pays.

0.12 Applications
0.12.1 Les e¤ets du progrès technique
Rappelons que la productivité relative est donnée par

a(z)
A(z) =
a (z)
Plus A(z) est élevé, et plus la production chez N est e¢ cace. Supposons
qu’Etranger connaisse un progrès technique uniforme sur toute la gamme des
biens. Cela signi…e que pour tout bien z, A(z) baisse, soit une translation
vers le bas de la courbe d’o¤re:

omega
B(z)

omega bar

A(z)
z
z

Les e¤ets d’un progrès technique asymétrique


0.12 APPLICATIONS ci

La quantité de biens produit par Etranger s’accroît (z diminue) et le


salaire relatif des deux économies baisse. L’interprétation est la suivante.
Etranger étend son avantage comparatif sur un plus grand nombre de bi-
ens. Sa production augmente, ainsi que ses exportations. Nation perd des
secteurs, produit moins et exporte moins, ce qui conduit à un dé…cit commer-
cial avec Etranger. Etranger élimine son excédent par une hausse salariale
qui 1) annule une partie de l’e¤et des gains de productivités sur le coût du
travail; et 2) augmente la demande de biens importés.
Les e¤ets sont sans ambiguïté béné…ques pour Etranger qui béné…cie
directement des gains issus du progrès technique. Mais ils sont également
favorables à Nation qui pro…te de la baisse des prix des biens importés.
En e¤et, la hausse des salaires chez Etranger n’absorbe pas complètement
les gains de productivité, dont une partie béné…cie aux consommateurs de
Nation. Pour le montrer, considérons le pouvoir d’achat du travail chez N en
terme de biens produits domestiquement:
wL wL
= = La(z)
p(z) w=a(z)
avec p(z) le prix du bien z et en termes de biens étrangers:
wL wL
= = !La (z)
p (z) w =a (z)
Le premier ratio reste inchangé à la suite d’un progrès technique chez E
tandis que le second augmente si !b +b b le taux de croissance
a (z) > 0 (avec x
de la variable x). Or le rapport des prix entre deux biens produits dans des
pays di¤érents est donné par:
p(z) a (z 0 )
= !
p (z 0 ) a(z)
ou en taux de croissance:

pb(z) pb (z 0 ) = ! a (z 0 )
b +b
Comme le prix relatif des biens étrangers par rapport aux biens domes-
b>b
tique diminue, on a bien ! a (z 0 ). Le progrès technique chez E pro…te donc
également aux habitants de N via une baisse des prix des biens importés.
cii LE MODÈLE RICARDIEN EN ÉQUILIBRE GÉNÉRAL

0.12.2 L’entrée d’une grande économie dans le com-


merce mondiale
Que se passe-t-il si une économie de grande taille s’ouvre rapidement au
commerce extérieur ? Nous pouvons citer comme exemple l’entrée de la
Chine dans l’OMC, ou les e¤ets de l’Alena sur le Mexique. Pour …xer les idées,
chaque année, malgré des obstacles réglementaires nombreux imposés par les
autorités, quelque 20 millions de travailleurs chinois supplémentaires passent
de l’extrême pauvreté et du sous-emploi ruraux au travail dans les secteurs
modernes et urbains. Les e¤ets de l’exode rural chinois se font sentir bien
au-delà des frontières de la Chine car, en passant dans les villes, ce sont 20
millions de travailleurs supplémentaires qui s’intègrent à l’économie mondiale
chaque année. L’économie chinoise est, en e¤et, exceptionnellement ouverte
pour sa taille et son niveau de développement : les exportations constituent
un tiers du PIB et croissent à un rythme de 25 % l’an.
Supposons que la taille d’Etranger augmente : L =L s’accroît. Au vu de
son expression (! = B(z) = 1 z z LL ), la fonction de demande se déplace vers
la gauche:

omega
B(z)

Les e¤ets de l’entrée d’un grand pays dans le commerce mondial

Un accroissement relatif de L par rapport à L déplace la demande


mondiale vers Etranger. En conséquence, Nation peut exporter plus de
0.12 APPLICATIONS ciii

biens ) à salaire donné, sa balance commerciale est maintenant excéden-


taire avec Etranger ) l’équilibre est rétabli par une hausse des salaires.
L’augmentation des salaires va à son tour réduire le périmètre de spécialisa-
tion de Nation en tenant compte de la courbe d’o¤re:

omega
B(z)

A(z)

Les e¤ets sur la spécialisation mondiale de l’entrée d’un grang pays dans le
commerce international

La quantité de bien produit par Etranger s’accroît (z diminue) et le salaire


relatif augmente chez Nation (!). Interprétation : l’excès d’o¤re de tra-
vail chez E fait pression sur le salaire étranger à la baisse. Par conséquent,
l’avantage comparatif d’Etranger couvre un plus grand intervalle de biens.
D’où la réduction de z et l’accroissement de !. Notons que ce mouvement
des salaires rétablit l’équilibre de la balance commerciale.
En conclusion, si une économie de grande taille s’ouvre subitement au
commerce extérieur, alors l’économie va investir de nouveaux secteurs d’activité
précédemment occupés par d’autres pays. L’e¤et sur Nation est sans am-
biguïté béné…que à travers l’amélioration des termes de l’échange. Nation
peut importer un plus grand nombre de biens pour un montant inférieur
d’exportations. C’est ce que signi…e la hausse du salaire relatif. L’e¤et est
toutefois inverse pour Etranger. Le revenu par travailleur baisse malgré la
part croissante occupée dans la production mondiale.
civ LE MODÈLE RICARDIEN EN ÉQUILIBRE GÉNÉRAL

0.12.3 La hausse des salaires est-elle toujours un mé-


canisme équilibrant ?
Le modèle prédit que l’augmentation des salaires dans l’économie suite à une
balance commerciale excédentaire se produit à moyen terme a…n de corriger le
déséquilibre de balance des paiements. Les gains de productivité se traduisent
à terme par une augmentation des salaires et donc du coût du travail. Est-ce
le cas partout ?
Prenons l’exemple de la Chine. La productivité des travailleurs a été
multipliée par trois en dix ans. Les salaires, au moins des travailleurs les
moins quali…és, n’ont pas augmenté en proportion. Une des raisons de ce
retard est la présence de millions de paysans chinois prêts à migrer vers les
villes pour y o¤rir un travail peu quali…é, à peine mieux rémunéré que le
revenu rural.
Notons toutefois que la situation change graduellement. Les dernières
observations montrent une hausse des salaires qui à moyen-terme jouera fa-
vorablement sur les déséquilibres commerciaux.

0.12.4 Les e¤ets d’un déséquilibre commercial


L’analyse développé indique que la variation des salaires permet l’ajustement
commercial entre les pays. Ce mécanisme peut prendre un certain temps.
0.12 APPLICATIONS cv

Un déséquilibre commercial peut apparaître dans l’intervalle. Quels sont


ces e¤ets sur les économies ? La condition ! = B(z) peut être relâchée en
supposant un déséquilibre commercial 32 :

D = Im Ex > 0

Un déséquilibre commercial de la part de N signi…e que N s’endette auprès


de E. Cela peut caractériser la situation des Etats-Unis vis à vis de la zone
asiatique. Cela revient à doter le pays N d’un surcroît de pouvoir d’achat
D. Symmétriquement nous retranchons D au revenu de E pour obtenir sa
consommation. En accord avec l’hypothèse de départ, le surcroît de dépense
D pour N et le dé…cit de dépense pour E se répartissent proportionnellement
entre tous les biens. Le nouvel équilibre sur le marché des biens en résulte:

D = Im Ex
= (1 z)(wL + D) z(w L D)

Après élimination de D:

z L
!=
1 z L
Le déséquilibre ne modi…e pas la fonction d’o¤re à salaires relatifs donnés.
La répartition géographique de la production mondiale dépend des avantages
comparatifs des deux pays et non pas de quel pays dépense le plus. Cela vient
du fait que le revenu transféré est consommé de la même façon par les deux
pays.
Cette dernière hypothèse est évidemment discutable, ne serait-ce qu’en
raison des préférences observées pour les produits locaux (produits culturels,
alimentaires, etc.). Nous pouvons introduire simplement une préférence pour
les biens domestiques en supposant que seule la fraction de la production
peut être échangée. La fraction 1 est constituée de biens non échange-
ables (services de proximité, administrations publiques, etc.). La condition
32
Robert Dekle, Jonathan Eaton & Samuel Kortum "Unbalanced Trade" NBER 13035.
cvi LE MODÈLE RICARDIEN EN ÉQUILIBRE GÉNÉRAL

d’équilibre du marché des biens devient:

D = (1 z)(wL + D) z(w L D)

ou:
z L (1 )D
!= +
1 z L (1 z)w L
Un dé…cit commercial conduit à un déplacement de la production sur
le sol domestique puisque les consommateurs préfèrent les produits locaux.
B(z) se déplace vers la gauche (à spécialisation inchangée, il est nécessaire
que le salaire relatif de N augmente a…n de rétablir un niveau donné de dé…cit
commercial). A l’équilibre, le salaire augmente chez N et z diminue. L’emploi
se déplace vers le secteur des biens non échangeables (BNE). Les travailleurs
restants dans le secteur des biens échangeables (BE) se spécialisent dans les
activités les plus productives, d’où l’accroissement du salaire.
La part du PIB qui provient du secteur des BE est:

z(wL + w L ) L
= z(1 + )
wL !L
Cette part dépend négativement de ! qui est une fonction croissante de
D. Par rapport au cas D = 0, la part est donc plus faible. Le dé…cit évince
le secteur des BE.

0.12.5 Les e¤ets d’un transfert international


Dans le passé, les transferts internationaux de revenus se sont le plus souvent
produit au lendemain des guerres. L’Allemagne demanda ainsi des répara-
tions à la France lors de la défaite de ce dernier pays dans la guerre prussienne
en 1871. Après la première guerre mondiale les alliés victorieux demandèrent
de fortes réparations à l’Allemagne. Après la deuxième guerre mondiale, les
Etats-Unis mirent au point des programmes d’aide en faveur des pays battus
(l’Allemagne et le Japon) de même qu’en faveur de leurs alliés pour les aider
dans leur reconstruction.
0.12 APPLICATIONS cvii

Aujourd’hui, les transferts de revenu des travailleurs émigrés constituent


une source importante de revenu pour les habitants des pays en développe-
ment. En Amérique latine, les « remesas » ont atteint 45 milliards de dollars
en 2004 (24 milliards pour le Mexique en 2006 soit plusieurs points de PIB)
Depuis les années 1950 les pays développés ont fourni une aide aux nations
les plus pauvres sous la forme de prêts. Les prêts sont di¤érents des transferts
au sens où ils sont assortis d’une obligation de remboursement à échéance.
À court terme cependant, les e¤ets économiques d’un don et d’une somme
prêtée sont similaires. Ainsi l’analyse des transferts internationaux de revenu
est aussi utile pour comprendre les e¤ets des prêts internationaux. Suivant
le même raisonnement, nous pouvons également assimiler à un transfert un
dé…cit commercial.
Une question importante est de savoir comment les transferts interna-
tionaux de revenu a¤ectent les termes de l’échanges (ou le taux de change
réel) entre les deux pays. Dans quelle mesure les transferts favorisent l’économie
qui les reçoit et défavorise l’économie qui les consent?
Cette question fut soulevée dans un fameux débat entre deux grands
économistes John Maynard Keynes et Bertil Ohlin (cf. Economic Journal,
1929). L’objet du débat portait sur les paiements de réparation demandée à
l’Allemagne après la première guerre mondiale. La question était de savoir
quel fardeau représentait le paiement pour l’économie allemande33 .
Keynes avançait que les conditions des alliés sous-estimaient le fardeau
réel pour l’Allemagne. L’Allemagne devrait exporter plus en rendant ses
exportations meilleures marchés relativement à ses importations. Il en résul-
terait une détérioration des termes de l’échange de l’Allemagne et un fardeau
supplémentaire.
Pour Bertil Ohlin, l’Allemagne devrait relever ses taxes pour …nancer les
réparations. La demande de produits étrangers diminuerait automatique-
ment. Dans le même temps les paiements de réparations se traduiraient dans
les autres pays par des réductions de taxes et des supplément de dépenses
33
Le débat se révéla …nalement hors de propos. L’Allemagne ne paya qu’une petite
partie des réparations prévues.
cviii LE MODÈLE RICARDIEN EN ÉQUILIBRE GÉNÉRAL

publiques : une part de ses demandes s’adresserait à d’autres pays appelant


notamment des exportations allemandes. Ainsi l’Allemagne serait en état
de réduire ses importations et d’augmenter ses exportations sans subir la
détérioration de ses termes d’échange.
Lequel de ces deux économistes avait raison ? Une première réponse est
fourni par la sous-section sur les e¤ets d’un dé…cit commercial. Un dé…cit
commercial D de N vis à vis de E revient à un transfert de E vers N. Si la
structure des dépenses est identique entre les deux pays, l’e¤et d’un transfert
est sans conséquence sur les termes de l’échange. Ni la courbe A ni la courbe
B ne se déplacent suite au transfert. Les spécialisations et les niveaux de
salaire restent indentiques. Une partie des biens qui étaient consommés par
E le sont maintenant par N mais l’origine de ces biens reste la même.
Si le pays consomme plus de biens domestiques, le transfert favorise le
pays qui le reçoit car la demande supplémentaire stimule la production do-
mestique. Le rétablissement de la balance commerciale nécessite que le salaire
augmente chez N. Le modèle ricardien avec une préférence pour les biens
domestiques accrédite l’opinon de Keynes sur les e¤ets du paiement pour
l’économie allemande.

