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Ressources pour le lycée général et technologique

Ressources pour la classe de seconde


générale et technologique

Éducation aux médias


et à l'information

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du Code la propriété intellectuelle.

Juillet 2015

© MEN/DGESCO http://eduscol.education.fr/prog
Sommaire
Introduction ............................................................................................................................................ 2
Ensemble premier : littératie médiatique ............................................................................................ 4
Piste 1: Pour une histoire des supports de l'écriture et des médias .................................................... 4
Pour la classe ................................................................................................................................... 6
Bibliographie ..................................................................................................................................... 7
Piste 2 : Discours des médias et mises en récit (storytelling): ............................................................ 8
Le cas de la mise en récit du pouvoir : l’homme politique médiatisé ............................................... 8
Pour la classe ................................................................................................................................... 9
Bibliographie ................................................................................................................................... 10
Piste 3 : L'écriture feuilletonnesque et le pouvoir de la fiction ........................................................... 11
Pour la classe ................................................................................................................................. 12
Bibliographie ................................................................................................................................... 12
Piste 4 : Les publics et la réception des médias ................................................................................ 13
La thématique des effets est liée à une inquiétude sociale ........................................................... 13
Les pouvoirs des publics ................................................................................................................ 13
Les cultures médiatiques ............................................................................................................... 13
Les médias : supports de débats publics ....................................................................................... 14
Bibliographie ................................................................................................................................... 14
Référence des sites web ................................................................................................................ 14
Ensemble second : littératie numérique ........................................................................................... 15
Multi-textes et écritures multimodales : perspectives pour une didactique de la lecture/écriture
numériques ........................................................................................................................................ 15
Nouveaux corpus à l'école, quels enjeux ? .................................................................................... 15
Extension des corpus, extension du « discours d'enseignement » ............................................... 15
Du texte au multitexte..................................................................................................................... 15
Piste 5 : Nouveaux textes, nouveaux apprentissages de lecteur ...................................................... 16
Textes numérisés et textes numériques. ....................................................................................... 16
Littérature numérique et lecture littéraire ....................................................................................... 16
Alphabétisation numérique ............................................................................................................. 17
Piste 6 : Produire des textes .............................................................................................................. 18
Apprendre à écrire à l’ère du numérique........................................................................................ 18
Pratiques exploratoires : vers un maillage des écritures ............................................................... 20
Conclusion ...................................................................................................................................... 22
Sitographie critique ......................................................................................................................... 22
Corpus de documents et œuvres numériques multimodales......................................................... 22

Ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche – DGESCO – IGEN


Éducation aux médias et à l’information Juillet 2015
http://eduscol.education.fr/prog
Introduction

L'Éducation aux médias et à l'information constitue l'une des priorités que se fixe l'Éducation nationale
face aux grands défis et enjeux du monde contemporain. Il devient fondamental d'engager les élèves
dans des "activités de lecture", de "production et diffusion" de contenus médiatiques et numériques,
comme le réaffirment les onze mesures en faveur du parcours citoyen du 22 janvier 2015 (mesure 3)

« [U]ne éducation aux médias et à l’information [doit prendre] pleinement en compte les enjeux du
numérique et de ses usages. Indissociable de la transmission d’une culture de la presse et de la
liberté d’expression, l’éducation aux médias et à l’information est un enseignement intégré de manière
transversale dans les différentes disciplines. Il doit apprendre aux élèves à lire et à décrypter
l’information et l’image, à aiguiser leur esprit critique et à se forger une opinion, compétences
essentielles pour exercer une citoyenneté éclairée et responsable en démocratie.
Le ministère veillera à ce qu‘un média – radio, journal, blog ou plateforme collaborative en ligne – soit
développé dans chaque collège et dans chaque lycée. Les professeurs documentalistes seront tout
particulièrement mobilisés à cette fin. C’est en effet en engageant les élèves eux-mêmes dans des
activités de production et de diffusion de contenus, notamment à travers les réseaux sociaux et
les plateformes collaboratives en ligne, qu’ils prendront le mieux conscience des enjeux attachés à la
fiabilité des sources, à l’interprétation des informations et à la représentation de soi en ligne ».

"Un média – radio, journal, blog, plate-forme collaborative en ligne – sera mis en place dans chaque
collège et chaque lycée." Il importe que les professeurs soient mobilisés tant au niveau d'actions et
d'activités transversales autour du professeur documentaliste, qu'au sein de leur propre discipline, afin
que les élèves puissent s'approprier diversement les compétences de compréhension et d'expression
propres à l'univers des médias.

Dans ce cadre, le cours de français a un rôle tout particulier à jouer, de par la proximité qu'il entretient
avec l'analyse des messages, des supports et des écritures, l'attention aux valeurs citoyennes et
créatives qu'il porte, et l'incitation à la production dans des contextes de réception variée. Les
programmes de français au lycée comportent en effet depuis 2010 un volet "Education aux médias et
à l'information" dont la brûlante nécessité n'est pas démentie : « Durant toute leur scolarité au lycée,
les élèves font un usage régulier d'outils et de supports numériques pour chercher, organiser et
produire de l'information ou pour communiquer dans le cadre de leur travail scolaire. Par ailleurs, ils
sont encouragés à pratiquer des activités utilisant différents médias (radio, presse écrite, audio-visuel
principalement). Cet usage courant ne signifie pas pour autant qu'ils en comprennent les logiques
fondamentales ni qu'ils aient une conscience claire des enjeux et des incidences de ces technologies
sur leurs modes de penser et d'agir. Il est donc nécessaire de leur faire acquérir une distance et une
réflexion critique suffisantes pour que se mette en place une pratique éclairée de ces différents
supports, en leur montrant ce qu'ils impliquent du point de vue de l'accès aux connaissances, de la
réception des textes et des discours, de l'utilisation et de l'invention des langages, comme du point de
vue des comportements et des modes de relations sociales qu'ils engendrent ». Il conviendrait que cet
objectif, inscrit dans les textes, soit plus systématiquement mis en œuvre : sous la forme d'un
prolongement du cours lorsque l'occasion s'en présente (l'on renvoie ici aux ressources sur "La
question de l'homme dans les genres de l'argumentation du XVIe siècle à nos jours" qui proposent de
1
nombreuses passerelles possibles ) ; ou bien sous la forme d'un développement pédagogique
autonome, motivé par exemple par un évènement particulier (semaine de la presse, rencontre
partenariale, projet interdisciplinaire).

Un tel engagement suppose que les professeurs appuient les activités proposées sur des références
théoriques et conceptuelles renouvelées. Offrir aux élèves l'accès aux canaux médiatiques et
encourager dans le cadre scolaire des pratiques qu'ils mènent par ailleurs de façon autonome ne
sauraient suffire à leur éducation. Or les repères médiatiques se sont largement transformés depuis
quelques décennies, essentiellement du fait de leur évolution numérique et de l'effervescence des
usages dans l'espace social qui en a résulté.

1
http://cache.media.eduscol.education.fr/file/Francais/76/4/Argumentation_Premiere_final_448764.pdf
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Rappelons au préalable quelques principes fondamentaux :

- Les médias ne sont pas seulement un moyen pour apprendre (comme c'était la perspective
autrefois dans le cadre de la tradition ancienne de la télévision scolaire), mais aussi des
objets étudiables en eux-mêmes. Il convient donc de ne pas appréhender le "message"
indépendamment de son vecteur et support. La convergence récente entre médias
analogiques et médias numériques orchestre une transition historique de l'éducation aux
médias (EMA) qui devient en 2007 l'EMI (éducation aux médias et à l'information) en prenant
en compte qu'à l'ère cybériste l'information est à la fois matière première (donnée), valeur
ajoutée (document) et dispositifs (réseaux officiels ou non). Le numérique manifeste la
superposition des fonctions référentielles, émotives et poétiques, c'est-à-dire l'équivalence de
l'information et de la construction de l'information. Les questions neuves qui émergent et les
compétences à faire acquérir ne sont plus seulement celles liées à l'évaluation de
l'information, mais à l'éditorialisation des contenus et à la transférabilité de ces capacités (d'un
support à l'autre, d'un type d'information à l'autre, d'un contexte à l'autre) dans une optique
non seulement de citoyenneté mais de communication, de créativité et d'employabilité.

- Dans cette perspective, les enjeux pédagogiques, humanistes et citoyens de l'éducation aux
médias et à l'information ne peuvent plus être seulement de décoder des messages dans une
visée structuraliste et linguistique, ni seulement d’envisager leurs effets et les représentations
dont ils sont porteurs, mais bien d’accompagner leurs usages pour le développement d’un
esprit critique en action qui passe par l'acquisition de compétences, de connaissances et de
capacités méta-cognitives (l'on peut se référer à Jacques Piette : http://www.cahiers-
pedagogiques.com/Education-par-les-medias-ou-aux-medias)

- Internet est le média majoritaire aujourd’hui. Ce nouvel environnement doit être l'occasion de
réfléchir aux rapports et représentations qu'entretiennent les jeunes avec ce canal, afin de ne
pas stigmatiser leurs propres pratiques et leur culture, mais plutôt de les accompagner. On
veillera en particulier à ne pas dissocier l'éducation à l'analyse / lecture des médias de celle
de l'écriture / production; cette dernière sphère offrant un biais essentiel pour accueillir et
éduquer les usages massifs qui deviennent un véritable enjeu de communication et de
créativité. Des études sociologiques récentes insistent en outre sur la dissociation actuelle
entre les compétences opératoires et fonctionnelles ET les aptitudes stratégiques,
organisationnelles et éditoriales chez les jeunes. Les premières sont considérées comme
acquises par les jeunes (souvent de manière autonome, par autodidactie ou par appel aux
pairs) tandis que les secondes sont largement négligées.

