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a) LES CONSTITUANTS OBLIGATOIRES

1. La phrase assertive: critères de définition; test de la vérité; marques de


l’assertion: suprasegmentales (intonation) et segmentales: position des constituants du
noyau; inversion du sujet nominal; inversion du sujet pronominal; place des déterminants
obligatoires et facultatifs du verbe.
2. La phrase interrogative: définition; interrogation directe/vs/indirecte;
interrogation totale (oui/non) /vs/ partielle; L’interrogation totale directe: marques
(procédés): intonation, inversion du pronom sujet, reprise du sujet nominal; interrogation
est-ce que; interrogation par exposants; interrogation à particule ti - procédé populaire;
L’interrogation directe partielle (de constituants): intonation, substituts interrogatifs
(formes, distribution par fonctions syntaxiques, place); inversion du sujet pronominal;
inversion du sujet nominal (conditions); reprise du sujet nominal; formes renforcées /vs/
non renforcées des substituts; formes simples /vs/ formes composées; L’interrogation
indirecte - subordonnée complétive; question propositionnelle (totale): introducteurs (si),
mode et absence de procédés interrogatifs; question de fonction propositionnelle
(partielle): formes de substituts, procédé spécifique: inversion du sujet nominal
(condition); interrogation réalisée avec l’infinitif.
3. La phrase impérative: définition; marques spécifiques: intonation et mode
verbal (impératif et modes de suppléance); effacement du sujet; adverbe donc
accompagnant l’impératif; noms en apostrophe et pronoms renvoyant au sujet effacé;
interjections fonctionnant comme phrases impératives.
4. La phrase exclamative: définition, marques spécifiques: intonation, intensifs
et structure du noyau; La phrase exclamative organisée: procédés exclamatifs: intonation,
intensifs, inversion du pronom sujet; La phrase exclamative inorganisée: le monorème et
le dirème exclamatifs; intensifs, disjonction des termes, mode verbal; les phrases-
interjections: définition et fonctionnement des interjections.
b) LES CONSTITUANTS FACULTATIFS
1. La phrase négative: négation grammaticale/vs/négation lexicale; négation
prédicative (propositionnelle) /vs/ négation nonprédicative (de constituant): les formants
de la négation prédicative: formant discontinu ne...pas; effacement obligatoire de pas;
effacement facultatif de pas; négation multiple; négation restrictive (exceptive) avec que;
négation exceptive annulée; négation des constituants coordonnés: explicitation des deux
constituants ou d’un seul et formants négatifs; négation explétive; négation de constituant
et combinaison avec l’emphase.
2. La phrase passive: Le passif - voix (catégorie grammaticale) ou / et
constituant de phrase; actants du verbe (agent et patient) et condition de l’existence d’un
patient objet direct pour la T passive; opérations de la T passive (modification de la forme
verbale, position des deux GN actants et leurs fonctions syntaxiques); complément
d’agent: choix de la préposition (critères sémantiques et grammaticaux de sélection de
par et de); effacement du complément d’agent.
3. La phrase emphatisée: définition de l’emphase; accent emphatique; Emphase
non oppositive: détachement et pronominalisation du constituant emphatisé; segments
introducteurs et pronominalisation; Emphase oppositive: accent emphatique + segments
spécialisés (c’est qui/que, seul, même).
4. La phrase impersonnelle: définition; absence de référence pour le GN
occupant la position de sujet; types de structures impersonnelles: il + V météorologique;
il + V + GN /vs/ structure personnelle (GN + V); il fait + GN (GAdj); il est + GAdj +
que P (indicatif ou subjonctif); il est + GAdj + de Inf (sujet indéterminé); passif
impersonnel; pronominal impersonnel; structures impersonnelles avec les démonstratifs
neutres: c’est + GN/GAdj (Adv); c’est + GAdj + que P/ de Inf; ceci (ceci, ça) + V;
structures automatisées avec ça (langue familière).
Chapitre 1
Les constituants de phrase
1.0. La phrase, en tant qu’énoncé, se rapporte à l’activité d’un énonciateur qui
prend en charge son énoncé, en exprimant son attitude à l’égard de ce qu’il dit. En même
temps, l’énonciateur établit une certaine relation avec son interlocuteur, par le fait de
présenter son énoncé comme vrai ou faux, possible ou impossible, nécessaire ou
contingent, permis ou défendu, etc. Le locuteur porte également des jugements de valeur,
des appréciations sur ce qu’il dit et manifeste sa distance à l’égard de son énoncé en
termes de vouloir, demande, conseil, souhait, exigence, etc. Tous les éléments qu’on vient
de mentionner entrent dans le domaine de la modalité linguistique, produit de l’activité
de modalisation.
Dans ce domaine délicat et instable de la modalisation, on accorde un rôle
privilégié à quelques modalités de phrase, appelées aussi modalités d’énonciation.
Celles-ci marquent l’attitude énonciative du locuteur dans sa relation avec son
interlocuteur. Les modalités d’énonciation se traduisent par différents types de phrases 1.
En principe, toute phrase se présente comme assertive, interrogative, impérative ou
exclamative:
Elle est gentille. Est-ce qu’elle est gentille? Comment est-elle? Sois gentille!
Comme elle est gentille!
Le critère qui se trouve à la base de la distinction entre les quatre types de phrases
énumérées vise les modalités discursives essentielles de présenter le contenu d’une
phrase. Ces quatre modalités d’énonciation sont appelées différemment, en fonction du
niveau auquel s’opère l’analyse:
a) pragmatique: modalités d’énonciation;
b) grammaire générative et transformationnelle (GGT): constituants de phrase.
1.1. De règle, on postule l’existence de trois paramètres dans l’acte de
l’énonciation: la personne énonciative (qui énonce?); le repère énonciatif (quand énonce-
t-on?); la modalité énonciative (comment énonce-t-on?). Ce dernier paramètre renvoie
aux actes illocutoires d’Austin2 (ex: Je dis qu’il fait beau aujourd’hui. Je demande si
Marie est arrivée. J’ordonne que les soldats passent la rivière, etc).
Pierre Le Goffic (1993:17) attire pourtant l’attention sur la possibilité assez
fréquente de confusion entre les modalités de phrase et les actes de discours tels que:
l’ordre, la demande, la promesse, la menace, l’accomplissement performatif, etc. Il faut
préciser que la langue n’est pas uniquement un moyen de transmettre des informations,
mais aussi un moyen d’agir sur autrui. Voilà pourquoi tout acte d’énonciation doit avoir
1
Il ne faut pas confondre les modalités d’énonciation avec les modalités d’énoncé. Ces dernières marquent l’attitude
du sujet énonciateur vis-à-vis du contenu de son énoncé. L’énonciateur peut présenter son énoncé comme certain,
possible, probable, utile, nécessaire, agréable, etc.
2
Austin considère que les actes de parole sont de trois types:
- locutionnaires – les actes par lesquels on dit quelque chose;
- illocutionnaires – les actes qui visent le but de la communication (d’obtenir une réponse dans le cas d’une phrase
interrogative, de protester contre une affirmation, donner un ordre, faire une promesse, etc)
- perlocutionnaires – par ces actes le locuteur veut obtenir une certaine réaction de la part de son interlocuteur: par
exemple, lorsqu’on donne un ordre, l’interlocuteur peut s’y soumettre, le contester, l’ignorer, etc.
3
La force illocutionnaire qui correspond à un acte illocutionnaire/illocutoire agit sur le locuteur, le poussant à exécuter
une certaine action. Le même acte locutionnaire peut avoir une force illocutionnaire différente. Un énoncé tel que Je
viendrai demain peut s’interpréter, en fonction du contexte, comme: a) promesse; b) menace; c) avertissement.

3
une force intrinsèque3 qui agit sur l’interlocuteur. Au moment où le locuteur énonce une
phrase, dans une situation de communication donnée, il accomplit un acte de langage, qui
instaure une certaine relation avec son interlocuteur. La philosophie analytique anglaise
(Austin, Searle) distingue deux types d’actes de langage:
a) les actes institutionnels, conditionnés et sanctionnés par une institution
sociale: Je déclare la séance ouverte. Je jure de dire toute la vérité, rien que la vérité.
Je te baptise au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.
b) les actes de langage ordinaires, qui s’accomplissent indépendamment d’un
cadre organisé, dans les interactions quotidiennes:
Je te préviens que si tu me mens, je le saurai. (Colette)
Je te promets de venir demain. Je te félicite pour ton succès.
Cependant, même s’il n’est pas effectué dans le cadre d’une institution, l’acte de
langage ordinaire n’est pas indépendant de toute détermination sociale. Par exemple, le
locuteur peut donner un ordre à son interlocuteur si, dans des circonstances déterminées,
la hiérarchie sociale le lui permet. Un acte de langage repose toujours sur une convention
sociale implicite qui associe, dans une communauté donnée, telle expression linguistique
à la réalisation de tel acte de langage particulier. Ainsi, la grammaire française associe
directement une phrase déclarative à un acte assertif, une phrase interrogative à un acte
de questionnement, une phrase impérative à un acte d’injonction, etc.
Les actes de langage peuvent être :
a) directs, lorsqu’ils sont accomplis au moyen de la forme linguistique qui leur
est associée par convention. Ils se réalisent dans deux sortes d’énoncés:
 les énoncés performatifs explicites, contenant un verbe performatif qui indique
l’acte de langage accompli: Je t’ordonne de sortir. Je te promets de revenir demain.
 les énoncés performatifs primaires, correspondant essentiellement aux trois grands
types de phrase (assertive, interrogative et impérative):
J'adore les bandes dessinées de tes enfants.
Andromaque: - Aimes-tu la guerre?
Hector: - Pourquoi cette question? (Giraudoux)
Dessine-moi un mouton. (St.Exupéry)
b) indirects, qui sont accomplis au moyen d’un énoncé contenant une forme
associée conventionnellement à un autre acte que celui qu’ils visent à accomplir.
C.Kerbrat-Orecchioni distingue deux types d’actes indirects:
 la “dérivation allusive”: Il fait froid ici! (acte direct: Ferme la porte!); Cette
choucroute est délicieuse. (acte direct: Sers-m'en encore une peu!); Il se fait tard. (acte
direct: Rentrez chez vous!)
 le “trope illocutoire”: Avez-vous l’heure? Pourriez-vous fermer la fenêtre?
Veux-tu bien t’arrêter, blanc-bec! (Stendhal)
Les deux premières phrases perdent leur valeur interrogative pour exprimer
indirectement une demande. La dernière phrase n’est même pas pourvue d’un point
d’interrogation, mais d’un point d’exclamation, qui confirme l’interprétation injonctive.
Dans tous ces trois exemples, la valeur littérale directe de la phrase est remplacée par la
valeur dérivée, indirecte.
1.2. La dénomination de constituant de phrase a été introduite par les théoriciens
de la GGT, qui considèrent que toute phrase () est formée, dans sa structure profonde,
3

4
d’un constituant de phrase (CONST) et de la phrase simple, appelée aussi phrase noyau
(P):

CONST P
Assert GN GPréd
Interrog V GAdj
Impér
Excl tu es audacieux

En fonction du constituant de phrase choisi, la phrase peut revêtir en structure


superficielle les formes suivantes: Tu es audacieux. Tu es audacieux? Sois audacieux!
Oh, comme tu es audacieux!
La dénomination de constituant de phrase peut engendrer des confusions, parce
que cette étiquette s’applique aussi au SN1 et au SV, comme éléments fondamentaux de
toute phrase noyau. Voilà pourquoi nous considérons que ce serait mieux de parler de
types de phrase, pour ne pas prêter à des ambigutés. Les théoriciens de la GGT
distinguent entre deux types de constituants de phrase:
 obligatoires, qui représentent les quatre modalités énonciatives. Ils sont appelés
ainsi parce que toute phrase doit nécessairement contenir l’un d’eux. Ils sont structurés en
paradigme, s’excluant mutuellement4.
 facultatifs, qui peuvent être co-occurrents aux premiers, tels que: la Négation,
l’Emphase et le Passif. Les grammaires plus récentes ajoutent le quatrième type de
constituant facultatif, l’Impersonnel. La règle générale (=la forme canonique) de
réécriture des constituants de phrase est:
Const. P Assertif + (Nég.) + (Emph.) + (Passif) + (Impers)
Interrogatif
Impératif
Exclamatif
2. Règles de combinaison
En principe, tout constituant obligatoire peut se combiner avec un ou plusieurs
constituants facultatifs. La seule restriction de combinaison est d’avoir un seul constituant
obligatoire + un/plusieurs constituant(s) facultatif(s)5. Par exemple:
Assert + Négatif: Je ne mange pas ce croissant.
Interrog + Emphase: Marc, c’est toi qui mangeras ce croissant?
Impér + Négatif: Ne mange pas ce croissant!
Exclam + Négatif : Que de croissants n’a-t-il pas mangés!
Inter + Nég + Pas: N’a-t-elle pas été prévenue de ma visite?
Assert + Nég + Emph: Ce n’est pas Marie qui me l’a dit.
Pourtant, toutes les combinaisons de constituants ne sont pas possibles, vu
certaines contraintes de compatibilité sémantique. Si pour la phrase assertive,
interrogative et exclamative on n’enregistre pas de restrictions quant à la combinaison des
constituants obligatoires + facultatifs, dans le cas du constituant Impératif on enregistre:
4
Nous allons employer le terme de Assertif à la place de Affirmatif¸ pour des raisons que nous expliquerons en détail au
chapitre réservé à la phrase assertive.
5
“La formule de réécriture de CONST avec le choix obligatoire entre Affirm, Interrog et Impér, qui sont donc
mutuellement exclusifs, rend compte de l’impossibilité d’avoir une interro-impérative, ou une impéro-interrogative, ou
une affirmative-interrogative, ou une affirmative-impérative (J. et F. Dubois, 1970:137-138).

5
a) soit des combinaisons exclues: *Impératif + Impersonnel
Cette combinaison est exclue étant donné le fait que l’impératif exige un
destinataire précis (de la II-ème personne du singulier/pluriel ou de la I-ère personne du
pluriel), tandis que l’impersonnel exige un sujet spécifique, un pronom impersonnel (il,
ce, ça, cela);
b) soit des combinaisons rares: Impératif + Passif
Cette combinaison exige un verbe à deux actants nominaux humains (le sujet et le
complément d’objet direct): Soyez bénis! Sois maudit! Soyez remerciés!
Dans toutes ces constructions, le complément d’agent n’est pas normalement
exprimé.
3. Critères de classification
Les constituants obligatoires de phrase se distinguent, entre autres, selon deux
critères fondamentaux:
3.1. Le critère formel
Selon leur forme, les phrases assertives, interrogatives et exclamatives peuvent se
présenter comme:
 des structures organisées, où les deux constituants obligatoires de la phrase (SN et
SV) sont explicités: Marie écoute le battement de son coeur. Quel âge a-t-il dit? Que de
monde est arrivé à ce spectacle!
 des structures inorganisées, où un seul6 des constituants obligatoires est explicité,
l’autre étant implicite: Silence. Pas de bruit dans la rue. Que lui dire? Où aller
maintenant? Oh, la belle musique!

3.2. Les moyens d’expression employés:


 suprasegmentaux (non discrets): intonation, accent.
Tu pars. (intonation neutre, assertive)
Tu pars? (intonation non assertive, ascendante)
Elle est belle! (intonation non assertive, descendante)
 segmentaux (discrets): ordre des mots dans la phrase
- ordre progressif Sujet + Verbe: Michel dort.
- ordre régressif Verbe + Sujet: Viennent les vacances. Peux-tu m’aider?
Est- elle belle!
 séquentiels (tactiques): périphrases, exposants, particules interrogatives, mots affectifs
(employés surtout dans les phrases interrogatives et exclamatives).
Est-ce que ton ami t’a annoncé la nouvelle? Tu comprends ce que je dis, non?
Ça va-ti, mon gars? Du diable si je comprends quelque chose.

I. Les constituants obligatoires


Chapitre 2
La phrase assertive
1.0. La phrase assertive est basée sur un constituant obligatoire de phrase, par
laquelle le locuteur communique simplement une information. C’est le type le plus
fréquemment employé et le moins marqué d’affectivité. L’assertion prend en charge le
contenu positif ou négatif d’une phrase: Marie parle l’italien. Marie ne parle pas
6
Dans le dirème exclamatif (=phrase exclamative inorganisée) les deux constituants sont explicités, mais ils sont
grammaticalement disjoints par une pause relative (marquée en écrit par une virgule).

6
l’italien. Voilà pourquoi on préfère d’habitude le terme de assertif à la place de
affirmatif, justement pour le fait que normalement affirmatif s’oppose à négatif, or, la
phrase assertive peut revêtir les deux formes (affirmative ou négative).
2. Caractéristiques de la phrase assertive
Nous envisageons les caractéristiques de la phrase assertive à trois niveaux.
2.1. Au niveau graphique
La phrase assertive, qu’elle soit affirmative ou négative, est délimitée par une
pause longue ou définitive, marquée graphiquement dans le code écrit par un point
(séparateur fort entre phrases), par des points de suspension (marquant une phrase
sémantiquement ou syntaxiquement inachevée), le point virgule (variante faible du point,
signalant deux phrases syntaxiquement indépendantes, mais nécessairement reliées par un
lien textuel ou sémantique fort) ou deux points 7 (marquant un rapport essentiellement
sémantique):
La frontière était au bas de la rue Raynouard. (Green) Titus n’a pas vu autre
chose que ce que tu vois… (Ibid) Il a accepté; moi, j’ai refusé. Marie est ravie: elle va
enfin pouvoir réaliser son rêve.
2.2. Au niveau oral (suprasegmental)
La phrase assertive, quelle que soit sa structure, se caractérise par un contour
intonatoire neutre, d’habitude descendant en fin de phrase:
a) la phrase assertive est affirmative et présente l’ordre: Sujet + Verbe + Circonstanciels:
Nous partirons  cette nuit. 
b) la phrase assertive est affirmative et présente l’ordre Circonst. + Sujet + Verbe:
Demain,  j’irai à Paris. 
c) la phrase assertive est négative: Marie  n’est pas venue. 
2.3. Au niveau segmental
La phrase française se caractérise par l’ordre progressif des constituants, c’est-à-
dire Sujet + Verbe + Dét. (Obligatoires + Facultatifs):
Elle gagnait les quais, étouffant peu à peu les lumières. (Green)
Déjà on ne voyait plus la rive opposée. (Id)
Une autre caractéristique du français est que le sujet (personnel ou impersonnel)
s’exprime de règle, sauf quelques cas limités, fait qui le distingue du roumain où
l’expression du sujet est ressentie comme une sorte d’emphase:
J’ai lu tes poésies. Ţi-am citit poeziile. (neutre)
Eu ţi-am citit poeziile. (emphase)
Il y a pourtant quelques situations où cet ordre est inversé, pour des raisons
stylistiques, et l’on a un ordre régressif: Verbe + Sujet + Dét (Oblig + Fac.) / Dét (Oblig +
Fac.) + Verbe + Sujet. On enregistre deux situations d’inversion stylistique:
 avec un sujet nominal, si le verbe est à un temps simple, jamais avec un temps
composé: Au coin de la rue s’élevait la vieille cathédrale. En sa peau mourra le renard.
Arrive le printemps.
 avec un pronom sujet (personnel, impersonnel, indéfini) après certains adverbes ou
locutions adverbiales. L’inversion est pourtant obligatoire dans la langue littéraire.
A peine semblait-il entendre. (Vercors) En vain fit-il toutes ces démarches, qu’il
n’obtint rien finalement. Peut-être redoute-t-il mon contact. (Jouhandeau) Encore
7
Associés aux guillemets, les deux points servent à introduire des citations: Le ministre de l’extérieur a déclaré: “La
situation internationale est très tendue”.

