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François Bougard

Actes privés et transferts patrimoniaux en Italie centro-


septentrionale (VIIIe-Xe siècle)
In: Mélanges de l'Ecole française de Rome. Moyen-Age, Temps modernes T. 111, N°2. 1999. pp. 539-562.

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Bougard François. Actes privés et transferts patrimoniaux en Italie centro-septentrionale (VIIIe-Xe siècle). In: Mélanges de
l'Ecole française de Rome. Moyen-Age, Temps modernes T. 111, N°2. 1999. pp. 539-562.

doi : 10.3406/mefr.1999.3715

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mefr_1123-9883_1999_num_111_2_3715
FRANÇOIS BOUGARD

ACTES PRIVÉS ET TRANSFERTS PATRIMONIAUX


EN ITALIE CENTRO-SEPTENTRIONALE
(VIIIe-Xe SIÈCLE)

Les diplômes des souverains italiens du début du Xe siècle qui


confirment tout ou partie d'un temporel ecclésiastique énumèrent volont
iersles actes qui fondent ses droits - sans aller, sauf exception, jusqu'à
donner le détail de chaque action juridique, comme dans les pancartes
françaises. En 900, après l'incendie des archives de l'église de Reggio d'É-
milie, Louis III réaffirma par exemple l'autorité de l'évêque sur tout bien
provenant des rois ou de particuliers per concessiones, traditiones, aufer-
siones pro remediis animarum, ou inscrit dans les comparationes, comuta-
tiones, libelli quaecumque legalium cartarum conscriptiones fiothecarii [et]
emfitheosi détruites par le feu. En dehors des diplômes, cette liste se réduit
facilement aux catégories de l'acte «privé» qui fixent des droits sur la terre
au moment où change son propriétaire, son usufruitier et/ou son oc
cupant1 : la donation, la vente, l'échange, la concession à temps (noter l'i
nsistance sur le dernier groupe, qui fait l'originalité de notre région). Les
lignes qui suivent présentent ces sources à grands traits, espérant donner
un cadre aux contributions italiennes du présent volume et soutenir la
comparaison avec d'autres «provinces documentaires». On détaillera la
masse disponible avant d'aborder les thèmes qui ont paru s'imposer à la
lecture de quelques fonds offrant des séries continues : vocabulaire, ac
teurs, moments et motivations des transferts patrimoniaux italiens.

Les actes privés italiens

Entre le début du VIIIe siècle et l'an mil ont été gardés le texte ou la t
eneur d'environ 7 500 actes privés pour la moitié de l'Italie qui s'étend des
Alpes à Rome et aux Abruzzes, Ravenne incluse, c'est-à-dire dans les li-

1 Elle ne prend pas en considération les actes, au reste moins nombreux, qui
aménagent ces droits, comme les partages fonciers entre héritiers ou entre établisse-

MEFRM - 111 - 1999 - 2, p. 539-562.


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mites de ce qui fut à partir de 774 le regnum Italiae carolingien. Une telle
évaluation doit se cantonner dans l'a peu près car elle est fondée sur des dé
comptes sans doute non exhaustifs - l'Italie n'a pas son Wauters - et sur
des catégories diplomatiques mêlant la forme et le contenu, toujours dis
cutables2 et laissant inévitablement de côté quelques actes rétifs au class
ement : sont prises en compte toutes les pièces de quelque autorité qu'elles
émanent dès lors qu'elles n'empruntent pas la forme du diplôme (royal, im
périal ou episcopal) ou de la notice de plaid «public» (telle que l'avait défi
nie et rassemblée Cesare Manaresi3) et qu'elles documentent une transac
tion foncière ou mobilière (vente, donation, échange, concession à temps).
Les deux tiers de ces actes sont des pièces séparées, le plus souvent ori
ginales (dans 90% des cas); le tiers restant est fourni par les séries fournies
des grands cartulaires monastiques d'Italie centrale (Sainte-Marie de Farfa,
Saint-Clément de Casauria pour l'essentiel) ou par quelques regestes ou sé
ries d'extraits plus ou moins détaillés et tardifs comme ceux de l'archevê
ché de Ravenne (le «Codice Bavaro»), du chapitre cathedral de Lucques, de
l'église de Gênes, ou encore les pièces éparses du Codex Sicardianus à Cr
émone et du Registrimi Magnum à Plaisance. Ces copies, extraits et regestes
mis à part, la situation documentaire de notre région est proche de celle
que connaît la Catalogne, où l'on compte environ 5 000 actes jusqu'à l'an
mil4, à cette différence près que l'Italie n'a pas gardé de fonds laïques im
portants qui pourraient faire pièce aux archives comtales catalanes. Aux
corpus denses de l'Italie centrale (près de 900 actes à Farfa, plus de 900 à
Casauria) et de la Toscane, menée par le fonds lucquois (1 800 actes) et,
loin derrière lui, par celui de Saint-Sauveur au Monte Amiata (180 envi
ron), s'oppose le relatif pullulement de l'Italie padane, où domine l'Emilie
(près de 1 300 actes, dont 650 à Plaisance et 330 à Ravenne), devant la
Lombardie (620), le Piémont (240) et ce qui fut la marche de Vérone (200);
la Ligurie est le parent pauvre (environ 40), l'Ombrie et les Marches sont
un désert (une dizaine)5. Pour important qu'il soit, et précieux par le grand

ments ecclésiastiques (brevia divisionis), les notices d'investiture et, de manière gé


nérale, toute pièce de simple gestion.
2 Voir ce qu'en dit Benoît-Michel Tock dans ce volume, p. 500-502.
3 Voir son introduction au corpus I placiti del «Regnum Italiae», 3 t. en 5 vol.,
Rome, 1955-1960 {Fonti per la storia d'Italia, 92, 96, 97).
4 Cf. P. Bonnassie, La Catalogne du milieu du Xe à la fin du XIe siècle : croissance
et mutations d'une société, II, Toulouse, 1976 (Publications de l'Université de Tou-
louse-Le Mirait, s. A, 29), p. 885 et suivantes; Id. et J. Fernândez-Cuadrench, Les do
cuments catalans des IXe-XIIe siècles : éditions récentes et publications en cours, dans
Le Moyen Âge, 105, 1999, p. 149-160.
5 Je renvoie pour le détail des comptages aux tableaux chiffrés de F. Bougard,
TRANSFERTS PATRIMONIAUXEN ITALIE CENTRO-SEPTENTRIONALE 541

nombre d'originaux, ce volume doit être relativisé par ce qu'on peut entre
voirdes pertes (Pavie, Bobbio, San Salvatore Maggiore en Sabine pour ne
citer que les plus criantes) et par la comparaison avec les données posté
rieures : environ 6 500 actes, par exemple, pour les cinquante premières
années du XIe siècle, soit presque autant que pour les trois siècles pré
cédents réunis - l'estimation est minimale. La rapidité de l'augmentation
tient non seulement aux aléas de la conservation, mais aussi à un recours
plus systématique à l'écrit; recours qui ne signifie pas démocratisation, car
la production documentaire vient peut-être moins d'une diversification so
ciale des donateurs6, dont on voit les effets surtout après 1050, mais du fait
qu'un même «transfert» s'accompagne volontiers de la rédaction de plu
sieurs actes là où un seul suffisait auparavant. En revanche, la deuxième
moitié du XIe siècle connaît probablement une décrue, là encore comme en
Catalogne, mais il est difficile d'être plus précis dans l'état des éditions.
On peut tenter une répartition chronologique par type d'actes, en gar
dant à l'esprit qu'elle ne peut donner qu'une représentation grossière
puisque sont additionnés des fonds hétérogènes dans leur tradition, dans
leur origine (monastiques ou épiscopaux, ruraux ou urbains) et dans leur
volume (de l'unité au millier), tandis que les catégories sont le fruit de r
egroupements simplificateurs (le terme «concessions», en particulier, re
couvre des réalités sociales et économiques multiples, du bail agraire à
cens à la précaire presque «féodale»). Le tableau 1 présente l'ensemble par
tranches de cinquante ans. Au constat de la progression numérique globale
peuvent s'ajouter les remarques suivantes :
a) cette progression est surtout le fait des contrats de location - pour
l'ensemble de la période, les «concessions», où dominent largement les l
ivel i, représentent plus de la moitié des actes considérés -, alors que l'au
gmentation des donations, des ventes et des échanges est à la fois plus
contrastée et plus lente.

