Le problème de la dénomination
Ces musique pose d'emblée le problème de sa dénomination: aux
termes «moussiqa andaloussiya» on oppose «tarab al-âla» ou tout
simplement «al-âla».
Le professeur Mohamed El Fassi , dans un célèbre article de 1962, fait
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Le concept nûba
passant par cinq phases rythmiques. Elle a accumulé au fil des années
tout un répertoire poétique, et adopté un style, une façon particulière de
chanter et de jouer la musique. Les détails de l'interprétation seront
examinées à la fin de ce chapitre.
Les écrit anciens confondent généralement la musique andalouse avec
la musique marocaine tout court, ce qui ne permet pas, dans l'imbroglio
des généralisations et des récit légendaires, de préciser les principales
étapes et les transformations décisives dans le développement de la nûba,
et d'isoler le style andalou pour établir ses fondements.
3Ziryab (Ali ibnu Nafi'), élève d'Ishaq al-Mawçili à Baghdad, dû fuir la jalousie de son maître et fonder
sa propre école en Andalousie.
4Le répertoire musical et chantant des onze nûbât peut couvrir plus de 80 heures de musique. Beaucoup
de poèmes, muwashshahat, azjal, barawîl peuvent être sans grande peine attribués à des auteurs connus,
mais l'ensemble des pièces instrumentales (tawashi et mshaliat) sont à de très rares exceptions d'auteurs
anonymes.
Entre le VIIIème siècle de Ziryab et la fin du XVIIIème siècle du
temps d'Al Hayek, il y a deux conceptions différentes de la nûba et plus
de dix siècles de pratique musicale qui ont suffit pour changer le
répertoire et intégrer d'autres tubû' et d'autres rythmes.
Avec Ziryab (784-857), la jonction de l'Orient et de l'Occident
islamiques est faite. L'Andalousie, malgré les différentes ethnies qui la
peuplaient, fut soumise pourtant à la 'açabiya (esprit de corps) arabe de
l'aristocratie médinoise et ce, au moins jusqu'au règne d'Al Hakam II
(971-976), après lequel les sources d'inspiration seront puisées sur le sol
andalou et dans le Maghreb. Cette nouvelle période connaîtra son apogée
avec le grand philosophe et esprit universel «Ibn Baja » auquel la
tradition rattache la plupart des mélodies andalouses.
Les particularités autochtones ressurgiront pour marquer de leur cachet
les différentes modalités d'expression littéraire et artistique.
Ce n'est pas par hasard qu'apparut le « muwashshah » (poème
s'écartant de la métrique traditionnelle) et qu'il gagna en liberté tout en
obéissant aux nécessités de la rythmique musicale avec laquelle il se
trouvait en liaison étroite.
C 'est ce caractère savant et élaboré de la versification et de la
rythmique qui a peut-être donné à ce chant l'appellation de «çan’a»
(littéralement: métier ou œuvre d'art élaborée ).
Depuis le VIIIème siècle, il y a eu un soucis de compilation des
«çan'ât» dans un même recueil: à ce sujet, nous citerons le traité anonyme
«Arrawdatu lghannâe fi ussûli lghinâe » الروضة الغّناء في أصول الغناء,
et le trqit2 de Mohamed Ibnou Lhoussain Al Hayek terminé en 1799 et
l'opuscule du vizir «Al Jam'î» établi en 1886 par une commission de
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5Mohamed Ibn Larbi al Jamî, grand vizir de Moulay Hassan I, entreprit une seconde compilation des
nûbât à partir de l'opuscule d'Al hayek.
cette nûba soit monomodale ou que l'on procède de la même manière
qu'aujourd'hui: jouer seulement le mizân.
Ainsi la longue durée de la nûba fait que les orchestres ne présentent au
public que l'une de ses phases rythmiques. Depuis Al Hayek, la musique
andalouse marocaine est contenue dans onze nûbât. Dans chaque nûba, il
y a cinq mayazîn, à l'exception des nûbât «hijaz lamcharqi» et «raçd»
amputées de leur deuxième mizân «qaîm wa niçf» et la nûba «'ushshâq»
ne possédant pas de «darj».
Le mizân débute par des préludes qui installent le mode et préparent
l'auditeur. cette partie comprend la «mshâlya», «al-inshâd» et la
«tawshiya».
La «mshâliya» est une série de fragments musicaux qui embrassent les
principaux degrés du mode concerné. Elle est non rythmée, instrumentale
et supporte l'interprétation libre et l'adjonction de fioritures (exemple n°
1). La mshâliya révèle d'entrée de jeu le niveau et la consistance de
l'orchestre qui a besoin d'une maîtrise collective de la ponctuation
musicale.
