L'Cditeur
SOUS LA DIRECTION DE
Norbert Alter
Editions La Découverte
9 bis, rue Abel-Hovelacque
75013 Paris
2002
Remerciements
Vaidrie Fleurette et Stephanie Pitoun ont bien voulu prendre en
charge Ia multitude d'activitCs prograrnmées>> que suppose Ia
rCalisation d'un ouvrage collectif.
Elles ont dgalement organisC le sdminaire intitulC <Les logiques de
l'innovation >>, a I'origine de cc travail.
Je les en remercie sincèrement ainsi que l'IMRI (Institut pour Ic
management de Ia recherche et de I'innovation), universitC Paris-
Dauphine, pour Ic soutien actif apportd a Ia publication.
Catalogue Electre-Bibliographie
Le logo qui figure sur Ia couverture de ce livre mérite une explication. Son objet est
tl'alerter le lecteur sur Ia menace que represente pour l'avenir du livre, tout particuliè-
rement dans le dontaine des sciences humaines et sociales, Ic développenient massif du
photocopillage.
Le Code de Ia propriélë intellectuelle du Icrjuillet 1992 interdit en effet expres-
sénient, sous peine des sanctions pénales réprirnant Ia contrefacon, Ia photocopie a usage
collectif sans autorisation des ayants droit. Or cette pratique scsI généralisée dans les
ëtablissements d'enseignement, provoquant une baisse brutale des achats de Iivres. au
point que Ia possibilité méme pour les auteurs de créer des nouvelles et de les faire
éditer correctement esi aujourd' hui menacée.
Nous rappelons donc qu'en application des articles L 122-10 a L 122-12 du Code de
Ia propriete intellectuelle, toute photocopie a usage collectif. iiitegrale on partielte, du
present ouvrage est interdite sans autorisation du Centre francais d'exploitation do droit
de copie (CFC, 20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris). Toule autre forme de repro-
duction, intégrale ou partielle, est egaleinent interdite sans autorisation de I'éditeur.
Si vous désirez &re tenu rCgulièreinent inforinC de nos parutions, II vous suffit
d'envoyer vos nom et adresse aux Editions La DCcouverte, 9 bis. rue Abel-Hovelacque,
'75013 Paris. 'bus secevrex gra temens noIre bulletin La
Avant-propos
par Norbert Alter et Michel Poix 7
I. LA DWFUSION DE L'INNOVATION
I. L'innovation un processus collectifambigu
par Norbert Alter 15
La diffusion de l'innovation
1
L'innovation:
un processus collectif ambigu
Norbert Alter
INVENTiON ET INNOVATION
modifier;
— un investissement en créativité;
DEVIANCE ET ORGANISATION
LA DISTANCE
CONCLUSION
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UNESCO, L'Harmattan, Paris.
L'INNovATION: UN PROCESSUS COLLECTIF AMBIGU 39
I. Cette liste reprend une série de recherches men&s avec Michel Crozier, Erhard
Fnedberg et Jean-Pierre Worms a Ia fin des annécs soixante, ou avec Argonautes, Sophie
Taponier, Sophie Alaiiii ou Isabelle Garabuau-Moussaoui, depuis 1990.
42 LA DIFFUSION DE L'INNOVATION
3. Michel Crozier [1963] est probablement run des tout premiers interactionnistes
français, au sens de relations concretes entre acteurs (par difference avec l'approche en
termes d'appartenance sociale) et de fonctionnement en réseau, et au sens étroit de stra-
tégique, de rationnel et de relations de pouvoir. En, ce sensje ne limite pas l'interaction
a sa dimension symbolique ou identitaire telle qu'on Ia retrouve chez Blumer [19691, chez
Goffman [1961]— c'est-à-dire chez Ia plupart des sociologues qui Se rattachent a I'Ccole
de Chicago, ou encore a une partie des sociologues de Ia fainille comme F. de Singly
[1996] — ou aux réseaux sociotechniques comme chez B. Latour et M. Callon, ou plus
généralement a Ia presentation des réseaux comme une nouvelle dimension de Ia vie
sociale, cc qui est plus diffus comme idCc Ct moms attribuable a un autcur spécitique (Ji
Sciences hu,naines, n° 104, avril 2000). Toutes ces approches relèvent pour moi de
l'approche micro-sociale. méme si Ia nature du micro vane entre elles.
46 LA DiFFUSION DE L'INNOVATION
4. Nous avons deux animations de groupe avec Luc Esprit de I'AGPM (Asso-
ciation gënerale des producteurs de maIs).
50 LA DIFFUSION DE L'INNOVATION
5. Voice, sous une forme moms dramatique, dans nos commissions de spëcialistes a
t'université ou au CNRS
L'INNOVATION ENTRE ACTEUR, STRUCTURE ET SITUATION 51
CONCLUSION
7. De méme quand son coüI est tiop élevé. En 1999 nous avons mené une enquéte,
pour I'association RETINA, sur les nouveaux services a developper pour des personnes
malvoyantes atteintes de DMLA (dégenerescence maculaire Iiée a II existe
notalnrnent des écrans tactiles en braille mais dont Ie coüt minimum pour dix caractères
est de 49000 F TFC, ce qui est trop cher pour un particulier qui n'a pas le droit a 'aide
fmancière qui n'existe que pour ceux qui travaillent.
L'INNovATIoN ENTRE ACTEUR, STRUCTURE ET SITUATION 59
REFERENCES BIBLIOGRAPI-IIQUES
Le sens de I'innovation
3
I. Cette focalisation sur l'organisation nous conduit a ne pas traiter des contraintes
de gestion, nombreuses et importantes, qui viennent des aspects financier, juridique, insti-
tutionnel, marketing, gestion de production, etc.
66 LE SENS DE L'INNOVATION
5. La d'Edith Penrose [1959, 1995] va dans le méme sens que les arguments
que nous développons : scion die, Ia croissance de i'entreprise est profondément condi-
tionnée par i'exisience de managers ci de dirigeants qui omit du temps qu'ils peuvent
consacrer a s'investir dans des projets. Ces queiques heures de temps utilisabie sont
un éiément du slack organisationnei de March.
