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Evolutions et permanence du contrôle de gestion

Stéphanie Chatelain-Ponroy, Samuel Sponem

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Stéphanie Chatelain-Ponroy, Samuel Sponem. Evolutions et permanence du contrôle de gestion.
Economie et Management, 2007, pp.12-18. <halshs-00196547>

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12 I DOSSIER I

I AUDIT ET CONTRÔLE I

• ÉVOLUTIONS ET PERMANENCE
DU CONTRÔLE DE GESTION
Balanced Scorecard, Economic Value Added, Activity Based Costing…
Depuis vingt ans, de nouveaux outils de contrôle de gestion apparaissent régulièrement.
Leurs promoteurs les présentent comme des révolutions managériales qui devraient bouleverser
une méthode de management théorisée dans les années 1960 par R. N. Anthony,
professeur à la Harvard Business School1. Ces nouveaux outils changent-ils fondamentalement
le processus de contrôle de gestion ?

Auteurs Stéphanie Chatelain-Ponroy, Samuel Sponem*

E n 1965, R. V. Anthony définit le contrôle de


gestion comme le « processus par lequel les
managers obtiennent l’assurance que les
modèle de son application – réelle ou fantasmée
– dans les entreprises privées devient une norme
indépassable, signe de bonne gestion, que doi-
ressources sont obtenues et utilisées de manière vent appliquer les autres organisations. Mais
efficace et efficiente pour réaliser les objectifs de existe-t-il seulement un modèle ?
l’organisation2 », puis, en 1988, comme le « pro- Un problème se pose en effet : comment repé-
cessus par lequel les managers influencent rer les évolutions du contrôle de gestion ? Les
d’autres membres de l’organisation pour mettre acteurs intervenant dans la production de
en œuvre ses stratégies3 ». En 1995, R. Simons « savoirs » en contrôle de gestion sont multiples :
précise que celui-ci comprend les « processus et les entreprises qui inventent de nouvelles pra-
les procédures fondés sur l’information que les tiques mais aussi les consultants qui prescrivent,
managers utilisent pour maintenir ou modifier les enseignants qui diffusent, les chercheurs qui
certaines configurations des activités de l’organi- observent. La mise en regard des discours et des
sation4 ». Trois constantes se dégagent de ces pratiques nous amène à dresser un tableau
définitions : le contrôle de gestion est garant nuancé de l’évolution des formes de contrôle de
d’une logique économique et s’appuie sur des gestion. Nous tenterons de nous baser sur les
données comptables mais ne s’y limite pas; il est positions des uns et des autres en considérant
lié à l’organisation et traduit la stratégie au plan que « la partie formelle du contrôle de gestion
opérationnel ; et il est destiné aux managers. (les indicateurs de performance, les délégations
C’est en fait un outil de direction par objectifs qui de pouvoir, les procédures, etc.) ne constitue que
permet la décentralisation, la gestion par excep- le bloc émergé de l’iceberg5 » qui cache une par-
tion, la motivation, la responsabilisation et rend tie moins visible : celle de l’impact des outils sur
possible la gestion à distance des grandes organi-
sations. À ce titre, il est souvent présenté comme
l’une des innovations organisation- *Maîtres de conférences au CNAM, Groupe de recherche en
Le contrôle nelles qui a permis l’émergence de la économie et gestion (Centre de recherche en comptabilité), Paris.
de gestion est, forme multidivisionnelle. 1. Bouquin H., Le Contrôle de gestion, Paris, Puf,
par nature, Situé à l’intersection des domaines 2006, 7e édition.
difficile comptable et organisationnel, le 2. Anthony R. N., Planning and Control Systems,
A Framework for Analysis, Division of Research, Boston,
à appréhender contrôle de gestion est, par nature, dif- Harvard University, 1965, p. 17.
ficile à appréhender. Pourtant, ses
3. Anthony R. N., op. cit., p. 10.
concepts principaux – responsabilité, motivation,
4. Simons R., Levers of Control : How Managers use Innovative
pilotage, performance, rentabilité – envahissent
Control Systems to drive Strategic Renewal, Boston
les organisations de toute nature (des grandes Massachusetts, Harvard Business School Press, 1995, p. 5.
entreprises privées aux administrations en 5. Vassal J., « Contrôle de gestion et styles
passant par les associations et les hôpitaux) et, de de commandement », Revue française de gestion,
manière plus générale, le débat public. Le janvier-février 1978, p. 20.