0.12.6 Coûts de transport et droits de douane


De nombreuses études montrent que le commerce devrait être beaucoup plus
développé qu’il ne l’est en réalité étant donnée la taille des avantages com-
paratif et des gains de l’échange qu’ils impliquent34 . Une des raisons de ce
"commerce manquant" est la présence de coûts de transport et de droits de
douane qui sont autant de barrières naturelles ou arti…cielles aux échanges.
L’hypothèse de coûts de transport ou la présence de droits de douane per-
mettent d’endogénéiser la frontière des biens non échangeables.
Nous introduisons dans le modèle ricardien des coûts de transport en
supposant que le transport des marchandises absorbe une partie de la valeur
des biens. Une unité de bien transporté arrive en quantité g à destination.
34
Daniel Tre‡er "The Case of the Missing Trade and Other Mysteries", The American
Economic Review, Vol. 85, No. 5 (Dec., 1995), pp. 1029-1046.
0.12 APPLICATIONS cix

Vendre une unité de biens à l’étranger nécessite par conséquent 1=g unité
produite domestiquement. Ce coe¢ cient augmente le coût unitaire d’autant
pour les biens exportés.
Les importations de N : E exporte les biens pour lesquels son coût
unitaire augmenté des coûts de transport est plus faible que le coût unitaire
domestique:

w 1 w
<
a (z) g a(z)
soit encore:
A(z)=g < ! (11)

Les exportations de N : E importe les biens produits par N si la


condition symétrique est véri…ée:

a (z 0 ) 1 w
>
a(z 0 ) g w
soit:
A(z)g > ! (12)

Nous obtenons la représentation graphique pour un salaire relatif donné:

omega A(z)/g
Les courbes d’offre
avec coûts de transport
A(z).g

salaire
relatif

non
exports échangés imports
z
z1 z2

Pour les exportations chez N, la condition (12) est pertinente. Le pays


N exporte les biens pour lesquels l’avantage de coût est le plus important
cx LE MODÈLE RICARDIEN EN ÉQUILIBRE GÉNÉRAL

et permet de surmonter le handicap de coûts liés à leur transport. Pour


une zone de production intermédiaire, l’avantage de coût reste su¢ sant pour
dissuader les importations qui subissent également un coût de transport, mais
est insu¢ sant pour exporter. Finalement, la dernière région à droite indique
la zone de spécialisation d’Etranger dont l’avantage comparatif est supérieur
en dépit des coûts de transport (condition (11).
Les seuils z1 et z2 sont eux-mêmes endogènes et dépendent du salaire
relatif:
! = A(z1 )g = A(z2 )=g

La présence de droits de douane (DD) proportionnels agit de la même


façon que des coûts de transport. Soit t le tarif appliqué aux biens venant
de E et t le tarif décidé par E sur les biens produits chez N. N importe un
bien produit par E si

w w
(1 + t) <
a (z) a(z)
La dernière relation devient:

! = A(z1 )(1 + t) = A(z2 )=(1 + t )

L’introduction d’un DD fait apparaître une zone de biens non échange-


ables: z1 < z2 dès lors qu’au moins l’un des deux DD est positif. Partons
d’une situation sans DD et supposons que N impose un DD positif t > 0. Les
importations diminuent au salaire existant et laissent la place à un secteur de
biens non échangeables. Le rétablissement de la balance commerciale néces-
site un relèvement du salaire chez N comparé au salaire chez E. Le surcroît
de demande se porte principalement sur les produits domestiques en raison
du DD et du secteur de biens non échangeables, d’où un déplacement de B
vers le haut ampli…ant la hausse du salaire chez N.
En conclusion, un tarif douanier unilatéral améliore le salaire du pays
protecteur ainsi que les termes de l’échange.
Que se passe-t-il si les deux pays augmentent d’un même montant leur
DD ? Si les deux pays sont de taille identique, les salaires relatifs restent
0.12 APPLICATIONS cxi

inchangés par symétrie. Le bien-être des deux pays diminue car certaines
production locales seraient avantageusement transférées à l’étranger. Si les
deux pays ont des tailles di¤érentes, les DD augmentent le salaire du pays qui
produit les biens dont la demande mondiale est la plus importante soit le pays
le plus grand si la demande est uniforme. Le recul de la demande étrangère
est en e¤et moins prononcé dans le grand pays. Une guerre commerciale
entre le Mexique et les Etats-Unis a ainsi peu de chances de se produire en
raison des e¤ets dissymétrique entre les deux pays.

0.12.7 Les e¤ets d’un ‡ux migratoire

Les modèles standards d’échange prédisent que l’immigration aura les mêmes
e¤ets que le commerce sur les salaires des travailleurs non quali…és des pays
développés. Supposons un ‡ux migratoire du pays E vers le pays N (supposé
disposer du salaire le plus élevé, soit ! > 1). Le transfert de main d’oeuvre
doit s’accompagner d’un transfert de production a…n de préserver le plein-
emploi dans les deux pays. La spécialisation de N doit donc s’étendre. Une
baisse du salaire réalise une telle réallocation.
L’analyse est similaire à celle de l’entrée d’une grande économie dans le
commerce mondial. Une balance commerciale équilibrée implique:

Im = Ex ) (1 z)w(L + ) = zw (L )

soit encore:

z L
!=
1 z L+

Cela revient graphiquement à un déplacement vers le bas de la courbe B, lieu


d’équilibre de la balance commeciale. Nous voyons la baisse du salaire relatif
et l’extension de la spécialisation chez N.
cxii LE MODÈLE RICARDIEN EN ÉQUILIBRE GÉNÉRAL

Les effets d’un flux migratoire

omega B(z)

salaire
relatif
A(z)

L’analyse présentée ne tient pas compte des di¤érences de quali…cation


entre les travailleurs et suppose qu’un travailleurs immigré atteint immédi-
atement le niveau de quali…cation d’un travailleur natif à son entrée sur le
territoire.
De même, l’analyse ne tient pas compte de l’ajustement du capital à
moyen-terme comme dans le modèle de croissance de Solow. Dans ce dernier
modèle, un ‡ux migratoire réduit temporairement le salaire réel puisque
l’intensité capitalistique baisse. L’a- ux de main d’oeuvre augmente la pro-
ductivité marginale du capital et entraîne un cycle d’accumulation qui rétablit
le niveau précédent de salaire.
Les e¤ets de l’immigration sur le marché du travail ont été étudiés en
détails aux Etats-Unis. Le raisonnement selon lequel les immigrants ne peu-
vent que nuire aux travailleurs locaux avec lesquels ils entrent en concurrence,
paraît une conséquence logique au moins à court-terme. Si l’o¤re de travail
augmente, les salaires doivent baisser. Les résultats empiriques peinent à
retrouver ce résultat. Borjas et al (1997)35 trouvent les résultats suivants
pour l’impact de l’immigration depuis les années 60:

1. les ‡ux migratoires n’ont pas d’impact discernable sur l’économie des
35
George J. Borjas, Richard B. Freeman, Lawrence F. Katz (1997) "How Much Do
Immigration and Trade A¤ect Labor Market Outcomes?" Brooking Papers on Economic
Activity n 1 p1-90.
0.12 APPLICATIONS cxiii

villes d’accueil : ni les salaires ni l’emploi ne semblent baisser dans les


villes où les immigrants s’installent.

2. les immigrés s’orientent vers les villes les plus dynamiques en termes
d’emplois (les immigrés tendent aussi à se concentrer dans les mêmes
villes). Les salaires sont plus élevés à Los Angeles qu’à Detroit, et peu
de nouveaux arrivants s’installent à Detroit.

3. la décision de localisation des travailleurs natifs est in‡uencée par les


‡ux migratoires. Ainsi, la Californie, principal Etat accueillant des
immigrants a été témoin d’une baisse des ‡ux migratoires nets internes.
En d’autres termes, l’immigration a freiné l’établissement de nouveaux
travailleurs américains dans les villes concernées.

Les points 2 et 3 permettent de comprendre pourquoi les e¤ets de l’immigration


sur les salaires sont indétectables.
Dans une autre étude resté célèbre, David Card, a anlysé les e¤ets d’une
quasi-expérience naturelle: le Mariel Boatlift. Entre mai et septembre 1980,
suite à une déclaration de Castro selon laquelle les Cubains qui le voulaient
pouvaient partir aux Etats-Unis depuis le port de Mariel, 125 000 réfugiés
cubains débarquent sur les côtes de Floride, le point le plus facile à atteindre
depuis Cuba. 50 % de ceux qu’on appelle depuis les « Marielitos » se …xent à
Miami, et leur arrivée a conduit à une augmentation de 7 % de la population
active de cette ville. Card compare l’évolution des salaires et de l’emploi à
Miami avant et après le Mariel Boatlift à ce qui se passait au même moment
dans des villes comparables à Miami (Atlanta, Los Angeles, Houston, et
Tampa-Saint Petersburg). Or il observe que, dans les années suivant le Mariel
Boatlift, l’évolution des salaires et du chômage a été la même à Miami que
dans ces villes : il semble donc que cet a- ux n’ait eu aucun e¤et négatif
sur les travailleurs locaux. Cela reste vrai même quand il considère plus
spéci…quement les Noirs, les travailleurs non-quali…és, et même les Cubains
déjà établis à Miami.
cxiv LE MODÈLE RICARDIEN EN ÉQUILIBRE GÉNÉRAL

0.12.8 O¤shoring
Le phénomène d’o¤shoring (dé…ni dans la partie introductive) est-il quali-
tativement di¤érent de celui d’immigration? Nous allons voir que les deux
phénomènes ne sont pas assimilables et conduisent à des conclusions opposées
sur les salaires.
Nation peut désormais diviser le processus de production en deux étapes.
Une des étapes fait intervenir la main d’oeuvre du pays E en proportion 1
(supposée exogène) de la production. La seconde implique les travailleurs
nationaux pour la proportion . L’entreprise béné…cie alors partiellement du
niveau de salaire qui prévaut chez E. La productivité reste toutefois di¤érente
par rapport au cas où la production du bien z serait entièrement prise en
charge par Etranger. Elle est de a (z) au lieu de a (z) avec > 0.
Une entreprise chez N produisant le bien z décide d’externaliser une partie
de sa production si cela réduit son coût:

w w w
+ (1 ) <
a(z) a (z) a(z)
soit si:

! > A(z)= (Ext)

Inversement, la production domestique ne recourt pas à la "production


au loin" si A(z)= > !, c’est à dire si la productivité des travailleurs chez
N est su¢ sament élevée par rapport à celle des travailleurs chez E. Comme
précédemment, Nation produit et exporte un bien à chaque fois que son coût
est inférieur à celui d’Etranger:

w w w
+ (1 ) <
a(z) a (z) a (z)
Soit encore :

! < A(z) (Exp)


0.12 APPLICATIONS cxv

avec = ( + 1)= . L’o¤shoring accroît la productivité de N par


rapport au cas sans ( = 1) si > 1, soit encore si > 1, ce qui est bien
l’hypothèse retenue. Pour qu’un ensemble non vide de biens soit produit et
partiellement externalisé par N, il est nécessaire que les conditions (Ext) et
(Exp) soient satisfaites ensemble:

A(z) > ! > A(z)=

ce qui est possible si > 1 ou encore > 1. Le cas contraire (les tra-
vailleurs indiens travaillant dans des …lliales américaines sont moins produc-
tifs que leurs homologues travaillant dans des entreprises locales) est évidem-
ment moins plausible et conduirait à rendre l’o¤shoring non rentable pour
les entreprises chez N.
Nous supposons que E n’a pas accès à une technologie similaire et ne
peut externaliser une partie des tâches chez N. Nation dispose d’un avantage
comparatif sur Etranger dans la production du bien z et Etranger sur Nation
dans le bien z 0 si:

A(z) > ! > A(z 0 )

La frontière de spécialisation z est donc telle que A(z) = !. Le segment


productif qui fait l’objet d’un o¤shoring représente une région intermédiaire
sur le spectre des biens produits classés par niveau de productivité.

La courbe d’offre avec offshoring (µ>1)


θ A(z)
A(z)/µ

production
non production
externalisée externalisée imports
z
z
cxvi LE MODÈLE RICARDIEN EN ÉQUILIBRE GÉNÉRAL

La productivité de N ne doit être ni trop grande car les travailleurs locaux


dispose d’un avantage lié à leur quali…cation ou au niveau technologique
environnant, ni trop faible sous peine de voir l’intégralité de la production
être exécutée à l’Etranger.
Une balance commerciale équilibrée implique l’égalité entre les importa-
tions et les exportations pour le pays domestique (avec demande uniforme
sur tous les biens, cf. supra):

z L
B(z) = =!
1 z L

L’équilibre en z de l’économie est tel que A(z) = B(z).

L’équilibre avec offshoring


θ A(z) B(z)
A(z)/µ

production
non production
externalisée externalisée imports
z
z

Comme > 1 et > 1, N dispose d’une spécialisation plus étendue et


d’un salaire plus élevé par rapport au cas sans o¤shoring ( = 1).
Quels sont les e¤ets d’un développement de l’o¤shoring sur les deux
économies ? Un tel phénomène peut s’interprèter comme une extension de
la part du processus productif susceptible d’être externalisé chez E, c’est à
dire une diminution du paramètre . L’hypothèse > 1 implique 0 ( ) < 0.
Dans ce cas, une extension de l’o¤shoring accroît la productivité du pays qui
le pratique. L’équilibre de l’économie mondiale se déplace vers le quadrant
NE.
0.12 APPLICATIONS cxvii

Les effets d’une extension de l’offshoring


θ A(z) θ 'A(z)
B(z)
A(z)/µ

production
non production
externalisée externalisée imports
z
z

Un développement de l’o¤shoring laisse inchangée la part de la production


exportée non externalisée mais étend la part externalisée. En d’autres termes,
le pays N étend sa spécialisation mais en externalise une part supérieure. Ce
faisant, elle rend l’économie mondiale plus productive de la même manière
qu’un progrès technique exogène (même e¤et graphique). Nous savons dans
ce cas que les deux pays y gagnent.