7
faut-il croire que ce fantôme a pris la perruque du partisan. Sans doute partira-t-
elle à la maison demain matin. (Mérimée) Ainsi demeura-t-elle un très long
moment. (Flaubert) Aussi faut-il pour leur répondre une certaine habitude de leur
monde.
 Il y a aussi certains verbes tels que: arriver, être, paraître, rester, suivre,
survenir, venir qui sont suivis du sujet, surtout dans les langues de spécialité
(mathématiques, style administratif, juridique, indications scéniques, etc):
Restent les témoignages des auteurs anciens. Soit le triangle ABC.
Suivit une série de lois draconiennes. Entrent les figurants.
 A cela s’ajoutent les propositions intercalées ou incises, définies par M.Grevisse
(1986:138) comme des ”propositions généralement courtes, tantôt insérées dans le corps
de la phrase, tantôt rejetées à la fin de la phrase, pour indiquer qu’on rapporte les paroles
de quelqu’un ou pour exprimer une sorte de parenthèse“:
Donne-lui tout de même à boire, dit mon père. (Hugo)
J’ai heurté, savez-vous, d’incroyables Florides. (Rimbaud)
3. Classification des phrases assertives
En appliquant le critère formel, on distingue deux types de phrases assertives, selon
le fait que les deux constituants obligatoires sont explicités ou non dans la structure
superficielle:
 organisées:
En fin d’après-midi, je suis entré à l’hôtel Biron pour voir l’exposition de
sculpture italienne contemporaine. Dans l’affreuse petite chapelle néogothique,
un évêque de Manzù fait un effet extraordinaire de simplicité majestueuse...
(Green)
 inorganisées (= elliptiques):
Rue de Paradis ce matin pour acheter des verres. Un magasin après l’autre, tout
étincelants de cristal. Baccarat, Saint-Louis, etc. La belle rue étroite, vivante,
puis la rue de Trévise encore plus belle avec la place ornée d’une fontaine. (id)
4. Le mode du verbe régissant
La phrase assertive ne se caractérise pas par l’emploi spécial d’un certain mode
verbal. D’habitude, c’est l’indicatif, (1) le conditionnel (2) ou l’infinitif de narration (3)
qui apparaissent, le plus souvent, comme verbes régissants dans les phrases assertives
affirmatives ou négatives:
(1) Le Proviseur nous fit signe de nous rasseoir. (Flaubert) La ville, en effet, ne
sourit qu’à ceux qui l’approchent et flânent dans ses rues; à ceux-là, elle parle
un langage rassurant et familier, mais l’âme de Paris ne se révèle que de loin et
de haut. (Green)
(2) Sur ces entrefaites, l’obstacle se dressa, mais si formidable que rien n’y
résisterait. (P. de La Gorce) Les seuls traités qui compteraient sont ceux qui
concluraient entre les arrière-pensées. (P.Valéry)
L’infinitif de narration est un mode employé dans les récits, se rapportant au
passé, pour exprimer une action se déclenchant vivement, conséquence d’une autre action
qui précède:
(3) Et bouquillons de perdre leur outil, / Et de crier pour se faire rendre. (La
Fontaine)
5. Valeurs de contenu de la phrase assertive

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La phrase assertive peut acquérir plusieurs valeurs de contenu, en fonction du
contexte et de la façon dont la relation entre le locuteur et l’acte qu’il produit (=acte
locutif) est envisagée. A part sa valeur propre (descriptive ou performative), la phrase
assertive peut avoir aussi une valeur interrogative ou injonctive:
J’ignore si Marie a pu prendre le train de 7 heures. Je me demande où elle a pu
passer la nuit. Je vous ordonne de vous retirer tout de suite. Je vous prie de
fermer la fenêtre.

Chapitre 3
La phrase interrogative
1.0. L’interrogation est un constituant obligatoire de phrase, qui se présente sous
la forme d’une question posée par le sujet parlant pour obtenir une réponse.
- Est-ce que j’y peux quelque chose? s’écria-t-il un jour, impatient.
- Quoi donc? fit Rodolphe. (Flaubert)
1.1. Classification des phrases interrogatives
Les phrases interrogatives peuvent être classifiées selon plusieurs critères.
1.1.1. le critère formel
En fonction de la présence ou de l’absence des constituants obligatoires de la
phrase (le SN sujet et le SV), les phrases interrogatives peuvent être de deux types:
 organisées:
Vous êtes la première, madame? Vous n’avez pas de domestiques?
 inorganisées:
- Et ces Arabes? (Verne) - Combien vos noisettes? (Balzac)
Rester encore ou décamper sur le champ?
1.1.2. la complexité de la phrase
La phrase interrogative peut se présenter comme une structure où la question est
posée directement et qui finit par un point d’interrogation comme marque explicite de la
question, ou sous la forme d’une phrase pseudo-assertive où la question apparaît de façon
indirecte, dans une structure subordonnée. Selon la forme sous laquelle se réalise la
question, les phrases interrogatives peuvent être:
 directes, apparaissant d’habitude en structure profonde, tout comme en structure
superficielle, sous la forme de phrases simples. La question posée constitue une phrase
indépendante, marquée explicitement par un point d’interrogation:
C’était un lundi ou un mardi du mois de juillet? (Daudet)
Qui est-ce? C’est vraiment votre oncle? (Michaux)
Parfois, elles peuvent apparaître dans une structure complexe, après un verbe
performatif de type (se) demander, vouloir savoir, ne pas savoir, ignorer, etc:
Voulez-vous savoir ce qu’ils ont fait en réalité? (Gide) Sais-tu pourquoi ça
marche, un moteur? (Troyat) Mais, malheureuse, tu ne sais pas qui t’attend dans
la montagne? (Daudet)
 indirectes, sous la forme d’une subordonnéee complétive après un verbe performatif,
contenues dans des phrases affirmatives, injonctives ou même interrogatives:
Je me demande parfois si nos usagers ne sont pas insensés. (Michaux) Allons voir
s’il y a des modifications à l’horaire. Etes-vous souffrante ou si c’est un caprice?
Je me demande si j’en ai eu un autre depuis. (Maupassant) A l’époque j’ignorais
quel nom il portait.

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1.1.3. l’incidence de la question et la possibilité de réponse
La question peut porter sur tout l’énoncé ou seulement sur un certain constituant
de la phrase. La possibilité de réponse dépend, elle aussi, du type de la question. De ce
point de vue, les questions peuvent être:
 totales, lorsqu’elles appellent une réponse par oui, non ou une variante: peut-être,
certainement, sans doute, nullement, pas du tout etc.
Ils sont venus avec leurs pirogues? Oui, monsieur. (Verne)
Ne vont-ils pas pénétrer à l’intérieur du Nautilus? Non, monsieur, on n’entre
pas par les panneaux du Nautilus même quand ils sont ouverts. (id)
Vous voulez le savoir? Certainement. (Dumas)
 partielles, lorsqu’elles portent sur l’un des constituants de phrase, autre que le groupe
prédicatif et elles sont introduites par un mot interrogatif: qui, quel, que, comment, où,
combien, pourquoi, etc:
Qu’est-ce que vous voulez que je fasse? Rien de spécial...
Qui te l’a dit? Et que se passe-t-il?
2. Caractéristiques de la phrase interrogative
2.1. au niveau graphique
En structure superficielle, la phrase interrogative directe se termine dans le code
écrit par un point d’interrogation et parfois même par un point d’exclamation:
Et tu trouves que c’est gentil? (Rolland) Qu’allait-il arriver pendant une
expédition sujette à tant d’éventualités graves! (Verne)
La phrase interrogative indirecte se termine par un point.
J’ignore si vous avez ou non cette maladie. (Camus) Perplexe, il se demandait
s’il allait les accompagner et quelles mesures ils allaient prendre contre lui.
(Fournier)
2.2. au niveau suprasegmental
L’intonation joue un rôle essentiel dans la phrase interrogative. La simple courbe
mélodique ascendante peut apparaître comme marque suffisante pour l’interrogation:
Vous partez déjà?
2.3. au niveau segmental
Dans la phrase interrogative on peut trouver autant l’ordre normal, progressif des
mots, que l’ordre régressif. Cette préférence pour un procédé ou pour l’autre relève:
 du niveau de langue (langue courante et familière/vs/langue littéraire):
Tiens, vous travaillez? Qu’y a-t-il? Qui est-ce?
 conditions et nature du message (oral/vs/écrit, dialogué/vs/non dialogué):
a) texte dialogué, oral:
- Votre nom? - Cody. - Ça s’écrit comment? - C…o…d…y. - Prénom?
b) texte non dialogué:
- oral:
Est-ce un songe? se dit Candide. Veillé-je? Suis-je dans cette galère? Est-ce là
monsieur le baron que j’ai tué? Est-ce là monsieur Panglos que j’ai vu pendre?
(Voltaire)
- écrit:
Il y avait des questions dans ta lettre qui m’ont fait penser à maintes choses. Par
exemple: Que pense-t-on, dans les milieux de modeste extraction, de la chicorée?
Aime-t-on la purée toute faite, et pourquoi? Parce qu’elle est légère? Parce

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qu’elle est si facile à faire? Trouve-t-on vraiment que les voitures d’enfants sont
chères? N’est-on pas toujours prêts à faire un sacrifice pour le confort des
petits? (Perec).
 incidence interrogative (type d’interrogation, nature et position du mot sur lequel porte
la question):
- Tu veux voir le jardin derrière?
- Tu demandes si je veux le voir? Mais évidemment! (Fessaguet)
J’ignore sous quelle latitude elle est située. (Baudelaire)
2.4.au niveau séquentiel
Dans la phrase interrogative directe totale on emploie toute une série de procédés
tactiques tels que la périphrase, les exposants et les particules interrogatives, procédés
que nous discuterons en détail dans 3.
Est-ce que tu es jalouse de cet imbécile-là? (Mérimée)
C’est un train excellent, n’est-ce pas? (Michaux)
3. La phrase interrogative directe
3.1. La phrase interrogative directe totale
La phrase interrogative totale affecte le groupe prédicatif dans son ensemble. Elle
peut affecter seulement le verbe (Il pleut? Votre frère viendra-t-il?) ou bien elle peut
porter sur le verbe en relation avec un autre constituant de la phrase: Il pleut souvent
dans cette région? C’est demain que votre frère viendra?
Il y a plusieurs procédés utilisés pour réaliser une interrogation directe totale,
différenciés du point de vue de la fréquence de leur emploi et du niveau de langue
(langue familière, populaire/vs/littéraire).
3.1.1. Le procédé mélodique consiste à prononcer une certaine phrase sur une
intonation montante. Ce contour intonatoire ascendant peut apparaître comme une
marque suffisante à une interrogation: Tu ne m’as jamais aimée?  (Stendhal)
C’est un procédé employé surtout dans la langue parlée ou dans les textes qui
reproduisent la langue parlée, parce qu’il présente l’avantage d’une économie de moyens
prosodiques et linguistiques. La langue écrite ne le favorise pas trop, parce qu’elle est
privée de support prosodique et gestuel.
3.1.2. Le procédé périphrastique avec est-ce que s’emploie dans la langue
courante, que dans la langue littéraire. L’emploi de la périphrase est-ce que présente
l’avantage de maintenir l'ordre progressif sujet + verbe et de renforcer la courbe
mélodique ascendante, qui constitue la marque constante de l’interrogation. Dans la
phrase interrogative totale la périphrase est-ce que est placée en tête de phrase8 et le sujet
précède obligatoirement le verbe, sans être repris par un pronom personnel
correspondant:
- Est-ce que tu le vois souvent? - Il vient quelquefois ici. - Est-ce que monsieur le
ministre vous a dit cela? - Mais oui, naturellement. (Paluel-Marmont)
Le tour avec est-ce que est très courant à la première personne du singulier du
présent de l’indicatif et il permet de remédier aux interdictions de l’inversion des
pronoms je et ce:
Est-ce que je perds la tête? *Perds-je la tête?
Est-ce que ce furent ses dernières paroles? *Furent-ce ses dernières paroles?
8
Dans la phrase interrogative directe partielle est-ce que se place immédiatement après le mot interrogatif qui est
l’ouvreur de la phrase: Qui est-ce qui est venu? Lequel est-ce que tu as choisi? Comment est-ce que tu es arrivé ici?

11
3.1.3. Le procédé inversif s’emploie lorsqu’on fait l’inversion simple ou
complexe du sujet grammatical.
3.1.3.1. L’inversion simple se fait lorsque le sujet est un pronom personnel (y
compris les pronoms impersonnels il, ce et le pronom indéfini on).
Puis-je me permettre alors de vous offrir un petit café?
Comme il présente des inconvénients phonétiques sérieux, il a été complètement
abandonné en français populaire et familier, de même qu’en français écrit, s’il y a un
verbe à la première personne du singulier de l’indicatif présent. Font exception quelques
énoncés interrogatifs stéréotypés:
Puis-je vous attendre ici? Sais-je ce que je veux exactement? Dois-je te croire sur
parole? Suis-je si bête? Ai-je la patience de supporter tout cela jusqu’au bout?
Ce procédé a été abandonné en français parlé parce qu’il entraîne une
modification désinentielle pour les verbes du premier groupe, modification considérée
comme pédante: aimé-je?, parlé-je?, mangé-je? A la troisième personne du singulier,
lorsque le verbe à un temps simple ou composé finit par une voyelle, on emploie
obligatoirement un t euphonique pour bloquer le hiatus:
Pense-t-elle y revenir un jour? Viendra-t-il nous voir en fin de semaine?
Si le verbe est à un temps composé ou au passif, le pronom se place
immédiatement après le verbe avoir ou être:
Avez-vous terminé votre lecture? Serait-il tombé du cheval? Avait-il été
convaincu?
3.1.3.2. L’inversion complexe désigne la reprise du sujet nominal antéposé au
verbe fini par un pronom de la troisième personne (du singulier ou du pluriel, du
masculin ou du féminin: il/ils, elle/elles), autre que ce ou on. L’avantage que cette
tournure présente est, tout comme dans le cas de est-ce que, de rétablir l’ordre séquentiel
normal dans la phrase. L’inversion complexe se réalise dans les situations suivantes:
- le sujet est un substantif: Ta soeur est-elle déjà partie?
- le sujet est un pronom possessif: Les miens auront-ils une meilleure destinée?
- le sujet est un pronom démonstratif: Celle-ci m’apportera-t-elle des nouvelles?
- le sujet est un pronom indéfini: Quelqu’un viendra-t-il ce soir?
3.1.4. Le procédé par exposants emploie toute une série de formules bloquées
qui confèrent à la phrase qui les précède une valeur interrogative. Ces formules peuvent
apparaître à la forme affirmative ou négative: tu sais?/vous savez?, vrai?, dis?, hein?, au
moins?, non?, n’est-ce pas?, ne croyez-vous pas?, ne pensez-vous pas?, etc.
On m’a dit chez le confiseur que tu y venais très souvent en compagnie de trois
petites Anglaises de ton âge, c’est exact? (Cendrars) Il faut que j’y aille, dis?
(Mérimée) Mais quoi! Elle sanglotait, vous savez? (Gide) Tu crois que ma main
tremblera sur l’opinel, hein? Vous aimez cette fille, non? Mais les Wisigoths ne
seront plus aussi forts maintenant, n’est-ce pas?
Le rôle des exposants est de désinverseurs de la phrase interrogative, c’est-à-dire
de garder l’ordre progressif sujet + verbe. Quant à la place qu’ils occupent, on constate
des exemples donnés au-dessus qu’ils sont placés d’habitude en fin de phrase, plus
rarement après une partie seulement de la phrase et même en tête de phrase:
Dites, chuchotait la grande Prunaire à la petite Vadon, avez-vous vu ses bottines?
(Zola) On va casser la croûte, dis, et après on finira le boulot?

