I. Introduction
Le 16, d'août 1677 paraît un article dans le Journal des Sçavants [pp.
193-196]
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montrer ici tout le mystère de cette haute Philosophie & tout le
progrès de cet Art, par de seules figures hiéroglyphiques, sans
aucun discours & sans nulle explication. C’est ce qui le fait
appeler le Livre Muet, ne disant pas même le nom de celui à qui il
doit le jour. Ceux qui se plaisent à se ruiner à la recherche du
grand œuvre ne seraient peut-être pas fâchés qu’on donnât ici
l’âme & la parole à tant de figures muettes qui composent ce
Livre. Je me contenterai d’en déchiffrer quelques- une, laissant à
l’Auteur la liberté de leur donner tel autre sens qu’il lui plaira. Un
peu au-dessus du milieu de la deuxième planche on voit une
Vessie de verre ou Œuf des Philosophes, dans lequel il paraît un
Neptune, qui s’élève sur un Dauphin ayant sous ses bras deux
figures humaines avec les caractères de l’or & de l’argent sur la
tête. Il semble que l’Auteur veuille montrer par-là qu’il faut mettre
ces deux nobles Métaux dans l’œuf des Philosophes pour s’y
fermenter & s’ouvrir par le sel volatil du Nitre tiré du sel commun
qui est très fixe, représenté par un Dauphin, duquel ce Neptune
s’élève. Ce sel volatil nitreux qui est l’agent universel des
Philosophes, et qui contient leur sel, leur soufre & leur mercure
est excité par la douce & humide chaleur du Bain vaporeux à feu
de lampe, comme on voit au bas de cette même Planche. Mais
parce que ce sel nitre doit être parfaitement purifié, & tel qu’il se
trouve partout dans l’air, séparé des soufres étrangers, de l’alun,
& d’un sel fixe commun, la quatrième Planche semble montrer que
lorsque le Soleil est dans le Signe du Bélier ou du Taureau, il faut
ramasser sur des linges bien nets la Rosée céleste imprégnée de
ce feu fixe, & sel solaire, que l’air condensé par la fraîcheur de la
nuit laisse tomber sur la terre, ainsi qu’une éponge pressée rend
l’eau qu’elle contenait dans ses pores. Lorsque ce sel Solaire qui
n’est autre chose qu’un Nitre très purifié est concentré & pétrifié
par une adroite préparation, il imbibe la lumière & devient un petit
Soleil artificiel. Peut-être est-ce ce feu perpétuel des Urnes des
anciens si célèbre dans l’Antiquité, & si recherché par les
modernes : & peut-être aussi les nouveaux Phosphores de M.
Krafft [p. 190 : Liqueur de Terre Seiche de sa composition qui jettent
continuellement de grands éclats de lumière] dont nous avons parlé
dans le journal précédent, ne sont-ils autre chose qu’une
préparation de ce même Nitre. Ce même sel étant dûment réduit
en liqueur devient l’alcaest, ou dissolvant universel tant caché par
les Maître de l’art : aussi l’expérience fait voir que le sel volatil de
la Rosée de Mai dissout l’or aussi facilement que l’eau chaude
dissout la glace. On voit dans la huitième Planche ce mercure des
Philosophes qui est le soleil & l’âme des plantes employé à ouvrir
ces deux nobles Métaux à l’aide de la chaleur du Bain vaporeux,
& par le moyen de deux substances qu’il contient, dont l’une est
blanche & l’autre rouge. La blanche est la Lune des philosophes,
& la rouge ou l’intérieure est leur Soleil ; & c’est de cette dernière
que les Maîtres de l’Art tirent avec de l’esprit de vin une teinture
qui est le véritable Or Potable des Philosophes, après que le Nitre
étant refroidi a pris une couleur bleue en quittant la verte, qu’il
avait acquise dans le Creuset par deux heures de cuisson. C’est
2
aussi cette partie intérieure du Nitre, qui est le soufre homogène à
celui de l’or, puisqu’il acquiert sa couleur par degrés, & qu’étant
préparé d’une façon il donne un très belle teinture d’or au Régule
d’antimoine. Dans les quatre Planches qui suivent ce Sel Nitre ou
menstrue universel est employé à disposer le mercure commun.
La treizième Planche contient la Projection, & la quatorzième
semble enseigner la façon d’une minière artificielle & perpétuelle,
dans laquelle l’or & l’argent croissent comme les Plantes sur la
Terre : Puisque l’expérience fait voir qu’une once d’argent de
coupelle dissout dans l’esprit de Nitre croît dans une fiole en
arbre Métallique, si on y ajoute demi-livre d’eau de fontaine, &
environ deux onces de bon Mercure commun. Enfin la quinzième
& dernière Planche semble montrer que le Mercure commun qui
était autrefois indomptable comme un Hercule, sous la figure
duquel cet Auteur le représente, est enfin terrassé, & qu’après sa
mort il s’en forme le Soleil & la Lune, c’est-à-dire l’or & l’argent
artificiel des véritables philosophes Hermétiques.
Remarquez bien ces paroles, elles renferment tout le fecret de l'air des
Philosophes que le Cosmopolite nous expofe fous le nom de l'aiman
Philofophique ; lorsqu'il dit, aer generat magnetem, magnes vero
generat, vel facit apparere aerem noftrum ; c'eft-là ( dit-il ) l'eau de
noftre rofée, de laquelle fe tire le falpetre des Philofophes, qui nourrit,
& qui fait croître toutes chofes ;
On voit que la rosée est le processus dynamique qui conduit,
progressivement, à l'obtention du dissolvant des métaux ou
alkaest de Glauber. Rosée et salpêtre sont à l'identique de rose et
croix, c'est-à-dire en langue hermétique, fleur et étoile. Nous y
reviendrons dans le § II touchant aux explications de certaines
planches.
3
alchimique. Eugène Canseliet en a établi une édition critique en
1958 [L'Alchimie et son Livre muet (Mutus Liber). Réimpression
première et intégrale de l'édition originale de La Rochelle - 1677 -
Introduction et commentaires par Eugène Canseliet, F.C.H., disciple de
Fulcanelli. A Paris, chez Jean-Jacques Pauvert - cité in l'Alchimie
expliquée sur ses Textes classiques, Pauvert, 1972, 1980, p. 37]. Il y
revient dans l'Introduction de son Alchimie quand il évoque la
composition gravée qui abrite le titre :
4
planche inaugurale du Mutus Liber, Bibliotheca Chemica Curiosa,
Mangetus, 1702 [cliquez sur les nombres associés aux chapitres du
Pentateuque pour accéder au verset correspondant]
5
21. 11. 82. Neg. - 93. 82. 72. Neg. - 82. 31. 33. Tued. dont le rétablissement
conduit à : Gen(esis) - Genèse - chap. 28, 11 et 12 - Gen(esis) - Genèse -
chap. 27, 28 et 39 - Deut(eronomium) - Deutéronome - chap. 33, 13 et 28.
« C'est un feu que je suis venu apporter sur la terre, et comme je voudrais
qu'il soit déjà allumé. » [Lc 12, 49]
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gravures du Ros. Phil. En d'autres termes, il s'agit de l'antimoine
saturnin d'Artephius et de Tollius. Et les deux natures métalliques
sont les corps du et de . Quant à l'autre vase, il s'agit du
vase de nature qui est formé d'une substance d'origine ou plutôt
d'essence céleste: les Adeptes la nomment crachat de Lune ou
suc de la Lunaire : c'est la déjection de l'étoile polaire ou Aimant
des métaux. Ce second vase est surmonté d'une couronne
d'argent, dont le symbole n'est pas mais . Voilà qui permet
de distinguer le SCEL de l'oeuvre du principe SEL dont
l'idéogramme est . Nous avons ainsi trois principes qui sont, en
toute virtualité, vifs : les corps mêlés sont réduits sous trois
genres principaux, savoir le végétal, l'animal et le minéral. Le
minéral joue un rôle particulier par sa relation aux terres et aux
pierres : il forme donc la matrice du lapis [la résine ou toyson de l'or
alchimique que certains appellent encore terra alba foliata]. Le végétal
correspond au principe de multiplication du lapis et et permet de
jeter quelque lumière sur l'obscurité des chiffres que l'on observe
à la planche 13 du ML [100 - 1000 - 10 000, etc.] où, manifestement,
un processus d'accroissement est à l'oeuvre, après que l'oeuf
philosophique a été introduit dans l'athanor.
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de la planche I du ML. Les Soufres des métaux dorment dans leur
gîte, ce qu'on reconnaît à l'amande dans laquelle chacun se
trouve reclus. Amande où là encore on devine sans effort celle
des branches d'églantier ou de rosier qui ornent le frontispice du
ML. Il n'est pas jusqu'au Monde, la lame XXI du tarot, qui ne
puisse être évoquée [voir Antoine Court de Gébelin : Monde primitif,
analysé et comparé avec le monde moderne vol. 8, tome 1, Paris 1781,
pp. 365- 410] mais nous ne pouvons, dans le cadre de cette
section, développer une amplification là-dessus [voir tarot
alchimique]. Quoi qu'il en soit, l'artifice mystérieux qui fait l'un des
grands secrets des alchimistes permet de transformer une
substance - ou un ensemble de substances - en sorte d'opérer sa
transmutation [transfert] d'un état inanimé [état amorphe] à un état
où l'âme a été infusée [état cristallin] où survient une circulation.
Urbigerus [alias Borghese ou C. de Siebenb] a consacré son
Circulatum minus Urbigeranum [London, 1690] au sujet. Il n'est
peut-être pas inutile de donner un extrait de la Circulation Mineure
Urbigurienne :
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évident : le rêveur dont la tête repose sur le rocher est comme un
trait d'union entre la Terre et l'air [entendu comme spiritus]. Il
s'agit presque de la représentation d'un tableau dans un autre
tableau puisque nous voyons ce que voit le personnage : un
songe. C'est donc, d'une certaine manière, une réalité psychique.
Peut-on en dire autant de la croyance en Dieu qui est l'expression
numineuse d'une représentation éidétique ? Nous ne saurions
aller jusque là, mais Jung, dans sa Réponse à Job [trad. Buchet
Chastel, 1959] semble formel. C'est un point d'importance :
« La controverse est née du préjugé singulier selon lequel rien n'est vrai que
ce qui se présente ou s'est présenté sous la forme d'une donnée physique. »
[Réponse à Job, Lectori Benevolo, p. 13]
« Car le critère d'une vérité n'est pas seulement son caractère "physique" : il
est aussi des vérités psychiques, vérités de l'âme qui, dans la perspective
physique, ne sauraient pas plus être expliquées que récusées ou
démontrées. » [idem, p. 14]
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fig. 1 du Ros. Phil. - auri fontina
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inaugurale du ML. Exposer une autre relation, ésotérique, entre le
lecteur ainsi prévenu et l'ensemble des quinze planches, via la
méditation des six versets. C'est là une entreprise ardue que seul,
à ce sommet d'expression, saura égaler sans la dépasser, Michel
Maier en son Scrutinium Chymicum [alias Atalanta fugiens, version
datant de 1687]. Sur ce que nous disions de l'Hermès Dévoilé, nous
relevons des points de convergence avec la fig.1 du Ros. Phil.
dont l'exotérisme est suffisant pour que nous puissions y trouver
la contre partie ésotérique dans la planche 1 du ML. Les quatre
fleurons évoqués par Cyliani sont à trouver dans la
« quaternité carrée délimitée aux quatre coins par les quatre étoiles. Ces
quatre sont les quatre éléments. En haut et au centre du bord supérieur se
trouve une cinquième étoile... la quinta essentia. » [Jung, Psychologie et
Alchimie, op. cit., p. 61]
Chartier, le Plomb sacré des Sages, p. 59, d'après Hans von Osten, Eine
grosse Herzstärkung für die Chymisten, 1771 [cliquez pour une autre
version]
... & fi apres ces raifons & ces experiences confirmées par l'authorité de
fi grands Philofophes & Chemiftes vous n'eftes affez illuminé, vous
pouvez prendre les Lunetes, les Torches, & les Flambeaux du Hibou de
Khunrath, pour vous conduire, puifque au recit d'Ariftote, la plus
grande partie des Hommes eft de la nature des Chats-Huans, & ne
peut voir clair en pleine lumiere; mefme aux chfes qui naturellement &
vifiblement tombent d'elles-mefme en leur cognoiffance.
Nous allons examiner ce point . On connaît au moins deux
versions de la planche 1 du ML : l'une dans laquelle le fond de la
scène est représenté par la mer comme c'est le cas pour la
version que donne Mangetus, dans sa Bibliotheca Chemica Curiosa.
L'autre qu'E. Canseliet a présenté dans son Alchimie [Etudes de
symbolisme, Pauvert, 1978] et où l'on voit un champ s'étendre jusqu'à
l'horizon. Cette seconde version semble originale puisqu'on peut
11
lire, au bas de la planche :
12
quand il ressemble au dragon babylonien ? Ce dragon qu'il faut
que l'Artiste choisisse d'un beau noir, luisant, compact, plus dur
que la poix. Ce n'est certes pas la vulgaire substance vendue
dans le commerce qui fera son affaire : il est presque toujours le
caput mortuum de la rectification de l'huile de succin. Les
Hollandais ont en Hongrie des mines de succin dont ils retirent à
part le sel et l'esprit [animus ] et qu'ils dépurent; quant à
Tous les mixtes qui paffent par une Analyfe rigoureufe ou très-exacte,
perdent, comme nous avons dit, le Souphre principe qui avoit compofé
ce smixtes; en forte que plus l'Artifte fe met en epine de le débrouiller,
moins il le trouve. Nous n'avons donc aucune connoiffance pofitive du
Souphre principe par le moyen de nos Analyfes, ou par la
décompofition des mixtes...
