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MERCREDI 22 NOVEMBRE 2017

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Macron tente d’apaiser la fronde des élus locaux


▶ Le chef de l’Etat veut dé- ▶ Les représentants du ▶ Dans une tribune ▶ Anne Hidalgo et plu- ▶ Pour les élus nordistes,
miner l’hostilité des élus gouvernement ont multi- au « Monde », Gérard sieurs maires franciliens l’Elysée ne s’est pas battu
locaux, avant son discours plié les rencontres avec Collomb justifie ces éco- demandent au chef de pour que Lille obtienne le
devant le congrès de des responsables locaux nomies, tout en souhai- l’Etat de ne pas rogner sur siège de l’Agence euro-
l’Association des maires de exaspérés par la baisse tant « rétablir la confiance les projets de transports péenne du médicament
France, jeudi 23 novembre des dotations de l’Etat entre l’Etat et les maires » du Grand Paris Express PAGE S 8 - 9 DÉ B ATS PAGE 2 3

RAKKA, ANNÉE ZÉRO Entrée à l’université :


▶ Dans la ville en ruines, tout juste reconquise à l’EI, les habitants désespèrent de trouver
un avenir. Reportage d’Allan Kaval et Laurence Geai. PAGE S 2 - 3
ce qui va changer en 2018
fin du tirage au sort, prére- ment du système, que le gouver-
quis à l’entrée des licences, ren- nement se garde d’appeler « sé-
forcement de l’orientation au ly- lection ». Le recteur doit assurer
cée… Le projet de loi, qui devait une place à chaque bachelier
être présenté en conseil des mi- dans l’enseignement supérieur.
nistres, mercredi 22 novembre, Exit l’algorithme d’Admission
modifie profondément les règles post bac (APB), révélateur d’un
à l’entrée de l’université. Ce « plan système à bout de souffle devant
étudiants » va s’appliquer dès l’afflux d’étudiants supplémen-
l’année 2018. taires depuis cinq ans. La plate-
Il met fin au tirage au sort, pra- forme « ParcourSup » va lui suc-
tiqué pour départager les candi- céder. Chaque lycéen pourra y
dats dans les licences en tension. faire dix vœux d’orientation,
Désormais, les universités pour- sans les classer.
ront examiner les dossiers des ly- La réforme touche également le
céens et vérifier s’ils ont les com- lycée. Un duo de professeurs
pétences nécessaires. Elles pour- principaux en terminale sera
ront diriger ceux qui n’auraient chargé d’accompagner les élèves
pas ces prérequis vers des par- dans la construction de leur pro-
cours de remise à niveau, qui res- jet. Le conseil de classe donnera
tent encore flous. Ou les refuser, un avis et une recommandation
lorsque les capacités d’accueil sur chaque vœu du lycéen.
sont atteintes. Un bouleverse- PAGES 12-13 CAHIER ÉCO PAGE 6

Allemagne Angela Merkel se dit prête


Basel, 33 ans, Rakkaoui
à retourner devant les électeurs
et combattant des Forces Après l'échec de la formation d’une coalition avec les li-
démocratiques syriennes, béraux et les Verts, la chancelière n’exclut pas d’organi-
à Rakka, le 17 novembre.
LAURENCE GEAI POUR « LE MONDE »
ser de nouvelles législatives. Le président de la Républi-
que appelle les partis à la « responsabilité » PAGE 4

Technologie
Débat éthique
et politique
sur l’interdiction
des robots tueurs
C A HIER ÉCO–PAGE 2
Cinéma
« Western » :
Grisebach filme
l’Europe
des disparités
PAGE 1 6
Enquête
Plongée terrible
dans les archives
du tribunal pour
l’ex-Yougoslavie
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Malgré l’accord signé


le 2 novembre à Matignon
sur les règles d’organisa-
tion du vote d’autodéter-
mination, les partis
locaux se déchirent
et bloquent à Nouméa
le fonctionnement
de l’exécutif
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INTERNATIONAL
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MERCREDI 22 NOVEMBRE 2017

L A GUERRE EN SYRIE

A Rakka, où tout a été détruit


L’EI a été éliminé de sa « capitale » en Syrie à l’issue de frappes
qui ont rasé la ville et tué de nombreux civils

Un soldat des Forces démocratiques syriennes monte la garde, à Rakka, le 17 novembre. LAURENCE GEAI POUR « LE MONDE »

massives pratiquées dans la chair des quar- qui se mêle à l’incrédulité à mesure qu’il Bassel, casquette Adidas sur le chef, ne porte
REPORTAGE tiers par les frappes aériennes et les tirs d’ar- avance dans les vestiges mutilés de ce quar- pas d’uniforme mais une tenue improvisée
rakka (syrie) - envoyé spécial

S
tillerie. Après l’évacuation négociée des der- tier autrefois familier. Les réflexions de l’in- faite d’un pantalon de camouflage gris, de
ur la place Al-Naïm, la brise char- niers djihadistes vers le désert de l’Est syrien, génieur sont rapidement chassées par l’hé- bottes militaires et d’un blouson qui cache
gée des miasmes des morts invi- où s’achève le dernier acte de cette guerre, les bétude et les premiers signes d’une colère son gilet tactique empesé de quatre char-
sibles a déjà mis en berne les dra- FDS et leurs alliés occidentaux ont proclamé rentrée : « Il n’y avait quand même pas de geurs pleins. « Toute cette destruction… Tous
peaux des vainqueurs. Il y a un leur victoire, le 17 octobre. membre de Daech dans chaque immeuble ! » ces civils morts dans les frappes aériennes… Je
mois, ils fêtaient ici la chute de Ali Abdulrahman, la quarantaine avancée, Depuis la place Al-Naïm, où l’EI mettait en ne m’y attendais pas quand je suis entré dans
Rakka, « capitale » syrienne de a garé sa petite berline esquintée au bord « TOUTE CETTE scène ses exécutions sordides, rayonnent Rakka avec les forces armées », raconte-t-il, le
l’organisation Etat islamique (EI), environ-
nés par les décombres dont ils sont désor-
de la place Al-Naïm. Sur le capot, le logo
« Emergency Response Team », un orga-
DESTRUCTION… d’autres perspectives mortes. Les grands
axes de Rakka ont été déblayés, et ne de-
souffle coupé. Sa voix résonne dans les rui-
nes muettes. « Les enfants morts, les civils… J’ai
mais les maîtres. Sur un arrière-plan d’im- nisme dépendant du département d’Etat JE NE M’Y meure sur le bitume fatigué qu’une mince vu plus de civils morts que de membres de
meubles aux carcasses effondrées, les éten- américain chargé d’encadrer la reconstruc- pellicule de poudre grise. De part et d’autre, Daech morts. » Mais dans les environs, il n’est
dards des Forces démocratiques syriennes tion dans les régions reprises à l’EI. Ali est ATTENDAIS PAS les lames des bulldozers ont repoussé, con- de métier qui paye que celui des armes.
(FDS) et de leurs composantes principales,
les troupes kurdes des Unités de protection
ingénieur, natif de Rakka, et travaille pour
cette structure. De retour pour la première
QUAND JE SUIS tre les façades défoncées et les ossatures ef-
fondrées des immeubles, un hachis de ville
« Quand on voit l’état de la ville, on est triste.
Mais il fallait chasser Daech, bien sûr. Et je dois
du peuple (YPG) et des Unités de protection fois depuis la fin des combats, il est venu ENTRÉ DANS LA ramassé en talus, où se mêlent le dehors et le nourrir mes enfants. Il n’y a pas d’autre solu-
de la femme (YPJ) se sont pris dans les grilles constater l’ampleur du désastre. La fumée dedans. Parpaings disjoints, carcasses brû- tion que de rejoindre les forces armées si on
qui ceignent le terre-plein central. Le vert et aigre de la cigarette qu’il tient à la commis- VILLE. J’AI VU PLUS lées de voitures familiales, écailles de ci- veut un salaire. » Veuf, il reçoit chaque mois
l’or des étoffes synthétiques, griffées sur la sure des lèvres ne chasse pas l’odeur tenace ment, tiges d’acier de longueurs diverses, ri- une liasse de 70 000 livres syriennes, un peu
longueur, pendent en lambeaux balafrés de mort qui se dégage des ruines. DE CIVILS MORTS deaux de fer froissé. Et puis un cadavre re- moins de 130 euros.
qu’un vent léger fait à peine flotter. Ali est resté à Rakka pendant la bataille. Il QUE DE MEMBRES cuit, puant, enveloppé dans une couverture Bassel et sa kalachnikov parcourent, à
L’ancien joyau du « califat » de l’EI, qui estime que les frappes de la coalition, préci- noire de suie qui épouse les reliefs anguleux grandes enjambées, la rue qui sépare le
comptait avant-guerre près de 300 000 habi- ses avant que les FDS entrent dans la ville, DE DAECH MORTS » du squelette humain. Morceaux de matelas, parc du Cygne du parc du Retrait, référence
tants, n’est plus qu’un champ de ruines si- ont redoublé d’intensité après le début des fragments de meubles. Dans les déblais, un au départ des troupes françaises de Syrie à
BASSEL
lencieux, un squelette de ville où partout combats, causant des ravages indiscriminés lapin en peluche au pelage souillé attire la fin du mandat en 1946. Bordés d’immeu-
recrue des Forces
s’insinue la présence de la mort. En quatre et de nombreuses morts civiles. Mossoul sur l’œil. Et, lestée d’une poignée de débris, la bles détruits, les deux jardins ne sont plus
démocratiques syriennes
mois de bataille, les FDS, soutenues par la le Tigre, la « capitale » de l’EI en Irak, a pu être page arrachée d’un livre au titre inconnu. Et que de tristes étendues terreuses, semées
coalition internationale contre l’EI, en ont reprise sans que ses habitants cessent jamais encore, toujours, partout, cette même ha- d’arbres morts et de bancs métalliques re-
chassé les djihadistes au prix de destructions d’y vivre, malgré les lourds dommages des leine cadavéreuse, le souffle silencieux, tournés. « C’est ici et dans les autres parcs
dernières semaines de la bataille, dans la constant, d’une ville à terre. que les gens enterraient leurs morts tués par
TURQUIE vieille ville. A Rakka sur l’Euphrate, une ba- les frappes aériennes pendant les combats »,
taille d’un autre genre a été menée. A cause « J’AI TOUT MIS DANS DES COUVERTURES » se souvient Bassel. Lui avait déjà perdu un
de l’inexpérience de troupes locales trop Les avenues de Rakka évoquent de larges frère dans un bombardement quand, à la
Rakka Eu fraîchement recrutées par les FDS ou par tranchées creusées dans un agglomérat fé- fin de la bataille, une frappe lui en a pris un
ph manque de véhicules blindés, les assaillants tide de ciment, de métal et de chair humaine, deuxième, fauché avec sa femme enceinte
ra

ne semblent pas avoir pu prendre la ville d’où émergent les silhouettes à demi effon- et leurs trois enfants.
te

IRAK
SYRIE sans que leurs alliés la détruisent depuis les drées d’immeubles, de commerces, d’habita- « C’est aussi pour retrouver leurs corps que je
cieux. Pas un bâtiment n’a échappé au désas- tions. Le long de l’une d’entre elles marche un me suis engagé. Pour accéder à la ville, racon-
LIBAN
tre dans les quartiers centraux. homme armé d’une kalachnikov usée. Bas- te-t-il. Après la fin des combats, je suis allé sur
Damas Les épaules basses, Ali marche le long des sel, 33 ans, a rejoint les FDS un mois avant la les ruines de leur maison. Mais ils étaient en
ISRAËL façades ravagées de la rue Al-Mogamaa, où fin de la bataille de Rakka. Ancien chauffeur, morceaux, décomposés. » Des voisins qui
gisent les troncs brisés, calcinés, de palmiers veuf, déplacé dans un village des environs avaient survécu lui ont dit que l’enfant que
JORDANIE d’agrément : « Il faudrait dix, vingt ans pour avec ses quatre enfants, il garde à présent ce portait sa belle-sœur avait été expulsé de son
ARABIE
que la vie reprenne. » Son visage, marqué par qui reste de la ville où il a toujours vécu. corps, déchiré dans la violence de l’impact.
SAOUDITE 100 km
la fatigue, exprime une tristesse profonde Comme les autres recrues tardives des FDS, « J’ai tout mis dans des couvertures et je suis
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pas abandonner notre maison. » Les murs


bâtis par Ibrahim en 1983, après des années
de travail dans le bâtiment en Arabie saou-
Vladimir Poutine reçoit Bachar
dite, ont été éventrés par le souffle des bom-
bardements mais soutiennent encore le pla- Al-Assad avant le sommet de Sotchi
fond. Ils les ont protégés, lui et son épouse,
lorsque leur monde se réduisait à un mor- En accueillant le leader syrien, le président russe cherche à traduire
ceau de couloir, lieu le plus éloigné des faça-
des. Quatre des enfants d’Ibrahim vivent
sa victoire militaire sur le terrain diplomatique
éparpillés dans d’autres villes du nord de la
Syrie, en Turquie et au Liban. D’eux, il n’a
plus de nouvelles. Le cinquième, celui qui ne moscou - correspondante abouti à réduire les affronte-
voulait pas l’abandonner à Rakka, a été tué LE KREMLIN N’ENTEND PAS ments avec la création de quatre
dans une frappe à la fin de la bataille. Son ca-
davre gît quelque part.
Le silence qui règne dans les décombres est
parfois troublé par des détonations. Les rares
hommes en armes des FDS qui patrouillent
V ladimir Poutine a reçu,
lundi 20 novembre, le
président syrien, Bachar
Al-Assad, pour une « visite de tra-
vail » à Sotchi, au bord de la mer
PERDRE L’AVANTAGE ALORS
QUE DES PAYS COMME LA
TURQUIE ET LA FRANCE
« zones de désescalade » en Syrie,
et elle n’entend pas être dépossé-
dée de son avantage au moment
où, après d’autres pays comme la
France, la Turquie montre des si-
de loin en loin ont pris l’habitude de tirer en
l’air pour intimer aux quelques habitants qui
Noire. Le chef du Kremlin doit
inaugurer mercredi, dans cette
MONTRENT DES SIGNES gnes d’inflexion sur le sort de Ba-
char Al-Assad. Le président russe
bravent l’interdiction de pénétrer au-delà des même ville, un sommet avec ses D’INFLEXION SUR LE SORT a donc pressé le dirigeant syrien
faubourgs de s’arrêter pour être fouillés. La homologues turc et iranien, Re- d’afficher sa bonne volonté.
plupart viennent voir ce qui reste de leurs lo- cep Tayyip Erdogan et Hassan Ro- DU PRÉSIDENT SYRIEN « Nous ne voulons pas regarder
gis après des semaines ou des mois passés hani, sur l’avenir de la Syrie. en arrière (…). Le projet du Congrès
dans des villages de l’arrière-pays. Après avoir « félicité » son hôte pour le dialogue national aura lieu
Dans une rue voisine de la maison d’Ibra- pour les « épreuves surmontées par sant le pouvoir et l’opposition, dans quelques jours », a assuré Ba-
him, un homme et son fils d’une trentaine le peuple syrien », et souligné que la n’ayant jusqu’ici pas abouti, le char Al-Assad, qui a remercié la
d’années arrivent à proximité de leur ancien situation « s’approche petit à petit Kremlin veut reprendre la main Russie pour son engagement à ses
immeuble. Au quatrième étage d’un édifice de la défaite inéluctable des terro- alors qu’une réunion entre les dif- côtés, non sans avoir réclamé quel-
toujours debout, distant de quelques centai- ristes », M. Poutine a abordé le vif férentes factions de l’opposition ques garanties sur la « non-ingé-
nes de mètres, ils aperçoivent les fenêtres du sujet : accélérer le règlement syrienne se tiendra mercredi à rence des acteurs extérieurs ». « Très
soufflées de l’appartement familial. Le sou- politique « à long terme » d’un con- Riyad, en Arabie saoudite. bien, a répondu M. Poutine. Je note
rire figé du fils, mâchoires serrées, répond flit qui a fait plus de 330 000 victi- avec satisfaction que vous êtes
aux larmes qui perlent dans les yeux du mes depuis 2011. « La victoire con- « Régler nos montres » prêts à travailler avec tous ceux qui
père. Les environs du bâtiment n’ont pas été tre le terrorisme est encore très loin, « J’aimerais vous entendre sur veulent la paix et une solution. »
dégagés. Ils devront rebrousser chemin ou mais en ce qui concerne notre tra- l’évaluation actuelle de l’état des Le chef du Kremlin a annoncé
risquer leur vie en poursuivant leur route vail commun dans la lutte contre le choses et des perspectives de déve- qu’il rendrait compte de son en-
dans des gravats parsemés de pièges explo- terrorisme, cette opération mili- loppement de la situation, y com- tretien auprès du président des
sifs laissés par les djihadistes. taire touche à sa fin », a-t-il pré- pris votre vision du processus poli- Etats-Unis, Donald Trump, de
venu, selon le Kremlin. tique qui, comme nous le voyons, l’émir du Qatar et d’autres « diri-
« DES LUMIÈRES QUI BOUGENT » Trois ans après avoir engagé ses devra être mené au final sous les geants de la région ». C’est la
Un mois après la fin de la bataille, Rakka n’a forces militaires en soutien à son auspices des Nations unies », a deuxième fois que le président sy-
pas fini de tuer les siens. Les combattants de allié syrien, le président russe lancé M. Poutine au dirigeant sy- rien est sorti de son territoire de-
l’EI ont truffé la ville d’engins explosifs im- tente de passer à l’étape suivante, rien, avant d’insister : « La rencon- puis le début du soulèvement en
provisés destinés à ralentir l’avancée des FDS. en amont des négociations de tre d’aujourd’hui est très impor- Syrie en 2011 – il s’était rendu en
Chaque jour, des habitants sont tués, mutilés, paix qui doivent reprendre à Ge- tante pour régler nos montres. » octobre 2015 à Moscou – et, cette
blessés en tentant de s’approcher de leurs an- nève, le 28 novembre, sous l’égide La Russie a lancé, avec ses alliés fois encore, il a pris le chemin de
ciens foyers. « Il y a une semaine, mon voisin a des Nations unies. L’initiative turc et iranien, les pourparlers la Russie, son meilleur allié. p
voulu vérifier l’état de sa maison. Il a tenté russe d’un Congrès syrien, réunis- d’Astana (Kazakhstan), qui ont isabelle mandraud
d’ouvrir la porte et ça a explosé. Il est mort sur
le coup », raconte un habitant du quartier de
Roumeila, un faubourg pauvre où quelques
habitants ont commencé à revenir, livrés à

LA GUERRE
eux-mêmes. Lui a trouvé près de chez lui les
restes humains d’une poignée de djihadistes
tués dans ce qu’il estime être une frappe aé-
rienne. Il a jeté les dépouilles sur un monceau
d’ordures au bord de la route.

EST DÉCLARÉE !
Parmi les détritus, une colonne vertébrale,
des côtes éparses, une tignasse brune déta-
chée de son scalp, un fémur où sont restés
accrochés quelques lambeaux de chair jau-
nie. Deux enfants habillés de couleurs vives
s’ébattent un peu plus loin. Un crâne a roulé
à quelques mètres, partiellement couvert
d’un masque de peau noircie, figé dans un COMMENT ARMER NOS ENFANTS POUR
QU’ILS S’ADAPTENT À CE TSUNAMI TECHNOLOGIQUE ?
hurlement muet. Un jeune habitant du
quartier, engoncé dans un manteau noir,
vient écraser dessus sa chaussure de sport.
LES DATES Le visage fendu d’un mauvais sourire, le re-
gard parcouru d’une lueur d’effroi.
Depuis les faubourgs nord, la route du re-
22 NOVEMBRE tour vers le centre-ville passe par une longue
rue ravagée qui débouche sur la place de
Sotchi (Russie) l’Horloge. Sur l’une des quatre faces de l’élé-
Réunion des présidents russe, gant monument qui occupe le centre du car-
turc et iranien, parrains des né- refour, des slogans en anglais ont été inscrits
gociations d’Astana sur la Syrie. à la bombe de peinture ainsi que le drapeau
rouge et noir du communisme libertaire :
22 AU 24 NOVEMBRE « No Nation, No Border ». Les FDS comptent
dans leurs rangs quelques dizaines de volon-
Riyad (Arabie saoudite) taires issus de la gauche radicale occidentale,
Réunion de l’opposition attirés par le projet révolutionnaire kurde.
syrienne en vue de la reprise Les quatre cadrans de la tour de l’Horloge,
des pourparlers de Genève. brisés par les bombardements des aviations
des principales armées occidentales, n’indi-
28 NOVEMBRE quent plus l’heure. Mais la lumière aux tein-
tes plus chaudes où baignent maintenant les
Genève (Suisse) ruines annonce déjà le soir qui vient.
Reprise des négociations Les quelques hommes en armes qui sont
sur la Syrie entre le pouvoir de faction en fin de journée sur la place Al-
et l’opposition sous l’égide Naïm redoutent la nuit de Rakka. « Après le
des Nations unies, en vue coucher du soleil, on entend des bruits. Il y a
de parvenir à un accord de paix des mouvements, on voit des lumières qui
et à une transition politique. bougent », raconte l’un d’entre eux. Selon lui,
des djihadistes isolés occupent encore les
entrailles de leur ancienne capitale : « Ils em-
allé les enterrer au bord de la rivière. » A l’an- pruntent les tunnels qu’ils ont creusés sous la
gle d’une avenue s’ouvre une rue jonchée de ville… » Son récit parcellaire évoque un uni-
débris. Deux visages apparaissent au pre- vers nocturne, souterrain et dangereux, un
mier étage d’un immeuble par la béance monde de terreurs archaïques où évoluent
d’une façade arrachée. Malgré les frappes aé- encore les ombres du califat déchu : « Hier,
riennes qui ont dévasté leur quartier désor- on a entendu qu’il y avait eu du mouvement
mais désert, Ibrahim Akkouche et sa se- dans une galerie qui relie les sous-sols de l’hô-
conde épouse n’ont jamais quitté leur mai- pital national à un autre point de la ville. »
son. L’homme a 85 ans, la barbe blanche, les La ville s’enfonce dans le crépuscule. Des
yeux bleus soulignés d’un trait de khôl. œufs de mouche viennent d’éclore, diffusant
Dans son salon ouvert sur la rue dévastée, un nuage de minuscules insectes qui se per-
assis en tailleur dans sa tunique immaculée, dent dans les bouches et les narines. De gras
le visage encadré par les pans d’un keffieh chats errants vont et viennent. Chassant les
clair, il est le dernier habitant du quartier, teintes rougeâtres du soir, l’obscurité guette.
avec sa seconde épouse, restée dans l’embra- Et une tension rampante, qui ressemble à la
sure de la porte. « Tout le monde est parti, peur, étend son ombre sur ce qui fut Rakka. p
dit-il, mais je suis trop vieux et on ne voulait allan kaval
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Angela Merkel vacille, mais veut rester au pouvoir


Après l’échec du projet de coalition, la chancelière préfère de nouvelles élections à un gouvernement minoritaire

berlin - correspondant elle expliqué. De nouvelles élec-


tions, alors ? « Ce serait une

A
ngela Merkel ne veut meilleure solution », a-t-elle es-
pas s’avouer vaincue. timé, se disant prête, en ce cas, à
Au lendemain de être de nouveau candidate.
l’échec de sa tentative Afin de bien se faire compren-
de coalition avec les libéraux (FDP) dre, elle a d’ailleurs précisé qu’en
et les Verts, la chancelière alle- se présentant aux dernières légis-
mande a fait passer le message lors latives, son intention était de faire
de deux entretiens télévisés, lundi un mandat entier, autrement dit
20 novembre, sur les chaînes ARD de rempiler pour quatre ans à la
et ZDF. Une phrase, lâchée sur le chancellerie. D’où l’adjectif qui lui
plateau de la ZDF en fin de journée, vient à l’esprit quand on lui de-
résume son état d’esprit : « Je n’ai mande aujourd’hui, deux mois
peur d’absolument rien. » après le scrutin, si elle compte je-
Depuis le début de la matinée, ter l’éponge : « Ridicule ! »
ses adversaires de toujours ti-
raient des événements de la veille Crise politique sans précédent
une conclusion inverse. « La fin de Les intentions de Mme Merkel sont
l’ère Merkel a commencé », s’était donc connues. Mais parviendra-t-
réjouie Katja Kipping, la coprési- elle à ses fins ? Tout le problème,
dente de Die Linke (gauche radi- pour elle, est qu’elle n’a plus la
cale). « Mme Merkel a échoué, et il est maîtrise du calendrier. Jusqu’au
temps qu’elle quitte la chancelle- dimanche 19, il en allait autre-
rie », avait clamé Alexander Gau- ment : en tant que présidente du
land, le coprésident du groupe parti arrivé en tête des élections,
d’extrême droite Alternative pour c’est à elle que revenait la charge
l’Allemagne au Bundestag. de former une coalition. Une fois
Dans la presse aussi, les analy- celle-ci constituée, sa reconduc-
ses étaient sévères. Et, sans aller tion à la chancellerie n’aurait été
jusqu’à prédire à la chancelière qu’une simple formalité. Angela Merkel, à Berlin,
une retraite politique immi- Or l’échec des pourparlers a le 20 novembre.
nente, la plupart des commenta- changé la donne. Désormais, c’est AXEL SCHMIDT/REUTERS
teurs s’étaient retrouvés sur le le président de la République qui
même constat, résumé par ce ti- a la main. Et celui-ci compte exer-
tre d’une analyse du Spiegel : cer à la lettre tout le pouvoir que
« Merkel en état de détresse. » lui donne la Constitution. Un
Soucieuse de ne pas laisser s’ins- pouvoir dont les Allemands dé- Constitution de 1949, hantés par face à cette dernière aux législati- dans cette période, la chancelière
taller cette petite musique, la couvrent, à l’occasion de la crise le souvenir de la République de
L’échec des ves de 2009, M. Steinmeier s’était continue de gérer les « affaires
chancelière a donc décidé de réa- politique sans précédent qui a Weimar, qui précipita l’avène- pourparlers fondu dans le costume de prési- courantes », c’est bien à lui, en tant
gir rapidement sur le terrain mé- éclaté dans la nuit de dimanche à ment du IIIe Reich, ont tout fait dent au risque de se faire oublier. que président de la République,
diatique. Sera-t-elle encore au lundi, qu’il est certes circonscrit pour empêcher le président fédé-
a changé Le voilà de retour. Et ce qu’il a dit, qu’il revient de désigner celui ou
pouvoir dans un an ? « Je vais m’en mais pas purement symbolique. ral de jouer les premiers rôles. la donne. lundi après-midi, en s’exprimant celle qui dirigera le prochain gou-
donner la peine », a-t-elle dit. A la Depuis son entrée en fonctions, Ancien bras droit de Gerhard devant les caméras – fait rarissime vernement, et de tout faire pour
tête d’un gouvernement minori- le 22 mars, Frank-Walter Stein- Schröder à la chancellerie, ancien
Le président de – depuis le château Bellevue, sa ré- éviter de nouvelles élections.
taire ? « Ce n’est pas ce qui a ma meier était un président discret, ministre des affaires étrangères de la République a sidence du parc de Tiergarten, au Le message s’adressait égale-
préférence. L’Allemagne a besoin pour ne pas dire transparent. Mme Merkel, candidat malheureux cœur de Berlin, montre qu’il n’a ment au SPD. Lundi, Martin
d’un gouvernement stable », a-t- Il est vrai que les rédacteurs de la du Parti social-démocrate (SPD)
désormais la main pas tout à fait la même lecture des Schulz, son président, s’est redit
événements que Mme Merkel. opposé à une nouvelle « grande
Evoquant « une situation qui ne coalition » avec les conservateurs,
Le coup de poker du libéral Christian Lindner s’est encore jamais produite dans
l’histoire de la République fédé-
assurant qu’il ne « redout[ait] pas
de nouvelles élections ». Tous les
rale depuis soixante-dix ans », sociaux-démocrates ne sont pas
christian lindner aime aller vite. Et En décidant, dans la nuit de dimanche 19 n’est pas un de ses « marqueurs » histori- M. Steinmeier a appelé les partis à aussi définitifs. « Désormais, tous
pas seulement au volant de sa Porsche 911. à lundi 20 novembre, de rompre les pour- ques, et en prenant le risque de faire leurs « responsabilités ». « Tous les les partis doivent réfléchir à ce qu’il
Dans son livre Schattenjahre (« Les années parlers avec les conservateurs (CDU-CSU) échouer les pourparlers – une première partis politiques élus au Parlement convient de faire », a ainsi déclaré
d’ombre », non traduit), paru le 25 octobre et et les Verts en vue de la formation d’un pour un parti qui s’est toujours considéré allemand ont une obligation en- Johannes Kahrs, l’un des porte-pa-
à la neuvième place des meilleures ventes gouvernement, M. Lindner s’attire à nou- comme une force d’appoint nécessaire vers l’intérêt commun de servir no- role de l’aile conservatrice du SPD.
en librairie, selon le classement du Spiegel, il veau les mêmes reproches. Plusieurs par- pour former des majorités parlemen- tre pays. J’attends de tous qu’ils Ces dernières semaines, d’autres
admet que cela ne lui a pas toujours valu ticipants aux négociations en sont taires –, l’intention de M. Lindner n’est- soient disposés à parler pour per- dirigeants du parti avaient égale-
que des amis. Notamment en 2013, quand, convaincus : le FDP était pressé d’en finir, elle pas de montrer que le FDP a muté ? mettre la formation d’un gouver- ment dit qu’ils n’étaient pas oppo-
alors âgé de 34 ans, il n’a pas attendu vingt- ses dirigeants préparaient leur sortie de- Pour certains observateurs, sa décision de nement dans un avenir prévisi- sés par principe à une « grande
quatre heures après la débâcle des libéraux puis plusieurs jours, et c’est précisément jouer les « trouble-fête », comme l’écrit le ble », a-t-il déclaré, avant d’annon- coalition », à condition qu’elle ne
aux législatives pour annoncer sa candida- parce que les discussions étaient sur le quotidien Süddeutsche Zeitung, est une fa- cer qu’il allait consulter, dans les soit pas dirigée par Mme Merkel.
ture à la présidence du FDP. point d’aboutir qu’ils ont claqué la porte. çon de prendre date. M. Lindner ne s’en est jours à venir, les dirigeants des L’appel à la « responsabilité »
Trop tôt, lui ont reproché certains. « Si on pas caché : lors des pourparlers, il fut le pre- partis représentés au Bundestag. lancé par M. Steinmeier, qui doit
l’avait laissé dériver plus longtemps sans di- « Trouble-fête » mier à dire publiquement qu’il ne fallait pas En mettant tous les partis sur le rencontrer M. Schulz mercredi,
rection, le parti n’aurait pas pu être sauvé », Selon un sondage Forsa-RTL réalisé lundi « craindre de nouvelles élections ». La phrase, même plan, en ne citant pas le infléchira-t-il la position de ses
écrit M. Lindner. Le temps lui a donné rai- 20 novembre, seuls 43 % des électeurs qui avait fortement déplu à Mme Merkel et nom de Mme Merkel qu’il venait de anciens camarades ? Si la ques-
son. Chacun reconnaît aujourd’hui que sa approuveraient l’attitude de M. Lindner. aux Verts, laisse penser que si M. Lindner recevoir, et surtout en n’évoquant tion n’est pas inscrite à l’ordre du
reprise en main d’un FDP qui venait pour la Ils seraient 64 % parmi les sympathisants était prêt à ne pas entrer tout de suite au pas l’hypothèse de nouvelles élec- jour du congrès du SPD, prévu du
première fois de son histoire d’être sorti du du FDP et 80 % parmi ceux du parti d’ex- gouvernement, c’est peut-être parce qu’il tions, M. Steinmeier a signifié que 7 au 9 décembre à Berlin, elle ris-
Bundestag lui a donné l’élan pour remonter trême droite Alternative pour l’Alle- estimait qu’il n’aurait pas à attendre quatre le centre de gravité du pouvoir, que en tout cas d’agiter beau-
la pente, jusqu’aux 10,7 % obtenus par le magne. En se montrant très ferme sur la ans avant d’en faire partie. p depuis la veille, s’était déplacé, et coup d’esprits. p
parti aux législatives du 24 septembre. question de l’immigration, un sujet qui t. w. que si la Constitution prévoit que, thomas wieder

George Soros dénonce la campagne le visant en Hongrie


Viktor Orban est « le leader d’un Etat mafieux » selon le mécène juif américain, ciblé par une consultation publique dans son pays d’origine

vienne - correspondant Le philanthrope de 87 ans ré- sions relatives à la crise des mi- Fin octobre, Viktor Orban a de- d’autant plus que le diplomate en prop de l’ancien Parti communiste
cuse vouloir que « Bruxelles ins- grants sont prises par les institu- mandé aux agences de rensei- chef de l’ambassade américaine à soviétique. Nous, vieux chevaux de

I l a finalement décidé de ré-


pondre. A sa manière, sur son
site Internet. Lundi 20 no-
vembre, le milliardaire juif améri-
cain d’origine hongroise, George
talle au moins un million de mi-
grants par an dans les pays de
l’Union européenne, y compris en
Hongrie », comme l’indiquent
les questionnaires envoyés dans
tions européennes et les Etats
membres, dont la Hongrie fait par-
tie. » Dans un rare entretien, ac-
cordé en parallèle au Financial Ti-
mes, George Soros demande aux
gnement du pays de lancer des
investigations à l’encontre des
employés hongrois des associa-
tions recevant des financements
émanant de M. Soros et qui met-
Budapest, David Kostelancik, a ré-
cemment défendu la liberté de la
presse. Le premier ministre hon-
grois, qui souhaite se présenter
aux législatives, en avril 2018,
guerre, savons heureusement les re-
connaître à l’odeur ».
Des associations du sud et de
l’est de la Hongrie, qui travaillent
en milieu rural défavorisé,
Soros, est sorti de sa réserve pour tous les foyers hongrois pour la autres pays de l’Union euro- tent « en danger », à en croire le conserve toutefois les meilleures comme la Civil College et la Real
réfuter, point par point, les accu- somme de dix millions d’euros et péenne de réagir avec plus de fer- premier ministre, « la sécurité de chances de remporter une troi- Pearl Foundation, sur des ques-
sations portées à son encontre dont la « rhétorique antisémite » meté face à Viktor Orban, devenu nos vies quotidiennes ». sième victoire d’affilée. Il est ré- tions d’intérêt général (soutien
par le premier ministre souve- reprend, selon M. Soros, celle des le « leader d’un Etat mafieux ». Sont aussi visés des fonctionnai- gulièrement accusé de vouloir scolaire, aide au logement, etc.),
rainiste, Viktor Orban. années 1930. Les électeurs ont jus- res, des élus du « réseau Soros » et bâillonner tout reporter critique. se sont inquiétées auprès d’Open
« Le 9 octobre 2017, le gouverne- qu’au 24 novembre pour retour- « Réseau Soros » des journalistes, alors que la Hon- Le 12 novembre, à l’occasion du Society de la rupture de parte-
ment hongrois a adressé une con- ner ces documents par la poste. « S’il choisit de répondre mainte- grie a sèchement répliqué aux vel- 27e congrès de son parti, le Fidesz, à nariats locaux par les mairies
sultation aux électeurs hongrois « Les responsables du gouverne- nant aux attaques dont il fait l’ob- léités de l’administration améri- la tête duquel il a été reconduit et d’appels anonymes de mena-
afin de solliciter leur opinion sur ce ment prétendent également que jet », explique Daniel Makonnen, caine, qui désire financer à hau- pour les vingt-quatre prochains ces. Depuis juillet, elles sont
qu’il appelle le “plan Soros”, écrit j’exerce un certain contrôle sur les un porte-parole de la fondation teur de 590 000 euros, dès le mois mois, il a affirmé que « ces derniè- listées, selon M. Makonnen,
l’entrepreneur. Cette consultation processus de décision de l’Union créée par M. Soros, Open Society, de janvier 2018, des projets visant à res années, les ONG de Soros comme « organisations finan-
contient des affirmations fausses européenne », poursuit l’homme « c’est parce qu’il estime que l’on favoriser « l’accès des citoyens hon- avaient infiltré tous les lieux d’in- cées par l’étranger » sur le site du
et mensongères qui trompent déli- d’affaires, qui rappelle avoir fait est passé d’une campagne de pro- grois à une information objective ». fluence européens cruciaux pour les gouvernement hongrois, une
bérément les Hongrois concernant des dons à la Hongrie depuis les pagande à visée électoraliste à Le gouvernement voit dans prises de décision. (…) Elles opèrent, partie de leur budget dépendant
mon point de vue sur les migrants années 1980 s’élevant à près de des intimidations faisant craindre cette initiative une ingérence dans a-t-il ajouté, comme le faisaient les d’Open Society. p
et les réfugiés. » 350 millions d’euros. « Or, les déci- pour la sécurité des personnes. » la campagne électorale à venir, activistes du département d’agit- blaise gauquelin
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Trump classe la Corée du Nord « Paradise Papers » :


le journal « Cumhuriyet »
parmi les soutiens du terrorisme menacé de poursuites
Washington veut accroître les sanctions contre Pyongyang Le premier ministre turc porte plainte après les
révélations sur l’optimisation fiscale de ses fils

washington - correspondant gyang à rouvrir des négociations innervant dans l’aéroport de lundi, le secrétaire d’Etat améri-
pour parvenir à l’objectif de dénu- Kuala Lumpur, en Malaisie, en fé- cain. Le missile lancé en septem- istanbul - correspondante ministre défend bec et ongles l’ac-