12
3.1.5. Le procédé à particule est marqué stylistiquement, ne s’employant que
dans la langue très familière et populaire. La particule interrogative –ti provient du –t
euphonique. Ce dernier n’apparaissait qu’avec un sujet pronominal de la troisième
personne du singulier. Le formant –ti peut s’employer pour toutes les personnes
verbales, l’orthographe de la particule étant très variée (t’y, ty, t-y, t’i, t’il, t-il, etc). Les
écrivains emploient ce procédé lorsqu’ils font parler des personnages du peuple, pour
imiter leur langage:
On travaille-t’y, m’sieur Bernard? (Maurois) Y savais-ty, moi, pauvre innocent?
(Genevoix) T’apprends-ti toujours bien à l’école? (Ernaux) Tu joues ou tu
n’joues-t’i pas, farce de ver? (Barbusse) Vous êtes-t-y prêts? (Dorgelès) Vous
auriez-t-il pas envie de ce bracelet de rien du tout? (Aragon)
En français populaire ce procédé se combine souvent avec la périphrase
désinversée c’est-ti que: C’est-ti bien vrai que M.Frédie a eu le fouet hier soir?
3.2. L’interrogation directe partielle
3.2.1. L’interrogation partielle ne peut pas s’accommoder d’une réponse par oui
ou non. Elle porte sur un élément de la phrase (appelé aussi constituant), autre que le
verbe fini, que le locuteur ignore et, d’habitude, elle a besoin d’un mot interrogatif qui
représente l’élément sur lequel on interroge. Le constituant sur lequel on interroge peut
être:
- un pronom: qui, que, quoi, lequel:
Qui est là? Que voulez-vous que ce soit? Quoi de nouveau allait apparaître dans
leur vie? Lequel d’entre nous est le plus absurde?
- un déterminant: quel, combien de:
Quel nom vous avez dit? Combien de fois a-t-il dit cela?
- un adverbe: où, quand, comment, pourquoi, combien, etc.
Combien as-tu encore? Comment fais-tu pour avoir deux pièces de cent sous?
Dans ce type d’interrogation, la courbe mélodique ne monte que sur le mot
interrogatif, pour descendre ensuite: Comment allez- vous?
3.2.2. Les procédés interrogatifs employés dans la phrase interrogative directe
partielle sont presque les mêmes que ceux employés dans la phrase interrogative directe
totale. Souvent, on observe un cumul de procédés:
- intonation ascendante sur le premier élément:
Qui est cette élève? Que me vaut tant d’honneur? (Garçon)
- mot interrogatif:
Qu’y a-t-il? Quel est le principe de la morale?
- inversion simple ou complexe:
Pourquoi ne veux-tu pas me croire? Mais comment le bateau a-t-il pu marcher?
- périphrase interrogative inversée, désinversée ou désagrégée9:
Qu’est-ce qui vous a pris d’entrer dans l’enseignement? Pour qui ce que vous me
prenez? De quoi qu’on cause? (R.Queneau)
3.2.3. La question peut porter sur n’importe quel constituant de phrase (sauf le
verbe fini), le choix de la forme du pronom interrogatif est en fonction des traits animé
du syntagme substitué et dépend de la fonction syntaxique remplie par le syntagme

9
La périphrase désinversée provient de est-ce que par le déplacement du sujet ce devant le verbe être (=c’est que); avec
la périphrase désagrégée, elle marque un parler familier ou populaire.

13
respectif. En fonction de la place occupée dans la phrase et du niveau de langue, le
pronom interrogatif peut avoir une forme tonique ou atone, simple ou renforcée.

+personne -personne
tonique atone tonique atone
qui quoi que

3.2.3.1 La question porte sur le sujet


Lorsque la question porte sur le sujet, on emploie soit la forme simple du pronom
interrogatif (renforcée ou non), soit la forme composée (renforcée ou non).
 La forme simple du pronom interrogatif n’est pas marquée en genre et en
nombre. Lorsqu’on l’emploie on doit tenir compte des traits animé du nominal sur
lequel porte la question:
a) sujet +animé: qui, qui est-ce qui
Qui donc décide de nos actions? Qui était-ce? Qui est-ce qui vous a donné cet
ordre? Qui c’est qui vous a dit ça? (Céline)10
b) sujet -animé: qu’est-ce qui, quoi, que, qu’est-ce qu’il11
Qu’est-ce qui12 distingue le comique du laid? (Bergson)
Cette forme est la seule admise en français littéraire pour interroger sur un sujet
non animé. On peut constater que le système français est lacunaire, du moment
qu’il n’y a pas de forme simple correspondant à cette forme renforcée. La forme quoi
s’emploie uniquement dans les phrases inorganisées, lorsque le verbe est effacé. Elle
apparaît comme ouvreur de phrase:
Quoi de plus grisant que de retrouver Paris après une sorte d’exil? (Green) Quoi
de nouveau dans leur vie? Quoi de neuf? Quoi de plus beau que l’amour? Quoi
de plus intéressant que la lecture d’un bon livre?
Cette forme apparaît fréquemment en langue familière, rejetée à la fin de la phrase,
lorsque le verbe est employé en structure impersonnelle:
Il se passe quoi chez vous? Il vous est arrivé quoi cette dernière semaine?
La forme que s’emploie lorsqu’on interroge sur le sujet d’un verbe impersonnel:
Que s’est-il passé? Que faut-il faire? Qu’y a-t-il? Que se passe-t-il?
Qu’arrivera-t-il? Que manque-t-il? Que vous importe?
Le système français dispose aussi de la forme parallèle, renforcée, qu’est-ce qu’il:
Et que t’a-t-il fallu pour cela? (Musset) Qu’est-ce qu’il te faut pour être
heureux?
Notons qu’avec les verbes susceptibles d’être construits soit personnellement,
soit impersonnellement, il y a parfois hésitation entre qui ou qu’il:
Qu’est-ce qui te prend?/vs/Qu’est-ce qu’il te prend?
c) sujet animé: lequel

10
Dans le langage familier, la périphrase désinversée tend à rétablir l’ordre normal, progressif. Le grammairien P.Le
Goffic considère que des tours comme: Qui c’est qui est arrivé? sont vulgaires (1993:225).
11
Statistiquement, les formes simples que et quoi dans les phrases averbales sont assez rarement employées; en plus
elles sont assez marquées stylistiquement, pour pouvoir les prendre en compte dans l’énumération des formes possibles
pour interroger sur un sujet non animé.
12
Entre la première partie de la question qu’est-ce et la partie qui codifie la fonction syntaxique du mot sur lequel on
interroge qui on peut intercaler donc: Mais qu’est-ce donc qui peut durer? (Camus)

14
La forme composée du pronom interrogatif est marquée en genre et en nombre.
La distinction animé est inopérante dans ce cas. Cette forme s’emploie lorsqu’on
exprime un choix dans une classe renfermant plusieurs objets du même type. Le pronom
interrogatif composé a un rôle important dans le maintien de la cohésion textuelle, ayant
la possibilité d’anticiper ou de reprendre un élément de la phrase: Lequel des deux
gagnera? (anticipant) De ces deux robes, laquelle est la plus belle? (évocateur) Il peut
être renforcé par la périphrase est-ce qui: Lequel est-ce qui prendra la parole?
3.2.3.2 La question porte sur le complément d’objet direct
Comme dans le cas précédant, on a la possibilité d’employer la forme simple ou
composée, renforcée ou non, du pronom interrogatif.
Qui tu as vu? Qui est-ce que madame votre mère veut disculper en lui offrant un
alibi? (Simenon) Que désirez-vous? Qu’est-ce que vous faisiez au temps chaud?
(La Fontaine)
Lorsqu’on emploie la forme simple du pronom interrogatif, on fait la même
distinction animé du nominal sur lequel porte la question.
a) complément d’objet +animé: qui, qui est-ce que.
Le français courant ou familier favorise le procédé mélodique, la périphrase
désinversée et le rejet du mot interrogatif en fin de phrase, tandis qu’en français soigné on
emploie surtout l’inversion. La forme renforcée s’emploie autant en français courant
qu’en français littéraire.
Qui tu vois? (fr.courant + fam); Tu vois qui? (fr.courant + fam); Qui c’est que
tu vois? (fr.fam + pop); Qui vois-tu? (fr.lit); Qui est-ce que tu vois? (fr.courant +
lit).
Si le sujet est un nominal et le verbe est transitif direct, la postposition du nominal
peut engendrer des ambiguïtés. Dans ce cas, on préfère l’inversion complexe ou la
périphrase, qui ne se prêtent pas à l’équivoque.
Quel médecin connaissait Paul? (structure ambiguë: Paul peut être sujet ou
complément d’objet direct) Quel médecin Paul connaissait-il? ou Quel médecin est-ce
que Paul connaissait? (structures non ambiguës)
b) complément d’objet -animé: que, quoi, qu’est-ce que.
Les observations sur l’emploi des procédés interrogatifs selon les divers niveaux
de langue restent presque les mêmes que dans le cas précédent. Notons pourtant
l’impossibilité d’emploi du seul procédé mélodique lorsque la phrase commence avec
que: *Que Paul veut?/ *Qu’il veut?
Dans le cas du sujet nominal, le déplacement de celui-ci est obligatoire après le
verbe: Que fait ton frère? Il est impossible de pratiquer l’inversion complexe, faute d’un
autre complément du verbe: *Que ton frère fait-il? Si le verbe est suivi d’un autre
complément, la reprise par un pronom clitique est possible: Que cette femme voulait-elle
te dire? Remarquons également que le rejet en fin de phrase du pronom interrogatif
entraîne une modification de la forme du pronom, à savoir l’emploi d’une forme tonique
quoi à la place de que. Cette forme apparaît même en tête de phrase, dans un emploi
limité, lorsque quoi est suivi d’une expansion (par ex. quoi d’autre).
Que demande le peuple? (fr.courant + lit); Le peuple demande quoi? (fr.fam +
pop); Quoi d’autre demande le peule? (fr.courant); Qu’est-ce que le peuple
demande? (fr.courant + lit); Que voulez-vous de moi? (fr.courant + lit).
c) complément d’objet animé: lequel.

15
Le pronom interrogatif composé lequel s’emploie autant pour l’objet +animé que
pour l’objet -animé, dans les mêmes conditions que pour le sujet:
- le référent est masculin ou féminin, singulier ou pluriel;
- il est antéposé ou postposé à l’élément interrogatif;
- il peut être renforcé par la périphrase est-ce que.
Laquelle de ces robes as-tu choisie? De ces deux robes, laquelle as-tu choisie?
Laquelle est-ce que tu as choisie? Tu as choisi laquelle?
3.2.3.3. La question porte sur l’attribut
Les formes employées pour poser la question sur un attribut peuvent être simples ou
composées, renforcées ou non.
Qui sont ces messieurs? (Simenon) Quel sera votre choix? (Sartre) Ils sont
devenus quoi? (Zola) Qu’est-ce que nous allons devenir? (Bradshow) Mais
qu’est-ce que c’est que cela, ma petite soeur? (id)
a) attribut +animé: qui, quel.
On utilise le pronom qui pour interroger sur l’identité de quelqu’un: Qui ce monsieur
est-il donc? Si l’on veut référer à la qualité de quelqu’un on emploie quel + N: Quelle
est votre soeur?
Quel ne s’emploie pas comme attribut de l’objet, il est uniquement l’attribut du sujet.
Si la question porte sur le déterminant de l’attribut, l’inversion simple est obligatoire:
Quelle est cette histoire d’auto?
En langue courante l’opposition identité/qualité tend à s’effacer.
Qui est cette femme?/ Quelle est cette femme?
b) attribut -animé: que, qu’est-ce (que), qu’est-ce que c’est (que), quoi (en
postposition):
Que sont-ils devenus? Qu’est-ce cette boîte? Qu’est-ce que c’est ça? Qu’est-ce que
c’est que cette bête-là? Ils sont devenus quoi?
3.2.3.4. La question porte sur un groupe prépositionnel
Les facteurs qui déterminent le choix du pronom interrogatif dans un groupe
prépositionnel sont:
- la nature personnelle ou non personnelle du référent sur lequel on interroge;
- le réalisateur du sujet et sa position dans la chaîne;
- le niveau stylistique.
Si l’on prend en considération le premier critère, on aura deux formes de pronoms
interrogatifs, suivant le trait inhérent du nominal sur lequel porte la question.
a) le nominal est +animé: Préposition + qui
A qui penses-tu? Sur qui comptes-tu? De qui parles-tu? Avec qui es-tu sortie en
ville?
b) le nominal est -animé: Préposition + quoi
A quoi penses-tu? Sur quoi séchera le linge? De quoi as-tu peur? Avec quoi tu
as ouvert la boîte de conserves?
Selon le deuxième critère, on peut employer comme procédé interrogatif
l’inversion simple si le sujet est réalisé par un pronom et l’inversion complexe
(obligatoire ou non) si le sujet est un nominal.
En quoi puis-je vous être utile? (inversion simple)
L’inversion complexe est non obligatoire avec un sujet nominal si le verbe ne
comporte pas d’objet direct:

16
Avec qui Marie partira en vacances? ou Avec qui Marie partira-t-elle en
vacances?
L’inversion devient obligatoire si le verbe a un complément d’objet:
Avec qui ton frère prépare-t-il ses examens?
Enfin, si l’on envisage le troisième critère, on choisira comme procédé
interrogatif l’interrogation mélodique en langue courante, le rejet du mot interrogatif en
fin de phrase, la périphrase désinversée ou désagrégée en français familier et populaire et
l’inversion complexe pour la langue littéraire:
Avec qui tu veux parler? (lg.courante); Pour qui c’est que vous me prenez? (lg.
fam + pop); Avec quoi que ça se nettoie? (lg. fam + pop); Elle est arrivée avec
qui? (lg. fam); De quoi est-ce que tu es mécontent? (lg. courante); Avec qui
partira ton frère? (lg. courante); De qui veux-tu me parler? (lg.courante); Sur
quoi le linge séchera-t-il? (lg.littéraire)
c) La forme composée du pronom interrogatif s’emploie pour un référent
animé, précédée d’une préposition, renforcée ou non de la périphrase est-ce que:
Auquel as-tu adressé la parole? De laquelle de ces deux découvertes il a été
question? Avec lequel est-ce que tu veux faire ce long voyage?
3.2.3.5. La question porte sur le complément du nom
Elle se réalise à l’aide du prédéterminant interrogatif quel et ses variantes. Le
substantif accompagne toujours le prédéterminant quel, ne permettant pas l’insertion d’un
autre élément: Quelles fleurs aimez-vous?
Les procédés interrogatifs employés sont les mêmes que dans les autres situations:
- contour mélodique ascendant sur le premier élément: Quel nom vous avez dit?
- inversion simple avec un sujet pronominal: A quelle heure est-elle arrivée?
- inversion simple ou complexe avec un sujet nominal: Quel appartement habite ta
soeur à Paris? Quelle impression cela vous a-t-il fait?
- rejet en fin de phrase (procédé familier): Vous lisez quels romans?
3.2.3.6. La question porte sur le circonstant
La question portant sur différents circonstanciels spatio-temporels ou notionnels
de la phrase se réalise par une série de substituts adverbiaux interrogatifs quand, où,
comment, combien, pourquoi, qui peuvent se combiner avec certaines prépositions, telles
que: de, depuis, par, jusque, à etc:
D’où viens-tu, Alcofibras? (Rabelais) Jusqu’où ne serais-je monté? (Mauriac)
Depuis quand y es-tu? (id) Alors, à quand le mariage? (Beaumarchais) Depuis
combien de temps êtes-vous ici? (Simenon) Jusqu’à quand payez-vous vous
dettes? (Hugo) Par où dois-je passer? (Racine)
L’interrogation se rapportant aux circonstants connaît une grande variété de
formes, du simple procédé mélodique, jusqu’au cumul des procédés:
-adverbe interrogatif + procédé mélodique: Comment ça va, chérie? (Colette)
- adverbe interrogatif + inversion simple: Comment avez-vous l’intention de m’aider?
Pourquoi ne veux-tu pas me croire? Où courez-vous ainsi? Quand sera-t-elle avec
nous? Combien voulez-vous d’argent pour la rançon?13 (Voltaire)
13
L’adverbe combien peut se trouver en position de quantificateur d’un GN. D’habitude, le quantificateur n’est pas
dissocié du nom qu’il détermine: Depuis combien de temps êtes-vous ici? Parfois, cette dissociation est possible,
surtout à des fins stylistiques: Combien avez-vous laissé ici d’amis? (Racine) Combien Paul a-t-il gagné de points?
La langue courante ne la pratique pas normalement, vu le lien étroit établi entre combien et le nominal qu’il quantifie,
surtout dans les structures demi-figées, telles que combien de temps: ?Combien comptez-vous rester ici de temps?

17
- adverbe interrogatif + déplacement du sujet nominal après le verbe: Où donc est le
jeune mari? / Que vous m’avez promis? (La Fontaine) Où sont les anciennes troupes de
ton père maintenant? (Bradshow) Quand arrivera le bateau? (Gide)
- adverbe interrogatif + inversion complexe: Pourquoi les ouvriers débrayent-ils?
(Sartre) Combien cela coûte-t-il? Combien d’entre nous auraient-ils droit au titre
d’hommes? Où madame de Turin passe-t-elle son temps? (Laclos)
- adverbe interrogatif + périphrase désagrégée ou non: Pourquoi est-ce que vous saluez
cette Cambremer? (Proust) Quand est-ce qu’on s’en va? D’où est-ce que M-me
Swann a pu pêcher ce monde-là? (Proust) Pourquoi c’est-y qu’ils sonnent à la grille?
(Lemoine)
- adverbe interrogatif + que (= procédé populaire): Pourquoi qu’elle n’écrit jamais?
(H.Bazin) Comment que ça va? (Zola) Combien qu’ils sont? (Petit Robert)
- adverbe interrogatif rejeté en fin de phrase (= procédé familier): Et tu as payé
combien? (Bourges) Elle est partie où, la petite soeur? (San Antonio)
- adverbe interrogatif + mot interrogatif (les adverbes déjà, bien, donc) ayant le rôle de
renforcer les adverbes interrogatifs: Où peut-il donc bien être? (Hugo) Et quand cela
serait bien? (Mauriac) Comment donc s’appelle-t-il déjà? (Hugo)
4 4.4. Valeurs de contenu de la phrase interrogative directe
4.4.1. Valeurs interrogatives
La valeur sémantique principale de la question est un appel ou une demande
d’informations, portant sur:
 identification d’un actant, qui peut être:
- agent de l’action: Qui fait l’imbécile? Qui est-ce qui m’a cherché hier?
- patient de l’action: Qu’est-ce que tu dis? Tu manges quoi? Quel genre de vélo tu veux
pour ton anniversaire? Laquelle des deux robes tu préfères?
- destinataire ou bénéficiaire: A qui avez-vous parlé? Pour qui est ce chocolat?
- instrument ou moyen: Avec quoi tu as ouvert cette boîte? Il a réussi grâce à quoi?
 identification d’une action: Vous faites quoi ce soir? Qu’est-ce qu’il fait maintenant?
 identification d’un circonstant
- de cause: (Pourquoi + pour quelle raison) tu es parti sans moi?
- de but: Dans quel but a-t-il agi ainsi? Il travaille, oui, mais pour quoi faire?
- de lieu: Où étiez-vous hier à midi? D’où tu viens? Jusqu’où a-t-il pénétré? Par où est-
il passé?
- de temps: Quand se décidera-t-il de regarder la réalité en face? Jusqu’à quand tu
prendras seul des décisions qui nous concernent aussi? Depuis quand tu m’attends? Et
la fête, c’est pour quand?
- de manière: Comment chante-t-elle? De quelle façon s’y est-il pris?
- de quantité: Combien coûte le kilo? Quel poids fait ce canard?
 confirmation d’une opinion que le locuteur s’est déjà formée:
- Tu ne m’aimes pas? Tu es las de mes folies, de mes remords? Tu veux me
perdre? - Et si c’était comme ça? (Stendhal)
 appel d’information dans les messages dialogués:
- Il meurt? - Je ne crois pas. (Michaux)
Combien peut s’employer seul, quand il est synonyme du groupe nominal combien de gens: Combien ont réglé leurs
dettes avant la fin de l’année?

