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a UlnZalne
littéraire du 1 er au 15 octobre 1970

De Caulle
la fin d'une époque

Mauriac
poète
SOMMAIRE

LE LIVRE DE J .M.G. Le Clézio La guerre par Maurice Nadeau


3
LA QUINZAINE
ROMANS FRANÇAIS Michel Tournier Le roi des Aulnes par Jean-Marie Magnan
5
Jean Bouvier-Cavoret La deuxième personne par G.L.
6
Didier Pemerle Assise detJant mon par G.L.
décor de tempête
Camille Bourniquel Sélinonte ou la clunabre par Philippe Boyer
7 impériale
8 Jean-Jacques Rochard Apologie d'un salaud par Jean Duvignaud
Hélène Cixous Le troisième corps par Hélène de Wierlys
Les commencements
9 Guy Le Clec'h La violence des pacifiques par Maurice Chavardès
Pierre Guyotat Eden. Eden, Eden par Jean-Marie Magnan

10 LITTERATURE Harry Mathews Conversions par Marcelin Pleynet


ETRANGERE
12 ENTRETIEN Istvan Orkeny Minimythes Propos recueillis
par Claude Bonnefoy

14 Mauriac poète par Marc Quaghebeur

16 EXPOSITIONS Art et politique par Gérald Gassiot-Talabot


17 Naïfs d'Ha,ïti
18 INEDIT Proust et les signes par Gilles Deleuze

21 HISTOIRE Pol Ernst Approches pascaliennes par Samuel S.de Sacy


LITTERAIRE
23 HISTOIRE Pierre Viansson-Ponté Histoire de la République par Pierre Avril
gauUienne
Tome 1. La fin d'une époque
25 THEATRE, Théâtre en Perse par Gilles Sandier
26 . Bourgeade répond à
Sollers

François Erval, Maurice Nadeau. Publicité littéraire : Crédits photographiques


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1.. I.IV". D.

Un visionnaire
I.A QUINZAIN.

J .M.G. Le Clézio Monsieur X protéiforme, ils gure au premier chef - et voilà

1 La Guerre
Coll. Le Chemin
Gallimard éd., 290 p.

La notoriété est venue à


échangent volontiers à tout ID8-
tant leurs personnalités, en em·
pruntent d'étrangères et, avant
de se fondre dans la foule ano-
nyme, vont jusqu'à symboliser la
le dernier pas franchi vers une
Apocalypse dont, en nouveau
prophète, l'auteur nous annonce
l'imminente venue: «Je vaÎ&
vous dire ce que je vois. C'est une
J.M.G. Le Clézio avec son jeune fille éternelle (ou la fem- vision terrible, comme celle de
premier ouvrage et comme il. me), le mâle séducteur, rêveur et r os sous la chair, une vision qui
n'a jamais déçu, sa voix, au- prédateur. Ils n'ont entre eux que trace son dessin fulgurant sur les
jourd'hui, porte loin. Il n'a des rapports de connivence et vitres et sur les plaques de ci-
pas voulu, en outre, se per- prêtent au besoin leur masque à ment... La fin est proche. Que
dre dans les recherches' for- l'auteur. Si attentifs qu'ils soient ceux qui ont des oreilles écou-
melles et les exercices de à la vie quotidienne, et plongés tent... etc. Et de décrire toutes
style, pressé qu'il est de en elle jusqu'à y disparaître, ils les catastrophes qui nous mena·
livrer un message tout per- ressemblent à ces êtres aux iden- cent, l'une après l'autre ou toutes
sonnel et qui lui tient à tités changeantes qui peuplent ensemble, les forces destructrices
cœur. A la fois essayiste, nos songes, à ces créatures éva- trouvant leur acmé dans une for-
romancier et poète dans le nescentes et douées pourtant midable explosion qui réduira le
même ouvrage, il se tient au- d'une autorité souveraine que globe en poussière et détraquera
dessus des genres et se mon- nous entrevoyons en rêve. jusqu'à la céleste horlogerie des
tre «résolument moderne-. Loin de matérialiser le propos planètes. Emprisonnées dans la
de l'auteur, ils entraînent celui- matière, ou artificiellement susci-
Les conquêtes désormais assu- ci dans des contrées inconnues où tées par l'homme qui les utilise
rées du Nouveau roman, les tra- l'horrible le dispute à la féerie dans ses machines, ses moteurs,
vaux qui ont pour ambition et sur lesquelles règne un temps ses buildings, ses rotatives, ses Dessin àe Vasco
d'aboutir à une «science de la mythique dont l'éternel suspens télés, ses transistors et bien enten·
littérature on dirait qu'il les a est fait d'une agitation folle, d'un du ses fusils et ses bombes, elles béton cellulaire des villes nou-
une fois pour toutes assumés, vibrionnement infini. A la vérité, attendent l'heure de la libération velles, se glisse' sur l'autoroute et
qu'ils lui servent de tremplin ce que nous donne à voir Le Clé- sauvage qui les rendra maîtresses règne dans le supermarché. Ses
pour voir au-delà d'horizons par· zio, c'est l'ensemble et le détail d'un néant où elles s'annihileront déguisements? La voiture meur-
fois bornés et, au regard de ce d'une vision, à la fois dans sa elles·mêmes. Après quoi, mais trière et suicidaire, le marteau-
qu'il veut nous dire, il n'est pas fixité et ses métamorphoses. Son pour qui ? règneront enfin le re- piqueur, l'ébonite noire ou blan-
près de se laisser distraire par talent d'écrivain et ses armes de pos et le silence. che du téléphone, la machine·
des problèmes pour lui secon- poète visent à nous permettre d'y Un visionnaire n'argumente «encore plus perfectionnée:t et
daires. Il va son chemin, parfois accéder, si possible de nous y ins- pas. Il montre et il décrit. Du le gadget dernier cri, l'objet pro-
tortueux, souvent hasardeux, et taller en regardant toutes choses cosmique à l'élémentaire, Le Clé- liférant, le mot qui vole
alors qu'on craint de le voir tom- par ses yeux. Alors s'évanouissent zio fait se succéder - dans le sur les ondes ou éclate sur le pa-
ber du haut de son fil de funam- raisons d'analyser, de séparer, tohu-bohu des phénomènes entre· pier.
bule ou qu'on le croit égaré dans d'argumenter et' retombent com- mêlés qui concourent à ce qu'on Tous nos sens attaqués à la
les sables, il opère de magnifi. me fruits blets les judicieuses cri- appelle la marche du monde - fois, notre être vidé et retourné
ques rétablissements, de soudai- tiques que les culs de plomb se· les spectacles divers où l'on voit comme un gant, que peut notre
nes corrections de route. Il paraît raient amenés à formuler. Le Clé- au mieux agir les forces d'agres- tendre chair, que peu"ent n08
atteindre son but sans peine et zio réclame des lecteurs prêts sion. Foin de l'harmonieuse Na· nerfs fragiles contre ces crocs, ces
comme par hasard, au terme d'un pour l'envol ou la descente en ture: c'est une guerre incessante griffes, ces ventouses que recèlent
voyage qui nous a (et qui lui a) eaux profondes. Et pourtant, et impitoyable qu'elle recèle en objets lisses et brillants, machi-
réservé pas mal de surprises. c'est bien sur cette terre et dans son sein. Foin de l'humanisme : nes huilées, moteurs qui ronron-
Avec ce septième ouvrage, Le ce monde-ci qu'il se meut, au si l'homme naît pour mourir, il nent, tours de ciment qui, d'un
Clézio semble en tout cas et en cœur de ce que nous appelons la semble né davantage pour détrui· seul élan, trouent les nuages?
ce qui le concerne, avoir réglé vie quotidienne. re, anéantir et tuer, le plus ter- L'auto «avale la route, l'avion
définitivement son compte au ro- Qu'il soit avant tout un vision- rible n'étant pas la guerre qui déchire l'air, la perceuse justifie
man. Le Procès.verbal en était naire, on s'en est aperçu dès le porte fièrement son nom, dans son nom, et si nous sortons de
un. Le Déluge et Terra Amata Procès-verbal où son héros possé- l'affrontement des peuples en ar- notre prison généralement douil-
comportaient des éléments d'in- dait la rare faculté de voir le mes, avec son cortège d'atrocités lette, la rue saute sur nos épaules
trigue et des personnages identi- monde par les yeux d'un chien, joyeuses et ses destructions célé- et dirige nos pas. C'est là leur
fiables, et même dans le Livre ou, si l'on ose dire, d'un arbre, brées dans l'enthousiasme. Une destination et leur façon d'être.
des fuites un être privilégié par d'un caillou. Que cette vision ne agression plus sournoise, parce Pourquoi faut·il que, victimes
l'auteur faisait le lien entre aven- soit guère idyllique, le Déluge que cachée dans les replis de la aveugles en butte à tous les coupe,
tures et expériences qui se dérou- nous l'a prouvé où une ville en· vie quotidienne, sustentée par totons entraînés toujours davan-
laient aux quatre coins du mon· tière se pétrifiait soudain dans un l'homme à l'é[l:al de son plus cher tage au cœur du tourbillon, noue
de. Ici, rien de semblable : nulle immense éclair blanc, avant de désir, caressée par lui et magni- entonnions des hosannah en l'hon-
intrigue, mais un discours sans tomber en cendres. Qu'elle le fiée sous tous les noms: beauté, neur de ce qui nous mutile, nous
cesse recommencé et qui paraît porte aujourd'hui à voir la Créa- élégance, confort, progrès, moder- empoisonne, nous étouffe et nous
tourner volontairement en rond. tion, c'est·à·dire l'univers connais- nisme, multiforme et ubiquiste, tue? De temps à autre, les plus
L'auteur y met fin quand parais· sable, comme une lutte féroce, in- est perpétrée contre l'habitant jeunes et les plus hardis font vo-

.
sent épuisées les richesses du cessante et sans merci, à laquelle des cités modernes, contre le ci- ler en éclats les vitrines, abattent
thème. Quant aux personnages, se livrent tous les éléments qui toyen béat et gavé des sociétés les poteaux de signalisation, met-
une jeune fille, Bea B. et un la constituent - l'humanité y fi- de consommation. Elle habite le tent le feu aux voitures, sacca-

I.a Litt16raire du 1" au 15 octobre 1970 . 3


., Le .Ciézlo

gent les antres à paperasses el, se retournent contre nue, ce ne pourrait être après aux fétiches et aux fantômes que
sous le pavé, croient retrouver la elles·mêmes pour s'autodévorer? tout que le dépouillement par le le bon plaisir des princes qui nous
plage. Le monstre attendrit leur En dépit de son thème. Le Clézio serpent mythologique d'une peau gouvernent veut faire passer pour
chair à coups de gourdin et les fait confiance aux hommes qui qui a trop servi, afin d'en revêtir la réalité... (Les artistes) tentent,
avale, les choses reprennent leur luttent pour leur pain, leur une nouvelle. Un monde s'écrou· par.delà les fétiches et les fan-
cours qui mène au néanl. champ, leur maison, au sourire le, la vie continue. tômes du pouvoir, de la consom-
Mieux qu'aucun autre, Le Clé· d'une jeune fille, au rire d'un Le Clézio perçoit cette perma· mation et de l'idéologie, de dé-
zio sait nous parler de la Ville. enfant. Tout pénétré de sagesse nente réalité de choses, quelque couvrir la réalité, l'homme dé-
Elle hante ses rêves et nourrit ses bouddhique, il contemple la vie obscurcie qu'elle soit par les fu· formé et son alternative. » Fût.ce,
obsessions. Mieux qu'aucun autre, d'un regard surplombant et la mées de la société industrielle, ajouterons.nous, sans qu'ils aient
il nous montre la longue bête voit dans ses métamorphoses. son renouvellement constant, et il besoin de croire à un homme bon
aux multiples anneaux qui rampe « Quand il y a la guerre, c'e!t que sait qu'elle n'est pas en elIe·même et parfait, ou se laissent séduire
sur l'autoroute et, quand il nous quelque cho!e en en train ,r appa· agressive, que tout dépend de par les sirènes du réalisme. 1 e
installe à un carrefour particuliè. raître... La terre a commencé l'homme et des rapports qu'il en· Clézio prouve qu'on y parvient
rement animé ou sur l'escalier hier... La jeune!$e et la beauté tretient avec elle. Son discours de plus sûrement par la seule mise
roulant d'un Prisunic, nous con· !ont continuelle!... Il y a de! mil- Cassandre justifie en fin de en œuvre des obsessions et des
templons, fascinés et effrayés, ce lier! de cho!e! qui veulent venir compte ce propos de l'esthéticien rêves, par le regard plongeant ou
que nous avons perdu l'habitude et qui cherchent à renver!er le! marxiste Ernst Fischer (1): infiniment détaché du visionnaire.
de voir. Nous sommes dans l'an· ob!tacle!... » «Aujourd'hui comme hier, ce Maurice Nadeau
(1) Dans un recueU d'essais à pa-
tre de Gorgone, ou chez Pluton. Cet optimisme n'est jamais sont l'art et la littérature qui s'op. raltre prochainement aux Lettres Nou-
Aussi la satire qu'il fait de la plus patent que dans la peinture posent avec le plus d'opiniâtreté velles (Denoël) .

teront quelques textes Inédits du


INFORMATIONS poète: Versant est.

Au Seuil A la radio
A partir du lundi 5 octobre, sur
On fait grand cas, aux éditions du France Culture, tous les matins de
Seuil, du nouveau roman de Marle 8 heures à 9 heures, • Les chemins
Suslnl: C'était cela notre amour. de la connaissance., renouvelant les
C'est bien diune·· histoire d'amour recherches de l'Heure de la Culture
qu'il s'agit et le titre annonce bien française, présenteront une suite de
la couleur; mals l'originalité de ce grandes enquêtes dont le caractère
livre, considéré comme le meilleur commun est de jeter un pont entre
qu'ait écrit jusqu'Ici l'auteur de Plein les diverses disciplines (histoire, lit-
soleil, de la Fiera et d'un Pas d'hom- térature, ethnologie. psychanalyse)
me, est de jouer sans cesse de sub- sur lesquelles se fonde une nouvelle
tils chassés-croisés entre le temps science de l'homme. A chacune de
passé et le temps retrouvé, le Paris ses séries seront consacrées dix à
de mal 1968 et le Paris de la Libé- douze émissions.
ration, les peines d'amours perdues Le lundi, Michel Tournier, dont le
et l'obsession de la fldélité à soi- dernier roman • Le roi des Aulnes.
même. apparaît comme un des grands livres
de la saison, évoquera • Le Sahara,
désert vivant. et Claude Michel Ja-
Photographie extraite àe l'ouvrage Chez Gallimard lard inaugurera le 5 octobre • L'en-
cyclopédie ou la confession d'un siè-
société de consommalion n'est· du détail, dans la longue contem· cle. par un entretien avec Michel
Chez Gallimard, Robert Merle pu- Butor. Le mardi, Pierre Jeannin, pro-
elle qu'une des pièces du procès plation du plus humble objet, blie, avec Derrière la vitre, un roman fesseur aux Hautes Etudes, racontera
qu'il intente à un régime depuis poussée jusqu'à l'extase. L'herbe sur l'Université qui se présente dans • Du sac d'écus a!J compte en
plus longtemps établi, à des for· et le caillou y figurent, mais éga· comme une sorte de radioscopie de banque. l'histoire de l'argent et
lement ce qui est sorti de l'intel· la jeunesse et des enseignants ayant, Yves Cazaux, récent auteur de • Gull·
ces autrement plus puissantes que pour toile de fond, la journée du laume le Taciturne., analysera dans
celles de la classe dominante. Ré· Iigence et de la main de l'hom· 22 mars 1968 à Nanterre, revécue • Aux sources de la liberté moderne,
gime que dès le quaternaire me: la pyramide de béton, une heure par heure. le XVI' siècle. la naissance de la
l'homme a établi dans ses rap· roue de camion avec ses puissants Chez le même éditeur, quatre poè- pensée politique engagée en France
rayons d'acier tenus serrés par tes modernes, ayant en commun le et aux Pays-Bas au temps de l'huma-
ports avec la nature afin de goût des jeux combinatoires, le Mexi- nisme. Le mercredi, Jacqueline Sorel
l'exploiter et de la domestiquer. de!! boulons bien placés, l'avion cain Octavio Paz, l'Italien Eduardo et Joseph Amegboh aborderont avec
Forces que l'enfant apporte avec qui file en sifflant dans l'azur Sangulnettl, l'Anglais Charles Tom· • Mémoire d'un continent: Panorama
lui en naissant et qui visent à vierge, la voiture à la coque pro- IInson et le Français Jacques Rou- de l'histoire africaine. un domaine
baud se sont réunis pour ressusciter à peu près Ignoré de nos contempo-
écraser les autres, s'il devient filée et au capot luisant, l'allu· une forme poétique collective qui fut rains, la relation de l'Europe et du
femme, par le charme et l'envoû- mette, le bouton. TI admire les en extrême faveur au Japon entre le continent noir avant la colonisation,
tement, s'il devient homme adul· mille et une formes d'une créa· VII' et le XV' siècle: le renga. Ils et Gilles Lapouge traitera d'un thème
te, par le commandement. Toute tion continue et il croit celle-ci nous donnent ainsi, précédé d'une particulièrement actuel: • L'homme
introduction de Claude Roy, un grand encombré •. Le samedi, Harold Portnoy
forme d'expression, y compris capable de s'opposer aux forces poème moderne à quadruple réso- poursuivant ses recherches psycho-
celle de l'artiste, est violence. La de destruction qu'elle porte en nance: Renga. En octobre, paraîtront pédagogiques étudiera • Le Psycholo-
douce beauté est pernicieuse en son sein. La vraie guerre Ile dé· aussi un recueil de poèmes, adaptés que dans le monde moderne. et
ce qU'elle fait plier le genou. roule entre le bien et le mal, en- du japonais, de Jacques Roubaud: le Claude Mettra dans • Gueux, men-
Sentiment des choses et une sélec- diants et vagabonds. explorera la
tre Ormuz et Ahriman. La «fin tion des poèmes écrits par Octavio
Faut·i1 attendre que les forces proche» dont il annonce la ve· Paz entre 1957 et 1968 à quoi s'ajou-
mythologie de l'errance, d'Œdipe.: Il
Jack Kerouac. ..
4
ROMANS

L/amour-ogre
PRANÇAIS

1
Michel Tournier tout d'abord accepter le monde sexe, (le roman lui est dédié), la
Le Roi des Aulnes adulte, il s'acquitte de ses fonc- justice frappe. Tiffauges risque
Gallimard, éd., 400 p. tions mais en homme éteint, en une peine de vingt ans de travaux
somnambule, dont l'enfance est forcés pour un viol qu'il n'a pas
la lancinante nostalgie. La guerre commis, dont l'idée ne l'effleure
Michel Tournier avait eu l'au- seule le délivrera. Et, paradoxa. même pas, tout à ses voluptés
dace pour ses débuts de choisir un lement, la captivité qui le con· bien à lui mais, hélas, assez con-
grand sujet, une histoire univer- duira au terme d'un itinéraire fuses au regard extérieur pour
sellement connue, de se mesurer complexe dans une napola, une autoriser la méprise et le faire
à une aventure exemplaire et de de ces écoles paramilitaires des· condamner.
la réécrire pour son propre comp- tinées aux enfants du Ille Reich : Rien de semblable ne le mena·
te. Etonnons·nous davantage de quatre cents élèves qui, à la fa· ce plus à Kaltenborn. Si le fou
ce titre : Vendredi ou les Limbes veur de l'effondrement de l'Alle· persévérait dans sa folie, il de·
du Pacifique qui donnait à Ven- magne tomberont peu à peu en viendrait sage affirme Blake dans
dredi, au sauvage et à l'enfant, son pouvoir. un de ses proverbes d'enfer. Il
l'enfant·sauvage, la première pla- Entre le collège de Saint-Chris· sera enfin donné à Tiffauges de
ce et pouvait avertir le lecteur tophe, où Tiffauges a fait toute!' vivre selon un système sans doute
perspicace d'une conversion radio ses études comme interne et la perverti, mais parfait et cohé-
cale dans la manière d'aborder le na pola de Kaltenborn, des ana· rent, qu'il réussira à opposer à
mythe, de traiter d'une recon- logies vont surgir, des liens se l'ordre du monde avant de suc·
quête du monde, qui appartient nouer, des accords s'établir. Ain· comber : un système qui le libère.
depuis deux siècles au fond de si déjà, dans Miracle de la Rose, Bonheur de courte durée ! Tif-
rêves de l'Occident, d'en recon· Jean Genet, du bagne d'enfants fauges recrute pour la napola. Il
sidérer la démarche et peut-être de Mettray à la centrale de Fon- parvient à la faveur d'un pro-
de briser avec elle. tevrault, quelques années plus visoire relâchement de la disci-
Livre de charme, d'un humour tard, rencontrait son destin. Mais pline, dû à la défaite allemande,
savoureux et d'un lyrisme qui alors qu'il cherchait d'une prison à transformer Kaltenborn, le
n'excluait pas un engouement à .l'autre à se charger de tous les château de l'ogre, en un parc
pour la plus stricte exactitude, péchés du monde et à mener à d'enfants, où ne demeurent que
jusqu'à se servir d'un vocabulaire bien sa quête d'une sainteté ré- les plus jeunes. Et, somme toute,
technique d'une extrême rigueur prouvée, Tiffauges poursuit une nomme lui-même le pIege photo- nous aurions à faire à un bon
dans le récit des diverses opéra- confirmation de sa nature féeri· graphique et dont il use et abu· géant: il aime dormir sur une
tions-survie du naufragé - sui- que et monstrueuse d'ogre, qu'une se, lui assure le pouvoir despo- literie bourrée des cheveux de ses
vant en cela l'esprit encyclopédi- parenthèse d'une dizaine d'an- tique: la possession des proies protégés après la tonte, à bouil-
que du XVIII" siècle, dont le ro- nées passées hors des murs, dans enfantines convoitées. Il est une lir avec eux dans l'immense chau.
man n'allait pas sans se réclamer, la vie courante, en se pliant à source de joie plus vibrante: dron que simule la salle de dou-
ne serait-ce que pour mieux le une activité sans bonheur: celle celle qui consiste à porter l'en- che, à partager leur sommeil de
contrecarrer et en moquer les li- de garagiste, avait occultée. fant, la phorie, du nom même de plomb, préfigurateur d'un autre
mites, Michel Tournier ne visait Déjà, vers la fin de cette pé- Christophe, le passeur, le géant sommeil, mortel celui-là, à goû-
à rien moins qu'à opérer une très riode, le héros était parvenu de porte-Christ. Si elle se révèle ou ter avec volupté au miel que sé·
personnelle réconciliation avec le tâtonnement en tâtonnement à re· non une manière d'aimer, elle crète le fond de leurs oreilles.
mystère du règne enfantin, plus joindre l'enfance. Mais il ne diffère en tout de la volupté or- La question, bientôt, se pose de
inconnu que le règne végétal ou s'agissait point tant comme chez dinaire étroitement et obscène- l'innocence de Tiffauges. Ne se
animal (écrivait Jean .C(J(:teaü). un Salinger, de continuer à par- ment localisée: vague de béati- montre-t·il pas par trop sensible à
Speranza, l'île de Robinson, pou- Ier un langage qu'on devrait avoir tude, qui irrigue les couches les cette dépersonnalisation des en·
vait assez bien figurer quelque oublié, de se mouvoir au cœur plus profondes, les extrémités les fants, à cette déspiritualisation,
.vel't paradis de l'enfance redé- d'un domaine dont la clef aurait plus lointaines. Ce n'était pas à leur masse collégiale indiffé-
. couverte, ou gagnée pour la pre· . été égarée et de se persuader que une titillation égrillarde et limi- renciée, sans âme pour particula-
.. fois, au terme d'un long le pacte n'a point été rompu dans tée, c'était une hilarité unanime riser et alléger cette chair ano-
détour et avec toute la faim inas- l'amour et l'abjection ave·c un cer· de tout mon être. La trémulation nyme dont il rêve et qu'il veut
souvie d;un adulte. Le Roi des tain état de Non, pour Tif- de Robinson dans l'île de Speran- rendue à sa pureté native, au
Aulnes, le s·econd roman de Tour- fauges, se sentir à l'aise avec les zao poids brut? Et s'il distingue quel.
nier, est d'une autre qualité, beau- enfants, de plain.pied avec eux, On conçoit certaine angoisse de ques sujets, il reste lucide sur cet·
coup plus douloureux et tendu : ne suffit pas ; se découvrant ogre, Tiffauges. Son identification avec te élection. Ce ne sont pas des
l'Amour-Ogre dévore tout ce qu'il seule une véritable appropriation Weidmann qu'on guillotine sur individus: qu'en ferait-il? Mais
touche. S'il déguste l'enfance, pourra momentanément l'apai. ces entrefaites : même poids, mê- de vivants symboles, enfants de-
c'est en la détruisant, même à ser. Diverses pratiques ne peu- me taille, même date de naissan- venus leur propre signe. Des por-
son corps défendant. vent manquer d'en découler, le ce, également gaucher, un air de te-drapeaux tout au plue! Et
Abel Tiffauges, le héros du li· mettant sur la bonne voie. ressemblance qui ne se discute l'emblème-humain (le Komman-
vre, nous apparaît moins, en ef- D'abord le regret de l'atmosphè- pas, voilà qui n'est pas pour le deur de Kaltenborn, le révèle ou
fet, comme un anarehiste pris au re épaisse et confinée des dor- rassurer. Il a beau se tourner vers le rappelle à Tiffauges) est pro-
piège du fascisme (selon le prière toirs, de leur densité, de leur sa- cette image du héros phorique : mu au sacrifice, à l'holocauste
d'insérer), que de l'enfance, mais turation, le pousse à errer autour Raspoutine, guérisseur du tsare- suprême, à la destruction précisé-
d'une enfance embrigadée, mobi- des collèges à l'heure des récréa· vitch Alexis, assassiné pour s'être ment de son humanité. Enfin
lisée, tout entière soumise à tions. Il enregistre sur des ban- opposé au déchaînement de la l'enfant mort se révèle pesanteur
l'Etat·- en l'occurrence l'AIle- des magnétiques tous les cris qui guerre de 1914 et avoir prêché inouïe, chair plus grave, plU5
magne nazie. Tiffauges ne peut montent d'une cour. Ce qu'il scandaleusement l'innoncence du marmoréenne: la dernière ten·

I.a Q!!'.u'ne Littâ'aJre du 1'" au 15 octobn 1970 5
• Michel Tournier
Expériences
tation de TiBauges? Et, bien sûr, rade, une chienlit, qui n'offrent Jean Bouvier-Cavouret Didier Pemerle
devant les cadavres mutilés, dé-
chiquetés, méconnaiMables du
massacre des innocent8, par quoi
Be termine l'eXÏlltence de la na-
pola, il aura bien du mal à re-
plO8 que lettres et chiBres, vidés
de Bens véritable, démonétisés,
une absurde et sanglante parade
de drapeaux et d'emblèmes SOO8
quoi défi)e une masse humaine
1 La deuxième per.onne
Coll. c l'Ecart :t
Laffont éd., 192 p.
1
AIIÏle devant mon
décor de tempête
Coll. c l'Ecart :t
Laffont éd., 152 p.

,trouver les lingou charnels qu'il vouée à la perdition par des si-
voudrait charger sur ses épaules. gnes archaïques et vains qui ne Ce récit relève-t-il de la scien·
Mais si toute condensation, toute sont plO8 là que pour la forme, Jean Bouvier-Cavoret annonce ce fiction, de l'essai politique, de
eoncentration, au sens où il l'en- privés de fond et de toute charge son propos: il n'imagine pas la pataphysique ou de la pensée
tend, aboutiMait aU camp- de con- réelle. Tiffauges ne proteste pas, d'autre vocation à la littérature automatique? Il nous entraîne
centration? Cette découverte ne entre 88 masse d'enfant8 indiBé- que celle d'effectuer une plongée dans une Afrique imaginaire. La
lui Bera pas épargnée. Ephraim, renciée et Be8 trois porte-drapeaux dans l'inconsCient. Le titre de ville de Douala a été reconstruite
l'enfant juif, l'enfant porte-étoile, en qui se résume l'essence enfan- son livre s'entend ainsi: la sur le plan de Paris, ce qui per-
qu'il recueillera évanoui dans un tine, trop occupé à ne pas perdre deuxième personne est celle qui, met à Didier Pemerle des cocas-
f088é durant la débâcle, la lui l'équilibre. entre l'introspection et le compor- series de ce modèle: c Crabu re-
révèle. Ce trop bref survol ne saurait tement, construit le discours de tient deux chambre. à fhôtel
en aucun cas rendre compte, des l'auto-analyse. Le livre n'a donc Crillon, après quoi il fait quel-
TiBauges est une victime des
multiples pouvoirs du Roi des pas pour objet de relater une psy- que. pa. 'OUI les palmier. pour
signes. Il se croit l'objet d'atten- Auln.e&, ce livre qui s'exprime aus-
chanalyse mais bien d'être, lui- retenir une table chez Maxim'.o :t
tions spéciales, singulières, et il si par des rapport8, toute une
même, une psychanalyse. Plus tard, du reste, Paris sera à
Be veut voué à attendre des sym-
architecture complexe et fatale son tour reconstruite, c par souci
boles un éclaircÏ88ement sur Be8 de symétries, d'inversions, de
d'économie:t, sur les plans de
démarches ultimes. En proie au permutations, de superpositions.
Douala. La terre elle-même n'est
démon de l'analogie, toute erreur Maître d'un registre verbal pres-
plus celle que nous connaissons :
d'interprétation des signes risque que trop riche, mais plO8 que Le péril
un hydrotome, c'est-à-dire une
de lui être fatale. De là découlent
dans le premier livre de l'auteur, boule d'eau, s'est envolé du pôle
pendant la drôle de guerre, son s'inscrivant avec plus de sponta-
L'application de ces principes nord et s'est écrasé sur la lune,
ref08 et son incapacité d'appren- néité et de naturelle aisance dans
u'est pas toujours convaincante. les mB88es glaciaires des pôles
dre l'alphabet télégraphique, le mouvement de la phrase, ce
L'auteur nous avertit, un peu augmentent au point qu'on craint
ces .igne. corwen.tion.nels, ab- Becond roman no08 parle, en ou-
trop souvent d'ailleurs, que sa de voir la terre basculer sur son
.traits, futilu. En revanche, il Be tre, sur tOO8 les tons : le pamphlé-
tentative est audacieuse, scanda- axe, les océans s'assèchent et pour-
révèle un excellent sapeur c0- taire ou le satirique: les Ecriu
leuse et qu'elle ne va pas sans riMent...
lombophile: les pigeons voya- .in.iltres, ce journal écrit de la
péril. Le plO8 grand péril est Dans ce décor d'apocalypse dé-
geurs lui apparai88ent comme des main gauche, où Tiffauges se dé: 'peut-être celui de l'ennui qui sai- risoire, des personnages s'affai-
porte-8ignes vivant8 et palpitant8.
couvre en s'opposant à tout ce sit le lecteur: cette longue pro- rent. Leurs tâches sont déroutan-
C'est assez dire qu'il redoute tout
qui l'entoure et l'empêche; le menade, dans les limbes de l'in- tes. L'humanité utilise-des tech·
écart trop grand, qui risque d'en-
comique farfelu de la drôle de conscient, parmi les brumes et niques avancées pour aMurer sa
traiDer une rupture dangereuse, guerre; le récit d'aventure: la
les leurres, n'avère pas sa né- survie: si la séchesse 's'étend, on
entre le symbole et la matière, la cabane Canada où le héros dé-
cessité. Ou nous entraîne sur les songe à renouveler l'atmosphère
forme et le contenu. Il ne s'atta-
'robe quelques heures chaque fleuves du c moi:t le plO8 pro- en distillant les cadavres, encore
che qu'à une réalité signifiante.
jour au camp de prisonniers et fond, dans une lumière grise, sans que ceux des vieillards produi-
Et, s'il Be lie à la PrUBse orien- .
se rasBemble en vue d'un chaleur ni éclat et parmi des pay- sent, malheure08ement, bien peu
tale, s'il y voit sa patrie d'élec-
destin ; le féerique d'un Perrault sages indéfinis. Des thèmes appa- de vapeur d'eau. Dans les solitu-
tion, c'est qu'elle lui devient rai88ent et s'entrecroisent: celui
qui serait allé j08qu'au bout de des africaines, une usine est
c pays des e88ences pures:t, où ses hantises dans un univers de de la mort, celui de l'amour qui vouée, dans le plO8 grand secret,
SOUI la lumière hyperboréenne
cruauté (la description de G0e- associe à une femme toutes les à vider le crâne des indigènes et
froide et pénétrante tous le. .ym- ring, de Be8 fastes et de ses bat- femmes et toutes les femmes, à remplacer les cervelles par un
boles brillent d'un éclat inégalé. tues monstrue08es) ; le lyrique : bien sûr, à la mère, celui enfin de appareillage électrique, des ma-
N'en doutons pas! Cette forme,
la napola peuplée d'enfant8 la mémoire qui, pour Jean Bou- quis se forment, des batailles ont
Beule et sans contenu, .qui Be lè-
blonds, de Jungmannen, dignes vier-Cavouret, est celle des siè· lieu. Ces quelques exemples indi·
verait c comme un vide fier dres-
successeurs des bOYlI-Scout8 de cles abolis, celle de tous les an- quent le ton de l'ouvrage: féérie
sé:t, que Sartre dénonce comme Savonarole, monde clos, que l'on cêtres qui préparaient, de science de l'horreur, délire verbal, aboli-
l'aspiration-limite de Genet, voilà croirait fermé à la pénétration certaiue et aveugle, la venue de tion de toute logique: Fred et
la peur, la hantise de TiBauges. d'un adulte et sur quoi la Ben- l'auteur de ce récit. Celui-ci nous Grabu, les deux héros de cette
Et le piège auquel il se retrouve- sualité de Tiffauges parvient à affirme que son effort a pour des- épopée saugrenue, peuvent bien
ra pris. ouvrir des portes mystérieuBe8 sein c de .ortir du labyrinthe de se tuer, ils demeurent en vie et
l.e 'Kommanaeur 'lIe Ka1ten- pour s'y introduire en frande; la .ubjecrit1ité:t. Il est pOMible le don d'ubiquité semble être un
horn, ce vieux PrUB8ien féru de l'épique enfin: l'écrasement de que, pour l'auteur, ce but ait en des trait8 des hommes et des fem-
sciences héraldiques, l'avait assez l'Allemagne nazie et Tiffauges effet été atteint. Reste à savoir mes de cette terre imaginaire. Le
averti. L'Apocalypse commence portant l'enfant juif, l'étoile de s'il suffit, pour se hi88er à l'ob- récit de Didier Pemerle est très
lorsque le symbole n'est plO8 les- David, comme une image de par- jectivité, de supprimer toute al- bref, il ne compte que cent qua-
té par rien, que le signe acquiert don, au milieu du massacre des lusion au réel, tout personnage et rante-huit pages: sans doute l'au-
'IOn autonomie, échappe à la cho- Innocent8, sur lequel Be8 yeux toute histoire. La lecture de ce teur a-t-il senti qu'il pouvait
lle ,symbolisée, la prend lui-même s'ouvrent enfin : la beauté à faire curieux roman de la vie mentale difficilement poursuivre son expé-
en ,Charge, la dét1ore. L'Allemagne peur. ne permet guère de l'aMurer. rience au-delà.
iliizie, une caricature, une masca- Jean-Marie Magnan CL. C.L.

,6
L'aventure d'écrire

1
Camille Bourniquel permis. C'est du moins ce qu'on ro, qui traverse sa vie et celle des la Doute d'être le 1lU-
Sélinonte croit. Mais aussitôt l'antonymie autres sans jamais s'arrêter nulle jet de son propre discours ? Maïa
ou la Chambre Impériale sonore fait entendre en contre- part, voyageur sans bagages et l'écrivain ne doit-il pas se résou-
Le Seuil éd., 256 p. point le son grave et sombre, sans destination, est pourtant fas- dre à n'être indéfiniment que le
-ante, déjà lourd des pesanteurs ciné par Atarasso. L'archéologie sujet d'un discours perdu? c Ces
«Parfois un simple mot... Le d'orage, et d'un goût de cendre. apparaît ici comme un premier mots, tous ces mots... étaieRt-iû
livre annonce ainsi d'entrée le La main gauche vient porter le maillon de la chaîne qui va nous les miens ? Qui pose la question,
lieu de son émergence et le véri- trouble, laissant pressentir que conduire à la question de l'écri- ici? Est-ce Géro qui parle? Ou
table sens de son propos. Camille cette toute possibilité du livre se ture, une sorte de réécriture de le narrateur, qui fait, au début du
Bourniquel est de ceux qui savent heurte à son impossibilité même. l'histoire (mais écrit-on jamais livre, la rencontre de Géro daDII
ce qu'écrire veut dire: en cette Où le nom clair de Sendra laisse une histoire pour la première une salle d'hôpital, fasciné par ce
alliance toujours incertaine entre apparaître son ombre de Cendre. fois ?), par ce déchiffrement mi- grand gaspilleur de dons qui Il'est
les exigences du récit et la rigueur Où le nom de Géro, le (h) éros nutieux des palimpsestes de pier- si bien laissé déposséder de ..
de la langue. L'histoire, on y re- du livre, s'annule déjà du Zéro res que sont les villes enfouies : seule chose à laquelle il se llOit
viendra. Mais il importe d'abord qu'il recèle. Géro-Zéro: «le si- c ... passant au peigne fin des dé- justement donné : un livre. c Cee-
de repérer le lieu où elle se donne gne creux de la numération de· bris, des tessons couverts d'écri- te aventure, dit le narrateur,
à lire ; de dire que le propos du vient aussi bien le symbole d'un ture ». Sendra sera le second mail- suis-je celui qui la raconte, ou
romancier passe ici d'abord par manque (absence de chiffre, donc lon, forçant le passage de la est<e moi qui rai vécue?» Oa
celui de l'écrivain, que pour ra· de valeur) que celui d'une pléni. fouille assyrienne à la fouille semt tenté de répondre que c'est
conter l'histoire, il la faut d'abord tude (les décimales) et peut deve· d'écriture, ramenant à la ques- la même chose. Cette question,
80umettre à la souveraineté des nir aussi le symbole de linfini tion de l'écrivain. Et d'ab9rd à chacun peut se la poser, à chaque
mots, que le récit s'ordonne dans C'est bien ainsi que nous sera Géro. maillon de la chaîne qui se déve-
un espace qui ne peut être repéré présenté Géro: l'homme de tou- L'ayant attiré dans la maison loppe ici: Atar88llO écrivant ses
et balisé qu'à se frotter d'abord tes les possibilités mesurées à d'Atarasso, elle va l'amener à re- livre!! de pierres, sur le terrain,
aux mots dont il va s'énoncer. l'impossibilité qui les englobe tou· transcrire les carnets de notes de Géro écrivant Ilur Atar88llO, le IUU'-
Telle est la partie qui se joue tes - et justement écrivant un son père, notes qui n'ont d'autre rateur racontant l'histoire de Gé-
là, sur les multiples portées d'une livre. intérêt qu'archéologique, la véri· ro, et l'écrivain faisant ce livre
partition dont les premières pa· table écriture de l'archéologue nommé Sélinonte, le nom même
en forme d'ouverture, annon- Une femme étant d'abord celle des pierres. du livre de pierre d'AtarallllO. Et
cent assez clairement le thème Mais sans en avoir conscience,
central: un mot bien précis. Et
du même coup l'ouverture nous
Il en est de l'histoire ICI com-
me du livre, comme de n'importe
Géro va faire de ces notes un
véritable livre, son livre: Des·
chacun peut répondre qu'en l'oc>
currence, raconter l'aventure
vivre, c'est bien en effet nne seu-
et"
indique le mode d'écoute ici re- quelle chambre, impériale ou cription d'un Empire Terrestre. Ie et même chose, quand c'est
quis. Un mot: Sélinonte. Nom pas: n'est-ce pas toujours à la Empire qui en dissimule à peine d'abord de l'aventure d'écrire
de ville et d'impératrice, nom de femme qu'il en faut demander la un autre, celui dont l'écrivain, qu'il s'apL
cette ville impériale aussi qu'est clé? «Une femme avait tout con· pour en être l'empereur, peut me-
le livre lui·même (son titre) : un duit. Celle-là même que dans surer à quel point il en est peu
lieu de fouilles au même titre lheure la plus lucide, alors qu'il le maître. Empire du langage où
que ces cités d'Assyrie décryptées les fouilles peuvent conduire à Aventure d'écrire
la retrouvait chaque nuit et pou-
par l'archéologue Atarasso, cha· vait disposer d'elle à sa guise, il d'étranges vérités, «ces mondes Ecrire l'aventlwe
que mot, chaque phrase, chaque avait nommé Sendra, enfouis où nous allons à la ren·
page annonçant déjà le mot, la fille du célèbre archéologue Ata- contre de nous· mêmes Aventure d'écrire qui ne va pas
phrase ou la page encore cachés. rasso, n'est pas sans évoquer la sans écrire l'aventure. C'est à
En a-t-on jamais fini avec l'ar- wagnérienne Kundry: celle qui cette charnière que se tient l'écri-
chéologie du langage ? ensorcelle. mais aussi celle qui ai- Oui est l'auteur? vain, à la fois scribe et conteur,
de - à comprendre. A compren· entre le mot et ce qu'il dit, entre
En sa musique dre par exemple ce que c'est Quelques années plus tard, le l'écriture et le récit, courant tou-
qu'écrire; ce qu'il en coûte d'al- livre est publié par les soins de jours le risque de se laisser dé-
Sélinonte: comment ne pas ler ainsi aveuglément à travers Sendra, comme ouvrage posthu- porter d'un côté ou de l'autre,
rentendre d'abord en sa musi- les mots vers la radicale dépos- me d'Atarasso lui-même. Ainsi en soit vers la pure écriture qui ne
que? En cette «turbulence ver· session de ce livre-objet où ils même temps que Géro comprend dit plus rien qu'e11e-même, llOit
baIe qui précède tout récit, viennent s'enfouir. «Qui peut qu'il a écrit un livre sans le sa· vers la pure fiction qui ne Il'écrit
toute entreprise d'écriture. En sa croire qu'il parle en son nom ? voir, il lui faut en même temps de rien, vers l'écriture saD8 hi&-
musique et en sa lumière, dans Qui peut croire que l'écrivain est supporter le fait de n'en être pas toire, ou vers l'histoire ll8IlIl écri·
c l'écho de son propre renonce- véritablement le sujet du discours l'auteur: fait qui n·apparaîtra ture.
Clair.obscur, main droite qu'il prononce? Ou du moin!! comme vérité qu'à la fin du par- Ne sachant trop qui est le
et main gauche sur le clavier des qu'il y a une quelconque signifia cours, du livre que nOU8 sommes « J e qui sur cet incertain lIeD-
mots. Du côté de la lumière, de cation à s'en attribuer la pro- en train de lire. Pas plus d'ail· tier de crête, tient la plume.
la pure mélodie: Sélin·, sonnant priété ? Telle est la terrible leçon leurs qu'Atarasso n'est l'auteur «Pourtant, ce Je (ce jeu)
comme un nom de femme, à quoi de l'ensorceleuse: une sorte d'ac- des villes qu·il découvre, de Séli· à reprendre pied UA ÎIU-
fait écho le nom de Sendra, pro- te de naissance, quant à effacer nonte par exemple. Mais alors, de taRt et à sortir du counmt qui
noncé à l'italienne, sonorités fraî- le nom, c'est bien le nommé qui Sélinonte, qui est l'auteur? depuis toujoun. Ce
ches comme un carillon matinal surgit. «Cendres vous m'aurez A une telle question, il n'est jen, il se joue dlUlll La chambre
aux espoirs du jour, à la obligé à renaître, à effacer en moi peut.être d'autre réponse que impériale pleine de mots, et
nai88ance de toutes les possibili. cette obM:ure tentation de durer c ce doute qui pour tous ceus qu'auCUD Je n'habite: là où
tés, .c'est·à·dire du livre juste· On comprendra mieux désor· qui s'engagent dans une voie dif- s'écrit le livre.
ment, là où tous les coups sont mais le sens de cette histoire. Gé- ficile a toujours été le chemin de Plailippe Boyer

lA f;b!in... iae Uttiraire du 1er au 15 octobre 1970 7


La valise vide Arabesques
1 1
J ean-J acques Rochard Hélène Cixous . qui visent sans doute à une sou-
Apologie d'un salaud Le Troisième corps veraineté encore non accomplie
Stock éd., 176 p. Grasset éd., 226 p. par rapport au passé. Quant au
«troisième il habite les
Que sont-ils vraiment, ces gar-
çons bavards et nerveux qui asso-
I Les Commence men,,:;
Grasset éd., 251 p.
deux romans car il est «le lieu
de l'immortalité que se consti-
cient le meurtre, la théologie et Si Dedans (Prix Médicis 1969) tuent les amants: «Il se trouve
la tendresse? Des tueurs au ser- était, comme on l'a dit, le «ro- à rintersection de nos deux dé-
vice d'un communisme qui les man de l'encerclement », les deux sirs tendus tout droits, issus du
utilise et les contrôle en les mé- nouveaux livres qui viennent de même côté de nos langues unies
prisant? Des enfants perdus de paraître feront peut-être figure et silencieuses, et qui, ayant pères
la guerre dans une Amérique du Jean-Jacques Rochard d'arabesques décrites à partir de et mères, origine et infini, se pré-
Sud vaguement dessinée ? ce premier cercle. r
sente tout à coup de autre côté,
Un des personnages de l'Apolo- exécutions. Tout conduit à la Dans le Troisième Corps et les sous la forme d'un troisième
gie d'un salaud constate que Révolution. On obtient du poli- Commencements, l'auteur semble corps... en ce corps nous sommes
« r Anarchie est la seule réaction cier qu'il signe un chèque énor- en effet tisser de nouvelles toiles échangés jusqu'à fextrémité de la
honnête devant la société ». Mais me transférant le trésor d'Etat autour de son enfance et des êtres ressemblance.» (Le Ille Corps,
ces jeunes gens ne sont pas exac- entre les mains de l'organisation. qui l'ont hantée. Elle continue p. 215.) Mais cet exorcisme que
tement anarchistes, pas plus d'ail- Pourtant, les dés sont pipés et avec ces deux romans - qui au- l'amour érige contre les puissan-
leurs que communistes ou trot- la valise vide. Manuel rencontre raient aussi bien pu n'en consti- ces de la mort, toujours à l'œuvre
skystes. La destruction de l'Etat l'actuel président du pays, achète tuer qu'uu seul - une sorte de dans la vie, il se poursuit aussi
ne les intéresse pas, pas autant son départ, le remplace. Qu'est- résurrection-liquidation dont on dans l'acte même d'écrire qui, en
que celle de la société et des indi- ce qui est vraiment changé? Au ne prévoit guère la fin. Ce genre «donnant à voir », confère aux
vidus qui la représentent. Au de- service de quoi se trouvent ces de matière n'est pas sans évoquer fantasmes une force et une réa·
meurant, ils ne manifestent au- garçons? On croyait changer le le long périple analytique que lité neuves. La narratrice peut
cun souci idéologique, tout en sens du monde, on a simplement René-Victor Pilhes retraçait pa- alors se posséder, se confirmer
chérissant les interminables confi- assisté à un chantage. Et les ter- tiemment dans le Loum. dans son être à travers une cosmo-
dences, les dialogues avec des roristes constatent qu'ils sont des La narratrice remet ici en cau- gonie intérieure devenue mani-
moines ou des curés. A tout pren- marionnettes. se sous une forme essentiellement feste, déchiffrable.
dre, ils ressemblent surtout aux Ce genre de désastre n'est pas métaphorique, onirique et inter. En dépit de l'identité de la
élèves des institutions religieuses. neuf. La littérature s'en est em- prétative le jeu des rapports et matière romanesque, le style d'Hé-
De ce livre bref et rapide (trop parée depuis plus d'un siècle, de- des identités interchangeables qui lène Cixous demeure, puissant,
rapide), fait de scènes violentes puis que les éternels EnjoIras ont l'entourent: celle de la mère-fille- nombreux, violent. Il est celui
mais cassées, seuls des personna- cru qu'en mourant sur une barri- femme, celle de l'amant-père-fils, «d'un guerrier de la vie », dé-
ges émergent, tracés à gros coups cade, ils mouraient pour quelque celle du père-mère-frère, à l'inté- cidé à vaincre ses démons inté-
de crayon : Wladimir buté, silen- chose. Transposé avec la force rieur d'une sorte de vertige rieurs, acharné dans sa quête et
cieux, Hugo, le métaphysicien qu'on sait, cette détresse ini>pire textuel où foisonnent les rêves et sa possession du monde par le
tendre du meurtre, Manuel le po- après 1830 le Lorenzaccio de Mus- les hallucinations signifiantes du langage. On ne peut qu'admirer
liticien, Juan le curé défroqué, et set: il quoi bon tuer le tyran, rêve éveillé. Cette matière, déjà l'ampleur du registre, la varieté
le narrateur, homme de main, puisque cela ne change rien? riche, s'articule en outre sur des des tons, qui va de la colère à
lui aussi, et qui rêve tendrement Mais le tyran n'est-il pas tué pour « textes» tels que la Gradiva de l'abandon savant, en passant par
à Lili Kangouroo, princesse loin- une raison plus profonde et ce Jensen commentée par Freud, le l'angoisse, l'insolence, le rire, le
taine, mystérieuse responsable po- meurtre ne réhabilite-t·il pas une Tremblement de terre au Chili sang, les larmes. Mais tout ce que
litique dont ils dépendent. petite canaille, à ses propres de Kleist, et les tableaux de Klee ces arpèges brillants font surgir
A leur sujet, on parlera de yeux? Dostoïevski n'est plus très ou d'Dcello (l'admirable Saint- devant nous, ces mères «pri.
Drieu, de Malraux, d'Abellio. Ce loin. Georges). Tout cela fait un peu mordiale(s), nombreuoe(s) », cet
n'est pas tout à fait cela. Ces per- J.-J. Rochard n'est pas Dos- figure d'orage culturel et nuit à amant cuirassé de lumière ou
sonnages ne revendiquent pas le toïevski, et son livre (au titre dé- la sobriété parfois très réelle du transformé en une lointaine par-
statut d'existence: ils se conten- plaisant) n'est pas les Possédés. sujet. turition, est comme secoué de
tent d'apparaître. Ce sont des vi- La rapidité schématique de l'ac- Celui-ci, on s'en rend compte, séismes secrets, de rages impuis-
sages, des fantasmes de souvenirs tion et des personnages, une cer- touche au problème délicat de la santes et d'anxieux délires, com·
ou de l'imagination, qu'importe! taine facilité dans la présentation dissociation à 0 p é rel' entre me si la narratrice ne parvenait
Une certaine lecture de ce livre presque monotone de la vie de l'amour vécu comme adulte et pas à «résoudre », à réduire à
en révélerait sans doute la trame ces terroristes, comprimés entre les liens de chair et d'idées qui merci le cortège des images qui
cachée : la violente haine portée le coup de feu, le demi-viol et adhèrent en tant que passé à la poursuivent.
contre la paternelle société éta- la méditation théologique gênent l"être de la narratrice. C'est pour- Après cette lecture difficile,
blie trouve sa compensation dans la lecture. Pourtant le témoigna· quoi celui qu'elle aime, T.t. (Tris- doublement exigeante par les va-
une nostalgie profonde de la fé- ge, fût-il imaginaire, s'impose: tan) ou Saint-Georges doit assu- riations de la forme et le niveau
minité toujours perdue. les images haletantes nous sui· mer une réalité mythique et de culture qu'elle suppose, on ai·
L'intrigue d'ailleurs renforce vent, même si inquiétantes, si ir- s'embarquer lui aussi sur les Lé· me à se tourner vers l'image de
cette impression : elle raconte un ritantes qu'elles soient. Il y a thés analytiques qui semblent la Gradiva, «celle qui et
échec et un échec qui affecte ces quelque chose là. On souhaite- occuper une place très - trop - qui resplendit », silencieuse dans
chevaliers de fortune dans leur rait, après Apologie d'un salaud, importante dans le livre. Les le midi brûlant de Pompéi, s'avan-
'ressentiment et leur haine, la relire les Réprouvés d'Ernst von Commencements sont tout comme çant lentement vers sa mort, là-
seule chose qui leur reste. Ainsi, Salomon, qui reste la matrice de le Troisième Corps une longue bas, dans l'ombre fraîche du
les terroristes enlèvent le chef de ces légendes désespérées. métaphore amoureuse et inquiète Temple...
la police, coupable de multiples Jean Duvignaud à la fois, une création de mythe8 Hélène de W ierlYiJ

8
Un refus fraternel Un saccage

1 1
Guy Le Clec'h son père lui brûle les doigts, lui Pierre Guyotat Place rase était faite pour écri·
La violence des pacifiques salit l'âme. Il l'appelle un «mal:t, Eden, Eden, Eden re Eden, Eden, Eden, qui se trou·
Albin Michel éd., 304 p. lui trouve une mauvaise odeur: Gallimard éd., 280 p. vait en germe, tout entier con·
c Il pue le cadavre :t, dit-il. Ceux tenu, dans un texte d'une dizaine
qui en ont et en usent sans scru- de feuillets, paru en octobre 1967
Des Moissons de (abîme - pre· pule ne sont pas de sa race. Un paroxysme monotone, à sous le titre de Tam, Tam dans la
miel' volet du triptyque intitulé: Marville n'est, cependant, ni cette phase aiguë de l'écriture se revue les Cahiers du Chemin et
c Les J ours de notre vie:t - le un ascète ni un anachorète: situait Tombeau pour 500 000 sol· qui, déjà, prenait acte de cette
personnage central, Jacques Mar- quand les hasards de l'amitié ou dats de Pierre Guyotat. Le récit rupture consommée et en assu-
,oille, émergeait comme un rêveur de l'amour lui sont favorables, il des faits était si exacerbé d'entrée mait les conséquences, y puisait
velléitaire, ballotté par les événe- ne fait pas le dédaigneux; il que l'on ne pouvait que par ana· ses pouvoirs. Mais de quel ordre
ments, désabusé avant l'âge. Il mord à l'hameçon sans prudence logie y retrouver l'habituelle pro- ou de quel chaos ?
prend un autre visage dans ce ni calcul. L'aventure, pour lui, gression dramatique. Eclatement Force du désespoir peut.être,
deuxième volet: la Violence des c'est l'existence. Ne cesserait·elle d'un monde qui n'en finissait pas plus que puissance et qui se fai·
pacifiques, où, d'homme quelcon. pas de l'être si l'on pesait le pour de s'éparpiller avec une puissance sait davantage jour dans la dou-
que, il devient une sorte d'aven- et le contre, si l'on conformait égale de destruction morose. Un leur, les scènes de tuerie et de
turier. Non que la chance lui ses actes au comportement géné- cauchemar interminable, dont se massacre, que dans les jeux de la
sourie, ni qu'il dirige d'une main l'al? «Je me bats seul:t, dit·il. mêlaient les épisodes et se che· volupté qui restaient en deça,
ferme sa barque entre les écueils. «Je ne veux rien pour moi. Donc, vauchaient les péripéties, et où malgré l'irritation de tous les
Simplement, les écueils ne l'em· j'ai le droit de tout exiger. :t Mais prédominait le sentiment d'une sens, l'accumulation des détails
pêchent pas d'affronter la haute il collectionne les échecs, un peu horrible répétition, éternel re- obscènes préparatoires, de l'in-
mer. comme le Salavin de Duhamel, tour, recommencement à perpé- cantation à quoi le meurtre pou-
Par plusieurs aspects autobio- dont, avec moins de donquichot-
graphiques, la narration gagne tisme, il est une moderne répli.
en ampleur. Le mouvement de la que.
vie est plus perceptible, plus ou- Guy Le Clec'h le peint avec
vert et multiforme que dans les juste ce qu'il faut de réalisme
Moissons de (abîme. Le ton va- pour que la silhouette soit discer-
rie selon que Marville se trouve nable. Il l'entoure d'un halo fan·
au chevet de son père mourant, tastique, mêlant le rêve au vécu,
obsédé par les souvenirs de la Iii' fantaisie au sordide. Méthode
guerre de 1914, ou' en face de qui peut déconcerter, mais qui
son frère, un frère aussi différent donne aussi, parfois, d'excellents
de lui que le blanc l'est du noir, résultats: ainsi, l'apparition de
ou encore avec Claire - son pre- Catherine, dont l'image coïncide
mier amour, impossible à rani· miraculeusement avec l'un des
mer - Françoise - l'épouse fantasmes de Marville. Le prodi-
adultère et bourgeoise dont il ge devient soudain crédible;
manque d'être le gigolo - Ca- l'univers rationnel bascule, chi·
therine.enfin - la maîtresse fra- mère et poésie confondues.
gile parce que blessée dans son Ailleurs, la ville et ses habi-
enfance, semblable à lui comme tants s'estompent dans une aura
une sœur, au fond trop proche, de folie ; ils ne sont plus qu'un
trop «parente» pour que leur décor en proie au vertige, que la Pierre Guyotat, debout, à gauche
amour n'ait pas quelque chose foudre vient de frapper, et dont
de monstrueux. le héros, pétrifié au bord d'un tuité - loi même de l'enfer. vait atteindre. Ainsi, du moins le
On serait tenté de voir en J ac- trottoir, «sans appui, le préci. Au-delà de rappels, de rencon- sentions-nous dans le Tombeau.
ques Marville une sorte de hippy, pice sous ses pieds », découvre, tres avec surtout le Miracle de la Cela se lisait dans son écriture.
un non-violent de la trentaine, un entre deux éclairs, «les façades Rose, il y avait entre Guyotat et Dans une première version du
c pacifique:t, comme le suggère aux yeux crevés ». Genet une semblable nécessité Balcon de Genet, on voyait pa·
le titre. A la vérité, Guy Le Tout un monde que l'homme d'identifier leur cause avec celle raitre un moment sur le plateau,
Clec'h semble avoir voulu le pein- du xx· siècle essaie d'oublier - du tiers monde. Les Nègres et les le sang, les larmes et le sperme
dre en contestataire d'une société les cités atomisées, les laboratoi- Paravents permettaient déjà à - trois jeunes gens très beaux
qui écrase ceux qui refusent de res de la torture, «les Juifs, les 'Genet de se retrouver dans les et blessés: . «Curieux mots ou
se plier à ses appétits. Il est l'un Noirs, la guerre, les filles-mères, opprimés et les parias, d'élargir banales humeurs? ». Ils se plai-
de ces derniers. A force de coups les enfants abandonnés:t - me- son cas. Guyotat aussi voudrait gnaient d'avoir servi à une lon-
reçus, il s'est tanné le cuir; il a nace soudain la tranquillité des être nègre. Mais il sait bien que gue utilisation décorative et affir·
appris l'obstination; sans cesser, égoïstes. Les refus de Marville, c'est par rapport au Blanc qu'il maient leur désir de lui échapper.
pour autant, d'être sensible et in- même s'ils se manifestent parfois souhaite la révolte noire «Et ça Chez Guyotat, ils débordent à
quiet. avec violence, ne sont jamais dé- c'est égoïste. C'est une forme de chaque page et les corps qui Be
Des divers métiers qu'il accom- nués de fraternité: les autres néo-néocolonialisme:t, constatait· cherchent, s'affrontent, en ruis-
plit - employé, chauffeur-livreur, existent aussi, plus souvent vic- il. C'était en tout cas une bien sellent. On peut parler d'une in-
professeur, rewriter - pas un ne times que bourreaux, vers qui il intéressante insertion du chant. continence généralisée qui entraî-
convient à ses goûts et il les quit- va, les mains nues, empli d'une dans un contexte extérieur à l'au- ne celle du langage. Ils n'arrê-
te tous par lassitude ou sur un ardeur qui n'a pas trouvé encore teur. Et, bien sûr, le ton' même tent pas de couler. «Des torrenu,
coup de tête. L'argent ne l'inté- où se consumer. du récit révélait davantage le my· des fleuves, des cuvettes, des
resse pas. Celui qu'il héritera de Maurice Chavardès thologue que l'historien. pluies torrentieUes, des catarac-

I.a Cl!!buaine Littéraire du l· r au 15 octobre 1970 9
Le créateur
les, de. «eysers:t, que l'écrivain Harry Mathews buer le rôle de justifier, d'une mond Roussel. Il n'est pas ques-
De ce8IIe d'alimenter. Conversions part le ressassement perpétuel de tion ici de comparer Harry Ma-
Le lait est la source de tout Trad. de l'anglais la religion philosophique, et, thews à Raymond Roussel ou à
échange avec la femme : faim ra- par Claude Portail d'autre part, le formalisme pro- Lautréamont, ni de comparer
rement rB8888iée. Tari, il se re- et Denis Roche avec vincial et anémique qui caracté- son livre aux Chants de Maldoror,
fuse le plO8 souvent et ne coule la collaboration de l'auteur rise les derniers souffles du Nou- mais de mettre en évidence et de
pas à pour des lèvres avides. Gallimard éd., 208 p. veau roman. revenir sur ce paradoxe qui veut
Salives et b8'ves, par contre, for- que ce soit un écrivain anglo-
ment de véritables filets, réseaux saxon qui fasse apparaître le ter-
sur les COrp8 désiréB et tradUÏ8ent La tradition romanesque pos- Le paradoxe rain sur lequel se déplace aujour-
l'exultation amoureUBe. lIB se sède aujourd'hui une histoire ca- d'hui toute une partie des der-
teintent à l'ordinaire de sang, pable de comprendre et de répon- C'est ce contexte particulière- nières productions du Nouveau
comme une roeée. VolDÏ88ures et dre des subtilités et des recher- ment chargé que le livre de Har- roman; que ce soit un écrivain
excréments soudain dévidés leur ches les plO8 byzantines. LaBBés ry Mathews, Conversions, prend anglo-saxon qui en démonte les
meeèdent et une incroyable épaiB- de se disputer un caractère, une en considération, et c'est aux œu- « platitudes» (fussent-elles valé-
seur, deDBité de la matière (des situation, une intrigue, un exo- vres les plus marquantes de ce rio-horgésiennes), qui en re-
matière&) remonte et submerge tisme de plus, il semble que les champ littéraire que, finalement, marque les lignes de force.
to08 les accouplés. La page en- nouveaux romanciers se trouvent il renvoie. Le paradoxe veut que
les mots s'embourbent. On réduits à spéculer sur le dernier cette leçon de maintien soit don-
est comme bu et upiré par ce avatar du genre «ésotérisme for- née au dernier carré du Nouveau
Une série à énigmes
chu dans la matière la mel:t. L'histoire des divers mou- roman, par un romancier anglo-
pb compacte où l'on s'enlise, vements littéraires de ces cent saxon. Cela n'est pourtant qu'ap-
8Uftoque. dernière& années, perçue commc paremment paradoxal; il con- Conversions se présente comme
Tout amour, qui ne s'y écraBe une addition de « trouvailles :t vient en effet de préciser, tout une série à énigmes avec appa-
pas, dénonce dans le Aux même plus ou moiDB heureuses, se trou· d'abord, que Harry Mathews est remment toutes les caractéristi-
de la parole, une furieUBe insa- ve ou bien condamnée à répéter, parfaitement bilingue, et que sa ques ùu roman feuilleton tel
tiBfaetion. Longtemps les appels culture est tout autant française qu'on le voit au milieu du
avec variantes, les motifs décora-
se sont boU8CuléB, multipliés, ont tifs d'une même subjectivité, ou, qu'anglo-saxoime. siècle surgir du Roman Noir.
tournoyé au-de88U8 de leur objet, au mieux (1), à devoir témoigner La référence à Raymond Rous- C'est-à-ùire que la fortune (<< fa-
invoquant avec des cris pusion- d'une évolution de type nette- sel semble tout d'abord être la buleuse :.), et une fortune concrè-
néB tout un Babbat, où les jeunes ment positiviste. référence maîtresse de Conver- tement monnayable: l'argent s'y
corp8 pourraient enfin sions; l'épisode du roman qui a trouve être le facteur détermi-
pour titre «Les gitans:t se pré- nant de la fiction (de la fabula-
s'abîmer. Les références lansoniennes
sente nettement sous la forme tion) et de la quête pour laquelle
Aujourd'hui le Baccage l'em-
semi-dramatique du déchiffre- le héros devra utiliser toutes les
porte de pb en plO8 sur la pro- TI va de 80i que, da08 une telle
lifération, les mots sont propul- ment des énigmes dans les ressources de sa chance, de son
perspective, toute pratique litté- avoir et de son savoir. Telle est
lléB au lieu de seulement s'agglo- raire déterminée à penser son « jeux:. rou88elliens (ce n'est cer-
tainement pas un hasard si la la grille qu'utilise Harry Mathews
mérer ou s'agglutiner. Si tant de évolution historique d'un point
phrases qui refUBent le tri, l'éla- première version de Conversions en une série de scènes dont le
de vue dialectique va forcément caractère parodique, aplatissant
boration, la mise en valeur ou la voir son travail aplati, écrasé, ré- paraît en anglais en 1960 dans
tout effet· de fiction, ne cesse de
mise au point, se pou8Bent en duit aux références lansoniennes. une revue publiée en France, et
l'lIJlWl serré! et défilent sans solu- qui avait pour titre Locus Solus). renvoyer à l'anachronisme des
Je pense ici, pour ne parler que formes romanesques que cette
tion de continuité, à perte de de la littérature française, aux Le livre toutefois ne saurait être
vue, il fallait que le dru triom- réduit à cette seule référence, et grille met en scène.
moments forts, quant à leurs ef-
phe des courbes, méandre&, volu- fets révolutionnaires et à leur ra· si l'influence de Rou88el y est dé-
tes, qu'elles s'érigent. dicalité transformationnelle, que terminante, c'est sans doute
Revêtu de tOO8 les attributs de 80nt les œuvres de Lautréamont, d'abord parce qu'elle autorise le L'apport anglo-saxon
la force, délibérément, avec ce Rou88el, Artaud, Bataille; œu- romancier américain à jouer tou-
d'être tOUjOurB à la limite vres qrii se pensent dialectique- tes les ressources de sa langue Et je dirai que c'est plus parti-
de toute teDBion, Guyotat, dans ment'par rapport à l'histoire qui sur un champ culturel qu'en der- culièrement ici qu'intervient l'ap-
IOn jU8qD'au-boutiBme exupéré les produit, et qui demandent à nière instance, Lautréamont et port proprement anglo-saxon de
des actes, des attitudes, des faits être lues (auBBi bien les unes par Rou88el inévitablement renver- ce livre, dans l'écriture même de
rapportés, aboutit dans Eden. rapport aux autres) dans le mê- sent. Mathews, dans une écriture qui
Eden. Eden à un nivellement dé- me mode de production dialec- utilise avec une grande virtuosité
finitif, un nivellement forcené. tique. Faute de quoi, réduites à toutes les ambiguïtés sémantiques
Un livre BaD8 commencement ni une normalité (normalisée), leurs Roussel, Lautréamont de l'anglais. Il faut noter que, de
fin et dont la mise en 270 pages transformations n'apparaissent ce point de vue, la traduction
fait figure de pis-aller Baugrenu. plus que 80US le mode de la «fan- On .sait que la matrice formelle française, si élaborée soit-elle, est
Car on peut écrire à la limite que taisie:t humoristique et décora- des Chants de Maldoror est em- loin de bénéficier de la richesse
chaque paBBage entre tirets le tive, quand ce n'est pas sous celui pruntée aux romans à épisodes, des jeux pluri-sémantiques de la
:contient et qu'il pourrait intermi- d'une transgression dont on nous au Roman Noir anglais et à ses version anglaise (ambiguïtés, jeux
nablement se pourBuivre hors du suggérera alors qu'en dernière vulgarisations, le feuilleton popu- de mots, double, triple sens, pas-
livre. Et ce n'est pu là sa moin- instance le caractère ne peut être laire (Sue: Latréaumont; Pon- tiches, etc.). C'est une des p!lrti-
dre é«alité. une égalité à pren- que religieux. Livrées aux phago- Iwn du Terrail: Rocambole), cularités normatives de la phrase
dre ou à lai.eBer. cytes lan80niens, les œuvres de c'est cette même «tranche roma- française que d'écraser inévita-
Lautréamont, Roussel, Artaud, nesque:t que Harry Mathews va blement la multiplicité des jeux
Jean-Marie Ma«,",n BataiDe, etc., vont se voir attri- soumettre à l'influence de Ray- qu'elle autorise sous l'autorité

10
e ef
OISI·
d'un sens souverain, les traduc- consume, avec une joyeuse rapi-
tions de certains romans anglais dité, tout ce qu'elle met en jeu,
prennent ainsi en français un les névroses sont à l'avant-8Çène.

VH
poids et un «sérieux:t qui le Le miroir culturel que Mathews N° 2 - QU'EST-CE QUE LA THEORIE?
plus souvent les tue (je pense ici vient de promener tout au long
aux traductions françaises de Ro- d'une histoire dont nous lIavons Réponses de :
nald Firbank). bien qu'elle est morte, ne livre Roland BARTHES - Pierre BOURDIEU - Yona

101
plus que ces grandes figures occi- FRIEDMAN - Lucien GOLMANN - Claude LEVI-:
dentales grimaçantes, ces vérita- STRAUSS - Jean-François LYOTARD - André
bles héros de c l'aventure :t roma- MARTINET - J.-B. PONTALIS - Olivier REVAULT
Les trames
D'ALLONNES - Alain ROBBE-GRILLET - Philippe
nesque qui soumettent le récit
VH101 SOLLERS-Bernard TEYSSEDRE-Victor VASARELY
Ce n'est pourtant pas tout à comme sa forme à leur prétexte
et auprès desquelles, Mathews le LA REVUE
fait le cas du livre de Harry Ma- DE L'AVANT.GARDE
thews qui, s'il ne répond pas montre bien, les personnages ne Dan. tout.. le. bonne. libraIrie•• Corre.pondance
INTERNATIONALE et abonnement: 101, rue de VaugIrard. Pari. 8"
absolument, dans sa version fran- sont que des pantins. c L'horloge 128 pages
çaise, de la virtuosité d'écriture lunaire ne m'ayant pas dévoilé la 50 illustrations 14 F Edition. E..emer
qu'il manifeste en anglais, n'en troisième réponse, je décidai de
livre pas moins une traduction mettre fin à mes recherches. Ma
qui, pour l'essentiel, conserve au longue quête avait englouti da-
jeu textuel l'étrangeté qui le vantage que la petite somme que
{:onstitue (je suppose que la col· j'avais un jour possédée... Il ne
laboration de l'auteur avec les me restait plus qu'à rentrer chez
traducteurs, Denis Roche et Clau- moi et à commencer à rembour-
de Portail, n'y est pas pour rien). ser mes dettes. :t Le roman se ter-
L'écriture de Harry Mathews, et mine ainsi, brusquement, et pres-
c'est là si je puis dire ce qui la que sans raison, dirait-on, par un
qualifie, ne se contente pas en apparent constat d'échec: c'est
effet de reproduire tel quel le vi- que la preuve est faite de l'ana-
de des formes romanesques qu'el- chronisme d'une démarche qui
le utilise; elle en redouble jus- prétendrait donner vérité. à une
qu'à la caricature les productions fiction autre que celle qui sous-
crit toutes les formes fictives,
fictives (idéologiques) qui leur
sont attachées. De sorte que les laisser la parole à un «créateur:t, SIPTlIIBBB 1970
figures centrales de ce «rêve
qu'est le «jeu» roma-
se déclarât-il apparemment oisif.
BBOIIISLAW IlAlBOWSD
nesque, loin de dissimuler (der- Les dynamiques
rière le glacis d'une pseudo-
Les véritables. héroines
de 1'6,olutlon nltDrelle
objectivité Nouveau roman) Recherche sur les "IaUODl raciales eu Afrique Z1,70r
les contradictions idéologiques du débat
qu'elles mettent en scène, se mar- PIBUIBOBY
quent avec force et proportion- Dans sa démonstration, le livre Irotlsme afriealD
nellement à l'invraisemblance de Harry Mathews réaffirme l'ir- Le comportemeut senel des adolesceuts guiD6eDI 18,10 r
même de la fiction qui les pro-
duit.
réductible radicalisme de l'inter-
vention roussellienne. Remettant
Br WOLr8U8 LIBIBIB
8pophobia
« L'animisme, la magie et les en jeu les «tics» de la tradition
enchantements, la toute-puissance romanesque, sa «longue quête La peur des femmes Il,70r
des pensées, les relations à la
mort, les répétitions involontaires
engloutit finalement davantage
que ce qu'il a jamais possédé:t ;
PnTI'B BŒLlOTIIIQUB PAYOT
et le complexe de castration... »
(1) sont les véritables «trames»
c'est dire que finalement le livre
réaffirme surtout l'irréductibilité
r. et C. IlAS.A!1
romanesques auxquelles les «con- de cette intervention à elle-même.
Pou,olr, "soel6t6 et POlltlqâe
versions» de Harry Mathews don- Les véritables héroïnes du débat au Itats-:UDis 8,ur
nent une évidence fonctionnelle
(dépouillée de toutes mystifica-
(les névroses) ont rendu définiti-
vement anachroniques les cons- Dr mCBABL 8AL1ft
tions objectives). Les clefs, les tructions mécaniques de contes TecJmlques Ps,ùotb6npeutlques
ressorts du récit suspendu (du
suspens) ayant perdu toute vrai-
somnifères, Lautréamont nous le
signalait déjà à la fin du sixième
en m6deelDe 7,zor

semblance objective livrent, dans des Chants de Maldoror; des P.B. CBOIIBABT de UDWI
leur exaspération, le schéma fan-
tasmatique qui conditionne. la
sciences (la psychanalyse entre
autres, n'est-ce pas ?) nous ont de-
Images de la eaJtDre li,.'
forme romanesque. On dirait fina-
lement du livre de Harry Ma-
puis enseigné à déchiffrer quelle Dr LOmS LB'"
thews que son ultime «conver-
surface sociale ces jeux névroti-
ques souscrivent... Que va faire
Phutastlea ' ,
sion:t, la plus décisive, est ·celle Dropes psJch6d6l1ques - Stup6fiaDts - BaIIuCÜlOl6Des I,.r
maintenant l'oisive littérature?
du roman en névrof>e. Passée Marcelin Pleynet Catalogue sur deDWlde au BditioDi Payot
c l'allégresse :t (comme dit le priè- (1) Freud, « L'inquiétante étran- Semee QL 108, Boll1enrd SaiDt-8ermaiD, Paris s·
re d'insérer) d'une lecture qui geté •.

La Ql!inzainc Uttiraire du 1er au 15 octobre 1970 11


ENTRETIEN

Orkeny
Istvan Orkeny mencé à se manifester, à s'im-
Minimythes poser, et l'un de ses meilleurs
Traduit du hongrois représentants était le jeune Ti-
par Tibor Tardos bor Déry. Et depuis quelques
Coll. « du Monde entier • années, on assiste à un renou-
Gallimard éd., 224 p. veau. La vie littéraire hongroi-
se se fait plus riche, plus pétil-
lante, plus bouillonnante. Cer-
tes, le règne du roman tradi-
Istvan Orkeny nous était con- tionnel n'a pas cessé, mais à
nu par une pièce singulière, à côté de celui-ci, des recher-
l'humour subtil et noir, dénon- ches personnelles voient le
çant symbol iquement toute for- jour.
me d'occupation, d'intrusion
dans les affaires des autres, Personnelles. cela signifie
une sorte de Victime du devoir donc qu'il n'y a pas d'écoles.
à arrière-plan politique, la Fa-
mille Tot (1) qui fut jouée à 1. O. Les groupes, les éco-
Paris il y a deux ans. Aujour- les, comme chez vous le sur-
d'hui paraissent des Minimy- réalisme, le nouveau roman
tf1es, textes d'une extrême briè- n'existent pas en Hongrie. Cer-
veté, de quelques lignes à tes, il y a de bonnes relations
quelques pages, qui tiennent du entre les écrivains qui tentent
poème en prose, du conte, de de rompre avec les traditions.
l'apologue, de la satire, où se Nous sommes des collègues,
mêlent jusqu'à se confondre. des amis, mais nous ne travail-
nous faisant rire en pleurs, le lons pas ensemble, chacun
grave et l'aigu, le drôle et le cherche son propre chemin.
tragique. _ _ _
Pour les définir. il faudrait Vous-même, comment avez-
évoquer ces dosages minutieux: vous rompu avec la tradition?
des pharmaciens - mais Or-
keny, justement, ne fut-il pas 1. O. J'ai abandonné la voie
pharmacien avant de connaître de la prose épique il y a une
les cal"1ps: de concentration douzaine d'années par révolte
allemand, de prisonniers en contre l'faégémonie de l'expli-
Russie, puis, après octobre cation. Et chez moi, ce n'est pas
1956, le travail en usine pen- l'écrivain qui s'est révolté
dant six ans? - qui aboutis- d'abord contre la manie de tout
sent à une minuscule pilule. dire, de décrire minutieusement
suffisante pour réveiller un les paysages, de peindre les
mort et secouer les vivants. En personnages de pied en cap,
effet, les meilleurs de ces ré- mais le lecteur. En lisant les
cits contiennent une véritable grands romans, souvent avec
charge explosive, un humour admiration, je me suis aperçu
noir et une imagination poéti- qu'il m'arrivait de tourner des
que qui ne sont pas sans rap- pages qui ne m'intéressaient
peler Jarry, Michaux ou Que- pas pour aller plus vite à l'es·
neau, mais qui, dans les lettres sentiel, à ce qui me semblait
hongroises doivent rendre un important. La conclusion fut:
son nouveau. quelques-uns de nos poètes au- avons une tradition de grands pourquoi écrirai-je ce que le
raient une réputation mondia- conteurs dans la lignée de Bal- lecteur sautera parce qu'il
1. O. En Hongrie, constate le. Cela tient en partie à ce zac, de Stendhal, de Flaubert, l'imagine facilement? Par
Orkeny, autant dire que je suis que nos poètes ont toujours été et dont la prose coule comme exemple quand je lis la des-
seul, que tous les écrivains qui très sensibles aux situations un grand fleuve. cription d'une chambre, si pré-
cherchent à rompre avec nos historiques, ont toujours parti- cise soit·elle, ce n'est pas la
traditions littéraires sont seuls. pé aux événements comme Cette tradition est-elle tou- chambre de l'écrivain que je
Petofi qui fut tué en 1849 dans jours vivante? vois, mais une chambre que je
Quelles étaient ces tradi- la lutte pour l'indépendance et connais, une chambre qui cor·
tions? dont on disait qu'un seul de ses 1. O. Moi-même, au début, respond à mon idée de cham-
poèmes pouvait faire éclater j'ai écrit selon cette grande bre. Si j'écris qu'en rentrant
1. O. C'est un lieu commun une révolution. Ainsi, j'ai donc prose épique qui est toujours chez lui, un personnage est al·
pour nous, la richesse de la lit- avoué que notre prose et notre très vivante, très riche, très lé dans sa chambre, cela suf·
térature hongroise est sa p0é- théâtre n'ont pas une impor- populaire. Mais naturellement, fit. De même, alors qu'un pein-
sie. Nous pensons être un peu- tance égale à celle de notre ce n'est plus aujourd'hui le tre nous montrera un paysage
ple de poètes et si les difficul- poésie. Cependant il existe seul style. Entre les deux guer- avec une maison dont la chemi·
tés de langue n'existaient pas d'excellents romanciers, nous res, une avant-garde a com- née fume, je me contenterai de

12
sur le fil du rasoir
parler de la cheminée et de la et il suffit d'un rien, d'un mot que chacun de vos récits illus- nutes. C'est Claude Roy qui non
fumée, laissant au lecteur le en trop ou mal choisi pour per- tre ou moque un de ces fantas- seulement m'a fait publier en
soin d'imaginer le reste. Ainsi, dre cet équilibre. Aussi je gas- mes auquels nous sommes su- France, mais qui a trouvé ce
je me suis opposé au style épi- pille un nombre considérable jets. un de ces mythes dont titre si parfait de Minimythes.
que en me limitant aux allu- d'heures de travail, parfois pour nous sommes victimes dans la
sions, à la recherche des si- trouver un seul mot, celui qui vie moderne. Propos recueillis par
gnes essentiels. équilibrera la balance. Claude Bonnefoy
1. O. On me félicite toujours
Jusque dans le titre vous pour ce titre. Mais en hongrois, (l) La Famille Tot., Coll. Théâtre
Et vous avez parfaitement
réussi dans Minimythes. avez trouvé le mot juste puis- mon livre s'appelle Contes mi· du monde entier, Gallimard.

1. O. Non sans difficultés.


Mon évolution a été très lente.
Je voulais me détacher du sty-
le épique, mais je n'avais rien
en Hongrie à quoi me rattacher.
Oisons que ce que j'écris au-
jourd'hui s'apparente au grotes-
que. Mais si dans votre littéra-
ture il y a une tradition du gro-
tesque, dans la nôtre, il n'y a
jamais eu dans ce genre que
des tentatives isolées, sans
lien entre elles. Il n'existait
pas de tradition, pas d'exem-
ples sur lesquels m'appuyer.
Comme tous les écrivains qui
poursuivent actuellement des
recherches personnelles en
Hongrie, j'ai dû défricher tout
seul mon chemin, et non sans
commettre beaucoup d'erreurs
ou de faux pas. En effet, lors-
qu'on n'utilise pas une écriture
déjà connue, il faut inventer
des choses qui parfois ont dé-
jà .été inventées ailleurs depuis
des·siècles. Il faut les réinven-
ter dans notre langue. Et cela
a des conséquences pratiques
très tristes pour l'écrivain. Ce-
la se solde d'abord par un nom-
bre considérable de pages
manquées, par des idées de
romans, de nouvelles, de piè-
ces qui paraissent faciles à
écrire mais deviennent impos-
sibles à réaliser dans cette
situation d'improvisation per-
manente.

Dans Minimythes, cependant.


vous avez trouvé un ton extrê-
mement rapide et allusif. mieux,
en quelques lignes vous parve-
nez à dévoiler ensemble la drô-
lerie et le tragique d'une situa-
tion.

1. O. S'il y a quatre-vingts
textes dans le recueil, j'en ai
bien quatre cents dans mes ti-
roirs, ratés ou à moitié réus·
sis. L'essence même du grotes-
que est de trouver un équilibre
entre le ridicule et le tragique.
On marche sur le fil du rasoir,

ia Littéraire du 1" ilU 15 octobre 1970 13


Mauriac
Jl dort. Je forcerai les dieux mie que repose fanneau de Méli- déverse dans le souvenir qui éli· mi les hommes. Le Dieu de Mau-
même à se taire. sande et bien d'autres bagues per- mine peu à peu toute possibilité riac est un dieu affectif destiné
J'anéantis le monde autour d'Atys notamment à combler les brisu·
qui dort. dues, et tous les secrets, et tous d'authentique présence humaine
Le sommeil a rompu le faisceau les remords, et toutes les dou- au profit d'un imaginaire et d'une l'es de l'enfance, mais imposé par
de ton corps, leurs et tous les songes dont nous vie spirituelle mal médiatisée. elle comme un des éléments es-
Tes membres épandus se nous berçons jusqu'à notre der· sentiels qui ont nourri son passé.
partagent la terre,
Doux serpents déliés qui feignent nier jour. C'est de cette eau som- Les anges noirs Désireux de retrouver le paradis
d'être morts, bre qu'ils remontent encore pour perdu, il doit en retrouver la
Et Cybèle frémit jusque dans ses (l)'aider à ne pas perdre cœur.» Tes pas se perdent. Le silence composante religieuse qui en est
abîmes Peut·être le jour est-il venu la clé de voûte et le fondement,
De ce trouble abandon sans Est doux après ton aigre voix.
caresse et sans crime. d'oser restituer à l'écrivain la part o volupté de ton absence! sans jamais pouvoir l'assumer
la plus méconnue de son talent, dans une réelle indépendance.
Auprès de Sangaris qu'il accueille celle, la plus paradoxale, qui de- J'aime bien mieux que tes Aussi est·il contraint de l'assimi·
en ses songes, vait contenir le nœud de l'œu· 1er à une aura diffuse nommée
Que suis-je, être sans forme et que tristesses
l'océan ronge, vre et l'aboutissement de ses rê- Le souvenir que tu me laisses tendresse ou grâce. Chrétien ob-
Moi qui ne puis tenir dans ves. L'énigme Mauriac semblait Quand je ne suis plus près de toi. sédé par la pureté morale réduite
l'anneau de deux bras, toujours échapper au lecteur en à la chair, Mauriac recherche en
Reine à l'immense front que les dépit des innombrables allusions
tristes marées Ah! comme }e t'aimerais morte! Jésus l'Ami capable de combler
Ceignent de varech noir, de du romancier ou du mémorialiste. Tu fais fuir avec ton sourire le manque affectif qui l'occupe,
méduses moirées! Quel était le centre de formation Ce que .mon rêve t'a prêté, capable de consoler l'enfant de
de ses volutes ? Pourquoi ces pas· morts intimes et des morts
Le défi adolescent à Dieu, la sions, cette œuvre? Les poèmes A vec ton sourire fardé qu'il a aimés. Le climat de lan-
passion de Genitrix, le privilège nous aident à y répondre. La sin- Et les mots qu'il ne faut pas dire. gueur de ses premiers poèmes
accordé au sommeil et à l'odorat, cérité du vieil homme ne pouvait permet de s'y baigner à loisir.
union de sensualité et de spiri- que nous y inciter puisque l'éter- Ce poème de 1909 priviléll;ie dé· Mauriac se condamne à la solitu-
tualité, l'imaginaire du serpent, nel adolescent avait choisi, plus jà le souvenir et le passé que peut de créatrice du mal aimé, au cul·
le frémissement de la chair cul- que Gide peut.être, de se mettre magnifier l'imaginaire au détri· te du moi, à la sensiblerie des
pabilisée, le besoin d'une sexua· réellement à nu, pour se cerner ment de la réalité: il annonce la correspondances, à l'obsession d'un
lité qui ne soit pas telle que le et pour être cerné. Ce n'est point conceptualisation de ces tendan· pur ampur qui n'est que désir
monde la connaît, l'obsession de hasard si l'œuvre s'ouvrait sur un ces dans le thème de l'incommu· tandis qu'un catholicisme d'am·
l'océan, de l'abîme, de l'immense, prologue en vers; si elle incar- nicabilité des êtres de l'amour biance colore d'élans une situa-
l'impossible partage de l'âme nait dans ses romans des figures humain, comme le penchant au tion narcissique enfermée. En
adolescente entre son désir infini de poètes, telles l'Augustin. de. meurtre sexuel qui éclate, pour ne fait ce climat des Mains jointes
et le réel qui la brime, en ces Préséances, l'Yves du Mystère citer qu'un titre, dans les An- n'est qu'un aboutissement, un voi·
quelques vers sont contenus, mi- Frontenac ou le Pierre Costadot ges noirs, et se retrouve encore le pudique qui recouvre un dra-
raculeusement. Pourtant, ces des Chemins de la Mer pour se dans cet Adolescent d'autrefois me caché au cœur duquel la
consonances, ces mouvements clore sur cet Adolescent d'Autre- dont on a rarement percu la vé- sexualité brimée ne peut s'accom·
Ilecrets d'une âme possessive, pas- fois dont la parenté imaginaire ritable Le viol et le plir qu'en ses palliatifs. L'Enfant
sionnée et brisée, dans la gangue avec l'auteur n'est point fiction meurtre du, Pou dans cette œu- chargé de chaînes, parce qu'il a
d'un vers aussi dépouillé que mais réalité de l'en.deçà. vre ne sont pas un «deus ex ma· refusé de les rompre pour éviter
l'acidité de la lande, peu les ont On a trop facilement négligé les china ». ns relèvent d'une sexua- la révolte qui eût radié le Dieu
écoutés 'parmi . ceux qui lisent Mains jointes et f Adieu à fado- lité quelque peu voveuriste et de son enfance, se condamne à
Mauriac. Le poète ne pardonnait lescence. Les tâtonnements d'une destructrice - qui s'accomplit une attitude anémiée qui accep-
d'ailleurs pas aux critiques' cet œuvre, quand sa totalité nous per- par intermédiaire, obtenant ainsi te les structures traditionnelles en
oubli qUi morfondait sa vieilles· met un regard plus englobant, la possibilité de .iouir sans être les contestant dans le secret de
Ile. n me disait en janvier: « Vous apparaissent souvent très signifi. soi·même atteint - tandis que son âme culpabilisée.
.savez, même quand on est un catifs. Pès les premiers vers, la l'assassinat permet également l'in· Ce visage mûri par l'âge don·
!rand écrivain et qu'on a reçu le Pécheresse préfigure les désirs tériorisation de l'âme du Pou, nera le contestataire vibrant, le
prix Nobel, il y a des échecs des grandes héroïnes condam· opération qui atténue la blessure polémiste vif, demeuré cependant
qu'on est seul à connaître et qui nées à se contenter du péché ou de la présence. Alain-Mauriac fidèle au sillon qui le porta.
font mal. Mes poèmes sont de du rêve. Sans cesse elle imagine peut idéaliser et se laisser empor- Les 28 poèmes d'Orages com·
ceux-là. Pourtant je ne suis que «que sur sa chair, la chair des ter flans ses ..êves. n peut aimer posés entre 1912 et 1923, devaient
poète.» . lèvres aimées s' écrase pour se d'un plU amOllI' auquel ne se mê·· déchirer ce voile bien avant
Cette invite qu'il répétait à fondre ainsi qu'un fruit vivant. » le plus la cbair présentée ici sous les plus grands romans. Le poète,
chaque interview se glissait dans L'Immuable côtoie l'obsession l'aspect répugnant d'une fille laide. sollicité par les corps, se décou·
les confidences des livres, des pré- de l'Inconnu et fIllusion de la vie L'ombre dp. ]a mère qui hante vre sexué et se débat avec son
faces. Orages (1925), le Sang qui se perd dans les Sables et l'in· J'Adolescent d'autrefois plane sur passé dualiste dans lequel la chair
Atys (1940) et fEbauche d'En· tériorité. Mauriac affirmera tou· ses premiers vers. Mauriac a reçu était condamnée, et la sexualité
dymion, «que (ses) lecteurs les jours ce 'côté de fidélité et de d'elle la substance vivante suscep- transformée en tendresse ou en
récusent ou non» sont à ses yeux qui procède de l'en· tible de l'accorder à la vie mais religiosité. Si Mauriac désire, son
ses «modestes titres de poète; racinement au cœur de la vie ter· aussi, hélas, la loi et la parole, dualisme lui insinue qu'il n'at-
(il) les revendique det'ant ceux rienne, en même temps qu'il in· traditionnellement réservées au teint que les corps, non les êtres ;
qui s'intéresseront encore à (lui)' sistera sur le caractère dérisoire père. Cette relation dueIle accen· que le plaisir n'est qu'éphémère
lorsqu.'(il) aur(a) quitté ce mon- de notre incarnation éphémère. tuée pèsera lourdement sur le alors qu'il désire l'éternel à la
de. C'est ce chant qu'il faut bien Besoin d'éternité côtoyant le destin du poète obsédé par un manière de la durée infinie de
entendre pour (le) connaître. néant dans une affectivité trouble, univers fusionnaire qu'il projette l'enfant. L'autre de l'amour n'est
C'est au fond de cette eau endor- la tristesse d'un enfant reclus se en Dieu faute de l'accomplir par· plus la mère protectrice mais un

14
,
poete
être autonome qui ne Be contente geme de l'Âdolescent d'autre/où
pa8 de répondre aux sollicitations d'être génial en ces expériences.
.te Narci8Be. Journal de bord du dépouille-
Et 8i le dé8ir est plu8 grand que ment, les poèmes Be taisent avec
la pel'llOnne qu'il noue et trans- la résolution du drame dans le
CleIlde, Mauriac refuBe 8a puis. choix du chrétien et de l'homme
.anee trouble, non spécifiquement politique engagé. Outre que ce
pel'llOnnelle, trop 8exuée. Plus silence subit atteste que Mauriac
d'un titre de poèmes 8'intitule n'est pas un tout grand poète,

La fusion avec la femme est impossible, le Dieu père est inter-


venu. C'est lui qu'il faut aimer. Les poèmes rassemblent toutes les
iInages, tous les mots signifiants que la prose allait véhiculer.

P«hé: ils traitent de l'amour l'aventure poétique n'aurait pu


physique. De toute façon, «IIOW totalement s'épanouir du fait de
tJaincw par le dégoût, ce son affection pour Musset, en dé-
complice du Dieu qui IIOU& aime pit de sa préférence pour Rim-
phu que IIOW n'aimom 110& dé· baud et Baudelaire.
Le processus du 80uvenir Toutefois, le testameut du poè-
retrouve au terme de ce che- te demeure en ses vers. Son dra·
min de feu, mais le conflit de me y est inclus. L'épopée de
Dieu et Mammon a éclaté. Il s'in· Sang d'Âty& un peu «surfaite:t à
dans Souf/rance& du ses dires, rassemble des donnée"
.tien, dans Imomnie, parue dans antérieures que la fin d'Orage&
Plongées. laissait pressentir. Le conflit œdi·
Un volume de poche devrait pien y apparaît résolument. Atys
réunir ces deux textes et Orages n'est qu'une immense construc-
parce qu'ils constituent les clefs tion mythique née du complexe
du .drame vécu dans sa forme la d'Œdipe vécu par le poète dan8
plus pure, en trois registres dif· des coordonnées très particulières
férents. La 8incérité y est abso- et porté à un niveau élaboré de
lue. Ou bien, à l'instar de Sartre, conceptualisation poétique, inca·
il liquide Dieu pour se faire par pable cependant de résoudre lee
lui-même et pour lui·même, ou tensions puisqu'Endymion tente
bien, ce qui est son destin, il une nouvelle fois d'y échapper.
retourne à l'enfance, accepte Ce dernier eS8ai demeure inache-
Dieu, et renonce à l'amante pour vé. Le poète hanté par un besoin
laisser paraître une image fémi· d'amour qui serait «sans cares-
nine maternelle. L'apaisement du se et sans crime :t le projette avec
désir dans la vieillesse lui fera la femme en un ultime mythe
bénir cette époque qui met un poétique. Séléné, déesse maternel·
terme aux menaces qu'a connues le est condamnée à aimer un jeu.
80n moi adolescent. ne adolescent en état de sommeil.
Les textes déconcertent notre La fusion avec la femme est im-
sensibilité. Le désir n'est que dé· possible, le Dieu père est inter-
sir, il n'est pas médiatisé par la venu. C'est Lui qu'il faut aimer.
femme. Il s'accomplit dans l'im- En cet ultime élan le poète
mortel Amour. rassemble une dernière fois tous
La langue est dépouillée de ses mythes. Les poèmes possèdent
tout fard ; une forme stricte l'en- le curieux privilège d'élaborer le
serre, qui la force à ne pas nous drame intérieur et de rassembler
dissoudre dans des images éphé- en quelques vers toutes les ima·
mères. Aussi peut-on affirmer que ges, tous les mots signifiants que
les poèmes de Mauriac consti- la prose allait véhiculer dans cet·
tuent son laboratoire psychique, te palpation sensuelle qui est d'un
qu'ils incarnent ses œuvres le!! grand poète incapable de se
plus adulte8 en tant qu'homme, créer en poésie.
mais qu'ils n'étaient pas dans le Marc Quaghebeur

La Q!!Ïnzainc Littéraire du l or au 15 octobre 1970


EXPOSITIONS

Art et politique
Dans cette République Fé- sition Kunst und Politlk t pré- Organisée par le Dr G. Buss· de concentration dans lequel le
dérale Allemande où le mar- sentée par la Kunstverein de mann de juin à septembre, elle spectateur muni d'une valiee mé-
ché et les entreprises des Karlsruhe, a été pour beau- doit circuler dans les musées de tallique déclenchait, par eon
musées semblent voués aux coup une manière de révé- Wuppertal, de Francfort et à la passage, un fond sonore et effec·
séquelles du Pop américain lation. Kunsthalle de Bâle d'octobre à tuait eon parcours en marchant
et du post-cinétisme, l'expo- mars. sur des couverts d'aluminium.
Ce qui est intéressant dans cet· Cette description rend mal l'ef·
te entreprise, c'est son caractère fet angoissant et les prolonge.
objectif, éclectique et scientifique. ments mentaux de cette marche
A la différence du Monde en dans le crissement des fourchet-
Quelftion que j'avais organisé en tes et des cuillers, écrasées par
1967 au Musée d'Art Moderne de les pas des visiteurs-participants,
la ville de Paris et des derniers entre deux rangées de barbelés.
salons de la jeune peinture, Kumt Vostell attaque également sur
und Politik a moins cherché à tous les plans: liberté sexuelle,
prendre position sur le fond qu'à répression à Prague, souvenir de8
donner un éventail, largement ou- bombardements à la fin de la der·
vert, des possibilités d'insertion nière guerre mondiale au cours
de la politique dans l'art, propo- desquels les victimes furent pié.
sition qui ne cesse dès qu'on gées et brûlées dans le bitume
l'aborde de provoquer un certain fondu. Cette dispersion ne va pas
malaise depuis les excès désas· sans affaiblir la force, la cohé·
treux du réalisme socialiste. rence fondamentale du propos,
On s'est donc efforcé à Karls- mais elle est la rançon inévitable
ruhe d'analyser les différents mo· d'une extraordinaire puissance à
des d'approche, que ceux-ci relè· communiquer, d'une personnalité
vent du réalisme, de l'imagerie exceptionnelle qui cherche les
structurée et décomposée, de l'en· cheminements d'une expression
semblisme et du langage de l'ob· particulière et spontanée plutôt
jet, ou du happening, de l'action que l'accomplissement d'une dé·
et du choix conceptuel. Cela part monstration.
de la «Jeune Peinture et dc C'est la force satirique qui
Wolf Wostell: Chewing-gum th ermoélectronique Guttuso qui montre à côté de toi· éclate avant tout chez Arroyo,
les en «lecture une dans le tableau collectif contre
étrange et belle composition con- les structuralistes de Aillaud, Bi·
sacrée aux manifestations qui ont ras, Fanti et Rieti, chez Erro
eu lieu au village sicilien de Gi· (dans la série des «Intérieurs
bellina, non reconstruit depuis américains composés de deux
son anéantissement par un trem· images contradictoires: une in·
blement de terre. La scène est trusion d'affiches politiques chi·
revêtue du mystère des nuits de noises dans un chromo publici.
la Saint.Jean, avec quelque chose taire pour catalogue d'ameuble-
de lent, de solennel et de grave, ment), chez Stenvert, qui procède
qui relève du rituel. Cela, donc, par un agencement didactique
va de Guttuso au conceptualiste d'objets, chez Griitske (dans son
J06ef Beuys dont la participation inénarrable tableau représentant,
apparaît essentiellement, comme avec leurs bonne" têtes de grands-
il se doit, au niveau du catalo- pères, Freud, Marx et Marcuse
gue. Son apparition, avec son vi· attablés en toute simplicité au·
sage fermé et dur de métis in- tour de son fils, le petit Julius
dien, coiffé d'un large feutre, a Griitske), ou dans les composi.
fait partie d'un folklore somme tions de Cronica où sont mises en
toute sympathique, au cours du page, là aussi, des images contra-
colloque qui a marqué le vernis- dictoires.
sage de l'exposition et qui réunis· Cette force satirique - corro-
sait, autour de Werner Hofman, sive, amère ou désinvolte -- fait
les dirigeants du groupe Tenden- place à une tension dramatique
zen dc Munich (Richard Hiepe), immédiatement perceptible chez
R. Kudicka, D. Schmidt, et Alvermann, Colin SeH, Spadari et
l'homme orchestre WoH Vostell. Baratella (travail collectif) , le
Ce dernier a agi sur tous les Tchèque Sovak, Paeffgen, Cano-
plans à la fois : peinture réaliste gar, le Grec Caniaris, manipula.
et symboliste, imagerie emprun- teur efficace d'objets, et surtout.
tée aux documents d'histoire et Genoves dont les suites narratives
d"actualité, schéma conceptuel sur les mouvements de foules 80nt
dans le catalogue, organisation parmi les participations les plus
Errà: Intérieur américain n· 1 dans le musée d'un pseudo-camp troublantes de cette exposition.

18
Naïfs d'Haïti
Le pouvoir de l'image chez Ran· Le récit de la vie quotidienne
cillac ou chez BayrIe passe par d'un pays requiert, entre autres
une analyse de sa structure et, exigences, la vigilance de la
chez Monory, par un écran oniri· perception. Mais cette vigilance
que où les conflits subjectifs trou- n'est pas seulement descriptive,
vent lentement des solutions géné. elle contribue aussi bien à mor-
raIes, tandis que l'objet utilisé celer qu'à fonder.
par Caniaris, par Breuste Peter- Quoi d'étonnant, alors, que la
sen, par Stenvert et par Vostell tendance dite «naïve de la peine
devient un élément efficace du ture haïtienne, longtemps ensor-
vocabulaire plastique. celée par le tourisme, se remette
Dans cet ensemble, les Anglo- à défaire si résolument un aspect
Saxons se sont tenus un peu en fondamental du langage pictural
marge: l'œuvre magistrale de conventionnel ?
Kienholz, The Portable War Me- Depuis le 25 lum dernier se
morial, annoncée dans le catalo- tient à Laval une exposition (1)
gue, n'avait pu malheureusement de peintres naïfs haïtiens. D'une
être mise en place, mais les série brèche, d'une fissure, d'un man·
graphies de Warhol sur l'assas- que on a fait un regard, et, pour
sinat du président Kennedy, les la preInière fois, l'affranchisse·
collages de Tilson sur Martin Lu- ment que procure cette ouverture
ther King, Che Guevara, Ma]· n'a pas été assimilé, intégré à un
colm X, très intéressants par la système de représentation, aux
logique de la mise en page, de- coordonnées d'un ancêtre occiden-
meuraient, les uns et les autres, tal. C'est que le monde a changé
un ton en dessous. et qu'il s'institue entre les diffé-
Télémaque était un invIte un rents points du globe de nou-
peu paradoxal dans cette exposi. veaux rapports.
tion, avec sa grande et belle toile Si le conservateur du musée de
One of 56000 marines, qui avait Laval (2) s'est tourné vers nos
été montrée la première fois à peintres, a décidé de lcs montrer
Paris en 1965 à Figuration narra· au public français, d'instaurer un
r
tive dans art contemporain, et à véritable dialogue entre eux et
laquelle il s'est refusé par la suite son pays, il faut y voir plus qu'un
de donner une signification poli- signe.
tique, malgré l'évidence de la L'un des «naïfs» haïtiens, Gé-
lecture que l'on peut en faire rard Valein, dont un tableau est
(l'intervention des U.S.A. à Saint- exposé à Laval nous fournira Hyppolyte Hector: Pin-up de Haïti
Domingne). Mais il est bon peut-être un rudiment de réponse.
qu'une exposition qui montrait Certes, Gérard Valein vient d'être créateur d'un élan, d'un éclat vé- reposoirs. Le milieu haïtien,
tant d'œuvres univoques, nettes primé au concours de Zagreb en ritablement enivrants. Peu préoc- biance socio-culturelle n'ont pas
et péremptoires et qui comportait juillet 70 dans le cadre de l'Expo- cupé d'esthétisme, d'intellectua- manqué d'imprégner le pinceau
une abondante et._ sition Internationale d'Art Naïf lisme et de conventions, il s'en- du peintre. Des foules toujours
sélection d'affiches, de cartes pos- (3), certes, il a une maîtrise de gage tout entier à faire surgir du compactes redisent peut-être ses
tales et de sérigraphies, parmi la couleur et de la composition, sein du peuple haïtien, si malléa- preInières expériences. Il a dû
lesquelles les variations sur le une puissance inventive qui fas· ble, les résonances authentiques prendre très jeune la nécessité de
rouge de Fromanger (que l'on cinent d'emblée, mais cela n'éclai· qui font réfléchir. Si des accidents briser les écrans de
vient de voir galerie Bama), et re ni les raisons de son entreprise de style propres aux naïfs tra· de demeurer au contact des ma&-
l'ensemble édité par Cueco à l'oc- ni nos recherches. Après des tours versent son œuvre, ce serait une ses, puisqu'il avait neuf ans (4)
casion de son exposition à l'Arc, et des détours, quand nous es- erreur d'en profiter pour lier son au moment de la désoccupatioo
abordât certaines marges d'ambi· sayons de saisir l'art de ce peintre, sort au destin d'une «école ». Ac- militaire d'Haïti. Plus qu'une re-
guïté, car l'ambiguïté appartient nous nous trouvons devant des cabler la quête d'un chercheur présentation servile, plu8 que
à la nature même de l'image et surfaces, des contours, des cou- de tout le poids d'une étiquette, plication d'une technique, la
aux fausses certitudes du visuel. leurs, des rythmes qui gardent quand lui-même se réserve des peinture de Valein est une œuvre,
Tous ceux qui jouent à renver- résolument un secret. Intentions, possibilités d'ouverture, ne pero une création. Et son enracine-
ser les signes, à déconnecter le motifs, prétextes, sujets ne prê· met surtout· pas de le compren- ment est en Haïti, dans les rues
sens ordinaire des spectacles, à tent à aucun commentaire. Plus, dre. des villes, à la campagne, près
introduire un pouvoir subversif ils voilent la clarté captivante du L'éloquence plastique de Valein des autels du Vaudou. Richesse
dans le jeu des clichés, témoi- tableau. Dès lors par quels moyens dépasse la simple représentation. d'inspiration, tenue picturale, in-
gnent à leur manière du caraco ce peintre a-t-il pu ménager en- Ses descriptions riches, minutieu· quiétude 8pirituelle, préoccupa-
tère illimité du champ de signi- tre ses lecteurs et lui ce vocabu- ses, vivantes, mais souvent mélan- tions socio-culturelles, voilà ce
fication de ces images. laire, cet échange, cette articula- coliques essaient toujours de cap- que l'on ressent devant l'écriture·
Gérald Gassiot·Talabot tion et cette sorte d'explication? ter le mouvement. Sa façon de de Valcio.
(1) Kunst und PoUtilt. Un catalo- Il semble qu'une stricte obéis- traiter la nature et la société tra- La générosité de l'auteur et soo
gue 20 x 2S cm, 208 pages, nombreu- sance à la poussée débordante du
ses illustrations en noir. En langue duit un besoin de recueillement tempérament organisent - et ce-
allemande. Badischer Kunstverein, réel, au lever rayonnant de la et aussi de vie collective intense. la a certainement trompé· des
Karlsruhe. vérité aient comblé en retour le Même ses paysages sont de grands amateurs - occasionnellement un

La Q!!ilazainc Littéraire du 1er au 15 oaobre 1970 17
INEDIT

Haitl

délall8ement pour les sens. On régression en Haïti? Même si Gilles Deleuze publie. aux deuxième ordre viennent &eCOD-
croit parfois entendre en regar· on pouvait l'insérer dans une lon- Pre s ses Universitaires de der ou c enchâsser celles dlJ
dant: le coq qui va être égorgé gue tradition caraïbéenne, lui France, une édition revue et premier ordre en leur donnaut
au COUJ'll d'une cérémonie reli- trouver des antécéd,ents sembla- complétée d'un livre· fort re- une sorte de correspondant, de
peuse est suggéré jusque dans son bles, établir qu'il ne s'agit que marqué il y a quelques an- preuve a contrario dans un autre
chant, et le caquètement de la d'une répétition, il resterait à nées: Proust et les signes. domaine de production, et que
poule qui sera •sacrifiée est aussi prouver son non-sena, son excen- Nous sommes heureux de celles du troisième ordre vie..
perçu. Cette faculté n'est pas le tration par rapport à l'histoire, donner ci-dessous de larges nent sans doute «sertir et «ci-
fait d'une improvisation. Elle sup- son caractère de «corps étran- extraits d'un chapitre inédit. menter celles du premier, mais.
pose une émotion, une sensibilité, ger Mais un long et lent travail en leur opposant une véritable
une énergie, un pouvoir propre- de création a instruit ces «naïfs :. « objection qui devra être «sur-
ment créateurs. Pouvoir de sur· et engendré à l'intérieur de leur La Recherche est bien produc. montée entre ces deux ordres·
prendre dans un même geste la « cadre :. de grands changements, tion de la vérité cherchée. Encore de production.
chose et son sens, de saisir le de grandes métamorphoses. La o'y a-t-il pas la vérité, mais des Tout le problème est dans la
monde, de créer une présence. Le vérité qui se réveille sous leur ordres de vérité comme des or- nature de ces trois ordres. Si 1IO\J8.
contenu social et spirituel de ses pinceau, l'horizon que leur ta- dres de production. Et il ne suf- ne suivons pas l'ordre de présen-·
tableaux devrait corriger un cer- bleau déploie sous nos yeux, tou- fit même pas de dire qu'il y a tation du temps retrouvé, qui
tain enthousiasme infantile pour te la nappe du quotidien qu'ils des vérités du temps retrouvé et donne nécC88airement le primat à
les c naïfs haïtiens ou contenir remuent, tout cet espace socio- des vérités du temps perdu. Car celui-ci du point de vue de l'expo-
un murmure· d'hostilité déguisée culturel qu'ils décrivent, repren- la grande systématisation finale sé final, nous devons considérer
envers eux. nent, reconstituent et diffusent, distingue, non pas deux ordres de comme ordre primaire les
tout cela a pour fonction de ré- vérité, mais troÏ3. Il est vrai que leurs et les plaisirs non pleins, à
Toute la peinture haïtienne, le premier ordre semble bien con- finalité indéterminée, obéissant à
tablir la continuité de l'histoire
c l'école naïve comme l'autre cerner le temps retrouvé, puis- des lois générales. Or, bizarre-
de notre pays, le sens de l'entre-
tendance qui en diffère totale- prise de Toussaint Louverture, de qu'il englobe tous les cas de ré- ment, Proust groupe ici les v.
ment témoigne et, à nos yeux, miniscences natWlClles et d'C88en- leurs de mondanité avec leUJ'll'
l'Empereur Dessalines, du Roi
mérite de ce fait, notre respect. Christophe. Et notre problème ces esthétiques ; et que le deuxiè- plaisirs frivoles, les val e urs·
Plus, ces deux grandes «écoles me et troisième ordres semblent d'amour avec leurs sou1lranee&,
est de protéger cette peinture des
ont dépassé le stade du simple té- se confondre dans le flux du et même les valeurs de soJJUDei)
embûches du tourisme, comme il
moignage pour établir, par delà convient de le faire pour le Vau- temps perdu, et produire. des vé- avec leurs rêves. Dans la «voca-
la palette, un dialogue silencieux rités seulement secondaires qui tion d'un homme de lettres,
dou.
avec le monde, la seule façon sont dites tantôt elles constituent toutes un «ap-
d'agir véritablement. C'est à la (1) Cette exposition est aujourd'hui tantôt «sertir:. ou «cimenter c'est-à-dire la fami-
fois l'acquis et le pensé du peuple visible à Paris (Galerie Mona Lisa, celles du premier ordre. Pour· liarité avec une matière brute
haïtien qui sont capturés et por- 32, rue de Varenne, 7") •
(2) Jean-Pierre Bouvet. tant la détermination des matiè- qu'on ne reconnaîtra que par
tés au jour et délivrés par ces (3) Le catalogue publié en serbo- res et le mouvement du texte après dans le produit fini. Sans
artistes. croate est intitulé: Naivni 70. nous forcent à distinguer les trois doute ce sont des signes extrême-
(4) Valcin est né en 1925. L'occupa- ordres. Le premier ordre qui se ment différents, notamment Jes.
Est-il besoin de souligner que le tion m1l1taire d'Haïti par les Améri-
phénomène «naïf n'est pas une cains a duré de 1915 à 1934. présente se définit par les rémi· signes mondains et les signes de
niscences et essences, c'est-à-dire l'amour, mais nous avons vu que
par le plus singulier, et par la pro- leur point commun était dans la
duction du temps retrouvé qui faculté qui les interprétait -
leur correspond, par les condi- telligence, mais une intelligence
tions et les agents de cette pro- qui vient après au lieu de venir
duction (signes naturels et artis- avant, forcée par la contrainte du
tiques). Le deuxième ordre ne signe. Et dans le sens qui corres-
concerne pas moins l'art et l'œu· pond à ces signes: toujours ODe
ne d'art; mais il groupe les plai- loi générale, que cette loi soit
sirs et les douleurs qui n'ont pas celle d'un groupe comme dans la
leur plénitude en eux.mêmes, qui mondanité, ou celle d'une série
renvoient à autre chose, même si d'êtres a i m é s c 0 m m e dans
cette autre chose et sa finalité res- l'amour. Mais il ne s'agit encore
tent inaperçus, signes mondains que de re88emblances grossières.
et signes amoureux, bref tout ce Si nous considérons de plus pm
qui obéit à des lois générales et cette première espèce de machine,
intervient dans la production du nous voyons qu'elle se définit
temps perdu (car le temps perdu, avant tout par une production
lui aussi, est affaire de produc- d'objets partiels tels qu'ils ont été
tion). Le troisième ordre enfin définis précédemment, fragments
concerne toujours l'art, mais se sans totalité, parties morcelées,
définit par l'universelle altération, vases sans communication, scènes
la mort et l'idée de la mort, la cloisonnées. Bien plus, s'il y a
production de catastrophe (signes toujours une loi générale, c'est
de vieillissement, de maladie, de au sens particulier que la loi
mort). Quant au mouvement du prend chez Proust, ne rassem·
texte, ce n'est pas du tout de la blant pas en un tout, mais au
Bottex: La dernière Cène même façon que les vérités du contraire réglant les distances, les

18
Proust et les signes
éloignements, les cloisonnements. des temps vides, ou bien, du
Si les rêves du sommeil apparais- point de vue du produit, des vé-
sent dans ce groupe, c'est par rités du temps retrouvé et des vé-
leur capacité de télescoper des rités du temps perdu. L'ordre de
fragments, de faire rouler des uni- la résonance se distingue par les
vers différents et de franchir, sans facultés d'extraction ou d'inter·
les annuler, les «distances énor· prétation qu'il met en jeu, et par
mes.. Les personnes dont nous la qualité de son produit qui est
rêvons perdent leur caractère glo- aussi bien mode de production :
bal et sont traitées comme des non plus une loi générale, de
objets partiels, soit qu'une partie groupe ou de série, mais une es·
d'elles soit prélevée par notre rê· sence singulière, essence locale ou
ve, soit qu'elles fonctionnent tout localisante dans le cas des signes
entières comme de tels objets. Or de réminiscence, essence indivi·
c'était bien ce que nous offrait le duante dans le cas des signes de
matériau mondain : la possibilité r art. La résonance ne repose pas
de prélever, comme dans un rêve sur des morceaux qui lui seraient
frivole, un mouvement d'épaules fournis par les objets partiels;
sur une personne et un mouve- elle ne totalise pas des morceaux
ment de cou sur une autre, non qui lui viendraient d'ailleurs. Elle
pas pour les totaliser, mais pour extrait elle-même ses propres
les cloisonner l'un à l'autre. A morceaux, et les fait réllonner
plus forte raison le matériau suivant leur finalité propre, mais
amoureux, où chacun des êtres ne les totalise pas puisqu'il s'agit
aimés fonctionne comme objet toujours d'un «corps à corps.,
partiel, « reflet fragmentaire. d'une «lutte. ou d'un «com-
d'une divinité dont on aperçoit bat.. Et ce qui est produit par
sous la personne globale les sexes le processus de résonance, dans
cloisonnés. Bref, l'idée de loi gé. la machine à résonner, c'est l'es·
nérale chez Proust est insépara· sence singulière, le Point de vue
ble de la production des objets supérieur aux deux moments qui
partiels, et de la production des résonnent, en rupture avec la
vérités de groupe ou des vérités chaîne associative qui va de l'un
de série correspondantes. à l'autre: Combray dans son es-
Le second type de machine pro· sence, tel qu'il ne fut pas vécu;
duit des résonances, des effets de Combray comme Point de vue,
résonance. Les plus célèbres sont tel qu'il ne fut jamais vu.
ceux de la mémoire involontaire, Nous avons constaté précédem.
qui font résonner deux moments, ment que le temps perdu et le
un actuel et un ancien. Mais le temps retrouvé avaient une mê-
désir a lui-même des effets de ré- me structure de morcellement ou
sonance (ainsi les clochers de Mar- de fragmentation. Ce n'est pas là
tioville ne sont pas un cas de ré- qu'ils se distinguent. Il serait aussi
miniscence) . Plus encore, l'art faux de présenter le temps perdu Proust en 1902
,produit des résonances qui ne comme improductif dans son or-
sont pas de la mémoire: «Des dre, que de présenter le temps deleine, ce n'est pas la simple l'on parle d'un effet électrique,
impressions obscures avaient quel- retrouvé comme totalisant dans le existence de ces extases ou de ces électro-magnétique, etc. C'est le
quefois... sollicité ma pemée à la sien. Il y a là au contraire deux instants privilégiés. De tels ins- cas où jamais de dire : cela fonc-
façon de ces réminiscences, mais processus de production complé- tants, la littérature en fournit tionne. Que l'art soit une machine
qui cachaient non une sensation mentaires, chacun défini par les d'innombrables exemples. Ce n'est il produire, et notamment à pro-
d'autrefois, mais une vérité nou- morceaux qu'il fragmente, son pas non plus seulement la maniè- duire des effets, Proust en a la
velle, une image précieuse que je régime et ses produits, le temps re originale dont Proust les pré- plus vive conscience. Des effets
cherchais à découvrir par des ef- plein ou le temps vide qui l'ha· sente et les analyse dans son style sur les autres, puisque les lec-
fom du même genre que ceux bite. C'est même pourquoi Proust à lui. C'est plutôt le fait qu'il les teurs ou spectateurs se mettront
qu'on fait pour se rappeler quel- ne voit pas d'opposition entre lei! produit, et que ces instaule de· à découvrir, en eux·mêmes et
que chose.» C'est que l'art fait deux, mais définit la production viennent l'effet d'une machine lit· hors d'eux, des effets analogues
résonner deux objets lointains des objets partiels comme secon· téraire. D'où la multiplication à ceux que l'œuvre d'art a su
c par le lien indescriptible d'une dant et enchâssant celle des ré- des résonances à la fin de la Re· produire. «Des femmes passent
alliance de mots ». On ne croira sonances. Ainsi la «vocation» de cherche, chez Mme de Guennan- dans la rue, différentes de celles
pas que ce nouvel ordre de pro- l'homme de lettres n'est pas seu- tes, comme si la machine décou- d'autrefois, puisque ce sont des
duction suppose la production lement faite de l'apprentissage ou vrait son plein régime. Il ne Renoir, ces Renoir où nous nous
précédente des objets partiels, et de la finalité indéterminée (temps s'agit plus d'une expérience extra- refusions jadis à voir des femmes.
s'établisse à partir d'eux; ce se- vide), mais de l'extase ou du but littéraire que l'homme de lettres Les voitures aussi sont des Re-
rait fausser le rapport entre les final (temps plein). rapporte ou dont il profite, mais noir, et l'eau et le ciel. • C'est en
deux ordres, qui n'est pas de fon- Ce qui est nouveau chez Proust, d'une expérimentation artistique ce sens que Proust dit que ses
dation. Le rapport est plutôt ce qui fait l'éternel succès et produite par la littérature, d'un propres livres sont des lunettes,
comme entre des temps pleins et l'éternelle signification de la ma· effet de littérature, au sens où un instrument d'optique. Et il n'y

I.a Cl!!inzaioe l.ittéraire du 1"' au 15 octobre 1970 19
Proust

a que quelques imbéciles pour n'est pas seulement découvreur deux objets, il produit l'épipha- succession des moi distincts dans
trouver bête d'avoir éprouvé ou créateur, mais producteur). nie, dégageant l'image précieuse les amours, ou même dans cha-
après la lecture de Proust des Dans le courant de la Recherche, des conditions naturelles qui la que amour, contenait déjà une
phénomènes analogues aux réso- si la résonance comme extase ap- déterminent pour la réincarner longue théorie des suicides et des
nances qu'il décrit. Il n'y a que parait bien comme le but final de dans les conditions artistiques morta. Pourtant, alors que les
quelques pédants pour se deman- la vie, on ne voit pas bien ce élues. «Signifiant et signifié fu- deux premiers ordres ne posaient
der si ce sont des cas de paramné- que l'art peut y ajouter, et le nar- sionnent par un court-circuit poé- pas de problème particulier de
sie, d'ecmésie, d'hypermnésie, rateur éprouve sur l'art le8 plus tiquement nécessaire, mais onto- leur conciliation, bien que l'un
alors que l'originalité de Proust grands doutes. Alors la résonance logiquement gratuit et imprévu. représentât le temps vide et l'au-
est d'avoir taillé dans ce domaine apparait comme productrice d'un Le langage chiffré ne se réfère tre, le temps plein, l'un, le temps
un découpage et une certain effet, mais dans des condi- pas à un cosmos objectif, exté- perdu, et l'autre, le temps retrou-
mécanique qui n'existaient pas tions naturelles données, objecti- rieur à l'œuvre; sa compréhen- vé, il y a maintenant au con-
annt lui. Mais il ne s'agit pas ves et subjectives, et à travers la sion n'a de valeur qu'à l'intérieur traire une conciliation à trouver,
seulement d'effets produits sur machine inconsciente de la mé- de l'œuvre et se trouve condition- une contradiction à surmonter
les autres. C' r œuvre d'art qui moire involontaire. Mais, à la fin, née par .la structure de celle-ci. entre ce troisième ordre et les
produit en. elle-même et sur elle- on voit ce que l'art est capable L'œuvre en tant que Tout pro- deux autres (ce pourquoi Proust
même propre! effets. et s'en d'ajouter à la nature: il produit pose de nouvelles conventions parle ici de «la plus grave des
remplit. s'en. nourrit: elle se des résonances elles-mêmes, par- linguistiques auxquelles elle se objections:t contre l'on entre-
nourrit des vérités qu'elle engen- ce que le style fait résonner deux soumet et devient elle-même la prise). C'est que les objets et les
dre. objets quelconques et en dégage clef de son propre chiffre (l). moi partiels du premier ordre
Il faut bien s'entendre: ce qui une «image substi- Bien plus, l'œuvre n'est un tout, portent la mort les uns contre
est produit, ce n'est pas simple- tuant aux' conditions déterminées et, en un sens nouveau, qu'en ver- les autres, les uns par rapport aux
ment l'interprétation que Proust d'un. produit naturel inconscient tu de ces nouvelles conventions autres, chacun restant indifférent
donne de ces phénomènes de ré- les libres conditions d'une pro- linguistiques. à la mort de l'autre: ils ne déga-
sonance (<< la recherche des cau- duction. artistique. Dès lors l'art Reste le troisième ordre prous- gent donc pas encore ridée de la
ses Ou plutôt c'est tout le phé- apparait pour ce qu'il est, le but tien, celui de l'altération et de la mort comme baignant uniformé-
nomène lui-même qui est inter- final de la vie, que la vie ne peut mort universelles. Le salon de ment tous les morceaux, les en-
prétation. Bien sûr, il y a un as- pas réaliser par elle-même ; et la Mme de Guermantes, avec le vieil- trainant vers une fin dernière
pect objectü du phénomène; mémoire involontaire, n'utilisant lissement de ses hôtes, nous fait universelle. A plus forte raison
l'aspect objectif, par exemple, que des résonances données, n'est assister à la distorsion des mor- se manifeste une « contradic-
c'est la saveur de la madeleine plus qu'un commencement d'art ceaux de visage, à la fragmenta- tion:t entre la survivance du
comme qualité commune aux dans la vie, une première étape. tion des gestes, à l'incoordination deuxième ordre et le néant du
deux moments. Bien sûr aussi, il La Nature ou la vie, encore trop des muscles, aux changements de troisième; entre «la fixité du
y a un aspect subjectif: la chaine lourdes, ont trouvé dans l'art leur couleur, à la formation des mous- souvenir:t et «l'altération des
usociative qui lie tout le Com- équivalent spirituel. Même la mé- ses, lichens, taches huileuses sur êtres:t, entre le but final extati-
bray vécu à cette saveur. Mais si moire involontaire a trouvé son les corps, sublimes travestis, su- que et la fin dernière catastro-
la résonance a ainsi des condi- équivalent spirituel, pure. blimes gagas. Partout l'approche phique. Contradiction qui n'est
tions objectives et subjectives, ce produite et productrice. de la mort, le sentiment de la pas résolue dans le souvenir de
qu'elle produit est d'une tout au- Tout l'intérêt se déplace donc présence d'une «terrible chose:t, la grand-mère, mais qui réclame
o tre nature, l'Essence, l'Equiva- des instants naturels privilégiés à l'impression d'une fin dernière ou d'autant plus un approfondisse-
. lent spirituel, puisque c'est ce la machine artistique capable de même d'une catastrophe finale ment: «Cette impression doulou-
Combray qui ne fut jamais vu, les produire ou reproduire, de les sur un monde déclassé qui n'est reuse et actuellement incompré-
et qui est en rupture avec la multiplier: le Livre. A cet égard, pas seulement régi par l'oubli, hensible, je savais non certes pas
chaine subjective. Ce pourquoi nous ne voyons de comparaison mais rongé par le temps (<< déten- si j'en dégagerais un peu de vé-
produire est autre chose que dé- possible qu'avec Joyce et sa ma- dus ou brisés, les ressorts de la rité un jour, mais que si, ce peu
couvrir et créer ; et toute la Re- chine à épiphanies. Car Joyce machine refoulante ne fonction- de vérité, je pouvais jamais
cherche se détourne successive- aussi commence par chercher le naient plus :t...). l'extraire, ce ne pourrait être que
ment de l'observation des choses secret des épiphanies du côté de Or, ce dernier ordre pose d'au- d'elle, si particulière, si sponta-
et de l'imagination subjective. Or l'objet, dans des contenus signi- tant plus de problèmes qu'il sem- née, qui n'avait été ni tracée par
plus la Recherche opère ce dou- fiants ou des significations idéales, ble s'insérer dans les deux au- mon intelligence, ni atténuée par
ble renoncement, cette double puis dans l'expérience subjective tres. Sous les extases, n'y avait-il ma pusillanimité, mais que la
épuration, d'autant plus le narra- d'un esthète. C'est seulement lors- pas déjà vigilante l'idée de la mort elle-même, la brusque révé-
teur s'aperçoit que non seule- que les contenus signifiants et les mort, et le glissement de l'ancien lation de la mort, avait, comme
ment la résonance est productrice significations idéales se sont effon- ,moment s'éloignant à toute vi- la foudre, creusée en moi, selon
d'un effet esthétique, mais qu'elle drés au profit d'une multiplicité tesse? Ainsi quand le narrateur un graphique surnaturel et inhu-
peut être elle-même produite, de fragments et de chaos, mais se penchait pour déboutonner sa main, un double et mystérieux
qu'elle peut être elle-même un aussi les formes subjectives au bottine, tout commençait exacte- sillon.:t La contradiction appa-·
effet artistique. profit d'un impersonnel chaotique ment comme dans l'extase, l'actuel rait ici sous sa forme la plus ai-
Et sans doute c'est cela que le et multiple, que l'œuvre d'art moment résonnait avec l'ancien, guë: les deux premiers· ordres
narrateur ne savait pas dès le dé- prend tout son sens, c'est-à-dire faisant revivre la grand-mère en étaient productifs, et c'est par là
but. Mais toute la Recherche im- exactement tous les sens qu'on train de se pencher ; mais la joie que leur conciliation ne posait
plique un certain débat entre veut d'après son fonctionnement avait fait place à une insuppor- pas de problème particulier;
l'art et la vie, une question de - l'essentiel étant qu'elle fonc- table angoisse, l'accouplement mais le troisième, dominé par
leurs rapporta qui ne recevra de tionne, soyez-en sûrs. Alors l'ar- des deux moments s'était défait l"idée de mort, semble absolu-
réponse qu'à la fin du livre (et tiste, et le lecteur à sa suite, est au profit d'une fuite éperdue de ment catastrophique et improduc-
qui recevra sa réponse précisé- celui qui «disentangles et «re- l'ancien, dans une certitude de tü. Peut-on concevoir une machi-
ment dans la découverte que l'art embodies :t : faisant résonner mort et de néant. De même, la ne capable d'extraire quelque-

20
Les "Pensées"
de Pascal
chose à partir de ce type d'im-
pression douloureuse, et de pro-
ment, comme des géants, ploogés
dans les années, à des époques
Trois siècles de
duire certaines vérités? Tant
qu'on ne la conçoit pas, l'œuvre
vécues par eux, si distantes - en-
tre lesquelles tant de jours sont falsification
d'art rencontre «la plus grave Tenus se placer dans le
des objections temps.. Voilà que, par là mê-
me, nous sommes tout près de par Samuel S. de Sacy
En quoi consiste donc cette résoudre l'objection ou la contra-
idée de la mort, tout à fait ditlé- diction. L'idée de la mort cesse
rente de l'agressivité du premier d'être une «objection. pour au-
ordre (un peu comme, dans la tant qu'on peut la rattacher à un
psychanalyse, l'instinct de mort ordre de production, donc lui
se distingue des pulsions destruc- donner sa place dans l'œuvre Pol Ernst aussi, .ou peu s'en faut,
trices partielles)? Elle consiste d'art. Le mouvement forcé de Approches pascaliennes qu'avec les meilleures Inten-
en un certain etlet de Temps.
Deux états d'une même personne
étant donnés, l'un ancien dont 00
se souvient, l'autre actuel, l'im-
pression de vieillissement de l'un
grande amplitude est une machi-
ne qui produit l'etlet de recul ou
l'idée de mort. Et, dans cet etlet,
c'est le temps lui-même qui de-
vient sensible: «Le Temps qui
1
Préf. de Jean Mesnard
Duculot éd., 700 p.
Gembloux (Belgique)
tions du monde on les fal-
sifie. SI bien qu'à leur égard
une des tâches de l'érudi-
tion moderne a été, para-
doxalement, de défaire. Un
à l'autre a pour etlet de reculer d'habitude n'est pas visible, qui ouvrage récent donne l'oce.
rancien «dans un pasBé plus que pour le devenir cherche des Voici trois siècles tout sion de considérer cette
lointain, presque invraisembla- corps et, partout où il les ren- juste - c'était en 1670 - étrange destinée.
ble., C!>mme si des périodes géo- contre, s'en empare pour montrer que paraissaient les 'enséM
logiques avaient dû s'écouler. Car sur eux sa lanterne de Pascal. Et trois siècles
«dans l'appréciation du temps écartelant les morceaux et les
écoulé, il n'y a que le premier pas traits d'un visage qui vieillit,
qui coûte. 00 éprouve d'abord vant sa «dimension
heaucoup de peine à se figurer bIc •. Une machine du troisième
que tant de temps ait passé, et ordre vient se joindre aux deux
ensuite qu'il n'en ait pas passé précédentes, qui produit le mou-
davantage. On n'avait jamais son- vement forcé et, par celui-ci,
gé que le XIII" siècle fût si loin, l'idée de mort.
et après 00 a peine à croire qu'il
puisse subsister encore des églises Que s'est-il passé dans le sou-
du XIII" siècle •. C'est ainsi que
le mouvement du temps, d'un
passé au présent, se double d'un
venir de la grand-mère? Un mou-
vement forcé s'est enclenché sur
une résonance. L'amplitude por-
";, Air
mouvement forcé cl' amplitude
plus grande, en sens inverse, qui
teuse de l'idée de mort a balayé
les instants résonants comme
:1
"
halaie les deux moments, en ac- tels. Mais la contradiction si vio-
cuse l'écart, et repousse le passé lente entre le temps retrouvé et
plus loin dans le temps. C'est ce le temps perdu se résout pour
second mouvement qui constitue autant qu'on rattache chacun des
dans le temps un «horizon.. Il deux à son ordre de production.
ne faut pas le confondre avec Toute la Recherche met en œu-
l'écho de résonance; il dilate infi- vre trois sortes de dans
niment le temps, tandis que la la production du Livre: machi-
résonance le contracte au maxi- nes à objets partiels (pulsions),
mum. L'idée de la mort dès lors machines à résonance (Eros), ma-
est moins une coupure qu'un ef- chines à mouvement forcé (Tha-
fet de mélange ou de confusion, natos). Chacune produit des vé-
puisque l'amplitude du mouve- rités, puisqu'il appartient à la vé-
ment forcé est occupé aussi hien rité d'être produite, et d'être pro-
par des vivaots que par des morts, duite comme un etlet de temps :
tous des mourants, tous à demi le temps perdu, par fragmenta-
morts ou courant au tomheau. tion des objets partiels ; le temps
Mais cette mi-mort est aussi hien retrouvé, par résonance ; le temps
stature de géants puisque, au sein perdu d'une autre façon, par am·
de l'amplitude démesurée, on plitude du mouvement forcé, cet-
peut décrire les hommes comme te perte étant alors passée dans
des êtres monstrueux, «occupant l'œuvre et devenant la condition
dans le Temps une place autre- de sa forme.
ment considérable que celle si
Gilles Deleuze
restreinte qui leur est réservée
dans l'espace, une place au con-
© P.U.F. éd.
traire prolongée sans mesure, (1) Umberto Eco, l'Œuvre ouverte,
puisqu'ils touchent simultané- le Seuil éd., 231 p. Pascal, dessiné par Flandrin

.... Littéraire du l or au 15 octobre 1970 21


Pascal

Dana un ancien bouquin hon- à détacher tant bien que mal - méditation et les essais du lan- Se8 sept cents grandes pages
nête, banal et di8tingué, je lÏ8ai8 et à arranger - .des morceaux gage. (comprenant, il est vrai, des
encore hier que la mort préma- mieux peignés dont ils nrent en Réflexion errante, réflexion ce- textes) sont d'analY8f" et de co....
turée de Pucal, à trente-neuf am, 1670 le8 Pensées de M. Pascal pendant; il ne 8e pouvait pa8 mentaire, non d'érudition. La pru-
en 1662, avait ouvert dam notre sur la religion et quelques autres qu'un tel homme 8e sati8fit au dente modestie du mot Appro-
patrimoine national une creVU8e sujets. Et voilà Pascal, qui ne jour le jour de 8e8 petites note8, ches donne confiance. Et en ej(et,
qui ne se refermerait jamai8. 8'était jamais avisé d'écrire des san8 rêver de l'en8emble auquel puÏ8que maintenant nous SOOlJDe8
Cette orai80n funèbre, propre à Pemées, refoulé de force parmi elle8 le préparaient. Durant le convaincus raisonnablement qu'.
toucher le8 cœun sen8ible8, n'a le8 poli88eun de maxime8, sen· deuxième tien de ce 8iècle-ci, chaque liasse répondait dam l'es-
pu de sem. Il y a autrement de tence8 et réflexiom morale8. Il y Zacharie Tourneur et Loui8 La- prit de Pascal une famille ou
force dam le rude averti8sement resta 8i longtemp8 qu'aujourd'hui fuma ont démontré qu'avant de tribu d'idées, n'est-il pas légitime
de Descartes, que ce qui n'e8t même je n'a88urerai8 pa8 qu'on mourir Pascal avait commencé de revenir, liasse par lia8se, aux
pa8 arrivé doit être re.gardé com- l'ait tout à fait délié de cette 80- lui-même à mettre un peu d'or· méthodes de l'interprétation ?
me ayant été imp088ible ab801u- ciété, honorable certe8, maÏ8 qui dre dam 8es bouts de papier; Peut·être cependant arrive-t-il
ment. n'était pa8 la 8ienne. que, 8ans le savoir, nOU8 aviom à M. Pol Ernst de se lai88er en-
Puca}, 8'il avait vécu, et à 8UP' 80U8 la main cette ébauche de trainer. Ainsi, non content de
poser, pure hypothè8e, qu'il eût Le mythe du plan clu8ement ; et qu'il 8uffisait pour cerner ce qu'il appelle avec jmr
pu mener 80n œuvre à terme, au- la connaitre de déchitlrer des in- te88e l' c unité de pemée :t de ch.
rait été on ne 8ait quoi - autre, Cependant, et tandi8 que les dice8 matériel8, 8an8 recourir aux que liuse, il y cherche de su]'-
en tout oa8, que celui en qui nOU8 éditiom successive8 se faisaient dangereu8es ingéni08ités de l'in· croit une unité logique, en raÏ80n
vénéron8 l'auteur des Pemées. peu à peu plu8 re8pectueu8e8, les terprétation. de laquelle il propose un clBll8e-
Lesquelles n'étaient que des no- éditeun mieux informés, mai8 Le8 vingt-8ept c lia88e8:t (ou ment détaillé, pièce par pièce.
te&, jetée8 à chaud 8ur le papier, alléchés par l'excè8 invene, 8'in- d088ien) qu'il avait ainsi formées Pa8cal ne l'avait pu fait: faute
en vue d'une future, cohérente et géniaient à découvrir ou plutôt à à partir de 8e8 manuscrit8 huar- de loisir, ou parce que l'expé-
ma88ive Apologie de la religion inventer le plan de l'Apologie, et deux sont aujourd'hui recomti· rience lui paraÏ8sait immaturée?
chrétienne. Il 80ngeait vague- à recluser le8 Pemées en comé- tuées avec un degré de vraÏ8em- Celle-ci intéresse, elle ne convainc
ment à de8 forme8 : dialogue8, let- quence. Ici apparaît le mythe du blance proche, apparemment, de pas; son défaut est de réduire
tres; 8an8 avoir rien décidé. plan. Pardonnez-moi 8i je VOU8 la certitude. Le8 texte8 y 80nt trop la marge d'indétermination
N'aurait-il pu dérivé du côté de 8emble le décrire en trait8 de non pa8 rangé8 par ordre, mai8 (il est vrai qu'on me reprochera
Malebranche, et de ce8 ouvrage8 caricature; mai8 je croÏ8 qu'il plutôt di8tribué8 8elon de8 affi- de tendre, pour ma part, à l'élar-
zélé8 que le8 incrédule8 auxquels faut appuyer fort. nité8, certainement semible8 à gir trop).
on le8 de8tine 8'empre8sent d'aban- C'e8t se repré8enter l'écrivain Pa8cal, que nous n'apercevons pa8
donner aux croyant8, qui 8e con- comme un écolier. C'e8t imaginer toujoun. Entre la pulvérulence
Les linéaments d'une
tentent de le8 re8pecter de loin ? qu'un écrivain, avant de rien in8table de c pemée8:t 8éparée8 architecture
De cette audacieuse vigueur, de écrire de l'ouvrage qu'il projette, et l'abusive rigidité de8 c plan8 :t, Aller supposer encore un ordre
ce8 raccourci8, de ce8 fulgura- commence par en dre8ser le plan ; c'e8t un palier intermédiaire - de liasse à liasse n'était ni moins
tion8, de cet emportement poéti- un joli plan bien net, bien arti- et quelque peu oscillant. tentant, ni moins risqué. Et puis,
que, de cette corre8pondance 8i culé, .bien 8ubdivisé, bien équili. Car l'intérieur de chaque lia88e comme le suggère fort discrète·
immédiate entre le8 ch08e8 dite8 bré. Chaque idée qui 8e présente est re8té inorganÏ8é. Le8 troi8 cino ment M. Jean Mesnard dans sa
et celui qui le8 dit, de ce mé- doit trouver dan8 l'organisation quièmes de8 fragment8 sont res- courte préface, qui eèt d'un
lange 8i intime d'une âme et d'un une place qui l'attend. La con- tés incla88és. Et les ,rapports des expert et qui est d'un maître,
langage, de cette fiabilité - que ception toute di8tincte de l'exé- liasses entre elles restent indéter- toute la masse des fragments non
8erait·il re8té? En 1662, le 8tyle cution, et antérieure à elle. Une minés. L'intention générale ne classés reste tenue à r écart: la
Loui8 XIV achevait déjà de met- place pour chaque chose, chaque prête pas au doute, çomme l'a mettre à contribution, c'était re-
tre en place le 8Y8tème de 80n chose à sa place. Aprè8 quoi, il montré M. Jean Mesnard, l'un tomber aussitôt dans les vieilles
terrorisme. Il aurait bien fallu 8uffit de s'installer dan8 l'atelier des plus savants et même ornières de l'arbitraire, ce dont
céder aux pre88iom du goût, de pour procéder à la rédaction. Une temps des plus semés de nos paFi- M. Pol Ernest a eu bien rai80n
la 80ciété, des conseiller8; rabo- perquÏ8ition au peigne fin dan8 caliem ; mais les lignes générales de se garder, et, néanmoins,
ter et polir. Jamais c notre :t Pa8- l'atelier pascalien ne devrait-elle lie font que se laisser deviner l'ignorer c'est imposer aux hypo-
cal ne 8erait devenu le c vrai :t pa8 dévoiler au juge d'imtruction dans la discontinuité, les terre8 thèses les mieux ordonnées une
Pascal; c notre:t Pascal nOU8 a le 8ecret du plan ? fermes ne font, îles ou. mêmc lourde charge d'aléatoire.
été octroyé par un fune8te et La préface de Port-Royal, dè8 archipels, non pas continents, Du moins l'auteur d'Appro-
bienheureux coup du 80rt. 1670, décrivait mieux la réalité: qu'émerger au sein de vastes es- ches pascaliennes fait-il fort bien
Les Pemées: un enfant mer· c Lorsqu'il lui survenait quel-
ou paces inorganisés. re880rtir l'outrecuidance des bon·
veilleusement naturel, et parfai- ques nouvelles pemées, quelques Telle est la contrée, c humide nes gem d'autrefois qui n'hési-
tement illégitime. En 1662, les vues, quelques idées, ou même encore et molle du déluge et taient pas à se substituer à Pas-
gem de Port-Royal furent atter- quelque tour et quelques expres- gardant les empreintes d'un cal pour remédier à la défaillance
rés. 118 ne virent dan8 ce qu'avait siam qu'il prévoyait lui pouvoir géant, où M. Pol Ernst a établi de ce pauvre homme. l'ious pou-
lai88é Pa8cal qu'un fouillis de pa· un jour servir pour son dessein, son campement d'explorateur. En vons, par une lecture dévouée
peruse8. 118 ne voulaient pa8 que ... il aimait mieux en mettre quel- Mant à 80n expédition· un pro- comme doit être toute lecture,
tout 8e perdit, et ils ne voyaient que chose par écrit... :t (N'oubliez gramme sagement limité. Le titre accéder à un univen spirituel;
pa8 comment tirer parti de ces pas le tourment de la maladie: semblerait annoncer une ambi. nous ne pouvons pas déboucher
matériaux informe8; peut-être assiduité et continuité interdite8.) tieuse -randonnée à traven l'uni- sous les nobles portiques d'une
apercevaient.ils de l'inconvenan- Ce que nOU8 appelom le8 Pen- vers .pascalien: non, il ne s'agit architecture intellectuelle dont il
ce, voire quelque délire, dan8 la sées corre8pond au premier âge que des Pemées, et, parmi les n'a jamais existé que des linéa-
fougue de l'expre88ion. de la création littéraire, où 8e Pemées, que des vingt.sept lias- ments.
A la longue, ils 8e résignèrent confondent encore la songerie, la ses. Samuel S. de Sacy

22
De Gaulle
et l'Algérie
Pierre Yiansson-Ponté vier 1959, on assiste à la mise
HÏ!Jtoire de la République en place de la ye République,

1 gaullienne
Tome 1 : La fin d'une époque
Fayard éd., 578 p.
avec l'abdication du Parlement
devant l'émeute du Forum, la
préparation de la constitution, le-
référendum et les élections légis--
latives, et enfin l'accession à 1.
La sociologie de la ye Répu- présidence de la République.
blique pourrait se caractériser L'année qui suit. est celle de
par trois traits. Les électeurs y l'expérimentation du nouveau ré-
sont nombreux, les militants par- gime (9 janvier 1959 - 23 janvier
cimonieux, et les lecteurs cu- 1960) : elle s'achève sur les bar-
rieux... On écrit beaucoup sur le ricades d'Alger. Viennent alors
régime, en effet, au point que c: les grands jours:. qui s'éten-
lorsqu'une nouvelle vague de dent jusqu'à l'ouverture de la
chroniques politiques s'annonce, conférence d'Evian, le 20 mai
comme en cette rentrée, le moins 1961, et enfin c: la paix:., qui at-
blasé commence à éprouver une tend encore quatorze mois.
légère nausée: encore les aven- Mais si le cadre est algéri(;n, le
tures du général ! contenu est beaucoup plus large
Pourtant, avec fHÏ!Jtoire de la puisqu'il s'agit d'une histoire de
République gaullienne de Pierre la République gaullienne. A l'in-
Yiausson-Ponté, il vaudrait mieux térieur de son découpage, P.
dire: déjà une histoire! L'au- Yiansson-Ponté avait le choix en-
teur se défend certes d'avoir fait tre une présentation sptématique
c: un travail scientifique:. et pré- (politique intérieure, reJations in-
cise ...qu'il ne s'agit c: ni d'une re- ternationales, économie, etc.) et
cherche ni d'une approche neu- une présentation chronologique.
... maÏ!J d'un récit Il n'a choisi ni l'une ni l'autre,
qui vÏ!Je à mettre un peu d'ordre préférant organiser chaque pé-
dam :.. Cette modes- riode en cinq chapitres caracté-

en direct
tie ne va probablement pas sans risés chacun par une idée domi-
quelque orgueil, dans la mesure nante, correspondant à un grou-
où le dessein de c: mettre un peu pe d'événements. Pour ne pas
d'ordre dam :. signi- tomber dans l'impressionnisme et
fie en réalité : présenter une pre- la confusion, il lui fallait maîtri-
mière synthèse de la République ser son sujet parfaitement - ce Les grands problèmes d'aujourd'hui
gaullienne. Or la tâche est encore qui ne surprendra pas chez le Une nouvelle collection, un nouveau style
pleine d'embûches pour l'histo- rédacteur en chef du Monde -
rien classique qui ne dispose que et répartir les faits selon cette

LES OUVRIERS
d'une documentation officieuse, démarche compréhensive. Il y
indiscrète et douteuse. Le terme était aidé par l'unité qu'apportait
c: d'intoxe:. n'a-t-il _pas -'été - in- - le principal acteur. La documen-
venté par la ye? tation, que l'on sent considéra-
L'HÏ!Jtoire de la République ble, est filtrée, décantée et, pour Une enquête de Philippe Gavi
gaullienne est divisée en deux alléger le' récit, une chronologie
parties; le premier tome qui est renvoyée à la fin du volume
vient de paraître concerne la qui comporte en outre les résul. cc Un excellent tableau-témoignage de la classe
guerre d'Algérie, de mai 1958 à tats deS élections et des référen- ouvrière deux ans après Mai 68».
L'EXPRESS
juillet 1962, tandis que le second dums, ainsi que la composition
volume ira jusqu'au référendum des gouvernements, et un index Prochains volumes à paraÎtre:
du 27 avril 1969. L'articulation des noms cités (pratique hélas!
correspond en effet à la césure trop rare dans l'édition française).
essentielle du régime qui est né Le récit témoigne d'une gran- GUERRE -CIVILE EN IRLANDE
de la crise algérienne, mais qui de sobriété en ce qui concerne par Christian Casteran
a eu l'ambition d'être tout autre les anecdotes dont on a été quel-
chose qu'un phénomène conjonc. que peu saturé par l'hagiogra-
turel et qui s'est profondément phie gaullienne. Mais des détails
LES ENFANTS DE FIRST STREET
transformé ensuite. choisis viennent l'arrimer (la pro- Une école à New York
L'auteur disposait ainsi d'un fil menade en barque de Khrouch- par George Denisson
conducteur pour présenter les tchev et du général, chantant les
cinquante mois qui suivirent le Bateliers de la Yolga sur l'étang_
retour du général jusqu'à la paix. de Rambouillet...), et la relation El DIRECT


Il a découpé cette première pha- des moments de crise est d'une
se en quatre périodes qui corres- précision exemplaire. Pratiqué-
MERCURE DE FRANCE
pondent aux étapes du règlement ment tout y est, sans tomber dans-
algérien: du 13 mai 1958 au 8 jan- la·sécheresse de l'énumération Di

La Uttéraire du 1'" au 15 1970
De Gaulle En
pécher par excès allusif. Un point ception et de tactique qui ont non Witkiewicz Linguistes du XVIIIe
à noter cependant: l'auteur écrit seulement retardé l'issue, mais
page 140, et à nouveau page 234, ont de surcroît exaspéré l'opinion
que le Conseil de cahinet du européenne jusqu'à « l'apoca. Les Editions «L'Age d'hom- Sous le titre Varia Linguistiea,
10 janvier 1959.fut «le premier lypse de l'O.A.S. ? L'auteur rap- me à Lausanne, qui nous ont les éditions Ducros, à Bordeaux,
et le le général ne pou- pelle les critiques des impatients permis de lire, entre autres, Pé- rassemblent en un volume des
vant admettre que les ministres et les plaidoyers des prudents, tersbourg d'André Biély; le Sceau textes de Maupertuis, Turgot,
l!e réunissent en dehors de sa pré- mais il ne se prononce pas. Il égyptien d'Ossip Mandelstamm, Condillac, Du Marsais, Adam
sence (le Conseil de cahinet est s'est affirmé «sans passion mais publient l'un des trois grands ro- Smith relatifs au langage. On y
la réunion du gouvernement à non sans opinion» et ne manque mans du Polonais Witkiewicz: voit s'élahorer une c linguisti-
Matignon sous la présidence du pas, à l'occasion, de juger avec rInassouvissement. Génie multi· que qui commence à prendre,
Premier ministre). C'est en effet sévérité. Peut-être estime-t-il un forme, Witkiewicz, qui fut aussi en ce XVIIIe siècle, une allure
le seul qui fit l'ohjet d'un com- peu vain de tenter de départager peintre et dramaturge (22 de ses « et on comprend
muniqué officiel, mais il semhle les thèses d'une controverse qui pièces ont pu être sauvées et l'une peut-être mieux le hut que s'était
que le gouvernement ait tenu une durera, comme la paix manquée d'elles sera prochainement jouée donné Rousseau dans son Essai
quinzaine de réunIons de ce ty- de 1917 continue d'opposer les à Paris), appartenait à l'avant- r
sur origine des langues. On y
pe en 1959-1960, notamment à la partisans de Clemenceau à ceux garde polonaise des années vingt. voit surtout, précise Michèle Du-
veille des sessions parlementai- de Caillaux... En tout cas, il Il s'est donné la mort en chet dans sa préface, «les limites
res. écarte le déhat d'un mot, con- lors de l'entrée des troupes alle- de la métaphysique expérimen-
Sur le fond, c'est naturellement cluant «qu'aucun réquisitoire ne mandes et russes en Pologne. Jo- tale qui 6Cmble préoccuper tous
la stratégie algérienne du général pourra retirer au régime le mé- sé Pierre a parlé de lui dans ces les auteurs du XVIII"
de Gaulle qui est au cœur de rite d'avoir résolu le dernier pro- colonnes (voir la Quinzaine nO 80) (Textes rassemhlés et annotés par
ce récit. Huit ans après, elle laisse hlème de la décolonisation ». On et nous publierons prochainement Charles Porset, notices hihliogra-
le lecteur perplexe. N'était-elle en donne acte volontiers au ré- un texte sur lui de l'auteur des phiques, 356 p.)
pas toujours en retard sur la réa- gime, tout en espérant que le Feuillets bleus, Adolf Rudnicki.
lité, progressant certes vers la rédacteur en chef du Monde y Le théâtre de Wietkiewicz a com-
paix, mais allongeant les délais reviendra à la fin de son histoire. mencé d'être publié par le même
par des exigences qu'il fallut Réservons donc cette question éditeur (2 volumes puhliés, 4 à
ahandonner les unes après les sous hénéfice d'inventaire futur. paraître) et trois de ses pièces L'hermétisme à
autres? P. Viansson-Ponté le Mais il est une autre interroga- (dont les Cordonniers, « pièce la portée de tous
signale, avec un soupçon de tion qui s'élève dès maintenant à scientifique en trois actes avec des
cruauté, à chaque étape (la «paix la lecture de l'ouvrage. La phase chansonnettes ») figurent dans
des hraves », l'autodétermination, algérienne de la Ve Répuhlique « Théâtre du monde entier» chez René Alleau, dont la réputa-
Melun, Evian, Lugrin et enfin les se détache en perspective, elle Gallimard. L'inassouvissement est tion n'est plus à faire en matière
Rousses). Le refus d'admettre est devenue de l'histoire; con- traduit et préfacé par Alain Van de «sciences secrètes », inaugure
l'organisation extérieure comme naissant la suite, on se prend à Crugten qui nous annonce un es- une « Bibliotheca Hermetica
interlocuteur, puis de traiter des se demander si la loi non écrite sai sur l'auteur. 526 pages d'une dont Denoël assure la diffusion.
aspects politiques dans la négo- de notre vie puhlique qui affec- lecture pleine de surprises. Nous Il compte y publier «les chefs-
ciation, les exigences sur le Sa- tait à un gouvernement ou à un y reviendrons. d'œuvre de l'hermétisme », ou-
hara, hientôt ouhliées, tout cela homme la mission de résoudre un vrages généralement introuva-
était-il indispensahle pour con- problème, après quoi il était con· bles qui traitent d'alchimie, d'as-
duire les espoirs, peu à peu, à gédié, n'exprimait pas, en fin de trologie et de magie. Premiers ti-
compte, une certaine sagesse... La réalité dépasse
l'idée de «dégagement»? Ou tres: le Livre des figures hiéro-
hien s'agissait-il d'erreurs de con- Pierre Avril la fiction glyphiques de Nicolas Flamel
(avec une étude historique d'Eu-
r
Julliard réédite Assassinat de gène Canseliet, 234 p., 29 F) ,
Trotsky, de Julian Gorkin, qui r Alchimie et les alchimistes de
M. avait paru aux éditions SELF peu Louis Figuier (première édition:
après la guerre, et qui portait le 1854) qui donne des reproduc-
VW. nom d'un co-auteur: le chef de tions de pièces fabriquées à l'aide
Dau la police de Mexico. Julian Gor- de l'or alchimique (?) (408 p.,
kin avait eu en effet à sa dispo- r
36 F), la Magie et astrologie,
lOuscrit un abonD_Dt sition des centaines de pièces offi- d'Alfred Maury (publié en 1860
D d'un an 58 F 1 Etranger 70 F cielles ayant servi au procès de par l'auteur de le Sommeil et les
o de six mois 34 F 1 Etranger 40 F l'assassin, Jacques Mornard-Mer· Rêves) (432 p., 38 F). René Al-
cader. Depuis, il a complété sa leau s'élève contre le qualificatif
règlement joint par
documentation, grâce surtout aux de «fausses sciences» donné aux
o mandat postal 0 chèque postal confidences de chefs communistes domaines dont il s'occupe et con-
o chèque bancaire espagnols qui ont «miraculeuse- teste qu'elles aient été à l'origine
Renvoye2 celle carle. ment» réussi à sortir d'U.R.S.S. de nos sciences expérimentales. Il
La troisième partie de son ou- préfère les rattacher à « un savoir
La Quinzaine vrage est ainsi inédite. Si l'en- traditionnel »... «dont la valeur
Hu....lre semble g a r d e l'allure d'un poétique nous dispense d'une cri-
43 rue du ·rem"I.... Paril 4. «grand roman policier », c'est tique scientifique arhitraire et
c.c.r. 15.SH.53 Paris qu'en ce cas, remarque Gorkin, inadéquate... ». Voici donc, qui
la réalité dépasse la fiction. (320 p, l'eût dit? l'hermétisme à la por-
22,50 F.) tée de tous.

24
feuilletant... Théâtre en Perse
Déjà, l'histoire .rence, le champ d'une culture... Comment peut-on être Fran- Pour en revenir à cette notion
et comment la question philoso- çais ? Les Persans, eux, ont bien de théâtre rituel. la fête théâ-
Dans 8a collection de manuels, phique 8e pose, continue à 8e po- de la chance, et du génie. Nous trale de Chiraz-Persépolis nous
Bordas publie la Littérature en ser... ». Champ à l'intérieur du- n'avons qu'Avignon et ses fas- aura permis, entre autres cho-
France depuis 1945, due à quatre quel, pendant plus de deux siè- tes médiocres. Les Persans, ses, de vérifier cette évidence
universitaire8 intelligents et in· cles, pensèrent les générations eux, pour éblouir le critique oc- que ce n'est pas le rituel à lui
formé8 qui n'hésitent pas à pré- bourgeoises et rationalistes, figure cidental qui débarque tout ému seul qui fait le théâtre, mais ce
senter à n08 étudiants des auteurs du savoir classique (440 p.). déjà des souvenirs de Chardin qui est signifié dans ce rituel.
encore actuellement en pleine et de Gobineau, non contents Exhumer un rituel pour le pro-
activité et dont l'œuvre est loin Diderot de disposer des coupoles d'Is- duire en spectacle, c'est chose
d'être close. Ce qui les amène à pahan, des jardins de Chi raz de foire, ou de musée. Utiliser
choisir et à prendre parti. Et ce Yves Benot publie chez Mas- (pas de rossignols, mais des les formes d'un rituel comme
qui nous donne une histoire «vi· pero un Diderot qui vient certes musiques superbes), des palais véhicule de significations nou-
L'appareil pédagogique après de nombreuses études, en et tombeaux des rois achémé- velles, c'est proprement là fai-
est réduit au minimum. Les France et à l'étranger, mais où il nides, du soleil couchant sur re œuvre théâtrale. C'est ce
textes choisis - qui viennent a mis en relief le côté « athéiste » Persépolis, et des yeux en que font, chacun sur son mode.
après d'alertes mises en place - de son modèle et son «anticolo- amande aussi beaux dans les Grotowski, le Bread and Puppet.
devraient donner le goût d'en sa- nialisme Il l'appelle, à juste ti- ruelles que sur les miniatures, et Garcia, utilisant des liturgies
voir davantage par des lecture!; tre, «un destructeur de som- lui assènent soudain, à ce criti- diverses comme un langage vi-
complète8. (850 pages, relié: 39 F, meil» (le 80mmeil dogmatique que, le plus incontestable gra- vant pour nous dire des choses
broché: 32 F.) s'entend) et montre comment, tin du théâtre occidental: Gro- qui peuvent. aujourd'hui, con-
e assailli de questions, et obligé towski (le Prince Constant), le cerner des hommes, déranger
de 8'interroger, de chercher da- Bread and Puppet (Fire) et les des consciences, voire donner
Babeuf Diderot n'en était pas
Bonnes dans la mise en scène le branle à des actes. C'est en
moins parvenu à désirer «l'exter- de Garcia. Ajoutez Xenakis et ce sens que le rituel d'exor-
François Maspero réédite l'un mination rationnelle des oppres- Mozart, Webern et Monteverdi: cisme de Garcia, au service
des ouvrages les plus importants seurs (336 p.). notre culture occidentale, com- d'une œuvre aussi violente que
de Maurice Dommanget: Sur me on voit, pouvait faire la les Bonnes et d'un tel pouvoir
Babeuf et la conjuration des fière. de dénonciation, ou celui du
Egaux. L'auteur y a ajouté qua- Si même j'avais un grief à Bread and Puppet, au service
tre études inédites formant cha- AUBIER formuler à l'encontre de ce d'un engagement politique pré-
pitres, si bien qu'est maintenant MONTAIGNE 4" Festival de Chiraz-Persépolis, cis, m'a paru, dans cette con-
complètement éclairée la figure 13 quai Conti Paris
par ailleurs très intelligemment frontatioo,. siRgulièrement plus
_de ce premier e communiste» 1 conçu, et non sans une certaine ouvert, donc plus rtche- de signi-
Sunday O. ANOZIE hardiesse, ce serait d'avoir fications possibles, que l'admi-

1
moderne, mort sur l'échafaud le
28 mai 1791, et à qui Marx et. dans cette confrontation Orient- rable exercrce· liturgique-· de·
Engels, dans le Manifeste com- sociologie Occident qui servait de thème Grotowski, qui semble toujours
muniste, rendront un hommage du roman africain au festival, fait la part trop se complaire à lui-même: per-
mérité (392 p.). belle à l'Occident. Puisqu'il fection close. Il faudra bien un

l
A travers la nouvelle littérature afri- s'agissait de confronter des for-
caine les changements politiques
jour ouvrir le dossier Gro-
et sociaux de "Afrique d'aujour- mes de théâtre rituel, et puis- towski; disons seulement que
d'hui. 21,00 que Cham, cérémonie du Né- cette messe dite en chapelle
Ces messieurs de pal, n'a pas pu franchir les fron- (55 fidèles, cette fois-ci, à cha-
Port-Royal les petites collections tières, on eût souhaité au que office), cette Passion tou-
la philosophie en poche moins, en fait de cérémonial jours recommencée devant une
Dans la collection de poche d'Asie - en l'occurrence la élite petite de spectateurs pri-
«Science de Flam· Auguste danse classique de l'Inde - , vilégiés, m'a paru, cette fois, un
marion publie la fameuse et trop COMTE une exhibition de Bharatana- peu formelle, initiatique, et
peu connue Logique de Port- Pour réformer la société tyam moins racoleuse que celle comme coupée de la vie.
Royal. Due à Antoine Arnauld et qu'il nous fut donné de voir, en
Pierre Nicole, elle s'intitulait plus 1bilingue Aubler-i=lammarion
6,90
fait de cérémonial africain, une Le Bread and
exactement la Logique ou r art de démonstration moins purement Puppet
penser. C'est le titre que l'édi- acrobatique et 'folklorique que
teur a retenu et qui se poursui- KLEIST celle du Ballet national du Sé- Il est vrai qu'on avait vu la
vait ainsi: «contenant, outre les lia marquise d'O 4,50 négal, et en fait de chant négro- veille - ce fut un des moments
règles communes, plusieurs obser- américain, autre chose que les les plus forts du festival - le
vations nouvelles, propres à for- CERVANTES Saple Singers, ces sœurs Etien- Bread and Puppet, allant au-de-

I
mer le Dans sa pré- le mariage trompeur ne sorties de la Case de l'on- vant de ce public que tous les
face, notre collaborateur Louis et Colloque des chiens cle Tom. Les concerts de musi- festivals ignorent, qu'ils soient
Marin remarque que cet ouvrage 4,50 _que traditionnelle, de l'Iran, du d'Avignon, de Nancy ou de Chi-
qui connut cinq rééditions, cons- Vietnam, ou de l'Inde, étaient raz, manipuler ses grandes ma-
tamment revues, corrigées et LEWIS CARROLL en revanche très beaux, à voir rionnettes devant des enfants
complétées, au cours du XVII" siè- Alice. au pays des comme à entendre, la manipu- et des gens du peuple, un ven-
cle, montre, «plus nettement
qu'aucun autre texte de l'époque
1merveilles 6,50 lation des instruments com-
plexes d'où l'Orient tire ses mu-
dredi après-midi (c'est le' di-
manche musulman) dans un
classique, comment s'organise,
dans la dispersion et l'incohé- al siques étant théâtre à elle
seule.
parc de la ville. On leur racon-
tait l'Histoire du roi, de ce roi

La Q.!!buaine Uttérairc du l or au 15 octobre 1970 25
LI'1TIIILU'UIUl

Théltre en Perse
70

qui avait dans son royaume un plutôt du Ta'zieh qu'elle n'en Sollers et moi, nous ne par- le et armés de Karl Marx. vien-
prêtre, et un homme bleu et constituait véritablement un; Ions pas la même langue. Ce nent leur faire la morale.
un homme rouge, et un peuple c'en était en tout cas une forme que Sollers a appris dans les Ce. que je pense aujourd'hui
aussi; un jour sl.lrgit un dra- très élaborée, voire sophisti- livres, moi, je l'ai appris dans de la société, je le pensais à
gon; le roi fit appel à un grand quée, et, semble-t-i1, très occi- la vie. Quand je lis Marx, je sept ans. Dans le village où je
guerrier. Et le grand guerrier dentalisée. C'était une histoire peux me permettre d'en lais- suis né, il y avait deux châte-
tua le dragon. Puis il tua le d'amour, de mort, de guerre, de ser, car l'essentiel de ce que lains. Tout le monde, au villa-
prêtre. Puis il tua l'homme rou- talisman et de destin, contée j'y apprends, je le savais avant ge, y compris les gens de ma
ge. Puis il tua l'homme bleu. dans le style liturgique d'une de le lire. Lorsque Sollers lit famille, leur parlait avec un res-
Puis il tua le roi. Puis (ici deux extrême lenteur par un jeune Marx, il n'ose rien laisser tom- pect qui me restait dans la gor-
dénouements), 1) il voulut metteur en scène visiblement ber, car ce qu'il y apprend, il ge, et chaque fois que je pas-
tuer le peuple, mais le peuple au fait des méthodes scéniques ne le savait pas avant. Il est sais près du château où ils vi-
le tua (dénouement • progres- occidentales; c'était un peu la né dans le beurre. Il n'a pas vaient dans leur curieuse so-
siste .), 2) il tua le peuple et Tragédie grecque jouée naguère vu un seul ouvrier avant d'avoir litude, je pensais que c'étaient
la Mort vint alors le saisir par le Groupe Antique de la vingt ans. Bourgeois jusqu'à la des voleurs et je pensais, qu'un
(c'est cette fin-là qui fut jouée). Sorbonne; c'était propre,. clair. moelle, il m'adresse la pire in- jour, je les aurais. Sollers me
Dans ce contact passionné, pas- bien mis en place, assez beau sulte qu'il connaisse: • Petit traite de bourgeois; il connaît
sionnant, d'une foule simple, et parfois dans les déplacements bourgeois .parisien. • Mais je Freud mieux que moi: cette
d'une forme d'art aussi simple et les chœurs parlés, mais en- ne suis pas parisien et je ne injure s'adresse à lui-même. Je
et aussi forte de signification, nuyeux, un peu scolaire, et sans suis pas bourgeois. Lorsque le comprends. Je comprends
le mot de • théâtre populaire. grande invention. Sollers et Faye allaient au ly- Faye. Je comprends que ces pe-
trouvait un sens, et le phéno- cée Saint-Sulpice, dans la gran- tits messieurs soient plus sta-
l'autre, Moslem, beaucoup
mène théâtral une raison d'être. plus intéressante pour nous, de voiture de papa-banquier, en . Iiniens qu'il n'est permis. Quand
était en somme la reconstitu- pelisse-chouchou, et flanqués on s'est donné la peine de naÎ-
tion professionnelle, pour un de la nurse anglaise, j'appre- tre; quand on n'a eu qu'à de-
Un théâtre rituel nais mes leçons.. en gardant les mander pour obtenir; quand on
et populaire : public de festival, d'un authenti-
que ta'zieh. Avec ses cortèges vaches. a reçu, sans aucun effort, sans
le Ta'zieh de chevaux, de chameaux, ses J'ai choisi des motifs plus aucun mérite, ('éducation, l'ar-
60 ou 80 acteurs, récitants, mu- grands que Sollers et que Faye gent, les relations et la cultu-
Il est plus hasardeux, pour siciens, ses tambours, antiques pour que le pouvoir change de re, la culture cet objet introu-
nous autres occidentaux, de for- modernes, ses musiciens ju- mains, car si j'allais crever, je vable que les fils
muler un jugement sur les re- chés dans une tour et sonnant n'aurais pas un matelas de bil- les fils de paysans, n'arrivent
présentations d'une autre forme dans des trompettes monocor- lets pour m'endormir. Je sais jamais à acheter, je suppose
de théâtre authentiquement ri- des de 5 mètres de long, cela ce que c'est, moi, que les fa- qu'on se prend immédiatement
tuel et populaire, spécifique- tenait, à première vue, d'un milles où on n'a que son tra- pour ce qu'on est: un voleur.
ment persan celui-là, le Ta'zieh. Mystère joué aujourd'hui de- vail à vendre pour subsister, Et je comprends très bien que,
Née de la célébration, par vant Notre-Dame, du Châtelet et je sais ce qui arrive quand si l'on n'a pas l'âme d'un chien,
l'Islam chi'ite, du martyre de et d'un opéra de Verdi. Aux di- on n'arrive plus à le vendre. on ne puisse se regarder dans
l'Imam Hosseyn massacré en res des Iraniens qui ont vu des Sollers a lu dans Marx, qui par- les glaces: on a honte de ce
680 par le calife ommeyade Va- Ta'zieh dans les villages, cette Iait pour son temps, que le pro- qu'on est. Alors, on va s'ins-
zid, cette forme de théâtre, as- représentation trahissait. Sans létariat c'est la classe ouvrière crire au Parti Communiste, on
sez proche, semble-t-il, de no- doute. Il reste que ce specta- qui travaille dans les manufac- demande du fric à papa-ban-
tre théâtre médiéval, à mi-che- cle, tout impur qu'il était proba- tures, et comme beaucoup de quier, on crée une revue super-
min entre la cérémonie du blement, m'a passionné. J'avais professeurs marxistes, qui con- marxiste, et dans un concert
culte et la représentation théâ- devant moi une forme authen- naissent bien Marx, mais qui d'applaudissements snobs où
trale, s'est jouée longtemps tiquement populaire, et belle, n'ont jamais vu leur mère se se mêlent, exquis, les vieux
dans les villages, dans les mos- de théâtre, où les divers modes demander comment elle • fera. soupirs des vieilles dames lit-
quées. Théâtre non-profession- de récitation et de déclamation, la fin du mois, il en déduit que téraires, on devient un terrible
nel, comme au Moyen Age, où le jeu de la parole et des musi- seuls les ouvriers d'usine ven- procureur. Alors, on fait trem-
acteurs et spectateurs étaient ques, la beauté par les striden- dent leur· travail pour subsis- bler Pleynet dans sa culotte, on
interchangeables: jouer, ou plu- ces et dans l'attaque des voix, ter. Pour lui, comme pour les entame avec Faye une querel-
tôt réciter "histoire en musique, l'expressivisme du jeu à la fois chérubins de son espèce, le le d'Allemands, on se dispute
tenait de la prière, du devoir naif et un peu cabot, consti- reste n'est fait que de • petits- la pensée de Mallarmé, on uti-
religieux, et le public commu- tuaient un ensemble d'éléments bourgeois., animés de l'idéal lise les dépouilles d'Artaud, on
niant là dans les cris et les fascinants. Je regardais Jean- • petit-bourgeois., et instru- n'écrit plus cinq lignes sans
pleurs. Il s'en joue encore dans Marie Serreau regarder cela de ments stupides de la classe do- citer Sade, Engels, Marx, Léni-
les villages; mais, comme aus- tous ses yeux vifs, toujours minante. Or, ni plus ni moins ne, on vit dans les éclairs des
si le théâtre médiéval. le Ta'zieh curieux: le metteur en scène que les ouvriers, beaucoup de excommunications, et on est le
s'est professionnalisé. Sur le de Césaire, de Kateb Yacine, en paysans, beaucoup de fonction- plus pur parmi les purs: on est
plateau d'un festival. fût-ce en train d'expérimenter, depuis naires, beaucoup d'intellectuels, un traître.
plein air, ou au pied du palais des années, avec des acteurs beaucoup d'artistes n'ont à ven- La psychologie des transfu-
de Xerxès, cette transplanta- africains, arabes ou antillais. les dre que leur travail; ils ont des ges est mal connue. Dans l'opi-
tion risque forcément de son- formes possibles d'un théâtre motifs viscéraux, non des mo- nion courante, le transfuge est
ner faux. du tiers monde, avait ici de tifs livresques que tout change, un être stupide et vénal. Or
Nous avons vu deux représen- quoi se passionner. Nous aussi. et, je cherche le mot, ils se c'est tout le contraire. Le trans-
tations de ce théâtre persan. marrent, quand ces gosses de fuge est un être intelligent et
L'une, Vis et Ramin, s'inspirait Gilles 5andier riches, la bouche en cul de pou- généreux. Intelligent: car il