La part externalisée dépend également du paramètre , le surcroît de


productivité des travailleurs locaux engagés dans les …lliales des entreprises
de N. Les travailleurs chez E employés par des entreprises N peuvent de-
venir plus e¢ caces en cas d’amélioration des techniques de communication
et d’information (fax, Internet, vidéo-conférence, etc.) ou en cas de rational-
isation et simpli…cation de tâches complexes. Comme 0 ( ) > 0 (car < 1),
un accroissement de l’écart de productivité des travailleurs locaux a un dou-
ble e¤et sur la spécialisation internationale. Elle réduit le nombre de biens
exportés par N et qui ne sont pas a¤ectés par l’o¤shoring (A(z)= diminue)
et elle étend la spécialisation de N ( A(z) augmente). Ces deux e¤ets se
conjuguent pour élargir la gamme de biens dont le processus de production
est internationalement fragmenté.
cxviii LE MODÈLE RICARDIEN EN ÉQUILIBRE GÉNÉRAL

Le cas d’une externalisation plus efficace

A(z)/µ
θ A(z) θ 'A(z)
B(z)
A(z)/µ '

imports
z
z

Là encore, le phénomène d’o¤shoring est assimilable à un progrès tech-


nique qui augmente le salaire réel dans les deux économies.

La modélisation de l’o¤shoring dans un modèle ricardien avec une gamme


continue de biens montre les aspects positifs de ce phénomène. L’o¤shoring
révèle de nouvelles opportunités d’échange. Dans le cas présent, les entre-
prises chez N échangent des bens contre du travail chez E. Si les entreprises y
recourent, c’est que cela permet de réduire les coûts, de la même manière que
le progrès technique accroît l’ee…cience productive. Comme dans le cas du
progrès technique, l’o¤shoring est ici béné…que aux économies. Les e¤ets sont
donc di¤érents d’un ‡ux migratoire auquel l’o¤shoring est souvent comparé
("cela revient à employer chez eux les travailleurs des pays en développement
plutôt que de les faire venir sur place"). Immigration et o¤shoring ont des
e¤ets opposés sur la spécialisation internationale et les salaires relatifs dans
ce modèle.

Nous avons toutefois vu dans une section précédente que dans un modèle
ricardien à deux biens, l’o¤shoring pouvait conduire non pas à une améliora-
tion des termes d’échange mais à leur dégradation. Les économistes débattent
vivement pour savoir lequel de ces deux e¤ets dominent.
0.13 CONCLUSION cxix

0.13 Conclusion
Le modèle de Dornbusch, Fisher et Samuelson (1977) montre comment se
déterminent la spécialisation internationale et les salaires relatifs de deux
pays qui commercent. Au-delà de l’idée d’avantages comparatifs (courbe
d’o¤re), l’idée générale est qu’un pays ne peut gagner des parts de marché
sans accroître à long-terme ses salaires (courbe de demande). La combinaison
salaires faibles - productivité importante génère en e¤et des surplus commer-
ciaux qui devront se réduire un jour par une hausse des salaires. Cette hausse
réduit la taille de l’avantage comparatif (courbe d’o¤re) et donne un pouvoir
d’achat supplémentaire aux travailleurs permettant d’accroître la demande
intérieure et donc les importations (courbe de demande).
Notons que le mécanisme de réduction des dé…cits commerciaux décrit
dans le modèle ricardien (via la courbe de demande) di¤ère du mécanisme
habituellement retenu de variation du taux de change. Ici, le modèle est pure-
ment réel et …xe uniquement les prix relatifs. L’introduction de deux unités
monétaires di¤érentes dans chacun des pays donnerait un second moyen de
rééquilibrage à court-terme via une dévaluation de la monnaie dans le pays
qui subit des dé…cits. Toutefois, ce mécanisme suppose la présence de rigid-
ités nominales et un écart à la parité de pouvoir d’achat qui sont moins
pertinents sur un plus long horizon. Le rééquilibrage par les salaires relatifs
(courbe de demande) est un mécanisme de long-terme additionnel.

0.14 Annexe : l’équilibre commercial


Pour simpli…er l’analyse, nous supposons que la fraction b(z) de la demande
en bien z est identique dans les deux pays (mêmes préférences) et indépen-
dante des prix (tel sera le cas si les e¤ets prix et les e¤ets revenus s’annulent).
Si Nation produit z, ses ventes totales seront égales à: b(z)Y +b(z)Y avec
Y et Y les revenus agrégés respectifs chez Nation et Etranger. Le revenu
agrégé de Nation est la somme des rémunérations Y = wL. De même pour
Etranger Y = w L .
cxx LE MODÈLE RICARDIEN EN ÉQUILIBRE GÉNÉRAL

Comme par hypothèse b(z) = b (z); la demande mondiale adressée au


bien z est donc:

b(z)(wL + w L )
Le revenu total de Nation est égal à ses ventes entre 0 et ze:
Z ze
b(z)(wL + w L )dz
0
Sa consommation totale est quant à elle égale à:
Z 1
b(z)wLdz
0
L’équilibre de la balance commerciale nécessite que Nation consomme la
valeur de ce qu’elle produit:

Z 1 Z ze
b(z)wLdz = b(z)(wL + w L )dz
0 0
Z 1 Z ze
L
) b(z)!dz = b(z)(! + )dz
0 0 L
R ze
b(z)dz L
) ! = R01
b(z)dz L ze

Ainsi, comme pour la fonction d’o¤re, nous pouvons formuler une "fonc-
tion de demande" qui relie chaque spécialisation ze un ratio de salaire !:

L
! = B(e
z ) = v(e
z) (fonction de demande)
L
avec R ze
b(z)dz
z ) = R01
v(e
ze
b(z)dz
La fonction de demande peut également découler de l’équilibre commer-
cial directement. L’équilibre de la balance commerciale nécessite que la pro-
duction exportée par E vers N (terme de gauche) soit égal à la production
exportée de N vers E (terme de droite):
0.14 ANNEXE : L’ÉQUILIBRE COMMERCIAL cxxi

Z 1 Z ze
b(z)dz wL = b(z)dz w L
ze 0
Le modèle HOS

Dans ce modèle élaboré par Eli Heckscher, Bertil Ohlin (Nobel 1977) et
Paul Samuelson (Nobel 1970), la motivations de l’échange réside dans les
di¤érences de dotations factorielles entre les pays. Certains pays disposent
de plus de capital que d’autres, ou de plus de main d’oeuvre quali…ée, ce
qui va induire assez naturellement une spécialisation des échanges interna-
tionaux. Les pays dotés en capital vont par exemple exporter des biens dont
la production nécessite des machines. Les pays dont la main d’oeuvre est
peu quali…ée vont se concentrer sur les segments de production intensifs en
travail.
Deux hypothèses sont importantes : la concurrence parfaite sur les marchés
des biens et des facteurs, et la liberté de mouvement des facteurs d’un secteur
à l’autre à l’intérieur d’un pays. En revanche, les facteurs sont supposés im-
mobiles internationalement. Il existe également des hypothèses dans le mod-
èle de base qui ne sont que des simpli…cations : technologies identiques entre
les pays, préférences identiques des consommateurs quel que soit le pays. Ces
hypothèses pourraient être relâchées sans modi…er la teneur du modèle.
Pourquoi un pays bien doté dans un facteur tend-il à exporter les biens
dont la production est intensive dans ce facteur ? L’histoire est assez simple.
Prenons l’exemple du travail non quali…é. Si le pays national est relativement
bien doté en travail non quali…é, ce dernier y est relativement bon marché
dans l’économie au sens où l’équilibre sur le marché du travail va aboutir à un
niveau de salaire relativement faible par rapport à son équivalent étranger.
Le pays national a donc un avantage comparatif dans la production du bien
intensif en travail non quali…é puisque le secteur qui emploie intensivement ce

cxxiii
cxxiv LE MODÈLE HOS

facteur va béné…cier des salaires faibles. Les prix des biens produits dans ce
seteur seront en conséquence également faibles, comparé au prix des mêmes
biens produits à l’étranger. Cet avantage de prix se re‡ètera dans la structure
des exportations qui se concentreront dans les biens utilisant intensivement
le travail non quali…é.
L’hypothèse de technologie identique est importante ici. Dans la réal-
ité, les quali…és chinois sont évidemment moins rémunérés que les quali…és
français, malgré le fait que la proportion de quali…és en Chine est plus faible
qu’en France. Un modèle plus complet devrait intégrer des di¤érences tech-
nologiques pour rendre compte de ce fait, sans détruire l’argument de com-
merce du modèle HOS.
Le fait remarquable de cette analyse est qu’elle modélise comme chez
Ricardo un avantage relatif plutôt qu’absolu. Si par exemple un pays dispose
d’un ratio capital/travail élevé, c’est nécessairement en comparaison de ce
même ratio observé à l’étranger. Ce qui signi…e mécaniquement que l’étranger
béné…cie d’un ratio travail/capital élevé par rapport au pays national. En
d’autres termes, relever un avantage dans la dotation factoriel d’un pays A
vis à vis d’un pays B revient à identi…er un avantage factoriel inverse au pays
B par rapport au pays A.

0.15 Le cadre
Nous reprenons le cadre développé dans le chapitre sur la théorie classique
du commerce international et le modèle à deux facteurs de production. Nous
rappelons les notations. Il existe deux pays : N (nation) et E (étranger),
deux biens : B (ou "blé") et V (ou "voitures"). Nous normalisons à 1 le
prix du bien V dans les deux économies (PV = PV = 1). Le prix du second
bien B est noté p (p dans le pays Etranger). Les économies disposent de
deux facteurs de production : L (travail, L ) et K (capital, K ). Le prix des
facteurs est noté w (w ) pour L (L ) et r (r ) pour K (K ). Les ressources
en facteurs sont données en quantités …xes dans chaque pays:
0.15 LE CADRE cxxv

8 8
<K +K =K <K +K =K
B V B V
N: E:
: L +L =L : L +L =L
B V B V

Une hypothèse centrale à la base de l’échange est que Nation dispose de


plus de capital par travailleur comparé à E:

K K
> (13)
L L
Il n’existe pas de di¤érences technologiques, ce qui distingue l’analyse de
celle de Ricardo. Les deux fonctions de production sont identiques dans les
deux pays même si elles di¤érent d’un bien à l’autre. Les productivités mar-
ginales des fonctions de production sont décroissantes. Plus séci…quement,
nous adoptons la formulation Cobb Douglas:

QB = F (KB ; LB ) = KB L1B QB = (KB ) (LB )1


QV = G(KV ; LV ) = KV LV1 QV = (KV ) (LV )1

De façon standard, la constance des rendements d’échelle nous permet de


réécrire les fonctions de production sous forme d’intensités factorielles:

QB = LB kB QB = LB (kB )
QV = LV kV QV = LV (kV )

avec ki = Ki =Li l’intensité capitalistique dans le secteur i (idem pour


Etanger). Les contraintes de ressources se réécrivent:
8 8
<L k +L k =K <L k +L k =K
B B V V B B V V
N: E: (14)
: L +L =L : L +L =L
B V B V

Nous supposons dans la suite que le secteur du blé nécessite plus de main
d’oeuvre que le secteur des voitures, ce qui revient à supposer comme nous
allons le voir que:
<
cxxvi LE MODÈLE HOS

La productivité marginale du capital étant supérieure dans le secteur V,


les entreprises de ce secteur vont trouver plus pro…table d’accumuler un stock
supérieur de capital pour produire.

0.16 La double autarcie


L’équilibre emplois ressources de l’économie en autarcie indique que la somme
des productions doit être égale en valeur à la somme des demandes:

pQB + QV = pCB + CV (15)

Finalement, le consommateur maximise son utilité (de type log) sous


une contrainte de revenu qui est donnée en autarcie par le revenu national
Y = pQB + QV :
max b log CB + (1 b) log CV
sc. pCB + CV Y
Nous obtenons de façon standard les consommations suivantes:

pCB = bY (16)
CV = (1 b)Y

Nous avons déjà résolu le problème de manière générale dans le chapitre


2. Nous rappelons les équations trouvées. En concurrence parfaite sur les
marchés des biens et des facteurs, les productivités marginales du travail
écrites sous forme intensive égalisent le salaire dans les deux secteurs :

w = p(1 )kB = (1 )kV


w = p(1 )( kB ) = (1 )(kV )

Les entreprises prennent les prix des facteurs comme donnés et choisissent
l’intensité factorielle qui maximise leur pro…t:

FL0 G0L w
0
= 0
=
FK GK r
0.16 LA DOUBLE AUTARCIE cxxvii

La formulation dans le cas Cobb Douglas chez N est:

w
kB = (17)
1 r
w
kV =
1 r
Chez E:

w
kB =
1 r
w
kV =
1 r
Logiquement, plus le coût du travail est élevé par rapport au coût du cap-
ital, plus les entreprises vont installer un stock de capital important par tra-
vailleur. De plus, en raison de < , on observe pour tout ratio salaire/taux
d’intérêt:

k B < kV
k B < kV

Il en résulte qu’à l’équilibre et pour tout rapport de prix des facteurs, le


secteur B est plus intensif en travail que le secteur V dans les deux pays
pris en autarcie. Le bouclage du modèle revient à déterminer comment se
détermine le ratio des prix des facteurs en fonction des fondamentaux de
l’économie (voir l’annexe pour le détail des calculs):

w (1 b)(1 ) + b(1 )
= k
r (1 b) + b
Nous obtenons une relation linéaire entre le stock de capital par travailleur
de l’économie et le ratio des prix des facteurs. Le stock de facteurs étant
donné pour l’économie dans son ensemble, le sens de la causalité va du capital
par travailleur vers le ratio des prix. Par exemple, un stock de capital élevé va
cxxviii LE MODÈLE HOS

conduire à un taux d’intérêt faible, tandis qu’une population de travailleurs


limitée va conduire à un salaire élevé par le jeu de l’o¤re et de la demande.
Globalement donc, plus l’économie dispose d’un stock de capital élevé par
rapport au volume de main d’oeuvre, plus le salaire sera élevé par rapport
au taux d’intérêt. Nous pouvons tracer cette relation dans le plan (k; w=r):

w/r

w/r

(w/r)*

K/L

k* k

La détermination des prix des facteurs

L’hypothèse fondatrice (13) formalise l’inégalité de dotation factorielle


des deux pays qui sera à la base du commerce international. Elle implique
k > k dans le graphique. Parce que le pays N est doté plus intensivement
en capital, le ratio w=r sera plus élevé que dans le pays E.
Nous pouvons mettre en perspective ce résultat avec ce qui arrive à la
répartition des facteurs entre les deux secteurs, déterminée par les équations
(17):

w 1
= kB (relation BB)
r
w 1
= kV (relation V V )
r
avec kB < kV . On voit immédiatement qu’en raison de b 2 [0; 1], on a:

1 (1 b)(1 ) + b(1 ) 1
(1 b) + b
0.16 LA DOUBLE AUTARCIE cxxix

Cela signi…e que la pente reliant le stock agrégé k au ratio des prix est
une moyenne pondérée des pentes reliant les stocks sectoriels kB et kV . D’où
graphiquement:

w/r
BB

VV
w/r

K/L

kB k kV

L’allocation des facteurs en fonction de leur prix

Par rapport à l’économie nationale, Etranger est supposé détenir un stock


de capital inférieur (k < k), d’où un déplacement vers la gauche du stock
agrégé. A son tour, le ratio des prix des facteurs se réduit, ce qui incite les
entreprises des deux secteurs à économiser le capital par rapport au travail.
Graphiquement, les stocks sectoriels kB et kV se déplacent également vers la
gauche:

w/r
BB

VV
w/r
(w/r)*

K/L

k*B k* k*V

L’allocation des facteurs pour Etranger


cxxx LE MODÈLE HOS

0.16.1 Le lien entre le prix relatif des biens et le prix


relatif des facteurs

Il reste à comprendre comment est déterminé le prix relatif des deux biens.
Comme nous l’avons suggéré en introduction, le prix d’un bien est d’autant
plus faible que le secteur qui le produit utilise intensivement un facteur en
quantité abondante dans l’économie. C’est ce que nous montrons ici.

En combinant l’équation (17) et les égalités salaire = productivités mar-


ginales du travail dans les deux secteurs, nous obtenons:

(1 ) kV (1 ) w w
p= =
(1 ) kB (1 ) 1 r 1 r

d’où:

w
= Ap1=( )
r

avec A une constante positive qui dépend des paramètres du modèle. Comme
> 0, le coût relatif du travail est croissant avec le prix. En d’autres ter-
mes, plus le prix du bien B, bien intensif en travail, est élevé, plus l’économie
va produire ce bien, ce qui élève la demande de travail par rapport à la de-
mande de capital. Mais la relation peut également s’interpréter dans l’autre
sens. Plus le salaire est faible est relativement au taux d’intérêt, plus le
secteur qui utilise intensivement le facteur travail est avantagé, et plus son
prix relatif par rapport au prix de l’autre secteur sera faible. Graphiquement
nous obtenons la relation suivante:
0.16 LA DOUBLE AUTARCIE cxxxi

w/r

w/r

(w/r)*

p
p* p

La détermination des prix relatifs des biens


Cette dernière relation vient boucler le modèle en double autarcie. Les
stocks de capital par travailleurs déterminent dans chacune des économies les
prix relatifs des facteurs de production, lesquels déterminent à leur tour les
prix relatif entre les deux biens dans les deux pays. Nous voyons logiquement
que Nation qui dispose de plus de capital béné…cie d’un prix faible pour le
bien intensif en capital, alors qu’Etranger béné…cie d’un prix faible pour le
bien intensif en travail. On peut le voir visuellement en rassemblant les deux
graphiques et en inversant celui reliant le prix des biens au prix des facteurs:

w/r

(w/r)*

p p* k* k

Les prix en autarcie


Que se passe-t-il si les frontières s’ouvrent ? C’est ce que nous allons voir
dans la section suivante.
cxxxii LE MODÈLE HOS

0.17 Les e¤ets de l’ouverture des frontières


0.17.1 Le théorème HO
Les écarts internationaux de prix pour des biens identiques que nous avons
identi…é dans la section précédente vont servir de base à des échanges mutuelle-
ment béné…ques. En e¤et, si les économies s’ouvrent, Nation a intérêt à
exporter des voitures et à importer du blé. Ce point a été déjà vu dans la
partie sur la théorie classique du commerce international. Ce résultat prend
la forme d’un théorème:

Théorème HO : à l’ouverture des échanges, chaque pays se


spécialise dans la production du bien utilisant de façon relative-
ment intensive le facteur dont il est relativement mieux doté. Il
exporte ce bien et importe l’autre bien.

Ce théorème vaut pour di¤érentes combinaisons de facteurs de produc-


tion. Il était particulièrement adapté lors de la première mondialisation du
XIXe siècle lorsque de nouvelles économies caractérisées par de vastes éten-
dus de terres cultivables (les Etas-Unis, le Canada, l’Argentine, la Nouvelle
Zélande, l’Australie et la Russie) commerçaient intensivement avec l’Europe
de l’ouest. Pour comprendre la nature de ce commerce, un modèle HOS avec
comme facteurs de production le travail et la terre est le plus pertinent. En
accord avec le théorème, ces pays ont exporté principalement des biens agri-
coles tandis que l’Europe occidentales leur vendait des biens manufacturés.
De nos jours, un modèle HOS incluant le travail quali…é et le travail
non quali…é semble le plus pertinent pour caractériser une grande partie
des échanges mondiaux. Il su¢ t pour cela de remplacer le terme capital
dans l’analyse par le terme travail quali…é et le taux d’intérêt par salaire des
quali…és.

0.17.2 Les lois du prix unique


L’économie mondiale n’est pas à strictement parler une économie nationale
dont l’échelle de production et de consommation aurait été multiplié. Con-
0.17 LES EFFETS DE L’OUVERTURE DES FRONTIÈREScxxxiii

trairement aux économies domestiques, les facteurs ne circulent pas librement


d’une zone à l’autre même si les biens passent les frontières. Ce commerce des
biens a pour e¤et d’égaliser le prix des biens. Un prix mondial qui s’impose
aux économies nationales va ainsi apparaître. Il sera compris entre le prix
d’autarcie de N et celui de E. Notons le P .
Chaque pays va adapter sa structure productive au nouveau système de
prix. Le pays N richement doté en capital, va se mettre à produire une
quantité supérieure de biens V , tandis que le pays E mieux doté en travail va
produire plus de biens B, intensifs en travail. En conséquence, la demande de
capital va augmenter dans l’économie N et la demande de travail va s’accroître
dans l’économie E.
La variation des prix relatifs des deux biens va donc avoir un impact
sur les marchés des facteurs de production dans chacun des pays. Le taux
d’intérêt va monter relativement au salaire dans l’économie N alors que le
mouvement inverse va se produire dans l’économie E. Nous avons déjà dérivé
la relation entre le prix relatif des biens et le prix relatif des facteurs. Le
graphique suivant exploite cette relation en notant cette fois un sens inverse
de causalité entre le prix relatif des facteurs et celui des biens:

BB
VV
w/r
(w/r)’

p P p* k’B kB k’V kV

Les e¤ets de l’ouverture sur Nation

L’ouverture commerciale se concrétise pour Nation par une diminution du


prix relatif du bien B par rapport au bien V . En e¤et, Nation exportant des
cxxxiv LE MODÈLE HOS

biens V et important des biens B, voit la demande du secteur domestique


produisant les biens V augmenter et simultanément la demande pour les
biens B adressée aux entreprises domestiques du secteur B diminuer. Il s’en
suit une pression à la hausse du prix du bien V et à la baisse de celui du bien
B, ce qui permet de rééquilibrer les deux marchés.
La diminution de l’o¤re de bien B conduit à des licenciements et à des
ventes de capital dans ce secteur. L’augmentation de l’o¤re de bien V aboutit
à des embauches et à de nouveaux investissements dans ce secteur. Si les
deux secteurs étaient identiques, ces variations sectorielles se compenseraient
exactement et les prix des facteurs resteraient inchangés. Mais le secteur B
étant un secteur intense en travail et le secteur V intense en capital, le secteur
B licencie plus de travailleurs que le secteur V ne peut en embaucher à salaire
donné. Il faut donc que le salaire baisse pour limiter les licenciements dans
le secteur B et inciter les entreprises du secteur V à employer plus de main
d’oeuvre.
De même, la demande de capital du secteur V dépasse les ventes de
capital du secteur B, conduisant à un investissement positif en net et une
augmentation du taux d’intérêt. C’est ce que l’on peut voir sur le graphique
: le ratio salaire sur taux d’intérêt baisse quand le prix baisse.
Un mouvement inverse s’opère dans l’économie E. Le prix domestique
augmente conduisant à un acroissement du salaire par rapport au taux d’intérêt.
Nous aboutissons alors au théorème suivant:

Théorème de Stolper-Samuelson : L’augmentation du prix d’un


bien accroît la rémunération du facteur utilisé intensivement dans
la production du ce bien et diminue la rémunération de l’autre
facteur.

Ce théoème est devenu célèbre pour ses conclusions quant au lien entre
commerce international et inégalités. Il montre clairement que l’ouverture
n’est pas béné…que à toutes les sous-parties de la population puisque les dé-
tenteurs d’un facteur présent en quantité plus abondante à l’étranger perdent
à l’ouverture commerciale.
0.18 LES EFFETS DE LA CROISSANCE cxxxv

De plus, si les prix s’égalisent complètement chez N et chez E, les prix re-
latifs des facteurs de production vont également s’égaliser puisque nous avons
supposé que les deux pays partageaient les mêmes fonctions de production
(pas de di¤érences technologiques à la Ricardo ici). Quand les échanges …nis-
sent par égaliser les rémunérations, les prix des biens sont identiques et les
‡ux commerciaux cessent.

Théorème d’égalisation des prix des facteurs : si tous les biens


sont produits dans les deux pays, le libre échange vient égaliser les
prix des facteurs entre les di¤érents pays.

Cela ne veut pas dire que les salaires des non quali…és européens vont
nécessairement converger vers les salaires chinois. Le modèle HOS ne prend
pas en compte les écarts technologiques qui expliquent empiriquement un
grande partie des inégalités de salaire entre l’Europe et la Chine.

0.18 Les e¤ets de la croissance


Quels sont les e¤ets sur la structure productive d’un pays de la croissance
d’un facteur de production ? Par exemple, l’accumulation de capital devrait
conduire à produire plus de biens intensifs en capital, mais a–t-elle pour e¤et
la croissance de la production du bien non intensif en capital ? Le théorème
de Rybczynski montre que tel n’est pas le cas. L’accumulation du capital va
certes aboutir à produire plus de biens intensifs en capital, mais il va égale-
ment entraîner une baisse de la production de biens intensifs dans le second
facteur, ce qui est moins intuitif. En d’autres termes, la croissance d’un fac-
teur par rapport à l’autre facteur renforce considérablement la spécialisation.

Théorème de Rybczynski : à prix relatif des biens donné, une


augmentation de la dotation d’un facteur de production implique
une croissance plus que proportionnelle du secteur qui utilise in-
tensivement ce facteur. La production de l’autre secteur diminue.
cxxxvi LE MODÈLE HOS

L’expansion des facteurs de production conduit à un déplacement de la


frontière de production (FPP) vers la droite puique l’économie peut béné…cier
de plus des deux biens. La croissance d’un seul facteur a le même e¤et mais
favorise la production du bien intensif dans ce facteur, d’où une déformation
de la FPP, représentée sur le graphique suivant :

CV
A’

CB
A’

Dans cet exemple, l’augmentation du facteur travail entraîne davantage


la production de blé. Si l’économie est ouverte et de taille relativement petite
par rapport au reste du monde, cela n’altère pas les prix mondiaux. La pente
de la contrainte budgétaire reste par conséquent la même. Si les prix des deux
biens restent stables, le prix relatif des facteurs de production ne change pas
non plus, ni l’intensité factorielle dans les deux secteurs. Puisque seul le
travail augmente dans l’économie par hypothèse, les deux ratios ne peuvent
rester identiques seulement si le travail décroît dans le secteur non intensif.
Prenons un exemple numérique. Considérons la répartition suivante des
facteurs avant la croissance du facteur travail:

avant secteur V secteur B total


K 10 5 15
L 5 5 10
intensité factorielle 2 1
0.19 DE QUOI DÉPENDENT LES BÉNÉFICES DE L’ÉCHANGE ?cxxxvii

Supposons que le facteur travail s’accroisse d’une unité et passe de 10 à


11, tandis que le facteur capital reste égal à 15 unités. La seule façon de
maintenir les ratios sectoriels capital-travail est de diminuer d’une unité le
travail dans le secteur V et de l’augmenter de deux unités dans le secteur B,
comme suit :

après secteur V secteur B total


K 8 7 15
L 4 7 11
intensité factorielle 2 1

On obtient un résultat d’expansion biaisée. L’augmentation du facteur


travail au niveau agrégé a bien augmenté son utilisation dans le secteur B
(qui passe de 5 à 7) mais a réduit son usage dans le secteur V (qui passe
de 5 à 4). Pour que la production du bien B augmente su¢ samment pour
absorber la croissance de l’o¤re de travailleurs, il faut que du capital passe
également du secteur V vers le secteur B qui est resté en quantité …xe au
niveau agrégé.