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les comportements et les représentations. Cet L’ABC: des coûts plus justes ou une nouvelle
article traitera donc d’abord de l’évolution des modélisation de l’organisation?
outils du contrôle de gestion pour ensuite s’inté-
resser à la « partie cachée » de celui-ci. L’Activity Based Costing (comptabilité à base
d’activités) a été proposé à la fin des années 1980
UNE APPARENTE RÉVOLUTION par des professeurs de Harvard (R. Cooper et
DES INSTRUMENTS R. S. Kaplan) et par le CAM-I (consortium de
DU CONTRÔLE DE GESTION grandes entreprises essentiellement américaines)8.
Ce système de calcul des coûts est présenté
Dans une étude sur les contrôleurs de gestion6, comme une réponse à l’incapacité de la compta-
H. A. Simon et al. distinguent trois types d’utilisa- bilité de gestion traditionnelle à refléter l’évolu-
tion des données comptables dans l’entreprise : tion des conditions de production dans l’industrie
résoudre les problèmes, organiser la vigilance et américaine et, en particulier, l’augmentation
évaluer la performance réalisée. Cette typologie considérable des charges fixes indirectes dans les
recoupe les deux rôles classiques du contrôle de coûts de production qui rend inadaptées les
gestion: l’aide à la décision (on parle parfois de méthodes de direct costing utilisées jusque-là.
comptabilité de gestion) et la normalisation des Le principe de la méthode ABC est d’établir
comportements (le contrôle de gestion est alors une traçabilité des coûts pour permettre une
essentiellement vu comme un outil de conver- meilleure imputation des charges indirectes aux
gence des buts). C’est autour de ces deux axes objets de coûts, par l’intermédiaire des induc-
que seront traitées les évolutions des outils du teurs d’activité et de coûts. L’objectif est de
contrôle de gestion. redonner de la pertinence aux calculs de coût
Deux mouvements principaux de critiques ont complet grâce à une représentation processuelle
structuré – et expliquent en grande partie – l’évo- de l’entreprise, décrite comme une chaîne de
lution des systèmes de comptabilité et de contrôle valeur composée d’activités. Dans les pays anglo-
de gestion. Dans les années 1980 tout d’abord, saxons, la méthode fit grand bruit. De manière
H. T. Johnson et R. S. Kaplan7 attribuèrent la perte paradoxale, ce message eut aussi un certain écho
de vitesse de l’industrie américaine au trop fort dans les débats académiques en France alors que
lien entre la comptabilité de gestion et la compta- les Plans comptables successifs de 1957
bilité financière. Ils proposèrent alors de et 1982 préconisaient déjà des Les Plans
nouveaux outils pour reconstruire une comptabi- méthodes de calcul de coûts complets. comptables
lité et un contrôle de gestion qui soient destinés Cependant, le passage de la méthode successifs