- Pédagogiquement, l’éducation aux médias et à l'information peut se penser comme un


programme d’acquisition de compétences en littératie médiatique et/ou numérique. Le
numérique occasionnant des innovations socio-techniques et une imprévisibilité des usages,
l'EMI peut être une formidable occasion de renouveler les approches et les pratiques. La
recherche de nouvelles médiations peut s’accompagner avantageusement d’un recul réflexif
sur des pratiques en train de se faire. C’est toute la difficulté du juste positionnement que
l'École et les enseignants doivent inventer face au défi actuel de la prolifération des usages du
numérique : encadrer ce qui se fait tout en offrant les moyens du surplomb et de la distance
réflexive.

Le CLEMI offre un fonds de ressources précieuses pour l’« Éducation à l’image, aux médias et au
numérique » : http://www.clemi.org/fr/.

Les pistes qui suivent désignent à l'attention des professeurs, de français plus particulièrement,
quelques champs et grandes questions qui pourraient servir de cadre aux activités proposées en
classe autour des médias et du numérique. Mais comme l'une et l'autre littératies ne se recoupent pas
exactement, et qu'il convient de bien définir les objets, le parti a été pris de présenter les suggestions
d'activités et de réflexions sous la forme de deux ensembles successifs.

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Ensemble premier : littératie médiatique

Piste 1: Pour une histoire des supports de l'écriture et des médias

Un retour en arrière s’impose, même s’il sera ici volontairement très simplifié : dès l’invention de
l’imprimerie par Gutenberg au milieu du XVe siècle, la presse en France est un outil de diffusion des
informations. Après les menanti italiens qui vendaient à prix d’or des informations secrètes sur les
puissants (et en particulier les papes), les gazetiers nés à l’époque de la Renaissance relataient les
événements les plus divers dans des cahiers de quelques pages qui se vendaient en librairie, mais
surtout par colportage dans les grande villes. Plus tard les “Libelles” relaieront les polémiques
religieuses et politiques de la contre-Réforme. Relais des rumeurs et des commérages ou pire, de la
sédition, ces ancêtres de la presse sont considérés comme peu crédibles, jusqu’à l’arrivée du premier
hebdomadaire, la “Gazette” de Théophraste Renaudot en 1631, qui peut être considéré comme le
premier exemple des journaux de l’époque moderne. Cette “Gazette”, autorisée par Louis XIII grâce à
l’appui de Richelieu, n’en est pas moins clairement un organe de propagande officieux du Roi, de
nombreux articles étant écrits de la main même de Louis XIII. Les médias semblent donc avoir
toujours été un instrument essentiel de la communication et de l’argumentaire politique et leur sort est
d’ailleurs lié à l’histoire et à la politique : en 1789, ce fut l’explosion des “papiers”; en 1836 la
Révolution industrielle coïncide avec le lancement de La Presse d’Emile de Girardin, bientôt suivi de
quotidiens comme Petit Journal (1863) ou Le Matin (1883) ; Le Monde et L’Express naissent à
l’époque de la guerre d’Algérie, tandis que la première élection d’Obama en 2008 semble donner le
coup d’envoi à l'expansion massive d’Internet. Les médias naissent et se développent au rythme des
événements politiques. Rappelons aussi que les conducteurs des JT de l’ORTF sous De Gaulle
étaient vérifiés et validés par Alain Peyrefitte, ministre de l'Information : l’expansion de la télévision en
France s’explique très clairement, d’un point de vue historique, par une volonté politique.
http://fresques.ina.fr/jalons/fiche-media/InaEdu01236/presentation-de-la-nouvelle-formule-du-journal-
televise-par-alain-peyrefitte.html

On peut affirmer sans risque que la démocratisation des “objets connectés” change les possibilités de
communication et de transmission. La transmission des textes écrits s’était démocratisée avec
l’imprimerie (La Bible est le premier livre imprimé en 1445) mais depuis l’informatique (les années
1970-80, mesurons l’écart temporel !), l’apparition de nouvelles technologies de lectures et d’écriture
s’accélère, jusqu’à la massification quasi illimitée des textes et images disponibles aujourd’hui sur des
supports dématérialisés.

Le numérique transforme la nature même des signes de l’écrit, et s’accompagne de nouveaux objets
et supports pour l’écriture. Le clavier remplace le stylo et le stylet (utilisé dans l’Antiquité pour graver
les tablettes de cire) est aujourd’hui une alternative à l’écran tactile qui répond toujours au geste du
corps par l’inscription graphique – mais différemment. Doit-on pour autant penser la technique dans
une perspective téléologique (la technique aurait une fin) ? Les différences de degré (dans la rapidité
de la circulation des textes, dans les volumes mis à disposition) s’accompagnent-ils d’une différence
de nature quant aux représentations que les communautés humaines se font ou se feront de l’écrit et
de l’écriture ? Les mécanismes cognitifs du cerveau humain, pourtant séculaires, s’en trouvent-ils
changés ? C’est l’hypothèse de Michel Serres dans Petite Poucette, qui cependant fait débat :
http://skhole.fr/petite-poucette-la-douteuse-fable-de-michel-serres

Nous sommes en effet les témoins de l'émergence d'une raison nouvelle, en regard de la "raison
graphique" que l'anthropologue Jack Goody a modélisée en 1997 pour expliquer que l'écriture a induit
un mode de pensée particulier et un rapport au monde spécifique. Bruno Bachimont, dans Ingénierie
des connaissances et des contenus (2007), propose la notion analogique de "raison
computationnelle" pour expliquer le fait que nous pensons et penserons différemment dans le
contexte numérique, et que la révolution de l'entrée dans une nouvelle ère de l'Écriture est jumelle de
la précédente en marquant un tournant tout aussi décisif. D'ailleurs, et tout l'enjeu pour nous qui
sommes à l'intersection des deux est bien là, la "raison computationnelle" n'effacerait pas la
précédente, mais l'intègrerait, l'engloberait, ou plus exactement la "reconfigurerait": « Si l'écriture a
donné lieu à une raison graphique, le numérique doit donner lieu à une raison computationnelle: le

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calcul comme technique de manipulation de symboles entraîne un mode spécifique de pensée, qui ne
2
remplace pas les autres, mais les reconfigure »."

Il importe par ailleurs de bien marquer pour les élèves une continuité historique entre une histoire
longue de l'écriture et l'écriture numérique, afin de ne pas opposer tradition et pratiques
contemporaines, culture savante et pratique des jeunes. Il convient de mettre en lumière que le
numérique vient réactiver « certaines des richesses oubliées de l'écriture et, en les réactivant, les
soumettre à de nouveaux défis ». C'est ce que dit par exemple Yves Jeanneret dans "Écriture et
multimédia", in Histoire de l'écriture: de l'idéogramme au multimédia. L'on peut citer également Anne-
3
Marie Christin dans "Espace et mémoire : les leçons de l'idéogramme" : « En nous permettant de
combiner, sur un support unique et homogène, image et langage écrit – idéal que l'Occident a
poursuivi vainement pendant des siècles par le biais de l'imprimerie, est-il nécessaire de le rappeler –,
les techniques de numérisation nous restituent de façon aussi abrupte que, paradoxalement,
immotivée, les conditions même dans lesquelles, voici plus de 5000 ans, les premiers systèmes
d'écriture sont apparus ».

Il y a par ailleurs un jeu d'échanges subtils et de conditionnements réciproques entre support et


contenu, medium et message. Cela semble toujours avoir été le cas. Voltaire, à qui l'on prête d'avoir
"inventé" le livre de poche avec son "Dictionnaire philosophique portatif" pour déjouer la censure et
permettre une circulation sous le manteau d'un livre de combat, bien plus maniable que
l'Encyclopédie, avait su adapter les ressources de son style, plus que jamais incisif, concis et allusif,
au format des articles et à leur usage. L'on trouvera sur ce point la possibilité de construire un lien
avec l'objet d'étude de la classe de Terminale L, "Lire-écrire-publier".

Dans les nouvelles technologies également, « la forme c’est le fond qui remonte à la surface », pour
reprendre la célèbre citation de Victor Hugo. Les smartphones par exemple s’offrent comme possibles
objets privés médiationnels, permettant de nouvelles formes de communication via des écritures
plurielles (sms, groupes de discussions, communication par l’envoi d’image ou de gif animés…) et
viennent interroger l’acte d’écrire, voire plus généralement l’acte de création lui-même. Les formes et
les formats se modifient et se réinventent : le webdoc, le livre augmenté, le jeu vidéo, apparaissent
comme autant d’alternatives aux modes de narrations plus classiques qui subsistent pourtant, à
travers le roman ou l’article de presse. Ces objets techniques permettent donc la généralisation
individuelle et/ou collective de la mise en pratique d’une forme scripturale renouvelée qui s’affranchit
de certains supports et objets (le papier, l’encre, la machine à écrire) pour en développer d’autres,
éventuellement dématérialisés (le lien hypertexte, le traitement de texte, la publication en ligne,
l’édition simultanée, l’écriture collaborative via blogs et réseaux sociaux). L’échange d’informations
passant parfois par l’image seule (et/ou le son seul) ou par un nombre de caractères régulé comme
c’est le cas sur Twitter.