La justice dans le royaume d'Italie de la fin du VIIIe au début du XIe siècle, Rome, 1995
(BEFAR, 291), p. 79-108. On a utilisé aussi pour le présent travail les rares éditions
de sources parues depuis 1995 et intégré le fonds ravennate et les actes de Farfa pas
sés en Sabine romaine, qui avaient été exclus du volume. En revanche, les actes «ro
mains» de Farfa ne sont pas présents dans le tableau 1; voir pour complément les
données rassemblées par W. Kurze, Lo storico e i fondi diplomatici medievali. Proble
mi di metodo - Analisi storiche, dans Id., Monasteri e nobiltà nel Senese e nella Tosca
na medievale. Studi diplomatici, archeologici, genealogici, giuridici e sociali, Sienne,
1989, p. 1-22.
6 Sur laquelle on peut voir, à propos de l'exemple de Vérone, M. C. Miller, The
Formation of a Medieval Church. Ecclesiastical Change in Verona, 950-1150, Ithaca-
Londres, 1993, chap. 4 : «the support of ecclesiastical institutions», p. 96-116.
Les actes privés du royaume d'Italie
1400 -,
1300
1200
1100
1000 -
900 -
800 -
700 -
600
500
400 Η
300
200
100
701-750 751-800 801-850 851-900 901-950
Tableau 1 - Les actes privés du royaume d'Italie.
TRANSFERTS PATRIMONIAUXEN ITALIE CENTRO-SEPTENTRIONALE 543

b) Les donations, les ventes et les échanges connaissent un repli relatif


dans la première moitié du Xe siècle. L'observation est proche de celle
qu'on pourrait faire encore une fois en Catalogne, ou dans certains cartu-
laires allemands, et reflète probablement une situation documentaire génér
aleà l'Occident, qui reste à expliquer. Mais elle mériterait d'être affinée
par décennie et par fonds, et ne doit pas masquer certaines situations indi
viduelles contraires à la tendance générale.
c) L'augmentation séculaire des donations est plutôt lente et hésitante,
la courbe des ventes est en dents de scie, les échanges connaissent en r
evanche une progression régulière; chacune de ces évolutions mérite com
mentaire :
- les donations ne retrouvent pas avant la deuxième moitié du Xe siècle
leur niveau des années 751-800. Ces actes, sans doute, survivent mieux que
d'autres à l'épuration archivistique. Mais c'est surtout que le VIIIe siècle est
un temps de fondations pieuses; la prolongation du graphique dans la pre
mière moitié du XIe siècle montrerait pareillement le regain des fondations
monastiques, où la Toscane occuperait une place de choix et où, dans la
même Toscane, le fonds lucquois marquerait le pas face à ceux de Pistoia,
Arezzo, Sienne, Volterra, comme si les gestionnaires de rentes constituées
s'effaçaient face aux entrepreneurs nouveaux. Le tableau reproduit ici des
cycles patrimoniaux.
- La même réflexion vaut, en sens inverse, pour les ventes, qui ont été
drastiquement éliminées en début de période, puis sont constamment
sous-représentées par la tradition ecclésiastique. Elles sont en revanche
majoritaires dès qu'apparaissent des chartriers laïques : le cartulaire de Ca-
sauria, seul de son espèce à en avoir gardé systématiquement copie car il
s'est construit son patrimoine à coup d'achats massifs, sans bénéficier
comme d'autres d'un flux de donations spontanées, est ainsi responsable
du pic de la deuxième moitié du IXe siècle, mais on pourrait aussi bien citer
les trente pièces citant nommément le Toscan Alahis dans Γ« inventaire» de
ses archives, vers 770 (une centaine d'actes au total - tous perdus - dont
38 cartulae et sept préceptes au moins le concernent directement)7, tandis
que la moitié des 26 actes où intervient le sculdassius Pierre de Niviano,

7 L. Schiaparelli, Codice diplomatico longobardo, II, Rome, 1933 {Fonti per la


stona d'Italia, 63), n° 295 (= Chartae latinae antiquiores, XXXI [Italy, 7], éd. J.-
O. Tjäder, Dietikon-Zurich, 1987, n° 808); sur les huit pièces restantes, trois cartolae
de accepto mundio, par lesquelles Alahis a acquis l'autorité sur des personnes en ver
sant le montant du mundium à celui ou ceux qui le détenai(en)t peuvent aussi être
assimilées à des ventes.
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dans le comté de Plaisance, un siècle plus tard, sont également des ventes8.
On trouve un autre indice de cette forte déperdition dans le fait que le rele
védes mentions d'actes aujourd'hui perdus dans les transactions conser
vées (tel bien parvenu per cartulam venditionis , ou donationis, ou commu-
tationis) paraît souvent favorable aux cartulae venditionis9.
- Comme les donations, les échanges sont surreprésentés, ne serait-ce
que parce que nos actes sont tous ou presque issus d'églises, de chapitres
ou de monastères, pour lesquels la commutano est le seul mode légitime de
faire sortir un bien du patrimoine de l'institution. Les responsables ecclé
siastiques du Nord semblent les avoir particulièrement affectionnés,
puisque l'Italie padane regroupe les deux tiers des échanges, alors qu'elle
ne compte qu'environ 40% du total des actes. Ils progressent régulière
ment, parfois plus vite que les ventes, mais selon des rythmes contrastés se
lon les fonds, qui les ont gardés tantôt au compte-gouttes, à raison de quel
ques unités par demi-siècle même dans des séries homogènes, tantôt par
dizaine(s) sur des périodes courtes, reflétant des moments et des choix de
gestion particuliers, où l'on peut reconnaître aisément la marque de tel
évêque ou tel abbé. La prolongation du graphique montrerait par ailleurs
une certaine désaffection de l'échange au profit de la vente au XIe siècle, ce
qu'on a interprété, à juste titre sans doute, par un recours croissant à l'in
strument monétaire10. Il serait cependant abusif de retourner le raisonne
ment en voyant dans leur utilisation «massive» au Xe siècle un pis-aller
destiné à pallier la rareté du métal, puisque ce siècle est aussi le moment
où les églises sont capables d'investir dans de grosses opérations de prêt et
qu'il était toujours loisible de recourir aux paiements mixtes quelle que fût