aux managers et non plus aux actionnaires. La des sections homogènes (PCG 1967) à de 1957 et 1982
méthode Activity Based Costing, le Target Costing la méthode des centres d’analyse (PCG préconisaient déjà
ou le Balanced Scorecard constituent des illustra- 1982) fit disparaître un principe fonda- des méthodes
tions de ce mouvement. Dans le même temps, les mental pour obtenir des coûts perti- de calcul
critiques récurrentes du modèle traditionnel de nents : la nécessité de regrouper les de coûts complets
contrôle de gestion et de ses outils ont conduit à charges dans des sections homogènes
la remise en cause du budget avec le Beyond avant de les répartir. L’ABC venait ainsi à point
Budgeting. Plus tard, dans les années 1990, nommé pour rappeler que l’imputation des
l’émergence de la gouvernance d’entreprise et le charges indirectes au prorata de la main-d’œuvre
développement du capitalisme financier ont pouvait conduire les entreprises à la faillite en
favorisé la mise en œuvre d’un mouvement leur faisant négliger le coût de la complexité de
inverse: il fallut alors trouver les outils permettant leurs nouveaux produits.
de remettre les actionnaires au centre des À de nombreux égards, les fondements de la
systèmes d’incitation et de contrôle. L’Economic méthode ABC ne vont pas plus loin que ceux pré-
Value Added est un exemple de ce type d’outils. conisés par le lieutenant-colonel Rimailho dans
son célèbre rapport de la Commission générale
La comptabilité de gestion : de l’OST en 1928 à propos des sections homo-
calcul ou gestion des coûts ? gènes. Ils ont néanmoins permis de rappeler des
principes élémentaires aux entreprises qui les
La comptabilité de gestion est l’expression avaient parfois oubliés et qui, cherchant à simpli-
d’une vision microéconomique de l’activité pro- fier les imputations de charges indirectes, avaient
fessionnelle des hommes. Les modèles qu’elle
mobilise se fondent sur les représentations des 6. Simon H. A., Kozmetsky G., Guetzkow H., Tyndall G.,
organisations contrôlées et, celles-ci ayant évolué, Centralization Vs Decentralization in Organizing the Controller’s
Department, New York, The Controllership Foundation, 1954.
les modèles et outils de contrôle ont eux aussi
7. Johnson H. T., Kaplan R. S., Relevance Lost : the Rise
évolué. Dans les années 1980, alors que le modèle and Fall of Management Accounting, Boston Massachusetts,
américain semblait en panne, deux outils ont été Harvard Business School Press, 1987.
proposés pour aider les entreprises américaines à 8. Jones C., Dugdale D., « The ABC bandwagon
faire face aux entreprises japonaises : l’Activity and the juggernaut of modernity », Accounting Organization
Based Costing (ABC) et le Target Costing. and Society, 2002, vol.27, p. 121-163.