La littérature elle-même est reconditionnée (e-book, livres téléchargeables en format .pdf, plateforme
Gallica), suscitant des questions sur l’acte d’écrire : qu’advient-il des brouillons d’auteurs sur un
traitement de textes, qu’advient-il de la notion même d’auteur dans l’écriture collaborative ? Comme
sur l’acte de lire : est-il équivalent sur le papier et sur la tablette (encore un mot qui réactive son sens
ancien de “support d’écriture”) ? Écriture, information et communication interfèrent, à l’échelle des
usages individuels comme de manière plus macroscopique : les messages (littéraires ou informatifs)
s’écrivent, se diffusent, sont reçus et donc potentiellement se pensent selon des modalités socio-
techniques nouvelles. La périodicisation et la hiérarchie des œuvres littéraires se dissolvent dans des
formes d’expression hybrides, multimodales, en devenir. L’écriture et la lecture 2.0 se pensent selon
des modèles délinéarisés, dans lesquels l’auteur n’est plus le seul à (se) raconter et ne contrôle plus
le parcours de lecture de lecteurs-internautes qui sont potentiellement eux-aussi auteurs autant
qu’éditeurs et diffuseurs de contenus. Mais cette déconstruction de l’œuvre renoue aussi avec la
genèse de l’acte d’écriture : un écrivain comme Claude Simon éparpillait et reconfigurait sans cesse
ses brouillons qu’il rédigeait de manière délinéarisée avant de les assembler dans l’œuvre finale. Le
numérique peut donc aussi être considéré comme une propédeutique : dans une perspective à la fois
diachronique et synchronique (l’écriture collaborative), la littérature à l’heure du numérique permet de

2
Bruno Bachimont, "De l'hypertexte à l'hypotexte: les parcours de la mémoire documentaire" in Mémoire de la
technique et technique de la mémoire, Toulouse, Eres, 1999, p. 195-225.
3
Anne-Marie Christin, Protée, vol.32, n°2, 2004, p. 19-28.
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rendre sensible une historicisation de l’acte de lire et d’écrire et peut permettre une expérience plus
consciente de l’élève en tant que sujet-lecteur et sujet-écrivant.

Rappelons que la littérature d’anticipation a créé certains topoï du discours argumentatif sur les
nouveaux objets. La littérature du XIXe par exemple semblait déjà traduire ce que l'objet provoque
comme méditation sur notre perception ordinaire (voir la piste des ressources sur l'argumentation en
4
classe de première "L’homme et les objets" ). En cela, elle n’a fait que confirmer que les objets
techniques agissent sur nos capacités cognitives qui ancrent immanquablement l’homme dans un
contexte culturel... et médiatique.

Pour la classe

- Proposition d’écriture argumentaire en respectant les 140 caractères du format Twitter autour
d’un # commun pour constituer un “fil” de discussion : comment adapter la langue à la
contrainte ? comment s’élabore l’écriture collective ? comment convaincre ?

- Possibilité d’écritures collaboratives sur un blog éventuellement multimodal. Cette activité


d’écriture peut permettre l’exploration, dans la contribution, de questions en lien avec les
programmes : qu’est-ce qu’un point de vue ? qu’est-ce qu’un « beau » style ? comment
apprécier la valeur d’une métaphore ? comment se raconter ? mais aussi une approche en
termes de savoir-être : comment écrire ensemble ? qu’est-ce qu’une collaboration ?

- Comparaison entre un jeu vidéo, un livre-jeu (ou “livre dont vous êtes le héros”) et un
webdocumentaire autour des choix narratifs et du point de vue. On trouvera de très bons
exemples de webdocumentaires sur le site d’Arte : Prison Valley
(http://prisonvalley.arte.tv/?lang=fr) ou un Fort Mc Money
(http://fortmcmoney.com/#/fortmcmoney). Dans ces exemples, les choix narratifs sont liés à
une vraie réflexion éthique et économique qui joue à plein des possibilités d’immersion et de
participation renouvelées. Ce type de production audiovisuelle peut aussi être analysé sous
un angle esthétique ou sémiotique : l’image et le son sont particulièrement travaillés, les
références interculturelles et artistiques foisonnent, permettant des approches esthétiques
variées qui mettent l’élève face à une mise en récit différente et des possibilités d’interaction
qu’il conviendra de délimiter pour déterminer ce qu’elles changent aux modalités de lecture (et
de compréhension) du contenu argumentatif.

- Ecriture et lecture 2.0 : l’exemple de Daniel De Roulet qui interroge les formats littéraires et
les modalités de lecture : http://www.daniel-deroulet.ch/. L’auteur propose de décliner autour
d’un même texte des formats de lecture différents (de la nouvelle au roman) et des
reconfigurations narratives laissées à l’initiative du lecteur, dans une perspective de
délinéarisation de la lecture.

La comparaison avec les possibilités d’interactions vidéoludiques peut également servir d’amorce à la
réflexion. Le jeu à usage pédagogique se déploie globalement selon deux perspectives : l’edutainment
(l’idée d’apprendre sans effort) et le Serious Game (idée que le jeu est suffisant pour apprendre). La
classification des jeux est une bonne façon de ne pas se perdre dans l’abondance de l’offre : la
classification PEGI : http://www.pegi.info/fr/, l’ESRB : http://www.esrb.org/index-js.jsp, et la
classification G/P/S : http://serious.gameclassification.com/. Si certains jeux peuvent se présenter
comme des modes d’apprentissage, tout jeu peut servir comme source d’apprentissage : l’activité
ludique peut motiver le désir d’apprendre et produire chez l’apprenant de bonnes dynamiques
émotionnelles dont on sait qu’elles génèrent de la cognition (Damasio, 2003
http://www.larecherche.fr/savoirs/entretien/antonio-damasio-esprit-est-modele-corps-01-10-2003-
75757 ).

Pour chacune de ces formes (le jeu vidéo, le webdocumentaire, etc.), des débats divergents
traversent l’espace social quant à leur pertinence et leurs éventuels dangers. Face à ces débats,
rappelons que le roman a longtemps été considéré comme une forme populaire dangereuse et

4
http://cache.media.eduscol.education.fr/file/Francais/76/4/Argumentation_Premiere_final_448764.pdf
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susceptible de pervertir les mœurs et que Socrate voulait chasser de la Cité les poètes accusés de
provoquer des illusions néfastes.

Bibliographie
Pour une mise en perspective de l’histoire de l’écriture : http://www.herodote.net/L_ecriture-synthese-
1810.php
Yves Jeanneret, "Ecriture et multimédia", in Histoire de l'écriture: de l'idéogramme au multimédia
(sous la direction de Anne-Marie Christin), Paris, Flammarion, 2012.
“Livre dont vous êtes le héros” : Gallimard réédite de nombreux titres parfois à vocation éducative
Nombreux titres également chez Presses Pocket et Livre de poche dans la collection “Histoires à
jouer”
Serious games à vocation ludo-éducative recensés ici : http://www.serious-
game.fr/category/actualites/jeux/
Jeu vidéo très esthétique propice à une réflexion sur la mise en récit : Journey
http://thatgamecompany.com/games/journey/

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Piste 2 : Discours des médias et mises en récit (storytelling):
Le cas de la mise en récit du pouvoir : l’homme politique médiatisé
Dans la sphère politique, depuis les années 2000, Internet démultiplie les canaux de communication
et d’exposition médiatique, en permettant un ciblage des électeurs plus précis et des stratégies de
communication à large échelle plus rapides, orchestrées par des “spin doctors” qui deviennent des
héros de séries (pensons à la série danoise Borgen par exemple) et les nouveaux “conseillers des
princes”. Le pouvoir investit ces nouveaux espaces de communication qui transforment en partie le
jeu politique en arène médiatique, influençant les mises en scène du pouvoir et la façon dont il se
donne à voir. Sans revenir sur la question de l’influence des médias sur le vote (voir la piste "L’homme
et la société" dans les ressources sur l'argumentation pour la classe de première :
http://cache.media.eduscol.education.fr/file/Francais/76/4/Argumentation_Premiere_final_448764.pdf)
ce sont quelques modalités récentes d’exposition des hommes politiques dans les médias qui seront
abordées ici.

Scénarisation, spectacularisation, émotions, mélange de la vie privée et de la vie publique, les


discours médiatiques sur le politique s’adaptent au nouvel ordre économique : il faut être “rentable” et
“diffusé” pour être entendu. En France, dans les années 2000, les débats sur la vedettisation des
hommes politiques émergent et conduisent généralement à sa condamnation. Lors de l’élection
présidentielle de 2002, le mot “peoplisation” se généralise, dénomination anglo-saxonne qui ne
semble véritablement usitée en France qu’au début des années 1990 et coïncide avec la réactivation
du secteur de la “presse people” par Prisma Presse.

Le phénomène de mise en scène politique dans les médias ne peut être bien compris qu’en prenant
en compte les trois acteurs qui la composent : l’homme politique (et/ou ses proches), les médias et
l’opinion publique (usagers des médias potentiellement électeurs). En effet, cette médiatisation peut
être exploitée par l’homme politique afin de « bâtir avec le public un récit partagé » (Jamil Dakhlia,
2008) pour augmenter sa popularité (paraître plus humain, plus proche…) et ainsi créer un sentiment
d’appartenance. Ainsi, dans l’époque contemporaine, l’homme (ou la femme) politique choisit parfois
de ”jouer la carte” de la « presse people » ou de l’"infotainement" (invitation au Petit Journal de
Canal+ ou à Vivement Dimanche par exemple) pour pallier la désaffection des citoyens pour la
politique. Cinq notions clés permettent de mieux comprendre les enjeux médiatiques de cette
argumentation politique, que nous pouvons emprunter au sociologue Erving Goffman qui étudie très
précisément les mises en scène auxquelles nous nous livrons tous au quotidien dans le « théâtre »
que constitue l’espace social dans lequel nous évoluons : la Construction, la Représentation, la
Performance, l’Interaction et la Négociation (Goffman, 1973 et 1974). La Représentation correspond
au théâtre du monde, à l’idée que l’on se fait de soi-même « en situation » lorsque l’on se présente
aux autres. « L’image (médiatique) correspond à une représentation, celle qu’on a de soi-même et
celle qu’on cherche à projeter sur les autres dès lors qu’on est en présence sociale. Elle est le résultat
d’une performance, c’est-à-dire une construction plus ou moins consciente qui se révèle au cours de
l’interaction entre soi-même et autrui » (Martel, 2010, p 2-3). Chacun « oriente et gouverne »
l’impression qu’il produit : chacun « joue un rôle » en société, plus ou moins sciemment. L’homme
politique construit son image pour la présenter au public, mais cette image se construit en interaction
avec ce public. Sa performance consiste alors en le réajustement perpétuel qu’il est obligé de faire
lorsqu’il se rend compte que la perception que les autres ont de lui ne correspond pas tout à fait à
l’image qu’il voudrait transmettre. Chaque fois qu’il se présente aux autres, il doit chercher à
conserver ou produire une image de lui qui le satisfait, c’est-à-dire qui reflète le mieux ce qu’il désire
montrer de lui. Et tout cela doit se penser en interaction, car l’homme politique se construit aussi face
à des gens qui ont déjà une image de lui, de son identité professionnelle comme de son identité
personnelle. Toute mise en scène médiatique du pouvoir est donc une co-construction de ce qu’est
l’homme politique « en représentation », une interférence entre l’image qu’il aimerait donner et l’image
que le public se fait de la politique. Chaque performance, soumise à interactions (situation publique,
apparition dans les médias, interviews...) comprend donc un risque pour les hommes politiques
médiatisés car elle peut occasionner une « renégociation » de leur image médiatique. D’autant que
cette image doit aussi s’adapter au média dans lequel la personnalité s’exprime : une allocution à la
télévision n’occasionnera pas la même interaction qu’une photo dans un magazine people, ce qui
rend la mesure de la négociation difficilement maîtrisable.

