Thierry MURCIA
Université d’Aix-Marseille-Centre national
de la recherche scientifique (UMR 7297)
murcia.t.murcia@gmail.com
Summary
Yeshua ben Panthera is the most ancient name attributed to Jesus
in the rabbinical literature: we find it in the Tosefta (c. 300 C.E.).
The author of this article examines the various assumptions which
have already been proposed by several scholars to explain the name
“Pantera” – also attested by Celsus (c. 170 C.E.) – and the surname
“Ben Panthera”. The name Panthera is also attested by epigraphy and
various Christian documents present Panther(a) as Joseph’s father or
Mary’s grandfather. Thus, the author estimates that, in fact, there
are two different questions here. On the one hand: is “Ben Panthera”
really an infamous designation? And, on the other hand: has the tra-
dition of the name any historical value? He concludes that Panthera
might be nothing but a family name or the second name – or eventu-
ally the nickname – of Jesus’ father ( Joseph).
Résumé
Le nom le plus ancien attribué à Jésus dans la littérature rabbinique
est Yeshua Ben Panthera : il figure dans la Tosefta (ca 300 de notre
ère). L’auteur de cet article examine les différentes hypothèses savantes
proposées jusqu’ici pour expliquer le nom « Panthera » – également
attesté par Celsus (ca 170 de notre ère) – et le patronyme « Ben Pan-
thera ». Le nom Panthera est également attesté par l’épigraphie et
divers documents chrétiens présentent Panther(a) comme étant le père
de Joseph ou le grand-père de Marie. Aussi, l’auteur estime-t-il qu’en
++""+
158 T. MURCIA
fait, les deux questions suivantes doivent être distinguées : d’un côté,
« Ben Panthera » est-il réellement une appellation infamante ? Et, de
l’autre : la tradition concernant ce nom a-t-elle une quelconque valeur
historique ? Il arrive à la conclusion que Panthera ne devait être rien
d’autre qu’un nom de famille voire le deuxième nom – ou éventuelle-
ment le surnom – du père de Jésus ( Joseph).
Le nom le plus ancien sous lequel Jésus est connu dans la littéra-
ture talmudique est Yeshua ben Panthera 1, Panthira ou Panthiri. Il
est attesté à plusieurs reprises dans la Tosefta 2 :
« Vint alors Jacob [homme] de Kephar Sama pour le guérir au nom
de Yeshua Ben Panthera – » – ۆۖۂۏ ھی ۑۍۅەڽ3.
« J’ai rencontré Jacob [homme] de Kephar Sikhnin –ڽۆۖ ۈۑە ێۈۍۆی
– et il m’a dit une parole [ou un enseignement] de minut [“hérésie”]
au nom de Yeshua ben Panthiri – – ۆۖۂۏ ھی ۑۍۅۆەۆ4. »
Ce nom n’apparaît sous cette (ou ces) forme(s) pour la première
fois que dans la Tosefta. La Mishna l’ignore. Quant au Babli, quand
il renvoie aux sources palestiniennes, il lui préfère la forme Pandera 5
– – ۑۍۀۆەڽ. Mais, dans les évangiles, Jésus est connu pour être le fils
de Joseph 6. Aussi, de nombreuses hypothèses ont été émises pour
expliquer ce nom de Panthera, transmis par la tradition juive 7.
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YESHUA BEN PANTHERA 159
part, qu’il s’agit d’un surnom donné à Jésus dont on a perdu la sig-
nification d’origine 18. Johann Maier contourne la difficulté. Selon ce
critique, Ben Pandera serait un magicien idolâtre qui aurait vécu au
IIe siècle et que l’on aurait, à tort, confondu avec Jésus 19. Il estime
que les passages des sources tannaïtiques qui mentionnent Jésus ne
sont pas authentiques et que ceux des sources amoraïques sont des
interpolations médiévales. D’autres explications ont été avancées qui
ne méritent pas forcément toutes d’être rapportées ici (Ben Pantiri,
déformation de « Ben Patri » qui viendrait du latin filius patri, par
exemple 20). On pourrait toutefois citer, à titre anecdotique, la thèse
hautement fantaisiste de John Allegro qui relie Panther au « cham-
pignon sacré » auquel « les mycologues modernes ont donné le nom
d’Amanita pantherina » et qui, selon lui, « montre d’une manière
concluante que les Juifs étaient au courant de la nature mycologique
du culte chrétien, même si, plus tard, les persécutions et le temps
firent oublier ce fait ou qu’ils l’empêchèrent de l’exprimer » 21.
Aujourd’hui, deux explications restent principalement en concur-
rence et, tout récemment, Edward LipiȪski en a proposé une nou-
velle 22 :
– Panthera serait une déformation volontaire du grec ϫϜϬϣϘϨϪϭ,
la « vierge ». Cette proposition, déjà ancienne 23, est celle qui, à
ce jour, a réuni le plus de suffrage. C’est notamment l’opinion de
Joseph Klausner 24, Maurice Goguel 25, Joseph Hoffmann 26, Riccardo
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YESHUA BEN PANTHERA 161
Di Segni 27, Daniel Boyarin 28, Peodair Leihy 29, Richard Kalmin 30,
qui tous considèrent que c’est l’explication la plus plausible. Selon
Klausner :
« Les Juifs entendaient sans cesse les Chrétiens (dont la majorité
parlait déjà grec tout à fait au début du christianisme) appeler
Jésus le “Fils de la Vierge” (ϰЧϷϭ ϯҰϭ όϜϬϣϘϨϪϰ) ; et par dérision ils
l’appelèrent “Ben ha-Pantera” c’est-à-dire le fils de la Panthère. Peu
à peu on oublia que Jésus était ainsi nommé à cause de sa mère, et
on pensa que “Pantera” ou “Pantori ” ou “Pandera”, était le nom de
son père ; comme ce n’était pas un nom juif la légende se créa que le
père naturel était un étranger » 31.
Cette explication appelle toutefois plusieurs remarques. Tout
d’abord, l’appellation « fils de la Vierge » pour désigner Jésus n’avait
absolument rien de courant dans l’Antiquité 32. Pour les chrétiens
des premiers siècles, Jésus était principalement appelé « Messie »
(Christ), « Seigneur » ou « Fils de Dieu ». De plus, si « fils de la
Panthère » avait réellement été une déformation polémique – et
donc volontaire – de « fils de la Vierge », on aurait pu s’attendre à
ce que le souvenir de cette distorsion maligne s’en conserve un cer-
tain temps du moins. Comment dès lors expliquer que dès sa toute
première attestation dans les textes (Celse, ca 170, la Tosefta) cette
signification supposée ait déjà été oubliée 33 ? Ainsi que l’a en outre
noté Robert Eisler 34, si ce nom avait été injurieux, Panthera n’aurait
pas été compté, par les pères de l’Église eux-mêmes, au nombre des
ancêtres de Jésus, comme ce fut le cas (voir infra). Enfin, et c’est
sans doute le point le plus important, aucun des documents en
notre possession ne rattache directement l’origine de ce nom à la
mère de Jésus. D’où qu’elles proviennent, les sources sont unanimes
pour faire de Panthera le père de Jésus. Panthera a, en effet, tou-
jours été traité comme un personnage masculin aussi bien par Celse,
par les sources talmudiques que par les auteurs chrétiens qui l’ont
intégré dans la généalogie de Jésus (infra). Comment, en l’espace d’à
peine quelques décennies, un prétendu jeu de mots fondé sur Par-
thenos, la « Vierge » (une femme), en serait-il arrivé à désigner un
homme, un soldat, du nom de « Panthera » ? En admettant qu’un
jeu de mots soit à l’origine de cette dernière appellation, c’est donc
plutôt du côté du père qu’il faudrait orienter les recherches.