8 F. Bougard, Pierre de Niviano, sculdassius, dit le Spolétin, et le gouvernement


du comté de Plaisance à l'époque carolingienne, dans Journal des savants, juillet-
décembre 1996, p. 291-337.
9 Par exemple à Saint-Sauveur au Monte Amiata, d'après le relevé de W. Kurze
et en ne tenant compte que des mentions d'actes explicites : trois ventes sur six de-
perdita entre 751 et 800, 15 sur 31 entre 801 et 850, sept sur huit de 851 à 900, quatre
sur six de 901 à 950 (W. Kurze, Codex diplomaticus Amiatinus, I, Tübingen, 1974,
p. XXI-XXIII). L'enquête mériterait cependant d'être menée systématiquement : au
sud de notre région, les actes de Cava de'Tirreni, où la mention des actes perdus est
peut-être plus suivie qu'au nord, donnent une image plus équilibrée entre ventes et
donations, surtout si elle est mise en relation avec le nombre d'actes conservés (deux
v. et trois d. entre 801 et 850 [pour 23 v. et 3 d. conservées], 13 v. et 7 d. entre 851 et
900 [pour 13 v. et 12 d. conservées], 30 v. et 17 d. entre 901 et 950 [pour 14 v. et 15 d.
conservées], 41 v. et 69 d. entre 951et 1000 [pour 38 v. et 57 d. conservées]).
10 Cf. J. Jarnut, Bergamo 568-1098. Storia istituzionale, sociale ed economica di
una città lombarda nell'alto medioevo, Bergame, 1980 (éd. all. Wiesbaden, 1979),
p. 255-256.
TRANSFERTS PATRIMONIAUXEN ITALIE CENTRO-SEPTENTRIONALE 545

la forme juridique prise par la transaction. Les raisons économiques re


joignent ici celles du prestige et de la politique : Gian Giacomo Fissore a
souligné à propos d'Asti combien la formalisation de l'acte d'échange, qui
fait intervenir de nombreux représentants du clergé local (missi, estima-
tores, témoins consentant à l'opération, tous hiérarchisés dans leurs sous
criptions) et se prête aux préambules, accompagnait la mise en place de
chancelleries épiscopales autonomes dans le courant du Xe siècle11. Il n'est
enfin pas étonnant, dans ces conditions, que les commutation.es, dont le
texte plus long était couché sur un parchemin plus grand que celui réservé
autres transactions, aient aussi été mieux conservées qu'elles.
L'histoire de chaque fonds mériterait d'être retracée individuellement.
On se limitera aux exemples les plus fournis. Le cas lucquois (tableau 2)12
montre ainsi, passé le milieu du IXe siècle, une chute des donations et une
faiblesse extrême des ventes, à quoi s'oppose la formidable augmentation
des concessions : voilà qui traduit le comportement d'un évêché gestion
naire d'une rente acquise dès le début du VIIIe siècle. La même remarque
vaudrait pour Pise ou Ravenne, mais poussée dans ce dernier cas jusqu'à la
caricature puisque du VIIIe à la fin du Xe siècle quatre actes sur cinq y sont
des concessions. À Plaisance, où le graphique (3) résulte du regroupement
de quatre fonds (principalement ceux du chapitre cathedral et de S. Anto
nino, plus les épaves de S. Sisto et de S. Savino), les ventes se situent tou
jours à un haut niveau par rapport aux autres actes - elles font au pire jeu
égal avec eux -, avec une intense activité aux IXe-Xe siècles; à un niveau in
férieur, les donations augmentent régulièrement jusqu'au ralentissement
du début du XIe siècle; le recours à l'échange est marqué; surtout, on ob
serve un pic des contrats de location au début du Xe siècle, plutôt in
habituel par rapport à la situation italienne générale et dû à la série abon
dante de livelli de S. Antonino, alors en pleine expansion. La progression
des donations est plus modeste à Bergame (tableau 4), qui connaît surtout
un fort recours à l'échange, et une explosion des ventes dans les années
950-1050. Sauf ce pic des échanges, on retrouve la même structure à Milan
et dans les localités proches, où le graphique (5) paraît reproduire des
comportements patrimoniaux voisins bien qu'il soit obtenu par l'addition
de multiples fonds (S. Ambrogio pour l'essentiel, mais aussi S. Vittore de

11 G. G. Fissore, Problemi della documentazione vescovile astigiana per i secoli X-


XII, dans Bollettino storico-bibliografico subalpino, 71, 1973, p. 417-510, repr. dans
P. Cancian (éd.), La memoria delle chiese. Cancellerie vescovili e culture notarili nell'I
talia centro-settentrionale (secoli X-XIII), Turin, 1995, p. 41-94. Les deux tiers des
actes conservés pour l'épiscopat de Borningus (937-966) sont des échanges.
12 Voir surtout les analyses détaillées d'Anne Mailloux, dans ce volume.

MEFRM 1999, 2 41
546 FRANÇOIS BOUGARD

Meda, S. Vittore de Varese, S. Fedele de Corne, Saint- Jean de Monza) : les


archives lombardes sont celles d'une économie en pleine activité, là où les
fonds toscans reflètent plutôt la gestion de portefeuille ou la spiritualité do
natrice. Rappelons cependant que la forte augmentation des ventes en fin
de période est due en bonne partie à la prolifération des jeux d'écriture qui
accompagnent pour la plupart des opérations de crédit et qui sont aussi
responsables de la diffusion des engagements séparés {cartulae promissio-
nis, «c. prom.» sur les tableaux 4 et 5) qui font partie des dossiers de prêts.
Combien, parmi les «ventes» des Xe et XIe siècles, attestent alors des trans
ferts non de terres mais d'argent, et devraient être retranchés de nos co
lonnes?

Vocabulaire et formules des transferts patrimoniaux

Les mots qui désignent le transfert d'un bien meuble ou immeuble ne


semblent pas différents en Italie de ce qu'on peut lire ailleurs. Transfero,
qui s'applique à des réalités matérielles plutôt qu'à des droits, est rare, ré
servé plutôt aux préceptes où il est de toute façon peu fréquent. Le terme
habituel est transfundo, qui n'est jamais substantive, alors qu'on pourra
trouver ici ou là transfersio , dans l'expression pagina transfersionis, qui dé
signe l'échange. Mais les mots utilisant le préfixe trans- sont minoritaires13,
car tout est bon à prendre, soit dans des doublets associant le singulier et le
pluriel, le passé et le présent : cedimus et cedo, do et damus, trado et tradidi,
offero et offerìmus, vendo et vendidi etc., soit dans des litanies du type ven
do, trado, mancipo liberam quoque potestatem ad omni nexo publico priva-
toque (...) de nostra potestate vel dominacione tradamus jure proprio nomine
ita abendi, tenendi, vendendi, alienandi et commutandi, faciendi et judicandi
qualiter volueritis etc. Les variantes pourraient être citées à l'infini, mais
l'important me semble la volonté d'une couverture lexicale à la fois très
lâche et très large : non à cause d'une incertitude sur le sens de l'action ju
ridique - la précision sur ce point est au contraire rarement prise en dé
faut - mais pour ne laisser aucune zone d'ombre susceptible de prêter mat
ière à discussion après coup.
Les formules les plus intéressantes pour notre propos sont les préamb
uleset les clauses de sanction. L'auteur de ces lignes n'ayant pas mené l'
étude d'ensemble, qui comme celle de Michel Zimmermann pour la Cata-

13 Je trouve encore transfirmo dans \e testament de la reine Cunégonde, en 835 :


U. Benassi, Codice diplomatico parmense. I. Secolo VIIII, Parme, 1910, p. 102, 1. 6.
TRANSFERTS PATRIMONIAUXEN ITALIE CENTRO-SEPTENTRIONALE 547

logne14 aurait pu revisiter les travaux de W. John et de Heinrich Fich-


tenau15, les remarques qui suivent sont à la fois impressionnistes et trop
tranchées. Les préambules sont, comme ailleurs, de plusieurs types; ils pa
raissent plus variés dans leur expression au début de la période :

- préambule législatif ou juridique : les plus courants sont ceux relatifs


à la licéité des transferts patrimoniaux en faveur des établissements ecclé
siastiques (emprunté à la loi lombarde et particulièrement diffusé dans les
zones «méridionales») et ceux qui définissent l'échange d'après le code
Théodosien (commutacio bone fidei noscitur esse contractum ut vice emp-
tionis obtineat firmitatem eodemque nexu obliget contraentes);
- «mémorial», brodant sur la nécessité de mettre par écrit les accords
entre particuliers (quotiens aliqua inter partes bono ordine conveniunt opor-
tet testimonio scripturae roborari, ne in posterum propter longinquitatem die-
rum aut annorum spatia oblivione ducta, aliqua nascatur inentio). La for
mule est d'emploi surtout méridional (duché de Spolète16) et romain et at
testée aussi à Ravenne. Elle n'est pas a priori particulière à un type de
transaction mais tend assez tôt - dès que les occasions de régulariser par
l'écrit des transactions restées orales se sont faites rares, c'est-à-dire dès le
milieu du VIIIe siècle - à se spécialiser aux actes qui sanctionnent, précisé
ment,le règlement d'un conflit.