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peu à peu vidé la technique de son sens. Les La visibilité de cette technique est relativement
études disponibles tendent à montrer qu’en faible: peu d’articles de recherche lui sont consa-
dépit des débats importants autour de ce thème crés10 et peu d’études rendent compte des pra-
l’adoption de la méthode ABC reste limitée en tiques des entreprises en la matière, peut-être
France. La voie de sortie proposée, l’Activity parce que le secret est maintenu autour de cette
Based Management, consistant à faire passer les technique qui explicite les savoir-faire distinctifs,
coûts au deuxième plan pour s’engager dans la les facteurs clés de succès. Peut-être aussi parce
gestion des activités, ne semble d’ailleurs pas non que le retour en force des approches financières
plus avoir eu le succès escompté. et leur déclinaison en indicateurs a contrarié
la généralisation d’une méthode fondée sur
Le Target Costing : le coût les indicateurs physiques, le long terme et les
comme outil de gestion de la valeur démarches transversales.

Le Target Costing (coût cible) a été inventé en Le contrôle de gestion :


1965 chez Toyota. Il se développa au début des entre mesures financière et opérationnelle
années 1970 au Japon mais ne se diffusa dans le de la performance
reste du monde qu’au cours des années 1990.
Y. Kato le définit comme une démarche « qui vise Le modèle traditionnel du contrôle de gestion
à réduire les coûts des produits sur l’en- aurait été inventé par A. P. Sloan et D. Brown
Une démarche semble de leur cycle de vie, tout en dans les années 1920 chez General Motors. Il s’ar-
qui vise à réduire satisfaisant aux exigences du consom- ticule notamment autour de la pyramide du ROI
les coûts des produits mateur en matière de qualité, de fiabi- (Return On Investment) qui permet de faire le
sur l’ensemble lité et autres, en examinant toutes les lien entre les exigences des actionnaires et la
de leur cycle de vie,
idées envisageables de réduction des performance des différentes activités de l’entre-
coûts au moment de la planification, du prise, des plans et des budgets (qui permettent
tout en satisfaisant
développement et du prototypage9 ». d’articuler le court terme et le long terme), des
aux exigences Techniquement, le coût cible résulte coûts standards et du contrôle budgétaire (qui
du consommateur du renversement de l’équation qui permettent de responsabiliser les différents
en matière de qualité faisait du résultat la conséquence de la acteurs dans l’organisation).
et de fiabilité confrontation du prix de vente (imposé Le modèle a été critiqué sur trois points. D’abord
par le marché) et du coût (subi par l’en- parce qu’il met l’accent exclusif sur des indicateurs
treprise). Le modèle du Target Costing souligne financiers qui, certes, permettent de faire le lien
en effet que si le prix de vente est dicté par le avec les attentes des actionnaires mais conduisent
marché, le profit est quant à lui imposé par les à privilégier le court terme, à négliger ce que la
choix stratégiques de l’entreprise, en termes de comptabilité ne mesure pas et à introduire une
gestion de portefeuille, et par ses actionnaires. Le concurrence interne pouvant être néfaste à l’orga-
coût apparaît alors comme une contrainte, une nisation dans son ensemble. Une réponse à ces
cible que l’entreprise doit atteindre pour satisfaire critiques fut proposée par R. S. Kaplan (encore lui!)
ses objectifs. La confrontation de ce coût objectif sous la forme d’un nouvel outil censé dépasser les
(ou « plafond ») et du coût estimé par l’entreprise limites de la mesure financière de la performance:
(dans les conditions actuelles de production) le Balanced Scorecard (BSC). Ensuite, la critique a
conduit celle-ci à déployer des techniques d’opti- porté sur la nécessité d’articuler les mesures de
misation visant à résorber l’écart entre les deux. performance avec les attentes des actionnaires.
Il s’agit tout à la fois de mettre en œuvre une Des outils comme l’Economic Value Added
ingénierie de la valeur permettant de fixer un (EVA) sont présentés comme des réponses
coût cible dès la phase de conception du produit possibles à cette critique. Enfin, les partisans du
et de rechercher une amélioration continue et Better Budgeting et du Beyond Budgeting
programmée des coûts sur tout le cycle de vie du affirment que le budget serait devenu inadapté
produit (Kaizen Costing). Constatant, par ailleurs, dans un environnement mouvant et proposent de
que 80 % des coûts étaient déjà engagés au le faire évoluer, voire de le supprimer.