26
Bourgeade répond à Sollers
volt clairement qu'II y a deux conflent la tâche de procureur, chambre, quand Il a déposé Il ne me croira pas, mals
camps. Généreux: car Il n'hé- de juge et de bourreau, car Ils l'âme du procureur, le style du J'admire Sollers. Je regrette
site pas à changer de camp s'il savent que pour n'être pas greffier, et les plaisanteries du qu'II fourvoie son talent et son
croit être dans le camp des soupçonné d'être un Jaune, le corps de garde, le transfuge cœur dans un triste combat
opresseurs. Sollers est un transfuge est prêt à toutes les se met à la dentelle. Il revient d'arrière-garde. Etre marxiste,
transfuge: il est intelligent et tâches. Vivant dans la terreur à .son œuvre, qui est d'autant ce n'est pas répéter sans fin ce
généreux. d'être jugé Impur, le transfuge plus pure qu'II s'est plus lon- qu'a dit Marx, c'est adapter son
Dès son premier roman, s'ex- est l'Instrument privilégié des guement souillé à l'audience. combat à la vie, et rejeter sans
halaient les frissons d'une âme Terreurs. C'est pourquoi, au cours de ces crainte des analyses révolues,
maurlaclenne. On devinait déjà Que fait donc le transfuge? ... années où Tel Quel se trans- une • science. en miettes, des
que cet adolescent d'autrefois, Des procès et de la dentelle. forme en Tribunal bouffon, Dieux morts. • Que les morts
en qui Mauriac lui-même sa- Des procès: c'est lui qui tient l'œuvre du seul Sollers s'élève, enterrent leurs morts, et les
luait un talent raffiné et qu'il les fiches ; c'est lui qui veille transparente, semblable à la pleurent!. (Karl Marx.) Mals
propulsait vers la gloire, aurait sur le Dogme; c'est lui qui re- pensée désincarnée. Ses deux le transfuge a le culte des
quelque chose à nous dire, pour lève les délits; c'est lui qui derniers ouvrages (2), délicats morts. Se voulant étranger à
peu qu'il découvre un sujet. Instruit la procédure; c'est lui bibelots d'Inanité écrite, dont son propre parti, demeurant
Après l'avoir cherché vaine- qui construit le réquisitoire; l'algébrique harmonie est extrê- étranger au camp qu'II a re-
ment dans le Parc entourant la c'est lui qui prononce le juge- me, brillent d'un éclat pur, gla- joint, Il n'est vraiment chez lui
vieille demeure familiale, dont ment; c'est lui qui exécute le cé, mallarméen. A notre épo- que dans les cimetières. Il s'y
l'entrée était Interdite aux pro- coupable. Dans cette tâche in- que où, c'est vrai, la parole promène seul, le cerveau plein
létaires, Il le trouva dans la bi- grate, le transfuge ne craint pas s'enlise dans les combats dou- de mots, le cœur plein de re-
bliothèque. de s'avilir. Lui, le subtil poète, teux, le romanesque niais, la vanches, un bouquet d'immor-
Le transfuge est savant et l'écrivain délicat, consume son hideuse culture, les vieux mots, telles à la main.
implacable. Savant: car n'ayant talent dans les erreurs voulues les écrits de Sollers s'ont l'ava-
en rien l'expérience de ceux et les lourds à-peu-près qui lui tar moderne de la littérature Pierre Bourgeade
avec qui il a décidé de se ran- sont nécessaires pour fabri- abstraite, nue, gratuite, pour
ger, Il est contraint de la quer les fausses· pièces des le dire en un mot: réaction- (1) Et s'II ne "a pas dit, je le lui
placer par des lectures. Et procès où, moderne jdanov, Il naire. Faye n'est pas artiste. fais dire.
comme la vie seule, ainsi que s'immole lui-même pour ses Sollers est le dernier champlon (2) Logiques. Nombres, Editions du
Marx l'a dit (1), est la mère de maitres. Mals le soir, dans sa de l'Art pour l'Art. Seuil.
l'expérience, le transfuge doit
tout lire et tout apprendre sans .. Ainsi se développent, en France re, soit plus naturel qu'on ne l'Ima· Dans une telle optique, qui n'a
être jamais sûr de ne pas se comme à l'Est, ces sciences annexes : glne parce que le récit précède la d'ailleurs rien d'original, on pourrait
tromper. Je n'al pas peur de linguistique, syntaxique, sémiologie, langue, que le désir de récit subsis- définir le récit, dans la mesure où
dire que l'enfant d'une famille etc., qui sont à la littérature ce que te après elle. un écrivain (alors à mi-chemin entre
sont à la peinture l'optique, la chi· l'écrivain et l'écrivant, dans une es-
d'ouvriers ou de. paysans qui mie et la fabrique des pinceaux..., Seulement, nous ne sommes plus pèce de gluance vive du texte)
entend son père se lever dans écrit Pierre Bourgeade dans son ml· à l'époque des conteurs ou des ra- surimpose ce qu'II faudrait nommer
la nuit pour aller à l'usine, ou nl-pamphlet .. L1TIERATURE 70.. Il conteurs barbares. Il existe aujour· son Idlologle aux censures générales,
qui l'entend casser la glace est dommage que Tel Quel n'ail pas d'hui quelque chose de nouveau, de comme une Idéologie d'Idéologie
cru bon de relever un argument qui . vraiment Inédit: non pas une Histoire marquée paradoxalement par la vé·
dans le puits avant que le jour à juste titre Impressionne beaucoup d'autant plus' totale qu'encombrée et rlté, une vérité biaise pailletée, lacu-
ne soit levé, en salt plus que de monde. Explicitement ou non, nom- brumeuse, mals une histoire du nalre: une errance non pas consom-
Sollers en théorie et en prati- bre de théoriciens pensent (pas travail humain, et notamment une mable mals utilisable, une sorte de
tous) qu'à partir du moment où est histoire de l'art. Répertoriant les brouillon excitant, de b 0 u Illon
que, et qu'II se trompe. moins dévoilée la structure mettons par formes, on est tenté de ranger la exemplaire. Le rôle (éternel) de cet
souvent. Sollers sait tact, ç'est exemple d'un certain type de récit, littérature dans la grande armoire écrl·v&ln/vant serait-II d'explorer à
vrai. Il ne peut pas aborder le celui-ci en devient automatiquement mythologique ou de ne concevoir son travers la répétition un espace Infi-
plus mince sujet sans déborder caduc. Oui dit typologie dit clmetlè· futur que comme pseudo-à·venlr répé- niment variable dont Il apparaltralt
re. titif. Ouelle pourrait être encore la le révélateur (sempiternel)?
de citations, mals Il a telle- place de la .. littérature .. ? Je formu- A moins que la théorie ne soit
ment de citations marxistes Bien que ce ne soit pas évident. lerai trois hypothèses: 1) le cime- devenue le grand Récit du
dans la gorge que lorsque les Il semble bien, par exemple, que les tière (littérature sans objet d'étu- monde. .Nous aurions atteint à
soldats soviétiques entrent à amoureuses analyses de Bachelard des); 2) le .. mythe expérimentai .. travers maintes plaisanteries d'alchI-
sur l'Imagination matérielle aient si· (expression de Roland Barthes), au mistes, via la croix· de • ma • mère,
Prague, ou lorsque les • tribu- gné l'arrêt de mort de la poésie élé- deuxième, troisième ou quatrième l'amoureux transi ou pas et les révo-
naux. de l'Union soviétique mentaire sans que personne ne s'en degré; 3) la littérature tant bien que lutions chantées, l'Age adulte du
envolent les écrivains soviéti- aperçoive. Rien de plus archétypal mal, que rappellerais littérature popu- logos héraclltéen.
ques dans les camps, Il ne peut qu'un western: pourtant on continue laire, englobant dans cette notion • Les murs crient .., assure Pierre
à fabriquer du western, de l'excel·. peut-être dangereusement équivoque Bourgeade. Sur un mode moins lyri-
même pas pousser un cri. lent western: quel Intérêt? La peln· n1mporte quelle littérature, y com- que, Tel Ouel désigne aussi ses cris
Le transfuge est un être Im- ture dite abstraite, dans la mesure où pris la plus .. Intellectuelle.. Serait et ses murs. Mals s'Ils entendent
placable. Dogmatique, car Il a elle entend rester activité Isolée, a- populaire toute littérature partielle- une partie des mêmes cris Ils ne
t-elle encore quelque chose à nous ment Inconsciente de sa propre cen- sont pas entourés des mêmes murs.
tout appris; Intransigeant, car dire? On objectera que selon un tel sure et occupée à projeter ses Pour revenir à mon troisième, Pierre
Il veut se montrer plus fanati- point de vue II· suffira d'être abonné contradictions, à les vivre sur un Bourgeade ne 1Ie contredit pas assez:
que que tout autre; Immobile, chez Marle Concorde pour ne plus mode ml·textuel ml·phantasmatlque Tel Ouel, au fond, n'est pas suffi-
car il n'est pas rempli de vie faire l'amour. Et l'objection ne sera (ce qui la différencie de la littéra- samment telquellste. SI la littérature
pas Inepte puisque écriture et lec· ture petite bourgeoise essentielle- ne fait plus le poids. la théorie dis-
mals de lectures, et assis sur ture sont des opérations érotiques. ment névrotique) plutôt qu'à les pose d'encore trop d'ombrees).
Lénine comme le scholastique Mals les coordonnées et les dimen- résoudre théoriquement et pratique- Personnellement, je n'al pas de
sur Escobar, Il distribue les ex- sions d'une lecture et d'un coit, fONI ment. Une telle littérature peut-elle réponse toute prête. C'est dommage.
communications. C'est li lui que compliqué ou complexe, ne sont pas encore produire quelque chose? Ce n'est pas une raison pour sous-
les mêmes. Bien que l'acte sexuel Peut·elle encore nous apprendre crire aux fausses évidences ou Il la
les Maitres du camp sous la soit un acte hautement culturel mal· quelque chose, voire nous surpren- politique du shaker...
bannlère duquel Il s'est rangé gré les apparences et que lire, écrl· dre? Michel Yachey

I.a Litthaire du 1er au 15 octobre 1970 27


vieille demoiselle Jean-Marie Fonteneau Ph. Sollers Denoêl, 200 p., 18 F. Jean-Marie Paupert
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n&.ç&l. Grasset, p., 16 F. • Un rituel d'horreur d'un peintre qui est Grasset, 406 p., 27 F.
Ali Boumahdl (Voir le n° 102 de la sexuelles, d'une également cinéaste Le premier roman de
Le village de. OullWllne) • obscénité quasi et écrivain l'auteur de • Pour
Philippe Augier uphocI6l.. hiératique -, par une politique
&. objets trouY6. R. Laffont. 440 p., 26 F. Jean Freustlé l'auteur de • Tombeau Guy Le Clec'h évangélique - et de
editions de Minuit, L'Algérie des années labelle ou pour cinq cent mille Le violence des • Peut-on être
188 p., 15 F. 30, puis de la l'arrtè,...laon dollars -. pecJftqun chrétien aujourd'hui?
Le premier roman guerre et enfin de Table ronde, 320 p., A. Michel, 304 p., 18 F.
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l'Indépendance, vue de Motu. vivendi
vingt ans. l'Intérieur. Un écrivain de d'une trilogie: • Les Apologie d'un
quarante-clnq ans Lettres Nouvelles jours de notre vie -, salaud
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Voronej Claude Delmas troubles de la Par l'auteur du paraître un premier Un roman à la fols
R. Laffont, 200 p., 15 F. Le schooner paternité. • Temps des cerises- volume: • Les cruel et lyrique, qui
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climats -.
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La LitUrafre du 1er au 15 octobre 1970 29


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Grasset, 212 p., 72 F. un témoignage de créativité et Mercure de France, Table Ronde, 608 p.,
A la fois un Henri Wallon première main sur les d'innovation 220 p., 17 F. 28 F.
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Scientifique '. Paris et ses La Suède socialiste Silence
Chu . Méthodologie Fayard-Mame, 202 p., « Dossiers des Lettres
de l'Imaginaire révolutions Georges Coulonges
16 illustrations 18 F. Nouvelles.
Ouvrage collectif, Coll. .-Management"•. La Commune en Dt'lnoël, 184 p., 29 f.
publié par le Centre de Editeurs Français chantant
Réunis, 194 p., 23 F. Une vingtaine de
Recherche sur Editeurs Français conférence et
Une évocation, rue par Roger Priouret Réunis, 228 p., 20,45 F.
l'Imaginaire sous la HISTOIRB d'articles écrits de
rue, du Paris de la Les managers Un recueil des
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l'Internationale. Coll. • Le défi. grand musicien
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304 p., 35 F. La papauté au Une longue enquête conceptions en matière
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Coll. • Histoire de la Management ou communautaires actuels.
La· science et l'Etat France. commandement? début de 1970, par
en France Editions Ouvrières, l'organe officiel du Fath.
Denoël, 256 p., 35 F. Participation et 200 p., 19 F. Francois Truffaut
Trad. de l'anglais Les contradictions contestation Les âventures
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d'une, époque marquée Fayard-Mame, 252 p., développement Jacques Mousseau d'Antoine Dolnel
'Gallimard, 416 p., 33 F. par le désarroi de 30 F. Mercure de France,
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l'autorité monarchique Coll. • Management '. 1970 ? empire 382 p., 29 F. ,
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qù'lnstltutlon. Ed. Ouvrières, 176 p., intellectuelle d'un
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Laboucheix Fayard, 496 p., 35 F. Coll. "Management. Peut-on rendre une « Playboy •.
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l'Installation du Le premier volume Geoffrey Parker URBANISME
"volutlon américaine démocratique? Parslfal
Didier, 310 p., 58 F. gouvernement militaire d'une nouvelle
soclétique en collection consacrée Flammarion, 240 p.,
Les quatre aspects de 18 F.
l'œuvre de Price: Allemagne orientale. à la formation et
l'information des L'odyssée d'un André Lhote
philosophie, chirurgien anglais
économie-politique, Pierre Lepape futurs managers et les DOCUIlIiIiTS Traité du paysage et
Les révolutions du managers confirmés. dans les maquis de de la ligne
histoire et littérature
thèse. xx- siècle l'Ain. Nombr. illustrations
S.G.P.P., 324 p., 31 F. Garaudy par Garaudy Paul Berben Grasset, 310 p., 45 F.
La communication L'histoire et l'analyse entretiens avec Bernard Iselin Maurice Séveno Réédition d'un
par le geste des principales Claude Glayman Remagen, le pont de Le scandale de la classique de la
Ouvrage collectif révolutions du xx- Table Ronde, 280 p. la chance santé en France critique d'art.
Centurion, 336 p., siècle. 12 F. 7 mars 1945 Table Ronde,
19,90 F. Une conversation à 8 pages de photos 248 p., 18 F. Lewis Mumford
Une réflexion sur les Lévis Mirepoix bâtons rompus où Co!1. «Ce jour-là. Un violent réquisitoire Le déclin des villes ou
formes modernes de Saint Louis, Garaudy expose ses Laffont, 296 p., 24 F. contre le mécanisme la recherche d'un
l'expression Roi de France thèses sur la société Un épisode demeuré de l'industrie de la nouvel urbanisme
collective et 8 pl. hors-texte actuelle et les jusqu'Ici fort santé telle qu'elle est France-Empire, 336 p.,
artistique. A. Michel, 384 p., 27 F. perspectives du mystérieux de la fin pratiquée en France. 25.50 F.
Collection • Le socialisme. de la seconde guerre Le cri d'alarme d'un
Alfred Maury Mémorial des mondiale. sociologue américain
La magie et Siècles ". Denis-Clair Lambert Robert Tocquet contre la Métropolis
l'astrologie Terminologie François Broche Médiums et fantômes déshumanisée qui
Coll. • Bibliotheca Wladimir Porché économique et Le bataillon des Nombr. photos nous menace.
Hermetlca" Le chevalier Françoys monétaire guitaristes Edition Spéciale, 256 p.,
S.G.P.P., 432 p., 38 F. Coll. • Histoire en Editions Ouvrières, Préface du général 22 F. Henri Rousseau
Une étude des liberté" 330 p., 30 F. Kœnig Dans la collection «En Documentation et
superstitions, Flammarion, 280 p., Un ouvrage conçu pour Fayard. 384 p., 24 F. marge., une étude catalogue raisonnés
coutumes et croyances 20 F. faciliter la traduction L'étonnante épopée des abondamment par Dora Vallier
païennes, qui se sont Les réalités des textes économiques F.F.L. de Tahiti à documentée sur les Flammarion, 21,20 F.
perpétuées Jusqu'à nos contradictoires du ou financiers de langue Bir-Hakeim entre 1940 phénomènes Coll. «Les classiques
Jours - Réédition. jeune roi François 1"'. anglaise. et 1942, racontée par parapsychologlques. de l'art".

30
Bilan de septeJnbre
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LES LIBRAIRES ONT VENDU RENCONTRE
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ANCIENNES
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tili. z.

1
2
Mario Puzzo
Hervé Bazin

3 Joseph Kessel
Le Parrain (Laffont)
Les bienheureux de la désolation
(Le Seuil)
Fils de l'Impossible (Plon)
1
2

8
2
4

2
ET MODERNES
Œuvres rares ou inédites de tous les pays et de tous
4 Guy des Cars L'entremetteuse (Flammarion) 4 2 les temps, au service de la pensée et de l'art d'écrire.
5 Philip Roth Portnoy et son complexe (Gallimard) 5 3
La maison de papier (Grasset) 6 Collection établie parJean-Louis CURTIS,

-
1 Françoise Mallet-Jorris 3
7 Robert Beauvais L'hexagonal, tel qu'on le parle ,6 2 Robert UNTERS, Olivier de MAGNY,
(Hachette)
Maurice NADEAU, Gilbert SIGAUX et
,•Erich Segal
Julien Gracq
Love story (Flammarion)
La presqu'île (Cortl)
1
1 Jean VAGNE.
10 Raymond Hitchcock Percy (Albin Michel) 1

c:
J EAN GRENIER
L'Art et ses Problèmes
Liste établie d'après les renseignements donnés par les libraires suivants:
Biarritz, Barberousse. - Brest, la Cité. - Dijon, l'Université. - Issoudun MARIE SCHMIDT ,
Cherrier. - Lille, le Furet du Nord. - Montpellier, Sauramps. - Nice:
Rudln. - Paris, Aude, Fontaine, Gallimard, la Hune, Jullen-Comlc, Mangault,
1 La Poesie SCientifique en France au Siecle
Présence du Temps, Variété, Weil. - Poitiers, l'Université. - Rennes, les
Nourritures terrestres. - Royan, Magellan. - Toulon, Bonneud. - Vichy, i ALBERT-MARIE SCHMIDT
loyale. , Chroniques de « Réforme» 1945-1965
SAMUEL T. COLERIDGE
Sur Shakespeare
Essais. Première traduction française par
Robert Pépin, présentation de Jean-Louis Curtis 1

1 :

LA QUINZAINE LITTÉRAIRE CARLO GOZZI 1 1


Mémoires inutiles
VOUS RECOMMANDE Première traduction française intégrale,
1
préface et notes de Nino Franck
CHARLES DUCLOS !
llnERATURE
Les Confessions du Comte de *** !,
Camille Bourniquel Sélinonte ou la chambre Impériale Seuil
Considérations sur les Mœurs de ce Siècle !
Présentation d'Olivier de Magny
Anne Hébert Kamouraska Seuil
J.M.G. Le Clézio La guerre Gallimard H.-J. HÉRAULT DE SÉCHELLES
François Sonkin Les gendres Denoël LN Œuvres littéraires et politiques
Dylan Thomas Œuvres, 2 vol. Seuil
Michel Tournier Le roi des Aulnes Gallimard Edition établie et présentée par Hubert Juin

ESSAIS

John Cage Silence Denoël LN


Robert Jaulin La paix blanche Seuil
Pierre Lepape Les révolutions du XX· siècle SGPP Denoël
Bronislaw Malinowski Les dynamiques de l'évolution Payot
'culturelle
Jean-Claude Renard Notes sur la poésie Seuil
Pierre Viansson-Ponté La République gaullienne Fayard Ouvrages reliés. Chez votre libraire ou
1. La fin d'une époque aux Editions Rencontre, 4, rue Madame,
Gilles Sandier Théâtre et combat Stock Paris 61 •

La Littéraire du l or :lU 15 octobre 1970


1
l)ylan
Thoma"l DYLAN THOMAS œuvres en 2 volumes

Dylan Thomas, né à Swansea au pays de Galles en 1914, mort à New-York en 1953, s'est
révélé très tôt le poète le plus influent de sa génération.
La présente édition groupe ses écrits les plus importants, la plupart inédits en français,
exceptés toutefois le célèbre Portrait de l'artiste en jeune chien et des poèmes qui font
l'objet d'une traduction nouvelle. On peut la considérer comme un véritable événement
œuvres littéraire qui introduit en France une œuvre d'une grande beauté, demeurée jusqu'à
présent à peu près inconnue.
Edition établie sous la direction de Monique Nathan et Denis Roche.
Tome 1 : Un volume de 432 pages, 33 F - Tome 2 : Un volume de 400 pages, 33 F.

Camille Bourniquel Anne Hébert Didier Decoin


SELINONTE, ou la KAMOURASKA ELISABETH
Collection de poche "POl NTS" chambre impériale "Un beau roman ... qui fait penser ou Dieu seul le sait
Cette oeuvre ambitieuse, à la fois à certains romans de Julien Green
Cette Elisabeth ressemble à
Guy Rocher romanesque et foisonnante, où
sont évoqués tour à tour les Grand
ou rappelle encore le cl imat des
"Hauts de Hurlevent". Laurence, dont on n'a pas
oublié le succès l'année der-
INTRODUCTION lacs américains, l'Italie, le Paris de
1945 et Nashville (Tennessee), est
Pierre Kyria - COMBAT
Un volume de 256 pages, 20 F
nière, aussi innocente, plus
grave, et sans doute plus riche
ALA SOCIOLOGIE en même temps une quête de
l'oeuvre au sens borgésien ; et une
grande réussite de C. Bourniquel.
Edition reliée (15 octobre) 28 F du talent encore approfondi
de Didier Decoin.

GÉNÉRALE Un volume de 256 pages, 20 F Un volume de 208 pages, 16 F

A travers les œuvres des princi-


paux sociologues (surtout
Français, Allemands et Améri-
cains) dont l'auteur expose et Jacques Teboul Mohammed Dib Mohammed Dib
confronte les thèses, se constitue
un manuel complet de sociologie, L'AMOUR DIEU EN BARBARIE FORMULAIRES
où en développements concis
l'étudiant se voit proposer une REDUIT A MERCI Mohammed Dib nous brosse le
tableau de la naissance de sa na-
"Une réussite poétique qui
présentation de la sociologie: sa Une dernière promenade le long situe désormais Mohammed Dib
de la Seine. Un couple détruit, tion. C'est le lendemain de l'in- au tout premier rang des poètes
recherche, sa méthode, dépendance et l'Algérie s'interro-
ses problèmes. pris au piège d'un Paris trop grand. d'aujourd'hui".
La dernière aventure, la dernière ge à travers des personnages
passionnés et des dialogues où René Lacôte
séduction de la Seine. La Seine
1- L'Action sociale est en effet ici le personnage
les idées s'affrontent, se heur-
tent ou se confondent.
LES LETTRES FRANCAISES
Comment expliquer que les principal d'une histoire d'amour
Enfin un Algérien parle. Un volume de 112 pages, 15 F
collectivités humaines existent nocturne bouleversante.
et se maintiennent - et comment Un volume de 224 pages, 19,50 F Un volume de 224 pages, 19,50 F
l'individu se rattache-t-il à ces
collectivités? Sont donc étudiés
ici les fondements normatifs,
idéaux et symboliques de l'action
sociale; les notions de culture,
1
Robert Jaulln
LA PAIX
de civilisation et d'idéologie;
enfin les processus, les méca- BLANCHE LA PAIX BLANCHE - Introduction il l'ethnocide
Là où le vainqueur est las de massacrer, il décide de "civiliser". Vaincu, le "sauvage" doit
nismes et les agents de la MROOUClO'I A lHfNJ(J)E
social isation. pour son bien, renoncer à sa culture et à son identité. Partant de son expérience sur le
Numéro 13 - Volume simple, 6 F .1 terrain, un ethnologue français fait le procès de l'ethnocide : culturelle, destruc-
tion de sociétés différentes, instauration de ce"tte "paix blanche' dont la loi et l'ordre
2 - L'Organisation

--
reposent sur la prétention de notre civilisation à être toute civilisation.
i "L'essai de Robert Jaulin me para Il avoir l'importance qu'eut voici quinze ans TRISTES TROPIQUES
sociale de Claude Lévi-Strauss". (Pierre Daix - Les Lettres françaises)
Collection "Combats" dirigée par Claude Durand - Un volume de 432 pages, 29 F
Les problèmes des structures et
du fonctionnement de l'organisa-
tion sociale: classifications et
typologies; sociétés traditionnel-
les et sociétés industrielles; ana- Henri Gouhier Jean-Claude Renard CHANGE 6
lyse structurale, fonctionnelle et
systématique de l'organisation
MAINE DE BIRAN NOTES SUR LA POESII La Poétique,
sociale; étude du stystème social. par lui-même Jean-Claude Renard a rassemblé la mémoire
Numéro 14 - Volume double, 7,50 F des réflexions à usage personnel,
"Un petit volume qui est un notées au fil des années en marge La poétique, source de la
3 - Le Changement chef-d'œuvre de biographie
intellectuelle et spirituelle".
de son œuvre. Il les a classées en
deux grands chapitres: LangaQll,
linguistique scientifique avec les
formalistes russes et le Cercle
social J. Lacroix - LE MONDE poésie et réalité et Poésie et fOI,
à l'intérieur desquels des rubri-
de Prague, est reprise ici par la
rigueur et la clarté de la science,
Les problèmes de la sociologie Collection illustrée ques définies ordonnent les et accompagnée de tex tes
de l'historicité; les facteurs, les "Ecrivains de toujours" différents thèmes. d'invention poétique.
cond itions et les agents du chan- Numéro 88 - 7 F
gement social; les notions Coll. "Pierres Vives" - 160 pages, 18 F Série dirigée par J.P. Faye - 288 p. 24 F
d'industrialisation, de dévelop-
pement et de modernisation;
le système colonial et la décolo-
nisation ; enfin les processus
révolutionnaires.
Numéro 15 - Volume triple, 9 F
"C'est en effet une attitude, sinon
SOCIOLOGIE Poétique N'3
Guy Rocher

1.
IlIIroductkln

l'Action
1 terroriste, tout au moins radicale,
et sa radicalité tient d'ailleurs à
l'énergie de la réflexion théorique
DU TRAVAIL
Numéro spécial 3 1 70:
1nventaire systématique des appro-
ches actuelles de la théorie 1ittérai-
re: Starobinski, Girard, Laugaa,
sociale 1
chez TEL QUEL, qui est très im- Lotringer, Todorov, Deguy, Debray
Le mouvement ouvrier Genette, sur l'autobiographie, Euri
portante, et que l'on sous-estime en mai 68
un peu, en général, dans les atta- pide, Cyrano de Bergerac, Marivaux
ques que l'on mène contre ce Daniel Vidal - Sami Dassa - le récit, Baudelaire, Flaubert. - Mise
au point: Mehlman, psychanalyse

-
groupe... la force théorique, l'im- Eliane Baumfelder - Danièle
pact est dans TEL QUEL, j'en Kergoat - Claude Durand - et psychocritique. - Document:
suis sûr"./ Roland Barthes. 1970 Sonia Cazes - Serge Mallet - Mukarovsky (Cercle de Prague),
Roger Cornu - Marc Maurice- Littérature et sémiologie.
Revue trimestrielle - le numéro 15 F Pierre Dubois. Le numéro: 10 F Revue trimestrielle - le numéro 15 F

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