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Au nom de quels principes des hommes et des femmes politiques acceptent-ils pourtant de se prêter
au jeu de la “peopolisation” (présence dans les magazines people) ou de “l’infotainment” ? « Le
discours people présente trois intérêts principaux, découlant de ses propriétés énonciatives :
popularité, séduction, proximité ». La peopolisation peut donc apparaître comme l’une des réponses
apportées par les hommes politiques à la crise de la représentation démocratique, voire au
“désenchantement démocratique”, une tentative pour parler aux gens autrement : le discours people
est fondé sur “le particulier, le concret et l’affect” (Dakhlia, 2007) et sort ainsi le discours politique de
son enfermement dans un élitisme abscons. Se rejoue l’opposition entre argumentation et séduction
(dont Dakhlia rappelle, à la suite de Ph. Breton, qu’elle est un “vieux débat démocratique”) : la
séduction “permet de faire oublier que le message politique est une construction : « Elle est un
travestissement qui naturalise l’homme politique, qui n’aurait plus qu’à apparaître “comme il est”, sans
fard »” (Dakhlia, 2007). Émerge ainsi une autre image du pouvoir qui, entre démocratisation du
politique et risque de démagogie, permet aussi, peut-être, de renouer le contact avec un certain public
qui a tendance à déserter le champ politique.

La fiction semble pourtant investir ce terrain de désaffection : certaines séries semblent devoir leur
succès considérable à la capacité qu'elles ont de parler d'un certain état du politique et de la société.
Nous avons évoqué Borgen, mais ce peut être aussi House of Cards ou The West Wing. Plus
indirectement, l'on peut penser à Game of Throne, qui, en recyclant des références culturelles
majeures, de Shakespeare à Druon ou Machiavel, construit un miroir, presque une carte géopolitique
projetée dans l'imaginaire, de la situation mondiale contemporaine : incertitude et instabilité, recherche
des valeurs et risques de leur dissolution, guerre de générations et remplacement d'un état du monde
par un autre, réflexion sur les pouvoirs croissants de la finance, etc. Il y a ainsi une continuité de
fonction réflexive et cathartique entre les grands feuilletons romanesques du XIXe siècle et les
œuvres audiovisuelles du début du XXIe, en même temps qu'un transfert, une translation de support :
les unes comme les autres s'adressent à la communauté en interrogeant ce qui la fonde et risque de
la perdre.

Pour la classe

Sur la mise en scène de l’homme politique :

- 1974, Une Partie de campagne, documentaire de Raymond Depardon, 2002. Le


documentariste, en suivant la campagne présidentielle de Valéry Giscard D’Estaing en
1974 pose un autre regard sur l’action politique. L’histoire de la sortie différée de ce film (il
ne pourra sortir qu’en 2002) est révélatrice des injonctions contradictoires dont il est
l’objet : populariser l’action politique et pourtant lui conserver son aura spécifique.

- à comparer, dans la sphère de la fiction, à la BD Quai d’Orsay de Christophe Blain et Abel


Lanzac : un autre média et d’autres modes de représentation se mettent au service de la
description de l’action politique. Les liens entre documentaire et fiction pourront permettre
d’interroger la notion de mise en scène/mise en récit tandis que les modalités narratives
hétérogènes (montage, assemblage) des deux médiums (BD et cinéma) pourront faire
l’objet de comparaisons fructueuses.

- une séance d’élargissement pourrait être l’occasion d’une comparaison de couvertures de


Gala et Voici. Il s’agirait de constater que le genre propose une mise en intrigue
particulière de l’image, qui n’est pas porteuse d’information en elle-même : la photo opère
comme un embrayeur de récit, souvent soutenue par le texte qui la légende et lui donne
un point de départ narratif qu’elle ne contient pas. On pourra faire remarquer aux élèves
que Gala, qui place majoritairement en couverture des têtes couronnées, suppose un
« mode mimétique haut » (expression empruntée à François Jost, 2011) en présentant les
célébrités comme des héros aux capacités supérieures à celles des autres humains selon
un modèle initiatique qui emprunte sa rhétorique aux contes de fées ou au biopic. Sur un
tout autre modèle, Voici privilégie le « mode mimétique bas » : les clichés y sont rarement
à l’avantage des célébrités et le journal met en avant des révélations “choc” et des
commentaires ironiques sur la personnalité people photographiée. Chaque journal met
donc en place des discours et des stratégies d’interpellation et d’argumentation distincts

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qui s’adressent à des lectorats différents et témoignent de la diversité des publics qui les
lit.

Bibliographie
Jamil Dakhlia, Politique people, Rosny-sous-bois, Bréal, 2008
Jamil Dakhlia, « People et politique : un mariage contre nature ? Critères et enjeux de la peopolisation
», Questions de communication [En ligne], 12 | 2007, mis en ligne le 05 avril 2012, consulté le 27
février 2015. URL : http://questionsdecommunication.revues.org/2417
Goffman, La mise en scène de la vie quotidienne, Éditions de Minuit, 1973
Les rites d’interaction, Éditions de minuit, 1974
Frédéric Martel, Enquête sur la guerre globale de la culture et des médias, Flammarion, 2010
Blog de Ph. Breton : http://argumentation.blog.lemonde.fr/2007/01/07/le-langage-de-la-seduction-en-
politique/
Annik Dubied, « L’information-people, entre rhétorique du cas particulier et récits de l’intimité »,
Communication [En ligne], Vol. 27/1 | 2009, mis en ligne le 01 novembre 2009, consulté le 26 février
2015. URL : http://communication.revues.org/1257
François Jost, De quoi les séries américaines sont-elles le symptôme ?, Paris, CNRS édition, 2011.

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Piste 3: L'écriture feuilletonnesque et le pouvoir de la fiction

Partons du constat simple que les séries télévisées sont très en vogue actuellement. Elles suscitent
l’engouement d’un public varié et sont au cœur de stratégies de promotion et de diffusion qui sont en
train d’imposer leurs règles (économiques) à tout le paysage télévisuel mondial. Pour autant, la
sérialité n’est pas un mode de mise en récit très nouveau : que l’on pense aux romans de Dumas
écrits sous forme de feuilletons à paraître dans les hebdomadaires du XIXe siècle (et son association
avec Maquet, collaborateur de l’ombre qui lui permettait de tenir un rythme de production élevé, voir
Aubry, 2006) ou aux séries des Cathédrales de Rouen de Monet, les “arts majeurs” se sont mis en
série bien avant le cinéma et la télévision, au début de l’ère industrielle. Umberto Eco, théoricien
pionnier de la sérialité fait de cette modalité de mise en récit le symptôme d’une société industrielle
qui repense l’acte de création par le prisme de la production, et s’appuierait sur un schéma (d’autres
théoriciens parleront de “pattern”) répétitif, gage à la fois d’une efficacité productive, la production “en
série”, et du plaisir de la reconnaissance, pour un public élargi, dit “populaire”. La valeur esthétique
des séries occasionne des débats toujours d’actualité entre les tenants de la valeur unique de l’Œuvre
originale et les défenseurs de la valeur culturelle, car intertextuelle, de la production sérielle. Au fil des
théories, la sérialité se définit comme une suite de répétitions et d’innovations, garante à la fois d’une
lecture spécifique, entre surprise et réconfort, d’une écriture entre originalité et conformisme et d’un
mode de production qui mêle l’audace à la reprise de schémas prévisibles car déjà rentabilisés. La
sérialité peut donc s’analyser selon l’angle des répétitions et variations qui la constituent ou, d’un point
de vue plus anthropologique, comme le lieu témoignant, dans la dilatation sans fin du récit, du pouvoir
jamais démenti de la fiction. Les soap operas, s’ils correspondent dans l’histoire de la télévision à un
besoin en marketing, sont à l’origine de narrations sérielles qui se caractérisent par leur dilution dans
une mise en récit sans fin de personnages écrits pour être, indéfiniment, ni tout à fait les mêmes, ni
tout à fait différents. Leur succès, massif, se répercute sur les séries d’aujourd’hui – que l’on pense
aux 15 saisons des Experts ou aux 11 saisons de Grey’s anatomy – qui fonctionnent selon le même
paradigme. Dans la logique économique, les diffuseurs adoptent des formats communs (autour de 26
ou de 42 minutes pour la diffusion télévisuelle qui n’est plus le seul modèle aujourd’hui) pour déployer
des scénarios qui chercheront, au sein de cette uniformité contractuelle (thématique et formelle), à
prouver leur originalité. C’est la revendication publicitaire d’une chaîne comme HBO “It’s not TV” ou
Netflix qui change la rythmicité de la programmation télévisuelle en offrant la possibilité de visionner à
la demande, sur n’importe quel support connecté, l’intégralité d’une série. Que le public manifeste
depuis plusieurs siècles maintenant un attachement au format sériel (Glevarec) semble donc
correspondre à une conjoncture à la fois culturelle, économique et socio-technique dont on peut faire
l’hypothèse qu’elle se superpose à un fondement anthropologique : le désir toujours renouvelé d’une
mise en récit du monde.