13
Le lecteur peut se demander pourquoi nous parlons du Souphre
alors que le sujet du ML est le , à n'en point douter. La
lecture des quinze planches lui aura fait voir qu'un élément est
présent qui, jusqu'à présent, n'a pas été étudié pour ce qu'il était :
la lumière. Voyez ces rais aux planches 4, 9 et 12, décomposées
à la façon d'un prisme.
Le Mercure commun ayant été purifié fuffifamment par le fer & par
l'antimoine, devient plus vif & plus liquide qu'il n'étoit avant cette
purification : cependant en le mettant en digeftion à une chaleur qui
lui convient, il arrive que ce Mercure, fans y ajouter aucune autre
matière fenfible, s'arrête peu à peu & ne coule plus, contre le naturel de
ce mineral , fe changeant en une poudre noire, blanche ou rouge, felon
qu'il plaît à l'Artifte ; cet-te poudre devient plus pefante que n'étoit le
Mercure quand on l'a mis en digeftion, & enfin de très-volatile qu'étoit
14
ce Mercure, jufqu'à fe fublimer par un petit feu de lampe, il devient par
une longue cuiffon fi pareffeux au feu, qu'il en fouffre la rougeur
pendant plus de vingt- quatre heures, & en le pouffant vivement au
feu nud, la plus grande partie s'en va à la vérité en fumée , mais il refte
un petit grain de métail dur, qui s'eft formée dans ce Mercure.
Homberg considère à juste titre qu'il s'est introduit quelque chose
dans ce mercure et qu'il y a eu transformation de la substance
même du , attendu qu'il ne coule plus et devient - à l'instar
d'une certaine variété de verre - malléable. Enfin, en dépit du
4ème degré de feu, il reste un bouton métallique irréductible.
L'erreur de Homberg, le lecteur l'aura deviné, tient à ce qu'il
confond la matière de la lumière et l'effet de la combustion. Erreur
conceptuelle que seul Lavoisier saura rectifier pour faire sortir la
science des ornières occultes [précédé par Mayow (1669), Boyle
(1668) et Priestley (1774), cf. Chevreul - le ML, rappelons-le était sorti dans
son édition rochelaise en 1677]. Mais il est possible, via la cabale
hermétique, de poursuivre cette voie qui, en toute autre
circonstance, conduirait à une impasse. Homberg ajoute :
15
avait vu deux gaz également élastiques dans l'air, l'oxygène et l'azote. »
[Chevreul, critique de Hoefer, III]
l'enveloppe et pour ainsi dire, la coque]. Cet esprit nitre aérien est
nécessaire à l'Artiste qui souhaite entretenir la flamme invisible de
son feu secret et animer le sulphur en sorte d'en préparer un
rayon igné qui teigne en masse sa terra alba foliata. Cette
expérience fera voir une curieuse propriété de notre Nitre aérien
[à propos du Tractatus Quinque Medico Physici aut. Io. Mayovv. etc.
Varennes, Paris, Journal des Sçavants, 1665, pp. 30-34] :
D'où vient que fi l'on enfonce dans l'eau une chandelle allumée, dune
telle manière que le lumignon refte élevé d'un ou de deux doigts au
deffus de la fuperficic de l'eau ,& qu'au deffus de la chandelle on mette
une ventoufe qui s'enfonce auffi un peu dans l'eau , on voit d'abord
l'eau s'élever dans la ventoufe ; parce que les parties nitreufes de cet air
enfermé étant confumées par la flamme, laiffent le refte de. l'air
affoibly & bcaucoup fort. Et de là vient encore que l'air qui eft le plus
voifin de la flamme, fe trouvant plus foiblc par la perte de ces parties
folides, ne fçauroit refifter à la preffion de l'air voifin. Ainfi il vient
inceffamment de l'air nouveau auprès de la flamme.
Résumons :
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de l'air, qui dans le vase a été espessi, appesanti, et rendu
aucunement adhésif par la véhémente et longuement continue chaleur
du fourneau ; lequel air se mesle avec la chaux et s'attache a ses plus
menues parties. »
« Il est d'observation, dit-il, que les sels fixes et les sels volatils, et
môme les vitriols, ayant été calcinés jusqu'à expulsion totale de leurs
esprits acides, absorbent, par une longue exposition à l'air, une
certaine acidité. De plus, la limaille de fer, exposée à l'air humide, est
corrodée comme si elle était attaquée par des acides, et se convertit
en safran de mars apéritif. II semble donc qu'il existe dans l'air un
certain esprit acide et nitreux. Cependant en examinant la chose plus
attentivement, on trouve que l'esprit acide de nitre est trop pesant
proportionnellement à l'air dont il se compose ; et puis, l'esprit,
nitro-aérien, quel qu'il soit, sert d'aliment au feu et entretient la
respiration des animaux, comme nous le démontrerons plus bas ;
tandis que l'esprit acide du nitre est éminemment corrosif, et, loin
d'entretenir la vie et la flamme, il n'est propre qu'à les éteindre. Bien
que l'esprit de nitre ne provienne pas en totalité de l'air, il faut
cependant admettre qu'une partie en tire son origine. D'abord, on
m'accordera qu'il existe, quel que soit ce corps, quelque chose
d'aérien, nécessaire a l'alimentation de la flamme. Car l'expérience
démontre qu'une flamme exactement emprisonnée sous une cloche
ne tarde pas à s'éteindre, non pas, comme on le croit communément
par l'action de la suie qui se produit, mais par privation d'un aliment
aérien. Dans un verre où on a fait le vide, il est impossible de faire
brûler, à l'aide d'une lentille, les substances mêmes les plus
combustibles, telles que le soufre et le charbon. Mais il ne faut pas
s'imaginer que l'aliment igno-aérien soit tout l'air lui-même; non, il n'en
17
constitue qu'une partie, mais la partie la plus active. Il faut admettre
que les particules igno-aériennes, nécessaires à l'entretien de la
flamme, se trouvent également engagées dans le sel de nitre, et
qu'elles en constituent la partie la plus active, celle qui alimente le feu.
Car un mélange de nitre et de soufre peut être très bien enflammé
sous une cloche vide d'air, par conséquent d'où on a extrait cette
partie de l'air qui sert à alimenter la flamme. Et ce sont alors ici les
particules igno aériennes du nitre qui font brûler le soufre. Donc le
nitre renferme en lui-même les particules igno-aériennes nécessaires
à l'alimentation de la flamme. Dans la déflagration du nitre, les
particules igno-aériennes deviennent libres par l'action du. feu,
qu'elles alimentent puissamment. »
« Il est suprenant, dit-il, qu'il y ait quelque chose dans l'air qui soit
seule propre à entretenir la flamme, et qu'une fois cette matière
consommée, la flamme s'éteigne aussitôt; et pourtant l'air qui reste a
fort peu perdu de son élasticité. »
18
avait la même propriété ; et cette substance étant produite par une
dissolution de mercure dans l'esprit de nitre, je conclus que cette
propriété particulière dépendait de quelque chose qui lui était
communiqué par l'acide nitreux ; et puisqu'on fait le mercure calciné,
en exposant du mercure à un certain degré de chaleur, de manière
que l'air commun ait un libre accès autour de lui, je conclus
pareillement que cette substance, à ce degré de chaleur, avait reçu
quelque chose de nitreux de l'atmosphère. Trouvant cependant ce fait
beaucoup plus extraordinaire qu'il n'aurait dû me le paraître, je
conservai quelque soupçon que le mercure calciné, sur lequel j'avais
fait mes expériences, ayant été acheté a une boutique ordinaire,
pouvait dans le fait n'être rien de plus que le précipité rouge ; quoique
pour peu que j'eusse été praticien en chymie, je n'eusse pu concevoir
un pareil soupçon. Mais je fis part de mon doute à M. Warltïre, et il me
fournit du mercure calciné qu'il avait gardé pour modèle de cette
préparation, et dont il m'assura qu'il pouvait garantir la composition. Je
traitai celui-ci comme le premier, et en continuant seulement plus
longtemps l'application de la chaleur, j'en tirai beaucoup plus d'air que
de l'autre. Cette expérience aurait pu satisfaire un sceptique modéré.
Mais cependant me trouvant à Paris au mois d'octobre suivant, et
sachant qu'il y a de très habiles chimistes en cette ville, je ne manquai
pas l'occasion de me procurer, par le moyen de mon ami M. Magellan,
une once de mercure calciné préparé par M. Cadet, et dont il n'était
pas possible de suspecter la bonté. Dans le même temps, je fis part
plusieurs fois de la surprise que me causait l'air que j'avais tiré de
cette préparation à MM. Lavoisier, Leroi, et autres physiciens qui
m'honorèrent de leur attention dans cette ville, et qui, j'ose dire, ne
peuvent manquer de se rappeler cette circonstance. »
Priestley pensait que ce gaz était le même que celui qu'il avait
obtenu,une année auparavant, en maintenant, pendant longtemps,
l'air nitreux (bioxyde d'azote) sur de la limaille de fer humide,
c'est-à-dire qu'il confondit tout d'abord l'oxygène avec le protoxyde
d'azote.
19
diminué, mais qu'il l'était tout-à-fait autant que l'air commun, et que la
rougeur du mélange était égale à celle d'un semblable mélange d'air
nitreux. et d'air commun.»
Homberg (1705) était sur le bon chemin mais n'avait pas tenu
compte de ce que son verre contenait de l'air et il attribuait donc à
l'imprégnation de la lumière l'excès de poids mesuré après la
calcination. Peut-être était-il imbus, comme tant d'autres, d'idées
occultes... ? Mais c'est à John Mayow (1669) que devait revenir le
génie d'avoir pu, d'un seul tour, à la fois résoudre la question de
l'esprit nitro aérien et du sel nitre; par là découvrait-il, peut-être
sans le savoir, ce que les alchimistes avaient caché depuis mille
ans ? Il serait téméraire de l'affirmer.
Gen, 28, 11 : Il atteignit un certain lieu et s'y arrêta pour la nuit, car le soleil
était couché. Prenant une des pierres du lieu, il en fit son chevet et se
coucha en ce lieu.
20
« L'agression de la violence pulsionnelle est un événement divin lorsque
l'homme ne succombe pas à cette surpuissance, autrement dit ne la suit pas
aveuglément, mais défend au contraire avec succès sa nature d'homme
contre le caractère animal de la force divine. » [Métamorphoses de l'Âme
et ses Symboles, trad. Georg, Pochothèque, p. 560]
21
Musaeum hermeticum, p. 2
22
Il dit alors "Laisse-moi partir, car voici l'aurore", mais Jacob répondit :
"Je ne te laisserai pas partir avant que tu ne m'aies béni".
Il lui demanda : "Quel est ton nom ? - Jacob". Il reprit : "On ne
t'appellera plus Jacob mais Israël, car tu as été fort contre Dieu, et tu
l'emporteras aussi contre les hommes".
Jacob demanda : "Révèle-moi ton nom, je te prie", mais il répondit
"Pourquoi me demandes-tu mon nom ?" et, là même, il le bénit.
Jacob donna à cet endroit le nom de Phenuel, "car, dit-il, j'ai vu Dieu
face à face et je ne suis pas mort". Au lever du soleil, il avait passé
Phenuel... mais il boitait de la hanche.
Gen 32, 25-32
Jung ajoute :
« Il est "terrible de tomber aux mains du Dieu vivant" et "qui est près de lui
est près du feu, et qui est loin de lui est loin du royaume" car "Dieu est un
feu dévorant", le Messie est "un lion qui est de la race de Juda". »
[Métamorphoses de l'Âme et ses symboles, trad. Georg, Pochothèque,
pp. 560-561]
C'est ce Juda qui est incrusté dans le bouclier tenu par la Force. Il
s'agit d'une véritable offrande à Dieu [comprenez : il s'agit du moyen
23
pour l'alchimiste d'allumer le feu, interne à sa materia prima. Il y a, dans la
Vulgate, un jeu de mots entre Juda et l'expression : « je louerai le Seigneur
», voir Gen 29, 35 ; 49, 9]. L'artifice permettant de pratiquer
l'opération est représenté par le glaive de feu tenu en dextre par
la Vertu. Glaive qui n'est pas sans rapport avec le sulphur : le
combat de Jacob contre l'ange [Peniël] s'achève à l'auro hora [voir
Aurora consurgens] : Jacob souffre de sa hanche [iscion] que son
adversaire lui a luxée. Par cabale, il n'est pas absolument
impossible de voir un coup d'arrêt mis à la mobilité naturelle du
Mercurius [iscnoV, en proche assonance phonétique de iscion, a
le sens de dessécher, rendre sec : les alchimisent traduisent cela par fixer le
volatil]. Cette luxation de hanche est donc l'équivalent - si l'on nous
entend bien - du grappin ou loup hermétique [lequel n'a alors plus
rien, on le voit bien, de rapport avec le loup « ravisseur » des métaux, du
moins à ce stade de l'oeuvre] qui est le symbole de la coagulation du
Mercure en Soufre. Quelques mots sur Juda : le passage cité par
Jung trouve son origine de Gen 49, 9-10 :
24
Gen 28, 12 : Il eut un songe : voici qu'était dressée sur terre une échelle
dont le sommet touchait le ciel; des anges de Dieu y montaient et y
descendaient.