6. Voir Ic cas Cardiex darts Romelaer [1994].
7. En pratique ii a pris les mesures suivantes : (I) quitter Ia direction des
activités stimulateurs cardiaques (2) confier cette direction a une personne qui était
a Ia fois son contrôleur de gestion et un ami de longue date (ces caractéristiques ne
relèvent pas seulement dii hasard) (3) conserver Ia présidence du groupe (4) crëer une
division pour les nouvelles activités, division qu'iI a géree en direct.
tNNOVATION ET CONTRAINTES DE GEST1ON 71
Definition et exemples
Une organisation est une structure fondCe sur les connaissances (1) si
l'ense,nble de ses activités est assez stable, et (2) si le travail qui est sa raison
d'être est nCcessairement accompli par des personnels de haute qualification
peu susceptibles d'être coordonnés et contrôlés essentiellement par Ia
hierarchic des procedures, des objectifs ou de l'ajustement mutuel. Ce type de
configuration se rencontre fréquemment dans certains cabinets de conseil,
dans les hôpitaux et cliniques, des universitCs, des cabinets d'architecture, etc.
10. Le lecteur intCressé par des résultats specifiques pouna par exemple consulter
l'article de Child el a!. [1990] dans lequel les auteurs décrivent des processus d'inno-
vation dans des hOpitaux de huit pays.
INNOVATION El CONTRAINTES DE GESTION 79
Les opérateurs de base sont les consultants, les médecins, les enseignants, les
architectes, etc. Les restaurants de grande cuisine et Ia Comedic française
sont également des organisations de cc type. Les banques ont notablement
évoluC au cours des vingt dernières années vers Ia forme de structure fondée
sur les connaissances (mêrne si elles conservent de nombreuses caractéris-
tiques de Ia structure mécaniste qu'elles avaient initialement).
Configuration structurelle
Le professionnel n'en est pas moms indirectement piloté par au moms cinq
mécanismes, le premier éiant sans doute de loin le plus puissant: (I) le
maintien et le développement de sa reputation professionnelle*, (2) Ia
culture du milieu professionnel auquel ii appartient, (3) les limites mises a
l'environnement immédiat de son activité professionneile par les procedures
et les moyens de l'entreprise (espace et Cquipement, procedures comptables
et logistiques, possibilitCs de participation a des manifestations profession-
nelles externes, etc.). Le professionnel est également partiellement
d&erminC par (4) Ia formation initiale ci les formations continues qu'il ou
die a suivies, et (5) par les instances de regulation de Ia profession. Ce n'est
nullement un hasard si les professions exercées par les opCrateurs des struc-
tures fondCes sur les connaissances sont souvent des professions dans
lesquelles ii existe une accreditation officielle et un ordre professionnel.
Les opCrationnels ont entre eux non seulenient des savoirs partagCs mais
aussi des valeurs partagCes, ci leurs relaiions inlerpersonnelles soot souveni
empremntes de collCgialitC et en partie d'Cgalitarisme. Néanmoins, et de
façon constante, certains des professionnels de l'entreprise soot plus Cgaux
que les autres. On peut les qualifier d'Ctoiles dans leur domaine profes-
sionnel, voire de stars. Une étoile est une personne qui a dans son domaine
une reputation professionnelie marquee, au moms en interne et souvent
aussi a l'extérieur de l'organisation. Une étoile est souvent aussi une
personne qui écrit dans les revues professiormelles, qui fait des cornmunica-
lions dans des congrès et colloques, et/ou qui joue on role dans les instances
et les organisations professionnelles.
II est nécessaire de traiLer des étoiles avec un certain niveau de detail compte
tenu du role important qu'elles jouent dans l'organisation en general et dans
l'innovation en particulier. D'abord Ia difficuitC de Ia tâche d'un chef de
département n'est pas Ia mêrne scion qu'il est une Ctoile ou paS, scion qu'il
existe ou pas une ou piusieurs Ctoiies dans son département, selon Ia qualité
des relations qu'il a avec les étoiles de son departement et de son entreprise.
Les Ctoiles participent plus que les autres aux commissions permanentes ci,
qu'elles y participent ou pas, dIes sont plus souvent consultées de façon
informelle par Ia direction génCrale et les membres des commissions.
* Ce maintien el cc developpement passeni par les jugetnenis que peuvent avoir ses pairs sur son
activité professionnelle inimédiate ci sur ses connaissances, par des demonstrations tiagrantes de
competence ou d'incompéience (tonic conversation professionneile ci tout acie professionnel
présentent en cc sens des risques ci des opportunites). par Ia rCalisation visible d'actions difticiles
et de premieres par l'associauon avec des personnes qui soul des étoiles dans Ic domaine (de
prCfCrence des étoiles de premiere grandeur), par Ic fait quil suive iou encore mieux qu'iI enseigne
dans) des formations continues destinées a des professionnels de sa spécialite. Ce maintien cst
également assure par Ia presence dans des associations professionnelks (avec si possible des
responsabilités), Ia participation des colloques ci des congrès (de prCfCrence comme intervenant).
Ia redaction d'ouvrages ou d'articles de recherche.
INNOVATION El CONTRAINTES DE GESTION 8!
formation;
— de façon formelle et informelle par les congrès;
sionnels.
Ainsi Kreiner eta!. [1993] ont-ils constaté que les chercheurs
en biotechnologie échangent de très nombreuses informations de
facon informelle, et qu'il y a même échange d'informations confi-
dentielles entre chercheurs d'entreprises concurrentes (bien au-
deja de de type espionnage scientifique et industriel).
Les éléments qui précèdent sur les caractéristiques de l'inno-
vation dans les structures fondées sur les connaissances nous
permettent d'identifier des contraintes de gestion pour les diffd-
rents acteurs:
INNOVATION El CONTRAINTES DE GESTION 83
LI. Le rnodèle du garbage can a ëtë présente par ses découvreurs dans Cohen eta!.
tI972]. II a egalement élé validé dans d'autres types d'organisation, par exemple Ic fonc-
tionnement d'un groupe de direction génerale [Laroche, 1991] et Ia gestion des camères
a I'international dans Ies groupes [Romelaer et I-Iuault, 1996]
84 SENS DE L'INNOVATION
ti yes.
