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FRANÇOIS-JOSEPH GOSSEC

(1734 - 1829)

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Collection Univers Musical

dirigée par Anne-Marie Green

La collection Univers Musical est créée pour donner la parole à tous ceux
qui produisent des études tant d'analyse que de synthèse concernant le
domaine musical.
Son ambition est de proposer un panorama de la recherche actuelle et de
promouvoir une ouverture musicologique nécessaire pour maintenir en
éveil la réflexion sur l'ensemble des faits musicaux contemporains ou
historiquement marqués.

Déjà parus

GELIOT Christine, Mel Bonis,femme et compositeur (1858-1937), 2000.


GUlLLON Roland, Le hàrd bop, 2000.
MOUSNIER Philippe, Pierre Monteux, 2000.
REY Xavier, Niccolà Paganini, le romantique italien, 1999.
JOOS Maxime, La perception du temps musical chez Henri Dutilleux,
1999.
HUMBERTCLAUDE Éric, La transcription dans Boulez et Murai!, 1999.
HACQUARD Georges, La dame de six, Germaine Tailleferre, 1998.
GUlRARD Laurent, Abandonner la musique? 1998.
BAUER-LECHNER Natalie, Mahleriana, souvenirs de Gustave Mahler,
1998.

~ L'Harmattan, 2000
ISBN: 2-7384-9678-4
Claude ROLE

FRANÇOIS-JOSEPH GOSSEC

(1734 - 1829)
UN MUSICIEN À PARIS
De l'Ancien Régime à Charles X

L'Harmattan L'Harmattan Inc. L'Harmattan Hongrie L'Harmattan ItaUa


5-7, rue de l'École-Polytechoique 55, rue Saint-Jacques Hargita u. 3 Via Bava, 37
75005 Paris Montréal (Qc) 1026 Budapest 10214 Torino
FRANCE CANADA H2Y lK9 HONGRIE ITALIE
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Avec l'aimable autorisation de l'Institut de France


Au centre de musique barroque de Versailles

A Jean Duran et à Pierre Chaumont

qui m'accompagnèrent avec indulgence.


Buste par de Tomlay
Introduction

La Révolution française, comme l'a écrit Augustin Challamell, peut


être comparée à un drame lyrique sur des paroles de Marie-Joseph Chénier,
des décors de David et une musique de Gossec. La citation est classique et
propre à nourrir l'imaginaire collectif français.
Les cérémonies du Bicentenaire de 1789 n'auront éclairé que de ma-
nière fugace les trois artistes cités et, le plus ignoré parmi eux, François-Jo-
seph Gossec, apparaît comme la figure énigmatique d'une musique française
réputée inexistante, ou peu s'en faut, entre 1764, mort de Rameau, et 1830,
Symphonie fantastique, de Berlioz.
Une courte iconographie illustre, si l'on ose dire, notre méconnais-
sance des traits de Gossec. Ce n'est qu'en 1791 que le peintre Vestier expose
au Salon du Louvre l'unique portrait connu du compositeur déjà sexagé-
naire 2.
En 1813, Edmé Quénedey exécute au physionotrace 3 un profil du
musicien, nous révélant une tête aux lignes lourdes sous l'épaisse perruque.
Quant à l'Institut de France, il possède, dans sa Galerie des académiciens,
un portrait dessiné vers 1819-1820 par Jules Boilly.

I La France musicale (août 1841). Augustin ChalIamel (1818-1894), conservateur à


la Bibliothèque Sainte-Geneviève de Paris, journaliste et auteur d'ouvrages de vul-
~arisation historique.
Antoine Vestier. Peintre né à Avallon le 28 avril 1740, mort à Paris le 24 décembre
1824. Voir la biographie par J.C Sueur (chez l'auteur 1974).
3 Edmé Quénedey, peintre et graveur né en 1756 à Ricey-Haut (Champagne) et mort
à Paris en 1830. Comme Vestier, il a été formé à l'Ecole des Beaux-arts de Dijon.
Quénedey est le collaborateur du graveur Gilles-Louis Chrétien (1754-1811) qui met
au point en 1786 le Physionotrace ou Physionotype. Du profil de Gossec réalisé par
Quénedey en 1813 existent de nombreuses reproductions, notamment celles conser-
vées à la Bibliothèque Nationale, à l'Institut et à l'Opéra. Elles semblent avoir in-
fluencé le graveur Brun vers 1820.
JEAN-FRANÇOIS GOSSEC
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Enfin, le musicologue Julien Tiersot 1 publie dans son ouvrage Let-