Plusieurs théories sociologiques et philosophiques de fin du XIXe siècle font de la propension


humaine à la fiction leur argument principal. Giorio Agamben (Le Temps qui reste, 2000) résume la
position du nietzschéen Jules de Gaultier en ces termes : « N'étant rien en lui-même, l'homme peut
être seulement s'il agit en faisant comme s'il était différent de ce qu'il est (ou plutôt qu'il n'est pas) ». Si
une telle position justifiait la nécessité de la fiction par l'insignifiance de l'homme, Jean-Marie
Schaeffer (Pourquoi la fiction ? Seuil, 1999) en offre un siècle plus tard le versant positif. Constitutive
de l'être humain tout au long de son existence (personnelle aussi bien que socio-historique), la fiction
se présente comme une relation au monde à part entière. L’imitation, la feintise, la représentation et la
connaissance correspondent à des traits distinctifs de l’homme. Le besoin ludique du « comme si »
est aussi le signe d'un manque fondamental, peu importe si nous l'interprétons avec un signe positif
ou négatif. Dans les deux cas, il s'agit d'une différence constitutive de l'être humain, qui gît en lui en
attendant d'être activée par voie mimétique. Jean-Marie Schaeffer écrit : « [...] la fiction procède certes
à travers des leurres préattentionnels, mais son but n'est pas de nous leurrer, d'élaborer des
semblants ou des illusions ; les leurres qu'elle élabore sont simplement le vecteur grâce auquel elle
peut atteindre sa finalité véritable, qui est de nous engager dans une activité de modélisation »
(Pourquoi la fiction, p. 199). On peut ainsi penser que, dans le récit, l’essentiel est moins la question
de la vérité que celle de la composition et de la fiction comme mise en ordre de ce qui est raconté, cet
arrangement modelant et engageant la compréhension du spectateur ou du lecteur.

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Pour la classe

Les élèves dans les classes auront sans doute des expériences d’attachement à des séries sur
lesquelles l’enseignement peut rebondir. Un travail pourrait consister en l’écriture (commune ou
individuelle) d’un récit sériel à partir de séries connues, sur le modèle des fanfictions (textes écrits par
des fans autour de la série qu’ils plébiscitent), en s’appuyant sur le principe de l’écriture d’invention
des programmes de Seconde et Première. L’élève peut ainsi être encouragé à écrire :

- une histoire située avant la série, dans le même univers, avec les mêmes personnages (le
prequel) ;
- une histoire située après le dernier épisode (en anticipation du prochain, dans l’attente d’une
suite possible : le sequel ou dans l’intervalle entre deux saisons, c’est le “rabbit hole”) ;
- une histoire située dans un univers différent dans lequel évolueraient les mêmes personnages
(Alternative Universe) ;
- en déployant de manière autonome – et en l’isolant des autres – l’histoire d’un des
personnages, parallèlement ou conjointement à l’univers sériel d’origine (le spin off) ;
- en opérant des croisements entre différentes séries (le cross over) ;
- un feuilleton sur leur propre expérience scolaire et professionnelle. Ainsi par exemple, à partir
du projet Textaillon - CYOA (Choose Your Own adventure), les élèves présentent sous la
forme d'un livre-jeu l'aventure de leur propre parcours en mettant en valeur les savoirs et
compétences qu'ils doivent acquérir.

Bibliographie
Umberto Eco, Innovation et répétition : entre esthétique moderne et post-moderne, Réseaux, 1994,
Volume 12, Numéro 68, pp. 9-26.
Du roman-feuilleton à la série télévisuelle: pour une rhétorique du genre et de la sérialité, Danielle
Aubry, édition Peter Lang, 2006.
http://www.revuedesdeuxmondes.fr/archive/article.php?code=28039 :“De la littérature industrielle”,
Sainte Beuve, 1829
Jean-Pierre Esquenazi, Mythologie des séries télé, Le Cavalier Bleu Éditions, 2009.
François Jost, De quoi les séries américaines sont-elles le symptôme ?, CNRS Editions, 2011.
http://map.revues.org/75 Revue MAP, 2011, Sérialité : densité et singularité.
Henri Glévarec, La sériephilie, Sociologie d’un attachement culturel et place de la fiction dans la vie
des jeunes adultes", 2012 et “Trouble dans la fiction. Effets de réel dans les séries télévisées
contemporaines et post-télévision” http://questionsdecommunication.revues.org/405
La peopolisation et l’image médiatique de Régis Labeaume, Julie-Ève Beaulieu, Patricia Faucher et
Mario Racine, http://www.com.ulaval.ca/fileadmin/contenu/docs_pdf/groupes_recherche_pdf/Lab-
O/Peopolisation.pdf

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Piste 4 : Les publics et la réception des médias
La thématique des effets est liée à une inquiétude sociale

La question des effets des médias relève au départ d'une angoisse sociale. Le refus d'être manipulé
par des messages fictionnels hante les sociétés depuis l’Antiquité : penser à Socrate excluant les
poètes de la Cité. Dans les sociétés contemporaines, qui ont érigé en principe le libre arbitre des
individus, des accusations récurrentes sont adressées aux productions médiatiques censées
perturber les esprits les plus vulnérables. La presse, la radio, le cinéma, la télévision, les jeux vidéo
ont tour à tour été considérés comme des sources d'effets incontrôlables et pathologiques sur les
conduites des plus jeunes, des femmes, des milieux populaires…

Les pouvoirs des publics

D'innombrables études scientifiques démontrent pourtant que les individus ne sont pas influencés
directement par les médias. Les publics sont actifs dans leur réception des messages car ils disposent
de facultés psychologiques et sociales qui fonctionnent comme autant de filtres de l'information
reçue :

- le plus grand pouvoir des récepteurs est de choisir de ne pas s'exposer aux messages. Par
exemple : fuir devant les écrans publicitaires, ne pas aimer les sports à la télévision ou les
romans sentimentaux ;

- en cas d'exposition, les publics sélectionnent dans les messages. Ils ont tendance à
comprendre, accepter et mémoriser ce qui va dans le sens de leurs attentes. Les électeurs de
gauche prêtent par exemple une attention moindre aux discours des élus de droite, en
retiennent moins les arguments et les discutent plus vivement que ceux des leaders de leur
camp, et réciproquement pour les électeurs de droite.

Il faut intégrer les médias dans la vie sociale des publics et inverser le regard sur les effets en se
demandant ce que les individus font des médias et non ce que ces derniers font aux individus. Le
choix d'un film s’analyse bien plus comme le résultat d'une influence interpersonnelle entre pairs (ce
que l'on nomme familièrement le « bouche-à-oreille » entre amis ou le « buzz » sur internet) que
comme l'effet de la promotion publicitaire. D’autre part, un spectacle est considéré comme apportant
des satisfactions socialement utiles : il existe des goûts complexes et non exclusifs par âge, par sexe,
par milieu social, pour les divers genres de films, de séries télévisées, de bandes dessinées ou de
musiques, qui ne respectent pas nécessairement les hiérarchies sociales (le rap circule dans tous les
milieux sociaux par exemple).

Les cultures médiatiques

En observant et en interrogeant les récepteurs des médias, on découvre de l'intérieur des pratiques
parfois très surprenantes dites de « braconnage », pour reprendre la formule de l’historien Michel de
Certeau, qui consistent à détourner pour partie le sens d’une œuvre. Certains publics aiment ainsi
imaginer des versions alternatives d’Harry Potter dans le cadre de « fanfictions » bouleversant les
relations entre les personnages. Les méthodes de l’entretien personnel, de l’entretien collectif, du
questionnaire et de l'observation participante ont permis de montrer que les amateurs de films ou de
séries télévisées ne se cantonnaient pas à la dimension du divertissement mais étaient parfois
engagés dans une quête identitaire : comprendre le monde à l’adolescence, interroger ce que c’est
qu’être un garçon ou une fille. La particularité des médias est qu’ils sont très malléables dans leurs
univers fictionnels et qu’ils font l’objet d’une très forte participation des publics, qui composent des
cultures médiatiques.

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Les médias : supports de débats publics

Enfin, la communication dans les sociétés démocratiques apparaît comme un jeu complexe entre
médias, publics et pouvoirs économiques et politiques. Les médias fonctionnent comme une arène où
s'expriment de façon plus ou moins contradictoire les attentes et les différences sociales. Ce qui se dit
à la télévision dans les programmes les plus « humbles » comme dans les plus « sérieux », dans les
émissions de radio ou dans les pages des magazines féminins, doit être pris au sérieux car il s’y
produit une évaluation collective des grands problèmes de mœurs des sociétés contemporaines
(relations parents-enfants, examen des nouveaux liens amoureux par exemple). Le journal télévisé,
les émissions politiques et de débat servent quant à eux à déterminer des problèmes qui peuvent
devenir publics, au sens où ils donnent aux uns et aux autres les moyens de se compter, de
s'appréhender, de prendre parti et de se diviser au moyen d'éléments variés (sondages, magazines
d'information, débats télévisuels, etc.). Le public en question n’est plus seulement celui qui reçoit des
messages et qui peut les détourner, mais celui qui sert de fondement à une démocratie. Les débats
sur l’avortement dans les années 1970 puis sur la peine de mort dans les années 1980 illustrent bien
l’intensité de la construction de l’opinion dans sa relation aux médias.