« [la lumière de Dieu] ... est une niche où se trouve une lampe, la lampe
dans un verre, le verre comme un astre de grand éclat; elle tient sa lumière
d'un arbre béni, l'olivier... dont l'huile éclaire, ou peu s'en faut, sans même
que le feu y touche. » [24, 35]
25
le sacrifice d'Abraham, Notre-Dame de Paris, portail central [cliché Alain
Mauranne]
« Le bélier est... comme le serpent du paradis qui aurait été le Christ selon
l'interprétation des Manichéens. Meliton de Sardes aurait enseigné que le
Christ était un agneau comparable au bélier qu'Abraham sacrifia à la place
de son fils. » [Jung, Métamorphoses de l'Âme, op. cit., p. 698, note 208]
26
Philosophorum, p. 56], Lambsprinck [De Lapide Philosophorum,
planche IX] ou encore Michelspacher [Cabala, Spiegel der Kunst und
Natur: in Alchymia]. D'autres en ont donné des variations
symboliques sur des idéogrammes; ainsi dans l'Aurea Catena
Homeri, chaque anneau de la chaîne d'Hermès forme l'une des
marches qui conduit l'Artiste de la massa confusa du chaos au faîte
de l'oeuvre [voir Aurora consurgens, II]. Enfin, maints bas-reliefs se
ressentent à l'évidence d'une semblable symbolique, telle la
Philosophie du portail central de Notre-Dame de Paris [voir
Gobineau].
27
son fils cadet alors qu'il croit la donner à son aîné... Ce sont les
quatre principes de philosophie qu'Isaac accorde ainsi à l'Artiste :
la rosée du ciel représente le [voir Verba Aristei]; les gras
terroirs forment la constellation du corps adamique [Adam pris
comme prima materia, voir Splendor solis, planche VIII]. Le froment est
l'or enté qui peut, par analogie, être rapporté à l'entrée royale de
Jésus à Jérusalem :
«... si le grain de blé qui tombe en terre ne meurt pas, il reste seul; si au
contraire il meurt, il porte du fruit en abondance. » [Jn 12, 24]
«... Ce que tu sèmes, ce n'est pas le corps à venir, mais un grain tout nu, du
blé par exemple… et Dieu lui donne un corps à son gré… on sème de la
faiblesse, il ressuscite de la force ; on sème un corps animal, il ressuscite
un corps spirituel. » [1 Co, 15, 35-44]
28
fig. 7 du Ros. phil. - putrefactio
«... le premier homme Adam fut un être animal doué de vie, le dernier Adam
est un être spirituel donnant la vie... Le premier homme tiré de la terre est
terrestre. Le second homme, lui, vient du ciel. » [1 Co, 15, 45-47]
Gen 27, 39 : Alors Isaac prit la parole et dit : "Vois, hors du gras terroir sera
ton habitat et loin de la rosée qui est au ciel..."
29
Jacob s'enfuit et prend alors le masque du Mercurius alors
qu'Esaü prend les traits d'Ares . C'est ensuite que survient
l'épisode du songe de Jacob [Gen 27, 10-22, voir supra] suivi, avant
sa rencontre avec Esaü, de l'autre épisode de sa lutte contre Dieu
[Gen 32, 23-33, voir supra]. C'est ainsi que, juste avant de rencontrer
son frère, Jacob subit une conversion, une véritable
transmutation, puisque désormais on le nomme Israël. La Genèse
s'achève par la mort de Jacob [Gen 50].
30
pierre, tout d'abord, celle-là même qui est évoquée dans Gen 28,11
et plus tard dans Gen 29, 2 :
«... Une grande pierre fermait l'orifice du puits. Quand tous les troupeaux y
étaient rassemblés, on roulait la pierre de dessus l'orifice du puits, on faisait
boire le petit bétail et l'on remettait la pierre en place sur l'orifice du puits. »
[Gen 29, 2-3]
31
encore s'occuper à trouver les éléments du Lait de Vierge sans
lesquels le Rebis, forme évoluée de l'Airain et du laiton, ne saurait
s'épanouir. Précisément, ces éléments doivent être cherchés dans
la Discorde qui oppose, si l'on nous entend bien, Jacob à Esaü.
Fulcanelli a suffisamment insisté sur les deux ingrédients pour
qu'il nous soit permis, ici, de passer outre. Nous ferons toutefois
remarquer que Basile Valentin a noté que l'Artiste, pour peu qu'il
trouve la prima materia, trouvera toujours un pot pour la cuire. Et
que cette première matière est réputée être dans le même temps
pierre et non pierre : son expression consacrée, par cabale, est
donc l'hexagramme de Salomon qui signe l'alliance du et
de la . Or, si l'on reprend les possibilités de nature, on
remarque qu'une pierre ne peut être trouvée volant dans l'air que
si elle y a été projetée de terre, expulsée du cratère de quelque
volcan [où elle est donc, en ce cas, littéralement, à la fois pierre et non
pierre, puisqu'à l'état pâteux] ou si elle a franchi les bornes de notre
atmosphère, en forme de météorite et reliquat de quelque comète
[voir nos symboles et le chapitre 9 consacré à la pierre noire]. Là encore,
c'est l'état igné qui domine. Dans les deux cas, nous avons affaire
à une pierre qui chute [cado, cassito : dégoutter] dont la masse de
cabale rend, pour ainsi dire, le poids négligeable compte tenu
qu'il s'agit là d'un poids de nature, mais non point de l'Art. Seul
Dieu connaît, à ce qu'en disent les plus grands Adeptes, ce poids
de nature. Nous terminerons ce bref exposé en faisant remarquer
que la partie métallique, nécessairement l'étoile, est à chercher
dans la pierre tandis que la partie minérale, la fleur, doit être
recherchée dans le pot.
Deut 33, 13 : Pour Joseph, il dit : son pays soit béni du Seigneur ! Que le
meilleur don du ciel, la rosée, et l'abîme qui gît en bas...
32
l'antimoine, selon ce que nous en avons dit. Ce mot veut que ce
soit le même que les Arabes ont entendu par Atmadon : Nophech
et Atmadon signifient Antimoine ou anqoV ammonoV. On peut,
par cet artifice, extraire de la substance antimoniale des teintures
et coloris divers pour les pierres précieuses, rubis, émeraudes,
opales, etc. De ses entrailles, se tire des teintures différentes tant
pour colorer les pierreries que pour conserver et embellir les
yeux. La rosée est ainsi assimilable au porte flambeau
[christophore] des métaux. En les spiritualisant, c'est-à-dire en les
sublimant, elle permet de chasser la ténèbre du sang minéral et
de faire ainsi sortir des cendres de ce phénix la vertu cachée du
métal. C'est ce qu'exprime ces versets :
33
la sourve vive de Cadmos - Notre-Dame de Paris [cliché Alain Mauranne]
34
Il est donc de toute nécessité que l'Artiste fasse calciner les
parties hétérogènes des Soufres imparfaits et combustibles, qu'il
élimine les fèces et que la vertu corroborative de ses parties plus
déliées que sont les brillants de soient communiqués et
« ...voici, je mettrai une toison de laine sur l'aire: si la toison seule se couvre
de rosée, et que tout le sol alentour reste sec, je connaîtrai que vous
délivrerez Israël par ma main, comme vous l'avez dit. » [Jg, 6, 37]
35
dragon rouge des vieux alchimistes [le cambar - kinnabariV -
d'Artephius et de la Turba]. Basile Valentin l'a transcrit en IAMSUPH
sur sa Clef X [voir Douze Clefs]. Selon Pline, Paeon découvrit les
propriétés médicinales de la pivoine et s'en servit pour guérir les
blessures d'Hercule [voir Fontenay]. On préconisait de cueillir la
pivoine à la lune décroissante [par cabale lors de la chute d'Hellè]
ainsi que le recommande Thessalus dans sa Lettre à Néron. De
tout ce que nous venons d'écrire, il suit que la pivoine contracte
des rapports avec le phénix, symbole suprême de l'individuation.
Voyons à présent Edon. Nous pouvons le rapprocher de Hdwnoi
dont la racine signifie réjouir ou charmer. La transition est facile à
faire avec Orphée et sa lyre dont nous savons quel est le sens
hermétique : il s'agit du lien du Mercure. C'est l'artifice dont
l'Artiste a besoin afin que l'aqua permanens reste stable au feu du
4ème degré et que les éléments du Rebis évoluent vers le lapis.
Cette fixation a donné le nom d'Aimant des sages à la matière
capable, telle la lyre sur les animaux sauvages, de susciter de
l'ordre dans le chaos primordial. C'est ce qui fait dire à Senior :
36
Ros. Phil., fig. 17 - Revificatio
37
importance, de l'interrelation archétypale, puisqu'il permet
d'étendre notablement la signifiance sémiotique d'une figure qui
ne passe pas seulement qu'en image. Voilà que se dégage la
véritable richesse conceptuelle de l'alchimie, déjà relevée par
Simon Diner [Louis de Broglie que nous avons connu, Fondation
Louis de Broglie, Paris, 1988, pp. 59-64] : la pensée alchimique
oscille sans cesse entre la corruption de la matière et la
purification de l'esprit; elle s'exprime de manière lapidaire par la
célèbre formule : SOLVE ET COAGULA. Cette oscillation trouve sa
correspondance dans le phénomène de l'imbibition ou
mondification : il fait l'objet, pour certains, des détails que l'on voit
à la planche IV. En voici la belle version dans l'édition de Manget :
38
planche quatrième du Mutus Liber, Bibliotheca Chemica Curiosa, Mangetus,
1702
Tendue sur des piquets, cinq draps reçoivent la rosée céleste (flos
39
coeli) à la partie inférieure nous voyons l’alchimiste et son épouse
recueillir cette rosée en tordant l’étoffe pour l’en exprimer : la divine
liqueur tombe dans le récipient disposé à cet effet. Sur le sol, en
remarquera des formations végétales d’allure curieuse. Or, flos coeli
est le nom volontiers donné par les « fils de sciences » à une algue
bleue, le nostoc, qui apparaît soudain - comme mystérieusement
tombée du ciel (d’où son nom populaire lui-même aux résonances
alchimiques : crachat de la lune) - dans les près ou les jardins après
la pluie. Des alchimistes traditionnels ont effectivement employé le
nostoc pour préparer la matière première de l’Œuvre. Mais la rosée
proprement dite soigneusement recueillie (et d’ordinaire au
printemps) de la manière bien indiquée sur la figure, est d’usage très
courant en alchimie opératique; d’où le nom de « Frères de la rosée
cuite » quelquefois donné aux alchimistes rosicruciens du XVIIe
siècle. On remarquera la partie supérieure de la planche, où - entre le
Soleil et la Lune - nous voyons descendre l’éventail des influences
célestes (de deux polarités complémentaires). Le flos coeli peut
également, en effet, désigner un mystérieux agent céleste de nature
magnétique. L’alchimie opératique suppose en fait la connaissance
précise des forces magnétiques: magnétisme solaire, magnétisme
lunaire, magnétisme terrestre et même (semble-t-il) ce que les
astronomes modernes nomment rayons cosmiques. D’autre part, il ne
faut pas oublier que les alchimistes semblent (comme jadis les
fulguratores étrusques) aussi avoir eu la maîtrise d’une source
colossale d’énergie : celle provenant de la captation directe du « feu
du ciel », c’est- à-dire de la foudre. Quant à la possibilité de capter
directement cet autre « feu du ciel » que sont les rayons solaires, il
semble bien que les adeptes en aient également eu la maîtrise. Voici,
à ce propos, ce qu’écrit Magophon dans son commentaire à la
planche précédente (car il se demande comment il doit être possible
d’allumer la lanterne magique portée par la compagne de l’alchimiste)
: Certains auteurs, et non des moindres, ont prétendu que le plus
grand artifice opératoire consiste à capter un rayon de soleil, et à
l’emprisonner dans un flacon fermé au sceau d’Hermès. Ce miracle,
le photographe l’accomplit en quelque sorte, en se servant d’une
plaque sensible qu’on prépare de différentes manières.
40
Nemrod, Notre-Dame de Paris
« Koush engendra Nemrod. Il fut le premier héros sur la terre, lui qui fut un
chasseur héroïque devant le Seigneur. D'où le dicton : "Tel Nemrod, être un
chasseur héroïque devant le Seigneur." [Gen, 10, 8-9]
41
tarot l'arcane XVI ou Maison Dieu qui résume à merveille le
symbolisme véhiculé par la ziggourat biblique [voir notre tarot
alchimique]. La tour de Babel était un avertissement pour Dieu :
« L’un des édifices figurés juste au bord de l’horizon (la construction conique
à droite) est surmonté de la Croix de Lorraine : ce n’est pas seulement
l’emblème d’une grande province française mais c’est un symbole ésotérique
traditionnel. »
42
érigé en partant de la jusqu'à la sphère du . Et le récipient
apte à recueillir les effluves célestes est représenté par les toiles
tendues entre le Bélier et le Taureau. Le faîte de ce temple est le
ciel firmamental et son toit est tendu de cet arc-en-ciel zodiacal -
ésotérique pour le coup - où se devine l'influence du symbolisme
de la rota. Le centre de cette roue ou rose cosmique se situe en
dehors du plan de la gravure : ce point central n'en a qu'une
valeur plus virtuelle car nous ne savons pas, au vrai, faire la part
de ce qui monte et de ce qui descend dans ces flux entrelacés
entre terre et ciel. Les commentateurs ont, en effet, raisonné sur
cette planche en considérant que les rayons descendaient
forcément. La Tabula Smaragdina, toutefois, est formelle :
voir Jung, Essais sur la symbolique de l'esprit, op. cit.]. D'où vient cet
esprit ? Si nous regardons la planche 4 de façon élémentaire, il
ressort clairement que cet esprit ne peut provenir que de la . Il
ne saurait évidemment provenir du qu'il ne fût, au préalable,
émané d'une production chthonienne. Il faut donc, en même
temps que nous évoquons des effluves célestes, ne pas oublier
les efflorescences salines [voir là-dessus l'arcanum duplicatum ; son
caput mortuum ainsi que le caput corvii du Donum Dei]. Elles seules
semblent capables de produire l'esprit - au sens d'animus - dont
les alchimistes ont besoin, et pour préparer leur , et pour
préparer leur . C'est ce qu'assure Batsdorff :
43
fig. 9 du Ros. Phil. Mundificatio
44
planche quatorzième du Mutus Liber, Bibliotheca Chemica Curiosa,
Mangetus, 1702
Cette planche est bien connue des disciples d'Hermès par la maxime
finale :
45
Ora
Lege Lege Lege Relege labora
et Invenies.