Dans le même esprit que la mshâliya, «al-inshâd» (exemple n°2)
confirme le mode musical. Le soliste «munshid» chante sans percussion,
avec un accompagnement instrumental discret et non rythmé, une
distique «baytayn» en arabe classique. Toutes les cadences et fins de
phrases du munshid sont soulignées par l'orchestre. La distique est pleine
de «shughl» (voir lexique), ici le poème n'est jamais énoncé directement.
Y sont intercalés des mélismes et des « taratîn » (voir lexique).
Le répertoire poétique
Il n' y a pas de nom à affecter à la note si. ceci nous donnera les mode
suivants (mais on retrouve dans l’usage oral la note sika hsîn= si):
A- Final Dîl
1-inqilâb ar-ramal
2-al mâya
3-raçd dîl
4-istihlâl
5-gharîbat al husayn
6-dîl
B- Finale Mâya
7-raml el mâya
8-içbihân
9-zawarkand
10-raçd
11-lahçâr
12-zaydân
13-al gharîba al mûharrara
14-hijâz al kabir
15-m'charqi çaghir
16-hijâz m'charqi
17-raml ed-dîl
c-Finale çika
18-'irâq al arab
19-çîka
D-Finale mazmûm
20-hamadân
21-lamcharqi
E- Finale en Ramal
22-mazmûm
23-'irâq al ajam
24-ushshâq
25mujannab dîl
F-Finale en lahsîn
26-lahsîn
Ces vingt-six tubû' s'intègrent depuis al-Hayek dans onze nûbât qui
tirent leur dénomination du tab' principal. Ci dessous les onze nûbât avec
le tab' principal et les tubû' annexes
chaque nûba passe par cinq phases rythmiques (toujours les mêmes) al
baçît, al qaîm wa nisf, btayhi, darj et quddâm (exemple n°6).
1. al baçît (littéralement le simple) est composé de six unités de temps,
l'accent y est mis sur les premier, deuxième et cinquième temps:
2. al qaîm wa nisf: c'est un rythme à huit unités de temps, ses accents
portent vers les premier, quatrième et cinquième temps.
3. le btayhi : comme le qaîm wa niçf est à huit temps répartis en 3+3+2
temps, c'est-à-dire que les accents sont désormais sur le premier,
quatrième et septième temps.
4. Le darj: semblable au rythme de la hadra (danse des confréries
«soufia» populaires). C'est une invention marocaine ajoutée aux quatre
rythmes andalous déjà existants. Le darj est assis sur quatre temps avec
syncope prolongée sur deux noires. Son inçirâf darj tayer est rarement
utilisé.
5. Le quddâm: est un rythme simple à trois temps. Il devient ternaire à
deux temps à la phase inçirâf. L'accent y est toujours placé sur le premier
temps.
Pour mieux apprécier le timbre et la structure de ces rythmes, nous
avons tenu à présenter dans le tableau annexe les trois manières de
produire les cinq rythmes à savoir: à la main (tawsîd), à la darbûka et au
târ.
Al Hayek avait imaginé un système de correspondance entre les
première lettres de l'alphabet et les valeurs rythmiques; ainsi, alif (a) vaut
la croche, ba (b) vaut la noire, jim (c) vaut la noire pointée, et dal (d) vaut
la blanche.
Le baçit vaudra six temps B, le qaîm wa niçf huit temps B, le btayhi
vaut seize temps A ou quatre temps C plus un silence D, le quddâm vaut
trois temps B. Il ne cite pas le darj parce que c'est un rythme secondaire et
superflu dans l'ancienne théorie.
Al Hayek introduit aussi les genres de frappes : « nadfa » pour le son
grave (doum), «zanja» pour les frappes sourdes du bord (tek), «daffa » à
moitié grave, « fâçila » pour le silence ou bien la frappe du bord par
défaut.
Les formules rythmiques sont servies de trois façons, à la main
(tawsîd), au « târ », et à la darbûka. Le tawsîd permet d'acquérir le rythme
tout en chantant et constitue l'une des bases de l'enseignement « d'al-âla
».
Nous avons remarqué en outre que, si le tawsîd est le même partout, il
y a en revanche des différences sur ce qui concerne la production des
détails rythmiques à la darbûka et au târ entre les trois écoles principales
actuellement (Fès, Rabat et Tétouan).
L'orchestre