0.19 De quoi dépendent les béné…ces de l’échange


?
La France commerce avec des pays très di¤érents. Certains comme l’Allemagne
disposent de dotations factorielles assez proches de ce que possède la France.
D’autres comme les ex-colonies sont mieux dotés en travail non quali…és.
Avec quels pays la France devrait-elle prioritairement commercer ?
Par ailleurs, il existe des accords d’intégration régionale entre un petit
pays et un grand pays. L’exemple le plus connu est celui unissant le Mexique
et les Etats-Unis. L’entrée de petits pays d’Europe de l’Est dans la com-
munauté européenne peut également s’interpréter dans ce sens. Quel pays
devrait le plus gagner à l’ouverture, le petit ou le grand pays ?
cxxxviii LE MODÈLE HOS

Le modèle HOS prédit que les gains à l’échange sont plus importants si
le commerce se réalise soit entre des pays très di¤érents dans leurs dotations,
soit qui di¤èrent en taille. Dans le premier cas, les mouvements de prix relat-
ifs à la suite de l’ouverture commerciale seront importants, ce qui conditionne
la taille des gains à l’échange. Prenons d’abord l’exemple graphique de deux
pays similaires (en dotation factorielle et/ou en taille) qui décident de former
une zone de libre-échange:

CV
E’ U’
A

Q
U’
CB
E’
A

Le cas d’une ouverture aux échanges entre deux pays similaires

En raison de leur similarité, les prix relatifs ne changent pas beaucoup.


Graphiquement, la pente de la nouvelle contrainte budgétaire en pointillé
(EE’) est proche de l’ancienne pente. Cela signi…e alors que l’utilité augmente
peu :

CV

U’
A

U’
CB
A
0.19 DE QUOI DÉPENDENT LES BÉNÉFICES DE L’ÉCHANGE ?cxxxix

Le gain d’utilité tiré de l’ouverture

En revanche, si les pays di¤èrent signi…cativement dans leurs dotations


factorielles, les prix relatifs des deux biens vont fortement varier et le gain à
l’échange sera plus fort:

CV E’
U’
A
C

Q
U’

CB
E’
A

Le gain à l’ouverture entre deux pays disymétriques

Maintenant, si l’ouverture commerciale se réalise entre un petit pays (en


terme de PIB) et un grand pays, les gains ne seront pas uniformément répar-
tis. Le grand pays va être peu a¤ecté par les échanges avec un pays de petite
taille. Ses prix relatifs ne changeront pas beaucoup. Inversement pour le pe-
tit pays, les nouvelles importations et exportations représenteront une part
plus importante de son PIB et les prix relatifs vont sensiblement changer.
En conclusion, que faut-il attendre en termes de gains en bien-être de
l’entrée de la Pologne (par exemple) dans l’Union européenne ? Les gains
seront conséquents car la dotation factorielle de la Pologne est relative-
ment éloignée de celle des autres pays européens en raison de son retard
de développement. Mais les gains seront surtout visibles pour la Pologne en
raison de sa petite taille par rapport à la zone européenne.
Si les gains sont plus importants dans le petit pays, les e¤ets distribu-
tionnels du commerce le seront également puisque nous avons vu que le ratio
w=r était une fonction croissante du rapport des prix internationaux p.
cxl LE MODÈLE HOS

0.20 Commerce international et bien-être


La principale conclusion du modèle classique est que le commerce interna-
tional est béné…que aux pays qui le pratiquent. Il existe toutefois des per-
dants dans chaque pays même si le modèle HOS montre qu’un système de
transferts est possible qui rend l’ouverture des frontières pro…table à toute
la population. Voici ce qu’écrivent Mankiw et Swagel 36 à propos des e¤ets
de l’o¤shoring, phénomène proche de celui du commerce international:

Outsourcing will create winners and losers, and the pain of dislo-
cation will be real for workers and their families. Taken together,
however, these conclusions suggest that o¤shore outsourcing is
likely to be bene…cial for the United States as a whole. This
presents a challenge of how to best assist people a¤ected by o¤-
shore outsourcing without retreating from international engage-
ment and thereby giving up the economic gains that trade in
services makes possible. As is the case with more familiar forms
of trade, in the long run, outsourcing is likely to be a good thing
for the U.S. economy.

Selon ces deux économistes, l’o¤shoring ne change pas la nature du com-


merce ni les conclusions sur ses bienfaits attendus pour l’économie ou sur son
impact distributionnel.
Un des problèmes de ce raisonnement est que les transferts compensatoires
n’ont en réalité pas lieu. Le commerce crée donc bien des perdants qui sont
dans les pays riches constitués des travailleurs non quali…és à bas salaires.
Faut-il revenir à des positions plus protectionnistes pour autant ?
Comme à chaque fois qu’il existe des perdants et des gagnants, il faut com-
mencer par évaluer l’impact réel du progres technique en termes d’enrichissement
général et en termes de pertes pour les perdants. Les EU ont été témoin d’un
accroissement important des inégalités depuis la …n des années 70. Entre 1979
36
Mankiw et Swagel (2006) "The Politics and Economics of o¤shore outsourcing" doc-
ument de travail NBER N 12398.
0.21 LE MODÈLE HOS ET LES POLITIQUES MIGRATOIREScxli

et 2000, le salaire horaire médian a augmenté de seulement 9%. Le salaire


des 10% des salariés les moins bien payés a diminué de 2,3% sur la période.

Krugman estime dans un article publié en 1995 que le commerce explique


un dixième de l’accroissement des inégalités aux EU observé dans les années
80. Bivens reprend la même méthodologie en 2006 et conclue que le commerce
explique 14% de l’évolution. Cela revient à dire qu’un travailleur non quali…é
américain perd environ 1000 dollars par an par rapport à une situation sans
commerce.

Ce type d’évaluation reste délicat. L’économiste Katz remarque que les


bas salaires ont dans le même temps le plus pro…té de la baisse des prix
provoquée par le commerce international avec les pays en développement.

0.21 Le modèle HOS et les politiques migra-


toires

Comme les autres pays développés, l’Union européenne dispose d’une pro-
portion élevée de travailleurs quali…és dans sa population active comparative-
ment au reste du monde. Ceci suggère que l’Europe devrait cibler les tra-
vailleurs non quali…és dans sa politique migratoire. La théorie économique
suggère en e¤et que les pays gagnent le plus en important les facteurs de
production qui sont relativement rares sur le sol national.

Or les pays de l’Union européenne, comme la France, l’Allemagne et la


Grande Bretagne, semblent vouloir suivre les politiques du Canada et de
l’Australie qui sélectionnent les prétendants à l’immigration à l’aide d’un
système par points. Les résultats de cette politique sont visibles dans les
statistiques.
cxlii LE MODÈLE HOS

travailleurs 15 ans+ en 2001 quali…és non quali…és


immigrants natifs immigrants natifs
EU 25.9 26.9 39.8 21.9
Canada 38.0 31.5 30.1 31.6
Australie 42.9 38.6 38.3 45.8
Grande Bretagne 34.8 20.1 40.6 51.2
France 18.1 16.9 54.8 45.8
Allemagne 15.5 19.5 43.7 23.7
Pays-Bas 17.6 19.5 53.0 40.7
Dannemark 19.5 18.8 48.6 41.0
Suède 24.2 22.2 29.5 25.0
Espagne 21.8 19.4 55.4 63.9
Sources: Dumont, J-C. and Lemaître (2004), “Counting Immigrants and
Expatriates in OECD Countries: A New Perspective,”in OECD, Trends in
International Migration, Paris, OECD.

Les comparaisons en coupe de proportions d’immigrants et de non im-


migrants par niveau d’éducation révèlent deux faits. Le premier est qu’à
l’exception du Canada, de l’Australie et de la Grande Bretagne, la propor-
tion de quali…és dans la population d’immigrants est à peu près identique à
celle des non immigrants. Le second est que parmi les immigrants en Europe,
la proportion de non éduqués excède généralement les 40%.
Pourquoi les pays européens semblent vouloir sélectionner des travailleurs
quali…és qui sont déjà abondants dans l’économie ? Pour les mêmes raisons
que les pays sont tentés de se protéger des importations des pays à bas
salaire. La concurrence envers les travailleurs non quali…és est encore plus
visible quand il s’agit de ‡ux migratoires que de de commerce et les politiques
de compensation des travailleurs nationaux non quali…és ne sont pas en place
pour faire émerger une majorité politique en faveur des immigrants.
0.22 LE MODÈLE DE GRAVITÉ cxliii

0.22 Le modèle de gravité


Idée de base : le commerce bilatéral (Tij ) est proportionnel au PIB (Yi , Yj )
et inversément proportionnel à la distance (Dij ) séparant les pays i et j
(similaire à la loi de la gravitation universelle):

log Tij = cste + a log Yi + b log Yj c log Dij + Lij + "ij

Lij contient d’autres variables d’intérêt comme la présence d’une frontière


commune, d’une langue ou culture commune, d’accords de libre-échange,
d’une monnaie commune, d’un passé colonial etc...
Très bonnes véri…cations empiriques (a, b et c tous les trois légèrement
inférieurs à 1). L’e¤et distance avec c proche de l’unité signi…e qu’une aug-
mentation de la distance de 10% réduit les échanges billatéraux de 10%.
Cet e¤et distance est robuste à la méthodologie employée37 et à la période
d’observation. En particulier, cet e¤et ne diminue pas avec des données ré-
centes.
Cet e¤et conduit à un paradoxe dans la mesure où l’ordre de magnitude
est trop important pour être simplement expliqué par les coûts de transport38
ou par les barrières douanières. De plus, ces deux derniers ont continuelle-
ment baissé depuis la seconde guerre mondiale sans diminution de l’e¤et dis-
tance. Ce qui fait dire à certains que la globalisation est partout sauf dans
les statistiques. Certes le commerce a bien augmenté, mais il s’est développé
en priorité entre les pays proches qu’entre les pays lointains. Ainsi, sur les
vingt dernières années, le commerce entre la France et l’Espagne a plus que
doublé, alors que le commerce franco-américain n’a augmenté que de 50%.
Les e¤ets frontières restent forts même entre pays intégrés économique-
ment. McCallum (1995) a montré le premier que la frontière entre les Etats-
Unis et le Canada a un impact considérable sur les échanges. Il a estimé une
équation de gravité comprenant les Etats américains et les provinces canadi-
37
Edward Leamer (2006) "A ‡at world, a level playing …eld, a small world after all or
none of the above ?", The Journal of Economic Litterature.
38
Grossman, G. M. (1998) “Comment,”in Frankel J.A. (ed), The Regionalization of the
World Economy, NBER Project Report, The University of Chicago Press.
cxliv LE MODÈLE HOS

ennes plus une variable égale à un si les Etats appartiennent au même pays.
Il trouve que les échanges entre les Etats/provinces d’un même pays sont plus
de vingt fois supérieur aux échanges entre Etat/province de pays di¤érents
après avoir contrôlé pour la distance et la taille. Pour tant ces deux pays
sont trés proches en termes de géographie, de niveau de développement, de
système réglementaire et de culture. De même, à la …n des années 90, chaque
pays de l’UE commerçaient environ 15 fois plus à l’intérieur de ses frontières
qu’avec les autres pays de l’UE.
Dans l’ensemble, ces résultats sont di¢ cilement rationalisables dans le
cadre du modèle d’échange fondé sur les avantages comparatifs.

0.23 Conclusion
Nous avons vu que chaque pays se spécialise dans le secteur qui utilise in-
tensivement le facteur abondant. Ce résultat on le rappelle vaut dans un
cadre sans écart technologique. Des écarts technologiques ne changeraient
pas les résultats du modèle HOS. Les pays continueraient à exporter les bi-
ens intensifs en facteurs présents en abondance dans l’économie mais des
considérations d’avantage technologique s’y ajouteraient.
D’autre part, nous avons supposé l’absence de mobilité internationale des
facteurs. Le résultat remarquable du modèle HOS est que le commerce in-
ternational conduit à l’égalisation des prix des facteurs alors même que ces
facteurs sont immobiles d’un pays à l’autre. En réalité, les facteurs de pro-
duction sont loin d’être immobiles. Il existe une immigration certes réglemen-
tée mais réelle39 . Les capitaux circulent aujourd’hui relativement librement
d’une zone économique à l’autre. Cette mobilité des facteurs vient renforcer
l’e¤et égalisant de la mobilité des biens et services sur les prix des facteurs.
Va-t-on pour autant vers une uniformisation des salaires dans le monde
? Non en raison de di¤érences importantes de productivité des travailleurs
39
Pour prendre des exemples récents de quelques pays développés : en Italie, le nombre
o¢ ciel d’immigrés a doublé en cinq ans, dépassant le seuil des 3 millions …n 2005. En
Espagne, les étrangers sont passés de moins d’un million, en 2000, à 3,7 millions en 2005,
0.24 ANNEXE: LE PRIX DES FACTEURS DANS LE MODÈLE HOScxlv

d’un pays à l’autre. Faisons une expérience de la pensée pour le comprendre.


Sans di¤érences technologiques, c’est à dire dans le modèle HOS strict, les
travailleurs quali…és mexicains devraient être mieux payés que leurs homo-
logues sur le continent nord américain. C’est ce que prédit le modèle HOS
dans la mesure où le travail quali…é est le facteur abondant aux Etats-Unis et
le facteur rare au Mexique. Si les travailleurs nord américains restent mieux
payés c’est en raison d’écats technologiques persistants entre les deux zones.

0.24 Annexe: le prix des facteurs dans le mod-


èle HOS
Utilisons l’équilibre ressources emplois (15). Celui-ci peut se réécrire en no-
tant qu’en autarcie, ce qui est produit doit être consommé (QB = CB ):

pCB = bY
CV = (1 b)Y

pQB + QV = pCB + CV
QV CV
) p+ =p+
QB CB
QV CV 1 b
) = =p
QB CB b

La deuxième égalité provient de la solution du plan de consommation (16).