moment où commençait la phase de production
proprement dite, les promoteurs de la méthode BSC : utiliser des données non comptables
encouragent le contrôle de gestion à délaisser les pour piloter l’organisation
contrôles traditionnels ex-post pour se centrer sur
la question centrale des choix amont et sur celle Le BSC (ou tableau de bord prospectif) traduit
de la maîtrise des coûts futurs engagés. Plus que la mission et la stratégie de l’entreprise en un
la simple mise en œuvre d’une technique au stade
de la conception du produit nouveau, le Target
9. Kato Y., « Target Costing support systems : lessons
Costing peut donc être considéré comme une from leading japaneses companies », Management Accounting
pratique organisationnelle appliquée à Research, 1993, p. 33-47.
l’ensemble du cycle de vie du produit et visant à 10. Meyssonnier F., « Le Target Costing : un état de l’art »,
réduire les coûts dans leur globalité. Finance-Contrôle-Stratégie, 2001, vol. 4, n° 4, p. 113-138.

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ensemble d’indicateurs de performance qui EVA : le retour des actionnaires ?


constitue la base d’un système de pilotage de la
stratégie11. Ce système combine des indicateurs La méthode EVA (valeur économique ajoutée)
financiers et non financiers en nombre restreint est devenue la référence pour évaluer la valeur
qui doivent permettre aux managers de disposer créée par l’entreprise pour ses actionnaires. Elle a
d’indicateurs prospectifs et de faire le lien entre été présentée (et déposée comme une marque)
la stratégie et les opérations. Les indicateurs sont par la société de conseil Stern, Stewart and co14.
groupés autour de quatre perspectives : finan- L’EVA est égale au résultat opérationnel après
cière, client, interne et apprentissage. Un modèle impôt et retraitements diminué de la rémuné-
causal de performance doit être établi pour lier ration du capital utilisé. La méthode reprend
entre elles ces différentes perspectives : la réussite ainsi le principe du bénéfice résiduel, utilisé
sur l’axe financier dépend de la satisfaction des chez General Electric dès les années 1950, en y
clients qui dépend elle-même de l’efficience des intégrant les avancées de la théorie financière
processus internes et de la capacité d’appren- moderne pour évaluer la rémunération des
tissage. Cet outil a eu un retentissement assez capitaux investis. Celle-ci est définie comme la
faible en France par rapport aux autres pays12, moyenne pondérée du coût des différentes
vraisemblablement en raison de l’utilisation déjà catégories de financement (dette et capitaux
ancienne de tableaux de bord qui visaient égale- propres), et la rémunération attendue par les
ment à compléter les indicateurs financiers par actionnaires est calculée, quant à elle, en fonc-
des indicateurs non financiers. Quelques élé- tion du niveau de risque grâce au modèle d’éva-
ments font cependant la spécificité du BSC par luation des actifs financiers (Medaf).
rapport aux tableaux de bord. En premier lieu, le Cet indicateur doit permettre de mesurer à
BSC est décrit comme un outil de direction géné- tous les niveaux de l’entreprise la création de
rale visant davantage à évaluer la performance valeur et donc de mettre en cohérence les objec-
qu’à piloter l’organisation. Par ailleurs, il impose tifs des managers avec ceux des actionnaires.
la recherche de causalités entre des indicateurs
de natures différentes qui sont censés converger 11. Kaplan R. S., Norton D. P., The Balance Scorecard –
sur le long terme, ce qui suppose d’être en Translating Strategy into Action, Boston Massachusetts,
mesure d’identifier le modèle de performance de Harvard Business School Press, 1996.
l’entreprise. La mise en œuvre de cet outil encou- 12. Bourguignon A., Mallerret V., Norreklit H., « L’irréductible
rage donc la réflexion sur la stratégie et les fac- dimension culturelle des instruments de gestion :
l’exemple du tableau de bord et du Balanced Scorecard »,
teurs clés de succès de l’entreprise à chacun de Comptabilité-Contrôle-Audit, 2002, n° spécial, p. 7-32.
ses niveaux, mais, contrairement à ce qu’affir-
13. Bouquin H., « Du contrôle de gestion au pilotage »,
ment ses promoteurs parfois qualifiés d’«actif[s] L’Expansion Management Review, septembre 2000, p. 58-66.
enfonceur[s] de portes ouvertes 13 », elle ne 14. Albouy M., « La valeur est-elle autre chose qu’un discours
constitue en aucune façon une réponse simple à la mode ? », dossier de la Revue française de gestion,
aux problème de la convergence des buts. 1999, n° 122.