14 M. Zimmermann, Protocoles et préambules dans les documents catalans du Xe


au XIIIe siècle : évolution diplomatique et signification spirituelle, dans Mélanges de la
Casa de Velazquez, 10, 1974, p. 41-76; 11, 1975, p. 51-79.
15 W. John, Formale Beziehungen der privaten Schenkungsurkunden Italiens und
des Frankenreiches und die Wirksamkeit der Formulare, dans Archiv für Urkundenf
orschung, 14, 1936, p. 1-104; H. Fichtenau, Arenga. Spätantike und Mittelalter im
Spiegel von Urkundenformeln, Graz-Cologne, 1957 {Mitteilungen des Instituts für
österreichische Geschichtsforschung, Ergänzungsband, 18). Les travaux plus récents
de Luciana Mosiici sur les préambules toscans s'inscrivent dans une veine «généalo
gique» : voir en dernier lieu ses Note sulle arenghe dei documenti privati lucchesi di
età longobarda, dans Actum Luce. Rivista di studi lucchesi, 25, 1996, p. 7-49, avec bi
bliographie des travaux antérieurs de l'auteur. Enfin, le récent article de P. Santoni,
Le formule di arenga e sanctio spirituale nei documenti privati reatini del secolo Vili,
dans Archivio della Società romana di storia patria, 120, 1997, p. 34-44, est surtout un
catalogue, auquel on préférera H. Zielinski, Studien zu den spoletinischen «Privatur
kunden»des 8. Jahrhunderts und ihre Überlieferung im Regestum Farfense, Tübingen,
1972 (Bibliothek des Deutschen Historischen Instituts in Rom, 39), chap. 2, p. 142-
210.
16 Dès les premiers actes conservés : cf. Codice diplomatico longobardo. V. Le
chartae dei ducati di Spoleto e di Benevento, éd. H. Zielinski, Rome, 1986 (Fonti per la
storia d'Italia, 66), n05 1 (vente, a. 718), 2 (cartula venditionis seo donationis, a. 720),
10 (donation, a. 747/749), 32 (échange, a. 761).
548 FRANÇOIS BOUGARD

- religieux, sur le mode optimiste (qui enrichit les églises se constitue


un trésor dans le ciel, en reprenant ou paraphrasant l'Évangile [Mt XIX,
21; Me X, 21; Le XVIII, 22]) ou pessimiste (développant le thème du Veil
leur, de la fragilité de la vie humaine, de la nécessité d'ordonner ses af
faires). Ces préambules pour la plupart bibliques sont presque exclusiv
ement réservés aux donations «pieuses», testamentaires ou non. Je trouve
encore, dans un acte de 995, une formule inhabituelle sur l'approche de la
fin du monde et les ruinae crebescentes . . . mais elle est si banale dans le Mi
difrançais, qui l'hérite au reste des formules mérovingiennes, qu'on s'abs
tiendra d'un commentaire millénariste17. La similitude renvoie en dernier
lieu à la question de la circulation de formulaires notariaux en Italie, qui
n'a pas encore reçu de traitement approfondi18.
- même s'il ne s'agit pas d'un préambule à proprement parler, j'ajoute
rais volontiers la captatio benevolentiae «publicitaire», et en incise, comme
à S. Silvestro de Nonantola, où beaucoup de donations commencent après
l'invocation par cette sorte d'encouragement : «au monastère N. ubi multae
res a bonis hominibus delegatae sunt»i9.

Les clauses de sanction spirituelle et les malédictions sont presque ex


clusivement le fait des donations. Toute donation, cependant, n'en
comprend pas obligatoirement. Leur apparition tient à l'engagement per
sonnel du donateur, à son niveau social, à l'étendue de la donation, mais
aussi parfois, et plus simplement, aux habitudes du rédacteur de l'acte, qui
entoure d'autant plus volontiers l'institution bénéficiaire de remparts
comminatoires qu'il y est employé à demeure.

17 G. Drei, Le carte degli archivi parmensi, I, Parme, 1924, n° 80 : mundi termino


apropinquante ruinis crebescentibus jam certa signa manifestantur, idcirco etc.
Grande diffusion de la formule à Lézat : cf. P. Ourliac, Note sur les actes français et
catalans du Xe siècle [1988], dans Id., Les pays de Garonne vers l'an mil : la société et le
droit, Toulouse, 1993, p. 239-256 : n. 17 p. 253. Pour les formules antérieures, cf.
Formulae Merowingici et Karolini aevi, éd. K. Zeumer, Hanovre, 1882-1886 (M.G.H.,
Legum sectio 5, 1) : Form. Marculfi II, 3, p. 74; Form. Turonenses 1, a, p. 135; Form.
Augienses, A, 13, p. 344; v. aussi B.-M. Tock dans ce volume, p. 526.
18 Voir cependant les articles préliminaires de P. S. Leicht, Formulan notarili
nell'Italia settentrionale [1908] et Influenze di scuola in documenti toscani nei secol
i X/-XII [1909], dans Id., Scrìtti vari di stona del dirìtto italiano, II- 1, Milan, 1943,
p. 47 '-57 et 65-78, et le beau travail d'A. Falce, Una formula caratteristica, dans Rivis
ta storica degli archivi toscani, 1, 1929, p. 91-114, à propos du préambule «Divine gra-
tie munere» largement diffusé en Toscane entre 950 et 1050.
19 V. Fainelli, Codice diplomatico veronese... cit. infra η. 16, II, nos 12, 80, 98, 106,
etc.
TRANSFERTS PATRIMONIAUX EN ITALIE CENTRO-SEPTENTRIONALE 549

Les clauses spirituelles ne sont pas toutes négatives. Elles balancent au


contraire fréquemment, comme dans les privilèges pontificaux, entre la r
écompense et la damnation (que les contrevenants soient maudits, mais que
ceux qui respecteront la teneur de l'acte partagent la joie éternelle), tradui
sant à la fois des communautés d'écriture entre les chancelleries centrales
et locales et le fait que la clause «comminatoire» ne vise pas forcément l'e
xclusion. Elles sont assez souvent minimalistes (la «simple» menace du j
ugement dernier : ultima eos [les contrevenants] ulcio subsequatur; si fece-
rint, judicem habeant Deum omnipotentem, etc.) ou, quand elles sont rédi
gées sur le mode de l'énumération des vengeurs, se contentent d'une liste
standard, courante au Xe siècle : Dieu Père, Fils et Saint-Esprit, les
318 Pères de Nicée, Judas, Dathan et Abiron. Comme ailleurs, le saint pa
tron, dans le cas des monastères, est volontiers appelé à la rescousse
comme la Vierge à Farfa. Pour garantir les transferts patrimoniaux, les
scribes italiens s'en tiennent la plupart du temps à des expressions mesur
ées. Ils auraient garde, en revanche, d'oublier la clause de sanction pé
cuniaire, dont il faut souligner l'universalité. Le débat est ouvert pour sa
voir s'il faut mettre cette modération d'ensemble au compte d'une meil
leure tenue «étatique» - puisqu'on a volontiers établi, à l'inverse, un lien
entre l'inflation des sanctions et le «déclin de la justice publique carolin
gienne» ! 20 - ou si l'abondance de sources d'origine monastique dans les ré
gions françaises y fait la part trop belle à la malédiction.

