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Aux femmes riches, par

Deraismes

Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France


Deraismes, Maria. Aux femmes riches, par Deraismes. 1865.

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AUX
FEMMES RICHES

PAR

DERAISMES

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1 865
Tous droits réservés.
AUX FEMMES RICHES

MESDAMES, Quant à l'oeuvre collective, il n'en est pas de même ; vous


ne pouvez l'enregistrer dans vos fastes. Sans doute, quand
Si je m'adresse spécialement à vous, ce n'est point mu par vous preniez des villes, quand vous construisiez des cités,
un sentiment aristocratique; vos semblables, quelle que soit quand vous donniez des lois et quand vous fondiez des acadé-
leur condition, ont droit à toutes mes sympathies. mies, vous rendiez des services d'un, intérêt général, mais
Je vous choisis de préférence, parce que vous disposez de vous vous isoliez de vos pareilles en tant que femmes ; vous
trois moyens puissants : le loisir, l'argent, l'allention publique. vous exerciez sur un terrain qui leur était étranger ; ce que
Ceci posé, accordez-moi quelque attention. vous faisiez, Édouard III, Charles-Quint, ou quelque autre
J'ai loi dans ma cause, et j'espère que la valeur du fond homme célèbre, pouvait l'exécuter comme vous, parce que le
triomphera des pauvretés de la forme. genre masculin est susceptible de tous les actes de génie.
Je vais vous dire des choses un peu nouvelles ; mais l'in- Lorsque je parle de votre oeuvre collective, je veux qu'elle
connu a toujours une place toute prête dans l'esprit humain, vous appartienne sans partage, qu'elle soit le propre de votre
il y est attendu ou, pour mieux dire, il y existe en germe, une naiure et de vos talents, que toutes y coopèrent, qu'elle soit
parole du dehors suffit pour le féconder. enfin l'oeuvre féminine par essence; et ne croyez pas, ici, que
La société a grand besoin de votre concours, son orgueil
ce terme en affaiblisse le mérite. Maïmonide dit : « L'homme
ne lui permet point de l'avouer, mais remarquez qu'en vous est un animal sociable; il ne peut rien par lui-même; il peut
défendant l'initiative, elle vous accuse, à tout instant, de ne tout par l'association.» Cette parole est vraie et s'applique
pas la prendre.—Notre concours! direz-vous en choeur,le lui également à vous; on l'a bien commentée, bien traduite, et
avons-nous jamais refusé ? — Non, certes; mais définissons nous la retrouvons dans cette devise : L'union fait la force.
les choses. Vous savez très-bien, en ell'et, que les forces divisées, en pre-
La société représente deux activités bien distinctes : l'acti- nant des directions différentes, se neutralisent : tout a besoin
vité individuelle, l'activité collective. Et, pour qu'il n'y ait pas d'entente et d'harmonie. L'homme seul n'a qu'une action
confusion à ce sujet, je m'explique. restreinte; il ne peut suppléer à l'aide de ses semblables,
J'entends par oeuvre collective la réalisation d'un plan même par son génie.
unique par plusieurs, où chacun joue son rôle suivant ses fa-
Les efforts partiels étant limités, sont presque toujours
cultés, sa fortune, sa position. Quand vous grouperiez tous
infructueux ; aurait-on de grands capitaines sans armée? Sans
les actes individuels, jamais vous n'obtiendriez un mouvement
l'assistance d'ouvriers, Michel-Ange eût-il édifié la coupole de
d'ensemble, car chaque partie, ayant pris une direction arbi-
Saint-Pierre? L'idée, en ell'et, se conçoit dans un seul cer-
traire, ne saurait converger au même but.
L'oeuvre individuelle, mesdames, vous l'avez accomplie veau, mais elle ne s'effectue que par la masse. Voyez tous les
réformateurs, religieux, politiques, moraux : leur premier soin
dans tous les temps. Vous vous êtes appelées Sémiramis,
Balkis, Débora, Corinne, Porcia, Cornélie, Hypatie, Blanche est de se faire un parti, et des milliers de bras s'engagent
de Castille, Jeanned'Arc, Elisabeth d'Angleterre,Catherine H, pour soutenir une même cause. Que diriez-vous si, l'ennemi
Marie-Thérèse, Madame Roland, Madame de Staël, et, de étant aux portes, vous voyiez chaque citoyen sortir de sa mai-
son armé d'un fusil, s'embusquer dans le premier coin venu,
nos jours, George Sand, Rosa Iîonheur. J'omets, à dessein,
le plus grand nombre; il faudrait y consacrer un livre. Par là, sans conférer avec les autres, sans mot d'ordre, sans rallie-
ment? Vous annonceriez ta prise de la ville et vous n'auriez
vous avez prouvé glorieusement, mesdames, que vous êtes pas tort. Toutes les grandes choses proviennent de l'addition
aptes à toutes choses, que le mot devoir a une acception très-
étendue, qu'il n'est ni li\e, ni déterminé. En ell'et, l'occasion des hommes, des intelligences et des forces. Que l'être se
séparé du reste, ses pensées ne sont
seule le désigne et le précise ; ainsi, a un moment donné, un meuve dans son orbe et
soldat berce un enfant, une femme sauve sa patrie, et tous les plus que des opinions, ses actes, des particularités.
deux ont fait leur devoir, quoique sortant de la sphère habi- Vous en êtes là, mesdames, il vous manque complétement
tuelle de leurs fonctions : leur objet a été le bien. l'esprit d'association, entre vous aucune union, aucune com-
munauté d'idées, aucun dessein d'ensemble, rien enfin de ce sonne. C'est là, en ell'et, pour une femme, qu'est le point le
qui constitue l'énergie des impulsions. plus important. »
Espacées les unes des autres, toujours en rivalité, les inter- Etrange aveu pour une femme d'esprit! Ah! si on l'avait
valles qui vous séparent sont autant d'issues par lesquelles prise au mot et qu'on lui eût dit : Allez danser, madame !
entrent à flot les préjugés, les vices et les sottises. Grâce à Eh bien! cette constante division a maintenu votre infé-
votre éloignement réciproque, vous n'avez garanti la société riorité en diminuant votre énergie ; vous avez rejeté l'esprit
d'aucun envahissement désastreux. Vos critiques partielles d'alliance, et c'est l'alliance qui vous tue. Vous vous trouvez
n'ont pas amené de changement; ce que l'une blâme, l'autre isolées dans un camp bien organisé. On vous répète sans
l'accueille avec ardeur. Les hommes, à coup sur, ne valent cesse que vous n'êtes pas aptes aux choses sérieuses; que les
pas mieux que vous; ils ont leurs défiances, leurs jalousies, petites idées remplissent votre cerveau; que votre force n'est
leurs petitesses; mais pour faire triompher une idée, une opi- qu'un élan fiévreux ; que votre sensibilitén'est qu'une faiblesse
nion, ils se réunissent, se groupent les uns autour des autres, organique ; que vous êtes dépourvues de suite dans la pensée ;
ils font abnégation des mesquines rivalités, des rancunes in- que vous n'êtes que prévention, exagération; que votre vo-
dividuelles, ils ne pensent plus qu'à une chose : mener leur lonté n'est que de l'entêtement ; et que Juvénal se charge de
projet à lin. vous faire parler : Sic volo, sic jubeo; sit pro ratione volontas.
Chez vous, mesdames, le moi orgueilleux n'admet point de Ainsi je le veux, ainsi je l'ordonne; ma volonté tient lieu de
concession ; périsse l'opinion, plutôt que de renoncer au mo- raison.
nopole de la beauté et de l'esprit. Prenez garde ! l'exclusivisme Oh! vous vous révoltez souvent, mais individuellement.
a bien des dangers ! Vous ressemblez à ces divinités du poly- Vous invoquez les grandes personnalitésqui ont honoré votre
théisme, réclamant chacune le culte unique, toujours en sexe. On vous répond invariablement : Vos exemples ne prou-
guerre et rétrécissant mutuellement leur pouvoir par leur vent rien; ce sont des exceptions, et pour des exceptions on
perpétuel désaccord. Ce qui vous gâte, depuis le commence- ne refait pas des lois. Naît-il, par hasard, un géant, on paie
ment du monde, ce sont les succès faciles. Par le fait de vos volontiers pour le voir, mais on ne modifie pas son jugement
séductions naturelles et extérieures, vous charmez, vous sur l'homme ; on continue d'énoncer, dans les ouvrages qui
captivez, vous commandez et vous n'avez pour cela que la en traitent, que sa taille n'excède guère six pieds et que celte
peine de naître et de paraître. Une victoire aussi promptement mesure est généralement le maximum de sa dimension : on
obtenue a bien de quoi vous étourdir; les hommes n'en enre- n'exhausse pas les portes, on n'allonge pas les lits, parce qu'une
gistrentjamais de pareille. Or, comme il y a moins à élaborer singularité ne prévaut pas sur le tout. Là-dessus vous protes-
pour devenir Gabrielle d'Estrées que Marie-Thérèse, vous pré- tez, vous vous récriez, vous cherchez des exemples de tous
férez prendre le chemin le plus court. Sur cette voie, par les cotés, près de vous et plus loin, vons mettez en lumière les
exemple, il vous faut marcher seule; ici point d'assistance à mérites des femmes de toutes les conditions. Eh quoi ! vous
donner ni à attendre; c'est le système de l'exclusivisme le nous refusez le courage! et qui donc a su mieux mourir que
plus absolu. Vous professez ces principes dans toutes les car- Jane Grey, Marie Stuart, Anne de Boleyn, Marie-Antoi-
rières que vous poursuivez; qu'une femme très-supérieure nette, madame Roland ? Nous n'avons pas de fermeté dans
vous dépasse, loin de vous en faire honneur, de la citer nos opinions! vous oubliez donc nos martyres? Vous prétendez
comme une protestation évidente de ce que votre sexe peut encore que nous ne sommes capables ni de grandes entre-
produire, le dépit s'empare de votre Ame, vous vous rassem- prises, ni d'assiduité dans l'étude, ni de force d'impulsion!
