Le Luxe en Auvergne

Les tresses de

gAuthier FiLs
séduisent LA mode FrAnçAise

Depuis cinq générations, la famille Gauthier perpétue la tradition du tressage, avec parfois des machines vieilles de plus d’un siècle.

Entreprise familiale nichée dans le
Livradois-Forez depuis 1872, Gauthier
Fils cultive sa discrétion et perpétue un
savoir-faire rare. Les 22.000 kilomètres
de tresses haut de gamme qui sortent
chaque année des ateliers fournissent
de grandes marques du luxe français,
de la mode à la parfumerie.
Son entreprise fait partie des leaders
français dans son domaine. Elle s’est
imposée dans le travail du fil textile
grâce à sa spécificité : les tresses et les
cordons haut de gamme. Dans les ate-
liers de 3.000 mètres carrés, le millier
de métiers à tresser ne s’arrête jamais
de tourner. Soutaches, lacets, serpen-
tines, cordons de lunettes et de maillots
de bain, sont réalisés dans la parfaite
tradition et dans une discrétion cultivée
françaises, friandes du Made in France,
sont perpétrés « précieusement » de-
puis des années. Car c’est bien le
savoir-faire de cette entreprise fami- LAbeLLisée
liale qui a séduit les piliers du luxe, dans
le bassin d’Ambert. « entrePrise du PAtrimoine vivAnt »
> Le Livradois, un bassin
historique du tressage Depuis 2010, l’entreprise Gauthier Fils a été labellisée
Au milieu du XIX  siècle, la fin de l’in-
e « Entreprise du patrimoine vivant » (EPV). Créé cinq
ans plus tôt, ce label d’Etat distingue les sociétés fran-
dustrie papetière est couplée avec
çaises pour leurs savoir-faire artisanaux et industriels

Fanny Guiné
Photos : Francis Campagnoni
I
l faut s’enfoncer dans un petit che-
min à peine goudronné pour décou-
vrir l’entreprise familiale de
Jean-Damien Gauthier. Plus discrète
que le géant Sanofi à quelques mètres
de là, la société Gauthier Fils est implan-
tée à Vertolaye, dans le Livradois-Forez,
depuis 1872. Jean-Damien a repris le
flambeau en 1997 et perpétue une tra-
dition plus que centenaire dans ce vil-
lage de 550 habitants. « Je suis la cin-
quième génération, sourit le directeur
de 44 ans. Notre vocation est toujours
la même : allier le traditionnel à la mo-
dernité. »
depuis le début. Ici, même la vingtaine
de salariés ne réalise pas tellement
qu’elle travaille pour un grand nom de
la haute couture française ou pour une
célèbre marque de parfum. « Mon père
me disait toujours que nous sommes
“l’accessoire de l’accessoire”. Nous
embellissons un vêtement, un sac, des
lunettes… Nous leur apportons une
exigence esthétique. Et nos clients sont
très divers, nous avons plus de
12.000 références. »
Le luxe représente près de 40 % du
chiffre d’affaires de Gauthier Fils. Les
partenariats avec les grandes marques
l’arrêt des moulins, le long de La Dore.
d’excellence. Les critères d’obtention sont stricts : le
Les sociétés se reconvertissent vers le
savoir-faire doit être rare et doit reposer sur une maî-
tressage. Dans les années 1950, ils
trise de techniques traditionnelles de haute technicité.
étaient « sept dans le secteur ». Alors
L’entreprise doit aussi montrer son attachement à un
que les autres entreprises se diversi-
territoire grâce à son ancienneté ou sa notoriété dans
fient dans la câblerie ou le sandow,
son bassin géographique. Enfin, elle doit revendiquer un
l’entreprise Gauthier Fils reste la der-
esprit de manufacture qui associe patrimoine et inno-
nière à évoluer dans le secteur du tres-
vation. Pour Jean-Damien Gauthier, dirigeant de
sage.
Gauthier Fils, ce label, qui lui a été renouvelé en 2015
Le second atelier a gardé cet esprit. A par Emmanuel Macron, alors ministre de l’Économie, est
l’intérieur, les machines en bois ron- une « formidable reconnaissance». Près de 1.400 entre-
ronnent plus doucement. Certaines ont prises ont obtenu le label EPV en France en 2017.
plus d’un siècle et transforment le tissu
en serpentine pour le linge de maison
ou les cols des poupées. « Ici, c’est la

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LE LUXE EN AUVERGNE
poésie du métier, souffle Jean-Damien
Gauthier. Le simple fait de changer de
couleur de fil oblige notre employé à
changer les réglages, il faut un vrai
savoir-faire. »
Chacun des vingt salariés connaît sa
tâche par cœur. Pour arriver à la tresse
finale, le tissu emprunte un parcours
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minuté comme une partition de mu-
sique. Tout commence par le travail de
la canneteuse, en début de la ligne de
production. Marie-Laure installe les
cônes de fil pour assembler les can-
nettes (bobines de fils) depuis dix-sept
ans. « C’est l’étape primordiale, confie-
t-elle. Si elle est loupée, toute la tresse
sera mauvaise. » Le régleur vient en-
suite ajuster et préparer le métier à
tisser. Enfin la laceteuse prend le relais
et change les cannettes vides et « les
âmes qui permettent de solidifier la
tresse», explique Angéline, dans l’entre-
prise depuis vingt-deux ans.
L’ensemble de ce savoir-faire spéci-
fique, les employés l’ont appris sur le
tas. Aucune formation qualifiante
n’existe. «Il faut du temps pour appri-
voiser toutes les étapes de la produc-
tion, plusieurs mois même », affirme le
directeur. Prendre le temps, maîtriser
un savoir-faire vieux de 140 ans, c’est
ce qui a valu à Gauthier Fils la labellisa-
tion Entreprise du patrimoine vivant à
deux reprises. Une consécration de plus
et un gage de qualité pour les clients du
luxe qui font confiance à l’une des der-
nières sociétés du genre en France. ■
« Chacun des vingt salariés connaît sa tâche par cœur », se réjouit Jean-Damien Gauthier.
Un groupe de poids dans le Livradois
Entreprise familiale depuis 1872 à Vertolaye, dans le en chiffres
22.075
kilomètres de tresse par an
Puy-de-Dôme, Gauthier Fils s’impose comme l’une des avec 90 tonnes de fil
entreprises pionnières sur le marché des produits
textiles traditionnels, notamment pour les tresses et
350 1.458
les cordons haut de gamme. L’entreprise a depuis
constitué un groupe de poids dans le Livradois, en
s’associant avec Promotress, installée à Ambert, spé-
cialiste des tresses rigides et élastiques. La création
d’Atiplast, également à Ambert, est venue renforcer le nouveaux échantillons métiers à tresser
groupe grâce à sa technologie d’injection et de surmou- réalisés chaque année
lage sur du produit textile ou élastique pour le domaine
de l’automobile ou du médical. Enfin, le rachat de l’en-
treprise familiale Tourlonias 1895, implantée à Verto- Chiffre d’affaires
2,5 M€
laye, compose le dernier maillon du groupe Gauthier.
Elle travaille surtout les bois nobles des monts d’Au-
vergne dans la fabrique de baromètres, de pendules, de
soufflets. Ces quatre entreprises associées ont un
chiffre d’affaires annuel de plus de 2,5 millions d’euros. pour les quatre entreprises du groupe Gauthier
(Gauthier Fils, Promotress, Atiplast, Tourlonias 1895)
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