Le pari du tandem
’est le « mariage de l’eau et l’ENA, le monde de l’industrie… et
d’une diarchie, composée d’un pré- nous avons essuyé les plâtres, au pro-
sident de conseil d’administration HAIGNERÉ. « C’ÉTAIT À LA FOIS pre comme au figuré. Mais tout le
ou CA (Jacques Samarut), et d’un monde mettait la main à la pâte. Cet
directeur général (Olivier Faron). LE BÛCHER DES VANITÉS ET enthousiasme collectif, je le revis un
Après un premier mandat « provis- peu en ce moment avec la fusion. Je
oire » de trois ans, assuré par ce tan- CENT ANS DE SOLITUDE ». voudrais que tout le monde explose de
dem, le président et le directeur joie au 1er janvier ». Depuis 1985, il
seront nommés sur un « ticket » - un Jacques Samarut et Olivier Faron. année, Olivier Faron entre à l’ENS n’a pas cessé de diriger cette premiè-
peu comme le président et le vice- Dix ans les séparent, tout d’abord. Fontenay Saint-Cloud, en histoire. re équipe de recherche, au sein du
président américains, qui présentent Lorsqu’Olivier Faron naît à Tours en Bachelier précoce (à 16 ans) et pas- laboratoire de biologie moléculaire
aux électeurs un projet commun - 1959, la vocation de biologiste sionné d’histoire, ce fils de médecin de la cellule de l’ENS de Lyon.
pour une période de cinq ans. « Le moléculaire de Jacques Samarut a longtemps hésité entre l’ENS et Pendant ce temps, Olivier Faron,
duo de dirigeants devra donc être s’est déjà éveillée. Amoureux de la l’Institut d’études politiques. après un court passage à l’Université
aussi soudé que possible », fait remar- nature, celui-ci passe tous ses étés Intéressé par la « chose » politique, il Lyon 2, devient membre de l’Ecole
quer Yann Pétel, conseiller maître de dans le nord du Beaujolais à partici- se revendique à l’époque chevène- française de Rome en 1987, où il tra-
la Cour des comptes, qui a été mis- per aux foins, aux moissons, à gar- mentiste. « C’était les années post 68, vaille sur la population de Milan au
sionné par Valérie Pécresse en der les vaches ou les chèvres. les étudiants voulaient aussi aller vers XIXe siècle, thème sur lequel il sou-
tient une thèse. De retour en France avez un regard sur 3500 personnes. Ministre déléguée à la Recherche, Pêche à la mouche
en 1993, il oriente ses recherches sur En plus de recevoir des leçons de l’appelle à son cabinet, au poste de Jacques Samarut lui aussi est rentré
les veuves de la Première guerre management et de stratégie à une conseiller pour les sciences humai- entre Rhône et Saône, après l’expé-
mondiale, puis sur les orphelins, échelle dix fois supérieure, vous nes et sociales. Pour celui qui avoue rience CNRS. Certes un peu déçu –
sujet dont il tirera d’ailleurs en 2001 disposez d’une vision presque cos- « aimer l’action et la vie réelle », c’est « je n’ai pas fait tout ce que je
un livre, Les enfants du deuil. mique de la recherche française voire une vraie récompense, qu’il vit à un voulais » –, mais pas tant que cela: il
Orphelins et pupilles de la nation de internationale. Bref, vous y allez naïf rythme trépidant. Mais en 2004, il retrouve l’ENS Lyon, et cela suffit à
la première guerre mondiale (1914- et vous en ressortez blindé », assure- est évincé brutalement du cabinet. son bonheur. L’ENS: alors qu’il n’est
1941) (La Découverte). La mort, le t-il, convaincu que cette expérience « C’était à la fois Le bûcher des vani- pas normalien, Jacques Samarut
deuil: des thèmes que ce féru d’his- de deux ans lui a permis d’accéder à tés et Cent ans de solitude. Tout d’un assure « presque tout lui devoir ». On
toire sociale et démographique, qui le sent touché d’avoir été accueilli
avait choisi comme premier sujet de dans le cénacle alors qu’il est un pur
thèse « La mort au Japon », en vrai produit de l’université. C’est avec
fan d’Ozu et de Mishima, aime à « CETTE ÉCOLE EST UN fierté qu’il décrit « l’esprit ENS: une
investiguer. La mort, le deuil, la quête permanente de se surpasser, de
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guerre aussi: c’est à son grand-père, PAQUEBOT, MAIS UN PAQUEBOT ne pas décevoir, de toujours avancer.