Le panneau supérieur de la planche donne à voir trois tours. Comme on
le dit dans l'analyse de l'ensemble des planches, il est plausible, sinon
probable, que les trois tours soient mises pour les signes zodiacaux
signalés au deuxième panneau. Ces tours sont du reste à l'image de
ces Mont- Joie que Fulcanelli évoque dans son Myst. Cath. [p. 68]. Nous
avons indiqué ailleurs qu'il s'agissait d'une allégorie dont le sujet est la
rosée qui s'élève jusqu'au mont de la Magnésie [par cabale, les sept
boeufs de labour]. L'occasion nous est donnée de citer Appolonios de
Tyane, également évoqué par Fulcanelli dans l'un de ses calembours,
AU LECTEUR
46
vers 1725 à Paris. C'est Eugène Canseliet qui en retrouva la trace
dans le catalogue distribué en 1937 par un libraire parisien,
Thiebaud, successeur de Nourry [les planches sont celles présentées
dans l'édition de La Rochelle]. On connait aussi des planches
dépareillées qui sont conservées dans la collection alchimique de
l'université de St Andrews. Plus tard, vers 1702, le médecin
genevois Jean-Jacques Manget inclut les planches dans sa
Bibliotheca chemica curiosa ; il semble que la version de Manget soit
la plus soignée. On suppose que l'auteur se serait dissimulé sous
l'anagramme d'Altus, qu'en décodant, l'on peut transformer en
Sulat : il s'agirait de Jacob Saulat, sieur des Marez. Celui-ci
déclara en effet avoir découvert le manuscrit lorsqu'il sollicita le
privilège de l'éditer à son compte. Il fut accordé par Louis XIV à
Saint-Germain, le 23 novembre 1676. J. Van Lennep ajoute dans
son Alchimie (p. 231) qu'un argument de poids fut ajouté par
Serge Hutin quand il découvrit que les armoiries figurant sur la
quinzième planche étaient celles du sieur Saulat des Marez. Nous
commentons les planches du Mutus Liber en y ajoutant des
commentaires de Magophon, alias Pierre Dujols, tirés de
son Hypotypose. On verra que plusieurs passages de ce texte ont
été repris à peu intacts dans le Myst., ce qui, de notre avis, laisse
peu de doute quant à l'auteur présumé du Ier tome de la trilogie.
Voici les commentaires de Magophon, avant qu'il entame
l'examen des quinze planches :
"Il s’est formé autour du Mutus Liber une légende absurde. Une
Ecole - qui n’a d’hermétique que le nom - a fait à cet ouvrage une
réputation d’obscurité impénétrable et, de ce chef, le vénère comme
un sacrement, sans le comprendre. C’est une erreur; de même que
traduire Mutus Liber par le Livre muet, sans paroles, est un
contresens philosophique. Tous les signes adoptés par l’industrie
humaine pour manifester la pensée sont des verbes. Les Latins - ce
mot entendu congrûment appellent le dessin, la peinture, la sculpture
et l’architecture, au moyen desquels les Hiérogrammates réservent
aux élus les arcanes de la Science, mutae artes, c’est-à-dire les arts
symboliques.
47
que les tropes littéraires et les figures de rhétorique, surtout en une
matière aussi expérimentale que celle de la chimie.
Mais, pour être une science cachée, l’alchimie n’en est pas moins une
science réelle, exacte, conforme à la raison et, de plus, rationaliste.
De tous temps, il y eut des " faiseurs d’or "; les " gentilshommes
verriers ", même de nos jours, la transmutation opère encore des
miracles. A la suite de débats sensationnels et peu distants [Cette
introduction a été écrite avant la première guerre mondiale. (N. de
48
l’Ed.)] on a laissé dire - et au milieu de quelle stupeur que
l’Administration de la Monnaie aurait saisi, sans autre forme de
procès - et pour cause ! - la production d’un alchimiste contemporain:
- " Vous ne devez pas savoir pouvoir faire de l’or ! " Lui dit-on d’un air
comminatoire, en le renvoyant les mains libres, mais vides. Est-il
donc défendu d’être savant ou alors l’alchimie serait-elle un secret
d’Etat ? Cela n’emporterait point cette conclusion naïve les ministres
qui se succèdent soient au fait de la Kabbale. Les rois règnent, mais
ne gouvernent pas, suivant un aphorisme célèbre. Et il semble bien,
par moment, qu’il y ait encore, dans la coulisse, quelque éminence
grise qui tire les ficelles! Le fameux " Galetas du Temple " n’est
peut-être pas si aboli qu’on le suppose, et il y aurait un livre
surprenant à écrire sur les filigranes des billets de banque et les
sigles des pièces de monnaie.
Mais dans ce cas, dira-t-on, pourquoi l’or est-il devenu si rare que la
vie sociale en est comme paralysée ? Les espèces ne se sont pas
volatilisées, elles se sont déplacées, et il faut attendre qu’elles
reviennent à leur point de départ par un mouvement économique
inverse. Seulement, une trop grande lenteur dans ce retour peut avoir
des conséquences incalculables.
La politique des peuples est réglée par un pacte métallique secret qui
ne peut être violé sans entraîner les plus graves complications
internationales. On tirera donc des billets à tour de bras, mais on ne
frappera plus de pièces d’or. Et pourtant, ce n’est point que l’or
manque : il s’étale ostensiblement, et avec quel faste, sur
d’innombrables épaules, autour de poignets, de doigts et même de
jambes dont d’élégance et l’esthétique laissent parfois à désirer. Rien
ne serait, partant, plus facile pour l’Etat que d’échanger son papier
contre de la matière précieuse et de mettre les " coins " à l’œuvre.
C’est paradoxal, mais c’est la vérité. Il y a donc à cette éclipse
momentanée du numéraire or une raison profonde fondée sur la
sagesse. " Or est qui or vaut ", dit un adage. Si la frappe en était licite
aux nations qui ont épuisé leurs réserves normales, la surabondance
en entraînerait l’avilissement. L’étalon fiduciaire n’offrirait plus aucune
garantie et équivaudrait à de la fausse monnaie. L’équilibre financier
serait rompu; ce serait la mort des affaires, la ruine mondiale. C’est
pourquoi la production " naturelle " de l’or est elle-même limitée, si
bien qu’on refuse la concession de nouvelles mines et jusqu’à son
extraction à pauvre rendement des sables fluviatiles et autres.
49
Ces considérations préliminaires nous ont paru opportunes, avant de
prendre charitablement le lecteur par la main pour le conduire dans
les inextricables méandres du labyrinthe.
Comme notre désir est d’être utile aux chercheurs, mais que nous ne
pouvons, en quelques pages, écrire un traité technique, nous devons,
avant d’entrer en matière, orienter le disciple vers l’ouvrage qui
semble le mieux correspondre aux figures du Mutus Liber. La plupart
des manipulations indiquées dans ce recueil de symboles se trouvent
assez bien décrites par le plus notoire des philosophes, dans L
‘Entrée Ouverte au Palais Fermé du Roy d’Eyrénée Philalèthe.
Ce n’est pas qu’il n’y ait plus rien à y ajouter. Loin de là, au contraire.
La pratique de Philalèthe, qui nous est présentée sous des dehors
aimables et persuasifs, compte parmi les fictions les plus subtiles et
les plus perfides de la littérature hermétique. Elle renferme cependant
la vérité, mais comme le poison recèle quelquefois son antidote, si on
sait l’isoler de ses alcaloïdes pernicieux. Le cas échéant, nous
signalerons les traquenards à mesure qu’ils se présenteront sous nos
pas.
50
Ouverte aux ingénieux, - Et scellée pour les sots, - Je t'offre cette lecture -
Pour nous élucidée." [Deux Logis Alchimiques, Pauvert, 1979]
Le 19 avril 1926, peu après qu'il eût terminé de lire Le Mystère des
Cathédrales, Pierre Dujols devait décéder, âgé de 64 ans.
"Je l'ai salué quelquefois, déclare Canseliet, entr'aperçu sur son grabat, où il
gisait perclus, souffrant d'une arthrose - comme Scarron. Il ne pouvait pas
plier les genoux ni, par conséquent, quitter la position assise. Alors, le soir,
quand il s'étendait, ses genoux restaient en angle et lui servaient de pupitre."
51
Nous ne saurions passer sous silence le travail de Serge Hutin
[SH] sur le ML, publié aux éditions Le Lien, à Maizière-lès-Metz en
1966. Rappelons que S. Hutin (1927-1997) fut un hermétiste de
haut vol et qu'on lui doit plusieurs ouvrages d'importance sur l'Art
sacré dont un Que Sais-je sur l'Alchimie, récemment réédité.
Serge Hutin
http://perso.wanadoo.fr/pensee.sauvage/telechrg/mutus.pdf.
52
planche 1 planche 2 planche 3 planche 4
53
l'une voilée par la figure d'Arès et l'autre par celle de
Vénus-Aphrodite. La réunion des deux fournit une substance
liquide [ou plus exactement pâteuse, objet de la sublimation
philosophique], idéalisée par la rosée de mai, que le couple
recueille dans de larges bassines. Ce sel fait l'objet d'une
première calcination à la planche 5. On recueille un premier Caput
mortuum, qui correspond à un sel en forme de D et sans doute de
nature mercurielle, là encore purement idéalisé : il s'agit du
Mercure commun. L'esprit, qui s'est condensé dans le gros ballon
qui correspond au récipient est ensuite mis au fourneau au bain
de sable. La planche 6 montre le recueil de la substance après
qu'elle a été mise en digestion au bain de sable. Le matras ouvert
est disposé au fourneau à réverbère et va donner, là encore deux
produits, l'un sous forme d'un résidu qui correspond au Soufre,
figuré par une | et l'autre sous forme d'un autre esprit qui va se
condenser dans le récipient. A la fin de la planche 6, le Mercure
D est mis à calciner au fourneau dans un pot. Vient la planche 7.
Dans un premier temps, on mêle l'esprit obtenu précédemment et
le Mercure commun qui a été calciné. Le tout est mis en
calcination et on recueille un troisième sel, sous forme d'une ¯
qui correspond au double Mercure. C'est ce qu'exprime la scène
de l'oratoire du bas de la gravure où l'on voit Saturne dévorer son
propre enfant. Enfin, vient la planche 10. On prend le Soufre qui
correspond à la | que l'on joint à ¯ qui correspond au double
Mercure. Le tout {|¯} est pesé selon les proportions requises
et mis dans un matras qui est scellé au feu de lampe : ce serait le
fameux sceau d'Hermès. C'est manifestement la voie humide qui
est ici exposée, celle que nous n'avons pu, jusqu'à présent,
malgré une section entière, dévoiler autant que nous l'aurions
voulu... Le matras est disposé ensuite dans l'athanor
philosophique et la Grande coction démarre. On doit passer,
selon la tradition, par trois couleurs, en débutant par le noir, puis
le blanc et enfin le rouge. L'opération entière semble plus
complexe que celle qui a été décrite, parce qu'il faut passer par
des réitérations de la même technique, ainsi que semblent le
montrer les planches intercalées, notamment les deux couples 8 -
9 et 11- 12. Les planches 8 et 11 ont un rapport évident avec la
planche 2. C'est la partie supérieure qui diffère en ce que, à la
planche 2, les acteurs hermétiques nous sont en quelque sorte
présentés, de part et d'autre de Jupiter, tandis qu'aux planches 8
et 11, nous apercevons le Mercure philosophique et les aigles qui
indiquent une sublimation. La planche 13 ne diffère de la planche
10 que par les chiffres qui apparaissent en bas et à droite. Ils
indiqueraient le pouvoir de multiplication de la teinture... La
planche 14 semble être comme un mode d'emploi. La partie
supérieure montre trois tours qui correespondent à l'athanor. Il y a
trois coctions. La vignette au-dessous montre les trois chiffres
romains : VI - II - X qui correspondent au triangle de feu des
54
astrologues, avec respectivement : Lion - Bélier - Sagittaire [cf.
zodiaque alchimique]. Si l'on fait l'hypothèse qu'il y a concordance
entre les tours et les 3 séries, la quenouille serait peut-être
l'indice d'un feu qui doit être dosé en sorte que le contenu soit
dans un état filant, mais alors on ne comprend plus pourquoi c'est
la voie humide qui est exposée, car la température s'élève bien
au-delà de 500 °C et le matras volerait en éclat. En résumé, il
serait excessif d'observer dans ces gravures allégoriques le
travail réel pour la voie humide. Mais il y a d'importantes
indications à retenir concernant les questions de la séparation, de
la conjonction et de la sublimation.
planche 1
55
L'Adepte commente ici l'échelle de la Philosophie, au grand portail
central de Notre-Dame de Paris. Et d'ajouter :
"La patience est l'eschelle des Philosophes, nous dit Valois [Oeuvres de
Nicolas Grosparmy et Nicolas Valois, Mss. biblioth. de l'Arsenal, n° 2516
(166 S.A.F.)], et l'humilité est la porte de leur jardin ; car quiconque
persévérera sans orgueil et sans envie, Dieu lui fera miséricorde."