Les acteurs

Les destinataires des transferts sont connus : ce sont, à terme, les


églises. Si l'on restreint l'examen aux actes de vente entre particuliers (et
nous rappelant que les églises ne vendent pas mais achètent ou font cir
culer des éléments de leur patrimoine par le biais des échanges), et en se l
imitant aux échantillons véronais et bergamasque, l'impression générale est
d'abord que les relations de vente et d'achat se font à même niveau social et
que les ventes «déclassantes» sont réservées aux églises, sauf nécessité ab
solue dans laquelle se trouve l'orphelin contraint à solder une dette héritée.
À Vérone ont été gardés 26 actes de vente du VIIIe au milieu du Xe
siècle21. Trois vendeurs sont des ecclésiastiques; parmi les laïcs figurent

20 L. K. Little, La morphologie des malédictions monastiques, dans Annales.


Économies, sociétés, civilisations, 34, 1979, p. 43-60 : p. 47.
21 V. Fainelli, Codice diplomatico veronese, 2 vol., Venise, 1940-1963 (Monumenti
storìci pubblicati dalla [R.] deputazione di storia patria per le Venezie, n. s., 1 et 17).
550 FRANÇOIS BOUGARD

quatorze individus masculins, quatre groupes de frères - deux ou plus,


sans concentration particulière dans le temps - et huit femmes, celles-ci r
egroupées dans la première moitié du Xe siècle et agissant tantôt seules
(elles sont alors veuves ou orphelines) tantôt avec leur époux consentant
mais nommées avant lui même si le montant de la vente est reçu par le
couple comuniter. Ces données sont confirmées par celles de Bergame, au
reste plus fournies22 : six ecclésiastiques figurent parmi les vendeurs dans
un lot de 66 actes, tandis que les laïcs se répartissent entre 36 individus
masculins, six associations de frères et neuf femmes. Les rapports numér
iques sont comparables d'un fonds à l'autre. On note surtout, dans les
deux cas, la forte part de la représentation féminine (près du tiers des
ventes à Vérone, mais l'échantillon est trop mince pour qu'on y insiste).
Sans déflorer un thème qui fera l'objet de discussions ultérieures, on en t
irera l'idée, après d'autres23, que non seulement les femmes disposent d'une
capacité d'initiative suffisante en matière de gestion foncière mais aussi
qu'elles sont largement responsables de la mobilité de la terre, par le biais
des transactions portant sur la «Morgengabe» ou la dos. Les assignations
maritales ont en particulier pour effet de créer une circulation patrimon
iale à deux vitesses, permettant de jouer sur un volant de terres facilement
mobilisables et de ménager en retour le cœur des patrimoines. Une telle
réalité s'applique sans doute différemment d'une région à l'autre, selon que
l'assignation est nettement détachée des biens d'origine ou simplement ex
primée sous forme de droits, mais elle exprime bien le fait que les femmes
sont un vecteur privilégié des transferts patrimoniaux - on en trouvera un
indice indirect dans le fait qu'elles sont beaucoup moins présentes dans les
donations, et très effacées dans les échanges.
Retournons un instant à l'aspect diplomatiste du propos pour signaler
l'existence, à Vérone comme à Bergame, de beaux exemples d'adaptation
des pratiques et des formulaires aux réalités sociales. Voici, en 954, une fa-
mula de S. Zeno de Vérone qui vend un bien à une autre famula24. La tran
saction est documentée non par une charta mais par un breve recordacio-
nis, tandis que la promesse du vendeur de respecter la vente est garantie

22 M. Cortesi (dir.), Le pergamene degli archivi di Bergamo, a. 740-1000, Ber


game, 1988 {Fonti per lo studio del territorio bergamascho, 8 : Carte medievali berga
masche, 1).
23 Voir la contribution de Hans- Werner Goetz dans ce volume, avec la biblio
graphie citée, et l'illustration des Abruzzes par L. Feller, Les Abruzzes médiévales.
Territoire, économie et société en Italie centrale du IXe au XIIe siècle, Rome, 1998 (BE-
FAR, 300), chapitre X.
24 V. Fainelli, Codice diplomatico veronese, II, n° 254.
TRANSFERTS PATRIMONIAUX EN ITALIE CENTRO-SEPTENTRIONALE 551

par une constitution de gage (wadia) avec fidéjusseur. Et quand à Bergame


un famulus de l'évêque échange un bien avec lui, l'acte débute comme la
notice d'un plaid (Dum venisset N. famulus . . . pour demander l'autorisation
au patronus de procéder à l'échange)25 avant de suivre le schéma classique
de la commutano : où l'on voit que la condition mineure des parties, outre
qu'elle exige le recours à des procédures juridiques superflues entre libres,
influence directement la forme de l'acte. Il y a fort à parier que de telles so
lutions documentaires ont été élaborées au sein nîême des chancelleries
épiscopales, comme tendrait à le montrer le fait que l'acte véronais de 954,
considéré par l'éditeur comme original, est écrit dans une «libraria» qui
tranche sur le lot des textes contemporains.

Moments et motivations, résistances et tentatives de contrôle

II faut ici distinguer entre les préoccupations individuelles et ce qui re


lève d'une volonté de contrôle des transferts patrimoniaux de la part des
institutions centrales et locales.
Dans quelque région qu'on se trouve, le moment privilégié du « trans
fert» est celui du changement de génération. C'est en tout cas la motivat
ion, rarement explicite il est vrai, d'une bonne part des ventes. Le décès de
l'époux libère la «Morgengabe»; celui du père crée les associations provi
soires de frères (fratres indivisi, selon le langage des capitulaires), vite dis
loquées sauf quand elles permettent d'alléger la contribution à la chose pu
blique. Mais on pourrait en dire autant d'une bonne partie des donations,
qui certes peuvent être rédigées à tout moment du cycle familial, mais qui,
par le jeu de la rétrocession en usufruit viager, ne sont souvent réalisées
qu'au décès du donateur26. Des transferts anciens, consignés sur des actes
gardés dans les coffres des monastères ou des chapitres et ressortis plu
sieurs années ou décennies plus tard, causent ainsi régulièrement la sur
prise au sein des familles concernées et les réactions indignées qui mot
ivent nombre de litiges portés en justice. D'un fonds à l'autre, l'image qui
s'impose est celle d'une mobilisation foncière plutôt passive, largement

25 M. Cortesi (dir.), Le pergamene degli archivi di Bergamo..., nos 43, a. 908 et 87,
a. 948; Id. et A. Pratesi (dir.), Le pergamene degli archivi di Bergamo, aa. 1002-1058,
Bergame, 1995 (Fonti per lo studio del territorio bergamascho, 12 : Carte medievali ber
gamasche, 2), n° 88, a. 1029; voir aussi le n° 90, de 1030.
26 Un seul exemple, cette notice d'investiture au profit de S. Maria in Organo de
Vérone pour des biens offerts par un prêtre onze ans auparavant; l'acte de donation
est relu à cette occasion : V. Fainelli, Codice diplomatico veronese, II, n° 59, a. 903
voir aussi le n° 108, de 911.
552 FRANÇOIS BOUGARD