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 reprise d’une proposition déjà énoncée: (Cette proposition peut être interrogative ou
non. Dans ce cas, l’emploi du procédé inversif est exclu).
- Tu crois que tu y connais quelque chose à ton moteur. D’abord, sais-tu pourquoi
ça marche, un moteur? - Non. -Tu ne sais pas? Tu ne sais pas pourquoi un
moteur marche? (Troyat)
- Vous pensez qu’il a l’intention de m’aider? - Si je le pense? (Villiers Plon)
 interrogation hypothétique:
Si on allait leur apporter ce petit monstre à allaiter? (Finbert)
 interrogation rhétorique:
- Je m’excuse d’avoir quelque peu forcé votre porte, d’autant plus que vous
n’avez sans doute jamais entendu prononcer mon nom? - Jamais, avoua
tristement Mordant. (Simenon)
Quelle charmante femme! Oui, ravissante! Qui ne la connaît? (Maupassant)
Je suis fou, Thérèse. Mais qui ne l’est pas? (France)
 questions écho:
- As-tu vu passer un homme tout à l’heure? - Si j’ai vu passer un homme?
(Romains)
- Que dis-tu? - Ce que je dis? -Oui, qu’est-ce que tu dis d’avarice et
d’avaricieux? (Molière)
 demande d’assentiment portant sur:
- une demande de compréhension: Tu vois ce que je veux dire, hein? J’ai raison, n’est-
ce pas?
- une demande de point de vue: Tu crois que tu as intérêt à t’inscrire au concours? Tu
trouves ça bien, ce qu’il a fait?
 interrogation délibérative:
Et le soldat se mit à songer. Que va-t-il faire? Que va-t-il devenir? Rejoindre son
armée?… Mais comment? Mais par où? (Maupassant)
Aller par terre à Jérusalem? Attendre une autre année? (Chateaubriand)
4.4.2. Valeurs assertives
(1) Qui ne sait que l’intérêt nous sépare tandis que l’intelligence nous unit. (Léo
Aposte, 1981:23)
(2) Est-ce que vous avez déjà tué beaucoup de lions, monsieur Tartarin? Si j’en ai
beaucoup tué, monsieur?… Je vous souhaiterais d’avoir seulement autant de
cheveux sur la tête. (Daudet)
(3) - Dites-moi, docteur, si je tombais malade, est-ce que vous me prendriez dans
votre service à l’hôpital? - Pourquoi pas? (Camus)
Dans (1) la structure interrogative qui ne sait… n’est plus perçue comme
réellement interrogative, mais plutôt comme un totalitaire indéfini tout le monde/tous.
Dans (2) la réponse-question équivaut a une assertion de type oui, certainement, j’en ai
beaucoup tué. Dans (3), la réplique du docteur (Pourquoi pas?) équivaut à une
affirmation du type Oui, certainement.
4.4.3. Valeurs exclamatives
Réfléchissez dans quelle aventure vous vous embarquez! (LeGoffic, 1993:265)
4.4.4. Valeurs correspondant à différents actes de parole indirects: (Gilles
Fauconnier, 1981:45-46)

19
 offre: Voulez-vous que je vous accompagne? Moi aussi j’habite ce quartier. Avez-vous
besoin de mon aide? Aimeriez-vous faire un tour en ville? Permettriez-vous que je ferme
la porte?
 promesse: Ma promesse solennelle de me désister vous suffira-t-elle?
 ordre: Veux-tu te taire? Sinon je te mettrai à la porte. Voulez-vous porter ce paquet à
la gare? Je suis débordé de travail et je n’ai pas le temps de le faire moi-même.
 excuse: Me pardonnerez-vous? Je n’ai pas eu l’intention de vous offenser. Pourrais-je
jamais me faire pardonner? Comment me faire pardonner?
 conseil: Ne pourriez-vous pas ajourner votre voyage? Le temps est sur la pluie. Ne
devriez-vous pas aller voir un médecin? Vous avez l’air pâle.
5. La phrase interrogative indirecte (percontative) 14 apparaît sous la forme d’une
subordonnée complétive, l’interrogation étant rattachée à un support.
Comment t’appelles-tu? J’ignore comment tu t’appelles.
5.1. Le support de la phrase interrogative indirecte peut être:
- un verbe performatif ou un verbe de connaissance de sémantisme négatif: dire, (se)
demander, savoir/ne pas savoir, ignorer, regarder, voir, comprendre, sentir, etc.
On sait sous quelle discipline sévère vivaient les troupes de Charles XII. Une
trentaine de matafs de toutes les nationalités se battaient pour savoir qui
monteraient les premiers. (Lecamp) Dis-moi au moins s’il s’agit de quelque
chose d’agréable. (Balzac) Elle ne lui demandait pas ce que les autres lui avaient
fait, mais ce qu’il avait fait, lui. (Balzac) Je ne saurais pas vous dire qui sont les
plus vilains. (Sartre) Il ne savait plus quand. (Proust) Je vais voir, dit
Cendrillon, s’il n’y a pas quelque rat dans la ratière, nous en ferons un cocher.
(Perrault)
b - une locution verbale:
Je suis dans l’incertitude si pour me venger de l’affront je dois me battre avec
mon homme ou bien le faire assassiner. (Molière)
Je suis très incertain si je me retirerai à Londres. (Voltaire)
5.2. Les marques de l’interrogation indirecte
Les subordonnées interrogatives indirectes ne comportent pas de mélodie
montante; elles ne sont pas suivies d’un point d’interrogation, sauf si elles ne sont
intégrées dans une interrogation directe:
Voulez-vous me répéter ce que vous avez entendu le soir du crime?
D’habitude, le contour de l’interrogative indirecte est assertif, neutre et la
séquence est non inversive. Dans ce type, on garde les mêmes niveaux d’incidence de
l’interrogation, à savoir totale et partielle.
5.2.1 L’interrogation indirecte totale est toujours introduite par le connecteur si.
Aucun autre procédé utilisé dans l’interrogative directe totale n’y apparaît dans la langue
soignée, littéraire.
Il voulait savoir si le Nègre n’éprouvait que de bonnes intentions à l’égard du
nouveau-né. (Supervielle) J’ignorais pour le moment si Gaspard avait reçu mon
message. (Hôtel)

14
Il ne faut pas confondre la percontative avec les complétives proprement dites qui apparaissent après les mêmes
classes sémantiques des verbes de connaissance, de perception ou déclaratifs: Paul ne sait pas que sa mère est partie
(=complétive)/vs/Paul ne sait pas si sa mère est partie (=percontative); Paul m’a dit qu’il allait là
(=complétive)/vs/Paul m’a dit où il allait. (percontative)

20
5.2.2. L’interrogation indirecte partielle se caractérise par:
- l’emploi d’un substitut interrogatif, ayant la même forme ou une forme modifiée
par rapport au mot interrogatif de l’interrogative directe partielle. Les formes renforcées
et l’inversion sont à éviter, même si elles apparaissent parfois dans les écrits des
meilleurs écrivains15:
J’ignore qui a pu vous dire cette bêtise. Je me demande comment il a pu le
découvrir. Je veux savoir laquelle il préfère.
Les pronoms interrogatifs portant sur le sujet non animé, l’attribut non animé et le
complément d’objet direct non animé auront, dans l’interrogative indirecte, les formes
suivantes:
Il se demandait ce qui l’avait effrayée au point de quitter sa maison paternelle.
J’ignore ce qu’elle est devenue après la mort de son ami. (Sartre)
Je me demande ce que vous avez fait, comment vous l’avez fait. (Bernanos)
Les substituts interrogatifs n’ont pas de valeur anaphorique (ils ne reprennent
aucun élément présent dans le discours), mais ils ont une certaine fonction syntaxique
dans la subordonnée complément d’objet qu’ils introduisent (sujet, complément d’objet
direct, attribut, groupe prépositionnel, circonstant).
Je ne sais pas ce que c’est que d’être sous-diacre ni que de résigner. (Voltaire)
Savez-vous ce qui serait arrivé si mon excursion en Bohème n’eût été entreprise
que de mon chef? (Chateaubriand) Dis-moi un peu ce qu’était Chevrier.
- l’ordre normal, progressif Sujet + Verbe lorsque le sujet est pronominal:
Bref, puisque nous étions heureux, je ne voyais pas pourquoi nous changions de
place. (Musset)
Lorsque le sujet est nominal, il peut être placé après le premier élément verbal en
absence d’un objet direct réalisé par un nom; la grammaire normative déconseille
pourtant de pareilles constructions où la phrase se termine sur le verbe.
Je me demande où va son père. / ?Je me demande où son père va.
Si l’objet direct est exprimé, le sujet ne peut plus être déplacé après le verbe:
Je me demande où Paul a mis ses gants./*Je me demande où a mis Paul ses
gants.
Le déplacement du sujet après le verbe est possible aussi dans le cas de l’attribut
du sujet.
J’ignore qui est cette personne. Je me demande quelle serait la femme à tout
accepter. (Beauvoir)
- l’absence de formes pronominales et adverbiales renforcées, sauf langue familière:
Je me demande d’où tu détiens cette information. (lg.courante; Je me demande
d’où est-ce qu’ils sont venus. (lg.fam); Il ignore comment maman s’est si bien
débrouillée dans pareille situation. (lg.courante); Je me demande comment est-
ce que les insurgés ont trouvé l’entrée dans le palais. (lg.fam.)
6. L’emploi des modes dans la phrase interrogative
6.1. La phrase interrogative ne se caractérise pas par un mode spécifique.
D’habitude, le mode le plus couramment employé est l’indicatif, parce qu’il actualise la

15
Je me demande à qui penses-tu Andromaque. (Racine) J’ai osé regarder pour savoir qui est-ce qui osait vivre où
elle avait vécu. (Lamartine) Nous aurions bien voulu deviner comment elle se déroulerait et aussi qu’est-ce qui
arriverait après. (Beauvoir) Tu raconteras une autre fois comment c’est que je m’échine du matin au soir. (Aymé)

21
question: Vous imaginez-vous par hasard que je vais aller au lion avec votre parapluie?
(Daudet)
6.2. Le conditionnel apparaît plus rarement avec sa valeur modale propre – celle
d’exprimer l’hypothèse. On l’emploie plus fréquemment pour sa valeur temporelle, vu
qu’il marque un fait futur par rapport un moment passé (=la concordance des temps,
obligatoire dans la phrase interrogative indirecte, comme dans toute subordonnée
d’objet).
Où donc je l’aurais prise? (Aymé) Ce qu’elle lui dirait? Elle n’en savait rien.
(Bourget) Il se demanda sérieusement d’où pourrait venir ce grand peintre.
(Flaubert) Ne te demandes-tu jamais jusqu’où n’irait point la pensée?
6.3. Le subjonctif plus-que-parfait s’emploie avec la valeur du conditionnel passé
dans la langue littéraire:
Eussé-je autant aimé l’enfant née d’un mariage heureux? (Mauriac)
Que m’eût fait cette aventure déjà oubliée de ceux qui en avaient été les
spectateurs? (Camus)
6.4. L’infinitif apparaît pour rendre une nuance délibérative, ou une éventualité:
Je ne sais pas trop bien qu’en juger. (La Rochefoucauld)
Ils savaient bien comment m’aider à dépasser les moments difficiles.
Pourquoi t’acharner également, Folcoche, contre notre misérable trousseau?
(H.Bazin)
Chapitre 4
La phrase impérative
1. Par la phrase impérative on donne un ordre, un conseil, on exprime une
exhortation ou une défense de faire une certaine action. Ce type de phrase est toujours
centré sur le destinataire, que celui-ci soit déterminé ou non. Dans certaines grammaires
on la retrouve sous la dénomination de phrase injonctive.
Attends-toi à une perquisition chez toi. Aie la patience de les former lettre par
lettre. Enfin, va te promener sur le chemin des grands bois. (Stendhal)
Le message porté par la phrase impérative peut être:
 direct, lorsqu’il est adressé à un participant direct au message (à la II-ème personne du
singulier ou du pluriel et à la I-ère personne du pluriel):
Va, montre cette lettre dans tout Verrières. (Stendhal) Prenons vite ce sentier à
droite. (Flaubert) Seigneur officier, ayez pitié de moi! (Maupassant)
 indirect, lorsqu’il est adressé à un non participant direct au message, formulé à la III-
ème personne du singulier ou du pluriel:
Qu’on fasse venir sur l’heure quarante mousquetaires. Que cent hommes
veillent, nuit et jour, sous nos fenêtres! (Jarry)
Quelle que soit la structure de la phrase impérative, son contour mélodique est
descendant. La marque de la phrase impérative dans le code écrit est d’habitude le point
d’exclamation, mais aussi le point:
Ne le flattons donc point! (La Fontaine)
Achève et prends ma vie après un tel affront. (Corneille)
2.0. Moyens grammaticaux d’exprimer l’injonction
Le contenu de la phrase impérative s’exprime par plusieurs moyens, mais qui,
sémantiquement, s’inscrivent tous dans la sphère de l’injonction. Le choix du type de
réalisateur dépend, d’une part, des participants à l’acte de communication (ordre donné à

22
un participant direct/vs/non direct à la communication), d’autre part, des rapports sociaux
qui impliquent le choix d’un certain type de phrase. Ce choix est déterminé par la
hiérarchie, la position sociale ou l’âge de la personne à laquelle on donne l’ordre.
2.1. L’injonction s’adresse à un destinataire déterminé
2.1.1. Participant direct au message
L’impératif est le mode par lequel on passe un ordre à une personne de rang
inférieur (du point de vue de l’âge ou de la position sociale). Le message porté par
l’impératif est direct, étant formulé à la deuxième personne du singulier/pluriel ou à la
première personne du pluriel. Parfois, le locuteur peut se prendre soi-même pour
partenaire:
Rentre en toi-même, Octave, et cesse de te plaindre! (Corneille)
ou il peut s’adresser à un partenaire autre que lui-même:
Hélas! Je suis, Seigneur, puissant et solitaire. Laissez-moi m’endormir du
sommeil de la terre. (Vigny)
La phrase impérative se distingue radicalement de la phrase canonique en ce que
l’impératif n’a pas de sujet: Pars! Partons! Partez!
Les impératifs présentent la particularité que le destinataire est explicité
linguistiquement:
a) par la désinence verbale:
Ne salis pas ta tunique. N’espérons pas grand-chose! Allons-y les voir! Ecoutez,
monsieur Seguin, laissez-moi aller dans la montagne. (Daudet) Dites-lui donc,
Cruchot! (Balzac)
b) par la désinence verbale et le pronom conjoint réfléchi: Dépêche-toi! Tiens-toi bien!
Dépêchez-vous!
Si le sujet est effacé en structure superficielle, cela ne veut pas dire qu’on n’y fait
aucune référence. La phrase peut présenter des segments nommés appellatifs ou des
formes toniques du pronom qui servent d’appellatifs (ou vocatifs) et qui constituent des
éléments référentiels. Ne sois pas idiote, petite mauviette! (Hugo) Ne pleurez donc pas,
Mme la Reine. (Jarry) Toi, viens avec nous! (Riempeyrou) Vous, là-bas, ne me regardez
pas ainsi!
On observe que, par rapport au roumain, le destinataire peut inclure même
l’émetteur: Partons! Cette injonction s’adresse à toi + moi, et jamais à lui + moi, à la
différence de nous de la structure assertive Nous partons. En roumain le correspondant
n’est pas le mode impératif, mais le “conjunctiv”: Să plecăm! En plus, le roumain n’a
pas d’équivalent direct pour l’impératif passé du français, voilà pourquoi on fait appel au
passé du même mode “conjunctiv”. Toute phrase assertive n’a pas son correspondant à
l’impératif. Il y a quelques verbes qui ne s’emploient jamais à l’impératif (a et b),
d’autres qui ne s’emploient qu’à l’impératif présent (c):
a) les verbes impersonnels météorologiques: éclairer, grêler, neiger, pleuvoir,
tonner, etc + le verbe falloir;
b) les verbes modaux devoir et pouvoir, de même que le verbe déchoir;
c) les verbes réfléchis: se repentir, s’en aller, s’endormir, se souvenir, se taire + le
verbe mourir (leur impératif passé est inusité).
Certains impératifs présentent aussi l’adverbe donc en postposition verbale:
Monte donc et ne t’étonne de rien. (Mérimée) Calmons-nous donc, les
montagnards! (Hugo)

23
2.1.1.a. La place des pronoms compléments
La présence de l’impératif entraîne certaines modifications quant à l’ordre
séquentiel des pronoms compléments. Ceux-ci sont placés après le verbe si la phrase est
affirmative, et devant le verbe si la phrase est négative:
Montre-la au seul M.Valenod. (Stendhal) Essayez-le donc. (Dumas) Dis-lui que
je t’aime. (Stendhal) Laissez-moi faire, dit le chauffeur. (Troyat) Donnez-nous
ces papiers et ne nous forcez pas à employer la force. (Villiers Plon) Ne me
livrez pas. (Zola) Ne leur obéissez pas! (Pagnol)
2.1.1.1.a.1. Si la phrase impérative affirmative a deux pronoms personnels
compléments d’objet, l’un direct, l’autre indirect, on place d’abord le complément direct,
ensuite le complément d’objet indirect, si les pronoms sont de personnes différentes (I +
II; II + III):
Passe-le-moi! (Gide) Tiens-le-toi pour dit! (id) Indiquez-les-nous! Donne-la-
leur! (Anouilh)
Pourtant, il y a des flottements dans l’ordre des pronoms compléments. On
enregistre une forte tendance à utiliser le même ordre que dans la phrase assertive, c’est–
à-dire de laisser en première position les pronoms de la I-ère et de la II-ème personne.
Voilà pourquoi, chez certains auteurs, de même qu’en français courant, on trouve les
objets directs le, la, les placés après le pronom personnel objet indirect de la I-ère ou de
la II-ème personne:
Montrez-moi-la! (Proust) Zépha, dis-nous-le. (Hériat) Rends-nous-la. (Bernanos)
2.1.1.1.a.2. Si la phrase impérative affirmative a deux compléments, dont l’un est
un pronom adverbial, celui-ci se place après le pronom personnel:
Donne-m’en! Félicitons-l’en! Parlez-lui-en la première! (Zola) Menez-les-y!
Fais-m’y penser! Tenons-nous-en là! (Courteline) Commande-m’en un!
(Beauvoir)
2.1.1.1.b.1. Si l’impératif est négatif, on place le pronom personnel objet indirect
de la I–ère ou de la II-ème personne avant le pronom personnel objet direct de la III-ème
personne:
Ne me le répétez pas cent fois, je ne saurais l’oublier. (Bradshow) Ne nous le
prête pas!
Si les deux pronoms sont de la troisième personne, on place d’abord le
complément direct, ensuite le complément indirect:
Ne les lui donnez pas! hurla-t-il. (Villiers Plon) Cette gloire, ne la leur envions
pas. (Corneille)
2.1.1.1.b.2. Si la structure impérative négative a deux pronoms compléments,
dont un est adverbial, celui-ci se place toujours immédiatement avant le verbe et après le
pronom personnel complément:
Ne m’en parle plus! (Bradshow) Ne t’en vante pas. Ne t’y réfugie pas!
Ne l’y attache pas davantage! (Flaubert)
2.1.1.2. Valeurs d’emploi de l’impératif
L’emploi de l’impératif est motivé par des mouvements affectifs variés. Ceux-ci
sont rendus par le ton de la voix (exigence, impatience, lassitude). Compte tenu de ces
nuances, l’impératif peut transmettre (Wagner et Pinchon, 1991:358):
 un ordre: Gardes, obéissez sans tarder davantage! (Racine)
 une invitation polie, réalisée à l’aide d’une périphrase de politesse ou de déférence:

