doivent inventer leur 1er Novembre» Son «silence» médiatique prolongé et son retrait de la conduite des affaires du RCD n’ont nullement entamé la popularité et l’intérêt des foules pour les sorties publiques du Dr Saïd Sadi qui a célébré, à sa façon, vendredi dernier, le 60e anniversaire du 1er Novembre, à Iferhounène (une soixantaine de kilomètres à l’est de Tizi-Ouzou). Chef-lieu communal où il a organisé une vente-dédicace de son livre sur le parcours du colonel Amirouche suivie d’une conférence sur l’origine, le vécu et les projections de la révolution du 1er Novembre. Saïd Sadi n’a pas caché son émotion devant l’engouement de la population d’Iferhounène qui était nombreuse à se rendre à la bibliothèque du mémorial des martyrs sis à la sortie de l’agglomération, lieu où s’est déroulée la vente-dédicace, dans l’après-midi, de son livre. Sans risque de se tromper, et au vu du volume d’exemplaires écoulés en peu de temps et du succès de librairie qu’il rencontre, par ailleurs, Amirouche, une vie, deux morts, un testament qui est à sa quatrième édition «augmentée et enrichie par d’autres témoignages d’acteurs de la Révolution encore en vie», nous dira Saïd Sadi constitue un véritable best seller dans ses versions française et en langue arabe, selon l’ex-président du RCD qui nous a dit être autant «assuré qu’émerveillé par l’intérêt que manifestent les jeunes pour l’histoire de l’Algérie». Engouement que Saïd Sadi dit avoir touché du doigt au cours de la séance de vente-dédicace de son livre qui s’est prolongée dans la soirée par une conférence donnée en plein air. Durant plus de deux heures (de 21h à 23h 30’) et devant un public nombreux et intéressé où se trouvaient également de nombreux moudjahidine de la localité rassemblés sur l’esplanade de la mairie et sur la route attenante à l’édifice, Saïd Sadi parlera de l’origine, du vécu et des projections de la Révolution du 1er Novembre. Un thème qu’il entamera en revenant sur les enseignements que lui a inspirés l’élaboration de son ouvrage sur le colonel Amirouche. «Pour les jeunes nations plus que pour les autres, le débat est une condition de progression et une exigence éthique. J’ai vu avec le livre consacré au colonel Amirouche que des vérités occultées ont été rétablies et que chaque témoignage en appelle d’autres. Dans la quatrième édition de cet ouvrage, des témoins de premier plan qui avaient évité ou refusé de s’exprimer ont fini par accepter de se livrer car leur conscience les a interpellés», Commencera par dire le conférencier. Au-delà des passions et des controverses, il y a, suggère-t-il, la nécessité «de débattre librement (…) confronter les faits et les propos pour aider à la restitution au peuple du plus précieux capital : sa mémoire», dira l’orateur, justifiant ce qui semble avoir motivé son investissement scripturaire des faits de l’histoire de la glorieuse Révolution du 1er Novembre. Ne se contentant pas d’une rétrospective linéaire et béate des faits, Saïd Sadi invite à soumettre à l’analyse critique mais sereine cette période charnière de l’Histoire de l’Algérie qui reste, avant toute chose, à suivre sa pensée, une aventure humaine avec toute sa charge dramatique et émotionnelle. «Beaucoup de choses ont été dites et écrites sur le 1er Novembre 1954. Cette date ne fut ni un coup de tonnerre dans un ciel serein comme voulait se persuader l’ordre colonial ni la redoutable machine de guerre qu’ont racontée les pensionnaires de la guerre de Libération. Le 1er novembre 1954 fut d’abord un cri de colère de fils du peuple écrasés par un système qui ne laissait aucune place au combat pacifique et exaspérés par des dirigeants dépassés et enfermés dans des luttes d’ego. La réussite ultérieure du déclenchement surprise de l’insurrection armée mérite des études plus fines, plus lucides et plus rigoureuses que celles qui lui ont été consacrées jusque-là», tranche l’ex-président du RCD. Pour Saïd Sadi pour qui le déclenchement de la révolution du 1er Novembre a été le fruit d’un long processus de maturation et de soubresauts socio-politiques qui commenceront avec le déclenchement sporadique des révoltes populaires algériennes de la fin du XIXe siècle.Un cheminement historique qui se poursuivra par l’irruption de l’idée nationaliste qui se cristallisera dans un mouvement du même nom dont l’évolution ne sera pas un long fleuve tranquille, selon