tres de musiciens, sept petits lavis d'origine douteuse, représentant Gossec
sous différents angles. A cet inventaire, oh ajoutera quelques bustes sculptés
du musicien 2.
Les textes consacrés à Gossec sont anciens, les plus récents ayant
souvent une origine anglo-saxonne. Avec le musicologue Fétis et ses Musi-
ciens belges, commence le voyage littéraire. Suit en 1852 Gossec, sa vie, ses
œuvres et ses ouvrages de Pierre Hédouin. En 1903 paraît le Gossec et la
musique française de Frédéric Hellouin, au style alerte et curieusement po-
lémique. De 1913 date l'articIeLes amours du fils Gossec, dans lequel Geor-
ges Cucuel semble faire confusion avec le musicien Dussek 3. En 1927,
Louis Dufrane publie Gossec, sa vie, ses œuvres et, dans la Revue française
de musicologie (1935), Amédée Gastoué propose un Gossec et Gluck à
l'Opéra de Paris. Enfin, Jacques-Gabriel Prod'homme, bibliothécaire du
Conservatoire de Paris, avec François-Joseph Gossec, la vie, les œuvres,
l'homme et l'artiste (1949), met un terme à cette liste.
Quid de la musique? Quelques lueurs durant les commémorations
du Bicentenaire ont brillé sur elle. Ainsi ont été joués La Symphonie à 17
parties (1809), La Dernière Messe des Vivants (1813), le Te Deum (1779), et
surtout la Messe des morts (1760). Ces œuvres si caractéristiques démontrent

I Julien Tiersot in Lettres de musiciens français écrites du XV au xX' siècle, pré-


cise: "Nous pouvons signaler en outre un recueil factice, constitué de documents
autographes regroupés arbitrairement, dans lequel on trouve l'ex-libris « Juliani
Marshall », ainsi qu'un titre détaché d'un catalogue et portant cette inscription écrite
à la main: « Collection Cherubini ».
Suit une série de huit petits portraits de Gossec, soit au lavis, soit à la plume, soit au
crayon rehaussé de couleurs. Ce recueil (RN.) propose en outre les portraits de
Gossec, réalisés par Quénedey et Boilly. L'origine de ces vignettes est douteuse.
Peut-être ont-elles été exécutées peu avant 1790 par le dessinateur, graveur et écri-
vain d'art Charles-Etienne Gaucher (Paris 1740-1804). Ce dernier est surtout célèbre
pour avoir réalisé avec le graveur Menier le «Plan des aménagements du Champs
de Mars pour la Fête du14 juillet» (également dessiné à la plume, à l'encre et au
lavis).
2 Il existe plusieurs bustes de Gossec. Le premier, du sculpteur Fremy [d'après une
gravure de Brun exposée au Salon de Paris en 1820] constitue le bas-relief ornant la
tombe du musicien au cimetière du Père-Lachaise. Le deuxième est attribué à Louis-
Denis Caillouette de l'Institut (1790-1862). Le troisième revient à Ducajou, artiste
belge; il coiffe le monument-fontaine de Vergnies. Le quatrième, d'un artiste in-
connu, est au Conservatoire national supérieur de musique de Paris et le cinquième
[ca 1810], de Pierre Feyens est entré, au Palais des Académies de Bruxelles en 1845.
Le dernier identifié appartenant à une collection particulière, a été sculpté par
l'artiste belge André de Tombay (1839).
3
ln Revue internationale de musique (n° 3 - 1913). Georges Cucuel, musicologue né
à Dijon le 14 décembre 1884, mort à Paris le 20 octobre 1918.
INTRODUCTION
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la place de Gossec dans la musique française entre 1760 et 1813, faisant