– La deuxième solution, qui paraît plus naturelle, est de voir en
Panthera le nom d’une personne, voire un « nom de famille ». C’est
celle qu’ont finalement retenue Marcus Jastrow 35, Hugh Schon-
field 36, Jacob Z. Lauterbach 37 et Morris Goldstein 38. Pour Lauter-
bach, Pandera ou Panthera aurait été soit le nom du père de Jésus,
soit celui du père de Joseph, soit un nom de famille ne correspon-
dant à aucune personne en particulier 39.
33. Pour Celse, qui dit tenir ses sources d’un Juif, Panthera est clairement
un homme, un soldat. Les amoraïm qui, dans le Babli, discutent des sens pos-
sibles de Ben Pandera et Ben Stada, n’évoquent quant à eux des jeux de mots
que pour le second (B. Shabbat 104b ; B. Sanhédrin 67a).
34. Cet argument, avancé par R. EISLER, The Messiah Jesus and John the
Baptist, Londres, 1931, p. 407, ne manque pas de bon sens, pourtant, ce
critique se contredit dès la page suivante en soutenant une thèse qui voit
précisément dans Pandera un nom injurieux (!). Voir supra note 16 et texte
afférent.
35. M. JASTROW, A Dictionary of the Targumim, the Talmud Babli and
Yerushalmi, and the Midrashic Literature, Londres-New York, II, 1903,
p. 1186, col. 2 : « Panthera : Surname of Joseph the father of Jesus of Naza-
reth ».
36. H. SCHONFIELD, According to the Hebrews, Londres, 1937, p. 148-149.
37. J.Z. LAUTERBACH, « Jesus in the Talmud », dans Rabbinic Essays, Cin-
cinnati/Ohio, 1951, p. 536.
38. M. GOLDSTEIN, Jesus in the Jewish Tradition, New York, 1950,
p. 37-39.
39. J.Z. LAUTERBACH, « Jesus in the Talmud », dans Rabbinic Essays,
Cincinnati/Ohio, 1951, p. 536. D. JAFFÉ, « Une ancienne dénomination tal-
mudique de Jésus : Ben Pantera. Essai d’analyse philologique et historique »,
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YESHUA BEN PANTHERA 163
2. Le soldat Panthera
Jusqu’au siècle dernier, ce nom était inconnu en dehors des
sources juives et chrétiennes ce qui avait conduit de nombreux
savants à considérer Panthera comme « une invention de Juifs
moqueurs […] un surnom spécialement inventé pour les besoins
de la polémique juive » 45. Mais plusieurs découvertes épigraphiques
ont montré depuis que si ce nom était inconnu de la littérature, il
n’en avait pas moins été assez fréquemment porté pour autant. Il
figure notamment sur le monument funéraire d’un soldat originaire
de Sidon, Tiberius Julius Abdes Pantera 46. Ce légionnaire – mort
en 40 de notre ère à l’âge de 62 ans – appartenait à une cohorte
d’archers ayant tenu garnison en Palestine jusqu’en 9 de notre ère
avant d’être transportée sur le Rhin 47. Mais on le trouve également
sur diverses autres épitaphes 48 et il figure aussi sur un papyrus du
Fayoum sous la forme όϗϨϣϢϬ parmi plusieurs noms juifs 49. Patter-
son note que ce nom était plus spécialement porté par des soldats
romains et il ne manque pas d’établir un lien avec « le fait que le
45. A. DEISSMANN, Light from the Ancient East. The New Testament Illus-
trated by Recently Discovered Texts of the Graeco-Roman World, Londres,
1927, p. 74.
46. CIL XIII, 7514 : TIB. IUL. ABDES PANTERA.
47. M. SMITH, Jesus the Magician, New York-Londres, 1978, p. 47,
n’hésite pas à dire : « It is possible, though not likely, that this tombstone
from Bingerbrück is our only genuine relic of the Holy Family ». Voir égale-
ment R. EISLER, The Messiah Jesus and John the Baptist, Londres, 1931,
p. 407 : « There is a possibility that this was the soldier referred to by Celsus
and in Jewish tradition ».
48. A. DEISSMANN, « Der Name Panthera », dans C. BEZOLD, Orienta-
lische Studien: Theodor Nöldeke zum siebzigsten Geburtstag, Giessen, 1906,
p. 871-875 : CIL XI, 1421 : L. OTACILIUS Q. F. PANTHERA ; CIL X,
8058, 29 : T. D. […] MF. MEN. PANTHERAE ; CIL V, 6000a : M. CUTIO
TI. F. PANTHERAE ; CIL III, p. 1978 : L. AUFIDIUS PANTHERA
SASSIN(A) ; CIL VII, 18 : [L.] AUFIDIU[S] PANTERA PRAEFECT[US]
CLAS[SIS] BRIT[ANNICAE].
49. A. DEISSMANN, Light from the Ancient East. The New Testament Illus-
trated by Recently Discovered Texts of the Graeco-Roman World, Londres,
1927, p. 74, n. 1.
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54. M. BORRET, Origène, Contre Celse, I, Paris, 1967, p. 23-26, 33-34, 47,
59 et 162-163 (SC 132).
55. Origène, Contre Celse 1, 33 et 69 : texte et traduction de M. BORRET,
Origène, Contre Celse, I, Paris, 1967, p. 167, 271.
56. Il s’agit, bien sûr, d’une métonymie : dans les faits, Origène répond
seulement aux arguments de Celse. On peut imaginer que ce dernier est alors
mort depuis un certain temps déjà.
57. Origène, Contre Celse 1, 8 ; 3, 36.
58. Origène, Contre Celse 1, 28 : « Il [Celse] présente alors un Juif en
dialogue avec Jésus lui-même, prétendant le convaincre de plusieurs choses,
et la première, d’avoir inventé sa naissance d’une vierge » (traduction de
M. BORRET, Origène, Contre Celse, I, Paris, 1967p. 151).
59. « C’est à celles-ci qu’il doit l’histoire du soldat Panthéra, de l’adultère
duquel Jésus serait né » : P. de LABRIOLLE, La Réaction païenne. Étude sur
la polémique antichrétienne du Ier au VIe siècle, Paris, 1934, p. 126. « Il y a
dans l’argumentation de Celse des éléments de provenance indubitablement
juive » : M. LODS, « Étude sur les sources juives de la polémique de Celse
contre les chrétiens », Revue d’histoire et de philosophie religieuses 21 (1941),
p. 3. Voir également M. GOGUEL, Jésus, Paris, 19502, p. 57, note 2 ; Ch. GUIG -
NEBERT, Jésus, Paris, 19692, p. 27 ; E. BAMMEL, « Origen Contra Celsum I, 41
and the Jewish Tradition », Journal of Theological Studies 19, 1968, p. 211-
213 ; P. LEIHY, « You say “parthenos”, I say “Pandera”: a Jewish and Chris-
tian exegetical interplay », Australian Journal of Jewish Studies 17 (2003),
p. 85 ; P. SCHÄFER, Jesus in the Talmud, Princeton/New Jersey, 2007, p. 20 ;
D. JAFFÉ, « Une ancienne dénomination talmudique de Jésus : Ben Pantera.
Essai d’analyse philologique et historique », Theologische Zeitschrift 64
(2008), p. 264. La critique s’entend sur le fait que « the Jew depicted by
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YESHUA BEN PANTHERA 167
de voir combien ces données ont finalement été assez peu exploitées.
