(1734 - 1829)
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Collection Univers Musical
La collection Univers Musical est créée pour donner la parole à tous ceux
qui produisent des études tant d'analyse que de synthèse concernant le
domaine musical.
Son ambition est de proposer un panorama de la recherche actuelle et de
promouvoir une ouverture musicologique nécessaire pour maintenir en
éveil la réflexion sur l'ensemble des faits musicaux contemporains ou
historiquement marqués.
Déjà parus
~ L'Harmattan, 2000
ISBN: 2-7384-9678-4
Claude ROLE
FRANÇOIS-JOSEPH GOSSEC
(1734 - 1829)
UN MUSICIEN À PARIS
De l'Ancien Régime à Charles X
initiation à la Maçonnerie n'est sans doute pas étrangère à une réussite que
ses origines ne lui permettaient pas d'envisager. Pourtant, on ne s'explique
pas les griefs entretenus par Gossec à l'endroit d'une monarchie qui lui a tant
accordé. C'est la part d'ambiguïté qu'une situation flatteuse et une vie par
ailleurs menée sans désordre ne laissent augurer.
Notable, musicien considéré mais souvent en coquetterie avec les ré-
gimes se succédant, Gossec, en 1795, est l'un des fondateurs du Conserva-
toire National de Musique. Les honneurs ne lui manquent pas: membre de
l'Institut (1795), il est fait Chevalier de la Légion d'honneur en 1803. A qua-
tre-vingt-un ans (1815), il quitte l'enseignement et le Conservatoire, vit en-
core quelques années à Paris puis, retiré à Passy vers 1820, y meurt en fé-
vrier 1829.
La postérité a oublié ce musicien dont la vie fut si intiment liée à
l'histoire de la musique française, musique servie avec compétence et fidé-
lité. L'œuvre, si elle n'atteint pas les cimes fréquentées par les Charpentier,
Lully et Rameau, s'inscrit néanmoins dans la continuité de la grande tradi-
tion musicale. Pionnier de la symphonie à Paris, novateur par le traitement
instrumental déployé dans son œuvre, ici, l'utilisation des trombones (Sabi-
nus), là, celle du tam-tam (Marche lugubre), Gossec a provoqué un écho
durable que nombre de compositeurs du XIX. siècle ont recueilli et parfois
imité.
Chapitre I
Jeunesse
1734-1751
1 Divisée en deux logements, la maison natale est toujours visible. Un étage a été
ajouté au début du XXe siècle et de nouvelles fenêtres ont été ouvertes sur la façade
où une plaque rappelle le souvenir de Gossec.
2 François-Philippe Gossé et Marguerite Brasseur se sont mariés le Il août 1717. De
cette union naissent huit enfants:
Marie-Agnès Florence 30 janvier 1723
François-Lambert 30 janvier 1723 (frère jumeau)
François-Joseph 4 avril 1727
Catherine-Thérèse 19 décembre 1728
Jeanne-Joseph 28 octobre 1731
François-Joseph 17 janvier 1734 (le musicien)
Marie-Barbe 21juin 1737
Marguerite 25 juin 1740
Cette famille, Gossec ne la reverra sans doute jamais. Au cimetière de Vergnies, la
tombe d'un Gosset mort en 1961, atteste d'une descendance de la famille au XXe
siècle.
Selon A. Larmoy in Origine des noms de famille en Belgique (Hainaut-Louvain-
1953), il est courant de mettre é pour et. Plusieurs possibilités s'offrent: Gossé,
Gasset, Gossec, adopté par François-Joseph est peut-être le fruit d'une erreur de
transcription à laquelle il s'est rallié, le t s'étant transformé en c. Signalé par le mu-
sicologue Dufrane (op. cit.), on trouve dans un catalogue de l'éditeur Bailleux
Gossée.
JEUNESSE 11
pèlerins animent le bourg où les Cisterciens ont fondé leur couvent. Ici,
François-Joseph apprend à lire, compter, et servir la messe. Le dimanche de
la Trinité, il effectue le pèlerinage dit du Grand Tour, conduisant fidèles et
clergé, bannières déployées, jusqu'à l'arbre au sommet duquel eut lieu
l'apparition.