24
Veuillez vous asseoir et reprenez donc votre tasse de café. Faites-moi le plaisir de
m’accompagner. Daignez recevoir mes hommages. Ayez (la bonté +
l’obligeance) de m’avertir.
 une prière, une supplication pressante: Retirez-vous, Seigneur, et fuyez un
courroux/Que ma persévérance allume contre vous! (Racine)
 une hypothèse: Jetez-moi dans les troupes comme simple soldat, je suis Thersite;
mettez-moi à la tête d’une armée dont j’aie à répondre à toute l’Europe, je suis Achille.
(La Bruyère)
Dans ce dernier cas, il y a un glissement vers la subordination paratactique16.
La phrase à structure inversive, terminée par une intonation montante cette fois-
ci, et suivie d’une phrase indicative, peut s’interpréter comme le premier élément d’un
système conditionnel. (Le Goffic, 1993:506)
En voyage, prenez le train de luxe, les wagons sont à tel point surchauffés que
vous n’y pouvez tenir. (Montherlant) Chassez le naturel, il revient au galop.
Parlez-lui, il ne vous écoute même pas! Demandez-lui pourquoi il pleure, il n’en
sait rien.
 un commentaire bref, dans les phrases incises: Peut-on, dites-moi vraiment, vivre
plus? (Gide) Je dis cela (comprenez-moi bien) dans votre intérêt. Paul a réalisé le temps
de (tenez-vous bien!) 26 secondes 4 centimes!
 un rôle voisin de celui d’une interjection (Le Goffic, 1993:499): figurez-vous, écoutez,
tenez, allez, voyons, allons, disons, tiens, dis donc, etc.
Je l’aime, figure-toi! (Petit Robert) Ecoutez, j’ai une proposition à vous faire.
(Bradshow) Allons, allons, nul besoin qu’elle soit vivante, dit le lion.
(Supervielle) Tiens, je ne l’aurais pas pensé. (Aragon) Dis donc, c’est moi le fou?
(Queneau)
2.1.1.3. Formes verbales autres que l’impératif
La valeur injonctive peut être transmise non seulement par une phrase ayant le
verbe à l’impératif, mais aussi par d’autres types de phrase, ayant le verbe à l’indicatif
présent, futur simple ou périphrastique. L’injonction réalisée par ces procédés est plus
catégorique que celle réalisée par l’impératif.
2.1.1.3.1. Les phrases assertives
a) ayant le verbe au présent, au futur simple ou périphrastique:
Tu vas chez le commissaire avant de rendre visite à la vieille. (Simenon) Alors,
tu prends tes affaires et tu te retires sur le champ. Le bien d’autrui tu ne
prendras. (Décalogue) Vous allez me raconter tout, d’un bout à l’autre. (Achard)
b) verbes et périphrases verbales qui, employés à la première personne du singulier, de
l’indicatif ou du conditionnel présent réalisent une configuration explicite d’un ordre,
atténué ou non et qui traduisent des modalités différentes, telles que: l’obligation,
l’interdiction, la nécessité, etc.
Je dois partir maintenant. J’ai à apprendre ce poème par coeur. Je n’ai pas à me
plaindre. Je (demande + exige) que l’on ferme la porte. Je vous ordonne de vous
retirer. Je vous (intime + donne) l’ordre de vous retirer. Il (faut + ne faut pas)

16
La parataxe est un procédé syntaxique consistant à juxtaposer des phrases sans expliciter par une particule de
subordination ou de coordination le rapport de dépendance qui existe entre elles dans un énoncé, dans un discours,
dans une argumentation; c’est-à-dire sans procéder à l’enchâssement d’une phrase à l’autre, ni coordonner l’une à
l’autre.

25
que je parte maintenant. Il est (nécessaire + impératif) que je parte maintenant.
Je vous prie de vous taire. Il serait bon que je parte maintenant.
L’interdiction, l’autorisation niée s’expriment de façon explicite, par une série de
verbes, tels que:
Je vous (interdis + défends) de partir.
Je ne vous (autorise + permets) pas de sortir.
2.1.1.3.2. Les phrases interrogatives, surtout avec le verbe vouloir en structure
inversée ou non ou en structure périphrastique:
Alors, vous vous retirez, oui? Voulez-vous vous taire? Voulez-vous lâcher cela
tout de suite? Est-ce que vous voulez répéter? Vous plairait-il de
recommencer? Auriez-vous (l’obligeance + l’amabilité) de fermer la porte?
2.1.1.3.3. Les phrases exclamatives, lorsque la situation de communication est
responsable de cette valeur injonctive indirecte, allusive:
Oh, la porte est ouverte! (= Fermez-la!)
2.1.2. L’injonction s’adresse à un non participant direct
Le subjonctif s’emploie pour exprimer une injonction adressée à un non
participant direct au message linguistique, autrement dit, quand l’être à qui l’on demande
ou l’on interdit un acte est distinct de l’interlocuteur. La phrase subjonctive en que se
rencontre d’habitude avec le subjonctif présent ou passé. Ces phrases au subjonctif, tout
comme celles réalisées par un impératif, se terminent souvent par un point d’exclamation
dans l’écrit:
Qu’il sorte! Qu’ils entrent! Que les portes se renferment autour de moi! Qu’elle
me laisse à ma juste colère! (Camus)
Parfois, c’est le simple point qui marque la fin de ce type de phrase impérative:
En ce cas, que mon mari découvre nos amours et qu’il m’enferme dans une
éternelle prison à la campagne, loin de mes enfants. (Stendhal) Que Dieu vous
bénisse, vous avez de l’occupation. (Balzac)
Le subjonctif peut apparaître même sans sa conjonction spécifique, dans un
nombre assez grand de formules consacrées:
Dieu vous garde!, Dieu veuille me pardonner! (Baudelaire) Le ciel l’entende!
(Hermant)
La place du sujet dans les structures réalisées avec le subjonctif, est variable:
 avant le verbe, avec reprise ou non du sujet nominal par un pronom personnel
correspondant: Dieu puisse-t-il me l’accorder le cas échéant! (Stendhal) Son nom saint
soit béni. (Montherlant)
 après le verbe (inversion de l’ordre normal): Vogue la galère. Advienne que pourra.
Vive la France! Meurent les Médecins! (Musset) Puissiez-vous réussir!
On enregistre même des cas où le sujet manque:
L’histoire existe, ne vous en déplaise, chers jeunes philosophes. (Elleinstein)
Plaise/plût à Dieu!, A Dieu ne plaise! Grand bien vous fasse!, A cela ne tienne!
(Jouhandeau)
2.2. L’injonction s’adresse à un destinataire indéterminé
L’infinitif sans sujet s’emploie dans des inscriptions ou dans des textes où le
destinataire est indéterminé:

26
Ne pas se pencher au-dehors. Ne pas dépasser la dose indiquée. Agiter avant de
s’en servir. Extraire la racine carrée des nombres suivants. Mettre cent grammes
de farine dans la sauce.
Parfois, surtout à la forme négative, l’infinitif s’emploie même pour un
interlocuteur précis (monologue intérieur):
Ne pas perdre la tête surtout. (Sarraute)
3. Moyens lexicaux d’exprimer l’injonction
3.1. D’autres procédés favorisés surtout par la communication orale et par les
inscriptions sont les phrases averbales et les mots-phrases:
 les interjections spécialisées ayant une valeur impérative et les cris institutionnalisés:
chut, sst, hue.
Chut! Il dort, le petit ange. (Daudet) Hue, cocotte! Allez, hue! (Petit Robert)
 les groupes nominaux à valeur impérative: attention, silence, paix, un peu de patience,
au secours, à moi.
Silence! Vos papiers, s’il vous plaît. (Chamberlain  Ross)
Parfois, ces structures s’accompagnent d’un appellatif ou d’une indication
locative: Garçon! Cinq centimes de pain. En trois morceaux, garçon! (Hugo)
Médor, ici! Tout le monde en bas!
Dans d’autres situations, on préfère les structures nominales aux structures
réalisées à l’aide d’un impératif, l’injonction étant indirecte:
Défense d’entrer. Prière de s’adresser au concierge.
 adverbes à valeur impérative: doucement!, lentement!, en avant!, tout beau!, vite, vite!
Par ici! En garde, donc, monsieur! (Dumas)
3.2. Valeurs de contenu
Ces valeurs de contenu sont centrées sur les participants à l’échange linguistique,
visant à déclencher une réaction de la part de l’interlocuteur (la fonction conative ou
injonctive de la langue).
 ordre, exhortation: En avant! dit Evans. (Verne)
 recommandation ou conseil: Doucement! Ne nous affolons pas. (Marceau)
 prière: Grâce!… Grâce… fit le misérable. (Verne)
 désir d’être secouru: A moi, Forbes! Viens…Viens! (Verne)
 avertissement: Gare, master, gare! cria soudain Cross. (Verne)
 encouragement: Un peu de patience, Forbes! lui dit Evans. Tu vivras… (Verne)

Chapitre 5
La phrase exclamative
1.0. La phrase exclamative est, pour son contenu, analogue à la phrase
énonciative: elle apporte une information, mais elle y ajoute une connotation affective.
Elle n’est pas objective, neutre, car elle inclut les sentiments du locuteur, manifestés avec
une force particulière. Elle est plus fréquente à l’oral qu’à l’écrit, parce que la langue
orale favorise l’expression libre des sentiments du locuteur vis-à-vis d’une situation,
d’une personne ou d’un objet.
1.1. La phrase exclamative a peu de caractères syntaxiques propres, voilà
pourquoi les générativistes ne la considèrent pas comme un constituant à part. Elle
emprunte à la phrase interrogative beaucoup de procédés:
- mot introducteur: A quoi bon danser! (Cayrol)

27
- inversion: Est-elle innocente, cette pauvre femme! (Maupassant)
- périphrase: Quelle drôle de tête est-ce que tu fais! (Schlumberger)
- particule (lg.pop.): Que j’ai t’y du goût! (Grevisse)
Elle partage avec la phrase impérative la valeur injonctive transmise par
l’entremise de quelques verbes ayant la valeur d’une interjection: tiens, allons, voyons,
etc. Elle ressemble parfois à la phrase assertive par l’ordre normal des mots, mais s’en
distingue par la courbe intonatoire, par l’emploi d’un intensif et par l’accent expressif
qui frappe une syllabe d’un mot:
Marie est belle et très intelligente! Je me suis endormie après le déjeuner et je
m’éveille si lasse! (Colette) Elle est accablée, la pauvre!
La phrase exclamative indique souvent le haut degré d’une qualité, d’une activité:
Il fait un de ces froids! Elle écrit si vite! ou bien elle exprime la surprise, la tristesse, la
joie, etc. devant un fait qui n’est pas susceptible d’avoir un degré:
Donc il est mort! fit le Scapin… (Gautier) Le grand Meaulnes est parti!
(Fournier) Je suis grand-père!
Notons aussi que d’habitude, la phrase est en entier exclamative, mais on peut
avoir une sous-phrase exclamative insérée dans une phrase énonciative ou interrogative:
Nous étions debout - ô merveille! – sur la plateforme avant. (Pagnol)
Après le dîner, hélas! tu devais quitter ta mère (…) qui passait dans le petit salon
où tout le monde se retirait s’il faisait mauvais, n’est-ce pas? (Proust)
2. Classification des phrases exclamatives
La diversité sous laquelle se manifestent les phrases exclamatives est pourtant
réductible à deux grands types structuraux. On doit envisager deux critères:
2.1. Le critère formel
Selon leur structure, les phrases exclamatives peuvent être:
 organisées (= explicites), dont le schéma canonique est SN + SV:
Voilà le résultat d’un désir insatisfait! (Bradshow) Quel belliqueux professeur de
troisième nous avions là! (France)
 inorganisées (= implicites), phrases à terme unique, ou même à deux termes (SN et
SV), mais qui sont disjoints du point de vue syntaxique:
Quel courage! Quelle grandeur d’âme! Quel héroisme! (France)
- Les séduire! s’écria Joseph indigné. (Green) - Moi, vous mentir, jamais!
(Camus)
2.2. La complexité de la phrase
André Goosse (1993:614) considère qu’il y a deux types de phrases exclamatives,
tout comme il y a en deux types d’interrogatives:
 exclamatives directes: Quel beau spectacle tu as vu!
 exclamatives indirectes: Je sais quel beau spectacle tu as vu! Dieu sait (si + comme)
il est gentil!
3. Caractéristiques de la phrase exclamative
3.1. Au niveau graphique
La phrase exlamative, qu’on a définie comme une séquence à contour non
assertif, est marquée dans le code écrit par un point d’exclamation ou par des points de
suspension, parfois même par un point d’interrogation:
Ah! Très bien, alors! (Nerval) Et quelle désossée! (Zola) Cette fillette est d’une
audace…Moi, vous haïr? (Beauvoir)

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3.2. Au niveau suprasegmental (oral)
L’intonation exclamative ou d’inachèvement joue un rôle essentiel dans le cadre
de la phrase exclamative. Dans beaucoup de cas, l’énoncé exclamatif est caractérisé par
une courbe mélodique descendante: Qu’elle est pâle!
Comme elle partage certains réalisateurs avec d’autres types de phrases, c’est
uniquement grâce à ce procédé suprasegmental qu’on fait la distinction entre
l’interprétation exclamative et non-exclamative: Est-il gentil! /vs/ Est-il gentil? Elle
est belle! /vs/ Elle est belle.
3.3. Au niveau segmental
La phrase exclamative explicite peut organiser son contenu en suivant:
a) l’ordre progressif des termes:
Comme il est violent! (Pagnol) Voilà le prix qu’il faut payer pour la tendresse
d’une mère! (Camus)
b) l’ordre régressif des termes:
Nous sommes-nous assez moquées des femmes qui se laissent victimiser!
(Beauvoir) Que n’avait-elle mieux présenté combien elle estimait indigne qu’un
intérêt pécuniaire les guidât seul dans cette entreprise! (Troyat)
3.4. Au niveau séquentiel
La phrase exclamative se caractérise par l’emploi de toute une série de mots
intensifs et d’introducteurs, de séquences automatisées ou de mots affectifs, qu’on
discutera in extenso dans le cadre de chaque type de structure exclamative.
Quel gibier! (Verne) Vous êtes si jeune, si gentil! (Mérimée) Du diable si nous
en avons encore aperçu! (Verne) Ça, c’est le bouquet! (Troyat)
4. La phrase exclamative inorganisée
Ce type de phrase apparaît le plus souvent en français parlé, la première place
étant assignée au constituant qui apparaît le plus important au locuteur. La phrase
exclamative inorganisée ou implicite peut être constituée d’un seul mot, ou d’une
séquence plus développée de mots:
Excellent! Parfait! Bizarre! Curieux! Raté! Incroyable, cette histoire!
Merveilleuses, ces roses! Tas de fainéants! Heureux les pauvres! Ah, ces
adorables petites filles!
L’absence de support segmental entraîne parfois des ambiguïtés. Par exemple, un
énoncé tel que Ah, les femmes! peut exprimer l’admiration ou le dépit, en fonction du
contexte. C’est donc le rôle du contexte d’orienter le décodage et de lever les ambiguïtés.
En principe, on distingue trois types de phrases exclamatives implicites, en fonction de
leur structure.
4.1. Les phrases interjections17 servent à exprimer économiquement l’état d’âme
du locuteur. Elles se substituent à toute une phrase parfois, rendant une certaine valeur
émotive. Voilà pourquoi elles sont considérées des mots-phrases:
Ah! = (1) admiration; (2) surprise; (3) peine; (4) regret.
Oh! = (1) surprise; (2) douleur.
A elles seules, les interjections n’ont pas de signification, ou de valeur dans le
sens saussurien du concept (sauf les onomatopées). C’est le contexte qui leur offre une

17
Le corps phonétique des interjections est très réduit (de une à trois syllabes). On peut les définir comme des
émissions phonétiques employées dans des phrases à contour exclamatif pour traduire un certain état d’âme.