Cela tient peut-être à leur caractère calomnieux voire blasphéma-
toire. Herford y attache peu d’importance. Il estime que ces indica-
tions n’apportent rien de concret 60. Klausner ne les exploite guère 61.
Manns 62 et Mimouni 63 pas davantage. Mais quelques critiques, à
l’instar de Robert Eisler 64 ou de Hugh Schonfield 65 ont toutefois
tenté de les exploiter. Plus près de nous, Peter Schäfer lui consacre
également quelques pages 66 et Dan Jaffé y revient à plusieurs reprises
dans un récent article 67. Ce nom, remarque de son côté Maurice
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l’origine juive de cette tradition 69. Il écrit que certains, parmi les cir-
concis (i.e. les Juifs), ont prétendu que « que notre Sauveur et Sei-
gneur Jésus-Christ était issu de « Panthère » (Њϥ ϫџϨϣϢϬϪϭ) » 70/ 71. Il
est intéressant de noter qu’il ne semble alors y avoir rien d’offensant
dans ce nom 72. Eusèbe fait simplement remarquer – ce que les Juifs
auraient mal compris – que c’est le Seigneur lui-même qui, dans
les Écritures, en Osée 5, 14 (et 13, 7) dans la version des Septante,
s’attribue ce nom de « Panthère » : з ϥѩϬϤϪϭ ϫϗϨϣϢϬϜ ЋϜϰϯѦϨ жϨϪ-
ϧϗϡϠϤ. D’après Strack, Eusèbe ne dépend pas ici d’Origène 73. Et l’on
peut penser, avec Johann Maier 74, que si Eusèbe avait connu une
quelconque généalogie de Jésus intégrant un personnage du nom de
Panther, il n’aurait pas manqué de le signaler, soit ici, soit dans son
Histoire ecclésiastique (en I, VII ou III, XI) où il question de la géné-
alogie ou de la parenté de Jésus 75. Il est remarquable 76, en outre, que
le Physiologus, un bestiaire chrétien dont on ignore la date exacte de
rédaction (terminus ante quem 386 de notre ère), s’appuie précisé-
ment sur ce même verset du prophète Osée (5, 14) pour faire de
la panthère un des symboles du Christ 77. On sait de façon sûre que
cet ouvrage était connu des Pères de l’Église dans le dernier quart
69. C’est également l’opinion de H.L. STRACK, Jesus, die Häretiker und
die Christen nach den ältesten jüdischen Angaben, Leipzig, 1910, p. 10*, qui
cite ce texte. J. MAIER, Jesus von Nazareth in der talmudischen Überlieferung,
Darmstadt, 1978, p. 260, estime, au contraire, qu’Eusèbe vise en réalité le Juif
de Celse via la réponse d’Origène.
70. Ou « d’une panthère », comme le traduit J. MAIER, Jesus von Naza-
reth in der talmudischen Überlieferung, Darmstadt, 1978, p. 260 : « Von
einem Panther ».
71. Eusèbe, Eclogae propheticae III, 10 sur Osée 5, 14 (et 13, 7). Texte
(grec) : H.L. STRACK, Jesus, die Häretiker und die Christen nach den ältesten
jüdischen Angaben, Leipzig, 1910, p. 10*.
72. H.L. STRACK, Jesus, die Häretiker und die Christen nach den ältesten
jüdischen Angaben, Leipzig, 1910, p. 10* et 21* n. 3.
73. H.L. STRACK, Jesus, die Häretiker und die Christen nach den älte-
sten jüdischen Angaben, Leipzig, 1910, p. 10*. Pour une opinion contraire
J. MAIER, Jesus von Nazareth in der talmudischen Überlieferung, Darmstadt,
1978, p. 260.
74. J. MAIER, Jesus von Nazareth in der talmudischen Überlieferung, Darm-
stadt, 1978, p. 260.
75. Voir la généalogie 2.
76. Aucun critique, à ma connaissance, ne semble pourtant avoir encore
établi un tel lien.
77. A. VERMEILLE, Physiologus – De l’Orient à l’Occident. Un patchwork
multiculturel au service de l’Écriture. Mémoire de Latin, J.-J. AUBERT (dir.),
Université de Neuchâtel, Suisse, 2006, p. 20, 62-63 et Annexes p. XXVIII
(traduction française de la notice sur la panthère) : étude disponible online.
170 T. MURCIA
3. Un ancêtre de Jésus ?
Ce n’est qu’à partir d’Épiphane de Salamine (ca 375) que
« Panther » compte officiellement parmi les ancêtres de Jésus 79.
L’hérésiologue écrit en effet : « Joseph était, d’une part, le frère
de Clopas, et il était, d’autre part, le fils de Jacob surnommé Pan-
ther (όϗϨϣϢϬ) : l’un et l’autre étaient [fils] du surnommé Panther
(ϯϪӍ όϗϨϣϢϬϪϭ) » 80. Panther aurait donc été, d’après lui, le surnom
de Jacques ( Jacob), le père de Joseph selon l’évangile de Matthieu
(Mt 1, 16). Cette tentative d’intégration (modèle A), qui viserait à
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YESHUA BEN PANTHERA 173
et son frère Melchi, qui étaient fils de Lévi, ils étaient parents de
Joachim pour autant que l’esprit peut remonter le fil des traditions
hébraïques dans sa recherche. Si bien que Marie, la fille de Joachim
– fils de Panther, lui-même frère de Melchi – a été donnée à Joseph,
issu de David par son père selon les deux “patriarchies” de Matthan
et de Salomon, et d’Héli par sa mère, étant cousin de Joachim le
père de Marie par sa parenté naturelle 89. Que les Chrétiens n’aillent
donc pas penser que Marie est tombée du ciel !” 90. Aussi vrai que
devant Dieu, j’ai 91 entendu cela de la bouche du docteur de la Loi.
Le Juif disait cela pour se moquer, et moi j’ai rendu gloire à Dieu
qui révèle ce qui est caché. »
D’après la Doctrina 92, Marie est donc la fille de Joachim et la
petite-fille de Panther, lui-même fils de Lévi. Lévi, le bisaïeul de
Marie, est à la fois le père de Panther et de Melchi. Melchi est le
père d’Héli – frère de Jacob – qui est présenté comme le père légal
de Joseph, l’époux de Marie : Jacob étant son père naturel en fonc-
tion de la loi du lévirat. Cette généalogie apparemment embrouil-
lée est en réalité très réfléchie. Elle vise à concilier les généalogies
contradictoires de Matthieu et de Luc 93 tout en intégrant le nom
de Panther. Ce faisant, l’auteur – témoin du modèle B – contredit
Épiphane qui fait de Panther, alias Jacob, le père de Joseph et de
Clopas (et non l’aïeul de Marie). Il convient toutefois de noter que
dans le manuscrit A, le témoin grec le plus ancien de la Doctrina,
Panther est donné comme le fils de Melchi 94 ce qui permet de le
compter de nouveau parmi les ancêtres de Joseph. Le manuscrit A
pourrait renvoyer ici à une tradition plus ancienne également attes-
tée par Épiphane (modèle A).
