« Comédie ».
Pontoise, 2007.
Olivier Mathieu.
Comédie.
Personnages :
Le Fou, les dames très dignes, Eléandre, Yann, son père Henri, sa mère
Follassinne.
Alexéas, Nestorine : domestiques.
Chez Dame Follassinne.
Follassinne :
- Ooooooooooh ! Yann ! Yann ! Montre-toi, vilain !
Henri :
- Que se passe-t-il, ma petite Follassinne ?
Follassinne :
- Yann a disparu.
Henri :
- Ciel !… Nestorine !
Nestorine:
- Oui, Monsieur?
Follassinne :
- Henri vous a dit de ne pas lui dire tout le temps « oui, monsieur ».
Henri :
- Oui !
Nestorine :
- Oui, madame !
Henri :
- Vous êtes incroyable, Nestorine ! Mais ce que je vous disais est que Yann n’est
plus ici !
Nestorine :
- Il doit être chez Eléandre !
Chez Eléandre.
Henri :
- Toc, toc, toc !…
- .......................
Henri:
- Toc, toc, toc!... Il n’y a personne !
Alexéas :
- Vous êtes sorties un peu trop tôt de l’asile, pouliches !
Les dames très dignes, indignées, se jettent sur Alexéas, qui s’enfuit.
[Commentaire d’Olivier Mathieu (2007) : si le « donnez-leur le temps de se
rhabiller » est déjà assez surprenant sous la plume d’un enfant de huit ans,
je trouve le « Ah, Plutarque, Astarté ! Jupin sur sa poubelle d’or ! »
parfaitement étonnant. Mettre ainsi côte à côte Plutarque et Astarté (la
déesse de la guerre, de l’amour et de la mort adorée par les Babyloniens de
jadis), n’est-ce pas absurde et surprenant ? Quant à ce « Jupin » sur sa
« poubelle d’or », j’en suis réduit aujourd’hui à supposer que c’était une
allusion à Jupiter, mais d’où me venait l’idée d’une « poubelle d’or » (sic) ?]
Le Fou, qui passait, demanda ce que « c’était » à Henri, qui le lui dit…
Bientôt, il était gardien de Yann. Malheureusement, Le Fou était également
amoureux d’Eléandre et ils devinrent amis.
Ils allaient souvent féconder Eléandre, et je vais vous dire comment cela
se passait.
Le Fou :
- Salut, poulette !
Yann :
- Salut, poulettissime.
Ils s’installent confortablement.
Le Fou :
- Oooooooooooooh…
Yann :
- Ooooooooh.
Eléandre :
- Hihihihihihihihi…
Le Fou :
- A moi. Ooooooooooooh.
Yann :
- Oh ! C’est beau !
[Commentaire d’Olivier Mathieu (2007) : la scène (qui est, si l’on y songe,
la représentation que je donnais – à huit ans – d’un trio érotique) me
semble assez étonnante.]
Et le malheur arriva.
Eléandre :
- Oui ? Oh ! Vous… Euh… Y… Ya… Yann n’est pas ici…
Henri :
- Il n’est pas chez moi, non plus. Je veux voir chez vous.
Eléandre ferme la porte au nez d’Henri, et court avertir ses petits amis.
Eléandre :
- Il est là.
Le Fou :
- Qui, « il » ?
Eléandre :
- Lui.
Le Fou :
- Oui… Qui, « lui » ?
Eléandre, verte :
- Luuuuuuuiii…
Yann :
- Bon Dieu, nous diras-tu son nom ?
Eléandre :
- Je vais… donc… te dire… qui… qui… c’… c’est…
Le Fou :
- Ah !
Eléandre :
- C’est… c’est… lui !
Yann, fou de rage :
- Qui ?
Eléandre :
- Euh… euh… ton… père !
Le Fou :
- Aie aie aie aie aie aie !
Yann :
- Oulala !
Eléandre :
- Partez par la porte dérobée, contournez la maison, et vous pourrez rentrer
là-bas avant lui.
Henri :
- Quoi ? Eléandre ? Je…
Le Fou :
- C’est… le nom du… film…
Follassinne :
- Hum !
Henri :
- Ah !
Yann :
- Soudain, on toqua à la porte…
Henri :
- Hein ? Que ? Que ? Qu’est-ce ?
Le Fou :
- Dans… le film… toujours !
Follassinne :
- Mouais… ??!!!…
Yann :
- Nous somme rentrés avant papa, et… aïe ! Pourquoi me donnes-tu un
coup de pied sous la table ?
Le Fou :
- Tu vas énerver tes parents, Yann, et tu as sommeil… ce cinéma était… tu
es fatigué… et… Bon ! Je me permets de prendre Yann, et…
Henri :
- Oui, oui ! Allez !…
Le Fou :
- Merci.