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L’évaluation de l’EVA cause cependant des diffi- LE CONTRÔLE DE GESTION,


cultés. Par exemple, les retraitements du résultat LANGAGE ET OUTIL
opérationnel peuvent conduire à des manipula- DE SOCIALISATION DES MANAGERS ?
tions, et le calcul de la rémunération attendue
par les actionnaires suppose que l’entreprise soit En présentant dans un premier temps les
cotée en bourse ou qu’elle puisse être comparée réponses, sous forme d’outils, aux besoins d’ins-
(en terme de risque) à une entreprise cotée. trumentation des organisations, seule a été
Néanmoins, ce type d’outil répond incontesta- décrite la partie la plus visible, la plus immé-
blement à une attente. D’ailleurs, de nombreux diatement perceptible, du contrôle de gestion.
autres indicateurs de création de valeur se sont Pourtant, celui-ci ne peut être réduit à une
développés face à l’EVA. Les difficultés de mise somme de techniques et d’outils. Il est en effet
en œuvre communes à tous ces outils en limitent un processus dont la responsabilité incombe à
cependant la diffusion. l’ensemble de la ligne managériale qui doit
s’approprier ses outils – donc considérer qu’ils ont
Du Better Budgeting au Beyond Budgeting : du sens – et les utiliser. Irréductible à ses outils, le
la fin du budget? contrôle doit donc être perçu à la fois comme un
langage permettant d’unifier les comportements
Depuis l’étude d’Argyris au début des années et comme un processus de socialisation des
195015, le budget fait l’objet de critiques impor- managers.
tantes. On lui reproche principalement de faire
prévaloir le court terme sur le long terme, de rigi- Un langage unifiant les comportements
difier l’entreprise, de négliger la gestion de la
valeur, d’inciter au marchandage pour obtenir Trop souvent, le contrôle de gestion est perçu
des bonis, de provoquer de l’individualisme et du comme un outil de mesure énonciateur de faits
stress, d’être bureaucratique et de faire oublier la incontestables. Pourtant, le contrôle de gestion
concurrence. En France, cette critique s’est tra- est d’abord un langage, un système de signes qui
duite par une enquête de la DFCG (Association constitue une courroie de transmission des
des directeurs financiers et des contrôleurs de informations qu’il produit et reçoit : « il n’est pas
gestion) qui se demandait au début des années de contrôle de gestion, de pilotage d’une organi-
1990 : « Faut-il tuer le budget? » sation sans un système d’information au service
Deux remèdes ont été proposés à la fin des des “décideurs”, sans un langage permettant à
années 1990, celui des partisans d’une améliora- ces derniers de communiquer avec l’ensemble de
tion du budget grâce à l’Activity Based Budge- la hiérarchie19 ».
ting (ABB) et celui des adeptes de sa suppression
dans le cadre du Beyond Budgeting (BB). Un langage qui permet une certaine cohérence…
Reprenant le modèle de coût développé dans
le cadre de l’ABC, la proposition centrale du cou- Si les messages que le contrôle de gestion véhi-
rant ABB est de construire le budget en se réfé- cule peuvent changer au fur et à mesure des
rant à un modèle d’organisation qui repose sur mutations des organisations – ou en fonction de
les activités. Cette approche prône de faire pré- l’organisation dans laquelle le système de
céder l’élaboration du budget d’une phase contrôle prend place –, le caractère de langage
opérationnelle16 au cours de laquelle un plan est de ces systèmes est l’un de leurs traits les plus
construit grâce à une modélisation de l’organisa- permanents : le contrôle a toujours été un
tion au travers de ses activités (boucle opération- langage, il le restera. Or, les sociologues ont bien
nelle). La boucle financière permet ensuite de montré qu’une langue porte en elle une vision
déduire un plan financier du plan opérationnel. du monde et qu’elle contribue ainsi à unifier les
L’approche BB reprend largement les proposi- comportements. C’est le langage qui permet, en
tions de l’ABB, mais elle va plus loin en affirmant effet – au travers d’un vocabulaire commun, d’une
qu’il faut supprimer le budget. Son objectif pre-
mier est d’éviter le piège de la perfor- 15. Argyris C., « Human problems with budgets »,
Il est d’autant mance annuelle17. Harvard Business Review, 1953, vol. 31, n° 1, p. 97-110.
plus important L’écho de ces propositions dans les 16. Hansen S. C., Otley D., Van der Stede W. A., « Practice
mais d’autant pratiques d’entreprises est resté faible. developments in budgeting : an overview and research
plus difficile En effet, ne pas prendre le budget perspective », Journal of Management Accounting Research,
2003, vol. 15, p. 95-116.
de faire comme référence immuable dans un
17. Hope J., Fraser R., « Who needs budget ? »,
des prévisions que environnement mouvant c’est oublier Harvard Business Review, février 2003, p. 108-115.
l’environnement le rôle de réduction de l’ambiguïté que 18. Gignon-Marconnet I., « Les rôles actuels de la gestion
est mouvant peut jouer un budget fixe dans un
budgétaire en France : une confrontation des perceptions
environnement où tout bouge18. On des professionnels avec la littérature »,
retrouve ici un paradoxe classique: il est d’autant Comptabilité-Contrôle-Audit, 2003, vol. 9, n° 1, p. 53-78.
plus important mais d’autant plus difficile de faire 19. Burlaud A., Simon C., Comptabilité de gestion, Paris,
des prévisions que l’environnement est mouvant. Vuibert, 2003.

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syntaxe particulière, de sigles identiques –, de gagnants au grand jeu de la comparaison des