Les médias ne reflètent pas la réalité. Ils mettent en scène les différents points de vue sur la peine de
mort en rapportant des faits divers (un meurtre abominable est une raison de plaider en faveur de la
peine capitale), en les incarnant en personnages, en histoires exemplaires (le récit des derniers jours
d'un condamné à mort plaide en faveur de la suppression de la peine capitale). Dans la phase
avancée du débat, les faits et la fiction cèdent la place à l'argumentation, à la confrontation des idées
sur les plateaux des émissions de télévision par exemple. En parallèle, les médias alimentent les
innombrables discussions entre les particuliers, qui sont saisies à leur tour par des sondages. À
travers ce processus, le public n'est pas révélé mais se crée de façon continue sous la forme
d'informations, de récits, de querelles, de statistiques, que les élus observent et alimentent, tranchant
en dernier ressort en pensant aller dans le sens dominant. Si l'abolition de la peine de mort ne
bénéficie pas de sondages favorables en 1981, elle est soutenue par un courant très important de
l'opinion qui a longuement protesté et condamné sur les plans de la morale et du droit une pratique
jugée dépassée

Bibliographie
John Dewey, Le public et ses problèmes, Folio essais, Gallimard, 2010.
Elihu Katz et Paul Lazarsfeld, Influence Personnelle. Ce que les gens font des médias, Armand Colin,
2008.
Éric Maigret, Sociologie de la communication et des médias, Armand Colin, 2015.

Référence des sites web


Débat sur la peine de mort : http://www.ina.fr/video/CAB8101740501
Débat sur l’avortement : http://www.ina.fr/contenus-editoriaux/articles-editoriaux/la-loi-veil-sur-l-
avortement/

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Ensemble second : littératie numérique

Multi-textes et écritures multimodales : perspectives pour une


didactique de la lecture/écriture numériques
Nouveaux corpus à l'école, quels enjeux ?

Les recours aux supports numériques dans la communication sont désormais quotidiens et quasiment
obligatoires. Pour l’enseignant de français, il s'agit à la fois :

1. de savoir utiliser des ressources et des outils d’une variété infinie, qui remettent plus ou moins
en cause l’organisation de la classe mais aussi la réception des textes, littéraires en
particulier, désormais indissociables d’un flux d’informations à la disposition des enseignants
et des élèves. Comment intégrer au mieux ces outils et cette documentation dans une
pédagogie efficace ?
2. d'être capable d’enseigner des compétences nouvelles de lecture et d’écriture. La maîtrise
des codes, l’enseignement de la compréhension et de l’interprétation ne peuvent se limiter au
« scripturo-verbal ». Comment construire à l’école une littératie adaptée aux besoins du
citoyen de l’ère numérique ?

Extension des corpus, extension du « discours d'enseignement »

Par internet, l'enseignant et l'élève accèdent à une bibliothèque sans limite, y compris du côté des
classiques, libres de droit. L’enseignement des textes littéraires dispose, au temps des écrits
numérisés, d’une librairie extensive qui facilite l’accès aux œuvres majeures aussi bien qu’à des
textes mineurs ou peu lus. La découverte des œuvres peut être accompagnée également d’un
paratexte lui aussi étendu : images, sons, narrations filmiques, mise en voix, adaptations,
documentation historique ou biographique. Dès lors, en même temps qu’il s’enrichit de connexions
multiples, le texte, pris dans un réseau d’autres textes, d’images et de sons, perd de sa singularité et
sort de sa sacralité. Les manières de le présenter (vidéoprojection, présentation powerpoint) se sont
également diversifiées. L'enseignant peut ainsi produire son propre manuel, devenir « éditeur » de
textes et de documents, favorisant des montages et des rapprochements entre plusieurs sources, en
fonction de ses connaissances et de ses goûts propres, pour favoriser des contextualisations ou des
actualisations des élèves.

Du texte au multitexte

Ces nouveaux corpus, accessibles par internet, sont le plus souvent multimodaux, c'est à dire qu'ils
combinent différents modes iconiques, linguistiques, gestuels et auditifs, ce qui exige du lecteur qu’il
tisse les liens entre les informations recueillies à partir de divers messages et différents modes. Dès
lors, l'enseignant de français doit tenir compte de ces spécificités et enseigner les compétences
multimodales qu'elles engagent. Par compétence multimodale, on entend la capacité à lire et à
communiquer en combinant efficacement l’écrit, l’image et l’audio sur des supports médiatiques
variés.

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Piste 5 : Nouveaux textes, nouveaux apprentissages de lecteur

Plusieurs caractéristiques des textes sur écran sont à distinguer, mais toutes engagent une nouvelle
façon de lire. Il s'agit à la fois d'identifier les spécificités de ces nouveaux supports, pour les aborder
avec les élèves et de comprendre la spécificité de leur lecture, pour enseigner ces nouvelles
compétences en classe.

Textes numérisés et textes numériques

Dans les classes, on distinguera deux grandes catégories de textes. D’une part, les textes numérisés
sont des textes dont la présentation proposée en classe procède d’une transformation à partir du
support papier original. Les textes numériques, d’autre part, sont d'emblée conçus dans un format
numérique (le blog, le site internet ou le podcast).

On pourra inviter les élèves à identifier les spécificités d'un texte numérisé par rapport à son support :
il est indexé, accessible partout, et permet une certaine interactivité. On peut également tirer parti
aisément des nombreuses versions audio numérisées d'une œuvre. Par exemple, La place d'Annie
Ernaux, en version numérisée, est lue par l'intermédiaire d'une tablette et les élèves sont invités à
l'annoter, intervenant ainsi sur le support d'origine. Chacun peut intervenir à sa guise pour insérer ses
questions, ses remarques, ses impressions. Ici, la modification de la forme initiale du texte
s'accompagne d'un changement de mode qui en modifie la perception et qui permet des pratiques
inédites de commentaire ou d’écriture sur.

Les nouveaux médias que sont les blogs ou les réseaux sociaux offrent des possibilités nouvelles de
textualité. Ces nouvelles productions « composites non continues et plurisémiotisées », se
5
caractérisent en effet par leur nature multimodale . Ainsi l'œuvre sonore, « j’ te dérange ? Non non ? »
de J.C. Masséra, qui est un dialogue sonore en podcast, a été travaillée en lycée par une enseignante
dans une démarche innovante de lecture analytique. Les expositions virtuelles de la BnF (voir par
exemple sur Candide : https://candide.bnf.fr/, ou sur "Les essentiels de la littérature" :
http://expositions.bnf.fr/montesquieu/index.htm) installent aussi les œuvres numérisées du patrimoine
au sein d’un réseau numérique précieux.

Littérature numérique et lecture littéraire

La création littéraire contemporaine s’empare de ces possibilités nouvelles : des œuvres littéraires
sont d'emblée créées sur des supports numériques. Pour A. Saemmer, la littérature numérique réunit
quatre caractéristiques :

- l'animation (le mouvement des lettres et des mots étant engagée dans une relation plus ou
moins signifiante avec le texte),
- la programmation et ses influences sur le caractère aléatoire ou éphémère des œuvres,
- l'interactivité,
- et l'existence de liens appelant la manipulation du lecteur.

L'aspect le plus prometteur réside, selon C. Vandendorpe, dans l'adoption des nouveaux outils
sociaux au sein des dispositifs romanesques : « Le roman dans le monde numérique semble
s’orienter vers l'intégration de divers médias tout en invitant une forte participation du public grâce à la
dimension interactive du web. Au lieu d'être cantonné à son rôle traditionnel de récepteur de l'œuvre,
le lecteur est maintenant invité à intervenir activement dans les discours qui commentent et façonnent
la place d'une œuvre dans la culture ». Ces sollicitations du lecteur expliquent le fait que la littérature
numérique est « souvent considérée comme plus difficile, plus fatigante que la lecture papier ». Au
sein de la classe, ces spécificités s'enseignent : on pourra, par exemple, étudier ces nouvelles formes
romanesques dans le cadre de la classe de première, au sein duquel les élèves doivent prendre
conscience des évolutions du genre, via notamment la question de la construction du personnage.

5. Cette nature n'est d'ailleurs pas spécifique aux textes numériques mais touche plus largement l'ensemble de
l'édition contemporaine, tous supports confondus (voir sur cette question Crinon, 2012).
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Ainsi, Tramway d'A. Saemmer présente des animations, des liens et des sollicitations de manipulation
du lecteur, lui offrant des ordres de lecture aléatoires au milieu de fragments, présentés comme autant
de séquences de souvenirs fragmentaires et donc fragmentés par le format numérique lui-même. Le
médium numérique fonctionne comme une forme-sens à faire découvrir aux élèves.

Alphabétisation numérique

La capacité à entrer dans l’écrit au XXIe siècle ne se limite pas à la connaissance du code écrit et à la
compréhension de documents écrits sur papier. D’une part, l’écran offre à ses lecteurs des surfaces
hybrides, d’autre part l’affichage procède par écrans successifs et par hyperlien, et la lecture s'appuie
sur la matérialité d'un seul objet, l'écran, rompant ainsi la relation qui associe un objet à un genre et
un usage : cette spécificité engage des difficultés de lecture, de recontextualisation, bien plus
importantes que la lecture sur papier.

L’enseignant doit désormais faire travailler des compétences de lecture spécifiques. Ainsi, enseigner à
lire ou à écrire des textes multimodaux, c'est :

- faire identifier la cohérence de l'information entre texte et image,

- saisir les effets de contiguïté spatiale et temporelle entre les deux et les interpréter,

- faire identifier et comprendre les différents messages issus des différents modes,

- s'entraîner à la constitution du sens par l'articulation de ces messages et selon une logique non
forcément linéaire qu'il convient de travailler. Car le caractère discret / discontinu des messages au
sein de la "page" multimodale orchestre une autonomie des "langages". Le texte peut ne pas dire la
même chose que l'image et que le son. Dans certains cas, non "littéraires"/ "non esthétiques", ils sont
reliés par un simple rapport d'illustration, mais ils peuvent être disjoints sémantiquement, voire
paradoxaux. Cette inter- et in- dépendance des signes au sein d'un même support est l'indice même
de la maturité esthétique de celui-ci.