Puis nous utilisons le fait que les productivités marginales du travail égalisent
le salaire dans les deux secteurs (sous forme intensive): w = p(1 )kB =
(1 )kV pour écrire:

QV LV k V LV p(1 )
= =
QB LB k B LB (1 )

d’où:
LV 1 b1
=
LB b 1
cxlvi LE MODÈLE HOS

De plus, en utilisant les contraintes de ressources (14):

LB kB + LV kV = kL = k(LB + LV )

nous obtenons:
LV kB k
=
LB k kV
soit:
kB k 1 b1
=
k kV b 1
Après réarrangement:

[(1 b)(1 ) + b(1 )] k = b(1 )kB + (1 b)(1 )kV

En utilisant l’expression (17) de ki en fonction du ratio w=r, on obtient:

w (1 b)(1 ) + b(1 )
= k
r (1 b) + b

Nous obtenons le coût relatif des facteurs en fonction des dotations fac-
torielles de l’économie.
Economies d’échelle et
concurrence imparfaite

Trois problèmes essentiels des théories traditionnelles du commerce vues


jusque là:

1. Il n’existe pas d’économies d’échelle. La taille des pays n’in‡uence pas


les spécialisations et le sens du commerce. Dans la réalité, la taille
d’une économie peut in‡uer sur la nature et le sens du commerce.

2. Elles sont fondées sur la concurrence pure et parfaite. Cette hypothèse


est acceptable en première approximation. Mais elle ne permet pas de
rendre compte de la dynamique du commerce dans les marchés où la
concurrence est imparfaite.

3. Elles prédisent du commerce de biens di¤érents entre pays di¤érents.


C’est parce que les pays di¤èrent les uns des autres que le commerce
est possible et pro…table. En réalité, une part substantielle des ‡ux
commerciaux s’e¤ectue entre pays similaires (peu d’écart technologique
et des di¤érences minimes dans les dotations en facteur).

A la …n des années 70, naît une nouvelle théorie du commerce interna-


tional, inspirée des travaux d’économie industrielle. L’analyse porte sur la
nature de la concurrence internationale. C’est donc une analyse plus mi-
croéconomique et qui reste en équilibre partiel, car on ne s’intéresse qu’à
une seule branche de l’économie. Salaires et demandes sont exogènes. On

cxlvii
cxlviiiECONOMIES D’ÉCHELLE ET CONCURRENCE IMPARFAITE

s’intéresse d’abord spéci…quement au point 1: qui n’impose pas nécessaire-


ment de revenir sur l’hypothèse de concurrence parfaite (chapitre 5), puis
nous montrons deux situations de concurrence imparfaite qui permettent de
rapprocher les conclusions des modèles des observations (chapitres 6 et 7).

0.25 Les rendements croissants externes


Il existe des liens étroits entre la présence de rendements d’échelle croissants
et le commerce international. Si les rendements sont constants ou décrois-
sants, la production mondiale peut se répartir uniformément sur l’ensemble
de la planète sans perte d’e¢ cacité. C’est par exemple le cas de l’agriculture.
Sans di¤érences de dotations ou de technologie, il n’ya aura pas de commerce
dans ce cas. Si au contraire, l’e¢ cacité productive commande de regrouper
dans un même pays la production destinée à la consommation mondiale, les
autres pays vont consommer ce bien en l’important, ce qui crée du commerce
entre les pays même en l’absence de di¤érences en dotation factorielles ou de
technologie.
Deux types de rendements d’échelle existent. Les rendements d’échelle
internes ont pour conséquence que le niveau de production augmente plus
rapidement que la quantité d’input utilisée. Prenons comme fonction de
production q = f (l). Cette propriété implique:

f (l) < f ( l)

Dans le cas de rendements d’échelle externes, la productivité dépend d’un


ensemble de facteurs externes à la …rme comme le niveau de production du
secteur. Ajoutons à la fonction de production un facteur multiplicatif a :
q = af (l). Chaque entreprise fait face individuellement à des rendements
d’échelle constants:

af ( l) = af (l)
mais l’ensemble du secteur à des rendements d’échelle croissants. Ce sera
le cas ici si le niveau de productivité exogène au niveau de la …rme dépend
0.25 LES RENDEMENTS CROISSANTS EXTERNES cxlix

du niveau d’activité du secteur:

a = a(Q)

avec Q la production cumulée du secteur. Dans ce contexte, les …rmes …xent


leur prix au coût marginal apparent qui ne tient pas compte du lien entre
productivité et production agrégée. Il existe di¤érents types d’externalité
conduisant à des rendements d’échelle croissants externes:

l’existence d’un bassin de main-d’oeuvre spécialisé (par exemple les


services …nanciers à Londres ou le cinéma à Hollywood et à Bombay)

de transferts technologiques (exemple de la Sillicon-Valley qui connaît


une forte concentration de chercheurs et de chefs d’entreprises)

de relations denses entre les clients et les fournisseurs (une industrie


localisée peut avoir des fournisseurs spécialisés, ce qui en retour accroît
son e¢ cacité).

Ces raisons ont été énoncées dès 1920 par Alfred Marshall, lequel s’intéressait
aux mécanisme d’agglomération des activités de production dans l’espace.
Dans tous les cas, la taille du marché in‡uence les performances de chaque
entreprise (productivité et/ou coûts de production).
Exemples: l’arrivée de l’entreprise coréennen Daewoo au Bangladesh pour
produire du textile dans les années 1970. Un secteur entier s’est développé
à partir de cet investissement. 115 des 130 travailleurs formés par Daewoo
fondent leur propre entreprise. Alors qu’en 1979 aucune entreprises expor-
tatrices de textile n’existent, en 1985, environ 700 entreprises exportent leur
production.
En France, en juillet 2005, la création de 67 pôles de compétitivité est
présentée comme un outil central de la politique industrielle (coordination
des e¤orts publics et privés autour d’une spécialisation technologique).
Quelles sont les implications de ces synergies locales sur la nature du
commerce ? Un modèle simple permet d’en relever un certain nombre.
clECONOMIES D’ÉCHELLE ET CONCURRENCE IMPARFAITE

0.25.1 Un modèle avec rendements d’échelle externes


Il existe deux pays, N et E, et un facteur de production. Les deux pays dis-
posent des mêmes technologies de production de manière à écarter l’argument
ricardien40 . Il existe deux secteurs. Dans le secteur 2, les rendements sont
constants: Q2 = bL2 dans le pays N et Q2 = bL2 dans le pays E. Le prix se
…xe de telle sorte à ne laisser aucun pro…t en concurrence parfaite (voir le
chapitre sur le modèle ricardien à un facteur):

w
p2 =
b
w
p2 =
b
avec w et w les salaires chez N et E.
Dans le secteur 1, les rendements d’échelle sont croissants mais externes
à la …rme. Au niveau de chaque entreprise, les conditions de production sont
donc données par Q1 = aL1 dans le pays N et Q1 = a L1 dans le pays E. En
concurence, les prix sont tels que :
w
p1 =
a
w
p1 =
a
Les rendements d’échelle externes sont représentés ici par la relation suiv-
ante valable au niveau du secteur dans son ensemble:

a = a(Q1 ) dans le pays N


a = a(Q1 ) dans le pays E

avec a0 (Q) > 0 quel que soit le pays. La productivité globale augmente avec
le niveau d’activité du secteur domestique. Notez que les technologies de pro-
duction sont les mêmes d’un pays à l’autre dans la mesure où la relation qui
40
Plus exactement, les deux pays ont accès au même ensemble technologique avant
échange. Une fois les échanges internationaux permis, un des deux pays va se spécialiser
dans une technologie plus e¢ cace. En ce sens, les technologies sont identiques ex ante
mais pas ex post.
0.25 LES RENDEMENTS CROISSANTS EXTERNES cli

relie le niveau technologique à l’emploi est identique. Toutefois, si les niveaux


d’emploi sont di¤érents, les niveaux technologiques le seront également.
Nous supposons ainsi que les deux pays sont de taille di¤érente. En
autarcie, le pays N possède un secteur 1 plus important que le pays E:

Q1 > Q1 (autarcie)

Par conséquent, en autarcie, les salaires sont plus élevés dans le grand
pays (N) que dans le petit pays (E) car w = ap1 > w = a p1 .

0.25.2 Les e¤ets de l’ouverture commerciale


Supposons maintenant que les deux pays s’ouvrent. Il existe deux cas pos-
sibles selon que les prix des facteurs s’égalisent ou non. Le premier cas se
caractérise par l’absence d’égalisation des prix de facteurs:

w>w

Le pays N continue de payer des salaires supérieurs à ceux du pays E. E


va compenser son désavantage de taille par des salaires plus faibles. Si les
deux pays produisent le bien 1, alors nécessairement:

p1 = p1

en raison de la mobilité des biens entre les pays. Si les salaires sont
inégaux, le pays N ne peut pas produire le bien 2 car:

p2 > p 2

Seul le pays E le produit. On a donc un mouvement de spécialisation


internationale et du commerce puisque E va exporter le bien 2 et N le bien
1.
Dans le deuxième cas, le commerce conduit à l’égalisation des prix de
facteurs:
w=w
cliiECONOMIES D’ÉCHELLE ET CONCURRENCE IMPARFAITE

Or Q1 > Q1 implique a > a . A salaires identiques mais productivités


di¤érentes, les prix sont nécessairement di¤érents:

w w
p1 = < p1 =
a a

N est donc le seul exportateur du bien 1. Les prix restent en revanche


identiques dans le secteur 2: p2 = p2 .
Conclusion : le pays N produit les deux biens; le pays E ne produit que
le bien 2 et importe le bien 1. Il exporte pour cela le bien 2. La présence de
rendements d’échelle croissants externes conduit à une spécialisation interna-
tionale (N se spécialise dans le bien 1 et E dans le bien 2) et à un commerce
sans avantage comparatif.
Le premier ou le second cas va apparaître à l’équilibre en fonction de
la taille relative des deux économies et des préférences mondiales pour les
deux biens. Si le pays N est relativement petit et que la demande mondiale
pour le bien 1 est importante (exemple du secteur des médicaments), N ne
pourra pas satisfaire intégralement la demande et E va également produire le
bien à coût plus élevé. Si N est relativement grand par rapport à la demande
mondiale, il pourra servir celle-ci intégralement et nous nous retrouvons dans
le cas avec égalisation des salaires.
Notons …nalement que l’hypothèse que le pays N est un pays plus grand
que le pays E est une hypothèse pédagogique mais qui n’est pas nécessaire
pour générer une spécialisation et du commerce. Dans ce cas, nous savons
qu’un des deux pays se spécialise dans le bien 1 mais le modèle ne permet pas
de dire quel pays accueille cette activité. L’histoire est alors susceptible de
départager les deux pays. Il su¢ t qu’un des deux pays investisse un peu plus
tôt dans la production de bien 1 pour qu’il obtienne rapidement un avantage
de taille qui n’est pas rattrapable par le second pays. Il peut même arriver
qu’un pays plus petit en taille démarre l’activité le premier. L’allocation de
la production entre les deux pays est alors ine¢ cace.
0.26 LE COMMERCE INTRA-BRANCHE cliii

0.25.3 Conclusion
Le résultat général est que les forces de marché tendent à localiser dans un
lieu unique l’activité à rendements croissants. C’est seulement quand le pays
qui accueille cette activité n’est pas assez grand pour satisfaire la totalité de
la demande mondiale que l’activité est dispersée géographiquement. Cette
concentration géographique répond à un critère d’e¢ cacité économique même
si on peut imaginer des situations dans lesquelles il aurait été plus e¢ cace
que l’activité se localise dans un pays di¤érent.
Les résultats du modèle o¤rent également une perspective intéressante
sur l’argument de Graham (1923). Ce dernier a¢ rme qu’en se spécialisant
dans un secteur à rendements croissants, les grand pays augmentent leur
productivité. Les autres pays se spécialisent dans les secteurs à rendements
constants, moins productifs. Leur productivité baisse et ces pays perdent
au commerce. C’est un argument important. Il suggère, contrairement aux
modèles traditionnels, que toutes les spécialisations ne se valent pas, ce qui
justi…e les politiques économiques qui favorise la spécialisation domestique
dans les “bons secteurs”.
Une analyse théorique plus complète permet néanmoins de nuancer cet
argument. Dans le second cas, l’égalisation des prix des facteurs suite à
l’ouverture permet de rationaliser la production. Il est en e¤et e¢ cace que la
production du bien béné…ciant de rendements d’échelle croissants se concen-
tre dans un seul des deux pays, en l’occurence le pays qui dispose initialement
de l’avantage de taille. Dans ce cas, les prix baissent dans les deux pays et le
bien-être s’améliore des deux côtés de la frontière. Dans le premier cas sans
égalisation des salaires, une partie des gains d’échelle vont être transférées
dans les salaires du grand pays, et donc ne pas pro…ter au reste du monde.
En accord avec l’analyse de Graham, les petits pays vont y perdre.