fondée sur «l'aménagement de l'héritage», pour reprendre une expression


de Régine Le Jan dans ce volume. La terre, sans doute, est objet privilégié
d'investissement, mais rares sont ceux qui ont en tête d'acheter pour une
revente lucrative. De sorte qu'en temps normal, les biens-fonds circulent
plutôt lentement, si l'on raisonne à l'échelle de la famille. Il faut, pour accé
lérer ces rythmes, l'intrusion d'un capital extérieur ou d'une mentalité de
profit immédiatement monétaire : à la campagne, c'est par exemple le bou
leversement consécutif à l'injection des fonds liés à la fondation de Saint-
Clément de Casauria, dans les Abruzzes adriatiques; en ville, c'est l'activité
d'un petit nombre de negotiatores capables de concevoir l'immeuble mila
nais ou pavesan comme un placement de rapport, réalisable à court terme
dans la perspective de l'investissement dans des domaines ruraux plus
stables et socialement plus qualifiants; à la campagne et en ville, ce peut
être le placement des revenus procurés par un office aussi mineur soit-il
comme celui de sculdassius pour un Pierre de Niviano.
Pour un établissement ecclésiastique, le rythme et la nature des transf
erts, on l'a vu, répondent sur le long terme à des cycles «biologiques».
Comme pour les particuliers, ceux-ci sont cependant susceptibles d'être
bouleversés par des accidents extérieurs. Le premier d'entre eux, à l'échelle
du royaume, est l'interventionnisme carolingien en matière économique et
juridique. Le premier en date des capitulaires italiens, au lendemain de la
conquête, est ainsi tout entier consacré aux transferts patrimoniaux, sous
couvert de l'urgence (la guerre avait provoqué une hausse artificielle des
prix, aggravée par une mauvaise récolte)27. Les cartulae obligationis
comportant des déditions de familles entières in servino (il s'agit d'escla
vage pour dettes et non de simples commendationes) sont cassées, l'estima
tion du montant des ventes ou des donations (pour lesquelles le launegild
inscrit sur l'acte est censé fournir une contre-valeur adaptée) entre per
sonnes privées peut être revue sur la base des prix pratiqués avant l'arrivée
de l'armée franque en cas de réclamation de la part de ceux qui s'estime
raient lésés. Quant aux transferts (ventes ou donations) en faveur de loca
venerabilia, ils sont suspendus et remis à un examen au cas par cas remis à
une prochaine assemblée réunissant les évêques et les comtes.
La remise en route du royaume après les opérations militaires fut ainsi
l'occasion pour les nouveau dirigeants d'affirmer très tôt leur rôle en mat
ière de régulation économique, par le biais des prix. Le texte de 776 fut
suivi jusqu'à la fin du Xe siècle et au-delà par des mesures récurrentes de

27 Capitularia regutn Francorum, I, éd. A. Boretius, Hanovre, 1883 (M.G.H., Le-


gum sectio 2, 1), n° 88; cf. F. Manacorda, Ricerche sugli inizii della dominazione dei
Carolingi in Italia, Rome, 1968 {Studi storici, 71-72), p. 37-43.
TRANSFERTS PATRIMONIAUX EN ITALIE CENTRO-SEPTENTRIONALE 553

moins grande ampleur, qui avaient toutes pour but de s'imposer face au
libre jeu des transferts, ou tout au moins à certains d'entre eux. Le soupçon
est d'abord porté sur les concessionnaires «frauduleux» de biens d'Église,
ceux qui entrent en dépendance foncière en faisant passer leurs biens sous
la juridiction d'autrui puis les récupèrent en location : il faut à tout le
moins vérifier les motivations de ces pratiques, c'est le thème rebattu de la
soustraction au fisc et à l'armée, qui ne passe pas la fin du IXe siècle28. Mais
sont visés surtout les transferts insidieux des patrimoines ecclésiastiques
eux-mêmes, sous la pression d'évêques et d'abbés désireux d'obtenir les
moyens légaux de freiner les aliénations inscrites en germe dans les
concessions à temps et dans l'occupation paisible de la terre (ou dans la
jouissance de son fruit) pendant une ou plusieurs générations, surtout
quand en bénéficient des personnes d'un niveau social tel que le bailleur
n'a pas de moyen de rétorsion direct contre elles. Dès la fin du VIIIe siècle,
on tient pour sacrilège celui qui aura concédé un bien d'Église par un acte
- dont la nature n'est pas encore précisée : aliquem scriptionis titulum -
dommageable à celle-ci29. Pour l'instant n'est encore considéré que le res
ponsable, plus que la trace écrite de son action. Mais dès les années 820 les
évêques obtiennent la possibilité légale de dénoncer les actes de leurs pré
décesseurs sans souci des clauses de sanction pécuniaires qui y sont ins
crites. Au fil des prescriptions défilent tous les types de concessions : em-
phytéoses, précaires, livelli30 ; il ne manque qu'une allusion aux scripta tertii
generis pour avoir l'éventail lexical complet.
À partir des années 850, les préceptes donnent une application indivi
duelle de ces textes généraux et en étendent la portée à l'occasion. Les évê-
chés ne sont plus seuls considérés mais aussi les monastères, tandis que les
actes d'échange et les donations s'ajoutent aux concessions. Évêques et ab
bés reçoivent les uns après les autres la possibilité de casser la gestion de
leurs prédécesseurs, toujours décrite comme inique et contraire au droit,
en même temps qu'ils ont liberté de recourir à Yinquisitio , moyen rapide et
efficace d'administration de la preuve31 et, parfois, de choisir dans leur
propre personnel les scribes spécialement affectés à la rédaction des

28 Voir les capitulaires de Mantoue en 813 {Capitularia, I, n° 93, c. 5), de Corteo-


lona en 825 (n° 165, c. 2), et un capitulum séparé de Louis II {Capitularia..., II, éd.
A. Boretius et V. Krause, Hanovre, 1897, n° 208).
29 Capitularia, I, n° 105, c. 9.
30 Per enfitheuseos contractus en 822-823 {Capitularia, I, n° 157, c. 1), precariae
inrationabiliter factae et distribuitae en 825 (n° 163, c. 10), libellario vel enfiteotecario
jure en 876 (Capitularia, II, n° 221, c. 10).
31 Sur ce point, F. Bougard, La justice..., p. 194-203.
554 FRANÇOIS BOUGARD

contrats (comme à Modène en 898). À Lucques en 852 (contre les libellos,


les fidiucharios aliasque conscriptiones), Farfa en 872 (contre les prestarias)
et à Volterra en 874 (contre les donationes , les prestationes , les libellorum et
vicaniorum conscriptiones), ces mesures sont encore justifiées par l'évoca
tion d'une crise récente dans la gestion32. Mais la récurrence des textes et le
renouvellement des clauses au gré des confirmations quel qu'en soit le
contexte révèlent un problème de fond, celui des limites rejointes par le
système des livelli et des précaires/prestaires deux générations après sa
mise en place au pays de l'écrit. La tension est ainsi permanente entre l'
usage que tous en font et la correction toujours renouvelée des dérives qu'il
porte en lui. La liste des bénéficiaires de ces préceptes parle d'elle-même :
les évêques de Mantoue en 894, Modène en 898, Luni et Reggio d'Emilie en
900, Vérone en 967, Verceil en 100033; les chanoines d'Arezzo en 93334; les