Le dernier point mentionné ci-dessus est suggéré par quelques
observations'2: ii semble que, au sein d'un milieu globalement
erratique, les forces qui restent constantes conditionnent Ia
direction generale dans laquelle l'organisation s'engage sur
moyenne et longue durées. Les deux travaux auxquels nous
faisons référence dans Ia note appellent ces forces la << culture >>.
II nous semble qu'il faut plutôt y mettre tous les é]éments qui
dans I'entreprise impliquent une coherence collective, soit de
l'ensemble de l'entreprise, soit des professionnels, soit niême
d'un groupe de professionnels. D'un point de vue de direction
genérale, on peut en inférer l'efficacité probable de certaines
méthodes de gestion adaptées:
13. Sur ces points, voir Fellowes et Frey [19881 et de Montmorillon ef al. [1997].
14. On remarque au passage que, contrairement a ce qu'affirment certains cher-
cheurs [Friedberg, 1993], l'analyse en termes de type d'organisation ne consiste pas a
imposer un cal-can rëducteur et a ranger les organisations dans des boItes '>. Cette
analyse de comprendre hi diversité des organisations d' un méme type, de salsir les
conditions de a dynamique de I'organisation, et Ia nature des forces auxquelles un acteur
individuel sera soumis quand U cherchera a développer son action (par exemple dans le
cadre d'une innovation).
86 LE SENS DE L'INNOVATION
15. Voir plus loin dans l'Annexe Ia mention de quelques autres types d'organisation.
16. Voii plus loin dans l'Annexe Ia mention de quelques autres élérnents d'organi-
sation.
INNOVATiON ET CONTRAINTES DE GESTION 87
leur mode de calcul ont uneinfluence profonde sur les types d'inno-
vations qui seront <<naturellement>> favorisées par les décideurs.
Des critères de rentabilité a court terme assortis d'une rotation rapide
des responsables encouragent les innovations qui assurent des
revenus rapides même si les consequences a moyen terme sont plus
discutables (c'est le successeur qui assumera les risques). Dans
l'analyse stratégique des innovations, us encouragent un écrémage
du marché [voir entre autres Noda et Bower, 1996]. Les effets des
systèmes régulés sur l'innovation peuvent être encore plus difficiles
a détecter: ainsi Fioleau et Mévellec [1995] soutiennent que Ia
méthode de comptabilisation des coüts directs utilisée dans Ia
majorité des entrepnses francaises coriditionne profondément les
types d'innovations dans lesquelles elles s'engagent.
Trois autres recherches concernant les systèmes régulés sont
intéressantes par les mécanismes peu intuitifs dont elks signalent
Ia possibilité.
Simons [1991] a étudié trente unites d'activité stratégique du
secteur de Ia pharmacie. LI signale que dans dix-neuf d'entre elles
ii existe un système de contrôle'7 utilisé de façon << interactive>>:
les données provenant de ce système de contrôle ne sont pas
utilisées de facon formelle pour évaluer Ia distance entre decision
ou prevision et réalisations. Elles sont au contraire utilisCes dans
des reunions de travail fréquentes de face-a-face aux divers
niveaux de Ia hiérarchie pour apprécier l'évolution de Ia
situation, recueillir et développer les suggestions de changement.
Un tel usage des systèmes de contrôle permet l'élaboration en
temps reel d'une stratégie émergente, et les idées d'innovation
peuvent être très bien accueillies dans ce cadre.
Van de Ven [1989], après l'étude de neuf gros projets d'inno-
vations qu'il a conduite avec son équipe, fait état d'un cercle
vicieux qui mérite certainement d'être mentionné: Si Ufl projet
n'attire pas Ia sympathie du département financier, ii aura de Ia
17. Simons qualitie de système de contrOle tout système régulé. Parmi les systèmes
qu'il étudie, on trouve le contrôle de gestion, I'audit, Ia planification stratëgique, les
méthodes de pilotage des projets, le système budgétaire, les méthodes de suivi des parts
de marché, les méthodes de planification du profit, les systèmes de veille, etc.
90 LE SENS DE L'INNOVATION
18. Presque bus les managers sont presses et presque tous les consultants sont en
quCte d'outils de gestion fades a utiliser, dans une certaine rnesure...
92 LE SENS tiE L'INNOVATION
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Annexe
19. Nous avons traité de Ia structure fondée sur les connaissances. Mintzberg [1979]
identifie quatre autres types de structures les structures sirnples. les adhocraties de projets et
adhocraties opérationnelles, les structures mécanistes et les structures divisionnalis&s de
grande taille dont le pilotage est par une batterie de ratios souvent ci a court
rerme. Nous avons par ailleurs identifié cinq autres types de structures divisionnalisées de
grande taille [Romelaer, 19961 el des structures fond&s sur les qui peuvent étre de
petite taille (les départements Verites par exemple). Nous ne traiterons pas non plus de I'entre-
prise apprenante ou de l'entreprise innovante de Leonard-Barton [1995] et de Nonaka et
Takeushi [1995].
20. Les relations non hiérarchiques soft entre autres celles qui existent enire les
fonctionnels et les opérationnels. entre certains chefs de projet et les détenteurs des
ressources qu'ils souhaitent mobiliser, enire les m&anismes de liaison de Galbraith et les
entités qu'ils contiibuent a coordonner.
21. Les groupes de projet sont des groupes temporaires dont les meinbres sont a plein
temps ou a temps partiel : leur objet peut étre le développernent dune innovation produit,
l'implantation d'un logiciel, une Construction iminobiliere, Ia conduite d'une OPA ou I' inté-
gration organisationnelle apres une fusion. Les groupes de domaines oft une existence ofli-
cielle et permanente (jusqu'au prochain changement d'organisation). une composition et
une mission semi-stables, et un fonctionnement a temps pailiel, souvent sous foiine de
reunions périodiques. Parmi eux on trouve les comitCs permanents charges de l'infojmati-
sation, de l'actualisation des definitions de postes ou de Ia gestion des carrières, Ia
commission d'investissement, Ic comitC directeur, Ia commission de planification conjointe
de Ia production ci des ventes, les commissions qualite, les groupes de travail sur Ia gestion
des produits dans les organisations regroupés sur une base geographique.