La source de Jacob est donc censée être un Juif éminent, un
grand docteur de la Loi venu de Tibériade. L’homme paraît être, en
effet, particulièrement bien renseigné sur le sujet (!) Mais la mémoire
de Jacob, son auditeur, n’en est pas moins exceptionnelle. Par ce
stratagème l’auteur tente de lever plusieurs difficultés. Les Juifs nou-
vellement convertis ne laissent pas d’être choqués par l’attitude des
chrétiens vis-à-vis de Marie. Mise au-dessus des anges, elle est depuis
longtemps déjà considérée comme étant « la Mère de Dieu ». Le
Sage de Tibériade, par son exposé, semble prioritairement vouloir
contrer ce qui, pour un Juif, est une aberration : « Que les Chré-
tiens n’aillent donc pas penser que Marie est tombée du ciel ! »
Autrement dit : Marie n’est qu’une femme, ce n’est pas la déesse
Cybèle ou Artémis. Elle ne doit pas être adorée. Mais ce n’est qu’un
faux-semblant. Le véritable enjeu pour l’auteur de la Doctrina est de
faire taire les calomnies concernant la naissance de Jésus : Non.
Jésus n’est pas un mamzer – un « bâtard » en hébreu – il n’est pas
le fruit d’une union illégitime. Le terme mamzer – – ۋۋۃەtranslit-
téré en grec (ϧϗϧϡϤϬϪϭ), apparaît en effet à plusieurs reprises dans la
Doctrina 95. Un certain Panther ou Panthera n’est pas son véritable
père. Les Juifs n’ont pas affabulé, ils ont simplement mal compris.
Si Jésus est parfois appelé « fils de Panther », c’est tout simplement
parce que Panther est l’un de ses ancêtres du côté de Marie, plus
exactement, son bisaïeul. Le Sage qui est pris à témoin ne vient
évidemment pas d’une obscure bourgade de Palestine mais de
Tibériade. C’est cette ville qui fut le siège du patriarcat jusque vers
425 96 et elle demeura longtemps, pour les Juifs, la seule véritable
capitale intellectuelle et religieuse. C’est notamment à Tibériade
que fut, selon toute vraisemblance, rédigé le Talmud (dit) de Jérusa-
lem. Mais d’où ce providentiel personnage est-il lui-même censé
tenir son information ? Le rédacteur ne le précise pas. Mais certains
pensaient que les Sages de Tibériade avaient en leur possession
diverses archives secrètes. D’après une tradition connue de Julius
Africanus (ca 220-230 de notre ère) et transmise par Eusèbe de Cés-
arée, le roi Hérode aurait fait détruire toutes les généalogies des
familles juives de Jérusalem. Mais il précise que certaines familles
avaient conservé les leurs ou en avaient fait des copies 97. Et la Souda
cite plus particulièrement le témoignage d’un certain Juif du nom
de Theodosios qui prétend qu’une généalogie de Jésus était con-
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YESHUA BEN PANTHERA 175
98. S. KRAUSS, Das Leben Jesu nach jüdischen Quellen, Berlin, 1902,
p. 159.
99. Sur le sacerdoce du Christ ou Confession de Théodose, voir P. GEOLTRAIN
– J.-D. KAESTLI (éd.), Ecrits apocryphes chrétiens, II, Paris, 2005, p. 75-99.
100. Elle descendrait conjointement de la tribu de Juda et de celle de
Lévi, plus précisément, à la fois de la lignée du roi David et de celle du grand
prêtre Aaron. Jésus est donc à la fois Messie royal et sacerdotal. On notera
que le document se contente d’affirmer cette double ascendance. Contraire-
ment à la Doctrina, il ne propose aucune généalogie.
101. Sur le sacerdoce du Christ ou Confession de Théodose 15 (P. GEOLTRAIN
– J.-D. KAESTLI (éd.), Ecrits apocryphes chrétiens, II, Paris, 2005, p. 90).
102. Sur le sacerdoce du Christ ou Confession de Théodose 29 (P. GEOL-
TRAIN – J.-D. KAESTLI (éd.), Ecrits apocryphes chrétiens, II, Paris, 2005,
p. 96).
103. Sur le sacerdoce du Christ ou Confession de Théodose 29 (P. GEOL-
TRAIN – J.-D. KAESTLI (éd.), Ecrits apocryphes chrétiens, II, Paris, 2005, p. 96,
note à 29 [fin]).
176 T. MURCIA
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inversée 110/ 111. Le terme peloni ou pelan, s’il désigne parfois Jésus 112,
est d’usage très courant dans la littérature talmudique. De plus, la
Mishna ne mentionne jamais explicitement Jésus, ni sous son nom,
ni sous celui de Ben Panthera. On notera, enfin, qu’il ne s’agit pas
de l’unique « rouleau généalogique retrouvé à Jérusalem » dont par-
lent les sources talmudiques 113.
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UFMMF MFDUVSF EFWBJU EÊKÆ BWPJS DPVST BV EÊCVU EV 7**F TJÍDMF %BOT
115. Mais le mot – une insulte – n’était toutefois pas totalement inconnu
des chrétiens de l’époque puisqu’on le rencontre également sous la forme
ϧџϧϡϢϬϠ dans la Vie de Syméon le fou (information transmise par Christian
Boudignon que je remercie). En fait, « Syméon Salos l’adresse à un verrier
juif (Vie par Léontios de Néapolis) » : V. DÉROCHE, « Doctrina Jacobi nuper
Baptizati », dans Travaux et Mémoires 11 (1991), p. 128, n. 45.
116. Voir note 95. Première occurrence en Doctrina I, 40 (peu avant d’en
arriver à la généalogie de Marie). À noter toutefois qu’aucune de ces men-
tions ne vise directement Jésus.
117. Si l’on en croit, du moins, les sources rabbiniques babyloniennes :
B. Erubin 29a ; B. Sota 45a ; B. Qiddushin 20a ; B. Arakhin 30b. Mais la
rédaction du Babli, justement, est à peu près contemporaine de celle de la
Doctrina. Voir Th. MURCIA, « Rabban Gamaliel, Imma Shalom et le philo-
sophe : une citation des évangiles dans le Talmud ? – Date et enjeux de B.
Shabbat 116b », Revue des études juives 169 (2010), p. 341-343.
118. Ces deux derniers points en commun méritent d’être signalés même
s’il est vrai que le Juif de la Doctrina – pour être plus convaincant – doit
forcément être un « grand docteur de la Loi » et, donc, de préférence, venir
« de Tibériade » (voir notes 96 et 98 et le texte afférent). Mais il n’est pas
moins vrai que si tous les rabbins ne venaient pas ou n’enseignaient pas à
Tibériade, c’est bien cependant à cette cité-là que le nom de Ben Azzaï reste
traditionnellement attaché (voir note précédente).
119. L’information, du fait même de cette absence de rouleau géné-
alogique, reste invérifiable. Mais, pour des Juifs – culturellement bien dis-
posés à accepter ce qui est présenté comme « tradition orale » – l’argument
n’en était sans doute pas moins fort pour autant. C’est aussi le lieu de
rappeler qu’une vieille tradition attribuait au roi Hérode la destruction de
(presque) toutes les généalogies (note 97 et texte afférent).
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YESHUA BEN PANTHERA 179
rences sur les six 126 que compte la Doctrina (140 pages de texte) –
elle a également pu être induite par la mention, dans la Mishna, de
notre fameux « rouleau généalogique » : megilat-yohasin en hébreu.
À cette megilla mensongère, le rédacteur opposerait, implicitement,
le seul rouleau digne de foi : le megaleion véridique 127.