Le chat :
- Miaou…
Nestorine :
- Oui ?
Follassinne :
- je ne vous ai pas demandé de venir, Nestorine.
Le chat, approbateur :
- Miiiiiiiiiiiiiiiaouuuuuuuuuuuu.
Alexéas vient, tandis que Nestorine part à pas lents…
Alexéas :
- A vot’ service, patronne !
Follassinne :
- Je ne vous ai pas demandé, Alexéas. Et surveillez votre langage.
Alexéas :
- Bien, madame… mais j’ai reconnu votre voix.
Follassinne :
- Je suis humaine, Alexéas, pas féline.
Alexéas :
- Madame a, dans ce cas, des dons certains de ventriloque.
Henri :
- Cela suffit ! Allez vous coucher, Alexéas.
Une fois Alexéas parti, ils continuent à parler, puis, au bout de quelques
instants…
Follassinne :
- Que diriez-vous, mon cher, d’une tasse de thé ?
Henri :
- J’en serais enchanté.
Follassinne :
- Oh ! Nestorine !
Cinq minutes s’écoulent.
Henri :
- Nestorine !
Cinq minutes passent à nouveau.
Henri :
- Je vais la chercher.
La nuit, chez Henri, Le Fou s’éveille, et ne voit pas Yann. Le Fou a alors une
idée : il va toquer à la porte d’Henri et de Follassinne (c’est la même, cela va
de soi) et dit :
- Yann, pendant mon sommeil, est parti. Je ne peux plus être le gardien de
Yann. Allons voir chez Eléandre. J’imagine que le drôle y est.
Henri, Follassinne et Le Fou partent.
- Toc, toc, toc.
Yann, sans méfiance, ouvre, et est repris par ses parents.
Alors, Le Fou :
- Ce pôvre est très atteint. J’ai été docteur, jadis. Il faudrait le mettre à
l’asile.
Follassinne :
- Alors, Henri, nous n’aurons plus d’enfants ?
Henri :
- Bah ! Tu m’en referas une portée…
Follassinne :
- Oh, Henri. Ma mère m’avait bien dit de ne pas épouser un dégoûtant
comme vous.
Le Fou :
- Il faudra mettre Yann dès demain à l’asile.
Henri :
- Bien.
Le Fou :
- Je vais chercher un asile.
Et, bientôt…
- Toc, toc, toc ?
Le Fou :
- Ouf. On attend Yann.
Henri :
- Allez mener Yann.
Le Fou y va, puis revient. Il demande à être payé.
Henri :
- Voici 0,10 francs.
Le Fou :
- Mais vous aviez promis mille francs.
Henri :
- Oui, mais j’ai changé d’avis.
« Mademoiselle » Eléandre :
- Bonjour, « Monsieur », mais… qui êtes-vous ? je ne vous connais pas. Et
que venez-vous faire ?
Le Fou :
- Euh… Quelle heure est-il ?
L’homme :
- Trois heures.
Le Fou :
- Au revoir.
Après cet accueil peu chaleureux, Le Fou s’en va. Il va chez le Croque-mort.
Le Croque-Mort :
- Mon Dieu ! Vous !
Le Fou :
- Quoi ?
Le Croque-Mort :
- Vous ne savez pas ? Votre tête est mise à prix.
Le Fou :
- …
Le Croque-Mort :
- Voilà. Ce matin, un hold-up a été commis. Euh… et… p… par vous.
Hum. On a témoigné.
- Toc, toc, toc.
Le Croque-Mort:
- Qui est là ?
- Police. Ouvrez, au nom de la loi.
Le Croque-Mort :
- Cachez-vous.
Il ouvre. Deux policiers entrent.
- Nous avons un mandat de perquisition. Une dame a vu entrer chez vous
l’homme que nous recherchons. Vous vous mettez en marge des lois. Livrez-le
nous.
Le Croque-Mort :
- Un homme ?… Quelle catégorie de cercueils ? En chêne ? Je…
- Silence ! Où est cet homme ?
Le Croque-Mort :
- Son nom ?
- Le Fou.
Le Croque-Mort :
- Attendez, je vais voir mon registre… attendez… Le Fou, dites-vous ?…
Ah non, il n’y a pas de « Le Fou ». Mais peut-être dans les cercueils en…
- Le Fou vit. Du moins pour l’instant, car il va être fusillé.
Le Croque-Mort :
- S’il vit, allez consulter les registres de la Mairie, ou les bureaux des
renseignements.
Tandis que le Croque-Mort berne ainsi l’inspecteur, Le Fou est dans la cave,
dans un tonneau.
Mais l’inspecteur commence à fouiller la maison.
- A la cave, maintenant.
Mais l’inspecteur ne trouve pas de poignée à la porte de la cave. Il s’en plaint
au Croque-Mort.