22. L'infIuence sur I'innovation des six dernières contraintes de gestion mentionnees
est en partie analysee dans Ronielaer [I 998d].
4
Sur l'innovation
Danièle Linhart
CASSER LA CRITIQUE
Démassifier
Dans sa these sur l'histoire de l'usine Peugeot de Sochaux,
Nicolas Hatzfeld [2000] relate de façon magistrale Ia mise en
place de cette strategic post-68: : démassifier, reva-
loriser -hiérarchiser, personnaliser >>, cette formule, établie par le
responsable de Ia gestion des personnels ouvriers en 1978, traduit
SUR L'INNOVATION 117
Conflit de roles
L'autre cas est celui d'un plateau de tCléconseillers d'une
grande entreprise de téléphonie. Ici aussi, Ia modernisation induit
une nouvelle logique qui vient se superposer a l'ancienne, intro-
duisant de I'incohérence, et occasionnant pour les télCconseillers
un veritable conflit de roles et d'identité. us sont là tout d'abord,
c'est leur premiere fonction, pour répondre aux appels des clients
qui ont un problème a résoudre. A eux de développer le savoir-
faire nécessaire pour identifier leur demande veritable et pour y
répondre de Ia manière Ia plus satisfaisante. us ont des soutiens:
les applications informatiques, dont us apprCcient I'efficacité et
Ia pertinence.
Arrive le virage commercial. us ne sont pas, dans leur
majorite, a priori opposes a l'idée d'inclure dans leur fonction et
leur competence une dimension commerciale. Certains d'entre
eux le vivent même comme une promotion sociale, pour tous cela
introduit de Ia diversité dans leur travail. Mais us out bien du mal
a faire entrer cette facette commerciale dans leur activité
courante qui ne s'y préte guère tant par ses contraintes externes
que par celles imposées par le management.
Leur activité commerciale consiste a placer un certain nombre
de services et de produits aux clients qui appellent. Mais ces
clients que les téléconseillers ont au bout du fil des qu'ils décro-
chent appellent le plus souvent parce qu'ils ont un problème (us
ne peuvent payer leur facture et demandent un échéancier, et
surtout qu'on ne leur suspende pas Ia ligne) ou une reclamation a
formuler (ils contestent Ia facture ou ne sont pas contents d'un
service), une reparation a demander.
La clientele du plateau que nous avons étudiée est souvent en
difficulté, certains téléconseillers culpabilisent facilement, ont
peur des responsabilités que peut occasionner Ia sanction de Ia
suspension de Ia ligne, d'autres affirment savoir faire Ia part des
choses et différencier les personnes en reel les difficultés de celles
qui inventent des histoires, mais Ia responsabilité individuelle est
SuR L'INNOVATION 425
REFERENCES BIBUOGRAPHIQUES
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nomie dans les organisations, quoi de neuf?, LHarmattan, Paris.
CHIAPELLO E., BOLTANSKI L. (1999), Le Nouvel Esprit du capitalisme,
<< NRF Essais >, Gallimard, Paris.
Incertitude
Le chercheur comme l'innovateur ne découvrent pas Ic futur
comme s'ils déchiraient un voile; l'un et I'autre créent le futur
pour eux-mêmes et pour les autres ; ce faisant, us entretiennent Je
climat general d'incertitude radicale qui empêche les procedures
d'optimisation d'être efficaces a terme; Ia selection qui evince
LE ROLE DES SCIENTIFIQUES DANS LE PROCESSUS D'INNOVATION 141
ceux qui ont fait les mauvais choix peut leur être favorable un
moment, mais ne leur garantit aucune sécuritd de leur position
relative. Dans leur pénode faste, us sont en effet les architectes
du nouveau paradigme et les destructeurs de l'ancien. S'ils se
laissent distancer par d'autres en s'enfermant dans des modèles
ou des projets obsoletes, us deviennent les victimes du principe
de selection qu'engendre Ia dynamique de Ia découverte et de
I'innovation. Its sont done I'un et l'autre soumis a Ia dialectique
du progrès des connaissances fondée sur Ia tension inevitable
entre approfondissement et changement, méme si les modalitds
de Ia selection qui s'exerce sur eux sont différentes.
Irréversibilité
La relation entre science et progrès est évidente voire tautolo-
gique puisque, comme le fait remarquer Kuhn, on reserve géné-
ralement le nom de science aux domaines oü ii y a progrès
evident des connaissances et de Ia maItrise du reel, de sorte que
l'on assimile généralement une science a une discipline cumu-
lative et que I'on peut retracer Ia trajectoire de cette science dans
le temps historique. Dans l'ordre économique, pour l'innovation,
l'irréversibilité ne tient pas uniquement au sens de Ia trajectoire
cognitive; elle correspond surtout au fait que le retour au statu
quo ante est voire infinirnent coCteux, lorsqu'il s'agit
notamment d'une innovation technologique importante. C'est le
coilt d'opportunité qui empêche le retouren arrière sauféventuel-
lement en cas de force majeure (guerre, blocus, etc.).
Dépendance du sentier
Si, dépassant le cadre de I'analyse du comportemént d'un
individu actif, chercheur ou innovateur, isolé dans ce contexte
d'incertitude, on essaie de rendre compte de Ia tension entre ce
comportement et le processus collectif d'interactions dans lequel
ii évolue, on peut mettre au jour, dans l'un et I'autre cas, des
effets de dependance du sentier, c'est-à-dire de polarisation des
choix sur une option, a partir d'un processus dynamique de
ralliement a cette option (qui n'est d'ailleurs pas forcément
142 CREATEUR, INVENTEUR ET INNOVATEUR
optimale) ; cette option evince a terme les autres choix qui étaient
possibles au depart. On retrouve d'ailleurs, exacerbé ici, Ic
dilemme suggéré plus haut entre <<exploitation >>, et
<<exploration >>, c'est-à-dire entre les efforts tendus vers
I'amélioration de ce qui existe déjà et les efforts de recherche de
nouveautés incertaines.