D’autres auteurs plus tardifs – témoins du modèle B – et qui
dépendent vraisemblablement tous directement ou indirectement
de la Doctrina, comptent également Panther et même Barpanther
(ou Karpanther) 128 parmi les ancêtres de Jésus. Pour André de Crète
(mort vers 720/740) 129, Panther est le frère de Melchi. Il est le père
de Karpanther (φϜϬϫϜϨϣϙϬ), qui est le père de Joachim, qui est lui-
même le père de « la Mère de Dieu ». Karpanther est donc l’aïeul
de Marie et Panther son bisaïeul. La généalogie de Marie consignée
par Jean Damascène 130 (mort vers 749) présente le même canevas 131 :
« De la lignée de Nathan, fils de David, était né Lévi dont sont issus
Melchi et Panther (ϯѦϨ όϗϨϣϢϬϜ) ; Panther (з όϗϨϣϢϬ) engendra
Barpanther (ϯѦϨ ξϜϬϫϗϨϣϢϬϜ), ainsi nommé. Le même Barpanther
(з ξϜϬϫϗϨϣϢϬ) engendra Joachim, Joachim engendra la Sainte Mère
de Dieu. De la lignée de Salomon, fils de David, Matthan prit femme
qui lui donna Jacob. Matthan étant mort, Melchi de la famille de
Nathan, fils de Lévi, frère de Panther (ϯϪӍ όϗϨϣϢϬϪϭ), épousa la
femme de Matthan, mère aussi de Jacob, et d’elle il engendra Héli.
Jacob et Héli furent frères utérins, mais Jacob de la famille de Salo-
mon, et Héli de la famille de Nathan. Héli, de la famille de Nathan,
mourut sans enfant, et Jacob, son frère, de la famille de Salomon,
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YESHUA BEN PANTHERA 181
années 1310 reprend toutes ces données. Son auteur prétend lui-
même tenir ses informations d’un écrit juif qu’il aurait trouvé en
Macédoine dans la maison d’un certain Élie, docteur de la Loi.
Il affirme qu’on pouvait y lire : « [Marie] était une femme de la
race de David, fille d’Anne et de Joachim qui était fils de Panther.
Ainsi, Panther et Melchi étaient frères, fils de Lévi, de la branche
de Matthan dont le père était David, de la tribu de Juda » 138. En
réalité, le texte du Dialogue emprunte à la Doctrina une partie de
son matériau et sa généalogie en dépend directement 139. Le fait qu’il
omette Barpanther montre, en outre, qu’il n’a probablement pas eu
accès aux versions retravaillées transmises entre-temps par André de
Crète, Jean Damascène et le moine Épiphane.
En somme, tous ces témoins 140 dépendent d’une façon ou d’une
autre de la Doctrina Jacobi 141, un ouvrage – rappelons-le – avant
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YESHUA BEN PANTHERA 183
tré : Th. MURCIA, « Qui est Ben Stada ? », Revue des études juives 167 (2008),
p. 367-387 ; D. ROKEAH, « Jesus Nonetheless. A Response to Thierry Mur-
cia », Revue des études juives 170 (2011), p. 279-284 ; Th. MURCIA, « Ben
Stada (ou Ben Stara) n’est pas Jésus : Une réponse à David Rokéah », Revue
des études juives 172 (2013), p. 189-199.
146. H. LESÊTRE, « Marie, Mère de Dieu », Dictionnaire de la Bible IV
(1912), col. 808.
147. H. LESÊTRE, « Marie, Mère de Dieu », Dictionnaire de la Bible IV
(1912), col. 808.
148. J. LIGHTFOOT, A Commentary on the New Testament from the Tal-
mud and Hebraica, Oxford, 1859 [1658-1674/1684] (Horae Hebraicae et
Talmudicae : Hebrew and Talmudical Exercitations), II, p. 372-374 (sur Mt
27, 56).
149. Dans le Talmud en particulier, Panthera n’est qu’un nom. On ne
sait rien de lui. C’est Celse qui affirme qu’il s’agit d’un soldat. En outre,
si Hérode le Grand et Hérode Agrippa sont quelquefois mentionnés dans
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YESHUA BEN PANTHERA 185
on ne les trouve même dans aucun des deux Talmuds, ni même dans
les Midrashim, ni dans les Targumim. Elles ne figurent pas non plus
dans le Josippon 150, ni dans aucune des versions des Toledot Yeshu
parmi les plus connues. D’ailleurs, après Lesêtre, aucun chercheur ni
ne les exploite, ni ne les mentionne. Après vérification, il ne s’agit
donc en réalité que d’une reconstruction conjecturale effectuée,
non par Lightfoot, mais par Lesêtre lui-même, à partir de diverses
sources talmudiques (lato sensu) 151 et surtout, d’une bonne dose
d’interprétation…
En fait, l’indication que Panthera ait été soldat ne se trouve pas
dans la littérature talmudique. Elle figure pour la première fois
chez Celse et on ne la trouve même que rarement dans les Toledot
Yeshu 152. Laible fait observer, qu’au contraire de ce que l’on peut
trouver dans les récits talmudiques, l’accusation portée par Celse 153
« ne contient aucun point qui, en lui-même, serait historiquement
impossible » 154. Mais Gustav Dalman renvoie ici en note 155 à un
passage du Yerushalmi, qui figure également dans la Tosefta et dans
le Babli 156, et dont voici la traduction :
les deux Talmuds – mais jamais en rapport ni avec Panthera, ni avec Marie
de Magdala, ni même avec la localité de Magdala – Hérode Antipas, à ma
connaissance, n’y figure, lui, pas une seule fois.
150. Sur cette œuvre du Xe siècle, voir : G. STEMBERGER, Einleitung in Tal-
mud und Midrasch, Munich, 20119, p. 375 (H. L. STRACK – G. STEMBERGER,
Introduction au Talmud et au Midrash, Paris, 19867, p. 375). Texte hébreu et
traduction (du passage concernant Jésus) : I. LÉVI, « Jésus, Caligula et Claude
dans une interpolation du Yosiphon », Revue des études juives 91 (1931),
p. 135-154. Traduction seule : J.-P. OSIER, L’Évangile du Ghetto, ou Comment
les Juifs se racontaient Jésus, Paris, 1984, p. 129-134.
151. Les sources talmudiques confondent effectivement Marie de Mag-
dala et la mère de Jésus : voir Th. MURCIA, L’Énigme Marie-Madeleine. L’En-
quête (à paraître), chapitres III et IV. De leur côté, les Toledot Yeshu (ver-
sion Wagenseil) font bien de Panthera un « soldat » (voir note suivante) et
l’amant (version Huldreich, les autres versions en font plutôt son abuseur),
voire même l’époux (Manuscrit de Vienne 1) de celle-ci. Quant à la confu-
sion – que Lesêtre semble avoir faite sienne – entre Marie, la mère de Jésus,
et Marie Bat Bilga, une fille de prêtre qui aurait épousé un officier de l’armée
séleucide, voir infra.
152. Toledot Wagenseil (1681). Plus précisément, Pandera est dit être gib-
bor-milhama – – ڿھۂە ۋۉۄۋہc’est-à-dire « un vaillant guerrier » (p. 2).
153. Origène, Contre Celse 1, 32.
154. H. LAIBLE, Jesus Christ in the Talmud, Cambridge, 1893, p. 20.
155. G. DALMAN, Jesus Christ in the Talmud, Midrash, Zohar, and the lit-
urgy of the synagogue, Cambridge, 1893, p. 20, n. 1.