médecin et résistant, mort en Moi qui viens d’une famille où per-
déportation, qu’il a dédié sa Légion DE LA BONNE TAILLE, QUI sonne n’avait fait d’études supérieu-
d’honneur, sans toutefois l’avoir res, je suis très sensible aux gens qui se
connu. TOURNE IMMÉDIATEMENT » défoncent pour y arriver », indique
celui qui se réclame d’une « gauche
Ascenseur social raisonnable », sociale-démocrate à la
A quelques années d’intervalle, ses responsabilités actuelles. coup, le téléphone ne sonnait plus », Strauss-Kahn. En 2005, il est
Jacques Samarut et Olivier Faron D’ailleurs, il considère toujours la se rappelle-t-il avec amertume - un nommé directeur de la recherche à
sont tous deux amenés à goûter à la médaille d’argent du CNRS, reçue souvenir encore cuisant. Il veut l’ENS Lyon. Lors du départ de
« vie parisienne ». En 1997, on pro- en 1997 pour ses travaux dans le « retourner dans son université », Philippe Gillet pour le cabinet de
pose au premier la direction du domaine du cancer notamment, avant de se laisser convaincre par Valérie Pécresse, il en devient admi-
département Sciences de la vie du comme l’une de ses plus grandes Jean-Marc Monteil, alors directeur nistrateur provisoire, avant d’en
CNRS. Il déboule « dans le monde », réussites. de l’Enseignement supérieur, de le prendre définitivement les rênes en
doit embarquer à bord de l’ascen- La « tentation parisienne » d’Olivier rejoindre comme chargé de mission mai 2008, avec un plaisir franc et
seur social alors qu’il n’y est pas pré- Faron est bien davantage politique. durant un an. En 2005, il retourne à massif: « Cette école est un paquebot,
paré. « En exerçant ce poste, vous En 2002, Claudie Haigneré, alors Lyon comme à la case départ. mais un paquebot de la bonne taille,
une salle de théâtre, une maison détacher sa personne de sa fonc- table « patron ». On interprétait le lébile sur leurs CV. Pourtant, quel
d’édition, et propose régulièrement tion », regrette l’un d’entre eux, qui binôme en rapports de forces, qui sera l’avenir de leur tandem? A la
soirées cinéma et expositions. L’une se souvient d’un épisode malheu- pouvaient tourner à la guerre de longue, cette bicéphalie se révélera-
de ses plus grandes fiertés reste d’a- reux: dans le cadre d’un mouve- tranchées. Et puis leur binôme a t-elle davantage carcan ou système
voir organisé en 2006 un colloque ment social, un blocage de l’école fait ses preuves. Une belle méca- efficace ? L’un des membres du
sur l’histoire franco-algérienne, et avait été organisé. Par malchance, nique au service du seul intérêt col- binôme ne pourrait-il céder un
en 2007 un autre sur les 20 ans du l’opération tombait le même jour lectif, affirment-ils, en se disant jour aux sirènes parisiennes ou
procès Barbie, autour de l’ancien que l’inauguration très officielle à désireux de bâtir, construire, de étrangères? Olivier Faron, homme
procureur général Pierre Truche. l’ENS LSH du Collegium, un projet laisser quelque chose. Sans renon- de droite, ne fait pas mystère de son
« Olivier Faron se veut à l’écoute des cher au cœur d’Olivier Faron. La cer pour autant l’un à la direction attirance pour le milieu politique.