D
onald Trump avait cléarisation de la péninsule. vrier. Rex Tillerson a indiqué par bre avait survolé le nord du Japon. tivité de ses fils. « Ces compagnies
promis une décision,
une fois rentré de sa
tournée en Asie. Le
président des Etats-Unis a tenu
parole, lundi 20 novembre, en an-
Les Etats-Unis ont « toujours es-
poir dans la diplomatie », a assuré
le secrétaire d’Etat. « On continue à
accroître la pression sur le régime
de Kim [Jong-un] pour qu’il com-
la suite ne pas être habilité à don-
ner d’autres exemples.
M. Trump a également men-
tionné le sort d’Otto Warmbier,
un jeune étudiant américain
Ce tir survenait quelques jours
après un essai nucléaire. Aucun
incident n’a ponctué la visite de
M. Trump dans la région en dépit
de la fermeté de ses propos.
P our avoir révélé les sché-
mas d’optimisation fiscale
des fils du premier minis-
tre turc, Binali Yildirim, le quoti-
dien d’opposition Cumhuriyet se
travaillent dans la plus grande
transparence », a-t-il justifié.
Homme de confiance du prési-
dent turc, Recep Tayyip Erdogan,
Binali Yildirim a dirigé la compa-
nonçant que la Corée du Nord a prenne que ce sera de pire en pire emprisonné en Corée du Nord Après avoir tourné le dos à la retrouve dans le viseur des autori- gnie municipale des transports
été ajoutée à la liste des pays sou- s’il refuse de négocier », a-t-il pendant plus d’un an pour avoir « patience stratégique » vis-à-vis tés. Une plainte en diffamation a maritimes d’Istanbul avant de
tenant le terrorisme établie par le ajouté, convaincu de « l’impact si- tenté de dérober une affiche de de Pyongyang observée par l’ad- été déposée par la famille Yildi- devenir ministre des transports
département d’Etat. Il s’agit d’un gnificatif » des sanctions interna- propagande. Tombé dans le coma ministration démocrate précé- rim, qui réclame le paiement de tous les gouvernements diri-
retour pour le régime de Pyon- tionales adoptées en août. en prison, il est décédé en juin, dente, M. Trump doit pourtant se d’une indemnité de 500 000 li- gés par les islamo-conservateurs
gyang, qui y avait figuré entre six jours après avoir été libéré et résigner à la même persévérance à vres turques (110 000 euros). Voilà (2002-2016). En mai 2016, il a été
1988 et 2008 après l’explosion Nouvelles mesures renvoyé aux Etats-Unis. Interrogé court terme. Le président des qui risque d’ajouter aux difficul- nommé premier ministre. « Cha-
d’un avion commercial imputée Le département du Trésor devait sur le parallèle avec l’assassinat Etats-Unis attend beaucoup de la tés économiques du plus vieux cun fait son job. Quand je suis entré
aux services nord-coréens. L’ad- annoncer, mardi, les mesures sup- au polonium d’un ancien agent Chine, voisin influent de la Corée quotidien de Turquie, dont dix- en politique, j’ai laissé mes affaires
ministration de George W. Bush plémentaires. Visant des secteurs russe, Alexandre Litvinenko, à du Nord. Il a d’ailleurs vivement sept journalistes et employés à mes fils. Je leur ai toujours recom-
l’en avait retiré en geste de bonne non couverts par les multiples Londres, en 2006, imputé à la salué l’envoi sur place par Pékin sont sous le coup d’une enquête mandé de ne pas travailler avec
volonté pour faciliter des négo- sanctions déjà existantes, elles de- Russie, le secrétaire d’Etat s’est re- d’un émissaire, la semaine der- pour « terrorisme ». l’Etat, de ne rien emprunter aux
ciations restées vaines sur les vraient dissuader, selon le secré- fusé à tout commentaire. nière. Song Tao, émissaire du pré- Membre du Consortium inter- banques publiques. Par ailleurs, le
ambitions nucléaires du régime taire d’Etat, des « tierces parties », La Corée du Nord n’a pas immé- sident chinois, Xi Jinping, a ren- national des journalistes d’inves- fret maritime est une activité inter-
de Pyongyang. Ce dernier se re- entités ou pays, d’entretenir « cer- diatement réagi à la décision des contré Choe Ryong-hae, un pro- tigation (ICIJ) à l’origine de la pu- nationale donc ils ont des activités
trouve désormais en compagnie taines activités » avec la Corée du Etats-Unis. La veille, revenant che collaborateur de Kim Jong-un. blication des « Paradise Papers », partout à travers le monde. Tout
de l’Iran, de la Syrie et du Soudan. Nord, sans que l’on sache si l’ex- sur la tournée en Asie d’un pré- A son retour, Pékin n’a cependant le journal a dévoilé, début no- cela n’a rien de secret », a-t-il expli-
M. Trump a fait cette annonce à portation d’hydrocarbures par la sident qualifié de « vieux fou », un fait aucun commentaire sur la na- vembre, qu’Erkam et Bülent Yil- qué le 14 novembre.
l’occasion d’une réunion de son Chine pourrait être concernée. organe officiel nord-coréen, le ture de ses entretiens sur place. dirim étaient les principaux bé- Ce même jour, le Parlement turc
cabinet en fin de matinée. Il a as- Le président des Etats-Unis a ap- journal Minju Joson, avait assuré Les Etats-Unis souhaiteraient néficiaires de cinq sociétés mari- a rejeté la création d’une commis-
suré que cette décision aurait dû puyé sa décision en estimant que les Américains « allaient que la Chine stoppe ses exporta- times enregistrées à Malte à des sion d’enquête parlementaire sur
intervenir « depuis longtemps ». qu’« en plus de menacer le monde regretter » d’avoir « laissé une per- tions de pétrole, une ressource fins d’optimisation fiscale, jouis- ces révélations, comme le récla-
Le secrétaire d’Etat, Rex Tillerson, entier d’une dévastation nucléaire, sonne dépravée et stupide occuper stratégique pour l’armée nord-co- sant d’une imposition de 5 % au mait le Parti républicain du peu-
a tenu un peu plus tard à en relati- la Corée du Nord a soutenu à plu- le bureau Ovale ». réenne, en coupant l’oléoduc qui lieu de 20 %. ple (CHP, kémaliste), le principal
viser la portée en évoquant de- sieurs reprises des actes de terro- alimente l’unique raffinerie du « Ces prétendues informations parti d’opposition, proche de
vant la presse une mesure « très risme international, y compris des Calme relatif pays. Notant la très forte rési- sont une insulte. Elles visent à for- Cumhuriyet. Dominé par les isla-
symbolique » visant à attirer l’at- assassinats à l’étranger ». Un seul La mesure prise par Washington lience de Pyongyang face aux mer une perception fausse et par- mo-conservateurs de l’AKP, le
tention sur « la vraie nature du exemple a cependant été avancé risque de mettre à l’épreuve sanctions, le secrétaire d’Etat a es- tiale auprès de l’opinion publi- Parlement refuse systématique-
régime ». Cette mesure s’inscrit par M. Tillerson, celui du demi- le calme relatif qui prévaut depuis timé lundi qu’il ne pouvait pas ga- que », dit la lettre envoyée par ment les propositions d’ouver-
dans la stratégie défendue à frère du dirigeant nord-coréen, le 15 septembre et le dernier test rantir qu’un tel embargo soit pour l’avocat des Yildirim à la rédaction ture d’enquête parlementaire ve-
chaque étape du voyage en Asie Kim Jong-nam, tué après l’admi- balistique nord-coréen. « J’espère autant une « solution miracle ». p de Cumhuriyet. Sans démentir les nues de l’opposition. p
de M. Trump : contraindre Pyon- nistration d’une dose de poison que ça va continuer », a assuré, gilles paris révélations du journal, le premier marie jégo

La procureure de la CPI demande “UNE GRANDE ÉMOTION” “UNE OEUVRE CITOYENNE”


TÉLÉRAMA LE PARISIEN

une enquête sur l’Afghanistan


Fatou Bensouda vise les crimes des talibans et les tortures américaines

la haye - correspondance sonnes suspectées d’être membres procureure estime qu’aucune en-
des talibans et d’Al-Qaida » ont été quête n’a « examiné la responsabi-

L a procureure de la Cour pé-


nale internationale (CPI) a
demandé aux juges l’autori-
sation d’ouvrir une enquête sur les
crimes commis en Afghanistan
interrogées et torturées.
En 2006, le sénateur Dick Marty,
enquêtant au nom du Conseil de
l’Europe, avait dénoncé « la collu-
sion – intentionnelle ou gravement
lité pénale de ceux qui ont déve-
loppé, autorisé ou supervisé la res-
ponsabilité de la mise en œuvre par
les membres des forces armées
américaines des techniques d’inter-
depuis mai 2003. S’ils donnent négligente – des partenaires euro- rogatoire ». Même constat pour les
leur feu vert, l’enquête devrait ci- péens » grâce auxquels la CIA avait crimes de la CIA.
bler à la fois les crimes contre l’hu- pu torturer des prisonniers trans-
manité et les crimes de guerre férés sur des sites longtemps res- « Objection de principe »
commis par les talibans, les crimes tés secrets. Depuis, Pologne, Litua- Si les juges devaient l’autoriser,
de guerre de la police et des servi- nie et Lettonie invoquent le secret l’enquête s’annonce semée d’em-
ces de renseignements du régime d’Etat pour justifier l’absence de bûches. Depuis le début, en 2007,
afghan, et les tortures de l’armée poursuites. Mais l’intervention de de l’examen préliminaire – un
américaine et de la CIA. la Cour pourrait compliquer préalable à l’enquête – sur l’Afgha-
Au cours de sa future enquête, l’équation. La Cour n’intervient nistan, les Américains se sont op-
Fatou Bensouda entend notam- qu’en dernier recours, si un Etat re- posés à toute investigation de la
ment établir que les talibans et fuse de juger les auteurs de crimes Cour. Le 8 novembre, lors d’une in-
leurs alliés ont commis des crimes pour des raisons politiques ou tervention de Fatou Bensouda de-
dans le cadre d’une campagne faute de moyens. Pour l’instant, la vant le Conseil de sécurité des Na-
« généralisée et systématique d’in- procureure assure que des procé- tions unies, la représentante amé-
timidation, de meurtres ciblés, et dures sont en cours dans les trois ricaine, Michele Sison, a jugé toute
d’enlèvement de civils » considérés pays européens, mais pourra in- enquête « inutile et injustifiée »,
comme favorables au gouverne- tervenir si elles n’aboutissent pas. rappelant que Washington a « une
ment et aux forces étrangères, ou Même si les Etats-Unis n’ont pas objection de principe à l’exercice
s’opposant « à la domination et à ratifié le traité de la Cour, à laquelle par la CPI de sa compétence sur le
l’idéologie des talibans ». Entre ils s’opposent depuis sa création personnel des Etats-Unis ».
2009 et 2016, plus de 17 000 civils en 1998, ils ne sont pas exemptés De son côté, Kaboul a longtemps
auraient été tués et 33 000 blessés de poursuites pour des crimes refusé toute coopération avec la
par les talibans et leurs alliés. commis sur le territoire d’Etats Cour. Mais en 2016, le gouverne-
membres de la CPI – à moins que ment afghan traduisait le statut de
« Collusion » Washington se décide à juger les Rome, fondateur de la CPI, en dari
Alors que l’armée américaine dé- responsables du programme de et en pachto. Au printemps, le Par-
ploie 3 000 soldats supplémentai- torture mis en place au nom de la lement a inclus les crimes contre
res en Afghanistan, mettant fin au guerre contre le terrorisme après l’humanité dans le code pénal. Au
retrait progressif programmé par le 11-Septembre. Pour l’instant, la cours des derniers mois, les autori-
Barack Obama, la procureure de- tés ont fourni à la Cour des centai-
vrait aussi enquêter sur les tortu- nes de pièces relatives à des procé-
res, les traitements cruels, les viols, dures en cours, qui ont dû être tra-
les violences sexuelles et les at- La représentante duites, permettant aux autorités
teintes à la dignité personnelle afghanes de gagner du temps. Et
commis par l’armée américaine et
des Etats-Unis peut-être, à l’avenir, de prouver
la CIA, dans la prison de Bagram et à l’ONU, Michele que des procédures sont en cours
au sud-est du pays, en 2003 et devant les tribunaux du pays. Il
2004. L’enquête contre la CIA
Sison, juge toute reste encore du temps à Kaboul. La
pourrait s’étendre aux prisons se- investigation décision de la Cour d’ouvrir ou
crètes en Pologne, en Lituanie et non l’enquête ne devrait pas être
en Lettonie, où, après avoir été en-
« inutile et rendue avant le printemps 2018. p
levées sur le sol afghan, « des per- injustifiée » stéphanie maupas
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Zimbabwe : Mnangagwa, le successeur invisible


Surnommé « le Crocodile », l’ancien vice-président limogé par Mugabe est l’homme fort derrière les militaires

PROFIL « Le Crocodile » sement du président Mugabe


s’opère au ralenti. Les interroga-
l’un de ces visages terribles qui
n’émergent qu’au sommet des
perd l’usage de l’oreille gauche,
échappe à sa condamnation à
LE CONTEXTE
harare - envoyé spécial
soigne l’armée, tions sur l’avenir du pays se multi- pouvoirs où survivre demande mort, finit en prison.

Q
uand Emmerson plient. La peur des lendemains ga- beaucoup d’attention, des traits Là, il rencontre Robert Mugabe,
promet
Mnangagwa a été dé-
mis de ses fonctions l’ouverture,
gne à nouveau. L’expression pu-
blique, sur le sujet, se tarit.
massifs, puissants, des yeux étirés
comme des lames.
ce petit homme de fer qui passe
son temps à accumuler des diplô-
DESTITUTION
de vice-président, le La réalité est qu’à travers l’équipe Le masque d’une intelligence qui mes par correspondance et à orga- La Zanu-PF, le parti au pouvoir au
6 novembre, au
le décollage du constituée par Mnangagwa, les gé- fait merveille avec les partenaires niser la résistance contre les forces Zimbabwe, devait engager, mardi
terme d’une longue dégradation Zimbabwe, la fin néraux et les vétérans de la guerre extérieurs, lassés de la logorrhée coloniales. 21 novembre, une procédure de
de ses relations avec son vieux de libération, pour renverser Mu- façon Mugabe. Mais on ne lui con- Une fois dehors, ils filent repren- destitution au Parlement contre
chef et mentor, le président Mu-
de l’obsession gabe, ce n’est pas une révolution naît aucune faiblesse, aucune ten- dre la lutte armée, côté état-major le président Robert Mugabe,
gabe, il a su qu’il ne lui restait pas contre les Blancs qui a eu lieu, mais une restaura- dresse. Il s’est même fait une rai- cette fois, au Mozambique. « ED » 93 ans. Ce dernier refuse de dé-
un instant à perdre au Zimbabwe tion : la vieille garde du parti, la ZA- son quand son plus jeune fils a sera le secrétaire particulier de Ro- missionner depuis que l’armée a
s’il voulait, dans l’ordre, rester en NU-PF, reprend le contrôle de l’ap- voulu devenir DJ, ce genre de cho- bert Mugabe, avant de partir faire pris le contrôle du pays, dans la
vie, puis prendre le pouvoir. sionner pour « que le pays puisse pareil, par petits coups calculés, ses que font les jeunes aujourd’hui son droit en Zambie. A la libéra- nuit du 14 au 15 novembre, peu
Il a alors déclenché un plan mûri avancer et préserver l’héritage », et sans violence stupide. Il faut avoir au lieu d’aller à la guerre. Il est le tion, il devient le patron des servi- après l’éviction du vice-président,
depuis des mois, mais pas avant de précisé qu’il ne rentrerait pas dans des dizaines d’années d’exercice pur produit d’une génération qui ces de renseignement, puis Emmerson Mnangagwa. A Ha-
s’être évaporé dans la nature et son pays tant que sa sécurité ne se- de la terreur pour pouvoir ainsi do- s’est forgée dans la lutte anticolo- l’homme de confiance de Mugabe rare, la journée devait être mar-
d’avoir traversé la frontière grâce à rait pas garantie. ser ses effets, maîtriser ses coups, niale, avant de poursuivre ses tra- quand le régime a besoin de frap- quée par de nouvelles manifesta-
ses alliés au sein de l’armée. Il dif- Une procédure de destitution de tenir ses troupes et sa langue. vaux pratiques de brutalité dans per. Dans les années 1980, lorsque tions appelant au départ de
fuse quelques heures plus tard un Robert Mugabe doit être engagée Les hommes qui prennent dou- les coulisses du pouvoir zimba- la division Gukurahundi, entraî- M. Mugabe. Samedi, déjà, des
texte où il promet : « Je revien- mardi par le Parlement. Mais le cement le pouvoir à Harare sont bwéen. Pour le Crocodile, ce fut née par les Nord-Coréens, se dé- milliers de personnes avaient ré-
drai. » Ses ennemis, réunis autour vieux président n’est pas hors jeu. déjà au cœur des forces armées, presque toujours au premier rang. chaîne sur le Matabeleland pour y clamé la démission du président
de Grace Mugabe, la femme du Il fait toujours peur, et Mnanga- des services de renseignement, écraser la dissension d’un parti ri- au pouvoir depuis 1980.
président, rient aux larmes. Ils gwa est bien placé pour savoir des différents organes plus ou Violences inouïes val, la ZAPU de Joshua Nkomo,
n’ont rien compris à Emmerson qu’un accident est vite arrivé. Il a moins secrets. Le Crocodile est Il a été l’un des premiers adoles- Emmerson Mnangagwa est à la
Mnangagwa, de toute évidence. échappé, juste avant la crise, à une l’un des leurs. Ils ont une expé- cents de la colonie nommée Rho- manœuvre. Sur le terrain, où on
Huit jours plus tard, les chars tentative d’empoisonnement. rience de première main de la vio- désie à rejoindre la chimurenga, la comptera plus de 20 000 morts, pillage en lumière. Dix ans plus
sont dans les rues de Harare, Ro- Où est-il ? Peut-être en Afrique lence, au quotidien comme dans lutte de libération. Entraînement les officiers qui opèrent seront, tard, l’opposition a gagné le pre-
bert Mugabe en résidence sur- du Sud. Sa présence est pourtant les circonstances exceptionnelles. en Tanzanie, en Egypte, puis à justement, les chefs de l’opération mier tour de l’élection présiden-
veillée, et les ricaneurs d’hier se palpable. Dans la manifestation Le Zimbabwe est un pays aux ri- Nankin, en Chine, où il a été formé des jours derniers à Harare, à com- tielle, au Zimbabwe ? Emmerson
terrent. Mais Mnangagwa, dit « le de soutien aux militaires à Ha- chesses minières exceptionnelles. au renseignement, la passion de mencer par le général Chiwenga. Mnangagwa est encore là. Il sauve
Crocodile », demeure invisible. rare, samedi, on célébrait son Demain, tout cela sera à eux, et sa vie. Rejoignant le bush, il est On retrouve les mêmes noms, la mise en orchestrant les violen-
Lundi soir, 20 novembre, le géné- nom. La ligue des jeunes de la Za- Mnangagwa a la fibre pour être membre d’une unité du « gang des toujours, dans les épisodes sui- ces inouïes contre l’opposition en-
ral Chiwenga, qui commande les nu-PF récite ses discours par leur chef. Il a réussi le tour de force crocodiles », ainsi nommé en rai- vants. 1998 : guerre en République tre les deux tours : plusieurs cen-
Forces de défense du Zimbabwe cœur. Au Zimbabwe, on l’appelle de séduire à la fois les investis- son du tatouage qui orne le bras de démocratique du Congo (RDC). Le taines de morts. Le jour du second
(ZDF), a promis son retour immi- « ED » (pour Emmerson Dambu- seurs occidentaux et les Chinois. l’un de ses héros, Sipho Ncube. contingent zimbabwéen vide les tour, il n’y a plus qu’un seul candi-
nent. Il devrait tenter de s’imposer dzo, ses deux prénoms). A l’étran- Il soigne l’armée, promet En 1964, ils font sauter une loco- caisses de l’Etat, mais ses chefs et dat : Robert Mugabe. A ce jeu, on
comme président par intérim. ger, « Crocodile » fait plus recette. l’ouverture politique, le décollage motive dans la gare de Masvingo, commanditaires mettent la main ne perd pas, c’est simple comme
Emmerson Mnangagwa a appelé, Est-il le cerveau de l’opération mi- du Zimbabwe, la fin de l’obsession se font prendre. Il est torturé, sus- sur les diamants du Kasaï. Ils de- un coup de barre de fer. Et désor-
mardi dans un message remis à la litaire des jours derniers, ou son contre les Blancs. Son courage est pendu la tête en bas, battu inter- viennent riches, se rient du rap- mais, le candidat, c’est lui. p
presse, Robert Mugabe à démis- visage encore virtuel ? Le renver- indéniable. Il fait peur, aussi. Il a minablement. Il n’a que 18 ans, il port des Nations unies qui met le jean-philippe rémy

AR GEN T I N E
Le sous-marin
« San-Juan »
Au Kenya, la Cour suprême Le président israélien refuse
reste introuvable une grâce, son camp l’accable
Les bruits sous-marins détec-
tés lundi 20 novembre par le valide la réélection de Kenyatta
sonar de deux navires ne pro-
viennent pas du submersible
argentin San-Juan, disparu de-
puis mercredi 15 novembre
avec 44 membres d’équipage
L’opposant Raila Odinga, qui avait boycotté le scrutin, reste silencieux D es caricatures, des insultes, des accusations de trahison,
des centaines de messages déposés par des activistes de
la droite israélienne. Depuis qu’il a annoncé, dimanche
19 novembre, son refus d’accorder la grâce au soldat Elor Azaria,
le président israélien, Reuven Rivlin, se trouve une nouvelle fois
à bord dans l’Atlantique sud. nairobi - correspondance « Kenyatta tue cette fois validé « à l’unanimité » le attaqué par son propre camp. Ce vétéran du Likoud, dont la fonc-
« L’empreinte acoustique ne scrutin présidentiel. Les insultes tion est surtout honorifique, apparaît une fois de plus comme le

C’
correspond pas à celle d’un est bien la première fois, des gens, et ici et pressions exercées sur ces ma- défenseur de la séparation des pouvoirs et de l’Etat de droit.
sous-marin », a déclaré le por- ces dernières semaines, personne n’a gistrats, dont un garde du corps a Elor Azaria avait été reconnu coupable d’homicide volontaire
te-parole de la marine argen- qu’une manifestation été blessé par balle fin octobre, et condamné à dix-huit mois de prison pour avoir tué d’une balle
tine. Le 15 novembre, le San- au Kenya se déroule sous le regard voté : comment ont-elles joué ? Réputé pour son dans la tête un agresseur palestinien gisant à terre, inerte, en
Juan avait signalé une avarie bienveillant de la police. Lundi peuvent-ils austérité, le président de la Cour mars 2016 près d’Hébron, après avoir attaqué au couteau des sol-
lors de sa dernière communi- 20 novembre, en début d’après- suprême, David Maraga, affichait, dats israéliens. En septembre, la peine avait déjà été réduite de
cation avec sa base : « Un pro- midi, les soldats alignés devant le valider lundi, un sourire détendu lors- quatre mois par le chef d’état-major, Gadi Eizenkot.
blème de batteries, un court- bâtiment de la Cour suprême, où un tel scrutin ? » qu’il a mis fin au suspense qui te- Le président a motivé son refus. « Un allégement supplémen-
circuit », selon la marine. On vient d’être validée la réélection nait en haleine le Kenya depuis taire de votre peine porterait atteinte à la résistance des forces de
ne sait pas si le submersible d’Uhuru Kenyatta à la présidence, VICTOR ORATA des semaines. Si la Cour n’a pas défense d’Israël (Tsahal, en hébreu) et de l’Etat d’Israël, a-t-il écrit.
de 65 mètres est à la surface orientent même volontiers le visi- habitant du bidonville avancé de motivations pour sa dé- Les valeurs des forces de défense d’Israël, parmi lesquelles la pureté
et à la dérive, s’il est en im- teur vers les dizaines de militants de Kawangware cision, déclarant seulement que des armes, constituent le fondement même de la solidité des forces
mersion, ou s’il a sombré du vainqueur qui paradent aux et partisande Raila Odinga les requêtes n’étaient « pas fon- de défense d’Israël. » La « pureté des armes » est l’idée que les sol-
dans les abysses. En immer- alentours du Parlement. Au milieu dées », elle a ouvert la voie à l’in- dats israéliens doivent agir de façon humaine et proportionnée,
sion complète, « sans renou- des drapeaux jaune et rouge – les tronisation d’Uhuru Kenyatta n’ouvrant le feu que si les circonstances le réclament.
vellement de l’air, la survie est couleurs du parti présidentiel Ju- peurs, ne vont pas se résoudre dès pour un second mandat.
de sept jours », selon le porte- bilee –, Gladys Enude sourit. « Je demain ». Dans les rues alentour, « Tout cela est derrière nous à pré- « Chiens affamés »
parole de la marine. Quatorze suis très heureuse parce que la vic- le centre-ville semble s’être dépê- sent, le Kenya doit avancer », a ré- Le procès d’Elor Azaria, qui n’a jamais exprimé de remords,
navires et dix avions partici- toire est finalement de notre côté, ché de revenir à une normalité sumé le chef de Jubilee à l’Assem- s’était tenu dans une ambiance électrique. Pour les partisans de
pent aux recherches. – (AFP.) nous qui avons suivi les règles », dit- longuement espérée. blée nationale, Aden Duale, évo- l’accusé, la capacité des soldats à se défendre contre les attaques
elle en observant ses pairs hurler L’ambiance est tout autre dans quant une entrée en fonctions du palestiniennes était mise à l’épreuve par ce procès. Le ministre de
ÉTATS- U N I S leur joie au passage – en trombe et certains des plus grands bidonvil- chef de l’Etat le 28 novembre. la défense, Avigdor Lieberman, qui avait milité en faveur de l’ac-
Fin du statut spécial toutes fenêtres ouvertes – de dé- les de Nairobi, où une personne cusé, s’est dit « déçu » par la décision du président Rivlin. D’autres
accordé aux Haïtiens putés de la majorité. est morte lors d’affrontements « Résistance » membres de la droite nationaliste – « une bande de chiens affa-
après le séisme Les partisans d’Uhuru Kenyatta avec la police – un deuxième décès Si la stratégie affichée par le pou- més », selon le journaliste Ben Caspit
Les Etats-Unis ont mis fin, célèbrent la fin d’une longue série a été constaté dans l’ouest du pays. voir se veut pragmatique et volon- dans le quotidien Maariv – ont fait
lundi 20 novembre, au statut de rebondissements politiques Ainsi, à Kawangware, les gaz lacry- tariste – les ministres ont récem- LE SOLDAT ELOR preuve de moins de diplomatie.
spécial accordant une pro- faisant suite à l’invalidation d’un mogènes dispersent les habitants ment martelé devant la presse Et ce n’est rien par rapport au dé-
tection temporaire dans le premier vote par la Cour suprême, rassemblés dans l’une des rues leur souhait de relancer au plus AZARIA N’A JAMAIS chaînement de certains internautes.
pays à quelque 58 000 Haï-
tiens à la suite du tremble-
début septembre. Dans un climat
extrêmement tendu, sur fond de
principales, où toutes les échop-
pes sont restées fermées. Ici, des
vite une économie durement tou-
chée par la crise politique et la sé-
EXPRIMÉ DE REMORDS Sur la page Facebook du président,
des messages de soutien en cô-
ment de terre de 2010, préci- violences policières et face à une affrontements post-électoraux cheresse –, celle de l’opposition est POUR AVOIR TUÉ UN toyaient d’autres, amers et violents.
sant toutefois que la commission électorale qu’elle ju- avaient fait plusieurs morts, en oc- plus difficile à lire. La police s’est saisie du cas d’un pho-
décision ne serait effective geait illégitime, l’opposition a boy- tobre. Et ici, comme dans d’autres Plutôt qu’un recours auprès de la PALESTINIEN À TERRE tomontage montrant le président
que dans dix-huit mois. Le cotté le nouveau scrutin et empê- slums de Nairobi, les tensions se Cour suprême, la coalition d’oppo- coiffé d’un keffieh, le foulard palesti-
séisme du 12 janvier 2010 a ché la tenue du vote dans quelque sont ravivées depuis dimanche, sition National Super Alliance nien. La presse a dressé des comparaisons avec des images simi-
tué des dizaines de milliers 25 circonscriptions. après la découverte de quatre (NASA) s’est lancée, fin octobre, laires, brandies en 1995 contre l’ancien premier ministre,
de personnes, détruit une corps à Mathare, un autre bidon- dans une « campagne de résis- Yitzhak Rabin, avant son assassinat par un extrémiste juif.
grande partie de la capitale Pressions ville. « Uhuru Kenyatta tue des tance » aux accents de combat Benyamin Nétanyahou est venu mollement à la rescousse
Port-au-Prince et déplacé Attaquée par deux recours, l’élec- gens, et ici, personne n’a voté : com- sud-africain contre l’apartheid. Ce du chef de l’Etat. « Dans une démocratie, a-t-il dit, on peut criti-
plus d’un million d’Haïtiens. tion était de nouveau, trois mois ment peuvent-ils valider une telle pari est très incertain. « Une course quer tout le monde. Toutes les critiques ne sont pas des incita-
C’est ce qui avait justifié la plus tard, suspendue au verdict élection ? » s’énerve Victor Orata, de fond, qu’il va falloir alimenter tions, mais cela doit se faire sans keffieh, sans nez, et sans uni-
mise en place d’un statut de des juges. « Nous avions besoin que un jeune soutien de Raila Odinga, avec de nouvelles étapes », selon un formes nazis dont nous avons tous été affublés. » Les relations
protection temporaire dont les choses reviennent à la nor- le leader de l’opposition qui a re- observateur étranger. Surnommé entre M. Nétanyahou et le président sont exécrables. Le 23 oc-
58 700 Haïtiens bénéficient male », se félicite, au milieu des fusé de participer à l’élection pré- « Agwambo » (« le mystérieux »), tobre, à la tribune de la Knesset, le chef de l’Etat a tenu un dis-
aux Etats-Unis, et qui leur chants et des vuvuzelas, Paul Mu- sidentielle du 26 octobre. Raila Odinga était silencieux et in- cours cinglant pour s’alarmer des attaques de la droite contre
permet de rester sur le sol chuku, tout en admettant que Les juges, qui avaient pris en sep- visible lundi mais, selon l’un de ses les médias et la Cour suprême. La politisation extrême de tou-
américain après l’expiration « cette élection a divisé le pays, tembre, par quatre voix contre lieutenants, la NASA donnera d’ici tes les institutions s’accompagne, selon lui, de la disparition
de leurs visas et de travailler l’économie va peut-être se rétablir deux, la décision historique d’or- cinq jours la marche à suivre. p des hommes d’Etat défendant l’intérêt général. p
légalement. – (AFP.) mais les dissensions sociales, les donner un nouveau vote, ont marion douet piotr smolar (jérusalem, correspondant)
0123
MERCREDI 22 NOVEMBRE 2017 planète | 7

Glyphosate
et cancer,
l’étude qui
relance le débat Epandage
de pesticides,
dans un
Une recherche épidémiologique champ du
Mississippi,
américaine n’établit pas de lien en juillet
2016.
entre pesticides et lymphomes PLAINPICTURE/
DESIGN PICS/BILL
BARKSDALE

E
st-ce l’étude épidémio- Freeman (National Cancer Insti-
logique qui changera la tute), ont analysé les dernières
donne ? Alors que l’Union données issues de la surveillance
européenne doit décider, d’un groupe de plus de 50 000 tra-
le 27 novembre, du sort du glypho- vailleurs agricoles, recrutés au dé-
sate, le Journal of the National Can- but des années 1990 en Iowa et en
cer Institute (JNCI) publie dans sa Caroline du Nord. L’AHS s’appuie
dernière édition les données ainsi sur l’une des plus grandes
d’une grande recherche épidé- cohortes de travailleurs agricoles
miologique visant à mettre en suivies dans le monde.
évidence les effets des pesticides et analyser toutes les données des de Californie à Los Angeles Si la question se pose, c’est que « les équipements de protection ne
sur les travailleurs agricoles. Cel- « Classification toujours valide » études dites « cas témoins » me- (UCLA), fait par exemple valoir l’intensité de l’exposition des tra- protègent pas nécessairement des
le-ci, dite « Agricultural Health Ces résultats remettent-ils en nées en Amérique du Nord sur le qu’« il y a eu une augmentation vailleurs enrôlés ne repose pas pesticides, et ce peut être même
Study » (AHS), ne trouve pas d’as- cause la classification du glypho- sujet. Non encore publiés, les ré- considérable de l’utilisation du sur des mesures directes (dans le parfois l’inverse, ainsi que nos tra-
sociation entre le célèbre herbi- sate comme « cancérogène pro- sultats du NAPP ont déjà été an- glyphosate et de l’exposition à sang ou les urines) sur chacun vaux l’ont mis en évidence ». Pu-
cide et les cancers « solides », ni bable » par le Centre internatio- noncés au cours de conférences cette substance, à partir du milieu d’eux, elle a été estimée grâce à bliés en 2011 dans Applied Ergo-
avec les cancers du sang (dits nal de recherche sur le cancer et contredisent ceux de l’AHS : ils des années 1990 ». De fait, l’intro- un algorithme. nomics, ceux-ci indiquaient des
« lymphomes non hodgkiniens ») (CIRC), qui l’a inscrit dans cette ca- indiquent un doublement du duction, en 1996, des cultures Celui-ci calcule une exposition niveaux d’exposition médians
que plusieurs études précédentes tégorie en mars 2015 ? « La classifi- risque de lymphome non hodg- transgéniques destinées à tolérer plausible, en fonction de leurs jusqu’à trois fois supérieurs pour
ont pourtant liés à son utilisation. cation du glyphosate est toujours kinien pour les personnes ayant le glyphosate (dites « Roundup réponses au questionnaire : se- les travailleurs théoriquement
L’AHS suggère toutefois un lien valide, répond-on au CIRC. Les manipulé du glyphosate plus de ready ») a fait passer aux Etats- lon la fréquence et le type de ma- protégés, par rapport à ceux qui
entre le glyphosate et la leucémie premiers résultats de l’AHS sur le deux jours par an. Unis les épandages de cet her- nipulation de la substance décla- ne l’étaient pas.
myéloïde aiguë – lien qui n’a, au sujet [publiés en 2005] n’avaient Pourquoi les résultats de l’AHS bicide de 5 700 tonnes, en 1990, rés (application ou mélange du « Certains pesticides pénètrent
contraire, jamais été mis en évi- pas non plus mis en évidence de divergent-ils de ceux d’autres à près de 45 000 tonnes, en 2000, produit, manipulation du ma- les équipements de protection et y
dence jusqu’ici. Chez les utilisa- lien entre le glyphosate et les lym- recherches épidémiologiques ? et à plus de 125 000 tonnes, tériel de pulvérisation, etc.). sont retenus, augmentant ainsi
teurs les plus exposés, le risque de phomes non hodgkiniens, mais L’AHS procède d’une démarche aujourd’hui. Mais l’algorithme ignore les l’exposition cutanée des tra-
contracter la maladie est plus que ces résultats ne l’emportaient pas prospective (une cohorte est sui- autres sources possibles de con- vailleurs, explique M. Garrigou.
doublé par rapport aux person- sur les autres études épidémiolo- vie au cours du temps), réputée Exposition généralisée tact avec le produit. Cela dépend à la fois du matériau
nes non exposées, mais cette as- giques, conduites dans plusieurs plus fiable que les études cas té- Or, une telle utilisation, massive, Autre biais potentiel : le calcul constituant l’équipement et du
sociation, si elle est « cohérente pays, qui montrent un tel lien. » moins. Mais elle est aussi sujette a conduit à une exposition géné- intègre le port d’équipements de pesticide. » Du coup, un tra-
quelle que soit l’intensité de l’expo- Outre l’AHS, une autre grande à des biais potentiels. ralisée de la population amé- protection (gants, combinaison) vailleur protégé classé comme
sition », n’est statistiquement si- étude épidémiologique – le North Dans un rapport commandé ricaine. Donc, a fortiori, de la co- et considère que ceux-ci abais- peu exposé peut avoir été, en réa-
gnificative que pour les utilisa- American Pooled Project (NAPP) – par les plaignants d’une action horte de travailleurs agricoles sent de 60 % l’exposition au gly- lité, plus exposé au produit
teurs employant le produit de- est en cours de finalisation. Ce collective lancée aux Etats-Unis suivie. Comment, dans ces condi- phosate. Or, selon Alain Garri- qu’un travailleur non protégé,
puis au moins vingt ans. projet, d’ailleurs partiellement contre Monsanto, Beate Ritz, vi- tions, être sûr d’avoir correcte- gou, professeur d’ergonomie à au contraire considéré comme
Les chercheurs, conduits par Ga- dirigé par les scientifiques impli- ce-présidente du département ment discriminé les individus les l’université de Bordeaux et l’un très exposé… p
briella Andreotti et Laura Beane qués dans l’AHS, consiste à réunir d’épidémiologie de l’université plus exposés des moins exposés ? des rares spécialistes du sujet, stéphane foucart

Le chlorpyriphos, l’insecticide qui a failli être interdit aux Etats-Unis


Malgré des cas d’intoxication, l’administration Trump a prolongé l’autorisation de ce neurotoxique que celle d’Obama voulait bannir

keene (californie) - rompre tour à tour. L’un a vomi, de cultures, la plupart situées en thjustice a relancé l’offensive, des pesticides les plus utilisés du antiréglementations de Donald
envoyée spéciale une autre s’est évanouie. Elle a Californie. Il est pourtant dange- cette fois pour obtenir l’interdic- monde, nous revenons à un pro- Trump le 30 janvier. Les avocats
commencé à se sentir mal. reux pour les femmes enceintes tion pure et simple d’un produit cessus de décision fondé sur des d’Earthjustice ont demandé à la