[Léto souffre pendant neuf jours et neuf nuits les douleurs de l'enfantement,
56
i.e. avant le début de la coagulation. Léto ou Latone fut assez heureuse pour
aborder l'île de Délos, où elle accoucha d'Apollon et d'Artémis, autre nom de
Diane aux cornes lunaires]
L’Homme endormi est le sujet de l’Œuvre. Quel est ce sujet ? Les uns
57
disent que c’est un corps ; d’autres affirment que c’est une eau. Les
uns et les autres sont dans le vrai, car une eau, dénommée " la belle
d’argent ", jailli de ce corps que les Sages appellent la Fontaine des
Amoureux de Science. C’est le mystérieux selage des Druides, la
matière qui donne le sel ( de sel pour sal et agere produire ). Le
secret du magistère est d’en dégager encore le soufre et d’en utiliser
le mercure, car tout est dans tout. Certains artistes prétendent
s’adresser ailleurs pour cet effet, et nous ne nierons pas que
l’hydrargyre de cinabre puisse être de quelque secours dans le
travail, si on sait dûment le préparer soi-même ; mais on ne doit
l’employer qu’à bon escient et à propos. Pour nous, celui qui parvient
à ouvrir le rocher avec la verge de Moïse, et ce n’est pas une mince
confidence, a trouvé la première clef opératoire. Alors, sur cette
pierre abrupte fleuriront les deux roses qui pendent aux branches de
l’églantier, l’une blanche et l’autre rouge.
58
"...vous y verrez un personnage curieux, endormi au creux d'une petite
colline, tandis qu'en songe il perçoit le son de la trompette d'un ange qui lui
apporte l'Annonciation. Cet ange, placé sur l'échelle de Jacob, reçoit l'écho
d'un autre ange, situé lui, au sommet de l'échelle et qui, dans sa trompette,
produit également le son que l'autre ange doit faire entendre à l'Adepte.
Cette figure, placée à l'intérieur d'une couronne de roses, doit être méditée
par quiconque désire entrer dans la citadelle alchimique..."
59
become otherwise distinguished, will not stand investigation. 1. The
Rechler Gebrauch d' Alchimei is a book of miscellaneous receipts and
treats very slightly of transmutation, and, although its date be 1531,
the place of printing is not given; most likely it was printed by
Egenolph at Frankfurt 2. The Galeraseya does not treat of Alchemy at
all, but is a book of Roman Catholic controversy and beliefs, and it
was recommended to be used for converting heretics. The Lapis
Philosophorum spoken of is entirely symbolical, and signifies faith in
the Roman Catholic church. 3. The nominal author is Daniel — not G.
or Georg — Agricola Philopistius, 'lover of the faith,' — not
Philopeusles, ' lover of enquiry or research,' as Schmieder gives it 4.
The author or editor confesses frankly that the title is an ingenious
one, a bait to catch readers, "esca in hamo, quo pisces capiuntur," as
he says, so that those who buy or read the book in the hope that they
will learn now to make gold, the gold that perisheth, will find that they
have acquired instead a pearl of priceless value. 5. The origin of the
book is described in the introduction and first dialogue. The author
(Daniel Agricola), who was living in Germany some 50 years before
the date of the book, after long study and making great acquirements,
at the age of 30 travelled over all the world and learned all he could.
After an absence of 60 years, he returned to Germany. A young men,
called Joachimus. who had wasted his substance in searching for the
philosopher's stone, and was forsaken of his kinsfolk and
acquaintance, came to the town where Daniel was, and as luck would
have it met him and told him his sorrows. Daniel consoled him and
promised that he would reveal to him the true stone. After Daniel and
Joachimus had lived together for so years, Daniel died calmly at the
not immature age of one hundred and ten years. Joachimus then
committed his teaching to writing, both for the guidance of others, and
in memory of Daniel himself. This work came into the hands of the
writer of the preface, whoever he was, who had it printed. 6. The
dates now given will not suit George Agricola under any
circumstances. If Daniel flourished 50 years prior to 1631, say in
1580, then he was alive twenty-five years after George Agricola was
dead. If the book was published in 1531 and Daniel was alive 50
years before that time, say in 1480, he must have been ten years old
at least, possibly fourteen, before George Agricola was born.
The whole story seems to be fictitious. The book is not by George
Agricola, it is not about Alchemy, so that Schmieder's derivation of the
name from galeroV and azo meaning the'' fortunate " or "joyful
blackness," and referring to that product of "putrefaction" which the
alchemists called "caput corvi," is mere nonsense. If the Galeraseya
be the result of a hundred and ten years' study, travel, meditation,
instruction, it is very small for its age. If Schmieder's statements about
Agricola's youthful alchemical studies and publications were correct,
and the Galeraseya were one of these printed in 1531, Agricola at that
time was thirty-seven (possibly forty-one) years of age; not a youth,
therefore, and he had already published the Bermannus, was settled
at Chemnitz, and was a man of distinction for scholarship. The book
hardly merits so much notice, but it has been so persistently ascribed
to G. Agricola that it is as well that the account it gives of itself should
be known, and the current errors rectified. Kopp, however, says (Die
Alchemie, 1886, i, p, 41) that these works are erroneously ascribed to
him, though he is not correct in saying that the Galeraseya is by a G.
Agricola; but he quotes Schmieder as to the meaning of the word
(Ibid, ii. p. 339), and does not seem to have been alware that the book
does not deal with Alchemy at all.
60
opportunément cet ouvrage de Bernard Le Trévisan, le Songe
Verd. Ce petit écrit fait partie de ces textes où le héros est
endormi et fait l'objet de ses songes; citons d'autres exemples
comme l'Hermès Dévoilé de l'Adepte Cyliani ou encore la Fontaine
des Amoureux de science de Jean de Meun. Quand ce ne sont pas
des rêves, ce sont des visions : celle de Zozime que Jung a
analysée dans ses Racines de la Conscience [trad. Buchet Chastel] ou
celles de Ripley [voir Ashmole, Theatrum Chemicum Britannicum ainsi
que : Compound of Alchemy et Ripley Scrowle]. Zosime voit un prêtre
blanc [Berthelot, Alchimistes Grecs, III, t. 2] dont le nom Iwn peut, à
ce qu'en rapporte Jung [Psychologie du Transfert, trad. Albin Michel,
p. 129, n. 13] être l'une des formes du Mercure, par le biais de la
forme Merqûlius ou Marqûlius [il s'agirait d'un Sabéen].
61
du corps correspond à l'entrée du labyrinthe. Le sommet de la
montagne est à mettre en relation avec la dépuration du ;
62
Il est difficile de tirer le grain de l'ivraie de cette version
abominable de la Turba [BCC, I, pp. 445-465] qui, malheureusement,
est encore la seule disponible en français [in Salmon, Bibliothèque
des Philosophes Chymiques, vol. II, pp. 1-55]. Du moins, l'essentiel
peut-il être retrouvé « vapeur et eau » ou si l'on préfère « spiritus &
vapor ». Dans cette partie de l'opus correspondant à la fin de la
nigredo , l'Esprit est encore maître des lieux [vas naturae : vase
de nature, i.e. V.I.T.R.I.O.L.E.U.M. ou oelum vitri, alias huile de verre],
sous forme visqueuse et encore corrompue - ce qu'exprime le
vocable spirituel -. Il est d'habitude signalé aux impétrants
comme un aigle, ainsi que Zosime le tire de la bouche d'Ostanès :
63
Speculum veritatis, Anonyme, XVIIe
« Que Diane ici te soit propice, qui sait dompter les bêtes sauvages et dont
les deux colombes (qui ont été trouvées volant sans ailes dans les bois de la
Nymphe Vénus) tempéreront de leurs plumes la malignité de l'air... »
[Introïtus, VI]
64
facile d'y trouver l'idéogramme de l'acide muriatique . Toutefois,
la présence dans l'angle supérieur droit de la [qui devrait être
comme le signale Canseliet en son premier quartier] donne à l'ensemble
l'apparence de l'aes ustum. Sur le Speculum veritatis, nous en
trouvons l'allégorie dans le serpent cloué au chêne, c'est-à-dire
[sur l'arbre envisagé comme rotundum, voir Aurora consurgens, I]. C'est la
galle de notre kermès :
« Prends le feu ou la chaux vive dont les philosophes disent qu'elle pousse
sur les arbres... Dieu lui a accordé une force et une efficacité si grandes que
la divinité elle-même est mêlée à ce feu. Et ce feu purifie tant au purgatoire
que dans les enfers. » [Gloria Mundi seu Tabula Paradisi, Musaeum
Hermeticum, 1678, pp. 203-305]
65
« Au moment de la mort hivernale, les tiges verts [du gui] se parent de
boules blanches brillantes; la vie, l'âme du chêne... semble s'être réfugiée
dans l'humble parasite qu'il supporte. » [A.-L. Mercier, la flore populaire de
l'Île-de-France, Paris, 1954-1963]
«... C'est avec surprise que j'ai constaté que la partie de matière récupérée
se présentait bien comme une masse noire mais constellée de petits cristaux
formant à sa surface et dans sa masse de multiples points étoilés. La
tradition me laisse penser qu'il s'agit là du Mercure prêt à sortir de son lit. »
[Armand Barbault, L'Or du millième matin, J'ai Lu, 1969, Introduction aux
préparations du second ordre, p. 161]
66
assiste là au phénomène de transfert et de projection dont
l'hiéroglyphe - sur la planche 1 du ML - est l'échelle de Jacob. Ce
moyen de jonction entre et nous est offert par l'arbre
philosophique de l'image précédente. Sans vouloir revenir de
manière approfondie sur l'arbor vitae [voir Aurora consurgens, I], il
semble important de faire voir que la liaison entre et est
obtenue via l'artifice de la corruption ou putrefactio [ioV]. C'est
ce que la graveur a voulu représenter par le mandala qui occupe
le milieu de l'arbre, mandala formé par l'Ouroboros, dans lequel
une scène récurrente est inscrite : celle du pélican s'offrant
lui-même en pâture à sa couvée [voir Aurora consurgens, II - figure
22]. De part et d'autre du mandala, le tronc et les racines, qui
s'épuisent dans la terre et constituent le reflet chthonien de la
psyché [le ÇA - voir Jung, l'Arbre philosophique in Racines de la
conscience]; et aussi le faîte de l'arbre qui en forme la partie
spirituelle [le SOI]. Il est clair que le processus de transformation
[qui tend vers l'individuation] est ce mandala où nous devons
imaginer que réside le MOI. Les transpositions alchimiques sont
les suivantes :
SOI = - MOI = - ÇA =
67
style puisque l'Artiste doit préparer ses matières à l'état de poudre
ou même porphyrisées; l'idée demeure, toutefois, pour signaler
que l'effet du dissolvant agit jusqu'au tréfonds de la materia prima
en sorte d'y puiser la matière sulfureuse. Dans l'Exode, Dieu
révèle sa puissance à Moïse et lui indique trois signes qui
témoignent de la manifestation des prodiges. Nous venons
d'évoquer le premier, la transformation du bâton en serpent. Cette
métamorphose ressortit de la nigredo . Le deuxième prodige
consiste en une modification de la main de Moïse qui devient
lépreuse et couverte de neige. Quant au troisième prodige, il
renoue plus directement avec le symbolisme alchimique :
« Alors, s'ils ne croient pas plus à ces deux signes et n'entendent pas ta
voix, tu prendras de l'eau du Fleuve [du Nil] et la répandras à terre; l'eau
que tu auras prise au Fleuve, sur la terre deviendra du sang. » [Ex, 4, 9]
planche 2
68
Cette planche se compose de deux parties ; la partie supérieure
où le soleil brille en plein ; au-dessous sont deux anges qui
tiennent un matras ventru ; dans le matras un personnage que
nous identifions comme Neptune, flanqué de Diane et d'Apollon :
une étoile surmonte celui de gauche tandis qu'une fleur surmonte
celui de droite. Cette partie supérieure est une évocation
allégorique, en gloire. La partie inférieure nous montre un athanor
auprès duquel est agenouillé le couple alchimique dans une
attitude de prière. On notera que la femme a la main droite levée
[indication possible pour une identification à Minerve ou à Junon] ; notez
qu'elle semble tenir de la main gauche un objet invisible : on dirait
d'une déesse à laquelle on aurait ôté ses attributs.
69
Les Soufres sont sublimés dans l'aqua permanens et ne sont pas
encore réincrudés. La réincrudation est l'opération qui consiste en
le retour à un état antérieur de substances, ici des sels à l'état
d'oxydes, conjoints. Cette opération, en cabale hermétique,
contracte d'étroits rapports avec la chute de l'Ange [voir section
réincrudation]. Voici ce que pense Magophon de cette planche :
"La seconde planche n’est pas dans l’ordre des opérations. Elle
représente l’œuf des philosophes, et pourtant rien, jusqu’ici, n’a pu
faire connaître les éléments qui doivent le composer. Pour en donner
une idée, nous devons enjamber délibérément un certain nombre de
symboles.
70
véritable stibium de Tollius, pareil à l'antimoine saturnin
d'Artéphius. Pour tous les alchimistes, à ce point du travail, le
silence s'impose [« chut » en latin se dit st, premières lettres de stibium et
stannum ]. Mais l'étain, dans l'oeuvre, n'est pas non plus ce métal
lépreux qui est utilisé dans les dissolutions auriques par la voie
humide. Il s'apparente encore à l'Airain des sages, c'est-à-dire au
Rebis. Voici ce qu'en dit A. Barbault :
71
Nicolas Valois, la Clef du Secret des Secrets
planche 3
72
C'est un compendium du 3ème oeuvre. En arrière-plan, Jupiter
tient de la main droite un sceptre couronné ; à gauche le Soleil, à
droite la Lune. Au centre, trois cercles circonscrits ; le cercle
extérieur est lui-même séparé en trois parties : une première
partie, la plus importante, est formée de trois séries de lignes
horizontales, multipliées par deux, à chaque fois (2 - 4 - 6) ; un
paon faisant la roue est en sommité, accompagnant une déesse.