élèves. Si trois ou quatre d’entre eux cérémonie étant prévue pour l’a- de son équipe de recherche, l’autre Si Jacques Samarut parle de la
émettent le désir d’apprendre le près-midi, le blocage devait être au livre sur les chantiers de jeunes- fusion comme d’un challenge ayant
serbo-croate, il peut leur trouver un donné « une autre dimension à son
enseignant », pointe Paul Arnould. poste », son alter ego avoue que,
« Il couvre tout l’arc-en-ciel des goûts, sans ce projet d’envergure, il ne sait
des tempéraments, des cultures, ren- pas s’il serait resté à la tête de l’ENS
chérit Francis Albarède. Olivier « COMME TOUT HISTORIEN, LSH. Sur ce chapitre, les supputa-
© R. QUADRINI/KR IMAGES PRESSE
I
l est troublant de dîner en face de notamment face aux universités, et
Jacques Samarut et d’Olivier leur permet de ne pas se faire « aspi-
Faron en évoquant le mariage rer » par d’autres établissements. Un
imminent de leurs deux établisse- changement majeur au sein du
ments. Troublant et savoureux. Le PRES (Pôle de recherche et d’ensei-
verbe circule, fluide, libre. Pas ques- gnement supérieur) de Lyon qui fait
tion de ping-pong verbal. Sur un réagir Lionel Collet: « C’est peut-être
sujet aussi épineux et retors, tapissé le premier signe de la recomposition de
de pièges et truffé d’impasses, il flotte notre paysage universitaire. A
une certaine harmonie tranquille Strasbourg, les trois universités ont
entre les directeurs des deux ENS. fusionné, formant un ensemble de
« Jacques et Olivier savent se répartir la 42000 étudiants. Si les trois universi-
parole, se compléter, chacun dans son tés lyonnaises faisaient de même, elles
registre. Le premier s’exprime avec une totaliseraient 90000 étudiants. Nous
économie de mots, le second élargit le devons nécessairement nous interroger
débat, plante le décor, fait « enfler » et sur ces mouvements et inventer notre
sonner son discours, dissèque Jacques propre modèle », esquisse le président
Vincent. Ils prennent véritablement de (l’université) Lyon 1.Alain Storck,
plaisir à ces échanges ». Un plaisir d’ê- qui juge le mariage des deux ENS
tre ensemble presque palpable. « astucieux et ambitieux », partage lui
Depuis dix-huit mois et le lancement aussi cette réflexion: « Notre PRES,
du projet de fusion de leurs écoles, ils l’un des plus importants de France,
assurent ne pas avoir connu « un seul doit faire émerger des pôles de compé-
nuage » dans leur relation. Ce sont
aujourd’hui deux hommes rompus
par cette longue gestation, éprouvés
tence. Ainsi, dans le cadre de la dyna-
mique du Campus Lyontech, nous
réfléchissons avec Lionel Collet à la
Un mariage
par une démarche qu’ils décrivent
comme « très expérimentable, et donc
par essence perfectible », mais riche de
nombreux enseignements. Fatigués,
manière de faire force et stratégie com-
mune, sans être dans une logique de
fusion », estime le directeur de
l’INSA de Lyon.