0.26 Le commerce intra-branche


L’essentiel du commerce se fait entre pays du Nord. Par exemple, plus de
60% du commerce français se fait avec les pays de l’UE. Même si nous prenons
clivECONOMIES D’ÉCHELLE ET CONCURRENCE IMPARFAITE

l’Union européenne dans son ensemble, celle-ci continue de commercer avec


des pays proches en termes de développement:

Or les pays géographiquement et économiquement proches ont des di¤érences


technologiques et factorielles peu marquées. Le modèle précédent avec économies
d’échelle externes donnait une explication au commerce entre pays similaires
(en dotations et technologies) mais il prédit du commerce inter-branche, c’est
à dire qu’un pays ne peut tout à la fois exporter et importer des biens d’un
même secteur. Or, le commerce mondial est en grande partie un commerce
intra-branche:
0.26 LE COMMERCE INTRA-BRANCHE clv

Pour mesurer la taille du commerce intra-branche, nous pouvons utiliser


l’indicateur de Grubel et Lloyd:

jXj Mj j
1
Xj + Mj

avec Xj et Mj les exportations et importation d’un pays donné dans un


même secteur j. En l’absence de commerce intra-branche, cet indice est
nul. Plus le commerce intra-branche est important, plus cet indicateur se
rapproche de 1 et plus il est faible et plus il tend vers 0.
Cet indicateur était égal en moyenne à 0; 33 au sein des pays européens
(UE-15) en 1980 pour monter à 0; 37 à la …n des années 90. Plus les pays sont
grands, riches et proches, plus leurs échanges commerciaux sont importants
et plus ces échanges sont intra-branches.
Comment expliquer le commerce de biens similaires entre des pays sim-
ilaires ? Nous allons voir que le relâchement de l’hypothèse de concurrence
parfaite et l’étude de la concurrence dite monopoliqtique permettent de ren-
dre compte de ce type de commerce. Plusieurs économistes ont contribué à
mieux comprendre la concurrence monopolistique (Lancaster, Spence-Dixit-
Stiglitz) et ses implications pour le commerce intrenational (Krugman et
Helpman).
clviECONOMIES D’ÉCHELLE ET CONCURRENCE IMPARFAITE

0.26.1 Un modèle de concurrence monopolistique


Il existe une gamme étendue de biens di¤érenciés. La di¤érenciation est de
type horizontale (exemple la couleur ou la forme des voitures), c’est à dire
qu’il n’existe pas de di¤érence de qualité (des sièges en cuir ou un régulateur
de vitesse). Ce large choix de consommation est valorisé par les consom-
mateurs à travers une "préférence pour la variété". Côté production, une
variété est produite par une seule …rme qui dispose d’un monopole sur sur
cette variété. Elle doit supporter un coût …xe (indépendant du niveau de
production) dans son activité. On parle toutefois de concurrence monopolis-
tique car les entreprises sont libres d’entrer sur le marché et de proposer une
nouvelle variété tant qu’il y a des pro…ts à réaliser. Chaque entreprise qui
entre réduit le pro…t de toutes les autres. A long-terme, le nombre de …rmes
actives est tel que les pro…ts sont nuls comme en concurrence parfaite.
La fonction de demande d’une …rme est:

1
q(p) = Q b(p p) (18)
n
q est la production d’une entreprise qui o¤re une variété particulière, Q est
la production totale de la branche, n est le nombre d’entreprises appartenant
à la branche, p est le prix o¤ert par l’entreprise considéreée (ou le prix de la
variété) et p est le prix moyen pratiqué dans le secteur.
Si toutes les …rmes ont le même prix, la part de marché de chacune est
simplement Q=n. Si p > p, la demande adressée à la …rme est plus faible:
q < Q=n mais non nulle. Il existe donc une demande même pour les variétés
plus onéreuses.
Pour chaque producteur, le coût total est F + cq, le coût moyen F=q + c
et le pro…t:
= pq(p) (F + cq) = (pd (q) c)q F
avec pd (q) la fonction de demande inverse issue de (18):

p = p + b(1=n q=Q)
La condition de maximisation du pro…t implique:
0.26 LE COMMERCE INTRA-BRANCHE clvii

@pd
p+q c=0
@q
De (18), on tire @pd =@q = 1=bQ. La condition de pro…t maximum s’écrit
…nalement:
q = (p c)bQ

Si toutes les …rmes sont identiques, alors elles ont toutes le même niveau
de production q = Q=n et donc le prix s’établit au niveau suivant:

1
p=c+
bn

Notons que le prix optimal ne dépend pas du coût …xe. Une fois celui-ci
consenti, il n’y a qu’une seule manière de faire un pro…t maximum quelle
que soit la taille du coût …xe. Les …rmes font une marge sur coût variable
positive car le prix est supérieur au coût variable c. Cette marge leur permet
de …nancer le coût …xe F . Plus il y a d’entreprises sur le marché (plus n est
grand), plus la pression concurrentielle est forte, et plus la marge de chaque
entreprise est réduite.

0.26.2 Les e¤ets de la taille du marché


Le nombre d’entreprises et de variétés est …xe à court-terme. A l’équilibre
de long-terme, le nombre d’entreprises est endogène. La condition de libre
entrée implique que de nouvelles entreprises se créent tant que le pro…t est
positif. La taille totale du marché reste …xe et égale à Q. La condition de
pro…t nul revient à poser la condition coût moyen = prix:

1
F=q + c = p = c +
bn
Cette égalité dé…nit l’équilibre de long-terme qui peut être représenté
graphiquement comme l’intersection de la courbe de coût moyen et la condi-
tion d’optimalité:
clviiiECONOMIES D’ÉCHELLE ET CONCURRENCE IMPARFAITE

prix

profit nul
p = c+n(F/Q)

prix
équilibre
profit max
p = c+1/bn

n équilibre n

La détermination de l’équilibre de long-terme

En remplaçant q par Q=n et en isolant n, on trouve le nombre de …rmes à


pro…t nul:

r
Q
n=
Fb
Plus le marché est grand (Q élevé), plus le nombre de …rmes est important
car une large demande permet de …nancer un plus grand nombre de coûts
…xes d’installation. Quel est le prix d’équilibre de long-terme sur un tel
marché ?
1 1
p=c+ =c+ q
bn bQ
F

Ainsi, plus le marché est de grande taille et plus le prix est bas. La baisse
des prix à la suite de l’augmentation de la taille du marché est permise par
l’augmentation des quantités vendues par chaque entreprise:

Q p
q= = QF b
n

ce qui leur permet d’amortir le coût …xe sur un plus grand nombre d’unités
vendues.
0.26 LE COMMERCE INTRA-BRANCHE clix

0.26.3 Les e¤ets de l’ouverture commerciale


Partons d’une situation où deux économies fermées et symétriques coexistent.
A l’ouverture, la demande double pour chaque entreprise ayant un monopole
sur une variété: Q = 2Q avec Q la demande dans le nouvel ensemble.
La condition de pro…t maximum reste inchangée mais le coût moyen baisse
permettant l’entrée de nouvelles entreprises et une baisse des prix:

p, CM
c+n(F/Q)

c+n(F/2Q)

Les e¤ets de l’accroissement de la taille du marché

La taille du marché pour chaque entreprise double instantanément, et


le nombre de …rmes aussi mais toutes les entreprises ne sont toutefois pas
viables et certaines font faillite. Le nombre d’entreprises à l’équilibre fait
moins que doubler:
r
2Q
n =
Fb
Logiquement, la production de chaque entreprise augmente et passe à
p
q = 2QF b
L’augmentation du chi¤re d’a¤aires qui s’en suit a pour e¤et de réduire
le coût moyen de chacune des entreprises:

CM = F=q + c
clxECONOMIES D’ÉCHELLE ET CONCURRENCE IMPARFAITE

L’accroissement des ventes avive la concurrence. Chaque entreprise est


incitée à baisser ses prix pour attirer de nouveaux clients. La guerre des prix
conduit à un prix inférieur:
1
p = c+
b2n
1
= c+ q
b2Q
F

La gamme de choix o¤ert aux ménages augmente et le prix baisse. Ces


deux évolutions suite à l’ouverture sont toutes deux favorables aux ménages.

0.26.4 Conclusion
Du point de vue de la diversité de l’o¤re au niveau mondial, le nombre de
variété totale passe de 2n à n < 2n représentant une certaine uniformisa-
tion des modes de vie d’un pays à l’autre. Cette uniformisation peut poser
problème quand il s’agit de biens culturels comme l’alimentation ou la cul-
ture. L’exemple emblématique est celui du secteur du cinéma. L’industrie
cinématographique est aujourd’hui largement concentrée aux Etats-Unis à
Hollywood. Cette industrie pour être rentable nécessite des coûts …xes très
importants. Il est donc rationnel au niveau économique de concentrer locale-
ment cette activité a…n de répartir les coûts …xes sur un plus grand nombre
d’entrées. Ce mouvement conduit à une perte de diversité du cinéma au
niveau mondial. Au niveau national, le modèle prédit que les consomma-
teurs y gagnent que ce soit en terme de choix car n > n ou en terme de
prix. En revanche l’o¤re proprement domestique se réduit sous l’e¤et de la
mondialisation.
Dans ce nouveau marché intégré, les deux pays se spécialisent dans des
variétés di¤érentes du même bien générant un commerce intra-branche en
accord avec les données présentées plus haut. Les analyses empiriques mon-
trent que la part de commerce intra-branche augmente avec la taille des pays,
ce qui est également cohérent avec le modèle qui vient d’être développé.
Que se passe-t-il si plusieurs secteurs existent ? Prenons deux pays, deux
0.27 COMMERCE ET CONCURRENCE OLIGOPOLISTIQUEclxi

facteurs de production : K et L et deux secteurs, le secteur automobile et


le secteur textile. Le pays national est relativement abondant en capital
et exporte des voitures dont la production est intensive en capital (résultat
HOS). Si l’industrie automobile produit des biens di¤érenciés en concurrence
monopolistique, le pays national conserve un avantage comparatif dans le
secteur automobile et est exportateur net dans ce secteur. Etranger a un
avantage comparatif dans le secteur textile et exporte dans ce secteur. Pour
autant, si le pays étranger n’est pas entièrement spécialisé dans la production
textile, il exporte également des automobiles même s’il reste importateur net.
Nous avons alors la coexistence de commerce intra-branche et de commerce
inter-branche.

0.27 Commerce et concurrence oligopolistique


Le modèle précédent montre un cas clair de commerce intra-branche fondé sur
une di¤érenciation horizontale des biens. Les biens considérés sont proches
mais imparfaitement substituables du point de vue du consommateur. Ainsi,
la France et l’Allemagne échangent des voitures, qui sont des biens appar-
tenant à la même branche automobile. Mais pour le consommateur, les
voitures allemandes restent di¤érentes des voitures françaises ce qui conduit
justement à l’imperfection de la concurrence puisque les constructeurs peu-
vent ainsi maintenir des prix plus élevés que dans des marchés où se vendent
des biens parfaitement homogènes.
Toutefois, même quand les biens sont parfaitement homogènes, la con-
currence peut être faussée par le fait qu’un petit nombre d’entreprises occu-
pent le marché. Contrairement à l’hypothèse faite dans la section précédente,
l’absence de liberté d’entrer conduit maintenant à des situations d’oligopoles.
On considère ici le cas d’un duopole dans un modèle simple, ce qui va nous
permettre de montrer que même des biens parfaitement homogènes peuvent
faire l’objet d’un commerce international dans les deux sens.
clxiiECONOMIES D’ÉCHELLE ET CONCURRENCE IMPARFAITE

0.27.1 L’analyse du duopole


Nous décrivons un modèle trés simple développé par Brander et Krugman. Il
existe deux pays, deux …rmes (1 et 2). La …rme 1 est une …rme nationale, la
…rme 2 est une …rme étrangère. Les deux entreprises produisent un bien ho-
mogène. Nous supposons que les entreprises se font concurrence en quantité
(concurrence dite à la Cournot). La fonction de coût est:

Ci = cQi ; i = 1; 2

La fonction de demande inverse relie le prix aux quantités achetées par


les consommateurs, qu’elles soient vendues par l’entreprise domestique ou
l’entreprise étrangère:

p=a bQ; Q = Q1 + Q2 ; (p > 0 8Q)


Chaque …rme maximise son pro…t sur chacun des marchés, le marché do-
mestique et le marché étranger. On suppose qu’il existe un coût de transport
t pesant sur le commerce international. Chaque unité vendue par l’entreprise
domestique dans l’économie N rapporte (p c)Q1 alors que la même unité
vendue dans l’économie N par l’entreprise étrangère ne lui rapporte que
(p c t)Q2 une fois déduits les coûts de transport. La …rme 1 choisit
son niveau de production de telle manière qu’elle maximise son pro…t:

max 1 = pQ1 cQ1


= [a b(Q1 + Q2 )]Q1 cQ1

La solution donne:
bQ2 c a
Q1 =
2b
Symétriquement pour l’entreprise 2 avec coût de transport:

max 2 = pQ2 (c + t)Q2


= [a b(Q1 + Q2 )]Q2 (c + t)Q2

ce qui donne le niveau de production:


a bQ1 c t
Q2 =
2b
0.27 COMMERCE ET CONCURRENCE OLIGOPOLISTIQUEclxiii

Ces deux conditions d’optimalité établissent la meilleure réponse de chaque


entreprise en fonction du volume vendu par l’autre entreprise. On parle
aussi de fonctions de reaction des entreprises. L’équilibre est dé…ni par
l’intersection des deux fonctions de réaction, soit:

ac+t
Q1 =
3b
a c 2t
Q2 =
3b
Graphiquement, l’équilibre se situe au croisement de deux fonctions linéaires:

Q1
firme 2

Q*1 firme 1

Q*2 Q2

Les fonctions de réaction et l’équilibre en quantité

Plus le coût de transport est élevé, plus la …rme nationale dispose d’une
part de marché élevée. Notons qu’au-delà d’un certain niveau de coût de
transport (t = (a c)=2), les importations sont nulles (Q2 = 0), ce que nous
excluons dans la suite.
Le prix d’équilibre sur le marché domestique est:

a + 2c + t
p=a bQ =
3
Logiquement, plus le coût de transport est élevé, plus le prix est lui-même
élevé.
clxivECONOMIES D’ÉCHELLE ET CONCURRENCE IMPARFAITE

0.27.2 Comparaison avec le cas autarcique


En autarcie, la …rme 1 est en monopole sur son marché. La quantité produite
découle de son programme de maximisation du pro…t de monopole:

max 1 = pQ1 cQ1


= (a bQ1 )Q1 cQ1

Son choix de production est:


a c
Qm
1 =
2b
A l’ouverture, la quantité o¤erte totale est:

2a 2c t
Q1 + Q2 =
3b
Le prix d’autarcie est:
pm
1 = a bQm
1

En autarcie, les quantités vendues sont donc plus faibles et le prix plus
élevé.