29
certaine signification. A titre d’exemple nous illustrons ci-dessous les valeurs de ah! dans
des contextes différents qui explicitent la valeur sémantique de l’interjection:
(1) Ah, qu’elle est belle! (2) Ah, c’est vous, Marie! (3) Ah, que ça me fait mal!
(4) Ah, si je l’avais su!
Quelques interjections ont pourtant un sens spécialisé, leur décodage
n’engendrant pas d’ambiguïté même sans contexte situationnel explicité:
Hélas! = le regret Aïe! = la douleur Ouf! = le soulagement Pouah! = le dégoût
Zut! = le dépit
Il y a aussi des classes de mots et même des séquences automatisées qui
fonctionnent comme interjections:
- noms: dommage! veine!
- adjectifs: formidable! fantastique! extraordinaire! chic!
- adjectif + nom: quelle chance! bon voyage! bon courage!
- adverbes: tant mieux! tant pis!
- verbes à l’impératif: tiens! soit! passe! n’importe!
- séquences: ça va! ça ne vaut pas la peine! s’en est trop (fort)! c’est du propre!
4.2. Le monorème exclamatif
Le monorème exclamatif est un énoncé à terme unique. Dans ce type de phrase
exclamative inorganisée “un seul des termes est exprimé explicitement, l’autre étant
implicité dans la situation de communication, de sorte qu’il parvient à la connaissance du
récepteur par l’intermédiaire des éléments extralinguistiques (situationnels)”. (T.Cristea,
1979:405) Fréquemment utilisé, le monorème exclamatif est formé de mots qui
remplissent une seule des fonctions syntaxiques fondamentales de la phrase noyau, à
savoir:
- la fonction de sujet (réalisée à l’aide d’un syntagme nominal formé d’un article défini,
indéfini, d’un adjectif possessif, interro-relatif, démonstratif ou d’un adverbe quantitatif
+ N):
Les Russes! L’ennemi! (Jarry) Un empoté! Un salaud! Mon sac!
Quel idiot! Cet imbécile! Ce raté! Que de monde! Combien de voitures!
Au niveau du sujet, on remarque l’existence d’une structure qui inverse la place
déterminant/déterminé et la place des relateurs: Cet idiot de garçon! Pauvre de lui!
- la fonction de prédicat:
Volé! Chipé, quoi! Oh! vivre maintenant! oh! vivre enfin! (Michaux)
4.3. Le dirème exclamatif
Le dirème exclamatif est la phrase segmentée dans laquelle les deux termes
essentiels sont explicités dans la chaîne verbale, mais ils sont disjoints
grammaticalement. Cette disjonction se traduit par une pause de détachement, dans le
code oral, et par une virgule, dans le code écrit. Dans le dirème exclamatif l’absence du
verbe fini est de règle:
Quelle merveille, cet homme! (Kipling) Calomnies, toutes ces accusations! Une
folie, cette entreprise! Un bon type, ce brigadier!
Il y a pourtant quelques situations où le verbe apparaît sous la forme non finie, au
passé composé ou à l’infinitif:
Finies, les vacances! Passés, les examens! Lui, tromper sa femme! Moi, mentir
à mon meilleur ami! Elle, partir si tôt!
4.4. Procédés exclamatifs employés dans la phrase inorganisée

30
Dans la phrase exclamative implicite ou inorganisée on peut retrouver plusieurs
procédés:
- le contour exclamatif: Très bien! Bien joué!
- la pause de disjonction qui caractérise le dirème exclamatif: Marie, médire comme ça!
- les intensifs: Une si bonne dame! Un homme tellement intéressant! Un homme très
habile! La pauvre femme! Le beau paysage! Un idiot! Un imbécile!
- les introducteurs dont les adverbes quantitatifs que et combien et l’adjectif quel
indiquant la qualité ou le degré: Que de gens! Combien de visiteurs! Quelle différence,
grand dieu! (Stendhal)
5. La phrase exclamative explicite
La phrase exclamative explicite ou organisée présente les mêmes traits qui
caractérisent aussi la phrase exclamative implicite ou inorganisée. Elle s’en distingue par
le fait qu’elle explicite tous les constituants de la phrase, étant marquée par l’intonation
exclamative et par la présence des éléments introducteurs et intensifs, dont certains sont
communs avec l’exclamation implicite, d’autres sont différents. Les marques de la
phrase exclamative explicite sont:
5.1. Le contour intonatoire
Une phrase assertive peut devenir exclamative simplement par l’emploi d’une
intonation exclamative:
C’est une belle idée! (Romains) J’étais donc sûr de leur perte! Ils ne pouvaient
m’échapper! (Lautréamont)
Dans d’autres situations, l’intonation se combine avec le changement de la structure
segmentale de la phrase:
Qu’il est mignon! Qu’il est nu! Et qu’il est brave! (Kipling) Qu’elle est frêle, en
dépit de son air dur qu’elle affiche partout. (Bradshow)
5.2. Les mots introducteurs
5.2.1. A valeur intensive
Les mots introducteurs ne sont pas spécifiques à la phrase exclamative. Ils
apparaissent aussi dans les phrases interrogatives directes ou indirectes, comme on l’a
déjà montré (voir chap.4). Ils sont placés en tête de phrase et la plupart d’eux ont une
valeur intensive:
Quelle étrange affaire que l’affaire Dreyfus! Que de choses savaient les Anciens!
5.2.1.1. Quel exprime le degré ou la qualité (à fonction de prédéterminant ou
d’attribut), étant suivi d’un nom.
Quelles histoires ils font pour rien! Quels remords vous vous prépariez!
5.2.1.2. Les locutions: combien de, ce que, que de exprimant la grande quantité et
les adverbes de degré: comme, combien18 (plus recherché), que, ce que (familier),
qu’est-ce que (très familier), comment que (populaire) sont employés comme mots
introducteurs à valeur intensive.
Combien de cadeaux tu as reçus! (Derème) Que je suis malheureux! (Flaubert)
(Comme + qu’) elle est belle! Ce que cela tombe! dit tante Léonie. (Proust) Ce
que tu as pu dire de bêtises! Qu’est-ce qu’elle a dû pleurer quand elle a appris

18
Dans la langue recherchée, l’adverbe combien et, plus rarement, que, peuvent être rapprochés de l’adjectif ou de
l’adverbe auxquels ils se rapportent: Combien facilement la vie se réforme, se réforme! (Gide) Combien naïves et
paysannes en comparaison sembleraient les églantines! (Proust) Que différente fut cette rentrée de celle de lundi!
(Pergaud) Et que peu il y en a! (Giono)

31
la mort de son garçon! (Proust) Ce que c’est que le destin! Ce que c’est de
nous! Comment qu’ils nous ont eus! (Sartre)
Les locutions et les adverbes de degré se distinguent du point de vue de leur
incidence. Par exemple, ils peuvent être incidents:
a) à un nom:
Combien de récits n’ai-je pas écrits à l’époque! (Green) A combien de
tentations n’a-t-il pas été exposé! Que de choses n’a-t-elle pas racontées! Que
j’ai perdu de temps!
Dans le registre familier, ce que s’emploie aussi comme équivalent de combien, mais il
est toujours séparé du nom:
Ce que j’ai dépensé ainsi de forces, d’éloquence inutile! (Daudet)
b) à un adjectif ou à un adverbe:
Comme elle est belle! Qu’elle est belle! (lg.courante + lg.lit)
Ce qu’elle est belle! Qu’est-ce qu’elle est belle! (lg.fam)
(Comme + que) il écrit vite! (Ce que + qu’est-ce que) il écrit vite!
Avec comme, ce que et qu’est-ce que l’adjectif ou l’adverbe auxquels ils se rapportent
occupent toujours la place qu’ils auraient eue dans une phrase assertive et sont donc
séparés de l’adverbe exclamatif. (A.Goosse, 1994:616)
(Comme + ce que + qu’est-ce que) vous êtes jolie!
c) à un verbe:
(Comme + combien) il souffre! (lg.courante + lg.lit) (Comme + *que) tu m’as
manqué! (Ce que + qu’est-ce que) il souffre! (lg.fam)
Que n’est jamais incident à un verbe, mais il s’emploie avec les locutions verbales:
Que j’ai (soif + peur)! Qu’il fait (froid + chaud + beau)!
5.2.1.3. Les prédéterminants
5.2.1.3.1. Les articles définis ou indéfinis présentent une valeur intensive et se
combinent, eux aussi, avec une intonation suspensive. Les syntagmes à article défini sont
suivis d’habitude d’une relative:
La jolie bague que tu as reçue! La belle femme qu’il a épousée! C’est d’un
ridicule! songeait-elle. (Beauvoir) Je dois avoir une figure! (Colette) Il fait
(une chaleur + une de ces chaleurs)!
5.2.1.3.2. L’adjectif démonstratif peut remplacer l’article défini dans les phrases
exclamatives, gardant la même valeur intensive:
Cette patience qu’il a!… Ce courage qu’il a toujours montré!…
5.2.2. Sans valeur intensive
5.2.2.1. Dans certains cas, combien s’emploie aussi à valeur pronominale,
lorsqu’il n’est pas suivi d’un nom: Combien voudraient être à votre place!
5.2.2.2. Un cas à part est l’exclamation introduite par des conjonctions et des
locutions conjonctives à valeur non intensive, qui se présente sous la forme d’une
“subordonnée détachée” (T.Cristea, 1979:407), à contour intonatoire d’inachèvement,
introduite par un élément de relation: si, comme si, pourvu que.
Elle cria: Si tu lui en parlais! Si seulement j’étais prisonnier! (Maupassant)
Comme si elle pouvait me rendre service! Pourvu qu’il vienne ce soir!
5.3. Les mots non introducteurs à valeur intensive sont les adverbes tant,
tellement, si qui, employés à l’intérieur d’une phrase exclamative, imposent à la structure
une ligne mélodique d’inachèvement.

32
- Oh! oui, je voulais tellement! dit Xavière d’une voix suppliante. (Beauvoir)
Ah! J’aurais tant voulu y aller! (id.) Elle est si attachante!
Comme on peut constater, ces adverbes intensifs ne constituent pas d’éléments
introducteurs. Ils se distinguent par leur incidence différente: si est incident à un
adjectif, à un adverbe ou à une locution verbale, jamais à un nom: Tu es si belle! Tu
parles si vite! Tu as si peur!
Tant est incident uniquement au verbe: Tu as tant parlé d’elle!
Tant de est incident à un nom: Il y a tant de livres dans cette bibliothèque!
Tellement est incident à un verbe, à un adverbe ou à un adjectif:
Il a tellement espéré de remporter le prix! Il court tellement vite! Il est tellement
petit et maigre!
5.4. D’autres procédés employés dans la phrase exclamative organisée
5.4.1. L’inversion du sujet est un procédé non spécifique à la phrase
exclamative, mais qui y apparaît fréquemment, dans quelques situations:
5.4.1.1. La phrase ne présente pas de mot exclamatif
a) Si le sujet est un pronom personnel, les impersonnels ce, il, et l’indéfini on, le sujet
peut être placé après le verbe:
Est-elle gentille! (Labiche) Est-ce bête, les convenances! (Flaubert)
Hélas! Ai-je été maladroit! (Bedel) Faut-il qu’il l’adore! (Le Goffic)
Parfois, l’inversion se fait lorsque le sujet est un nominal:
Les hommes sont-ils bêtes! (Le Goffic) Jusqu’où l’imagination des femmes peut-
elle les aveugler sur l’amour viril! (Louÿs)
Lorsque le sujet n’est pas un pronom du type mentionné dans a), il se place avant le
verbe:
Tout est perdu! Le progrès, ma parole d’honneur, marche à pas de tortue!
(Flaubert) Ça te presse à ce point-là! (Colette)
b) Si l’adjectif attribut est en tête de phrase, l’inversion se fait surtout dans la langue
écrite:
Si lointaine était ma rue. (Sabatier) Bienheureux serez-vous quand on vous
haïra… (Bible)
5.4.1.2. La phrase est négative, à mot exclamatif qui n’est pas sujet et qui ne se
rapporte pas au sujet. Dans ce cas, la négation est oratoire:
(Que + combien) de fois mon père ne m’en a-t-il pas parlé! Combien l’aphasie
de Beaudelaire ne la dépasse-t-elle pas en horreur! (Gide) Quelles émotions
n’éprouva-t-il pas! (Pergaud)
5.4.2. Les formes verbales
En général, la phrase exclamative n’a pas un mode verbal caractéristique, parce
que, comme disait Brunot, “il n’y a pas un mode de l’amour et de la haine”. Le plus
souvent, les verbes apparaissent aux formes finies (a) de l’indicatif, du conditionnel, ou
du subjonctif hortatif ou à des formes non finies: infinitif, participe passé (b), lorsque
l’exclamation est implicite (voir 4.3.)
(a) Comme on se trompe dans la vie! Si seulement je pouvais m’en guérir!
Comme ma vie s’arrangerait joyeusement! (Rolland) Qu’elle eût été heureuse
de voir cela! Comment as-tu pu croire? dit Pierre. Que moi je te haïsse, toi?
(Beauvoir)
(b) A votre âge, Monsieur, m’eût-elle dit, être si peu raisonnable! (France)

33
Finies, les provisions! dit le Goupil. (Le Roman du Renard)
L’emploi de l’infinitif après un adjectif ou un nom, surtout à valeur négative, est
considéré comme un procédé vivant en français actuel:
Impossible de (faire autrement + vous tromper)! Difficile de faire plus mal!
Quel malheur d’être obligé de passer par là!
5.4.3. Les séquences automatisées
Dans cette catégorie on range d’habitude quelques phrases exclamatives semi-
lexicalisées ou lexicalisées dont l’emploi est commandé par convention. Dans cette
catégorie T. Cristea range les structures: Parce que j’y tiens!; J’en ai vu bien d’autres!;
C’est trop fort! A. Goosse ajoute encore: dire que, faut-il que, avec cela/ça, plus souvent
que (familier), pour ce que (familier), tu parles de/que/si, tu penses si, etc.
Dire qu’il s’en est fallu d’un cheveu qu’elle ne prenne le vert amande. (Sarraute)
Faut-il qu’un homme soit tombé bas pour se croire heureux! (Beaudelaire) Avec
cela que je ne l’aurais pas reconnue! (Proust) Vous pensez, si j’étais rouge et si
j’avais peur! (Daudet) Tu parles qu’en voilà un qui ne doit pas être malheureux!
(Proust)
5.4.4. Les mots affectifs
Ces mots s’emploient surtout dans les phrases exclamatives pour exprimer
l’affectivité du locuteur:
Du diable si je comprends quelque chose! Alors, pourquoi diable parles-tu de
mourir! Que diable n’est-il pas venu! Qu’est-ce qu’il pouvait bien faire en
route?! Il est venu donc! Vous êtes déjà prêts!
6. Les fonctions de la phrase exclamative
On pourrait réduire les fonctions de la phrase exclamative à deux plus
importantes:
6.1. La fonction affective
Par son énoncé le locuteur exprime son attitude à l’égard des objets de la réalité,
les sentiments qu’il éprouve, ses réactions aux stimuli extérieurs. Le locuteur peut
apprécier favorablement ou défavorablement une situation, une personne, un objet, etc.
La signification de certaines interjections qui constituent son énoncé n’est précisée que
par le contexte extralinguistique:
- appréciatif: Oh! que je suis contente! Ah! quelle chance de te revoir!
- dépréciatif: Oh! qu’il est lâche! Ah! C’est un peu fort!
En plus, le locuteur vise à persuader son interlocuteur, d’obtenir son adhésion au point de
vue qu’il vient d’exprimer:
- Ah, arrête. Neuf millions et des poussières! Près d’un milliard de centimes! Je
ne sais même pas combien il y a de zéros! - Toi, on peut dire que tu as le sens de
l’à-propos! - Oh! moi je ne rêve pas d’être milliardaire! - Pourquoi tu as besoin
de ta prime, alors? (Capelle)
6.2. L’intensité se rattache à l’énoncé émotif parce qu’on y exprime toujours une
attitude subjective, une participation dynamique du locuteur. L’intensité peut
s’accompagner d’une tonalité neutre:
Comme elle est belle! Il fait si froid dans cette pièce! C’est tellement compliqué
de t’expliquer tous ces détails! J’en ai tant mangé! Est-il bête! Ce qu’elle est
dure! Tu parles s’il y aura des réclamations! Vous pensez si j’étais étonné!

34
Dans d’autres situations elle s’exprime par un accent expressif qui frappe soit
l’initiale du mot, si celui-ci commence par une consonne: Formidable! Stupide!
Merveilleux! soit la deuxième syllabe, si le mot commence par une voyelle: Insensé!
Extrême! Accablé!

II. Les constituants facultatifs

Chapitre 6
La phrase négative
1.0. La phrase négative contient un formant explicite de la négation, qui affecte un
ou plusieurs constituants de la phrase. La négation est l'une des valeurs sémantiques et
logiques les plus importantes.
1.1. Critères de classification de la négation:
a) le niveau où elle apparaît: négation grammaticale/vs/lexicale.
La négation grammaticale affecte le verbe fini et/ou un ou plusieurs constituants
de phrase; la négation lexicale se réalise au niveau des lexèmes, soit par des préfixes
négatifs: a-(apolitique), an-(analphabétisation), dé-(décroître), des-(déshabiller), in-
(indécis), im-(impoli), ir-(irresponsable), il-(illettré), mé-(méconnaître), mes-
(mésestimer), mal-(maltraiter), non-(non-croyant), soit par des mots qui sémantiquement
impliquent un trait négatif: manquer, dissuader, avoir tort.

b) l'incidence de la négation:
La négation grammaticale peut porter sur des segments de nature et d'étendue très
variables. Les deux facteurs conjugués (champ et incidence) justifient une classification
de la négation grammaticale en:
 totale ou de phrase (lorsqu'elle porte sur le verbe seul ou sur le groupe verbal en
entier: Je ne parle pas. Il ne bougeait plus maintenant. Il ne dort, ni ne mange.);
 partielle ou de constituant, qui se subdivise, à son tour, en deux sous-types:
- négation prédicative, dont le champ englobe le verbe fini et un autre constituant de
phrase: Personne ne me comprend. Aucun ami ne m'a aidé.
- négation non prédicative, dont le champ n'englobe pas le verbe fini: l'énoncé est
affirmatif, mais un ou plusieurs constituants de phrase sont affectés par la négation:
Il travaille pour rien. - déterminant du verbe
C'est un enfant nullement sage. - déterminant de l'attribut

c) champ de la négation
Selon ce critère, on peut distinguer:
 une négation absolue, qui suppose d'habitude l'existence de plusieurs indices négatifs
(actants, circonstants, termes coordonnés): Je ne connais absolument personne dans cette
ville. Je n'ai jamais bu de cognac.
 une négation relative, qui, par rapport à la négation absolue, a seulement une valeur
temporelle: Marie n'a pas encore passé son permis de conduire.
2. La négation prédicative est centrée sur le verbe fini, ce qui confère à toute la
communication un statut négatif. Elle peut être de deux types:
 simple – lorsque seul le verbe fini est affecté par le trait négatif: Marie ne va pas au
marché.