Ces différentes opérations doivent faire l'objet d'apprentissages et d'activités ciblés, dans le cadre de
séances de lecture du collège au lycée. Les activités de documentation avec écran, le plus souvent
organisées en autonomie, gagneraient à faire l'objet d'un accompagnement et d'un enseignement
portant sur ces compétences spécifiques.

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Piste 6 : Produire des textes

On a jusqu’ici envisagé les problèmes posés à l’enseignement par l’émergence et la prolifération de


messages hétérogènes du côté de la réception, et donc de l’apprentissage des codes et de
l’interprétation des messages. Les mêmes interrogations peuvent concerner les activités de
production. On distinguera trois niveaux d’insertion des usages du numérique dans l’enseignement de
l’écriture à l’école. A un premier niveau, l’enseignant utilise ou fait utiliser principalement le traitement
de texte pour toiletter et numériser des textes produits sur papier ; un deuxième stade prend en
compte la nature hybride des documents multimodaux et développe des productions et des
apprentissages dans ce sens ; à un troisième niveau, l’enseignant intègre les usages de la toile dans
la production de documents interactifs conçus pour l’échange sur la toile.

Apprendre à écrire à l’ère du numérique


Transposition simple

Il est possible, dans la classe, de faire rédiger sur écran des productions qui étaient jusque-là
produites sur papier, sorte de transfert technologique et ce, sans modification véritable des pratiques
d'enseignement. Dans les plus petites classes, cette transposition sera même parfois prise à la lettre :
on recopie avec un clavier du texte déjà écrit sur un brouillon. Il en est ainsi par exemple d'un travail
d'écriture poétique réalisée sur ordinateur, avec éventuelle illustration, ou encore de l'enregistrement
par les élèves d'une lecture expressive sur Audacity. Bien entendu, ces dispositifs offrent un intérêt
pédagogique : ils permettent d'obtenir un rendu plus propre, de se familiariser avec le traitement de
texte, le clavier ou le correcteur orthographique, ou encore de réécouter une oralisation. Les
productions réalisées appartiennent à des genres traditionnels depuis longtemps intégrés par l'école
(des genres scolaires).

Des activités de transpositions plus complexes, pourront être l'occasion de faire prendre conscience
aux élèves des spécificités et des usages de l'une et l'autre écriture. Cela suppose de passer d'abord
par des phases d'apprentissage classique de l'écriture verbale, de l'écriture audio-visuelle et de
l'écriture numérique. Puis de passer par des phases de conversions de l'un en l'autre pour bien cerner
les dimensions de chacune. Par exemple : une lettre > un mail et inversement.

Productions multimodales

Produire un document numérique, c’est apprendre à créer et à associer du texte, de l'image animée
ou non, du bruit, de la musique, de la « parole ». L’enseignant de français ne peut prendre en charge
la maîtrise de chacun de ces langages : il doit cependant enseigner l’art et la manière de les intégrer
pour produire un discours original.

En particulier :

- Apprendre à importer et à transformer des éléments déjà existants afin de les associer dans
des configurations personnelles.
- Le copié/collé, plutôt que d’être blâmé, doit être explicitement enseigné : résumer, reformuler,
citer, illustrer avec une image, un lien vers un autre document, etc. sont des techniques dont
l’élève doit pouvoir disposer en fin de scolarité.
- L’utilisation de conventions symboliques ou typographiques (flèche, boutons, bruits, symboles,
polices et couleurs) doit être exercée dans des documents ouverts aux interactions...
- Les modalités de présentation et de spatialisation doivent être décrites et exercées puisqu’on
est passé d’un ordre linéaire et successif (lignes, pages, livres) à une sorte de feuilleté de
fenêtres et de liens.
- Les possibilités de transformer un document numérique (collectivement ou individuellement
sont innombrables.

Les modalités de construction (et d’appréhension) du sens supposent une reconfiguration non
seulement des opérations cognitives qui conduisent à la production (planifier, organiser, réviser…),

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mais aussi de l’approche sensible de la communication. La part de l’esthétique est considérablement
plus importante que dans la rédaction de copies ou de cahiers ordinaires.

Pratiques sociales et projets pédagogiques.

De nombreux travaux d'écriture numérique sont également motivés par un projet pédagogique, qui
permet de fédérer la classe et qui ancre les pratiques scolaires dans des pratiques de référence
sociale : constitution de sites, visites de lieux et de musées virtuels, animation de blogs (par exemple
dans les différentes possibilités d'e-twinning qui ajoute à l'intérêt du blog celui des échanges entre
élèves issus de plusieurs pays européens).

Dans ce cas, il est parfois possible d'explorer (parfois sous le mode de l'interdisciplinarité) les
nouvelles possibilités de productions qu'offrent les nouveaux médias, de s'engager dans une pratique
innovante, portée par le projet, et, le plus souvent, plus éloignée des activités habituelles du cours de
français et parfois moins directement liée à ses objectifs premiers d'apprentissage.

Ce type de travaux en projet, conduisant à des productions originales, n'est pas nouveau dans les
pratiques scolaires, mais il est infléchi du fait même que les pratiques sociales attractives sont
largement numérisées.

Pratiques hybrides

La plupart des usages du numérique occasionnent des systèmes de relais entre activités papier et
travaux sur écran : il en est ainsi dans le cas d'activités de restitution de travaux de groupes pour
visionnage commun de la classe ou encore d'activités de réécritures de texte collectives. Ces
dispositifs se prêtent particulièrement aux effectifs réduits et permettent d'impliquer la classe dans les
travaux de l'ensemble des groupes.

L'alternance entre des modes d'enseignement traditionnel et des utilisations partielles du numérique
en cours de séance constitue d'ailleurs un usage conforme aux pratiques sociales, où l'usage de
l'ordinateur n'a pas remplacé l'utilisation de la feuille et du stylo. Cette alternance engage une véritable
complexité matérielle liée à la multiplication du matériel mobilisé : le tableau blanc prend parfois sa
place à côté du tableau traditionnel, sur les bureaux voisinent classeurs et tablettes, et sous les yeux
des élèves manuels et diaporamas. La difficulté dans la gestion de classe réside alors dans
l'articulation de ces différents objets et des activités qui s'y attachent. Prenons l'exemple d'une séance
de lecture analytique : le travail s'est fait d'abord en devoir personnel à la maison, sur papier, puis une
mise en commun par groupe s'effectue en classe. Le support numérique sert ici à la réécriture
collective, qui laisse au groupe la possibilité de faire des ajouts, puis à la finalisation, à la mise au
propre, ce qui en constitue un usage bien connu, mais tout à fait légitime.

Il est également loisible dans le cadre de travaux d'écriture d'inventer des modes nouveaux de
relations entre brouillons et rendu final. En utilisant par exemple le traitement de texte comme
brouillon et lieu d'une écriture collaborative in progress, et en gardant la mise au propre pour une
dimension de finalisation du travail personnel de l'élève.

Le caractère hybride de la plupart de ces pratiques invite à réfléchir à la gestion matérielle et


temporelle de ces activités : sortir et manipuler deux ou quatre supports n'engage pas le même coût
temporel et cognitif pour l'élève et, dans la conception de la séance, les choix s'opèrent en fonction de
la rentabilité didactique des différentes possibilités. Il est également nécessaire de prendre en
compte la question des traces du travail des élèves, celle de leur dispersion éventuelle sur des
supports virtuels plus ou moins accessibles, plus ou moins complémentaires : où note-t-on la trace
écrite synthétisant une séance ? Quel support peut le mieux favoriser la réécriture d'une production
par des élèves ? Comment la réflexion sur les supports peut-elle faciliter l'articulation entre travail
personnel à la maison et travail en classe ?

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Pratiques exploratoires : vers un maillage des écritures
Lire / écrire : écriture de commentaires

Les pratiques sociales des lecteurs sur le web se développent largement dans l'écriture de
commentaires ou d'échanges conversationnels écrits, puisque « lire, c'est donner à lire », selon
l’expression de Miguet. Ces lecteurs constituent ainsi de véritables communautés numériques qui
développent des compétences et des postures lectorales variées, convergeant avec les finalités de
l'enseignement du français au lycée et susceptibles d'être développées dans les classes :

- Lecture et commentaire formalisant des savoirs : sur l'auteur, l'œuvre, le genre, le style.
- Lecture subjective et implicante associée à l'expression de ses sentiments.
- Lecture socialisée permettant l'échange, l'orientation dans l'offre lectorale, le développement
de la communication et la formation du goût.

De plus, la caractéristique de ces échanges lectoraux sur internet est qu'ils se réalisent toujours par
écrit, et engagent dès lors le développement d'une écriture commentative et réflexive : ainsi, plus que
jamais, « lire c'est écrire », comme l'avait dit Stiegler. Toute l'activité de blog est une activité d'écriture
qui peut ainsi garder une trace de ce qui d'habitude était perdu dans une conversation et pourrait
conduire à de nouvelles formes et activités d'apprentissage dans la classe : ces écritures de
commentaires qui abondent dans les pratiques sociales de nos élèves, les smileys, les like / dislike
des pages facebook constituent bien les prémisses de l'expression d'un jugement, les tweets,
commentaires de blogs ou de pages facebook engagent une posture réflexive à propos d’un écrit ou
d’un événement, les forums de lecteurs ou commentaires de sites d'éditeurs ou d'auteurs favorisent le
développement du commentaire. L'on peut alors s'appuyer sur de telles attitudes et compétences pour
chercher à les transférer dans les pratiques scolaires, et imaginer des scénarios didactiques qui
pourraient s'appuyer sur ces « déjà là » non scolaires afin de développer ces mêmes compétences en
contexte scolaire. Ainsi, des blogs sont parfois créés par les enseignants pour engager la réflexion sur
une lecture cursive : les réactions d'élèves, les fils de discussion deviennent ensuite le fil directeur
d'une séance de synthèse en classe. De même, les réactions spontanées d'élèves sur un blog, à la
lecture d'un texte, peuvent constituer le socle d'une problématisation dans le contexte d'une lecture
analytique menée ensuite en classe.