- Comment ouvre-t-on ?
Le Croque-Mort :
- Ah ! D’ici, on ne peut ouvrir. Pour ouvrir cette porte, il faut être à
l’intérieur.
- Oui, et comment y va-t-on, à cet « intérieur » ?
Le Croque-Mort :
- Bé, dame… par la porte, là.
(Il montre la porte sans poignée).
Le Fou trouve une autre « enculatrice », et lui raconte toutes les nuits ses
aventures. Et la journée, la femme de le raconter aux voisines, etc…
C’est ainsi que nous pouvons vous raconter « comment Yann fut soigné à
la clinique, et déboires de deux infirmiers ».
A la clinique.
Infirmier 1, infirmier 2, Yann, le directeur, la porte, une infirmière.
Infirmier 1 :
- Mettons-lui la camisole de force, maintenant. Cela le calmera, ce fou.
Infirmier 2 :
- Oui.
Infirmier 1 :
- Aide-moi.
Infirmier 2 :
- Là. Ouf !
Yann :
- Assassins ! Désserrez un peu : c’est trop serré.
Infirmier 2 :
- Si vous parlez, c’est que ce n’est pas encore assez serré.
Yann :
- Je suis muet !!!
Infirmier 1 :
- A la douche froide, maintenant.
Yann :
- Je me suis déjà lavé.
Infirmier 2 :
- Vous, le muet, on ne vous a pas demandé votre avis.
Yann :
- aaaah. C’est froid, glacial, frigorifiant.
Infirmier 2 :
- Oui, c’est froid, mais sans le savoir cela vous réchauffe.
Yann :
- En effet, je ne le sais pas.
Infirmier 1 :
- Mais, bientôt, vous allez regretter l’eau froide : passons à la douche
bouillante.
Yann :
- Ouuuuh. C’est chaud, brûlant, équatorial, saharien. Par pitié, enlevez
vingt degrés.
Infirmier 2 :
- Oui, vingt degrés, il en restera encore cent.
Infirmier 1 :
- Baste ! Laisse-le cuire, quoi ?
Après une heure de ce traitement…
Infirmier 1 :
- On peut changer de médicament.
Infirmier 2 :
- Oui, au massage.
A la salle de massage.
Yann se décontracte, se couche, et s’endort. Il pense : « Je vais me faire
frotter ».
Infirmier 1 :
- Masse-le.
Yann est vite réveillé par de violents coups de poings sur son dos.
Yann :
- Eh ! Vous n’êtes pas un peu fous, non ? Je veux être massé et pas boxé !!!
Infirmiers :
- Ce qu’il peut être douillet, alors !
Yann :
- Tu veux ma place, non ?
Infirmiers :
- Suis pas fou…
La porte : - Toc, toc, toc.
- ……
La porte :
- Toc, toc, toc.
- Oui ???
L’infirmière :
- M. le directeur va venir ; il me charge de vous le dire.
Infirmiers, et Yann :
- Pourquoi n’entrez-vous pas ?
L’infirmière :
- Je veux bien, mais la porte est fermée.
L’infirmier :
- Pendant que je massais ce fou, qu’as-tu fait de la boîte de cigarettes qui
était là ?
L’infirmier 2 :
- Je l’ai jetée…
L’infirmier :
- Quoi ? Et à quel endroit ?
L’infirmier 2 :
- Dans la fosse à caca, excusez le mot, dans la cave, par la trappe, là…
L’infirmier :
- Bon Dieu. Il n’y a qu’un seul exemplaire de cette clé. Et… et l’homme
qui vide cette cave ne revient que dans un mois. Tu es un ahuri 100%.
La porte :
- Toc, toc, toc.
Les infirmiers :
- Qui est là ?
Le directeur :
- Le directeur.
L’infirmier :
- M… monsieur le directeur, cet imbécile… a jeté les clés.
Le directeur :
- Quel « imbécile » ?
L’infirmier :
- Mon collègue…
Le directeur :
- Continuez.
L’infirmier :
- Dans la fosse à excréments, c’est-à-dire que nous sommes enfermés…
Le directeur :
- Et bien, que cet imbécile saute par le trou qui mène, deux cents mètres
plus bas, à la fosse à purin.
L’infirmier 2 (celui qui a perdu les clés) :
- Mais, monsieur le directeur, je vais mourir enlisé, et il vaudrait mieux
appeler un serrurier.
Le directeur :
- Ce qui aurait « mieux valu », c’eût été de ne pas jeter les clés. Non ? Au
fait, comment avez-vous fait ?
L’infirmier 2 :
- je fumais…
Le directeur :
- Cela aggrave votre cas. Il est interdit de fumer en soignant un malade.