blez entre vous, vous réunissez vos efforts pour la railler, la comptez-vous pour rien l'industrie, le commerce, le professo-
renier, de telle sorte qu'elle soit considérée comme ne faisant rat, où la femme joue un si grand rôle? Mais que deviendraient
plus partie de votre sexe. Vous tenez à lui rappeler qu'en sor- vos étoiles, vos tissus précieux, sans les ouvrières, les artistes
tant de la règle commune, elle s'aventure; et vous profitez de qui les font valoir? Et les fleurs, les broderies, les dentelles,
cette circonstance pour donner votre médiocrité comme une véritable travail de fée? Et vos boutiques, où en seraient-elles
vertu Vous accusez souvent avec moins de vivacité les femmes si une femme n'était pas là au comptoir, engageant, entraînant
qui abandonnent leurs devoirs pour se livrer aux amusements avec sa voix harmonieuse, ses finesses, sa tactique imprévue ?
du monde, que celles qui se dévouent à des études sérieuses. En fabrique, elle est l'Ame, le démiurge fertilisateur. Elle se
Vous les taxez de pédanterie, vous les assaillez de plaisante- charge des transactions du dehors, elle est l'intermédiaire, le
ries amères dès leurs premiers pas. D'autre part, la femme trait d'union entre l'acheteur et l'ouvrier. Faut-il modifier,
qui, par la force de son génie, a franchi le seuil du temple de retrancher, ajouter, elle comprend jusqu'à la nuance; elle
gloire, s'empresse d'en refermer la porte derrière elle, dans transmet l'ordre, elle lui donne une forme plus intelligible.
la crainte qu'une autre ne s'y glisse à son tour. Enfin, vous Et le professorat! quel laboratoire de vertu! Des filles qui
contestez entre vous vos talents, vous discutez votre esprit et restent filles pour soigner des parents infirmes et pauvres; des
vous croyez vous faire un piédestal de l'infériorité de vos sem- filles qui se lèvent à la nuit dans l'hiver pour vaquer aux soins
blables. Toutes les femmes supérieures ont eu ce travers ; du ménage et aller, enfin, dès le jour., doter de grammaire,
madame de Chardin, une de nos muses modernes, l'a par- de musique ou de dessin des héritières qui leur donneront en
tagé comme les autres. Dans une de ses correspondances, revanche quarante sous par heure. Et, et.... Mesdames, arrê-
elle conseille aux parents de faire surtout apprendre à leur tez-vous, calmez-vous; tout ce que vous citez là ne correspond
fille à danser avec grâce. « Autrefois, dit-elle (1), un menuet, qu'à la vie et aux intérêts privés; l'oeuvre sociale n'a rien à y
une gavotte bien exécutée décidait du sort d'une jeune per- voir. D'ailleurs, tous ces exemples sont plongés dans l'obscu-
rité d'une humble condition ; on en connaît un, pour mille
il) Lettres du vicomte de Launay. qu'on ignore. 11 faudrait, à l'instar d'Asmodée, découvrir le
oit des maisons pour prendre connaissance de ces grands tion, sans alliance. Hors de la famille est la stérilité; elle
actes intimes, sinon on peut toujours les contester; ils n'ont représente toutes les énergies, par conséquent., toutes les
pas d'évidence publique. vertus. Elle est l'école des grandes pensées, parce qu'elle est
On répète donc, sans tenir compte de vos réclamations : celle des grands dévouements. Quintilien l'a dit, et Vauve-
Les femmes sont légères, peu aptes aux choses sérieuses, sans nargues l'a traduit avec une vigueur qui a dépassé l'original :
profondeur, sans assiduitédans le travail, etc., etc., etc. Fi- « Les grandes
pensées viennent du coeur. » Où le coeur a-t-il
garo s'écrie : 0 être décevant! hélas ! que devait-il dire de son plus de jeu que dans la famille? Les nations qui l'ont négli-
maître? gée n'ont joui que d'une prospérité éphémère. La polygamie
Mais, oserais-je le dire, mesdames, on ne juge de la mar- qui, en divisant la famille, l'a détruite, est la seule cause de
chandise que sur l'étalage. Vous occupez le sommet de l'é- la décadence des États chez lesquels elle est en usage. Par-
chelle, vous êtes en tête du genre, l'influence de vos actes, tout où les femmes sont dégradées, la société périclite; quand
bons ou mauvais, a une grande étendue; le luxe est un (lam- leur vertu perd son indépendance, elle reste sans influence sur
beau qui éclaire toutes vos attitudes. L'appréciation qu'on fait leur entourage. Cette oeuvre de la famille vous appartient
de vous se porte sur la totalité féminine, car c'est toujours sans partage; nul ne peut vous remplacer dans cette tâche.
sur l'état moral de la haute société que s'établit la renommée Tâche immense, qui vous donne, avec la garde des jeunes
infamante ou illustre d'un siècle. Vous seules pouvez donner générations, l'avenir d'un pays et celui de la société. La pre-
l'initiative; vous êtes le principal moteur. Faites une chose, et mière direction des esprits est, sans contredit, la plus im-
toutes les autres vous imiteront. De plus, vous vivez dans des portante.
conditions très- favorables pour entreprendre et exécuter. Cette oeuvre est en même temps particulière et univer-
Tandis que les autres classes se fractionnent et se divisent selle. Elle doit donc s'exécuter d'après un plan unique, adopté
en différents cercles restreints, détachés dans toutes leurs par chacun et par tous.
parties et s'ignorant mutuellement, vous, membres d'un Les maisons d'éducation ont, sans doute, l'intention d'agir
même monde, vous communiquez forcément entre vous; les d'après une méthode irrévocablement arrêtée, mais leur en-
charges, les fonctions de vos familles vous rapprochent les seignement, leur mode d'existence est banal. La règle est
unes des autres, l'échange de vos idées devient alors tout na- fondée sur des caractères généraux, elle s'adresse à l'espèce
turel. et néglige l'individu. Elle ne peut tenir compte des facultés
Qui vous empêche donc de vous réunir, de vous coaliser, particulières qui le distinguent. Enfin, le côté individuel lui
de donner un premier élan ? Il est si vrai que l'attention se échappe, elle ne peut s'y ajuster ; car elle cesserait d'être une
concentre sur vous, que depuis l'apparition du roman dans le règle du jour où elle deviendrait impossible pour les autres.
monde, vous n'avez guère cessé d'en être les héroïnes. Mais, Je ne veux pas épuiser cette question j'ai à y revenir en
,
je m'interromps;je vois le soupçon se glisser dans vos âmes, temps opportun.
le doute plisse votre front, depuis que je vous parle; vous me J'ai ébauché votre rôle dans la famille privée.
prenez pour un disciple de Saint-Simon. Vous me jugez ca- Esquissons maintenant celui qui vous attend dans la
pable de vous inciter à !a révolte, et de vous contraindre, en grande famille sociale; il n'est pas au-dessous du premier.
réclamant vos droits, à partager les corvées masculines. Non, La nature vous a gratifiées de qualités spéciales; vous
mesdames, rassurez-vous; je ne fais pas partie de ces dange- exercez une fascination que l'on subit avant d'avoir le temps
reux amis qui cherchent à vous rendre ridicules; loin de moi de s'y soustraire. Aussi les hommes n'ont-ils pas voulu
cette intention niaise ou perfide. J'ai l'habitude, quand je veux ajouter à cette puissance naturelle celle que vous conférait le
avoir une vue nette des choses, de consulter la nature, elle droit.
me semble toujours la meilleure conseillère; lorsque le factice Par prudence, ils vous ont refusé l'égalité intellectuelle, et
tend à nous dominer, elle seule nous remet dans la voie : en ont cru, en vous estimant de moindre valeur, échapper, en
revendiquant ses droits, elle nous sauve. partie, à votre empire. Malheureusement, ils n'ont pas com-
La nature, mesdames, vous a indiqué vos fonctions sans pris qu'en vous abaissant ils s'abaissent eux-mêmes, et que
ambiguïté. Vous résumez toute la famille, la paternité s'af- le plus sur moyen d'en sortir honorablement, c'est, ne pou-
firme de votre vertu, car elle n'est, en vérité, qu'un acte de vant éviter votre influence, de la rendre intelligente.
foi. Sans vous, point d'intérieur, point de maison, point de D'un autre côté, vous vous êtes efforcées de conquérir,
liens; l'éducation gît tout entière en vous. Je dis tout entière par des voies détournées, ce qui vous était ouvertement in-
parce que vous jetez les premières semences dans l'esprit hu- terdit.
main, semences qui décident de toute la vie. De là, les procédés, les expédients, les ruses employées à
En vous destinant Spécialement à la famille, ne croyez pas cette fin ; de franches que vous pouviez être, on vous a faites
être bornées au rôle purement sentimental ; pour moi, le sen- hypocrites.
timent qui n'est point dirigé par la pensée, n'est qu'une ma- Les hommes, me direz-vous, détestent que nous brillions
ladie. Vous allez me faire une objection je vais aller au par les qualités qui leur sont propres ; les femmes savantes
,
devant. ont, pour eux, peu de charme. Oui, je le sais. Ils proclament
La famille, me direz-vous. est une oeuvre privée, et vous bien haut cette opinion mais ils lui portent toute leur vie un
,
avez réclamé de nous, en commençant, l'oeuvre collective. perpétuel démenti ; et le premier soin d'un mari est de re-
La famille, c'est la société en raccourci nous la retrouvons procher à sa femme l'étroitesse de ses idées et son igno-
;
même dans les conceptions les plus élevées, dans les théogo- rance. Cicéron délaissa Terentia pour courir après une cer-
nies, dans les cosmogonies. La création revêt cette forme qui taine dame qui, disait-il, entendait très-bien la philoso-
est celle d'ailleurs de la divinité: rien ne se fait sans conjonc- phie.