35
 multiple – lorsque plusieurs constituants de phrase sont affectés par la négation, à part
le verbe fini: Personne ne va jamais au marché le Jour de l'an.
2.1. La négation simple
Elle se présente comme négation à formant simple ne ou comme négation à
formant discontinu ne...pas/point/guère/plus/nullement/aucunement.
2.1.a. La négation prédicative à formant unique ne est une construction
marquée stylistiquement, qui apparaît notamment en français littéraire; d'autre part, elle
caractérise un énoncé emphatique, ayant un caractère affectif. Les grammairiens
distinguent deux situations où l'on emploie cette négation prédicative à formant unique
ne:
2.1.a.1. énoncés à caractère idiomatique19, où ne s'emploie auprès d'un verbe
régissant:
A Dieu ne plaise! Qu'à cela ne tienne! N'ayez crainte/peur! Ne soufflez mot!
N'empêche! N'importe, reprit le patron bonhomme, je veux que tous nos employés
aient une nourriture saine et abondante. (Zola)
2.1.a.2. énoncés où ne est en variation libre avec la négation à formant discontinu
ne...pas; dans ce cas, ne étant porteur des valeurs négatives pleines:
 après les verbes: cesser, oser, pouvoir, savoir en français littéraire on omet d'habitude la
deuxième négation (pas), surtout lorsque ces verbes sont suivis d'un infinitif:
Le docteur ne pouvait juger s'il était ivre. (Camus) ... elle n'osa en prendre une.
(Zola) Dans son ignorance de Paris, elle ne savait où frapper. (id.) Je ne puis te
dire si c'est difficile ou non. Elle ne cesse de travailler.
 après les structures hypothétiques à caractère emphatique, appartenant surtout à la
langue littéraire: Elle y serait encore avec nous si elle n'était morte.
 après les structures conditionnelles ou hypothétiques inversives, sans élément de
relation: N'était ce décor autour de nous, on se serait cru dans quelque foyer populaire.
 subordonnées relatives dont l'antécédent est précédé d'un quantitatif partiel (restrictif)
ou virtuel (universel ou généralisant): Il y a peu de peuples qui n'aient été étudiés.
 phrases interrogatives rhétoriques: Qui ne l'aurait fait, qui ne l'aurait pensé?
 phrases contenant le gallicisme il y a suivi d'un nom [+division temporelle]:
Il y avait déjà deux semaines qu'il ne l'avait rencontrée dans le bureau de
Monsieur Mouret. (Zola)
2.1.a.3. énoncés à sens affirmatif, où ne est appelé "explétif" et s'emploie en
langue littéraire après:
 les verbes craindre, avoir peur, appréhender, éviter, empêcher et les nominaux dérivés à
partir de ces verbes: la peur, la crainte:
Je crains qu'il ne pleuve. La crainte que les voisins ne le trahissent l'obsédait
tout le temps. Evitons que les relations avec nos voisins ne se dégradent!
 certaines locutions conjonctives qui introduisent toutes sortes de subordonnées
circonstancielles: de peur que, de crainte que, à moins que, sans que, jusqu'à ce que, en
attendant que, avant que, pourvu que, etc:
Partez avant que papa ne rentre. Elle viendra à moins qu'elle ne soit malade.
 avec des comparatifs d'inégalité (formes analytiques: plus, moins + Adj/Adv., ou
synthétiques: meilleur, moindre, mieux, pire) ou l'adjectif autre:

19
Le caractère idiomatique de ces structures est révélé par l'absence d'un terme corrélat positif.

36
Elle se sentait mieux que je ne pouvais l'espérer. Il est moins mauvais qu'il ne le
dit. Il est autre que je ne l'aurais imaginé.
2.1.b. La négation prédicative simple à formant discontinu
En général, le formant de la négation courante est discontinu: ne + Vf +
pas/point/guère/plus/nullement/aucunement. Les rapports que contractent entre eux ces
indices négatifs sont d'interdépendance. Si pas, point et guère expriment, du point de vue
sémantique, de différentes nuances de l'intensité négative, plus ajoute une nuance
temporelle, alors que nullement et aucunement ajoutent une nuance qualitative.
 ne...pas est une suite de cohésion moyenne, parce que, d'un côté, entre le verbe et la
négation pas peuvent s'infiltrer des adverbes (sûrement, sans doute, certainement,
évidemment, même, toujours, pourtant), d'autre part, entre ne et le verbe on place les
pronoms personnels ou adverbiaux:
Elle n'a certainement pas raison. Celle-ci ne faisait décidément pas une bonne
impression. (Zola) ...on ne savait vraiment pas où donner de la tête. (id) Je ne
le vois pas. Je n'en veux pas.
Ce formant discontinu peut avoir une expansion exprimant l'intensité:
Je n'aime pas du tout cette personne.
 ne... point est un synonyme intensif de ne...pas, qui n'est plus employé en français
familier: Celui-ci ne les connaissait point. (Zola) L'expansion du tout peut aussi
apparaître avec ce formant discontinu:
Votre opinion ne m'intéresse point du tout.
 ne... guère est une négation atténuée: Elle ne mange guère depuis sa maladie.
Cette négation peut se combiner avec l'adverbe plus, ayant deux valeurs
différentes, en fonction de la place occupée par l'adverbe. S'il est antéposé à guère, le
syntagme a une valeur temporelle: On ne peut plus guère concevoir la vie moderne sans
ordinateurs. Si plus suit guère, le syntagme a une valeur quantitative: Cette région est
presque dépeuplée: de nos jours elle ne compte guère plus de cinq cents habitants.
 ne...plus a un sens temporel. Il ajoute à la négation une vision chronologique du procès
qui est décomposé en deux étapes: l'une initiale et positive, l'autre finale et négative. Une
phrase telle que Marcel ne fume plus a comme posé Maintenant Marcel ne fume pas et
comme présupposé Autrefois Marcel a fumé. A sont tour, ne...plus peut avoir comme
intensif du tout: Il n'est plus ivre du tout. Placé devant un verbe et en présence d'un autre
substitut négatif, plus a une valeur intensive et on obtient ainsi une négation prédicative
à formant tripartite:
Plus personne ne passe dans les rues après les 23 heures. Plus rien ne
m'intéresse à présent. Plus aucun espoir ne subsiste pour ce malade.
Parfois, il est placé après le verbe: Je ne te reverrai plus jamais.
 ne... nullement/aucunement ont une valeur négative plus forte que ne...pas:
L'écriture n'est nullement un moyen facile de communication. On veut voir dans
sa définition ce qui ne s'y trouve aucunement.
2.2. La négation double des actants et des circonstants
Les différents constituants nominaux (sujet, objet direct, indirect) peuvent être
représentés par des substituts négatifs20 (personne, rien, pas un, nul, aucun) ou par des
substituts positifs niés à l'aide d'un Pdt.négatif (nul, pas un, aucun).

20
Personne et rien fonctionnent uniquement comme substituts négatifs.

37
 personne est toujours un substitut [+animé] qui remplit les fonction syntaxiques
caractérisant tout actant nominal:
- GN1: Personne ne troublait son intimité.
- GN2: Je n'ai rencontré personne.
- GPrép: Je ne le dirai à personne. Tu ne médiras plus de personne. Elle ne sortait
avec personne. Nous ne comptons sur personne.
 rien est un substitut [-animé] qui occupe les positions suivantes:
- GN1: A présent, rien ne me touche.
- GN2: Je ne t'ai rien apporté.
- GPrép: Je ne pense à rien. Je n'écris avec rien.
 aucun peut fonctionner comme substitut négatif:
- GN1: Aucun (de mes amis) ne m'a rendu visite pendant les vacances.
- GN2: Je n'ai vu aucun dans le magasin.
Il est plus fréquemment employé comme prédéterminant négatif:
Aucun livre et aucune revue n'attiraient l'attention du jeune homme.
 nul est le synonyme littéraire de aucun, et s'emploie toujours comme substitut ou
comme prédéterminant négatif. Dans son cas, l'emploi comme substitut est plus répandu
que comme prédéterminant. Il faut préciser que nul ne s'emploie jamais comme objet
direct: *Je n'ai vu nul.
Nul ne réussit sans effort.
Tu ne m'offres nulle garantie sérieuse.
 pas un s'emploie surtout comme prédéterminant, plus rarement comme substitut:
Des navires passaient, mais pas un ne nous voyait.
Je ne soufflerai pas un mot sur cette affaire.
2.3. La négation prédicative des circonstants
Dans la négation prédicative double, un déterminant adverbial (=un
circonstanciel) peut être réalisé par un substitut adverbial négatif.
 jamais caractérise le procès du point de vue temporel: Ils n'avaient jamais encore suivi
leurs souffrances. (Camus) Jamais encore il n'avait eu une conscience si nette de la
bataille engagée. (Zola)
 nulle part caractérise le procès du point de vue spatial: Je ne trouve mes lunettes nulle
part. Je ne vais nulle part sans ma femme.
 nullement et aucunement représentent des totalitaires négatifs, renvoyant à toute la
classe des déterminations qualitatives et quantitatives à la fois.
2.4. La négation multiple affecte le verbe et plusieurs constituants à la fois (les
actants et les circonstants aussi). Lorsque le mode du verbe est l'indicatif et le temps est
le présent, en niant tous les actants et les circonstants, on obtient une extension
maximum de la négation:
Personne ne dit jamais rien nulle part.
2.5. La négation prédicative discrète
Ce type de négation témoigne d'une discontinuité de la zone négative et affecte
successivement plusieurs constituants de phrase. Elle peut se réaliser de façon explicite
ou implicite.
2.5.1. La négation discrète explicite
Les formants de la négation discrète explicite sont spécifiques à ce type de
négation, les éléments constitutifs d'un certain groupe syntaxique étant rattachés entre

38
eux par l'adverbe ni. Le rôle de cet adverbe négatif est de coordonner les constituants du
groupe syntaxique. On enregistre plusieurs structures possibles:
- ni A, ni B,....ni N: Ni Tarrou ni Rieux ne répondirent encore. (Camus). On
n'entendait plus ni le roulement des fiacres, ni le battement des portières. (Zola) Je
ne viendrai à l'école ni lundi, ni mardi. Nous n'avons ni chanté, ni dansé, ni lu, ni
dessiné aujourd'hui à l'école.
- ni A, ni B, ni C,.... ou N: Elle n'aime ni (les) gâteaux, ni (les) glaces, ni (les)
bonbons ou (le) chocolat. (Remarque: l'article peut être effacé devant les noms
coordonnés par ni).
- ne pas A, ni B: Nous n'aimons pas le cinéma, ni le théâtre. Elle ne mange pas
assez de fruits, ni de légumes. Je n'ai plus vu personne de chez moi, ni de ma famille.
(Syreigeol)
- ne V1 ni ne V2: Personne n'entre ni ne sort de cette chambre. Il ne lit ni ne dort.
2.5.2. La négation discrète implicite
Cette négation se réalise à la suite d'un processus logique de comparaison qui
établit une similarité négative entre deux éléments distincts, dont l'un est présent
(explicite), et l'autre est absent (implicite). Le formant négatif qui caractérise ce type de
négation est non plus: Je n'ai pas vu Marie aujourd'hui. Moi non plus. (=Moi non plus,
je ne l'ai vue aujourd'hui).
2.6. La négation prédicative restrictive (=exceptive)
La négation qui est entamée dans la première partie de la phrase peut ne pas être
confirmée par la deuxième partie de celle-ci. Elle est annulée par le formant que, qui
fonctionne comme un signe de positivation, ayant la valeur de l'adjectif seul ou de
l'adverbe seulement:
 GN: Il n'y a que les artistes qui sachent regarder. (Camus) Mais il ne tient encore que
les draps de dame... (Zola)
 GPrép: On n'interdit l'accès qu'aux enfants. Il ne parle que de sa famille.
 Inf: Il ne demande qu'à partir. A la fin, c'est trop bête de ne vivre que dans la peste.
(Camus)
 Attribut: Votre offre n'est qu'un piège.
 GAdv: Il ne reviendra que dans l'après-midi.
La négation restrictive peut être annulée, à son tour, à l'aide de l'adverbe négatif
pas/point: Je n'ai pas qu'une voiture (=j'en ai plusieurs). Tu ne portes pas que des jeans.
(=tu portes aussi des robes)
3. La négation non prédicative
Cette négation est incidente à un constituant de phrase, autre que le verbe fini.
3.1. En français il est possible d'extraire de la zone négative tout constituant de
phrase, à l'aide du gallicisme c'est à la forme négative, dont le rôle est à mettre en
évidence le constituant respectif:
- GN1: Ce n'est pas la littérature qui me passionne. Ce n'est pas Marie qui me l'a dit.
- GN2: Ce n'est pas (le sport + Jean) que j'aime.
- GPrép: Ce n'est pas à (Marie + l'examen) que je pense.
- Attribut: Ce n'est pas (modeste + professeur) que tu es.
- GAdv: Ce n'est pas là-bas que j'aimerais passer toute ma vie.
3.2. La négation non prédicative peut être incidente à un déterminant:
 du nom – à l'aide des adverbes pas, point, guère, nullement (lg.fam):

39
C'est une fillette nullement sage. Ce sont des gens pas trop honnêtes. Point
convaincue de la justesse de mon argument, elle continua son enquête.
 d'un groupe verbal – à l'aide des substituts adverbiaux ou nominaux:
Elle travaille pour rien. Connais-tu personne de plus laid que cet homme?
3.3. La négation des formes verbales non finies (infinitif, gérondif, participe
présent) est considérée comme non prédicative, parce qu'elle ne confère pas à la phrase
entière un statut négatif:
Je lui ai assez conseillé, dans mes lettres, de ne pas prende cette teinturerie!
(Zola) Elle surveillait avec une inquiétude croissante Colomban, qui, ne se
croyant pas guetté, restait en extase...(id.) En effet, Mme de Boves, n'ayant guère
dans son porte-monnaie que l'argent de sa voiture, faisait sortir des cartons...
(id.)
Les deux indices négatifs précèdent l'infinitif, surtout dans la langue courante: Je
te prie de ne pas salir ta robe. Il faut ne point la contrarier. Il veut ne plus en parler.
Pourtant, la postposition du deuxième indice négatif est courante, surtout en
français littéraire: J'aimerais mieux ne me marier point. (Beauvoir)
Avec les verbes auxiliaires être et avoir les deux positions sont possibles:
Elle se donne assez de peine pour ne pas faire des gaffes. Ce qui me fait le plus
souffrir c'est de n'avoir pas toujours le courage de dire la vérité.
 QUESTIONS
- Qu’est-ce que la négation en tant que constituant de phrase?
- Quels types de négation connaissez-vous en fonction de son incidence, du nombre de
constituants qu’elle affecte et de la confirmation ou non par le deuxième élément
négatif?
- Quels sont les types de la négation totale ou prédicative?
- Donnez des exemples où la négation à formant simple ne n’a pas de corrélatif positif.
- Mentionnez au moins quatre cas où le formant simple ne est en variation libre avec la
négation à formant discontinu ne…pas.
- Précisez si ne explétif a une valeur positive ou négative. Donnez au moins cinq
situations d’emploi du ne explétif.
- Indiquez, dans des exemples, la place occupée par les négations discontinues ne…
pas/point/guère/nullement/aucunement/plus/nulle part/jamais par rapport au verbe à
la forme simple et à la forme composée.
- Quand est-ce que le deuxième indice négatif doit être supprimé? Donnez des
exemples.
- Indiquez les fonctions syntaxiques où les substituts négatifs nul et pas un sont exclus.
- Quel indice négatif peut affecter successivement plusieurs constituants de phrase?
- Comment obtient-on une négation exceptive? Donnez des exemples.
- Quand est-ce qu’on peut parler de négation annulée?
- Donnez des exemples où la négation se combine avec l’emphase.
- Par quels procédés peut-on obtenir une négation non prédicative?
- Quels types de négation non prédicative y a-t-il en français?

Chapitre 8

40
La phrase passive
1.0. La phrase passive est basée sur un constituant facultatif de phrase et se
caractérise par la présence d'un sujet qui est le patient de l'action exprimée par le verbe et
d'un complément prépositionnel, qui est l'agent de l'action. Comme structure, la phrase
passive se présente sous la forme canonique suivante: verbe être (porteur des catégories
verbales: mode, temps, personne, nombre) + participe passé du verbe à conjuguer,
marqué par le trait [+transitif] + GPrép (=l'agent du verbe passif). Le participe passé
s'accorde toujours en genre et en nombre avec le sujet grammatical:
La résolution a été adoptée en unanimité par le Conseil d'Europe. Les mesures
de désarmement sont prises par tous les pays signataires de la convention
internationale.
Du point de vue des traits sémantiques du sujet de la phrase passive, celui-ci peut
être [+animé]: Marie a été grondée par ses parents; ou [-animé]: La fenêtre a été brisée
par le vent.
1.1. La transformation passive
La phrase passive est le résultat d'une transformation d'une phrase active, dont le
verbe est transitif (à deux actants: l'un est l'agent, l'autre le patient); la transformation
passive entraîne le changement des rôles sémantiques des deux actants. Ainsi, le patient
de la phrase active devient le sujet de la phrase passive et l'agent (=le sujet) de la phrase
active devient le complément d'agent de la phrase passive:
Jean a lu le télégramme.

Agent (=sujet) Patient (=objet direct)


Le télégramme a été lu par Jean.

Patient (=sujet) Agent (=GPrép.)


On remarque que l'inversion des positions et des fonctions syntaxiques des deux
actants n'entraînent pas de modification du signifié de la phrase.
1.2. La passivation et le comportement des verbes [+transitifs]
1.2.1. Toute structure active dont le verbe est transitif direct n’a pas
obligatoirement de correspondant passif. Il y a des situations où même les verbes
transitifs directs sont réfractaires au passif, ou la transformation passive est bloquée pour
certaines raisons.
- le verbe avoir:
Ma soeur a le dernier journal de mode.  *Le dernier journal de mode est eu
par ma soeur.
- verbes temporels suivis d'un temporel objectivé:
Marie passe ses nuits à étudier.
Nous y avons vécu des jours heureux.
- verbes à complément d'objet interne:
Maman a pleuré des larmes de joie.
Le soldat dormait le sommeil des justes.
- quelques verbes de pensée (savoir):
Marie sait la vérité.
- verbes indiquant des attitudes:
Penaud, le garçon a baissé les yeux.