156. T. Sukka 4, 28 ; J. Sukka V, 8 ; B. Sukka 56b.
186 T. MURCIA
« [La division de] Bilga reçoit toujours [sa part du pain de proposi-
tion] au Sud [dans la partie sud des cours du Temple] à cause de
Marie Bat Bilga : elle apostasia et épousa un officier – –ێەۀۆۂۅde la
maison royale de Javan [Grèce]. Elle vint et tapa sur le “toit” [le des-
sus] de l’autel et lui dit : – Loup ! Loup 157 ! – –ۉۂ۔ۂێTu as dévasté
les domaines d’Israël et tu ne t’es pas tenu à leur côté à l’heure de
leur oppression ! » 158
La Marie dont il est question dans ce document est présentée
comme étant la fille de Bilga, d’une famille de prêtres. Les versions
de la Tosefta et du Babli fournissent davantage de détails : la scène
est censée se dérouler au moment où les Grecs entrent dans le Tem-
ple, c’est-à-dire en 169 avant notre ère qui est l’année de la profana-
tion du Temple par l’armée d’Antiochos Épiphane (1 M 1, 20-21).
La fille de Bilga, qui a pris le parti des Grecs, se précipite alors sur
l’autel et le frappe avec sa sandale en l’invectivant. Ce texte, auquel
renvoient quelques savants, dont Gustav Dalman (op. cit.), Samuel
Krauss 159 et Marc Lods 160, et qui mentionne une certaine Marie qui
apostasie pour épouser un officier, aurait pu influencer la légende de
Marie et du soldat Panthera. C’est notamment l’opinion de Joseph
Klausner 161, de Jacques Moreau 162, de Robert Eisler 163, de Maurice
Goguel 164 et de Dan Jaffé 165. On notera que le terme traduit par
officier, sradiot – –ێەۀۆۂۅdérivé du grec stratiôtês, se rapproche de
Stada ou Stara un personnage présenté comme identique à Panthera
157. Luqos : on reconnaît ici le grec translittéré lukos. L’autel est comparé
à un loup car il « dévore » les sacrifices. Sur cette explication voir Genèse
Rabba 99, 3 (fin).
158. J. Sukka V, 8, 55d (ma traduction). On trouvera une autre traduc-
tion chez J.-P. OSIER, L’Évangile du Ghetto, ou Comment les Juifs se racon-
taient Jésus, Paris, 1984, p. 140.
159. S. KRAUSS, Das Leben Jesu nach jüdischen Quellen, Berlin, 1902,
p. 276, n. 13.
160. M. LODS, « Étude sur les sources juives de la polémique de Celse
contre les chrétiens », Revue d’histoire et de philosophie religieuses 21 (1941),
p. 8, n. 15.
161. J. KLAUSNER, Jésus de Nazareth. Son temps, sa vie, sa doctrine, Paris,
1933, p. 23.
162. J. MOREAU, Les plus anciens témoignages profanes sur Jésus, Bruxelles,
1944, p. 81.
163. R. EISLER, The Messiah Jesus and John the Baptist, Londres, 1931,
p. 407 (vol. 2, p. 352 dans l’édition allemande).
164. M. GOGUEL, Jésus, 19502, p. 57.
165. D. JAFFÉ, « Une ancienne dénomination talmudique de Jésus : Ben
Pantera. Essai d’analyse philologique et historique », Theologische Zeit-
schrift 64 (2008), p. 265, note 32.
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YESHUA BEN PANTHERA 187
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YESHUA BEN PANTHERA 189
p. 262-263 : « Jacob begat Joseph; Joseph, to whom was betrothed Mary the
Virgin, begat Jesus called the Messiah ». Et Burkitt d’ajouter, non sans avoir,
au préalable, exprimé ses regrets les plus sincères auprès de ses lecteurs : « I
believe that S [Syrsin] accurately preserves the original text of the Old Syriac
version in this passage » (p. 263).
175. Mt 13, 55 ; Mc 6, 3.
176. Mt 13, 54-57 ; Mc 6, 1-4 ; Lc 4, 22 ; Jn 6, 42. En Mc 6, 3, cas
unique dans les évangiles, Jésus est simplement appelé « [l’artisan], le fils de
Marie ». Au vu du contexte, cela implique seulement que le père de Jésus
n’est alors pas présent, voire qu’il n’est jamais présent, et on en a donc sou-
vent déduit qu’il était certainement décédé : la scène se déroule à Nazareth
même. Marie, au contraire, compte parmi les interlocuteurs présents ou du
moins les témoins potentiels. Voir Mt 13, 55 où Joseph n’est pas non plus
nommé mais où la précision l’« artisan », attribuée à Jésus chez Marc, sert
ici à le désigner. Toujours est-il qu’on ne saurait tirer argument de ce seul
verset pour affirmer que, pour ses contemporains, Jésus devait être « de père
inconnu », ainsi que l’insinue P. LEIHY, « You say “parthenos”, I say “Pan-
dera”: a Jewish and Christian exegetical interplay », Australian Journal of
Jewish Studies 17 (2003), p. 84.
177. Celse rédige son traité vers 170. Mais il dépend lui-même d’un écrit
polémique dont l’auteur est un Juif lettré dont on ignore le nom (voir note
59). Cet auteur anonyme a lui-même lu les évangiles, y compris celui de Jean
190 T. MURCIA
(voir notamment Origène, Contre Celse 2, 59, 70). On peut donc situer la
rédaction de ce traité (fourchette large) entre 100 et 170, et, plus vraisem-
blablement, autour des années 140-160. Le Juif de Celse prétend que Jésus a
été initié en Égypte et que son père était un homme du nom de Panthera. Je
soupçonne Celse d’en avoir lui-même déduit que ce dernier était soldat mais
il est possible que ce détail ait déjà été présent dans sa source. Pour le reste,
ces informations doivent remonter assez loin, à savoir la source du Juif de
Celse, selon le schéma : Source X (juive) Ʀ Juif de Celse Ʀ Celse Ʀ Origène.
178. T. Hullin 2, 22-23 (incipit cité en début d’article).
179. Par exemple, W. HORBURY, « The Strasbourg Text of the Toledot »,
in Toledot Yeshu (“The Life Story of Jesus”) Revisited, P. SCHÄFER (éd.),
Tübingen, 2011, p. 59 : « That the father was non-Jewish already appears in
another form in St John’s Gospel ».
180. Voir note 67.
181. L’Évangile de Nicodème ou Actes de Pilate 2, 3-4 (P. GEOLTRAIN –
J.-D. KAESTLI (éd.), Ecrits apocryphes chrétiens, II, Paris, 2005, p. 264-265) –
et également en 7, 1 [IX, 1] (début) dans la recension grecque ancienne A
(omis dans P. GEOLTRAIN – J.-D. KAESTLI (éd.), Ecrits apocryphes chrétiens, II,
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Paris, 2005, p. 271) – y fait très clairement référence, mais la rédaction défi-
nitive de ce document ne remonte pas plus haut qu’au IVe siècle. Notons que
le nom Panthera n’est pas mentionné dans cette source, contrairement à ce
que M. LODS, « Étude sur les sources juives de la polémique de Celse contre
les chrétiens », Revue d’histoire et de philosophie religieuses 21 (1941), p. 7,
prétend (sans d’ailleurs proposer de références plus précises).
182. Tertullien, Des Spectacles 30, 6 : « Le voilà, leur dirai-je, ce fils du
charpentier ou de la prostituée (aut quaestuariae filius), ce destructeur du
sabbat, ce Samaritain, ce possédé du démon » – Traduction (retouchée) de
M. DE GENOUDE, Tertullien – Œuvres, t. II, 1852, p. 421. Tertullien paraît
ici mêler, dans un même ensemble – et en sus de l’accusation portant sur le
non-respect du sabbat – Mt 13, 55 (ou Mc 6, 3) et Jn 8, 41 et 48. Il pourrait
prêter ici aux Juifs de son temps des propos fondés sur sa propre exégèse des
textes plutôt que sur une réalité vécue. Il s’agirait en ce cas d’une prolepse
ou d’une quelconque forme d’anticipation. D. BOYARIN, Mourir pour Dieu.