de raison
mais heureux, joyeux presque, fiers Bref, la naissance de cette nouvelle
de ce rapprochement auquel ils se ENS fait vaciller les équilibres, dépla- de formation ». Sollicité, le président de la Doua à Villeurbanne la géné-
donnent corps et âme. Emus aussi: ce les frontières, et déstabilise les éta- de l’Université Lyon 2, Olivier reuse dotation en capital de
« Tout au long du processus, jamais blissements lyonnais. « Les deux Christin, n’a pas souhaité rencontrer 575 millions d’euros prévue dans le
nous n’avons été remis en cause par ENS, qui sont considérées comme le Acteurs de l’économie. Cet agrégé cadre du Plan Campus. Bref, le
nos équipes. Aujourd’hui, elles se sont « gratin » de l’enseignement supérieur, d’histoire, ancien « cloutier » (élève mariage entre les ENS renvoie au
approprié le projet pour plus de 60 %. sont sur le point de réussir à unir de de l’ENS Saint-Cloud, ndlr) fut sein de la « nomenklatura » universi-
Notre chance est que nos deux écoles manière extrêmement innovante condisciple d’Olivier Faron, et taire lyonnaise à un paradigme diffé-
nourrissent la même philosophie, celle sciences exactes et sciences de l’hom- échoua face à lui pour la présidence rent, qui, s’il est salué pour ses quali-
de rester des établissements de haute me. C’est complètement perturbateur de l’ENS LSH en 2005.Il quittera son tés d’innovation et d’audace, ques-
qualité », assurent-ils, presque d’une pour les universités, bâties sur une poste en janvier 2010 pour enseigner tionne et déstabilise. D’autant que
seule voix. opposition entre ces sciences, et pour en Suisse. Jacques Samarut et Olivier Faron ont
Lyon 2 en particulier, dont le terrain su inviter les bonnes fées autour du
Gratin d’action est les sciences humaines et Nomenklatura berceau de la future ENS. Ainsi, en
Et c’est bien en grande partie sur leur sociales. En effet, celle-ci n’a engagé En outre, le mariage des deux ENS plus de l’intérêt de nombreux
tandem que la fusion des deux ENS encore aucun rapprochement réel avec renforce encore le projet de campus acteurs économiques, ils savent pou-
repose. Ce mariage, c’est eux qui Lyon 3. Le risque est que le « décran- Charles Mérieux, qu’elles ont initié à voir compter sur le soutien du maire
l’ont voulu. Plus qu’une fusion, ce tage » entre Lyon 2 et la nouvelle ENS Gerland. L’objectif initial? de Lyon, mais aussi sur celui de
doit être la naissance d’un nouvel s’accentue encore », estime une sour- Regrouper au sud de Lyon une dizai- Valérie Pécresse. Un appui que cer-
établissement, doté d’une identité ce proche du dossier. Le site de Lyon ne d’établissements publics (antenne tains jugent excessif, au sein même
propre. Les modèles? Le MIT est en effet particulièrement riche en de l’Ecole vétérinaire, INRP, ISH, des ENS. « Est-il dû au seul mérite
(Massachusetts Institute of techno- matière de sciences humaines et parties des universités Lyon 1, 2, d’Olivier Faron et de Jacques
logy) de Boston ou le Caltech sociales (SHS), domaine dont l’ENS 3…) et leurs pôles de recherche asso- Samarut? Quel est le rôle de Philippe
(California Institute of Technology) LSH comme Lyon 2 peuvent préten- ciés (CNRS, Inserm, Inra, Inria…). Gillet, ancien directeur de l’ENS de
de Pasadena: il s’agit de proposer dre assurer le leadership. Les rela- Les ENS comptaient également et Lyon, qui pilote le cabinet de la minis-
une offre interdisciplinaire, mariant tions entre les deux établissements surtout sur la venue d’EM Lyon et de tre? Ne peut-on regretter que Valérie
dans un continuum inédit sciences ne sont pas toujours égales. « Il faut l’IEP, afin que naisse un campus « à Pécresse mette tout en œuvre afin de
dures et sciences molles. Mais aussi beaucoup de temps pour stabiliser les la hauteur de la London School of eco- constituer un pôle d’excellence cir-
de disposer d’une masse critique de liens entre une ENS et une université. nomics ». Certes, les deux écoles nor- conscrit à 3000 étudiants, alors qu’ils
2 000 étudiants, afin d’apparaître à L’ENS LSH n’est à Lyon que depuis males regrettent que l’école de sont près de 100000 à Lyon? », s’in-
un échelon national, voire interna- quelques années, contre plus de vingt management ait finalement préféré terroge Bernard Teissier, responsable
tional, et de mieux s’organiser avec ans pour Lyon 2, témoigne Lionel demeurer à Ecully et nouer une de la section syndicale SNASUB-
davantage de ressources. Acces- Collet. A contrario, Lyon 1 et l’ENS de alliance avec l’Ecole Centrale. Mais, FSU au sein de l’ENS LSH.