41
Maman a hoché la tête.
- constructions figées:
Ils ont cassé la croûte.
Il a fumé la pipe.
1.2.2. A part les verbes transitifs directs qui admettent la transformation passive, il y
a aussi un nombre limité de verbes transitifs indirects (obéir, désobéir, pardonner) qui
peuvent être employés en structure passive :
Les amis obéissent à Jean.  Jean est obéi de ses amis.
Les parents pardonnent à l’enfant.  L’enfant est pardonné de ses parents.
1.3. Restrictions de passivation
A part la condition imposée sur le verbe de la structure active d’être transitif, il y a
aussi quelques conditions qui doivent être remplies par le sujet et par l’objet direct pour
qu’une structure passive puisse être acceptée ou admise.
1.3.1. Restrictions sur le sujet
Quelques verbes tels que quitter ou aimer doivent avoir un sujet marqué des traits
[+pluriel] ou [+collectif] afin que la structure passive soit acceptable en français.
Beaucoup de jeunes intellectuels ont quitté la Roumanie pour s’établir en
Amérique.  La Roumanie a été quittée par beaucoup de jeunes intellectuels qui
se sont établis en Amérique.
Marie a quitté la Roumanie pour s’établir en Amérique.  ?*La Roumanie a été
quittée par Marie pour s’établir en Amérique.
Tous les enfants aiment le chocolat.  Le chocolat est aimé de tous les enfants.
Marie aime le chocolat.  ?*Le chocolat est aimé de Marie.
1.3.2. Restrictions sur l’objet direct
En principe, l’objet direct (le patient) doit être précédé d’un article défini; s’il est
précédé d’un article indéfini, au singulier ou au pluriel, la structure passive peut être
bloquée ou bien elle peut avoir un sens limitée:
Paul a acheté un livre dans cette librairie.  Un livre a été acheté par Paul dans
cette librairie.
La structure passive se prête à plusieurs interprétations :
a) une lecture quantitative, visant le fait qu’un seul livre a été acheté par Paul;
b) une lecture qualitative, dans le sens que c’est un livre, pas une revue ou un magazine
que Paul a acheté dans la librairie;
c) une lecture oppositive sur l’agent (C’est Paul, et non Pierre ou Marcel qui a acheté le
livre).
2. Valeurs sémantiques du passif
2.1. Le passif peut exprimer un procès qui met en jeu un patient et un agent (les
deux actants du verbe [+transitif]):
- l'agent peut être explicite ou implicite, parce qu'il y a dans la langue beaucoup de
situations où le complément d’agent est effacé en structure superficielle:
Le spécimen du cahier fut approuvé. (Zola) Les marchandises étaient d’abord
pesées, puis elles basculaient sur une glissoire rapide… (id.) Le courrier est
apporté par le concierge. (agent explicite) La pizza est introduite dans le four.
(agent indéterminé)

42
Les phrases sans agent exprimé sont plus ambiguës, leur correspondant actif étant
le pronom indéfini on: On a introduit la pizza dans le four. On approuva le spécimen du
cahier.
2.2. Sans agent explicite, la structure passive peut indiquer un état résultatif, le
participe passé ayant la valeur proche d'un adjectif:
La porte est fermée à clef. Dans ma chambre la lumière est éteinte. L'atmosphère
est tendue.
Dans tous ces cas, il est difficile de préciser s'il s'agit d'une véritable structure
passive ou simplement d'une phrase active à verbe copule + Attribut. La valeur
aspectuelle qui en résulte est de non achèvement, d'état résultatif.
2.3. Le passif peut avoir une valeur impersonnelle, surtout dans les langues de
spécialité, suivi d'un infinitif ou d'une complétive:
Il est prévu de diminuer la pollution dans ce combinat. Il est écrit qu'on accorde
des droits salariaux à tous les signataires de ce document. Il avait été convenu de
participer à ce colloque. Il est dit que cette maladie est incurable.
3. Critères du choix de la préposition introduisant l’agent
En général, on considère que l'agent exprime la cause efficiente de l'action.
3.1. Le complément d’agent peut être introduit par les prépositions par, de, à ou
entre. Du point de vue de la fréquence, la préposition par semble être la plus répandue;
elle entre en variation grammaticale et sémantique avec de. Comme la préposition par est
susceptible de figurer dans un plus grand nombre de contextes que de, elle est considérée
comme terme non marqué de l'opposition de/par. La préposition par peut se substituer à
la préposition de dans certains contextes, dans d'autres situations les deux prépositions ne
peuvent pas commuter:
Cette fillette est adorée (de + par) ses grands-parents.
Cette émission télévisée a été regardée (*de + par) mes filles aussi.
3.1.a. Variation grammaticale par/de
La variation grammaticale est imposée par des critères grammaticaux, à savoir si
l’agent est accompagné ou non d’un prédéterminant (article, adjectif possessif,
démonstratif ou indéfini). Si l’agent n’a pas de prédéterminant, la préposition qui
l’introduit est de; au cas où le nom agent a un déterminant, la présence d’un
prédéterminant devient obligatoire et la préposition qui introduit l’agent sera, dans ce cas,
par:
La terre a été couverte de neige. La cour est encombrée d'élèves.
La terre a été couverte par la neige tombée pendant la nuit. La cour est
encombrée par les élèves des petites classes.
3.1.b. Variation sémantique par/de
La variation sémantique vise le caractère intérieur, moral de l’agent (préposition
de) par rapport au caractère extérieur, matériel de l’agent (préposition par) : Marie a été
blessée de mes propos. /vs/ Marie a été blessée par son ennemie.
Dans d’autres cas, l’opposition de/par traduit l’opposition entre le sens figuré et le
sens propre:
Marie fut accablée de honte. Son visage était éclairé d’un beau sourire. (sens
figuré) Marie fut accablée par le fardeau qu’elle portait. Son visage était
éclairé par la lumière d’un réverbère. (sens propre)

43
Plus rarement, l’opposition de/par traduit une opposition aspectuelle, entre un état
duratif et un état momentané:
Paul est atteint d’une maladie grave. Paul est atteint par cette mesure du
gouvernement.
3.1.c. Variation par/de imposée par l’usage
A part les verbes que les grammairiens rangent dans la catégorie des verbes
« ornandi » (entourer, orner, parer, équiper, couvrir, border, peupler etc), il y a aussi les
verbes suivre et précéder qui introduisent le complément d’agent par la préposition de.
Tarrou se mit au travail et réunit une première équipe qui devait être suivie de
beaucoup d’autres. (Camus) Justement, elle parut à la porte du petit salon,
précédée d’un vieillard. (Zola) La ville était peuplée de dormeurs éveillés…
(Camus) C’était une étroite cellule mansardée, meublée d’un petit lit… (id.)
Aussi, les verbes adorer, aimer, accompagner, apprécier, etc. qui se construisent
d’habitude avec deux actants [+humain] introduisent-ils l’agent par la préposition de:
… il gardait une gaieté triomphante, une certitude des millions, en homme adoré
des femmes… (Zola) Ils étaient accompagnés de Gonzalès, le joueur de football.
(Camus) Le dernier, bel homme, (…) de l’air militairement correct aimé des
Tuileries, baisa la main de M-me Desforges. (id.) …elle reconnut près d’elle M-
me Marty, tellement aimée de sa fille Valentine. (id.)
3.2. La préposition à introduit l’agent dans les séquence automatisées, une sorte
de réminiscence de l'ancien français: mangé/rongé aux mites/rats/vers; de même, le
verbe séduire est suivi d’un complément d’agent introduit par la préposition à : Marie a
été séduite à la beauté du paysage.
3.3. La préposition entre introduit un agent réciproque :
Des coups d’oeil rapides furent échangés entre les deux enfants.

Chapitre 9
La phrase impersonnelle
1.0. La phrase impersonnelle se caractérise par la présence d'un pronom
impersonnel sujet (il, ce, cela, ça), vide de référence, qui ne substitue rien.
Les trains passent toutes les 10 minutes. (structure personnelle)
Il passe des trains toutes les 10 minutes. (structure impersonnelle)
En principe, la structure impersonnelle a comme sujet le pronom impersonnel il si
la subordonnée suit la phrase régissante et le démonstratif neutre (ce, cela, c', ça) si elle
précède la régissante:
Il est bon que tu apprennes une langue étrangère.
Que tu apprennes une langue étrangère, c'est bon.
Cette règle n'est pas toujours respectée et, dans la langue courante, il y a une forte
tendance de neutraliser l'opposition il/ce:
Il est dommage que tu te sois trompé.
C'est dommage que tu te sois trompé.
On distingue plusieurs types de structures impersonnelles, qui se différencient selon
plusieurs critères morpho-syntaxique:
a) la voix du verbe;
b) verbes essentiellement impersonnels/vs/verbes accidentellement impersonnels;
c) type de déterminant;

44
d) mode du verbe dans la subordonnée.
1.1. Selon le premier critère, les structures impersonnelles peuvent avoir le verbe:
1.1.1. à la voix active
Il y a toute une série de verbes à la voix active qui s'emploient en structure
impersonnelle:
Il semble qu'il pleuve dans l'après-midi. Il apparaît que ton cousin soit vraiment
coupable. Il existe des gens qui n'arrêtent de se plaindre contre n'importe quoi.
1.1.2. à la voix passive
La structure est formée à l'aide du verbe être + participe passé du verbe à conjuguer
(décidé, entendu, dit, défendu, convenu) ou des suites formées à l'aide du verbe être +
prép. à + infinitif du verbe (craindre, entendre, redouter, regretter, souhaiter):
Il fut entendu que nous ayons attendu un quart d'heure avant de partir. Il est
décidé que Marie s'inscrive à la Faculté des Beaux Art. Il est à craindre que le
temps ne se gâte dans les deux jours suivants. Il est à souhaiter que Marie
prépare mieux son examen de français.
1.1.3. à la voix pronominale
Il y a toute une série de verbes réfléchis qui s'emploient en structure
impersonnelle: s'ajouter, se dire, se dégager, se débiter, se développer, s'écouler,
s'ensuivre, se mêler, se passer, se raconter, se produire, se trouver, etc.
Il s'écoula quelques heures dans un silence profond. Il se débite beaucoup de
bêtises dans les conversations quotidiennes.
Certains de ces verbes ont un sens passif-impersonnel:
Il se vend des fruits au marché. = Les fruits sont vendus au marché./ On vend des
fruits au marché.
Que s'est-il dit à ce sujet? = Qu'est-ce qu'on a dit à ce sujet?
1.2. Selon le deuxième critère énoncé, les structures impersonnelles peuvent être
construites avec des verbes essentiellement impersonnels, c'est à dire des constructions où
le verbe est uniquement impersonnel; dans d'autres cas, le verbe est appelé
accidentellement impersonnel, parce qu'il peut figurer soit dans des structures
personnelles, soit dans des structures impersonnelles.
1.2.1. Verbes essentiellement impersonnels
 verbes météorologiques (brouillasser, bruiner, brumasser, brumer, dégeler, grêler,
grésiller, neiger, neigeoter, pleuvoir, pleuvasser, pleuvoter, tonner, venter), suivis
d'habitude d'un déterminant circonstanciel de manière ou de temps:
Toute la nuit encore, il avait bruiné... (Zola) Il gelait dans la chambre... (id.) Il
pleut depuis des jours. (Boissard)
Parfois, ces verbes sont employés métaphoriquement, étant suivis d'un sujet
logique (placé a droite du verbe): Il pleut des balles.
Lorsque l'accord se fait avec le sujet logique, placé à droite ou à gauche du
prédicat, le verbe n'est plus impersonnel; par métaphorisation il passe au système
tripersonnel:
Ici pleuvent des nouvelles vraies ou fausses. (Michelet)
Des pétales neigent sur le tapis. (Gide)
 le verbe faire + Adj/N., indiquant surtout l'état atmosphérique ou un moment temporel:
il fait clair/beau/mauvais/chaud/froid/frais/frisquet/étouffant; il fait du soleil/du vent/du
verglas/de la lune; il fait nuit/jour, etc.

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 le verbe avoir + GN:
Il y eut un silence au bout du fil... (Camus)
 le verbe être suivi de:
- GN (sens existentiel) + subordonnée relative. C'est un emploi littéraire, assez rare:
Il y est des gens qui évitent tout contact avec les autres.
- N (moment temporel) indiquant l'heure, le moment:
Il est (midi + minuit). Il est (jour + nuit).
Dans ce deuxième exemple, le verbe être est la variante poétique du verbe faire.
Le verbe être peut se faire suivre d'un nom, d'un infinitif ou d'une subordonnée objet:
Il est besoin d'une femme dans la maison. Il est question d'un million de dollars.
Il est temps de rentrer à la maison.
Il est temps que cela finisse. (Camus)
- Adj. de caractérisation (bon, agréable, vain, triste, étrange, étonnant) ou modaux
(possible, impossible, certain, nécessaire, douteux, évident, vrai) suivis d'un infinitif ou
d'une subordonnée complétive:
Il est agréable de passer des heures entières à se prélasser au soleil.
Il est douteux que tu puisses te débrouiller sans mon aide.
- Adv. ainsi/de même, dans des structures qui impliquent une caractérisation ou une
extension comparative:
Paul oublie tout le temps le nom de ses copains; il en est de même avec le mien.
 le verbe aller dans la structure de comparaison il en va de même ou comme articulateur
du discours (il va de soi que...):
Les gens ont la tendance d'être vindicatifs, et il en va de même avec cette
catégorie un peu plus spéciale des gens de lettres.
 le verbe falloir suivi de:
- GN: Il faut de la persévérance pour réussir.
- GN datif (le datif du bénéficiaire): Il me faut du courage pour lui dire la vérité.
- Inf.: Il faut prendre des mesures urgentes pour remédier à cette situation.
- QueP: Il faut que tous observent les règlements.
Le verbe falloir forme la locution il s'en faut de peu, marquant l'imminence du procès: Il
s'en est fallu de peu qu'il ne perdît sa vie dans un accident d'auto.
 le verbe s'agir, suivi de:
- GPrép: Il s'agit d'une affaire très importante.
- Inf.: Il s'agit de partir tout de suite.
 la structure impersonnelle il y a, ayant deux valeurs sémantiques différentes:
a) existentielle: Il y a des livres de français sur la table.
b) temporelle: Il y a une semaine qu'il est parti en Afrique. Il y a longtemps que
j'attends une lettre de ma cousine.
Dans cet emploi temporel, il faut distinguer entre la valeur de il y a situant (=quand)
et il y a duratif (=depuis quand):
Il est parti il y a deux jours. (=situant)
Il y a deux jours qu'il est parti. (=duratif)
La structure impersonnelle il y a apparaît fréquemment dans des énoncés
interrogatifs: Qu'est-ce qu'il y a? = Que se passe-t-il? ou dans la structure négative
restrictive il n'y a qu'à + Inf. à valeur modale de nécessité: Il n'y a qu'à appuyer sur ce
bouton pour allumer la lampe.

46
1.2.2. Verbes accidentellement impersonnels
Il y a toute une série de verbes (arriver, passer, exister, apparaître, disparaître,
manquer, souffler, tomber, rester) qui apparaissent soit en structure personnelle, lorsque
le nominal précède le verbe, soit en structure impersonnelle, lorsque le nominal suit le
verbe:
Des malheurs nous arrivent souvent. Il nous arrive souvent des malheurs.
Un bouton manque à ton manteau. Il manque un bouton à ton manteau.
Quelques gouttes de pluie sont tombées. Il est tombé quelques gouttes de pluie.
Un vent violent souffle. Il souffle un vent violent.
Sémantiquement, entre la structure personnelle et impersonnelle il n'y a pas de
différence majeure21, il s'agit simplement d'une différence de focalisation: si dans la
structure personnelle c'est le nominal sujet qui est en quelque sorte mis en évidence, dans
la structure impersonnelle c'est le verbe qui est focalisé.
3. Déterminant d'une structure impersonnelle
Comme on l'a déjà vu, les structures impersonnelles peuvent être déterminées par:
- un Nom: Il y a des cigarettes dans ma tabatière.
- un Adj: Il fait beau aujourd'hui.
- un GPrép: Il s'agit d'un copain du collège.
- un Inf: Il faut s'adresser à la police.
- une QueP: Il est temps que tu demandes des explications.
4. Mode du verbe dans la QueP
La subordonnée d'objet qui suit une structure impersonnelle peut avoir le verbe à
un mode fini (indicatif ou subjonctif) ou à un mode non fini (infinitif).
4.1. Les modes finis s'emploient lorsque le destinataire est précisé, déterminé.
L'opposition indicatif/subjonctif traduit l'opposition certitude/incertitude. Voilà pourquoi
les structures impersonnelles telles que: il est clair/vrai/certain/évident/sûr /probable, il
paraît etc. sont suivies de l'indicatif lorsque la phrase est affirmative et par le subjonctif
(en français littéraire) lorsque la phrase est interrogative ou négative:
Il était clair que le témoin de l'inculpé mentait. Il est probable que j'obtiendrai
cette bourse d'excellence. Il paraît qu'il est souffrant. Il n'est pas certain que tu
puisses réussir à passer ton permis de conduire. Est-il sûr que Marie dise la
vérité? Il est peu probable que l'examen soit ajourné à cause de la grève des
enseignants.
Le subjonctif est de règle avec les structures impersonnelles du type: il est
dommage/utile/bon/nécessaire/possible22/temps, il semble, il advient, il arrive, il
apparaît, il convient, il suffit, il s'ensuit, il se trouve, etc:
Il est dommage que nous ayons oublié son adresse. Il est nécessaire que tu
apprennes au moins deux langues étrangères. Il est possible qu'il pleuve dans la
soirée. Il semble que cet enfant ait beaucoup de courage.
4.2. L'infinitif s'emploie après une structure impersonnelle lorsque le destinataire
est indéterminé.
Il faut partir maintenant. Il est temps de régler nos affaires. Il semble intéressant
de participer à cette réunion.
21
Il y a des linguistes qui considèrent que la structure personnelle s'emploie dans une phrase descriptive, constatative,
tandis que la structure impersonnelle a plutôt un sens existentiel ou événementiel.
22
Lorsqu'on emploie l'adverbe très ou fort, le degré de certitude devient plus grand est l'indicatif est de règle: Il est fort
possible que le facteur nous apporte (=Indicatif) aujourd'hui ton télégramme.

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Il y a toute une série de verbes psychologiques qui sont suivis d'un infinitif,
surtout s'ils présentent un datif de la personne intéressée:
Il m'arrive de me tromper parfois. Il lui déplaît de mentir. Il m'embête de répéter
mille fois la même chose. Il lui répugne de faire chanter ses amis. Il m'ennuie de
vous cacher la vérité. Il m'amuse de vous taquiner. Il me tarde de vous revoir. Il
m'importe de vous avouer tout cela.
L'infinitif de rection directe apparaît aussi après certains verbes de modalité:
Il peut arriver n'importe quoi.
Il ne saurait s'agir que de cela.

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