P. A. David et D. Foray [1995] traitent essentiellement de Ia
dépendance du sentier dans le cas de I'avancée des technologies
mais les sources des rétroactions positives qu'ils citent pour
expliquer cette dynamique peuvent être facilement transposées
dans Ic champ scientifique apprentissage par l'usage, relations
interpersonnelles, externalités de réseau, rendement dynamique
d'échelle, etc. On peut insister tout particulièrement sur
I'évolution de l'organisation de Ia science en réseau international
— via Internet notamment — qui devrait accélérer encore ces effets
Dans son cas, la tension entre les deux finalités de son activitd est
particulièrement forte et beaucoup d'observateurs pensent que,
pour devenir un bon entrepreneur, ii faut renoncer a Ia culture et
aux objectifs propres a Ia science.
why);
— ouvrir une fenêtre sur le reste du monde scientifique et tech-
service ou processus)
— phase d'évaluation : ii s'agit de revoir tout le processus dans
— conditions de viabilité,
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
I Dans son ouvrage Scientific Knowledge and its Social Proble,ns. J.-R. Ravetz
[19711 souligne egalenient Ia particularité de Ia propriété intelleccuelle attribuée aux cher-
cheurs, qui ne peut étre aliénée comme une propriété ordinaire. Du reste, cette appro-
priation, modérée ou faible, suppose Ia publication: La propriété advieni a l'existence
en devenant accessible a l'utilisation par d'autres >' (chapitre 8, p. 245).
156 CREATEIJR, INVENTEUR ET INNOVATEUR
4. << II passait ses soirees a dicter a sa femme des réponses a de lointains collabora-
teurs, des articles de polCrnique pour les journaux techniques, des communications scien-
tifiques pour les academies, et enfin son ouvrage sur les maladies du vera sole" [Dubos,
1995].
5. Ici au contraire, ii avait I'obligation de parler des qu'il avait trouvé quelque
chose, de provoquel le dCbat public et celui de Ia pratique industnelle sur toutes ses
découvertes de laboratoire Emile Duclaux, collaboratcur de Pasteur, cite par R. Dubos
[1995].
6. Cite par Pierre Darmon [1999].
160 CREATEUR, INVENTEUR ET INNOVATEUR
biomedical (Ce qui reflète Ia loi sur les brevets de 1844 qui
excluait les médicaments du champ de Ia brevetabilité).
Dans le secteur agroalimentaire, Pasteur a déposé six brevets,
qui ont été complétés par plusieurs certificats d'addition qui
développaient les procédés et en précisaient les conditions
d'application9. Ces brevets se réf'erent aux savoir-faire industriels
en vigueur, proposent de nouveaux procédés expérimentés en
laboratoire ou a plus grande échelle et font valoir les avantages
technico-économiques des nouvelles méthodes. Dans le brevet
sur Ia fabrication du vinaigre, Pasteur critique les méthodes
industrielles en vigueur (<< Les procédés d'acidification par
I'emploi des copeaux de hêtre reposent sur des idées theoriques
entièrement erronées10 >>), et ii met en avant les economies
resultant de l'application de La nouvelle invention <<Ce procédé
permettra de livrer, au prix de revient de dix centimes le litre, des
acides acétiques a 7 % ou 8 % d'acide. Son application n'a pas de
limites. On pourrait en I'espace de quelques jours, presque sans
frais de main-d'ceuvre ni d'installation, fabriquer des milliers
d'hectolitres d'acide acétique de force quelconque et presque
sans perte d'alcool. >> Le brevet sur Ia conservation des vms fait
état des conditions du commerce de detail des vi, qui occa-
sionne de nombreux transvasements qui sont a l'origine des alté-
rations. L'adoption du nouveau procéde est justifiée par sa
facilité et sa rapidité d'application, par la suppression de
plusieurs operations et par Ia preservation de Ia qualite du yin
(<<sans altérer Ia qualite du yin >>). Ces nouveaux procédés indus-
triels s'accompagnent de Ia production de savoirs scientifiques:
le brevet sur Ia conservation des vms fait référence a deux
communications a l'Académie des sciences et a une publication
dans une revue technique. Ii en va de même du brevet sur Ia
9. Le premier brevet porte sur sur un procédé de fermentation (1857), Ic second sur
un procédé de fabrication du vinaigre (1861), le troisième sur une méthode de conser-
vation des vms (1865) ; trois brevets concernent de nouveaux procédés de fabrication et
de conservation de Ia bière (deposes entre 1871 et 1873).
10. Certification d'addition 50359 du 12 dCcenibre 1861 au brevet pris Ic
9juillet 1861, fabrication du vinaigre Ct de I'acide acCique ', délivré a M. Louis
Pasteur, directeur des etudes scientifiques a I'Ecole normale de Paris.
162 CREATEUR, INVENTEUR El INNOVATEUR
12. Comptes rendus du conseil d'adininistration de I' Institut Pasteur, 19 févner 1891.
13. Conseil d'administration du 23 mars 1892.
166 CREATEUR, iNVENTEUR ET INNOVATEUR
15. II faut id souligner le role de l'Etat dans les rapprochernents entre universitd et
industrie dans les soixante ci soixante-dix via les contrats DGRST et Ia creation
de I'ANVAR [Benghozi. 1982]. Rappelons-nous que, pour Pasteur, I'Etat a souventjoué
un role de dernandeur de recherche appliquee.
16. Entre 1968 et 1991, le laboratoire de technologie enzyrnatique de Compiegne a
conclu 62 contrats de recherche avec I'industrie tandis quc Ic centre de biotechnologie de
Toulouse en a conclu 84. Chaque laboratoire a collaboré avec 47 entreprises dans des
secteurs très diversifies — IAA, pharmadie, instrumentation, energie. Sur cc point, voir
Cassier [19961.
170 CREATEUR, INVENTEUR El INNOVATEUR
17. Conference de presse donnée avec Neal Lane, directeur du Bureau dU président
pour Ia science et Ia technologie, 14 mars 2000.
176 CREATEUR, ET INNOVATEUR
18. Cf. I'article du Guardian du IS décembre 1999 relatant le conflit entre Myriad
Genetics Ct Barbara Weber, généticienne a I'universitë de Pennsylvanie, du
conseil scientifique de Myriad.