0.27.3 Conclusion
Malgré son désavantage en terme de coûts de transport, la …rme étrangère
peut vendre sur le marché national. De même la …rme nationale va vendre
sur le marché étranger. On a un commerce parfaitement intra-branche alors
même qu’un produit homogène est échangé. En concurrence parfaite, ce
commerce serait impossible puisque le prix descendrait jusqu’au niveau du
coût de production le plus bas évinçant les entreprises étrangères au pro…t des
entreprises domestiques. En oligopole, pour vendre à un prix compétitif sur
les marchés étrangers, les …rmes réduisent leurs marges, qu’elles compensent
par des marges plus élevées sur le marché domestique. Les …rmes ont donc
des marges unitaires di¤érentes selon les marchés. On parle de dumping
réciproque ou de pricing to market.
0.27 COMMERCE ET CONCURRENCE OLIGOPOLISTIQUEclxv

D’un point de vue social, ces ‡ux croisés de produits identiques sont né-
fastes puisqu’ils entraînent des coûts de transport qui pourraient être évitées
si chaque entreprise vendait plus sur son marché domestique et moins hors
des frontières.
Par rapport au cas autarcique, le commerce intensi…e la concurrence :
les quantités augmentent, et les prix baissent. Les consommateurs gagnent
au commerce en évitant un monopole. Un duopole même ine¢ cace reste
préférable à un monopole. Les pro…ts des …rmes sur chaque marché baissent.
Les pro…ts dégagés à l’exportation ne su¢ sent pas à compenser cette baisse.
Les entreprises perdent à l’échange.
Si l’entreprise domestique est moins productive que l’entreprise étrangère,
alors l’ouverture peut conduire à l’éviction de la …rme nationale. On a alors
un nouveau monopole sur le marché national ou une entreprise étrangère
remplace une entreprise nationale. Le monopoleur est toutefois plus e¢ -
cace, ce qui se traduit par un prix plus faible pour les consommateurs (sinon
l’entreprise domestique serait toujours en activité). Béné…que pour les con-
sommateurs, l’impact est négatif pour les salariés. Dans le cas de services
publics, le maintien d’une activité nationale non-rentable peut se justi…er
par certaines missions de service public comme le maintien de prix bas ou la
desserte de l’ensemble du territoire etc ...
Au niveau international, une ouverture commerciale nécessite une poli-
tique anti-concurrentielle couvrant le nouvel ensemble économique, à l’image
de l’action de la Commission européenne en Europe.
clxviECONOMIES D’ÉCHELLE ET CONCURRENCE IMPARFAITE

Exercices
1. Quels sont les gains à l’échange en présence de rendements croissants
et de concurrence imparfaite ? Le commerce est-il dans tous les cas favorable
?

2. La Guerre de Sécession a opposé le Sud des Etats-Unis agricole au


Nord plus industrialisé. Le Nord était protectionniste, tourné vers le marché
intérieur. Le Sud était libre-échangiste, orienté vers l’Europe pour ses ex-
portations de matières premières. Le modèle HOS permet-il d’éclairer cette
opposition ? Que doit-on retenir comme facteurs de production dans le cas
présent ?

3. On considère l’industrie automobile du pays A composée de n …rmes


identiques. Les ventes annuelles du secteur sont égales à S = 900000 voitures.
La demande adressée à un producteur quelconque est donnée par :

1 P P
X=S
n 30000
où X est le nombre de voitures vendues par l’entreprise, P le prix demandé
par le producteur et P le prix moyen des autres entreprises. Les entreprises
sont supposées considérer les prix de chacune d’entre elles comme donnés.
On suppose également que le coût total de l’entreprise est C(X) = 750000 +
5000X.
1) Pourquoi parle-t-on de "concurrence monopolistique" ?
2) Montrer que les entreprises présentes sur ce marché réalisent des économies
d’échelle.
3) Exprimer la fonction de demande sous forme inverse (le prix en fonction
de la demande). Quelle est la condition de maximisation du pro…t?
4) Donner l’expression de quantité d’équilibre vendue par chaque entre-
prise en fonction de n sachant S (trivial). Déduisez en le prix d’équilibre
en fonction de n. Montrer que plus les …rmes sont nombreuses, plus le prix
0.27 COMMERCE ET CONCURRENCE OLIGOPOLISTIQUEclxvii

demandé sera faible.


5) Trouvez le prix d’équilibre de long-terme en supposant que de nouvelles
entreprises entrent sur le marché tant que des possibilités de pro…t positif
existent. Combien d’entreprises coexistent sur le marché ?
5) On considère le pays B où les ventes annuelles de voitures atteignent
1; 6 millions d’automobiles. De la même façon que pour A, donner le nombre
d’entreprises et le prix d’équilibre de long terme de l’industrie automobile
dans le pays B.
6) On suppose que les pays A et B peuvent échanger des voitures entre eux
(les coûts de transport sont nuls), créant ainsi un nouveau marché intégré,
avec des ventes totales de 2,5 millions d’unités. Quels sont les e¤ets de la
création de ce marché intégré pour les consommateurs ? Pour les entreprises
du pays A ?
7) Synthétisez les résultats en termes de nombre de …rmes et de prix dans
un tableau comparant chaque marché individuel avec le marché intégré.

4. Une entreprise doit faire le choix de la localisation de sa production.


Elle peut produire au Maroc ou en France ou encore dans les deux pays. Ce
dernier est son marché principal avec une demande de 40 unités de biens alors
que la demande sur le marché marocain est de 5. Le Maroc a en revanche des
coûts de production plus faible, de 6 par unité contre 7 en France. Le prix
du bien est égal à 10 dans les deux pays. Un coût …xe de 30 par implantation
existe. Si la …rme vend sur place elle ne paye pas de coûts de commerce,
sinon elle paye t par unité vendue sur le marché étranger (coûts de transport
et droits de douane).
1) Montrer que le pro…t total de l’entreprise est égal à 80 si elle produit
dans les deux pays.
2) Montrer que si elle choisit de concentrer sa production en France, la
…rme aura un pro…t de 105 5t, et de 150 40t si elle s’implante au Maroc.
3) Supposez que le Maroc et la France n’ont pas d’accord d’intégration
et que de ce fait les coûts de commerce sont élevés : t = 6. Montrer que la
…rme aura intérêt à produire dans les deux pays. Expliquer.
clxviiiECONOMIES D’ÉCHELLE ET CONCURRENCE IMPARFAITE

4) Le Maroc et la France signent un accord de libre-échange et réduisent


ainsi les coûts sur le commerce à 2 (droits de douanes faibles). Montrer dans
ce cas que la …rme a intérêt à concentrer sa production en France et exporter
vers le Maroc. Expliquer.
5) Si le Maroc et la France réduisent les coûts de Transport de telle
manière à réduire les coûts de commerce à 1 par unité vendue (droits de
douane nuls), montrer que la …rme a alors intérêt à localiser sa production
au Maroc. Expliquer.
6) En conclusion, quels sont les facteurs qui in‡uencent la décision de
délocaliser et dans quel sens jouent-ils ?

5. Le taux d’ouverture de la Suisse est plus important que celui des


Etats-Unis. Expliquez pourquoi. Les gains associés à l’ouverture commer-
ciale sont-ils plus forts quand le pays est de grande taille ou de petite taille
(voir le cours)?

6. On considère deux pays N et E produisant deux biens notées 1 et


2. Il existe deux facteurs de production, le travail quali…é (K) et le tra-
vail non-quali…é (L). Les travailleurs sont immobiles internationalement. La
production du bien 1 ne nécessite que du travail quali…é. Sa fonction de
production prend la forme suivante:

Q1 = 3K

La production du bien 2 ne nécessite que du travail non-quali…é:

Q2 = L

Les technologies de production sont identiques dans les deux pays. Le


bien 1 est pris comme numéraire: p1 = 1. Le rapport des prix est noté
p = p2 =p1 . On suppose que la concurrence est parfaite sur tous les marchés
et que les prix sont parfaitement ‡exibles.
0.27 COMMERCE ET CONCURRENCE OLIGOPOLISTIQUEclxix

i
On note wK le salaire des travailleurs quali…és et wLi le salaire des tra-
vailleurs non-quali…és dans le pays i = N; E. Les préférences sont identiques
dans les deux pays. La fonction de demande relative dans chacun des pays
s’écrit :

D1N D1E
= =p
D2N D2E
Les dotations en travailleurs quali…és des pays N et E sont les suivantes:

KN = 100; LN = 300; KE = 20; LE = 300

1) (équilibre autarcique). Calculer les quantités de biens 1 et 2 produites


à l’équilibre de plein-emploi dans chacun des pays.
2) En déduire pN le rapport des prix en autarcie du pays N. Calculer wK N

et wLN .
3) Même question pour le pays E. Comparer pN et pE . Commenter.
4) (équilibre de libre-échange). Montrer que N est relativement mieux
doté en travailleurs quali…és que le pays E. Quel secteur est relativement
intensif en travail quali…é? En déduire le bien que le pays N exportera à
l’équilibre de libre-échange.
5) Où se situe le prix de libre-échange p lorsque les deux pays s’ouvrent
au commerce?
6) Quelles sont les quantités totales des biens 1 et 2 produites à l’équilibre
de plein-emploi? En déduire le prix d’équilibre de libre-échange p .
7) Calculez le rapport des salaires (wK =wL ) en libre-échange et comparez
i
le à celui en autarcie wK =wLi dans les deux pays. Quels sont les travailleurs
qui pro…tent de l’ouverture commerciale dans le pays N? Commenter.

7. Soit deux pays pouvant produire deux biens avec un seul facteur de
production. Les technologies sont indentiques d’un pays à l’autre. Le premier
bien (des voitures) est produit à rendement constant tandis que le second
(les médicaments) est à rendements croissants (la conception de nouveaux
clxxECONOMIES D’ÉCHELLE ET CONCURRENCE IMPARFAITE

médicaments nécessite un coût …xe de plusieurs milliards d’euros). Ensuite,


la production est à coût quasi-nul. Décrivez les gains liés à l’ouverture.
Y’aura-t-il spécialisation ?

8. Il existe trois pays (1, 2 et 3) et une entreprise (1, 2 et 3) dans


chaque pays, mais un seul type de bien produit. La fonction de coût des
entreprises est identique: Ci = Qi =2, i = 1; 2; 3. Nous analysons la situation
du premier pays. La fonction de demande inverse sur le marché de ce pays
est: p = 10 (Q1 + Q2 + Q3 ). Nous supposons que l’entreprise 2 qui vend
à l’étranger supporte un coût variable supplémentaire t2 par unité de biens
vendus. De même l’entreprise 3 subit un coût de transport égal à t3 .
1) Ecrivez les pro…ts des trois entreprises.
2) Déterminez les quantités vendues par chaque entreprise sur le marché
du pays 1 en fonction des paramètres t2 et t3 .
3) Déterminer le prix d’équilibre.
4) Comment varient les quantités des trois entreprises quand t2 augmente
?
5) Comment varie le prix quand t2 augmente ?
6) Supposons que le pays 1 souhaite interdire l’accès à son marché à
l’entreprise 3. Quelle sera les conséquences sur le prix et sur les quantités
vendues ?

9. Exposez les arguments qui attribuent au commerce international un


rôle dans les inégalités économiques d’un pays. Quel modèle d’échange est le
plus pertinent pour répondre à cette question ? Pourquoi ?

10. L’Europe est capable de fabriquer une bicyclette en utilisant une


demi-heure de travail et un microprocesseur en 10 minutes. En Asie du Sud-
Est, les mêmes opérations nécessitent respectivement une heure de travail et
une demi-heure. Quel est l’avantage comparatif de chacun des pays ?

11. Soit deux pays partageant la même technologie et disposant d’un seul
0.27 COMMERCE ET CONCURRENCE OLIGOPOLISTIQUEclxxi

facteur de production, le travail. Le pays N dispose de beaucoup de travail,


le pays E de peu. Y’aura-t-il du commerce entre les deux pays ?

12. Soit un petit pays qui produit deux biens 1 et 2 à partir d’un facteur
de production L. xi est la quantité produite de bien i et Li est la quantité
de travail utilisée dans le secteur i = 1; 2. Les fonctions de production sont
les suivantes:

x1 = aL1
1
x 2 = L2
2
avec L1 + L2 = L. La fonction de demande relative est:
d1 p2
=
d2 p1
avec di la demande en bien i fonction des prix pi .
1) Une augmentation du paramètre a signi…e-t-il un progrès ou un recul
technique ?
2) Indiquez les propriétés de la fonction de demande relative.
3) Autarcie. Déterminez en fonction du paramètre a les prix relatifs des
deux biens à l’équilibre.
4) Autarcie suite. Ecrivez l’équilibre de plein-emploi du facteur en fonc-
tion du paramètre a et des niveaux de production x1 et x2 .
5) Autarcie suite. Déterminez en fonction du paramètre a les quantités
produites de chaque bien.
6) Autarcie suite et …n. Décrivez l’e¤et d’un progrès technique dans le
secteur 1 (hausse de a).
7) Supposons que l’économie s’ouvre au commerce. Le prix relatif mondial
du bien 2 s’établit à 1. Pour quelle valeur de a le pays a-t-il intérêt à s’ouvrir
au commerce international ?
8) Dans le cas où a = 0; 25, déterminez le sens de la spécialisation du
pays ainsi que le gain à l’échange en termes de supplément de consommation
par rapport au cas autarcique.
clxxiiECONOMIES D’ÉCHELLE ET CONCURRENCE IMPARFAITE

9) Même question pour a = 3.

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