La partie inférieure montre une sirène ; la partie gauche dix
oiseaux blancs qui sont peut-être des colombes. Le cercle moyen
montre à sa partie supérieure des symboles du printemps et de la
floraison ; la partie moyenne semble comme en arrière plan et
représente le Bélier et le Taureau que l'on voit sur la planche 4. La
partie inférieure nous montre le couple alchimique, avec à gauche
la femme tenant une lanterne et à droite, l'homme tenant une canne
à pêche qui tombe dans le cercle extérieur. Le cercle intérieur
représente des bateaux évoluant dans la mer ; au premier plan,
Neptune dans son char armé de son trident qui dépasse le cercle
et se termine entre le couple alchimique ; plus loin, un bateau où
l'on voit évoluer le couple alchimique.
Le paon est une image de la vanité [cf. Donum Dei] ; c'est l'oiseau
d'Héra (Junon) et de Jupiter : c'est un symbole solaire. N. Flamel
cite le paon toujours au chapitre consacré à la sixième figure (les
Anges) :
73
du paon indique évidemment les couleurs de l'arc-en-ciel ; cet
arc-en-ciel a le sens de voûte ou arc et renvoie à Mercure par le
truchement d'Arcas. Arcas est le fils de Jupiter et de Callisto, qui a
d'étroits rapports avec l'étoile pôlaire et l'ours. À ce sujet, E.
Canseliet s'est exprimé dans ses Deux Logis alchimiques, au
chapitre de l'Ourse et les deux Singes :
74
un commentaire précis de ce qui se produit dans cette partie de
l’œuvre, aux DM, II, p.187 :
"La planche trois n’est pas davantage à sa place. Elle nous conduit
dans l’empire de Neptune. On voit s’ébattre dans ses ondes le
dauphin cher à Apollon, et des pêcheurs sur une barque qui tendent
leurs engins. Dans une autre nef, un homme est allongé dans une
pose nonchalante. Dans le second cercle, un paysage, avec, d’un
côté, un bélier; de l’autre, un taureau, que nous retrouverons plus loin
et étudierons en un moment plus opportun. Dans le bas, à gauche,
une femme tenant un panier qui est le symbole de la lanterne
grillagée des philosophes ; à droite, un homme jetant sa ligne dans la
mer qui se trouve dans le troisième cercle (celui qui renferme les
deux autres). Le troisième cercle est animé par un vol d’oiseaux à
gauche ; une sirène au bas, et Amphitrite dans le haut. En marge, le
soleil et la lune, et planant sur cette scène nautique, Jupiter porté par
son aigle. Toute cette figuration a pour but de démontrer que
l’opérateur doit déployer toutes ses facultés et mettre en œuvre
toutes les ressources de l’art pour capturer le poisson mystique, dont
parle d’Espagnet.
75
incombustible et demeurer inaltérable. L’appareil bien disposé dans
les eaux profondes, on se munira d’une lanterne dont l’éclat attirera la
proie dans les rets. On peut, suivant d’autres symboles, employer la
ligne ; mais l’arcane est dans la préparation de la bourse, et le mot
est de circonstance, car il ne s’agit rien moins que de prendre le
poisson d’or.
Certains auteurs, et non des moindres, ont prétendu que le plus grand
artifice opératoire consiste à capter un rayon de soleil, et à
l’emprisonner dans un flacon fermé au sceau d’Hermès. Cette image
grossière a fait rejeter l’opération comme une chose ridicule et
impossible. Et pourtant, elle est vraie à la lettre, à tel point que
l’image fait corps avec la réalité. II est plutôt incroyable qu’on ne s’en
soit pas encore avisé. Ce miracle, le photographe l’accomplit en
quelque sorte en se servant d’une plaque sensible qu’on prépare de
différentes manières. [voir héliographie]
Les aigles qui volent à gauche, dans le grand cercle, désignent les
sublimations du mercure. II en faut de trois à sept pour la Lune, et de
sept à dix pour le Soleil. Elles sont indiquées par le vol d’oiseaux et
indispensables, car elles préparent la robe nuptiale d’Apollon et de
Diane, sans laquelle leur union mystique serait impossible. C’est
pourquoi Jupiter, le Dieu qui gouverne l’aigle, préside à ces
opérations." [Hypotypose, Pierre Dujols]
76
combinaison de la lumière et du trémis qui signale à l'attention du
cabaliste la structure en X, dont Fulcanelli nous dit qu'elle est
celle qui apparaît à la surface du Mercure quand il a été
canoniquement préparé. Quant aux sublimations du Mercure, il
s'agit de l'un des plus hauts secrets de l'oeuvre au point que nous
doutons que des alchimistes aient osé dévoilé l'arcane, tant il se
révèle constituer le pivot de l'Oeuvre. De cette planche, A.
Barbault a donné ce lumineux commentaire :
planche 4
77
C'est assurément la planche la plus connue du ML. Nous y
retrouvons le Bélier et le Taureau, le couple alchimique tordant
une toile afin d'en extraire de la rosée de mai et des toiles
étendues plus loin ; au dernier plan se projettent un prisme
lumineux et les deux symboles du Soleil et de la Lune. Nous
avons évoqué ailleurs cette allégorie qui se rattache à
l'acquisition progressive du sel de la rosée de mai qui fait partie
du Mercure préparé ou dissolvant universel [le Lion vert de Ripley] :
"Les ondes sont ces eaux que Moïse, en son premier livre ou la Genèse,
qualifia de supérieures et qui génèrent le météore infiniment précieux
au-dessus de tous les autres, dénommé la rosée, elle-même véhiculant
l'esprit ou le sel harmoniac du ciel. Celui-ci est isomère du nitre ou isotope si
78
l'on veut, pour parler le langage qu'utilisent les spagyristes actuels. La série
des opérations se montre interminable autant que laborieuse, qui fut
dépeinte, en ses moindres détails, par l'anonyme Altus."
79
anima] du spiritus qui passe par sa dépuration. Dans l'introduction,
nous avons vu que la planche 4 devait être comparée à la fig. 9
du Ros. Phil., allégorie de la mondification [purification]. Ce terme
de technique alchimique signifie nettoyer, blanchir et recouvre
l'opération des laveures de Flamel. [on notera que les termes net,
propre (mundus) et le monde, l'univers (mundus) sont homonymes en
latin. Ceci est un trait de cabale qui explique pourquoi les Adeptes
assurent qu'il existe un miroir d'où l'on peut contempler le monde, cf.
blasons alchimiques ; d'autres écrivent qu'il faut blanchir Latone, laver
le laiton, i.e. l'airain] L'allégorie est reprise dans l'épisode des
écuries d'Augias qui forme l'un des Douze travaux d'Hercule [voir
Fontenay]. À ce sujet, il convient de citer Pernety :
80
dont l'une est odorante et l'autre puante. Voyons cela. La pierre
de bonne odeur rappelle le baume de vie évoqué supra [Balsanum
vitae] et la pierre fétide, le sulphur en son premier état,
c'est-à-dire ce spiritus abscondus que nous voyons à la fig. 8 du
Ros. Phil.
« L’eau que j’ai mentionnée est une chose qui descend du ciel ; la terre avec
son humidité la reçoit et l’eau du ciel est retenue par l’eau de la terre, et
l’eau de la terre la retient grâce à sa soumission et à son sable et l’eau
retiendra l’eau et Albira sera blanchi par Astuna. » [Ros. Phil., premier
blanchissement de la première pierre]
81
remplacé par Alkia et Astuna par Astuam. Alkia serait mis pour
al-kiyan, principe vital, où l'on peut voir le sulphur . Quoi qu'il en
soit, Albira et Astuna forment les opposés dont l'Artiste doit faire
son airain. Notons qu'Albira est mis pour Albaras ou arsenic [qui
caractérise le Sel ou corps de la pierre]. Un autre extrait du Rosaire, de
Merculinus, permet de mieux comprendre le processus de
dépuration :
Le flos coeli a mis à la torture l’esprit des mauvais souffleurs. Les uns
y ont vu une sorte d’influx magique, car pour ceux-là, la magie est
82
une puissance surnaturelle acquise par le concours des esprits, bons
ou mauvais. Les autres, plus réalistes et plus rapprochés du vrai, y
ont reconnu la rosée matinale. Le flos coeli est appelé, en effet, l’eau
des deux équinoxes, d’où l’on a déduit qu’il s’obtient au printemps et
à l’automne et est un mélange des deux fluides. Certains, se croyant
plus avisés, allaient recueillir ce mystérieux produit dans une sorte
d’algue ou de lichénoïde dont le nom vulgaire est le nostoc. Dans les
Sept Nuances de L’Œuvre philosophique, Etteilla, qui valait peut-être
mieux que sa réputation, semble avoir obtenu quelque résultat
satisfaisant d’une mousse analogue; mais il faut lire son opuscule
avec de bonnes lunettes. [Etteilla alias Alliette (1750-1810), cf.
Tarot alchimique]
83
évidemment. Cette victoire conférait la " chevalerie ", la vraie
noblesse, celle de la Science, et par conséquent le sceptre. C’est
pourquoi, sous Louis XIII, les chefs de la Kabbale d’Etat étaient
surnommés les " Matadors ". L’espèce n’est pas éteinte, bien
qu’effacée et inapparente." [Hypotypose, Pierre Dujols]
Manne. Mercure des Philosophes. Ils l'ont aussi appelé Manne divine , parce
qu'ils disent que le secret de l'extraire de sa minière est un don de Dieu,
comme la matière même de ce mercure." [Dictionnaire]
L'électrum des poètes est le Laiton « non net qu'il faut blanchir »,
c'est-à-dire l'Airain qui est cette mystérieuse matière qui fait l'objet
de la dissolution au début du 3ème oeuvre. A. Barbault s'est
beaucoup étendu sur ce travail dans les champs :
"...Il vaut mieux rechercher des petites plantes très saines que des plantes
plus belles, plus grosses mais cependant trop riches en éléments chimiques
non assimilés. Il faut attacher une importance particulière aux plantes qui
restent vertes longtemps, aux bourgeons de sapin, à certaines fleurs comme
celles des genêts qui restent verts toute leur vie durant.
Parallèlement, quand le temps était clair et serein, en l'absence de vent,
nous poursuivions la récolte de la rosée matinale. On le verra; nous ne
procédions pas tout à fait comme il est indiqué dans le Mutus Liber (planche
IV): nous faisions glisser une toile très fine mais très spongieuse sur l'herbe
verte et en même temps suffisamment rigide des champs de blés ; la toile
s'imprégnait des gouttes de rosée perlant à la pointe de l'herbe et, tous les
vingt mètres environ, nous nous arrêtions pour éponger la toile que nous
tordions à cet effet au dessus d'un récipient où nous recueillions à chaque
fois quelques verres de rosée fraîche. La méthode indiquée par le Mutus
Liber (des toiles fixes tendues sur l'herbe) est certainement préférable car la
rosée recueillie de cette façon est plus pure et constituée par les gouttes les
plus éthérisées. Notre méthode a toutefois l'avantage de fournir une quantité
plus volumineuse. Après avoir filtré et purifié cette rosée fraîche, nous y
faisions baigner les petites plantes et les bourgeons que nous avions
ramassés. Ceci dura du début du printemps jusqu'à la Saint-Jean d'été,
c'est-à-dire du 21 mars au 24 juin, période la plus propice à leur récolte.
Cette récolte débutait parfois deux heures avant le lever du soleil, mais
devait au plus tard être terminée une heure après. Depuis, nous procédâmes
de même chaque année. Mais ce travail est délicat. Certaines années,
durant toute une saison printanière, je n'ai pas trouvé plus de 10 à 15 jours
84
où le temps fût vraiment serein, sans nuage et sans vent, et où la rosée fût
abondante et fortifiée par un bon aspect de lune. Les plantes, pousses
vertes, bourgeons, petites fleurs et autres éléments végétaux dynamiques et
parfaits ainsi recueillis furent introduits dans des vases de terre
préalablement remplis de rosée que nous scellâmes hermétiquement et que
nous conservâmes au frais. Nous avons utilisé le contenu de ces vases, au
fur et à mesure de nos besoins, de la manière suivante: le vase choisi était
porté pendant quarante jours à la température de quarante degrés afin que
se préparent la fermentation ainsi que le mélange de sève et de rosée.
Après refroidissement, le contenu du vase était introduit dans la nacelle
contenant la Terre sacrée ; puis cette dernière était placée dans un alambic
afin que s'effectuent les premières digestions, processus ainsi nommé parce
que plantes, sève et rosée servent d'aliments à la Matière." [l'Or du
Millième matin, p. 69-70]
planche 5
85
mettre à chauffer dans un bain de sable, ce qui est désigné dans
la partie inférieure de la planche. On peut sans peine imaginer
quelle est la matière recueillie à la cuiller. Par contre, on ne sait
trop à quoi sert ce qui est contenu dans le récipient. S'agit-il de
phlegme ? S'agit-il d'acide nitrique ? Alors, ce serait la
préparation de tartre vitriolé...
86
d'une matière qui a rapport avec le Mercure commun ou avec le
Sel, ce qui paraît plus douteux. Quant à la vignette inférieure, il ne
s'agit pas d'une distillation mais d'un chauffage au bain de sable,
alimenté par le fourneau et c'est une coupe du dispositif que nous
voyons. Le mystère réside dans le contenu du récipient.
planche 6
87
agents indique le travail intérieur des corps réagissant l’un sur l’autre.
Dans la première figure, l’agent féminin joue un rôle passif, et l’agent
masculin un rôle actif. Celui-ci est le soufre; celle-là, la lune.