178 CREATEUR, INVENTEUR ET INNOVATEUR
CoNcLusioN
REFERENCES BIBLIOGRAPI-I1QUES
I. Voir Ibarra [1989] pour une des premieres approches utilisant l'analyse de réscaux
sociaux dans ce doinaine.
184 CREATEUR. INVENTEUR ET INNOVATEUR
4. Voir Blau [1964] pour le cas gënëra!, puis des derivations du inême pnncipe dans
Lazega [1995], Lazega ci Van Duijn [1997].
5. Dans sa conception de l'analyse de réseaux, Michel Callon [1991] ne you pas
l'intérCt de preter attention a Ia circulation conjointe de plusieurs rcssourccs bien sped-
fiques. II affirme qu'iI suffit de décrire des associations ' ernie entités>> (humaines,
non humaines). Notre approche, on le volt, est différente.
RESEAUX CF CAPACITE COLLECFIVE D'INNOVATION... 187
7. Goftiiian pensait que Ia construction d'une distance de role est une activité indivi-
duelle, souvent assimilée au sens de l'humour. On considère id que cette activité est plus
relationnelle; les acteurs ont besoin de certains autres bien sélectionnés pour construire
cette distance.
8. Des citations confirmant cette attitude et extraites du travail ethnographique sont
présentées dans Lazega [2001].
196 CREATEUR, INVENTEUR ET INNOVATEUR
10. Une partie de I'analyse statistique présentëe plus bas ainsi que sa justification
technique sont publi&s en anglais dans Lazega et Pattison [19991.
II. Les analyses bivariées confirment qu'aucune autre sous-structure triadique
duplexe a quatre relations ne contribue vraiment a du niodèle.
200 CREATEUR, INVENTEUR ET
Tableau I
* Psudolikelillood estimate
RESEAUX EFCAPACifE COLIECI1VE D'INNOVATION... 201
tila
b4:
o
O4\
tfia b, C, d t5_a, b, C, d t4a, b, C, d
Figure 1
12. Dans le tableau 1, un parainètre negatif pour chaque type de lien signilie que ce
lien entre deux acteurs a peu de chances d'exister tout seul dans Ce réseau.
REsnwx ET CAPACIrE COLLEGI1VE D'INNOVATION... 203
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Annexe
L'innovation en education et en
formation topiques et enjeux
Fran çoise Cros
Pourquoi une telle frénésie dans les usages sociaux d'un tel
terme? II semble qu'il corresponde a une evolution de Ia
conception de mise en ceuvre d'une politique. Avant, les déci-
deurs ddcidaient par des textes injonctifs, des lois descendantes,
en s'appuyant sur les représentants legaux. Mais us se sont
aperçus de l'inefficacité de cette manceuvre car les acteurs ne
sont pas associés aux decisions et comme c'est eux in fine qui
auront a produire ces changements, us peuvent s'y opposer.
l'idée de consulter les acteurs et de s'appuyer sur leurs proposi-
tions, toutes choses egales par ailleurs. La démocratie n'est plus
seulement assurée par les instances legates mais par une diffusion
de bas en hautde decisions multiples [Cros, 19981. L'innovation
est Ia manifestation de propositions nouvelles de Ia part des
personnes et elle traduit l'état dans lequel se trouve Ia
population: s'aider de ces propositions est s'assurer d'une
meilleure reception des réformes. Bien stir que I'école n'a pas
attendu l'apparition de I'innovation pour se renouveler et nous
trouvons des extraits de textes émanant de I'école nouvelle dont
Ia ressemblance avec des textes actuels d'innovateurs est trou-
blante'. Mais on ne parlait pas d'innovation ! L'innovation
s'inscrit dans des intentions politiques modernistes volontaristes.
L'innovation est ainsi devenue depuis 19602, dans les systèmes
d'éducation et de formation, I'objet de marchandages et de
convoitises de Ia part des décideurs. A partir de 1960, nous
pouvons en effet repérer, a travers les textes officiels, les rapports
6. > L'innovation, comme un écureuil en cage, continue par ses efforts a faire tourner
le système auquel elk apporte son énergie sans pouvoir en changer>'
224 NOUVELLES PERSPECTIVES THEORIQUES
8. <<Ce que j'appelte elucidation est le travail par lequel les hommes essaient de
penser cc qu'ils font et de savoir Ce qu'ils pensent. <>
226 NOUVELLES PERSPECTIVES TI-IEORIQUES
Une des questions qui ont habite aussi bien les formateurs que
les politiques est celle du transfert des innovations éducatives. En
revanche, c'est très peu uñe question des praticiens eux-mêmes,
230 NOUVELLES PERSPEC11VES THEORIQUES
Le modèle épidémiologique
Dans les années quatre-vingt, ii y eut une premiere approche
de La diffusion de l'innovation sociale par l'idée de l'épidémio-
logie, puis une période d'abandon pour être reprise rCcemment
par des anthropologues américains. Ce modèle repose sur le fait
que, si 011 prend une population donnée, une dpidémie conime Ia
peste ou le cholera s'y diffuse de Ia niême manière que le ferait
une innovation. Le paradigme general de diffusion se représente
par une courbe en S. courbe cumulative des gens < touches >>.
Nous voyons mais sans savoirpourquoi. On retrouve Ic même
modèle dans I'étude des rumeurs. II a été abandonnC parce qu'il
est trop macroscopique, sans qu'on sache cc qui se passe au
niveau individuel, ii est déterministe et laisse peu de place a Ia
libertd de decision de I'individu. Cependant, ii vient d'être repris
par les theories naturalistes de l'anthropologie culturelle amen-
caine. Ce sont les idées qui seraient contagieuses et pas les
pratiques [Sperber, 1996] et ii suffit d'expliquer comment les
representations sociales sont contagieuses par Ic fait d'innom-
brables micro-mécanismes (I nterindi viduels).