L’invention du martyre aux origines du judaïsme et du christianisme, Paris,
2004, p. 157-158, n. 27, s’avance sans doute un peu trop en qualifiant ce
texte d’« excellente preuve indirecte de cette accusation juive formulée contre
le christianisme […] qu’il ait été fils de prostituée ». La même remarque vaut
pour D. JAFFÉ, « Une ancienne dénomination talmudique de Jésus : Ben Pan-
tera. Essai d’analyse philologique et historique », Theologische Zeitschrift 64
(2008), p. 267-268 et P. SCHÄFER, Jesus in the Talmud, Princeton/New Jer-
sey, 2007, p. 20 (haut), p. 111-112, p. 151 n. 31, qui lui accordent un crédit
exagéré.
183. Évangile de Thomas 105 : « Jésus a dit : “Celui qui connaît son père
et sa mère, on l’appellera fils d’une prostituée”. » – traduction dans F. BOVON
– P. GEOLTRAIN (éd.), Écrits apocryphes chrétiens, I, Paris, 1997, p. 52. Ce
texte paraît toutefois dépendre de Jn 8, 39-41. Voir R.E. BROWN, The Birth
of the Messiah, New York-Londres, 19932, p. 534-535.
184. Contrairement à ce qu’affirme P. SCHÄFER, Jesus in the Talmud, Prin-
ceton/New Jersey, 2007, p. 21, puisqu’on ne la trouve pas dans les sources
juives les plus anciennes. Et, d’où qu’on y regarde, l’attestation la plus
ancienne – et la seule réellement incontestable pour le dernier tiers du IIe
siècle – est celle qui figure dans le Contre Celse. En définitive, la moisson
est donc très maigre et il convient donc de ne pas tirer de conclusions trop
hâtives.
192 T. MURCIA
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YESHUA BEN PANTHERA 193
Conclusion.
D’où qu’on y regarde, les traditions juive (Panthera) et chré-
tienne ( Joseph) ne sont pas nécessairement contradictoires. Le père
de Jésus peut très bien avoir porté le nom de Joseph Panthera. Pan-
thera n’était pas un nom fréquent mais celui de Clopas, le frère de
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YESHUA BEN PANTHERA 195
pas une réelle menace pour le christianisme – elle avait peut-être, elle aussi,
quelque fondement. Dans tous les cas, l’inscription in fine de Panthera au
nombre des aïeux de Jésus atteste de la vigueur de cette tradition.
203. M. JASTROW, A Dictionary of the Targumim, the Talmud Babli and
Yerushalmi, and the Midrashic Literature, Londres-New York, II, 1903,
p. 1186, col. 2.
204. H. SCHONFIELD, According to the Hebrews, Londres, 1937, p. 148-
149.
205. J.Z. LAUTERBACH, « Jesus in the Talmud », dans Rabbinic Essays,
Cincinnati/Ohio, 1951, p. 533, 536.
206. M. GOLDSTEIN, Jesus in the Jewish Tradition, New York, 1950,
p. 37-39 : « Yeshu ben Panthera was given simply as a family name of Jesus
in ist earliest mention in the Talmud » (p. 39).
207. H.L. STRACK, Jesus, die Häretiker und die Christen nach den ältesten
jüdischen Angaben, Leipzig, 1910, p. 21*, n. 3. Cette idée n’est pas récente.
Elle a même, en son temps, traversé l’esprit de l’abbé du Clot de la Vorze,
pourtant fougueux défenseur de la foi chrétienne et des Saintes Écritures.
Dans sa longue Note II « Sur les Évangiles », il écrit entre parenthèses : « Il
ne serait pas impossible que Panthera fût un surnom de Joseph » – J-Fr. DU
CLOT, La Sainte Bible vengée des attaques de l’incrédulité, et justifiée, Paris, III,
Paris, 18372, p. 270 (bas).
208. Voire de son grand-père. J.Z. LAUTERBACH, « Jesus in the Talmud »,
dans Rabbinic Essays, Cincinnati/Ohio, 1951, p. 537, rappelle que l’on appe-
lait parfois les garçons en fonction du nom de leur aïeul, ainsi qu’on peut le
lire en B. Yebamot 62b : « Les fils des fils sont comme des fils ». Il n’est pas
sans intérêt de noter que l’on trouve chez Justin une remarque très voisine
(Dialogue avec Tryphon 100, 3). Schonfield, de son côté, rappelle le cas encore
plus éloquent de Simon Kantheras et de son fils Elioneus Bar Kantheras, ainsi
nommé non d’après son père, mais d’après son grand-père (voir note 187).
209. J. HOFFMANN, Jesus outside the Gospels, New York, 1984, p. 42 :
« We cannot rule out the possibility that there is a kernel of historical truth
to the tradition that Jesus’ real father was known as Pandira. »
196 T. MURCIA
210. J’ai déjà traité de cette question, de façon plus succincte, dans
Th. MURCIA, « Jésus adorateur d’une brique ? B. Sanhédrin 107b : L’épisode
talmudique du séjour de Yeshu en Égypte », Revue des études juives 170
(2011), p. 378-379.
211. Dans le manuscrit de Vienne (et dans l’édition de Zuckermandel,
Trèves, 1882, p. 503, qui dépend ici de ce manuscrit).
212. Qohélet Rabba 1, 8 ; J. Shabbat XIV, 4 (14d-15a) ; J. Avoda Zara II,
2 (40d).
213. B. Sanhédrin 43a ; B. Sanhédrin 107b ; B. Gittin 56b-57a.
214. B. Sanhédrin 43a ; B. Sanhédrin 103a ; B. Sanhédrin 107b / B. Sota
47a ; B. Avoda Zara 16b-17a ; B. Gittin 56b-57a.
215. Cette affirmation n’est toutefois pas totalement exacte et doit être
relativisée. Dan Jaffé, en effet, a fait l’observation suivante : « Dans le manus-
crit dit du Yémen de TB Sanhédrin 43a, nous trouvons à deux reprises la
mention : – – ۆۖۂۏYéshua à la place de – –ۆۖۂYéshu ». Ce critique en
conclut que – – ۆۖۂۏYéshua devait être la forme originellement utilisée par
l’éditeur du Babli. – D. JAFFÉ, Le judaïsme et l’avènement du christianisme.
Orthodoxie et hétérodoxie dans la littérature talmudique Ie-IIe siècle, Paris, 2005,
p. 127, note 36. Le manuscrit yéménite Herzog 1, dont il s’agit, date seule-
ment de la seconde moitié du XVIe siècle mais présente un bon texte. J’ajoute
que dans le manuscrit Adler des Toledot Yeshu, également yéménite, le nom
de « Jésus » (qui n’est pourtant pas en odeur de sainteté) est toujours écrit
– – ۆۖۂۏYeshua, signe que la forme courte – – ۆۖۂet son interprétation
acronymique n’étaient pas universellement répandues. – Texte hébreu :
S. KRAUSS, Das Leben Jesu nach jüdischen Quellen, Berlin, 1902, p. 118-121.
Notons enfin que, de son côté, le manuscrit araméen de la Geniza du Caire
(Tol. C.) a la forme singulière – ( – ۆۆۖۂvoir l’arabe – )– ۏۆێۆtandis que la
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YESHUA BEN PANTHERA 197
221. G.R.S. ψEAD, Did Jesus Live 100 B. C.?, Londres/Bénarès, 1903,
p. 136 ; E. WEILL-RAYNAL, « Yeshou dans le Talmud », Cahiers du Cercle
Ernest Renan 17 [66], 1970, p. 1-2.