construire l’identité d’une organisation et de coor- avantages et des coûts, car les avantages doivent
donner les actions de ses différents membres en être exprimés en unités monétaires. L’analyse des
forgeant des attitudes homogènes. Une langue coûts et le contrôle de gestion sont pour ces
porte en elle « une vision du monde qu’adoptent autres “valeurs” un terrain d’affrontement bien
nécessairement ceux qui la parlent20 ». mal choisi mais c’est le seul qui ait acquis une
Le contrôle de gestion traduit une représenta- légitimité suffisante aux yeux du plus grand
tion de l’entreprise à un instant donné mais nombre. Les techniques de gestion ont su acqué-
derrière les choix techniques de représentation se rir une apparence d’unité, de simplicité, de
cachent des dimensions idéologiques, des préfé- logique et d’universalité qui fait leur
rences qui disent quelque chose de la manière force21 ». Autrement dit, par son lan- Le contrôle
dont les concepteurs des systèmes de contrôle gage, le contrôle de gestion impose de gestion
perçoivent l’organisation et ses buts. Et ces choix une façon de voir l’organisation qui impose
vont produire des effets sur les comportements profite aux comptables, aux contrô- une façon de voir
des acteurs. Par exemple, le contrôle de gestion, leurs et aux financiers et leur permet
l’organisation
en formalisant les liens entre le niveau straté- d’arriver au sommets des organisations
gique et le niveau opérationnel, fournit aux en leur donnant l’illusion que tout qui profite
managers intermédiaires une lecture des buts de peut être géré par les chiffres. Cette aux comptables,
l’organisation et une interprétation de leur rôle prise de pouvoir peut avoir des résul- aux contrôleurs
dans la structure. Il précise les voies qui devront tats positifs, c’est l’exemple classique et aux financiers
être empruntées pour atteindre les objectifs d’Harold Geneen qui permit à ITT de
organisationnels et unifie les préoccupations et croître pendant vingt ans de manière extraordi-
les comportements. Il assure ainsi une certaine naire, grâce à un strict management par les
cohérence à l’organisation. chiffres. Elle peut aussi conduire les entreprises à
De même, la mise en œuvre d’un système de la catastrophe en donnant à leurs dirigeants une
contrôle de gestion revient souvent à adopter illusion de contrôle ou en leur faisant négliger
une forme de langage de la rareté, qui doit des aspects plus qualitatifs du pilotage.
contribuer à la prise de conscience des con-
traintes majeures qui s’imposent à l’organisation, Un processus de socialisation des managers
du caractère limité des ressources qui sont iden-
tifiées, dénombrées, mises en valeur. La prise de Le contrôle de gestion propose des normes de
conscience de la rareté conduit à des compor- résultat au travers desquelles il cherche à induire
tements qui intériorisent cette contrainte et des normes de comportement. Au cœur de ce
composent avec elle. processus s’inscrit la notion de responsabilité22 : le
contrôle de gestion doit permettre de délimiter
… mais conduit à oublier les responsabilités, de les rendre visibles et de
certains éléments du réel sanctionner ou récompenser les responsables en
s’appuyant essentiellement sur des données
Le système de contrôle de gestion, parce qu’il comptables. En fait, le contrôle de gestion est un
repose sur une modélisation de l’entreprise, processus paradoxal, puisqu’« il s’inspire, sans
impose de réduire la complexité et donc la oser le dire, de la cybernétique, tout en sachant
richesse de l’organisation en privilégiant certains que la situation managériale doit s’en écarter23 ».
aspects du réel au détriment d’autres. Il tente, en effet, d’appliquer un modèle cyberné-
Le contrôle de gestion privilégie ainsi ce qui tique de type « thermostat » – dans lequel la
peut être quantifiable et induit souvent, de ce régulation passe par une rétroaction en fonction
fait, des effets pervers. Lorsque la mesure de la des écarts aux objectifs initiaux – à des situations
performance, par exemple, est réduite aux managériales dans lesquelles, bien souvent, les
résultats financiers, cela conduit les acteurs à conditions du contrôle cybernétique ne sont pas
infléchir leurs comportements pour privilégier les réunies (objectifs ambigus, impossibilité de
actions produisant un effet positif sur les mesurer les résultats, manque de modèle prédic-
résultats financiers, fut-ce en jouant leur propre tif complet, effets des actions correctives difficiles
jeu au détriment de l’intérêt de l’entreprise. à déterminer, performance finale difficile à
Par ailleurs, le langage monétaire du contrôle
de gestion peut contribuer à infléchir les modes
d’organisation en place. En conférant aux managers
20. Rocher G., Introduction à la sociologie générale :
et aux financiers des pouvoirs accrus, le contrôle l’action sociale, Paris, éditions HMH, 1970, coll. « Points », p. 92.
de gestion tend à généraliser son système de 21. Burlaud et Simon, op. cit., p. 6-7.
référence à l’ensemble des décideurs et ainsi à
22. Moriceau J.-L., Villette M., « EVA, le contrôle et… le fil
faire évoluer les rapports de force entre les qui hante », L’Expansion Management Review, septembre 2001,
groupes: «les soucis d’esthétique des artistes, de p. 96-103.
perfection technique des ingénieurs, d’“intérêt 23. Bouquin H., Les Fondements du contrôle de gestion, Paris,
général” des fonctionnaires […] ne peuvent sortir Presses universitaires de France, 2005, « Que-sais-je ? », p. 119.

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18 I DOSSIER I

I AUDIT ET CONTRÔLE I • ÉVOLUTIONS ET PERMANENCE DU CONTRÔLE DE GESTION I

évaluer ou à relier à une responsabilité…). L’ob- PAS DE RÉPONSES UNIVERSELLES


servation des pratiques montre que, trop stricte-
ment appliqué, le contrôle de gestion de type Les outils du contrôle de gestion ont, en appa-
cybernétique, conduit à des comporte- rence, évolué fortement au cours de ces vingt
les responsables ments irresponsables, à la survalorisa- dernières années, mais les problèmes auxquels ils
savent manipuler tion du court terme et à l’oubli des doivent permettre de faire face restent les
les outils besoins de coordination et de l’intérêt mêmes. Que faut-il rendre visible ? Comment
du contrôle pour de l’entreprise au profit des intérêts concilier contrôle et motivation ? Comment
dégager locaux. Passée la période d’apprentis- accorder contrainte et autonomie ? Comment
un résultat sage, les responsables savent, en effet, favoriser routine et innovation ? Les probléma-
flatteur manipuler les outils du contrôle pour tiques du contrôle de gestion se répètent et
à court terme dégager un résultat flatteur à court l’évolution des techniques, des concepts ou des
terme même s’ils doivent, pour cela, supports (notamment informatiques avec le
sacrifier les investissements qui feront les profits développement des ERP) ne permet, pas plus
à long terme. aujourd’hui qu’hier, de donner de réponses
Les recherches récentes suggèrent que les universelles. En la matière, ceux qui réussissent
grandes organisations sont aujourd’hui dotées de sont toujours en train de se poser des questions
systèmes formels de contrôle de gestion plus ou là où les autres pensent avoir les réponses. Le
moins équivalents. Ce qui les différencie c’est contrôle de gestion est ainsi un « édifice para-
la manière dont ces systèmes de contrôle sont doxal qui doit sa performance à une instabilité
utilisés. R. Simons24 propose ainsi de distinguer les soigneusement gérée25 » et dont la partie visible,
systèmes de contrôle utilisés de manière diagnos- les outils, ne saurait faire oublier la dimension
tique des systèmes de contrôle utilisés de informelle. ●
manière interactive. Les systèmes de contrôle dia-
gnostic sont « les systèmes d’information que les
managers utilisent pour surveiller les résultats de
l’organisation et corriger les déviations par rap-
port aux standards prédéfinis de performance » :
ils s’inscrivent ainsi dans la logique cybernétique
et coercitive classique du contrôle de gestion. Les
systèmes de contrôle interactif sont « les systèmes
d’information que les managers utilisent pour
s’impliquer régulièrement et personnellement POUR EN SAVOIR PLUS
dans les décisions de leurs subordonnés » : ils doi-
vent favoriser la discussion et l’apprentissage. Bouquin H. (dir.), Les Grands Auteurs en contrôle
Tous les outils de contrôle peuvent être employés de gestion, Colombelles, éditions EMS, 2005,
de manière diagnostique ou interactive, et les coll. « Grands auteurs », 599 pages.
entreprises performantes sont celles qui arrivent Bouquin H., Les Fondements du contrôle de
à articuler, en fonction de leur stratégie et des gestion, Paris, Presses universitaires de France,
contraintes de leur environnement, les contrôles 2005, coll. « Que-sais-je ? », 136 pages.
diagnostic et interactif afin de compenser les Burlaud A., Simon C.-J., Comptabilité de gestion,
effets pervers des uns et des autres. La clé serait Paris, Vuibert, 2003, 412 pages.
ici. Au-delà de la responsabilisation de chacun Burlaud A., Simon C.-J., Le Contrôle de gestion,
dans une logique coercitive et disciplinaire, le Paris, La Découverte, coll. « Repères », 2006,
contrôle de gestion ne conduirait à la perfor- 121 pages.
mance que s’il est aussi vu comme un outil de Burlaud A. et alii., Contrôle de gestion, Paris,
socialisation des managers permettant de sensibi- Vuibert, 2004, 361 pages.
liser ces derniers aux exigences économiques et Colasse B. (dir.), Encyclopédie de comptabilité,
aux choix stratégiques de la direction. On voit contrôle de gestion et audit, Paris, Economica,
bien que le contrôle s’éloigne alors d’une vision 2000, 1317 pages.
mécaniste de l’organisation. La prise en compte
des jeux d’acteurs, des systèmes de contrôle
formels (hiérarchiques et administratifs par
exemple) et informels (le clan, la culture, la socia- 24. Simons R.,1995, op. cit.
lisation…) doivent guider sa mise en œuvre. 25. Bouquin H., 2005, op. cit. p. 5.

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