Notre planche nous montre une seconde rose plus petite, et une
troisième encore moindre. Y aurait-il plusieurs roses ? Oui et non. Il y
a deux roses en principe, suivant qu’on opère pour l’or ou l’argent; et,
au fond, il n’y en a qu’une. Cependant, le Mutus Liber en présente
trois, bien déterminées. C’est exact; mais elles sont filles l’une de
l’autre, c’est-à-dire à trois puissances différentes. Dans le régime de
88
la coction, Philalèthe enseigne qu’on obtient d’abord la rose blanche,
qu’il nomme la lune; la rose jaune ou safran; la rose rouge ou
parfaite. Nous n’employons pas la terminologie exacte de cet auteur;
mais nous parlons assez clairement pour nous bien faire entendre. [il
s'agit là des régimes de planètes : la rose blanche correspond au
régime de la Lune et au Soufre blanc ; le safran est la couleur de
l'Aurora consurgens ; la rose rouge correspond au régime de
Mars, lié au Soufre rouge...]
"Soufre. Nom que l'on donne en général à toutes les matières inflammables
dont on se sert dans la Chymie, telles que sont le soufre commun, les
bitumes, les huiles, etc. Quelquefois les Chimistes donnent ce même nom à
des matières nullement inflammables, mais seulement colorées sans aucune
autre raison, particulièrement dans les matières minérales, en sorte que l'on
voit le mot de soufre attribué à bien des matières même très opposées entre
elles. On donne le nom de soufre en particulier au soufre commun, qui paraît
composé de quatre différentes matières ; savoir, de terre, de sel, d'une
matière purement grasse ou inflammable, et d'un peu de métal. Les trois
premières matières y sont à peu près en portions égales, et font presque tout
le corps du soufre commun, quand on le suppose épuré par la sublimation
de sa terre superflue; et c'est alors de la fleur de soufre. Mém. de l'Acad. de
1703, p. 32.
Les Chymistes admettent trois sortes de soufre, qui ne sont que le même,
modifié différemment; le soufre volatil ou mercuriel, le soufre moyen, et le
soufre fixe. Voyez MATIERE , SEL .
89
Lorsqu'ils disent en général notre soufre, on doit les entendre de leur pierre
au blanc ou au rouge ; dans ce cas ils les distinguent par la couleur. Leur
rouge est leur minière du feu céleste, dit d'Espagnet, leur ferment, le principe
actif de l'œuvre, dont le mercure est le principe passif. Ce n'est pas que le
mercure n'agisse aussi, puisqu'il a un feu interne, et que partout où il y a feu,
il y a action; mais on le compare à la femelle, qui dans la génération est
censée passive.
Les Philosophes ont donné à ce soufre une infinité de noms, qui conviennent
tous à ce qui est mâle, ou fait l'office de mâle dans la génération naturelle.
C'est leur or, qui n'est point actuellement or, mais qui l'est en puissance.
SOUFRE VIF . (Sc. herm.) C'est le même que soufre rouge. Rullandus
donne le nom de soufre rouge à l'arsenic.
90
l'or. Le soufre universel est, selon le même Auteur, la lumière [Pernety cite
l'article de Homberg évoqué supra] de laquelle procèdent tous les soufres
particuliers."
[Dictionnaire mytho-hermétique]
planche 7
"La septième planche est très importante, mais elle est difficile à
comprendre. Nous retrouvons ici les quatre petits triangles qui
indiquent les rapports déjà expliqués; mais nous arrivons à une
opération délicate, car c’est ici que Saturne dévore son enfant.
91
Saturne et le Jupiter des Sages ne sont pas les mêmes que ceux des
chimistes profanes. Qu’on y prenne garde, et que l’on n’aille pas faire
de la soudure de plombier ou de ferblantier. Nous ne travaillons pas
sur des produits bruts, et encore qu’ils soient tous empruntés à la
famille des métaux, ils ne sont propres à l’œuvre qu’après avoir subi
une préparation qui les rend " philosophiques ".
Dans cette opération, le feu joue un certain rôle. Une des figures
représente Saturne croquant son fils au milieu d’un brasier. II faut
prêter ici la plus grande attention aux discours des philosophes.
Celui-ci assure que le feu élémentaire est le destructeur des corps, et
que leur fusion en volatilise l’âme; celui-là déclare que les Sages
brûlent avec l’eau, mais prohibent en même temps les liqueurs
corrosives, telles que les acides.
92
doit soustraire aussitôt aux influences de l’air. C’est pourquoi on
l’enferme, comme le montre une autre figure, dans un flacon bouché
à l’émeri et qu’on tiendra, en réserve." [Hypotypose, Pierre Dujols]
planche 8
93
Cette planche se rapproche de la n° 2 mais nous sommes ici à un
stade ultérieur. Dans le matras, nous voyons le Mercure,
désormais animé. Des colombes volent aux pieds des anges ; le
soleil et la lune sont aux pieds de Mercure. Dans cette image est
symbolisée la dissolution radicale des composés que nous avons
maintes fois envisagée (1, 2, 3, 4).
94
diffère du raisin, d’ou il est tiré..." [Hypotypose, Pierre Dujols]
planche 9
95
"La neuvième planche nous ramène au flos coeli. Pourquoi ce retour,
et à quoi bon y recourir de nouveau, puisque nous nous en étions
approvisionnés ? Ce n’est pas que l’auteur du Mutus Liber veuille
nous renvoyer à la campagne pour en avoir d’autre ; mais il était bien
obligé d’en répéter le symbole, du moment que cet agent céleste doit
entrer dans une nouvelle combinaison.
Nous voyons, dans une des figures de cette planche, Mercure en train
d’acheter un pot de cette eau divine à une paysanne. C’est donc qu’il
en a besoin pour quelque usage. Philalèthe prescrit, effectivement, de
laver le mercure à plusieurs reprises, de façon à lui faire perdre une
partie de sa nature huileuse. [cette étrange opération est décrite
par plusieurs auteurs : il s'agit de guérir le Roi de son
hydropisie. Michel Maier y consacre l'emblème XLVIII de
l'Atalanta fugiens] Il décrit soigneusement cette opération, qui
s’accomplit avec l’eau céleste portée à une certaine température,
modérée néanmoins, car il faut un rien de trop de chaleur pour que la
partie ignée du flos coeli reprenne le chemin des Astres. Philalèthe
est un grand maître, sa parole fait autorité et il présente le travail avec
une ingénuité si convaincante qu’aucun soupçon de fraude ne saurait
vous effleurer. Mais nous devons éventer ici une ruse: cet auteur a
confondu à dessein, dans son ouvrage, la voie sèche et la voie
humide. [Dujols souligne ici un point de cabale absolument
fondamental, car de nombreux alchimistes ont joué sur les deux
voies pour égarer les impétrants ; c'est la raison pour laquelle
Fulcanelli conseille à l'étudiant, avant d'entrer dans le labyrinthe
de Salomon, de se munir d'un fil d'Ariane, qu'il appelle Arachnè]
Ce serait donc un tort d’appliquer à une technique ce qui convient à
l’autre. Mais, cette remarque faite, nous reconnaissons que l’esprit
astral joue un rôle permanent dans les opérations.
"FLEUR DU CIEL, Flos Coeli. C’est une espèce de manne, que l’on trouve
ramassée sur l’herbe au mois de mai particulièrement ; elle diffère de la
96
manne, en ce que celle-ci est douce, et se recueille sur les feuilles des
arbres en forme de grains; le Flos Cœli, au contraire se trouve sur l’herbe et
n’a presque point de saveur. On tire par l’art chymique une liqueur du Flos
Cœli, dont les propriétés sont admirables. Quelques Chymistes se sont
imagines que c’était la matière dont se servent les Philosophes Hermétiques
pour le grand œuvre, mais mal-à-propos." [Dictionnaire]
planche 10
97
symbolisée par l'étoile ; à droite, la fleur [flos = sel très blanc]
symbolise le soufre blanc, qui est absolument pur. On notera que
ces deux substances ont été mises sur les deux plateaux d'une
balance - symbole de Thémis - dont on aperçoit le fléau couché.
Cela constitue une indication sur la période de l'oeuvre où l'Artiste
essaye ses matières et espère que dame Nature veillera à établir
les poids de façon canonique. Ces substances sont mises dans
un matras puis le matras est scellé au feu de lampe ; il s'agit du
sceau vitreux d'Hermès qui est apposé au vase de nature. Le
matras est ensuite disposé dans l'athanor. L'allégorie du bas
semble représenter l'alliance des deux principes ; la présence de
l'arc peut être une indication sur Diane chasseresse, c'est-à-dire
Artémis [lune cornée]. On distingue d'ailleurs un croissant de lune
dans la partie supérieure, un peu à droite, du soleil.
98
La dernière figure de cette planche démontre que la conjonction est
opérée: le Soleil et la Lune sont unis. Le travail a donné les couleurs
requises. Elles sont ici synthétisées dans un cercle d’abord noir, puis
blanc et enfin jaune et rouge. Le produit obtenu multiplie par dix,
comme l’énoncent les chiffres." [Hypotypose, Pierre Dujols]
planche 11
99
Cette planche n'est qu'un reflet de la 8.
"La planche onze proclame que l’opérateur est entré dans le régime
du Soleil c’est-à-dire qu’il a obtenu l’or des philosophes, qui n’est pas
l’or vulgaire. Nous avons déjà parlé de cet or mystérieux. Bien que
Jupiter joue un rôle nominal dans le processus opératoire, il ne s’agit
point du bisulfure d’étain, mais du véritable " or mussif " ou secret.
[cf. les expériences alchimiques d'August Strindberg et les
relations épistolaires entre Strindberg et Jollivet-Castelot] Nous
confesserons cependant, en toute vérité, que ce n’est pas un produit
de la nature, mais de l’art. Des chimistes contemporains qui se sont
indûment pris pour compétents, ont cru le rencontrer dans le vitriol
commun, qu’ils se flattaient de rendre philosophique. Ils ont mal
entendu Basile Valentin. Le stroma de la dissolution de ce sel,
considéré par eux comme un " or naissant ", n’est qu’un mirage
fugace et ne laisse, à l’analyse, que déception. [trait de cabale
résultant d'un jeu de mot entre jenax et joinix, le phénix de
l'oeuvre, c'est-à-dire le sulphur en voie de réincrudation ; par
100
fulminate [cf. voie humide] et les Mémoires du XVIIIe siècle
rapportent plusieurs accidentes mortels consécutifs à cette
préparation. Mais, si le disciple est instruit à la bonne école, il évitera
cette embûche sophistique et opérera hermétiquement; il écartera
ainsi ce péril redoutable. Les maîtres savent atteindre le but suivant
par d’autres voies, qu’ils se gardent bien d’indiquer, mais qui ne sont
pas introuvables, si l’on raisonne avec sa raison plutôt qu’avec les
livres trompeurs des Sages. " Il faut de l’or pour faire de l’or ", dit
l’axiome classique; c’est juste, encore qu’il y ait deux Or différents
pour mener l’Œuvre à bonne fin. Cette planche fait voir qu’on
recommence ici toutes les opérations précédentes. Il faut élever le
mercure à un plus haut degré de sublimation au moyen des aigles, le
redistiller pour lui donner une animation plus grande." [Hypotypose,
Pierre Dujols]
planche 12
101
technique, afin de concentrer davantage le produit. Mais il est
possible que ces images identiques aient résulté de la confusion
entre des éditions différentes du ML. ainsi, comme nous le dit J.
van Lennep :
"La comparaison entre les planches reproduites par Laplace [Jean Laplace,
avec des planches en couleurs d'un soi-disant manuscrit du Mutus,
découvert à la bibliothèque du Congrès, à Washington in Altus, Mutus Liber
(intr. et commentaires par J. Laplace, Archè, Milan, 1979] et celles de
l'édition princeps ou de Manget, révèle des différences notables au niveau
de tous les détails. La couleur a été appliquée grossièrement sur des
planches vierges dont les sixième et septième sont identiques à celles qui
furent découvertes par Elie Charles Flamand et qui furent attribuées par
Canseliet à l'édition de 1725. Comme il le fut signalé pour celle-ci, cet
exemplaire de Washington comporte des textes ajoutés à la série des
planches : descriptions d'athanors et procédés de transmutation. ils sont en
outre accompagnés par deux gravures." [in Alchimie, p. 233]
planche 13
102
que la puissance multiplicative augmente, de telle manière qu’il ne
faut, à la fin, qu’un jour pour obtenir le résultat qui, au début,
demandait des moins. Les chiffres de cette planche donnent les
puissances des transmutations obtenues par les coctions
subséquentes." [Hypotypose, Pierre Dujols]
103
volatilisation, où les parties de la matiere sont dans un grand mouvement,
qui cesse à mesure que la couleur blanche, ou la Diane Hermétique se
perfectionne. Les Souffleurs doivent bien faire attention à cela, s’ils ne
veulent pas perdre leur argent à faire des mélanges fous d’argent vulgaire
avec d’autres matieres pour parvenir au magistere des Philosophes."
[Dictionnaire]
"Et si vous connaissiez mon secret, vous sauriez que je suis le grain semé
dans la terre pure qui, en naissant, croît et se multiplie et apporte du fruit au
semeur." [Parabole du soleil par le Philosophe Belin, in Ros.
Philoosphorum]
"Ô Lune, donne-moi de devenir ton époux. Ô Soleil, il est juste que te sois
obéissante. C'est l'esprit qui vivifie." [Ros. Phil., Francfort, 1550]
"C'est pourquoi Geber dit : Ce sont des fumées subtiles, et elles ont besoin
104
d'une cuisson tempérée pour être épaissies en elles-mêmes d'une façon
égale. Seule, en effet, la chaleur tempérée peut épaissir l'humidité et parfaire
le mélange, mais elle ne doit pas dépasser la mesure. Car les générations et
les procréations des choses naturelles ne se font qu'au moyen d'une chaleur
très tempérée et égale, comme est le fumier de cheval humide et chaud."
[Ros. phil., Francfort, 1550]
105
"Ô lune, mon étreinte et mon suave amour - Te rendent, comme moi, forte et
belle à ton tour. - Ô soleil, lumineux par-dessus tous les êtres. - Je te
manque pourtant, comme la poule au coq son maître."