soirement, le mariage des deux ENS Lyon cultivent des relations anciennes, réunifiées, elles entendent bien s’im-
renforce leur poids sur l’échiquier de incarnées par une vraie collaboration poser comme les têtes de pont de ce Poésie de la Renaissance
l’enseignement supérieur lyonnais, scientifique, notamment en matière campus, qui doit partager avec le site Bien que distantes de quelques cen-
l’exécutif est désormais acquis. C’est être passager, chacun s’inquiète Fonds (biologie, chimie, sciences de la
un pas énorme, mais nous sommes aussi… pour « sa » spécialité. Dans terre…) souhaitent « récupérer » aussi
passés près de la catastrophe. un contexte global de minorisation beaucoup… », explique Vincent
Lorsqu’une école est contrôlée par des des sciences humaines et sociales Laudet. Et de poursuivre en toute
conseils et des factions, ce n’est pas (SHS), c’est peut-être davantage au sincérité: « Notre problème au quoti-
pour le bien de l’institution », tranche sein des « littéraires » que les appré- dien est que nos compétiteurs améri-
Francis Albarède. hensions se font jour. Une fois la cains disposent de dix à quinze fois
taines de mètres, les deux ENS boite de Pandore ouverte, une fois le plus d’argent que nous. Tout cela est
recourent encore aux services de la Pas taboue mariage consommé, ne risquent-ils peut-être un peu étonnant pour les
Poste pour correspondre. Les établis- Au-delà de la gouvernance, Bernard pas de se voir absorbés par les scien- gens de LSH ».
sements sont très différents. « L’ENS Teissier dénonce également des dys- ces dures… même si telle n’est pas
LSH fonctionne dans une culture du fonctionnements dans l’élaboration l’intention des deux directions? Drôles d’oiseaux
« fait maison », avec beaucoup de per- du nouvel organigramme, réalisé à Favorable à la fusion, Pierre-François Le poids de la recherche est davan-
sonnel, et davantage d’effectifs titulai- l’aide du cabinet Deloitte. Mi- Moreau redoute une unification bru- tage prépondérant au sein de l’ENS
res. L’ENS Lyon a plutôt adopté une novembre, le chef du service infor- tale du régime des thèses: « S’aligner Lyon qu’entre les murs de l’ENS
logique de sous-traitance et de matique n’était toujours pas nommé. sur les « pratiques » des scientifiques, LSH. D’où un attachement peut-être
contractualisation vers l’extérieur « Le principal problème a été de faire qui bouclent leurs thèses en trois ans un peu plus fort chez les
pour l’entretien des locaux, leur sur- de la place à tout le monde. Résultat: seulement, nécessairement sous le cou- « littéraires » à l’agrégation et au sta-
veillance… », observe Yann Pétel, qui toutes les directions sont doublées. De vert d’un financement, supprimerait tut d’élève normalien. « L’idée que
reprend: « La lettre de mission de plus, le nouvel organigramme est clas- la moitié des thèses chez nous, et pas les nous accueillons les élèves pour qu’ils
Valérie Pécresse était claire, il fallait siquement très hiérarchisé, très verti- plus mauvaises », indique le profes- deviennent par la suite enseignants
innover ». Il propose alors une gou- cal, et manque de logique projet seur de philosophie. Autre sujet fonctionnaires n’est pas aussi fonda-
vernance censée permettre aux deux davantage transversale », affirme redouté: la mise en place toute récen- mentale pour eux que pour nous »,
cultures de se sentir représentées, encore le syndicaliste.Et c’est dans un te de la prime d’excellence scienti- pointe Jean-Claude Zancarini. La
grâce à la mise en place d’une diar- contexte de charge de travail accrue, fique, récompensant certains ensei- crainte est que cette mission républi-
chie. Autre innovation: l’ouverture où se télescopent en cette fin d’année caine s’efface, et que l’ENS se banali-
du CA, qui devrait accueillir nombre 2009 l’adoption du nouveau contrat se en se transformant en une « super
de personnalités économiques et quadriennal et la remise des budgets, « DANS CHAQUE école d’ingénieurs ».