L’infirmier 2 :
- Tandis que mon collègue soignait notre malade. Il restait une cigarette. Je
lui dis « C’est la dernière cigarette ». Puis, ayant pris la dernière cigarette,
je me dis « je vais jeter le paquet ». Je le jetai. Et ce n’est que maintenant
que je viens d’apprendre que les clés étaient dedans. Voilà. Voyez-vous ?
…
Le directeur :
- Oui, je vois…
L’infirmier, à part lui :
- « Ah ! »
Le directeur, très vite et très fort :
- Oui, je vois… que vous êtes un pauvre imbécile !
Yann, qui avait été assommé par le massage, et qui se réveille :
- Si votre directeur ne veut pas téléphoner à un serrurier, téléphonez vous-
mêmes : il y a un téléphone, ici.
Les infirmiers :
- Sommes-nous bêtes, alors : c’est vrai, nous n’avons pas besoin de
l’autorisation de ce porc de directeur.
L’infirmier 1 :
- Allo… oui… oui… c’est ça, oui, le directeur… mais… ah… oui… oui…
oui, une clé… oui… oui, dans un paquet de cigarettes… oui… Demain…
ah, le mariage de la tante de la grand-mère de votre tante, je vois… oui,
splendide… Oui, oui, n’importe quel prix… une clé… Combien ? Ah…
Je ne sais pas… euh… pardon… oui… bien, bien… Ah… et bien…
d’accord… oui, oui… Bien, merci. Au revoir… oui ? Ah, votre femme…
Oui, bien, bien, tout ce que je veux… mais je vous en prie… oui… au
revoir. Pardon ? Mais oui, mais oui, au revoir… C’est cela… Au revoir…
CLAC !
Yann :
- Alors ?
Infirmier 1 :
- Il ne peut pas venir avant une semaine… Oh ! Celui-là ! IL me racontait
sa vie !
Yann :
- Retéléphonez à un autre.
Infirmier 1 :
- Allo… Bonjour, Monsieur, ici la clinique… Oh, pardon, Madame, je ne
savais pas… Don, oui… Bonjour, Madame, est-ce que votre mari… ah,
vous êtes célibataire… Ah… Bref, est-ce que le serrurier peut venir ouvrir
une porte à la clinique ? Ah… Merci, Madame… Au revoir. CLAC.
L’infirmier 2, et Yann :
- Alors ?
L’infirmier :
- En vacances.
Les deux infirmiers retrouvent la clé, qui était sur un buffet, et pas dans le
paquet de cigarettes, et celui qui a jeté les clés (plutôt le paquet de cigarettes)
dans la fosse à purin entre en trombe, sans toquer, chez le directeur, qui recevait
alors Marthe, et Barthicane. Ils sont excédés de cette impolitesse, et partent.
Barthicane :
- Venez, ma chère, nous n’avons rien à faire chez ces paysans du Danube.
Marthe :
- Exact. Venez, cher.
Le directeur, l’infirmier qui est entré sans toquer, l’autre infirmier, la porte.
Une fois que Marthe et Barthicane sont partis, excédés, l’infirmier et le
directeur ont une chaude conversation…
Le directeur :
- Alors, Monsieur, vous entrez souvent chez les gens sans frapper ?
L’infirmier :
- Non, Monsieur le directeur.
Le directeur :
- D’ailleurs, comment êtes-vous sortis de la salle de massage, sans clé,
hein ?
L’infirmier :
- A… a… vec l… a clé.
Le directeur :
- Mais, quadruple buse, vous ne l’aviez plus, la clé.
L’infirmier :
- J… justement… si.
Le directeur :
- Alors, primo, pourquoi ne m’avez-vous pas ouvert ? Secondo, pourquoi
m’avez-vous menti ?
L’infirmier :
- A ce moment, nous ne savions pas.
Le directeur :
- Oui, oui, je vois. Et, bien entendu, dès que j’ai eu le cul tourné…
L’infirmier :
- Son cul… Tu parles… Il est tellement raboté par sa femme, son cul.
Le directeur :
- Alors, seulement, vous l’avez trouvée, cette clé. Vous êtes mûr pour
l’asile, vous.
L’infirmier :
- J’y suis déjà.
Le directeur :
- Pas comme infirmier, comme fou.
L’infirmier :
- Ooooooooh ? Vous n’allez pas… à moi… me faire, d’infirmier que
j’étais, fou ? Moi, votre serviteur, votre laquais, votre chien tout juste bon
à éplucher les pommes de terre et à faire les poubelles, moi, votre
domestique, votre minus, votre larve, votre fœtus, votre subordonné
puant, votre imbécile, votre crétin, votre iguanodon, votre dévoué…
Le directeur :
- Tentative de corruption.
L’infirmier :
- M… m… ais… je…
L’infirmier qui avait toqué devint infirmier chef. L’autre devint fou.
FIN