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Après plusieurs heures de prise d’otage, le commando


finit par s’enfuir à 21 h 40 à bord de trois voitures
Free Joseon, groupe «révolutionnaire»
de l’ambassade, en emportant des clés USB, deux
étrange, auteur de l’attaque contre ordinateurs, deux disques durs et un téléphone. Détail
l’ambassade nord-coréenne à Madrid piquant : leur chef s’enfuit à bord d’un... véhicule
PAR FREDERIC OJARDIAS
ARTICLE PUBLIÉ LE JEUDI 28 MARS 2019 Uber, commandé au nom de « Oswaldo Trump ».
Free Joseon, autoproclamé « gouvernement provisoire Toujours selon le rapport d’enquête, les attaquants
de la Corée du Nord », a revendiqué la spectaculaire se sont alors divisés en quatre groupes et sont partis
attaque en plein jour de l’ambassade nord-coréenne à pour Lisbonne, d’où ils ont pris un avion pour Newark
Madrid le 22 février. Le chef présumé du commando aux États-Unis. Cinq jours plus tard, Adrian Hong
n’en est pas à son premier coup d’éclat. prenait contact avec le FBI pour proposer à l’agence
américaine le contenu des documents dérobés ; un
Le récit détaillé de l’attaque de l’ambassade de contact qui avait été révélé la semaine dernière par
Corée du Nord à Madrid se lit comme un thriller. le Washington Post. Sept des dix attaquants ont été
Selon le rapport des enquêteurs espagnols rendu identifiés : parmi eux se trouvent cinq ressortissants
public mardi, le chef suspecté du commando de dix sud-coréens et un citoyen américain appelé Sam
assaillants, Adrian Hong Chang, a simplement sonné Ryu. Le juge espagnol a demandé aux États-Unis
à la porte de l’ambassade le 22 février 2019, à 16 h 34. l’extradition de deux des suspects.
L’homme, citoyen mexicain d’origine sud-coréenne et
résident aux États-Unis, se fait passer pour un homme Quelques heures seulement après ces révélations, Free
d’affaires et demande à voir l’attaché commercial qu’il Joseon, un groupuscule qui affirme vouloir renverser
avait déjà rencontré. On lui ouvre la porte. le régime de Kim Jong-un, a revendiqué l’assaut
sur son site Internet. Les ambassades nord-coréennes
« sont des tremplins servant à des cyberattaques, des
vols, des assassinats, des kidnappings et des prises
d’otage », se justifie l’organisation, autrefois appelée
Défense civile Chollima.
Dans son communiqué écrit en anglais, Free Joseon
ou « la Corée libre » (au Nord, « Corée » se dit
L'ambassade nord-coréenne à Madrid. « Joseon ») nie avoir frappé et bâillonné les employés
Une fois dans le bâtiment, il y fait pénétrer ses de l’ambassade. Le groupe reconnaît avoir « partagé
complices, cagoulés et armés de couteaux et de faux certaines informations d’une valeur immense avec
pistolets. Le commando commence alors « à frapper le FBI », mais accuse l’agence d’avoir fait fuiter
le personnel », qu’il a « immobilisé avec des menottes ces échanges dans la presse. Une fuite qualifiée
et des câbles », décrit le juge espagnol De la Mata. de « profonde trahison » et qui « pourrait aider
Trois des assaillants emmènent l’attaché commercial le régime de Pyongyang à nous identifier (...) Ceux
à la cave et tentent de le convaincre de faire défection.
Le diplomate refuse.
Une employée de l’ambassade saute par la fenêtre.
Ses cris alertent les voisins, qui appellent la police.
Quand les policiers arrivent sur les lieux, ils sont
accueillis par Adrian Hong Chang, habillé d’une veste
au revers duquel est épinglé le badge de la famille Kim.
Se faisant passer pour un diplomate, il les rassure.

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qui cherchent à révéler l’identité [du commando] de Communiqués écrits dans un étrange coréen
Madrid ont peint une cible sur le dos de personnes qui Adrian Hong se présente dans ses interventions
cherchent juste à en protéger d’autres ». publiques comme le directeur de Pegasus Strategies,
une « société de conseil stratégique ». Le nom
« Pégase » fait référence à Chollima, le cheval ailé de
la mythologie coréenne : un indice de plus qui semble
confirmer que l’homme est bien le chef de Free Joseon,
autrefois appelée... Défense civile Chollima.
Le groupuscule s’est fait connaître pour la première
fois il y a deux ans, quand il avait exfiltré de
Macao et mis à l’abri Kim Han-sol, le neveu de
Kim Jong-un. Le père de Kim Han-sol, Kim Jong-
nam, demi-frère aîné du dictateur nord-coréen, venait
d’être assassiné à l’aéroport de Kuala Lumpur par
deux femmes probablement manipulées par des agents
Adrian Hong Chang nordistes. Avoir sous sa protection un membre de la
Le principal suspect désigné par les enquêteurs famille régnante des Kim, qui bénéficie à ce titre d’une
espagnols et le chef présumé de la Corée libre est forme de légitimité dynastique, pourrait être utile à une
loin d’être un inconnu. Adrian Hong Chang est un organisation qui rêve de renverser le régime.
militant des droits de l’homme en Corée du Nord et Et depuis le début de l’année, la Corée libre multiplie
un pourfendeur fervent du régime des Kim depuis plus
les coups d’éclat. Le 1er mars, elle se proclamait
d’une décennie. En 2004, alors étudiant à l’université
« gouvernement provisoire » de la Corée du Nord
de Yale, il cofonde LiNK (Liberty in North Korea),
et « seul représentant légitime du peuple coréen
une ONG internationale qui a depuis aidé des milliers
du Nord » dans une vidéo tournée dans le centre
de Nord-Coréens à fuir leur pays.
historique de Séoul. Le 20 mars, elle mettait en ligne
Face à un régime qualifié « d’État mafieux une vidéo censée avoir été filmée au Nord (mais, plus
criminel » dont il appelle au renversement dans probablement, dans l’ambassade madrilène) : on y
ses nombreuses tribunes, l’homme croit à l’action voit un individu flouté jetant au sol et brisant les
de terrain : en 2006, Adrian Hong fait parler de lui portraits des anciens dirigeants Kim Il Sung et de
quand il est arrêté et emprisonné en Chine avec six Kim Jong Il.
réfugiés nord-coréens qu’il assiste dans leur fuite. Il
finit par être libéré et les six transfuges sont accueillis
par la Corée du Sud. À l’époque, certains critiquent
ses méthodes : « Il met des gens en danger quand
il cherche à les “sauver” », accuse un travailleur
humanitaire dans une interview au site NK News.
Son ancienne ONG LiNK, toujours active, mais
discrète, déclare à Mediapart n’avoir « plus aucun Les visas virtuels
lien » avec son cofondateur « depuis plus de dix ans ». Depuis le 17 mars, l’organisation vend même par
« Nous n’avons aucune connaissance de ses récentes cryptomonnaie 200 000 visas virtuels pour la Corée
activités », assure Hannah Song, sa présidente. du Nord, en prévision du jour où le pays sera « libéré ».
Un excellent coup de relations publiques, et un