indubitablement de lui l'un des maillons unissant Rameau et l'opéra classi-
que au début du Romantisme.
Ce lieu musicologique mériterait à lui seul une étude, car, comme
l'écrit Jean Mongrédien dans La musique en France, des Lumières au Ro-
mantisme, malgré la Révolution de 1789, il n'y a pas de rupture formelle
entre ces deux périodes historiques de la musique, mais plutôt évolution
progressive. Et si l'on admet cette proposition, la vie de Gossec s'inscrit
alors naturellement dans la courbe d'un siècle, aux avant-postes de l'art de
son temps.
Né en 1734, mort en 1829, il vit sous quatre monarchies, une révolu-
tion de six ans, le Consulat, le Directoire et l'Empire, sans compter deux
Restaurations pour faire bon poids! Cet homme n'est-il pas à plaindre qui,
comme nombre de ses contemporains, dut parfois être fidèle à tant de régi-
mes?
Chance ou malchance, son nom est singulièrement attaché à la Révo-
lution. Affublé, selon une phraséologie commune à l'époque, des vocables
de Tyrthée et de Nestor de la Révolution, il adhère aux Idées nouvelles. Par
des hymnes, des odes et autres scènes patriotiques, il contribue avec Marie-
Joseph Chénier et le peintre David à enflammer l'ardeur belliqueuse des
Sans-culottes assemblés aux Grandes Heures. C'est, à proprement parler, un
vaste mouvement de subversion musicale, une première, dont les rouages
sont savamment ajustés par les organisateurs de manifestations pas toujours
spontanées. Le meilleur de l'œuvre n'est pas là, tout au moins rarement.
Mais ses compositions en valent d'autres, contemporaines, même si les Mu-
ses attristées rejointes par les ombres de Rameau, Gluck et Mozart, lancent à
Gossec d'obliques regards.
A Paris vers 1751, Gossec, humble fils de paysans, est introduit au-
près de Rameau! Des relations ont joué, mais lesquelles? Blavier, le maître
d'Anvers n'est-il pas trop modeste artiste pour parler d'égal à égal avec le
savant musicien et théoricien des Nouvelles réflexions sur le principe sonore
Pourtant dès 1756, Gossec est premier violon de l'orchestre de la
Pouplinière et, succédant à Rameau, MondonvilIe et Johann Stamitz, en
prend la direction. A partir de 1760, sa renommée de compositeur de premier
plan est établie. En 1769, il dirige Le Concert des Amateurs, quitté en 1773
pour le plus prestigieux Concert spirituel. Evoquer la vie de Gossec revient
alors à consulter le Gotha de tout ce qui se meût à Paris d'hommes de ta-
lents, et l'amitié juvénile que lui porte Mozart lors de ses voyages en France
servirait de brevet à bien des musiciens plus titrés.
Travailleur infatigable, Gossec parcourt les degrés d'une belle car-
rière le conduisant en 1784 à la direction de l'Ecole Royale de Chant. Une
JEAN-FRANÇOIS GOSSEC
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initiation à la Maçonnerie n'est sans doute pas étrangère à une réussite que
ses origines ne lui permettaient pas d'envisager. Pourtant, on ne s'explique
pas les griefs entretenus par Gossec à l'endroit d'une monarchie qui lui a tant
accordé. C'est la part d'ambiguïté qu'une situation flatteuse et une vie par
ailleurs menée sans désordre ne laissent augurer.
Notable, musicien considéré mais souvent en coquetterie avec les ré-
gimes se succédant, Gossec, en 1795, est l'un des fondateurs du Conserva-
toire National de Musique. Les honneurs ne lui manquent pas: membre de
l'Institut (1795), il est fait Chevalier de la Légion d'honneur en 1803. A qua-
tre-vingt-un ans (1815), il quitte l'enseignement et le Conservatoire, vit en-
core quelques années à Paris puis, retiré à Passy vers 1820, y meurt en fé-
vrier 1829.
La postérité a oublié ce musicien dont la vie fut si intiment liée à
l'histoire de la musique française, musique servie avec compétence et fidé-
lité. L'œuvre, si elle n'atteint pas les cimes fréquentées par les Charpentier,
Lully et Rameau, s'inscrit néanmoins dans la continuité de la grande tradi-
tion musicale. Pionnier de la symphonie à Paris, novateur par le traitement
instrumental déployé dans son œuvre, ici, l'utilisation des trombones (Sabi-
nus), là, celle du tam-tam (Marche lugubre), Gossec a provoqué un écho
durable que nombre de compositeurs du XIX. siècle ont recueilli et parfois
imité.
Chapitre I