32M.G.H., Diplomata Karolinorwn. IV. Ludovici II. diplomata, éd. H. Zielinski,


Munich, 1994, nos 6, 57 (avec la l'expression absque pena ligate solutionis, empruntée
au capitulaire de Lothaire de 822-823), 69 (repris en 966 : M.G.H., Diplomata regum
et imperatorum Germaniae. I. Ottonis I. diplomata, éd. Th. Sickel, Hanovre, 1884,
n° 334).
33 Mantoue : L. Schiaparelli, / diplomi di Berengario I, Rome, 1903 {Fonti per la
storia d'Italia, 35), n° 12. - Modène : op. cit., n° 24, qui reprend mot pour mot un d
iplôme de Lambert de trois mois antérieur en y ajoutant une clause interdisant aux
pertinentes de l'évêché de tenir des biens acquis frauduleusement ou par des
conscriptiones et emphitecarios a presulis ecclesiae injuste conscriptas; reprise encore
en 962 (Ottonis I. diplomata, n° 248), avec une formulation différente du même pas
sage, ce qui montre l'importance attachée au problème. - Luni : L. Schiaparelli, I d
iplomi di Berengario I, n° 31, avec des mots très durs non seulement contre les libelli
et les précaires mais aussi contre les échanges (infringamus, cassamus, omnimodis
evacuamus). - Reggio : L. Schiaparelli, / diplomi italiani di Ludovico IH e di Rodolf
o II, Rome, 1910 {Fonti per la storia d'Italia, 37), n° 4, p. 14, repris par Otton II en
980 (M.G.H., Diplomata regum et imperatorum Germaniae, II- 1. Ottonis II. diplomat
a, éd. Th. Sickel, Hanovre, 1888, n° 231). - Vérone : les libellaria, comutationes vel
precarie dolose, ex quo episcopus est ordinatus, sont cassées (Ottonis I. diplomata,
n° 348); c'est l'affaire qui oppose Rathier et qui lui vaut un procès retentissant, cf.
Laurent Feller dans ce volume, p. 741. - Verceil : M.G.H., Diplomata regum et impe
ratorum Germaniae, 11-2. Ottonis IH. diplomata, éd. Th. Sickel, Hanovre, 1893,
n° 388, à propos des cambia et des affranchissements, la bête noire de l'évêque Léon.
34 L. Schiaparelli, / diplomi di Ugo e di Lotario, di Berengario II e di Adalberto,
Rome, 1924 (Fonti per la storia d'Italia, 36), n° 33. La motivation immédiate est la
perte de revenu : on ne concédera de contrat qu'aux cultivateurs directs susceptibles
de payer un cens car «les Toscans» ont pour habitude, une fois en possession de leur
livello, de ne jamais en respecter les clauses financières; est ici montrée du doigt la
différence entre les vrais contrats agraires et les «Grosslibelle». Cf. J.-P. Delumeau,
Arezzo. Espace et sociétés, 715-1230, 1, Rome, 1996 (Collection de l'École française de
TRANSFERTS PATRIMONIAUXEN ITALIE CENTRO-SEPTENTRIONALE 555

abbés de S. Severo in Classe en 967, Nonantola en 997, Bobbio en 998, Le-


no en 1014, 1019, 1026 et 103635, etc.
C'est sur ce mouvement de fond que s'inscrit la loi prise en synode à
Pavie en 998 sous l'impulsion de Gerbert, qui stipule que tout contrat livel-
laire ou emphytéotique susceptible de porter dommage à l'église ou au mon
astère qui l'a établi, obeunte auctore obeat36. La réaction de l'Auvergnat
face aux livelli, souvent citée sur la base de sa correspondance et com
mentée sur le thème de la préhistoire du fief dans la péninsule37, n'est pas
l'agacement épidermique d'un prélat étranger à la réalité italienne, mais
l'expression réitérée d'une réaction collective exacerbée au fil des décenn
ies.Avec les diplômes des années 990, demandés par des personnalités de
premier plan (Gerbert comme abbé de Bobbio, Léon de Verceil), la consti-
tutio decretalis sacrae legis de Pavie, sous un vernis de romanité, se veut la
clé de voûte d'un projet visant - trop tard, car le moyen proposé avait déjà
fait la preuve de son inefficacité - à éradiquer des pratiques déjà dénoncées
près de deux siècles auparavant. Sa conservation en milieu monastique
(dans la Chronique et le Regeste de Farfa38) est naturellement significative.

Rome, 219), p. 83 et 495-496. Même distinction sociale pour Farfa en 857 : Ludovic
i IL Diplomata, n° 26.
35 S. Severo in Classe : Ottonis I. diplomata, n° 349, encore une fois avec l'insi
stance sur l'apect social : pas de distribution per libellos ou autre nisi laboratoribus
qui propriis manibus terrant laborant. - Nonantola : Ottonis IH. diplomata, n° 237.
- Bobbio : op. cit.., n° 303. - Leno : M.G.H., Diplomata regum et imperatorum Ger-
maniae, IH. Heinrici IL diplomata, éd. H. Bresslau, Hanovre, 1903, nos 300 et 399;
M.G.H., Diplomata... IV. Conradi IL diplomata, éd. H. Bresslau, Hanovre-Leipzig,
1909, n°s 57 et 227.
36 M.G.H., Constitutiones et acta publica imperatorum et regum, I, éd. L. Weil
and, Hanovre, 1893, n° 23.
37 Bibliographie-fleuve sur la question; pour se limiter aux contributions les
plus récentes, voir S. Reynolds, Fiefs and vassals. The medieval evidence reinterpreted,
Oxford, 1994, p. 198-199, et surtout C. Violante, Fluidità del feudalesimo nel regno ita
lico (secoli X e XI). Alternanze e compenetrazioni di forme giuridiche delle concessioni
di terre ecclesiastiche a laici, dans Annali dell'Istituto storico italo-germanico in Trent
o,21, 1995, p. 11-39 (paru partiellement en français sous le titre Bénéfices vassa-
liques et livelli dans le cours de l'évolution féodale, dans Histoire et société. Mélanges
offerts à Georges Duby. II. Le tenancier, le fidèle et le citoyen, Aix-en-Provence, 1992,
p. 123-133).
38 // Regesto di Farfa compilato da Gregorio di Catino, éd. I. Giorgi et U. Balzani,
II, Rome, 1878, n° 226, après un diplôme de Louis le Pieux et deux privilèges géné
raux d'Étienne IV; // Chronicon Farfense di Gregorio di Catino, éd. U. Balzani, II,
Rome, 1903 (Fonti per la storia d'Italia, 33), p. 9-10, après les préceptes d'Otton III
qui marquent le début de l'abbatiat de Hugues à Farfa.
556 FRANÇOIS BOUGARD

La forte conscience du danger que représente toute forme écrite d'ali


énation du patrimoine ecclésiastique, même provisoire et même non utilisée
de manière dévoyée, n'est pas sans conséquences sur les actes eux-mêmes.
Il est naturellement hors de question de chercher à repérer parmi eux des
pièces «frauduleuses», puisque toutes sont formellement irréprochables.
Mais on a pu les faire disparaître, ici ou là, par épuration de lots entiers,
dont on garde la trace dans le meilleur des cas grâce à la réutilisation des
parchemins en palimpseste, comme dans le manuscrit Vat. Pal. 165, fabri
quévers 870-880 à partir de contrats de Saint-Sauveur au Monte Amiata39.
On a ordonné aux concessionnaires de rapporter leurs contrats «éteints»
après la dénonciation des effets pervers d'une gestion antérieure, comme
dans le diplôme donné à l'église de Volterra en 87440. On les a convoqués à
des cérémonies solennelles de réaffirmation des droits du bailleur, comme
le fit l'église de Lucques en 897, ce qui a peut-être dispensé de récrire
chaque pièce séparément au nom du nouvel évêque41. On a cassé des actes,
comme ce fut le cas pour un échange entre l'église de Crémone et un
groupe familial, dont l'annulation en justice par un missus impérial en no
vembre 998, dans la foulée de la promulgation de la loi de Pavie, fut confi
rmée par Otton III en 1000 puis en 100142. La confirmation de 1001 est part
iculièrement intéressante, car elle enrichit celle de l'année précédente d'une
auctoritas législative en reproduisant, sous le nom de Charlemagne, un des
capitula de l'assemblée de Worms de 829 (ubicumque commutaciones in-
legitime et inracionabiles atque inutiles aecclesiis Dei factae sunt, dissolvan-
tur et recipiat unusquisque quod dédit43); après la référence romaine affi-