l’ex-président du RCD. «Il a fallu attendre le mois de mars, c’est-àdire plus de quatre mois après la proclamation de novembre, pour que Abane, entretemps sorti de prison et intégré dans le FLN, reprenne enfin les choses en main pour organiser, nourrir par ses instructions et ses décisions une dynamique qui aboutira au congrès de la Soummam d’aout 1956», analysera Sadi qui a tenu à rapporter ce que, dira-t-il «m’a dit personnellement Bentobbal en 1991 alors qu’il avait encore toute sa lucidité : “sans Abane, nous étions des chefs de bande qui auraient fini par s’entretuer. Sans le congrès de la Soummam, la Révolution serait morte”». «La plate-forme de la Soummam a fixé les modalités structurelles et organisationnelles de la révolution au plan interne et résolument engagé le destin algérien sur une trajectoire moderniste qui a enfin donné un cadre, une voix et un visage à la révolution algérienne sur la scène internationale », rappellera Saïd Sadi pour qui «le passif qui avait précédé l’appel du 1er Novembre et les interférences extérieures, qu’elles soient françaises ou égyptiennes», ont conduit au détournement fatal du fleuve de l’histoire de l’Algérie. «Ben Bella, largement mis en avant par le pouvoir colonial, qui connaissait bien le personnage en tant que soldat et prisonnier, fut aussi “sponsorisé” par Nasser qui en fera ce que d’aucuns n’ont pas hésité à appeler un honorable correspondant. La double contrainte France-Égypte ne cessera plus jamais de peser sur le cours de la Révolution algérienne jusqu’à préfigurer les organes, la doxa et l’équipe qui confisquera le pouvoir algérien», analysera encore le conférencier qui a évoqué «les freins internes (qui) avaient été savamment et patiemment tissés», de l’intérieur de la Révolution et qui ont fait le lit et facilité ces manipulations extérieures et sans lesquelles «cette pression extérieure, puissante, complexe et permanente n’aurait pas pu neutraliser un élan populaire aussi puissant que celui qu’avait soulevé le FLN à partir de 1956», regrettera le Dr Sadi qui donnant plus de clarté à son propos, ajoutera : «La compréhension exhaustive et saine de la Révolution sera toujours problématique tant que l’on n’aura pas sereinement et complètement détricoté les origines, les méthodes et les objectifs du système Boussouf. Comment un homme arrivé aux responsabilités politiques à partir d’août 1957 a-t-il pu capter cadres, fonds et finalement doctrine de la Révolution alors même qu’Abane l’avait repéré et démasqué dès sa sortie du territoire national en mai 1957», dira encore Sadi étonné par l’ascendant et la puissance pris par le patron du Malg. L’autre facteur qui a facilité les manoeuvres françaises et égyptiennes : la direction collégiale de la Révolution. «Celle-ci (la direction collégiale) fut source de tergiversations, de rivalités et même de blocage des instances de la Révolution avec des conséquences humaines et politiques qui ont considérablement compliqué et, probablement, prolongé la guerre», fera observer l’auteur du best-seller sur Amirouche qui suggérera «qu’ il faudra un jour se pencher sur les parcours des auteurs, leurs motivations, la nature et les implications de certaines décisions et sanctions prises pendant et après la guerre et dont les répercussions pèsent encore sur la vie politique nationale», révélant que «dès l’automne 1956, c’est-à-dire un mois après avoir pris ses fonctions en tant que responsable de la Wilaya V, Boussouf ordonne l’exécution de Lotfi qu’il avait convoqué à son PC basé au Maroc. L’après-guerre a été préparé par des groupes bien déterminés dont il est impérieux aujourd’hui de mieux éclairer les parcours, la formation et les connexions tout au long de leur existence. Le fait que les dirigeants engagés au premier jour n’ont pas survécu à la guerre a ceci de significatif : la qualité de leur engagement et leur refus de se laisser circonvenir par un clan occulte ou une sollicitation étrangère», tranchera le Dr Sadi qui abordera le troisième acte de sa conférence aux projections de novembre. «A 60 ans de distance, on peut retenir deux choses du 1er Novembre que l’indépendance n’implique pas liberté, justice et progrès», dira enfin Saïd Sadi pour qui novembre fut une réponse à une situation donnée dans un moment donné mais que les générations futures doivent inventer leur 1er Novembre. Said Aït Mébarek