politiques locales (représentants du que les personnels vont devoir se Si les fiancés semblent désireux de
Grand Lyon et de la Région Rhône- l’approprier. ÉCOLE, LE GROS concrétiser leur union, il faudra
Alpes notamment). Pour autant, les syndicalistes ne s’op- POINT encore qu’ils fassent preuve de curio-
Mais cette gouvernance, très éloignée posent pas au principe même de la sité, et apprennent à se connaître,
de ce qui se pratique classiquement fusion, qu’ils ne considèrent pas D’INTERROGATION, pour que leur mariage soit heureux.
dans les établissements universitaires, comme « taboue », et n’affichent « Dans chaque école, le gros point
n’a pas toujours été du goût de tout le aujourd’hui plus d’inquiétudes C’EST L’AUTRE » d’interrogation, c’est l’autre », résume
monde en interne. Si la composition majeures quant à d’éventuelles sup- Vincent Laudet. « Les gens de LSH
du fameux CA – pour moitié des pressions de poste. Mais ils s’interro- gnants-chercheurs et chercheurs. Les sont de drôles d’oiseaux: ce sont de
membres élus (ceux qui représentent gent sur le calendrier extrêmement établissements joueraient un rôle vrais intellectuels, à vision large. Nous,
les personnels) et pour moitié des serré du mariage, qui tiendrait selon important dans la détermination des scientifiques, sommes focalisés sur ce
membres nommés, plus le président eux au passage à l’autonomie prévu critères d’attribution de cette que nous faisons, attachés à être les
–, semble désormais actée, elle a fait pour le 1er janvier 2010. Les deux prime… Or chaque discipline a ses meilleurs dans notre spécialité », glis-
l’objet de longues discussions. Une directeurs ne nient pas cette rapidité, codes pour « évaluer » l’excellence. se, avec son franc-parler habituel,
pétition, paraphée par 500 signatures mais soulignent le temps laissé au « A nos yeux de littéraires, ce qui Francis Albarède. Il faudra sans
selon l’intersyndicale, avait même dialogue, via la tenue de plusieurs compte c’est d’avoir publié des livres, et doute plusieurs années pour s’accor-
circulé avant l’été, appelant à une assemblées générales, conseils d’ad- des « vrais », c’est-à-dire des ouvrages der sur les visions, les objectifs, pour
forte présence des membres élus, et à ministration, conseils scientifiques, qui ne soient pas de vulgarisation. Les surmonter les différences.Pour dissi-
une réduction du nombre des per- comités techniques… sans oublier scientifiques, eux, prennent en compte per l’appréhension, fondée ou fan-
sonnalités « extérieures ». « Que le les réunions « directes » avec les les articles publiés! », illustre Pierre- tasmée, de « ceux d’en face ». Et
dirigeant d’une entreprise privée, organisations syndicales. Courant François Moreau. trouver un vocabulaire commun. Le
membre du CA, s’implique dans le novembre, six commissions (gou- Professeur d’italien à l’ENS LSH, couple en tous cas n’a rien à craind-
recrutement d’un maître de conféren- vernance, scolarité-formation-étu- Jean-Claude Zancarini constate- re de la routine. ●