Jeunesse
1734-1751

Par acte de baptême daté du 17 janvier 1734, François-Joseph Gos-


sec entre dans le monde des vivants 1. Quelques mois auparavant, en 1733,
Bach compose le Kyrie et le Gloria de sa Messe en si (BWV 232) tandis
qu'à Naples, Pergolèse fait représenter La Servante maîtresse, célèbre inter-
mezzo ayant en 1752 servi de détonateur à la Querelle des Bouffons.
Vergnies, autrement orthographié Vernies, à quelques lieues de
Maubeuge 2, est le village natal de Gossec. Au plan spirituel, les paroissiens
dépendent de l'évêque de Liège. Entre 1435 et 1830, une position sensible
aux marches du Royaume de France, vaut à Vergnies de changer treize fois
d'appartenance territoriale. La province où Gossec ouvre les yeux, est le
Hainaut, terre française depuis 1649 (Traité des Pyrénées et Paix de Nimè-
gue, 1678). En 1815, le Hainaut est attribué aux Pays-Bas par le Congrès de
Vienne, puis, lors de la Révolution de Bruxelles (1830), rattaché définitive-
ment à la monarchie belge naissante. Mais en 1734, Louis le Quinzième
régnant, Vergnies relève du royaume de France et, par-là, Gossec naît fran-
çois.
Ceci est également valable pour Grétry et Méhul, originaires respec-
tivement de Liège et de Givet. On pourrait encore citer Henri Du Mont et
d'autres musiciens venus à Paris chercher la consécration 3.
La prime jeunesse de Gossec se déroule dans un foyer possédant
quelques arpents de terre et une maison à la lisière du village, sur la chaussée

1Allusion à sa dernière messe de 1813.Acte de baptêmede Gossec: « 17januarius


1734, baptisatus Franciscus-Joseph Gosse, filius legitimus Francisci-Philippi Gosse
et Margaritœ Brasseur, conjugam susceptoribus Francisco Gosse et Maria-Agnes
Gosse. Pestiau Pastor ».
2 Vergnies, aujourd'hui rattaché à la communauté urbaine de Froidcapelle, sur les
Marches fagnardes en Belgique.
3 Des musiciens de même origine sont venus à Paris, avant et pendant la Révolu-
tion; ainsi les frères Navoigille. Signalons aussi Jean-François Van Der Hagen
(1744-1822) rencontré par Gossec. Il deviendra chef de la musique de la Garde des
Grenadiers de l'Empereur.
10 JEAN-FRANÇOIS GOSSEC