Il faut le dire, l'homme, en s'ignorant lui-même, ignore La dessus, Malvina pourrait répondre : « Mon cher chro-
ses goûts : nous sommes souvent pris par ce que nous pen- «
niqueur,je suis très-flattéede l'emporter sur madame trois
sions devoir le moins nous plaire. « étoiles, chevalière, etc., etc.; malheureusement, mon
Après tout, mesdames, l'esprit, le savoir, sont encore l'ai- «
triomphe sera de courte durée et m'abandonnera à mi-
mant le plus irrésistible; ils charment jusqu'à ceux qui en « chemin : nul ne peut retenir ses dix-huit ans, pas même
sont dépourvus, et c'est en quoi consiste leur supériorité. « vous. Nous
vivons bien plus longtemps en dehors de la
Croire que les dons naturels que vous avez reçus en par- « jeunesse que dedans ; si la Parque ne tranche pas ma vie
tage, vous dispensent d'y rien ajouter, caresse une disposi- « prématurément, j'aurai un jour cinquante aus, je ne serai
tion paresseuse de la créature humaine. Triompher sans « plus charmante, je ne vous plairai plus. Une madame trois
peine, quel attrait vertigineux ! Je remarque, avec souci, que « étoiles quelconque, chevalière, etc., etc., etc., aura alors
tous les écrivains qui ont parlé en ce sens, ont été par vous « tout avantage sur moi ; vous estimerez plus un peu de
fort bien accueillis. Il y a une centaine d'années, Jean-Jac- « pourpre à sa boutonnière que le placard de rouge étalé
ques Rousseau fit fureur parmi vos trisaïeules, elles en raffo- « sur mes joues ; l'un sera le signe de l'esprit, des talents et
laient. Et, de tous les paradoxes dont son immense talent « du mérite, l'autre dénoncera mes prétentions à la co-
s'est fait l'interprète, je ne connais rien de plus absurde que « quetterie et le ridicule de mon aveuglement. Et, cinquante
ce qu'il a dit des femmes et de l'éducation. « ans pour
cinquante ans, tasse de thé pour tasse de thé,
Du reste, est-il au monde un auteur qui, à ce sujet, se « vous irez du côté de l'intelligence, de l'instruction et des
soit plus fustigé lui-même! 11 émet du même coup la théorie « talents. D'ailleurs, vous reviendrez sur vous-même, et
et la critique. Cet amant, mari de la servante Thérèse, ou- « vous vous direz : Moi aussi j'ai été jeune, que sont de-
blia trop ce qu'il devait à l'influence et à l'initiative des « venus mes avantages d'autrefois ? J'avoue franchement que
femmes. «
si je n'avais pas eu recours à l'esprit, j'en serais réduit à
Sophie, qu'il nous représente, est le type de la jeune « zéro. »
fille, elle n'est douée que d'un esprit ordinaire ; elle ne doit Persuadées, mesdames, que toutes vos ambitions se bor-
pas avoir d'idées arrêtées, puisque la vie de la femme n'est nent à plaire, vous vous y appliquez exclusivement. Plaire est
que soumission ; une conviction trop forte nuirait à la sou- sans doute un grand point; inspirer la sympathie est indis-
plesse de son caractère : n'étant pas appelée à commander et pensable, parce que la sympathie est le premier lien social;
à prendre des décisions, on la prépare à subir celle des par elle, les hommes sont attirés les uns vers les autres; seu-
autres. lement cette faculté attractive n'est pas égale dans tous les
Quelle femme parfaite que Sophie! Elle est en tout bien sujets.
digne d'Émile. Ces deux êtres exceptionnels s'unissent, ô Il y a plusieurs moyens de plaire : on plaît par la forme,
malheur! Au bout de quelques années, Sophie, l'incompa- on plaît par le fond. La forme a un effet immédiat ; c'est donc
rable Sophie, ne suivant que trop le plan de son éducation un grand avantage de la posséder.
qui lui interdit une conviction forte, capable de résister à Mais quand je dis forme, je l'entends dans sa plus vaste
Émile lui, plus amant acception. Je la comprends comme la conçoit Aristote : le
une influence étrangère, réduit ,
qu'époux, lui, plus embrasé que l'Etna, au rôle de George principe de l'individualité.
Dandin d'Amphitryon en voyage? 0, mes trisaïeules! En effet, elle distingue chaque être et chaque chose. Le
,
pourquoi avez-vous tant aimé Jean-Jacques? Ne vous a-t-il corps, le coeur, l'esprit, ont chacun une forme particulière, par
pas traitées, en cette circonstance, bien dédaigneusement? laquelle personne ne peut être confondu. A coup sûr, nous
Il vous donnait le change, c'est vrai, par les aphorismes de avons tous des os, de la chair, des proportions à peu près pa-
la pédante Julie. reilles, un galbe général et une certaine conformité d'idées et
On vante beaucoup votre finesse, mais j'avoue qu'en plus de sentiments; mais, en somme, nous n'avons qu'un rapport
d'une circonstance il m'arrive de la trouver en défaut. Vous d'ensemble: la différence est dans le détail. Le détail concerne
tombez dans les piéges qu'on vous tend avec une bien grande la forme ; les traits, la démarche, l'humeur, le style.
naïveté; un mot, une pointe, une raillerie suffisent pour vous « Le style,
c'est l'homme, » dit Buffon; et il n'a pas compris
démonter et paralyser votre bon sens. Que vous lisiez seule- seulement que le style faisait connaître à fond tel ou tel, mais
ment quelques lignes dans le genre de celles qu'un chroni- que le style n'était autre chose que l'esprit individualisé. Il
queur en vogue a écrites ces temps derniers, à propos de avait raison. Nul n'a une idée réellement originale ; car tout
femmesdécorées, vous voilà déconcertées, découragées; tan- autre peut l'avoir aussi, et il n'est pas rare de rencontrer,
dis qu'il ne faudrait qu'un mince argument pour répondre à dans le même temps, des hommes ayant conçu une même
de tels persiflages. pensée. Ce qui appartient à l'individu, c'est la façon de l'ex-
Je no résiste pas au désir de reproduire ce passage : « Je primer. Maintenant procédons par ordre. La forme corporelle
me demande si les femmes gagnent beaucoup à cette dis- a un attrait égal pour tous ; nul ne refuse son adhésion à la
tinction ? Quand madame trois étoiles, chevalière de la Lé- beauté, avons-nous dit. Un joli homme ou une jolie femme
gion d'honneur, m'invitera à prendre le thé, elle accusera séduit par le fait seul de son apparition avant d'avoir parlé ou
du même coup quarante ou cinquante ans ; et je vous avoue écrit. Ceci abrége beaucoup de temps. Une impression agréa-
que je suis dans le cas de préférer l'invitation de Malvina, ble dispose favorablement les esprits. Mais, il faut le dire,
avec ses dix-huit ans, malgré son manque complet de déco- cette beauté est de tous les dons le plus passager ; on n'en est
ration (1). » que le propriétaire temporaire; on n'a pu rien faire pour se la
donner, on peut encore moins la retenir.
(1) Chronique du Temps, par M. Auguste Villemot. Or, je vous le demande franchement, n'est-il pas du plus
élémentaire bon sens de sacrifier surtout aux choses desquelles à la table du roi. A vous dire vrai, sans diminuer le mérite
nous devons jouir le plus longtemps? Un exemple : admet- d'Esther que je tiens pour une vaillante femme, puisqu'elle a
tez que le grand Condé fut, au moment de Rocroy, le plus bravé la colère d'un souverain asiatique pour sauver sa na-
beau garçon du monde, Adonis, Narcisse ou Phaon, et que, tion, j'eusse préféré la voir faire triompher sa cause par son
vainqueur sur le champ de bataille, vainqueur dans les bou- esprit, ses arguments, sa vertu, que par quelques prestiges
doirs, il eût hésité, un instant, entre ces deux carrières à sui- extérieurs.
vre, soit celle de grand capitaine, soit celle de séducteur irré- L'histoire d'IIérodiade et de saint Jean vient encore à
sistible soumettant et voyant à ses pieds les plus belles et les l'appui de ce que j'avance, et nous pourrions produire ici bon
plus nobles femmes du monde. Croyez-vous que s'il se fût nombre de faits semblables.
décidé pour la seconde et qu'il l'eût embrassée exclusivement Cet ascendant de la beauté une fois admis, qui peut nous
(nul ne peut servir deux maîtres), il se fût trouvé vainqueur à garantir des sottises, des crimes? Et vous-mêmes, mesdames,
soixante ans, en matière galante, comme il le fut à Senef ? que deviendrez-vous?
Quel rapport existe-t-il entre une femme et le grand Condé, La première fillette venue, au minois attrayant, aux allures
décolletées, l'emportera sur vos vertus, votre esprit et votre
me direz-vous ? Nous n'avons qu'un seul genre de victoire,
savoir. Il lui suffira d'être ou plus belle que vous, ou d'offrir
nous ne pouvons avoir l'embarras du choix. D'accord, il vous
faut plaire, rien de mieux. Mais les moyens de plaire sont simplement le charme de la nouveauté. Désormais, il vous est
nombreux, et il est bon de faire un choix. impossible de rien préparer, de rien préjuger, de rien décider ;
Vous prétendez que la beauté persuade plus que n'importe vos projets, vos espérances échoueront sur ce récif qu'on ap-
pelle la forme matérielle.
quoi. Ici, vous prononcez un jugement trop absolu, et j'ai re-
Mais je me reprends. Il ne vous suffit pas d'avoir de la
marqué, en général, que les femmes belles n'étaient pas plus
beauté, vous y joignez l'art de plaire pour doubler vos forces.
heureuses que les laides. Pourquoi? Donnera-t-on pour raison
L'art de plaire est cette forme de l'esprit qu'on appelle la
que les laides ont toujours plus de qualités que les autres, coquetterie. La coquetterie est de toutes les combinaisons in-
dans ce cas, on ferait erreur. J'ai connu beaucoup de laides,
tellectuelles la moindre, elle n'a ni principe, ni théorie; elle
j'en connais encore (on en connaît toujours), qui, sans un
n'est que trucs et ficelles. Il est certain qu'une féerie attire
surcroît de vertu et d'esprit, n'ont eu des amants ou des ma-
plus de monde qu'une tragédie de Corneille; seulement elle
ris ni moins aimables, ni moins fidèles que ceux des belles.
n'immortalise pas son auteur. En somme, à ce jeu, auquel
Je crois, d'après certaines observations, que la beauté cap-
vous vous dévouez corps et âme, vous gagnez peu et vous per-
tive, d'autantqu'elle est inattendue et qu'elle nous cause une dez beaucoup. La coquetterie, comme la beauté, n'a qu'un
sensation de surprise. Il est facile de comprendre qu'on
ne temps; et une Célimène quelconque n'a guère que dix ans de
puisse plus s'étonner de ee qu'on voit tous les jours. L'habi- vie, à partir de l'âge de raison. Malheureusement, l'esprit
tude de contempler la beauté incessamment amortit l'impres- prend des altitudes comme le corps, et rien ne peut les lui
sion de plaisir qu'elle nous cause. On peut juger de la vérité faire perdre.
de cette obsenation par ee qui se produit dans les
pays où Une fois exercé à la coquetterie, l'esprit conserve bien au
toutes les femmes sont belles; les hommes n'y sont ni plus delà de la saison cette tournure de minauderie, de grimaces et
amoureux, ni plus constants. Du reste, mesdames, dans tous de petits manéges si choquante et si ridicule chez les femmes
les cas, il serait bon, pour vous et pour la société, d'éloigner
d'un âge avancé.
de la pensée que la puissance de la femme ne gît absolument
Autant les esprits, s'aiguisant par un frottement mutuel,
que dans sa beauté. jettent un plus vif éclat, autant l'esprit de coquetterie souffre
D'abord, vous n'êtes pas toutes belles, vous n'êtes de la concurrence. Deux femmes, d'un genre de beauté diffé-
pas tou-
tes gracieuses; alors que deviendra le plus grand nombre? rente, peuvent se faire valoir réciproquement par le contraste,
Dans quel abîme précipiterez-vous la société, si vous profes- mais deux coquettes se nuisent forcément: l'une évince l'au-
sez que la beauté seule captive les hommes? que toute la supé- tre. D'ailleurs, la coquetterie ne se développe que dans le re-
riorité féminine est là?
pos de la confiance ; les inquiétudes et les soupçons ôtent les
On cite l'exemple d'Esther : Esther est jeune, belle,
gra- avantages qu'on possède, le visage s'altère par les contrac-
cieuse. Elle se présente devant Assuérus, et, malgré la
morgue tions de l'amour-propre, l'intelligence s'ébat en vain pour
du despote de l'Asie, malgré l'étiquette qui ne permet
pas trouver une parole, un trait d'un ell'et irrésistible. Pendant le
qu'une de ses femmes ose paraître devant lui sans son ordre, triomphe de sa rivale, la coquette fait deviner son dépit par
elle est accueillie, exaucée. Mais qu'est-ce que cela prouve? l'affectation de sa gaieté et la turbulence de sa conversation.
La vertu joue-t-elle le rôle le plus important dans l'affaire? Elle voudrait terrasser son ennemi en multipliant ses ressour-
Non. Voyez la conséquence si, par hasard, une des servantes parvenir paralysent ses in-
ces, et les efforts tentés pour y
d'Esther, belle aussi, ce qui se rencontre, avait imaginé de
sou- spirations. L'esprit de coquetterie n'a ni idée, ni conviction;
tenir la cause d'Aman, et que, peinte, attifée, couverte des ha- il se soucie peu de la vérité ou de l'erreur; il cherche des
l'oreille et aiguil-
bits de sa maîtresse, dont la garde-robeétait confiée à
ses soins, mots, des saillies, des pointes pour frapper
elle se fût présentée simultanément devant Assuérus. Le
mo- lonner la galanterie. Son enthousiasme factice n'est qu'un
narque assyrien était contraint de comparer, et s'il eût été prétexte à l'animation; aussi est-il une série de jouissances
captivé, ébloui de l'éclat de la servante,
au détriment de sa intellectuelles que la femme coquette ignore. Une fois dans le
maîtresse, Esther perdait sa cause. Jugez combien les événe- monde, le désir de plaire la domine, tout ce qui distrait l'at-
ments changeaient : Mardochée était pendu ; Aman, de fe-
sa tention qu'elle réclame devient pour elle un adversaire ; qu'une
discussion sérieuse s'engage dans un salon, qu'elle
nêtre, donnait le signal du supplice et dînait, séance tenante, offre pour
tous un vif intérêt, la coquette dissimule à peine son impa- nos jours, tout ce qui consacre le temps est encore revêtu
tience et son malaise. Au théâtre, elle oppose une représenta- d'une sorte de caractère divin. Les Grecs le surnommaient
tion à une représentation,elle veut partager le succès de la Pancratès (maître de tout!) Nous l'appelons aujourd'hui
soirée; et si le public l'oublie, absorbé par le charme de la grand maître.
musique ou le talent de l'artiste, elle est près de quitter la Pourtant mettre des scrupules à attaquer ce qui a survécu
salle; on la voit morose, indifférente, inaccessible à l'entraî- d'âge en âge est une erreur; car il suffit qu'une sottise flatte
nement général: étrangère à toute sensation, elle ne cherche une infirmité du genre humain, pour se perpétuer sans in-
qu'à en produire. Disons-le donc, une femme qui professe la terruption.
coquetterie subit le plus rigoureux esclavage, elle achète les Le temps, mesdames, ratifie donc votre infériorité sociale.
suffrages et les succès au prix de son indépendance. Certes, En fouillant dans tous les codes, nous verrons depuis Manou,
l'esprit de coquetterie devrait disparaître avec la jeunesse et la la loi des douze tables, jusqu'au Code Napoléon, une supré-
beauté ; mais, comme nous l'avons observé plus haut, il se matie très-marquéedu genre dit noble. Ceci vous démoralise
maintient. Le cerveau qui n'a contenu que de mesquines idées un peu, ou, pour être plus juste, vous encourage dans la
ne peut plus en introduire de profondes. Vous
banniriez plus même voie de futilité et d'inertie. Étrange histoire que la
facilement le sourire des lèvres d'une fille de quinze ans, que vôtre ! Il existe beaucoup de légendes à votre égard, qui, bien
vous ne rendriez sérieuse une vieille coquette. que très-vénérables, n'en sont pas plus explicites.
Ce qu'il y a de curieux, mesdames, c'est que vous vous Si nous recherchons avec attention, nous trouvons qu'une
beauté et de jeu-
moquez réciproquement de ce déclin de erreur physiologiquea décidé de l'inégalité des deux genres.
nesse. Il semblerait que vous ne passerez
jamais, les unes On a cru longtemps que, dans la reproduction, les deux fac-
comme les autres, par ce terrible quart
d'heure. Qu'une teurs n'avaient pas une même somme d'influence. D'après
Hébé sur le retour cherche à déguiser sa décadence, vous certaines hypothèses et observations légères, on affirma que la
vous cotisez toutes pour lui lancer l'épigramme.
Allons! femme ne possédait pas le germe de l'être, mais qu elle ne
des faiblesses et
soyez justes, ayez un peu d'indulgence pour faisait que le nourrir et le développer, comme la terre à
des ridicules que vous partagerez un jour. N'est-il pas na- l'égard du grain.
turel, d'ailleurs, que les femmes du monde, limitant leur vie L'espèce féminine fut alors considérée comme passive et
à la durée de leurs succès, cherchent par tous les moyens à réceptive. Par conséquent, le principe actif, l'homme, eut
un
prolonger leur agonie? degré de noblesse de plus. La doctrine hindoue, Pythagore,
Enfin, mesdames, d'après ces quelques réflexions, nous Gallien professèrent une opinion identique; quantité d'autres
voyons clairement que la beauté et l'art de
plaire ne sont que même entrèrent d'inspiration dans les plus scrupuleux dé-
des instruments de division, des ferments de discorde au mi- tails, et précisèrent les fonctions spéciales de chaque agent.
lieu de vous qu'ils absorbent toutes les facultés sérieuses qui L'homme, suivant eux, fournit le système nerveux, la moelle
,
vous ont été départies. Vous négligez le foyer, pour ne
suivre épinière, le cerveau, enfin tout l'organisme intelligent; la
des yeux que la flamme; vous faites admirer en vous l'oeuvre femme, l'élément corporel ou mécanique. De nos jours, quel-
de la nature, et vous brillez, enfin, par ce qui vous appartient ques physiologistes partagent encore cette opinion, tandis que
le moins. beaucoup d'autres se sont ralliés à l'opinion contraire; parmi
Souvenez-vous, pourtant, que madame de Maintenon ceux-ci, nous comptons le célèbre Linné qui prête à l'élément
charma à quarante-cinq ans Louis XIV, qu'elle supporta, féminin la formation du principe médullaire et du système
sans succomber, la comparaison de toutes les rivalités pré- nerveux, enfin les organes des facultés mentales. La doctrine
sentes et de toutes ces suaves ombres du passé, qu'en un la plus rationnelle, celle qui s'appuie sur le plus grand nombre
mot, elle réussit par son esprit, par cette fermeté de la de faits et d'observations impartiales, formule la loi de l'uni-
pensée qui étonna, captiva et asservit l'homme le plus orgueil- versalité d'influence des deux sexes.
leux du monde. Il n'y a rien d'absolu, il n'y a rien de constant, tout est
Ce fut beaucoup moins par ses charmes que par les res- possible en celte matière ; le père et la mère
peuvent égale-
sources de son intelligence, la sûreté de ses vues, que l'épouse ment transmettre l'un le physique, l'autre le moral de l'être.
de Pierre le Grand s'attacha l'illustre barbare. Rappelez-vous La doctrine de l'action élective do chaque sexe est inadmis-
les femmes du dix-septième et du dix-huitièmesiècle. Elles sible. Cette vérité, Empédocle et Hippocrate l'avaient entrevue
ne doivent leur retentissement qu'à leur goût des lettres et dans l'antiquité. Zacebias(l), Buffon, Manpertuis(2), Girou(3),
des sciences. Les gens illustres qu'elles surent grouper au- Dugès (4) et Burdach (5) l'ont confirmée dans les temps
mo-
tour d'elles, en les protégeant, les ont fait resplendir du plus dernes. L'histoire fourmille d'exemples irrécusables, où les
brillant éclat. Qu'elles soient pour vous un favorable antécé- caractères moraux de la mère se retrouvent chez le rejeton
dant; votre mandat a un parcours plus vaste et plus glorieux. pour la gloire ou la honte de celui-ci.
Leur oeuvre n'était qu'aristocratique, la vôtre doit être démo- Nous reconnaissons dans les Gracques la vigueur de
carac-
cratique : c'est-à-dire universelle. tère et l'intelligence de Cornélie ; dans Néron, la lubricité et
Vous êtes riches! c'est à vous de, donner le signal. Vous la cruauté d'Agrippine; dans saint Louis, l'ascétisme de
hésitez, vous doutez de vous-mêmes, l'arrêt, prononcé sur
vous depuis tant de siècles, pèse encore sur votre volonté. (1) Zacchias, Quoestion me<l. leg., lib. I, lit.
Ah! mesdames, quoi que nous disions, nous nous ressentons v.
(2) Maupertuis, ton. II. Vénus physique, part. I, chap. XIII, pag. 60,
et
toujours des vieilles croyances! lettre XVII.
(3) Girou, de la Génération, p. 114 i.
Orphée avait fait du Temps le premier des dieux; la théo-
(4) Physiologie comparée, IV loc. cit.
gonie perse l'avait proclamé auparavant dans les Zends, et, de (5) Burdach, OEuvres complètes.
Blanche de Castille; dans Jean sans Peur, le caractère domi- mais cette égalité ne fut qu'une égalité d'outre-tombe;ici-bas,
nateur et impérieux de Marguerite de Brabant ; dans Henri IV, votre rôle ne devait être que négatif.
l'esprit des grandes affaires, le coeur invincible aux grandes Saint Paul parle des femmes avec une sorte de dédain et
adversités de Jeanne d'Albret; dans Louis XIV, la fierté de mauvaise humeur, toutes ses prescriptions tendent à les
d'Anne d'Autriche. effacer, il leur accorde le droit au silence et à la soumission;
Tout le monde sait que la mère des deux Chénier était une saint Augustin tombe d'accord avec lui (1). Origène, qui ne
femme aussi belle d'esprit que de corps. Buffon rappelait voyait dans les corps qu'un épaississement ténébreux des
Ames, ne pouvait pas adrnettre la nécessité des sexes, et la
avec orgueil la rare intelligence de sa mère (1); Goethe avait
de la sienne l'esprit et l'égoïsme. femme ne lui apparaissait que comme une déviation de l'être.
En tant que négatives, vous fûtes représentées par Marie.
La représentation du type maternel, quant à l'intelligence,
Les apôtres, dans leurs correspondances, ne parlèrent jamais
est si évidente, elle y est si profonde que, d'après Burdach, il
de la mère de Jésus; l'obscurité semblait être sa plus grande
existe des langues où elle lui est consacréejusque par les mots;
gloire. Votre activité pourtant ne s'était pas ralentie. La con-
telle est la langue allemande, dans laquelle le bon sens s'ex-
fession chrétienne recrutait en vous des martyres, la roue
prime par le mot mutterwitz, l'esprit maternel (2).
broyait vos chairs, vos os craquaient sous la dent des tigres,
Vous comprenez bien alors, mesdames, que l'antiquité,
vous portiez individuellementune pierre à l'édifice de la civi-
professant généralement l'abstention de la femme dans la lisation nouvelle.
nature intellectuelle du produit, dut réduire considérablement Rassurez-vous, la grande Diane d'Éphèse n'était pas morte !
l'importance de son rôle dans la société. Rayée, pour un instant, du grand livre de la croyance, elle
Qu'importait la culture de votre esprit, celle de votre âme, devait reparaître et rayonner. Ce principe féminin indispen-
puisque l'homme fournissait seul l'élément spirituel et dyna- sable manquait aux consciences. De Marie obscurcie, on fit
mique? Les cosmogonies se formulèrent d'après cette opinion, Marie lumineuse. Le titre de mère de Dieu lui fut longtemps
la tbéogonie personnifia, divinisa les éléments primordiaux et contesté, mais enfin le procès fut gagné en votre faveur, et
le produit de leur union, elle féminisa le principe réceptif,
vous devîntes presque divines, par la maternité, dans la per-
tandis que le principe actif fut rangé dans le genre mâle.
sonne de Marie. Ce culte à la mère de Jésus s'étendit tous
Ne vous imaginez pas pourtant, mesdames, que cette re- les jours. De passive qu'était la figure de Marie, elle devint
présentation divine de votre espèce, dite inférieure, n'eut pas souverainement active au fur et à mesure, les épithètes s'enno-
une grande influence. Quand un principe repose sur une blissent, on l'appelle reine du ciel, à la royauté le pouvoir;
erreur, il n'est pas susceptible de recevoir une application elle est le démiurge indispensable. Interprète du Père et du
intégrale, il gène la nature; on le transgresse, on le mutile
Fils au milieu des humains, elle entreprend le sauvetage uni-
sans même s'en rendre compte. versel des âmes; elle est le refuge, ie secours par excellence;
Subordonnées dans la famille, dans la société, on vous vit
qui dit protection dit force; elle se place devant chaque pé-
pourtant atteindre la domination suprême : la royauté. Eu cheur, en déguise la laideur, en mitige la disgrâce; c'est, en-
religion, la vénération se reporta plus particulièrement vers
fin, la Diane d'Éphèse ressuscitée sous une forme nouvelle,
les divinités féminines, leur culte absorbait presque toute
transfigurée, resplendissante ; ce n'est plus la divinité tellu-
l'attention publique. Qui ne sait les mystères, les initiations
rique aux multiples mamelles, cette nourricière des corps,
terribles, les cérémonies gigantesques et luxueuses d'Isis et
c'est la vierge svelte et élancée, aux formes chastes qu'on de-
de Déméter? Qui ignore le nom des Thesmophories, des
vine à peine sous d'amples draperies ; elle alimente le coeur et
Eleusinies? solennités célébrées avec tant de pompe dans
l'esprit, elle est la pensée et l'amour; elle ne se borne pas à
toute la Grèce ?
Quand saint Paul prêcha les Éphésiens, si adonnés au culte un temple, à une contrée, mais à l'univers; les autels, les cha-
pelles, les basiliques se placent sous son invocation ; ses appa-
de Diane, il y eut un instant où la foi nouvelle', mise aux
ritions sont fréquentes; à elles les premières [trières, car elle
prises avec l'ancienne croyance, imprima aux esprits une sorte
est la première étape de la conversion.
de terreur. Un cri s'exhala de toutes les poitrines, cri funèbre
et renfermant plus d'un regret : La grande Diane d'Éphèse est Que ressort-il de tout cela? que l'élément féminin est re-
morte ! vêtu d'un caractère éternel, quelle que soit la variété de ses
En effet, avec la religion chrétienne on vit disparaître deos
femineas. noms; qu'il est nécessaire, et que loin d'être passif, il est
essentiellement agissant.
La puissance divine représenta exclusivement le principe
Une sorte de défaveur illogique courbe encore vos fronts;
mâle, seul fécond, seul créateur.
pourtant individuellementvous essayez, sans relâche, de bri-
Les Pères de l'Église répandirent cette opinion, et ïertul-
lien refusa à la femme, considérée physiologiquement, la
ser votre joug, mais collectivementvous l'avez accepté.
Divisés, vos mouvements sont à contre-temps; et en man-
puissance du germe constitutif de l'être. Pour lui, l'âme ve-
quant d'harmonie, ils manquent le but.
nait du père, et il ne voyait dans la mère qu'un nid où elle Si, en particulier et en masse, vous vous arrangiez de cet
passe et vient éclore (3). état de choses et que ceci ne regardât que vous seules, je n'au-
Pourtant vous fûtes appelées au partage des biens spirituels, rais pas le plus petit mot à dire; mais la société en souffre,
elle réclame de vous ce que vous n'avez pas encore su lui don-
(1) Hérault de Séchelles, Voyage à Montbard, p. 24.
ner : l'oeuvre d'ensemble.
(2) Traité philosophique et physiologique de l'hérédité naturelle, par le
docteur Prosper Lucas, t. II.
(3) Tert., de Anima, cap. XIX. (i) Cité de Dieu.
Les hommes sont beaucoup ce que vous les faites. Com- est l'oeuvre? Le plus grand nombre des romanciers a choisi
ment se soustrairaient-ilsà votre influence, puisqu'ils subissent ses types parmi vous. C'est pour eux une chance de plus
celle de l'hérédité maternelle? Le fils d'une femme supérieure de succès. Quel plaisir pour l'humble lecteur d'être introduit
est presque toujours un homme distingué. dans ce mondeélégant dont les portes lui sont fermées ; com-
Plus tard, ne représentez-vous pas toutes les phases de la bien sa curiosité est satisfaite quand il en pénétre les intri-
vie de l'homme? Est-il un recoin dans son existence où vous gues et les scandales ! Il referme le livre et s'écrie : Ah ! je
ne jouiez un rôle, mère, soeur, maîtresse, femme, fille? connais les femmes du monde! Et vous voici jugées à jamais.
Qu'est donc devenue entre vos mains la jeunesse de notre Le roman vous discrédite; il vous représente invariablement
époque ? Elle est grêle de corps et d'esprit; elle est, en bêtes ou criminelles. Indépendamment de ces inconvénients,
la lecture exclusive du roman et des feuilles légères a considé-
un mot, maladive et hébétée; véritable ruine ambulante, sa
figure porte les stigmates des folies du jour et des débauches rablement abaissé, dans le monde, le goût et l'esprit. Les
de la nuit. Vous, mères, comment l'avez-vous élevée? Vous, organes de l'intelligence sont comme les autres : Si on ne les
femmes de bien, qu'elle est l'influence de votre contact? Les exerce, ils s'enrouillent. L'absence de toute tension d'esprit
hommes errent et vous les suivez dans tous leurs écarts, sinon finit, lorsqu'elle se prolonge, par vous en rendre incapable.
dans le fond, du moins dans la forme. Dans ce genre d'écrit, le lecteur reste constamment un être
Toutes vos vertus sont stériles, et vous laissez les femmes passif, il reçoit des impressions, s'émeut, mais n'agit en rien
légères, gent de désordres et de scandales, faire seules preuve par lui-même. En histoire, en philosophie, c'est bien diffé-
d'activité. rent; l'intelligence est toujours sur la brèche, la mémoire
Par moments, le dépit vous rend une certaine vigueur et ne cesse d'être sollicitée, la conception se subtilise en fonc-
vous voulez combattre. De quelles armes vous servez-vous? tionnant; si un terme est obscur, vous l'élucidez par votre
De celles de vos adversaires. Armes dont vous n'avez pas le propre raisonnement, vous êtes mis en demeure de comparer
maniement. Au lieu de les attirer sur votre terrain, vous les et de juger; votre rôle devient actif.
poursuivez sur le leur ; ce n'est pas elles que vous convertissez J'appuie sur l'urgence de la lecture et de son choix, parce
vous, mais c'est vous qu'elles convertissent à
elles. qu'il y a pour les esprits, au contact de notre monde moderne,
déperdition considérable. J'entends le monde des plaisirs et
Vous, femmes riches, vous, femmes du monde, comment des fêtes, des bals et des courses : on n'y pense pas et l'on y
s'emploie votre vie? Ne se résume-t-elle pas tout entière en parle mal. Si, par nécessité de position, vous voyez des
visites, en plaisirs, en toilettes? Quelles sont vos occupations hommes sérieux au milieu de cette ineptie générale, vous êtes
sérieuses? Vous n'avez pourtant que la surveillance de vos sûres qu'ils se rassemblent à l'écart, formant de petites acadé-
maisons; un grand temps ne doit-il pas vous rester? mies et se gardant bien de se commettre avec le reste.
L'intelligence est comme la terre, elle demande à être in- Au haut de l'échelle du monde élégant se tient l'homme de
cessamment cultivée. cheval, c'est le type caractéristique de l'incurie intellectuelle à
Vous lisez des romans, de petits journaux. Lit-on autre notre époque. Il conduit le mouvement. De quel métissage
chose? me direz-vous. Non ! mais la conduite de la vie ne doit provient cet être singulier? Nul ne le sait. A-t-il jamais senti
servile. Faites, autant que possible, le battement de sa cervelle? On
pas être une imitation en doute. 11 a son langage,
mieux que les autres. Les lectures sérieuses ont seules de chaque animal a le sien, mais, chose triste, il le propage; car
il est plus facile de se dégrader
l'intérêt. que de s'ennoblir. Placés for-
Q'une femme de condition médiocre, dans un rare instant cément dans ce milieu, ne pouvant pas opérer tout à coup une
de loisir, choisisse un livre distrayant, cela se conçoit; elle n'a réaction favorable, appliquez-vous à saisir tous les moyens
ni le temps ni la liberté d'esprit voulus pour s'appliquer à une régénérateurs, à protester énergiquement contre cette déca-
lecture abstraite. Mais, vous, quel obstacle pouvez-vous allé- dence morale. Dans l'intérieur de vos maisons, à l'instar des
guer? D'où vous vient cette prédilection pour le roman? En \estales, entretenez ce foyer sacré qu'on appelle l'esprit.
quoi peut vous charmer cette exhibition de passions dont vous Plusieurs d'entre vous se passionnent aussi pour ce qu'on
n'avez jamais vu d'exemple; de maris, d'amants infâmes, stu- appelle les petits ouvrages, broderies, tapisseries, crochets.
pides ou parfaits. Qu'a de si flatteur pour vous le roman mo- J'approuve grandement que vous sachiez tenir une aiguille,
derne? Ne vous fait-il pas voir, en général, sous un jour défa- les alternatives de la fortune sont si imprévues, qu'on
ne peut
vorable? Vous glorilierez-vous de mesdames de Nueingen. jamais savoir dans quelle classe on sera un jour. Les plus
Rastignac, Marneff, Bovary, Fanny, horde frivole, fantasque, humbles talents sont donc d'une connaissance utile, puisque
romanesque ou dévergondée? Vous m'opposerez, j'en suis les premiers besoins les réclament; mais, en dehors de
ces
sûr, la baronne Hulot, Eugénie Grandet. Soit. Elles sont esti- travaux indispensables, mis en réserve pour le jour opportun,
mables; mais qu'elle est leur oeuvre? A quoi sert leur vertu? je blâme ce temps écoulé à des babioles qu'il faut laisser aux
La première, par sa faiblesse inqualifiable pour un mari dé- ouvrières, puisqu'elles sont pour elles des moyens de vie.
bauché jusqu'à l'infamie, se voit contrainte d'offrir son hon- Je n'aime rien de ce qui fait dormir les facultés et ne favo-
rise que l'adresse de la main. D'ailleurs, dans votre position
neur à un parfumeur enrichi. La deuxième, pour une défec-
tion d'amour, ne trouve ni assez de force d'âme, ni assez de de femme, vous êtes appelées à vivre beaucoup
sur vous-
ressources dans son esprit pour surmonter sa peine et tirer mêmes : soyez donc riches par votre propre fonds. Vous n'avez
parti de son immense fortune. Elle jette ses dix-sept millions ni les affaires du dehors, ni la variété des plaisirs des hommes;
et sa personne à la tête d'un rat de province et continue de si l'idée est absente, \olre vie ne sera
que désoeuvrement. De
vivre au coin de son feu, vêtue comme une tireuse de cordon. plus, vous êtes destinées à être mères, et si l'enfant puise ses
Sont-ce là des héroïnes? Où est la leçon, où est la morale, où moyens de développement dans votre lait, il n'a pas moins
besoin de vos pensées pour faire croître son intelligence : plus isolée. La première est une conversation de futilités échan-
que jamais, alors, vous devez savoir. gées, la seconde est une rêverie dangereuse en ce que rien ne
Une erreur commune prétend que l'enfant ne commence la trouble.
son instruction que sur les bancs de l'école, et une pile de Dans la solitude, une pensée conçue est une pensée adoptée ;
livres placés devant les yeux. L'enfant, au contraire, dès elle ne rencontre ni opposition, ni critique. Ce milieu dans
les premières vacillations de son intelligence, doit être in- lequel se trouve l'enfant est factice, il est assorti à son âge; il
struit sans s'en douter, car la forme didactique est pour lui n'est point alors une préparation à la vie dans laquelle nous
trop fatigante. Il ne perçoit pas les idées dans Tordre logique coudoyons tous les tempéraments, tous les âges, toutes les
comme le veulent les encyclopédistes. L'enfant passe d'une positions. De plus, il retarde le développement intellectuel ;
idée à l'autre sans transition, ses organes encore trop faibles car on n'apprend qu'au contact de ceux qui savent davantage.
ne peuvent supporter une tension soutenue; à la promenade, Or, le premier devoir d'une mère, mesdames, doit être d'abré-
aux jeux, il est très-facile de l'enseigner, et une mère y est ger, chez l'enfant, le temps d'ignorance.
plus apte que toute autre. Elle apporte dans sa mission une Du jour où son intelligence commente à s'émouvoir, la
bonne volonté, un empressement qui sont le fait de la ten- raison doit présider à tous ses actes; il est alors urgent de la
dresse, et non pas seulement du devoir. Les enfants jugent développer au plus vite. Lorsque votre fille sort du couvent
très-vite de la valeur de leur entourage, et l'influence qu'on ou de pension, vous ne savez guère de quelle façon la diriger,
prend sur eux dépend de la supériorité qu'ils vous reconnais- vous ignorez son caractère et la tournure de son esprit; l'un
sent. Ils s'insurgent contre la bonté, méprisent la faiblesse et et l'autre se cachent sous l'apparence uuiforme des pension-
se soumettent plus volontiers à l'intelligence; la confiance naires. Entre vous et elle, aucune douce intimité. Habituée à
que leur inspire ceux qui les gouvernent est le meilleur garant ne se communiquer qu'à ses eornpago.es, jeunes filles comme
d'une bonne éducation. Ce rôle vous est dévolu, mesdames, elle, elle évite la société et l'entretien des personnes dites
prenez sur vos enfants cet ascendant si nécessaire, et tâchez âgées ; elle a une pointe railleuse à leur endroit : elle était
par vos talents et vos mérites de le justifier. ainsi à l'égard de madame (l'institutrice) et de mademoiselle
Ce qui m'étonne, je l'avoue, c'est la facilité avec laquelle (la sous-maîtresse). Elle demeure indifférente à tout ce qui
vous éloignez de vous vos enfants. vous intéresse, elle est étrangère à vos préoccupations; sa vie,
Le temps pendant lequel vou3 les gardez n'est déjà que jusque-là, a été si éloignée de la vôtre, qu'elle ne peut, du
trop court, pourquoi l'abréger encore ? Pour l'éducation des premier coup, s'y assimiler; elle bâille quand on parie
garçons vous y êtes souvent contraintes, et cette séparation affaires.
est déjà fort malheureuse. Mais pour les filles, où est cette Elle poursuit, à part, son roman, son idéal, cette combi-
obligation ? Vous allez m'opposer mille raisons, et je les con- naison de l'existence qui caresse tous ses goûts et qui n'a au-
nais à l'avance : « Les devoirs du monde ne nous permettent cun rapport avec la réalité. Elle sait, en général, peu de
à
« pas de nous consacrer nos
enfants ; leur éducation soullri- chose; on la dit très-forte quand elle possède quelques sub-
rait de leur séjour dans la famille. » Eh bien ! mesdames, tilités grammaticales et quelques dates d'histoire. Elle a
«
sacrifiez, en partie, vos devoirs du monde; en est-il, d'ailleurs, cultivé des arts d'agrément, mais qui ne charmeront per-
un plus grand que celui d'élever ses enfants ? N'importe-t-il sonne; elle dessine mal, fait du pastel avec l'aide de son
pas plus que tout autre à la société, ne lui garantit-il pas maître, joue des polkas, mais ne sait pas déchiffrer. Le monde
l'avenirPourquoi vous décharger de cette mission sur des formera tout cela direz-vous.
,
étrangers, pour vous livrer sans restriction à vos relations, à le vous déclare, moi, que le monde des gants paille, des
vos plaisirs? jupons empesés, des cheveux passés au fer, des révérences et
Je vous entends me dire que rester dans la famille est per- des grimaces, ne forme rien du tout, du moins dans le sens
nicieux pour l'enfant, que c'est un milieu trop avancé pour que nous attachons à ce mot. On dit encore : Son mari l'a for-
son âge, que son oreille est frappée d'une foule
de choses mera. Sottise! Le mari ne forme pas sa femme. Sortant lui-
qu'il est bon de leur laisser ignorer longtemps. Quelle idée même d'une vie frivole, n'ayant que des moeurs relâchées il
,
avez-vous donc des institutions ? Pensez-vous que l'épaisseur a beaucoup de peine à se contenir dans cette vie nouvelle et
des murailles empêche les miasmes corrupteurs de péné- tranquille qu'on appelle le ménage. Pour professer, d'ailleurs,
trer dans l'intérieur? Croyez-vous que les jeunes imagina- il faut du calme, de l'impartialité, et donner l'exemple.
tions, désireuses de s'élancer au delà de l'enceinte, ne s'éver- C'est donc à vous de former vos filles ; dotez-les de larges
tuent pas, aux heures de récréations et de repos, à deviner ce idées, de convictions robustes ; initiez-les de bonne heure à
qu'on leur cache? la VIE positive, aux devoirs, aux affaires, aux intérêts; suivez

Les jeunes filles d'autrefois étaient élevées au couvent; la marche de la nature, elle prépare chaque chose et l'amène
elles grillaient d'en sortir, de se marier pour porter du fard sans surprise. Votre fortune est grande, donnez alors à leur
et des mouches. instruction toute l'extension possible : on n'en sait jamais
En somme, les maisons d'éducation ne forment ni ne trop, on n'en sait jamais assez.
modifient le caractère : toute vie en commun a une règle ; la Une femme profondément instruite ne saurait être légère ;
règle s'impose et ne se discute pas; elle prétend assujettir, le savoir ne s'acquiert pas sans travail, sans fatigue et sans
mais s'inquiète peu de persuader ; d'ailleurs, elle ne porte que une grande volonté, il ennoblit donc celle qui le possède et
l'individu y a satisfait, il est témoigne en faveur de son caractère. Les fils de telles fem-
sur quelques points, et quand
libre sur les autres. mes seront vraiment des hommes. M. de Villemessant, qui
La vie de communauté a deux faces bien marquées ! la vie n'a pas pour habitude de faire des traités d'éducation, n'a
au point de vue des rapports des
membres entre eux, et la vie pu s'empêcher de s'écrier récemment, à l'occasion de la mort
d'une sommité du spor.t : « Les soins maternels ne se rem- quence de l'âme aux démonstrations de 1 esprit, que votre
C'est une mère qui enseigne les délicatesses sentiment échauffe de son ardeur les idées que le cerveau
« placent jamais.
mère dont la main inquiète et sûre éclaire de sa lumière.
« du coeur ; c'est une
« pourtant,
guide son fils en ce passage si difficile de l'ado- Nous ne sommes pas parfaites! vous écrierez-vous. Mais
jeunesse. » les hommes le sont-ils? Non, sans doute.
« lescence à la
En accomplissant de cette façon votre oeuvre dans la fa- L'imperfection se loge toujours quelque part. Seulement
mille, vous régénérez la société, vous la maintenez, malgré efforçons-nous de lui marchander la place, reléguons-la dans
les passions, malgré les défaillances, à une certaine hauteur le détail ; c'est là qu'elle est le moins nuisible.
morale. Qu'apercevous-nous d'abord dans une oeuvre? L'ensemble.
La jeunesse aura un milieu fixe, elle y trouvera et les Si la composition est une, si l'exécution est» harmonique,
glandes vertus et les plaisirs; car je n'ai point prétendu nous la proclamons une oeuvre de génie, malgré quelques
qu'une raideur systématique gênât sans cesse l'abandon, défauts secondaires. Si, au contraire, nous ne rencontrons des
l'enjouement, l'entrain de vos réunions. J'ai remarqué, du beautés que dans les détails, nous ne trouvons plus le génie,
reste , que le sérieux est le plus sûr fondement de la gaieté. nous ne constatons que du talent.
Grâce à lui, en effet, l'homme se trouve dans son équilibre; Ceci s'applique à vous, mesdames ; séparément, vous avez
son intelligence, en fonctionnant, le gratifie de certitude et fait de fort bonnes et de fort belles choses il vous a manqué
,
de convictions qui assoient sa vie, la tranquillise et lui donne de relier le tout. C'est ce travail d'ensemble que je réclame
cette satisfaction de la conscience, dont la manifestation est avec force. Ce que vous exécutez isolément, exécutez-le en
dans l'humeur. corps; massez vos talents, fusionnez vos vertus, marchez de
Il est, je le sais, des gaietés sans joie : efforts factices, front, unies par la même pensée, dirigées vers un même but.
éclats sans rire, secousse de l'âme, entrains fiévreux qui ont 11
ne suffit pas que vous ayez des principes, il faut encore
pour suite l'accablement et le dégoût. savoir pourquoi vous les avez, il faut pouvoir les défendre et
Éloignez-en la jeunesse. Donnez-lui donc, dans le sanc- vouloir les propager. Coalisez-vous, rassemblez-vous, femmes
tuaire du bien, la distraction et le plaisir. Qu'il plane dans vos bien pensantes, travaillez en commun. Quelques femmes d'é-
réunions un souflle intelligent et instructif; mais faites en lite réunies en attireront bientôt un grand nombre; les plus
sorte que l'on s'y amuse. L'amusement est la plus irrésis- indécises finiront, le premier élan donné, par se joindre à vous
tible des attractions. Groupez autour de vous tous les genres et vous prêter leur concours.
d'esprit et de talent, animez le tout par une vivacité naturelle, Mettez beaucoup de discernement dans votre choix, n'ad-
rejetez l'emphase, l'affeclation, vous le pouvez, vous avez les mettez les nouvelles venues qu'avec prudence, exigez trois con-
éléments, il ne vous reste qu'à choisir; je me lie, ici, à votre ditions indispensables pour le succès de votre entreprise : l'in-
sagacité. Votre milieu alors portera un cachet spécial, nul ne telligence, l'éducation, les bonnes moeurs. Comme, dès l'abord,
pourra le contrefaire et le singer. ces réunions auront un caractère intime, vous n'inviterez que
Le sentiment de dignité personnellel'attrait de la supé- celles qui vous en sembleront dignes. N'hésitez pas à intro-
riorité, !e plaisir ramèneront vers vous les enfants prodigues. duire tous les degrés de la vie, à partir de l'âge de raison ; les
11. faut être, en effet, bien profondément dégradé et abruti plus âgées apporteront leur expérience, la solidité de leur ju-
pour ne pas donner la préférence au beau et au bien. gement; les plus jeunes communiquerontleur chaleur et leur
Enfin, mesdames, pour éclairer ee qui pourrait prêter à enthousiasme. Quand vous traiterez nue question, remontez
de fausses interprétations, je répète que la beauté et la grâce toujours à l'origine de l'idée, ne vous arrêtez pas aux minu-
sont certainement des avantages précieux, mais que vous ties, ne faites aucun cas des idées superficielles; elles donnent
devez estimer au-dessus les dons moraux et intelleclulles ;
parce.qu'ils Jour sont supérieurs en valeur et en durée.
Je veux que votre éducation soit complète, puisque vous
bien qu'en disant idées superficielle,
le change, mais sont plus dangereuses que salutaires; et notez
je n'entends pas seule-
ment idées frivoles, je comprends encore l'idée qui s'acquiert
avez l'honneur de jeter la première empreinte sur l'être hu- dans le monde sur une simple audition, qu'on adopte aussitôt,
main; je veux, puisque votre influence dans la vie est im- sans se donner la peine de l'examiner scrupuleusement. Une
mense, que cette influence soit intelligente : l'esprit naturel apparence de profondeur, une phrase bien tournée suffisent
ne suffit pas, il faut v ajouter les connaissances qui affir- pour vous décider en laveur de cette idée. La valeur intellec-
ment la qualité, la solidité de nos jugements; je veux que tuelle de la personne d'où elle émane, sa réputation d'esprit,
tout en ne vous attribuant pas, en général, les Fonctions du vous déterminent trop facilement. Le génie n'est grand que
dehors, vous soyez aptes à les comprendre et à vous y livrer parce qu'il est approuvé; il est lui-même soumis au contrôle,
au besoin , car les actes extérieurs des hommes dépendent le l'adhésion que lui donnent les hommes est libre ; ceux-ci,
en
plus souvent des influences de la vie privée. lui conférant l'autorité, se réservent toujours le droit de juger
Je vous ait dit : Ne soyez ni avocat, ni juge, ni médecin. ses actes. C'est ainsi qu'un grand homme tombe sous la férule
Ne réclamez pas les charges publiques ; car la société aurait d'un homme de bon sens ; quand le génie s'égare, malgré la
plus à y perdre qu'à y gagner. La famille a besoin d'un siège réputation qu'on lui a faite, malgré la confiance qu'on lui
a ac-
stable : il est là où réside la femme. cordée, l'admiration cesse l'approbation se refuse, les
mur-
Éloignée du choc des opinions, des impressions immé- mures s'élèvent, le blâme les suit.
diates, de concessions subites, elle est comme la protestation Le bon sens domine les plus grandes conceptions de l'es-
vivante de l'immutabilité du principe. C'est à elle à remettre prit, elles ne prennent corps et solidité que par lui ; il est la
dans la voie ceux qui s'en écartent, avec toute la fascination de base de tout jugement, et c'est vraiment là
que l'humanité s'é-
la grâce, avec toute l'autorité de la raison. Ajoutez l'élo- galise.
Ayez donc des idées par vous-mêmes, mesdames,discernez rale, les projets de réforme et toutes les brochures contre le
par vos propres forces, éludiez dans votre conscience tout ce luxe.
qui vient du dehors, aidées de votre coeur et de votre esprit. Tentez donc une vigoureuse sortie, il est temps. La prosti-
Opposez une noble résistance à toute innovation qui dégrade tution latente, moins hideuse à l'oeil que l'autre, mais plus
la pensée et le goût. dangereuse parce qu'elle ne peut être dénombrée, s'inocule
Si une mode paraît, qu'elle estropie la nature, qu'elle gêne dans tous les rangs, elle est le virus moderne; elle menace
et vous et les autres, ne l'adoptez pas. Au théâtre, dans un de devenir endémique; elle bouleverse toute l'économie so-
salon, dans les lieux publics, entendez-vous toutes pour faire ciale : beauté, santé, génie, justice.
une protestation contre l'extravagance par une tenue et une Déblayez, autant que possible, la voie des immondices de
mise de bon goût. la débauche ; faites place au progrès.
Evitez l'affectation ainsi que la pédanterie, vous devez vous Des gens riront de votre tentative, laissez rire ceux-là;
attirer les sympathies et écarter les défiances; tenez un peu à leur opinion ne vaut même pas la peine que l'on s'en oc-
distance toute cette légion évaporée et mondaine. Faites place cupe. Il en est un grand nombre, du reste, incapables de don-
aux hommes sérieux ; ils vous entoureront avec plaisir, si vous ner le signal du bien, mais qui en suivent l'exemple, par
les dispensez d'employer le ramage inepte des salons. esprit d'imitation.
Fermez vos portes à tous ces fanfarons de vices. Bannissez L'anecdote des moutons de Panurge est éternellement
de vos réunions, quels que soient leurs noms, quels que soient vraie.
leurs titres, ces afficheurs de débauches et de scandales; ne Ne prenez donc pas souci de vos détracteurs. Poursuivez
craignez pas d'apprendre aux hommes qu'ils sont responsa- votre chemin; c'est en continuant qu'on arrive.
bles des désordres sociaux, et que la considération qu'ils re- Croyez bien que ce que je vous demande n'est pas au delà
cherchent dépendra de leurs bonnes moeurs et de leur hono- de votre portée.
rabilité. Que la pensée de votre tâche vous soutienne, on est Vous avez de l'esprit, des talents, des vertus; je vous dis :
bien fort quand on est le serviteur de sa conviction. Cultivez-les en particulier, additionnez-les par l'association,
Ne croyez pas qu'une vérité ait plus de puissance lorsqu'elle vous constituerez une véritable force.
tombe d'une chaire, d'une tribune ou d'une estrade; l'entre- Platon avec son esprit sagace avait entrevu ce dont vous
tien à voix basse est plus persuasif que toute la sonorité re- êtes capables. Le Timée, la République, offrent des passages
dondante d'un discours public. D'ailleurs, la conversation est qui montrent toute son opinion à ce sujet. Quintilien vous a
une improvisationcontinuelle, elle a donc un caractère de sin- jugées avec la même faveur.
cérité qui frappe davantage l'interlocuteur. Par elle, votre De nos temps, Mirabeau s'écrie, à propos d'un grand mou-
mission est de tous les instants; vous captivez les esprits par vement social: Il ne sera possible que si les femmes s'en
surprise, vous les prenez sans préparation, vous les forcez à mêlent et se mettent à sa tête (1).
penser quand ils ne songeaient qu'à se distraire. Voltaire, Condorcet (2), Stewart (3) mettent en relief vos
Réunissez-vous donc, mesdames ; que vos assemblées mérites et vos influences.
soient périodiques et fréquentes, afin que de longs intervalles Point de pusillanimité; que ces nobles jugements, portés sur
n'en refroidissent pas les effets. Faites-vouschacune un devoir vous, vous stimulent et vous encouragent; votre vie n'en sera
de conscience d'y assister, et que des circonstances sérieuses que plus heureuse.
et imprévuesjustifient seules votre absence. Vous supporterez la vieillesse et les cheveux blancs; ils
Du reste, je crois cette recommandation inutile. seront pour vous les signes de l'accomplissement de votre
Ces réunions, à peine organisées, exciteront tout votre tâche.
intérêt et enflammeront votre zèle; l'indifférence ne tiendra Vous aurez réellement formé des hommes dans la plus
pas devant l'espoir du succès de votre entreprise.
noble acception du mot. Vous aurez créé des femmes fortes,
Vous sentirez bientôt combien grande est la puissance de capables de continuer votre oeuvre et de l'agrandir.
l'idée, lorsqu'elle est servie par un grand nombre.
Pour ce beau résultat, il n'est besoin que de vous rassem-
Vous verrez alors qu'elle peut facilement se vitaliser, c'est-
bler. Chassez d'au milieu de vous la rivalité, l'antagonisme.
à-dire passer de la théorie à l'acte.
Appelez-vousdésormais alliance, union, solidarité.
La charité a mille façons de se manifester, et de tous ses
bienfaits la société vous devra le plus grand si vous accom-
plissez l'oeuvre collective. (1) Le Socialismependant la Révolutionution française, par A. Le Faure, p. 168
Condorcet, OEuvres complêtes, livre XII, pages 25 et 20.
En agissant ainsi, vous ferez plus que les traités de Mo- (3) Philosophie de l'esprit humain, livre III, page 339.

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