39 W. Kurze, Lo storico e i fondi diplomatici medievali..., p. 8.


40 Ludovici IL diplomata, n° 69 : sanction pécuniaire contre quiconque ne ren
drait pas à l'évêque bénéficiaire du diplôme les libellos, quos (...) funditus extin-
ximus.
41 Sur la procédure utilisée en 897, F. Bougard, La justice..., p. 318-319, avec bi
bliographie; C. Violante, Fluidità..., p. 20-21 (= Id., Bénéfices vassaliques..., p. 128-
129); et la contribution d'Anne Mailloux pour la gestion de Pierre II, mentionné pour
la première fois à la tête de l'évêché de Lucques en octobre 896.
42 C. Manaresi, I placiti..., III-l, Rome, 1957, nos 245, et Ottonis IH. diplomata,
nos 360 et 394 : bel exemple de récit, par une source non judiciaire, de démêlés me
nant à l'annulation d'un acte devant un tribunal, selon une procédure dont le procès-
verbal de l'audience ne fait pas mention, en se limitant à la noticia refutacionis finale
(cf. F. Bougard, La justice..., p. 311-312).
43 M.G.H., Capitularia, II, n° 192, c. 5, p. 15. L'attribution à Charlemagne ne peut
guère venir que d'un emprunt à Benoît Lévite, Additio IV, c. 108 (éd. G. H. Pertz,
M.G.H., Leges, II-2, Hanovre, 1837, p. 154 - l'ensemble de l'Additio IV est rapportée à
Charlemagne, qui aurait fait insérer par son chancelier Erchembald, inter nostra ca-
pituL·, une sélection d'extraits des Pères et des empereurs; Benoît reproduit aussi
TRANSFERTS PATRIMONIAUXEN ITALIE CENTRO-SEPTENTRIONALE 557

chée en 998, c'était une façon de remettre les multiples prescriptions citées
plus haut dans l'ensemble de la tradition juridique carolingienne.
De manière moins brutale, l'insertion de clauses relatives au renouvel
lement des livelli en fin de bail sonne autant comme l'annonce par le bail
leur qu'il ne se laissera pas piéger par le temps ou le sous-accensement que
comme une garantie de non-éviction arbitraire pour le preneur44. Une
autre conséquence fut peut-être aussi la multiplication, avec le temps, des
garanties insérées dans les donations pieuses, destinées à prévenir l'aliéna
tion des biens cédés sous forme d'emphytéose quae vulgo precaria dicitur45,
de livello ou plus généralement de bénéfice par une clause de retour aux
parents du donateur ou de passage à la garde d'une autre puissance reli
gieuse46.

L'originalité des sources italiennes pour le thème des «transferts patr


imoniaux» n'est pas dans le contenu des formules, ni dans l'identité des ac
teurs, ni dans les occasions individuelles de céder un bien par la vente, la
donation ou l'échange avec un parent ou un établissement ecclésiastique.

l'article au 1. I, c. 110 [p. 51], mais sans attribution particulière), car les manuscrits
qui donnent le capitulaire de manière séparée ne se trompent pas sur Louis le Pieux;
l'article n'a pas été repris dans le Liber Papiensis.
44 Par exemple dans le Bolonais au début du Xe siècle : G. Drei, Le carte degli ar
chivi parmensi..., I, nos 6-7, surtout n° 6 : post completis annis (...) libellos renoventur
hie cernimus ut non abeatis licentiam vos vestris colonis de predicta res nee vindere
nee donare nee per nullum titulum alienare, set de ipsa re in vestra dominatione dis-
trinctione esse et permanere promittimus.
45 Selon l'expression d'un diplôme de Lambert pour l'église d'Arezzo en 898
(L. Schiaparelli, / diplomi di Guido e di Lamberto, Rome, 1906 [Fonti per la storia d'I
talia, 36], n° 10, p. 95), à laquelle font écho les testaments de l'évêque Notker de Vé
rone en 921 et de l'évêque Jean de Pavie en 922 (V. Fainelli, Codice diplomatico vero
nese, II, nos 177 p. 232, 186 p. 246, rédigés par le même scribe).
46 Enumeration exceptionnellement longue dans le testament du comte de Vé
rone Anselme en 910 (V. Fainelli, Codice diplomatico veronese, II, n° 98), où une do
nation au monastère de Nonantola, au comté de Modène, est garantie par une clause
prévoyant que si un clerc de l'église de Vérone tentait de mettre la main sur les biens
ou voulait les donner en bénéfice, il seraient confiés aux proches parents d'Anselme
qui assureraient l'exécution de la donation, à défaut à l'évêque de Trente, ou à celui
de Vérone, ou de Mantoue, ou de Brescia. Une «première» donation testamentaire
relative à d'autres biens (n° 88, a. 908), qui n'a subsisté que dans une copie du XIIe
siècle, prévoyait en revanche l'ordre suivant : l'évêque de Vérone, puis celui de
Trente, puis le patriarche d'Aquilée, puis l'archevêque de Milan.
558 FRANÇOIS BOUGARD

On trouve aussi dans la péninsule toute la casuistique des précaires telle


que Laurent Morelle et Philippe Depreux la décrivent dans ce volume pour
le nord des Alpes, et toutes les clauses conditionnelles qui font que trans
férer la terre ne signifie jamais rompre le lien avec elle. L'espace italien se
distingue en revanche par la prégnance d'une tradition archivistique di
recte; par la quantité de ses actes de vente, en partie due au fait qu'ils sont
le support idéal et la garantie de la transaction provisoire, comme si, entre
le moment lombard plus ouvert du point de vue diplomatique et les solu
tions de l'époque communale, les notaires avaient pendant un temps canal
isétoutes les formes de relations économiques dans les quatre instruments
notariaux classiques. Quant aux transferts patrimoniaux non des parti
culiers aux églises mais des églises aux particuliers, l'Italie se distingue par
l'attention portée à la forme des dessaisissements et par son souci d'instau
rer un contrôle régulier des pratiques. Non que la préoccupation des dé
tournements et l'angoisse inhérente aux reconductions tacites n'existent
pas dans les autres provinces carolingiennes et post-carolingiennes; mais
elles s'y expriment plus volontiers par des clauses générales d'interdiction,
alors qu'en Italie sont nommées précisément les pièces diplomatiques du
transfert. Là où, aussi, les souverains consacrent une bonne part de leurs
préceptes à confirmer a posteriori des échanges particuliers ou à valider
par avance les commutationes des établissements immunistes, selon le
principe souvent réaffirmé que toute aliénation de la terre ecclésiastique
doit passer par leur accord, les requêtes italiennes montrent à la fois une
plus grande liberté dans l'usage du patrimoine religieux (évêques et abbés
le gèrent sans demander l'aval du roi) mais aussi la recherche d'instr
umentslégislatifs et juridiques pour la réguler. Le rapprochement d'école
fait au temps d'Otton III entre un article de Worms de 829 et l'annulation
ponctuelle d'un concambium est au bout du compte artificiel, car c'est l'es
prit d'ensemble qui diffère. Ici, la discipline ou Γ «éthique» des précaires et
des commutationes s'exprime plutôt en concile (à Reims en 813, à Beauvais
en 845, à Meaux-Paris en 845-846, à Mayence en 888), le plus souvent par
la répétition des mêmes formules et en s'abritant derrière les canons des
IVe- Ve siècles; là on cherche davantage l'adaptation au cas par cas, plus
proche du terrain et semble-t-il des sollicitations immédiates qui émanent,
on l'a vu, des «coupables» eux-mêmes. La modernisation du vocabulaire à
la fin du Xe siècle montre l'actualité persistante du problème mais ne peut
masquer l'inadéquation des solutions imposées, qui resteront cantonnées
dans la perspective des premières années du IXe siècle jusqu'au renverse
ment arraché à Conrad II en 1037.

François Bougard
Lucques
751-800 801-850 851-900 901-950 951-
Tableau 2 - Les actes privés de Lucques.
Plaisance
140
120
100
751-800 801-850 851-900 901-950 951-1000
Tableau 3 - Les actes privés de Plaisance.
TRANSFERTS PATRIMONIAUX EN ITALIE CENTRO-SEPTENTRIONALE 561
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