de Wa1court 1. On y vit dans une paix bucolique ressentie encore au-


jourd'hui, au cœur d'une riante campagne, à l'écart des grandes routes. Est-
ce ce qu'il est convenu d'appeler la douceur de l'Ancien Régime?
Sixième des huit enfants de François-Philippe Gossé 2, on ne sait
pratiquement rien des premières années de François-Joseph. Pourtant, ses
tardives confidences rédigées en 1810, rappellent qu'il a une jolie voix exer-
cée durant les heures passées à garder les troupeaux, accompagnée d'un vio-
lon rudimentaire confectionné à partir d'un sabot. Aucun détail sur la famille
Gossé ou Gosset, François-Joseph semblant avoir adopté Gossec à Paris en
1751, où, selon le biographe Prod'homme, « les Gossé ou Gasset auraient eu
quelques parentés ».
Pestiau, prêtre de la paroisse, a remarqué l'enfant dont la voix em-
bellit les offices célébrés dans une église existant toujours. Regrettant de se
séparer d'un tel petit paroissien, Pestiau le recommande aux chanoinesses de
Wa1court, bourg dont les flèches dominent les campagnes alentours. Cette
décision, acceptée par les parents, sonne l'heure du destin. Le cœur serré,
François-Joseph quitte le toit paternel. Combien douloureuse est la vision de
l'horizon se fermant sur les champs, les bois et, là-bas, la maison natale si
petite qu'il ne reverra peut-être jamais.
Voici le monastère accroché à la colline, enserrant le sanctuaire dé-
dicacé à saint Materne et à Notre-Dame de Wa1court. C'est un lieu de culte
marial où la Vierge apparut vers l'an 1000 au seigneur Thierry II. Depuis, les

1 Divisée en deux logements, la maison natale est toujours visible. Un étage a été
ajouté au début du XXe siècle et de nouvelles fenêtres ont été ouvertes sur la façade
où une plaque rappelle le souvenir de Gossec.
2 François-Philippe Gossé et Marguerite Brasseur se sont mariés le Il août 1717. De
cette union naissent huit enfants:
Marie-Agnès Florence 30 janvier 1723
François-Lambert 30 janvier 1723 (frère jumeau)
François-Joseph 4 avril 1727
Catherine-Thérèse 19 décembre 1728
Jeanne-Joseph 28 octobre 1731
François-Joseph 17 janvier 1734 (le musicien)
Marie-Barbe 21juin 1737
Marguerite 25 juin 1740
Cette famille, Gossec ne la reverra sans doute jamais. Au cimetière de Vergnies, la
tombe d'un Gosset mort en 1961, atteste d'une descendance de la famille au XXe
siècle.
Selon A. Larmoy in Origine des noms de famille en Belgique (Hainaut-Louvain-
1953), il est courant de mettre é pour et. Plusieurs possibilités s'offrent: Gossé,
Gasset, Gossec, adopté par François-Joseph est peut-être le fruit d'une erreur de
transcription à laquelle il s'est rallié, le t s'étant transformé en c. Signalé par le mu-
sicologue Dufrane (op. cit.), on trouve dans un catalogue de l'éditeur Bailleux
Gossée.
JEUNESSE 11

pèlerins animent le bourg où les Cisterciens ont fondé leur couvent. Ici,
François-Joseph apprend à lire, compter, et servir la messe. Le dimanche de
la Trinité, il effectue le pèlerinage dit du Grand Tour, conduisant fidèles et
clergé, bannières déployées, jusqu'à l'arbre au sommet duquel eut lieu
l'apparition.
Selon le musicologue namurois Paul Moret, l'abbé Pierre Gravier,
vers 1740-1742, assume l'éducation des jeunes choristes de la collégiale. Ce
musicien, par ailleurs peu connu, quittera Walcourt et occupera vers 1750 les
fonctions de chef de chœur et d'organiste à la cathédrale Saint-André de
Bordeaux.
Le séjour de François-Joseph à Walcourt est bref, car les chanoines-
ses confient leur protégé aux Sœurs de Sainte-Aldegonde de Maubeuge 1.
Là, il vit de nouvelles émotions musicales sous la houlette de Jean Vander-
belen, écolâtre près du Chapitre depuis 1722. Vers 1741-1742, il est de re-
tour à Vergnies 2,puis, grâce à l'intervention de son parrain, part à Anvers 3.
Attaché à l'école des enfants de chœur, puis premier chantre de la
cathédrale Notre-Dame, il entonne dans la nef, l'une des plus vastes
d'Europe, hymnes, motets, cantates, dans un tourbillon d'offices et de fêtes
religieuses 4. La maîtrise est considérée comme l'une des meilleures des
Flandres, et ses talents s'y épanouissent sous la direction du seul maître
qu'on lui connaisse: André-Joseph Blavier. Ce dernier, né à Liège en 1713,
s'est installé Maître de chapelle à Anvers, où il mourra en 1782. Il apprécie
les dispositions musicales de François-Joseph, lui enseigne le violon, et peut-
être l'orgue, instrument que son élève semble n'avoir jamais pratiqué par la
suite. Mais il a sûrement connu les œuvres de Dieudonné Raick, né à Liège