La communication est, avec l'imitation, un des deux méca-
nismes principaux de Ia transmission. Les épidémiologues
entendent par transmission un processus qui peut être inten-
tionnel ou non, coopératif ou non, et qui entralne une similarité
de contenu entre une representation mentale chez un individu et
un descendant causal de cette representation chez un autre
individu. Le descendant causal n'dtant pas un simple recou-
vrement de contenu, ii est cependant inscrit dans Ic processus de
L'INNOvATION EN EDUCATION ET EN FORMATION... 231
Le modèle de I'institutionnalisation
II s'agit du devenir de l'innovation qui est reprise par le
ministère comme exemplaire ou pour figurer dans les textes offi-
ciels injonctifs, ou considérée comme banale et entrée dans Ia
routine. II en est ainsi des groupes de niveaux ou de certaines
232 NOUVELLES PERSPECTIVES THEORIQUES
Le modèle de Ia recherche-action
Ce modèle de diffusion repose sur Ia cooperation entre
plusieurs partenaires dont les logiques et les objectifs ne sont pas
tout a fait identiques. D'un côté, ii y a le chercheur qui peut être
vu parfois comme un formateur, un animateur, un consultant, un
militant et, de l'autre, le praticien qui peut être vu comme un
acteur social, un partenaire ou un client.
La recherclie-action telle que nous l'entendons n'est pas Ia
juste et pure juxtaposition de la recherche d'un côté et de Ia
L'INNOVATION EN EDUCATION CF EN FORMATION... 233
REFERENcEs BIBLIOGRAPHIQUES
Cet article porte sur tout (ou presque tout) ce que les éconornistes
negligent ou ignorent lorsqu'ils analysent l'innovation. Prenant
connaissance de notre sujet, le lecteur comprendra immédiatement
les raisons de Ia Iongueur de I'étude ! En effet Ia littérature écono-
mique sur I'innovation est extrêmement lacunaire et abandonne aux
autres disciplines des champs immenses d'investigation.
Pour presenter avec des mots et des méthodes d'économiste
les themes et les questions que notre discipline néglige habituel-
lement, notis avons besoin d'un cadre permettant de repérer ces
themes et ces questions. L'unité d'analyse que nous avons
choisie est I'entreprise et le cadre que nous esquissons repose sur
les notions de capacités (ensemble de compétences, savoirs et
méthodes destinés a accomplir telle fonction) et de frontières de
Ia firme (ii y a des problèmes d'organisation interne et de rela-
tions avec i'extérieur). Ce cadre a quatre niveaux: le premier est
celui des capacités d'innovation. Nous identifions quatre grandes
capacités — créativité, resolution de probième, gestion de Ia
connaissance et valorisation économique de l'innovation — qui
sont analysées. Le deuxième niveau est celui de Ia vision ou, dit
autrement, de i'intelligibilité de l'innovation. C'est a ce niveau
que sont intégrées les connaissances spécifiques et locales des
usagers. Le troisième renvoie aux procedures organisationnelles
de communication et incitation, allocation des ressources et
gestion du temps. Le dernier niveau correspond aux problèmes
de coordination économique que peut engendrer l'innovation.
242 NOUVELLES PERSPECTIVES THEORIQUES
Destruction créatrice
phistiquées qui ne seront pas utilisées sur plus de deux ou trois exemplaires).
En revanche, une innovation simple qui ne produit qu'une rente minime aura
une valeur Cconomique très grande si cue emporte l'ensemble d'un marchC de
masse (par exemple, une innovation portant sur Ic conditionnement d'un
produit de grande consommation: tube de colle ou tube dentifrice).
On comprend des lors I'importance de l'arbitrage a effectuer entre Ia hauteur
de Ia rente et Ia part de marché: on petit par exemple decider de sacrifier une
part de Ia rente en vendant son nouveau produit a has prix, afin d'élargir Ia
part de marchC; ce qui en fin de compte peut permettre d'accroItre Ia valeur
Cconomique de I'innovation. II est donc important de retenir que Ia maximi-
Sation de Ia rente n'est pas l'objectif ultime. Celui-ci renvoie a Ia maximi-
sation de Ia grandeur [rente x part de marchC]. Si on neglige cela, on ne peut
comprendre Ia plupart des strategies de lancement de nouveaux produits dans
les secteurs de l'informatique, des tClécommunications, du multimedia.
La capacite produire une difference positive est une capacité trés difficile a
comprendre et a saisir dans le cadre de I'analyse économique.
244 NOIJVELLES PERSPECTIVES TEIEORIQUES
Tenips et innovation
Créativité
Management
Valeur economique ( de Ia connaissance
Resolution de problèmes
CE QUE L'ECONOMIE NEGLIGE OU IGNORE... 247
La inétaphore du scrabble
Nous devons cette métaphore a Callon et Latour [1985]. Elle
est utile pour mettre en perspective Ia difference de nature entre
ces deux premieres capacites, ainsi que les tensions et les conflits
qui en caractérisent les relations.
On sait que l'objectif du joueur de scrabble n'est pas de
produire le mot le plus long sur son chevalet. Son objectif est de
maximiser l'utilité (Ia valeur) des lettres qu'il possède, étant
donné Ia configuration particulière du jeu, au moment il dolt
jouer.
La metaphore est Ia suivante (voir figure, page suivante). Le
tirage aléatoire des sept (ettres représente Ia constitution hasar-
deuse et fortuite d'une base de connaissance. de créa-
tivitC consiste a combiner ces lettres pour engendrer le mot le
plus long, sans prêter attention aux contraintes d'insertion du mot
sur lejeu.
L'action de resolution de problèmes consiste ensuite a assurer
l'insertion du mot sur le jeu. Evidemment, l'ingénieur
s'emparant du travail du créateur constate qu'il n'y a aucun
espace pour le mot, tel qu'il a Cté créé. En outre, on ne peut
l'accrocher nulle part. En definitive, le mot magnifique issu du
travail des créatifs devra être change, tordu et réduit pour pouvoir
être mis sur le jeu, en exploitant des cases comptant double ou
triple.
Cette métaphore montre Ia tension inhérente, le conflit entre
les créateurs et les ingénieurs. Les uns aiment a produire des
<<abstraites >>, detachées des contraintes d'intégration
dans un certain environnement technique; les autres veulent
rendre Ia nouveauté opérationnelle, capable de s'integrer dans un
champ de contraintes et de conditions.
