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« comités de femmes » locaux, souvent en lien avec systématique de harcèlement sexuel ». En 2016, 40 %
les activistes du mouvement Fight for 15, qui lutte des 1 200 employées de fast-food interrogées en ligne
depuis six ans pour l'instauration aux États-Unis d'un par l'institut Heart avaient fait état de harcèlement au
salaire minimum fédéral à 15 dollars de l'heure – il est travail.
aujourd'hui deux fois moindre. D'autres enseignes, comme Papa John's ou Del
À Kansas City, le « comité des femmes » porte le nom Taco, ont fait l'objet de plaintes. La restauration,
de Fannie Lou Hamer, du nom d'une activiste noire secteur précaire où les salariés restent en grande partie
du Mississippi qui, en 1971, enjoignit au mouvement rémunérés aux pourboires – un héritage lointain de
féministe de ne pas oublier les femmes noires dans le l'esclavage –, est de loin le secteur où l'on compte
combat pour l'égalité des droits. « Personne n'est libre le plus de plaintes pour harcèlement sexuel auprès de
tant que tout le monde n'est pas libre », leur avait-elle l'EEOC.
dit alors. L'agence fédérale, qui a un pouvoir de sanction, est
de toute façon saisie dans une infime minorité de cas,
par peur de représailles, mais aussi parce que l'agence
n'a pas de compétence pour traiter des discriminations
dans les entreprises de moins de quinze salariés.
« Ces femmes ont souvent besoin de leur emploi
pour survivre, poursuit l'avocate Mary Joyce Carlson.
Lorsqu'elles rapportent les faits, elles sont ignorées,
ridiculisées ou sanctionnées. »
« Ce mouvement ne peut que grandir »
Les plaintes des salariées, que Mediapart a pu
consulter, pointent l'inaction de leurs supérieurs.
À Saint-Louis (Missouri), une salariée de quinze ans
payée 8 dollars de l'heure raconte avoir été « harcelée
de façon répétée » par un autre employé multipliant
Pour Annelise Orleck, historienne de l'activisme des les remarques sexuelles. « Tu ne gagneras jamais cette
ouvrières à l'université Dartmouth, cette grève contre bataille », lui répond un manager auquel elle se plaint.
les violences sexuelles au travail est une première. Une caissière et cheffe d’équipe de Chicago (Illinois)
« Des groupes se sont déjà mobilisés contre les rapporte avoir été « humiliée » par un collègue et
violences sexuelles, mais pas à une échelle nationale harcelée par l’agent de sécurité.
ni dans plusieurs États », dit la chercheuse, auteure en « Je me suis plainte de ces comportements à mes
2018 de We are all fast-food workers now (éd. Beacon managers, aucune action n’a été déclenchée. Ils disent
Press, non traduit en France), un livre sur les luttes qu’il est inoffensif et se comporte ainsi avec les
globales contre la précarisation du salariat à travers le autres employées. » On lui supprime des heures en
monde. représailles. Dans la même ville, une étudiante de 21
Avec 14 000 restaurants aux États-Unis et 1,7 million ans, qui travaille pour payer ses études, est harcelée
de salariés dans le monde, « McDonald's est un par un collègue qui multiplie les remarques d’ordre
symbole, explique à Mediapart l'avocate Mary Joyce sexuel, lui propose de voir son pénis. Elle se confie à
Carlson. Le symbole d'une industrie de la restauration une supérieure : celle-ci modifie ses horaires sans la
qui cumule mauvais salaires, horaires irréguliers, prévenir avant de la licencier.
absence de protection syndicale et un problème
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À Detroit (Michigan), une employée est harcelée par Dès 1912, rappelle-t-elle, des travailleuses d'une
le gérant du restaurant qui la sanctionne lorsqu’elle fabrique de corsets à Kalamazoo (Michigan) s'étaient
refuse ses avances. À Durham (Caroline du Nord), mises en grève contre « les contremaîtres qui
une salariée payée 7,50 dollars de l'heure décrit un « agressaient les employées et demandaient des faveurs
environnement de travail imprégné de langage sexuel sexuelles en échange de leur travail ».
explicite, de harcèlement sexuel et de racisme ». Un Beaucoup plus près de nous, en 2011, la Coalition
de ses chefs lui propose une partie à trois. Un autre lui of Immokalee Workers, un mouvement regroupant
donne des surnoms salaces. Un troisième la poursuit des ouvrières agricoles de l'industrie de la tomate
de ses avances, malgré ses refus explicites. Après en Floride, a lancé une campagne intitulée Fair
qu'elle a signalé un de ses harceleurs, ses collègues Food, consistant à exiger des grandes enseignes de la
la tournent en dérision. Son jeune frère de 17 ans, lui distribution et de la restauration rapide une hausse des
aussi employé dans le même restaurant, est l'objet de salaires et des actions contre le harcèlement sexuel.
remarques homophobes.
« Leur lutte continue, explique Annelise Orleck. Au
En Louisiane, une jeune femme de 22 ans est victime début de cette année, la coalition a organisé une grève
d’agressions sexuelles. « Je me suis plainte, mais les de la faim contre les fast-foods Wendy'squi refusaient
managers n’ont rien fait, l’un d’eux a suggéré que de rejoindre la campagne », et un appel au boycott.
nous étions dans le cadre d’une relation romantique
et que j’avais été touchée avec mon consentement. »
Un autre collègue l’agresse dans les toilettes, où il l’a
entraînée de force.
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« En six ans, ce mouvement a obtenu des victoires Dans un pays rongé par les inégalités, où les salaires
substantielles », estime Annelise Orleck : des dizaines stagnent, «ce mouvement ne peut que grandir », dit-
de milliards d'augmentation de salaires et des lois elle. Les leaders de cette lutte étant souvent des
instaurant un salaire minimum à 15 dollars d’ici à femmes jeunes, précaires et de couleur, le combat
2022 dans l’État de New York et en Californie, « les contre le harcèlement sexuel est appelé à devenir une
deux plus grands marchés du travail aux États-Unis », revendication de plus en plus centrale.
rappelle l'historienne.
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