1 Le monastère des chanoinesses de Sainte-Aldegonde de Maubeuge a disparu. De-


meure une rue Sainte-Aldegonde, à J'écart de la ville, sur la rive droite de la Sambre.
Quant à l'église Saint-Pierre à laquelle était attaché l'écolâtre Jean Vanderbelen, elle
n'existe plus. Les chanoinesses de Sainte-Aldegonde de la prévôté de Maubeuge,
rossédaient un droit de terrage ou bénéfice sur les terres de Vergnies.
Selon Frédéric Hellouin (op. cit.), le séjour à Maubeuge est bref. François-Joseph
revient au logis paternel avant que les démarches de son oncle n'obtiennent de le
faire entrer à la maîtrise de la cathédrale d'Anvers. Cet oncle providentiel est,
d'après Pierre Hédouin (op. cit.), le parrain de François-Joseph.
3 La Grande Encyclopédie Larousse du XIX. siècle à l'article Gossec précise: « Il
entra à l'âge de sept ans comme enfant de chœur à la cathédrale d'Anvers (donc en
1741), et en sortit pour se livrer à l'étude du violon et de la composition ».
4 Dans sa biographie sur Gossec, Edouard G.J. Grégoir donne des détails sur les
conditions dans lesquelles vivaient les jeunes choristes. L'école des enfants de
chœur était située au Marché au Lait et désignée sous le nom de Koraalhwys. Ils
étaient logés et nourris aux frais du chapitre Notre-Dame. Gossec y entra en qualité
de Koraaljongen (enfant de chœur).
12 JEAN-FRANÇOIS GOSSEC

Collection de l'auteur
Nef de la cathédrale d'Anvers

en 1703 et organiste à la cathédrale d'Anvers de 1721 à 1727, puis de 1756


jusqu'à sa mort en 1764.
Enfin, des études d'harmonie et de contrepoint conduisent vraisem-
blablement le jeune Gossec à esquisser ses premières pièces religieu-
ses. Mais sa voix le trahit de jour en jour, hauteur et timbre se modi-
fient et ne lui permettent plus ces aériens mélismes errant tels des an-
ges, sous les vOlÎtes de la cathédrale. Toutefois, vers 1747, Blavier
garde Gossec auprès de llli, sans doute dans la perspective d'en faire,
s'il se peut, un éventuel successeur.
C'est l'époque de l'apprentissage et des influences auxquelles le
jeune musicien est soumis. Les premières, évidemment, sont celles de Bla-
vier que Charles Burney (op. cil.) rencontre le 20 juillet 1772 lors de son
voyage aux Pays-Bas. Toujours selon Paul Moret, il aurait pu rencontrer à
Spa des musiciens comme Carl-Philipp-Emmanuel Bach, William Boyce, les
Stamitz et, par-là, pressentir les débuts de l'Ecole de Mannheim.
Par ailleurs, la musicologue Suzanne Clerx-Lejeune a démontré l'in-
tense activité artistique régnant aux Pays-Bas, à Liège et sans doute Anvers
JEUNESSE 13