_______________________________
Tirage a!éatoire
I S E A P LA N E Créafivité
Resolution de probleme
ii
S E A M L E S S
— —
D R A M A I I C A L L V
A R
C H C
I P U S H
N P U B
C R .
S E C E D E
I N T E R N A L
T
— — —
La métaphore du scrabble
Solution. Le mot qui peut être place et qui rapporte est: <(easy
nature. C'est en consommant un poivron qu'il eut I' idée d' utiliser
cet aliment
La nécessité, c'est la contrainte qui gene une personne et que
celle-ci souhaite surmonter pour améliorer son bien-être. Qui
mieux que A. Smith a pane de Ia nécessité comme aiguillon de Ia
créativité. Des le chapitre 1 de La Richesse des nations, ii évoque
ce petit garcon continuellement occupé a ouvrir et a fermer alter-
nativement la communication entre Ia chaudière et le cylindre, et
qui découvre un dispositif permettant a cette soupape de s'ouvrir
et de se fermer automatiquement. <<Ainsi, une des découvertes
qui ont le plus contribué a perfectionner ces sortes de machines
depuis leur invention est due a un enfant qui ne cherchait qu'à
s'épargner de Ia peine.>>
Mais, bien évidemment, tirer parti du hasard ou de Ia nécessité
pour inventer une solution nouvelle depend de l'inspiration, de Ia
virtuosité, du talent, toutes choses qui s'acquierent bien évidemment
au cours de I'éducation, Ia formation et grace a I'accumulation de
savoirs réalisée dans le contexte professionnel. Au sujet de cette
virtuosité ou talent spécifique, on doit sans doute mentionner
l'aptitude a transformer radicalement les données du problème qui
se pose afin de ne pas rester enfermé dans un espace limité de solu-
tions. La métaphore suivante [Nemeth, 1997] nous aide a saisir (et a
tester!) cette aptitude. Sur le graphe suivant, le problème est de
joindre tous les points, en traçant quatre lignes et sans que le stylo ne
quitte Ia feuille (on ne peut en outre repasser sur des lignes déjà
tracées). Le problème est insoluble sauf si l'on songe a ajouter au
graphe deux coordonnées supplémentaires; ce qui n'était pas
interdit dans l'énoncé.
E
[]
252 NOUVELLES PERSPECTIVES THEORIQUES
conception) sont des éldments souvent cites dans les manuels [cf
le modèle de Kline et Rosenberg, 1986].
La construction d'une mémoire organisationnelle
Les questions associées a Ia mémoire organisationnelle et au
partage des savoirs sont particulièrement importantes pour les
performances d'une firme en matière d'innovation. Le fait de ne
pas engager de strategies délibérées de la gestion de connais-
sances peut entraIner des pertes importantes, Iiées notamment a
Ia redondance des actions, répdtition des erreurs et faible cumu-
lativité des connaissances. Si les procedures de resolution de
problèmes ou les actions de créativitd sont effectuées exciusi-
vement au niveau local, elles vont certes bénéficier du contact
direct au problème qu'il convient de résoudre. Mais, d'un autre
côté, Ia resolution de problèmes ou Ia créativitd au niveau local
accroissent le risque d'élaboration de solutions spdcifiques qui
ignorent les experiences passées; lesquelles seraient potentiel-
lement de valeur face au problème considdrd. Les petites organi-
sations, caractérisées par une certaine stabilité de l'emploi,
peuvent surmonter ce problème en ddveloppant des réseaux
personnels performants. Mais les grandes organisations sont
confrontées a des difficultés particulières dans le domaine de Ia
réutilisation de connaissances existantes pour rdsoudre des
problèmes déjà rencontrés. II y a au moms trois problèmes [Stein-
mueller, 2000]
— premièrement, il convient d'identifier les faits saillants
c1 ContrOle
Optimum
ii
Ouverture Source : Shapiro et Varian
Valeur ajoutée du marché [1 999}.
CE QUE L'ECONOMIE NEGLIGE OU IGNORE... 261
Evolution
Cu
0
C-)
La capacité d'innovation
Synthèse
Le tableau ci-dessous restitue Ia synthèse de ce qui vient
d'être développé, en soulignant les articulations entre les diffé-
264 NOUVELLES PERSPECTIVES THEORIQUES
Créativité
Resolution
de problémes
La gestion du temps
D'un côté, on peut faire l'hypothèse que le timing de Ia créa-
tivité et du jaillissement des nouvelles idées correspond a une
fonction aléatoire — a certaines périodes, une multitude d'idées
nouvelles surgissent tandis qu'à d'autres périodes Ia créativité
reste faible. D'un autre côté, Ia gestion temporelle de l'inno-
vation doit reposer sur une sequence de phases relativement
precise et maItrisée. L'innovation dolt être suffisamment rapide
pour qu'elle puisse être effectivement le support d'une valori-
sation éconornique ; elle ne doit cependant pas déclasser trop vite
les innovations précédentes. Une sorte de régime régulier,
permettant I'exploitation de I'innovation, doit donc s'interposer
entre deux phases innovantes. Ainsi, une tension existe entre le
caractère aléatoire du temps de Ia créativité et Ia nécessaire
maItrise du temps de 1' innovation.
270 NOUVELLES PERSPECTIVES THEORIQUES
La modularité
Caractéristique de l'organisation industrielle dans un grand
nonibre d'industries, la modularité petit être définie comme une
stratégie pour organiser de façon efficiente les processus de
conception et de production. Elle repose sur une partition des
tâches et des problèmes sous la forme de modules. Chaque
module, concu et produit sur un site particulier, doit se conformer
a certaines regles générales (architecture, interfaces) mais les
concepteurs de modules sont libres d'expérimenter de nouvelles
approches dans le cadre de ces règles generales. La liberté
d'expérimenter est donc ce qui distingue le fournisseur de
modules d'un sous-traitant traditionnel. On voit donc que l'orga-
nisation modulaire constitue une procedure d'innovation, en
créant des espaces d'expérimentation décentralisée, tout en
assurant l'intégration des modules innovants dans Ic système
final [Baldwin et Clark, 1997].
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES