CONFÉRENCE
Depuis deux ans, le dépistage du cancer du col utérin évolue notamment avec la mise
en place de la vaccination contre les HPV oncogènes 16 et 18 et le second plan cancer
2009—2013 qui a donné une impulsion nécessaire à sa prise en compte par nos institu-
tions. Même si le pathologiste n’est pas toujours « visible » pour les femmes dans le cadre
du dépistage par frottis et même si le pathologiste a du mal à apparaître comme un
acteur reconnu du grand public dans ce contexte, son rôle est important. En raison de
leur implication, les pathologistes doivent connaître ce nouvel environnement.
0242-6498/$ — see front matter © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.annpat.2010.07.039
Dépistage du cancer du col utérin : actualités en 2010 S29
Actuellement 13 départements français dont deux 2009, constitue un début dans la standardisation des
d’outre-mer (DOM) sont engagés dans un dépistage orga- comptes rendus. Actuellement l’agence des systèmes
nisé du cancer du col utilisant les structures de gestion d’information partagés de santé (ASIP), élabore les réfé-
commune aux 3 cancers, sein, côlon et col. Neuf dépar- rentiels d’interopérabilité de notre discipline avec les
tements (Allier, Cantal, Haute-Loire, Puy-de-Dôme qui représentants des différentes composantes dont les réfé-
correspondent à la région Auvergne, Cher, Indre-et-Loire, rentiels pour le recueil des données issues du dépistage du
Maine-et-Loire, La Réunion et le Val-de-Marne) rejoignent cancer du col. Un travail de simplification des codes ADICAP
ainsi les 4 départements « pilotes » (Haut-Rhin, Bas-Rhin, utilisés pour la cytologie gynécologique est en cours et déjà
Isère et Martinique). Chaque département doit, de plus, appliqué dans certains départements pilotes. Les objec-
mettre en place un projet innovant pour toucher les femmes tifs poursuivis sont un recueil plus simple et l’utilisation
particulièrement éloignées de la prévention (consultations de ce recueil pour les indicateurs définis avec l’INVS pour
décentralisées, travail avec les associations en contact l’évaluation des programmes de dépistage.
avec les publics précaires, actions vers les bénéficiaires
de la CMUc, actions dans les territoires enclavés. . .). Deux
millions de femmes vont être touchées par cette extension
du dépistage organisé. C’est un pas important.
Par un communiqué de presse, en date du 10 juin 2010, La vaccination mise en place en 2007 :
pour la première fois, le Ministère de la Santé et des Sports points positifs et risques d’effets pervers
et l’INCa, en partenariat avec l’Assurance Maladie, la Mutua-
lité Sociale Agricole et le Régime Social des Indépendants, Un vaccin contre un cancer constitue une innovation impor-
lancent une campagne nationale de mobilisation contre le tante. Il existe actuellement deux vaccins préventifs mis sur
cancer du col utérin. Ces initiatives s’inscrivent dans la le marché en France : un vaccin dit bivalent car protégeant
mise en œuvre des mesures 13, 14, 15 et 16 du Plan cancer contre les HPV de génotype 16 et 18 et un vaccin quadriva-
2009—2013. On trouvera téléchargeable sur le site de l’INCa lent le premier à avoir été mis sur le marché, protégeant
un dossier de presse intitulé « Prévention et dépistage du également contre les HPV de type 6 et 11, non cancéri-
cancer du col de l’utérus » du jeudi 10 juin 2010 ainsi que gènes mais à l’origine du développement de lésions bénignes
le dossier « Le cancer du col de l’utérus en France état des dites « condylomes ». Ces lésions sans risque d’évolution
lieux 2010 ». sont, en revanche, gênantes et difficiles à traiter. Ces vac-
La Haute Autorité de santé (HAS) à travers son ser- cins préventifs, pour être pleinement efficaces, doivent être
vice Évaluation Économique et Santé Publique, finalise la administrés avant les premiers contacts avec les virus. Les
validation, à la demande de la Direction générale de la deux vaccins ont obtenu leur autorisation de mise sur le mar-
Santé, d’une recommandation en Santé Publique sur le ché à environ un an d’intervalle, le 29 septembre 2006 pour
thème du « Dépistage du cancer du col de l’utérus, État le quadrivalent et le 20 septembre 2007 pour le bivalent. La
des lieux et recommandations ». Ce document très inté- vaccination a fait l’objet d’une recommandation conjointe
ressant, à l’argumentaire fouillé, fait le bilan de toutes du Comité technique de vaccinations et du Conseil supé-
les expériences françaises de dépistage : dépistage organisé rieur d’hygiène publique de France (avis du 9 mars 2007)
ou communautaire, dépistage individuel ou opportuniste, [11—15]. La population ciblée par cette vaccination se
dépistage systématique/ciblé. Il propose des perspectives compose des jeunes filles de 14 ans avant l’exposition au
et des stratégies pour augmenter l’efficacité et l’efficience risque de l’infection HPV, des jeunes filles et jeunes femmes
du dépistage, des simulations avec les impacts des scenarii. de 15 à 23 ans (population de rattrapage) qui n’auraient pas
Tous les aspects, démographie médicale, coût des diffé- eu de rapports sexuels ou, au plus tard, dans l’année sui-
rentes prises en charge, etc.. . .sont abordés. Ce document vant le début de la vie sexuelle. La prise en charge par
témoigne de la nécessité d’une organisation et de la prise l’assurance maladie est à hauteur de 65 % sur un coût par
en compte des spécificités de notre pays et de l’état des dose de 130 euros. Trois injections sont nécessaires. Avec
lieux. L’essentiel sur — Lettre de la HAS — no 20 Améliorer le 9 ans de recul des cohortes suivies, il n’apparaît pas néces-
dépistage du cancer du col de l’utérus - témoigne aussi de saire d’effectuer un rappel pour l’instant. On peut regretter
la volonté institutionnelle de communiquer sur le sujet. que la mise en place de cette vaccination ne se soit pas
Ainsi depuis le bilan établi à la mise en place de accompagnée d’un repérage et d’un suivi des cohortes de
l’INCa en 2007 [3], divers documents ont préparé la mise jeunes filles vaccinées. Actuellement le taux de couver-
en place d’un dépistage organisé progressif [4,5]. Le ture est légèrement inférieur à 40 % avec seulement 20 %
cahier des charges mis à jour est disponible sur internet : de vaccination complète. En fait la couverture vaccinale
www.sante.gouv.fr/htm/dossiers/cancer uterus/cctp.pdf. varie avec l’âge de 15,4 à 27,7 % à 16 ans [1]. Les études
L’expérience marseillaise en population défavorisée [6] sur le coût-efficacité du choix de la prévention par le vaccin
a mis en évidence la difficulté d’identifier et de motiver commencent à être publiées [16].
les femmes échappant au dépistage comme le NHS [7] Les interrogations suivantes ont été soulevées par
avait analysé les facteurs influençant la participation les experts multidisciplinaires qui ont étudié le dossier
des femmes. L’équipe de Besançon [8] a fait part de la de commercialisation : risque de désaffection du dépis-
place du test HPV dans le dépistage primaire en France à tage par frottis des femmes vaccinées [17] donc risque
l’instar d’autres pays européens comme l’Italie [9,10]. Les d’augmentation secondaire des cancers issus des 30 % de
Observatoires Régionaux de la Santé (ORS) ont contribué souches HPV oncogènes non couvertes par les vaccins, effet
aux différentes enquêtes locales. transitoire du vaccin avec émergence d’autres génotypes
La publication du fascicule « Comptes rendus d’anatomie d’HPV oncogènes, risque de décalage de l’apparition du can-
pathologique : données minimales à renseigner pour une cer vers un âge plus avancé. De plus la durée de protection
tumeur primitive. Dispositif d’autorisation des établisse- du vaccin reste inconnue. Signalons l’intérêt d’une étude
ments de santé pour la pratique de la cancérologie. comme EDITH [18] qui a porté sur la distribution des géno-
Traitements, soins et innovations », par l’INCa en décembre types d’HPV en France.
S30 M.-C. Vacher-Lavenu
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