I l y a les gens qui prennent


les décisions à Washington.
A l’autre bout de la chaîne, il y
a ceux qui en subissent les consé-
quences : Aylin Almanza, par
« J’avais la bouche sèche et les lè-
vres qui tremblaient. » Sans préve-
nir, l’exploitation d’agrumes voi-
sine venait de procéder à un épan-
dage de chlorpyriphos, un pesti-
et peut entraîner des retards de
développement importants sur le
cerveau des enfants.
La lutte contre les pesticides est
inscrite dans l’histoire sociale de
dont l’épandage affecte particu-
lièrement les communautés défa-
vorisées. Selon le bureau de la
santé publique de Californie, les
enfants latinos ont 46 % de proba-
faits scientifiques solides plutôt
que sur des résultats prédéter-
minés », a assuré Scott Pruitt, le
nouvel administrateur de l’EPA.
En mai, l’agence a retardé aussi la
justice communication des cour-
riels officiels ayant précédé la
volte-face de l’EPA.
A la suite de la plainte de la Uni-
ted Farm Workers, le commissaire
exemple, domiciliée à Taft, une cide si nocif qu’il est interdit pour la Californie. Cesar Chavez, le syn- bilités de plus que les autres d’être mise en œuvre d’une circulaire à l’agriculture du comté de Kern a
bourgade agricole de la vallée cen- l’usage domestique depuis 2000 dicaliste paysan héros des luttes scolarisés dans un établissement qui exigeait que les employés pris des sanctions. La Sun Pacific
trale californienne, dans le comté aux Etats-Unis. des années 1970, lui a « consacré situé à moins de 400 m d’une ex- chargés de l’application des pesti- Farming, qui répandait du Vulcan
de Kern, où la journée de travail Aylin s’est rendue aux urgences sa dernière grève de la faim », rap- ploitation utilisant des pesticides. cides les plus dangereux aient (chlorpyriphos) sur ses mandari-
commence à 6 h 30. Aylin, 17 ans, à Taft. Comme elle, 35 travailleurs pelle Eriberto Fernandez, le coor- Finalement, en 2015, sous Barack une formation adéquate. nes, à 800 m de l’exploitation de
est la fille d’un couple d’ouvriers ont fait état de malaises, mais donnateur de la United Farm Obama, l’EPA a décidé d’interdire choux, a dû verser 30 250 dollars
agricoles. Elle a fini ses études se- seuls cinq ont vu un médecin. La Workers Foundation. Le syndicat l’insecticide en raison du danger Sanctions prises pour « non-respect des instructions
condaires et elle se destine à être plupart des autres, probablement – toujours situé dans la propriété de contamination de l’eau pota- Les défenseurs de l’environne- d’utilisation figurant sur les éti-
coiffeuse. Ce jour-là, c’était le sans papiers, ont préféré disparaî- des Monts Tehachapi où Chavez ble. Mars 2017 devait marquer la ment n’ont pas pu s’empêcher de quettes ». Grapeman Farms, qui
5 mai, Cinco de mayo, la fête des tre avant l’arrivée des pompiers. est enterré, près de Keene –, a eu fin du chlorpyriphos. La mesure relever que Dow Chemical, la pulvérisait au même moment un
Mexicains des Etats-Unis, elle gain de cause en 2000 lorsque n’a jamais été appliquée. compagnie qui commercialise fongicide au soufre, s’est vu infli-
aidait à ramasser des choux dans Retards de développement l’Agence américaine de protection Le 29 mars, l’EPA, désormais di- le chlorpyriphos, est bien en ger une pénalité de 20 000 dollars,
une ferme. « Je n’aurais jamais cru Le chlorpyriphos, un neurotoxi- de l’environnement (EPA) a inter- rigée par l’administration Trump, cour auprès de l’administration pour la même raison. Aylin Al-
que ce serait le jour le plus effrayant que, s’attaque au système ner- dit l’usage domestique du chlor- a décidé de reporter toute déci- Trump. Son président, Andrew Li- manza et les autres ouvriers agri-
de ma vie », témoigne-t-elle. veux des insectes. Les fermiers le pyriphos, jugeant qu’il posait des sion pour cinq ans, le temps d’ob- veris, a donné un million de dol- coles n’ont même pas été indem-
La cueillette venait de commen- trouvent pratique et pas cher. risques « inacceptables » pour la tenir « des études scientifiques lars (850 000 euros) au comité or- nisés, souligne Eriberto Fernan-
cer, quand une odeur s’est répan- L’insecticide est encore utilisé par santé des enfants. plus poussées ». « En révoquant les ganisateur des cérémonies d’in- dez : le produit de l’amende est
due dans les champs. Aylin a vu quelque 40 000 exploitations aux En 2007, l’association de dé- mesures prises par l’administra- vestiture du 45e président. Il était tombé dans les caisses de l’Etat. p
ses camarades de travail s’inter- Etats-Unis, sur une cinquantaine fense de l’environnement Ear- tion précédente pour interdire l’un présent à la signature du décret corine lesnes

La Culture ce n’est que de belles lettres,


c’est aussi de beaux chiffres
> 1,2 million d’auditeurs quotidiens*
> 7,4 millions de visites tous supports confondus** L’esprit
> 20 millions de téléchargements de podcasts*** franceculture.fr
d’ouver-
*
Médiamétrie 126 000, sept.-oct. 2017, LV, AC, 13+, 5h-24h **
AT internet, oct. 2017 ***
eStat, oct. 2017
@Franceculture ture.
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FRANCE
0123
MERCREDI 22 NOVEMBRE 2017

C O N G R È S D E L’A M F

Macron tente de se réconcilier avec les maires


Le président a invité à l’Elysée 1 500 élus, au grand dam des dirigeants de l’AMF, qui se sentent écartés

L’
invitation a rendu fu-
rieux la plupart des diri-
geants de l’Association
des maires de France
(AMF), d’autant qu’elle a été lancée
à leur insu par l’intermédiaire des
préfets : Emmanuel Macron a
convié à l’Elysée 1 500 maires et
élus, mercredi 22 novembre, la
veille de son discours de clôture du
centième congrès de l’AMF. Une ré-
ception qui confine au « congrès
parallèle » voire au « contre-con-
grès », s’offusque-t-on dans les
rangs de l’association où l’on iro-
nise sur les efforts déployés par
« Macron pour se garantir une salle
relativement calme jeudi ». Dérou-
ler le tapis rouge du palais prési-
dentiel sous les pieds des édiles
ne suffira pourtant pas à combler
le fossé qui s’est creusé entre eux
et le chef de l’Etat. Après sa pro-
messe le 17 juillet d’associer, dans
le cadre d’un « pacte girondin », les
élus locaux à chacune des déci-
sions de l’Etat les concernant,
M. Macron a laissé s’instaurer à
l’automne la crainte que son gant
de velours ne cache la main de fer
de Bercy, prompte à les priver de
leurs ressources financières sans
leur demander leur avis.

Un « dialogue direct »
Confrontés à une grogne diffuse,
relayée par la puissante caisse de
résonance des doléances des élus
qu’est l’AMF, l’Elysée et Matignon
cherchent depuis des semaines à
rétablir l’idée initiale d’un « con-
trat de confiance » avec les territoi-
res. Avec, pour l’exécutif, une diffi- Francois Baroin, président de l’Association des maires de France, lors de l’ouverture du congrès de l’association, à Paris, le 21 novembre. JULIEN MUGUET POUR « LE MONDE »
culté : l’absence de relais pour por-
ter la bonne parole présidentielle
et contrecarrer les critiques, faute de la diminution des emplois resserré les liens avec les associa- Collomb, ex-président délégué de auditoire composé principale-
de troupes de La République en aidés. Et surtout pour les rassurer
Le chef de l’Etat tions. Depuis la première Confé- l’association. Mardi, le ministre de ment de maires de petites com-
marche dans les collectivités et du sur le plan d’économies de 13 mil- se prépare rence des territoires en juillet, de l’intérieur a du reste prévu de rece- munes, M. Macron devrait vanter
fait de la fin du cumul des man- liards d’euros sur cinq ans que leur rituelles discussions hebdomadai- voir les maires place Beauvau. Et les efforts engagés pour réduire la
dats. « Comment parler aux mai- a présenté M. Macron en juillet. La
de nouveau à un res sont organisées entre les mi- M. Philippe, qui s’exprimera mardi fracture numérique ou son inten-
res ? On a fait un véritable brains- lettre visait à « rétablir la vérité des grand exercice nistres ou leurs conseillers et les au congrès de l’AMF, a prévu une tion de revoir les conditions du
torming entre nous pour répondre prix » selon un conseiller ministé- associations d’élus sur les politi- nouvelle audition des présidents transfert de la compétence eau po-
à cette question », confie un riel. « Vos dépenses vont continuer
de pédagogie ques publiques qui les concernent. d’association le 30 novembre. table des communes aux inter-
conseiller. La stratégie arrêtée a à augmenter mais nous vous de- jeudi devant « On n’a jamais vu autant les élus communalités, l’un des princi-
conduit les préfets et tous les mi- mandons de maîtriser le rythme de locaux », souligne le cabinet de Ju- En régions plutôt qu’à Paris paux motifs d’inquiétude des élus
nistres à s’impliquer depuis des se- cette augmentation », écrit M. Phi-
l’AMF lien Denormandie, secrétaire Après cette intense opération de ruraux.
maines dans la recherche d’« un lippe soucieux de tordre le cou à d’Etat auprès du ministre de la co- l’exécutif pour revenir en grâce S’il ne peut venir les mains vides,
dialogue direct » avec les maires. l’idée que le gouvernement veut hésion des territoires. auprès des maires, le chef de l’Etat M. Macron devra toutefois réser-
Le premier à avoir pris l’initiative les contraindre à faire de nouvelles l’intérieur, aura été la plus au con- MM. Macron et Philippe sont se prépare de nouveau à un grand ver une partie de ses annonces
est Edouard Philippe. Après avoir coupes claires dans leur budget tact des associations départemen- aussi montés en premier ligne. exercice de pédagogie jeudi de- pour la deuxième conférence na-
écrit en août aux 35 400 maires malgré la stabilité promise des do- tales de maires depuis septembre. François Baroin, le patron de l’AMF, vant l’AMF. Mais il ne pourra pas se tionale des territoires, le 14 dé-
pour les interroger sur leurs prin- tations de l’Etat. Le 8 novembre Mais Françoise Nyssen, ministre et André Laignel, numéro 2, ont été contenter d’un discours de la mé- cembre. Soucieux de montrer
cipales préoccupations, le premier tous les ministres ont reçu une cir- de la culture et Mounir Mahjoubi, reçus plusieurs fois par le chef de thode. « Les maires ne compren- qu’il est à l’écoute de la « France pé-
ministre s’est adressé à nouveau à culaire de Matignon leur enjoi- secrétaire d’Etat chargé du numé- l’Etat. Ils le seront encore mercredi draient pas qu’il n’annonce pas des riphérique », M. Macron a prévu de
eux le 23 octobre dans un courrier gnant de contribuer à l’opération rique sont aussi allés en régions à la veille de son discours, porte de mesures pour desserrer la con- la tenir en en régions. Au grand
visant à corriger « les allégations « clarification » auprès des maires. vanter leur action auprès des élus. Versailles. Président de France ur- trainte financière des communes », dam de certaines associations
trompeuses » diffusées « massive- Mobilisée au premier chef, Jac- Tout en activant ses propres baine, Jean-Luc Moudenc, maire prévient Olivier Dussopt, prési- d’élus qui préféreraient que le ren-
ment » au sujet de la baisse des queline Gourault, ministre auprès circuits courts de communica- (Les Républicains) de Toulouse a dent (PS) de l’Association des peti- dez-vous ait lieu à Paris. p
aides personnalisées au logement, de Gérard Collomb, ministre de tion, le gouvernement a aussi quant à lui l’oreille de Gérard tes villes de France. Face à un béatrice jérôme

Sébastien Lecornu, missi dominici auprès des élus locaux


Le secrétaire d’Etat à la transition écologique rencontre de nombreux maires et tente de défendre auprès d’eux l’action du chef de l’Etat

J e vais bientôt pouvoir écrire un


guide touristique des cham-
bres des préfectures ! » Sébas-
tien Lecornu s’en amuse mais
depuis la rentrée, le secrétaire
Macron a annoncé vouloir faire
économiser 13 milliards d’euros
aux collectivités. « Je suis moi-
même un élu local, c’est mon ADN,
ma légitimité. Je suis bien placé
droite comme de gauche, c’est quel-
que chose qu’on pratique tous les
jours quand on est maire », assure
le natif d’Eaubonne (Val-d’Oise),
qui veut croire que le congrès de
diplômé en droit se plonge des
heures durant dans les résultats
des bureaux de vote ; il est devenu
incollable sur la sociologie des cir-
conscriptions, un trait de caractère
défendu des idées venues du gaul-
lisme social, teintées de libéralisme
au sens de Tocqueville », se dé-
fend-il, ajoutant qu’il « se sent plus
à l’aise avec Emmanuel Macron
cation légitime de la gesticulation
politique », nuance le lieutenant de
réserve dans la gendarmerie.
A Matignon, où Edouard
Philippe et Sébastien Lecornu
d’Etat à la transition écologique est pour décoder leurs inquiétudes », l’Association des maires de France qu’il partage avec le chef de l’Etat. qu’avec la doctrine que les Républi- aiment s’amuser à imiter Nicolas
partout. Un jour à Saint-Nazaire justifie l’ex-membre du parti Les (AMF), qui devait débuter mardi cains développent désormais ». Sarkozy, on se dit persuadé que le
(Loire-Atlantique), le lendemain à Républicains (LR), qui avait arra- 21 novembre, ne se transformera « Pas de dissonance » Même s’il n’a pas, pour l’instant, jeune secrétaire d’Etat ira loin.
Limoges (Haute-Vienne), un autre ché la ville de Vernon (Eure) à la pas en happening anti-Macron. Adepte du porte-à-porte lors de adhéré à La République en mar- « C’est une bête politique, avec un
à Charleville-Mézières (Ardennes). gauche en 2014, avant de lui pren- Plus jeune assistant parlemen- ses campagnes, l’ex-LR reconnaît che. « Il est très malin, très astu- vrai pif, il apporte beaucoup à
Au total, le benjamin du gouverne- dre la présidence du conseil dépar- taire (à 19 ans), plus jeune con- faire de la politique à l’ancienne. cieux, très politique, apprécie Do- Nicolas Hulot dans sa connais-
ment s’est rendu dans 18 départe- temental en 2015. A entendre M. seiller ministériel (à 22 ans), Sébas- « Chez lui, dans l’Eure, il a décoré minique Bussereau, président (LR) sance des territoires », estime un
ments depuis cet été, passant sou- Lecornu, si l’histoire entre le chef tien Lecornu a, à 31 ans, un long tout le monde, même les vaches », du conseil départemental de la proche du premier ministre. « A
vent une ou deux nuits sur place. de l’Etat et les élus locaux a mal parcours politique derrière lui. « Je s’amuse un proche. Ses anciens Charente-Maritime. Il connaît les cheval entre l’ancien et le nouveau
Sa mission, confiée par le pre- commencé, c’est plus par incom- viens de l’ancien monde », assume collègues restés à droite ont beau codes, sait comment on traite un monde, il est très utile, abonde un
mier ministre, Edouard Philippe, préhension que par idéologie. celui qui fut directeur de campa- l’accuser de « trahison », lui assure président de chambre d’agricul- conseiller. Il est très bon en com-
ainsi qu’à Jacqueline Gourault, mi- « Les élus sont convalescents du gne de Bruno Le Maire lors de la qu’« il n’y a pas de dissonance entre ture, un responsable d’association. munication, il a la trempe d’un
nistre auprès de Gérard Collomb ? quinquennat précédent, des coups dernière primaire de la droite. ce qu’[il a] été hier et ce qu’[il est] Ils ne sont pas si nombreux à savoir Castaner ou d’un Darmanin ! » Des
Rencontrer le plus possible d’élus de rabot incessants. Mais il n’y a Comme Gérald Darmanin, le mi- aujourd’hui ». « Je ne me suis pas le faire au gouvernement. » « Mais références en macronie. p
locaux, afin d’endiguer la grogne pas de rejet du macronisme : tra- nistre de l’action et des comptes découvert un nouveau logiciel du cela veut dire que je sais aussi dis- matthieu goar
qui monte depuis qu’Emmanuel vailler avec les bonnes volontés, de publics, dont il est proche, le jour au lendemain. J’ai toujours tinguer ce qui relève de la revendi- et cédric pietralunga
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MERCREDI 22 NOVEMBRE 2017

Divergences à droite avant le congrès Modération des dépenses,


Les discours des représentants des élus vis-à-vis de l’exécutif ne font pas l’unanimité mode d’emploi
Un rapport propose une nouvelle « règle
du jeu » entre l’Etat et les élus locaux

A
l’heure de l’ouverture, à Paris, de mon pays et, au fond, le succès de cette ces dernières semaines ont permis de cer-
du 100e congrès des maires, lors action. » ner les points sur lesquels il était possible
duquel devaient intervenir le Nombreux, à droite, sont ceux qui esti- d’agir. En privé, les principaux responsa-
premier ministre, Edouard Phi-
lippe, mardi 21 novembre, et le président
de la République, Emmanuel Macron, en
clôture, le 23 novembre, les ponts sont-ils
irrémédiablement coupés entre l’exécutif
ment qu’une posture de guerre idéologi-
que et de refus du dialogue institutionnel
est vouée à l’échec. Depuis le mois d’octo-
bre, les rendez-vous se sont multipliés en-
tre les représentants des élus locaux et
bles reconnaissent que ceux-ci se sont dé-
roulés dans un climat « apaisé », « aima-
ble » et « constructif ». Certains convien-
nent que, sur les 13 milliards d’euros de
modération de la hausse de leurs dépen-
D epuis vendredi 17 no-
vembre, le gouverne-
ment dispose d’un mode
d’emploi pour réaliser l’objectif de
maîtrise des dépenses qu’il assi-
gions), qui réalisent les deux tiers
des dépenses de fonctionnement
locales, passent chacune « un
contrat » avec les préfets pour s’en-
gager à ne pas dépasser 1,2 % de
et les élus locaux ? Le président de l’Asso- l’exécutif, au niveau ministériel, avec le ses de fonctionnement demandés aux gne aux collectivités locales. Il lui hausse pendant trois à cinq ans.
ciation des maires de France (AMF), Fran- premier ministre et le chef de l’Etat. Mer- collectivités territoriales sur la durée du a été livré par un groupe d’élus et Dans ce cadre, 131 communes de
çois Baroin (Les Républicains, LR), « alerte credi 15 novembre, les six associations quinquennat, les choses ont déjà bien de hauts fonctionnaires piloté par plus de 50 000 habitants et 81 in-
solennellement l’Etat sur le risque de rup- d’élus du bloc communal – AMF, France ur- avancé. « Il faut arrêter avec le discours Alain Richard, sénateur (LRM) du tercommunalités de 150 000 habi-
ture ». Le collectif Territoires en colère, baine (grandes villes), Villes de France (vil- alarmiste sur le thème “attention recentra- Val-d’Oise, et Dominique Bur, an- tants seraient concernées.
lancé à l’initiative d’élus de gauche, dont les moyennes), APVF (petites villes), AMRF lisation”, ajoute M. Moudenc. La contrac- cien patron de la direction géné- Le rapport propose d’étendre la
François Kalfon, membre de la direction (maires ruraux) et AdCF (communautés) – tualisation est une bonne chose, c’est nous rale des collectivités locales. Dans contractualisation à toutes les col-
du PS, dénonce dans un appel « le mépris se sont retrouvées pour tirer le bilan de ces qui l’avions demandée. Alors il faut à un un rapport intermédiaire que lectivités dont les dépenses de
social et territorial [avec lequel] le gouver- rencontres et esquisser une ligne de moment être cohérent. Elle se fait, nous Le Monde s’est procuré, la mission fonctionnement annuelles ont dé-
nement orchestre la reprise en main tech- conduite lors du congrès des maires et n’allons pas crier au scandale. » Richard-Bur explique comment passé 30 millions d’euros en 2016.
nocratique des collectivités locales par une avant la conférence nationale des territoi- Reste en revanche un point de blocage répartir l’effort entre collectivités Plus le nombre des collectivités
“élite sachante” ». Quant au grand favori à res (CNT), prévue le 14 décembre. sur la « règle d’or » instituée par le projet de pour le rendre moins douloureux. qui contractualisent est impor-
la présidence de LR, Laurent Wauquiez, il loi de programmation pour les communes tant, plus la contrainte peut être
multiplie les charges lourdes contre celui « Bras de fer » de plus de 10 000 habitants et les intercom- Bonus de dotations assouplie. Ce critère permet de
qu’il qualifie de « Trump à la française » et Pour certains, l’heure est venue de repren- munalités de plus de 50 000 habitants, et Le projet de loi de programmation faire supporter l’effort à plus de
dont il fustige le « désert de l’âme » et la dre le chemin de la négociation, en réalité plafonnant leur ratio d’endettement. Elles des finances publiques (LPFP), en 600 collectivités, dont 360 com-
« haine de la province ». déjà bien engagée. « Le congrès de l’AMF y voient une atteinte à leur libre adminis- cours d’examen au Parlement, munes et 141 intercommunalités
Des propos qui sont loin de faire l’unani- donne lieu à des postures très dures alors tration et un risque majeur pour l’investis- contraint les élus locaux à ne pas qui totalisent 75 % des dépenses
mité dans les rangs de la droite et qui ont qu’en réalité, nous avons gagné beaucoup sement des collectivités. Ces dernières ont augmenter de plus de 13 milliards totales de fonctionnement.
amené bon nombre de responsables LR à de terrain, constate Jean-Luc Moudenc, fait passer le message et attendent un geste d’euros leurs dépenses de fonc- Le Sénat a fait passer en première
prendre leurs distances. Gérard Larcher, maire (LR) de Toulouse et président de sur ce point. De même sur la question du tionnement d’ici à 2022. L’effort de lecture de 1,2 % à 1,9 % le montant
l’influent président du Sénat auprès des France urbaine. Je veux bien qu’on dise logement social, où les négociations ont modération est semblable à celui du plafond de hausse prévu initia-
élus, a déploré des propos « excessifs ». qu’on n’est jamais contents mais, au bout nettement progressé. Les élus espèrent des consenti sous le quinquennat Hol- lement. Le gouvernement pour-
M. Baroin, désireux de se mettre en retrait d’un moment, il n’y aura plus grand monde annonces précises lors du congrès. lande mais, en se cumulant après rait transiger, lors de l’examen en
du débat interne à LR, tout en restant très avec nous. Peut-être des élus, mais plus la Très clairement, cependant, se dessine cinq années de diète, il rend la maî- seconde lecture à l’Assemblée, sur
critique en ce qui concerne les relations population. Nous sommes plutôt dans une ligne de différenciation parmi les élus trise des dépenses de plus en plus le pourcentage de hausse autorisé.
avec les collectivités territoriales, con- l’idée d’être acteurs aux côtés de l’Etat locaux et leurs représentants, les discours compliquée pour les élus. Pour y La mission suggère aussi que les
vient que M. Macron a « déplacé les lignes » qu’être contradicteurs permanents, dans de campagne ne reflétant parfois qu’im- parvenir malgré tout, le projet de collectivités vertueuses se voient
et « prend des mesures et porte des discours un bras de fer que, de toute façon, nous n’al- parfaitement la réalité des relations avec LPFP imaginé par Bercy prévoit accorder un bonus de dotations
que, même à droite, on n’osait plus porter ». lons pas gagner. » La différence de ton est l’exécutif. p que les 319 plus grosses collectivi- pour leurs investissements. p
Il va même plus loin : « Je souhaite le succès notable. D’autant que les rendez-vous de patrick roger tés (communes, départements, ré- béatrice jérôme

LA CHAÎNE
QUI EXPLIQUE L’INFO
PASCAL YVES CLÉLIE ROMAIN SONIA LAURENCE JEANPIERRE
PRAUD CALVI MATHIAS DESARBRES MABROUK FERRARI ELKABBACH

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10 | france 0123
MERCREDI 22 NOVEMBRE 2017

A Nouméa,
après l’accord,
la division
La situation en Nouvelle-Calédonie
se tend, malgré le deal passé à Paris

nouméa – envoyé spécial L’issue positive du comité des si-


gnataires laissait espérer un déblo-

Q
uinze jours après la cage. Il n’en est rien, chacun conti-
réunion du comité des nuant de camper sur ses posi-
signataires de l’accord tions : au gouvernement, la droite
de Nouméa, le 2 no- anti-indépendantiste détient six
vembre à Matignon, et sièges sur onze, dont cinq pour la
à dix jours de la visite en Nouvelle- « plate-forme » associant trois for-
Calédonie du premier ministre, mations loyalistes et un pour Les
Edouard Philippe, qui débutera le Républicains calédoniens, détenu
1er décembre, la situation sur le ter- par Sonia Backès, chef de file de la
ritoire semble connaître un net re- « droite dure » mais qui envisage
gain de tension. L’accord politique désormais de créer son propre
qui avait été conclu lors du comité parti et de se rapprocher de… La
des signataires, notamment sur la République en marche. Les forma-
composition de la liste électorale tions indépendantistes occupent Louis Mapou (Union nationale pour l’indépendance), à Nouméa le 16 novembre. JEAN-CLAUDE COUTAUSSE/FRENCH-POLITICS POUR « LE MONDE »
appelée à prendre part au référen- les cinq autres sièges. Faute d’ac-
dum de novembre 2018 sur l’ac- cord, la convocation du gouverne- bliquement, a tenu un discours de tants. Ce temps est révolu. Nous de- pour une consultation « sincère ». dépendance (UNI) au Congrès, « la
cession de la Nouvelle-Calédonie à ment prévue mardi 21 novembre « fermeté ». « Au lendemain du manderons à tous nos jeunes ci- Le RIN, dont le PT est membre, éva- décolonisation d’un pays ne s’ar-
la pleine souveraineté, avait été pour élire son président a été an- 4 novembre 2018 [c’est la première toyens de prendre le relais pour s’in- lue à pas moins de 12 000 le nom- rête pas le jour de l’indépendance ».
quasi-unanimement salué en mé- nulée. Une ultime tentative de- fois qu’un dirigeant calédonien vestir, et de s’approprier leur pays. » bre de Kanak qui ne figureraient Mais il refuse d’entrer dans une
tropole. Les représentants indé- vrait avoir lieu le 28 novembre évoque une date pour le référen- Nombreux sont ceux qui y voient pas sur la liste électorale et qui stratégie de surenchère à la veille
pendantistes et non-indépendan- mais, si elle échoue, Edouard Phi- dum], rien ne sera plus pareil, a-t-il une menace du retour à des for- n’auraient pas été pris en compte du référendum. « Le Palika a tou-
tistes avaient su taire une partie de lippe arrivera le 1er décembre sur prévenu. Les indépendantistes ne mes d’action violentes, alors par le comité des signataires. « Le jours assumé les engagements qu’il
leurs divergences, au terme de dix un territoire sans président. seront plus liés par leur parole. » qu’une forte proportion de jeunes boycottage est une porte qu’on prend. Il ne se trompe pas de com-
heures de négociations, pour par- Surtout, après le climat consen- Il écarte ainsi toute éventualité Kanak, désœuvrés, livrés à eux- peut ouvrir mais on ne l’ouvrira que bat politique », lance-t-il, tout en
venir à une solution consensuelle. suel qui avait prévalu à Paris, le ton d’un nouvel accord institutionnel mêmes, laissés-pour-compte et si on a la bonne clé », poursuit souhaitant que les discussions se
Un pas important sur la voie de la s’est durci chez les indépendantis- entre les différentes composantes souvent sous l’emprise de l’alcool M. Uregeï. Mais le congrès du PT a poursuivent au sein du FLNKS.
tenue de la consultation sur des tes, minés par de profondes divi- du territoire, alors que la probabi- ou des psychotropes, constitue décidé de ne pas se prononcer Dernier signe des tensions fortes
bases acceptées par tous. sions. Lors du congrès de l’Union lité est grande que le non à l’acces- une matière inflammable qui peut pour l’instant sur le boycottage. au sein du mouvement indépen-
Ce climat d’apaisement n’aura calédonienne (UC), principale for- sion à la pleine souveraineté de la rapidement embraser le territoire. Autre composante du FLNKS, le dantiste. Dimanche 19 novembre,
pas résisté au trajet retour vers l’ar- mation du Front de libération na- Nouvelle-Calédonie soit majori- Parti de libération kanak (Palika), lors d’une élection municipale
chipel océanien. Sitôt revenus sur tionale kanak et socialiste (FLNKS), taire. « Nous ouvrirons ainsi des né- « Boycottage » dirigé par le président de la pro- partielle provoquée par la démis-
le sol calédonien, les principaux qui s’est tenu du 10 au 12 novem- gociations bilatérales et il y aura Le discours du président de l’UC, vince Nord, Paul Néaoutyine, ac- sion de huit conseillers du Palika,
acteurs ont de nouveau laissé libre bre, le président sortant, Daniel très clairement le peuple premier largement réélu à la tête de son teur historique du dossier calédo- la liste du maire sortant, Daniel
cours à leurs divisions internes, Goa, qui s’exprime rarement pu- [les Kanak] d’un côté et la puis- mouvement, fait écho aux criti- nien, s’est également réuni en con- Goa, tout juste réélu à la prési-
entremêlées de vieilles rivalités sance administrante de l’autre, ques portées par le Rassemble- grès au retour du comité des signa- dence de l’UC, a été battue par la
et de rancunes tenaces. Chacun avec les partisans du non qui se ment indépendantiste et nationa- taires. Il continue de prôner, liste présentée par le Palika. Un ré-
ayant déjà en tête les prochaines rangeront derrière le pays de leur liste (RIN) et le Parti travailliste (PT) cependant, une démarche négo- sultat qui peut être interprété
élections territoriales prévues en « Nous avons fait choix », a indiqué M. Goa. de Louis Kotra Uregeï, qui était en ciée et « salue l’engagement de comme le désaveu d’une stratégie
mai 2019, six mois après le réfé- Et le dirigeant indépendantiste congrès le 18 novembre. Le prési- l’Etat à poursuivre le processus en de durcissement mais qui risque
rendum. Le premier résultat est
suffisamment de lancer une véritable mise en dent du PT évoque ouvertement cours ». « Si on n’arrive pas à l’indé- surtout d’envenimer les relations
que, depuis plus de trois mois, le d’efforts, accepté garde qui sonne comme un défi. l’hypothèse d’un boycottage du ré- pendance tout de suite, parlons de au sein du courant indépendan-
gouvernement calédonien n’a « Sur le terrain politique, nous n’at- férendum. Dénonçant la « compli- l’accession à la pleine souveraineté tiste. A la veille de la venue du pre-
plus de président de plein exercice.
l’inacceptable » tendrons plus car nous avons suffi- cité » de l’Etat avec les non-indé- avec partenariat », explique son mier ministre, la situation politi-
L’exécutif élu par le congrès le DANIEL GOA samment fait d’efforts, accepté pendantistes – « c’est un Etat cyni- porte-parole, Charles Washetine. que en Nouvelle-Calédonie est dé-
31 août en est réduit à expédier les président sortant l’inacceptable, renoncé à nos pro- que » –, il estime que les conditions Pour Louis Mapou, chef de file du cidément pleine d’incertitudes. p
affaires courantes. de l’Union calédonienne pres intérêts, a-t-il lancé aux mili- ne sont pas réunies aujourd’hui groupe Union nationale pour l’in- patrick roger

Wauquiez rejette Le Pen et tend la main à son électorat « PARAD I S E PAPERS »


L’Assemblée renforce
les sanctions pour les
« grands fraudeurs »
La patronne du FN avait invité le favori à la présidence des Républicains à lui proposer une alliance politique L’Assemblée nationale a ren-
forcé, lundi 20 novembre, les
sanctions contre les « grands
fraudeurs » du fisc ayant uti-

L es tranchées sont creusées,


et la guerre de position s’ac-
centue entre le Front natio-
nal et Laurent Wauquiez. Et cha-
cun, chaque jour, d’avancer ou de
veux parler à ceux que nous avons
déçus et qui sont allés voter pour le
Front national », a lancé le candi-
dat à la présidence du parti Les
Républicains (LR), lundi 20 no-
« Je veux
m’adresser
à tous ceux
sarkozysme – Brice Hortefeux,
Eric Ciotti, Guillaume Larrivé, et
autres – sont persuadés de l’oppor-
tunité à saisir. D’autant plus qu’à
court terme cet électorat de droite
est possible de voter pour Wau-
quiez. Elle crée un appel d’air », ana-
lyse un membre de son équipe. « Je
veux m’adresser à tous ceux qui ont
compris que le FN était une im-
lisé une fausse identité, de
faux documents ou des
comptes bancaires à l’étran-
ger. Ils sont désormais passi-
bles d’une peine passant de 2
reculer de quelques mètres dans le vembre à Paris, s’attardant plus qui ont compris dure semble plus facile à recon- passe, une machine à casser les es- à 3 millions d’euros.
no man’s land qui les sépare, au qu’à l’accoutumée sur le parti quérir que la droite modérée qui, poirs », confie le candidat, qui ap-
gré des électeurs à conquérir. « Je d’extrême droite. « Je le dis une
que le FN était selon les sondages, soutient pour puie ainsi sur le réflexe de vote J UST I C E
bonne fois pour toutes, tant que je une impasse » le moment l’action économique utile en rappelant que les scores Ouverture d’une enquête
m’occuperai de notre famille Les du président Macron. du FN en 2012 et 2017 avaient à l’encontre de Filoche
LAURENT WAUQUIEZ
Républicains, il n’y aura jamais Si Laurent Wauquiez tente de abouti aux élections de François Le parquet de Paris a ouvert,
d’alliance avec Marine Le Pen. » Fin maintenir la digue qui sépare la Hollande et d’Emmanuel Macron. lundi 20 novembre, une en-
de non-recevoir du favori de la droite traditionnelle du parti d’ex- Dans cette guerre des droites, quête préliminaire à l’encon-
- CESSATIONS DE GARANTIE course LR à la présidente du FN. présidentielle ; les Français ont trême droite, la proposition de Marine Le Pen a pris le risque de tre de Gérard Filoche pour
Un sermon habituel pour Lau- tout simplement compris qu’elle Marine Le Pen est tout de même tendre le bâton de sa propre mar- « provocation à la haine ou à
LOI DU 2 JANVIER 1970 - DECRET
D’APPLICATION N° 72-678 DU 20 rent Wauquiez, mais d’autant plus n’était pas à la hauteur », a estimé venue saler la plaie béante des Ré- ginalisation, en s’exposant au re- la violence à l’égard d’une per-
JUILLET 1972 - ARTICLES 44 attendu au lendemain de la main le président de la région Auver- publicains, divisés entre ailes fus de tout rapprochement. Et la sonne en raison de son origine
QBE FRANCE, sis Cœur Défense – Tour tendue par Marine Le Pen. Celle-ci gne-Rhône-Alpes. Aux côtés de droitière et modérée. M. Wau- garde de Laurent Wauquiez ne ou de son appartenance à une
A – 110 esplanade du Général de Gaulle
– 92931 LA DEFENSE CEDEX (RCS l’avait en effet invité à « sortir de jeunes élus, il a une nouvelle fois quiez, ancien chantre de la droite manque pas l’occasion de le lui ethnie, une nation, une race
NANTERRE 414 108 708), succursale l’ambiguïté », dimanche, lors du expliqué qu’il voulait reconquérir sociale devenu incarnation de la rappeler. Pour Geoffroy Didier, le ou une religion » après la dif-
de QBE Insurance (Europe) Limited,
Plantation Place dont le siège social est à Grand Jury RTL-Le Figaro-LCI, et, les électeurs de droite partis au ligne identitaire, est ainsi critiqué directeur de campagne du candi- fusion d’un Tweet à caractère
30 Fenchurch Street, London EC3M 3BD, « s’il est sincère (…), à proposer une FN, car « il n’y a pas 35 % de fascis- par les plus modérés : Valérie Pé- dat, la présidente du FN « est telle- antisémite visant Emmanuel
fait savoir que, la garantie financière dont alliance politique » au FN. En tes et d’extrémistes en France ». « Je cresse l’accusant de flirter avec le ment désespérée qu’elle essaye de Macron. – (AFP.)
bénéficiait la :
SARL AC IMMO deuxième ligne, le vice-président veux leur dire qu’une nouvelle FN ; d’autres menaçant de quitter faire croire que Laurent Wauquiez
15 Rue des Aqueducs du FN, Louis Aliot, a tiré une nou- droite est en train d’émerger. » le navire LR si l’aile droite du parti voudrait faire alliance avec elle. Affaire Grégory :
42300 ROANNE
RCS: 483 930 996 velle salve lundi matin sur BFMTV, en tenait le gouvernail. Les sou- (…) Marine Le Pen est de moins en Jacqueline Jacob
depuis le 01/01/2008 pour ses activités de : s’estimant prêt à « bâtir des majori- « Marine Le Pen est désespérée » tiens d’Alain Juppé – du moins moins écoutée, car elle est de peut rentrer chez elle
TRANSACTIONS SUR IMMEUBLES ET tés communes pour les municipa- Un parfait résumé de sa stratégie. ceux qui n’ont pas rejoint La Répu- moins en moins crédible. » Les ex- Le contrôle judiciaire de Jac-
FONDS DE COMMERCE cessera de por-
ter effet trois jours francs après publication les » avec Les Républicains et assé- Laurent Wauquiez est en effet per- blique en marche – se sont notam- frontistes récemment divorcés queline Jacob, mise en exa-
du présent avis. Les créances éventuelles nant qu’entre le programme fron- suadé qu’il peut rééditer avec Ma- ment donné jusqu’à début 2018 ne cachent pas, eux non plus, men avec son mari, Marcel,
se rapportant à ces opérations devront
être produites dans les trois mois de cette tiste et celui de Laurent Wauquiez, rine Le Pen ce que Nicolas Sarkozy pour se décider, soit peu après leurs grincements. A l’image du pour l’enlèvement et la sé-
insertion à l’adresse de l’Établissement « il y a des choses qui convergent ». avait réussi à faire avec son père, l’élection du nouveau président Tweet de la députée européenne questration suivis de la mort
garant sis Cœur Défense – Tour A – 110 Quelques heures plus tard, au Jean-Marie Le Pen, entre 2004 et du parti, les 10 et 17 décembre. philippotiste Sophie Montel, de leur petit-neveu Grégory
esplanade du Général de Gaulle – 92931
LA DEFENSE CEDEX Il est précisé qu’il cours de son meeting parisien, 2007 : siphonner son électorat en Plus qu’un piège tendu, la décla- quelques minutes après que en 1984, a été assoupli, lundi
s’agit de créances éventuelles et que le pré- M. Wauquiez a poussé un peu plus tenant un discours ferme sur ration de Mme Le Pen a plutôt été Laurent Wauquiez a repoussé 20 novembre. La septuagé-
sent avis ne préjuge en rien du paiement
ou du non-paiement des sommes dues et loin son raisonnement tradition- l’identité et l’immigration. Depuis considérée par les lieutenants de Marine Le Pen : « Hop ! Hop ! Hop ! naire a été autorisée à rentrer
ne peut en aucune façon mettre en cause nel. « Marine Le Pen s’est perdue le débat raté de la présidente du FN M. Wauquiez comme un « ca- Nouveau flop ! » p chez elle, mais n’a toujours
la solvabilité ou l’honorabilité de la SARL parce que quelque chose s’est cassé face à Emmanuel Macron, le deau ». « En proposant une al- matthieu goar pas le droit de communiquer
AC IMMO.
lors du débat du second tour de la candidat et ses soutiens issus du liance, elle dit à ses électeurs qu’il et lucie soullier avec son époux. – (AFP.)
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12 | france 0123
MERCREDI 22 NOVEMBRE 2017

R É F O R M E D E L’ E N T R É E À L’ U N I V E R S I T É

Le lycée se lance
dans la course
à l’orientation
La réforme de l’entrée à l’université, présentée
en conseil des ministres mercredi, veut mettre
en place un binôme de professeurs principaux
chargés de mieux encadrer les projets des élèves

C’
est la rentrée des « premières vienne à des enseignants déjà professeurs
fois » pour Cloé Gobert, 28 ans, principaux en seconde ou en première.
professeure de sciences écono- Mêmes craintes du côté du syndicat ID-FO
miques et sociales dans un ly- pour qui « la mesure peut être bonne… mais
cée d’Arras. « Première fois » qu’elle enseigne pas sur un tempo aussi serré ».
en classe de terminale, « première fois »
qu’elle est professeure principale. Deux nou- « OUVRIR DES HORIZONS »
veautés en une année scolaire, ça lui sem- Une course contre la montre est engagée :
blait déjà beaucoup. C’était avant qu’un troi- les premiers conseils de classe débutent fin
sième changement ne s’annonce : partager novembre. Cloé Gobert aborde « seule »
la fonction de professeur principal avec un l’échéance. « Je vais faire les choses telles qu’el-
ou une collègue. les ont toujours été faites », confie-t-elle. Aucun
Simple division des tâches ? En réalité, cela va binôme formé non plus dans les neuf classes
au-delà : le projet de loi relatif à l’orientation et à de terminale du lycée de Rouen où Valérie
la réussite des étudiants, que Frédérique Vidal, Degoy enseigne les sciences de la vie et de la
la ministre de l’enseignement supérieur doit terre. Professeure principale, elle l’est « depuis
présenter en conseil des ministres, mercredi longtemps », sans voir en quoi son rôle peut
22 novembre, place le duo de professeurs prin- sortir « valorisé » du changement qui se des-
cipaux en première ligne en matière d’orien- sine. Son syndicat, le SNES-FSU, majoritaire
tation. Accompagner les lycéens dans la cons- dans le secondaire, a d’ailleurs demandé
truction de leur projet, leur apporter un suivi l’abandon d’un projet « qui place les personnels
individualisé, remplir une fiche pour chacun dans une situation difficile », même si, nuance
de leurs vœux, les conseiller sur la progression Mme Degoy, « d’un établissement à un autre, le métier que de le réduire à la transmission des taire est franchi, il s’inscrit bien dans une ten-
attendue d’eux, recevoir les familles… Une pre- la situation n’est pas tout à fait la même ». savoirs. Ecouter, guider, ouvrir des horizons… dance. Même le duo de professeurs princi-
mière version de la « fiche de poste » a circulé Dans celui de Charente où Laurence Juin et c’est inscrit dans notre ADN ! » paux n’est pas tout à fait nouveau : il est déjà à
parmi les chefs d’établissement mi-novembre, Betty Cordier enseignent, l’affaire s’est réglée Depuis au moins une décennie – avec l’appa- l’œuvre dans les lycées dits de zone sensible, et
suscitant un certain émoi. en quinze jours : chacune des sept classes de rition du portail Admission post bac (APB) –, les pas qu’en terminale, sans que les enseignants
Sur le papier, ça ne devrait plus trop bouger. terminale professionnelle a trouvé son bi-
Mettre des enseignants du secondaire ont le regard porté sachent, précisément, dire depuis quand.
Dans la pratique, mettre de tels binômes en nôme. « On travaillait déjà à deux, racontent- binômes bien au-delà du baccalauréat. Et pas seulement
ordre de marche d’ici à décembre – si l’on s’en elles. L’institution désormais nous le recon- en ce qui concerne la frange d’élèves visant les « FIGER L’AVENIR »
tient au calendrier officiel – relève du « défi », naît. » La première enseigne l’histoire-géo et le
en ordre classes préparatoires, sélectives. En 1993, déjà, « Je n’ai connu que ça depuis que j’exerce ce mé-
murmure-t-on dans les lycées, voire d’une français, la seconde le commerce. Ensemble, de marche une circulaire énumère les fonctions du profes- tier », affirme Solène Pichardie, 31 ans, profes-
« mission impossible ». Ce sont 20 000 ensei- elles se considèrent « les mieux placées avec les seur principal : il « facilite l’élaboration par seure de sciences économiques en Seine-
gnants à convaincre rien qu’en lycée général, familles pour parler orientation ». « C’est peut-
d’ici à l’équipe pédagogique des synthèses nécessaires Saint-Denis. L’étendre à tous les lycées serait
estiment les syndicats. Et ce, alors que le vivier être lié à la particularité de la voie profession- décembre à la formulation des avis d’orientation rendues « plutôt une bonne chose, estime-t-elle, si l’ac-
n’est pas « extensible », et que la compen- nelle, avance Laurence Juin. On est au fait de en conseil de classe ». Autre mission : « Concou- compagnement et la formation suivent ». Mais
sation indemnitaire n’est pas précisée, font l’évolution des branches professionnelles, on
relève rir au développement du dialogue » entre les en- pas une « solution miracle » : « On a beau vou-
valoir les proviseurs, contraints de réunir en est aussi très proches de nos lycéens. » Des ly- du « défi », seignants, le conseiller d’orientation-psycho- loir se tenir au courant des évolutions dans l’en-
urgence des conseils pédagogiques pour sus- céens qui, après le bac, ne trouvent pas tou- logue – grand oublié du projet de réforme ac- seignement supérieur, ce n’est pas parce qu’on
citer les vocations. jours de place en BTS et atterrissent en nom-
voire de tuel, regrette la communauté éducative –, les est prof qu’on détient la vérité absolue, prévient
« Où les trouver ? », interroge le syndicat bre à la fac où ils échouent le plus souvent. « En la « mission élèves et leurs parents. La réforme du lycée la jeune femme. On peut se tromper sur nos
SNPDEN, majoritaire parmi les chefs d’établis- s’investissant en amont, on espère rééquilibrer (2010) a encore renforcé ce rôle en misant sur élèves. 17 ou 18 ans, c’est un âge où ils changent
sement, pour qui la mesure est « importante » la balance », glisse l’enseignante. « Je ne crois
impossible » l’accompagnement personnalisé, le tutorat, énormément. »
mais « intenable » si l’on n’autorise pas, en pas qu’on puisse enseigner en 2017 comme on le des stages de remise à niveau… Mêmes réserves de la part d’Erwan, ensei-
tout cas cette année, des « doublons » – autre- faisait par le passé ou même il y a encore dix Si, avec le projet de réforme porté par le gou- gnant dans le Val-de-Marne, qui a requis l’ano-
ment dit, que la fonction en terminale re- ans, fait valoir Betty Cordier. C’est méconnaître vernement aujourd’hui, un pas supplémen- nymat. « On a des élèves très moyens qui, avec

« Comment voulez-vous que les familles s’y retrouvent ? »


Avec son plan étudiants, le gouvernement espère faciliter le choix des lycéens souvent perdus face au maquis des formations

Q uelles études après le


bac ? Benoît, en ter-
minale littéraire à Vou-
ziers (Ardennes), n’en a
« aucune idée ». A un moment, il
de boussole. Selon un sondage
OpinionWay réalisé en 2015 pour
le réseau social LinkedIn auprès
d’un échantillon de 1 907 étu-
diants, les deux tiers (67 %)
c’en est devenu effrayant, souligne
le sénateur (LR) Guy-Dominique
Kennel, auteur, en 2016, d’un rap-
port critique sur l’orientation.
Comment voulez-vous que les fa-
conseillers d’orientation-psycho-
logues, rebaptisés, en 2017, « psy-
chologues de l’éducation natio-
nale ». Boucs émissaires faciles,
ces personnels cristallisent sou-
teur de CIO. Leur petit nombre,
couplé à la multiplicité de leurs
missions, rend impossible un suivi
individuel des élèves tout au long
de leur scolarité. »
patient, ce serait à lui de prescrire
ce qu’il faut faire, observe Olivier
Brunel, chef de service académi-
que de l’information et de l’orien-
tation. C’est parfois difficile à en-
avait pensé au métier d’avocat, auraient aimé être davantage ac- milles s’y retrouvent dans ce laby- vent les rancœurs liées aux er- tendre, mais s’orienter, ce n’est pas
mais « je ne me vois plus là-de- compagnés. Le choix d’orienta- rinthe de sites qui traitent des filiè- reurs d’aiguillage, aux échecs, à la Mission secondaire “être orienté”. Cela demande un ef-
dans ». A la fac de philo aussi, tion s’effectue souvent tard, puis- res et des métiers ? » mauvaise insertion… A leur dé- Reste l’appui des enseignants fort de recherche, de rencontres, de
« mais pour quels débouchés ? » que quatre lycéens sur dix atten- Dans ce contexte, l’accompa- charge, ils ne sont que 3 500 envi- qui, depuis 1989, perçoivent une connaissance de soi, pour détermi-
Pour trouver sa voie, le jeune dent la terminale pour « commen- gnement des jeunes par des pro- ron, dont 30 % de contractuels, prime spécifique rétribuant leur ner ses compétences et ses inté-
homme fouille sur Internet ; de- cer à réfléchir » à leurs études. fessionnels de l’orientation est sans formation sur les métiers et mission de suivi et de conseil rêts… Aucun expert ne permet de
mande conseil à ses professeurs ; crucial. Mais là encore, le paysage les filières. Soit un conseiller pour aux élèves dans leur projet faire l’économie de ce travail ».
ira bientôt voir la conseillère Un conseiller pour 1 300 élèves est « touffu, complexe », selon le 1 300 élèves dans le meilleur des d’orientation. Mais dans les éta- Depuis vingt ans, les dispositifs
d’orientation. Le stress monte. Le plan étudiants, annoncé par le sénateur, qui dénombre quelque cas, répartis sur deux, trois, par- blissements, il est fréquent d’en- s’accumulent pour promouvoir
Olivier, en terminale scientifi- gouvernement le 30 octobre, en- 8 000 structures, centres d’infor- fois quatre collèges ou lycées. « Ce tendre des équipes déclarer cette « éducation à l’orienta-
que à Charenton-le-Pont (Val-de- tend renforcer l’aide aux lycéens. mation et d’orientation (CIO), qui fait que dans les établisse- qu’elles ne se sentent ni armées tion ». Le « parcours de décou-
Marne), commence, lui, à y voir Si les mesures envisagées (deux missions locales, centres d’infor- ments, on entend souvent dire ni formées pour aborder l’orien- verte des métiers » (devenu « par-
plus clair. « Je penche vers une professeurs principaux, deux se- mation jeunesse, cités des mé- qu’ils ne sont jamais là, observe tation. Certains observateurs re- cours avenir » en 2015), dans les
prépa aux écoles de commerce, maines consacrées à l’orientation, tiers… Une organisation en mil- Bernard Desclaux, ancien direc- prochent même aux ensei- textes, s’est traduit par une mul-
mais je ne suis pas encore totale- tutorat, etc.) sont bien accueillies le-feuille, peu lisible pour les fa- gnants de considérer cette mis- tiplicité d’actions dans les lycées :
ment fixé », explique-t-il. Il y a en- par la communauté éducative, el- milles, certaines structures rele- sion comme secondaire et de visites d’entreprises, interven-
core deux mois, il pensait à une les sont néanmoins jugées insuf- vant des régions, d’autres de peu s’y impliquer. tions de professionnels, salons,
école d’ingénieurs. Et il a d’autres fisantes face aux enjeux d’une différents ministères (éducation,
Des enseignants Les critiques à l’égard des profes- journées d’immersion… Pour
centres d’intérêt : le journalisme, « bonne orientation ». travail, jeunesse). Et les tenta- considèrent sionnels de l’orientation sont M. Brunel, il est crucial d’avancer
la photo, l’histoire… Pour l’heure, de quoi disposent tives des gouvernements succes- souvent acerbes. On les désigne dans cette logique. Car en contre-
A l’heure des choix, beaucoup les lycéens pour les aiguiller ? D’in- sifs de coordonner ce service pu-
qu’ils ne sont pas rapidement comme responsables point se profile un marché floris-
de jeunes sont indécis devant le formations, d’abord. Beaucoup blic de l’orientation n’ont pas armés pour d’un système jugé défaillant. Sans sant du coaching privé, avec un
maquis des formations post-bac. d’informations. C’est d’ailleurs là changé grand-chose. doute parce qu’en France, « la fi- risque d’externalisation de
Une source d’angoisse d’autant le problème : « Le numérique a dé- Dans leur établissement, les ly-
aborder gure de l’expert est fortement an- l’orientation scolaire. p
plus forte qu’ils disent manquer multiplié l’offre d’informations et céens peuvent compter sur les l’orientation crée. Comme un médecin face au aurélie collas
france | 13
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MERCREDI 22 NOVEMBRE 2017

Des parcours de remise à niveau LE CONTEXTE

pour intégrer la filière demandée Le gouvernement a annoncé


fin octobre la mise en place
d’un plan étudiants pour 2018.
Année zéro, renforcement pédagogique… des dispositifs existent déjà Le projet de loi qui modifie
les règles à l’entrée de
l’université est présenté en
conseil des ministres mercredi

C’
est l’une des mesu- peut pas rattraper en un semestre 22 novembre.
res phares de la ré-
Le flou demeure trois années de secondaire. Il est
encore quant
forme portée par le
gouvernement sur
au format
très difficile de ramener vers la
science des gens qui en ont été éloi- FIN DU TIRAGE
l’entrée à l’université, et dont le
que prendront
gnés pendant toute leur formation AU SORT
projet de loi sera examiné en con- initiale, constate Florence Benoit- A la place du tirage au sort,
seil des ministres mercredi 22 no- Marquié, coresponsable de la pre- pratiqué jusqu’ici pour
vembre. Désormais, les jeunes ba-
ces dispositifs mière année de licence. La majo- départager les candidats
cheliers qui n’auront pas les com- rité d’entre eux était là par défaut, à l’entrée des licences
pétences jugées nécessaires pour et visait un BTS ou un DUT. » en tension, les universités
entrer dans une licence non sélec- culture générale ainsi que des heu- Une autre condition de réussite pourront désormais vérifier
tive pourront se voir prescrire un res de tutorat. Résultat : 30 % pas- est jugée incontournable : la moti- la « cohérence » entre le profil
parcours de remise à niveau afin sent le cap de la première année. vation. « Il est difficile d’imposer à d’un lycéen et les attendus
d’accéder à la filière demandée. Certes, ce taux de réussite est infé- un lycéen ce type de formation », d’une licence, c’est-à-dire
Année préparatoire, « propédeu- rieur au parcours classique (45 %), estime Emilie Amzallag, l’une des les compétences jugées
tique », semestre de remise à ni- « mais ce sont des bacheliers qui responsables pédagogiques de la nécessaires pour y réussir.
veau ou modules de renforcement avaient beaucoup moins de chance préparation aux cursus scientifi- L’université pourra subordonner
pédagogique, etc. : le flou demeure de réussir », fait valoir le directeur ques d’Orsay de l’université Paris- l’inscription d’un candidat
encore quant au format que pren- du collège de droit Pierre Crocq. Sud, une année de mise à niveau au suivi d’un dispositif
dront ces remises à niveau. « Nous en mathématiques, physique et d’accompagnement pédago-
allons pouvoir proposer à l’étu- Motivation incontournable chimie créée en… 1967 et suivie gique, ou bien le refuser
diant différents types de parcours », Le point commun entre les dispo- aujourd’hui par 120 bacheliers lorsque les capacités d’accueil
rassure François Germinet, prési- sitifs actuels d’accompagnement non scientifiques. « C’est très inten- seront dépassées. L’autorité
dent de la commission formation est de donner davantage d’heures sif, il faut qu’ils rattrapent en quel- académique devra trouver
et insertion de la Conférence des de cours aux étudiants. Ces heures ques mois une méthodologie, un une place à un bachelier
présidents d’université. Même si supplémentaires « permettent de vocabulaire et des connaissances qui resterait sans proposition.
le temps pour les mettre en place faire plus d’exercices, à la difficulté avec lesquels ils ne sont pas fami-
« est très court », alerte l’universi-
taire, pour qui une mise en place
croissante, et ainsi d’aller plus len-
tement dans l’acquisition des con-
liers, décrit-elle. Sélectionnés sur
leurs notes au bac, leur motivation LA PLATE-FORME
en 2019 aurait été « plus raisonna- naissances », commente Thierry et leur projet professionnel, ils APB REMPLACÉE
ble »… Dans ce timing serré, les dis- Callegari, professeur du parcours viennent des filières ES, L, techno- Désormais, les lycéens pourront
positifs qui existent déjà dans les renforcé « cap réussite » à la faculté logiques, et « quelques-uns seule- effectuer 10 vœux – contre
universités ne manqueront pas de sciences et ingénierie de l’univer- ment d’un bac professionnel ». 24 jusqu’ici – qu’ils ne classeront
servir de bases d’appui. sité Toulouse-III-Paul-Sabatier. Ce- Un dernier diplôme souvent pas, sur la plate-forme
« Beaucoup d’étudiants arrivent à lui-ci, proposé au premier semes- méconnu, le DAEU (diplôme d’ac- Parcoursup qui va succéder
l’université sans avoir le bagage né- tre de licence, ajoute une dizaine cès aux études universitaires), à l’algorithme d’Admission
cessaire », souligne David Kremer, d’heures de cours hebdomadaires pourrait-il se trouver une nou- post bac (APB) et qui ouvrira
professeur de droit à l’université (en mathématiques, physique, in- velle jeunesse à travers cette ré- le 15 janvier.
Paris-Descartes. Celle-ci a déve- formatique) aux 150 élèves sélec- forme ? L’idée revient dans la
un peu de maturité, se révèlent dans le supé-
rieur, et l’inverse est vrai : on voit revenir parfois
loppé depuis trois ans des ateliers
de perfectionnement en analyse
tionnés par un test de positionne-
ment dans les matières scientifi-
bouche de plusieurs universitai-
res. Depuis plus de deux siècles, ORIENTATION
d’anciens lycéens qu’on trouvait excellents et et synthèse de documents, en pre- ques et un entretien personnel de ce cursus permet aux non-bache- RENFORCÉE
qui n’ont pas un parcours fulgurant. La termi- mière et deuxième années de li- motivation, réalisés en début liers d’accéder aux études univer- Outre la mise en place d’un
nale, n’est-ce pas trop tôt pour figer l’avenir ? » cence de droit, pour quelque d’année. Le dispositif a fait ses sitaires. Adapté, il pourrait servir second professeur principal
Erwan n’exclut pas, s’il devait se prononcer sur 300 étudiants qui ont raté leur preuves : leurs résultats en fin de remise à niveau aux bacheliers en terminale, le conseil de classe
chacun des vœux des lycéens, de ne donner premier semestre ou validé leur d’année égalisent ceux des étu- les plus en difficulté. émettra désormais des recom-
« que » des avis favorables. première année au rattrapage. diants du parcours classique. Reste une question : ces disposi- mandations sur l’ensemble
Cette option, les enseignants semblent A Panthéon-Assas, c’est même Mais pour atteindre ce bilan po- tifs représentent un coût consé- des vœux d’orientation
nombreux à l’envisager, en rappelant que leur avant l’entrée à l’université que sitif, outre l’augmentation du quent pour les universités. A As- des lycéens, puis un avis, au
connaissance de l’orientation, dans un monde sont détectés les bacheliers fragi- nombre d’heures de soutien, la sé- sas, le « parcours réussite » coûte à deuxième trimestre, qui sera
professionnel en constante évolution, de- les. En fonction des résultats à un lection à l’entrée a été revue à la l’établissement 100 000 euros par transmis aux universités.
meure très liée à leur propre parcours, leurs test de logique, mené dès la ren- hausse depuis le lancement du an. L’ensemble des responsables
expériences, leur discipline… Cette « connais- trée, environ 20 % des 1 600 étu- dispositif en 2014. Avant 2016, interrogés insistent déjà sur la
sance empirique » est-elle suffisante pour fon- diants de première année sont étaient acceptés les bacheliers nécessité de disposer de finance-
der une politique ? « A 28 ans, je me souviens orientés vers un « parcours réus- ayant « moins de 30 % de taux de ments pérennes, alors que ces par-
encore de ce que ça veut dire, “trouver sa voie”, site », créé il y a huit ans. Inscrits réussite » au test de début d’année. cours reposent le plus souvent sur
reprend Cloé Gobert. Et ce n’est pas facile. Alors comme les autres en licence, ces Désormais, ce sont ceux ayant des fonds relevant d’expérimenta-
oui, dans l’orientation, quelque chose cloche, et bacheliers (en grande majorité is- « entre 30 % et 50 % ». Cette nou- tion. « Ces remises à niveau coû-
que les enseignants s’impliquent davantage a sus d’un bac général, et technolo- velle règle a eu pour effet d’évincer teront toujours moins cher que les
du sens, conclut-elle. A condition que ne leur in- gique dans une moindre mesure) du dispositif la quasi-totalité des redoublements », défend Florence
combe pas, à eux seuls, une responsabilité qui se voient déchargés de certaines bacheliers professionnels, au pro- Benoit-Marquié. p
ne peut qu’être collective. » p matières pour suivre des cours fit des bacheliers généraux et tech- séverin graveleau et
mattea battaglia d’expression écrite et orale, de nologiques en difficulté. « On ne camille stromboni

« Démystifier » l’université grâce à des journées en immersion


A l’université de Bordeaux, des lycéens et leurs professeurs assistent à des cours en amphi et participent à des ateliers de découverte

REPORTAGE tendu pour ouvrir les portes de « Nos élèves notes, ça allait ! » « Il y a beaucoup heures de moins pour le professeur vent bien longtemps qu’on ne vient
leurs amphithéâtres aux lycéens moins d’élèves qu’on pensait, d’histoire », reconnaît Bérengère plus sur les bancs universitaires,
bordeaux – envoyée spéciale
et tenter de rendre moins rude la ont une vision ajoute, soulagée, Lola, 17 ans. Ça Faucon, enseignante de français confirme Ronan Minier, provi-

Ç faussée de la fac,
a vaut au moins dix transition entre le secondaire et m’a plutôt rassurée, même si je ne et professeure principale venue seur adjoint du lycée René-Cassin,
séances d’orientation ! » l’enseignement supérieur, avec sais toujours pas bien ce que je accompagner ses 27 élèves de pre- à Bayonne (Pyrénées-Atlanti-
Christelle Rambaud est seulement 40 % des étudiants qui comme un lieu veux faire l’an prochain… » mière L et ES du lycée Pape Clé- ques), qui a fait le déplacement, de
ravie. La professeure de passent du premier coup le cap de où l’on échoue ment, à Pessac (Gironde). Installés 200 km, avec 35 élèves. Cela nous
sciences économiques la première année de licence. « Plus près de la réalité » dans une petite salle à taille hu- fait du bien de venir à la fac, pour
et sociales du lycée Sud-Médoc, « Les salons, les plaquettes ou les forcément » Pour son enseignante, Christelle maine, ils participent désormais pouvoir ensuite porter à nos élèves
au Taillan-Médoc (Gironde), a em- sites Internet, c’est bien, mais l’im- CHRISTELLE RAMBAUD Rambaud, il s’agissait avant tout à un atelier avec plusieurs étu- un discours plus près de la réalité. »
mené six de ses élèves de termi- mersion permet d’aller plus loin enseignante de « démystifier l’endroit ». « Nos diants de licence, venus décons- L’enseignant estime par ailleurs
nale découvrir l’université de Bor- pour s’orienter de manière éclai- élèves ont une vision faussée de la truire les clichés sur la fac, ou les que cela permet « d’interroger la
deaux, vendredi 17 novembre. Un rée », souligne Isabelle Rondot, fac, comme un lieu d’orientation confirmer, dans un jeu de ques- manière d’enseigner : Est-ce qu’on
peu intimidés d’entrer ainsi dans chargée de mission « orientation, Sur le mur du grand amphithéâ- par défaut, où l’on échoue forcé- tions-réponses. « A l’université, je ne cocoone pas trop nos élèves ?
le monde des « grands », ils sont réussite étudiante et relations tre, derrière l’enseignant-cher- ment. » Engagée de longue date serai livré à moi-même ? » « Si je Comment pourrait-on mieux leur
au total une petite cinquantaine, secondaire-supérieur » à l’univer- cheur en démographie, les gra- pour « combattre l’orientation rentre à l’université, c’est au mini- apprendre à être autonome ? »
issus de deux lycées de la région, à sité de Bordeaux, qui se réjouit de phiques s’enchaînent : évolution vers des écoles de commerce bas mum pour cinq ans ? » Vie étu- Avec la réforme en cours, le rôle
assister à un cours de démogra- l’engouement pour ce dispositif du taux de fécondité en France, de gamme, alors que l’université a diante, logement, bourses… les des enseignants va devenir cen-
phie de première année de li- auquel participent cette année comparaison avec les pays euro- ses filières d’excellence », elle est la sujets s’enchaînent, dans un tral dans l’orientation : le conseil
cence d’administration économi- 800 lycéens, en assistant à un péens… « Ça s’arrête jamais, il seule, parmi la centaine d’ensei- échange apprécié, de pair à pair. de classe donnera ses recom-
que et sociale (AES). cours magistral, à un atelier de parle tout le temps ! Il n’y a pas gnants de son lycée, à avoir saisi Des éclaircissements qui ne mandations puis un avis au
Alors que le gouvernement veut découverte ou encore à une visite d’interaction du tout… » Les réac- l’occasion de ces journées d’im- sont pas inutiles non plus pour les deuxième trimestre, non seule-
renforcer le processus d’orienta- de la bibliothèque universitaire. tions des lycéens fusent, à la sor- mersion. « Ça, c’est un vrai pro- enseignants du secondaire, par- ment sur les vœux des lycéens
tion au lycée et modifier les règles « C’est dans l’intérêt de l’université tie. « C’est très magistral, relève blème ! », déplore-t-elle. fois « très déconnectés du système vers les filières sélectives, comme
à l’entrée de l’université – le projet de recruter des jeunes motivés qui poliment Chloé, en terminale ES Les emplois du temps chargés et actuel », reconnaît une conseillère c’est le cas aujourd’hui, mais
de loi doit être présenté en conseil connaissent les attendus néces- au lycée Sud-Médoc. Il y a des mo- l’organisation millimétrée du ly- d’orientation de l’université. aussi sur ceux en direction des li-
des ministres mercredi 22 novem- saires pour réussir en première an- ments où je me suis un peu perdue. cée n’aident pas forcément à sus- « Quand on est enseignant ou per- cences universitaires. p
bre – les universités n’ont pas at- née », souligne-t-elle. Mais j’aime bien, et la prise de citer les vocations. « Ce sont deux sonnel de direction, cela fait sou- c. st.
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MERCREDI 22 NOVEMBRE 2017

La cité du Val-Fourré à Mantes-la-Jolie sous tension


La police est prise pour cible après une interpellation au cours de laquelle un homme a été brûlé aux mains

C
e soir, ils ont décidé de l’Inspection générale de la police vidu ne s’était plaint à aucun mo- ce sont « les petits », autrement dit disent : “C’est toi qui vas me donner
suspendre les hostilités. nationale a été saisie.
Le parquet ment d’avoir mal ». Les brûlures les mineurs, qui sont en première du taf ? Non. Alors ta gueule !”. »
Ils se contentent de sui- La rue du Docteur-Broussais, en a ouvert une n’auraient été constatées qu’une ligne. Tout est organisé en amont « Ce n’est pas ce qu’on veut, les vio-
vre du regard les ca- plein cœur du Val-Fourré, est le fois arrivé « dans le local de par quelques « grands », dont lences policières et les émeutes, dit
mionnettes de police et les voitu- lieu de rassemblement des jeunes
enquête sur cette fouille ». Le jeune homme a dû su- Youssef et ses amis font partie, qui l’un d’eux. Nous, tout ce qu’on
res banalisées qui passent et re- du quartier. C’est là qu’ils se don- arrestation et bir une greffe de peau. vont acheter les mortiers à Paris, veut, c’est qu’ils arrêtent de nous
passent au coin de la rue, sans nent rendez-vous, discutent entre « chez un fournisseur à nous », et traiter comme des animaux. Ce
broncher. Leurs poches de survê- copains et, depuis la semaine der-
l’Inspection Des émeutiers mineurs s’occupent de plonger la rue dans qu’on veut, c’est du travail, mais
tement sont vides : ni cocktail nière, qu’ils se retrouvent avant de générale de la Depuis l’attentat commis par un le noir avant chaque attaque. Mais personne ne veut de nous. Notre
Molotov ni mortier. Il est plus de passer à l’action. « Je suis un profes- habitant du Val-Fourré se récla- la plupart des émeutiers – entre seule perspective, dans le meilleur
22 heures ce lundi 20 novembre sionnel de l’émeute », fanfaronne
police nationale mant de l’Etat islamique contre un 50 et 100 – sont âgés de 14 ans à des cas, c’est l’usine Renault de
dans le quartier des Peintres-Mé- Youssef (le prénom a été changé), a été saisie commandant de police et sa com- 16 ans. « Les grands ont autre chose Flins. » Assis sur un banc, à quel-
decins du Val-Fourré, cité de 20 ans, tout sourire. Le jeune pagne dans la ville voisine de Ma- à faire, commente Youssef, qui a ques encablures, Ousmane,
20 000 habitants située dans homme est une grande gueule, gnanville, le 13 juin 2016, « nos rela- arrêté l’école en troisième et 20 ans, reste silencieux quelques
l’ouest de Mantes-la-Jolie (Yveli- mais il ne rigole pas. Il vient de parquet a indiqué que l’homme se tions avec les policiers ne cessent travaille dans un fast-food. Ils secondes, les yeux rivés sur ses
nes), l’heure à laquelle, depuis le passer neuf mois en prison – « un serait « rebellé », qu’il aurait « tenté d’empirer », souligne un jeune ont une vie, une femme, des en- baskets, avant de relever la tête :
week-end, quelques dizaines de traumatisme », dit-il – mais il est de prendre la fuite » avant d’être homme de 19 ans. Lui et ses co- fants et un travail ». Les trois « Qu’est-ce que vous voulez qu’on
jeunes prennent la police pour ci- prêt à prendre le risque d’y retour- menotté puis « hissé avec difficul- pains racontent la même histoire : quarts des garçons du groupe de fasse d’autre, souffle-t-il. On sait
ble en attaquant leurs véhicules ner. « Vous avez vu les photos de ses tés dans le fourgon ». Pendant le les contrôles d’identité incessants « meneurs » ont été en prison – le que c’est un truc de con de faire ça,
avec des tirs de mortiers d’artifice mains ? Vous avez vu comment ils trajet, il aurait refusé de s’asseoir accompagnés d’insultes à carac- plus souvent, pour trafic de stupé- qu’on n’y a jamais rien gagné et
et « tout ce qui [leur] tombe sous la lui ont cramé les doigts ?, gronde- et « donné des coups de pied dans la tère raciste – « bamboula », « né- fiants – et sont au chômage. qu’on n’y gagnera rien, mais on ne
main », raconte l’un d’eux : des t-il. On veut traumatiser les poli- porte latérale ». Trois fonctionnai- gro », « bougnoule », « kirikou » –, « Quand on veut les raisonner, sait tellement pas comment réa-
pierres, des cailloux, des boules de ciers comme eux le font avec res l’auraient alors « allongé sur le de brutalités et de provocations. ils nous rembarrent, témoigne un gir. » Pour lui comme pour les
pétanque… Plusieurs voitures ont nous. » Les quinze jeunes hommes dos où il continuait de se débattre » Pointés du doigt surtout, les « pe- aîné. On n’arrive à rien. Ils me autres, porter plainte ne « sert à
été incendiées en quelques jours. qui l’entourent, âgés de 18 ans à en tentant de « mordre » l’un d’eux. tits nouveaux », comme ils appel- rien », de même que manifester.
Ces échauffourées font suite à 20 ans, acquiescent. « Cette bavure Une vidéo amateur semble ce- lent les jeunes policiers « qui ne sa- « Si on ne fait rien, les policiers
l’interpellation, mardi 7 novem- policière, c’est la goutte d’eau », pendant montrer que l’interpella- vent pas gérer le stress et se sentent vont recommencer », juge Youssef.
bre, par des agents de la Brigade renchérit l’un d’eux. tion s’est déroulée sans résis- vite menacés ». « Les plus âgés sa-
« Tout ce qu’on C’est aussi une question « d’or-
spécialisée de terrain, d’un tance, du moins jusqu’à ce que le vent beaucoup mieux y faire », sou- veut, c’est que gueil » et « d’honneur » du quar-
homme de 27 ans, au cours de la- « Chauffage défectueux » plaignant monte dans le fourgon. ligne l’un d’eux, qui prêche pour tier, admettent-ils. Alors qu’im-
quelle il a été brûlé « au deuxième Les policiers sont suspectés d’avoir Face aux caméras de télévision, le une meilleure formation des
les policiers portent les voitures brûlées :
et au troisième degrés » aux mains traité le plaignant de « sale négro », secrétaire départemental du syn- agents de police. arrêtent de nous « C’est que du matériel, ça se rem-
et aux poignets, selon le diagnos- de l’avoir frappé puis maintenu dicat Unité SGP-Police FO, Cyril L’accalmie d’hier soir n’est ni place. Mais pas une main ! », s’em-
tic des médecins de l’hôpital pari- contre un chauffage d’appoint Thiboust, a déclaré qu’un « chauf- une trêve ni le signe d’un apaise-
traiter comme porte un jeune homme, qui
sien où il a été conduit. Des brûlu- dans le fourgon l’emmenant au fage défectueux » était à l’origine ment, précisent-ils. S’ils sont res- des animaux », promet un nouveau face-à-face
res « aggravées par le diabète » commissariat, en ignorant ses de l’incident, qu’il s’agirait donc tés tranquilles, c’est que le gros des avec les forces de l’ordre dès le
dont il souffre. Le parquet de « cris de douleur », selon son d’un « dysfonctionnement totale- troupes était au repos. « Demain, il
témoigne week-end prochain. p
Versailles a ouvert une enquête et avocat. Dans un communiqué, le ment involontaire » et que « l’indi- y a école », explique l’un d’eux. Car un jeune louise couvelaire

Jean-Michel Blanquer condamne un stage Quand Gérard Collomb


compromet le secret-défense
syndical « en non-mixité raciale »
Deux journées organisées par Sud-Education 93 sur le thème de l’antiracisme à l’école
ont été jugées « inacceptables » par le ministre de l’éducation nationale
L es plus hauts responsables de l’Etat prennent parfois trop
de libertés en livrant sur la place publique des secrets-dé-
fense. Le ministre de l’intérieur, Gérard Collomb, a, ainsi,
franchi cette frontière entre secret d’Etat et Etat de droit, sou-
vent invisible aux yeux des profanes. Une transgression qui a le
mérite de révéler le vrai visage de notre démocratie mais qui re-
lève, tout de même, de la compromission du secret de la défense

L’ affaire a, en quelques
Tweet, enflammé les ré-
seaux sociaux. C’est aussi
par un Tweet que le ministre de
l’éducation, le 20 novembre, a
bats, il est proposé aux invités
d’analyser le « racisme d’Etat dans
la société et en particulier dans
l’éducation nationale », racisme
présenté comme « ignoré et validé
vues, si les déjeuners seront « par-
tagés », deux temps de réflexion
ont été pensés « en non-mixité ra-
ciale ». Il faut lire l’intégralité du
programme pour mesurer le ca-
en difficulté. Ou encore du « camp
d’été décolonial » organisé à Reims
en août 2016.
La caisse de résonance des ré-
seaux sociaux joue son rôle, am-
nationale. Plus d’un mois après des déclarations de M. Collomb,
destinées à justifier l’adoption, le 18 octobre, de la loi sur « la sé-
curité intérieure et la lutte contre le terrorisme », les services se-
crets français, après avoir failli s’étrangler, se félicitaient qu’elles
n’aient eu aucun écho. Interrogé le mercredi 27 septembre sur
tenté de la clore : « Je condamne par l’institution ». Autre objectif : ractère polémique de la démarche. plifiant les clivages entre ceux qui, Europe 1 sur les 39 décisions d’assignation à résidence alors pro-
avec fermeté le projet d’une réu- s’intéresser « à la question des pri- d’un côté, perçoivent une « ten- noncées sur de simples soupçons et sans l’intervention d’un
nion syndicale triant les membres vilèges de race et de classe que les « Enseignant.e.s racisé.e.s » dance islamo-gauchiste » à l’œuvre juge, le ministre répondait, « en général, ce sont des personnes
sur la base de leur origine », a posté, enseignant.e.s peuvent avoir face à Le premier atelier porte sur les dans les classes, et ceux qui, au pour lesquelles on a eu des renseignements de services étrangers ;
dans l’après-midi de lundi, Jean- leurs élèves ». L’écriture inclusive « pratiques de classes ». « A partir de contraire, entendent prendre la donc on ne peut pas les judiciariser tout de suite ». Puis il ajoutait
Michel Blanquer, accusant ledit est de rigueur. Au menu, égale- nos constats, nous allons établir défense de Sud-Education en invo- que le renseignement belge était une source du ministère de
projet d’être « inconstitutionnel » ment, une réflexion sur comment des outils de lutte et des stratégies quant la « liberté d’expression ». l’intérieur pour certaines de ces assignations.
et « inacceptable ». « décoloniser les savoirs », ou sur ce pour faire face aux oppressions C’est en ce sens qu’a communiqué
En cause, un stage syndical orga- qu’est « un-e élève racisé-e », terme liées au concept de race mais aussi la Fédération, lundi, dénonçant Règle intangible
nisé les 19 et 20 décembre par Sud- qui n’a pas encore fait son entrée de genre et de classe à l’école », une campagne orchestrée par un Le savait-il en s’exprimant ? Le ministre brisait, en quelques
Education 93 – section départe- dans le Larousse. peut-on lire dans le tract syndical. « site d’extrême droite ». Une mots, un tabou absolu du monde du renseignement connu
mentale d’un petit syndicat du Ce n’est pas tant le contenu que Le second entend donner lieu à un « auto-défense guère convain- sous le nom de « règle du tiers ». Ce jargon dissimule, en effet, ce
monde enseignant – intitulé « Au la méthode retenue, au moins « récit d’expérience » interrogeant cante », murmure-t-on dans les qui fonde, aujourd’hui, une bonne
croisement des oppressions : où pour deux des réunions propo- la « vie professionnelle des ensei- cercles d’enseignants. Si le site Fde- part de l’efficacité du renseignement
en est l’antiracisme à l’école ? » sées, qui a mis le feu aux poudres. gnant.e.s racisé.e.s ». Une réunion souche a bien, dès dimanche, épin- occidental, l’échange d’information
Lors de ces deux journées de dé- En effet, si des plénières sont pré- organisée en parallèle – même glé ce stage présenté comme « in- LE MINISTRE A BRISÉ entre services secrets. Une coopéra-
jour, même heure – lève toute am- terdit aux blancs », il semble que la tion sans laquelle, en matière de
biguïté : elle s’adresse, elle, aux polémique soit partie d’un Tweet UN TABOU ABSOLU lutte antiterroriste, un pays comme
« enseignant.e.s blanc. he. s » pour
« interroger nos représentations et
de Nassim Seddiki, secrétaire gé-
néral du Printemps républicain et
DU MONDE DU la France serait « aveugle », selon l’ex-
pression d’un conseiller du chef de
nos postures dominantes ». membre du Parti socialiste. RENSEIGNEMENT l’Etat qui n’en revient toujours pas de
Et si votre santé devenait Le choix des invités alimente
aussi la controverse. Parmi eux,
S’estimant victime de la « vin-
dicte de la fachosphère », Sud-Edu- CONNU SOUS LE NOM
cette « bourde ».
La Direction générale de la sécu-
un art de vivre ? Marwan Muhammad, ancien di-
recteur du Collectif contre l’isla-
cation 93, qui n’a pas répondu à
nos sollicitations, a communiqué
DE « RÈGLE DU TIERS » rité intérieure (DGSI) et la Direction
générale pour la sécurité extérieure
mophobie en France, Nacira Guéa- lundi soir en annonçant son inten- (DGSE) reçoivent, chaque jour, des
nif, sociologue, vice-présidente de tion de porter plainte pour diffa- éléments transmis par leurs principaux partenaires, notam-
# 5 - NOVEMBRE/DÉCEMBRE 2017

No

NOUVEAU
uv

LE CORPS
l’Institut des cultures d’Islam, et mation. « Les questions abordées ment anglo-saxons, concernant la lutte antiterroriste.
ea

L’ESPRIT
u

LE MONDE
quelques personnalités identi- par le stage sont des questions es- Ces renseignements constituent le cœur d’un savoir qu’ils
fiées dans les milieux enseignants sentielles dans l’enseignement tentent, ensuite, d’enrichir. D’un commun accord entre tous
comme des « militants d’extrême- aujourd’hui », se défend la section. les Etats, cette coopération ne peut fonctionner qu’à une con-
gauche ». Ces participants, la Ligue « En le faisant de la sorte, elle ne sert dition : qu’à aucun moment ne soit mentionnée l’origine
Renforcer internationale contre le racisme et pas l’universalité et l’égalité, qui étrangère des informations.
sa vitalité l’antisémitisme (LICRA) les taxe, comptent parmi les missions pre- Cette règle intangible explique que les notes de renseigne-
Nutrition, sport, optimisme,
les voies de la prévention dans un Tweet, de « compagnons mières de l’école », réagissent beau- ments transmis par la DGSI à la justice antiterroriste soient
de route des Indigènes de la Répu- coup d’enseignants. « blanchies », c’est-à-dire, expurgées de toute référence à des
Luminothérapie blique ». « Nous refusons d’étique- « La liberté d’expression syndicale services de renseignement étrangers. En matière administra-
Lutter au naturel contre
le blues hivernal ter les enfants des écoles de la Répu- a des limites », rappelle le juriste tive, elle explique pourquoi aucune procédure contradictoire
Heureux blique et leurs enseignants en fonc- Bernard Toulemonde : le respect ne peut exister quant aux décisions de perquisitionner ou
au bureau
Communiquez votre
bonne humeur grâce
tion de critères dignes d’une exposi- des valeurs et des principaux fon- d’assigner à résidence puisqu’il est interdit de produire les élé-
aux neurosciences
tion coloniale », réagit la LICRA. damentaux, la non-distinction ments qui en sont à l’origine.
Yoga au féminin
et méditation
Ce n’est pas la première fois que d’origine ou de religion. Jean-Mi- Fin 2016, l’ex-chef de l’Etat, François Hollande avait lui aussi
Écoutez votre corps,
libérez votre esprit
le principe de rassemblements chel Blanquer peut-il aller au-delà démontré sa conception relative de la raison d’Etat en vali-
« racisés » alimente la machine à de la condamnation verbale ? « On dant, dans deux ouvrages, l’existence du droit de tuer dont dis-
UNE PUBLICATION DU GROUPE EN PARTENARIAT AVEC
polémiques. On se souvient, cet étudie le dossier dans le détail », ré- posait l’Etat. En avril 2015, sur Canal+, il avait également con-
été, du festival « afroféministe mili- pond-on au cabinet du ministre. firmé les révélations du Monde sur le système de collecte mas-
tant » organisé à Paris, dans un ex- En attendant, le stage afficherait sive de données personnelles dont disposait la France, en se-
EN VENTE CHEZ VOTRE MARCHAND DE JOURNAUX bâtiment industriel appartenant à d’ores et déjà complet. p cret, depuis 2008. p
la Ville, qui a mis la municipalité mattea battaglia jacques follorou
0123
MERCREDI 22 NOVEMBRE 2017 enquête | 15

Bosnie Mémoires de guerre


Le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie doit
rendre son jugement, mercredi 22 novembre, dans le procès
de Ratko Mladic, ex-chef militaire des Serbes de Bosnie.
« Le Monde » ouvre les archives de cette juridiction

la haye - correspondance

P
lus de 4 600 témoins – en ma-
jorité des victimes – sont ve-
nus déposer devant le Tribunal
pénal international pour l’ex-
Yougoslavie (TPIY) depuis sa
création par l’ONU, en 1993. A
La Haye (Pays-Bas), on les a surnommés les
« héros méconnus » de la justice internatio-
nale. Après vingt-cinq ans de procès, ce pre-
mier tribunal international post-guerre froi-
de fermera ses portes le 31 décembre, léguant
à l’ex-Yougoslavie plus de 1,3 million de pages
de documents, pièces à conviction et témoi-
gnages sur les guerres qui ont ravagé la région
au début des années 1990. Ces témoignages
n’ont pas seulement permis aux juges de ren-
dre leurs jugements. Ils constituent aussi des
archives uniques pour la compréhension de
ces conflits et un moyen imparable de contrer
les tentatives de révisionnisme. Le Monde
s’est plongé dans ces milliers de comptes ren-
dus d’audience afin de sélectionner divers
passages, forcément partiels, mais révéla-
teurs des réalités de l’époque. Quatre person-
nes s’expriment ici : une mère, un bourreau,
un résistant, un survivant.

La mère
« Encore aujourd’hui, je ressens deux blessures
importantes », confie Habiba Hadzic, 60 ans,
lors de sa déposition contre l’accusé Dragan
Nikolic, devant les juges du tribunal, le 3 no-
vembre 2003. Sa première blessure, sans
doute la plus douloureuse, est la perte de ses
fils, Enis (31 ans) et Bernis (33 ans). La seconde
est le souvenir, à jamais imprégné en elle, de
sa détention au camp de Susica, dans la région
de Vlasenica, à l’est de la Bosnie-Herzégovine.
C’était au printemps 1992, à l’époque de la
prise de la région par les forces bosno-serbes.
Un épisode qui allait marquer le début de
l’épuration ethnique contre les Musulmans A Tuzla, en Bosnie, l’ADN extrait des restes humains entreposés sert à identifier les victimes de la guerre en ex-Yougoslavie. AMEL EMRIC/AP
et Croates de Bosnie. Plus de 8 000 personnes
ont été détenues dans ce camp dirigé par
Dragan Nikolic. Habiba, elle, y a vécu trois
mois, dans la terreur et les humiliations. Au les connaissais bien (…). Si je me souviens bien, l’armée bosno-serbe, plus de 7 000 hommes pour qu’il revienne à ses sens. J’ai dit : “Viens
début du procès, le procureur a expliqué com- l’un des deux portait une veste en jean et des ont été exécutés sur différents sites de la ré- ici, viens vers moi.” Alors, brusquement, il m’a
ment les mères obligeaient leurs enfants à se pantalons en jean. Et s’il y a une exhumation, gion. Ce jour-là, le témoin – qui dépose sous pris par la main. J’étais un homme fort à l’ori-
taire. « Les femmes se cachaient la face, es- il est possible qu’on parviendra à reconnaître un pseudonyme par sécurité – doit distribuer gine, un homme ferme, j’avais la réputation
sayaient de s’enlaidir pour éviter d’être la pro- son cadavre à partir de ses vêtements. » de l’eau, du pain et des biscuits aux militaires d’être quelqu’un de solide, mais je ne souhaite
chaine victime des viols, a-t-il indiqué. Les déte- Dragan Nikolic est un repenti. Il affirme postés à l’école d’Orahovac. Il aperçoit alors à personne de faire cette expérience. La façon
nus gardaient le silence, ils baissaient la tête, ils éprouver « réellement une honte, une grande 25 à 30 prisonniers, les poings liés, les yeux dont ceci vous saisit… » Le témoin ne conduit
craignaient d’attirer l’attention sur eux-mêmes honte » : « A Susica, moi, je me suis retrouvé bandés. En les voyant ainsi, il se dit qu’ils pas l’enfant au groupe d’exécutions suivant
et ensuite d’être victimes de violence. » d’un côté, en uniforme, armé. En face de moi, il vont sans doute être échangés contre des pri- mais se rend à l’hôpital de Zvornik. « Il m’a
Sur le banc des accusés, Dragan Nikolic y avait des femmes qui avaient l’âge de ma sonniers du camp d’en face. Mais les gardes pris de nouveau par la main. Il me disait :
semble contrit. Il plaide coupable de crimes mère, des enfants et aussi mes camarades, mes les font marcher « jusqu’à un tas de corps », “Baba, ne me laisse pas.” Jour et nuit, ces mots
contre l’humanité, persécutions, tortures, copains (…). Cela tourne à une sorte de cauche- devant lequel ils sont alignés puis abattus. faisaient écho dans ma tête. »
meurtres et viols. C’est bien le même mar lorsque vous pensez à toutes ces images, à Dans son souvenir, « deux ou trois groupes »
homme, assure le magistrat, qui se vantait ces visages, à ces événements. Et souvent, la ont été exécutés ainsi. « A ce moment-là, pour-
devant les détenus d’avoir un « contrôle ab- question que je me pose, c’est de savoir pour- suit-il, il y a eu quelque chose d’absolument ter- Le survivant
solu sur leurs vies ». « Il leur a dit qu’il était quoi et comment ? Et j’ai eu beaucoup de « JE SOUHAITE rible, quelque chose que je n’oublierai jamais. » Le 26 février 2007, l’enfant, devenu un jeune
leur Dieu et que, au camp, il était tout-puis-
sant, rappelle le procureur. Il était constam-
temps, onze ans, onze années se sont écoulées
depuis. Mais j’ai du mal à répondre à ces ques-
SIMPLEMENT [LUI] Comme s’il avait peur d’en venir aux faits de-
vant les trois juges assis face à lui, il marque
homme, se présente à la barre du tribunal. Il se
rappelle le jour où il a été arrêté, avec son père.
ment armé d’un pistolet automatique, d’une tions. Je tiens à saisir cette occasion pour ce qui DEMANDER OÙ une pause avant de reprendre son récit : « Il y « Mon père était en train de changer une am-
baïonnette, d’une matraque, d’un couteau et est de toutes ces victimes, et comme je l’ai déjà avait donc ce tas de corps morts qui ne ressem- poule. Je regardais par la fenêtre et il y avait un
d’une ou plusieurs grenades à main. » dit, mes victimes directes. (…) Je tiens à leur ex- SE TROUVENT MES blait même plus à des êtres humains, c’était de homme qui portait une hache sur son épaule. Il
Après un long témoignage, Habiba Hadzic
évoque ses « enfants innocents ». « Ils ne sont
primer mes plus profondes excuses. Et tous
ceux qui se sont trouvés à Susica, ne serait-ce
ENFANTS, DE FAÇON la chair, de la chair en morceaux. Puis, un être
humain en a émergé. Un garçon de 5 à 6 ans.
a dit : “Les tchetniks arrivent.” Mon père m’a or-
donné : “Cache-toi sous le lit.” Je me suis caché
plus en vie, dit-elle, mais l’accusé, de son sur- qu’un jour, un mois ou plus de temps, eh bien, À LEUR DONNER C’était incroyable. Un être humain est ressorti sous le lit. Plus tard, ils nous ont trouvés. Ils
nom Jenki, doit certainement savoir dans je leur présente mes excuses. » de ce tas et a commencé à se diriger vers le che- nous ont fait sortir à l’extérieur, et nous ont pla-
quelle fosse commune ils se trouvent. Je sou- Lorsqu’il prononce ces mots, Nikolic sait UN ENTERREMENT min où se tenaient ces hommes avec des mi- cés à bord d’un camion vert. Ils nous ont bandé
haite simplement [lui] demander où se trou- qu’il joue son avenir : la sentence n’a pas en- traillettes. Cet enfant marchait vers eux. Tous les yeux avec un foulard blanc. (…) Ensuite, nous
vent mes enfants, de façon à leur donner un core été prononcée. « J’espère que d’autres sui- DÉCENT, ET ENSUITE ces soldats, tous ces policiers, (…) tout d’un avons été emmenés vers une forêt. »
enterrement décent, et ensuite je pourrai dis- vront mon exemple, de quelque côté qu’ils JE POURRAI coup, ils ont baissé leurs armes et tous, jusqu’au Cette déposition est éprouvante. Le juge-
paraître moi-même. » Habiba est une femme soient, et j’espère que cela les encouragera à as- tout dernier, sont restés gelés sur place. Il y avait président suggère au jeune homme de faire
malade. « J’ai du diabète, un cœur faible, je n’ai sumer leurs responsabilités (…). Ce n’est que DISPARAÎTRE cet enfant. (…) C’était un enfant… couvert de une pause, mais non, il veut, il doit poursui-
plus rien à espérer. Je vais mourir de tristesse. comme ça qu’il sera possible de rétablir une co- morceaux de corps, d’intestins, de tissus. » Un vre. « Nous sommes descendus du camion et
Mon mari est également malade et pleure habitation des peuples dans ces contrées. Il fau- MOI-MÊME » lieutenant-colonel ordonne alors de l’abattre. nous nous sommes allongés sur l’herbe. Les
souvent. Il… Il cache ses larmes devant moi, dra du temps. Nous tous qui avons pris part di- HABIBA HADZIC Mais, d’après le témoin, « tous ceux qui étaient tchetniks nous ont tiré dessus. Plus tard, un
mais que pouvons-nous faire ? » rectement à tout ça, eh bien, il nous faut com- mère de deux enfants là étaient muets d’horreur ». « Alors, ajoute-t-il, docteur de Zvornik est venu me chercher. » Ce
prendre que nous serons un facteur important victimes du « bourreau » l’officier a lancé : “Ramenez-le ici avec le lot sui- docteur est en fait le soldat anonyme qui l’a
dans cette réconciliation et dans le rétablisse- vant et à ce moment-là, on pourra en finir.” Les conduit à l’hôpital. « Il m’a sauvé et m’a em-
Le bourreau ment de la vie commune. » Condamné à vingt autres l’ont emmené par la main. Il disait : mené à bord d’une Jeep à l’hôpital. Quelqu’un
Dragan Nikolic accepte de répondre. « S’agis- ans de prison, il a été libéré en 2013, après avoir “Baba, c’est comme cela qu’on appelle un père, m’a donné une injection. Je me suis endormi et,
sant de ses fils, d’après ce que j’ai entendu dire, purgé les deux tiers de sa peine. baba, où es-tu ?” Il était en état de choc. » plus tard, ils m’ont fait des points de suture à la
parce que je n’étais pas là lorsque ça s’est passé Conduit jusqu’au camion où s’entassent jambe et au bras. » Le procureur l’interroge sur
le 30 septembre, je crois, avec un groupe d’une ceux qui attendent la prochaine vague d’exé- les tirs. « Est-ce que quelque chose vous est ar-
quarantaine de personnes, on les a emmenés Le résistant cutions, l’enfant tente de résister. « A ce mo- rivé pendant ces tirs ? » « Non. C’est impossible,
à Debelo Brdo et on les a liquidés. » Il se sou- L’ex-soldat appelé à la barre le 22 février 2007 ment-là, raconte le témoin, je suis intervenu. je n’arrive pas à… » Le témoin est perdu. Il se
vient des habitants de Vlasenica. « Des gens était coursier dans l’armée de Ratko Mladic, le (…) Je l’ai emmené dans la camionnette. J’ai al- lève, montre ses blessures, à la cuisse et au
que je connaissais, admet-il, certains étaient chef militaire des Serbes de Bosnie. Il témoi- lumé la lumière. Ça l’a aidé parce que, pour lui, bras. Pour le reste, il ne se souvient plus. La
mes amis, c’est pourquoi je me souviens d’eux. gne contre sept associés de ce même Mladic, tout n’était plus qu’obscurité. J’ai allumé la ra- mémoire de son drame fait désormais partie
Et c’est dans ce groupe de gens qu’Enis et poursuivis pour le massacre de Srebrenica dio locale avec de la musique qu’il connaissait. de l’histoire des guerres yougoslaves. p
Bernis, les fils de cette dame, se trouvaient, je en juillet 1995. Après la prise de l’enclave par J’ai fait tout ça pour essayer de le réconforter, stéphanie maupas
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CULTURE
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MERCREDI 22 NOVEMBRE 2017

pppp CHEF-D'ŒUVRE pppv À NE PAS MANQUER ppvv À VOIR pvvv POURQUOI PAS vvvv ON PEUT ÉVITER

Allemagne-Bulgarie, rencontre électrique


Valeska Grisebach met face à face des ouvriers « détachés » allemands et les habitants d’un village bulgare

WESTERN
pppv

O
n sera sans doute sur-
pris que derrière le ti-
tre Western se cache
un long-métrage alle-
mand, le troisième de Valeska Gri-
sebach, réalisatrice affiliée à
l’« Ecole de Berlin » (vague moder-
niste apparue dans le courant des
années 2000), dont on avait un
peu perdu la trace depuis son
précédent Sehnsucht (2006). Peut-
être s’étonnera-t-on aussi que
Western ne décrive pas un dépla-
cement vers l’ouest, à l’image du
genre évoqué, mais bel et bien à
l’est, celui d’un groupe d’ouvriers
allemands partis travailler au fin
fond de la campagne bulgare, près
de la frontière grecque, à la cons-
truction d’une centrale hydro-
électrique. Ce jeu du chat et de la
souris avec un genre très codifié
dit bien la façon détournée avec
laquelle Valeska Grisebach em-
prunte à la mythologie améri-
caine par excellence : non pas
pour la transposer, ni même pour
la parodier (comme naguère le
« western spaghetti »), mais pour
observer la persistance de ses
grands motifs dans un tout au-
tre contexte, celui de l’Europe
d’aujourd’hui. Car de quoi nous
parle le western, sinon des rap-
ports toujours reconduits entre Meinhard Neumann dans le film « Western », de Valeska Grisebach. KOMPLIZEN FILM/SHELLAC
l’homme et les grands espaces, la
loi et le territoire, l’étranger et
l’autochtone, l’individu et la com- fut un ancien légionnaire, passé à chaque instant, entre des Alle- dominante de l’Allemagne en s’attache à décrire. La masculinité
munauté, la nature et la civilisa- par l’Afrique et l’Afghanistan, se si- mands arrogants, et des Bulgares Europe, mais, chose encore plus
Le hiatus y est scrutée dans ses aspérités et
tion ? Toutes choses qui, en défi- gnale surtout par une intelligence qui se débattent avec les effets de émouvante, la manifestation qui s’esquisse sa rugosité, dans ce qu’elle peut
nitive, n’ont jamais vraiment pratique à toute épreuve, une ad- la crise (chômage, exil des jeunes, d’une conscience et d’une sen- avoir à la fois de pathétique, de ri-
cessé de nous concerner. hésion très forte au réel, lui per- manque d’argent). Ainsi, plutôt sibilité véritablement europé-
désigne aussi dicule même, mais aussi d’émou-
mettant de résoudre tous les pro- que d’embrayer sur la logique ennes (enfin autre que celle des les disparités vant. La caméra s’attarde sur
Débrouillardise patiente blèmes, matériels ou humains, du pire, le film opère toute une sé- « europuddings »). A ce titre, les rituels qui la constituent et
Autant de grands motifs qui vont qui se présentent à lui. Peu à peu, rie de contournements, déjouant Western semble nous rappeler
d’une Europe s’échauffent pendant le gel du
se rappeler inopinément à nos il devient une sorte d’électron li- sans cesse ce qui pouvait sembler une chose importante : que les à plusieurs chantier : la drague, parfois lour-
ouvriers « détachés », notamment bre, n’appartenant plus à aucun inévitable : la violence, le drame, traités économiques ne suffiront daude, les rodomontades, les jeux
à Meinhard (Meinhard Neumann), des deux groupes, mais circulant l’affrontement, la guerre. jamais à circonvenir et à neutrali-
vitesses d’argent et d’alcool, mais aussi la
grande tige moustachue au cuir sans cesse entre les deux. Entre les deux groupes, le hiatus ser les relations toujours incer- camaraderie, l’effort partagé, le
tanné, venue là « pour se faire du Vissé tout du long aux allées et qui s’esquisse n’est pas seulement taines entre les peuples. Rela- corps. Il n’y a qu’à voir Meinhard temps passé ensemble. Valeska
fric ». Très vite, le chantier se venues de ce personnage, Wes- culturel, mais désigne aussi les tions dont il n’est jamais exclu Neumann, un ancien forain, Grisebach en tire un saisissant
trouve gelé, à cause de matières tern s’identifie à son impassibi- disparités d’une Europe à plu- qu’il puisse sortir un échange dont la sécheresse physique, la portrait des hommes entre eux,
premières qui n’arrivent pas (on lité, à sa pénétration rentrée, et sieurs vitesses, où l’Ouest exerce humain, une collaboration plu- peau parcheminée, les mains cal- doublé d’une étude précise du
soupçonne une extorsion de la semble s’ouvrir sous les auspices sur l’Est un assujettissement éco- tôt qu’un servage. leuses sont à elles seules toute geste, de la mobilité masculine.
mafia locale) et d’une coupure d’un comportementalisme dis- nomique qui ne dit pas son nom. une histoire de tâches et de la- Et qu’il faille une réalisatrice
d’eau. Pendant que ses collègues tant, dont on craint d’emblée l’is- A ce stade, il faut préciser que Acteurs non professionnels beurs. Le film y gagne non seule- pour nous rappeler, aujourd’hui,
se retranchent dans un attentisme sue fatale. Mais les soupçons s’es- Western est produit par une autre Western doit, par ailleurs, une ment en réalisme (les corps ne qu’un amour des hommes est
de plus en plus nerveux, Meinhard tompent devant l’incroyable si- cinéaste allemande, Maren Ade, grande part de sa densité et de sa trichent pas dans l’action), mais encore possible n’a évidemment
en profite pour descendre au vil- nuosité du récit, qui épouse avant qui, avec Toni Erdmann (2016), force d’incarnation au choix de aussi une forme renversante et rien d’anodin. p
lage le plus proche, entrer en con- tout la mobilité de son héros, évoquait un même type de rap- ses acteurs, des non-profession- inédite de sensualité, qui s’atta- mathieu macheret
tact avec les habitants, passer du sa propension à l’action, sa dé- port asymétrique entre l’Allema- nels choisis au terme d’un long che, une fois n’est pas coutume,
temps avec eux, malgré la barrière brouillardise patiente. Meinhard gne et la Roumanie. Ces deux fic- travail de recherche. Ceux-ci vien- à ces corps matures, burinés, Film allemand et bulgare
de la langue. Il parvient à com- bricole, répare, construit, monte à tions de la déterritorialisation nent du monde ouvrier, de la ma- sillonnés par le temps. de Valeska Grisebach.
prendre un peu mieux la région, cheval, apprend, communique ; il offrent plus qu’une coïncidence : nutention, du bâtiment, et por- Car le véritable objet du film ré- Avec Meinhard Neumann,
à nouer des amitiés. L’homme désamorce une situation crispée non seulement une même inter- tent pour ainsi dire la marque du side aussi, peut-être, dans cette Reinhardt Wetrek, Syuleyman
peu disert, dont on apprend qu’il qui semble pouvoir s’enflammer rogation critique sur la position travail sur leurs visages, sur leurs « compagnie des hommes » qu’il Alilov Letivof (1 h 59).

« J’ai besoin de la réalité pour trouver l’étoffe de mon film »


En tournant « Western » sur des terres inconnues d’elle, la réalisatrice allemande veut susciter un désir d’aventure chez ses compatriotes

Je crois qu’une majorité d’Alle- culièrement, parce qu’elles évo- l’idée que la vie leur est redevable pendant toutes les étapes, parce moment de l’élaboration d’un
ENTRETIEN mands ignorent la Bulgarie, ce pe- quent des choses très différentes : d’une aventure, d’une expérience qu’il crée des moments de sur- film. Je pourrais ne jamais m’arrê-

V aleska Grisebach, 50 ans,


a peu de films à son actif
alors qu’elle est réalisa-
trice depuis une vingtaine d’an-
nées. Produite par la société de
tit pays aux confins de l’Europe.
Pour les habitants de l’ex-RDA,
c’était pourtant une destination
de choix. Pour certains, c’est le
pays de vacances de leur jeunesse,
la limite, la démarcation, mais
aussi l’imaginaire des lieux qu’il y
a derrière, le vaste monde. Je re-
cherchais des paysages particu-
liers, une espèce de désert qui
particulière. Cette idée est renfor-
cée par le pays étranger où ils se
rendent, voire par ce que ce pays
déclenche en eux. Ainsi le « duel »
dans lequel les deux hommes
prise qu’on ne peut pas inventer.
Beaucoup de détails et de scènes se
développent grâce aux acteurs et
aux lieux de tournage réels, et de-
viennent plus profonds à ce mo-
ter, cela pourrait durer des décen-
nies… C’est toujours un moment
difficile quand il faut y aller vrai-
ment, quand le tournage com-
mence, au moment où l’équipe
Maren Ade (auteure de l’étince- un souvenir associé à la nostal- pouvait servir de théâtre à une his- s’embarquent, l’idée de devoir se ment-là. Je suis toujours contente s’agrandit, quand la machine du
lant Toni Erdmann), elle incarne gie d’avoir été dans un pays my- toire qui déclencherait chez les battre pour obtenir quelque chose, quand l’histoire s’éloigne du scé- film se rajoute par-dessus. Mais
cette nouvelle vague allemande thique malgré l’expérience com- Allemands un désir d’aventure, ou est la représentation d’un désir de nario. Il en résulte une interac- c’est aussi une belle aventure
pétrie de talent, néanmoins er- mune du socialisme. Aujourd’hui, les conforterait dans ce désir. Ainsi reconnaissance, d’un destin sin- tion permanente très construc- quand les choses deviennent sé-
ratique faute du soutien qu’elle nombreux sont ceux qui pensent la région en Bulgarie méridionale, gulier, où ils seraient les prota- tive. Ce film s’est fait en langue rieuses. C’est comme attraper la
serait en droit d’attendre. Elle a surtout aux migrants de l’Est aux frontières de la Grèce, s’est im- gonistes de leur propre histoire. étrangère, sur des lieux qui balle en plein vol.
signé deux beaux longs-métra- qui viennent en Allemagne pour posée grâce aux rencontres avec la Cela renvoie à un manque, ou à m’étaient étrangers. Ç’a été un
ges, Mein Stern (2001), histoire trouver du travail, ce qui déclen- population locale. quelque chose de très narcissique. exercice de lâcher-prise positif. Quels sont vos modèles
d’amour entre deux adolescents, che chez eux une peur diffuse de cinématographiques ?
et Désir(s) (2006), chronique pro- l’étranger. Tout cela m’a donné La référence au western et Qu’est-ce qui vous intéresse Est-ce pour cette raison que Ils sont nombreux et disparates.
vinciale d’un adultère. envie de faire ce film. C’est la lé- la simplicité de l’histoire dans le fait de tourner sans tant de temps s’écoule entre Il y a les films qui m’accompa-
gende du « far East », qui remonte renvoient à un sentiment des scénario avec des acteurs non vos films ? gnent dans ma recherche sur les
Dans « Toni Erdmann », au début des années 1990, qui origines, à un goût de l’aven- professionnels ? Le temps que je mets pour les modes de travail : ceux de Maurice
le personnage principal se dé- m’intéresse, lorsque soudain les ture et de la conquête qui sem- Au début de mes films, je n’ai ja- recherches, l’écriture, le casting, Pialat, de Milos Forman et de
guise en « kukeri », une figure frontières sont tombées. blent paradoxalement s’absen- mais d’histoire, mais il y a tou- est très important pour le tour- Claire Denis. Et puis toujours ceux
carnavalesque bulgare. Vous- ter de notre monde globalisé… jours un thème, abstrait. J’ai be- nage, nous en profitons tous. On d’Antonioni. Les regarder, c’est
même avez tourné votre film Qu’est-ce qui vous a donné envie Oui, les deux Allemands de mon soin de la réalité comme sparring apprend à connaître l’histoire, comme un cours auquel on aime-
en Bulgarie. Ce pays incarne- d’y tourner une telle histoire ? histoire, au mitan de la quaran- partner de mon imagination, pour sans avoir à apprendre le texte rait assister inlassablement. p
t-il, pour les Allemands, une Les régions frontalières, limitro- taine pour l’un, approchant la cin- trouver l’étoffe de mon film. Le tra- par cœur. Cela crée l’étoffe d’un propos recueillis par
idée particulière de l’altérité ? phes, m’intéressaient plus parti- quantaine pour l’autre, partagent vail documentaire est important film. C’est pour moi le meilleur jacques mandelbaum
culture | 17
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MERCREDI 22 NOVEMBRE 2017

Récit d’une métamorphose de classe


Inspiré d’un roman autobiographique, le film d’Anne Fontaine raconte la fuite d’un jeune gay en souffrance

MARVIN OU ple qu’Abel (lui-même issu du pro-


létariat) forme avec Pierre (Sharif
LA BELLE ÉDUCATION Andoura), artiste du sérail, Roland
ppvv (Charles Berling), qui collectionne
les jeunes conquêtes, pour termi-

C’
est une obsession du ner par la collaboration avec une
cinéma français, ces grande actrice de théâtre nommée
héros de l’enseigne- Isabelle Huppert (Isabelle Hup-
ment public et laï- pert), un tour de passe-passe qui
que qui veulent démontrer encore permet à l’actrice d’irradier une
et encore, contre toute évidence, chaleur que ses rôles les plus ré-
que le système n’est pas cassé, cents avaient soigneusement iso-
qu’il suffit d’un peu de bonne vo- lée du public et au film de flirter
lonté pour en recoller les fêlures, un moment avec le conte de fées.
d’Héritiers (Marie-Castille Men- Sans cesse, les allers-retours
tion-Schaar, 2014) en Grands Es- dans le temps et dans l’espace (car
prits (Olivier Ayache-Vidal, 2017). Marvin, devenu Martin Clément,
Par son sous-titre – la belle éduca- retournera voir les siens) ramè-
tion –, Marvin fait mine d’adhérer nent le héros à son terreau de
à ce qui est devenu un genre. souffrances et d’incompréhen-
Par sa genèse, par sa structure, sion. Ces séquences dans le village
par sa violence sporadique et sa des Vosges n’ont sans doute pas la
méfiance à l’égard des bons senti- justesse de celles situées à Paris,
ments, le film d’Anne Fontaine mais elles produisent parfois une
suit un chemin différent. Si Mar- émotion encore plus forte. On di-
vin jette une autre lumière sur la rait qu’Anne Fontaine s’est achar-
question de la reproduction cultu- née à manier ce matériau. Grâce à
relle, c’est presque par accident. La Grégory Gadebois et Catherine Sa-
réalisatrice a mis en chantier une lée, qui reçoivent en fin de film le
espèce de portrait diachronique, renfort de la toujours impeccable
qui met en scène un même être à India Hair, dans le rôle de la sœur
deux moments contradictoires de plus lucide que ses géniteurs, cette
sa vie. Marvin Bijoux, enfant mar- famille, monstrueuse lors de ses
tyr, certain d’être haï par tous premières apparitions, se fait plus
ceux qui l’entourent, et Martin complexe. Il faut toute la force de
Clément, figure montante de la Gadebois pour déplier les replis de
scène théâtrale parisienne, sont Charles Berling et Finnegan Oldfield, qui campe Marvin devenu adulte. CAROLE BETHUEL/MARS FILMS fibres paternelles nouées dès l’en-
séparés par une distance en appa- fance, pour amorcer une réconci-
rence infranchissable, et pour- liation.
tant, le collégien persécuté a en- Le scénario d’Anne Fontaine et de théâtre où le jeune garçon a ob- en 2009), qui de toute façon ne La métamorphose de Marvin est
gendré le séducteur qui s’intro- Pierre Trividic entretient un
« Marvin » est tenu l’asile affectif et culturel. sont pas les siens, mais plutôt de contagieuse, comme naguère –
duit dans le beau monde, et l’ar- étrange rapport avec En finir avec construit en Comme Eddy Bellegueule, Mar- recomposer cet étrange bouillon pour remonter la filmographie
tiste naissant redessine son passé Eddy Bellegueule, le roman auto- vin Bijoux est né gay et angélique de culture, qui ressemble à un d’Anne Fontaine – la révolte de
pour porter l’histoire de sa méta- biographique d’Edouard Louis,
allers-retours (jusqu’à l’adolescence, il a la figure puits de sables mouvants, mais Coco Chanel contre son destin an-
morphose aux yeux du monde. paru en 2014. On reconnaîtra dans entre l’enfance fascinante de Jules Porier, qui op- dont le héros émergera sous une noncé de cocotte avait affecté
Cette ambition n’est pas sans pé- le parcours de Marvin des stations pose aux brutes une beauté mar- autre forme que celle que lui desti- toute une génération de femmes.
ril et le film vacille parfois – en de celui d’Eddy, l’enfant picard au
malheureuse moréenne qui se dissout de temps nait sa naissance. Plus modestement, la cinéaste se
particulier lorsqu’il s’agit de met- visage angélique, torturé par ses et l’initiation en temps en un sourire) dans une contente cette fois d’une famille,
tre en scène une collectivité, la fa- condisciples, insulté par ses pa- famille démunie d’argent et de Tour de passe-passe d’une petite tribu, et son cinéma
mille de Marvin, son collège ou rents. Mais Marvin grandit dans
à la vie de l’esprit mots. Le père (Grégory Gadebois) Marvin est construit en allers-re- en devient plus irrégulier, plus in-
l’intelligentsia parisienne… Reste les Vosges et – surtout – on le suit et du monde pourrait être une brute s’il n’était tours entre l’enfance malheureuse time, plus personnel. p
le plus important, le portrait frag- bien au-delà de la porte sur le pas aussi apathique. La mère (Cathe- (mais pas vraiment misérable) et thomas sotinel
menté et constamment émou- de laquelle Edouard Louis laissait rine Salée) flotte au-dessus d’une l’initiation à la vie de l’esprit et du
vant d’un jeune homme qui réus- son alter ego. Construisant son ré- saisir les moments qui mènent à tribu recomposée qui devrait être monde. Cette deuxième partie, Film français d’Anne Fontaine.
sit à passer le miroir, porté par Fin- cit au-delà de ce moment, le fai- l’éclosion, comme cette formida- sous la botte du patriarche. Il ne sans doute grâce à la familiarité de Avec Finnegan Oldfield,
negan Oldfield, qui accomplit ici sant ainsi passer de l’autofiction à ble confrontation entre Marvin s’agit pas, pour la réalisatrice, de l’auteure avec le milieu artistique, Jules Porier, Vincent Macaigne,
les promesses que l’on avait devi- la pure fiction (ce qui explique (Finnegan Oldfield) et Abel (Vin- mobiliser des souvenirs (comme est plus fluide, portée par la suc- Grégory Gadebois, Catherine
nées dans Gang Bang, Une vie ou l’absence du nom de l’écrivain au cent Macaigne), intervenant venu l’avait fait Felix Van Groeningen cession de rencontres qui jalon- Salée, Charles Berling,
Les Cowboys. générique), Anne Fontaine veut porter la bonne parole dans l’école dans La Merditude des choses, nent l’évasion de Marvin : le cou- Isabelle Huppert (1 h 53).

Des ouvriers du textile au bout du rouleau Un apprivoisement


Le documentariste Wang Bing a placé sa caméra dans des ateliers de confection à Shanghaï mutuel par les mots
Un couple élève-prof séduisant dans un film
dépourvu d’aspérités
ARGENT AMER caméra de Wang Bing les suit, se
pliant aux impératifs d’un labeur
que où le train ressemble bientôt
à un royaume figé dans le temps,
ter à s’épuiser, on ne sait plus très
bien de quel côté de la vie ou de la
ppvv exténuant, n’y résistant pas tou- et le voyage à un tunnel noc- mort on se situe. Existence sans
jours, puis les perd de vue, pour turne qui doit déboucher sur une la moindre extériorité.

P eu à peu, l’œuvre du Chi-


nois Wang Bing, l’un des
documentaristes les plus
importants de sa génération,
embrasser une réalité plus vaste,
celle d’un marché textile en
pleine mutation, où le travail est
devenu la principale variable
autre réalité. La caméra se pro-
mène entre les dormeurs, s’at-
tarde sur leurs visages emmitou-
flés, comme la dernière cons-
Wang Bing passe d’un person-
nage à l’autre, dans un marabout-
bout de ficelle qui nous entraîne
dans les arcanes d’un même quar-
LE BRIO
pvvv
vieux camarade, que sous la pres-
sion des réseaux sociaux, il ne
peut plus désormais lui éviter le
conseil de discipline, à moins
construit un immense contre-
champ à l’« économie socialiste
de marché » et se fait le témoin de
ses innombrables dommages
collatéraux, c’est-à-dire des dé-
d’ajustement au spectre de la
concurrence mondialisée.
Un tel document sur l’aliéna-
tion au travail aurait pu n’être
qu’un laborieux relevé des at-
cience en éveil. Moment magni-
fique où l’on se demande : de
quoi rêvent-ils ?
Cette lassitude ne cessera plus
de hanter le film, pour rejaillir
tier, jusqu’aux boutiques des pe-
tits négociants. A ce titre, les pas-
sages les plus forts du film concer-
nent un couple de boutiquiers
qui se déchirent, notamment au
L orsque la jeune Neïla Salah
(Camélia Jordana) pénètre,
en retard, dans le grand am-
phithéâtre d’Assas à Paris plein à
craquer pour son premier cours
que ce dernier n’accepte l’idée
d’un stratagème destiné à démi-
ner la situation : former person-
nellement la jeune Neïla Salah au
concours d’éloquence !
sastres humains. Après avoir teintes et des préjudices subis par dans une seconde partie qui se cours d’une scène de ménage fil- de droit, loin d’elle l’idée qu’elle va A cet instant, soit à peu près
filmé l’exil de minorités birma- les ouvriers. Mais le génie de passe presque exclusivement mée in extenso, où la femme, je- passer un sale quart d’heure. Sous cinq minutes (sans les publicités)
nes vers le Yunnan, dans le sud- Wang Bing est de ramener son dans un atelier de confection. On tée à la rue, s’accroche coûte que l’œil mi-effaré, mi-amusé de l’as- après que vous avez pris place
ouest de la Chine, dans Ta’ang sujet à la persistance d’un motif y découvre les conditions som- coûte à son mari brutal et excédé. semblée, la jeune femme, culture dans la salle de cinéma, le film est
(2016), le cinéaste prend cette fois qui le porte à un degré supé- maires dans lesquelles vivent les Les coups pleuvent et la présence de banlieue, tchatche assumée et terminé. Au sens, du moins, où
pour cadre les ateliers de confec- rieur. Ainsi, Argent amer s’avère- ouvriers, dans des dortoirs situés de la caméra pourrait sembler de origines maghrébines en bandou- son programme, enlevé à la sauce
tion textile de la ville de Huzhou, t-il, en même temps qu’un té- sur leur lieu de travail, mais éga- trop, si l’épouse répudiée n’avait lière, devient ipso facto la proie de américaine, vous est donné clé
dans la périphérie étendue de moignage frappant sur la condi- lement les cadences infernales, auparavant entraîné elle-même le Pierre Mazard (Daniel Auteuil), en main. Reste, évidemment, la
Shanghaï, qui emploient près de tion ouvrière, un grand film sur les horaires morcelés, les ordres cinéaste-cadreur sur le lieu de la sommité du droit français, rhé- prestation agréable des deux ac-
300 000 ouvriers. le sommeil, plus précisément qui tombent à tout moment. Les dispute, comme si elle avait éper- toriqueur hors pair, monument teurs principaux, l’apprivoise-
C’est encore dans la région stra- sur l’engourdissement coma- êtres y errent dans le brouillard dument besoin de lui. C’est alors d’une conception élitiste et exclu- ment mutuel, lent mais inélucta-
tégique du Yunnan que s’ouvre teux qu’un travail sans limite in- d’une fatigue résiduelle, tou- que se fait jour l’un des princi- sive de la culture française. ble, du chat et de la souris, l’idée
Argent amer, pour se pencher sur suffle au corps et à la conscience. jours disponibles, toujours exté- paux traits du cinéma de Wang Sévèrement chahutée par le plaisante que seule l’intégra-
un autre type de migration : celle nués, avec en tête une paire de Bing : l’insistance. Une insistance vieux hussard, qui manie à mer- tion critique aux normes de la so-
des ruraux des provinces les plus Suspension narcoleptique chiffres qui se battent en duel : le qui peut gêner, épuiser, éprouver, veille l’allusion raciste, la jeune ciété d’accueil permettra à ses
démunies vers les grands centres Tout commence par l’ahuris- nombre de pièces à produire et déranger parfois, mais vise avant fille est sauvée par l’irruption du minorités ostracisées de désar-
ouvriers qui en aspirent la sante scène du voyage en train, les maigres subsides qui leur cor- tout à garantir l’intégrité des per- président de l’université, venu an- mer leurs contempteurs. Beau
main-d’œuvre. Après un trem- où les passagers sombrent peu à respondent. Un employé vou- sonnes filmées et les faire accé- noncer l’ouverture des candidatu- programme en effet, mais à ce
blement de terre dans leur vil- peu dans le sommeil, entassés drait partir, mais le patron re- der, dans la durée, au statut de res au concours d’éloquence, pour point dénué d’accident qu’il en
lage, deux sœurs et un frère se parfois dans les endroits les plus tient son solde ; ivre, il retourne personnages. Dignes, grands, lequel l’université d’Assas a cette devient lénifiant. p
lancent pleins d’espoir dans le exigus, sur les plates-formes, cuver sur sa couche. Un autre beaux et terribles à la fois. p année une revanche à prendre. jacques mandelbaum
long voyage en train, de plusieurs dans les toilettes, la tête dans le aperçoit un accident dans la rue mathieu macheret A la suite de cette scène d’expo-
milliers de kilomètres, qui doit lavabo, recroquevillés dans les et s’étonne à peine qu’il puisse y sition, on retrouve les deux hom- Film français d’Yvan Attal.
les mener à Huzhou, de l’autre coins ou entre deux portes. avoir une victime. A force de Documentaire de Wang Bing mes face à face, le président Avec Daniel Auteuil et Camélia
côté du pays. Une fois sur place, la Etrange suspension narcolepti- s’épuiser à compter, ou de comp- (2 h 36). faisant savoir au professeur, son Jordana (1 h 35).
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MERCREDI 22 NOVEMBRE 2017

La cause des femmes dans la raquette


Une comédie lucide sur le match de tennis opposant, en 1973, Billie Jean King et le vétéran Bobby Riggs

Cinéastes experts
en légèreté,
Jonathan Dayton
et Valerie Faris
ont pris le parti
de rire
de cet événement

éviter d’être tout à fait répugnant,


les comparses – au premier rang
desquels Sarah Silverman, majes-
tueuse et drôle en grande dame du
Bobby Riggs tennis – créent un environnement
(Steve Carell) propice au comique. Si l’on ajoute
face à Billie les coupes des cheveux et des vête-
Jean King ments, gentiment ridicules, on se
(Emma Stone). retrouve vite immergé dans un
20TH CENTURY FOX monde opulent et dynamique, si
FRANCE accueillant qu’on se remettrait
presque à fumer, histoire de faire
plaisir aux sponsors.
La montée de la tension jusqu’au
match du 22 septembre trouve un
contrepoint dans l’idylle discrète
entre Billie Jean King (alors mariée
au promoteur sportif Larry King)
et Marilyn Barnett (Andrea Rise-
borough), qui s’est incrustée dans
le groupe des joueuses en tant que
BATTLE OF THE SEXES Cinéastes experts en légèreté
(ils ont réussi à faire de la mort
Bobby Riggs offre à Billie Jean
King un petit cochon, revendi-
sur le circuit professionnel, avec le
concours de l’éditrice de presse et
supériorité masculine se joue des
années. Margaret Court (Jessica
coiffeuse. On pourrait trouver là
une faille qui donnerait une autre
ppvv d’un héroïnomane un excellent quant ainsi sa condition de ancienne joueuse Gladys Held- McNamee), championne austra- profondeur au personnage, mais
gag dans Little Miss Sunshine), Jo- « chauvinist pig »), tout en y injec- man (Sarah Silverman) et d’une lienne par ailleurs tenante des va- Jonathan Dayton et Valerie Faris

O
rganisée le 22 sep- nathan Dayton et Valerie Faris se tant un peu de frivolité. marque de cigarettes. leurs familiales les plus tradition- ne sont pas là pour se poser des
tembre 1973 à Hous- sont emparés de cette « bataille », En marge de l’establishment nelles, relève le défi pour être dé- questions sur les compromis qu’il
ton (Texas), la « ba- ont pesé les ingrédients de l’évé- Un monde opulent et dynamique masculin qui tente de contrer faite. Ulcérée par ce qu’elle inter- faut conclure entre la célébrité et
taille des sexes » nement – épisode de la lutte des Avec une efficacité tout à fait in- leurs efforts, Bobby Riggs (Steve prète (à juste titre, il suffit de lire la la vérité, entre l’argent des spon-
était alors présentée par le cor- femmes pour l’égalité, pa- dolore, le scénario du Britannique Carell) se débat pour conserver presse de l’époque) comme un re- sors et l’orientation sexuelle (con-
respondant du Monde aux Etats- roxysme de mercantilisme spor- Simon Beaufoy (Slumdog Millio- une parcelle de sa gloire passée. vers dans sa lutte, Billie Jean King, firmant son esprit de pionnière,
Unis, Henri Pierre, comme un tif, retour vers un passé nimbé naire) fait absorber aux ignorants Histrion qui vit plus ou moins aux qui considérait jusqu’alors l’opé- Billie Jean King fit son coming out
« canular ». Il n’empêche, le par la nostalgie – et ont pris le de la chose tennistique une forte crochets de son épouse, Priscilla ration comme indigne d’elle, dé- en 1981), mais pour célébrer l’une
journal y consacrait deux colon- parti d’en rire. Ce qui ne veut pas dose d’informations en quelques (Elisabeth Shue), il lui vient l’idée cide d’affronter Bobby Riggs. des victoires, un peu frelatée par le
nes. Le match opposant Billie dire qu’ils ont renoncé à être in- séquences : au début des années de tirer quelque avantage du débat L’agilité de ces scènes d’exposi- commerce en l’occurrence, de la
Jean King, 29 ans, qui domine telligents : Battle of the Sexes est 1970, les joueuses se rebellent sur l’égalité hommes-femmes qui tion tient avant tout à l’intelli- cause des femmes. p
alors le tennis féminin, à Bobby une comédie historique lucide, contre la disparité des primes en- fait rage aux Etats-Unis (l’amende- gence de la distribution des rôles : thomas sotinel
Riggs, 55 ans, gloire des courts servie par des interprètes remar- tre hommes et femmes. Billie Jean ment constitutionnel établissant autour d’Emma Stone, étonnam-
dans les années 1940 qui ne se quables, qui ramènera en dou- King (Emma Stone) est, avec Rosie celle-ci a été voté par le Congrès, il ment, mais justement, introver- Film américain de Jonathan
résout pas à prendre sa retraite, ceur jusqu’à un temps où un Casals (Natalie Morales), l’anima- attend sa ratification par les tie, et de Steve Carell, qui injecte Dayton et Valerie Faris. Avec
suscitait aux Etats-Unis un inté- homme pouvait balancer un porc trice d’un groupe de tenniswo- Etats) : l’ancienne légende défie les l’exacte dose de désespoir qu’il Emma Stone, Steve Carell, Sarah
rêt démesuré. à une femme (à la veille du match, men qui esquissent une sécession joueuses afin de démontrer que la faut à son personnage pour lui Silverman, (2 h 01).

Rédemption entre quatre murs L’Afrique de l’Ouest


La relation filiale naissante entre un jeune voyou recherché par la police et un père de famille
minée par la violence
Sombre réalité dans le film de Sékou Traoré
LA EDUCACION DEL REY Le molosse se déchaîne, l’alarme
se déclenche, la police rapplique
Tout le film, de fait, repose ainsi
sur un mélange de réalisme social
Tandis que ses complices subis-
sent, en prison, les sévices de ces
ppvv dare-dare, le gamin s’enfuit sur les et de polar nerveux, de mélo- sinistres personnages qui veulent

R eynaldo, quinze ans à vue


de nez, est mis à la porte de
chez lui par sa mère. Son
toits, voit ses deux complices se
faire arrêter, sème ses poursui-
vants, planque l’argent derrière
drame et de thriller, dont les do-
sages varient au gré de l’intrigue
et à mesure qu’infusent, les unes
récupérer l’argent, le jeune héros
construit la serre et gagne la con-
fiance de son protecteur. Peu de
L’ŒIL DU CYCLONE
ppvv
Face à lui, Maïmouna N’Diaye
compose une figure d’abord arro-
gante puis désemparée de jeune
grand frère le présente à un petit
malfrat dont il espère qu’il pourra
l’héberger. Le petit malfrat ac-
cepte, mais à une condition : que
Reynaldo s’introduise le soir
deux parpaings, se laisse glisser
dans la cour d’une maison et
tombe, détruisant dans sa chute la
jolie serre en bois dont les pro-
priétaires des lieux venaient
dans les autres, les différentes
strates de récit. On pense au ci-
néma de Pablo Trapero — à El bo-
naerense en particulier, dont l’in-
trigue se déployait, comme cel-
mots sont échangés entre eux,
mais des gestes, des attentions,
qui témoignent d’une affection et
d’une reconnaissance réciproques
et esquissent un début de relation
P résenté en février 2015 au
Festival panafricain de ci-
néma de Ouagadougou,
L’Œil du cyclone n’a rien perdu de
son actualité : il y a deux ans, l’im-
bourgeoise convaincue d’être en
mesure de ramener l’ordre dans
un monde où le chaos est la règle.

Méfiance universelle
même dans une maison pour y d’achever la construction. le-ci, sur fond de corruption de la filiale. Carlos a connu la pauvreté, possible procès d’un enfant soldat Méthodiquement, le scénario
dérober un gros paquet de billets. La famille était réunie pour un police argentine. Et cela n’a rien les milieux interlopes, la prison. Il devenu tueur de masse pouvait plonge chaque protagoniste, cha-
Le grand frère proteste – Reynaldo anniversaire. Le bruit du fracas les d’une coïncidence : Trapero est à sait la violence et l’injustice que encore sembler exotique, éloigné que événement, dans une pénom-
est trop jeune, il n’a aucune expé- fait sortir dans la cour. Le fils, la fois le producteur de La educa- produit une société inégalitaire des préoccupations immédiates bre propre à la paranoïa. La mise
rience… –, mais l’affaire se conclut trentenaire, veut appeler la po- cion del rey et un partenaire de qui protège d’autant moins les d’un public qui ne se posait pas la en scène renchérit, parfois bruta-
et le film bascule dans la nuit, sur lice, mais son père refuse. Il im- longue date du réalisateur Santi- plus faibles que ses institutions question du sort de jeunes qui se lement, pour imposer cette sensa-
les traces de l’adolescent que l’on mobilise Reynaldo, l’enferme ago Esteves, qui a notamment tra- sont corrompues. Il perçoit la fra- sont retournés contre les leurs, au tion de méfiance universelle. Ce
suit escaladant le mur de la pro- dans une chambre, le menotte à vaillé pour lui comme monteur. gilité du jeune homme et veut point d’en devenir les assassins. qui semblait simple au début – le
priété, se faufilant à l’intérieur de un lit. Filmée avec souplesse et lé- l’aider à se consolider. Adapté d’une pièce du comédien procès pour l’exemple d’un tueur
la demeure, descendant les esca- gèreté, rythmée par une musique Redonner un sens à leurs vies Guidé par sa connaissance français Luis Marques, qui s’est de masse – se transforme en un la-
liers à pas de loup, s’emparant du haletante, cette longue séquence Interprété par German de Silva, fi- instinctive de la ville de Men- inspiré de la situation en Côte byrinthe politique dont chaque
magot… Jusqu’à ce qu’il tombe a des accents de polar qui contras- gure familière du cinéma argen- doza, dont il est originaire, et d’Ivoire au début du siècle, L’Œil du détour permet aux protagonistes
nez à nez avec un chien de garde. tent avec le naturalisme du début. tin, Carlos, le père de la famille, est dans laquelle il a choisi de tour- cyclone prend à bras-le-corps les de changer de costume, pour pré-
un ancien convoyeur de fonds qui ner ce film (son premier long- maux qui ont gangrené l’Afrique server les intérêts des puissants.
vit mal son nouvel état de re- métrage), Santiago Esteves cul- de l’Ouest, et tente d’en cerner les On pourrait s’étonner de ce pes-
traité. Avec l’arrivée de ce jeune tive une esthétique de l’artifice évolutions. Cette ambition fait le simisme radical, mais il suffit de
fugitif, en qui il reconnaît peut- minimal. Celle-ci pourrait paraî- prix du film, porté par la mise en lire la chronique de la fin de règne
être quelque chose du jeune tre old school si elle ne servait pas scène rageuse et souvent mélodra- de Robert Mugabe pour se souve-
homme qu’il fut, il entrevoit la à dépeindre la zone grise généra- matique de Sékou Traoré et l’inter- nir que L’Œil du cyclone ne peut se
possibilité de redonner un sens à lisée dans laquelle évoluent prétation de Fargass Assandé, prévaloir de beaucoup d’imagina-
son existence. Aussi lui propose- les individus dans des sociétés dans le rôle du colonel « Hitler tion. Il y a là, simplement, énoncée
t-il, en guise de réparation, de re- contemporaines corrompues. Mussolini », enlevé à l’âge de aussi clairement que peuvent le
construire la serre lui-même et de Aussi n’est-on pas surpris, en li- 8 ans, devenu chef d’un millier de permettre des mécanismes de
s’installer à domicile pendant le sant le dossier de presse, d’ap- rebelles dont quelques centaines prédation aussi tortueux, la repré-
temps des travaux. Une main ten- prendre qu’avant de devenir un d’enfants, qu’il a transformés en sentation à peine exacerbée d’une
due providentielle, en somme, film, La educacion del rey fut tueurs sanguinaires. réalité quotidienne. p
qui soustrait Reynaldo aussi bien d’abord une mini-série télé. p L’acteur ivoirien ramène son t. s.
à la police qui le traque qu’aux isabelle regnier personnage à une brutalité élé-
commanditaires du vol, dont on mentaire, suggérant toutes les sé- Film franco-burkinabé de Sékou
comprend vite qu’il s’agit des mê- Film argentin de Santiago quelles d’une enfance consacrée Traoré. Avec Fargass Assandé,
mes personnes. Esteves (1 h 36). à la destruction et à la souffrance. Maïmouna N’Diaye (1 h 43).
culture | 19
0123
MERCREDI 22 NOVEMBRE 2017

K Retrouvez l’intégralité des critiques sur Lemonde.fr

S E M A I N E
Okay Kaya
(à gauche) ppvv À VOIR
et Eili Harboe. Ernest et Célestine en hiver
MOTLYS AS/LE PACTE Film d’animation français de Julien Chheng et Jean-Christophe
Roger (48 minutes).
Après le succès d’Ernest et Célestine (2012), la souris et l’ours
reviennent le temps d’un programme de quatre courts-
métrages destinés à un très jeune public. On y retrouve
le raffinement visuel d’une des plus belles réussites
de l’animation française de ces dernières années. p m. j.

pvvv POURQUOI PAS

L A
Ice Mother
Film tchèque et slovène de Bohdan Slama (1 h 44).
Hana, veuve et grand-mère modèle, pâtit d’une famille impos-
sible, en guerre perpétuelle. Elle largue un jour les amarres en

D E
compagnie d’un fier nageur de fond qui ne lui rend pas énor-
mément d’années. Une comédie sympathique, mais formatée
et languissante eu égard au canon, autrement inventif, de feu
la Nouvelle Vague tchèque. p j. ma.

F I L M S
La Lune de Jupiter
Film hongrois et allemand de Kornel Mundruczo (2 h 03).
Blessé par la police lors d’une tentative de passage illégal
de la frontière, un jeune immigré se découvre le pouvoir
de léviter à volonté. Le médecin chargé de soigner
ses blessures tente d’exploiter commercialement les dons
du jeune homme, pour couvrir ses propres dettes.
Ce don miraculeux métaphorique devient le prétexte

A U T R E S
d’une réflexion un peu lourde sur le mélange de mauvaise
conscience et de cynisme d’une Europe face aux
nouvelles vagues d‘immigration qui la traversent

Ma sorcière bien givrée et aux périls qui la menacent. p j.-f. r.

Madame
Film français d’Amanda Sthers (1 h 30).
Une curiosité que cette réunion de talents vus chez Scorsese
Le film de Joachim Trier est un récit de sorcellerie moderne (Harvey Keitel), Shyamalan (Toni Collette), Almodovar (Rossy
de Palma) et Akerman (Stanislas Merhar)… La romancière
qui met aux prises une jeune fille avec sa sexualité et le surnaturel

L E S
Amanda Sthers devenue cinéaste s’est inspirée de Marivaux
pour jeter la bonne d’un couple d’Américains dans les bras
d’un historien d’art. Mais les articulations comiques grincent,
THELMA par les prescriptions de la société
ou de la famille. Cette thématique
Revenue chez ses fait retour sous une forme patho-
logique est progressivement
et le suspense tient plus à la capacité des acteurs à se sortir
du mauvais pas dans lequel les a placés la metteuse
ppvv a été souvent utilisée, notamment parents, Thelma habitée par la découverte, par en scène qu’aux enjeux du scénario. p t. s.

V
éritablement décou- par un cinéma de genre dont les Thelma, de pouvoirs surnaturels
vert en 2011 avec son motifs avaient toujours une forte
retrouve terrifiants et létaux. Le film de Myrtille et la lettre au Père Noël
deuxième long-métra- valeur allégorique. C’est donc, très progressivement Joachim Trier est un récit de sor- Programme français et lettonien (0 h 42).
ge, Oslo, 31 août, le ci- précisément, dans le dosage entre cellerie moderne. Ce pourrait être Ce programme réunit trois courts-métrages d’animation
néaste norvégien Joachim Trier la chronique réaliste et l’intrusion
le souvenir d’un un remake du Carrie au bal du dia- qui ont en commun non seulement leur cadre hivernal,
avait vu son film suivant, Back d’éléments surnaturels, entre le trauma primitif ble de Brian De Palma, mais un re- mais surtout leurs très belles factures, selon différentes
Home, bénéficier d’un casting drame réaliste et le film d’horreur, make adapté à la froideur nordi- techniques (2D, 3D et marionnettes). Leurs histoires
international (Isabelle Huppert, que se situe la particularité du
et abominable que, dénué des flamboyances ro- d’animaux, de bonhomme en pain d’épice et de petite fille
Gabriel Byrne) et d’une sélection film de Joachim Trier. mantiques du titre de référence. qui veut envoyer son frère sur la Lune, sont recommandables
en compétition au Festival de Can- étudiante, Anja (Okay Kaya), jus- Mais d’autres sources d’inspira- pour les tout-petits. p m. m.
nes en 2015. Après cette tentative Pouvoirs terrifiants et létaux qu’à ce que l’hypothèse d’une his- tion affleurent, celles du Jacques
ambitieuse mais peu convain- Au cœur d’un paysage enneigé, toire d’amour se précise. Mais au Tourneur de La Féline par exem- NOUS N’AVONS PAS PU VOIR
cante, Thelma semble témoigner un homme met en joue avec un fur et à mesure de la percep- ple, plus explicitement repérable L’Expérience interdite, Flatliners
d’une ambition plus modeste fusil de chasse une petite fille (sa tion d’une attirance sexuelle qui autour du lesbianisme à peine Film américain de Niels Arden Oplev (1 h 43).
mais plus probante. fille ?). C’est avec cette entrée en paraît combler d’effroi l’héroïne, contenu des deux jeunes filles.
Certes, il est aisé de constater matière particulièrement inquié- les crises se multiplient. L’autre Car dès lors qu’il est tenu par le Gorki, Tchekhov, 1900
à quel point sujet et motifs à tante et mystérieuse que débute jeune fille disparaît littéralement, carcan du thème, Trier ne peut Film français de Fabrice Cazeneuve (1 h 20).
l’œuvre dans le film ont été large- Thelma. De sombres essaims de comme happée au cœur d’un des qu’inventer des visions étonnan-
ment explorés par le cinéma, dans corbeaux survolent un bâtiment cauchemars de Thelma. Revenue tes et spectaculaires (le prologue, Le Consul de Bordeaux
des registres assez différents. Mais universitaire. Dans une bibliothè- chez ses parents, dont on décou- la piscine transformée en piège, Film belge, espagnol et portugais de Joao Correa (1 h 30).
c’est justement dans la façon avec que, une jeune fille est soudain vre un rigorisme moral déter- etc.), dont on peut dire qu’elles
laquelle le cinéaste semble en ex- prise de convulsions spectaculai- miné par un luthéranisme parti- sont assez convaincantes, même Mazinger Z Infinity
plorer plusieurs niveaux qui fait la res. C’est Thelma (Eili Harboe), ve- culièrement rigide, la jeune fille si elles ne désignent pas le film Film d’animation japonais de Junji Shimizu (1 h 30).
valeur de ce film. Thelma parle du nue de province pour étudier la retrouve progressivement le sou- comme autre chose que l’exer-
passage de l’enfance à l’adoles- biologie et les sciences naturelles. venir d’un trauma primitif et abo- cice de style d’un élève doué. p
cence, de la découverte de la Alors que les recherches sur l’ori- minable donnant enfin un sens à jean-françois rauger
sexualité, de la frayeur attachée à gine de ses crises semblent laisser d’énigmatiques séquences.
toute conscience d’une maturité perplexes les médecins, la jeune Cette nouvelle fiction, bien usée Film norvégien de Joachim Trier LES MEILLEURES ENTRÉES EN FRANCE
enfin atteinte quoique contrariée fille semble attirée par une autre par le cinéma, d’un refoulé qui (1 h 56). Evolution
Nombre par rapport Total
de semaines Nombre Nombre à la semaine depuis
d’exploitation d’entrées (*) d’écrans précédente la sortie

Justice League 1 741 203 687 741 203

« Le Flingueur », schizophrène et paranoïaque Happy Birthdead


Epouse-moi mon pote
1
4
202 475
185 562
248
519 ↓ – 39 %
202 475
2 140 669
Le film de Michael Winner (1972), avec Charles Bronson, ressort en coffret DVD et Blu-ray Au revoir là-haut 4 182 302 665 ↓ – 33 % 1 511 050
Jalouse 2 155 817 411 ↓ – 39 % 471 765

du Nouvel Hollywood, où une est perverti par un sous-texte ho- mes sont les produits d’une gé-
Thor : Ragnarok 4 123 397 435 ↓ – 56 % 2 283 472
DVD jeune génération de réalisateurs, mosexuel, énoncé de façon cons- néalogie pourrie. A l’abstraction Le Sens de la fête 7 94 724 501 ↓ – 38 % 2 782 034

E n son temps, on ne trouva


guère de monde, du moins
dans la critique française,
pour faire grand cas du Flingueur,
deuxième film que l’Anglais Mi-
de scénaristes, d’acteurs et de pro-
ducteurs allait inventer un cinéma
nourri, notamment, des motifs de
la contre-culture.
Le Flingueur, pourtant, ne parti-
ciente dans le scénario d’origine
puis progressivement dissimulé
tout en restant perceptible. C’est
d’ailleurs dans cette stratégie de
camouflage (Bronson n’aurait
melvillienne se substitue un bé-
haviorisme à la fois opaque et pré-
cis. Le jeu de Bronson exprimant,
a minima, l’hypothèse d’une bru-
talité reptilienne rentrée, confère
L'Etoile de Noël
Carbone
L'Ecole buissonnière
1
3
6
92 671
81 032
78 323
189
399
570


– 43 %
– 47 %
92 671
585 497
1 680 883

chael Winner réalisa avec Charles cipe pas de ce mouvement. Il en pas accepté de jouer un homo- au personnage une épaisseur sin- AP : avant-première * Estimation
Bronson en 1972. L’acteur, dont serait même plutôt idéologique- sexuel) que se situe l’un des at- gulière et mystérieuse. Source : « Ecran total » Période du 15 au 19 novembre
l’accession au vedettariat avait ment opposé (le personnage prin- traits du film, la construction Wild Side propose une édition
commencé par le cinéma euro- cipal énonce, entre autres choses, d’une relation ambivalente et exemplaire du film dans un cof- Il faut se rendre à une évidence démontrée de longue date : la récep-
péen (Il était une fois dans l’Ouest, son mépris des hippies) tout en en poétiquement énigmatique. fret DVD et Blu-ray nourri de tout tion critique d’un blockbuster ne change rien à l’affaire de son accueil
Le Passager de la pluie, La Cité de la empruntant un certain nombre un appareil critique : un livret ré- public. Justice League, la nouvelle et laborieuse production DC Co-
violence), va devenir une star hol- de ficelles, comme en témoignent Brutalité reptilienne digé par notre confrère Samuel mics-Warner, réalisée par Zack Snyder, avec Ben Affleck et Henry Ca-
lywoodienne après le succès du le psychédélisme furtif de la mise Portrait d’un schizophrène para- Blumenfeld, un entretien avec vill, et accueillie par une volée de bois vert, fait son entrée en salle
film puis, deux ans plus tard, de en scène de Michael Winner et noïaque, Le Flingueur pourrait se Dwayne Epstein, un historien du comme à la parade. Sept cent mille entrées en cinq jours sur le terri-
celui d’Un justicier dans la ville, du l’apparente désinvolture vis-à-vis rapprocher du Samouraï, de Mel- cinéma auteur d’une biographie toire national, soit, pour environ sept cents écrans, une mirobolante
même réalisateur. des conventions d’antan. ville (1967), si son personnage de Michael Winner. On trouve moyenne de mille spectateurs par copie. Il fallait donc s’appeler
Sans doute qu’en d’autres temps, Bronson incarne Arthur Bishop, principal ne se distinguait de celui aussi, dans les suppléments, une Happy Birthdead et poser au slasher (sous-genre de film d’horreur,
une œuvre telle que Le Flingueur un tueur froid et méthodique au incarné par Delon par une des- interview audio de Monte Hell- où un tueur psychopathe élimine un à un les personnages) comique
eût été impossible à produire. Son service de la mafia. Il entreprend cription plus précise : il est ama- man qui devait, à l’origine, réaliser en milieu étudiant pour espérer s’approcher du Valhalla superhéroï-
minimalisme comportementa- de former à son métier Steve (Jan- teur d’art et, surtout, le résultat le film avant d’en être dessaisi. Ce que. Cette parodie horrifique d’Un jour sans fin réalise huit cents
liste, son amoralisme froid, son Michael Vincent), le fils d’un de d’un apprentissage douloureux, mauvais souvenir semble toute- entrées par salle quand même, pour une fréquentation de deux cent
dénouement noir et ironique, ses amis qu’il a, par ailleurs, dû celui imposé par un père dont on fois avoir laissé peu de traces dans mille spectateurs. Derrière, les choses se calment, le flux filmique
n’étaient sans doute possibles exécuter conformément aux ins- découvre, au hasard d’une conver- sa mémoire. p rentre dans son étiage. L’Etoile de Noël, animation Sony se position-
qu’en un temps où les studios tructions qu’il a reçues. Deux sation, la cruauté. A cet égard, les j.-f. r. nant pour les fêtes, frôle les cent mille entrées, et est l’ultime
cherchaient à produire des titres structures de récit se superpo- figures paternelles évoquées par nouveauté à intégrer le club fermé des dix premiers du box-office.
susceptibles de maintenir dans les sent : celle du tueur à gages soli- le film, celle du père de Bishop ou Film américain de Michael Juste derrière, à la onzième place, Guillaume Gallienne ne renouvelle
salles un public fuyant, constatant taire en délicatesse progressive celle du géniteur de Steve Mc- Winner (1972). Avec Charles pas, avec Maryline, l’entrée haute en couleur des Garçons et
sa mutation sans forcément déte- avec son commanditaire, et celle Kenna, malfrat incarné par Kee- Bronson, Jan-Michael Vincent, Guillaume, à table. Parmi les continuations, pour ne pas perdre
nir la formule magique qui allait de l’initiation d’un personnage nan Wynn, soulignent de façon Keenan Wynn. Edition collector de vue Le Sens de la fête, annonçons que la comédie en question s’ap-
l’attirer à coup sûr. C’est l’époque par un autre. Ici, le rapport filial trouble à quel point les deux hom- DVD + Blu-ray Wild Side. proche en septième semaine des trois millions de spectateurs.
20 | télévisions 0123
MERCREDI 22 NOVEMBRE 2017

« Godless » : un VOTRE
SOIRÉE
TÉLÉ
western au féminin
Parfois faussement originale, cette série
procure cependant un réel plaisir grâce MERCREDI 22 NOVEMBRE
à la splendeur de ses grands espaces TF1
21.00 Esprits criminels
Série créée par Jeff Davis.
NETFLIX travaillaient, c’est-à-dire la majo- Avec Joe Mantegna, Matthew Gray
À LA DEMANDE rité des habitants. Aux femmes Gubler (EU, S12, ép. 21/22 ; S10, ép.
SÉRIE de prendre les affaires en main, 22, 23/23 ; S11, ép. 1/22).
désormais, et de décider quoi 0.15 Gotham

E
n découvrant le scénario faire de cette richesse à leur Série créée par Bruno Heller.
de Godless, le producteur porte : se transformer en géran- Avec Benjamin McKenzie,
Steven Soderbergh avait tes et embaucher des hommes Donal Logue (EU, S1, ép. 22/22 ;
invité son auteur, Scott pour reprendre l’activité mi- S2, ép. 2/22).
Frank, à l’étoffer afin d’en faire nière, ou accepter qu’une grande
une série. D’où ce long film en compagnie de l’Est, QuikSilver, France 2
sept parties, que Scott Frank a leur achète la concession et les 20.55 L’Epreuve de l’amour
non seulement écrit mais aussi écarte définitivement de la ges- Téléfilm d’Arnaud Sélignac.
réalisé. tion de leur ville. Cet aspect poli- Merritt Wever et Michelle Dockery. JOHN BRITT/NETFLIX Avec Fred Testot, Marie-Josée Croze
Tourné dans les paysages du tico-économique de Godless sera (Fr., 2017, 90 min).
Nouveau-Mexique, Godless se malheureusement abandonné 23.55 Bambi
présente de prime abord comme sans réelle résolution vers la fin chés classiques du western (deve- poursuite qui forme l’ossature de turelle remarquables), non plus Documentaire de Sébastien Lifshitz.
un western typique du Grand de la série. nue veuve, Mary Agnes prend Godless : celle d’une bande de bri- que le bavardage incessant du (Fr., 2012, 60 min).
Ouest américain. L’affiche de pro- une dimension qui ne lui était gands sanguinaires recherchés chef des bandits, personnage à
motion de la série, pourtant, lui Valse-hésitation pas autorisée jusqu’ici, et n’en- par un shérif devenant aveugle, l’opposé du traditionnel tueur tai- France 3
apporte une touche particulière. Dans cette petite ville de femmes, tend plus se laisser enfermer d’un côté ; de l’autre, celle que seux et mauvais tout d’un bloc. Il 20.55 Jacques Brel,
Les personnages mis en avant y se sera en tout cas imposée une dans le rôle traditionnel assigné mène cette même bande de bri- en va de même des rôles fausse- fou de vivre
sont des femmes, fusil au poing, leader-née, Mary Agnes, magnifi- aux femmes), tantôt elle tombe gands contre l’un des leurs, rené- ment originaux, mais fort bien Documentaire de Philippe Kohly.
au-dessus d’un slogan détourné quement interprétée par Merritt dans les mêmes travers que les gat, lequel se cache dans une interprétés comme celui confié à (Fr., 2017, 120 min).
de son sens habituel : il s’agira Wever (New Girl, The Walking westerns traditionnels, en se con- ferme tenue de main de maître Michelle Dockery, jeune veuve et 23.25 In Situ
d’un « no man’s land », un monde Dead), dont les scènes, à elles seu- tentant d’en inverser les codes par une femme, son fils et une cow-boy solitaire. p Magazine présenté
sans hommes… De là viennent à les, apportent grâce et subtilité à (Mary Agnes, qui s’habille désor- Amérindienne… martine delahaye par Marie-Sophie Lacarrau.
la fois la promesse d’originalité, une série qui en manque par mais en homme et se fagote très Impossible de nier, pour autant,
mais aussi le sentiment de décep- ailleurs passablement. mal, se découvre aussi homo- l’immense plaisir que procurent Godless, série créée et réalisée Canal+
tion qu’engendre Godless. En fait, ce personnage de jeune sexuelle…). ces paysages de ciel et de pous- par Scott Frank. Avec Jack 21.00 Football
Dans la toute petite ville de La femme ronde, Mary Agnes, révèle Cette valse-hésitation entre re- sière sous les sabots de chevaux O’Connell, Jeff Daniels, Merritt 5e journée de Ligue des champions
Belle, au Nouveau-Mexique, un à lui seul les qualités et les défauts prise et inversion systématique sauvages (des scènes servies, Wever, Michelle Dockery, PSG-Celtic Glasgow.
accident, dans la mine toute pro- de l’écriture de Godless : tantôt la des codes du western se retrouve comme toute la série, par une Sam Waterston 22.50 21 cm
che, a tué tous les hommes qui y série balaie d’un vent frais les cli- également dans la double course- mise en scène et une lumière na- (EU, 2017, 7x 60 minutes). Magazine littéraire animé
par Augustin Trapenard.
Invité : Daniel Pennac.

France 5

Enfermé dans le corps d’un autre 20.55 Trafic de médicaments


Documentaire de Ted Anspach
et Eric Delsaut.
La transidentité est abordée à travers un couple dont le mari ne parvient plus à cacher sa souffrance (Fr., 2017, 65 min).
22.00 Le monde en face
Débat animé
par Marina Carrère d’Encausse.
FRANCE 2 d’une fiction, ce sentiment d’ina- Paul, maquillé, en robe noir à la peur qu’engendre de part et mement documentés, de Julie Je-
MERCREDI 22 – 20 H 55 déquation que ressentent profon- pois et hauts talons, apparaît d’autre la réattribution sexuelle zequel. Et à l’interprétation des Arte
TÉLÉFILM dément (et souvent tragique- d’emblée comme une figure en que souhaite entreprendre Paul… deux acteurs principaux, Fred Tes- 20.55 La Part des anges
ment) certains hommes et certai- souffrance. Une figure qui de- toutes ces questions inhérentes tot et Marie-Josée Croze, dont la Comédie dramatique de Ken Loach

A près le viol, le harcèle-


ment au travail, l’homo-
sexualité, France 2 pro-
pose, mercredi 22 novembre, une
nouvelle soirée continue sur un
nes femmes, entre leur corps et le
sexe qui leur est assigné.
« Je ne suis pas dans le bon corps.
Ça fait des années que j’essaie
d’être celui que vous voyez. Je n’en
meure pétrifiée face à cette révéla-
tion à laquelle il soumet soudain,
et malgré lui, la femme qu’il aime
depuis vingt ans. Mais aussi, face
à cette réalité que désormais il ne
au sujet traité sont abordées dans
L’Epreuve d’amour. Elles le sont,
certes, de manière un peu trop ac-
célérée pour ne pas apparaître
quelque peu édulcorée. Mais elles
retenue résonne comme une dé-
claration de dignité. p
véronique cauhapé

L’Epreuve d’amour,
Avec Paul Brannigan, John Henshaw
(GB-Fr., 2012, 95 min).
22.30 Hissa Hilal
Documentaire de Stefanie
Brockhaus. (All., 2016, 60 min).
thème de société ; cette fois, la peux plus de mentir. Je ne suis pas va plus pouvoir taire. Et qui, ils le le sont avec une telle justesse d’Arnaud Sélignac. Avec Fred Testot,
transidentité. Avec toujours la Paul, je hais ce mec. Chaque fois savent tous les deux, va boulever- qu’elles légitimisent, comme une Marie-Josée Croze, Grégoire M6
même formule : un téléfilm, un que je le vois dans la glace, j’ai en- ser leur vie. évidence, le propos du film ainsi Plantade, Jeanne Guittet 21.00 Nouvelle star
débat et un documentaire. vie de le tuer », explique Paul (Fred Le lent processus d’acceptation, que le message assumé qu’il tient (Fr., 2017, 90 min). Suivi d’un débat Divertissement présenté par Shy’m.
C’est donc à L’Epreuve d’amour Testot) après que sa femme, Ma- les réactions de rejet des enfants à faire passer. « Transgenres, la fin d’un tabou » 23.15 Nouvelle star, ça continue
que revient la lourde tâche de rielle (Marie-Josée Croze), l’a sur- et de la famille, les questionne- Cela tient en grande partie aux et du documentaire « Bambi », de Divertissement présenté
mettre en scène, sous la forme pris habillé en femme. ments sur le devenir du couple et dialogues, à n’en pas douter extrê- Sébastien Lifshitz (Fr., 2013, 60 min). par Erika Moulet et Lola Dubini.

0123 est édité par la Société éditrice


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Rédaction 80, boulevard Auguste-Blanqui,
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VII. De même, mais avant. Œil de Par courrier électronique :
III courrier-des-lecteurs@lemonde.fr
l’Amérique sur le monde. VIII. Son
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IV Internet : site d’information : www.lemonde.fr ;
livre à l’écran. Pris pour aller encore Finances : http://finance.lemonde.fr ;
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Documentation : http ://archives.lemonde.fr
VI désordre.
Collection : Le Monde sur CD-ROM :
VERTICALEMENT CEDROM-SNI 01-44-82-66-40
VII Le Monde sur microfilms : 03-88-04-28-60
1. On est sûr que ça ira mal chez lui.
La reproduction de tout article est interdite
VIII
2. A cause d’elle, vous pourrez tou- sans l’accord de l’administration. Commission
jours vous gratter. 3. Anglaise au ber- https ://about.me/yangeorget paritaire des publications et agences de presse
ceau. Laissa de côté. 4. Recherché par n° 0722 C 81975 ISSN 0395-2037
IX
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0123
MERCREDI 22 NOVEMBRE 2017
styles | 21

d’équipement a été particulière-


ment soigné (poignées et selle
chauffantes, bulle réglable, régula-
teur de vitesse…).
La silhouette en forme de boo-
merang perdure, mais les angles
ne sont plus aussi vifs et l’allure
autant « rentre-dedans ». Le TMAX
n’est pas encore une beauté – le re-
vers de la médaille du maxi-
scooter est son physique, souvent
ingrat –, et son allure de Prince
noir en fait un engin assez froid,
mais sa présentation est devenue
plus chic et apaisée. Les normes
d’émissions des moteurs ont con-
duit Yamaha à renoncer à quel-
ques chevaux, une concession que
compense le nouveau châssis, al-
légé et plus rigide. Les prix sont
toujours aussi haut placés. « Nous
assumons notre embourgeoise-
ment », reconnaît Eric de Seynes.
Pour le TMAX, il s’agit de se ra-
cheter une conduite. Le best-sel-
ler de Yamaha n’a pas toujours eu
de bonnes fréquentations. S’il sé-
duit les hommes de 35-60 ans de
catégorie socioprofessionnelle
Son agilité est remarquable, plutôt aisée, cette machine s’est
y compris à basse vitesse. retrouvée plus souvent qu’à son
ALESSIO BARBANTI tour dans la rubrique des faits-di-
vers. Au point que certains l’ont
surnommé « le scooter des
voyous », cette catégorie d’usa-
gers ayant souvent mis à profit sa

le tmax s’achète une conduite remarquable capacité d’accéléra-


tion, son maniement aisé et son
aptitude à se faufiler dans le trafic
sans laisser d’adresse. Cet hom-
mage du vice à la vertu, « c’est la
Le « scooter des voyous », qui trône dans le tiercé de tête des ventes des plus de 125 cm3, rançon de la gloire », soupire Eric
de Seynes, qui, avec un certain
tente de redorer son blason avec une nouvelle génération, plus chic sens de la litote, fait cependant
état « d’une amélioration qualita-
tive de la clientèle » au cours des
dernières années.
L’histoire du TMAX, comme matisme et un certain brio par le 2001, 233 000 unités du TMAX ont La marque nippone a dû se pen-
DEUX-ROUES celle de ces maxiscooters vendus COMME IL EXISTE TMAX figure depuis plus de dix été vendues, principalement en cher sur un autre souci, connexe :

L DEUX GAUCHES
e TMAX, c’est une sono- au prix d’une petite voiture, appa- ans dans le tiercé de tête des ventes France (5 000 immatriculations l’exposition record au vol du très
rité très particulière à rus au début des années 2000, re- de deux-roues de plus 125 cm3, tou- sont prévues cette année) et en convoité TMAX. Le phénomène,
l’accélération. Un gro- pose sur la mise à mal d’un tabou. IRRÉCONCILIABLES, tes catégories confondues. Ce fu- Italie. Le maxiscooter, équivalent assure-t-on chez Yamaha, s’est
gnement de baryton un Comme il existe deux gauches ir- rent d’abord des motards chevron- motocycliste de la mode du cros- « très significativement » résorbé
peu traînant et pas vraiment no- réconciliables, il faudrait compter IL FAUDRAIT COMPTER nés qui franchirent le Rubicon en over automobile, a trouvé son depuis l’installation, en série,
ble, mais qui fait son effet. C’est
également la position très parti-
avec deux cultures motocyclistes
hautement incompatibles : celle
AVEC DEUX CULTURES acceptant de se soumettre à une
boîte automatique et d’opter pour
icône. Aujourd’hui, la moitié des
propriétaires de TMAX en ont pos-
d’une puce GPS qui permet à un
« tracker » de savoir où se trouve le
culière qu’adopte son pilote, les du scooter et celle de la moto, MOTOCYCLISTES : une posture confortable mais peu sédé au moins deux auparavant. scooter en cas de vol. Sans comp-
jambes en avant comme s’il con- comme si le conflit entre mods et académique. Le jeu en valait la ter que la dernière génération dis-
duisait dans un fauteuil. On re- rockers n’avait jamais été apuré. CELLE DU SCOOTER chandelle. Au guidon de ce bicylin- Comme un boomerang pose d’un système de démarrage
père aussi le maxiscooter de Ya- Le TMAX n’en a cure. dre de 530 cm3 à refroidissement La sixième génération de ce sans clé. Et puis Yamaha produit
maha à cause des slaloms très ser- Comme le résume Eric de Sey- ET CELLE DE LA MOTO. liquide disposant d’une transmis- maxiscooter, commercialisée de- un témoignage de moralité. De-
rés – pour ne pas dire queues de nes, vice-président de Yamaha LE TMAX N’EN A CURE sion à variation continue et dont la puis le printemps, délivre toujours puis fort longtemps, en effet, le
poisson – réalisés par certains de Motor Europe, « cette machine est roue arrière est entraînée par une des accélérations canon et freine TMAX a été intronisé parmi les
ses utilisateurs à la conduite un une moto déguisée en scooter ; la courroie, on « enroule » avec une très fort, offre un vrai confort de montures favorites de la police
brin agressive. Pour toutes ces rai- praticité de l’un alliée au dyna- agréable facilité. suspension avec une agilité épa- lors de certaines opérations d’in-
sons, il flotte depuis seize ans misme de l’autre, l’idéal urbain en Puis ce furent des fidèles scooté- tante, y compris à basse vitesse. tervention. Flic ou voyou, le TMAX
autour du TMAX comme un par- quelque sorte ». Assez de puissance ristes qui découvrirent qu’une Moins pataud qu’un scooter, plus trace sa route avec ce même vrom-
fum de transgression. Une aura pour circuler sur les autoroutes pé- partie cycle sophistiquée et un pratique qu’une moto, cet hybride bissement qui fait sursauter. p
légèrement sulfureuse que la riurbaines et un châssis suffisam- gros moteur permettent de passer est désormais décliné en trois ver- jean-michel normand
marque japonaise s’efforce de ment rigide et léger pour faciliter de la conduite au pilotage, en glis- sions : Standard (11 499 euros), SX à
gommer, mais sans tout à fait les changements d’appui rapides. sant d’une fesse à l’autre comme si vocation sportive (12 299 euros) et Retrouvez l’actualité automobile
chercher à l’effacer. Cette synthèse exécutée avec prag- l’on chevauchait une moto. Depuis DX (13 299 euros), dont le niveau sur Lemonde.fr/m-voiture

Arona, la bonne surprise catalane


La dernière-née de Seat a tous les atouts pour mettre à mal la domination des Renault Captur et Peugeot 2008, stars des SUV

L es turbulences de la vie po-


litique catalane ne sem-
blent pas perturber Seat,
dont l’usine historique se situe à
Martorell, près de Barcelone. Les
dèle en date, l’Arona est un SUV
n’usurpant pas le concept de
compact (il mesure 4,13 m), et qui
s’attaque de front aux vedettes
du marché français (Renault Cap-
Après quelques minutes à bord,
les réponses sont arrivées. Par
rapport à la concurrence, elle dis-
pose, à nos yeux, de trois atouts
majeurs : un confort de roule-
Le prix de base
de l’Arona avoisine
les 17 000 euros. SEAT

ventes européennes se portent tur, Peugeot 2008, Citroën C3 Air- ment supérieur grâce à un amor-
bien, avec notamment une cross) avec des lignes aiguisées tissement bien dosé (en motori-
hausse de 14 % sur le marché alors que la concurrence préfère sation essence 115 chevaux asso-
français et une autre, significa- les formes plus arrondies. cié à la boîte DSG sept rapports) ;
tive, en Allemagne. une meilleure visibilité latérale
Les multiples nouveautés lan- Un amortissement bien dosé grâce à des montants plus fins ; et 22 000 euros (moins la prime de
cées ces derniers temps par le Que Seat passe à l’offensive sur un positionnement tarifaire 2 400 euros), on dispose d’un vé-
constructeur qui appartient au les SUV n’a évidemment rien de d’autant plus intéressant qu’en hicule haut perché vraiment
gigantesque groupe Volkswagen surprenant. En six ans, cette caté- cas de commande avant la fin de plaisant, même si l’intérieur plu-
ont reçu un très bon accueil, gorie de véhicules a considéra- l’année, Seat offre un bonus auto- tôt sombre n’est pas d’une folle
comme en attestent les succès blement augmenté ses parts de matique de 2 400 euros. Pour un gaieté. Le seul bémol concerne
commerciaux de l’Ibiza et du marché. D’ailleurs, dès 2018, le véhicule dont le prix de base l’insonorisation qui, à 130 km/h,
SUV Ateca. constructeur espagnol commer- avoisine les 17 000 euros, cela n’a laisse entendre quelques bruits
Sous la houlette du designer cialisera un troisième SUV, plus rien d’anodin. aérodynamiques. En 2018,
Alejandro Mesonero, les nouvel- grand et offrant sept places. Avouons-le, on ne s’attendait l’Arona pourra bénéficier d’un ta-
les Seat ont adopté un style exté- Compte tenu de la multiplication pas à être autant séduit par autoroute, sa capacité de charge- pose d’une multitude d’aides à la bleau de bord numérique et
rieur très affirmé, avec des lignes de nouveaux petits SUV, on pou- l’Arona. Son gabarit mesuré lui ment (au minimum 400 litres) conduite et d’éléments facilitant d’une version FR, plus musclée
saillantes agressives qui sem- vait légitimement se demander permet de se faufiler en ville est suffisante pour une petite fa- la vie comme le chargeur de (150 ch). Que va-t-il rester aux
blent plaire à une clientèle plus comment l’Arona allait pouvoir sans encombre, son remarqua- mille. Le troisième niveau de fi- smartphone par induction. En fi- cousines Audi et Volkswagen ? p
large qu’auparavant. Dernier mo- faire valoir sa différence. ble châssis évite le roulis sur nition, baptisé « Xcellence », dis- nition supérieure, pour environ alain constant
22 | disparitions & carnet 0123
MERCREDI 22 NOVEMBRE 2017

Janine, Christian Langlois-Meurinne, Le docteur Paulette Rosevègue,

Charles Manson /H &DUQHW

9RV JUDQGV pYpQHPHQWV


son épouse,
Ses enfants,
Ses petits-enfants
Et ses arrière-petits-enfants,
président
des Amis du Musée d’Art moderne
de la Ville de Paris,

Cyril Karaoglan,
son épouse,
Claire Rosevègue,
Sébastien Caillat
et Sarah,

Gourou meurtrier 1DLVVDQFHV EDSWrPHV PDULDJHV


ont l’immense tristesse de vous apprendre
que

André COUX,
coprésident
du comité international
des Amis du Musée d’Art moderne
Carine Rosevègue, François Auber,
Giovanna et Théo,
Franck Rosevègue,
$YLV GH GpFqV UHPHUFLHPHQWV de la Ville de Paris, Nathan et Lisa,
PHVVHV DQQLYHUVDLUHV est décédé le 12 novembre 2017, ses enfants, leurs conjoints
&ROORTXHV FRQIpUHQFHV à l’âge de quatre-vingt-neuf ans. Fabrice Hergott, et ses petits-enfants,
SRUWHVRXYHUWHV VLJQDWXUHV directeur du Musée d’Art moderne André Rosevègue et Françoise Bonnet,
Il a été inhumé dans son village natal. de la Ville de Paris son frère et sa belle-sœur,
6RXWHQDQFHV GH PpPRLUH WKqVHV Alain et Sébastien Rosevègue,
Ils souhaitent évoquer avec vous,
le souvenir de cet homme exigeant, Et l’ensemble des membres ses neveux,
3RXU WRXWH LQIRUPDWLRQ &DUQHW  du conseil d’administration Alexandre Kotliarov,
qui n’a cessé de rester en éveil sur les
     questions d’éducation et de militer en des Amis du Musée son petit-cousin,
     faveur des idées de progrès, de justice et du comité international, Sa famille
FDUQHW#PSXEOLFLWHIU sociale et pour le respect des peuples.
Et ses amis,
ont la tristesse de faire part du décès de
Champs Chavas,
73160 Vimines. Corine Joy HENDERIKS, ont la tristesse d’annoncer le décès de
AU CARNET DU «MONDE»
chevalier de la Légion d’honneur
François (Joe) Farhi, coprésidente du comité international, Georges ROSEVÈGUE,
Décès son mari, administratrice de l’association chevalier
Delphine et Sébastien, des Amis du Musée d’Art moderne dans l’ordre des Arts et des Lettres,
Marie, ses enfants, de la Ville de Paris,
son épouse, Louise et Matéo, à l’âge de soixante-seize ans,
Anne et Jean-François Paul, ses petits-enfants, survenu le 18 novembre 2017.
Corine Restrepo, le 16 novembre 2017, à Paris.
Pierre-Emmanuel
et Stéphanie Antoine, sa sœur, La cérémonie religieuse sera célébrée
ses enfants Patrick Nicolini, L’inhumation aura lieu dans l’intimité
son gendre, le mercredi 22 novembre, à 14 h 30,
et ses beaux-enfants, familiale.
Sa famille en l’église Saint-Thomas-d’Aquin de Paris,
Louis-Ferréol Antoine, 3, place Saint-Thomas-d’Aquin, Paris 7e.
Et ses amis,
son petit-ils, Un hommage lui sera rendu au Havre,
ont la tristesse de faire part du décès de le samedi 25 novembre, à 14 h 30, au
ont la douleur de faire part du décès, M Jacques Ollé-Laprune,
me
théâtre de l’Hôtel de Ville et dans les
survenu le 8 novembre 2017, de Sophie FARHI, née Geneviève Arnoulx de Pirey,
prochaines semaines à Paris.
son épouse,
survenu le 14 novembre 2017, à Paris.
Philippe ANTOINE, M. et Mme Jean Ollé-Laprune, Remerciements à Bleue de Lagausie et
ENS 60, Un dernier hommage lui sera rendu M. et Mme Philippe Ollé-Laprune, sa famille, à l’anonyme qui lui a fait don
mathématicien, le jeudi 23 novembre, à 13 h 30, M. et Mme Florent Huille, d’un rein le 24 décembre 1979, et au
professeur des Universités honoraire, au cimetière du Père-Lachaise, Paris 20e, M. et Mme François Ollé-Laprune, professeur Alexandre Hertig et son équipe
Le 14 août 2017. entomologiste, en la salle de la Coupole, il sera suivi ses enfants, à l’hôpital Tenon.
membre fondateur de l’inhumation, au cimetière parisien
CDCR/ AP
de la revue Coléoptères. de Bagneux, dans l’intimité.
Ses douze petits-enfants, Des dons peuvent être adressés à la
10, rue Saint-Lazare, Ligue des droits de l’homme ou à
75009 Paris. ont la tristesse de faire part du rappel l’association Les amis de la forge - Lieu
Ses obsèques ont eu lieu dans la plus à Dieu de
stricte intimité. d’Art, 14600 Honleur.

I
Elisabeth et Corinne Fridmann, Jacques OLLÉ-LAPRUNE,
l se disait « diabolique », une 12 NOVEMBRE 1934 Nais- Ses cendres seront déposées ses illes, Georges.Rosevegue.Souvenir@gmail.com
secrétaire général honoraire du Sénat,
proclamation qui fascinait sance à Cincinnati (Ohio) au cimetière de Saint-Ferréol (Haute- Alain Baudry, Mme Paulette Rosevègue,
Savoie). son gendre, commandeur de la Légion d’honneur,
l’Amérique. Charles Manson, 9 AOÛT 1969 Assassinat par oficier de l’ordre national du Mérite. 87, rue Pelleport,
David, Benjamin, Raphaël, Noémie
gourou d’un culte meurtrier ses disciples de cinq et Déborah, 75020 Paris.
ph.m.antoine@club-internet.fr
du Los Angeles de la fin des an- personnes dont Sharon Tate, ses petits-enfants La cérémonie religieuse sera célébrée
nées 1960, condamné pour le enceinte de huit mois et leurs conjoints, le mercredi 22 novembre 2017, à 10 h 30, Montlouis-sur-Loire.
Odile et Marie-Luce, en l’église Saint-François-Xavier, place du
meurtre de Sharon Tate, l’épouse 29 MARS 1971 Condamna- ses illes, ont la tristesse d’annoncer le décès de Président-Mithouard, Paris 7e. Frédérique Delmas,
de Roman Polanski, et de 8 autres tion à mort. La peine Herbert Ruhl,
personnes, est mort dimanche sera commuée en prison son gendre, Mlle Irène FRIDMANN, Ni leurs ni couronnes.
son épouse,
19 novembre à l’hôpital de Bakers- à perpétuité en 1972 Félix et Alex, née HAïK, Helen Frances,
ses petits-ils, Anne-Marie Scoones,
field (Californie), à l’âge de 83 ans. 19 NOVEMBRE 2017 Mort Many et Clara, survenu le 17 novembre 2017, à Sceaux, René Cassin Rick Scoones,
Il aura passé les quarante-huit der- à Bakersfield (Californie) ses idèles auxiliaires de vie, à l’âge de quatre-vingt-onze ans. Et La Chaine d’Union, Gillian Kassner,
nières années de sa vie en prison. ses enfants,
ont la tristesse de faire part du rappel Louis Gautier, s’associent à la douleur de sa famille,
Charles Manson était né à Cin-
à Dieu de pour le passage à l’orient éternel André Bitar,
président du conseil d’orientation
cinnati (Ohio) le 12 novem-
de l’ANRS (France Recherche Nord&Sud de notre frère, Olivier Bitar,
bre 1934. Il avait été élevé par son man, qu’il soupçonnait d’avoir Paulette BLONDY, Sida-hiv Hépatites), Dan Lane,
oncle et sa tante alors que sa mère, touché un héritage. Le 9 août, Françoise Barré-Sinoussi, Patrick QUENTIN, Rohan Lane,
qui l’avait eu hors mariage, à l’âge le groupe se rendit au domicile le 14 novembre 2017. Prix Nobel de physiologie ou médecine, chevalier de l’ordre national du Mérite, Bec Lane
ex-présidente du conseil scientiique, avocat honoraire, et son mari, Declan Kearns,
de 16 ans, était en prison pour le d’un producteur de disques, sur La cérémonie religieuse a été célébrée François Dabis, ancien secrétaire général de la LICRA, Natalie Scoones,
braquage d’une station-service. Benedict Canyon. Cinq personnes en l’église Saint-Pierre-du-Gros-Caillou, directeur un grand défenseur
Paris 7 e , ce mardi 21 novembre, Et toute la communauté Dany Wagner Scoones
A 13 ans, lui-même commit un furent sauvagement assassinées, des droits de l’homme,
à 10 h 30. des chercheuses et chercheurs et son mari, Sam Wagner,
premier hold-up, qui lui valut un dont Sharon Tate, 26 ans, enceinte sur le VIH/sida, Harriet Kassner,
premier séjour sous les verrous. de 8 mois. Le gourou n’était pas décédé le 13 novembre 2017, Tim Kassner,
La famille Boubila ont la douleur de faire part du décès de à l’âge de soixante-huit ans.
Multirécidiviste, il entrecoupa ses présent lui-même. L’assassinat de Robert Kassner (†),
séjours en liberté de divers mé- l’épouse du réalisateur Roman a la douleur de faire part du décès de Il sera incinéré au crématorium, rue du ses petits-enfants,
faits : vols de voiture, hold-up d’un Polanski fut commis par Charles Françoise HÉRITIER. Calvaire (Hauts-de-Seine), à Nanterre, Simon et Zoé,
magasin d’alcool, proxénétisme, « Tex » Watson, 23 ans, le seul Jacques BOUBILA. à 12 h 30, le mercredi 22 novembre. ses arrière-petits-enfants,
encaissement de chèques volés… homme parmi les meurtriers.
Protestant du Mas d’Azil, professeur de Anthropologue, dont les travaux sur la ont la tristesse de faire part du décès de
Charismatique, moustachu, la La nuit suivante, Manson et six mathématiques de l’enseignement public, parenté et l’invariant qu’est la domination Bertrand, Laure et Anne Quoniam,
chevelure déployée à la manière disciples tuèrent le propriétaire il a passionnément aimé son métier et ses masculine sont reconnus au plan ses enfants,
des hippies de l’époque, Charles de supermarchés Leno LaBianca élèves. Inspecteur de l’Education nationale international, Françoise Héritier s’est Marine et Virgile Saïah, Stewart SCOONES,
à Caussade, il a, dans les années 80, créé et engagée dans la lutte contre le sida dès les ses petits-enfants, médiéviste,
Manson réussit à attirer autour et sa femme de 67 coups de poi- premières années de l’épidémie. docteur en lettres à la Sorbonne,
fait rayonner avec son équipe les bassins Jean Noël Roy,
de lui un petit groupe de disciples gnard. Ils écrivirent « Mort aux co- son frère et son épouse, Marie, ancien chef du département français
d’écoles rurales. Inspecteur pédagogique
à la fin des années 1960, notam- chons » sur une porte du réfrigé- régional de mathématiques en Afrique, il Elle a été la première présidente du François Roy, de l’université Victoria
a, dans les années 90, piloté le projet Conseil national du Sida. Défendant une
ment des jeunes femmes qu’il sé- rateur avec le sang des victimes,
approche multidisciplinaire en son neveu, de Wellington (Nouvelle-Zélande),
duisait à l’aide de drogues psyché- ainsi qu’une autre inscription, Harmonisation des programmes de sciences sociales, elle a présidé le conseil Justine Pierce,
déliques. Il appelait ce groupe sa « Helter Skelter », en référence à mathématiques (HPM) dans vingt pays scientifique de la première recherche sa nièce, survenu à Montlouis-sur-Loire,
africains. Grâce à son équipe, composée de réalisée en France, à l’initiative de L’ensemble de sa parenté le 8 novembre 2017,
« famille », par opposition à celle une chanson des Beatles. coopérants et d’africains, le livre est l’ANRS, sur les comportements sexuels, et de ses amis,
maintenant présent dans les classes, de la dans sa quatre-vingt-dix-huitième année.
qu’il n’avait jamais eue. Le groupe Le procès s’ouvrit le 15 juin 1970 en 1992.
s’était installé au ranch Myers, et dura huit mois. Charles Man- Sixième aux Terminales. ont la tristesse d’annoncer le décès de
Cette étude a marqué une étape majeure Ses obsèques ont eu lieu en Touraine,
dans la Vallée de la Mort, en Cali- son, qui s’était fait tatouer un « X »
Les obsèques seront célébrées jeudi dans la compréhension des Mme Florence QUONIAM, dans la plus stricte intimité familiale,
fornie. Charles Manson prônait entre les sourcils, plaida non cou- 23 novembre 2017, à 14 h 30, au temple représentations et pratiques sexuelles le mercredi 15 novembre.
« la guerre raciale ». Il voulait dé- pable. Il n’avait tué personne de du Mas d’Azil suivies de l’inhumation au et participé à améliorer la prévention survenu le 17 novembre 2017,
clencher l’apocalypse en s’en pre- ses mains. Le jury n’accepta pas cimetière, où il rejoindra sa chère épouse. du VIH dans notre pays. Néo-zélandais engagé volontaire en
à l’âge de quatre-vingt-douze ans.
nant aux privilégiés riches et ses dénégations et le condamna à
Ni leurs ni couronnes, dons à l’EREI Nous perdons une grande personnalité 1939 dans la marine, à côté des Alliés, il a
blancs californiens, en espérant mort le 29 mars 1971, ainsi que du temple du Mas d’Azil. scientifique, une femme généreuse et Elle participa à l’action menée par combattu dans le Pacifique, puis dans
que ceux-ci réagiraient et se dé- trois autres membres de la « fa- engagée dont les réflexions dépassent le l’Association Valentin Haüy. l’Atlantique jusqu’à la in de la seconde
barrasseraient des Noirs. mille ». Leurs peines furent com- cadre du monde académique et irriguent Guerre mondiale.
Françoise Papinot, les grandes questions d’aujourd’hui sur les Les obsèques auront lieu le mercredi
sa ille, Il fut un représentant de la Nouvelle-
muées en prison à perpétuité rapports hiérarchiques entre les sexes. 22 novembre, à 10 h 30, en la chapelle
Xavier Beer-Demander, (Le Monde du 17 novembre.) Zélande au Congrès mondial des partisans
Condamné à mort en 1972, lorsque la Cour suprême du Bon-Secours, 68, rue des Plantes,
son petit-ils, de la paix à Paris, en 1949.
A l’été 1968, la « famille » s’installa de Californie invalida la peine ca- Paris 14e, suivies de l’inhumation qui aura
Isabelle Beer-Demander, lieu au cimetière du Montparnasse, Il était établi en terre viticole tourangelle
à Los Angeles. Sur Sunset Boule- pitale dans l’Etat. sa petite-ille, Hervé et Aurélie Linet,
Olivier et Annie Linet, Paris 14e. depuis 1987.
vard, deux des filles furent prises Même sous les verrous, Charles Elian et Clément Martucci,
Claire Linet,
en stop par Dennis Wilson, le bat- Manson continua à exercer une ses arrière-petits-ils, ses enfants,
teur des Beach Boys. Le musicien certaine fascination. Ses chansons François Gires (†), Jean-Paul Gires, Xavier, Héloïse, Anaïs et Hugo, Paris.  # #   $    
Colette Gires (†), Nikita Sichov, ses petits-enfants
 !# $   #    #$   $  #
$-* )1-*
devint le protecteur du groupe, in- de 1970 furent reprises en CD ses frères, belle-sœur et beau-frère Dominique Pitte - de La Rocque,
Et toute la famille,   #$ $      #$ $  
vitant tout le monde dans sa Rolls en 2006. Dans les années 1990, il Et toute la famille, son épouse, $  #   $   #  )%" #$!$
Royce bordeaux, partageant sexe fut autorisé à donner plusieurs in- ont la tristesse de faire part du décès de Jean-Pierre et Elisabeth de La Rocque,   #$    # - )$##)
et LSD. Manson, qui jouait de la terviews télévisées. Il y distribuait ont la tristesse de faire part du décès de ses enfants,   #   $
  ! # !  #!
M. Bernard LINET,
)#$* $.$
Adrien, Paul et Lucas Astagneau,   #$ ! #!    #
guitare et avait des ambitions mu- aphorismes et revendications de Hélène GIRES, ancien directeur de recherche au CNRS, Guillaume et Camille de La Rocque, !'' )$-**) !0* !") #$, $'(-#
sicales, écrivit quelques chansons. cruauté. « Il y a longtemps, être din- ses petits-enfants,
))) ##!$#- )# !#)
En septembre, les Beach Boys sor- gue avait du sens, dit-il en 1994. à La Châtre (Indre), survenu à Paris, le 16 novembre 2017, Thérèse de Pins,
! )-)
  # #   )) $-),$* !# )$#
le 17 novembre 2017, à l’âge de soixante et onze ans.
tirent une version de son mor- Maintenant, tout le monde est din- sa sœur 1!.
-"##
dans sa quatre-vingt-onzième année. et ses enfants
 #   $ $
ceau Cease to Exist, rebaptisé Ne- gue. » En prison, il se fit tatouer Il rejoint son épouse, !'' &-) ! 2 $/* 
Ainsi que toutes leurs familles,  #   $#
ver Learn Not to Love et attribué à une croix gammée à l’emplace- Les obsèques seront célébrées ! -))# )*,# **$!
Dennis Wilson. Peu après, celui-ci ment du « X » qu’il avait sur le à Argenton-sur-Creuse (Indre), Françoise,   #$ $ $ %# $  $
en l’église Saint-Sauveur, le jeudi ont la tristesse de faire part du décès de !!* .#
$,
trouva une balle de revolver sur front. Il avait présenté douze fois
23 novembre, à 15 heures, suivies de décédée le 29 janvier 2007.   #$ $ %# $ $
Guillaume de LA ROQUE,
-!# )$ $-),
son lit. « Il avait changé les paroles une demande de libération condi- l’inhumation dans la sépulture de famille Une cérémonie religieuse sera célébrée dit « Guillermo de la ROCA »,
 #$     ! % ! #!
de ma chanson », justifia Manson. tionnelle. Elle lui avait toujours été du cimetière Saint-Paul, avenue George le jeudi 23 novembre, à 15 heures,
#  ! ""#-! .# $
 # # $-0
La folie meurtrière commença déniée. « J’aurais peut-être dû tuer Sand. en l’église Notre-Dame-des- Foyers,   #$ #!#$ )* ',$$)$-
survenu le 17 novembre 2017.
lors de l’été 1969. Fin juillet, Man- 500 personnes, avança-t-il en 1987. 18-20, rue de Tanger, Paris 19e, où l’on se #  $!* "#2
23, rue Gambetta, réunira.
  !'# '#
son ordonna une première expé- Je me serais senti mieux. J’aurais eu 36200 Argenton-sur-Creuse. Une cérémonie religieuse, suivie  #$ )# $-
dition sanglante au domicile l’impression d’avoir vraiment ap- 10, rue du Révérend Père Dieuzaide, L’inhumation aura lieu au cimetière de l’inhumation aura lieu le mercredi  #     $  $ )-), $!-0
 #        # )*,# ,
d’un professeur de musique de porté quelque chose à la société. » p App. 51, du Père-Lachaise, Paris 20e, dans l’intimité 22 novembre, à 14 heures, en l’église !  !$ %   # $-*  ')*#,
22 ans qu’il connaissait, Gary Hin- corine lesnes 33000 Bordeaux. familiale. de Saint-André-d’Hulriat (Ain). *,# )#$ .')*#,
DÉBATS & ANALYSES | 23
0123
MERCREDI 22 NOVEMBRE 2017

| En cas de panne
CARTE BLANCHE – SERGUEI
Rétablir la confiance
entre l’Etat et les maires
Gérard Collomb et Jacqueline Gourault s’engagent
au dialogue avec les maires, tout en rappelant
que les collectivités locales devront prendre part
à la réduction de la dépense publique

Par GÉRARD COLLOMB IL CONVENAIT DE


et JACQUELINE GOURAULT
FAIRE BAISSER

L e 100e congrès des maires de


France s’est ouvert le 20 no-
vembre. Comment ne pas
dire à tous ces maires combien
nous nous sentons proches d’eux.
LA DÉPENSE
PUBLIQUE QUI,
CES DERNIÈRES
L’un d’entre nous, ancien maire ANNÉES,
d’une grande ville, et l’autre, an-
cienne maire d’une petite com- N’AVAIT CESSÉ
mune d’un département rural,
nous savons combien nos conci- D’AUGMENTER
toyens attendent de nous. Car que
l’on soit maire d’une grande ville ou
d’une petite commune, on est en demandant aux plus importan-
avant tout maire, c’est-à-dire proche tes d’entre elles de maîtriser, sur le
des habitants, en contact avec eux. quinquennat, leurs dépenses de
Oui, sur tous les sujets, c’est d’abord fonctionnement à hauteur d’une
vers les maires que les Français se progression de + 1,2 % par an.
tournent, pour répondre à leurs Un objectif loin d’être insurmon-
problèmes quotidiens, mais aussi table quand on sait que les dépen-
pour développer leur territoire dans ses de fonctionnement des collecti-
une vision de moyen terme. vités locales ont, en 2016, baissé de

Ne revoyons pas à la baisse La France ne serait certainement


pas la même sans ces maires qui
agissent pour développer l’emploi,
0,2 % et de 1,5 % pour les commu-
nes. Avec de tels objectifs fixés pour
le contrat de mandature, les com-

le Grand Paris Express pour transformer leur commune


par la construction de crèches,
d’écoles, d’équipements sportifs et
munes et les intercommunalités
pourront, contrairement à certai-
nes craintes, continuer à mener à
culturels. La France ne serait pas la bien leurs plans d’investissement
même sans des élus dont la pre- qui, aujourd’hui, on le sait bien,
Un collectif de maires d’Ile-de-France, emmené crédits budgétaires de l’Etat et que, mière vertu est le plus souvent le sont, à mi-mandat, en train de
dans un système similaire, nous avons sens de l’intérêt général, au-delà des monter en charge.
par Anne Hidalgo, Patrick Ollier et Jean-François Vigier, terminé de payer le métro parisien ac- intérêts particuliers, et qui, par leur Pour ce qui est de la taxe d’habita-
demande au président de maintenir dans son tuel en 1973, soit 73 ans après la mise action, contribuent fortement à te- tion, qui avait suscité certaines
en service de la première ligne ! Or le nir notre société unie. Ce n’est donc inquiétudes d’ailleurs souvent en-
intégralité le projet d’extension du métro et du RER Grand Paris Express ne produira ses ef- pas un hasard si les maires sont, tretenues, le président de la Républi-
fets bénéfiques que si « la boucle est parmi tous les élus, ceux qui re- que et le gouvernement ont retenu
bouclée », que s’il est réalisé dans son cueillent le plus grand capital de la formule du dégrèvement, qui re-
Par COLLECTIF pole dans un avenir vertueux : le entièreté et dans les délais fixés. confiance de nos concitoyens. viendra à prendre intégralement en
Grand Paris Express. Dans les cartons Aucun territoire, en République, ne Ministres en charge de la décen- charge le coût de cette réforme.
à la fin des années 1980, relancé par les saurait être sacrifié par rapport à un tralisation, nous voulons aujour-

L a COP23 s’est achevée à Bonn


avec la participation ambiguë
des Etats-Unis qui se sont retirés
ces derniers mois de l’accord histori-
que de Paris obtenu lors de la COP21.
élus locaux et la RATP, il est véritable-
ment lancé en 2010 sous la présidence
de Nicolas Sarkozy puis confirmé sous
celle de François Hollande. Le Grand
Paris Express traduit à lui seul l’ambi-
autre. La lutte contre la pollution, l’ac-
cès à la mobilité pour tous les habi-
tants, le développement économique
et le développement à moyen et long
terme d’une ville plus vertueuse et
d’hui confirmer que le gouverne-
ment et son premier ministre
entendent tenir cette promesse du
président de la République d’un
véritable partenariat entre l’Etat et
CEUX QUI SE SENTENT DÉLAISSÉS
Par ailleurs, nous rappelons que,
pour la première fois depuis plu-
sieurs années, non seulement la
dotation globale de fonctionne-
Elle a posé en cela une question fonda- tion collective de construire une mé- plus inclusive ne sauraient être sacri- les maires, les élus du bloc commu- ment ne baissera pas mais que les
mentale en matière de lutte contre le tropole forte, cohérente et durable : fiés sur l’autel du seul critère de Bercy, nal, pour construire ensemble l’ave- dotations pour les investisse-
réchauffement climatique et de pol- 200 kilomètres de lignes nouvelles dont la vision court-termiste serait ici nir de notre pays. ments, qui avaient, lors des années
lution : à quoi sert une nouvelle con- de métro automatique souterrain, de nature à empêcher un progrès his- Nous savons quelles difficultés ont passées, été prévues pour limiter
vention si l’atteinte des objectifs vali- 68 nouvelles gares et plus de 2 mil- torique. Sauf à considérer que la mé- été celles des collectivités locales au les effets de la baisse de la dotation
dés précédemment n’a été ni tentée ni lions de voyageurs par jour. Il répond thode de Donald Trump soit la bonne cours des dernières années. Elles globale de fonctionnement (DGF),
mise en œuvre ? aux enjeux considérables de mobili- et doive servir d’inspiration à la ont été soumises à rude épreuve seront pérennisées, puisque la do-
La France et ses plus hauts représen- tés : les déplacements dits « de ban- France, ce que nous ne pensons pas, re- avec une baisse de dotations à hau- tation de soutien à l’investisse-
tants ont, en ce sens, un rôle histori- lieue à banlieue » sont devenus majo- venir sur cet engagement sans précé- teur de 10 milliards d’euros. ment local sera, dès l’adoption du
que à jouer : il va de la crédibilité du ritaires, le besoin d’une offre de trans- dent de l’Etat français, bénéficiant Certes, il convenait de faire bais- projet de loi de finances (PLF), ins-
pays et de son leadership mondial de port lourd est criant, tout comme l’im- d’un accord politique sans équivalent ser la dépense publique qui, ces crite dans le code général des col-
poursuivre à travers le temps son ac- périeuse nécessité de rénover les RER. dans le pays, reviendrait à fragiliser dernières années, n’avait cessé lectivités territoriales.
tion en matière de lutte contre la pol- considérablement l’engagement pris d’augmenter, obérant, par voie de Ministres en charge des collectivi-
lution. L’urgence climatique plané- LOCOMOTIVE DE LA CROISSANCE par notre pays de respecter l’accord conséquence, les capacités d’inves- tés, nous veillerons, à partir de ces
taire ne peut souffrir de décisions de Au-delà, ce projet de nouveau métro et historique de la COP21. Monsieur le tissement de nos entreprises, sur engagements, à ce qu’un dialogue
« stop and go », au risque de voir les ef- de lutte contre la pollution est égale- président, soyez le président de lesquelles on avait fait peser trop permanent soit mené par l’inter-
fets des politiques impulsées anéantis ment un projet social en ce qu’il per- l’audace et de la promesse tenue. p de charges, avec comme résultat médiaire des préfets entre l’Etat et
et par ailleurs un gâchis financier in- met de relier des territoires jusqu’à une perte de compétitivité de no- les collectivités locales. Car c’est la
hérent à ces processus d’hésitation et présent peu ou mal desservis : à l’est tre économie et finalement ce chô- condition nécessaire pour redon-
d’arrêt/redémarrage. en Seine-Saint-Denis, mais également mage de masse insupportable ner confiance aux territoires qu’ils
Dans ce concert mondial de la lutte au sud sur le plateau de Saclay, ou en- ¶ – 3,5 millions de personnes soient urbains ou ruraux, et faire
contre la pollution, les métropoles ont core au nord entre Le Bourget et Anne Hidalgo est maire (PS) de Paris, aujourd’hui sans emploi. ainsi repartir la France de l’avant.
un rôle particulier à assumer. Les col- Roissy. Last but not least, c’est un pro- Patrick Ollier est maire (LR) de Rueil- Nous porterons d’ailleurs une at-
lectivités de la métropole se sont très jet urbain et de développement écono- Malmaison, président de la Métropole LE CHOIX DE LA RESPONSABILITÉ tention particulière à ceux qui se
tôt saisies de cette problématique, en mique extraordinaire, qui doit servir du Grand Paris, Jean-François Vigier Cette réduction de la dépense pu- sentent aujourd’hui délaissés, et il
particulier sur les transports qui sont de locomotive à la croissance forte : est maire (UDI) de Bures-sur-Yvette blique, il faut bien sûr que l’Etat se en existe, dans les villes comme
la première source d’émissions pol- plus de 4 milliards d’euros investis par président du Forum métropolitain l’applique à lui-même, parce que, dans la ruralité. Nous nous consa-
luantes sur son territoire : limitation le privé auprès des futures gares à tra- Les autres signataires de cette tribune lorsque sa dette atteint 2 230 mil- crerons donc plus spécialement
voire interdiction des véhicules les vers le concours Inventons la Métro- sont : Yves Albarello, maire (LR) de liards d’euros, que la charge de dans les prochains mois à ces terri-
plus polluants, augmentation de l’of- pole, plus de 140 km² à aménager dans Claye-Souilly, ancien député et rappor- cette dette – 41 milliards d’euros – toires, en allant dialoguer sur
fre de métro, train, bus et tramway, ser- les 15 prochaines années, plus de teur de la loi du 3 juin 2010 relative au correspond aux budgets réunis de place, dans leurs mairies, avec les
vices de voitures et de vélos partagés, 100 milliards d’euros de PIB et plus de Grand Paris, Marie-Hélène Amiable, l’enseignement supérieur et de la élus, pour rétablir une confiance
subvention à l’achat de véhicules pro- 200 000 emplois supplémentaires à maire (PC) de Bagneux, Alain Aubry, recherche, de la justice, de la cul- qui s’était dans les dernières an-
pres, covoiturage, plan « mobilités ac- terme une fois la réalisation du réseau maire (SE) du Mesnil-Amelot, François ture, de l’agriculture et du sport, il nées érodée. p
tives et douces », etc. terminée. Et des opérations de rénova- Asensi, maire (PC) de Tremblay-en- aurait été irresponsable que ce
Pour accompagner ces transforma- tion urbaine considérables. Il va con- France, Jean-Pierre Blazy, maire (PS) gouvernement ne prenne pas les
tions, l’Etat français et les collectivités tribuer à dessiner une zone dense de Gonesse, Jean-Yves Le Bouillon- mesures nécessaires pour modi-
portent un projet d’infrastructure uni- multipolaire, et donc plus égalitaire. nec, maire (PS) de Cachan, président fier une trajectoire qui pourrait de-
que au monde, qui engage la métro- Et c’est là toute la question que nous du Conseil de surveillance de la Société venir insupportable si nous con-
posons aujourd’hui au président de la du Grand Paris, Patrick Braouezec, naissions demain une remontée
République : ce réseau va-t-il être ter- président (PC) de Plaine Commune, des taux d’intérêt.
LE BESOIN miné ? Alors que le Grand Paris Ex- Patrice Calméjane, maire (LR) de Les collectivités locales et en par-
press est le fruit d’un consensus politi- Villemomble, Claude Capillon, maire ticulier le bloc communal doivent
D’UNE OFFRE que sans précédent et sans équivalent (LR) de Rosny-sous-Bois, Laurent bien sûr prendre leur part à cet ef-
entre élus locaux et Etat, le gouverne- fort. Et de ce point de vue, il ne sau-
DE TRANSPORT ment actuel envisage de revoir à la
Cathala, maire (PS) de Créteil, Gérard
Cosme, maire (PS) du Pré-Saint-Gervais rait y avoir aucune démagogie.
LOURD EST CRIANT, baisse le projet en décalant, voire en et président d’Est ensemble, Régis Mais le gouvernement n’a pas
supprimant, certaines portions de li- Charbonnier, maire (PS) de Boissy- voulu procéder à une nouvelle
TOUT COMME gnes, qui seraient ici moins rentables, Saint-Léger, Hervé Chevreau, maire baisse des dotations qui aurait été ¶
là trop chères. L’argument du finance- (DVD) d’Epinay-sur-Seine, Stéphane insupportable pour les collectivités. Gérard Collomb est ministre
L’IMPÉRIEUSE ment invoqué par le gouvernement De Paoli, maire (UDI) de Bobigny,… C’est pourquoi, quand d’autres vou- d’Etat, ministre de l’intérieur,
NÉCESSITÉ (entre 28 et 35 milliards d’euros) ne
peut suffire quand on sait que le Grand La liste complète des signataires
laient réduire les dotations de
20 milliards d’euros, il a décidé de
Jacqueline Gourault est
ministre auprès du ministre
DE RÉNOVER LES RER Paris Express n’est pas indexé sur les de cette tribune sur Lemonde.fr faire le choix de la responsabilité, d’Etat, ministre de l’intérieur
24 | débats & analyses 0123
MERCREDI 22 NOVEMBRE 2017

La tragédie des Rohingya en Birmanie profite à la Chine


Analyse claration ». Avant même qu’Aung San Suu Kyi
ne se hisse au sommet du gouvernement, en
cratie disciplinée » par l’ancien dictateur
Than Shwe, avait pourtant eu un objectif
hicules blindés, de missiles sol-air, et même
d’hélicoptères chinois… Ils en profitent aussi,
mars 2016, Pékin avait été prompt à tisser des clair : sortir le pays d’un tête-à-tête avec la avec l’approbation de Pékin, pour fournir des
liens avec l’ancienne dissidente naguère assi- Chine, devenu un brin obsolète au regard de fusils d’assaut de marque chinoise, fabriqués
bruno philip gnée à résidence par une junte militaire si la nécessité de l’internationalisation des sur place, à d’autres guérillas régionales que la
Correspondant en Asie du Sud-Est proche des Chinois. Ceux-ci fournissaient de échanges. Il fallait évoluer vers un certain Chine « cornaque » à des degrés divers.

L
longue date à cette dernière presque l’essen- « multilatéralisme ». Notamment dans le but Entre autres exemples, l’empire du Milieu a
a Chine est en train d’engranger, tiel du matériel dont elle avait besoin… de convaincre les Etats-Unis et l’Union euro- ouvert à Pékin un compte en banque pour
par effet de ricochet, les bénéfi- A un moment où les pressions occidentales péenne de lever les sanctions frappant la Bir- que des « donations » puissent être achemi-
ces stratégiques de la tragédie s’accentuent, un certain nombre d’observa- manie depuis des années. Et c’est exacte- nées à l’« armée » des Kokang, une ethnie
frappant les Rohingya, cette po- teurs estiment que la Chine est en train de sai- ment ce qui s’est passé… d’origine chinoise (Han), qui guerroie sur la
PÉKIN N’EST pulation musulmane du nord de sir l’opportunité de redevenir l’interlocuteur frontière sino-birmane. La duplicité de la stra-
REGARDANT NI EN la Birmanie forcée à l’exode au
Bangladesh, en raison de la violence des exac-
privilégié de la Birmanie. Pékin, qui en est le
plus important partenaire économique, avait
DEUX FERS AU FEU
Spécialiste de la Birmanie, le journaliste sué-
tégie chinoise permet ainsi à Pékin de courti-
ser le gouvernement birman tout en conser-
MATIÈRE DE DROITS tions de l’armée à son égard. Depuis le début eu auparavant des raisons de s’inquiéter de dois Bertil Lintner révélait récemment qu’au vant de possibles moyens de pression sur ce
du processus de « démocratisation », en 2011, voir l’allié birman se rapprocher des Occiden- début des années 2000 avait circulé dans les dernier en instrumentalisant ses ennemis…
DE L’HOMME la Birmanie était parvenue à sensible- taux, et notamment des Américains. Les deux cercles militaires birmans un épais rapport Pour la Chine, la Birmanie est un pays essen-
NI EN CE QUI ment desserrer l’étreinte dans laquelle la te-
nait embrassée le dragon chinois. La Chine
visites de Barack Obama en Birmanie, en 2012
et 2014, avaient envoyé un signal d’alerte aux
expliquant que la trop grande « dépendance »
du pays à l’égard de la Chine avait atteint, se-
tiel. Economiquement, Pékin a besoin de sé-
curiser l’oléoduc et le gazoduc qui courent du
CONCERNE était auparavant son seul véritable allié. Chinois. Signe du « nouveau cours » birman, lon les auteurs du document, un tel niveau golfe du Bengale à la province chinoise du
Aujourd’hui, alors que la Birmanie est à nou- le président Thein Sein, pourtant lui-même qu’elle mettait en jeu la « souveraineté natio- Yunnan, ce qui permet aux tankers chinois
LA VERTU veau mise sur le banc des accusés par l’Occi- ancien premier ministre au temps de la junte, nale ». Les généraux birmans voulaient profi- d’éviter le détour par le détroit de Malacca
dent, presque comme au « bon vieux temps » avait osé, en 2011, suspendre un projet de bar- ter des bienfaits de la « globalisation », souli- pour gagner la côte orientale de la Chine. Tout
DE SES ALLIÉS de la junte militaire, la Chine peut arguer, rage construit et financé par les Chinois sur le gnait le texte. près de ces nouveaux terminaux pétroliers et
une fois de plus, qu’elle est un partenaire sur fleuve Irrawaddy, au nord du pays. La Chine, certes, a toujours deux fers au feu : gaziers situés dans l’Etat de l’Arakan, là où vi-
lequel on peut compter. Certes, avec plus de deux mille kilomètres en même temps qu’elle multiplie les démons- vent les Rohingya, Pékin cherche à obtenir
Pékin n’a guère tardé à s’engouffrer dans la de frontière commune et la mémoire d’une trations d’« amitié » à l’égard du gouverne- 80 % des parts d’un projet de construction
brèche : le 6 novembre, à New York, alors que longue histoire en partage – parfois hou- ment birman, elle continue d’armer des gué- d’un port en eau profonde dont le coût est es-
le Conseil de sécurité des Nations unies s’ef- leuse, comme lorsque la Chine de Mao soute- rillas de minorités ethniques basées sur sa timé à plus de 7 milliards de dollars. Même si
forçait, notamment à l’initiative de la France nait les guérilleros du Parti communiste bir- frontière. Pékin fournit ainsi des armes aux la Birmanie ne redevient pas le pays pestiféré
et du Royaume-Uni, de faire adopter une réso- man, – il était douteux que la Chine n’occupe combattants de l’ethnie Wa, anciens coupeurs qu’elle fut, la Chine peut se frotter les mains :
lution exigeant le retour des réfugiés et la ces- plus qu’un strapontin sur la scène du grand de tête reconvertis dans le trafic de drogue. plus les Occidentaux repoussent la Birmanie,
sation des violences contre les Rohingya, la théâtre local. Le lancement d’un processus Pékin n’est regardant ni en matière de droits plus celle-ci retombe dans l’orbite de Pékin. p
Chine a aussitôt mis son veto. Le Conseil de d’ouverture, décidé en 2003, dans le cadre de l’homme ni en ce qui concerne la vertu de
sécurité a dû se contenter d’une simple « dé- d’une « feuille de route » vers une « démo- ses alliés. Les guérilleros wa disposent de vé- philipbruno@gmail.com

Manuel Valls « Pour la laïcité, pour la France, La RCA, six noms


pour “Charlie”, je ne me tairai jamais »
L’ancien premier ministre explicite son combat
dos à dos Edwy Plenel et Charlie Hebdo ?
pour un Etat failli
en faveur de la laïcité et juge « irresponsable » Comment certains médias, journalistes,
de « renvoyer dos à dos Edwy Plenel et “Charlie Hebdo” » et responsables politiques peuvent-ils
Le livre
cautionner une ligne éditoriale qui arme
à nouveau les terroristes ?
Il y a cette position insupportable qui

U
Par MANUEL VALLS jeux intellectuels, les tours de passe-passe s’installe pour finalement éviter de parler ne nation peut-elle être condamnée à
des soi-disant promoteurs d’une laïcité du fond du problème parce qu’il dérange, l’échec, victime d’une maladie originelle en
ouverte face aux « laïcards » ou au « laï- parce qu’il bouleverse la bien-pensance et apparence incurable ? Le premier mérite de

D epuis quelques jours, quelques


semaines, aujourd’hui même, la
laïcité est invoquée de toutes
parts. On veut lui faire dire bien des cho-
ses, alors que la laïcité est un principe
cisme », qui préparent méthodiquement
la fin de cet équilibre si français, que nous
avons mis du temps à bâtir et qui fonde
notre société. Je regrette la pudeur de cer-
tains élus de la République qui rechignent
qu’il oblige la gauche à parler des sujets
identitaires et culturels, à sortir de l’éco-
nomisme, à séparer l’islam et l’islamisme
pour aider l’islam à combattre le sala-
fisme et les Frères musulmans. Jamais je
Jean-Pierre Tuquoi, ancien journaliste au
Monde, est de rappeler que le mal centrafricain ne re-
lève pas d’une fatalité. Illustration caricaturale d’Etat
failli, la République centrafricaine, dont le nom a
changé à six reprises, évoque un point géographique et
simple, cardinal, essentiel de notre pacte à s’investir, comme je l’ai fait, pour sa dé- n’arrêterai de dénoncer cette complai- non une histoire. Peut-être parce que cette dernière est
républicain. J’ai la conviction profonde fense. Il n’y a aucune guerre faite au nom sance, cette tolérance vis-à-vis des extré- trop tragique, trop absurde.
que ce n’est pas la négation du fait reli- de la laïcité. La laïcité que je défends, ce mismes religieux, mais aussi ceux qui re- Terre bénie des prédateurs, en premier lieu des sul-
gieux, ni une forme d’anti-religion ou n’est pas la domination culturelle de cer- fusent lâchement de prendre position, tans esclavagistes venus du nord, l’Oubangui-Chari fut
d’hostilité à l’égard des cultes, et pour- tains qui rejetteraient en bloc les musul- préférant le confort du silence. une création de la France, lancée à la fin du XIXe siècle à
tant c’est ce que certains veulent insi- mans. Tout ça, c’est de la vieille rengaine la conquête du « dernier blanc » sur la carte de l’Afrique.
dieusement faire croire. C’est au con- qui vise à monter les Français les uns con- MON COMBAT La puissance coloniale s’y comporta très vite de la ma-
traire un principe qui veut que le spirituel tre les autres et à discréditer ceux qui dé- Car le cœur du débat est bien là. Lorsque nière la plus brutale – ses missions pour rallier les rives
et le temporel ne sont pas du même or- fendent les valeurs de la République. l’on m’accusait déjà de « polémiquer », je de l’Oubangui à celles du lac Tchad firent une héca-
dre, que le temporel règle la vie des hom- disais les mots et je ne me trompais pas, tombe parmi les populations –, avant de céder la ges-
mes, que le spirituel ne regarde que cha- IRRESPONSABILITÉ ni sur la montée de ce nouvel antisémi- OUBANGUI-CHARI, tion de cette « Cendrillon » de l’Empire, trop peu renta-
cune et chacun dans l’intimité de ses pen- Je ne suis pas le seul à défendre la laïcité, tisme né dans nos quartiers populaires et LE PAYS QUI ble, à des sociétés concessionnaires, dont la plus impor-
sées. La laïcité, c’est la liberté de croire ou bien sûr. La loi de 2004 sur les signes reli- trop souvent sous-estimé, ni sur le com- N’EXISTAIT PAS tante se vit attribuer un territoire deux fois plus grand
de ne pas croire, la liberté de conscience, gieux à l’école a été votée à la quasi-una- bat contre Dieudonné, ni sur la progres- de Jean-Pierre que l’Irlande. Le discours prononcé, en 1885, par Geor-
c’est un droit fondamental protégé par nimité et celle de 2010 interdisant le voile sion de l’islamisme et le danger que cela Tuquoi, ges Clemenceau fut à cet égard visionnaire, qui déniait
notre Constitution. intégral dans l’espace public a été adoptée représentait pour notre société. J’ai La Découverte, « le droit des nations dites supérieures contre les nations
Le régime de séparation de la loi de 1905 par une large majorité, dont je faisais par- dénoncé depuis des années la duplicité 272 pages, inférieures ». « Parler à ce propos de civilisation, c’est join-
ne signifie pas la fin du dialogue, comme tie. Mais j’ai toujours trouvé que nous de Tariq Ramadan, sa proximité avec les 21 euros dre à la violence, l’hypocrisie », déclarait-il.
certains aiment à le faire penser, mais la étions bien trop peu nombreux à nous Frères musulmans, son influence dans
recherche d’un compromis. C’est l’esprit dresser contre les complaisances et nos banlieues. J’en gêne certains, mais L’OMBRE DE L’EX-COLON
de Jean Jaurès ou d’Aristide Briand. La laï- accommodements du moment qui, de- c’est mon devoir, en tant qu’élu de la Ré- Pendant les cent trente ans qui suivirent, Paris n’a cessé
cité, c’est, comme le disait Caroline puis les premiers épisodes du voile à publique, avec mon expérience de pre- de déterminer, volontairement ou à son corps défen-
Fourest, comme le défend Elisabeth Ba- l’école, depuis la crèche Baby Loup, ont mier ministre et de ministre de l’inté- dant, le présent de la Centrafrique, sans être en mesure
dinter, un bouclier face à l’intégrisme, qui laissé des brèches énormes se former rieur, de faire porter ma voix, comme je de lui assurer un avenir. L’auteur le rappelle à travers les
protège tout le monde, les croyants dans notre modèle républicain, laissant l’ai toujours fait. Mon discours dérange portraits de Barthélemy Boganda, « le prophète fou-
comme les athées, au sein de notre so- la place aux revendications communau- ceux qui, finalement, n’ont pas le courage droyé », premier prêtre noir du pays, qui, après s’être
ciété. C’est cet esprit que j’ai toujours fait taires qui n’ont rien à voir avec ce qu’est la de s’attaquer au fond du problème, et émancipé de l’Eglise, devint le premier pourfendeur de
vivre dans mes fonctions, de maire à Evry France et son idéal universaliste. Ils c’est tant mieux. J’ai fait de la laïcité un la colonisation, avant que son avion ne s’écrase un an
ou lorsque j’étais au gouvernement, avec étaient également trop peu nombreux, combat, mon combat, le combat de ma avant l’indépendance.
ma présence dans les grandes manifesta- lorsque j’étais premier ministre, à oser vie. Pour cela, pour la France, pour Ou bien encore celui de « l’empereur » Jean-Bedel Bo-
tions culturelles et mes rencontres avec parler comme moi de la supercherie de ce Charlie, je ne me tairai jamais. p kassa, qui, dans la nuit du 31 décembre 1965, conduisit à
l’ensemble des cultes. En tant que minis- féminisme de façade qui, au nom de la li- la pointe de son revolver le président David Dacko de-
tre de l’intérieur ou premier ministre, je berté, prône la mise en retrait des fem- vant les membres du Rotary Club de Bangui pour l’in-
me suis rendu à l’inauguration de deux mes de notre société. troduire en ces termes : « Voilà Dacko, qui a vendu le
mosquées à Cergy et Strasbourg, à celle Mais aujourd’hui, ce que je dénonce Centrafrique à Israël, à la Chine et à l’URSS. J’ai fait un
d’une synagogue à Mulhouse, j’ai assisté à par-dessus tout, c’est le glissement qui coup d’Etat, je l’arrête. J’arrache le Centrafrique à ces pays
de grandes messes, à une béatification, à s’opère dangereusement. C’est cette mo- et je le rends à la France. » Paris couvrira sa prise de pou-
une canonisation, à des ruptures de jeû- bilisation générale pour faire croire que voir, financera son sacre ubuesque, avant de le déposer,
nes du ramadan, à un office de Yom le débat doit finalement avoir lieu sur le lorsque l’admirateur du général de Gaulle et le « cher
Kippour, à une cérémonie bouddhiste, au ton – le soi-disant apaisement – et pas sur parent » de VGE devint trop encombrant.
rassemblement des protestants de le fond. Faire croire que les propos d’Edwy Jean-Pierre Tuquoi interroge : l’ex-colon fait-il partie
France, à l’ouverture de la cérémonie du Plenel peuvent être renvoyés au même de la solution ou du problème ? Près de quatre ans après
850e anniversaire de la cathédrale Notre- niveau que la « une » de Charlie Hebdo, le déclenchement de la dernière opération militaire
Dame-de-Paris… c’est finalement oublier l’essentiel : le pa- française – lancée au nom du « devoir d’ingérence hu-
Il ne peut plus y avoir aujourd’hui d’in- tron d’un média important qui fait de manitaire », un concept créé, ironie du sort, pour justi-
compréhension sur ce qu’est la laïcité. Cer- Charlie une cible. C’est aussi oublier le fier le renversement de Bokassa –, la réponse est forcé-
tains parlent de laïcité positive, tolérante, « oui, mais » prononcé par Edwy Plenel ment complexe pour un pays désormais sous tutelle sé-
comme si le contraire pouvait exister. quelques jours après les attentats de jan- ¶ curitaire de l’ONU, sous tutelle financière des bailleurs
Qualifier la laïcité, c’est en contester la por- vier 2015. Comment peut-on en arriver à Manuel Valls, ancien premier de fonds et sous tutelle sociale des ONG. p
tée, c’est déjà l’affaiblir. Je connais les petits ce degré d’irresponsabilité, à renvoyer ministre, est député apparenté LRM, cyril bensimon
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MERCREDI 22 NOVEMBRE 2017 0123 | 25

FRANCE | CHRONIQUE ZIMBABWE :


par gé r ar d co urtois
UNE SI LONGUE
ATTENTE lation affamée ou exilée, son économie naître l’état désastreux du pays, il va devoir
Symphonie du anéantie par la corruption. Malgré les ri-
chesses minières, les caisses de l’Etat sont
demander de l’aide à la Banque mondiale
ou la Banque africaine de développement

nouveau monde vides. Les danses de joie qui ont éclaté au


comité central du Zanu-PF, le parti au pou-
voir, lorsque l’expulsion de M. Mugabe du
pour faire redémarrer l’économie et nour-
rir la population. La communauté interna-
tionale doit saisir cette occasion pour obte-
parti a été prononcée, dimanche 19 no- nir du nouveau maître du Zimbabwe qu’il
vembre, ne doivent tromper personne : ce s’engage à ouvrir à l’opposition les élec-
sont ses membres qui ont soutenu et sou- tions prévues à l’été 2018. C’est une démar-

C AU MOMENT MÊME
es temps-ci, les flash- vent profité du système dictatorial pen- che essentielle si l’on veut éviter que l’es-
back sont vertigineux dant tant d’années. poir qui va s’emparer des Zimbabwéens
– pardon pour l’angli- OÙ FILLON Aujourd’hui, l’espoir peut renaître au lors du départ du pouvoir du couple Mu-
cisme, mais l’emploi Zimbabwe. Il est difficile d’imaginer qu’il gabe ne se transforme, en un temps record,
d’« analepse » eut poussé un peu QUITTE LA SCÈNE, puisse directement émaner de celui que en déception, puis en colère.
loin le snobisme académique ! Le
CASTANER PREND cette révolution de palais entend installer L’opposition peut-elle tirer parti de cette
20 novembre 2016, François
Fillon déboulait contre toute at-
tente en tête du premier tour de
la primaire de la droite, écartait
Nicolas Sarkozy, surclassait irré-
LA TÊTE DU PARTI
PRÉSIDENTIEL
C’ est peu de dire que le départ de Ro-
bert Mugabe est attendu. Certains
l’espèrent depuis plus de trente
ans. Arrivé au pouvoir en 1980 auréolé du
prestige de l’indépendance arrachée au pou-
à la place du vieux dictateur, son plus fi-
dèle serviteur : Emmerson Mnangagwa,
surnommé « le Crocodile », un « jeune
homme » de 75 ans qui a passé le plus clair
de sa vie politique comme bras droit de
situation pour revenir dans le jeu ? Le MDC
(Mouvement pour le changement démo-
cratique), son principal parti, était arrivé
en tête au premier tour de l’élection
en 2008, mais avait renoncé, face aux vio-
médiablement Alain Juppé et fai- voir colonial, l’homme qui a transformé la Robert Mugabe. Vice-président du pays, lences. Depuis le parti s’est divisé ; Morgan
sait, d’un coup, figure de futur ment inédite de n’être plus mem- Rhodésie en Zimbabwe se révéla vite un piè- M. Mnangagwa était destiné à succéder à Tsvangirai, son leader, a appelé ces der-
président de la République. Un an bre d’aucun parti. Sans oser l’ex- tre dirigeant et un dictateur violent. Hormis son mentor jusqu’à ce que ce dernier se niers jours à Harare à « un mécanisme de
plus tard, devant ses amis de clure, Les Républicains ont acté son grand âge et cette aura lointaine de l’an- mette en tête d’imposer à la tête du Zim- transition négocié et ouvert », susceptible
Force républicaine, l’ancien can- son « départ » et lui-même n’a pas ticolonialisme, rien ne justifie les égards babwe sa propre épouse, Grace, person- d’ouvrir la voie à des élections libres. A
didat vient d’enterrer sa vie poli- jugé utile de rejoindre La Républi- manifestés par les dirigeants de l’armée et nage colérique et haï des élites zimba- l’heure où le dernier dinosaure africain
tique, cette passion dévorante qui que en marche. Cette singulière du parti à l’égard du vieillard de 93 ans qu’ils bwéennes. Pour les dirigeants des forces quitte la scène, quelques mois après
« peut vous détruire », a-t-il glissé apesanteur n’a nullement l’air sont en train de déposer, si ce n’est la peur armées qui sont entrés en action à ce mo- Eduardo dos Santos qui, lui, avait régné sur
dans son propos testamentaire. de le soucier et ne l’a pas empê- qu’il suscite encore chez certains. ment-là, ce fut l’abus de trop. l’Angola pendant trente-huit ans et dont la
Sans autre allusion à cette mé- ché de s’imposer à Matignon. Le pays dont il va bien finir par lâcher les Le vice-président, qui pourrait être appelé fille Isabel vient d’être écartée de la tête de
chante affaire d’emplois fami- Mais elle laisse plus que jamais au rênes, au terme d’un putsch au ralenti où la à remplacer M. Mugabe, peut néanmoins la compagnie pétrolière nationale, le mo-
liaux qui a causé sa perte. président le rôle effectif de chef farce le dispute parfois à la tragédie, est ex- offrir au Zimbabwe un visage différent, à ment est venu d’aider le Zimbabwe à deve-
Il avait pourtant franchi marche de la majorité. sangue. Le Zimbabwe est en ruine, sa popu- défaut d’être nouveau. Bien placé pour con- nir, enfin, un pays normal. p
à marche, à l’ancienne, le par- Il en est de même pour le parti
cours exemplaire des plus ambi- présidentiel. Sans se soucier du
tieux : député à 30 ans, ministre à qu’en-dira-t-on, Emmanuel Ma-
40, premier ministre à 50 et plus cron ne s’est guère caché, contrai-
si affinités… Peine perdue ! Tout rement à bon nombre de ses pré-
cela a été balayé par la symphonie décesseurs, d’en choisir le respon-
du nouveau monde composée et sable. Mais les mots ont un sens :
dirigée par Emmanuel Macron. Christophe Castaner est délégué
Comme un symbole, au moment général, autrement dit chargé
même où François Fillon quitte la d’exercer la fonction pour le
scène, Christophe Castaner prend compte d’un titulaire qui n’est
la tête du parti présidentiel, La Ré- autre que le chef de l’Etat. Celui-ci
publique en marche. a été le créateur de son mouve-
Tout a été dit des conditions de ment hier ; il en restera le princi-
sa désignation préalable par le pré- pal inspirateur demain. Ce dispo-
sident de la République, puis de sitif va-t-il à rebours de l’ambition
son élection par le conseil natio-
nal du mouvement, à main levée
et à l’unanimité, aux antipodes de
l’effervescence citoyenne qui avait
initiale de La République en mar-
che d’inventer une manière plus
« horizontale » de faire de la poli-
tique ? Sans aucun doute.
présentent
mobilisé les « marcheurs » pen-
dant la campagne présidentielle. L’Europe, le grand échiquier
Tout a également été dit, par le Manifestement, cet inconvénient
premier ministre et par l’intéressé n’a pas pesé bien lourd face à la
lui-même, de la partition diffi- seconde obsession du chef de
cile qui est la sienne désormais. l’Etat : imposer son rythme et gar-
« Casta », comme on l’appelle en der toujours un ou plusieurs
macronie, va devoir, tout à la fois, coups d’avance. A gauche comme
remettre en ordre de marche des à droite, les oppositions sont en-
troupes passablement flottantes core sonnées par le séisme électo-

LAISSEZ-VOUS
depuis leur triomphe du prin- ral du printemps ? Raison de plus
temps, organiser et enraciner ce pour consolider sans attendre
parti hors sol pour mieux prépa- l’échafaudage encore fragile de
rer les futures échéances électora- LRM et placer à sa tête un anima-
les, défendre et expliquer l’action
du gouvernement sans paraître
trop béni-oui-oui, enfin devenir
un incubateur d’initiatives et un
teur de confiance.
Ce qui est vrai de l’organisa-
tion du parti ne l’est pas moins de
l’action gouvernementale. Après
GUIDER DANS
laboratoire d’idées nouvelles.
Rude défi, à la mesure des exi-
gences présidentielles. Mais qui
quelques semaines estivales tâ-
tonnantes, Emmanuel Macron n’a
plus laissé souffler personne. UN MUSÉE
UNIQUE !
en dit long sur la manière dont se Droit du travail, fiscalité, sécurité,
conçoit le monde selon Macron. formation professionnelle, ap-
Première caractéristique : c’est un prentissage, entrée à l’université,
monde étroitement sous contrôle. banlieues, bientôt retraites : les
Sans craindre, au contraire, de pa- chantiers sont ouverts à marche
raître autoritaire, le chef de l’Etat forcée et une réforme éclipse
est l’unique chef d’orchestre. Rien l’autre pour mieux priver les op- Le livre n°5
de bien neuf, dira-t-on : tout prési- posants du temps de s’organiser.
dent de la Ve République est le dé-
cideur en premier et dernier res-
sort. A ceci près qu’Emmanuel Ma-
cron n’a pas hésité à s’affranchir
de règles canoniques – et pour une
L’Europe, enfin, est le grand
échiquier choisi par le chef de
l’Etat pour mener bataille dans les
dix-huit mois à venir. Son pari est
double : d’une part convaincre ses
12 €
seulement
,99
bonne part de faux-semblants – de partenaires que l’Union doit et
la vie politique française. peut être réformée, d’autre part
Ainsi du premier ministre. La faire des prochaines élections
Constitution en fait le chef de la européennes un puissant levier
majorité puisque c’est lui qui est pour parachever la recomposition
responsable devant l’Assemblée politique en cours et rassembler
nationale de l’action gouverne- sur une même liste tous les parti-
mentale. Cela suppose, en bonne
logique, qu’il appartienne au
sans de l’Europe. Les consulta-
tions qu’il vient d’engager avec les
Dans chaque beau livre,
parti majoritaire. Or, exception
faite de Raymond Barre dans les
partis politiques pour modifier le
mode de scrutin marquent le dé-
de nombreux chefs-d’œuvre
années 1970, Edouard Philippe se
retrouve dans la situation totale-
but de ces grandes manœuvres.
Emmanuel Macron n’est pas à
décryptés par des historiens d’art
l’abri d’un risque de surchauffe,
de couacs majeurs, de crispa-
EMMANUEL tions imprévues ou d’exercice
trop impérieux du pouvoir.
MACRON Mais, dans l’immédiat, il impose Pour découvrir un extrait gratuit du n°1, Van Gogh,, rendez-vous sur :

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son tempo et marque des points.
Après son brusque décrochage
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dans l’opinion cet été, ce regain
SON TEMPO de crédit n’est pas une mince
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Tirage du Monde daté mardi 21 novembre : 201 476 exemplaires
P U B L I C I T É

TAXE BOISSONS SUCRÉES


LES PRODUITS DE SYNTHÈSE
FINIRONT-ILS PAR REMPLACER
LE SUCRE D’ORIGINE NATURELLE
DANS LES BOISSONS ?
OUI ? NON ?
Le gouvernement et sa majorité envisagent actuellement une modiication
de la iscalité des boissons sucrées.

Nous sommes sensibles à l’enjeu de santé publique. Nous croyons


que la consommation de sucre doit être responsable. Elle
est d’ailleurs stable en France depuis 50 ans.

Cependant, le projet débattu encouragerait un remplacement du sucre


dans les boissons par des produits chimiques de synthèse,
dont la iscalité serait fortement abaissée alors que celle des boissons
contenant du sucre augmenterait sensiblement.

Le sucre contenu dans les boissons fabriquées en France est un ingrédient


d’origine naturelle, issu de betteraves sucrières et de cannes à sucre
de nos terroirs.

Les produits chimiques de synthèse dont l’utilisation se trouverait


encouragée sont dans leur quasi-totalité importés et, comme l’a conclu
l’Anses en 2015*, leur bénéice nutritionnel n’est pas démontré.

Faut-il rendre le sucre responsable de tout ?

Pour nous, le sucre consommé de façon responsable trouve toute sa place


dans une alimentation diversiiée et un mode de vie équilibré. Limiter le
sucre, cela peut signiier en ajouter moins, en consommer moins souvent
ou en plus petites quantités, sans substitution par des substances
chimiques.
C’est une question de bon sens.

Ce projet de taxation peut encore être modiié au Parlement.


Nous espérons qu’il le sera.

Soyons mesurés. Restons naturels.

Gilles Bollé
Agriculteur betteravier dans l‘Oise
Président du CEDUS**

(*) Anses, 2015, Evaluation des risques et bénéices nutritionnels des édulcorants intenses
(**) Centre d’études et de documentation du sucre, www.lesucre.com
Les Inluenceurs

La filière betterave-canne-sucre en France, c’est 44 500 emplois, 25 sucreries en métropole et 5 en outre-mer.


La France est le 1 er producteur mondial de sucre de betterave et le premier producteur européen de sucre.

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