au XVIIIe siècle 1. Et de citer les Fiocco à la Cour de Bruxelles où l'on as-


siste à partir de 1740 au regain de la vie musicale. Vient aussi le nom de
Charles-Joseph Van Helmont (1715-1790). Compositeur réputé, son œuvre
s'illustre par des ouvrages dans le style versaillais. Il est possible que le
motet Accensa furore (1752) soit représentatif de ce qu'a pu tenter d'imiter
François-Joseph au temps de Passy. L'introduction figure en premier lieu:
sur une vingtaine de mesures se développent simultanément le martèlement
sourd et lugubre des timbales et l'ample crescendo de l'orchestre au complet,
d'un effet sonore et expressif saisissant. Il y a aussi Henri-Jacques de Crœs
(1705-1786). En 1744, il est attaché à la Chapelle Royale de Bruxelles diri-
gée alors par Jean-Joseph Fiocco (1689-1746). De Crœs a voyagé et vécu
plusieurs années à Francfort-sur-le-Main vers 1729. De ce séjour, il a ramené
à Bruxelles une expérience qui annonce une sensibilité nouvelle, autrement
appelée Empfindsamkeit, l'avènement de la sentimentalité. Son œuvre, peu
connue en France, s'oriente, passage obligé, vers la musique spirituelle. Un
motet, Quam terribilia, propose lui aussi une atmosphère remplie d'effroi
devant la colère de Dieu, atmosphère annonçant déjà Haydn et Mozart.
D'autres musiciens sont à citer comme Pierre Van Maldere (1724-
1768), zélé promoteur de la symphonie en Europe, grâce à ses nombreux
voyages à Londres, Dublin, Paris, Vienne, Milan et Berlin. A Liège, la dy-
nastie des Hamal domine la scène musicale et organise des concerts spiri-
tuels. Vit à proximité le compositeur Herman-François Delange (1715-
1781), dont les "sinfonies" exécutées en plein air, sont écrites dans le style
de chasse avec déploiement de fanfares. Si Gossec les entend, il en retrou-
vera les accents associés à une même couleur instrumentale, au service du
Prince de Condé vers 1765.
Cette énumération fait pressentir les avantages qu'un jeune musicien
peut tirer de la fréquentation et de l'influence d'artistes aussi distingués. A
partir de 1750, doté de bonnes connaissances théoriques, violoniste confirmé
et auteur de petits motets, Gossec forme le projet de gagner la ville des
consécrations, le miroir attirant invincîblement les artistes venus de l'Europe
entière, Paris!

I
La musique dans les Pays-Bas et le Pays de Liège, par Suzanne Clerx-Lejeune,
(Histoire de la Musique - La Pléiade).
Chapitre II

Rameau et Passy
1751

En 1751, sous le règne de Louis XV dit le Bien-Aimé, Gossec quitte


Anvers. L'oncle a favorisé son départ et Fernand Tonnard 1 précise «qu'il
garnit la bourse de son neveu d'une centaine de couronnes ». Mais on ne
sait si Gossec est accompagné de sa collègue in musica, Marie-Elisabeth
George, native d'Anvers, dont il fera sa femme en 1758 2. Claveciniste, elle
vivra anonymement à ses côtés et n'apparaîtra qu'une fois en 1756 sur la
liste des musiciens de La Pouplinière.
A l'hiver, à travers les Flandres brumeuses et les plats chemins du
Nord, Gossec arrive à Paris, ville prestigieuse où l'Ancien Régime vit ses
dernières années. Talleyrand dira que « ceux qui ne connurentpoint la dou-
ceur de vivre de cette époque, ne surent jamais ce qu'étaient les agréments
de la vie ». Ce propos est à prendre avec réserve car nombreux sont ceux qui
en éprouvèrent aussi les rigueurs. Mais Casanova dans ses mémoires (1750),
laisse pressentir le parfum et l'air d'un temps attaché à la recherche du plai-
sir, au culte du goût et à la jouissance d'un monde qui passe.
On ne sait si le jeune ménage bénéficie d'une parenté susceptible de
l'accueillir. Prod'homme dit avoir détecté un certain Alexandre Gossec],
peut-être un cousin, qui «viserait pour son protégé venu d'Anvers, un mo-
deste emploi dans la finance ». Fétis ajoute que «notre provincial chercha

