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irresponsable. Le peuple a été vacciné contre la


violence par les 200 000 morts des années noires,
Algérie: la transition contrôlée par l’armée
PAR RENÉ BACKMANN
mais l’armée, elle, n’est pas guérie. Le système du
ARTICLE PUBLIÉ LE MARDI 12 MARS 2019 pouvoir, tel qu’il a été bâti, et l’armée, telle qu’elle a
été conçue, finiront fatalement par avoir recours à la
violence car elle est dans leur ADN. »
Pour cette raison, et pour quelques autres, certains
commentateurs critiquaient l’appel des manifestants
à la grève générale, car il contient, estimaient-ils,
les ferments de la division du peuple, et pourrait
déboucher sur un pourrissement du mouvement.
Manifestation étudiante à Alger, le 10 mars 2019. © Reuters Influencés sans doute par le complotisme historique
Le cinquième mandat de Bouteflika n’aura pas lieu, et la paranoïa stratégique du pouvoir, certains
comme le demandaient les manifestants, mais les évoquaient même un scénario reposant sur la présence
militaires conservent le contrôle du processus de d’agents provocateurs dans les manifs, et imaginaient
réformes annoncé lundi par le pouvoir. des tirs provoquant la mort de policiers, à quoi
« Tout changer pour que rien ne change » : selon répondraient des fusillades faisant des dizaines de
un universitaire algérien lecteur du Guépard, c’est ce victimes dans la foule. Enchaînement qui déboucherait
conseil de l’ambitieux et cynique Tancrède au prince sur la proclamation de l’état d’urgence et de la
Salina qui résumerait le mieux la stratégie adoptée loi martiale. Surtout si les premiers coups de feu
par l’entourage, notamment militaire, d’Abdelaziz étaient revendiqués par une organisation islamiste. «
Bouteflika telle que l’a révélée le « message à la Ainsi, prophétisait un journaliste, le pouvoir pourrait
nation » publié lundi après-midi par l’agence officielle même bénéficier d’un soutien au moins passif, pour
Algérie presse service (APS). L’avenir dira l’ampleur commencer, de ses voisins et de l’Europe. » Rien,
des changements entrepris et confirmera si, grâce à évidemment n’est encore joué, mais c’est, pour
eux, rien n’a changé pour les bénéficiaires de l’opaque l’heure, une vision plus politique, c’est-à-dire plus
système du pouvoir algérien. Ou si, au contraire, le pacifique qui a été adoptée par le régime.
peuple qui attendait le changement, celui du régime et À vrai dire, voilà plusieurs jours que l’armée,
aussi celui des hommes, a obtenu, ne serait-ce qu’en pilier majeur du régime, envoyait des signaux, pas
partie satisfaction. toujours aisés à décrypter, mais qui contenaient moins
de menaces cachées que de signaux prudents, très
prudents adressés au peuple. C’est-à-dire à la foule
des manifestants. Il y eut d’abord, à la fin de
la semaine dernière, cet article de l’agence APS,
reprenant l’éditorial d’El Djeich, la revue mensuelle de
l’armée pour souligner, comme si la question se posait,
que « l’Armée nationale populaire (ANP) et le peuple
Manifestation étudiante à Alger, le 10 mars 2019. © Reuters algérien appartiennent à une seule patrie ».
« Certes, les manifestants sont pacifiques, civiques, Puis ce fut une série de déclarations successives du
ils appellent à une transition sereine, constatait chef d’état-major et vice-ministre de la défense, le
lundi matin un chercheur, bon connaisseur des forces général de corps d’armée Ahmed Gaïd Salah, rentré
sociales algériennes, mais attendre pour autant que précipitamment d’un salon de l’armement à Abou
le pouvoir, et d’abord l’armée, réponde sur le Dhabi, faisant l’éloge du « peuple et de sa relation
même registre relève d’un optimisme imprudent et

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avec l’armée », ou rappelant que « les ambitions de premier ministre et la formation d’un gouvernement
l’armée sont celles de l’Algérie et de son peuple ». Le de transition préparant, dans un délai d’un an, une
tout au moment ou « le peuple » en question appelait réforme de la constitution et l’organisation d’élections
dans la rue Bouteflika à « dégager » et réclamait la fin parlementaires et présidentielle.
du système dont l’armée est le cœur. Ce n’est pas exactement le scénario qui a été présenté
Comme on le sait, le pouvoir en Algérie est aux Algériens lundi au nom du chef de l’État. Le
la résultante, parfois instable, d’une convergence processus qui a été présenté prévoit en fait une
de forces politiques, économiques, formelles et transition gérée par le pouvoir, donc sous contrôle
informelles, civiles et militaires, parmi lesquelles étroit de l’armée. C’est-à-dire de l’omniprésent
l’armée joue un rôle majeur. Entre les scénarios général Gaïd Salah, dont le gendre Abdelghani
syrien, égyptien, libyen, tunisien, évoqués par les Zaalane, ancien ministre des transports, avait été
diplomates et les observateurs depuis le début de nommé, la semaine dernière, directeur de campagne de
la contestation populaire, il y a deux semaines, les Bouteflika. Ce maintien de l’armée, garante jusqu’à ce
clans qui contrôlent le pouvoir, à commencer par les jour de la pérennité du système, au centre du processus
militaires, ont choisi une autre option qui ouvre une de « réformes » mis en place par le régime explique
multitude de possibilités, les meilleures comme les largement les réactions mesurées de la population. Si
pires. la satisfaction d’avoir écarté le 5e mandat est réelle
Protégé peut-être du complotisme local par et légitime, la prudence demeure, de façon tout aussi
l’éloignement, un politologue algérien installé en légitime, pour tout le reste. Et l’absence de garanties
Allemagne, Rachid Ouaissa, avait publié lundi pour le déroulement de la période de transition justifie
un scénario de « transition démocratique » qui amplement les appels à la poursuite de la mobilisation
reposait notamment sur le report des élections, le et au maintien d’un rapport de force entre la rue et le
maintien au pouvoir de Bouteflika pour une période pouvoir. Pouvoir qui n’a utilisé qu’une fois, à la toute
délimitée, l’organisation d’une première table ronde fin du long message confus attribué au chef de l’État,
de personnalités non partisanes pour proposer un le mot « démocratie ».

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