Selon le musicologue namurois Paul Moret, l'abbé Pierre Gravier,
vers 1740-1742, assume l'éducation des jeunes choristes de la collégiale. Ce
musicien, par ailleurs peu connu, quittera Walcourt et occupera vers 1750 les
fonctions de chef de chœur et d'organiste à la cathédrale Saint-André de
Bordeaux.
Le séjour de François-Joseph à Walcourt est bref, car les chanoines-
ses confient leur protégé aux Sœurs de Sainte-Aldegonde de Maubeuge 1.
Là, il vit de nouvelles émotions musicales sous la houlette de Jean Vander-
belen, écolâtre près du Chapitre depuis 1722. Vers 1741-1742, il est de re-
tour à Vergnies 2,puis, grâce à l'intervention de son parrain, part à Anvers 3.
Attaché à l'école des enfants de chœur, puis premier chantre de la
cathédrale Notre-Dame, il entonne dans la nef, l'une des plus vastes
d'Europe, hymnes, motets, cantates, dans un tourbillon d'offices et de fêtes
religieuses 4. La maîtrise est considérée comme l'une des meilleures des
Flandres, et ses talents s'y épanouissent sous la direction du seul maître
qu'on lui connaisse: André-Joseph Blavier. Ce dernier, né à Liège en 1713,
s'est installé Maître de chapelle à Anvers, où il mourra en 1782. Il apprécie
les dispositions musicales de François-Joseph, lui enseigne le violon, et peut-
être l'orgue, instrument que son élève semble n'avoir jamais pratiqué par la
suite. Mais il a sûrement connu les œuvres de Dieudonné Raick, né à Liège
Collection de l'auteur
Nef de la cathédrale d'Anvers
I
La musique dans les Pays-Bas et le Pays de Liège, par Suzanne Clerx-Lejeune,
(Histoire de la Musique - La Pléiade).
Chapitre II
Rameau et Passy
1751
I D'après Fétis : Les Musiciens belges (1845) : «il aurait cherché un petit emploi
dans la finance. Il préféra en chercher dans les églises, qu'il ne trouva pas».
2 E.G.J. Grégoir (op. cit.) produit la lettre communiquée par Adolphe Adam au Jour-
nal de Mons en avril 1839. C'est la recommandation de Blavier auprès de Rameau
en faveur de Gossec (Voir Adam: Derniers souvenirs d'un musicien) : «Monsieur:
Mon nom est trop obscur pour être connu de vous. Aussi ne signerai-je pas cette
lettre autrement que par mon titre de Maître de chapelle de la cathédrale d'Anvers.
Je prends la liberté de vous adresser un de mes élèves, le meilleur que j'ai jamais
fait et que je ferai probablement jamais. Le jeune Gossec a aujourd'hui 18 ans. Il
est le fils de pauvres paysans d'un petit village du Hainaut qui l'envoyèrent à An-
vers comme enfant de chœur alors qu'il n'avait encore que 7 ans. Ses progrès dans
la musique et la composition ont été si rapides que depuis bien longtemps, je n'ai
plus rien à lui apprendre.Il n'y a qu'un maître tel que vous qui convienne à un tel
élève. Permettez-moi de vous réclamer pour lui vos conseils pour le perfectionne-
ment dans son art, et votre appui pour lui ouvrir une carrière où vous avez acquis
tant de gloire et où il pourra peut-être un jour occuper un nom honorable. Le maître
de chapelle de la cathédraled'Anvers. » Nulle trace de cette lettre ailleurs que dans
la communication d'Adam. Son manque de rigueur dans maints souvenirs, laisse
flaner un doute sur l'authenticité de ces lignes.
. Le 21 rue des Bons Enfants n'existe plus. La topographie des lieux a changé depuis
l'Empire, avec la création de la Banque de France dans l'ancien Hôtel de Toulouse
(1811), les travaux d'Haussmann (1855) et de nouveaux bâtiments édifiés vers 1930.