222. Esd 2, 2, 6, 36, 40 ; 3, 2, etc.
223. Ne 7, 7, 11, 39, 43 ; 8, 7, 17, etc.
224. En anglais : Joshua ; en latin : Iosue.
225. À l’exception notable de Jésus ben Sirach (le Siracide) : Prol. Si 2 ;
Si 50, 27 ; 51 30.
226. En anglais : Jesus ; en latin : Iesus.
227. En Ac 7, 45 et He 4, 8 certains traducteurs rendent ЮϢϮϪӍϭ par Josué,
d’autres par Jésus (Iesus, dans la Vulgate).
228. Esd 2, 2, 6, 36, 40 ; 3, 2, 8, 9 ; 4, 3 ; 8, 38 ; 10, 18.
229. En Nombres 13, 16 le nom d’« Osée » – –ہۂۖۏest transformé en
« Josué » – –ۆہۂۖۏpar l’adjonction d’un Yod initial. Dans la tradition rabbi-
nique l’allongement du nom – « Abram » devient « Abraham », « Osée »
devient « Josué », etc. – est considéré comme une marque d’honneur (voir
T. Berakhot 1, 12-14). En théorie, la suppression d’une lettre pourrait donc
avoir la signification inverse. On remarque toutefois que l’exégèse rabbinique
ne s’est jamais intéressée au passage progressif, dans la Bible, de la forme
longue Yehôshua à la forme courte Yeshua – qui passe également par la perte
d’une lettre – ce qui montre bien les limites philologiques de ce genre
d’« explications ».
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YESHUA BEN PANTHERA 199
à la façon des chrétiens jacobites : Yeshu 238 ou Yshu‘ 239. D’où qu’on y
regarde, la forme – – ۆۖۂque l’on rencontre dans le Babli n’a donc
rien d’insolite. Elle correspond tout simplement au nom de « Jésus »
tel qu’il était prononcé par les chrétiens d’Orient : Yeshu [Yeshou],
voire même Ishô 240. À ces diverses considérations, il convient ici
d’ajouter un témoignage de poids : celui d’Irénée qui écrit vers 180
de notre ère. L’évêque de Lyon précise en effet :
« Quant au nom de “Jésus”, suivant la langue hébraïque à laquelle il
appartient, il se compose de deux lettres et d’une demi-lettre, comme
disent les savants juifs, et il signifie : “le Seigneur qui possède le ciel
et la terre” : car, dans l’hébreu primitif, “Seigneur” se dit Iah, et “ciel
et terre”, shamaim wa’arets » 241.
Si nous laissons de côté l’aspect purement herméneutique de
cette affirmation, nous pouvons remarquer deux choses. D’une part,
Irénée semble avoir été parfaitement renseigné : ses observations sur
« l’hébreu primitif » s’avèrent, en effet, parfaitement exactes 242.
D’autre part – et surtout – Irénée, qui commente l’orthographe
hébraïque du nom de Jésus, ne mentionne ici que trois lettres
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YESHUA BEN PANTHERA 201
hébraïques : Yod, Shin et Waw 243, ce qui donne très exactement – ۆۖۂ
– Yeshu, sans le ayin final 244.
De ces diverses observations, il ressort que la forme singulière du
nom de Jésus, Yeshu, sans le ayin final – – ۆۖۂne doit strictement
rien à la malveillance des scribes, contrairement à ce qu’ont soutenu
plusieurs critiques. Si, par la suite, une certaine polémique juive
antichrétienne n’a pas manqué de tirer avantage de l’absence de
cette lettre pour en faire une arme, elle n’en est pas à l’origine 245.
C’est tout simplement ainsi – Yeshu ou Isho – que les chrétiens
d’Orient appelaient leur Seigneur et Maître et on comprend donc
pourquoi c’est également de cette façon précise que, dans le Babli 246,
Jésus est nommé, à l’exclusion de tout autre personnage. Son utilisa-
tion par les scribes atteste donc seulement, de façon indirecte, de
l’existence d’échanges entre Juifs et chrétiens à Babylone à l’époque
de la rédaction de ces textes (fourchette large : Ve-VIIIe siècle de
notre ère).
243. Yod, initiale de Yah (YHWH – Adonaï – « Seigneur »), Shin pour
Shamaïm (« Cieux »), Waw pour We-hâ-‘ârets (« Et la terre ») : YShW – – ۆۖۂ.
244. D. LEVENE, A Corpus of Magic Bowls: Incantations Texts in Jewish
Aramaic from Late Antiquity, Londres, 2003, p. 124 et 127, a publié une ins-
cription sur coupe (voir P. SCHÄFER, Jesus in the Talmud, Princeton/New Jer-
sey, 2007, p. 38) écrite en judéo-araméen de Babylone (la langue du Babli) et
dans laquelle Jésus est mentionné. Il s’agit d’une incantation magique dont
voici une traduction partielle : « Par le nom de Je Suis qui Je Suis – ڽہۆہ ڽۖە
– ڽہۆہYHWH « Sabaoth » – ۗ – ۆہۂہ ۓھڽۂet par le nom de ’Yeshu – ڽۆۖۂ
– qui a conquis la hauteur et la profondeur par sa croix – – ۃ۔ۆۑۆہet par le
nom de son Père élevé et par le nom des esprits saints, à jamais et pour l’éter-
nité » (Magic Bowl 163.29, ma traduction). Le texte original m’a été trans-
mis par Daniel Stökl-Ben Ezra que je remercie une nouvelle fois. Ce docu-
ment est intéressant à plus d’un titre. Il s’agit clairement d’une incantation
réalisée par un « magicien » Juif (mais pas nécessairement pour un Juif ).
Jésus n’est pas discrédité (au contraire) et il est appelé ’Yeshu, sans ayin final
mais avec un aleph initial. On notera, en outre, l’utilisation du substantif
zeqifa pour désigner la Croix (voir Th. MURCIA, « Jésus adorateur d’une
brique ? B. Sanhédrin 107b : L’épisode talmudique du séjour de Yeshu en
Égypte », Revue des études juives 170 (2011), p. 369-398 – plus spécialement :
p. 393-398).
245. Voir, en ce sens, M. GOLDSTEIN, Jesus in the Jewish Tradition, New
York, 1950, p. 270, n. 22 : « This manipulation of words may have suggested
itself in later times when Christians persecuted the Jews ».
246. Les Toledot Yeshu hésitent, en revanche, entre les formes Yeshu
(Tol. V. ; Tol. S. ; Tol. W. ; Tol. L. ; Tol. Sl. ; Tol. P. ; Tol. C. ; Tol. M.),
Yeshua (Tol. H. ; Tol. A.), voire Yezus (Tol. H.). Le Sitz im Leben peut suf-
fire à expliquer ces variantes.
202 T. MURCIA
Luc247 Matthieu248
David
O P
Nathan249 Salomon
Melchi
L
Lévi
L
Matthat Matthan
L L
Héli Jacob
P O
Joseph250
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YESHUA BEN PANTHERA 203
David
Nathan Salomon
Secondes 1SFNJÍSFT
/PDFT /PDFT
1SFNJÍSFT 4FDPOEFT
/PDFT /PDFT
-ÊWJSBU
Héli † N2 Jacob
1ÍSF
1ÍSF OBUVSFM
MÊHBM
Joseph
Épiphane
Jacob (surnommé Panther)253
O P
Joseph Clopas
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YESHUA BEN PANTHERA 205
David
Lévi [3]
Barpanther [4]
Marie Joseph
Commentaire du modèle B
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YESHUA BEN PANTHERA 207