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moyen créatif d’obtenir des fonds... même s’il est peu sa première apparition publique début 2017, avant le
efficace : Free Joseon parle de succès « écrasant », début du processus de dialogue sur la péninsule, quand
mais n’a vendu que 100 visas. le gouvernement sud-coréen (alors conservateur) et
Si Free Joseon cherche visiblement à faire parler les États-Unis cherchaient à déstabiliser le régime par
d’elle, ses communiqués fleurent bon l’amateurisme. tous les moyens. À Madrid, des sources proches des
Ils sont écrits dans un coréen étrange, correct enquêteurs ont révélé au quotidien El País que deux
grammaticalement, mais qui semblent traduits des assaillants auraient « des liens » avec la CIA, sans
directement de l’anglais. « On dirait qu’ils sont écrits en préciser la nature.
par quelqu’un qui veut se faire passer pour un Nord- Mais il semble très difficile de croire que Washington
Coréen », déclare à Mediapart Do Hee-yeun, secrétaire ou Séoul puisse autoriser le raid d’une ambassade,
général du Korea Freedom Front, une association fût-elle d’un pays ennemi. La Corée du Sud, dirigée
d’aide aux réfugiés nord-coréens. « Si jamais Free depuis mai 2017 par un gouvernement favorable au
Joseon a recruté de véritables Nord-Coréens, ceux- dialogue, cherche par tous les moyens à se rapprocher
ci lui servent juste de façade. » « L’ensemble – y de Pyongyang. Et il est plus qu’improbable que les
compris l’usage des réseaux sociaux – semble surtout États-Unis aient ordonné une opération aussi risquée
être destiné à une audience occidentale », ajoute une cinq jours seulement avant le sommet crucial de Hanoi
autre source. entre Donald Trump et Kim Jong-un.
Pourquoi ce groupuscule avide de publicité s’est-il Coïncidence ? L’ancien ambassadeur nord-coréen
attaqué à l’ambassade espagnole ? à Madrid, Kim Hyok-chol est depuis janvier l’un
L’opération semble être à l’évidence un message des principaux négociateurs du régime dans les
politique. Mais le commando aurait aussi pu avoir volé pourparlers de dénucléarisation avec les États-Unis.
l’ordinateur qui contient le système de cryptage des Mais dans son communiqué, Free Joseon se défend
communications entre Pyongyang et ses ambassades, d’avoir voulu faire dérailler le sommet au Vietnam. Le
avance à Séoul le célèbre transfuge Thae Yong-ho. porte-parole du Département d’État américain, Robert
L’ancien diplomate nord-coréen – habitué à utiliser ce Palladino, a de son côté déclaré que son gouvernement
système – parle de « coup dur pour le régime ». n’était pas impliqué dans l’attaque.
Ce vol expliquerait l’absence de réaction officielle Dans son dernier communiqué mis en ligne ce
du Nord depuis l’assaut, et le rappel soudain de jeudi 28 mars, le groupuscule assure qu’il a des
ses ambassadeurs en Chine, en Russie et au siège membres en Corée du Nord même, membres avec
de l’ONU. « Des informations sur des ventes lesquels il « secouera jusqu’à la racine le régime
d’armes nord-coréennes au Proche et au Moyen- de Kim Jong-un » ; mais il ajoute qu’en raison des
Orient pourraient avoir transité par l’ambassade récentes « spéculations médiatiques » qui le visent, il
à Madrid », suggère aussi l’analyste Cheong « suspend » ses opérations.
Seong-chang, de l’Institut Sejong à Séoul. Des Qui est vraiment la « Corée Libre » ? Une association
renseignements susceptibles d’intéresser plusieurs de Pieds nickelés, idéalistes, mais maladroits ? Ou
services secrets occidentaux... l’émanation d’un service étranger qui s’en sert comme
On ne peut pas exclure la possibilité que la « Corée d’une façade ? L’amateurisme des déclarations et des
libre » soit une organisation à l’origine créée ou modes d’action fait plutôt pencher pour la première
soutenue par des services étrangers, tels que la CIA option. Seule certitude : le groupuscule n’a pas fini de
américaine ou le NIS sud-coréen. Free Joseon a fait faire parler de lui.

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