1 Fernand Tonnard : La vie wallone (Liège 1934).


2 Selon Dufrane (op. cit), Gossec rencontre sa compagne, Marie-Elisabeth George, à
Anvers. Le couple revient s'y marier le 7 mai 1758, comme en font état les registres
paroissiaux de ta cathédrale. Georges de Saint-Foix publie dans le n° 14 de La Revue
de musicologie (février 1930), un contrat de mariage légalisé le 11 octobre 1759 en
]l'étude de maître Bévière, à Paris (Archives du département de la Seine).
Jacques-Gabriel Prod'homme (op. cil.), écrit: «Gossec avait peut-être des parents
à Paris. Nous avons retrouvé aux Archives du département de la Seine, la trace d'ull
Alexandre Gossec dont la femme était née Cauchoix. Ils auraient eu une fille en
1744 ».
16 JEAN-FRANÇOIS GOSSEC

une place de musicien attaché à une paroisse parisienne, et qu'il ne la troll-


va pas» I .
Il Y a aussi cette recommandation auprès de Rameau. Sur ce point,
hormis Adolphe Adam 2, les biographes sont muets et ne fournissent aucun
détail. Ce qui est assuré, c'est la rencontre avec le compositeur prestigieux,
gloire de son temps, auteur d'opéras dont les succès marquent profondément
le monde musical du siècle. Rameau jouit d'une solide réputation d'ours,
démentie par une réelle bonté. Le graveur Carmontelle a croqué de lui un
portrait le montrant légèrement incliné, chapeau sous le bras, absorbé appa-
remment par quelques nouvelles théories du son. Il arpente les allées du Pa-
lais Royal non loin de l'arbre de Cracovie (avec la reine Marie Leczinska, la
Pologne est à la mode) et du banc d'Argenson où, sur les cinq heures de re-
levé, le neveu de Rameau et Diderot s'asseyent et goûtent le frais du soir. A
quelques pas, au n021 de la rue des Bons-Enfants 3, Rameau habite un appar-
tement dont les fenêtres donnent sur les ombrages du jardin, ouvert jour et
nuit aux artistes, tribuns, agitateurs, affairistes en tout genre, badauds et de-
moiselles de petite vertu. C'est sous ces lambris ou rue de Richelieu, chez La
Pouplinière, que l'on imagine la rencontre entre François-Joseph, embar-
rassé, et Rameau à la grande stature osseuse, l'accueillant fraîchement, car,
comme le disent ses contemporains, le sourire n'est pas son fort.

I D'après Fétis : Les Musiciens belges (1845) : «il aurait cherché un petit emploi
dans la finance. Il préféra en chercher dans les églises, qu'il ne trouva pas».
2 E.G.J. Grégoir (op. cit.) produit la lettre communiquée par Adolphe Adam au Jour-
nal de Mons en avril 1839. C'est la recommandation de Blavier auprès de Rameau
en faveur de Gossec (Voir Adam: Derniers souvenirs d'un musicien) : «Monsieur:
Mon nom est trop obscur pour être connu de vous. Aussi ne signerai-je pas cette
lettre autrement que par mon titre de Maître de chapelle de la cathédrale d'Anvers.
Je prends la liberté de vous adresser un de mes élèves, le meilleur que j'ai jamais
fait et que je ferai probablement jamais. Le jeune Gossec a aujourd'hui 18 ans. Il
est le fils de pauvres paysans d'un petit village du Hainaut qui l'envoyèrent à An-
vers comme enfant de chœur alors qu'il n'avait encore que 7 ans. Ses progrès dans
la musique et la composition ont été si rapides que depuis bien longtemps, je n'ai
plus rien à lui apprendre.Il n'y a qu'un maître tel que vous qui convienne à un tel
élève. Permettez-moi de vous réclamer pour lui vos conseils pour le perfectionne-
ment dans son art, et votre appui pour lui ouvrir une carrière où vous avez acquis
tant de gloire et où il pourra peut-être un jour occuper un nom honorable. Le maître
de chapelle de la cathédraled'Anvers. » Nulle trace de cette lettre ailleurs que dans
la communication d'Adam. Son manque de rigueur dans maints souvenirs, laisse
flaner un doute sur l'authenticité de ces lignes.
. Le 21 rue des Bons Enfants n'existe plus. La topographie des lieux a changé depuis
l'Empire, avec la création de la Banque de France dans l'ancien Hôtel de Toulouse
(1811), les travaux d'Haussmann (1855) et de nouveaux bâtiments édifiés vers 1930.

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