"Arislée dans la vision. Unis donc ton fils Gabricus, qui t'est plus cher que
tous tes autres fils, avec sa soeur Beya qui est une enfant radieuse, douce
et tendre. Gabricus est mâle et Beya est femme, et elle lui donne tout ce qui
vient d'elle [...] Car l'union de Gabricus avec Beya a provoqué la mort sur le
champ. Beya monta en effet sur Gabricus, l'enferma dans son ventre, si bien
que l'on ne put rien voir de lui. Et elle étreignit Gabricus avec un amour si
grand qu'elle le conçut tout entier dans sa nature et le divisa en parties
indivisibles. [...] C'est pourquoi Marie, soeur de Moïse, dit : Unis la gomme à
la gomme en un vrai mariage, et transforme-les en une sorte d'eau brûlante."
[Ros. phil., Francfort, 1550]
planche 14
106
Quatre tableaux sont représentés ; le tableau supérieur montre
trois tours qui peuvent symboliser les trois oeuvres traditionnelles
[noir, blanc et rouge] ou la même réitération d'une technique
particulière. Il est tout à fait possible aussi que les tours
symbolisent les signes du zodiaque qui sont expressément
nommés au panneau inférieur [tornus, faire le tour, la circonférence] en
forme de trinité . Le second tableau montre le travail d'une
fileuse ; nous connaissons l'importance du symbolisme de la
fileuse ou de la pelote ; au milieu du tableau, un tamis. Les
chiffres VI - II - X sont énigmatiques. Si nous établisssons une
correspondance avec les signes du zodiaque, [cf. zodiaque
alchimique] nous avons : Vierge - Taureau - Capricorne ; avec les
mois : Cancer - Poissons - Scorpion ; avec les mois correspondant
au début traditionnel de l'oeuvre (mars-avril) : Lion - Bélier -
Sagittaire : nous obtenons les équivalents alchimiques suivants :
le Lion est le lieu de la dissolution correspondant au Lion Vert de
Ripley mais c'est sans doute le Lion rouge qu'il faut considérer. Le
Bélier est le lieu d'exaltation du Soleil, celui où se tient le bélier
Chrysomelle ou encore de la Toyson d'or ou Christophore, qui
porte en son ventre l'Acier magique. Enfin, le Sagittaire est le lieu
de la réincrudation. Ces trois signes nous indiquent que tout ici
doit être fait, en sorte que l'or simplement enté, c'est-à-dire l'or
mussif hermétique, devienne si l'on nous suit bien, le véritable or
alchimique, celui qui correspond aux belles pousses de blé, que
l'on peut moissoner aux époques propices. [le triangle de Feu se
retrouve dans une aquarelle du Codex Vossianus, annexé à une version de
l'Aurora consurgens]
107
une spatule ou une cuiller de fer ; à droite, le principe fixe,
correspondant au Soleil [Soufre]. Le quatrième tableau nous
montre un récipient plus grand pour contenir le Mercure que pour
contenir le Soufre, ce qui est conforme aux données que nous
avons.
108
planche 15
109
celui de Mercure, ce qui est conforme aux données de la tradition.
S'ensuit Saturne, puis Jupiter et la Lune. J. van Lennep, quant à
lui, voit dans l'homme couché, non pas Saturne, mais Hercule,
image de l'Artiste épuisé par les Douze travaux qu'il a dû accomplir.
Le cordon et les bras du couple forment un carré où l'on peut voir
soit les Quatre Eléments, soit la Terre. Nous ajouterons
qu'Hercule terrassé symbolise le vaincu et sublimé : la pierre
herculéenne était, en effet, une représentation du mercure chez
les Anciens. La planche 15 montre Hercule portant la tunique de
Nessus. Nous rappellerons la légende du centaure Nessus en
empruntant le texte suivant à Pernety :
110
& de lawV, jouir ; c’est pour cela qu’on a suppose qu’elle avait
supplanté Déjanire. On dit Iolé, fille d’Euryte, parce qu’il vient
d’EuroV, nourriture, corruption, & que la rouille vient de la
corruption. Déjanire se tua avec la massue de son amant ;
c’est-à-dire, que la matière volatile, représentée par Déjanire, fut
alors fixée par la partie fixe : Lychas fut changé en rocher par la
même raison.
Fables Égyptiennes et Grecques, tome 2, livre IV, chap. XIX, pp. 451-453
111
Notons que dans cette fable, Déjanire ne joue pas tant le rôle de
matière volatile que, plutôt, celui de Sel; nous avons déjà
largement insisté dans nos sections sur l'ambiguité existant entre
le Sel et le Mercure. Sur la massue d'Hercule, voir Atalanta XXV. Il
s'agit de l'arc d'argent d'Apollon qui symbolise la conjonction
radicale du sulphur et du principe salin ou toyson d'or. En somme,
si l'on revient à l'interprétation que donne P. Dujols de la planche
15, si l'on considère les règles de la cabale hermétique, on peut
admettre que c'est bien de la glorification d'un Saturne rénové
qu'il s'agit. Il suffit d'ailleurs de se rappeler du titre d'un des
classiques de l'Art sacré : Huginus a Barma ou le Règne de Saturne
transformé en siècle d'or. Eh bien ! Ne voit-on pas, de la planche de
frontispice à la planche finale, ce processus dynamique de
transformation spirituelle, en quoi consiste l'individuation ? La
transformation de la materia prima consiste, dans la tête de
l'Artiste, à y consommer la projection d'éléments en partie
inconscients de sa psyché. En l'occurrence, la fable d'Hercule et
de Déjanire offre un exemple dramatique où la sublimation se
termine en un feu dévorant qui n'a rien à voir avec celui, mesuré
et prolongé, de la Grande coction. SH ajoute :
112
paon sortant d'une cornue - Ms. XVIIIe - Dr. C. Rusch,
113
Chose étrange ! La fig. 11 choisie par Jung ne correspond pas à
la nouvelle naissance, c'est-à-dire au lapis, mais à celle du Rebis.
Il est tout à fait notable que Jung ait choisi non pas tant la figure
de la renaissance [voir Psychologie du Transfert, p. 178] comme
symbole de l'individuation que celle de la transformation. On
trouve dans l'Âme et le Soi, Renaissance et individuation [trad. Albin
Michel, 1990] le chapitre À propos de la renaissance [extrait du T. XI 1,
pp. 125-162, Gesammelte Werke, 1976] avec un exposé sur les
formes possibles de la « renaissance ». Jung distingue cinq
formes possibles : la métempsychose, la réincarnation, la
résurrection, la renaissance (renovatio) et la transformation. Il
nous paraît assez évident que les deux premiers types de
renaissance renvoient au transfert [métempsychose] et à la
projection [réincarnation] dans un sens d'ailleurs assez
superposable à celui que leur donnent les alchimistes. Le
transfert [voir Aurora consurgens, II] est lié - selon notre lecture des
textes - à ; la métempsychose est indissociable d'un concept
que les Occidentaux ont des difficultés - en bons cartésiens qu'ils
sont souvent - : le karma. Il n'entre nullement dans nos vues de
nous livrer ici à une exégèse du samsara. Néanmoins,
l'étymologie nous indique que ce terme sanscrit [dérivé de Sam-S R
: couler avec] est lié à l'image occidentale du Mercurius et au flux
de ce que l'on appelle la « roue du karma », là où les alchimistes
évoquent la cohobation [Fulcanelli l'associe à un bas-relief du portail
central de Notre-Dame, représentant l'Orgueil, voir Gobineau]. Une
autre représentation vient d'instinct à l'esprit : celle de la roue où
Ixion est enchaîné. La symbolique est superposable car elle
véhicule des mythologèmes saturniens en rapport avec le temps
[voir Mynsicht, Aureum Seculum redivivum et aussi 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8,
9, 10,]. Ixion est tenu en résidence aux Enfers où le vent fait
tourner sa roue pour l'éternité. On rattache l'ensemble de son
mythe au ; sa carrière fait voir des opérations conflictuelles : il
assassine son beau-père puis, libéré par Zeus, tente de séduire
Héra [pseudo Héra d'ailleurs puisque Néphélé en avait pris la forme].
114
fig. 21 du Ros. Phil.
115
[Jung, l'Âme et le Soi, À propos de la renaissance, §203, op. cit.]
116
fig. 11 du Ros. Phil.
planche finale
117
"Mais si nous redevenons pur esprit, c’est donc que notre corps en
renfermait l’essence sous sa forme grossière et, dans ces conditions
on ne saurait refuser aux métaux les mêmes propriétés. L’esprit ou le
feu est partout si froid en apparence, dans les métaux qu’on
transforme en fulminates inflammables et détonants au moindre
choc. Or, la transmutation est un phénomène qui fait passer l’espèce,
du plan inférieur au plan supérieur, au moyen d’un agent spirituel,
véritable semence nommée poudre de projection. Ce produit
merveilleux s’obtient par la mort et la putréfaction réelle d’une
substance métallique, laquelle, transfigurée, à la propriété de modifier
à son tour les êtres de sa nature. Ceux-ci, sous son action, subissent
de même une mort et une résurrection promptes, qui les élèvent à
leur plus haut degré de dignité. Les Hermétistes comparent cette
transformation à celle du blé. [voir Chevreul et l'alchimie : 1, 2, 3, 4]
Le grain se corrompt dans la terre, assimile les éléments grossiers du
sol et, par le travail d’une longue digestion, les mue en pur romet
dans le rapport de cent pour un. Cette digestion est plus ou moins
activée par l’ambiance. Dans certains climats, la moisson a lieu trois
mois après les semailles, et sous le tropique, la végétation a quelque
chose de presque instantanée. Il est donc tout à fait rationnel qu’un
ferment doué d’une grande puissance et projeté dans les corps
soumis à une température élevée, puisse les faire évoluer avec une
rapidité qui tient du prodige.
L’or est appelé le soleil, car en grec, aur est la lumière [aurion :
demain, vers le matin, c'est-à-dire du côté de l'Orient] ; il est le
ciel des métaux, la spiritualisation de l’espèce [aura : souffle
d'air]. Les métaux deviennent donc or comme, à certains égard, notre
corps devient esprit par le travail de la fermentation posthume.[les
métaux sont transformés en chaux ] La putréfaction,
nauséabonde et hideuse, est pourtant la prestigieuse fée qui opère
tous les miracles du monde. C’est une grossière erreur de croire que,
chez l’homme, l’âme abandonne le corps avec le dernier souffle. Elle
est elle-même entièrement chair, car la matière est une modalité de
118
l’esprit à différents états sous la dépendance d’une étincelle majeure
et plus subtile, qui est le Dieu de chaque organisme et si la Science
nie la réalité de l’esprit parce qu’elle n’en a jamais trouvé trace, elle
déshonore son nom. [Jung n'a pas dit autre chose, en substance]
Un cadavre, rigide et glacé, n’est nullement mort au sens absolu. Une
vie intense, mais inconsciente heureusement et sans réflexes
sensibles, continue dans la tombe, et c’est de cet horrible et plus ou
moins long combat - qui est le Purgatoire des Religions - que la
matière, distillée, sublimée, transmuée et vaporisée par l’action du
Soleil, s’élance dans le plan amorphe, qui a ses degrés depuis l’air
jusqu’à la lumière élémentaire et de celle-ci au feu principe où tout
finit par se résoudre et d’où tout émane à nouveau.
IV. Epilogue
119
de prendre cette matière saline pour le SEL des Sages dont
l'hiéroglyphe, rappelons-le, est . Ce sel Nitre, curieusement, est
apparu à La Rochelle, presque en même temps qu'était édité le
ML : E. Canseliet l'appelle sel isotope de l'arcanum duplicatum : il
a été découvert par Seignette, apothicaire, vers 1672 [l'édition
originale du ML date de 1677].
120
présent Soulat. On peut y voir le latin Sol ou soleil ou le latin
solus, seul [en grec ion proche de ioV, rouille]. Quant au mot Maretz,
il vient en droite ligne de Maret ou marais.
Ainsi, par cabale, peut-on voir en Soulat des Maretz l'anagramme
spirituel du Soleil du marais, de la fange ou de la boue. Ce qui
nous renvoie à la figure d'Adamas sortant de la boue dans la
planche VIII du Splendor Solis [voir Ripley Scrowle pour une étude sur
l'Adam primordial et l'Adam kadmon]. Ce n'est pas tout : en grec,
marais se dit eloV tandis que s'épelle hlioV. On mesure le
poids de cabale qu'Altus a insufflé à son pseudo patronyme. Il y a
plus : en latin, marais se dit stagnum, qui n'est point éloigné de
stannum [plomb argentifère ou ] que l'on peut rapprocher de
stagwn [liquide coulant goutte à goutte ou eau de mer]. Voilà qui nous
ramène à la planche I où l'on a déjà parlé de cette mer étale,
encalminée qui contient en son sein le natron dont l'Artiste a
besoin pour son . Il existe une autre piste sur l'origine d'Altus :
Ferguson [Bibliotheca Chemica, II] écrit que :
Mutus Liber
Das „stumme Buch“ ist ein alchemistisches Werk, das von einem
gewissen Altus verfasst wurde und mit dem Holländer Jacobus
Tollius oder dem Franzosen Joseph du Chesne (Duchêne) identifiziert
wird. Die Estausgabe erschien im Jahre 1677 unter dem Titel Mutus
liber in quo tamen tota Philosophia hermetica figuris hieroglyphicis
depingitur ... solisque filiis artis dedicatus, authore cuius nomen et
Altus. Das Werk besteht ausschließlich aus Darstellungen, die die
Herstellung des Steines der Weisen angeben.
http://www.ringbote.de/rollenspiele/spielhilfen/vermischtes/alchemie/alchemie_schriften.html
121
comme l'auteur supposé - le commanditaire - du ML.
Bibliographie sommaire
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