Lire / écrire : écritures créatives.

Un autre type de pratique consiste à enseigner à produire des textes multimodaux et numériques de
type artistique : il est en effet possible d'accompagner les élèves dans la création d'un récit collectif
augmenté (via le logiciel storify) en lien avec une œuvre lue, ou encore dans la réalisation de
productions multimodales combinant oralisation de textes, musique et illustrations. L'articulation
didactique lire/écrire s'incarne dans ce cas dans la création numérique : les élèves sont conduits à
pratiquer eux-mêmes, comme auteurs, les nouveaux genres du numérique. Ici le numérique constitue
l'objet de l'enseignement et non son vecteur, de façon à ce que les élèves entrent non seulement
comme consommateurs, mais comme utilisateurs conscients, voire acteurs des univers virtuels dans
lesquels ils naviguent quotidiennement. Il est certain que ces pratiques engagent des prises de risque,
car ces nouvelles créations sont encore peu connues, peu « reconnues » par les critiques et les
institutions. Elles peuvent en outre s'enrichir d'interrogations sur la création contemporaine : on pourra
ainsi s'interroger avec les élèves sur la littérature et ses modes de réception contemporains, et
partager avec eux des questionnements qui sont ceux des artistes et du public d’aujourd’hui. De telles
propositions font ainsi de la littérature un art vivant, questionnant, et non une parole morte à laquelle
un discours convenu d'admiration est systématiquement accolé. Il en est ainsi, par exemple, d'une
enseignante qui propose à ses élèves, après la découverte et la lecture d'œuvres numériques, le
débat suivant : livre numérique / livre papier, que choisissez-vous et pourquoi ?

Un projet d'écriture créative en classe de 3e (Collège Mendès France de Tourcoing) :

Écrire pour se saisir de l’espace et en apprécier la poésie

ème
Le programme de 3 invite à approfondir l’étude de la poésie en s’intéressant aux regards, à la fois
multiples et singuliers, que les poètes contemporains portent sur le monde. Mais comment amener les
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élèves à croiser leurs regards, à en apprécier surtout la singularité ? Comment convaincre des
ème
adolescents, inscrits en classe de 3 au sein d’un dispositif « alternance », que la poésie peut les
ouvrir au monde pour mieux s’en emparer ?

Le scénario pédagogique de la séquence s’articule en trois grandes étapes, dont on peut suivre une
présentation plus détaillée, enrichie surtout des travaux des élèves, au lien suivant :
http://prezi.com/ulsaypekk8oi/?utm_campaign=share&utm_medium=copy&rc=ex0share

6
La première est née de la conviction, à la suite de l’essai de Marielle Macé que la littérature n’est pas
distincte de la vie et que, si l’on veut que les élèves puissent être sensibles à la littérarité d’un texte, à
sa poétique, il faut leur permettre d’en faire l’expérience au cœur même de la vie et ainsi que l’avait
7
écrit Roland Barthes « de réécrire le texte de l’œuvre à même le texte de notre vie ».

C’est dans cette perspective, qu’à la suite des propositions de Georges Pérec dans Espèces
d’espaces, les élèves ont été invités à noter par écrit le résultat de leurs observations fines tout en se
promenant à leur guise dans leur quartier. L’objectif était double : libérer l’écriture et libérer le regard,
en développant un rapport beaucoup plus intime à l’écriture. Beaucoup en effet ont tendance à porter
un même regard uniforme, stéréotypé, sur leur quartier, espace « sensible », enclavé et isolé, les
conduisant à développer une écriture elle-aussi stéréotypée.

Cette première étape n’était cependant pas suffisante pour transformer le regard et faire en sorte que
les élèves puissent être en mesure de rencontrer les poètes. Il était essentiel de prolonger cette
expérience pour aiguiser encore le regard et en développer la sensibilité, ainsi qu’a pu le faire Hervé
le Tellier dans son Herbier des villes. Une nouvelle déambulation a donc été organisée, collective
cette fois-ci, et au service surtout d’une écriture renouvelée à la fois graphique et esthétique. Il s’est
agi en effet non seulement de relever autant d’empreintes que possibles de tous ces détails qui
construisent le paysage urbain (aspérités sur les trottoirs ou les routes, bandes rugueuses, plaques
d’égout….) mais aussi de trouver d’autres angles de vue de ce paysage à travers les écrans des
tablettes en mode photo (une vue en contre-plongée d’une tour, un zoom sur une marche
d’escalier…). Les élèves initiés à la poésie, ont fait leur propre expérience de l’œuvre d’Hervé le
Tellier. Il restait à leur permettre de se l’approprier que ce soit en en maîtrisant son espace propre
mais aussi son écriture. C’est ici que le numérique trouve son intérêt. Les empreintes graphiques ont
ainsi toutes été observées puis leurs détails les plus intéressants scannés. Les matériaux collectés
sont devenus un dossier numérique d’images nouvelles au sein duquel chaque élève a choisi celle
qu’il préférait. À chacun alors d’en proposer une nouvelle mue sous la forme d’un écrit poétique
exploitant, en fonction de ses capacités propres, tous les possibles de l’écriture numérique. Les
8
élèves ont pu enfin confronter leurs créations à celles de Marion Fabien, les défendre aussi, lors de
l’exposition de l’artiste au terme de sa résidence. On pourrait prolonger encore l’expérience, l’enrichir
en invitant les élèves à découvrir d’autres créations poétiques contemporaines, d’autres regards
d’artistes qui ont eux aussi transfigurer l’espace urbain et métamorphoser leur art. On peut penser à
l’architecture novatrice de Jakob et MacFarlane dans le nouveau quartier de la Confluence à Lyon, ou
encore aux œuvres de l’artiste visuel JR par exemple.
https://docs.google.com/file/d/0Bw58Zg4-BRl8T2xrMF91TFJyR1k/edit?pli=1

Ces productions, loin d’éloigner les élèves de l’acquisition des compétences et des connaissances au
programme, engagent et développent des compétences communes à toute pratique d'écriture: elles
trouvent donc aussi leur utilité dans le cadre de la maîtrise des usages plus académiques de la lecture
littéraire et de l'écriture créative, par exemple dans les exercices canoniques, le commentaire ou la
question de corpus, ou l'écriture d'invention. Expliciter ces liens, ces allers- retours, articuler ces textes
et ces pratiques innovantes avec des pratiques scolaires plus traditionnelles peut constituer un levier
pour l'apprentissage d’exercices complexes pour lesquels les élèves se persuadent souvent eux-
mêmes qu'ils sont démunis. Les mêmes réflexions peuvent ainsi être conduites sans doute pour les
pratiques de fan fiction, de blogs personnels.

6
Marielle Macé, Façons de lire, manières d’être, nrf essai, Gallimard, 2011.
7
Roland Barthes, Œuvres complètes t.III, cité par Marielle Macé, ibid., p. 17.
8
Pour visualiser les créations des élèves, se reporter aux documents « Anthony_poèmeanimé » et
« Alain_poèmeanimé » de l’archive zip, documents à ouvrir avec l’application OpenOffice ou LibreOffice).
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Conclusion

L'école a un rôle important à jouer dans l'apprentissage de ces nouvelles littératies pour permettre le
rapprochement des cultures et éviter des « fractures numériques » qui peuvent être plus cognitives
que matérielles. L'influence progressive de ces nouvelles formes de textualité invite à analyser leurs
relations aux genres et textes traditionnels, non sur le mode de l'opposition mais sur celui de
l'articulation et de l'intégration, d’autant que les genres les plus scolaires sont désormais
nécessairement affectés par les ressources multimodales. Ne voit-on pas, par exemple, le diaporama
devenir un type de production intégré dans les classes et largement sollicité, notamment dans
ème
l’épreuve d'histoire des arts en 3 .

Sitographie critique

R. Chartier, L’avenir numérique du livre, http://www.lemonde.fr/idees/article/2009/10/26/l-avenir-


numerique-du-livre-par-roger-chartier_1258883_3232.html
R Chartier, Continuités et bouleversements des pratiques de lecture à l'heure du numérique : Ivan
Jablonka, « Le livre : son passé, son avenir. Entretien avec Roger Chartier », La Vie des idées, 29
septembre 2008.
http://www.laviedesidees.fr/Le-livre-son-passe-son-avenir.html
N. Lacelle et M. Lebrun, « La littératie médiatique multimodale : réflexions sémiologiques et dispositifs
concrets d'application », http://www.leseforum.ch/myUploadData/files/2014_2_Lacelle_Lebrun.pdf
éduscol, Les métamorphoses du livre et de la lecture à l'heure du numérique,
http://eduscol.education.fr/pnf-lettres/
éduscol, 17 nouveaux scénarios EDU'BASE lettres,
http://eduscol.education.fr/lettres/actualites/scenario-edubase-mai-2015

Corpus de documents et œuvres numériques multimodales

http://www.livrespourtous.com
BnF, Voltaire, Candide ou l'optimisme, https://candide.bnf.fr/
A. Saemmer., Tramway, http://anthology.elmcip.net/works/tramway/
e-Twinning, http://www.etwinning.fr/
J.C. Massera, J'te dérange ? Non, non ; httppro.arte.tv/2012/12/arte-radio-lance-un-nouveau-
feuilleton-jte-derange-non-non/

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